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---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
4c2f9780-8116-4878-8bff-38632b3471fc | En fait :
A.
Par jugement du 18 juillet 2014, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a constaté que J._ s’est rendu coupable d’abus de confiance, tentative d’abus de confiance, escroquerie, mise en circulation de fausse monnaie, importation, acquisition et prise en dépôt de fausse monnaie, faux dans les titres, dénonciation calomnieuse, corruption active (I), l’a condamné à une peine privative de liberté ferme de 30 mois, sous déduction de 82 jours de détention avant jugement (II), a dit que J._ est débiteur de [...] et lui doit immédiat paiement de la somme de 9'416 fr. 20, avec intérêts à 5 % l’an dès le 31 mai 2008 (III), a renvoyé [...] à agir devant le juge civil (IV), a ordonné la confiscation et le maintien au dossier à titre de pièces à conviction des objets séquestrés sous fiche n° 44668 (V), a mis les frais de justice, par 9'634 fr. 85, à la charge de J._ (VI), a arrêté à 2'008 fr. 80 l’indemnité allouée à Me Claude-Alain Boillat, défenseur d’office de J._ (VII) et a dit que, lorsque sa situation financière le permettra, J._ sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité allouée sous chiffre VII ci-dessus (VIII).
B.
J._ a annoncé faire appel de ce jugement le 25 juillet 2014. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 15 septembre 2014. Il a conclu, avec suite de frais et dépens d’appel, principalement à la modification du jugement en ce sens que le prévenu est libéré des fins de l’action pénale, que les conclusions civiles de [...] sont rejetées, que le séquestre est levé, que les frais de première instance sont laissés à la charge de l’Etat et qu’une indemnité au sens de l’art. 429 al. 1 CPP lui est allouée à hauteur de 17'900 francs. Subsidiairement, il a conclu à ce qu’il est reconnu coupable de la seule infraction de faux dans les titres et condamné à une peine privative de liberté de 82 jours, sous déduction d’autant de jours de détention avant jugement, avec sursis pendant cinq ans, à la levée du séquestre et à ce que les frais de justice sont mis à sa charge à hauteur de 1'204 fr. 30 seulement, le solde étant laissé à celle de l’Etat.
L’appelant, à l’audience d’appel, a produit un bordereau de pièces complémentaires. Le Ministère public a conclu au rejet de l’appel, aux frais de son auteur.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Né en 1972, le prévenu, fils unique, a été élevé par ses parents à Renens, où il a suivi l’école primaire. Il a entamé un apprentissage de mécanicien sur automobiles, sans toutefois décrocher le CFC, en raison de plusieurs blessures physiques. Par la suite, il a travaillé comme mécanicien indépendant dans le garage de son père et a exploité des salons de massage. En 2010, il a créé sa propre société " [...]", à Lausanne, qu’il exploite dans les locaux de son père.
Marié, le prévenu est père d’un fils né en 2004. Actuellement, il bénéficie des indemnités journalières de la SUVA à concurrence de 272 fr. 95 par jour, bonifications de 1% en sus. Son loyer mensuel s’élève à 1'300 francs. Ses primes d’assurance-maladie se montent à 435 fr. pour lui, à 410 fr. 65 pour son épouse et à 93 fr. 25 pour son fils.
En outre, le prévenu a des dettes à concurrence de 42'950 fr. à l’égard du Service juridique et législatif, de 27'713 fr. 50 à l’égard de l’Administration cantonale des impôts et de 18'785 fr. 45 au 30 avril 2014 à l’égard de l‘Office d’impôt du district du Jura-Nord vaudois.
Son casier judiciaire comporte les inscriptions suivantes :
- une peine d’emprisonnement de 14 mois, avec sursis à l’exécution de la peine et délai d’épreuve de trois ans, et une amende de 200 fr., prononcées le 23 octobre 2006 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal pour usure et faciliter le séjour illégal;
- une peine pécuniaire de 20 jours-amende, à 100 fr. le jour-amende, avec sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de quatre ans et amende de 1'200 fr., peine complémentaire au jugement du 23 octobre 2006 précité, prononcée la 25 mai 2007 par le Tribunal de police de Lausanne pour violation grave des règles de la circulation routière et conducteurs se trouvant dans l’incapacité de conduire (véhicule automobile et taux alcoolémie qualifié);
- une peine pécuniaire de 180 jours-amende, à 50 fr. le jour-amende, avec sursis, prononcée le 5 avril 2011 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne pour délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants.
Pour les besoins de la présente cause, le prévenu a été détenu avant jugement durant 82 jours.
1.2
Le prévenu a été l'administrateur unique de la société [...] du 17 mars 2003 au 25 février 2008, date à laquelle H._ a repris la société. Le nouvel administrateur a transféré le siège social au domicile de sa sœur, à Lausanne. Cette société n'a jamais exercé d’activité.
Le prévenu a été l'administrateur de la société [...] du 17 juin 2005 au 11 août 2008, date à laquelle H._ a repris celle-ci. La société n'a jamais exercé d'activité.
H._ a repris ces deux sociétés sur propositions du prévenu qui lui a expliqué que ces entités bénéficiaient de véhicules en crédit-bail qu'il ne pouvait pas vendre lui-même, puisqu'il était déjà connu de la justice. H._ a adhéré au projet. Ainsi, régulièrement, le prévenu a aidé H._ à vendre des véhicules et utiliser ces sociétés comme paravents afin d'ouvrir des comptes auprès de diverses entreprises pour bénéficier de matériel à crédit dans le dessein de revendre les biens ainsi acquis, sans s'acquitter des factures. Il a falsifié les documents nécessaires et H._ les a signés. Le prévenu a conservé l'argent obtenu par la vente des véhicules ou des marchandises non payées. Au total, le prévenu a obtenu entre 70'000 et 80'000 francs. Son comparse devait recevoir la moitié de ce montant, mais n'a reçu que 5'000 à 6'000 francs.
Sur conseils du prévenu, H._ a aussi repris la société [...], le 5 décembre 2008, toujours dans le but de revendre le véhicule dont la société disposait grâce à un crédit-bail.
1.3.1 A Vevey, les 5 et 6 mars 2008, avec la participation du prévenu et agissant au nom d’ [...],H._ a vendu à un nommé [...], pour 48'000 fr., deux minibus de marque Opel Movano 25TD, châssis n
os
VN1N9DUL633836060 et VN1N9DUL633836044, obtenus en crédit-bail par la société et appartenant à [...]. A cet effet, il a fait révoquer le code "178" au moyen de faux documents fournis par le prévenu.
La lésée a déposé plainte le 4 juillet 2008.
1.3.2 A Romanel-sur-Lausanne, Ecublens et Lausanne, entre le 10 mars 2008 et le 12 mars 2008, avec la participation du prévenu, H._ s'est rendu dans plusieurs magasins [...] où il a conclu divers contrats de location au nom d’ [...] portant sur une cave à vin Novamatic, un kit d'enceintes Bose Acoustimass 10, un téléviseur LCD Sony, un téléviseur Philips, un Notebook Pavillon DV et un fer à repasser Laurastar, d'une valeur totale de 13'795 francs. Afin d'attester de l'inexistence de poursuites, il a fait usage de la copie falsifiée par le prévenu d'une attestation de l'office. Il a payé les frais et les premières mensualités avec l'argent que lui avait fourni le prévenu. Aucune autre mensualité n'a été acquittée.
H._ a revendu la cave à vin d'une valeur de 1'679 francs. Le téléviseur Sony et les enceintes Bose ont été retrouvées à son domicile et restituées à leur propriétaire. Il s'est séparé des autres appareils qui n'ont pas été retrouvés et qui ont été vendus par le prévenu.
Le lésé a déposé plainte le 23 mars 2009.
1.3.3 A Lausanne, le 12 mars 2008, avec la participation du prévenu, H._ a demandé l'ouverture d'un compte client disposant d'une limite de crédit de 50'000 fr. auprès de [...], pour le compte d’ [...]. L'entreprise exigeant un extrait de l'office des poursuites en son nom propre, il a envoyé un extrait falsifié par le prévenu attestant à tort qu'aucune poursuite n'était en cours contre lui.
Entre le 18 avril et le 12 juin 2008, H._ a passé cinq commandes de matériel à hauteur de 9'416 fr. 20. Le matériel a été livré. H._ en a conservé une partie et le prévenu a vendu le reste. Aucune facture n'a été payée.
La lésée a déposé plainte le 23 janvier 2009.
L'Office des poursuites de l'arrondissement de Lausanne-Ouest a déposé une dénonciation le 24 septembre 2008.
1.3.4 A Lausanne, le 22 avril 2008, avec la participation du prévenu, H._ a demandé l'ouverture d'un compte client auprès d' [...], au nom d’ [...], en présentant un extrait du registre du commerce et un extrait de l'office des poursuites falsifié par le prévenu. Ce dernier a trouvé des clients et H._ a effectué plusieurs commandes de matériel à hauteur de 18'548 fr. 70, qui lui ont été livrées. Le 13 mai 2008, H._ a commandé du matériel électroménager pour une valeur de 28'000 fr. et a versé les deux acomptes requis de 3'000 fr. et 4'000 fr. réclamés au vu de l'importance du montant de la commande. Le matériel lui a été livré. Le prévenu et son comparse ont emporté le matériel dans une camionnette, le prévenu se chargeant ensuite de le vendre. Il a remis 2'500 fr. à H._ le lendemain. Aucune facture n'a été payée.
La lésée a déposé plainte le 17 juillet 2008.
L'Office des poursuites de l'arrondissement de Lausanne-Ouest a déposé une dénonciation le 4 août 2008.
1.3.5 A Hauterive, en juin ou juillet 2008, avec la participation du prévenu et agissant pour le compte de la société [...],H._ a cherché en vain à vendre auprès du garage [...] une automobile Ferrari F430 noire, immatriculée [...], appartenant à [...], pour la somme de 185'000 francs. Cette voiture avait été obtenue auprès du garage [...], à Sion, sur la base d'une comptabilité créée de toutes pièces par le prévenu pour rendre crédible la situation financière d' [...]; à cette occasion, le prévenu a aussi versé un acompte de 60'000 francs.
La lésée n’a pas déposé plainte.
1.3.6 Début juillet 2008, le prévenu a vendu en Hongrie, pour un montant indéterminé, la voiture Audi Q7 TFDI noire, immatriculée [...], obtenue en crédit-bail par la société [...] et appartenant à la société [...]. Puis, il a déposé une fausse plainte pénale contre un nommé [...], l'accusant de s'être approprié le véhicule et de l'avoir vendu. Le véhicule a été retrouvé le 23 juin 2009 à Madrid; aucune information supplémentaire n'a pu être recueillie auprès des autorités espagnoles.
La lésée a déposé plainte le 16 septembre 2008.
1.3.7 A Lausanne, le 29 juillet 2008, avec la participation du prévenu et agissant au nom d’ [...],H._ a vendu pour 20'500 fr. au garage [...] la voiture Audi A3 TDI bleue, immatriculée [...], obtenue en crédit-bail par la société et appartenant à [...]. Afin de pouvoir la vendre, il a fait radier le code "178" apposé sur le permis de circulation en utilisant des faux documents fournis par le prévenu. Il a remis au prévenu l'argent obtenu.
La lésée a déposé plainte le 16 septembre 2008.
1.3.8 A Lausanne, le 12 août 2008, avec la participation du prévenu et agissant au nom de la société [...],H._ a vendu pour 15'500 fr. au garage de [...] la voiture Audi A3 TDI grise immatriculée [...], obtenue en crédit-bail par la société et appartenant à [...]. Afin de pouvoir la vendre, il a fait radier le code "178" apposé sur le permis de circulation en utilisant des faux documents fournis par le prévenu. Il a remis au prévenu l'argent obtenu.
La lésée a déposé plainte le 16 septembre 2008.
1.3.9 A Lausanne, le 14 novembre 2008, le prévenu a remis une fausse coupure de 100 euros à une nommée [...], déférée séparément, qu'elle a utilisée pour acheter des produits dans un commerce.
Dans la même ville, le lendemain, le prévenu a remis huit fausses coupures de 100 euros à la même personne. Cette dernière a changé deux coupures dans un office postal, avant de tenter d'agir de même pour quatre coupures au guichet " [...]" de la gare de Lausanne. Elle a été interpellée à cet endroit et deux autres coupures ont été retrouvées en sa possession. Elle devait remettre au prévenu la moitié de la contre-valeur des 900 euros, soit 700 francs.
1.3.10 A Lausanne, dans le courant du mois d'octobre 2008, H._ a remis deux photographies de format passeport au prévenu afin que ce dernier lui procure un faux passeport brésilien.
A Lausanne, le 15 novembre 2008, le prévenu a demandé à [...], qui travaillait au Bureau des passeports, d'établir ledit document en échange de la remise d'une somme de 1'500 francs. Cette dernière a accepté, mais a été interpellée avant d'avoir confectionné le document; elle était en possession de la photo de H._, ainsi que des indications quant à sa taille et à sa date de naissance, notamment.
1.3.11 A Genève, en décembre 2008, avec la participation du prévenu, H._ a vendu à un particulier, pour 15'000 fr., la Porsche Cayenne noire immatriculée [...] obtenue en crédit-bail par la société [...], qu'il venait de reprendre en qualité d'administrateur, et appartenant à la société [...]. Il a remis 10'000 fr. au prévenu.
La lésée a déposé plainte le 6 mai 2009.
1.4
Par jugement du 13 novembre 2012 (P. 57, classeur bleu), le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a condamné pour les mêmes faits H._, pour abus de confiance, tentative d’abus de confiance, escroquerie et faux dans les titres, à une peine privative de liberté de 24 mois, dont 17 mois avec sursis, le délai d’épreuve étant de cinq ans, peine complémentaire à une peine privative de liberté de six mois prononcée le 2 mars 2009 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de La Côte (ch. I et II).
1.5
A l’audience de première instance, le prévenu a contesté l’essentiel des faits incriminés, admettant uniquement avoir établi une fausse comptabilité en vue de louer le véhicule Ferrari (cas 1.3.5), avoir remis 2'000 euros à [...] provenant d’une vente licite de montres (cas 1.3.9) et avoir remis une enveloppe contenant les photographies à la précitée (cas 1.3.10). Par ailleurs, le prévenu a expliqué que les sociétés [...] et [...] avaient une activité en lien avec son métier de mécanicien indépendant et l’exploitation de salons de massage, avant qu’il ne les vende à H._, selon lui pour le prix d’un franc symbolique. Il a par conséquent nié toute intention délictuelle par la vente de ces sociétés.
1.6 Le tribunal correctionnel a écarté les dénégations du prévenu. Il a retenu, s’agissant des sociétés [...] et [...], qu’aucun élément au dossier ne corroborait les activités économiques évoquées par le prévenu. Au demeurant, [...] avait pour but social l’achat, la vente et la diffusion d’appareils divers. Par ailleurs, toujours d’après les premiers juges, si ces sociétés avaient développé une activité économique, elles n’auraient jamais été vendues pour un franc symbolique chacune. Ce prix ne correspondait pas à leur valeur, même en l’absence d’activité économique, dans la mesure où ces sociétés étaient preneuses de crédit-bail de plusieurs véhicules. Un tel prix de vente ne pouvait dès lors, encore de l’avis des premiers juges, que cacher d’autres desseins. En réalité, le prévenu avait vendu ces sociétés dans le seul but de tromper le donneur de crédit-bail et de vendre ces véhicules avec le concours de son acolyte. Au demeurant, c’était bien ce que H._ avait confirmé. Ses déclarations étaient corroborées par le fait que ces deux sociétés étaient restées sans activité économique même après leur reprise par H._. Le tribunal correctionnel a ajouté que ce dernier n’était d’ailleurs pas en mesure d’exercer réellement une activité économique au vu de son niveau de formation et de son quotient intellectuel. | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable. Les pièces nouvelles produites par l’appelant sont en revanche irrecevables (art. 389 CPP, applicable par analogie à la procédure d’appel).
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
Faisant grief aux premiers juges d’une constatation incomplète ou erronée des faits et de la violation de la présomption d’innocence, soit du principe
in dubio pro reo
, l’appelant considère que le tribunal correctionnel a abusé de son pouvoir d’appréciation en lui imputant les actes incriminés, qu’il tient pour le fait exclusif de H._, hormis les actes qu’il a avoués. Selon lui, aucun élément du dossier, singulièrement les déclarations de son comparse, ne l’incriminerait.
3.2
L’art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation (al. 3).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s’agit de l’acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory,
in
: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP; Kistler Vianin, op. cit., nn. 19 ss ad art. 398 CPP, et les références jurisprudentielles citées).
Lorsque l'autorité a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a; cf. aussi, quant à la notion d’arbitraire, ATF 136 III 552 c. 4.2).
3.3
Les premiers juges ont relevé que le prévenu avait été clairement mis en cause par H._ et qu’on ne discernait pas pourquoi l’appelant aurait vendu ses sociétés pour un franc symbolique à ce comparse, alors qu’elles disposaient d’actifs en particulier sous la forme de véhicules, certes acquis en crédit-bail, mais dont les loyers étaient honorés. En outre, l’appelant se contredit, dès lors qu’il reconnaît par ailleurs des activités avec H._, s’agissant des locations de véhicules en particulier; ce faisant, il admet le fait retenu par les premiers juges, à savoir que les sociétés qu’il gérait, seul ou avec son comparse, disposaient d’éléments de patrimoine susceptibles d’être cédés à titre onéreux, sur une relativement large échelle, avec un bénéfice conséquent et de manière pérenne. Cela infirme le moyen déduit de l’aliénation pour un franc symbolique, qui aurait alors constitué un acte de pure prodigalité, guère crédible de la part de l’appelant. On peut ajouter que l’appelant a de lourds antécédents pénaux, ce qui constituait pour lui une raison objective de ne pas apparaître comme partenaire d’affaires.
Qui plus est, s’agissant des mises en cause de H._, ce dernier a admis, sans se défausser, l’incrimination pénale qui a abouti au prononcé, à son encontre, d’une peine privative de liberté de 24 mois. En effet, le jugement rendu contre lui le 13 novembre 2012 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne comporte ce qui suit : "(...) A décharge, le Tribunal retiendra que H._ a admis entièrement les faits et ce depuis le début de l’enquête. Il a collaboré. Ses explications ont été claires et constantes. Il a requis de manière volontaire sa mise sous tutelle, qu’il a obtenue. Il a entrepris des démarches pour commencer à rembourser certaines de ses victimes. Il a signé des reconnaissances de dette pour des montants importants (...)" (c. 5, p. 24). Ce constat posé au sujet de ce condamné est très éloigné de l’image que veut donner l’appelant de son comparse, à savoir celle d’un être fourbe qui n’aurait eu de cesse que de diluer sa propre responsabilité pour l’accuser sans vergogne. D’ailleurs, l’appelant n’entreprend pas de démontrer quoi que ce soit, mais se limite à procéder par affirmation. On peut donner acte à l’appelant que H._ n’a pas toujours dit la vérité, comme on le verra également ci-dessous. Mais l’important est de constater qu’il s’est rétracté à l’enquête sur l’une ou l’autre des accusations qu’il avait formulées. Ceci ne fait pas de lui un menteur pour l’ensemble de ses propos incriminant l’appelant.
L’appelant soutient qu’il est matériellement impossible qu’une employée du Bureau des passeports délivre des papiers d’identité d’un Etat étranger, à savoir le Brésil, en abusant de ses fonctions. Certes, le jugement ne mentionne pas par quelles voies ces documents d’identité auraient dû parvenir en main de la personne en question, par ailleurs déférée séparément. Cet aspect n’est toutefois pas déterminant pour l’incrimination de l’appelant dans la présente cause, qu’il ne permet pas d’exculper de quelque chef de prévention que ce soit.
Pour le reste, l’appelant tire argument du fait que H._ aurait déclaré être illettré, alors que les premiers juges ont retenu que le terme, utilisé dans l’expertise psychiatrique, devait être compris dans un sens médical, au regard du quotient intellectuel limité de ce prévenu. Il ne s’agit ainsi pas d’illettrisme fonctionnel total. Il doit être donné acte à l’appelant que les infractions ici en cause, relevant de la criminalité économique, présupposent au moins une maîtrise partielle de la langue écrite. Le plaideur fait cependant mine d’ignorer qu’il existe des degrés dans l’illettrisme, à distinguer du reste de l’analphabétisme.
Enfin, en plaidoirie d’appel, l’appelant a fait grand cas du rôle d’un nommé [...], lequel serait, selon lui, impliqué dans des malversations commises par H._. En particulier, ce dernier aurait, agissant par le biais d’une société [...] (recte : [...]) commandé un spa prétendument pour équiper la maison de [...], sise à Sottens. Or, ce spa, livré le 26 mars 2008 déjà, aurait disparu avant d’être payé (P. 126/2 et 4, produites à l’audience d’appel). Toutefois, [...] avait été entendu en 2009 déjà dans le cadre de la présente enquête. Il avait alors mentionné sa maison à Sottens, dans laquelle l’appelant et H._ se proposaient de vivre. Plus encore, celui-là s’était engagé à la louer pour un loyer mensuel de 1'500 fr. et de prendre en charge des travaux sur l’immeuble (PV aud. 22, du 29 mais 2009, spéc. R. 8, p. 3). L’appelant connaissait donc les faits prétendument nouveaux dont il se prévaut à présent. Du reste, une éventuelle infraction commise par H._ de concert avec [...] sans que l’appelant ne soit impliqué dans ce complexe de faits, étranger à la présente affaire, n’est pas de nature à exculper ce dernier de tout ou partie des actes ici en cause. Peu importe dès lors que H._ ait, le cas échéant, agi au nom d’ [...] à l’insu de l’appelant pour conclure une affaire illicite dans son dos. A noter à cet égard que les premiers juges ont expressément écarté l’hypothèse selon laquelle H._ n’aurait été que l’exécutant de l’appelant, et la cour de céans ne retient pas davantage que celui-là aurait été le subordonné de celui-ci.
3.4
En conclusion, l’analyse - nullement étayée - à laquelle se livre l’appelant pour conclure à son acquittement n’est pas convaincante. L’appréciation des premiers juges ne contrevient ainsi pas à la présomption d’innocence.
3.5
Pour le reste, l’appelant ne conteste pas les infractions retenues, à juste titre. On peut cependant relever, en particulier, que les éléments constitutifs de l’escroquerie sont réalisés, dès lors que le prévenu s’est enrichi au détriment de ses victimes par tromperie astucieuse, sachant qu’il a fait conclure des contrats en s’abritant derrière un édifice de mensonges et qu’il n’avait d’emblée aucune intention d’honorer les conventions passées (cas 1.3.1 à 1.3.8 et 1.3.11). En outre, modifier en le radiant le code "178" sur le permis de circulation (carte grise) des véhicules en crédit-bail (donc propriété de la société assurant le financement du crédit) dans le dessein de revendre les automobiles en question à l’insu des propriétaires réalise les éléments constitutifs du faux dans les titres (cas 1.3.1, 1.3.7 et 1.3.8).
4.
4.1
A titre subsidiaire, l’appelant critique la quotité de sa peine. Il limite toutefois ce moyen à une inégalité de traitement en comparant sa sanction à celle prononcée à l’encontre de H._. Il demande le prononcé de peines identiques (déclaration d’appel, ch. IV in fine, p. 16).
4.2
Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, le juge doit respecter, en particulier, le principe d'égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst.; cf., au regard de l'art. 63 aCP, ATF 120 IV 136 c. 3a p. 144 et les arrêts cités). S'il est appelé à juger les co-auteurs d'une même infraction ou deux co-accusés ayant participé ensemble au même complexe de faits délictueux, il est tenu de veiller à ce que la différence des peines infligées aux deux intéressés soit justifiée par une différence dans les circonstances personnelles en fonction desquelles, conformément à l'art. 47 CP, la peine doit être individualisée (cf. ATF 121 IV 202 c. 2b pp. 244 ss; TF 6S.199/2006 du 11 juillet 2006 c. 4 in fine; TF 6B_207/2007 du 6 septembre 2007 c. 4.2.2).
4.3
En l'espèce, H._ a été condamné à une peine privative de liberté de 24 mois, dont 17 mois avec sursis, le délai d’épreuve étant de cinq ans, complémentaire à une peine privative de liberté de six mois, alors que l’appelant l’a été à une peine privative de liberté principale de 30 mois (sous déduction de la détention avant jugement).
Les faits de la cause font apparaître divers éléments en faveur de H._. En effet, ce dernier a des antécédents moins lourds que l’appelant; sa responsabilité pénale est diminuée de manière légère à moyenne, à telle enseigne même qu’il a requis et obtenu sa mise sous tutelle, alors que celle de l’appelant est entière; il a admis les faits et regretté ses agissements, alors que l’appelant s’est enferré dans ses dénégations; il a commencé à dédommager certaines de ses victimes, alors que l’appelant n’a pas déboursé un centime en leur faveur, ni même reconnu sa responsabilité.
Sur ces bases, une différence de traitement se justifiait, la culpabilité de l’appelant apparaissant sensiblement plus lourde que celle de son comparse. La différence entre les deux peines ne fait ainsi pas apparaître une inégalité de traitement qui commanderait une peine plus légère en faveur de l’appelant.
5.
Pour le reste, c’est en vain que l’appelant demande la levée du séquestre et la restitution des objets séquestrés sous fiche n° 44668. Il s’agit de pièces à conviction (art. 263 al. 1 let. a CPP), qui doivent être confisquées. En effet, ces objets ont servi ou devaient servir à commettre une infraction, respectivement sont le produit d'une infraction, étant ajouté qu’ils compromettent l'ordre public (art. 69 al. 1 CP; art. 267 al. 3 CPP).
6.
L’appelant succombant sur l’ensemble de ses conclusions, les frais de la procédure d'appel seront entièrement mis à sa charge (art. 428 al. 1 CPP).
Outre l'émolument, les frais d’appel comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office du prévenu, pour les opérations liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFIP).
Au vu de la cause déférée en appel, l'indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu doit être fixée sur la base d'une durée d'activité de 12 heures et demie d’avocat breveté, à 180 fr. l'heure, plus une unité de débours à 120 fr. au titre des frais de vacation (pour l’audience d’appel) et 50 fr. d’autres débours, TVA en sus (art. 135 al. 1 CPP), soit à un total de 2'516 fr. 40.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat
le montant
de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4c327b42-7189-4130-aea2-c6618be6d71e | En fait :
A.
Par jugement du 26 juin 2014, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que B._ s’est rendu coupable de violation grave des règles de la circulation routière, opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire, conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduire et violation des devoirs en cas d’accident (I), l’a condamné à une peine pécuniaire d’ensemble avec celle prononcée le 12 (recte : 17) février 2012 par le Ministère public de Neuchâtel de 145 jours-amende (II), a fixé Ie montant du jour-amende à 100 fr. (III), a révoqué le sursis accordé le 17 février 2012 par le Ministère public de Neuchâtel et ordonné l’exécution de la peine pécuniaire d’ensemble de 145 jours-amende à 100 fr. le jour (IV) et a mis les frais de la cause, par 1'955 fr. 10, à la charge de B._ (V).
B.
Le Ministère public a annoncé faire appel de ce jugement le 4 juillet 2014. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 14 juillet 2014. Il a conclu à la modification du jugement en ce sens que le prévenu soit condamné à une courte peine privative de liberté de quatre mois et que le sursis octroyé le 17 février 2012 par le Ministère public du canton de Neuchâtel soit révoqué, l’exécution de la peine pécuniaire de 95 jours-amende à 100 fr. le jour-amende étant ordonnée, les frais étant pour le surplus mis à la charge du prévenu.
A l’audience d’appel, l’intimé a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu B._, né en 1978, est au bénéfice d’une formation de monteur électricien. Actuellement, il réalise un salaire mensuel net de 4'500 fr. après s’être orienté vers une autre branche. Célibataire, il vit en colocation avec une amie. Son loyer se monte à 1'000 fr. par mois. Son assurance-maladie lui coûte 230 fr. par mois. Il n’a pas de fortune, mais a des dettes relatives à l’achat de sa voiture, qu’il rembourse à raison de 475 fr. par mois.
1.2 Son casier judiciaire mentionne les condamnations suivantes :
-
une condamnation à 600 fr. d’amende, prononcée le 21 décembre 2004 par le Ministère public du canton de Neuchâtel pour violation grave des règles de la circulation;
- une condamnation à une peine pécuniaire de 95 jours-amende à 100 fr. le jour-amende, avec délai d’épreuve de deux ans, et à 1’200 fr. d’amende, prononcée le 17 février 2012 par le Ministère public du canton de Neuchâtel pour violation grave des règles de la circulation routière, conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduire, opposition ou dérobade aux actes visant à déterminer l’incapacité de conduire et violation des devoirs en cas d’accident;
- une condamnation à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 105 fr. le jour-amende, prononcée le 11 octobre 2013 par le Ministère public du canton de Neuchâtel.
Cette dernière condamnation réprime un excès de vitesse perpétré le 28 juillet 2013, le prévenu ayant circulé à 163 km/h sur un tronçon d’autoroute où la vitesse était limitée à 120 km/heure.
En outre, le prévenu a, du 20 février 2003 au 24 octobre 2013, fait l’objet de quatre mesures de retrait de permis, la dernière en relation avec la présente affaire, ainsi que d’un avertissement pour un excès de vitesse prononcé en 2005.
1.3 Le 7 septembre 2013, vers 0 h 15, le prévenu a perdu la maîtrise de son véhicule alors qu’il circulait sur la route secondaire Grandson-Nouvelle Censière, sur le territoire de la commune de Fiez. Sa voiture a dévalé un talus sur une vingtaine de mètres, heurtant une balise en bois et une clôture métallique. Sa vitesse était alors inadaptée aux conditions de circulation, la chaussée étant mouillée. Après son embardée, le conducteur a quitté les lieux pour rentrer chez lui en étant reconduit par un tiers. Il a omis d’aviser le lésé et la police, se soustrayant ainsi au contrôle de son état physique. Il a néanmoins été identifié au moyen du numéro d’immatriculation du véhicule. Son taux d’alcoolémie a été mesuré à 2,24 g ‰ à 2 h 36, puis à 2,33 g ‰ à 2 h 38 le jour même par les gendarmes dépêchés à son domicile vers 2 h 30 (P. 4).
Le prévenu a admis les faits. Il a expliqué qu’il avait passé la soirée chez des amis, buvant alors une bouteille de vin rouge, plusieurs verres d’alcool fort et quelques bières. Pour la première fois lors de son audition par le Procureur le 18 décembre 2013, il a prétendu que, lorsqu’il avait quitté les lieux, c’était une amie qui avait pris le volant, mais qu’elle avait abandonné le véhicule après une dispute pour rentrer à pied à son domicile, le laissant seul. Ce serait après un parcours de cinquante à cent mètres seulement qu’il aurait perdu la maîtrise de l’automobile. Il a ajouté que, s’il s’était opposé à la prise de sang à l’hôpital, c’était en raison d’une peur des aiguilles et d’un sentiment de honte (PV aud. 2 et jugement, pp. 2 s.).
1.4 Le tribunal de police a fixé la peine sans prendre en compte la condamnation prononcée le 11 octobre 2013 par le Ministère public du canton de Neuchâtel au titre des antécédents de l’auteur. Le premier juge a considéré qu’une courte peine privative de liberté de moins de six mois ne pouvait être prononcée, dès lors que le prévenu exerçait une activité professionnelle et était en mesure d’exécuter une peine pécuniaire. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
Le Ministère public requiert le prononcé d’une courte peine privative de liberté de quatre mois.
3.1.1
Il découle de l’art. 41 al. 1 CP, applicable en matière de circulation routière en vertu du renvoi de l’art. 102 al. 1 LCR, que le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés.
L'art. 41 al. 1 CP prévoit deux conditions cumulatives.
Il faut d'abord que les conditions du sursis à l'exécution de la peine ne soient pas réunies. Il en va ainsi, conformément à l'art. 42 CP, lorsqu'une peine ferme paraît nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Lorsque l'auteur a fait l'objet de condamnations durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, il faut en outre qu'il n'existe aucune circonstance particulièrement favorable au sursis (art. 42 al. 2 CP).
La seconde condition reflète la subsidiarité de la peine privative de liberté. Le juge ne peut prononcer une peine privative de liberté de moins de six mois que s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés (art. 41 al. 1 CP). Pour pouvoir émettre un pronostic, le juge doit fixer dans les grandes lignes la peine pécuniaire susceptible d'être prononcée. Le nombre de jours-amende et leur montant unitaire doivent être déterminés selon les critères prévus par l'art. 34 CP. C'est seulement sur la base de la peine pécuniaire ainsi déterminée que le juge pourra poser son pronostic (ATF 134 IV 60 c. 8.2; TF 6B_541/2007 du 13 mai 2008 c. 7.1). Dans son appréciation, le juge doit se pencher par avance sur les questions d'exécution et tenir compte des possibilités offertes par les art. 35 et 36 CP (ATF 134 IV 60 c. 8.3 p. 79; TF 6B_541/2007 du 13 mai 2008 c. 7.2).
3.1.2
Le juge doit motiver le choix de la courte peine privative de liberté ferme de manière circonstanciée (art. 41 al. 2 CP). Il ne lui suffit pas d'expliquer pourquoi une peine privative de liberté ferme semble adéquate, mais il devra également mentionner clairement en quoi les conditions du sursis ne sont pas réunies, en quoi il y a lieu d'admettre que la peine pécuniaire ne paraît pas exécutable et en quoi un travail d'intérêt général ne semble pas non plus exécutable (ATF 134 IV 60 c. 8.4 p. 80; CAPE du 4 juin 2012/115 c. 3.2.3).
3.2
Dans le cas particulier, les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42 CP, rapproché de l’art. 41 al. 1 CP) ne sont pas réunies. En effet, l’auteur a de lourds antécédents en matière de circulation routière. Il a fait l’objet de quatre mesures administratives de retrait de permis, y compris le retrait préventif prononcé à la suite des actes ici incriminés. Il est en état de récidive spéciale. Plus encore, l’infraction ici en cause a été commise durant l’enquête portant sur le grave excès de vitesse perpétré le 28 juillet 2013. Le taux d’alcoolémie mesuré est très important. Le comportement de l’intimé au moment de prendre le volant et après l’embardée témoigne d’un inquiétant mépris pour la sécurité et la propriété d’autrui. Son attitude à l’audience d’appel a été marquée par un quasi-déni, l’auteur minimisant sa problématique d’alcool en relation avec la conduite automobile. De surcroît, il a fait plaider une version des faits qui contredit celle qu’il avait donnée au stade initial de l’enquête. Il faut en déduire que les précédentes condamnations n’ont pas eu l’effet dissuasif escompté et qu’il n’existe aucune prise de conscience chez l’intimé. Partant, ses infractions routières récurrentes et le manque d’amendement qu’il manifeste actuellement encore font sérieusement craindre d'autres crimes ou délits routiers. Le pronostic est donc défavorable.
3.3
Le prononcé d’une peine pécuniaire ne satisfait pas à l’impératif de la prévention spéciale. L’intimé a des lourds antécédents. Ainsi, l’auteur a été condamné à une reprise à une peine pécuniaire avant les infractions ici en cause, pour des actes graves analogues à celles-ci. En outre, il a commis un grave excès de vitesse durant l’instruction de la présente affaire. Ce comportement témoigne de son ignorance, voire de son mépris des règles essentielles de la sécurité routière et de nouvelles infractions routières sont à redouter, l’intimé s’étant révélé insensible aux peines prononcées jusqu’à présent. Dans ces circonstances, on doit admettre qu’une peine pécuniaire ou de travail d'intérêt général ne satisferait pas à l'exigence de la prévention spéciale. Dès lors, seule une peine privative de liberté permet d’assurer la sécurité publique.
4.
4.1
Il reste à fixer la quotité de la peine privative de liberté.
Selon l'art. 47 CP, également applicable en matière de circulation routière en vertu du renvoi de l’art. 102 al. 1 LCR, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
4.2
Dans le cas particulier, il faut noter l’importance du taux d’alcoolémie, le concours d’infractions, les lourds antécédents, la récidive spéciale et l’attitude désinvolte de l’auteur à l’égard de la sécurité routière, ce qui témoigne d’un manque d’amendement. Il s’agit d’autant d’éléments à charge.
En première instance comme en appel, l’intimé, se prévalant de l’art. 18 CP, fait plaider l’état de nécessité excusable. Il soutient que cette circonstance est réalisée du seul fait que son amie avait abandonné le volant et quitté le véhicule après une altercation avec lui, le laissant seul. Les faits invoqués ne sont pas établis au vu du premier interrogatoire du prévenu, effectué par la police le 7 septembre 2013 dès 3 h 50 (PV 1). En effet, il n’avait alors nullement mentionné la présence d’un tiers dans l’habitacle. Ce n’est que lors de son audition par le Procureur, le 18 décembre 2013, qu’il a évoqué la présence de son amie au volant et la dispute qui l’aurait opposé à elle (PV 2, lignes 37-38). Or, il aurait pu la faire entendre pour qu’elle confirme les circonstances qu’il invoque à présent. En d’autres termes, la version présentée en appel par l’intimé n’est pas crédible au vu en particulier de ses premières déclarations. En plus, rien ne l’empêchait de regagner son domicile après avoir parqué le véhicule au bord de la route – comme il l’a du reste fait sans difficulté notable en se faisant conduire par un tiers après l’embardée –, étant précisé qu’il ne fait pas froid au début septembre au pied du Jura. Ce qui précède exclut tout état de nécessité, indépendamment même des circonstances invoquées. Il n’y a dès lors pas d’actio modera in causa. Au titre de facteur commandant une réduction de peine, on doit cependant retenir une légère diminution du discernement, dès lors que l’alcoolémie était de plus de 2 ‰ (ATF 122 IV 49). Pour le reste, on ne discerne pas d’éléments à décharge, hormis la bonne intégration sociale de l’auteur. A cet égard, le fait que l’intimé ait, depuis les faits, cédé sa voiture à son frère ne saurait être considéré comme un indice d’amendement.
Tout bien pesé, c’est une peine privative de liberté de quatre mois qui doit être prononcée, cette peine étant additionnelle au sens de l’art. 49 al. 2 CP à celle prononcée le 11 octobre 2013 par le Ministère public du canton de Neuchâtel.
Il appartiendra à l’intimé de s’adresser à l’Office d’exécution des peines quant aux modalités de sa détention, afin de pallier autant que faire se peut le risque que l’exécution de sa peine lui fasse perdre son emploi. A noter à cet égard que, selon l’art. 79 al. 1 CP, les peines privatives de liberté de moins de six mois et les soldes de peine de moins de six mois après imputation de la détention subie avant le jugement sont en règle générale exécutés sous la forme de la semi-détention.
5.
5.1
L’appelant conclut aussi à la révocation du sursis octroyé le 17 février 2012 par le Ministère public du canton de Neuchâtel.
Lorsque le juge est appelé à connaître d'un crime ou d'un délit que l'auteur a commis après une précédente condamnation à une peine assortie du sursis, il est également compétent pour statuer sur la révocation de ce dernier (cf. art. 46 al. 3 CP). Il doit donc examiner si les conditions d'une révocation sont réunies, laquelle postule que le crime ou le délit dont il est appelé à connaître ait été commis pendant le délai d'épreuve du sursis antérieur et qu'il y ait dès lors lieu de prévoir que l'auteur commettra de nouvelles infractions (cf. art. 46 al. 1 CP). Cette dernière condition implique l'existence d'un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné (ATF 134 IV 140 c. 4.3 p. 143). Elle correspond donc à l'une des conditions de l'octroi du sursis, de sorte que, comme dans ce dernier cas, le pronostic à émettre doit reposer sur une appréciation d'ensemble de tous les éléments pertinents (arrêt précité c. 4.4 pp. 143-144 et les arrêts cités).
Dans l'appréciation des perspectives d'amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d'un sursis antérieur, le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l'octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible: si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (ATF 134 IV 140 précité c. 4.5 p. 144). Ainsi, un critère déterminant pour juger du risque de réitération et, partant, pour poser le pronostic prévu par la loi est celui de l'effet de choc et d'avertissement (
Warnungswirkung
) issu de la condamnation précédente, y compris en ce qui concerne l'aménagement ultérieur de la vie de l'intéressé; s'il est avéré, un tel effet constitue un facteur favorable – même s'il n'est pas déterminant à lui seul – dans l'examen du pronostic (cf. ATF 134 IV 140 c. 5.3).
5.2
En l'espèce, le fait déterminant est que, pour la première fois, ses infractions routières conduiront l’intimé derrière les barreaux. Cette hypothèse constitue un cas d’école de l'effet de choc et d'avertissement issu de la condamnation précédente au sens de la jurisprudence ci-dessus. L’auteur n’a pas d’antécédent étranger à la circulation routière. Dans ces conditions, il doit être admis que le risque de réitération sera considérablement réduit par l’exécution de la peine privative de liberté. Il n’y a donc pas matière à révocation du sursis. Pour le surplus, l’appelant ne demande pas la prolongation du délai d’épreuve au sens de l’art. 46 al. 2, 2
e
phrase, CP.
6.
En définitive, l’appel doit être partiellement admis et le jugement attaqué réformé dans la mesure ci-dessus.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de l’intimé par moitié, le solde étant laissé à la charge de l’Etat. En effet, l’intimé succombe partiellement dans la mesure où il a conclu au rejet de l’appel (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office.
Au vu de la faible complexité de la cause, il convient d'allouer au défenseur d’office de l’intimé une indemnité arrêtée sur la base d’une durée d’activité de quatre heures, au tarif horaire de 180 fr., plus une unité de vacation à 120 fr. et 58 fr. d’autres débours, établis à satisfaction, donc à hauteur de 969 fr. 85, TVA comprise.
L’intimé ne sera tenu de rembourser à l’Etat la moitié du montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4c47d02f-e15d-4332-b3ec-745c4315ca91 | E n f a i t :
A.
N._, né en [...], a obtenu le brevet d'avocat en 1991. Il est inscrit au Registre cantonal [...] des avocats et n'a fait l'objet d'aucune décision disciplinaire.
B.
A.M._, né en 1929, de nationalité allemande et autrichienne, s’est établi à [...] le [...] dans une villa dont feue son épouse était propriétaire et sur laquelle il disposait d’un usufruit. Le 24 octobre 2010, il a signé en faveur de son fils C.M._ une procuration générale, laquelle donnait à celui-ci pleins pouvoirs de gestion de ses biens et de sa fortune.
A.M._ a consulté Me N._ une première fois en 2010, puis le 3 mai 2013 afin de déterminer la substance de ses biens qui étaient gérés par ses fils. Selon Me N._, il s'agissait de vérifier si sa fortune et ses revenus étaient suffisants pour lui permettre de rester à domicile, à l'encontre de l'avis de ses fils qui préconisaient un placement en EMS. Une procuration a été signée à cette fin. Me N._ a requis un certificat médical de la Dresse P._, laquelle a attesté le 6 mai 2013 que A.M._ souffrait d’une affection médicale qui ne lui permettait pas d’assumer seul les tâches quotidiennes, qu’il avait besoin d’une tierce personne pour l’entretien de son domicile, les courses, les repas et l’entretien de son linge, qu’il avait également besoin d’une aide pour la tenue de ses comptes et pour ses tâches administratives, et que si sa gouvernante assumait toutes ces fonctions, il pouvait demeurer à son domicile sans danger pour lui-même et son entourage.
En vue d'ouvrir pour A.M._ action en partage de la succession de feue son épouse, Me N._ a requis un deuxième certificat médical du médecin généraliste de celui-ci. Le 23 octobre 2013, le Dr C._ a certifié que A.M._ était en bonne santé, qu’il présentait une perte progressive de sa mémoire, que sa capacité de raisonnement était encore acceptable, qu’il était capable de discernement dans la marche de ses affaires, que tout transfert dans un lieu inconnu entraînerait à coup sûr une péjoration de son état de santé physique et psychique, et qu’il ne recommandait pas son transfert en institution. Le 25 octobre suivant, A.M._ a signé une nouvelle procuration en faveur de Me N._ afin de le représenter dans le cadre d’une action en partage l'opposant à ses deux fils.
Par courrier du 5 novembre 2013, Me N._ a informé C.M._ et B.M._ avoir été consulté par leur père pour clarifier sa situation financière dans le cadre de la liquidation de la succession de feue leur mère et avoir déposé une action en partage. Il les a en outre priés de prendre note du fait que leur père s'opposait catégoriquement à tout projet de placement en maison de retraite en Allemagne.
Le 2 décembre 2013, A.M._ a quitté la Suisse pour se rendre en Allemagne en compagnie de ses fils. Sa gouvernante a été licenciée avec effet immédiat.
Par requête de mesures superprovisionnelles du 3 décembre 2013, Me N._ a demandé à la Justice de paix du district de Morges l'instauration d'une mesure de protection en faveur de A.M._ et la désignation d'un curateur. Il a fait valoir que l'intéressé avait un urgent besoin de protection à l’encontre de ses fils C.M._ et B.M._, qui l’avaient emmené en Allemagne sous le prétexte de passer les fêtes de Noël, mais dans le but réel de le placer en institution contre son gré, et qui avaient résilié le contrat de travail de sa gouvernante avec effet immédiat.
Le lendemain, Me N._ a reçu un courrier daté du 3 décembre 2013, par lequel A.M._ résiliait son mandat avec effet immédiat, précisait que le licenciement de sa gouvernante résultait de sa propre volonté et qu’il était parti à [...] avec ses fils de son plein gré.
A.M._ s'est annoncé dans la Commune de [...], en Allemagne, le 12 décembre 2013.
Il résulte d'une procuration signée le 20 décembre 2013 que C.M._ a mandaté l'avocat K._, à [...], pour le représenter dans le cadre de l'action en partage ouverte devant le Tribunal d'arrondissement de La Côte.
Selon une procuration identique signée le 23 décembre 2013, A.M._ aurait également mandaté Me K._ pour qu’il le représente dans le cadre de cette même procédure.
Par télécopie du 2 janvier 2014, dont une copie a été transmise à la justice de paix, Me K._ a informé Me N._ qu'il était le nouveau conseil de A.M._, qu'il le représentait dans toutes ses affaires judiciaires introduites en Suisse et que son client souhaitait que les deux actions ouvertes devant le Tribunal d'arrondissement de La Côte et devant la justice de paix soient retirées.
Le 21 janvier 2014, Me N._ a prié Me K._ d'inviter A.M._ à le contacter par téléphone pour lui confirmer ses instructions.
Par décision du 28 janvier 2014, la Justice de paix du district de Morges a institué une curatelle de représentation en faveur de A.M._ et désigné Me N._ en qualité de curateur, avec pour tâches de représenter A.M._ dans les rapports avec les tiers, en particulier dans la procédure en partage ouverte devant le Tribunal d’arrondissement de La Côte, en vue de la sauvegarde de ses intérêts patrimoniaux successoraux, de s’assurer, à cet effet, qu’aucune démarche contraire aux intérêts de l’intéressé, diligentée par d’autres cohéritiers, n’intervienne, et disposant du pouvoir, à cet effet, de bloquer toute vente d’immeuble auprès du Registre foncier qui n’aurait pas été validée par l’autorité de protection. La justice de paix a privé d'effet suspensif tout recours éventuel contre cette décision.
Le 7 février 2014, A.M._ a signé une procuration en faveur de ses fils devant notaire, par laquelle il leur donnait simultanément pouvoir de le représenter dans toutes les relations avec les tiers et de gérer l’ensemble de ses affaires. Il a également signé devant notaire un mandat pour cause d’inaptitude par lequel il donnait tout pouvoir à son fils C.M._ pour le représenter dans le cadre de la gestion de sa fortune et des affaires liées aux soins médicaux et à son lieu de résidence, le mandat s’appliquant également à tous les biens et affaires situés à l’étranger. Enfin, dans une déclaration légalisée du même jour, A.M._ a confirmé avoir définitivement quitté la Suisse pour élire domicile à [...] et avoir annoncé son arrivée dans cette ville.
Le 5 mars 2014, A.M._, représenté par Me Z._, a recouru contre la décision du 28 janvier 2014 et requis l'effet suspensif, tout en produisant une procuration légalisée le 7 février 2014 par un notaire à [...] donnant pouvoir à Me Z._ de le représenter dans le cadre de ce recours.
L'effet suspensif a été accordé au recours par décision du 10 mars 2014. Me N._ a sollicité la reconsidération de cette décision et le retrait de l’effet suspensif au recours. Par décision du 11 mars 2014, le juge délégué a déclaré la requête de reconsidération irrecevable, Me N._ ne disposant ni de la qualité de mandataire de A.M._, ni de la qualité de partie.
Par décision du 11 mars 2014, la justice de paix a institué, à la requête de Me N._, une curatelle de gestion en faveur de A.M._ et nommé Me N._ en qualité de curateur, avec pour tâches de veiller à la gestion des revenus et de la fortune du prénommé, d’administrer ses biens avec diligence, d’accomplir les actes juridiques liés à la gestion, en se légitimant notamment auprès des établissements bancaires, et de le représenter, si nécessaire, pour ses besoins ordinaires, et dit que la décision s’applique jusqu’à droit connu sur le sort du recours interjeté devant la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal.
Me Z._, pour A.M._, a recouru contre cette deuxième décision par acte du 17 mars 2014 et requis l'effet suspensif, lequel a été accordé par décision du 18 mars 2014.
Le même jour, Me N._ a demandé à pouvoir s'exprimer en sa qualité de conseil du recourant et en sa qualité de curateur. La Juge déléguée de la Chambre des curatelles lui a imparti un délai afin qu'il atteste de ses pouvoirs en produisant une procuration postérieure à la révocation de son mandat le 3 décembre 2013. Me N._ a fait valoir que certaines pièces au dossier seraient des faux et que A.M._ aurait été emmené par ses fils en Allemagne contre son gré. Me Z._ a pour sa part produit une nouvelle procuration légalisée en sa faveur relative à l’action en partage pendante devant le Tribunal d’arrondissement de La Côte. Par courrier du 24 mars 2014, la juge déléguée a attiré l’attention de Me N._ sur le fait qu’il n’avait pas été en mesure de justifier de ses pouvoirs et qu’il n’intervenait donc pas en qualité de représentant de A.M._.
Le 25 mars 2014, Me N._ a interjeté recours auprès du Tribunal fédéral contre la décision d'effet suspensif du 10 mars 2014. Le 2 juin 2014, il a produit une procuration délivrée en sa faveur le 27 mai 2014, par laquelle la justice de paix lui avait donné mandat, respectivement l’autorisation, d’agir et notamment de recourir dans le cadre de la décision de curatelle de représentation instituée en faveur de A.M._ et de la procédure ouverte devant le Tribunal fédéral.
Par fax envoyé le 27 mars 2014 à Me Z._ et à Me [...], conseil de C.M._ et B.M._, Me N._ a requis l'organisation d'une rencontre avec A.M._ afin de clarifier toutes les questions litigieuses de représentation.
Par arrêt du 10 juin 2014, le Tribunal fédéral a déclaré le recours irrecevable, ayant été déposé par un mandataire sans pouvoirs.
Par arrêt du 1
er
juillet, la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal a admis les deux recours interjetés par A.M._ et supprimé les curatelles de représentation et de gestion instaurées en sa faveur.
C.
Par lettre du 5 novembre 2014, la Présidente de la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal a dénoncé à la Chambre des avocats le cas de l’avocat N._.
Le 21 novembre 2014, le Président de la Chambre des avocats a ouvert une enquête disciplinaire à l'encontre de Me N._. Il a confié l'instruction préliminaire et la tentative de conciliation de l'art. 54 al. 1
er
LPAv (loi vaudoise du 24 septembre 2002 sur la profession d'avocat, RSV 177.11) à Me Christine Marti.
Me N._ a été entendu par le membre instructeur le 10 décembre 2014. Il a expliqué que son client avait de bons contacts avec ses fils mais qu'il peinait toutefois à leur résister, qu'il pouvait vivre seul avec l'aide de sa gouvernante et qu'il avait exprimé le souhait de rester à domicile et de ne pas être placé en EMS. Me N._ a exposé qu'il avait reçu une première lettre de résiliation de son mandat datée du 15 novembre 2013. Rencontré par la suite le 28 novembre 2013, A.M._ lui avait toutefois indiqué qu'il n'était pas l'auteur de cette lettre, qu'il fallait la tenir pour nulle et non avenue et qu'il souhaitait poursuivre l'action en partage. Le 2 décembre suivant, Me N._ avait été contacté téléphoniquement par la gouvernante de son client, laquelle l'avait informé que les fils de A.M._ et leurs épouses étaient présents pour emmener celui-ci en Allemagne et que des avocats étaient présents, notamment aux fins de la licencier sur le champ. Me N._ s'était alors rendu sur place pour voir son client. On lui avait dit qu'il était allé boire un café à [...]. Me N._ avait appris plus tard que son client avait été emmené en Allemagne et il n'a plus jamais pu avoir de contact avec lui, alors qu'il a demandé à réitérées reprises à pouvoir lui parler pour vérifier que son déplacement en Allemagne résultait de sa volonté. Le lendemain de ce qu'il considère comme un "enlèvement" de son client, Me N._ a requis l'instauration d'une curatelle en faveur de celui-ci et le juge de paix lui a proposé d'accepter le mandat de curateur dès lors qu'il connaissait le dossier. Me N._ a encore précisé avoir toujours agi pour sauvegarder le libre arbitre et les intérêts de son client.
Par décision du 5 février 2015, le Président de la Chambre des avocats a renvoyé Me N._ devant la Chambre en application de l'art. 54 al. 2 LPAv, pour violation éventuelle des art. 12 lit. a et 13 LLCA (loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats; RS 935.61).
Me N._ s'est déterminé par écriture du 20 avril 2015, accompagnée de pièces.
Il a en outre été entendu le 18 mai 2015 par la Chambre des avocats. Un délai au 29 mai 2015 lui a été imparti pour faire savoir à la Chambre s’il souhaitait requérir des mesures d’instruction complémentaires et pour produire d’éventuelles pièces non encore produites.
Par lettre du 28 mai 2015, Me N._ a produit un bordereau de pièces complémentaires. Il a en outre sollicité l'audition de A.M._ et de [...], ancienne gouvernante de son client. | E n d r o i t :
1.
La procédure de surveillance des avocats relève de la LLCA et de la LPAv. La LLCA fixe les principes applicables à l'exercice de la profession d'avocat en Suisse (art. 1 LLCA) et, en particulier, les règles professionnelles auxquelles l'avocat est soumis (art. 12 LLCA). Chaque canton désigne une autorité chargée de la surveillance des avocats qui pratiquent la représentation en justice sur son territoire (art. 14 LLCA). Dans le canton de Vaud, c'est la Chambre des avocats qui est l'autorité compétente (art. 9 al. 1 LPAv). Elle se saisit d'office, sur plainte ou sur dénonciation, de toute question concernant l'activité professionnelle d'un avocat (art. 10 al. 1 LPAv).
2.
Me N._ a requis l'audition de A.M._ et de [...] afin de clarifier la teneur de son mandat, sa résiliation et les événements du 2 décembre 2013.
En l'espèce, procédant à une appréciation anticipée des preuves, et au vu des considérants qui suivent, la Chambre de céans n'estime pas nécessaire d'entendre A.M._ et son ancienne gouvernante.
3.
3.1
A teneur de l'art. 12 LLCA, l'avocat est tenu d'exercer sa profession avec soin et diligence (let. a). Il est en outre soumis au secret professionnel pour toutes les affaires qui lui sont confiées par ses clients dans l'exercice de sa profession (art. 13 al. 1 LLCA).
L'avocat doit observer certaines règles non seulement dans ses rapports avec ses clients, mais aussi à l’égard des autorités, de ses confrères et du public en général, voire avec la partie adverse (ATF 130 II 270 c. 3.2; TF 2C_177/2007 du 19 octobre 2007; TF 2A.191/2003 du 22 janvier 2004; TF 2A.448/2003 du 3 août 2004). Selon la jurisprudence, l’avocat est tenu, de manière toute générale, d’assurer et de maintenir la dignité de la profession, en s’abstenant notamment de tout ce qui pourrait porter atteinte à la considération et à la confiance dont il doit jouir pour remplir sa mission (TF 2A.151/2003 du 31 juillet 2003; ATF 108 Ia 316 c. 2b/bb, JT 1984 I 183 ; ATF 106 Ia 100 consid. 6b, JT 1982 I 579). Il doit observer certaines règles non seulement dans ses rapports avec ses clients, mais aussi à l’égard des autorités, de ses confrères et du public en général (ATF 130 II 270 c. 3.2; TF 2C_177/2007 du 19 octobre 2007 c. 5.1; TF 2A.191/2003 du 22 janvier 2004, confirmé in TF 2A.448/2003 du 3 août 2004), voire avec la partie adverse (TF 2A.191/2003 précité; Bohnet/Martenet, Le Droit de la profession d'avocat, Berne 2009,, n. 1161 p. 500).
L'avocat est également tenu au secret professionnel. Compte tenu de son importance primordiale, le secret professionnel est protégé par le droit conventionnel et constitutionnel et sa violation est sanctionnée par le droit professionnel, le droit pénal et le droit privé (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1789 p. 739). Le justiciable doit pouvoir compter sur la discrétion de son mandataire: s'il ne lui fait pas confiance, il ne pourra l'informer de tout ce qui a de l'importance et il sera difficile voire impossible pour l'avocat de bien conseiller son client et de l'assister efficacement. Toute tâche de l'avocat accomplie en sa qualité de mandataire est ainsi soumise au secret (Bohnet/Martenet, op. cit., nn. 1805 p. 744 et 1818 p. 750).
3.2
En l'espèce, la Chambre admet, sur la base des éléments de faits, que la situation du client de Me N._ et la résiliation de son mandat n'étaient pas claires et que ce dernier paraît avoir agi dans l'intérêt de son mandant.
Le 5 novembre 2013, Me N._ a informé les fils de A.M._ qu'il avait reçu mandat d'ouvrir action en partage contre eux et que son mandant s'opposait fermement à son déplacement dans un EMS en Allemagne. Me N._, qui disposait déjà d'un certificat médical de mai 2013, a eu soin de requérir auparavant un deuxième certificat médical sur la capacité de discernement de son client, lequel lui a été délivré en octobre 2013. Or, peu de temps après son courrier aux fils [...], Me N._ a reçu une première lettre de résiliation de mandat datée du 15 novembre 2013, laquelle a été contestée le 28 novembre suivant par A.M._ en personne, lequel l'a assuré qu'il n'était pas l'auteur de cette lettre et qu'il souhaitait poursuivre l'action en partage ouverte à l'encontre de ses fils C.M._ et B.M._. Le 2 décembre suivant Me N._ a été appelé par la gouvernante de son client, laquelle l'informait qu'elle était licenciée sur le champ en présence d'avocats et que les fils de A.M._ étaient là pour l'emmener en Allemagne. S'étant rendu sur place, Me N._ s'est vu répondre que son client avait été boire un café à [...], alors qu'il avait bien quitté la Suisse pour l'Allemagne. Il a alors saisi la justice de paix d'une demande de protection en faveur de son client. Le 4 décembre 2013, il a reçu une nouvelle lettre de résiliation de son mandat datée du 3 décembre 2013.
Au vu de ces événements, qui se sont déroulés dans un laps de temps très court, on peut comprendre que Me N._ ait émis des doutes sur le départ volontaire de son client en Allemagne et qu'il ait, dans le but de préserver les intérêts de celui-ci, requis une mesure de protection auprès de la justice de paix. La résiliation de son mandat datée du 3 décembre 2013 pouvait également paraître douteuse à Me N._. Par la suite, d'autres éléments permettent de considérer que la situation était ambiguë et expliquent que Me N._ ait persisté dans ses démarches: l'absence de contact téléphonique avec son client malgré ses demandes répétées, le double mandat reçu par l'avocat K._ afin de représenter d'une part A.M._ et d'autre part C.M._ dans l'action en partage les opposant l'un à l'autre, la différence entre la signature de A.M._ sur les procurations signées en sa faveur et sur la procuration signée en faveur de K._. Enfin, on notera que le comportement de la justice de paix, qui a encouragé Me N._ a accepter le mandat de curateur, puis qui lui a délivré une procuration expresse en vue d’agir et notamment de recourir dans le cadre de la décision de curatelle de représentation instituée en faveur de A.M._ et de la procédure ouverte devant le Tribunal fédéral, a pu conforter Me N._ dans la ligne de conduite qu'il a suivie.
Me N._ invoque avoir toujours agi dans l'intérêt de son client. Dès lors qu'il pouvait valablement douter de la résiliation de son mandat, après la première résiliation contestée par son mandant, se pose la question de savoir, si en l'absence d'instructions, il a fait de la gestion d'affaires sans mandat. Cette question peut toutefois demeurer indécise. En effet, les éléments qui précèdent sont suffisants pour considérer que Me N._ n'a pas violé son devoir de diligence. Il ne paraît pas non plus avoir violé son secret professionnel dans le cadre de son mandat de curateur. La présente procédure doit dès lors être classée, en application de l'art. 54 al. 2 LPAv.
4.
En définitive, il est mis fin à l'enquête disciplinaire ouverte à l'encontre de l'avocat N._ sur dénonciation de la Présidente de la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal.
Les frais sont laissés à la charge de l'Etat (art. 61 al. 3 LPAv). | Public | Public Administration | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_005 | VD | Région lémanique |
4c69b1d3-d454-4265-8c72-2722ed581857 | En fait :
A.
Par jugement du 29 août 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a condamné F._ pour gestion déloyale à treize mois et dix jours de privation de liberté, peine complémentaire à celle infligée le 26 juillet 2006 par le Juge d’instruction de Lausanne, avec sursis pendant quatre ans, ainsi qu’au paiement des frais par 7'437 fr. 50 (I), a renoncé à révoquer le sursis octroyé à F._ le 26 juillet 2006 par le Juge d’instruction de Lausanne (II), a condamné C._ pour gestion déloyale à douze mois et dix-sept jours de privation de liberté, peine complémentaire à celles infligées le 15 août 2006 par le Juge d’instruction de Lausanne et le 8 décembre 2011 par le Tribunal de police de l’Est vaudois, avec sursis pendant quatre ans, ainsi qu’au paiement des frais par 7'437 fr. 50 (III), a pris acte pour valoir jugements civils définitifs et exécutoires, des conventions passées au procès-verbal de l’audience du 27 août 2012 entre M._SA, C._ et F._, d’une part, et W._ d’autre part, et entre M._SA, C._ et F._, d’une part, et R._ d’autre part (IV), et a ordonné le maintien au dossier au titre de pièces à conviction des objets séquestrés sous fiches n° 2265 et n° 2395 (V).
B.
Le 7 septembre 2012, F._ et C._ ont annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel motivée du 10 octobre 2012, ils ont conclu, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu’il sont libérés du chef d’accusation de gestion déloyale, que les frais sont laissées à la charge de l’Etat et qu’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP d’un montant de 31'594 fr. 70 leur est allouée, solidairement entre eux, subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause à l’autorité d’instruction ou de première instance pour la mise en œuvre d’une expertise et de toute autre mesure d’instruction utile dans le sens des considérants, plus subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause à l’autorité de première instance pour nouveau jugement dans le sens des considérants.
Par courrier du 5 novembre 2012, le Ministère public central, division entraide, criminalité économique et informatique, s'en est remis à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et a renoncé à déposer un appel joint.
Par acte du 11 décembre 2012, A.M._ et B.M._ ont déposé un appel joint, concluant, sous suite de frais et dépens, principalement à la réforme du jugement en ce sens que C._ et F._ sont tous deux condamnés pour gestion déloyale et escroquerie, subsidiairement à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause à l’autorité de première instance, plus subsidiairement à l’autorité d’instruction, pour nouveau jugement.
Par courrier du 3 janvier 2013, le Ministère public a indiqué qu’il ne présentait pas de demande de non-entrée en matière sur l’appel joint.
Par acte du 8 janvier 2013, F._ et C._ ont déposé une demande de non-entrée en matière sur l’appel joint.
Par acte du 7 février 2013, A.M._ et B.M._ se sont déterminés sur la demande de non-entrée en matière des appelants principaux. Ils ont déclaré réduire la portée de l’appel joint en ce sens qu’ils renonçaient à demander la condamnation de F._ et de C._ pour escroquerie.
Par déterminations du 12 février 2013, le Procureur a rappelé que l’infraction d’escroquerie avait fait l’objet d’un classement en faveur de F._ et C._ qui n’avait pas été contesté.
Par décision du 14 février 2013, la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal a refusé d’entrer en matière sur l’appel joint de A.M._ et B.M._.
Le 3 mai 2013, la Présidente de la Cour de céans a rejeté les réquisitions de preuves contenues dans la déclaration d’appel de F._ et C._.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1
F._ est né le 6 juillet 1972 à Valparaiso au Chili, d’où il est ressortissant. Il est célibataire et sans enfant. Il n’est au bénéfice d’aucun diplôme professionnel. Il travaille dans la finance et a été formé «
sur le tas
» en suivant notamment des séminaires de gestion de fortune. Il est actuellement employé en qualité de courtier auprès de Z._SA et réalise un salaire mensuel d’environ 7'000 francs.
Le casier judiciaire suisse de F._ comporte l’inscription suivante :
- 26 juillet 2006, Juge d’instruction de Lausanne, conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduire, emprisonnement 20 jours, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 4 ans, amende 2'000 francs.
1.2
C._ est né le 4 juillet 1974 à Genève. Il n’a pas de lien de parenté avec son co-prévenu homonyme. Il est marié mais en instance de divorce. Il est père d’une fille de sept ans. Après des études avortées de pharmacie, il a suivi une formation de gestionnaire de fortune entre 2001 et 2003 et a obtenu un brevet fédéral. Il travaille actuellement pour Z._SA et réalise un salaire mensuel de 8’321 francs.
Le casier judiciaire de C._ comporte les inscriptions suivantes :
- 13 mars 2003, Tribunal de police de Genève, délit contre la LF sur la protection civile, arrêts 1 jour ;
- 15 août 2006, Juge d’instruction de Lausanne, violation grave des règles de la circulation routière, emprisonnement 3 jours, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, amende 900 fr.; sursis révoqué le 8 décembre 2011 par le Tribunal de police de l’Est vaudois ;
- 8 décembre 2011, Tribunal de police de l’Est vaudois, violation grave des règles de la circulation routière, travail d’intérêt général 160 heures, amende 1'000 francs.
2.
2.1
Au début des années 2000, F._ et C._ ont fondé la société M._SA, à Lausanne, dont le but statutaire était la «
fourniture de tout service dans le domaine de la gestion de fortune, notamment dans le domaine des devises et des valeurs mobilières; courtage de biens de toute nature, mobilier et immobilier, ainsi que de produits d’assurances
». Ils en étaient les actionnaires principaux. C._ était en outre administrateur et F._ directeur. Cette société a par la suite été rachetée par Z._SA, dont les deux prévenus sont salariés.
M._SA était divisée en quatre départements, à savoir la vente, l’informatique, la gestion et le back office. Le département de la gestion était composé de C._ et d’F._. C’est ce département qui choisissait et imposait aux vendeurs les titres à traiter. F._ était également directeur des ventes. Il coachait les courtiers.
Concrètement, l’activité de la société consistait en trading sur produits dérivés et donc à risque, sur la base de stratégies établies par C._. Les clients ne l’ignoraient pas, c’était ce qu’ils souhaitaient. Ils signaient des contrats de gestion, prévoyant un système de commissionnement complexe dont les implications concrètes n’étaient pas compréhensibles pour un non spécialiste (cf. par exemple P. 5/3). Il y avait des commissions à l’ouverture du compte, puis sur les plus-values et sur chaque transaction, achat ou vente.
Les contrats-types établis par M._SA prévoyaient notamment ce qui suit :
“
- art. 1.1 : « (...) Pour toutes les transactions qu’elle effectue pour le client, M._Consulting agit au nom, pour le compte et aux seuls risques du client ».
- art. 1.3 : « Le client reçoit une confirmation d’exécution écrite par courrier. Si le client constate une différence entre ses consignes de gestion et les conditions confirmées par écrit, il en informe M._Consulting par écrit dans un délai de cinq jours ouvrables. Faute de communication écrite dans ce délai, la confirmation d’exécution est considéré comme acceptée ».
- art. 3 : « Risque. Le client confirme avoir reçu lors de la signature de la présente convention, les documents suivants qui le renseignent sur la nature des opérations effectuées et le risque qu’elles comportent : - Les Annexes 1, 2, et 3 de la Convention de M._Consulting.
Le client a pris connaissance et a compris le contenu de ces documents et, le cas échéant, s’engage à réclamer à M._Consulting toute information nécessaire à leur compréhension. M._Consulting tient à la disposition du client le personnel qualifié nécessaire pour répondre à toute demande d’information de la part du client »”.
Ils contenaient toute une série de dispositions relatives aux commissions prélevées, savoir une commission sous forme d’agio, une commission par trade selon les différentes opérations réalisées et une commission sur l’éventuelle plus-value réalisée. Au ch. 2.6, il est précisé :
« Cette commission diminue le potentiel de gain du client et augmente en conséquence son risque de perte (Voir annexe 2) ».
A la fin du contrat et juste au-dessus de la signature du client, on peut lire ce qui suit :
« Par sa signature, le client confirme en particulier qu’il est conscient des risques liés aux opérations sur options tels que décrits notamment à l’article 2 ».
Les annexes 2 et 3 du contrat contiennent quant à elles des exemples de stratégies et de commissions. On peut notamment y lire les passages suivants :
-
“« (...) L’annexe présente des exemples de risques liés aux transactions sur achat de calls, mais ne prétend pas couvrir tous les risques existants (...) ».
-
« (...) Vous devez tenir compte que la commission et le ticket fee réduisent votre potentiel de profit et augmentent votre risque de perte (...) ».
-
« (...) A noter que malgré la hausse de 10 % dans le cours du titre en trois mois, vous réalisez une perte totale de votre capital. Ceci est dû au fait que le temps à disposition entre la date d’achat et la date d’échéance (valeur temps = 3 mois) est échu. Ainsi, une option perd une partie de sa valeur chaque jour (effritement de la valeur temps), toutes autres choses restant égales (...) ».
-
« le client confirme avoir lu et compris cet annexe et avoir eu l’occasion de poser toutes questions relatives à cet égard à M._Consulting»
”.
Parallèlement, les clients concluaient des contrats avec les dépositaires des fonds et les brokers, que leur soumettaient aussi les vendeurs de M._SA. Ces contrats étaient denses, écrits en caractères minuscules, en anglais et d’une clarté douteuse (cf. par exemple P. 5/3 précitée). En tout temps, les clients pouvaient consulter l’état de leur compte sur Internet. Ils recevaient également des décomptes par courrier sous forme de colonnes de chiffres difficilement compréhensibles pour des non initiés et n’indiquant en général pas le montant des commissions.
Au début de chaque année C._ et F._ choisissaient une dizaine de titres qu’ils jugeaient intéressants en fonction de leur volatilité. Les prévenus décidaient ensemble des taux applicables pour chaque commission et les introduisaient dans le contrat-type donné à chaque client.
Vu la volatilité du marché, les prévenus ont adopté des stratégies mensuelles, c’est-à-dire impliquant des transactions fréquentes. En conséquence, ils ont prélevé des commissions totales d’une importance telle qu’elles amputaient considérablement le capital des clients, les gains ne suffisant pas à compenser les ponctions.
2.2
Il ressort du dossier que M._SA a notamment encaissé des commissions de :
- 43'737.17 dollars américains sur un capital investi par G._ de 100’000 dollars américains, pour vingt mois d’activité entre le 19 janvier 2006 et le 19 septembre 2007, ce qui représente un pourcentage annuel de 26,24 %.
G._ a déposé plainte le 11 février 2008 et l’a retirée le 13 janvier 2009 après avoir été entièrement désintéressée.
- 10'370.66 dollars américains sur un capital investi par D._ de 57'424.67 dollars américains, pour quatorze mois d’activité entre le
14 décembre 2006 et le 13 mars 2008, ce qui représente un pourcentage annuel de 15,47 %.
D._ a déposé plainte le 7 avril 2008 et l’a retirée le 4 juin 2009 suite à une transaction.
- 29'065.33 dollars américains sur un capital investi par Q._ de 362'553.92 dollars américains, pour cinq mois d’activité entre le 25 mai et le 13 novembre 2007, ce qui représente un pourcentage annuel de 5,01 %.
Q._ a déposé plainte le 3 juillet 2008 et l’a retirée le 1
er
décembre 2008 après avoir trouvé un accord à satisfaction des deux partes.
- 130'669.86 dollars américains sur un capital investi par A.M._ et B.M._ de 500’000 dollars américains, pour sept mois d’activité entre le 18 septembre 2007 et le 21 avril 2008, ce qui représente un pourcentage annuel de 26,13 %.
A.M._ et B.M._ ont déposé plainte le 22 janvier 2010.
- 93’114 dollars américains sur un capital investi par W._ de 545’609 dollars américains, pour dix mois d’activité entre le 29 novembre 2007 et le 25 septembre 2008, ce qui représente un pourcentage annuel de 17,06 %.
W._ a déposé plainte le 9 mars 2010. Il a conclu une transaction aux débats de première instance sans retirer sa plainte.
- 57’297 dollars américains sur un capital investi par R._ de 87’344.26 dollars américains, pour six ans et sept mois d’activité entre le 26 novembre 2002 et le 29 juin 2009, ce qui représente un pourcentage annuel de 9,96 %.
R._ a déposé plainte le 22 mars 2010. Elle a signé un accord avec les prévenus aux débats de première instance, et retiré sa plainte.
Il faut préciser que durant ces périodes les capitaux des investisseurs ont tous fondu comme neige au soleil, la conjoncture n’ayant pas permis de faire fructifier ces avoirs. Les prévenus se sont rendus compte que leur système de commissionnement posait problème dans de telles circonstances, mais n’y ont rien changé, ni à leur stratégie. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (al. 1). La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (al. 3).
Interjeté dans les forme et délai légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de F._ et C._ est recevable. Il y a donc lieu d’entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 350 al. 2 CPP, le tribunal prend en compte les preuves administrées durant la procédure préliminaire et lors des débats. Cette disposition rappelle que le juge doit établir les faits énoncés dans l’acte d’accusation en appréciant librement à la fois les preuves recueillies durant la procédure préliminaire et les preuves administrées lors des débats, dans le cadre décrit à l’art. 343 CPP, par renvoi de l’art. 405 CPP.
Il ressort de cette disposition que des preuves ne peuvent être recueillies lors des plaidoiries, la procédure probatoire étant close. Dès lors, les pièces produites par le Ministère public avec son réquisitoire ne sont pas recevables.
3.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
4.
Les appelants se prévalent en premier lieu d'une constatation incomplète ou erronée des faits par les premiers juges sur plusieurs points.
4.1
Il y a constatation incomplète des faits au sens de l’art. 398 al. 3 let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n’ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
4.2
Les appelants souhaitent que la Cour retienne un certain nombre de faits qui ne l’auraient pas été par les premiers juges.
En l’espèce, les faits décrits sous chiffres III. 1 et 2 de la déclaration d’appel ressortent déjà du jugement (jgt., pp. 28, 29 et 31). Il en va de même du chiffre III. 3, le jugement reprenant sur ce point l’acte d’accusation du 2 février 2012 (jgt., p. 32). Il importe peu de savoir si ces stratégies détaillaient le système de commissionnement dans la mesure où ce dernier ressortait de toute façon des contrats signés par les clients. Le contenu des contrats et annexes, cité sous chiffre III. 4, a été retranscrit pour la bonne compréhension du cas d’espèce. Du chiffre III. 5, il est retenu que les clients signaient aussi, parallèlement, des contrats avec les dépositaires des fonds et brokers, qui, toutefois, leur étaient soumis par les prévenus ou leurs vendeurs et étaient eux-mêmes d’une clarté toute relative. Il ressort déjà du jugement qu’ils n’ignoraient pas et souhaitaient même que les prévenus pratiquent une gestion spéculative (jgt., pp. 31 et 43). De même, en ce qui concerne les chiffres III. 6 et 7, les premiers juges n’ont pas contesté que les clients recevaient certains décomptes par courrier ou pouvaient consulter l’état de leurs avoirs sur Internet, ils ont simplement estimé que ce n’était pas une excuse (jgt., p. 44). L’état de fait a été complété dans la mesure nécessaire de ce qui précède.
4.3
Les appelants soutiennent que les vendeurs qu’ils employaient expliquaient clairement aux clients le système de commissionnement.
C’est à bon droit que les premiers juges ont retenu que les clients n’étaient pas rendus particulièrement attentifs au système de commissionnement (jgt., pp. 32 et 42-43) et que, quoi qu’il en soit, ils n’y comprenaient rien (jgt.,
p. 42-43). En effet, l’énumération dans le contrat de gestion des différents types de commissions qui peuvent être prélevées ne permet pas de se faire une idée globale du résultat, en particulier de comprendre que le total sera élevé si les opérations se multiplient – ce que les clients ignoraient aussi au départ – et pris sur le capital en cas de pertes. De même, les exemples d’opérations cités dans les annexes au contrat de gestion ne détaillent pas toujours la commission due, et là encore, c’est d’une telle complexité qu’il faut être versé dans la finance pour en comprendre les implications et ce ne sont pas des explications orales ni des avertissements généraux du genre «
attention les commissions peuvent réduire les chances de gains
» qui pourraient y changer quelque chose. D’ailleurs, le témoin J._, pourtant courtière en assurance et qui estimait que le contrat était clair et les commissions raisonnables, n’a pas pu «
imaginer (...) qu’il puisse y avoir des commissions correspondant à environ 20 % ou 30 % du capital investi
» (PV aud. 11, pp. 2-3). Le prévenu F._ admet que l’on «
ne connaît pas à terme le montant précis des commissions dans la mesure où cela dépend des stratégies acceptées ou non par le client
» et que les vendeurs ne font «
jamais mention de pourcentage de perte maximale annuelle
» (PV aud. 12 p. 6). Enfin, le témoin S._, administrateur de Z._SA, indique qu’il est impossible de déterminer d’avance le pourcentage annuel final des commissions et qu’il dispose d’alarmes pour le cas où les commissions devenaient déraisonnables par rapport au capital investi (PV aud. 14 p. 3).
Infondé, ce moyen doit être rejeté.
4.4
Les appelants reprochent ensuite aux premiers juges d’avoir retenu que leurs clients n’auraient rien compris à leur système de commissionnement. Ils font valoir que les contrats en français étaient aussi clairs que possible vu la complexité de la matière, que les clients étaient rendus attentifs aux risques, qu’ils recevaient un décompte après chaque opération et qu’ils avaient pu, au moment de déposer plainte, reconstituer sans difficulté le montant des commissions prélevées. Ils estiment qu’ils n’auraient rien pu faire de plus pour attirer l’attention de leurs clients.
On l’a vu, les contrats n’étaient pas clairs. Le témoin X._, entendu aux débats de première instance, vendeur auprès de M._SA, a déclaré que les commissions étaient «
un élément important que le client doit comprendre. Je prenais rendez-vous avec le client pour la signature du contrat et je lui expliquais le tout à ce moment-là
» (jgt., p. 16). Quant au témoin B._, il a expliqué que les vendeurs informaient les clients au sujet des commissions en présentant un exemple de calcul pour une opération donnée (PV aud. 15 p. 3). Cela ne permet cependant pas de se faire une idée globale, comme il l’a déjà été dit ci-dessus (cf. supra c. 4.2.2). Les décomptes reçus par courrier ne détaillaient de loin pas toutes les commissions prélevées et n’étaient pas plus clairs que les contrats (cf. par exemple P. 5/7 et 22/2). Le fait de pouvoir reconstituer a posteriori le total des commissions n’est pas déterminant. De toute façon, les différentes additions effectuées ne donnent pas des résultats identiques et les prévenus sont incapables d’expliquer ces divergences (cf. PV aud. 12 et 13). Enfin, avant l’addition finale, chaque commission, prise isolément et diluée dans la masse d’informations, peut paraître raisonnable.
Le Cour de céans retient avec les premiers juges que les lésés de la présente affaire n’avaient rien compris au système de commissionnement. Ce grief doit par conséquent être rejeté.
4.5
Les appelants soutiennent que les clients n’ont pas été trompés ni induits en erreur, qu’ils leur avaient confié leur argent par appât du gain et qu’il n’était pas acceptable qu’ils puissent obtenir le remboursement de leurs pertes en prétendant n’avoir rien compris.
Tout d’abord, les appelants mélangent les risques liés à la spéculation et le problème des commissions excessives en cas de mauvais résultats. Il ne leur est pas reproché d’avoir perdu l’argent de leurs clients dans des opérations de trading risquées, mais d’avoir, en sus, prélevé des commissions tellement élevées qu’elles correspondaient à un pourcentage à deux chiffres du capital de départ, alors que celui-ci n’avait jamais fructifié. Il est établi que les lésés n’ont rien compris au système de commissionnement. Du reste, personne ne reproche une tromperie aux prévenus, qui n’est au surplus pas un élément constitutif de la gestion déloyale. Enfin, il sera rappelé que les appelants se sont spontanément engagés à rembourser la plupart des lésés.
Ce moyen doit également être rejeté.
4.6
Les appelants reprochent au Tribunal correctionnel d’avoir tiré d’un
e-mail d’un dépositaire, qui se plaignait de commissions «
not acceptable
», la conclusion que cela mettait «
à néant l’argument (...) selon lequel aucune loi ne présenterait de limites à ne pas franchir en matière de commissionnement
».
Contrairement à ce que prétendent les appelants, le jugement entrepris ne retient pas qu’il y aurait une loi fixant un tel maximum. Ce que dit en réalité la phrase incriminée (cf. jgt., p. 43), c’est que les prévenus, confrontés à cet e-mail, ont admis le bien-fondé du reproche. On peut en déduire, avec les premiers juges, que l’absence de règles légales fixant un taux maximum de commissionnement n’autorise pas n’importe quoi et que l’art. 158 CP, par exemple, constitue un
garde-fou.
Partant, ce grief doit être rejeté.
4.7
Les appelants reprochent au tribunal de première instance d’avoir mentionné l’exclusion de M._SA de [...] (ci-après: [...]) et d’avoir pris en compte cet élément dans sa décision. Selon eux, ce fait ne serait en rien déterminant pour le sort de la cause pénale.
En l’occurrence, le fait que M._SA a été exclue par la [...] n’est pas contesté. On ne voit dès lors pas ce qui empêchait les premiers juges de le retenir. Ceux-ci ont d’ailleurs indiqué qu’il n’était pas déterminant. Les appelants ne démontrent pas en quoi ce fait aurait influencé les juges.
Ce moyen est par conséquent mal fondé.
4.8
Les appelants font encore grief au Tribunal correctionnel d’avoir retenu que l’ancienne [...] (ci-après: [...]) aurait fixé à 7,99 % le taux admissible de commissionnement. Ce seuil serait seulement un critère parmi d’autres pour déterminer s’il y avait barattage (multiplication des opérations pour augmenter les commissions) dans un cas bien précis. Les appelants affirment qu’il serait établi qu’ils ne s’étaient pas livrés au barattage. De plus, ce taux se calculerait sur la base des avoirs gérés moyens et non sur le capital de départ.
La Cour de céans constate que le Tribunal correctionnel a été prudent lorsqu’il a évoqué le taux fixé par la [...]. Il a utilisé les termes «
à titre indicatif
» ainsi que «
cela n’est guère documenté
» (jgt., p. 48). Contrairement à ce que soutiennent les appelants, le taux précité constitue le seuil au-delà duquel le gestionnaire se livre au «
barattage ou adopte un comportement qui en présente les mêmes conséquences
» (jgt., p. 48). Les premiers juges ont relevé que ce taux était dépassé dans cinq cas sur six, après avoir rappelé que durant la période considérée les avoirs investis n’avaient fait que diminuer, de sorte que le calcul effectué était à l’avantage des prévenus (jgt., pp. 43 et 48). Quoi qu’il en soit, ce n’est pas ce qui a amené le Tribunal correctionnel à retenir une gestion déloyale.
Ce grief doit dès lors être rejeté.
5.
Les appelants contestent toute violation d’un devoir de gestion, concluant à leur acquittement.
5.1
L’art. 158 CP punit celui qui, en vertu de la loi, d’un mandat officiel ou d’un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d’autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu’ils soient lésés (ch. 1 al. 1). La gestion déloyale est qualifiée d’aggravée lorsque l’auteur a agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ch. 1 al. 3).
Sur le plan objectif, l'infraction de gestion déloyale suppose la réalisation de trois éléments: il faut que l'auteur ait eu un devoir de gestion ou de sauvegarde, qu'il ait violé une obligation qui lui revient en cette qualité et qu'il en soit résulté un dommage; sur le plan subjectif, il faut qu'il ait agi intentionnellement. Le dol éventuel suffit, mais il doit être caractérisé vu l’imprécision des éléments constitutifs objectifs de l’infraction (ATF 123 IV 23; Corboz, Les infractions en droit suisse, volume I, 3
e
éd., Berne 2010, n. 13 ad art. 158 CP, p. 430). Le dessein d’enrichissement illégitime n’est pas requis mais constitue une circonstance aggravante.
Seul peut avoir une position de gérant celui qui dispose d’une indépendance suffisante et qui jouit d’un pouvoir de disposition autonome sur les biens qui lui sont remis (ATF 129 IV 124 c. 3.1; 123 IV 17 c. 3b; 120 IV 190 c. 2b). Pour qu’il y ait gestion déloyale, il ne suffit pas que l’auteur ait violé une quelconque obligation de nature pécuniaire à l’endroit de la personne dont il gère tout ou partie du patrimoine; il faut que l’obligation qu’il a violée soit liée à la gestion confiée (ATF 120 IV 190 précité c. 2b).
Lorsqu’un investisseur confie des biens à un gérant de fortune, les parties sont liées, comme le relèvent les appelants, par un contrat de mandat. Dans un arrêt, le Tribunal fédéral rappelle les obligations du mandataire, dont la responsabilité s’examine au regard de l’art. 398 al. 2 CO (cf. TF 4C.149/1998 du 28 juillet 1998, P. 5/11 pp. 7-9). Le mandataire doit en particulier s’abstenir d’effectuer des mouvements dans le portefeuille du client qui ne se justifient nullement au vu des intérêts de celui-ci, mais qui ont pour unique but de fonder des commissions. Dans le cas particulier, le Tribunal fédéral observe que «
(...)
même si, à l’origine, la finalité n’était pas d’opérer de nombreuses opérations pour bénéficier délibérément de rétrocessions de la part de la banque, la conduite du dossier a eu cet effet que le gestionnaire, en raison de ses aptitudes professionnelles de spécialiste et en considération de la situation personnelle de son client, avait l’obligation d’interrompre pour ne pas créer, ou aggraver le préjudice subi par l’investisseur. Même si ce dernier était un chef d’entreprise retraité, il ne disposait pas forcément des connaissances voulues pour apprécier à quel point le but recherché d’un rendement maximum impliquait de nombreuses opérations. (...) Le gestionnaire aurait dû “se rendre compte de l’impact désastreux du nombre d’opérations et de leurs coûts sur la masse à gérer”, selon le rapport d’expertise, que la Cour de justice était fondée à suivre pour admettre (...) l’existence d’un barattage contraire au devoir de fidélité du mandataire
».
5.2
Les appelants soutiennent que le jugement n’indique pas clairement quel comportement ils auraient dû adopter et de quelle manière ils l’auraient violé. Ils affirment avoir respecté le système de commissionnement prévu par les contrats. Pour eux, le fait que les commissions convenues et prélevées soient excessives ne relève pas du droit pénal. Ils contestent s’être délibérément adonnés au barattage.
5.2.1
En l’espèce, il n’est pas reproché aux prévenus d’avoir prélevé des commissions supérieures à celles prévues contractuellement. La question litigieuse, posée dans le jugement attaqué, est de savoir si les prévenus ont enfreint la loi en n’adaptant pas leur mode de commissionnement à l’évolution, notoirement défavorable dès 2007, voire un peu avant, du cours de la bourse (jgt., p. 41). Les premiers juges ont répété que le système de commissionnement était inadapté, ce qui aboutissait à un résultat non rentable pour les clients (jgt., pp. 43-44). Le comportement reproché est bien décrit «
il appartenait aux prévenus (...) d’oeuvrer à une saine gestion du patrimoine des clients, ce qui suppose aussi qu’ils devaient veiller à ce que leur mode de commissionnement n’atteigne pas des montants à ce point élevés que le client ne peut plus espérer faire fructifier le patrimoine
»; «
en ne veillant pas à préserver les patrimoines qui leur étaient confiés du risque de l’augmentation significative du montant de commissions générées par des stratégies de courte durée, les prévenus ont manqué à leur obligation de veiller aux intérêts de leurs clients
» (jgt., pp. 47-48).
5.2.2
Les appelants ne contestent à juste titre pas leur position de gérant, au regard des contrats signés avec les clients, qui leur confiaient de l’argent pour qu’ils le fassent fructifier (P. 5/3, clause 1.1).
En ce qui concerne la violation du devoir de gestion, il faut se demander si les prévenus ont multiplié les opérations sans justification. En l’espèce, l’on se trouve exactement dans la situation de l’arrêt du Tribunal fédéral précité. Les prévenus n’ont pas, dès le début et délibérément, pratiqué le barattage. Toutefois, à la longue, vu le résultat désastreux de leur gestion, ils auraient dû se rendre compte que leur stratégie de multiplier les opérations avait le même effet. A vrai dire, ils s’en sont rendus compte, mais n’ont rien changé à leur pratique alors qu’ils avaient envisagé de le faire en 2007 (jgt., p. 43).
Le dommage ne semble pas contesté, à l’exception d’un cas particulier qui sera traité ci-dessous (cf. infra c. 4.8). Il consiste en la diminution du capital des lésés du montant des commissions relatives à des opérations injustifiées.
Quant à l’intention, elle réside dans le fait que les prévenus savaient que leurs stratégies impliquant de nombreuses opérations avaient pour effet secondaire indésirable l’augmentation des commissions. Ils ne sauraient prétendre le contraire puisqu’ils affirment que leurs clients avaient été clairement informés. Ils ont néanmoins poursuivi dans cette voie sans adapter leurs tarifs, dans une période où leur stratégie ne s’avérait pas ou plus gagnante. On veut bien croire que les prévenus espéraient faire fructifier les avoirs de leurs clients. Ils se sont néanmoins accommodés des pertes, en continuant, comme si de rien n’était, à se payer.
Enfin, la circonstance aggravante de l’art. 158 ch. 1 al. 3 CP est réalisée, dès lors que la stratégie des appelants leur a profité directement et à eux seuls.
5.3
Les appelants soutiennent qu’on ne pourrait leur reprocher une violation de leur devoir de gestion que si les contrats conclus avec les clients étaient intentionnellement incompréhensibles et lésionnaires pour un cocontractant ayant fait preuve d’un minimum de diligence pour essayer de les comprendre. En d’autres termes, les appelants exposent que si le système de commissionnement avait été clairement expliqué aux clients, il devient licite, parce que ceux-ci y ont consenti.
En l’occurrence, il est établi que les clients ne pouvaient pas imaginer au départ quel pourcentage de leur capital serait prélevé chaque année au titre des commissions, de sorte qu’on ne saurait considérer qu’il y a eu un consentement éclairé de leur part. Certes, il résulte du dossier que les lésés ont dans l’ensemble fait confiance aux prévenus et n’ont pas nécessairement lu les contrats in extenso. On ne peut néanmoins pas leur reprocher de faute, dans la mesure où même une lecture attentive des contrats ne donne pas une idée réaliste des commissions qui pouvaient être prélevées en cas de multiplication des opérations.
Mal fondé, ce moyen doit être rejeté.
5.4
Les appelants soutiennent que le Tribunal correctionnel a mal interprété leurs explications. Les pertes des plaignants ne seraient pas dues à des seules commissions inadéquates mais à un ensemble de circonstances, telles que la volatilité du marché, les opérations multipliées et les résultats mauvais.
Ce qui est reproché aux appelants dans cette affaire, c’est de ne pas avoir adapté leur système de commissionnement aux circonstances qu’ils invoquent
eux-mêmes (volatilité du marché, opérations multipliées et résultats mauvais) et non d’avoir perdu l’argent de leurs clients par leurs stratégies de gestion. Or, le prévenu C._ a admis que le système de commissionnement de M._SA n’était pas adéquat vu les conditions du marché qui ont changé dès 2007 et qu’ils avaient commis l’erreur de ne pas s’adapter (jgt., p. 24).
Ce grief est dès lors infondé.
5.5
Les appelants relèvent qu’en conjoncture favorable, leur système de commissionnement n’empêchait pas les clients de faire fructifier leurs avoirs. Ce système n’était donc pas critiquable en soi, puisqu’un système bon au départ ne pouvait pas devenir mauvais ensuite. Ils rappellent qu’ils espéraient des résultats positifs mais ne pouvaient être tenus responsables de la volatilité du marché. Ils soutiennent qu’ils ne pouvaient pas moduler au départ les commissions prises, sauf celles liées à une plus-value.
Contrairement à ce que soutiennent les appelants, rien n’empêchait de prévoir des commissions plus basses en cas de perte, comme il était prévu une hausse en cas de plus-value. On ne peut donc pas dire que le système était adapté à toutes les circonstances. C._ l’a d’ailleurs confirmé (cf. supra c. 4.5). Il importe peu que le système ne soit pas problématique en cas de gestion gagnante, puisque qu’il l’a été en période de crise financière.
Ce grief doit par conséquent être rejeté.
5.6
Les appelants, s’agissant du grief qui leur est fait de ne pas avoir adapté leur système à une conjoncture défavorable, font valoir que rien ne justifiait qu’ils travaillent gratuitement, le contrat de gestion étant un contrat de mandat et non d’entreprise, que seul un tiers des commissions leur était destiné, les deux autres tiers allant aux brokers et dépositaires, et que les stratégies étaient de moins en moins gagnantes en raison de la crise.
En l’occurrence, personne n’a suggéré que F._ et C._ travaillent gratuitement, seulement qu’ils réduisent leurs commissions. D’ailleurs, le témoin S._ a estimé que les commissions annuelles devraient idéalement être de 5 à 7 % du capital investi (PV aud. 14 p. 3). Si les appelants voulaient dire que leur travail ne serait pas rentable pour eux s’ils gagnaient moins, alors peut-être devraient-ils y renoncer. Il est au contraire logique que la rémunération soit pour l’essentiel liée à une stratégie gagnante. Si la gestion n’est que perdante, il n’y a plus de raison de faire appel à un gérant, autrement dit que les clients paient des professionnels pour perdre leur argent à leur place.
Pour le reste, les allégations concernant le partage des commissions entre M._SA et les brokers et dépositaires se heurtent aux explications fournies par les prévenus en cours d’enquête (PV aud. 13 p. 1 et PV aud. 16 p. 5).
Ce moyen doit également être rejeté.
5.7
Les appelants contestent en particulier toute gestion déloyale dans le cas des époux A.M._ et B.M._ qui ne serait pas discuté dans le jugement et qui ne figurerait pas dans le dispositif. Ils soutiennent que les pertes de ces plaignants n’étaient que virtuelles au moment de leur départ de M._SA.
La Cour de céans ne voit pas pourquoi cela devrait figurer dans le dispositif, qui n’énumère pas les cas dans lesquels la gestion déloyale est retenue. Le jugement retient bel et bien que les commissions perçues, soit 26 % dans le cas de A.M._ et B.M._, au détriment de ces clients étaient excessives (jgt., p. 47). Enfin, au terme de la gestion litigieuse, les avoirs que possédaient les plaignants valaient moins que le capital de départ. C’est tout ce qu’il importe de savoir et non s’il était possible qu’ils augmentent à l’avenir.
Ce moyen doit également être rejeté.
5.8
Sur le vu de ce qui précède, la condamnation de F._ et C._ pour gestion déloyale au sens de l'art. 158 CP est donc bien fondée.
6.
Les appelants ne contestent expressément ni le genre, ni la quotité de la peine, pas plus que le délai d'épreuve assortissant le sursis. Il y a cependant lieu de statuer d'office sur ces points, dès lors que les appelants ont conclu à leur acquittement.
6.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (TF 6B_85/2013 précité c. 3.1, ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1 et les références citées).
6.2
En l’espèce, la culpabilité de F._ et C._ est importante. A charge, la Cour de céans fait intégralement siennes les considérations du Tribunal correctionnel. Les appelants savaient que leur stratégie de multiplication des opérations n’étaient pas payante et n’ont rien fait pour changer la situation, aveuglés par les juteuses commissions qu’ils empochaient au détriment de leurs clients.
A décharge, il sera pris en compte la collaboration des appelants à l’audience de première instance, les accords intervenus à cette occasion ainsi que les remboursements déjà effectués en faveur de certains lésés.
Compte tenu de tous ces éléments, la peine privative de liberté de treize mois et dix jours infligée à F._, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 26 juillet 2006, est adéquate et doit être confirmée. Il en va de même de la peine privative de liberté de douze mois et dix-sept jours infligée à C._, peine partiellement complémentaire à celles prononcées les 15 août 2006 et 8 décembre 2011. L'octroi du sursis de quatre ans pour chacun des appelants doit également être confirmé dans la mesure où ces derniers en remplissent les conditions.
7.
En définitive, les appels de F._ et C._ sont rejetés, le jugement rendu le 29 août 2012 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne étant intégralement confirmé.
8.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, par 3’120 fr. (art. 21 al. 1
et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), doivent être mis par moitié à la charge de F._ et par moitié à la charge de C._ (art. 428 al. 1 CPP).
Les appelants succombant, la conclusion de l'appel tentant à l'octroi d’une indemnité selon l'art. 429 al. 1 CPP en leur faveur et solidairement entre eux doit être rejetée.
Les plaignants A.M._ et B.M._, qui ont procédé avec l'assistance d'un conseil professionnel, ont droit, solidairement entre eux, à des dépens d'appel, conformément à l'art. 433 al. 1 let. a CPP. Vu l'ampleur et la complexité de la cause en appel et compte tenu de la décision de non-entrée en matière sur l’appel joint rendue par la Cour de céans, des dépens réduits doivent leur être alloués, de 2’700 fr., à charge de F._ et de C._, solidairement entre eux. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4cc6c7b8-0813-4b17-88cb-f4875cc81e77 | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
juin 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a libéré Q._ des griefs de mise en danger de la vie d'autrui, infraction à la Loi fédérale sur les armes, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (I), libéré L._ des griefs de tentative de lésions corporelles simples qualifiées, injure, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, ébriété au volant qualifiée, incapacité de conduire (II), libéré D._ des griefs de tentative de lésions corporelles simples, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (III), condamné Q._ pour lésions corporelles simples qualifiées, à la peine privative de liberté de six mois, avec sursis pendant deux ans (IV), dit que la peine infligée à Q._ est complémentaire à la condamnation infligée le 10 août 2009 par la Cour de cassation pénale vaudoise (V), condamné L._ pour menaces, violation de domicile, violation simple de la loi sur la circulation routière, dérobade aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, violation des devoirs en cas d'accident, défaut de port de la ceinture de sécurité, à la peine pécuniaire de soixante jours-amende, la valeur du jour étant arrêtée à 30 fr., avec sursis pendant deux ans (VI), condamné D._ pour violation de domicile, à la peine pécuniaire de dix jours-amende, la valeur du jour étant fixée à 30 fr., avec sursis pendant deux ans (VII), rejeté les prétentions civiles émises par L._ à l'encontre de Q._ (VIII), donné à Q._ acte de ses réserves civiles à l'encontre de L._ (IX), ordonné la confiscation du merlin séquestré (X), mis les frais de la cause par 11'625 fr. 40 à la charge de Q._, par 13'517 fr. 50 à la charge de L._ et par 7'000 fr. 50 à la charge de D._ (XI), différé le remboursement à l'Etat des indemnités servies aux conseils d'office jusqu'à amélioration de la situation financière des parties (XII).
B.
Par actes des 5 et 28 juin 2012, Q._ a fait appel contre ce jugement. Il a conclu à sa libération du grief de lésions corporelles simples qualifiées et à l'exemption de toute peine prononcée à son encontre ainsi qu'à sa libération du paiement des frais de la cause, y compris les frais de défense d'office. Il a en outre conclu à la condamnation de L._, pour tentative de lésions corporelles simples qualifiées, injure, menaces, violation de domicile, violation simple de la Loi sur la circulation routière, dérobade aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, violation des devoirs en cas d'accident, défaut de port de ceinture de sécurité, à une peine que justice dira ainsi qu'à la condamnation de D._, pour tentative de lésions corporelles simples, violation de domicile, à une peine que justice dira et à la mise des frais de justice à la charge de L._ et de D._ pour un montant que justice dira, le jugement étant confirmé pour le surplus à ses chiffres I, VIII, IX, X et XII. Il a requis une inspection locale afin que la Cour de céans puisse se rendre compte de la topographie des lieux ou une expertise afin de se prononcer sur les risques de ricochet d'un coup de semonce tiré dans la dalle de l'entrée. Il a également demandé à être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire.
Par courrier du 17 juillet 2012, Q._ a requis l'audition du sergent [...].
Le 22 août 2012, la Présidente de la Cour d'appel pénale a rejeté les réquisitions de preuves, l'audition du sergent [...], l'inspection locale de même que la mise en œuvre de l'expertise requise par Q._, ces réquisitions ne répondant pas aux conditions de l'art. 389 CPP.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1
Q._ est né le 23 mars 1971 à Lausanne. Il a été confronté dès l'enfance à la violence paternelle, tolérée par la mère. Ne pouvant plus assumer les frais de sa formation, il a interrompu des études d'ingénieur débutées à Genève et a travaillé au service d'une entreprise d'import/export avant d'exercer des fonctions commerciales dans d'autres sociétés. De 2002 à 2009, il a travaillé comme conseiller auprès de la compagnie d'assurance Helvetia. Il a ensuite connu une période de chômage et de dépression. En raison de graves problèmes de santé survenus à la suite de l’audience de première instance, il a déposé une demande de rente AI. Il perçoit les prestations de l'aide sociale. Depuis le mois d'avril 2008, il entretient une relation amoureuse avec [...], fille unique de L._. Née le 20 juin 1992, cette dernière était encore mineure au début de cette relation, qui perdure à ce jour.
Le casier judiciaire de Q._ fait état d'une condamnation prononcée le 10 août 2009 par la Cour de cassation pénale vaudoise, à une peine de cinquante jours-amende à 100 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, pour voies de fait et dérobade à la prise de sang.
Q._ a fait l'objet d'une expertise psychiatrique. Dans son rapport du 9 juin 2011, l'expert a posé le diagnostic de troubles anxieux et de consommation de cannabis, actuellement abstinent. L'expertisé fonctionne dans un registre d'état limite avec des défenses projectives et hypomanes du moi et présente quelques traits narcissiques. Il ne souffre toutefois pas d'un trouble mental significatif nonobstant les deux diagnostics psychiatriques posés, qui ne sont pas de nature à perturber le fonctionnement social ou professionnel de l'expertisé. L'expert conclut que la responsabilité pénale de l'expertisé était intégralement conservée au moment des faits, estimant le risque de récidive comme mineur (P. 54).
1.2
L._ est né le 3 avril 1963 à Vevey. Il a exploité une Sàrl active dans le domaine des constructions métalliques. A la suite de la faillite de dite société, il a repris une activité dans le même domaine en raison individuelle qui lui procure un revenu annuel de l'ordre de 30'000 francs. Il est le père de [...], l'amie de Q._. Cette dernière lui refuse tout contact depuis que des tensions divisent Q._ d'avec L._.
Son casier judiciaire est vierge de toute inscription.
1.3
D._ est né le 12 décembre 1965 à Lausanne. Au terme de sa scolarité obligatoire, il a entrepris une école de commerce mais n'a pas achevé sa formation. Il est parti vivre une dizaine d'années en Californie où il s'est marié et a eu un enfant. A son retour en Suisse, il a travaillé comme coursier avant de suivre un programme de réinsertion professionnelle, dans le domaine de la vente de produits alimentaires pour les animaux. Il ignore encore quel revenu il va réaliser de cette activité.
2.1
Le 26 mai 2008, soit la veille de la dénonciation pénale qu'il a faite à l'encontre de Q._, L._ s'est rendu au domicile de ce dernier pour le qualifier de pédophile et le menacer de tout entreprendre pour qu'il perde son emploi et sa propriété immobilière.
Q._ a déposé plainte contre L._ pour injure et menaces.
2.2
Dans la soirée du 11 octobre 2008, alors qu'il était en compagnie de son ami D._, L._ a constaté que les pneus de sa voiture avaient été crevés. Reconduit à son domicile par D._, il a réalisé que sa porte avait été fracturée et que ses plantations de cannabis avaient été volées. L'enregistrement de la caméra de surveillance a permis d'établir que le vol avait été commis par [...]. Cette dernière a finalement avoué avoir remis le cannabis volé à son amant Q._. C'est ainsi qu'après s'être assuré de la présence de Q._ à son domicile et avoir reniflé une ligne de cocaïne "pour que son courage soit à la hauteur de son énervement" et qu'il puisse "faire ce qu'il n'aurait pas fait sobre", L._ s'est rendu au domicile de Q._ en compagnie de D._.
Vers 23h30, alors qu'il se trouvait chez lui en compagnie d'une amie et de la fillette de cette dernière, alors âgée de quatre ans, Q._ a entendu le bruit de la camionnette de D._. Présumant la présence de L._ et tenant compte du conflit qui les opposait au sujet de la relation qu'il entretient avec sa fille, Q._ est allé chercher un fusil à pompe calibre 12, chargé de quatre balles de caoutchouc, qu'un ami lui avait confié. L._ s'est approché de la maison, muni d'une lourde masse posée sur son épaule, suivi par D._ qui n'était pas armé. Q._ a entrouvert la porte de sa maison, qui était fermée à clef, pour interpeller les intrus. L._ a forcé le passage et pénétré dans le vestibule, suivi par D._. Q._ les a sommés de quitter les lieux en effectuant un mouvement de charge. L._ a continué d'avancer en écartant de la main le canon de l'arme. Q._, acculé contre le mur, a fait feu en visant les jambes de L._, avant de répéter le mouvement de charge. Les intrus ont pris peur et ont déguerpi, toujours mis en joue par Q._. L._ a subi une plaie de la cuisse droite qui n'a pas généré de dommages permanents mais a nécessité une intervention chirurgicale d'ablation. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les forme et délai légaux (art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure
(art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP).
3.
Invoquant une violation de l’art. 15 CP et une constatation incorrecte des faits, Q._ conteste sa condamnation pour lésions corporelles simples qualifiées. Il explique, en bref, qu’un coup de semonce n’était pas envisageable compte tenu de la configuration des lieux, que le tir au sol en direction des pieds de l’auteur était proportionné, dès lors qu’il a respecté la gradation de la force de la contre-attaque qui était requise par les circonstances, et que son assaillant était particulièrement imprévisible le soir des faits. Il considère ainsi que le moyen utilisé était tout à fait proportionné.
3.1
Selon l’art. 15 CP, quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d'une attaque imminente a le droit de repousser l'attaque par des moyens proportionnés aux circonstances.
Aux termes de l’art. 16 al. 1 CP, si l’auteur, en repoussant une attaque, a excédé les limites de la légitime défense au sens de l’art. 15 CP, le juge atténue la peine.
La légitime défense suppose une attaque, c'est-à-dire un comportement visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d'une attaque, soit le risque que l'atteinte se réalise. Il doit s'agir d'une attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l'atteinte soit effective ou qu'elle menace de se produire incessamment (ATF 106 IV 12 c. 2a; ATF 104 IV 232 c. c). Une attaque n'est cependant pas achevée aussi longtemps que le risque d'une nouvelle atteinte ou d'une aggravation de celle-ci par l'assaillant reste imminent (ATF 102 IV 1 c. 2b). S'agissant en particulier de la menace d'une attaque imminente contre la vie ou l'intégrité corporelle, celui qui est visé n'a évidemment pas à attendre jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour se défendre; il faut toutefois que des signes concrets annonçant un danger incitent à la défense. La seule perspective qu'une querelle pourrait aboutir à des voies de fait ne suffit pas. Par ailleurs, l'acte de celui qui est attaqué ou menacé de l'être doit tendre à la défense. Un comportement visant à se venger ou à punir ne relève pas de la légitime défense; il en va de même du comportement qui tend à prévenir une attaque certes possible mais encore incertaine, c'est-à-dire à neutraliser l'adversaire selon le principe que la meilleure défense est l'attaque
(ATF 93 IV 81).
La défense doit apparaître proportionnée au regard de l'ensemble des circonstances. A cet égard, on doit notamment examiner la gravité de l'attaque, les biens juridiques menacés par celle-ci et par les moyens de défense, la nature de ces derniers ainsi que l'usage concret qui en a été fait. La proportionnalité des moyens de défense se détermine d'après la situation de celui qui voulait repousser l'attaque au moment où il a agi. Les autorités judiciaires ne doivent pas se livrer à des raisonnements a posteriori trop subtils pour déterminer si l'auteur des mesures de défense n'aurait pas pu ou dû se contenter d'avoir recours à des moyens différents, moins dommageables. Il est aussi indispensable de mettre en balance les biens juridiquement protégés qui sont menacés de part et d'autre. Encore faut-il que le résultat de cette pesée des dangers en présence soit reconnaissable sans peine par celui qui veut repousser l'attaque, l'expérience enseignant qu'il doit réagir rapidement (ATF 136 IV 49 c. 3.2; ATF 107 IV 12 c. 3; ATF 102 IV 65 c. 2a).
Celui qui utilise pour se défendre un objet dangereux, tel qu'un couteau ou une arme à feu, doit faire preuve d'une retenue particulière car sa mise en oeuvre implique toujours le danger de lésions corporelles graves ou même mortelles. On ne peut alors considérer la défense comme proportionnée que s'il n'était pas possible de repousser l'attaque avec des moyens moins dangereux, si l'auteur de l'attaque a le cas échéant reçu une sommation et si la personne attaquée n'a utilisé l'instrument dangereux qu'après avoir pris les mesures nécessaires pour éviter un préjudice excessif (ATF 136 IV 49 c. 3.3 et les références citées).
3.2
Conformément à l’appréciation des premiers juges, on doit admettre qu’il y a eu une attaque. En effet, Q._ et L._ sont opposés par un litige vivace, articulé autour de la fille de ce dernier. Q._ sait que le ressentiment du père est violent. Il le voit débarquer à son domicile en pleine nuit, accompagné d’un acolyte. L._ est armé d’une lourde masse qu’il tient sur l’épaule. Les deux hommes sont excités, L._ ayant notamment pris des drogues pour se donner du courage. Il avance armé de sa masse en direction de Q._, écarte le canon du fusil braqué sur lui et l’accule au fond du couloir de l’appartement. Dans ces conditions, on doit admettre que l’appelant s’est retrouvé, de manière contraire au droit, menacé d'une attaque imminente qu’il était en droit de repousser.
Il reste à examiner la proportionnalité des moyens de défense utilisés. En l’espèce, on ne saurait admettre que l’appelant n'a utilisé son arme qu'après avoir pris les mesures nécessaires pour éviter un préjudice excessif. En effet, selon ses propres déclarations, L._ se trouvait à deux mètres de lui au moment du tir. De plus, si l’intrusion des deux hommes était menaçante, aucun des deux n’avait encore levé la main sur l’appelant ou fait un quelconque signe dans ce sens. Ce dernier aurait donc eu tout le loisir d’abaisser davantage son fusil à pompe et de le diriger vers le sol et non pas en direction du corps et plus précisément des cuisses de L._ avant de tirer. Q._ pouvait tirer un coup de feu au sol à titre de semonce, son arme étant chargée de quatre balles. Ce moyen aurait d’ailleurs été suffisant puisque L._ n’a pas ressenti la brûlure de la blessure, mais s’est interrompu et a déguerpi au bruit et au vu du second mouvement de charge, effectué juste après le premier tir. Par ailleurs, l’appelant aurait très bien pu appeler les forces de l’ordre pour demander de l’aide et ne pas ouvrir, comme il l’a fait, la porte de la maison à ses adversaires. Dans ces conditions, on doit admettre que le moyen utilisé était disproportionné, de sorte que l’appelant a excédé les limites de la légitime défense.
Sur le vu de ce qui précède, ni une inspection locale ni une expertise ne sont nécessaires pour la résolution des points contestés, de sorte que les moyens requis doivent être rejetés.
4.
Invoquant une violation de l’art. 16 al. 2 CP, l’appelant soutient qu’il se trouvait au moment des faits dans un état excusable d’excitation ou de saisissement causé par l’attaque.
4.1
Aux termes de l’art. 16 al. 2 CP, si l’excès de légitime défense provient d’un état excusable d’excitation ou de saisissement causé par l’attaque, l’auteur n’agit pas de manière coupable.
Selon la jurisprudence, ce n'est que si l'attaque est la seule cause ou la cause prépondérante de l'excitation ou du saisissement que celui qui se défend n'encourt aucune peine et pour autant que la nature et les circonstances de l'attaque rendent excusable cette excitation ou ce saisissement. La loi ne précise pas plus avant le degré d'émotion nécessaire, lequel doit toutefois revêtir une certaine importance. Il appartient au juge d'apprécier de cas en cas si ce degré d'émotion était suffisamment marquant et de déterminer si la nature et les circonstances de l'attaque le rendaient excusable. Plus la réaction de celui qui se défend aura atteint ou menacé l'agresseur, plus le juge se montrera exigeant quant au degré d'excitation ou de saisissement nécessaire (ATF 102 IV 1 c. 3b).
4.2
On ne saurait retenir que l’excès de légitime défense provient d’un état excusable d’excitation causé exclusivement ou principalement par l’attaque illicite. En effet, selon ses propres déclarations, lorsque Q._ a aperçu la camionnette blanche, il a tout de suite pensé qu’il s’agissait de D._ et que L._ était avec lui. Dès qu’il a imaginé qu’il devait s’agir de ces deux hommes, il est allé chercher son fusil à pompe. Il est ensuite allé à sa porte, qui était fermée à clef, et l’a entrouverte pour demander aux arrivants ce qu’ils voulaient. Ainsi, l’appelant a préparé sa défense et choisi délibérément de recourir à une arme à feu, avant même toute attaque.
5.
Invoquant une violation de l’art. 177 CP, l’appelant soutient que L._ doit être condamné pour injure, ce dernier l’ayant traité de pédophile.
5.1
Lorsque l'auteur a allégué des faits attentatoires à l'honneur en s'adressant uniquement à la personne visée et qu'il tombe ainsi sous le coup de
l'art. 177 CP, il est admis que sont aussi ouvertes les preuves libératoires selon l'art. 173 ch. 2 et 3 CP, qui excluent la condamnation de l'auteur à une peine (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, ad art. 177 n. 26 et les auteurs cités).
Selon l'art. 173 ch. 2 CP, l'inculpé n'encourra aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies. Un accusé apporte la preuve de la vérité s'il établit que ce qu'il a dit est vrai; il peut apporter même des éléments de preuve qui lui étaient inconnus au moment où il s'est exprimé, car la seule question pertinente est celle de la véracité du propos (ATF 124 IV 149 c. 3).
5.2
Le 26 mai 2008, la veille de la dénonciation pénale, L._ a gagné le domicile de Q._ à [...] pour le qualifier de pédophile.
Scientifiquement, la pédophilie est une attirance ou préférence sexuelle d'un adulte envers les enfants prépubères ou en début de puberté. Un pédophile est une personne éprouvant ce type d'attirance. Dans le langage courant toutefois, le terme pédophilie est souvent utilisé pour désigner les abus sexuels sur mineur dans leur ensemble, quel que soit par ailleurs le diagnostic psychiatrique émis sur les personnes commettant ces faits (cf. définition de http://fr.wikipedia.org).
Se faire traiter de pédophile est attentatoire à l’honneur. Toutefois, en l’occurrence, l’appelant a bel et bien entretenu des relations sexuelles avec la fille de L._ alors que celle-ci n'avait pas encore atteint sa majorité sexuelle. En effet, il résulte des déclarations que cette dernière a faites le 12 octobre 2008 à la police cantonale, qu’elle connaissait l’appelant depuis 2 ans et demi et qu’elle entretenait des relations intimes avec lui depuis 6 mois. Née le 20 juin 1992, elle n'était donc pas encore âgée de 16 ans au début de sa liaison avec l'appelant. Dans ces circonstances, on peut admettre que la preuve libératoire de l'injure proférée par L._ a été apportée. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
6.
Invoquant les art. 22 al. 1 et 123 CP, l’appelant conteste la libération de L._ et D._ du chef d’accusation de tentative de lésions corporelles simples qualifiées. En substance, il considère, au regard de l’état d’excitation des deux agresseurs et du fait que L._ a consommé de la drogue, que les deux compères ont à tout le moins accepté le risque que la situation dégénère et qu’ils puissent s’en prendre à l’intégrité physique de l’appelant.
6.1
L'art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Cette disposition protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique. Elle implique une atteinte importante aux biens juridiques ainsi protégés (ATF 119 IV 25 c. 2a;
ATF 107 IV 40 c. 5c; ATF 103 IV 65 c. 2c).
Aux termes de l’art. 22 al. 1 CP, le juge peut atténuer la peine si l’exécution d’un crime ou d’un délit n’est pas poursuivie jusqu’à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l’infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire. La tentative suppose toujours un comportement intentionnel, le dol éventuel étant toutefois suffisant. Il y a dol éventuel lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait, même s'il ne le souhaite pas (ATF 133 IV 9 c. 4.1; ATF 131 IV 1 c. 2.2 et les arrêts cités). La négligence consciente s'en distingue par l'élément volitif. Alors que celui qui agit par dol éventuel s'accommode du résultat dommageable pour le cas où il se produirait, celui qui agit par négligence consciente escompte - ensuite d'une imprévoyance coupable - que ce résultat, qu'il envisage aussi comme possible, ne se produira pas (ATF 133 IV 9 c. 4.1; ATF 130 IV 58 c. 8.3; ATF 125 IV 242 c. 3c; ATF 119 IV 1 c. 5a).
La distinction entre le dol éventuel et la négligence consciente peut parfois s'avérer délicate, notamment parce que, dans les deux cas, l'auteur est conscient du risque de survenance du résultat. En l'absence d'aveux de la part de l'auteur, la question doit être tranchée en se fondant sur les circonstances extérieures, parmi lesquelles figurent la probabilité, connue de l'auteur, de la réalisation du risque et l'importance de la violation du devoir de prudence. Plus celles-ci sont élevées, plus l'on sera fondé à conclure que l'auteur a accepté l'éventualité de la réalisation du résultat. Peuvent aussi constituer des
éléments extérieurs révélateurs, les mobiles de l'auteur et la manière dont il a agi (ATF 133 IV 9 c. 4.1; ATF 130 IV 58 c. 8.4; ATF 125 IV 242 c. 3c).
6.2
Au regard des éléments du dossier, on ne saurait retenir que L._ et D._ avaient l’intention ou à tout le moins envisageaient de frapper Q._ au moyen de la masse transportée par le premier nommé. Certes, L._ a consommé de la cocaïne avant de se rendre chez l’appelant et s’est approché de ce dernier en étant armé d’un merlin. Il reste que, selon les déclarations des intéressés figurant au dossier, leur intention consistait à impressionner l’appelant pour soit récupérer le cannabis, soit faire cesser la relation entre l’appelant et la fille de L._. En effet, lors de son audition, D._ a déclaré ceci :
« c’était quand même dans le but de l’impressionner si nous sommes montés à deux chez Q._. Nous avions l’intention de discuter avec lui pour remettre les pendules à l’heure. Mon ami L._ en avait marre depuis un moment de la relation entre Q._ et sa fille et que rien ne se faisait. De ma part, j’étais du même avis que mon ami
» (PV aud. 1). Le témoin [...] a également déclaré ce qui suit : «...
pendant le trajet, L._ était remonté et fâché contre Q._. Il lui en voulait depuis longtemps pour être l’amant de sa fille et il en avait plein le dos de toutes ces histoires, notamment pour celles qui venaient de lui arriver. Il a dit qu’il voulait aller demander des explications à Q._, mais n’a jamais dit qu’il voulait lui faire du mal...Ils étaient certes assez fâchés, surtout L._, mais ils n’ont jamais parlé de faire du mal physiquement à Q._
» (PV aud. 2). L._ a déclaré ceci : «
il est clair que Q._ sait ce que je pense de lui. Mais il sait aussi que j’ai toujours tenté de régler les choses par la voie légale, notamment en déposant plainte contre lui
» (PV aud. 4).
Au regard de ces déclarations, on doit retenir que L._ avait l’intention d’avoir une sérieuse discussion avec l’appelant pour éclaircir la situation quant à la relation que ce dernier entretenait avec sa fille et pour récupérer ses plantes. Le fait que L._ ait consommé de la drogue pour se donner du courage avant de partir avec D._ et qu’il se soit armé d’un merlin est insuffisant pour admettre que les deux hommes ont envisagé de frapper l’appelant au moyen de cet outil, le prénommé ne l’ayant d’ailleurs jamais utilisé contre une personne ni un objet au moment de l’altercation. Partant, l’infraction de tentative de lésions corporelles simples qualifiées ne saurait être retenue à l’encontre de L._ et D._.
7.
En définitive, l'appel de Q._ est entièrement rejeté et le jugement attaqué confirmé.
8.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de Q._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 2’350 fr.
(art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office ainsi que l'indemnité allouée aux conseils d'office de L._ et de D._.
Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, il convient d'allouer au défenseur d’office de Q._ une indemnité arrêtée à 1’784 fr. 15, TVA et débours inclus.
L'indemnité pour la procédure d'appel allouée au conseil d'office de L._ sera fixée à 1’179 fr. 35, TVA et débours inclus, et celle allouée au conseil d'office de D._ sera fixée à 1’029 fr. 10, TVA et débours inclus.
Q._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités en faveur des conseils d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4ce8a4ab-860c-49c5-84f5-ad1b765bb369 | En fait :
A.
Par jugement du 12 septembre 2014, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré J._ des chefs d’accusation de lésions corporelles graves par négligence et de violation simple des règles de la circulation routière (I), libéré W._ du chef d’accusation de violation grave des règles de la circulation routière (II), constaté que W._ s’est rendu coupable de lésions corporelles graves par négligence, de violation simple des règles de la circulation routière et d’infraction à l’ordonnance sur la durée du travail et du repos des conducteurs professionnels de véhicules automobiles (III), l’a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 100 fr. (IV), suspendu l’exécution de la peine et fixé au condamné un délai d’épreuve de deux ans (V), l’a condamné à une amende de 3'000 fr. et dit qu’à défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 30 jours (VI), rejeté les prétentions civiles du plaignant U._ à l’encontre de J._ (VII), renvoyé le plaignant à agir devant le juge civil à l’encontre de W._ (VIII), statué sur les dépens dus par W._ en faveur du plaignant (IX), alloué à J._, pour ses frais de défense, un montant de 5'000 fr., à la charge de l’Etat, à titre d’indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (X), arrêté l’indemnité due à Me José Coret, conseil d’office d’U._, à un montant de 3'220 fr., débours et TVA compris (XI), arrêté l’indemnité due à Me Nader Ghosn, conseil d’office de W._, à un montant de 10'263 fr., débours et TVA compris (XII), ordonné le maintien au dossier du CD-Rom qui figure au dossier à titre de pièces à conviction sous fiches n° 13631/12, pièce n° 10 (XIII), a mis une partie des frais de la cause, y compris les indemnités allouées sous chiffres XI et XII ci-dessus, par 15'134 fr. 40, à la charge de W._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (XIV) et dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité mentionnée au chiffre XII ci-dessus ne pourra être exigée de W._ que dans la mesure où sa situation financière se sera améliorée et le permettra (XV).
B.
U._ a annoncé faire appel de ce jugement le 15 septembre 2014. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 9 octobre 2014. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est constaté que J._ s’est rendue coupable de lésions corporelles graves par négligence et violation simple des règles de la circulation routière, qu’il est constaté que W._ s’est rendu coupable de lésions corporelles graves par négligence, de violation grave des règles de la circulation routière et d’infraction à l’ordonnance sur la durée du travail et du repos des conducteurs professionnels, qu’il est admis
«
dans son principe
»
que J._ et W._ sont ses débiteurs, solidairement entre eux, d’un montant à titre de dommages et intérêts, U._ étant renvoyé pour le surplus à agir par la voie civile, que J._ et W._, solidairement entre eux, sont condamnés à lui verser la somme de 50'000 fr. à titre de tort moral et à régler les frais de défense de première instance par 4'959 fr. et de la procédure d’appel.
W._ a annoncé faire appel de ce jugement le 19 septembre 2014. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 14 octobre 2014. Il a conclu, avec suite de frais et dépens des deux instances, à sa réforme en ce sens qu’il est libéré des chefs d’accusation de lésions corporelles graves par négligence et de violation simple des règles de la circulation routière et qu’il est condamné à une amende pour contravention à l’ordonnance sur la durée du travail et de repos des conducteurs professionnels de véhicules automobiles. Il a pris une conclusion subsidiaire tendant à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause à l’autorité de première instance pour nouvelle instruction et nouveau jugement dans le sens des considérants. Au titre de mesures d’instruction, il a requis un complément d’expertise toxicologique et une reconstitution du trajet effectué.
Les appelants ont confirmé leurs conclusions à l’audience d’appel. L’intimée J._ a conclu, principalement, au rejet de l’appel d’U._, une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure lui étant allouée à raison de 14’800 francs. Subsidiairement, elle a demandé à être mise au bénéfice de l’art. 54 CP.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Né en 1947, le prévenu W._ a exercé durant de nombreuses années l’activité de chauffeur professionnel de camion et de bus. Sa déclaration fiscale 2013 fait état d’un revenu net de 120'174 fr., pour une fortune, avant tout immobilière, de 1'545'876 fr. et de dettes pour 609'443 francs. Marié, ce prévenu est propriétaire de sa maison, valant environ 300’0000 fr. et suscitant un coût hypothécaire d’environ 800 fr. par mois. Il n’a personne à charge et déclare n’avoir ni fortune particulière, ni dettes. Son casier judiciaire et son fichier ADMAS ne comportent pas d’inscription.
1.2 Née en 1971, la prévenue J._ exerce la profession d’agente de sécurité. Elle perçoit un revenu mensuel total de quelque 4'512 fr. net au service de deux sociétés. Célibataire, elle vit seule dans un appartement dont le loyer s’élève à 1'152 fr. par mois. Elle dit n’avoir ni fortune particulière, ni dettes. Son casier judiciaire ne mentionne pas d’inscription. Son fichier ADMAS comporte un avertissement pour inattention, prononcé le 2 mai 2012. Elle est suivie par un psychothérapeute depuis les faits décrits ci-dessous.
2.1 Le vendredi 3 février 2012, vers 0 h 20, le prévenu W._ circulait de Lausanne à Neuchâtel sur l’autoroute A5 aux commandes d’un car. Il véhiculait une dizaine de passagers de retour d’une soirée passée dans la capitale vaudoise, dont U._, né en 1991. Ce dernier avait consommé de l’alcool et du cannabis dans la soirée. En effet, selon les expertises du CHUV (P. 19 et 20), son taux d’alcoolémie était de 0,85 g ‰, compte tenu d’un intervalle de confiance compris entre 0,80 et 0,90 g ‰, alors que son taux de THC (principe actif du cannabis) s’élevait à 2 μg par litre de sang.
Le jeune homme a été qualifié de «costaud» tant par le chauffeur du car (PV aud. 2, p. 3, et jugement, p. 24) que par son propre père (jugement, p. 14). Les conditions météorologiques étaient mauvaises : il neigeait faiblement, la température était négative et une forte bise soufflait avec des rafales proches de 100 km/heure.
Durant le trajet du retour à Neuchâtel, U._ s’est tout d’abord disputé avec son ancienne amie, [...]. Il s’est mis en colère et était très énervé. Il a crié dans le bus, fait des allers-retours, proféré des injures à l’égard de son ex-amie et s’en est pris au matériel, frappant plusieurs éléments du bus. En particulier, à l’audience de première instance, le chauffeur a dit qu’U._ criait «à tout va» contre son ex-amie et qu’il avait aussi tapé sur la table du fond en endommageant deux supports à verre. Plusieurs passagers ont tenté de raisonner le passager, mais sans succès. Peu avant la jonction de Grandson, il s’est penché sur la barrière depuis la première place de la rangée de droite et s’est adressé au conducteur en lui demandant d’arrêter son bus pour le laisser sortir. W._ a adressé des avertissements au plaignant. Après au moins deux refus, U._ a dit à W._ que, s’il ne s’arrêtait pas, il casserait tout dans son car. Le chauffeur s’est alors arrêté sur une surlargeur de la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute, peu avant le tunnel de Concise, et a ouvert la porte arrière du bus. [...] a encore tenté de raisonner son ex-ami, toujours en vain. Un autre passager a essayé de le retenir par le bras, mais également sans succès. U._ est sorti à deux reprises, la seconde après avoir récupéré ses affaires restées dans le bus. Il a lui-même décidé de descendre du véhicule après avoir ordonné d’un ton menaçant au chauffeur de s’arrêter. A ce sujet, [...] a évoqué une agression verbale. Le prévenu a dit avoir craint qu’U._ lui saute dessus et que le bus passe en bas du talus s’il persistait à refuser de le laisser descendre, ajoutant qu’il n’avait «jamais été confronté à une telle situation». U._ savait pertinemment qu’il était sur l’autoroute et était tout de noir vêtu.
Selon le dossier photographique, l’endroit où U._ est descendu du bus était relativement sécurisé. En effet, la bande de sécurité présentait une surlargeur et était en outre pourvue d’une barrière de sécurité. Les lieux étaient relativement éclairés.
Après le départ du bus, U._ a déambulé sur la chaussée, le plus souvent sur la bande d’arrêt d’urgence, en tentant sans succès de faire du stop, et partiellement aussi sur la voie de circulation. Pour une raison indéterminée, il s’est ensuite couché en travers de l’autoroute, à cheval entre la voie de droite et la bande d’arrêt d’urgence.
C’est dans ces circonstances que, quelques instants plus tard, J._ l’a heurté au volant de son véhicule, alors qu’elle circulait à une vitesse d’environ 70 km/heure. L’automobiliste avait les feux de croisement enclenchés, dès lors que des véhicules circulaient sur la voie opposée. A un certain moment, elle a aperçu, dans le faisceau de ses phares, «une tache noire posée sur le bord droit de la voie droite». Elle a pensé à un pare-choc, qui avait été perdu suite à un accident, et a simultanément donné un coup de volant à gauche et freiné afin d’éviter l’objet, sans toutefois pouvoir éviter le choc.
A l’endroit de l’accident, la chaussée, en parfait état d’entretien, était mouillée et partiellement recouverte d’une fine couche de neige sur la bande d’arrêt d’urgence, au centre des voies de circulation et sur le bord gauche de la voie même côté. A l’entrée du tunnel, soit peu après l’endroit de l’accident, deux rangées de lampadaires éclairaient l’autoroute (P. 17). Les alentours étaient enneigés.
2.2 U._ a, du fait de cette collision, subi un polytraumatisme avec fracture complexe du bassin, plaie délabrante périnéale, contusion pulmonaire droite, fracture des arcs postérieurs des côtes 9-11 droites, fracture de l’apophyse transverse droite de L5, contusion hépatique et rénale droite, fracture dentaire et plexopathie lombo-sacrée droite.
U._ a déposé plainte le 9 février 2012. Il a pris des conclusions civiles contre W._ et J._.
2.3 Du 16 au 31 janvier 2012, W._ n’a pas respecté le temps de repos obligatoire pour les chauffeurs professionnels. Il n’a en effet observé que deux temps de repos réduits de 41 heures 20, respectivement 27 heures 15, alors que, sur une telle période de deux semaines, il aurait dû respecter deux temps de repos de 45 heures chacun, l’un des deux pouvant être réduit à 24 heures pour autant que cette réduction soit compensée dans les trois semaines suivantes. En outre, pour la période de 24 heures s’étendant du lundi 30 au mardi 31 janvier 2012, il a déployé une activité de 18 heures 05, alors qu’il aurait dû respecter un repos minimal de neuf heures sur cette période. | En droit :
I.
1.
Interjetés dans les forme et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels sont recevables.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
II. Appel d’U._
1.
L’appelant soutient que l’intimée J._ doit être condamnée pour lésions corporelles graves par négligence et violation simple des règles de la circulation routière. En substance, il soutient que cette dernière circulait à 70 km/h, qu’il s’agissait d’une vitesse inadaptée qui ne lui permettait pas de s’arrêter sur la distance de visibilité et qu’elle devait s’attendre à ce qu’un obstacle surgisse et pouvoir s’arrêter à temps. De plus, l’utilisation des feux de route au lieu des feux de croisement aurait permis à l’intimée de voir l’appelant à une plus grande distance.
1.1
1.1.1
Selon l’art. 125 CP, celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte, puni de l'emprisonnement ou de l'amende (al. 1). Si la lésion est grave, l'auteur sera poursuivi d'office (al. 2). D’après l'art. 12 al. 3 CP, agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle.
Ainsi, deux conditions doivent être remplies pour qu'il y ait négligence.
En premier lieu, il faut que l'auteur ait d'une part violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que, d'autre part, il n'ait pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir (ATF 134 IV 255 c. 4.2.3 p. 262; ATF 133 IV 158 c. 5.1 pp. 162 s.). Pour déterminer plus précisément quels étaient les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter des accidents; à défaut de dispositions légales ou réglementaires, on peut se référer à des règles analogues qui émanent d'associations privées ou semi-publiques lorsqu'elles sont généralement reconnues. La violation des devoirs de la prudence peut aussi être déduite des principes généraux, si aucune règle spéciale de sécurité n'a été violée (ATF 133 IV 158 c. 5.1 p. 162). Un comportement viole le devoir de prudence lorsque l'auteur, au moment des faits, aurait pu, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d'autrui et qu'il a simultanément dépassé les limites du risque admissible (ATF 136 IV 76 c. 2.3.1 p. 79; ATF 135 IV 56 c. 2.1 p. 64; ATF 134 IV 255 c. 4.2.3 p. 262). C'est en fonction de la situation personnelle de l'auteur que l'on doit apprécier son devoir de prudence (ATF 135 IV 56 c. 2.1 p. 64; ATF 133 IV 158 c. 5.1 p. 162; ATF 122 IV 145 c. 3b/aa p. 147).
En second lieu, pour qu'il y ait négligence, il faut que la violation du devoir de prudence soit fautive, c'est-à-dire que l'on puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 135 IV 56 c. 2.1 p. 64; ATF 134 IV 255 c. 4.2.3 p. 262; ATF 129 IV 119 c. 2.1 p. 121).
1.1.2
Dans un arrêt 6S.403/2004, le Tribunal fédéral a nié toute négligence à l’endroit d’un conducteur qui, arrivé sur le lieu d’un accident, survenu de nuit sur l’autoroute, tente d’éviter le véhicule impliqué et des objets jonchant la chaussée, mais happe une victime inconsciente allongée sur l’une des voies de circulation, les circonstances la rendant indécelable.
Dans un arrêt 6B_143/2009, le Tribunal fédéral a également nié une négligence à l’égard d’un chauffeur de camion qui, ayant obliqué à droite après que la signalisation eut passé au vert, renverse et provoque le décès d’une cycliste, cette dernière étant invisible pour le chauffeur, qui n’était dès lors pas en mesure de réaliser et de tenir compte de sa présence aux abords de son véhicule.
Dans son arrêt 103 IV 101, le Tribunal fédéral a également nié toute faute à l’égard d’un conducteur qui renverse et provoque le décès d’un cyclomotoriste traversant la chaussée, dans la mesure où ce dernier n’aurait été visible à temps que moyennant une extrême attention, qui ne pouvait être exigée au regard des circonstances. En effet, même si les chances d'apercevoir le cyclomotoriste étaient de plus en plus grandes à mesure que celui-ci se rapprochait, il reste que, selon ce cyclomotoriste était difficilement visible, c'est-à-dire visible pour autant qu'on portât une extrême attention dans la direction d'où il venait. Or, compte tenu de l'attention qu'il fallait consacrer à la voie de circulation parcourue, aux feux, au trottoir de droite et au passage pour piétons, on ne pouvait raisonnablement fonder sur la loi l'obligation de surveiller en outre avec une extrême attention le reste de la chaussée. Ce n'est qu'à partir du moment où le cyclomotoriste a pénétré sur la voie de circulation empruntée par le recourant que l'on pouvait exiger de ce dernier l'extrême attention lui permettant de voir l'obstacle. Toutefois, il ne disposait alors plus du temps nécessaire pour être en état de réagir efficacement.
1.2
En bref, le premier juge a relevé que la vitesse adoptée par l’intimée était admissible, qu’elle permettait objectivement un arrêt sur la distance de visibilité, que la victime couchée à cheval sur la bande d’arrêt d’urgence et la voie droite de l’autoroute, habillée complètement de noir, n’était pas suffisamment repérable pour être vue à temps, que le choc ne pouvait par conséquent pas être évité, que, compte tenu de sa position et de son habillement, la victime est entrée dans le champ de vision de l’automobiliste au moment où cette dernière n’était plus en mesure de réagir efficacement même en roulant à une vitesse adaptée et que la collision ne pouvait par conséquent être évitée. Au regard des circonstances bien particulières du cas, il a conclu qu’aucune faute ne pouvait être retenue à l’encontre de l’intimée.
Cette appréciation doit être confirmée. En effet, la négligence suppose que la violation du devoir de prudence soit fautive, c'est-à-dire que l'on puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, une inattention ou un manque d'effort blâmable. Or, en l’espèce, aucun comportement fautif ne peut être imputé à l’intimée. La nuit en question, la météo était glaciale et venteuse; à l’endroit de l’accident, la chaussée, en parfait état d’entretien, était mouillée et partiellement recouverte d’une fine couche de neige sur la bande d’arrêt d’urgence, au centre des voies de circulation et sur le bord gauche de la voie même côté. La température avoisinait les -9° et une forte bise soufflait avec des rafales proches de 100 km/heure. Les alentours étaient enneigés. La conductrice roulait à une vitesse réduite estimée à 70 km/h, compte tenu des conditions atmosphériques; celle-ci ne peut en aucun cas être considérée comme excessive au regard des conditions décrites et étant rappelé que l’intéressée circulait sur l’autoroute. L’automobiliste avait les feux de croisement enclenchés; à l’entrée du tunnel, soit peu après l’endroit de l’accident, deux rangées de lampadaires éclairaient l’autoroute; des véhicules circulaient sur la voie opposée. Dans ces circonstances, on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir circulé avec les feux de route. A un certain moment, elle a aperçu, dans le faisceau de ses phares, une tache noire posée sur le bord droit de la voie droite. Elle a pensé à un pare-choc, qui avait été perdu suite à un accident, et a donné simultanément un coup de volant à gauche et freiné afin d’éviter l’objet, sans toutefois pouvoir éviter le choc. Ainsi, l’intimée était bien concentrée sur sa conduite au moment des faits et avait adapté sa vitesse aux conditions; elle a vu l’obstacle et immédiatement réagi en freinant et en tournant le volant à gauche. Elle ne pouvait par ailleurs voir la victime plus tôt, dès lors que cette dernière, tout de noir vêtue et couchée sur la chaussée, n’était que difficilement perceptible. Dans ces circonstances, on ne saurait lui reprocher une violation fautive, à savoir une inattention, une perte de maîtrise ou une vitesse inadaptée.
2.
L’appelant soutient que l’intimé W._ ne devrait pas être condamné pour violation simple des règles de la circulation routière, mais pour violation grave au sens de l’art. 90 ch. 2 LCR.
2.1
Selon l'art. 382 al. 1 CPP, a qualité pour recourir toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision. La notion de partie doit être comprise au sens des art. 104 et 105 CPP, si bien que, outre le prévenu et la partie plaignante, les autres participants à la procédure peuvent être considérés comme ayant la qualité pour recourir pour autant qu'il aient participé à la procédure de première instance et aient un intérêt juridiquement protégé (Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1292). La qualité pour recourir n'est donc pas restreinte aux parties au sens étroit, mais peut également être reconnue, notamment, aux lésés, lorsqu'ils sont directement touchés dans leurs droits, dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de leurs intérêts (art. 105 al. 1 et 2 CPP). Les personnes qui ont qualité pour déposer plainte pénale sont toujours considérées comme des lésés (art. 115 al. 2 CPP). On entend par lésé toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction (art. 115 al. 1 CPP).
En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 129 IV 95 c. 3.1 pp. 98 s. et les arrêts cités). Les droits touchés sont les biens juridiques individuels tels que la vie et l'intégrité corporelle, la propriété, l'honneur, etc. (Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1148). En revanche, lorsque l'infraction protège en première ligne l'intérêt collectif, les particuliers ne sont considérés comme lésés que si leurs intérêts privés ont été effectivement touchés par les actes en cause, de sorte que leur dommage apparaît comme la conséquence directe de l'acte dénoncé (ATF 129 IV 95 c. 3.1 p. 99 et les arrêts cités; arrêts 1B_489/2011 du 24 janvier 2012 c. 2.1, 1B_556/2011 du 3 janvier 2012 c. 4, 1B_201/2011 du 9 juin 2011 c. 2.1).
Le Tribunal fédéral a jugé que les règles de la LCR ne protégeaient la propriété, respectivement les biens de l'usager de la route, que de manière indirecte. La personne impliquée dans un accident qui ne subit que de simples dégâts matériels n'est dès lors pas lésée au sens des art. 115 et 118 CPP dans la procédure pénale contre le responsable d'une violation des règles de la circulation routière (ATF 138 IV 258 c. 2-4).
2.2
En l’espèce, il est douteux que l’appelant puisse se plaindre d’une violation de l’art. 90 ch. 2 LCR, en d’autres termes qu’il ait un intérêt juridiquement protégé au sens de l’art. 382 CPP à ce que W._ soit reconnu coupable de cette infraction. En effet, l’art. 90 LCR protège l'intérêt collectif et le dommage de l’intéressé ne constitue qu’une éventuelle conséquence indirecte de l'acte dénoncé. De plus, le premier juge a, à juste titre, retenu que la violation de l’art. 90 LCR était absorbée par l’art. 125 CP pour considérer que le concours idéal entre ces deux infractions était par conséquent exclu, s’agissant de la mise en danger d’U._. Il a en revanche retenu l’art. 90 LCR en relation avec la mise en danger créée par le conducteur au préjudice de la conductrice J._ (jugement, p. 40).
Quoiqu’il en soit, la question de savoir si W._ a violé l’art. 90 ch. 1 ou 2 LCR sera examinée dans le cadre de l’appel interjeté par ce dernier.
III.
Appel de W._
1.
L’appelant soutient que le plaignant n’a pas consommé de cannabis et a tout juste bu quelques verres d’alcool le soir de l’accident. Il reproche au premier juge de ne pas avoir retenu que le comportement du plaignant s’était aggravé, qu’il devenait de plus en plus agressif en s’approchant du chauffeur et en l’agressant verbalement et qu’il entendait quitter le bus. Il lui fait également grief d’avoir constaté qu’il était certainement plus excédé qu’apeuré, alors qu’aucun élément ne permet de mettre en doute ses déclarations, que sa version des faits a été considérée comme crédible et qu’il était bel et bien confronté à une personne qui se comportait de manière dangereuse.
Ces questions de fait, dans la mesure de leur utilité, seront examinées ci-dessous dans le cadre de la discussion de la violation de l’art. 125 CP.
2.
Invoquant une violation des art. 11 et 125 CP, l’appelant conteste sa condamnation pour lésions corporelles graves par négligence. Il soutient tout d’abord qu’il n’avait aucune position de garant vis-à-vis d’un adulte qui avait décidé de sortir du bus, parfaitement informé du fait qu’il se trouvait sur une autoroute. Il nie ensuite toute négligence dans la mesure où il ne pouvait s’imaginer que le plaignant se coucherait sur la route. Il relève également qu’il n’avait pas la possibilité pratique et concrète de prendre une mesure plus opportune afin de garantir la sécurité de l’ensemble de ses passagers. Il soutient enfin qu’il n’existe pas de lien de causalité entre le fait de laisser un passager sortir du bus et l’accident qui est intervenu après que le plaignant se fût couché sur la route.
2.1
2.1.1
Le Tribunal fédéral n’a pas expressément tranché la question de savoir s’il est possible de concevoir un consentement du lésé à un délit commis par négligence. Il a uniquement jugé que la participation à une entreprise dangereuse commune, dans laquelle tous les participants portaient la même responsabilité et prenaient consciemment le risque d’un danger connu et admis par chacun d’eux, ne justifiaient pas n’importe quelle atteinte à l’intégrité physique; l’acceptation tacite de ce risque n’incluait pas les comportements volontairement ou grossièrement fautifs. Il est, de même largement admis que les participants à de telles activités ne se rendent pas coupables de lésions corporelles ou, cas échéant, d’homicide par négligence, lorsqu’un dommage survient du fait de la concrétisation de ce risque et non d’une faute additionnelle. Il y a par ailleurs lieu de faire une différence entre celui qui accepte en connaissance de cause une situation dangereuse créée par autrui, et celui qui a lui-même sciemment créé le danger dont il est victime, qu’un tiers s’est limité à rendre possible, à organiser ou à favoriser. Il devrait, en principe, toujours être possible de retenir un consentement justificatif lorsque quelqu’un se soumet en connaissance de cause à un risque créé par autrui (cf. ATF 134 IV 149; ATF 125 IV 189).
Dans l’hypothèse d’un danger créé par autrui, il y a lieu de distinguer les cas où la victime est elle-même la cause directe de la réalisation du danger, étant demeurée constamment maîtresse des événements de sorte à se mettre elle-même en danger. Une telle mise en danger, dont on porte soi-même la responsabilité, n’est pas punissable. Il en va en principe de même du tiers participant, à tout le moins s’agissant de la survenance du résultat, pour autant que ses actes soient à ce point secondaires que le résultat apparaisse comme étant exclusivement le fait de la victime. La responsabilité pénale du tiers, qui contribue à ce qu’une victime se mette elle-même dans une situation dangereuse, n’est engagée que si la victime est inconsciente du danger, par inexpérience ou en raison de sa jeunesse, s’il est mieux à même qu’elle d’apprécier le risque, du fait d’une meilleure analyse de la situation, où s’il assume envers elle une position de garant (cf. ATF 125 IV 189).
Dans ce sens, le Tribunal fédéral a admis que celui qui accepte qu’un cycliste s’accroche à son cyclomoteur et qui poursuit correctement sa route au guidon de son engin ne répond pas pénalement des blessures ou du décès du cycliste qui peuvent ainsi survenir en cas de chute de ce dernier (ATF 125 IV 189).
De même, celui qui se limite à organiser la mise en danger d’une autre personne, danger qu’elle acceptait et dont elle portait la responsabilité principale, n’est en principe pas punissable lorsque le risque consciemment accepté se réalise. Le Tribunal fédéral a ainsi nié la responsabilité pénale de l’organisatrice d’un séminaire avec marche sur des charbons ardents, car ses actes n’ont pas eu d’influence sur le processus de la mise en danger et elle ne discernait pas mieux le risque de brûlures que les participantes (ATF 134 IV 149).
2.1.2
Un acte qui est l'une des causes naturelles d'un résultat dommageable en est aussi une cause adéquate s'il était propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 134 IV 255 c. 4.4.2 p. 265). Il faut également que le résultat dommageable se soit effectivement produit pour des raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée, et non pour des raisons fortuites (ATF 133 IV 158 c. 6.1 pp. 167 s.).
Il n'y a pas causalité adéquate, l'enchaînement naturel des faits perdant sa portée juridique, si une autre cause concomitante - par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou celui d'un tiers -, propre au cas d'espèce, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre. Cependant, cette imprévisibilité de l'acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le lien de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à amener celui-ci, notamment le comportement de l'auteur (ATF 134 IV 255 c. 4.4.2 pp. 265 s. et les références).
2.2
2.2.1
Dans le cas particulier, le plaignant s’est mis en danger, essentiellement, par son propre comportement. Ainsi, durant le trajet du retour vers Neuchâtel, il s’est tout d’abord disputé avec son ancienne amie, [...]; il s’est mis en colère; il a crié dans le bus, fait des allers-retours, proféré des injures et s’en est pris au matériel. Plusieurs passagers ont tenté de le raisonner, mais sans succès. W._ a également adressé des avertissements au plaignant, lequel a demandé à plusieurs reprises au chauffeur d’arrêter son bus pour le laisser sortir. Après au moins deux refus, U._ a dit à W._ que, s’il ne s’arrêtait pas, il casserait tout dans son car. Le chauffeur s’est alors arrêté sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute, peu avant le tunnel de Concise, et a ouvert la porte arrière du bus. [...] a encore tenté de raisonner le plaignant, toujours en vain. Un autre passager a essayé de le retenir par le bras, mais également sans succès. U._ est sorti à deux reprises, la seconde après avoir récupéré ses affaires restées dans le bus. Il a lui-même décidé de descendre du véhicule après avoir, à plusieurs reprises, ordonné d’un ton menaçant au chauffeur de s’arrêter, à tel point que [...] a évoqué une agression verbale. Il savait pertinemment qu’il était sur l’autoroute. Après le départ du bus, U._ a alors déambulé sur la chaussée, le plus souvent sur la bande d’arrêt d’urgence tout en tentant de faire du stop, sans succès et partiellement sur la voie de circulation. Pour une raison indéterminée, il s’est ensuite couché en travers de l’autoroute, à cheval entre la voie de droite et la bande d’arrêt d’urgence.
Ainsi, c’est bien essentiellement le plaignant qui a pris le risque de l’accident, tout d’abord en s’agitant dans le car, puis en demandant à plusieurs reprises l’arrêt du car afin de pouvoir en sortir, puis en se couchant sur la chaussée dans les circonstances déjà décrites. Ce comportement est illicite à plus d’un titre.
En effet, l’art. 31 al. 3 LCR dispose que le conducteur doit veiller à n'être gêné ni par le chargement ni d'une autre manière; les passagers sont tenus de ne pas le gêner ni le déranger. Selon l’art. 43 al. 3 LCR, seuls les véhicules des catégories désignées par le Conseil fédéral peuvent circuler sur les routes réservées à la circulation automobile; l'accès y est interdit aux piétons. Pour ce qui est en particulier des droits et obligations des piétons, l’art. 49 LCR prévoit que les piétons utiliseront le trottoir : à défaut de trottoir, ils longeront le bord de la chaussée et, si des dangers particuliers l'exigent, ils circuleront à la file; à moins que des circonstances spéciales ne s'y opposent, ils se tiendront sur le bord gauche de la chaussée, notamment de nuit à l'extérieur des localités (première phrase). Les piétons traverseront la chaussée avec prudence et par le plus court chemin en empruntant, où cela est possible, un passage pour piétons; ils bénéficient de la priorité sur de tels passages, mais ne doivent pas s'y lancer à l'improviste (seconde phrase).
A teneur de l’art. 36 al. 3 OCR, le conducteur n'utilisera la bande d'arrêt d'urgence et les places d'arrêt prévues pour les véhicules en panne et signalées comme telles qu'en cas de nécessité absolue; dans les autres cas, il s'arrêtera uniquement sur les emplacements de parcage indiqués par des signaux. Les occupants du véhicule ne s'engageront pas sur la chaussée.
Ainsi, U._ a violé plusieurs dispositions légales et les devoirs qui lui incombaient.
Pour sa part, le comportement illicite reproché au prévenu s’est, par contre, limité à s’arrêter sur la bande d’arrêt d’urgence et à laisser descendre ce passager. Cette faute est toutefois secondaire; à ce sujet, même le premier juge a constaté que le prévenu avait agi dans un contexte particulier, certainement poussé à bout par la victime et qu’il allait entrer dans un tunnel et craignait aussi pour la sécurité des autres passages, restés passifs. Le plaignant s’est lui-même mis en situation périlleuse par ses divers comportements illicites à plus d’un titre. Il doit en supporter les conséquences. Le prévenu ne saurait être condamné pour lésions corporelles par négligence, n’ayant que très légèrement contribué à la réalisation d’un risque créé par le plaignant qui, en se mettant lui-même en danger, en connaissance de cause, l’a disculpé de toute responsabilité à son égard.
2.2.2
Par ailleurs, au regard des circonstances, on doit également admettre une interruption du lien de causalité adéquate. En effet, le comportement consistant pour un piéton, habillé de noir, en pleine nuit et alors que les conditions météorologiques sont défavorables, à se coucher sans aucune raison et sans d’ailleurs que l’on puisse comprendre un tel comportement, sur les voies d’autoroute constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle et, partant, imprévisible, à laquelle ni le chauffeur de bus, ni un autre automobiliste ne pouvait à l’évidence s’attendre. Il ne s’agit pas ici d’un piéton qui déambule de manière inconsciente ou fait du stop sur l’autoroute, mais d’un individu qui se couche sur la voie, soit d’un comportement intrinsèquement irrationnel, et non d’un acte téméraire procédant d’un dessein en soi rationnel (tel que celui de traverser les voies).
3.
L’appelant conteste sa condamnation pour violation simple des règles de la circulation routière au sens de l’art. 90 ch. 1 LCR. Il soutient qu’il était obligé de s’arrêter sur la bande d’arrêt d’urgence, afin de garantir la sécurité de ses passagers.
3.1
L’art. 36 al. 3 OCR prévoit que le conducteur n'utilisera la bande d'arrêt d'urgence et les places d'arrêt prévues pour les véhicules en panne et signalées comme telles qu'en cas de nécessité absolue; dans les autres cas, il s'arrêtera uniquement sur les emplacements de parcage indiqués par des signaux. Les occupants du véhicule ne s'engageront pas sur la chaussée.
Aux termes de l’art. 90 ch. 1 LCR, celui qui viole les règles de la circulation prévues par la présente loi ou par les dispositions d'exécution émanant du Conseil fédéral est puni de l'amende. Cette infraction n'implique pas de déterminer si le comportement de l’auteur a joué un rôle primordial ou non dans l'accident. Les règles de la circulation sont des prescriptions de sécurité destinées à prévenir les accidents. L'infraction visée par l’art. 90 ch. 1 LCR est conçue comme un délit formel de mise en danger abstrait, de sorte qu'il suffit de violer une règle de comportement imposée par la loi pour que l'infraction soit consommée, indépendamment de la survenance d'un danger concret ou d'une lésion (ATF 92 IV 33 c. 1 p. 34; arrêt 6B_965/2010 du 17 mai 2011 c. 3.2).
Selon l’art. 90 ch. 2 LCR, celui qui, par une violation grave d'une règle de la circulation, crée un sérieux danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. L'infraction réprimée par l'art. 90 ch. 2 LCR est objectivement réalisée lorsque l'auteur viole grossièrement une règle fondamentale de la circulation et met ainsi sérieusement en danger la sécurité d'autrui; une mise en danger abstraite accrue est toutefois suffisante. Subjectivement, l'infraction suppose un comportement sans scrupules ou gravement contraire aux règles de la circulation; cette condition est toujours réalisée si l'auteur est conscient du danger que représente sa manière de conduire, mais peut aussi l'être s'il ne tient absolument pas compte du fait qu'il met autrui en danger; dans cette dernière hypothèse, l'existence d'une négligence grossière ne doit toutefois être admise qu'avec retenue (ATF 131 IV 133 c. 3.2 p. 136 et les arrêts cités).
3.2
La question déterminante est celle de savoir si l’arrêt sur la bande d’arrêt d’urgence constituait un cas de nécessité absolue au sens de l’art. 36 al. 3 OCR.
La bande d'arrêt d'urgence ne constitue pas une voie de circulation mais une partie d'une telle voie. Elle peut être utilisée uniquement dans les conditions prévues à l'art. 36 al. 3 OCR (ATF 114 IV 55 c. 2c, ATF 133 II 58 c. 4).
Selon Bussy et Rusconi (Code suisse de la circulation routière, Commentaire, 3
e
éd., Lausanne 1996, n. 6.4 ad art. 36 OCR), il n’y a nécessité absolue que si un événement soudain et inattendu empêche le conducteur de continuer sa route, l’événement pouvant toucher le véhicule (panne de moteur, de lumière ou d’essence, crevaison, bris de pare-brise, obstacle interdisant tout passage) ou le conducteur (malaise subit, éblouissement nécessitant de dénicher et de chausser des lunettes). Ces auteurs estiment en revanche que le malaise subit d’un passager n’est pas un cas de nécessité absolue, à moins que ce fait puisse gêner le conducteur, par exemple lorsque passager tombe sur le conducteur ou menace de tomber.
3.3
Dans le cas particulier, le chauffeur a expliqué que les collègues de son passager avaient vainement tenté de raisonner ce dernier (jugement, p. 10). On ne peut lui reprocher de n’avoir pas requis un soutien plus actif de leur part, soit par exemple de ne pas les avoir incités à empoigner ou à maîtriser physiquement U._. Il pouvait en effet craindre pour la sécurité des autres passagers, dès lors qu’il aurait été dangereux de déclencher une bousculade ou, à plus forte raison, une bagarre dans ce véhicule de petites dimensions (10 m de long et capacité de 30 passagers), étant ajouté que le plaignant était qualifié de «costaud» et que le chauffeur devait rester concentré sur la route et ne pouvait assurer l’ordre et régler les difficultés causées par l’agitation de son passager en colère.
Le conducteur a craint un passage à l’acte d’U._ pendant que le véhicule roulait s’il persistait à refuser de le laisser descendre. Au regard de l’énervement croissant du plaignant, des injures proférées par lui à l’encontre de son ex-amie, des ordres successifs donnés au chauffeur, des dommages matériels déjà causés, de la menace de tout casser et même du risque éventuel de violences physiques, il était trop risqué pour le prévenu de poursuivre sa route pour quitter l’autoroute comme si de rien n’était afin de trouver une place de parc adéquate. De telles violences dans un climat de tension exacerbé suscitaient à l’évidence un risque d’accident. C’est pour parer à ce péril menaçant l’ensemble des passagers que le chauffeur s’est arrêté avant le tunnel, tronçon perçu comme particulièrement exposé. L’alternative consistant à s’arrêter sur la bande d’urgence et à tenter de convaincre le plaignant de se calmer ou de négocier sa descente à une sortie d’autoroute ou une aire de repos procède d’une simple appréciation a posteriori, laquelle est infirmée par l’énervement croissant du plaignant et les dangers qui en découlaient dans un véhicule de petite dimension circulant sur autoroute. En d’autres termes, poursuivre la course dans un tel climat de tension aurait mis en danger l’ensemble des passages sur le trajet séparant le car de la prochaine sortie. Ainsi, l’arrêt du véhicule comme tel répondait à une nécessité pressante de sécurité routière, la distraction du conducteur par les éclats du passager étant en soi déjà dangereuse. Or le conducteur a le devoir de veiller à ne pas être gêné (art. 31 al. 3, première phrase, LCR), ce risque étant encore accru par l’éventualité d’une bousculade du conducteur, similaire à l’exemple, donné par la doctrine précitée, du passager pris de malaise tombant sur le chauffeur. Le caractère exceptionnel des troubles causés par le plaignant apparaît en outre étayé, si besoin en état, par le fait que le prévenu, chauffeur professionnel de longue date, a dit ne «jamais (avoir) été confronté à une telle situation».
Par ailleurs, le plaignant a débarqué était assez sécurisé. En effet, il était pourvu d’une barrière de sortie et était relativement éclairé. Il s’agissait d’une surlargeur relative de la bande d’arrêt d’urgence.
Au vu de ce qui précède, l’arrêt sur bande d’urgence procédait d’une absolue nécessité au regard de la sécurité des passagers, ce qui exclut la violation de l’art. 36 al. 3, première phrase in initio, OCR et, partant, la violation de l’art. 90 LCR.
4.
L’appelant W._ doit donc être libéré des chefs d’accusation de lésions corporelles graves par négligence et de violation des règles de la circulation routière.
L’infraction à l’ordonnance sur la durée du travail et du repos des conducteurs professionnels de véhicules automobiles n’est pas contestée. Elle doit être réprimée d’une amende de 1'500 fr., s’agissant d’un chauffeur professionnel occupé de longue date sans jamais auparavant avoir attiré défavorablement l’attention des autorités.
Faute de tout acte civilement illicite à l’origine du dommage, les conclusions du demandeur au civil portant sur la réparation civile et les accessoires. Le plaignant n’en dispose pas moins de la faculté de saisir le juge civil.
IV.
L’appelant W._ obtenant entièrement gain de cause alors que l’appelant U._ succombe entièrement sur ses conclusions, les frais de la procédure d'appel seront mis par moitié à la charge de ce dernier, le solde étant laissé à celle de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP).
Outre l'émolument, les frais d’appel comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office du prévenu et celle au conseil d’office du plaignant, pour les opérations liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFIP).
Au vu de la cause déférée en appel et des opérations utiles accomplies, l'indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu doit être fixée à 2’867 fr. 40, débours et TVA compris, tandis que celle en faveur du conseil d’office du plaignant doit être fixée à 1'944 fr., débours et TVA compris.
En outre, une indemnité de 1'620 fr., pour cinq heures d’activité à 300 fr. l’heure, plus TVA, sera allouée à l’intimée J._, qui obtient gain de cause en ayant agi par un conseil de choix, pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure en appel.
Le plaignant ne sera tenu de rembourser à l’Etat la moitié des indemnités à son conseil d’office et au défenseur d'office du prévenu mises à sa charge que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4d486741-bca4-40f7-a3f9-973559dd89da | En fait :
A.
Par jugement du 11 décembre 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a reçu l’opposition formée par A.D._ contre l’ordonnance pénale rendue le 16 mai 2013 dans la cause PE12.018011 (I), a déclaré A.D._ non coupable de contravention à la loi sur l’action sociale vaudoise (II), a déclaré A.D._ coupable de tentative d’escroquerie et de faux dans les titres et l'a condamnée à trente jours-amende de 10 fr. (chacun), avec sursis pendant deux ans (III), a alloué à Me Nicolas Mattenberger, défenseur d’office de A.D._, une indemnité de 5'562 fr.25 (IV), a mis les frais de la cause, arrêtés à 7'582 fr. 25, à la charge de A.D._ et a dit que sur cette somme, le montant de 5'562 fr. 25 correspondant à l’indemnité allouée à son défendeur d’office, ne pourra être réclamé à A.D._ que si sa situation financière le permet (V), a dit ne pas y avoir lieu à indemniser A.D._ au titre de l’article 429 CPP (VI).
B.
Le 20 décembre 2013, A.D._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 4 février 2014, elle a conclu à son acquittement, à ce que les frais de la procédure d'appel soient laissés à la charge de l'Etat et à l'octroi d'une équitable indemnité. Subsidiairement, elle a conclu à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause en première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Le 14 mars 2014, le Ministère public a indiqué qu'il n'entendait pas intervenir en personne à l'audience et a renoncé à déposer des conclusions.
Conformément à sa demande du 19 mars 2014, le Service de prévoyance et d'aide sociales a été dispensé de comparaître personnellement à l’audience du 28 avril 2014.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.D._, de nationalité suisse, est née en 1988. Elle est mère de deux enfants, un garçon, B.D._, âgé de sept ans, et une fille, C.D._, âgée de trois ans. Elle n’est pas mariée et vit seule avec ses deux enfants.
Titulaire d’un diplôme de croupière-casino délivré par une école de Sion, elle est sans emploi ni ouverture de droit aux prestations de l’assurance chômage. Elle bénéficie du revenu d’insertion (ci-après : RI).
Son casier judiciaire est vierge.
2.
A.D._ bénéficie depuis le mois de juin 2010 du RI par l’intermédiaire du Centre régional de [...] (ci-après : CSR).
2.1
Le 20 décembre 2011, A.D._ et son ancien compagnon, L._, ont conclu un bail à loyer pour logement à loyer modéré, à [...], auprès de la régie W._SA.
De façon inexpliquée, le CSR possédait dans son dossier un second exemplaire de ce bail à loyer, où A.D._ apparaît comme la seule locataire du logement sis à [...].
2.2
Il ressort du journal tenu par le CSR les éléments suivants (P. 4/1) :
- le 9 janvier 2012 : B._, répondante du CSR, a eu un téléphone avec la mère de la prévenue, Q._. A cette occasion, cette dernière l'a informée que A.D._ avait conclu un nouveau bail à loyer dès le 1
er
février 2012. B._ ne comprenait pas comment le bail avait pu être obtenu sans qu’une attestation du CSR n’ait été fournie.
- le 10 janvier 2012 : B._ a contacté la régie W._SA et a appris que le bail à loyer avait été conclu au nom de la prévenue et de L._. La gérance lui a faxé le bail à loyer. B._ a téléphoné à la mère de la prévenue afin qu'elle apporte au rendez-vous fixé le lendemain l'original du contrat de bail.
- le 11 janvier 2012 : B._ a reçu la prévenue et sa mère. Lors de ce rendez-vous, A.D._ a informé B._ qu'elle avait reçu deux baux à loyer différents, le premier à son nom et le second à son nom et au nom de L._. Elle lui aurait expliqué avoir signé et renvoyé le premier exemplaire à la gérance. Elle lui aurait remis un bulletin de versement pour le paiement de la part de loyer prise en charge par le CSR. Après le départ de la prévenue et de sa mère, B._ a téléphoné à la régie W._SA, laquelle lui a indiqué avoir établi un seul bail à loyer au nom de A.D._ et L._.
2.3
En raison de la présence de deux baux à loyer distincts, le Service de prévoyance et d’aide sociales et la régie W._SA ont déposé plainte. Ils reprochaient à A.D._ d'avoir falsifié le bail à loyer du 20 décembre 2011, en effaçant le nom de son concubin L._ et en imitant la signature de la régie, dans le but d'apparaître comme la seule titulaire du bail à loyer de son nouvel appartement et de continuer ainsi à bénéficier de prestations du RI.
2.4
Dans son jugement du 11 décembre 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a considéré qu'en confectionnant un bail émanant prétendument de la régie W._SA qui ne mentionnait pas L._, pour faire croire à l'aide sociale qu'elle supportait seule la charge de son loyer, A.D._ s'était rendue coupable de faux dans les titres. Le premier juge a également retenu qu'en produisant ce bail falsifié, la prévenue avait tenté de tromper astucieusement l'administration et s’était ainsi rendue coupable de tentative d'escroquerie.
2.5
A.D._ conteste avoir falsifié le bail à loyer susmentionné et le contraire n'a pas pu être établi. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de A.D._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.
L'appelante se plaint d'une constatation inexacte des faits. Elle conteste avoir falsifié le bail à loyer produit par le CSR et avoir voulu tromper les services sociaux.
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966; RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950; RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
3.2
Aux termes de l’art. 251 al. 1 CP, celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d’autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d’un tel titre, sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Il y a faux matériel lorsque une personne fabrique un titre dont l'auteur réel ne coïncide pas avec l'auteur apparent. Le faussaire crée un titre qui trompe sur l'identité de celui dont il émane en réalité (ATF 128 IV 265 c. 1.1.1 et les références citées). En principe, il importe peu que le nom utilisé soit connu, appartienne à un tiers, soit fictif, que le faussaire se soit déjà fait connaître, avant la signature du titre, sous son faux nom auprès de la partie adverse ou qu'il le signe en présence de cette dernière (Gribbohm, StGB, Leipziger Kommentar, Grosskommentar, 11
e
éd., § 267 n. 163 et 165; Cramer, in : Schönke/Schröder, Strafgesetzbuch, Kommentar, 26
e
éd., § 267 n. 49). Il est également sans importance de savoir si le contenu d'un tel titre est mensonger ou non (ATF 123 IV 17 c. 2).
L'article 251 CP ne réprime pas uniquement le comportement de celui qui a confectionné le faux, mais également l’usage de faux. Le faux dans les titres est une infraction intentionnelle. Le dol éventuel suffit. L'art. 251 CP exige de surcroît un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de nuire ou le dessein d'obtenir un avantage illicite. Le dol éventuel suffit aussi également pour ce dessin (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3
e
éd. 2010, n. 171 ss ad art. 251 CP).
3.3
Selon l’art. 146 al. 1 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
L'escroquerie suppose en particulier que l'auteur ait usé de tromperie et que celle-ci ait été astucieuse (ATF 128 IV 18 c. 3a; ATF 122 II 422 c. 3a; ATF 122 IV 246 c. 3a et les arrêts cités). L'astuce est réalisée lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ibid.). L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle (ATF 128 IV 18 c. 3a; ATF 126 IV 165 c. 2a). Une co-responsabilité de la dupe n’exclut toutefois l’astuce que dans des cas exceptionnels (TF 6B_314/2011 du 27 octobre 2011 c. 3.2.1 et les réf. citées). U
n édifice de mensonges, pour être astucieux, ne résulte ainsi pas nécessairement de l'accumulation de plusieurs mensonges. Il n'est bien plutôt réalisé que si les mensonges sont l'expression d'une rouerie particulière et se recoupent de manière si subtile que même une victime faisant preuve d'esprit critique se laisse tromper (ATF 119 IV 28 c. 3c; Dupuis et alii, op. cit., n. 12 ad art. 146 CP).
3.4
En l'espèce, le premier juge a considéré qu’il ne pouvait y avoir que deux explications possibles à la présence d’un second bail au dossier du CSR : soit celui-ci avait été fabriqué par le CSR lui-même, solution immédiatement écartée, soit il avait été remis le 11 janvier 2012 par la prévenue à B._, solution retenue par le Tribunal de police. Or, au vu des éléments au dossier, le premier juge ne pouvait aboutir aussi facilement à une telle conclusion. En effet, si l’on examine de manière attentive les deux baux à loyer (P. 8/2 et 8/3), on peut constater que les tampons de la régie W._SA ainsi que les deux signatures de ses collaborateurs ne sont pas apposées de façon identique. Un simple scannage avant modification du nom, comme le suggèrent les parties plaignantes et le premier juge, ne paraît ainsi pas envisageable. On ne voit pas non plus comment la prévenue se serait procurée le tampon de la gérance. De plus, la suppression du nom de L._, notamment dans le paragraphe ch. 6.17 de l’annexe no 01, ne peut résulter d’un tippexage, mais est réalisée de telle manière que seule une personne expérimentée était en mesure de le faire, connaissance qui ne semble pas avoir acquise la prévenue. Enfin, l’affirmation de la gérance selon laquelle le contrat ne pouvait provenir d’elle au motif que certaines clauses ne sont pas stipulées dans leurs baux à loyer lorsqu’une personne est seule titulaire du bail n’est pas probante à elle seule.
A ces éléments techniques viennent s’ajouter le fait que B._ avait connaissance de la conclusion du bail à loyer au nom de A.D._ et L._ le 10 janvier 2012 déjà (cf. P. 4/1). En effet, après avoir appris la conclusion du bail à loyer par la mère de l’appelante, B._ avait spontanément appelé la gérance, laquelle lui avait appris que le contrat avait été conclu au nom des deux concubins. Ainsi, lors de l’entretien du 11 janvier 2012, si l’appelante avait remis un bail à loyer qui stipulait qu’elle était seule locataire, la répondante du CSR aurait dû l’interpeller à ce sujet, d’autant plus qu’elle ne comprenait pas comment ce bail avait pu être conclu sans la couverture du CSR, ce qu’elle n’a pas fait. Au surplus, les documents comptables du Service de prévoyance et d’aide sociales mentionnent que celui-ci a versé, pour les mois de février à avril 2012, le montant du loyer à la gérance pour un ménage à quatre personnes et que les paiements opérés indiquent le même numéro de références que sur les bulletins de versements de la gérance établis au nom des deux locataires (P. 48 et P. 60).
Au vu de qui précède, la présence du second bail au dossier du CSR ne peut s’expliquer par une infraction de l’appelante. Les éléments constitutifs de l’infraction d’escroquerie, en particulier la tromperie ou l’astuce, ne sont pas remplis, dans la mesure où le CSR savait que A.D._ et L._ emménageaient ensemble. Cette dernière doit dès lors être acquittée de l’infraction de tentative d’escroquerie.
En outre, s’il est possible, mais loin d’être certain que le second bail soit un faux, il y a lieu de constater que l’élément constitutif subjectif de faux dans les titres n’est pas réalisé. On ne peut en effet affirmer que la prévenue ait voulu se procurer un avantage illicite en produisant un bail falsifié, alors que sa correspondante auprès du CSR savait déjà que le vrai contrat de bail signé mentionnait deux locataires. L’appelante doit ainsi être acquittée, à tout le moins au bénéfice du doute, de l’infraction de faux dans les titres.
3.5
L’appelante a été libérée de l’infraction de contravention à la LASV pour l’année 2012 au motif que tous les éléments constitutifs de cette infraction étaient absorbés par la tentative d’escroquerie. Dans la mesure où cette dernière infraction n’est pas retenue, il y a lieu d’examiner si la prévenue a contrevenu à la LASV pour cette période.
En l’occurrence, comme on l’a déjà relevé, le CSR savait que A.D._ emménageait avec son compagnon et il n’a pu être établi que la prévenue avait menti ou tenté d’induire en erreur cet organisme. Ainsi, l’appelante n’a pas trompé le CSR sur la composition de son ménage, ni perçu des prestations indues pendant l’année 2012, si bien qu’elle doit également être reconnu non coupable de l’infraction de contravention à la LASV.
4.
L’appelante conclut à l’allocation d’une indemnité pour tort moral de 2'000 francs.
4.1
En vertu de l’art. 49 al. 1 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d’argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie et que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement.
L'allocation d'une indemnité pour tort moral suppose que l'atteinte ait une certaine gravité objective et qu'elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime qu'une personne, dans ces circonstances, s'adresse au juge pour obtenir réparation (ATF 131 III 26 c. 12.1; TF 1B_648/2012 du 11 juillet 2013 c. 1.2)
4.2
En l’espèce, l’appelante ne démontre pas en quoi cette procédure lui aurait causé une grave atteinte à sa personnalité, si bien qu’aucun montant ne lui sera alloué à ce titre.
5.
En définitive, l'appel de A.D._ est admis et le jugement rendu le 11 décembre 2013 par le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois est modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être laissés à la charge de l’Etat (art. 423 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 1’610 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office de A.D._.
Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, il convient d'allouer au défenseur d’office de l’appelante une indemnité arrêtée à 1'570 fr. 55, TVA et débours inclus.
L’appelante, défendue par un avocat d'office et non de choix, ne saurait prétendre à une indemnité au titre de l’art. 429 CPP (ATF 138 IV 205 c. 1; cf. aussi TF 6B_144/2012 du 16 août 2012). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4d70f405-bf66-4d16-b9aa-449a1e0346dc | En fait :
A.
Par jugement du 7 février 2012, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a notamment constaté que K._ s'est rendu coupable de brigandage, d'injure, de violation simple des règles de la circulation routière, de vol d'usage, de conduite sans permis de conduire et de contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (I) et l'a condamné à 30 (trente) mois de peine privative de liberté, sous déduction de 256 (deux cent cinquante-six) jours de détention avant jugement, peine complémentaire à celle ordonnée par le Ministère public de Neuchâtel selon ordonnance pénale du 19 décembre 2011 (II), ordonné que K._ soit soumis à une mesure de placement dans un établissement pour jeunes adultes (III), ordonné le traitement psychiatrique et psychothérapeutique ambulatoire de K._ (IV), ordonné le maintien en détention du condamné pour des motifs de sûreté (V), ordonné la confiscation et la destruction des objets séquestrés sous fiche n° 413, soit un sachet minigrip contenant du cannabis et deux cubes de pollen de cannabis (VI), mis les frais, par 18'891 fr. 95 à la charge de K._, étant précisé que ce montant comprend l'indemnité allouée à son défenseur d'office, Me Fabien Mingard, par 7'316 fr. 90, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (VII) et dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité allouée au chiffre VII ci-dessus à son défenseur d'office ne sera exigible de K._ que pour autant que sa situation se soit améliorée (VIII).
Par jugement du 1
er
mai 2012, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal a partiellement admis l'appel formé par K._ et modifié le chiffre III du dispositif de première instance en ce sens qu'il a annulé la mesure de placement au Centre éducatif de Pramont. Pour le surplus, il a confirmé le jugement de première instance.
Par arrêt du 1
er
octobre 2012, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral (TF 6B_356/2012) a partiellement admis le recours de K._, annulé l'arrêt entrepris et renvoyé la cause à l'autorité cantonale afin qu'elle rende une nouvelle décision au sens des considérants de l'arrêt, le recours étant rejeté pour le surplus. Le Tribunal fédéral a en effet considéré que la motivation de la cour cantonale ne respectait pas la méthode jurisprudentielle applicable en matière de fixation de la peine en cas de diminution de responsabilité du prévenu.
B.
Par courriers des 17 octobre 2012, K._ ainsi que la Procureure n'ont formulé aucune observation ni réquisition de preuve supplémentaires. Le prévenu a cependant indiqué qu'il était d'accord que la Cour d'appel pénale statue sans audience.
Par courrier du 31 octobre 2012, le Président a déclaré ne pas avoir d'objection à traiter la cause en procédure écrite, dans la mesure où la présence de l'appelant n'était pas indispensable.
A cette même date, les parties ont déclaré ne pas s'opposer à ce que la Cour statue sans audience. K._ a toutefois précisé qu'il n'était pas nécessaire de fixer un nouveau délai pour recueillir ses conclusions sur le fond, dans la mesure où elles tendaient à une réduction de la peine prononcée à son encontre.
Donnant suite à la requête du 5 novembre 2012 du Président de la cours de céans, le Directeur de la prison de la Croisée à Orbe a fourni, par courrier du 12 novembre 2012, un rapport de comportement du prévenu (P. 124).
Les parties n'ont pas déposé d'observations sur ce rapport.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
K._ est né le 24 février 1990 à Kinshasa en République démocratique du Congo, pays dont il possède la nationalité. Peu après le divorce de ses parents, sa mère a émigré en Suisse pour y refaire sa vie. Il a été élevé avec un frère et une sœur par ses grands-parents maternels. Traumatisé par la violence d'un père alcoolique, qui aurait battu à mort son grand frère devant ses yeux, alors qu'il était âgé de six ou sept ans, et par la guerre qui régnait dans son pays, le prévenu a présenté d’importants retards du développement. A son arrivée en Suisse avec sa sœur, en 2002, K._ était analphabète et souffrait d’importantes difficultés relationnelles avec les autres enfants. Malgré un entourage aimant et une famille élargie par l’arrivée de deux enfants en 2004 et en 2007 issus du nouveau mariage de sa mère, K._ n’a pas réussi à trouver un équilibre et a rapidement plongé dans la délinquance. Sa mère et son beau-père ont recouru au service psychiatrique pour soutenir son évolution. Il a ainsi été placé à la Fondation de Verdeil en 2005. En juillet 2006, il a été hospitalisé au Centre de psychiatrie du Nord vaudois en raison d’une intoxication à l’alcool et d’un trouble du comportement. Par la suite, il a été placé successivement dans divers foyers et a subi des périodes de détention à Valmont. Il a également effectué des stages à l’AFIRO, au Repuis et à Oli-One, sans succès, en raison d’un manque de motivation, d’absentéisme et de troubles du comportement. Le 22 juillet 2008, le Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent a demandé et obtenu sa mise sous tutelle depuis juillet 2009.
K._ bénéficie d’une rente extraordinaire mensuelle de 1'520 fr. versé par l'assurance-invalidité. Celle-ci a toutefois été suspendue pendant son incarcération. Alors que sa mère, sa sœur et le nouveau mari de sa mère ont obtenu un permis B, il est toujours au bénéfice d’un permis F.
Depuis le 16 décembre 2008, il est le père d’une petite fille, M._. Il ne vit pas avec la mère et n'a pas reconnu l’enfant. La relation est conflictuelle.
Le casier judiciaire de K._ mentionne les condamnations suivantes :
- 28 mai 2008, Tribunal des mineurs Lausanne, 3 jours de privation de liberté, pour brigandage, utilisation d’un cycle ou cyclomoteur sans droit, circulation sans permis de conduire et contravention à l’ordonnance sur les règles de la circulation routière ;
- 1
er
avril 2010, Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois, peine privative de liberté de 24 mois, amende de 100 francs et mesure institutionnelle pour jeunes adultes, sous déduction de 384 jours de détention préventive, peine partiellement complémentaire au jugement du 28 mai 2008 mentionné ci-dessus, pour voies de fait, vol, infraction d’importance mineure (vol), brigandage, dommages à la propriété, injure, menaces, contrainte, violation de domicile, faux dans les certificats, circulation sans permis de conduire et délit contre la Loi fédérale sur les stupéfiants.
Le fichier ADMAS du prévenu et les décisions produites par le service des automobiles et de la navigation font état des mesures suivantes :
- 5 octobre 2007, refus de délivrance d’un permis d’élève ou de conduire durant 12 mois à compter de l’âge minimum requis, soit dès le
21 février 2008, pour avoir conduit un véhicule automobile sans être titulaire d’un permis de conduire, vol d’usage et marche arrière, avec accident ;
- 22 août 2008, refus de délivrance d’un permis d’élève ou de conduire durant 12 mois à compter du 19 juin 2008, étant précisé qu’en cas de demande une expertise psychologique auprès de l’Unité de médecine du trafic sera mise en œuvre, pour avoir conduit un véhicule automobile sans être titulaire d’un permis de conduire et vol d’usage ;
- 31 mars 2009, refus de délivrance d’un permis d’élève ou de conduire durant 18 mois à compter du 16 décembre 2008, étant précisé qu’en cas de demande une expertise psychologique auprès de l’Unité de médecine du trafic sera mise en œuvre, pour avoir conduit un véhicule automobile sans être titulaire d’un permis de conduire et vol d’usage ;
- 7 mars 2011, refus de délivrance d’un permis d’élève ou de conduire durant 24 mois à compter du 23 décembre 2010, étant précisé qu’en cas de demande une expertise psychologique auprès de l’Unité de médecine du trafic sera mise en œuvre, pour avoir conduit un véhicule automobile sans être titulaire d’un permis de conduire et vol d’usage. Cette décision précise que cette mesure a un caractère sécuritaire.
2.
Dans le cadre d’une précédente affaire jugée par le Tribunal correctionnel du Nord vaudois le 1
er
avril 2010, une expertise psychiatrique a été mise en œuvre. Dans leur rapport du 26 mai 2009, les experts ont posé le diagnostic de trouble de la personnalité dyssocial et retard mental léger. Ils ont estimé que la responsabilité de K._ était diminuée de manière légère à moyenne et que le risque de récidive était élevé en raison de l’impulsivité et de la faible tolérance à la frustration du prévenu. Les experts ont insisté sur la nécessité d'un placement dans un établissement pour jeunes adultes, estimant qu’il s’agissait de la mesure la plus indiquée pour permettre au prévenu d'accomplir un projet de réinsertion socioprofessionnelle et pour garantir sa réintégration sociale. Fondé sur les conclusions de cette expertise, le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois a ordonné, dans son jugement du 1
er
avril 2010, le placement de K._.
Par décision du 9 juillet 2010, l’Office d’exécution des peines (OEP) a ordonné le placement de K._ à la prison du Bois-Mermet avec effet rétroactif au 1
er
avril 2010, puis au Centre éducatif de Pramont « dès que son admission sera réalisable ».
Saisi d’une proposition de l'OEP datée du 23 août 2010, tendant à la levée de la mesure thérapeutique institutionnelle prononcée le 1
er
avril 2010 en faveur de K._, le Juge d'application des peines a relevé le manque chronique de places dans les établissements spécialisés dans la prise en charge des jeunes adultes dans le canton de Vaud. Tenant compte de l'opposition constante démontrée par K._ quant à son intégration au Centre éducatif de Pramont, qu'il percevait comme une contrainte, ce magistrat a estimé que les perspectives de réussite d'un tel placement étaient quasi inexistantes. Le 22 novembre 2010, il a décidé de lever la mesure institutionnelle pour jeunes adultes et a ordonné l’exécution par K._ du solde de la peine privative de liberté suspendue. Il a retenu qu’on pouvait espérer que le prévenu arriverait à se soumettre au cadre qui lui serait imposé et que la perspective de devoir purger le solde de sa peine aurait un effet dissuasif, dans la mesure où K._ était bien entouré par sa famille et sa tutrice et qu'il disposait d’un projet professionnel adapté, puisqu’il avait réussi à décrocher une place dans l’atelier protégé de POLYVAL. Le Juge d'application des peines a dès lors accordé à K._ la libération conditionnelle, avec délai d’épreuve d’un an. Il a au surplus assorti la libération conditionnelle d’une assistance de probation.
Par ordonnance pénale du 19 décembre 2011, entrée en force le 10 janvier 2012, le Ministère public du canton de Neuchâtel a condamné K._ à 20 jours de peine privative de liberté ferme pour un vol commis
le 13 février 2011, ainsi qu’à une amende de 400 fr. pour avoir créé du scandale et perturbé le contrôle de la police, n’obtempérant pas aux divers ordres de la police, à cette même date. Dans cette ordonnance, le Ministère public de Neuchâtel a également révoqué la libération conditionnelle accordée le 22 novembre 2010 et ordonné la mise à exécution du reste de la peine restante de 3 mois et 20 jours. Fondé sur cette ordonnance, l'OEP a fait exécuter cette peine par le prévenu sous son autorité.
3.
Pour les besoins de la présente affaire, K._ est détenu avant jugement à La Croisée depuis le 28 mai 2011. Il a vécu difficilement cette incarcération et a tenté de se suicider. Il ressort du rapport de comportement du 12 novembre 2012 établi par le Directeur de cet établissement (P. 124) que le comportement du prévenu ne répondait pas à leurs attentes, l'attitude adoptée par ce dernier envers l'ensemble du personnel étant provocatrice, agressive et irrespectueuse. Outre ces problèmes, les relations avec les autres co-détenus se sont avérées également conflictuelles et ont donné lieu à deux altercations notamment. Le comportement de l'appelant a dû être sanctionné par des mesures disciplinaires et des mises en garde orales. Il ressort toutefois de ce rapport que depuis le 3 septembre 2012, date de son intégration dans l'atelier polyvalent, K._ apportait satisfaction à son responsable, en exécutant les tâches confiées avec motivation et en se montrant respectueux du cadre imposé. En ce qui concerne les activités socio-éducatives, K._ a également fait preuve d'intérêt en fournissant le travail demandé. De ce fait, une nette progression de son comportement par rapport au début de son incarcération a été constatée.
Depuis sa nouvelle incarcération, K._ est suivi par le Professeur H._ à raison d'une fois par mois. Aux débats de première instance, il a exprimé son désir d’acquérir une formation de cuisinier et de se faire enfin une place dans la vie, insistant sur son espoir qu’on lui donne une dernière chance. S'agissant de son placement au Centre éducatif de Pramont, il a manifesté son refus, qu'il a réitéré aux débats d'appel, préférant purger sa peine en prison, poursuivre un traitement psychiatrique et psychothérapeutique de manière ambulatoire avec le Professeur H._ et faire ensuite une formation dans le cadre du Repuis malgré un précédent échec.
Dans un rapport du 9 janvier 2012, le Professeur H._ a relevé qu'il a suivi le prévenu très régulièrement pendant ses deux longues périodes de détention préventive à la prison du Bois-Mermet en 2009 et jusqu’en novembre 2010 et que ce dernier n’avait jamais donné suite à la démarche qui avait été prévue, soit un suivi sur le plan psychiatrique par l’Unité de psychiatrie ambulatoire d’Yverdon-les-Bains. Ce n'est donc qu'après sa nouvelle incarcération à la prison de La Croisée que K._ a bénéficié d'un suivi régulier avec lui, selon un rythme mensuel, l'objectif de ce suivi thérapeutique étant essentiellement d'apporter au prévenu un soutien pour l’aider à gérer, autant que faire ce peut, ses difficultés comportementales et l’incarcération à laquelle il doit faire face.
4.
Dans le cadre de la présente enquête, K._ a été soumis à une nouvelle expertise psychiatrique confiée au Département de psychiatrie du Nord vaudois. Le Dr W._, médecin adjoint qui avait déjà rencontré le prévenu pour établir dans le passé l’expertise du 27 mai 2009 (P. 14), a déposé un nouveau rapport le 10 août 2011 (P. 47). Ce spécialiste a estimé que le diagnostic de trouble de la personnalité dyssocial et de retard mental léger pouvait être confirmé et devait être considéré comme grave dans la mesure où il influence massivement le comportement de l’expertisé, qui a tendance à réagir de manière impulsive et violente quand il est face à des conflits émotionnels. Il a estimé que ce diagnostic devait être complété par celui de dépendance à l’alcool. Il a relevé que la fragilité du prévenu était perceptible et qu’il semblait sincère dans ses regrets et dans son désir de changer mais qu'il n’avait pas la maturité pour entretenir une relation affective stable et responsable avec la mère de sa fille, quand bien même il disait souhaiter avoir une famille « normale ». L’expert a estimé que l’association du grave trouble de la personnalité dont souffre K._, avec un déficit intellectuel et l’effet de l’alcool et du cannabis était de nature à diminuer la capacité du prévenu de se déterminer par rapport au caractère illicite de l’acte, de manière légère à moyenne. S’agissant du risque de récidive, ce spécialiste a estimé qu’il était évident et important, l’impulsivité, la profonde fragilité psychologique, l’immaturité et la tendance au passage à l’acte violent étant autant de facteurs faisant craindre de nouvelles infractions de même nature.
L’expert a préconisé que K._ poursuive le traitement psychiatrique et psychothérapeutique déjà entrepris par le Professeur H._ depuis son incarcération, ainsi qu'un placement dans un centre éducatif pour jeunes adultes, ceci nonobstant le refus réitéré de l'intéressé s'agissant de cette mesure. Comme on l'a vu (supra A), l'autorité cantonal a partiellement admis l'appel du prévenu en ce sens qu'elle a annulé la mesure de placement ordonnée par les premiers juges.
5.
5.1
A [...], au chemin [...], entre le 23 et le 24 décembre 2010, K._ a dérobé le véhicule de son beau-père, L._, après avoir subtilisé ses clés. Le prévenu a conduit ledit véhicule alors qu'il n'était pas titulaire d'un permis de conduire. Entre [...] et [...], le prévenu a circulé avec le véhicule de son beau-père à 100 km/h, au lieu de 80 km/h, vitesse autorisée hors localités. Le 25 décembre 2010, L._ a retrouvé son véhicule en ville [...] alors que K._ était au volant de ce dernier. L._ a déposé plainte. Le prévenu a admis ces faits.
5.2
A [...], chemin [...], le 28 mai 2011, vers 4h15, K._ s'est approché d'un groupe de jeunes qui se trouvaient sur le parking du badminton pour leur réclamer leurs effets personnels. K._ a empoigné O._ et G._ et leur a réclamé tout ce qu'ils avaient sur eux en les menaçant de mort. Il s'est ensuite emparé du natel de O._ dans sa poche. G._ a profité d'un moment d'inattention du prévenu pour lancer son porte-monnaie et son iPhone sous une voiture. Voyant qu'il ne se pliait pas à ses ordres, le prévenu, énervé, a insulté G._ en le traitant de "fils de pute" et de "merde", et lui a ensuite asséné une dizaine de gifles au visage.
D.E._ est ensuite arrivé sur les lieux en compagnie de sa sœur, C.E._, et de X._. Les deux jeunes filles, voyant la situation, ont pris la fuite. Le prévenu s'est alors adressé à D.E._ pour lui réclamer ses affaires. A ce moment, en vue de calmer le prévenu, G._ lui a remis un paquet de cigarettes, un sachet contenant 3 gr de cannabis et deux cubes de pollen de cannabis. Ceci n'a pas calmé la situation et K._ a asséné plusieurs gifles à D.E._. Voyant la situation dégénérer, B.E._ a remis au prévenu son porte-monnaie qui contenait 90 francs. Le prévenu lui a encore réclamé son natel et les clés de son véhicule. B.E._ a alors emmené le prévenu vers son véhicule, dans lequel se trouvait son amie, P._, pour lui donner les clés qui se trouvaient au contact. A ce moment, G._ a suggéré à B.E._ de remettre au prévenu son natel en enlevant sa carte SIM. K._, énervé, a asséné plusieurs claques à G._ et l'a menacé de mort en lui disant "si tu pars, je te crève". Le prévenu a ensuite demandé à toutes les personnes présentes de monter dans le coffre dudit véhicule pour les prendre en otage, ceci en les menaçant de leur couper la tête. Au moment d'ouvrir le coffre, O._ a asséné un coup de poing à K._ et a pris la fuite. A ce moment, le prévenu a menacé les personnes présentes en déclarant "s'il ne revient pas je vous tue, de toute façon je vous tuerai tous". Voyant la police arriver, K._ a restitué à B.E._ les clés de son véhicule avant de se faire interpeller par la police. Il a été soumis à un test éthylomètre révélant une alcoolémie de 1,06 gr o/oo à 4H35. Lors de sa fouille, deux natels, 90 fr., un sachet minigrip contenant de la marijuana et deux morceaux de cannabis ont été trouvés sur le prévenu.
Un rapport médical du 15 juin 2011 indique que G._ présentait une plaie palpébrale droite de 2 cm avec un hématome palpébral et périorbitaire, une dermabrasion pariétale et occipitale à droite et quelques dermabrasions des mains. La plaie pourrait entraîner une cicatrice au niveau palpébral droit. Un deuxième rapport médical du 15 juin 2011 indique que A.E._ se plaignait de douleurs à la palpation de la pommette gauche. K._ a admis les faits.
B.E._, D.E._, O._ et G._ ont déposé plainte.
5.3
Entre le mois d'octobre 2008 et le mois de mai 2011, les contraventions antérieures étant prescrites, K._ a consommé régulièrement du cannabis. Le prévenu a admis ces faits. | En droit :
1.
Dans son arrêt du 1
er
octobre 2012, le Tribunal fédéral n'a pas retenu le premier moyen soulevé par K._ tendant à son acquittement du chef d'accusation de brigandage. S'agissant du deuxième grief, ce Tribunal a estimé que la motivation de la Cour de céans relative à la fixation de la peine ne permettait pas de vérifier la bonne application du droit. Par conséquent, seule cette question demeure litigieuse.
Cela étant, tant l'appelant que la Haute Cour n'ont toutefois relevé que le jugement attaqué serait fondé sur des éléments étrangers à l'art. 47 CP, ni que des éléments d'appréciation prévus par cette disposition auraient été omis.
2.
K._ considère que la peine infligée serait exagérément sévère dès lors que sa diminution de responsabilité n'aurait pas suffisamment été prise en compte.
2.1
L'art. 47 al. 1 CP prévoit que la peine doit être fixée d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir. L'alinéa 2 de cette disposition énumère, de manière non limitative, une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité de l'auteur. Ces critères correspondent à ceux établis par la jurisprudence relative à l'art. 63 aCP
(TF 6B_38/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2; ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, lorsqu'il fonde sa décision sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, lorsqu'il omet de prendre en considération des éléments prévus par cette disposition ou lorsqu'il a abusé de son pouvoir d'appréciation en fixant une peine exagérément sévère ou excessivement clémente (TF 6B_327/2011 du 7 juillet 2011 c. 2.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
Selon l'art. 50 CP, le juge doit motiver sa décision de manière suffisante. Sa motivation doit permettre de vérifier s'il a été tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (cf. ATF 134 IV 5 c. 4.2.1;
ATF 128 IV 193 c. 3a).
2.2
Conformément à l'art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.
Le Tribunal fédéral a jugé que la réduction purement mathématique d'une peine hypothétique, comme le permettait l'ancienne jurisprudence, était contraire au système, qu'elle restreignait de manière inadmissible le pouvoir d'appréciation du juge et conduisait à accorder un poids trop important à la diminution de la capacité cognitive ou volitive telle qu'elle a été constatée par l'expert (ATF 136 IV 55).
Dorénavant, pour fixer la peine en cas de diminution de la responsabilité pénale, le juge doit partir de la gravité objective de l'acte (objektive Tatschwere), et apprécier la faute subjective (subjektives Tatverschulden). Il doit mentionner, dans le jugement, les éléments qui augmentent ou diminuent la faute dans le cas concret et qui permettent d'apprécier la faute en relation avec l'acte. Le législateur mentionne plusieurs critères, qui jouent un rôle important pour apprécier la faute et peuvent même conduire à diminuer celle-ci de telle manière qu'il convient de prononcer une peine inférieure au cadre légal ordinaire de la peine. Parmi ceux-ci, figure notamment la diminution de la responsabilité au sens de l'art. 19 CP. Dans ce cas, contrairement à la lettre de la disposition et en modification de la jurisprudence en vigueur (ATF 134 IV 132 c. 6.1), il s'agit de diminuer la faute et non la peine; la réduction de la peine n'est que la conséquence de la faute plus légère (ATF 136 IV 55 consid. 5.5).
Le juge n'est pas tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentage l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite. Pour cette raison déjà, il ne peut opérer une réduction linéaire de la peine selon un tarif particulier. Du reste, il n'existe pas de méthode scientifique exacte permettant de définir objectivement le taux de réduction de responsabilité, de sorte que la pratique distingue simplement selon que la diminution est légère, moyenne ou grave. Lorsque l'expert évalue le degré de la diminution de la responsabilité, il dispose d'une grande liberté d'appréciation. Cela peut certes constituer un point de départ lors de la fixation de la peine, mais celui-ci doit être affiné en fonction des particularités du cas. En d'autres termes, le juge doit apprécier juridiquement une expertise psychiatrique. Il est libre et n'est pas lié par les conclusions de l'expertise. Il doit aussi tenir compte de la cause de la diminution de responsabilité (TF 6B_238/2009 c. 5.6, rés. in ATF 136 IV 55, JT 2010 IV 127).
Le juge dispose également d'un large pouvoir d'appréciation lorsqu'il détermine l'effet de la diminution de la responsabilité sur la faute (subjective) au vu de l'ensemble des circonstances. Il peut appliquer l'échelle habituelle: une faute (objective) très grave peut être réduite à une faute grave jusqu'à très grave en raison d'une diminution légère de la responsabilité, à une faute moyenne à grave en cas d'une diminution moyenne et à une faute légère à moyenne en cas de diminution grave. Sur la base de cette appréciation, le juge doit prononcer la peine en tenant compte des autres critères de la fixation de la peine. Un tel procédé permet de tenir compte de la diminution de responsabilité, sans lui attribuer une trop grande importance (TF 6B_238/2009 c. 5.6, rés. in ATF 136 IV 55, JT 2010 IV 127).
3.
3.1
En l'espèce, s'agissant de la gravité objective des actes commis, il convient de relever que K._ doit répondre d'un lourd cas de brigandage accompagné de divers délits et contraventions. Il n'a pas hésité, dans le seul but de se procurer rapidement certains biens (de faible valeur), à faire recours à la violence, tant physique que verbale, en assenant une dizaine de gifles à ses victimes et en répétant les actes d'intimidation, tels que les menaces de mort. La façon d'agir impulsive de l'appelant, qui ne craint pas de s'en prendre seul à un groupe de personnes, démontre qu'il était disposé à prendre des risques disproportionnés compte tenu du gain potentiel qu'il pouvait retirer de ses agissements. Sa faute (objective) doit ainsi être qualifiée de grave.
3.2
Sur la base des expertises psychiatriques établies, il a été retenu que le prévenu présentait une diminution de sa responsabilité dans une proportion qualifiée de légère à moyenne. Il a en particulier été constaté que sa conscience était intacte au moment de la commission des actes délictueux, alors que sa volonté, soit sa capacité à se déterminer d'après le caractère illicite de ses actes, était légèrement à moyennement réduite.
Cette diminution de responsabilité permet théoriquement d'admettre que la faute, initialement qualifiée de grave, puisse en définitive être considérée comme moyenne à grave. Cela étant, il faut encore prendre en considération, en tant que circonstance aggravante, le concours d'infractions réalisé par le prévenu, si bien que cette faute reste subjectivement grave, et non moyenne, sauf à vouloir donner au facteur de diminution un effet supplémentaire qu'il n'a pas.
3.3
En ce qui concerne les facteurs liés au prévenu, à charge, il convient de retenir les antécédents de ce dernier qui relèvent tous des mêmes registres d'infractions et témoignent ainsi d'une insensibilité à la sanction pénale et d'un mépris total pour autrui ainsi que pour les biens essentiels que sont l'intégrité physique et la sécurité routière. A l'instar des premiers juges, on constate que l'appelant est enclin à la récidive, les infractions en matière de circulation routière étant intervenues après une longue période de détention et juste un mois après la décision du Juge d’application des peines qui l'avait mis au bénéfice d’une libération conditionnelle. Par ailleurs, l’ouverture d’une enquête pénale pour les faits intervenus entre le 23 et le 24 décembre 2010, l’amenant une nouvelle fois devant l’autorité, n’a nullement dissuadé K._ de commettre un vol le 13 février 2011 et le brigandage du 28 mai 2011. Au contraire, il existe une certaine montée en puissance dans la gravité des actes commis, l'appelant n'hésitant pas à accompagner ses actes de violence et d’injures (jgt., 21-22). On notera enfin que le comportement de K._ en détention est également loin d'être exemplaire quand bien même une évolution positive a été constatée depuis quelques mois.
A décharge, on retient le jeune âge de K._, son intégration difficile à son arrivée en Suisse, notamment au niveau scolaire, ainsi que son enfance particulièrement éprouvante dans son pays d'origine. Toutefois, si l'on peut admettre avec les premiers juges que l'appelant a vécu d'importants traumatismes durant sa jeunesse, ces chocs ont contribué, selon l'expert, au grave trouble de la personnalité dont il souffre, trouble qui est à l'origine même de l'altération de sa volonté. Or, cet élément ne saurait être pris en considération une deuxième fois, dans la mesure où il intervient déjà dans le cadre de l'appréciation de la diminution de sa responsabilité (cf. consid. 3.2). Enfin, comme les premiers juges, il faut retenir que K._ semble amorcer un début de prise de conscience quant à la gravité de ses problèmes et qu'il a admis avoir besoin d’aide, semblant prêt à entreprendre un apprentissage pour sortir d’une vie dont il comprend peut-être enfin qu’elle ne lui offre aucune perspective. Il est également tenu compte de la bonne collaboration du prévenu durant les débats et des lettres d’excuses qu’il a adressées à ses victimes (jgt., p. 23).
3.4
Au vu de l’ensemble de ces éléments, une peine de trente mois de privation de liberté réprime adéquatement la faute de l'appelant, compte tenu des infractions commises, de sa culpabilité et de sa situation personnelle. L'appel interjeté par K._ s'avère ainsi mal fondé et le jugement doit être confirmé sur ce point.
4.
En définitive, l’appel est partiellement admis et le chiffre III du dispositif de première instance est modifié en ce sens que la mesure de placement au Centre éducatif de Pramont est annulée. Pour le surplus, le jugement de première instance est confirmé.
5.
Vu l'issue de la cause, les frais d’appel relatifs au jugement du 1
er
mai 2012 sont mis à la charge de K._ à raison de deux tiers, par 3'141 fr., le solde étant laissés à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP).
Une indemnité de défenseur d'office pour cette partie de procédure d'un montant de 2'031 fr. 50, TVA et débours compris, est mise à la charge de K._. Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l'Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP)
Compte tenu du fait que le prévenu obtient gain de cause sur une question de motivation et non sur le fond, les frais du jugement de ce jour, qui comprennent l'émolument du présent arrêt par 1'760 fr. ainsi que l'indemnité du défenseur d'office d'un montant de 243 fr., TVA et débours compris, sont laissés à la charge de l'État. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4dc6ec1f-c0af-4bf4-8546-e69ea0f63362 | En fait :
A.
Par jugement du 25 janvier 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a libéré X._ de l'accusation de violation simple des règles de la circulation routière (I), alloué à X._, à la charge de l'Etat, une indemnité de 4'860 (quatre mille huit cent soixante) fr., TVA par 360 (trois cent soixante) fr. comprise, pour les dépenses occasionnées par l'exercice de ses droits de procédure (II) et laissé les frais de la cause à la charge de l'Etat (III).
Les comparants à l’audience du 25 janvier 2012 ayant renoncé à la lecture publique du jugement, le dispositif de ce jugement a été notifié le 26 janvier 2012 à X._ et le 13 février 2012 au Ministère public, qui l’a reçu le lendemain.
B.
En temps utile, soit par annonce du 20 février 2012, puis par déclaration du 29 mars 2012, le Ministère public a fait appel. Il a conclu à la réforme du jugement entrepris principalement en ce sens qu'aucune indemnité n'est allouée à X._ pour les dépenses occasionnées par l'exercice de ses droits de procédure, subsidiairement, à ce que cette indemnité soit fixée à 2'385 fr., TVA par 210 fr. comprise.
Dans le délai imparti, soit le 11 avril 2012, X._ a renoncé à déposer un appel joint, mais a présenté une demande de non-entrée en matière motivée, considérant que l'annonce d'appel était tardive.
Par courrier de son président du 17 avril 2012, la cour de céans a informé l'appelant et l'intimé qu'elle entrait en matière, l'annonce d'appel ayant été déposée en temps utile. Les parties ont en outre été informées de ce que l'appel serait traité en procédure écrite.
Le 23 avril 2012, l'appelant a déclaré renoncer au dépôt d'un mémoire d'appel, se référant à sa déclaration d'appel du 29 mars 2012.
En temps utile, le 3 mai 2012, X._ a déposé des déterminations écrites, concluant, sous suite de frais et dépens, à l'irrecevabilité et au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
X._ est né le 7 juillet 1954 à Sierre. Titulaire d'une maîtrise de prothésiste dentaire, il travaille au service de l’Institut Straumann, à Bâle, pour un revenu annuel net de l’ordre de 110'000 fr. Divorcé, X._ est père de deux enfants pour lesquels il verse une contribution d’entretien de
1'500 fr. Il ne fait pas l'objet de poursuites.
2.
Le casier judiciaire de X._ mentionne trois condamnations :
- 16 janvier 2004, Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois, pour violation grave des règles de la circulation routière, à 3 jours d’emprisonnement avec sursis pendant deux ans et 600 fr. d’amende;
- 26 juin 2008, Juge d’instruction de l’Est vaudois, pour violation grave des règles de la circulation routière, à 10 jours-amende à 60 fr. le jour avec sursis pendant trois ans et 300 fr. d’amende;
- le 8 février 2011, Bundesanwaltschaft, infraction à la Loi fédérale sur la navigation aérienne, à 8 jours-amende à 100 fr. le jour avec sursis pendant 2 ans et 160 fr. d’amende.
Le registre des mesures administratives en matière de circulation routière (ci-après : registre ADMAS) ne mentionne aucune inscription.
3.
Par ordonnance pénale du 18 avril 2011, le Préfet de Broye-Vuilly a infligé à X._ une amende de 150 fr. pour violation simple des règles de la circulation routière (art. 4 al.1 LCR [Loi sur la circulation routière, RS 741.01] et 48 al. 3 OCR [ordonnance sur les règles de la circulation routière; RS 741.11]). Il lui reprochait d'avoir omis de signaler des travaux effectués aux abords de la chaussée le 12 mars 2011.
X._, qui s'est opposé le 27 avril 2012 à cette ordonnance, a été renvoyé devant l'autorité de première instance. Pour cette procédure, le prévenu a fait appel aux services d'un avocat de choix qui a conclu à sa libération et a produit une liste des opérations valant demande d'indemnité au sens de l'art. 429 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0).
Le tribunal a considéré
"[...] au vu de l'instruction et des photographies produites au dossier [...]"
que rien ne permettait d'affirmer que les travaux avaient empiété sur la chaussée de sorte qu'
"[...] il n'était pas nécessaire
à X._ de faire usage d'un triopan de travaux[...]"
.
Il a également constaté que l'enquête n'avait pas permis d'établir que les travaux effectués avaient créé un danger pour la circulation et que cela étant,
"[...] les cônes oranges posés par l'intéressé sur la limite entre sa propriété et la chaussée étaient suffisants pour avertir les usagers de la route de l'activité déployée [...]"
(jugement p. 10). Sur ces bases, le premier juge a acquitté l'intéressé et a laissé les frais de première instance à la charge de l'Etat. Il a en outre accordé à X._ une indemnité pour ses frais de défense, fixée sur une base de 10 h 30 à 400 fr. de l'heure, hors TVA (cf. A). | En droit :
1.1
L’appel du Ministère public est recevable au sens de l’art. 398 al. 1 CPP). Il est déposé en temps utile (art. 399 al. 1 et 3 CPP). Contrairement à ce que soutient l’intimé, l’annonce d’appel a bien été déposée dans les cinq jours ouvrables après la notification du dispositif au Ministère public. Le fait que ce dernier se soit vu remettre ce dispositif plus tard que le prévenu -et après le délai de cinq jours prévu à l’art. 84 al. 2 CPP- est sans incidence sur la recevabilité du présent appel. Le délai de l’art. 84 al. 2 CPP est, en effet, un délai d’ordre (Macaluso/Toffel in Commentaire romand, Code de procédure pénal suisse, 2011, n. 11 ad art. 84, p. 307). Par ailleurs, cette notification différenciée est le fait du premier juge : elle ne porte pas préjudice au prévenu dans l’exercice de ses droits de recours et n’a pas à être reprochée à l’appelant. Le moyen tiré de la prétendue tardiveté de l'annonce d’appel soulevé par l’intimé est par conséquent infondé et doit être écarté.
L’appel est par ailleurs suffisamment motivé au sens de
l’art 399 al. 3 CPP, l’appelant ayant clairement mentionné qu’il s’attaquait à la question de l’indemnité allouée au prévenu
"[...]en violation de l'art. 429 al. 1 let. a CPP[...]"
, ce qui répond aux réquisits de l'art. 399 al. 4 let. f CPP.
1.2
Le Ministère public a, de droit, qualité pour recourir en application de l’art 381 al. 1 CPP.
1.3
La procédure écrite est applicable au présent appel, dès lors qu'il est dirigé contre un jugement de première instance qui ne porte que sur une contravention et que seule une indemnité est attaquée (art. 406 al.1 let. c et d CPP).
1.4
Aux termes de l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l’état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Dans les cas de peu d'importance, le pouvoir d'examen de la juridiction d'appel est réduit. L'appel n'est alors plus une voie de droit permettant un examen complet. On parle alors d'appel restreint. Une limitation du pouvoir d'examen pour les infractions mineures satisfait aux exigences du droit constitutionnel et du droit international (Kistler/Vianin in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2011, n. 22-23 ad art. 398 CPP, p. 1776).
En l’espèce, l'appel est restreint car seule une contravention à
l’art. 48 al. 3 OCR, punie d'une amende (art. 96 OCR), a fait l’objet de l’accusation et du jugement de première instance.
2.
2.1
Aux termes de l'art. 404 CPP, la juridiction d'appel n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (al. 1).
In casu,
seul est contesté le principe -subsidiairement, la quotité- de l'indemnité allouée à l'intéressé pour l'exercice de ses droits de procédure. Il doit sans autre être entré en matière sur cet unique point.
2.2
L'appelant soutient que les faits déterminants, l'enjeu pour le prévenu, et les questions de droit à résoudre ne présentaient aucune complexité. Dans ces circonstances, en l'absence de toute question juridique, et s'agissant d'un cas bagatelle, il ne se justifie pas d'allouer à l'intimé (à la charge de l'Etat) une indemnité pour ses frais de défense. A titre subsidiaire, et au cas où le principe d’une indemnité serait tout de même retenu, le Ministère public estime que le montant de celle-ci devrait être revu à la baisse, car il ne correspond pas au coût de l’exercice raisonnable d’une défense, tel que prescrit à l’art. 429 al. 1 let. a CPP.
2.3
Aux termes de l’art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a notamment droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure. Cette indemnité concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix (Wahlverteidiger) (Wehrenberg/Bernhard, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 12 ad art. 429 CPP,
p. 2844 et n. 3
in fine
ad art. 436 CPP, p. 2876). L’autorité pénale examine d’office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier (al. 2).
La base légale fondant un droit à des dommages et intérêts et à une réparation du tort moral a été créée dans le sens d’une responsabilité causale. L’Etat doit réparer la totalité du dommage qui présente un lien de causalité avec la procédure pénale au sens du droit de la responsabilité civile (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1313). Les dépenses à rembourser au sens de
l’art. 429 al. 1 let. a CPP sont essentiellement les frais de défense. Cette disposition transpose la jurisprudence selon laquelle l’Etat ne prend en charge ces frais que si l’assistance était nécessaire compte tenu de la complexité de l’affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires de l’avocat étaient ainsi justifiés (ibidem). L’indemnisation des frais d’avocat ne se limite pas aux cas de défense obligatoire, ni à ceux où le bénéfice de la défense d’office volontaire eût été envisageable si le prévenu était indigent (Mizel/Rétornaz, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2011, n. 31 ad art. 429 CPP, p. 1872). En principe, toutes les charges autres qu’une contravention justifient l’intervention d’un avocat (TC FR, arrêt du 18 septembre 2008, CHP 2006-600, c. 4a; Corboz/Baumann, L’indemnisation des personnes poursuivies à tort (art. 242ss CPP) in RFJ 4 (2007) 355 ss). Les auteurs Mizel et Rétornaz (ibid., p. 1872), estiment que même en matière de contraventions, le recours aux services d’un avocat peut être indemnisé, du moins lorsque l’enjeu individuel et subjectif présente une certaine importance. Il en est ainsi, par exemple, lorsqu’une mesure est envisagée, ou en cas d’infraction à la circulation routière concernant une personne pour laquelle le droit de conduire, par hypothèse menacé, est indispensable à l’exercice de sa profession (Mizel/Rétornaz, ibid., p. 1873). De même, le cas d'une contravention à la Loi sur la santé publique pouvant placer le médecin dans une situation délicate pour son autorisation de pratiquer, pourrait justifier qu’il soit défendu par un avocat dans la procédure pénale. Il faut donc examiner de cas en cas s’il existe de tels enjeux.
2.4
En l'espèce, la contravention à la circulation routière, de nature formelle, ne pouvait entraîner aucun retrait du permis de conduire, selon les prescriptions de l’art. 16a LCR. Le service des automobiles n’a pas demandé à connaître l’issue de la procédure pénale et aucune mesure n’apparaît au registre ADMAS (P.11). Contrairement à ce que soutient l’intimé, il ne pouvait pas non plus être question de révoquer les sursis qui lui avaient été accordés précédemment, seule la commission d’un crime ou d’un délit pouvant le justifier (art. 46 al. 1 CP). Pour le reste, le juge n’avait qu’à résoudre une question factuelle
relativement à la signalisation des travaux effectués par le prévenu (jugement p. 10). Il apparaît donc qu'aucun des cas d'exception évoqués ci-dessus n'est réalisé. C'est ainsi en violation de l'art. 429 al.1 CPP que l'autorité de première instance a accordé à X._ une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice de ses droits de procédure. L'appel s'avère donc bien fondé et doit être admis. Le jugement entrepris doit être réformé en ce sens que le chiffre II de son dispositif est supprimé. La conclusion subsidiaire tendant à ce que l'indemnité litigieuse soit réduite est vidée de son objet.
3.
Les frais de la présente procédure sont laissés à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4ddd2204-263a-4517-980c-6867b1c58cfb | En fait :
A.
Par jugement du 29 septembre 2011, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a libéré Z._ du chef d'accusation de lésions corporelles simples (I), a constaté qu'il s'est rendu coupable de voies de fait, de dommages à la propriété, de menaces et d'injure (II), l'a condamné à une peine pécuniaire de 20 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 50 fr. (III), a suspendu l'exécution de la peine et fixé à Z._ un délai d'épreuve de deux ans (IV), l'a condamné à une amende de 200 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif étant de quatre jours (V), a dit que Z._ est le débiteur de D._ de la somme de 300 fr., valeur échue, au titre d'indemnité pour tort moral (VI), a ordonné le maintien au dossier, au titre de pièce à conviction, du CD-ROM séquestré sous fiche 48304 (VII), a dit que les frais de justice, arrêtés à 3'896 fr. 40, comprenant l'indemnité allouée à Me Rodondi, par 1'788 fr., 50, sont mis à la charge de Z._ à concurrence de 2'736 fr. 40, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (VIII) et a dit que le remboursement à l'Etat de la part de l'indemnité allouée à Me Rodondi comprise dans les frais mis à charge de Z._ ne sera dû que si sa situation financière le permet (IX).
B.
Le 14 octobre 2011, Z._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d'appel du 21 novembre suivant, il a conclu implicitement à la modification du jugement entrepris en ce sens qu'il est libéré des fins de la poursuite pénale et que la partie plaignante, D._, est déboutée de toute conclusion civile. Il a produit une retranscription dactylographiée des trois appels téléphoniques passés auprès de la centrale de police dans la nuit du 19 au 20 août 2010, à 0 h 02, 0 h 04 et 0 h 06, respectivement par l'appelant, la plaignante et un tiers témoin des faits à l'origine de la procédure.
A l'audience d'appel, l'appelant a fait savoir que sa situation personnelle ne s'était pas modifiée depuis le jugement. Il a confirmé ses conclusions et a présenté une nouvelle conclusion, subsidiaire, tendant, en cas de condamnation à une peine pécuniaire, à la modification du jugement en ce sens que le montant du jour-amende soit ramené à 30 francs. Bien que validement assignée, l'intimée D._ n'a pas comparu et n'a pas davantage procédé sur l'appel. La cour a informé l’appelant qu’elle avait procédé, à huis clos, à l’audition des CD figurant au dossier.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu Z._, né en 1957, ressortissant algérien, s'est installé en Suisse en 1978. Rentier AI, il bénéficie de prestations mensuelles à hauteur de 2'424 francs. Il est endetté pour un montant total d'environ 80'000 fr. et n'a pas de fortune. Son casier judiciaire est vierge.
1.2 Il est constant qu'une altercation est survenue à [...], dans la nuit du 19 au 20 août 2010, vers minuit, entre le prévenu et la plaignante D._, ressortissante camérounaise, née en 1975. D._ était alors occupée à téléphoner en Afrique au moyen de son portable depuis la voie publique, au pied de l'immeuble abritant les appartements de l'une et de l'autre des parties.
1.3 Selon la plaignante, le prévenu est venu vers elle après avoir uriné à une distance d'une vingtaine de mètres de l'endroit où elle se trouvait. Il lui a alors déclaré : "je viens avec vous pour baiser", respectivement "alors on va chez vous pour baiser". Passant outre, D._ lui a rétorqué "ça va ou bien", respectivement "ça va pas, non" (cf. PV aud. 1). Elle a fait mine de regagner son logement. Le prévenu s'est alors approché d'elle et lui a asséné un coup de pied dans le bas-ventre sans raison aucune. La victime s'est alors précipitée de l'autre côté de la route dans le but d'appeler la police. Le prévenu l'a poursuivie afin de l'empêcher d'utiliser son téléphone portable. Elle a néanmoins pu appeler la police au début de l'altercation. Ensuite, il lui a arraché des mains cet appareil, d'une valeur à neuf de 700 fr., avant de le jeter au sol et de le briser. Le prévenu lui a ensuite asséné plusieurs coups de pied et de poing sur tout le corps.
1.4 Alertés par les cris de la victime, des tiers sont intervenus, mais en vain. Le prévenu a saisi la victime par les cheveux, la faisant chuter, avant de la traîner sur la route sur une distance de quelques mètres. Alors qu'il s'en prenait physiquement à elle, le prévenu lui a également déclaré ce qui suit : "Sale pute, je vais te tuer avant que la police arrive !", tout en lui adressant les épithètes de "guenon", de "pute", de "voleuse" et de "singe". La victime est finalement parvenue à reprendre son téléphone portable que le prévenu avait en mains. Elle l'a frappé à la tête au moyen de celui-ci, déjà brisé, dont elle avait ramassé la coque et la batterie. Ensuite, elle s'est saisie du sac du prévenu qui se trouvait sur le sol, ce afin de trouver ses papiers d'identité et de les remettre à la police. Les protagonistes ont fini par être séparés par des tiers juste avant l'intervention de la police. Le prévenu présentait alors un taux d'alcoolémie de 1,53 o/oo. Il n'a pas été interrogé immédiatement après son interpellation, mais a été entendu le 10 novembre 2010, par le Procureur, en étant confronté à la victime.
1.5 D._ a subi des écorchures aux deux coudes, au pouce gauche et au genou gauche. Elle a été adressée à la consultation psychiatrique de l'Unité de médecine des violences du Centre universitaire romand de médecine légale de Lausanne le matin même à 8 h 30; un constat médical a été dressé le 22 août 2010 (P. 6). Un rendez-vous a été pris pour le 30 août 2010 au Service de psychiatrie de liaison du CHUV (cf. P. 6 in fine). Le statut de victime LAVI lui a été reconnu. Elle a déposé plainte le 20 août 2010. Elle l'a maintenue aux débats de première instance. Elle a pris des conclusions civiles à l'encontre du prévenu à hauteur de 500 fr. au titre de la réparation de son tort moral; elle a renoncé à toute prétention en dédommagement de son préjudice matériel.
1.6 Pour sa part, le prévenu a toujours contesté avoir frappé la plaignante. Durant l'enquête, il a soutenu avoir été agressé par elle, d'abord verbalement, puis physiquement. Selon lui, alors qu'il rentrait chez lui et après avoir uriné dehors, il a croisé sa voisine D._ et l'a vue et entendue, entourée de trois ou quatre personnes, qui criait sur la voie publique. Il l'a invitée à "baisser le ton". Elle lui a rétorqué qu’elle allait appeler la police et il lui a proposé de s'en charger lui-même, ce qu’il a fait. Alors qu’il avait le dos tourné, elle l’a frappé sur la tête et s'est agrippée à son sac. Les protagonistes sont alors tombés par terre. Ils se sont relevés, puis la plaignante s’est emparée de la sacoche du prévenu. Celui-ci a alors fait mine de la frapper pour se défendre. Entendu à l'audience du tribunal de police, le prévenu a ajouté ce qui suit : "(...) une gifle est peut-être partie et j’ai probablement injurié D._". C'est au moment où il avait appelé la police qu'il a reçu de la plaignante un violent coup sur la tête. Il est de fait que le prévenu a présenté une plaie crânienne. Il porte une la cicatrice à l'arrière de la tête, qu'il a tenu à montrer au premier juge (jugement, p. 5).
1.7 Il est constant que la plaignante est une personne de couleur. Les témoins entendus en cours d'enquête n'ont pas assisté au début de l'altercation, mais ont rapporté les invectives proférées par le prévenu au préjudice de la plaignante. Ainsi, le témoin [...], occupant du logement sis au rez-de-chaussée de l'immeuble, a rapporté qu'alors qu'il était assoupi devant sa télévision peu après minuit le 20 août 2010, il avait été réveillé par les cris d'une femme qui provenaient de la rue. Il a également entendu qu'un homme insultait cette personne, la traitant notamment de "pute". Le témoin est sorti sur la voie publique et a vu le prévenu avec la tête en sang et la plaignante qui "se tenait au niveau du ventre" (PV aud. 3).
Le témoin [...], arrivée sur les lieux de l'extérieur peu après le début de l'altercation, a notamment relevé que "cet individu (le prévenu, réd.) proférait des insultes à caractère notamment raciste et discriminatoire". Elle a dit se souvenir très clairement de l'avoir entendu traiter la plaignante de "guenon" et de "pute" et l’avait vu la traîner au sol. Elle a indiqué que "(...) la scène (...) permettait clairement de distinguer une victime, soit la plaignante, et son agresseur, soit le tiers dont il a été question. Je vous précise qu'à mon souvenir des coups ont été échangés de part et d'autre, mais que s'agissant de la plaignante, celle-ci ne faisait que se défendre". Le témoin a aussi rapporté que, même en présence de la police, l'agresseur ne s'était pas calmé. Elle a précisé qu'elle était accompagnée d'un homme de couleur, que le prévenu "regardait (...) d'un oeil noir, lui cherchant manifestement des noises". Le témoin a ajouté que "(...) cette personne (le prévenu, réd.) est clairement hostile à la population africaine, c'était manifeste au moment des faits" (PV aud. 4).
Pour sa part, le rapport de police fait également état de propos dénigrants proférés par l'intéressé au préjudice de sa victime et en présence encore des agents; ainsi, il s'est notamment exprimé en ces termes, désignant la victime : "ça fait la pute", "ça sert qu'à ça, à écarter les cuisses" et "ça vit dans un logement subventionné, ça pue et ça sert à rien". En outre, une fois interpellé, le prévenu a donné des coups de pied dans la porte de sa cellule (P. 5, rapport de police, p. 3).
1.8 Les enregistrements des appels téléphoniques effectués auprès de la centrale de police ont été versés au dossier et auditionnés lors des débats de première instance. Il en ressort que le prévenu avait appelé à 0 h 02 pour faire état d'une agression dont il se disait victime. Il s'exprimait sur un ton calme. Pour sa part, la victime avait appelé à 0 h 04 pour faire également état d'une agression. Sa voix était celle d'une personne affolée. Enfin, un voisin a appelé à 0 h 06 pour rapporter qu'une femme criait dans la rue devant le même immeuble.
2. Appréciant les faits de la cause, le tribunal de police a ajouté foi à la version des faits de la plaignante. Il a relevé que cette partie était apparue crédible, alors que les explications du prévenu s'étaient avérées confuses. C'est ainsi, en particulier, que ce dernier avait parlé aux débats pour la première fois de plusieurs personnes présentes lors des faits. A ceci s'ajoutait, toujours selon le premier juge, que le prévenu n'avait pas déposé plainte, attitude qui surprend. De surcroît, il était alcoolisé lors des faits. Le premier juge a en outre considéré qu'en téléphonant en premier à la police, l'intéressé avait voulu prendre les devants et que, pour sa part, lors de son appel téléphonique à la police, la plaignante apparaissait effrayée et occupée à repousser les assauts de son agresseur.
3. Le tribunal de police a ainsi retenu en droit que le prévenu s’était rendu coupable de voies de fait, de dommages à la propriété, de menaces et d'injure. Appréciant la culpabilité du prévenu, le premier juge a retenu, à charge, que celui-ci s'en était pris sans raison aucune à une personne qui lui était totalement inconnue, développant une violence verbale et physique inquiétante; qu'il contestait toute responsabilité dans l'altercation, faisant au contraire peser celle-ci sur la victime; qu'il n'avait formulé ni excuses, ni regrets. A décharge, le premier juge a retenu l'absence d'antécédents, les problèmes psychiques et la situation précaire de l'intéressé. Le montant du jour-amende a été fixé à 50 fr. pour tenir compte de la situation personnelle et financière du prévenu.
Les conclusions civiles de la plaignante ont été admises à hauteur de 300 fr., valeur échue, pour le motif qu'elle était apparue choquée par l'agression et que le constat médical dressé à l'époque des faits faisait d'ailleurs état de la nécessité d'une consultation psychiatrique. | En droit :
1.1
Interjeté dans la forme et le délai légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
1.3
Dans sa déclaration d'appel, l’appelant se prévaut d'abord, outre de la violation des principes de la présomption d'innocence et de la prohibition de l'arbitraire, d'une constatation incomplète ou erronée des faits (appel, ch. III, p. 2 in fine). Il n'invoque aucune violation du droit matériel fédéral relative aux éléments constitutifs (subjectif et objectifs) des infractions retenues à son encontre. La cause n'a donc pas à être examinée sous ces derniers aspects (cf. l'art. 404 al. 1 CPP). Ensuite, excipant de violations du droit matériel, il se prévaut de la riposte immédiate d'après l'art. 177 al. 3 CP, de sa situation personnelle et économique selon l'art. 34 al. 2 CP (moyen présenté en plaidoirie), ainsi que de règles de droit privé régissant la réparation du tort moral (art. 44 al. 1, 47 et 49 al. 1 CO).
2.
L'appelant fait d'abord valoir que le fait qu'il ait appelé la police en premier parle en faveur de sa version des événements et soutient en particulier que c'est la plaignante qui est à l'origine de l'altercation. Il est exact que le prévenu a appelé la police avant la plaignante. Il ressort de l'audition du support enregistré (CD), produit par la police à la réquisition du Procureur, que le prévenu avait un peu de peine à s’exprimer. Il doit cependant être considéré que ce n’est pas parce qu’il était en proie à une émotion importante, mais parce qu’il était ivre, son alcoolémie étant alors de 1,53 o/oo. Il est en outre exact que la plaignante s'est exprimée d'un ton affolé lorsqu’elle a téléphoné deux minutes plus tard et qu’elle est alors occupée à repousser le prévenu, même si, en arrière-fond sonore, on entend celui-ci contester se livrer à toute agression. On doit tirer de ces enregistrements que la situation entre les parties avait dégénéré avant le premier appel téléphonique déjà, soit celui du prévenu. L'élément invoqué ne suffit toutefois pas à accréditer la version de l'appelant au détriment de celle de l'intimée. Il doit en effet bien plutôt être retenu que, si le prévenu a, malgré son ébriété, appelé la police en premier, c'était pour prendre les devants, donc pour accréditer la thèse d'une altercation provoquée du fait de la plaignante. Il s'agit d'un comportement rationnellement justifiable, comme l'a considéré le premier juge sans abuser de son pouvoir d'appréciation.
3.
L'appelant soutient ensuite qu'il est difficilement concevable qu'il ait porté un coup de pied au bas-ventre de l'intimée alors que celle-ci, effrayée comme elle prétend qu'elle l'était, devait nécessairement lui tourner le dos afin de lui échapper pour rentrer chez elle. Or, le témoin [...] a vu la victime se tenir "au niveau du ventre" (PV 3 p. 2). Rien ne permet de mettre en doute sa déposition. Il apparaît ainsi que le prévenu s'en est pris à la plaignante en l'attaquant de face, ce qui ressort du reste du fait que les protagonistes se sont adressés la parole. Ce moyen doit être rejeté.
4.
L'appelant fait également valoir qu'il est impossible que la plaignante l'ait frappé à la tête
après
avoir appelé la police par téléphone, puisque celui-ci avait fait mention de ce coup lors de son propre appel deux minutes auparavant déjà. Or, il ressort de l'enregistrement que le prévenu dit seulement avoir été « tapé », mais ne précise pas où; cette mention est compatible avec le cours de l'échauffourée jusqu'alors, étant constant que la victime s'est défendue quasiment dès le début de l'altercation. Ce moyen doit donc être rejeté.
5.
L'appelant soutient encore qu'eu égard à sa cicatrice qui se trouve derrière la tête, il est impossible que l'intimée l’ait frappé de face; vu sa petite taille, il devait, selon lui, nécessairement lui tourner le dos et ne pas s'attendre à recevoir un coup pour permettre une telle blessure. D'abord, aucun certificat médical n'étaye la plaie derrière le crâne alléguée par le prévenu, lequel s'est contenté de montrer au premier juge une cicatrice, d'origine indéterminée, à la face postérieure de sa tête. Certes, le témoin [...] a rapporté que le prévenu avait la tête en sang, mais il n'a pas pour autant précisé la localisation de la plaie. Quoi qu'il en soit, les parties ont pu bouger l'un par rapport à l'autre lors de l’altercation. Ensuite, le moyen de l'appelant selon lequel il avait reçu ce coup par derrière quand il téléphonait à la police n'est pas confirmé par l’enregistrement de la conversation et le fait allégué aurait assurément laissé une trace sonore s'il était survenu dans les circonstances décrites. Enfin et surtout, si la plaignante avait cassé son téléphone sur la tête de l'appelant comme il le prétend, ce jusqu'à ce que l'appareil soit en pièces, elle n’aurait pas pu ensuite appeler la police. Ce moyen doit donc aussi être rejeté.
6.
L'appelant tente également de tirer argument du fait que la plaignante avait pu mener à terme l'appel téléphonique adressé à la police alors même que, dans sa plainte, elle avait prétendu que le prévenu lui avait arraché son téléphone des mains précisément alors qu’elle alertait les forces de l'ordre. Il ne ressort effectivement pas de l’enregistrement que l'interlocutrice ait été interrompue, notamment comme elle l'aurait été si son portable lui avait été arraché des mains. Cela étant, l'incohérence invoquée est limitée au procès-verbal d'audition par la police (PV 1, p. 1) et le premier juge ne la retient pas davantage. En effet, la victime n’a pas répété cette version des faits aux débats. Bien plutôt, elle a décrit les événements de manière crédible en relevant que son agresseur lui avait pris son portable des mains et l'avait jeté au sol
après
qu'elle est parvenue à passer un appel à la police. Cet exposé est conforme à la chronologie des faits révélée par les enregistrements. En effet, le prévenu venait alors d'achever son propre appel téléphonique et avait donc les mains libres. Ce moyen n’est dès lors pas décisif et doit ainsi être rejeté à l'instar des précédents.
7.
L'appelant considère ensuite qu'il est invraisemblable que la plaignante ait pu vouloir s'emparer de son sac alors même que, selon ses propres dires, il venait de la rouer de coups et qu'elle était en proie à la panique; dès lors, elle n'aurait pu tenter de s'approprier le sac que dans les prémisses de l'altercation, ce qui serait d'ailleurs corroboré par le fait que les affaires de l'appelant se trouvaient éparpillées sur le sol. Certes, la plaignante admet s’être emparée du sac du prévenu; elle situe cependant ce fait en cours d’altercation, alors que le prévenu le place au début de l'échauffourée, ce qui ressort effectivement de son appel téléphonique. Quoi qu'il en soit, on ne voit pas en quoi le moyen allégué affaiblirait la version de la plaignante. En effet, le moment auquel l'intéressée a fait main basse sur le sac du prévenu, notamment pour s'emparer de ses papiers d'identité, n'est pas déterminant pour le sort de l'action pénale.
8.
L'appelant soutient ensuite qu'il est étrange de sortir la nuit pour téléphoner au moyen d'un portable comme l'avait fait la plaignante lors des faits alors même qu'elle dispose d'un poste fixe dans son logement. On ne voit pas en quoi cet élément serait en l’espèce pertinent; le fait que le prévenu veuille en tirer qu’il était légitime pour lui d’intervenir à l'égard de sa voisine d'immeuble pour lui dire de "baisser le son" indique au contraire que c’est lui qui est à l’origine de l’altercation.
9.
L'appelant fait ensuite grief au premier juge d'avoir retenu, au détriment de sa version des faits et en faveur de celle de la plaignante, que l’absence de plainte du prévenu surprenait. Il ne s'agit cependant pas d'un fait matériel, ni même d'un élément d'appréciation irréductiblement relevant. Il est vrai que ce n’est pas parce qu’il n’a pas déposé plainte qu’il est forcément à l’origine de la dispute, dès lors qu'il aurait aussi bien pu renoncer à procéder par gain de paix. Il n'en reste cependant pas moins que ce n’est qu’un élément parmi d’autres dans un faisceau d'indices retenu en faveur de la version de la plaignante. Le fait invoqué n'est donc pas déterminant.
10.
L'appelant fait encore grief au premier juge d'avoir retenu l’infraction de menaces sur la seule base des faits tels que décrits par la plaignante, alors même que les déclarations faites par cette partie à l'audience ne mentionneraient aucune menace. D’abord les propos incriminés sous l'angle de l'art. 180 CP figurent aussi bien dans la plainte que dans l’ordonnance pénale tenant lieu d'acte d'accusation (art. 356 al. 1 CPP; cf. P. 15). En effet, tant la première que le second reprennent les termes suivants de la bouche du prévenu : "Sale pute, je vais te tuer avant que la police arrive !". Ensuite, le tribunal de police en a fait état dans la même teneur (jugement, p. 8) lorsqu’il a exposé la version de la plaignante. Le fait que la partie n’ait pas répété ce point lors de sa déposition aux débats n’est dès lors pas décisif, attendu qu'elle n'a pas retiré ses allégations antérieures. Au surplus, l'état d'effroi dans lequel elle se trouvait lors de l'échauffourée est d'abord étayé par le ton de sa voix au téléphone, qui est affolé. Cet état est ensuite confirmé par le fait que la victime a été adressée à la consultation psychiatrique de l'Unité de médecine des violences du Centre universitaire romand de médecine légale le matin même suivant les faits et qu'un rendez-vous a, à cette occasion, été pris pour le 30 août 2010 au Service de psychiatrie de liaison du CHUV vu l'état mental dans lequel se trouvait l'intéressée en raison de l'altercation (cf. P. 6 in fine).
11.
L'appelant considère en outre que, contrairement à ce que retient le premier juge, aucun élément ne permet de dire qu'il a endommagé le téléphone de la plaignante. D’abord, il est établi que ce téléphone a été endommagé (P. 5, rapport de police, p. 3), ce que le prévenu ne conteste pas. Ensuite, le tribunal a retenu que c'était le prévenu qui était l’auteur du dommage, en ajoutant foi à la version de la plaignante sur ce point (jugement, p. 8). A cet égard, on a vu que la version du prévenu selon laquelle celle-ci lui aurait cassé le téléphone sur la tête pendant qu’il téléphonait à la police – plutôt que d'avoir utilisé à cette fin son portable déjà endommagé – n'est pas plausible, puisqu’elle avait appelé la police
après lui
au moyen de ce même appareil. Le fait retenu ne procède donc pas davantage d'un abus de son pouvoir d'appréciation par l'autorité inférieure.
12.
Invoquant ensuite une fausse application du droit matériel, l’appelant se prévaut de la riposte immédiate sous l'angle de l'art. 177 al. 3 CP s’agissant des infractions de voies de fait et d'injure retenues à sa charge. Outre les éléments qui précèdent, la déposition du témoin [...] recueillie en cours d'enquête (PV 4) est très claire. Ce témoin a en effet indiqué sans réserve que c’est le prévenu qui s’en prenait à la plaignante, laquelle ne faisait que se défendre. Le témoin a ajouté qu'elle avait entendu celui-là traiter celle-ci de "guenon" et de "pute" et l’avait vu la traîner au sol. C'est aussi en vain que l'appelant évoque un malentendu entre parties, toutes deux francophones, quant au verbe "baiser". En effet, la réponse de la victime aux sollicitations pour le moins importunes qui lui étaient adressées est limpide à cet égard. A ces éléments, on ajoutera encore que, comme le rapporte ce témoin, le prévenu, malgré la présence de la police, a continué d’injurier la plaignante, tout en cherchant des noises à un tiers de couleur présent sur les lieux. Qui plus est, une fois interpellé, le prévenu a persisté à proférer des invectives dirigées contre sa victime et a encore donné des coups de pied dans la porte de sa cellule (P. 5, rapport de police p. 3). Ce comportement agressif persistant va clairement dans le sens de la version de la plaignante selon laquelle le prévenu l’avait abordée de manière grossière et était seul à l'origine de l’altercation. En présence de faits convergents aussi accablants pour l'appelant, aucun motif ne permet dès lors de le mettre au bénéfice de l’art. 177 al. 3 CP en ce sens qu'il n'a pas immédiatement et uniquement riposté aux injures et aux voies de fait dont il aurait été victime en premier.
13.
L'appelant conteste que les conditions d'une réparation morale en faveur de l'intimée soient réalisées. Il excipe du peu de gravité de l'atteinte, respectivement de l'absence de souffrance éprouvée par la plaignante, mais également du fait qu'elle porte incontestablement une part de responsabilité dans les faits.
Dans la mesure où la réparation morale relève pour une part importante de l’appréciation des circonstances, l’autorité de recours ne doit intervenir qu'avec retenue, même dans le régime de l'appel. En l'occurrence, la nature et l'ampleur des lésions subies par la victime, ainsi que les souffrances physiques encourues, sont établies par le constat valant rapport du 22 août 2010 de l'Unité de médecine des violences du Centre universitaire romand de médecine légale de Lausanne (P. 6), étayé par des photographies (P. 7). En outre, les séquelles psychiques de l'altercation ont été suffisantes pour justifier au moins une consultation psychiatrique. Ces lésions et séquelles sont en rapport de causalité avec le comportement incriminé. En particulier, le caractère purement gratuit et inopiné de l'attaque est de nature à causer un choc psychologique, de même que les menaces de mort et les injures à connotation sexuelle voire raciste. Les conditions d'une réparation morale sont dont réunies.
Quant à la quotité du dédommagement, l'état de la victime n'est certes pas gravissime, mais la réparation allouée, d'un montant relativement modique et en deçà du montant des conclusions de la partie civile, tient compte de l'ensemble de la situation à l'aune des art. 47 et 49 al. 1 CO. Il n'apparaît ainsi pas que l’autorité inférieure ait mésusé de son pouvoir d’appréciation. Au surplus, c'est en vain que l'appelant se prévaut implicitement de l'art. 44 al. 1 CO en alléguant une part de responsabilité de la victime. Il a en effet été vu que le prévenu est seul à l'origine de l'altercation et que la plaignante n'a fait que se défendre. A défaut de toute faute concurrente de la victime, il n'y a dès lors pas lieu à réduire l'indemnité.
14.1
En plaidoirie, l'appelant a enfin contesté la quotité du jour-amende. Faisant valoir qu'il est sans moyens économiques hormis sa rente, il soutient que c'est en violation de l'art. 34 al. 2 CP que le premier juge a retenu un montant de 50 fr. par jour alors que l'ordonnance de condamnation ne se fondait à juste titre que sur une quotité de 30 francs. Le grief est recevable dès lors qu'il est inclus dans la conclusion en acquittement présentée dans la déclaration d'appel.
14.2
Conformément à l'art. 34 CP, la peine pécuniaire est fixée en jours-amende dont le tribunal fixe le nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). Un jour-amende est de 3'000 fr. au plus. Le juge en arrête le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).
14.3
Le premier juge n'a pas motivé le montant du jour-amende, si ce n'est pour relever qu'il est fixé pour tenir compte de la situation personnelle et financière du prévenu. L'intéressé, rentier AI, bénéficie de prestations mensuelles à hauteur de 2'424 fr.; il dit être endetté pour un montant total d'environ 80'000 fr. et ne pas avoir de fortune.
Dans ces conditions, au vu de la situation financière du prévenu, on doit admettre que la quotité de 50 fr., qui représente 1'500 fr. par mois sur un revenu de 2'424 fr., est manifestement trop élevée. Dès lors, le montant de 30 fr., plaidé par l'appelant, sera retenu. L'appel sera ainsi partiellement admis dans ce sens.
15.
Vu la mesure dans laquelle l'appelant succombe sur ses conclusions, les frais de la procédure d'appel selon l'art. 424 CPP doivent être mis à sa charge à raison des trois quarts, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Outre l'émolument (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l'indemnité allouée au défenseur d’office pour la procédure d’appel (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). Celle-ci doit être arrêtée à 1'480 fr., TVA comprise, au vu de l'ampleur des opérations effectuées, représentant 12 heures d'activité à 110 fr. l'heure (pour un avocat-stagiaire), plus 50 fr. de débours.
L'appelant ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4e06bfa5-2ba7-4841-a3f3-86f70fc45d84 | En fait :
A.
Par jugement du 19 juin 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a libéré C._ des griefs d'infraction et contravention à la loi fédérale sur les épizooties, contravention à la loi vaudoise sur les déchets, entrave au service des chemins de fer (I), condamné C._, pour tentative de mise en danger de la vie d'autrui, menaces, incendie par négligence, bris de scellés, insoumission à une décision de l'autorité, violation grave des règles de la circulation, ébriété qualifiée au volant, tentative de dérobade aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, vol d'usage, conduite malgré un retrait de permis de conduire, circulation sans plaques de contrôle, infraction à la loi fédérale sur les denrées alimentaires, infraction à la loi fédérale sur la protection des animaux, infraction à la loi fédérale sur la protection des eaux, infraction à la loi fédérale sur la protection de l'environnement, à la peine privative de liberté de deux ans (II), suspendu l'exécution de la peine énoncée au chiffre II et astreint C._ à un traitement psychothérapeutique ambulatoire, impliquant entretiens et médication, auprès du Dr Roduit, à Monthey (III), interdit partiellement à C._ l'activité d'agriculteur, l'interdiction portant sur l'élevage des bovins et la fabrication de fromages, pour une durée de 3 ans (IV), ordonné la confiscation du véhicule automobile et du matériel séquestrés (V), dit que C._ est le débiteur de N._ de 5'000 fr., à titre de réparation moral (VI), mis les frais de la cause, par 35'790 fr. 35, comprenant l'indemnité servie à son conseil d'office, par 10'044 fr., TVA et débours compris, à la charge de C._ (VII), dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité du défenseur d'office est différé jusqu'à amélioration de la situation financière de C._ (VIII).
B.
Le 28 juin 2012, C._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 12 juillet 2012, il a conclu à la modification des chiffres IV et VI du dispositif du jugement précité en ce sens qu'il ne lui est pas interdit d'exercer une activité d'agriculteur et que l'indemnité en faveur de N._ à titre de réparation pour tort moral est ramenée à 2'000 fr.
Le 27 juillet 2012, N._ a déposé un appel joint, concluant à l'allocation en sa faveur, d'un montant de 7'000 fr. à titre de réparation pour tort moral.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le 28 février 1950, C._ est l'aîné d'une fratrie de trois enfants. Il a terminé l'école obligatoire puis a commencé à apprendre le métier d'agriculteur avant de reprendre le domaine de son père. L'appelant est divorcé et père de deux enfants.
Son casier judiciaire fait état de onze condamnations entre 2002 et 2008 sanctionnant des conduites en état d'ébriété, des infractions à la Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR; RS 741.01), à la Loi fédérale du 9 octobre 1992 sur les denrées alimentaires et les objets usuels (LDAI; RS 817.0) et à la Loi fédérale sur la protection des eaux du 24 janvier 1991 (LEaux; RS 814.20).
2.
C._ a été soumis à une expertise psychiatrique menée par le Dr F._. Dans son rapport du 7 février 2011, l'expert a posé le diagnostique d'une psychopathologie grave, à savoir un trouble bipolaire affectif, sur fond de trouble de la personnalité mixte de type paranoïaque et dyssocial, ainsi qu'un syndrome de dépendance à l'alcool. L'expert a conclu à une réduction de la responsabilité et à un risque élevé de réitération d'actes illicites (P. 100).
3.
3.1
Le 11 janvier 2009, la gendarmerie a observé dans la ferme de C._ à Bex qu'il avait entreposé sans soin de multiples fromages moisis et infestés de cirons. Le 20 janvier 2009, quelques jours après, l'agence régionale pour la qualité et l'hygiène alimentaire a fait savoir que les "fromages" prélevés à Bex chez l'appelant et analysés étaient contaminés par la listéria monocytogènes, germe pathogène pouvant exposer la santé du consommateur. A la suite de ce contrôle, les inspecteurs ont interdit à l'appelant de fabriquer des fromages, puis ont placé les locaux de fabrication sous scellés pour garantir le respect de l'interdiction dès le
29 janvier 2009. Le jour même, C._ a brisé les scellés et a continué à fabriquer des fromages, nonobstant l'interdiction (P. 129).
Le 11 février 2009, les inspecteurs de l'agence régionale ont prélevé de nouvelles pièces pour analyse. L'agent pathogène y était présent.
Le 27 septembre 2011, à la demande de C._, une inspection de l'agence régionale pour la qualité et l'hygiène alimentaire a été effectuée afin de vérifier la possibilité de fabrication de fromages. Le rapport de cette agence fait état que les installations de C._ sont propres à la fabrication de fromages (P. 151).
3.2
En novembre 2008, l'appelant a omis de tenir à jour le registre de son cheptel bovin. Lors d'une visite du 11 janvier 2009, les gendarmes ont relevé que les bêtes n'étaient ni nourries, ni soignées, ni traites. Un veau mort achevait de pourrir à l'extérieur du bâtiment de même que des quartiers de viande de veau. Les écuries n'étaient pas nettoyées. Le même jour, la fosse à purin débordait de fumier et les liquides d'engrais de ferme s'étaient déversés sur la chaussée publique pour y geler (P. 14 et 15). En février 2009, il n'a pas identifié certains bovins.
3.3
A Bex, notamment au X._Bar, dans les semaines précédant le
21 mars 2011, C._ a à plusieurs reprises proféré des menaces de mort à l'encontre de N._, tenancière de l'établissement précité et épouse d'un membre de la police municipale.
Le 21 mars 2011, peu avant les faits relatés ci-dessous, le prévenu a déclaré qu'il voulait "se faire des flics et leurs bonnes-femmes avant d'aller en prison". Il a ensuite pénétré en voiture dans le parking du [...]. A la vue de N._, il a accéléré dans sa direction. Un obstacle fortuit, soit la sortie d'un véhicule d'une place de parc, a contraint l'automobiliste à immobiliser violemment son véhicule, à 6, voire 10 mètres de N._. L'appelant a ensuite fait une marche arrière pour finalement s'arrêter au bord de l'Avançon deux roues dans le vide. Il a enfin menacé de mort N._, alors que cette dernière l'aidait à sortir du véhicule.
Il résulte d'un certificat médical du 24 mars 2011 que N._ a présenté après les événements précités un état d'angoisse et de tristesse important. Elle a par ailleurs subi un grave choc émotionnel et a souffert d'insomnie. Son médecin traitant lui a dès lors prescrit du Xannax et recommandé un suivi psychologique.
4.
Le 18 avril 2012, C._ a fait l'objet d'une dénonciation. Il ressort du rapport que l'appelant aurait proposé du travail à H._. Ce dernier aurait toutefois quitté l'exploitation, faute d'être payé et de recevoir un contrat. Il serait alors revenu à la ferme suite à la demande du fils de l'appelant, dès lors que plus personne ne s'occupait du bétail. H._ a également déclaré qu'il avait découvert un veau mort dans l'étable, ce qui a aussi été constaté par la police. Celle-ci a remarqué que l'étable se trouvait en piteux état d'entretien, une couche de fumier d'environ 50cm recouvrant le sol. Elle a enfin observé, dans le coffre d'un véhicule appartenant à C._, un certain nombre de fromages visiblement entreposés dans des conditions d'hygiène discutables (P. 150). | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les
vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjetés dans les forme et délais légaux par des parties ayant la qualité pour recourir (382 al. 1 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel formé par C._, ainsi que l'appel joint formé par N._, suffisamment motivés au sens de l'art. 399 al. 3 CPP, sont recevables.
Les appels sont traités selon la procédure écrite en application de
l'art. 406 al. 1 let. b et e CPP.
2.
En vertu de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
C._ conteste l'interdiction d'exercer son activité d'agriculteur, dite interdiction portant sur l'élevage des bovins et la fabrication de fromages pour une durée de 3 ans.
3.1
Aux termes de l'art. 67 CP, si l'auteur a commis un crime ou un délit dans l'exercice d'une profession, d'une industrie ou d'un commerce et qu'il a été condamné pour cette infraction à une peine privative de liberté de plus de 6 mois ou à une peine pécuniaire de plus de 180 jours-amende, le juge peut lui interdire totalement ou partiellement l'exercice de cette activité ou d'activités comparables pour une durée de six mois à cinq ans s'il y a lieu de craindre de nouveau abus
(al. 1). L'interdiction d'exercer une profession défend à l'auteur d'exercer cette activité de manière indépendante, en tant qu'organe d'une personne morale ou d'une société commerciale ou au titre de mandataire ou de représentant d'un tiers. Si le danger existe que l'auteur abuse de son activité professionnelle pour commettre des infractions alors qu'il agit selon les directives et sous le contrôle d'un supérieur, l'exercice de cette activité lui est entièrement interdit (al. 2).
Selon l'art. 67a CP, l'interdiction d'exercer une profession a effet à partir du jour où le jugement qui la prononce entre en force. La durée de l'exécution d'une peine privative de liberté ou d'une mesure entraînant une privation de liberté n'est pas imputée sur celle de l'interdiction (al. 1). Si l'auteur n'a pas subi la mise à l'épreuve avec succès et si la peine prononcée avec sursis est exécutée ou que la réintégration dans une peine ou une mesure est ordonnée, la durée de l'interdiction d'exercer une profession court dès le jour où l'auteur est libéré conditionnellement ou définitivement ou dès le jour où la sanction est remise ou levée (al. 2).
Cette mesure vise à rendre plus difficile, voire même empêcher la répétition d'infractions déterminées et à protéger la collectivité contre de nouveaux abus (Bischovsky in : Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 3, ad art. 67; ATF 78 IV 217; FF 1999 1911).
3.2
C._ a commis des délits dans l'exercice de sa profession d'agriculteur, en compromettant la santé du consommateur par une fabrication bâclée de fromages et en négligeant le cheptel bovin. Divers rapports de la police ou de l'agence pour la qualité et l'hygiène alimentaire font état de l'irrespect des règles d'hygiène de l'appelant et de sa négligence dans l'entretien de sa ferme et des soins donnés au bétail (P. 14; P. 15; P. 129; cf. supra consid. 3.1 et 3.2).
Pour ces infractions, l'appelant a été condamné à une peine privative de liberté supérieure à 6 mois.
Par ailleurs, l'intéressé fait d'ores et déjà l'objet d'une nouvelle dénonciation datée du 18 avril 2012 (P. 150; cf. supra consid. 4), de sorte qu'il y a lieu de craindre de nouveaux abus s'agissant des soins à prodiguer à son bétail et des règles élémentaires d'hygiène à respecter dans son exploitation La lettre de l'agence régionale pour la qualité et l'hygiène alimentaire du 4 septembre 2011 ne permet absolument pas d'exclure de nouveaux risques d'abus (P. 151). D'une part, ce courrier est antérieur à la nouvelle dénonciation. D'autre part, le contrôle a été effectué suite à la demande expresse de l'intéressé qui a donc préparé la visite en question.
En outre, il résulte du rapport d'expertise psychiatrique de l'intéressé que ce dernier représente un risque élevé de réitération de passage à l'acte illicite. Le seul fait que l'appelant soit désormais soumis à un traitement psychothérapeutique ne permet pas, en l'état, d'exclure un risque de récidive, l'expert s'étant au demeurant montré très réservé sur l'efficacité des mesures médicales proposées en ce qui concerne la diminution du risque de réitération (P. 100).
Enfin, compte tenu du fait que C._ persiste dans son comportement délictueux nonobstant les condamnations et mesures prises auparavant à son encontre, d'autres mesures moins restrictives ne seraient pas propres à atteindre le but visé d'éviter que C._ commette de nouvelles infractions en relation à son exploitation agricole. Partant, la mesure prononcée est nécessaire, appropriée et proportionnée.
Au vu de ce qui précède, on doit admettre que toutes les conditions de l'art. 67 CP sont réalisées, de sorte que la mesure d'interdiction prononcée par les premiers juges ne viole pas le droit fédéral.
4.
C._
conteste le montant de l'indemnité pour tort moral de 5'000 fr. alloué à N._, celui-ci devant être fixé à 2'000 francs.
N._, quant à elle, considère que le montant de l'indemnité doit s'élever à 7'000 francs.
4.1
Conformément à l'art. 49 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie.
L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques consécutives à l'atteinte subie par la victime et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. Sa détermination relève du pouvoir d'appréciation du juge. L'évaluation du tort moral échappe par sa nature à une appréciation rigoureuse, puisqu'elle concerne des valeurs par définition non mesurables. En effet, nul ne peut réellement évaluer la souffrance d'autrui (Werro, La responsabilité civile, Berne 2005, n. 1271). L'indemnité allouée doit toutefois être équitable. Le juge en déterminera donc le montant en fonction de la gravité de l'atteinte subie et il évitera que la somme accordée n'apparaisse dérisoire à la victime. S'il s'inspire de certains précédents, il veillera à les adapter aux circonstances actuelles pour tenir compte de la dépréciation de la monnaie (ATF 130 III 699 consid. 5.1; ATF 129 IV 22
consid. 7.2 et les arrêts cités).
4.2
Le 21 mars 2011, N._ a fait l'objet d'une tentative de mise en danger de la vie d'autrui de la part de C._. Contrairement à ce que prétend l'appelant, N._ a subi des séquelles suite à cet événement. Il résulte d'un certificat médical du 24 mars 2011 que N._ a présenté après l'agression un état d'angoisse et de tristesse important. Elle a par ailleurs subi un grave choc émotionnel et a souffert d'insomnie. Dès lors, une médication idoine (Xannax) lui a été prescrite par son médecin traitant. En outre, des menaces à l'encontre de N._ ont été proférées à plusieurs reprises avant l'incident de la circulation. Ainsi, l'agression de C._ apparaît comme une mise en exécution des menaces de mort et confère à l'ensemble des faits un caractère de gravité évident.
Au vu des circonstances précitées, les premiers juges n'ont pas excédé leur pouvoir d'appréciation en fixant l'indemnité à 5'000 fr., montant qui paraît proportionné à la gravité de l'atteinte subie par N._. Pour le même motif, le montant de 7'000 fr. demandé par N._ paraît trop élevé.
5.
En définitive, l'appel de C._, ainsi que l'appel joint de N._ sont rejetés.
6.
Compte tenu notamment du temps consacré, de la relative importance de l'affaire et du résultat obtenu, une indemnité de défense d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1'414.80 fr., TVA et débours inclus, est allouée à Me Pierre Bloch, à la charge de C._.
Les frais d'appel, par 1'100 fr. sont mis à la charge de C._ (art. 428 al. 1 CPP).
L'appelant sera tenu de rembourser à l'Etat l'indemnité du défenseur d'office dès que sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4e23dc87-f2c6-4559-acd7-26c627020591 | En fait :
A.
Par jugement du 18 août 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a notamment libéré X._ du chef d'accusation de tentative de meurtre (I), constaté que X._ s'est rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées, de rixe, d'infraction à la Loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers et d'infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (II), condamné X._ à une peine privative de liberté de 16 (seize) mois, sous déduction de 156 (cent cinquante-six) jours de détention avant jugement, et à une peine pécuniaire de 10 (dix) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr. (dix francs) (III), suspendu l'exécution des peines et fixé un délai d'épreuve de 2 (deux) ans (IV), donné acte de ses réserves civiles contre A.D._ et B.D._ à X._ (XIV), rejeté les conclusions civiles de X._ à l'encontre de l'Etat de Vaud (XV), ordonné la confiscation en vue de destruction du couteau suisse et du verre "Cardinal" séquestrés sous fiches de séquestre n° 44170 et 44171 (XVI), mis une part des frais de procédure, à hauteur de 18'038 fr. 24, à la charge de X._ (XVII), dit que le remboursement à l'Etat des indemnités servies à Me Rouvinez par 1'340 fr. 05 et à Me Micaela Vaerini Jensen par 7'732 fr. 80 et comprises dans la somme des frais de justice n'interviendra que si la situation financière de X._ le permettra (XVIII).
B.
En temps utile, X._ a déposé une annonce, puis une déclaration d’appel. Il a conclu à sa libération des infractions de rixes et de lésions corporelles simples qualifiées, à sa condamnation à une peine pécuniaire avec sursis, à l’allocation d’un montant pour tort moral de 5'000 fr. et d’une indemnité de dépens de 9'000 francs.
Le Ministère public a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement de première instance.
A.D._ n'a déposé ni demande de non-entrée en matière, ni appel joint. Il a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement de première instance. B.D._ ne s'est pas déterminé et ne s'est pas présenté à l'audience.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
X._ est né le 4 décembre 1967 à Sopi au Kosovo dont il est originaire. Cinquième d'une fratrie de sept enfants, il a fait son école primaire dans sa ville natale, puis il a travaillé dans le génie civil en Slovénie pendant deux ans. Il est marié et père de six enfants qui vivent avec leur mère au Kosovo. Par l'intermédiaire d'un beau-frère, il aurait été mis en contact avec son co-prévenu, A.D._, qui lui a trouvé le gîte et le couvert en Suisse et lui a également fourni du travail. Il loge actuellement dans un studio du Centre EVAM à Prilly. Sa situation financière est mauvaise.
Son casier judiciaire suisse est vierge.
Pour le besoin de l'enquête, X._ a été détenu avant jugement du 15 octobre 2008 au 19 mars 2009, soit pendant 156 jours. Peu après sa sortie de prison, le 22 mars 2009, l'appelant a été renversé par une voiture à Lausanne où il a été grièvement blessé. Il est suivi depuis lors à la Consultation générale de la PMU. Il bénéficie d'une prise en charge multidisciplinaire. Selon un rapport du 29 juillet 2011, établi par le chef de la clinique de la PMU, la réhabilitation somatique et psychique de X._ montre un pronostic réservé avec très vraisemblablement plus de capacité de récupération sur le plan cognitif. Parmi les nombreuses séquelles physiques et psychiques de l'accident très sévère que l'accusé a subi, on relève un trouble du raisonnement et de la mémoire antérograde et verbal. Ces affections ont tendance à évoluer vers un phénomène chronique.
2.
X._ a travaillé sur divers chantiers confiés à A.D._ en Suisse romande et particulièrement à Lausanne, en qualité de manœuvre. L'appelant a expliqué que l'altercation intervenue entre les différents protagonistes trouve sa cause dans un différent financier en matière de droit du travail, A.D._ ne l'ayant pas rémunéré pour le travail effectué. X._ a également fait appel à un syndicaliste, [...], afin d'être dédommagé pour les nombreuses heures de travail fournies.
Le soir du 15 octobre 2008, C.D._, neveu de A.D._, s’est rendu à la brasserie de [...], où il avait rendez-vous avec l’appelant, qui était accompagné de son beau-frère. La discussion s’est engagée entre l’appelant et C.D._, le premier expliquant au second qu’il avait travaillé pour A.D._ qui lui devait plusieurs milliers de francs, ce que l’oncle contestait. A un moment donné, C.D._ a téléphoné à son oncle qui est arrivé assez rapidement à la brasserie, accompagné de son fils B.D._. L’ambiance a toute de suite été tendue et une première échauffourée a eu lieu, opposant l’appelant à A.D._ et B.D._. Le personnel de l’établissement a séparé les adversaires. A.D._ et B.D._ sont sortis par la porte latérale et se sont dirigés vers leur véhicule. Les trois autres protagonistes sont restés quelques minutes dans l’établissement. Ensuite, l’appelant est sorti du bistrot, a provoqué ses opposants et cherché la bagarre. Il a sorti et ouvert sa lame avant de rejoindre ses adversaires. Une attaque s’en est suivie. Au cours de la bagarre, A.D._ a reçu un coup de couteau de l’appelant et ce dernier s’est fait rouer de coups alors qu’il était à terre. B.D._ a également subi des lésions. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les forme et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3)
2.
L’appelant se plaint de l’appréciation des preuves et l’établissement des faits et invoque une violation de la présomption d’innocence.
2.1
2.1.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP)
2.1.2
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). La présomption d'innocence, également garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU, 6 par. 2 CEDH et 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (TF 6B_91/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2; ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38, c. 2a). Un faisceau d'indices peut toutefois suffire (Piquerez/Macaluso, Procédure pénale suisse, 3
ème
éd., 2011, n. 574).
2.2
L'appelant conteste avoir provoqué A.D._ et B.D._ à la sortie de la Brasserie, avoir cherché la bagarre et à régler le différend financier qui l’opposait à son patron par la violence. Il estime que ces faits ne reposent sur aucun élément.
En l'espèce, on peut admettre, comme les premiers juges, qu’à la sortie de la Brasserie, l’appelant a effectivement provoqué ses opposants, cherché la bagarre et attaqué ses adversaires. En effet, d’une part, il était, conformément à plusieurs témoignages, en colère en raison du différend financier qui l’opposait à A.D._, ce dernier refusant de lui verser son salaire. D’autre part, plusieurs témoins ont affirmé que les protagonistes se sont rejoints à l’extérieur ou précipité l’un vers l’autre (cf. PV aud. 1, 2, 11, 13) et non pas qu’un des groupes aurait attaqué l’autre et plus particulièrement que A.D._ et B.D._ se seraient jetés sur l’appelant. En outre, si ce dernier n’avait pas cherché le combat et à en découdre avec ses adversaires, il serait, une fois le premier heurt terminé à l’intérieur du bistrot, resté dans l’établissement jusqu’au départ de ses adversaires; or, il est sorti et ce donc précisément pour se battre. Enfin, l’appelant a également déclaré devant le juge d’instruction être assez costaud pour se défendre avec ses poings (PV aud. 15).
2.3
L’appelant conteste avoir sorti et ouvert son couteau suisse à l’intérieur de l’établissement. Il nie avoir sorti son arme pour attaquer et affirme ne l’avoir fait que pour intimider ses agresseurs, à distance, afin de les dissuader de le frapper. Il explique, qu’une fois vers le kiosque, il a sorti son couteau pour faire peur à ses adversaires, qu’il a ouvert son arme d’une main et qu’il a fait des mouvements avec celle-ci pour se défendre des attaques de A.D._ et B.D._. Il se réfère en particulier au témoignage de C.D._ et conteste la version de W._ qu’il considère comme incohérente sur plusieurs points.
2.3.1
Au sujet de l’arme, le Tribunal correctionnel a constaté que, selon le témoignage de W._, l’appelant avait sorti son couteau suisse qu’il avait déployé à l’intérieur de l’établissement et qu’il était certain que l’appelant avait déployé la lame de son couteau de la main droite, sans que l’on puisse affirmer avec certitude si c’était pour attaquer ou pour se défendre. Dans le cadre de l’appréciation de la peine, il a finalement admis, au bénéfice d’un très léger doute, que l’appelant avait sorti son couteau pour faire peur aux autres et se défendre.
2.3.2
En l’espèce, il résulte de l’ensemble des déclarations que l’appelant n’a finalement ouvert son couteau suisse qu’une fois à l’extérieur de l’établissement. Par ailleurs, contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, le témoin W._ n’a jamais affirmé que l’intéressé avait déjà ouvert son couteau à l’intérieur du bistrot, mais uniquement qu’il l’avait sorti de sa poche.
Selon les déclarations du témoin W._, une fois à l’extérieur, l’appelant s'est précipité, avec son couteau ouvert et en le brandissant en l'air, vers A.D._ et B.D._ qui venaient à sa rencontre; la bagarre a repris et l’appelant s’est rapidement retrouvé par terre, A.D._ et B.D._ lui tapant violement dessus; une des deux personnes qui accompagnaient l'appelant, savoir C.D._ ou son beau-frère, a alors essayé de lui retirer le couteau des mains, sans toutefois y parvenir; par la suite, l’appelant a réussi à se relever et la bagarre s’est déplacée en direction de [...], vers le kiosque. En reculant, A.D._ est tombé après avoir heurté une poubelle et l’appelant a, une nouvelle fois, attaqué avec son couteau. W._ a indiqué que c'est à ce moment là que X._ a asséné le coup de couteau à A.D._. Selon le rapport de police, au cours de la bagarre, les blessures suivantes ont été infligées : A.D._ a été frappé par l’appelant d’un coup de couteau au flanc gauche, juste sous l’aisselle; ce dernier, quant à lui, a été violemment frappé à coups de poing au visage par A.D._; B.D._ a également été blessé à la main droite en essayant de désarmer l’appelant.
La version du témoin précité telle qu’exposée ci-dessus doit être retenue et préférée à la version de l'appelant. En effet, d’une part, ce témoin est crédible et convainquant, dès lors qu’il n’a rien à voir dans cette affaire et ne connaît aucune des parties. Par ailleurs, il a été entendu juste après les faits, puis a encore confirmé et précisé ses déclarations ultérieurement, de manière constante et cohérente. D’autre part, son témoignage est, dans les grandes lignes, confirmé par les déclarations de A.D._ et B.D._ (PV aud. 5), la divergence essentielle portant sur le fait de savoir si le coup de couteau ayant atteint A.D._ a été infligé au début de la rixe, à savoir lorsque l’appelant et les assaillants se sont rejoints (version de A.D._ et B.D._) ou à la fin, une fois le prénommé à terre (version du témoin W._). On ne peut rien tirer à ce sujet du témoignage de C.D._, ce dernier n’ayant en définitive vu le couteau qu’une fois le coup reçu par A.D._. Enfin, la version de l’appelant n’est pas convaincante, ni constante. En effet, au début, il soutenait n’avoir touché personne avec son couteau. En outre, sa version selon laquelle il aurait sorti et ouvert son couteau suisse d’une seule main alors que ses adversaires s’étaient jetés sur lui n’est absolument pas crédible.
3.
Invoquant une violation des art. 15 et 123 al. 1 CP, l’appelant conteste sa condamnation pour lésions corporelles simples qualifiées. Il estime avoir agi en état de légitime défense.
3.1
L’art. 123 CP précise que celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une autre atteinte à l’intégrité corporelle ou à la vie sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 1). La peine sera une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire et la poursuite aura lieu d’office, si le délinquant a fait usage d’une arme ou d’un objet dangereux (al. 2).
Aux termes de l’art. 15 CP, quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d’une attaque imminente a le droit de repousser l’attaque par des moyens proportionnés aux circonstances. Selon l’art. 16 CP, si l’auteur, en repoussant une attaque, a excédé les limites de la légitime défense au sens de l’art. 15 CP, le juge atténue la peine.
La légitime défense suppose une attaque, c'est-à-dire un comportement visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d'une attaque, soit le risque que l'atteinte se réalise. Il doit s'agir d'une attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l'atteinte soit effective ou qu'elle menace de se produire incessamment (ATF 106 IV 12 c. 2a; ATF 104 IV 232 c. c). Cette condition n'est pas réalisée lorsque l'attaque a cessé ou qu'il n'y a pas encore lieu de s'y attendre (ATF 93 IV 81 c. a). Une attaque n'est cependant pas achevée aussi longtemps que le risque d'une nouvelle atteinte ou d'une aggravation de celle-ci par l'assaillant reste imminent (ATF 102 IV 1 c. 2b). S'agissant en particulier de la menace d'une attaque imminente contre la vie ou l'intégrité corporelle, celui qui est visé n'a évidemment pas à attendre jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour se défendre; il faut toutefois que des signes concrets annonçant un danger incitent à la défense. Tel est notamment le cas lorsque l'agresseur adopte un comportement menaçant, se prépare au combat ou effectue des gestes qui donnent à le penser (ATF 93 IV 81 c. a). Par ailleurs, l'acte de celui qui est attaqué ou menacé de l'être doit tendre à la défense; un comportement visant à se venger ou à punir ne relève pas de la légitime défense; il en va de même du comportement qui tend à prévenir une attaque certes possible mais encore incertaine, c'est-à-dire à neutraliser l'adversaire selon le principe que la meilleure défense est l'attaque (ATF 93 IV 81 c. a).
La défense doit apparaître proportionnée au regard de l'ensemble des circonstances. A cet égard, on doit notamment examiner la gravité de l'attaque, les biens juridiques menacés par celle-ci et par les moyens de défense, la nature de ces derniers ainsi que l'usage concret qui en a été fait. La proportionnalité des moyens de défense se détermine d'après la situation de celui qui voulait repousser l'attaque au moment où il a agi. Les autorités judiciaires ne doivent pas se livrer à des raisonnements a posteriori trop subtils pour déterminer si l'auteur des mesures de défense n'aurait pas pu ou dû se contenter d'avoir recours à des moyens différents, moins dommageables. Il est aussi indispensable de mettre en balance les biens juridiquement protégés qui sont menacés de part et d'autre. Encore faut-il que le résultat de cette pesée des dangers en présence soit reconnaissable sans peine par celui qui veut repousser l'attaque, l'expérience enseignant qu'il doit réagir rapidement (ATF 136 IV 49 c. 3.2; ATF 107 IV 12 c. 3; ATF 102 IV 65 c. 2a).
Si celui qui repousse une attaque a excédé les bornes de la légitime défense, le juge atténuera librement la peine, conformément à l'art. 66 CP. Il n'encourra toutefois aucune peine si cet excès provient d'un état excusable d'excitation ou de saisissement causé par l'attaque. Selon la jurisprudence, ce n'est que si l'attaque est la seule cause ou la cause prépondérante de l'excitation ou du saisissement que celui qui se défend n'encourt aucune peine et pour autant que la nature et les circonstances de l'attaque rendent excusable cette excitation ou ce saisissement. La loi ne précise pas plus avant le degré d'émotion nécessaire, lequel doit toutefois revêtir une certaine importance. Il appartient au juge d'apprécier de cas en cas si ce degré d'émotion était suffisamment marquant et de déterminer si la nature et les circonstances de l'attaque le rendaient excusable. Plus la réaction de celui qui se défend aura atteint ou menacé l'agresseur, plus le juge se montrera exigeant quant au degré d'excitation ou de saisissement nécessaire (ATF 102 IV 1 c. 3b).
3.2
En l’espèce, l’appelant a sorti la lame de son couteau une fois à l’extérieur de l’établissement et s’est avancé, arme au point, vers ses adversaires. En revanche, il est impossible de déterminer précisément quand le coup de couteau a été porté à A.D._. En effet, selon ce dernier, le coup lui a été infligé au début de la bagarre, à savoir lorsque l’appelant l’a rejoint à l’extérieur de l’établissement. En revanche, selon le témoin W._, l’appelant a infligé le coup de couteau à A.D._ à la fin du combat. Reste que, dans les deux cas, l’appelant a rejoint le groupe adverse arme ouverte au poing et a soit directement asséné le coup à A.D._ alors que l’altercation reprenait, soit à la fin de l’altercation, une fois l’un de ses adversaires à terre. Dans ces deux cas, on ne saurait admettre la légitime défense. En effet, l’appelant s’est, à chaque reprise, réengagé dans la bagarre et a été un facteur provocateur de celle-ci. Son comportement n’avait alors aucun but défensif. Or, lorsqu'un acte n'est pas entrepris pour parer une agression, mais découle d'une pure vengeance ou d'une simple revanche, il n'entre pas dans la notion de légitime défense (cf. ATF 93 IV 81). Il s'ensuit que l’appelant ne saurait se prévaloir de la légitime défense, de sorte que sa critique doit être rejetée.
Par ailleurs, au regard des lésions constatées, les éléments constitutifs objectifs de l’infraction visée par l’art. 123 CP sont réunis. S'agissant des éléments constitutifs subjectifs, le dol éventuel suffit. En se battant avec un couteau à la main, l'appelant a évidemment accepté l'éventualité de causer des lésions corporelles (cf. Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. 1., 3
e
éd., Berne 2010, n. 17 ad art. 123, p. 137). En conséquence, l'infraction de lésions corporelles est bel et bien réalisée.
4.
Invoquant une violation de l’art. 133 CP, l’appelant conteste sa condamnation pour rixe. Il considère qu’il a été agressé par A.D._ et B.D._ dont il s’est borné à repousser l’attaque.
4.1
Selon l'art. 133 CP, celui qui aura pris part à une rixe ayant entraîné la mort d'une personne ou une lésion corporelle sera puni de l'emprisonnement ou de l'amende (al. 1). N'est pas punissable celui qui se sera borné à repousser une attaque, à défendre autrui ou à séparer les combattants (al. 2).
La rixe est une altercation physique réciproque entre au moins trois personnes qui y participent activement. Le comportement punissable consiste à participer à la bagarre. La notion de participation doit être comprise dans un sens large. Il faut ainsi considérer comme un participant celui qui frappe un autre protagoniste, soit toute personne qui prend une part active à la bagarre en se livrant elle-même à un acte de violence (ATF 131 IV 150).
La loi prévoit un fait justificatif spécial en ce sens que n'est pas punissable l'adversaire qui n'accepte pas le combat et se borne ainsi à repousser une attaque, à défendre autrui ou à séparer les combattants. Lorsqu'une personne a une attitude purement passive, ne cherche qu'à se protéger et ne donne aucun coup, on ne peut soutenir qu'elle participe à la rixe. En effet, celle-ci exige une certaine forme de participation, soit un combat actif, effectif et réciproque entre au moins trois personnes. Si l'une des trois ne se bat pas et n'use pas de violence pour repousser l'attaque, il n'y a pas de rixe. Dans un tel cas, on retiendra l'agression, les voies de fait, les lésions corporelles ou l'homicide (ATF 131 IV 150).
En revanche, quand une personne a une attitude active mais purement défensive ou de séparation, c'est-à-dire distribue des coups, mais exclusivement pour se protéger, défendre autrui ou séparer les combattants, on a alors affaire à une rixe. Dans ce sens, la jurisprudence a précisé que du moment où la loi accorde l'impunité à celui qui s'est borné à se défendre, elle admet qu'il est aussi un participant au sens de l'art. 133 CP. Cette personne peut toutefois bénéficier de l'impunité prévue par l'art. 133 al. 2 CP, puisque, par son comportement, elle s'est bornée à défendre sa personne ou autrui ou à séparer les combattants.
En conclusion, se borne à repousser une attaque, à défendre autrui ou à séparer les combattants au sens de l'art. 133 al. 2 CP, celui qui participe effectivement à la rixe par son engagement physique, mais qui a pour but exclusif de se protéger, protéger un tiers ou séparer les protagonistes. Il agit alors seulement pour défendre sa personne ou d'autres individus ou pour séparer les adversaires. Par son comportement, il ne provoque ni n'alimente le combat d'une quelconque manière. Il n'augmente pas les risques propres à la rixe, voire cherche à les éliminer (ATF 131 IV 150).
4.2
En l'occurrence, au regard des faits retenus (cf. supra consid. C.2.), on doit admettre que l’appelant a, intentionnellement et de manière offensive, pris part à une bagarre ayant opposé en tout cas trois protagonistes et au cours de laquelle trois personnes ont été blessées. Compte tenu du fait qu’il a sorti son couteau à la sortie de l’établissement et qu’il a avancé vers ses adversaires, on ne saurait admettre que l’appelant a agi dans le but exclusif de se protéger. Dans ces conditions, l’appelant s’est bien rendu coupable de rixe au sens de l’art. 133 al. 1 CP et il ne saurait bénéficier de la clause d’impunissabilité au sens de l’alinéa 2 de cette disposition.
En conséquence, ce grief mal fondé doit être rejeté.
5.
L’appelant conteste la peine infligée.
5.1
La fixation de la peine est régie par l'art. 47 CP, qui correspond à l'art. 63 aCP et à la jurisprudence y relative qui garde donc sa valeur. Selon l'art. 50 CP, le juge doit motiver sa décision de manière suffisante. Sa motivation doit permettre de vérifier s'il a été tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (cf. ATF 134 IV 1 c. 4.2.1; ATF 128 IV 193 c. 3a).
L'art. 47 al. 1 CP prévoit que la peine doit être fixée d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir. L'alinéa 2 de cette disposition énumère, de manière non limitative, une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité de l'auteur. Ces critères correspondent à ceux établis par la jurisprudence relative à l'art. 63 aCP (TF 6B_38/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2; ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, lorsqu'il fonde sa décision sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, lorsqu'il omet de prendre en considération des éléments prévus par cette disposition ou lorsqu'il a abusé de son pouvoir d'appréciation en fixant une peine exagérément sévère ou excessivement clémente (TF 6B_327/2011 du 7 juillet 2011 c. 2.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
5.2
L'appelant se plaint d'une motivation insuffisante.
Le grief est vain au regard du pouvoir d’appréciation de la Cour de céans, celle-ci étant en mesure de réparer les éventuels vices de motivation.
5.3
L’appelant soutient que la peine est excessive.
En l'espèce, l’appelant s’est rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées, de rixe, d’infractions à la LSEE et à la LEtr. Sa culpabilité est loin d’être négligeable. Certes, il avait des problèmes d’argent avec son employeur. Reste qu’il avait déjà fait appel au syndicat et aurait donc pu trouver une autre solution pour résoudre son litige. Par ailleurs, après la première altercation, l’appelant aurait pu éviter la bagarre. En effet, il aurait pu attendre, à l’intérieur de l’établissement, le départ de ses adversaires. Il a toutefois préféré sortir, provoquer ses adversaires et les affronter, armé de son couteau suisse, ce qui est évidemment extrêmement dangereux. Il a clairement cherché la bagarre et à régler le différend financier qui l’opposait à son patron par la violence.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, de la situation personnelle de l'appelant et de l'effet de la peine sur son avenir, la peine prononcée par les premiers juges ne porte pas le flanc à la critique et peut être confirmée.
6.
L’appelant requiert 5'000 fr. à titre de tort moral et 9'000 fr. pour ses frais de défense.
6.1
6.1.1
L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l'atteinte subie par la victime et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte (ATF 130 III 699 c. 5.1; ATF 129 IV 22 c. 7.2).
La possibilité de réduire une indemnité pour tenir compte d'une faute concomitante, résultant de l'art. 44 al. 1 CO, existe également dans le cas d'une indemnité pour tort moral (ATF 131 III 12 c. 8; ATF 128 II 49 c. 4.2). Il y a faute concomitante lorsque le lésé omet de prendre des mesures que l'on pouvait attendre de lui et qui étaient propres à éviter la survenance ou l'aggravation du dommage; autrement dit, si le lésé n'a pas pris les mesures qu'une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, aurait pu et dû prendre dans son propre intérêt (cf. ATF 107 Ib 155 c. 2b; von Tuhr/Peter, Allgemeiner Teil des Schweizerischen Obligationenrechts, Band I, Zürich 1979, § 14, p. 108). Pour qu'il y ait lieu à réduction, il est nécessaire que la faute concomitante du lésé ait contribué à la survenance du dommage, c'est-à-dire qu'elle s'insère dans la série causale aboutissant au préjudice (cf. Deschenaux/Tercier, La responsabilité civile, 2
e
éd., Berne 1982, § 7 n. 54, p. 88; Werro, in Thévenoz/Werro (éd.), Commentaire romand, Code des obligations I, 2008, n. 13 ad art. 44 CO, p. 306), ou qu'elle augmente l'ampleur du dommage.
6.1.2
Aux termes de l’art. 432 al. 1 CPP, le prévenu qui obtient gain de cause peut demander à la partie plaignante une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par les conclusions civiles.
6.2
En l'occurrence, l’appelant n’a droit à aucune indemnité pour tort moral compte tenu de sa faute concomitante. Il n’a pas davantage droit à une indemnité pour ses dépenses dès lors qu’il n’a pas obtenu gain de cause.
7.
L’appelant estime devoir être libéré des frais de la procédure.
Sur le vu de ce qui précède et en application de l’art. 426 al. 1 CPP, le prévenu doit supporter les frais de la procédure.
8.
En conclusion, l’appel est entièrement rejeté et le jugement attaqué confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de X._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 2'460 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office ainsi que l'indemnité allouée au conseil d'office de A.D._. Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, il convient d'admettre que le conseil d'office de l'appelant a dû consacrer neuf heures à l'exécution de son mandat. L'indemnité sera dès lors arrêtée à 1’803 fr. 60, TVA et débours compris. L'indemnité pour le conseil d'office de l'intimé sera fixé à 475 fr. 20, TVA comprise.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités en faveur de son défenseur d'office et du conseil d’office de la partie plaignante prévues ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP).
La Cour d’appel pénale
vu l'art. 22 al. 1 ad 111 CP,
appliquant les articles 34, 40, 42, 44, 47, 49, 50, 51,
69, 123 ch. 1 et 2 al. 1, 133 CP; 23 al. 1 LSEE; 115 al. 1 let. b et c LEtr;
398 ss et 422 ss CPP,
prononce :
I.
L’appel est rejeté.
II.
Le jugement rendu le 18 août 2011 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne est confirmé selon le dispositif suivant :
"
I. Libère X._ du chef d'accusation de tentative de meurtre;
II. Constate que X._ s'est rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées, de rixe, d'infraction à la Loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers et d'infraction à la Loi fédérale sur les étrangers;
III. Condamne X._ à une peine privative de liberté de 16 (seize) mois, sous déduction de 156 (cent cinquante-six) jours de détention avant jugement, et à une peine pécuniaire de 10 (dix) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr. (dix francs);
IV. Suspend l'exécution des peines et fixe au condamné un délai d'épreuve de 2 (deux) ans;
V. à XIII. Inchangés;
XIV. Donne acte de ses réserves civiles contre A.D._ et B.D._ à X._;
XV. Rejette les conclusions civiles de X._ prises à l'encontre de l'Etat de Vaud;
XVI. Ordonne la confiscation en vue de destruction du couteau suisse et du verre "Cardinal" séquestrés sous fiches de séquestre n° [...] et [...];
XVII. Met sa part des frais de procédure, à hauteur de 18'038 fr. 24, à la charge de X._;
XVIII. Dit que le remboursement à l'Etat des indemnités servies à Me Rouvinez par 1'340 fr. 05 et à Me Micaela Vaerini Jensen par 7'732 fr. 80 et comprises dans la somme des frais de justice n'interviendra que si la situation financière de X._ le permet;
XIX. à XXII. Inchangés;
XXIII. Laisse le solde des frais à la charge de l'Etat."
III.
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1’803 fr. 60 (mille huit cent trois francs et soixante centimes), y compris débours et TVA, est allouée à Me Micaela Vaerini Jensen.
IV.
Une indemnité de conseil d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 475 fr. 20 (quatre cent septante-cinq francs et vingt centimes) est allouée à Me Jacques Michod conseil d'office de A.D._.
V.
Les frais d'appel, par 4'738 fr. 80 (quatre mille sept cent trente-huit francs et huitante centimes), y compris les indemnités allouées aux défenseur et conseil d'office, sont mis à la charge de X._.
VI.
X._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat les montants prévus sous ch. III. et IV. ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4e31461d-4ff5-4aae-b588-18eeb686e629 | En fait :
A.
Par jugement par défaut du 2 septembre 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte a
notamment constaté que R._ s’est rendu coupable de vol, dommages à la propriété, violation de domicile, complicité de délit de chauffard, complicité de conduite en état d’ébriété qualifiée, violation des devoirs en cas d’accident et vol d’usage (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 12 mois, sous déduction de 36 jours de détention extraditionnelle et 42 jours de détention subie avant jugement (II), a suspendu l’exécution de la peine portant sur 6 mois et fixé au condamné un délai d’épreuve de 4 ans (III), l’a condamné en outre à une amende de 500 fr., convertible en 5 jours de peine privative de liberté de substitution (IV) et a dit que l'Etat de Vaud est condamné à verser à R._ la somme de 800 fr. à titre de réparation du tort moral (VI).
B.
Le 4 septembre 2015, le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel du 24 septembre 2015, il a conclu à sa modification en ce sens que l'indemnité allouée à R._ à titre de réparation du tort moral prend la forme d'une réduction de peine de 9 jours.
Par courriers des 19 octobre et 10 novembre 2015, le défenseur d'office de l'intimé défaillant a déclaré s'en remettre à justice s'agissant du mode de réparation du tort moral de son client.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Par simplification, la Cour de céans se bornera à faire état ici des seuls éléments utiles au traitement de l’appel. Elle renvoie pour le surplus au jugement attaqué, qu'elle fait sien, les faits, les qualifications juridiques et la peine prononcée n’étant contestés ni par le prévenu ni par l’appelant (art. 82 al. 4 CPP).
2.
Durant l'enquête, R._ a été détenu du 6 au 23 septembre 2013 à la zone carcérale du Centre de la Blécherette.
Le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte a constaté que les 16 jours de détention provisoire qui avaient suivi les premières 48 heures, soit du 8 au 23 septembre 2013, n'étaient pas conformes aux dispositions légales en la matière. Il a ainsi alloué une somme de 800 fr. à titre de réparation morale. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel du Ministère public est recevable.
L’appel relève de la procédure écrite, dès lors qu’il porte uniquement sur la question du mode de réparation du tort moral pour conditions illicites de détention (art. 406 al. 1 let. d CPP).
2.
Le Ministère public fait valoir que la réparation accordée au prévenu en raison de 18 jours de détention illicite en zone carcérale policière doit prendre la forme d'une réduction de peine de 9 jours et non d'une indemnisation financière.
2.1
Dans son ATF 139 IV 41, le Tribunal fédéral a considéré que le motif déduit de la prolongation de la détention dans la zone carcérale d'un bâtiment de police, même si celle-ci n'était pas conforme à la loi, ne justifiait pas la remise en liberté du prévenu, mais seulement une décision constatatoire. Il a par ailleurs relevé que c'est à l'issue de la procédure, selon les articles 429 ss CPP, que les conséquences de ces constatations devaient être tirées sous l'angle d'une éventuelle indemnisation.
Dans son ATF 140 I 246, le Tribunal fédéral a posé le principe d'une indemnisation à raison d'un tel séjour, au-delà des 48 premières heures. Il a considéré que le montant réclamé par jour, de 50 fr., n'était pas exagéré et a alloué, pour les 11 jours suivant les 48 premières heures, une indemnité pour tort moral de 550 francs. Il a précisé que cette indemnité n'était pas compensable avec les frais de justice mis à la charge du prévenu. Il a ajouté enfin que la réclamation pécuniaire admise dans ce cas ne signifiait pas d'une manière générale qu'une autorité cantonale saisie d'une problématique similaire ne puisse envisager une autre forme de réparation, à l'instar de ce qui prévalait pour une violation du principe de la célérité, se référant à l'ATF 133 IV 158. Il a ainsi laissé ouverte la question de savoir si la réparation pouvait prendre la forme d'une réduction de peine.
Certes, l'art. 431 al. 1 CPP prévoit que si le prévenu a, de manière illicite, fait l'objet de mesures de contrainte, l'autorité pénale lui alloue une juste indemnité et réparation du tort moral. Néanmoins, la Cour européenne des droits de l'homme a admis qu'en cas de traitement prohibé par l'art. 3 CEDH (
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; RS 0.101
), une réduction de peine pouvait constituer une forme de réparation appropriée, à condition de reconnaître la violation de manière suffisamment claire et d'accorder réparation en réduisant la peine
d'une manière expresse, mesurable et suffisamment individualisée
(
arrêt CEDH Ananyev et autres c. Russie du 10 janvier 2012, n° 42525/07 et 60800/08, par. 225
). Ainsi,
sur le principe, aussi bien la jurisprudence du Tribunal fédéral que celle de la Cour européenne des droits de l'Homme n'excluent pas une réparation prenant la forme d'une réduction de peine et la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal a déjà eu l'occasion de prononcer une réparation prenant cette forme dans un cas de détention provisoire dans des conditions illicites (par exemple CAPE 10 octobre 2014/300 consid. 2). Lorsqu'elle est adéquate, cette forme de réparation devrait même être préférée à l'allocation d'une indemnité pécuniaire, compte tenu du principe de subsidiarité de l'indemnisation (CREP 30 juillet 2014/526 consid. 2b et les références citées) et dès lors qu'on peut considérer que la liberté a en principe une valeur plus importante qu'une quelconque somme d'argent (CAPE 10 octobre 2014/300 consid. 2.2). Toutefois, la réduction de peine pour valoir réparation opérée non sur une peine ferme ou sur la part ferme d'une peine assortie du sursis partiel, mais sur une peine assortie du sursis ne constitue pas une réparation suffisamment effective, si bien que l'allocation d'une indemnité pécuniaire doit être privilégiée dans ces hypothèses particulières (CREP 12 décembre 2014/827, JT 2015 III 108).
S'agissant du rapport entre le temps passé en détention dans des conditions illicites et la réduction de la peine, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal a considéré qu'une réduction de peine quantitativement équivalente au nombre de jours passés en détention n'était pas appropriée, l'incarcération étant en effet justifiée dans son principe. Pour tenir compte de la pénibilité accrue d'une telle détention, elle a admis qu'une réduction d'un jour de peine pour deux jours de détention au-delà des premières 48 heures était adéquate (CAPE 10 octobre 2014/300 consid. 2.2; CAPE 21 octobre 2014/274 consid. 5.3; CAPE 24 octobre 2014/248 consid. 2.2).
2.2
En l'espèce, R._ a été condamné à une peine privative de liberté de 12 mois, dont 6 mois fermes. Dans la mesure où il devra purger la part ferme de la peine privative de liberté à laquelle il a été condamné, une réduction de peine est à même de l'indemniser et constitue le meilleur moyen de réparer le tort qu’il a subi en l'espèce. Cette forme d'indemnisation doit donc être privilégiée à celle d’une indemnisation pécuniaire.
S'agissant de la conversion entre peine et jour de détention, le Tribunal correctionnel a constaté le caractère illicite des conditions dans lesquelles s'étaient déroulés 16 jours de la détention provisoire de R._, la durée retenue ne comprenant pas, à juste titre, les premières 48 heures de détention. U
ne réduction d'un jour de peine pour deux jours de détention étant retenue par la jurisprudence (cf. consid. 2.1 ci-dessus),
ce sont 8 jours de peine privative de liberté – et non 9 jours comme sollicité, manifestement par erreur, par le Ministère public – qu’il convient de déduire de la peine prononcée.
3.
Sur le vu de ce qui précède, l’appel du Ministère public doit être admis et le jugement attaqué réformé à son chiffre II en ce sens que la peine privative de liberté de 12 mois doit être réduite de 36 jours de détention extraditionnelle, 42 jours de détention subie avant jugement et 8 jours de détention au titre de réparation des conditions de détention illicites. Le chiffre VI sera en outre supprimé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être laissés à la charge de l’Etat (art. 423 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 660 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office de R._, par 291 fr. 60, TVA comprise, correspondant à 1h30 d'activité (P. 109/2).
4.
Enfin, il s’avère que le dispositif du jugement entrepris contient une erreur à son chiffre VIII, en ce sens que l’indemnité allouée au défenseur d’office a été arrêtée sous chiffre VII et non sous chiffre VIII. Dans la mesure où il s’agit manifestement d’une erreur de plume, il convient de la rectifier d’office (art. 83 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4e60af01-746b-4643-a635-97f6c82bb4fd | En fait :
A.
Par jugement du 31 mars 2015, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a notamment constaté que K._ s’est rendu coupable d’actes d’ordre sexuel avec des enfants et d’actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 3 ans, cette peine étant complémentaire à celles prononcées le 12 décembre 2006 par le Juge d'instruction de Lausanne et le 16 mai 2003 par le Juge d'instruction du Nord vaudois et partiellement complémentaire à celle prononcée le 5 décembre 2001 par le Juge d'instruction du Nord vaudois (Il), a suspendu l’exécution d’une partie de la peine, portant sur 24 mois, et fixé à K._ un délai d’épreuve de 3 ans (III) et a dit qu’il est le débiteur de A.X._ de la somme de 10'000 fr., plus intérêt à 5 % l’an dès le 30 avril 2002 à titre de réparation du tort moral (IV).
B.
Le 8 avril 2015, K._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d'appel du 29 avril 2015, il a conclu à la réforme du jugement entrepris en ce sens qu’il est libéré des charges pesant à son encontre.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
K._ est né le [...] 1967 à Lausanne. Il est fils unique et n’a jamais connu son père. Célibataire, il est père d'un enfant, né hors mariage le 3 octobre 1992, avec lequel il a peu de contact. Il vit depuis 7 ans avec son amie, à laquelle il est fiancé. Il a suivi toute sa scolarité à [...] jusqu'en en primaire supérieure. Il a ensuite entrepris un apprentissage de monteur-électricien sans obtenir un CFC. Il a quitté le logement familial lorsqu’il était jeune en raison des violences qu’il subissait de la part de sa mère et du compagnon de celle-ci et a pris un emploi d’aide monteur-électricien pour pouvoir subvenir à ses besoins pendant deux ans environ. Il a occupé par la suite des emplois temporaires en tant que monteur de stores jusqu’en 1992. En février 1994, il a été victime d'un accident de moto et porte une prothèse plastique à une jambe. Il bénéficie de l’AI depuis lors. Il touche une rente de 1'400 fr. et une rente LPP de 900 francs. Il perçoit des subsides pour l’assurance-maladie. Son amie réalise un salaire de 3'500 fr. par mois. Leur loyer s’élève à 1'575 francs. Il fait l’objet de poursuites. Il a été dépendant à l’héroïne puis consommateur de cannabis.
Son casier judiciaire mentionne les condamnations suivantes :
- 5 décembre 2001, Juge d’instruction du Nord vaudois, vol d’usage et circulation sans permis de conduire, emprisonnement de 15 jours ;
- 16 mai 2003, Juge d’instruction du Nord vaudois, lésions corporelles simples (recte : voies de fait, selon ordonnance), utilisation abusive d’une installation de télécommunication et contravention à la LStup, emprisonnement de 10 jours, avec sursis pendant 2 ans ;
- 12 décembre 2006, Juge d’instruction de Lausanne, délit et contravention à la LStup, emprisonnement de 10 jours, avec sursis pendant 3 ans.
2.
Dans le courant de l’année 1999, K._ a renoué des liens avec J._ qu’il avait fréquentée à l’adolescence. Après quelque temps, vraisemblablement au début de l’année 2000, le prévenu est venu s’installer au domicile de sa compagne, qui venait de se séparer d’avec son époux D.X._, et de ses trois enfants, C.X._, A.X._ et B.X._, à [...]. Dès la deuxième partie de l’année 2001, la relation de couple s'est fortement dégradée et la cohabitation a pris fin au mois de mars 2002 environ.
Durant la relation, K._ s'est montrée violent tant envers sa compagne qu'à l'encontre des enfants de celle-ci (faits prescrits). Il a instauré un climat de terreur empreint de satanisme. Au cours de cette période, dès une date indéterminée, mais vraisemblablement dès le moment où la relation entre le prévenu et J._ s’est détériorée, K._ a commis des attouchements à caractère sexuel sur A.X._, née le [...] 1994, qui était alors âgée de 7 ans.
Le prévenu agissait lorsque la mère de l’enfant était amenée à s’absenter et se rendait en particulier dans la chambre de l’enfant pour satisfaire ses pulsions. A plusieurs reprises, K._ l’a embrassée sur la bouche et lui a caressé les fesses lorsqu’elle était habillée ou nue. Il profitait du moment de la douche de l’enfant pour lui caresser les parties intimes. A d’autres occasions, après avoir prodigué une fessée à l’enfant, il la caressait sur l’ensemble du corps, y compris ses parties intimes, et a introduit ses doigts dans son intimité.
A une occasion, K._, qui se trouvait dans la chambre de la fillette, a profité du fait qu’elle jouait pour relever sa jupe et enlever sa culotte. Il l'a alors pénétrée vaginalement. Après avoir éjaculé sur elle, il l’a accompagnée à la douche. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de K._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves.
3.
Invoquant une violation de la présomption d'innocence, l’appelant reproche aux premiers juges de s’être écartés de sa version des faits, constante et cohérente, et de l’avoir condamné à tort.
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966; RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950; RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
3.2
Le Tribunal correctionnel a estimé que la version du prévenu se heurtait à plusieurs éléments présents au dossier, qui seront examinés ci-dessous, pour retenir la version des faits présentée par la victime.
3.2.1
Les premiers juges ont estimé que les déclarations de la plaignante étaient constantes et mesurées.
Lors de sa première audition, le 25 mai 2011, A.X._ a expliqué qu'il était difficile pour elle de parler des actes imposés par l'appelant, qu'elle avait tout le temps des souvenirs qui lui revenaient et qu'elle n'arrivait pas à raconter. L'inspectrice qui l'a entendue a dû insister pour qu'elle décrive les actes, sans qu'on puisse considérer que les réponses ont été suggérées. La plaignante parle en revanche de manière précise de l'attitude générale du prévenu à son égard et du climat de terreur qui régnait à la maison. Elle a en particulier mentionné qu'il lui faisait peur car il était maigre, assez grand et portait des bagues avec des têtes de mort, qu’il lui donnait des claques, des fessés et lui tirait les cheveux, que les coups étaient douloureux à cause des bagues et qu’il lui faisait prendre des douches froides.
Durant l’enquête, la plaignante n'a pas varié dans ses explications hormis sur un point ; elle n'a pas, lors de sa première audition, parlé du viol dont elle dit être victime. Elle a déclaré devant le Procureur ne pas avoir pu en parler à la police parce qu’elle avait « super peur », qu’elle n’avait pas la force de parler de ce moment-là et qu’elle en faisait encore des cauchemars (PV aud. 9, p. 2). Elle s’est mise à pleurer en le racontant. Le Procureur, qui a abandonné l’accusation, et l'appelant y voient une preuve de son manque d’authenticité. On peut aussi y voir une manifestation de la gêne et du mal être qu’elle a exprimés. Des témoins ont d’ailleurs décrit ce sentiment de peur existant chez la victime.
En outre, les déclarations de F._, ex-ami de la victime, corroborent la version de celle-ci. Il a expliqué avoir eu une relation avec A.X._ durant les années 2010 et 2011 et qu’à cette occasion, il avait remarqué qu’elle réagissait avec réserve ou avait peur lors de moments de tendresse. Elle lui avait ainsi avoué avoir été violée par le prévenu. Il a en outre confirmé l’existence d’une souffrance chez la plaignante (PV aud. 12). Ce témoin, qui n’entretient plus de relations sentimentales ni amicales avec A.X._, est parfaitement crédible.
Par ailleurs, la plaignante n'est pas mue par la vengeance. Elle n'a jamais tenté d'accabler le prévenu. Lors de ses auditions, elle a indiqué qu'il ne l'avait pas menacée (PV aud. 1, p. 3) et qu'il ne lui avait pas demandé de le caresser ou de le masturber (PV aud. 1, p. 4). Son agressivité est dirigée contre elle-même et ses proches qui n'ont pas su ou pu la protéger. Cela démontre qu'elle n'a aucune animosité à l'égard du prévenu, ce qui renforce la crédibilité de ses déclarations.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue que A.X._ était âgée entre 7 et 9 ans au moment des faits dénoncés de sorte que ses souvenirs s’agissant des circonstances dans lesquels les actes se sont déroulés ne peuvent qu’être imprécis.
3.2.2
Le contexte de la dénonciation contribue à retenir les déclarations de la plaignante.
A.X._ a en effet parlé des abus commis par le prévenu en novembre 2007 déjà à un éducateur de rue qui, selon elle, en a minimisé la gravité (PV aud. 7, p. 2 ; PV aud. 9, p. 3). Elle en a ensuite parlé à son ami de l’époque, F._, puis à son père, par téléphone, lors de sa dernière fugue. Les parents de la plaignante ont averti le 10 mai 2011 le Service de protection de la jeunesse (SPJ) lors d’une réunion réseau ensuite du placement de celle-ci au Centre pour adolescent (CPA) de Valmont à Lausanne (P. 5). Le SPJ leur a ainsi conseillé de se rendre à la police et de porter plainte, ce qu’ils ont fait. Ce n’est que le 26 août 2011 que A.X._ a formellement déposé plainte et s’est constituée partie plaignante, au pénal et au civil (P. 13). Force est donc de constater qu’elle n’a pas maîtrisé les événements qui sont à l’origine de l’ouverture de la procédure pénale à l’encontre de K._.
3.2.3
Le Tribunal correctionnel a considéré que la dénonciation avait eu pour effet de libérer la plaignante d’un poids considérable et qu’elle avait cessé de se mettre en danger constamment.
L’intimée a eu un parcours de vie difficile. Dès l’âge de 8 ans, elle s’est automutilée, puis elle a commencé à fuguer et s’est adonnée à la consommation de produits stupéfiants dès ses 13 ans. Jusqu’à son entrée au CPA de Valmont, le 5 mai 2011, elle avait fugué à 18 reprises. En novembre 2010, la plaignante a été hospitalisée ensuite d’une tentative de suicide par absorption de drogues et de médicaments.
Au retour de la dernière fugue de sa fille, J._ lui avait demandé ce qui s’était passé avec le prévenu. A.X._ lui avait alors parlé des attouchements subis. Depuis le jour où mère et fille avait pu en discuter, la plaignante n’avait plus fugué (PV aud. 4, pp. 4 s.).
D.X._ a quant à lui indiqué que sa fille lui avait dit par téléphone, lors d’une fugue, avoir été violée par K._. Il voyait que sa fille vivait quelque chose de pénible mais qu’elle n’arrivait pas à mettre des mots dessus. Il avait l’impression que depuis qu’elle avait pu s’exprimer, A.X._ était devenue plus calme et avait trouvé un certain équilibre (PV aud. 6).
Selon le rapport d’observation du CPA de Valmont du 1
er
juin 2011 (P. 26/1), la plaignante avait pu se libérer d’un poids considérable en parlant des abus qu’elle avait subis étant plus jeune. Il semblait que ces confidences avaient eu pour effet de modifier de manière positive le lien que A.X._ entretenait avec les membres de sa famille, plus particulièrement avec son père.
Partant, à l’instar des premiers juges, il faut admettre que la révélation des actes subis a permis à l’intimée de se libérer d’un lourd fardeau.
3.2.4
Les premiers juges ont retenu que les déclarations de la plaignante trouvaient écho dans les constats effectués par la psychologue H._.
On peut se référer ici au résumé de l’audition du 27 novembre 2012 de H._ fait par le Tribunal correctionnel, auquel l’appelant n’a rien à opposer (cf. jgt., p. 27). En particulier, on peut relever que la psychologue a suivi à deux reprises la plaignante, notamment de février à juillet 2002, soit vers la fin de la cohabitation entre le prévenu et celle-ci. Elle s’est toujours posée la question d’actes sexuels sur la personne de A.X._, mais ignorait par qui, puisque celle-ci ne s’était jamais confiée à elle. Elle a constaté que la plaignante et son petit frère étaient terrorisés par le prévenu. Lors de leur premier entretien, ce dernier avait accompagné A.X._. Il arborait des bijoux satanistes et tenait des propos satanistes. La psychologue avait eu peur de lui.
Contrairement à ce que soutient l’appelant, H._ apporte des éléments concrets qui crédibilisent la version des faits de la plaignante. Elle n’accuse à aucun moment le prévenu d’être l’auteur des abus, mais décrit les impressions laissées par la plaignante lors des deux périodes où elle l’a rencontrée et son sentiment face à la situation que celle-ci vivait.
3.2.5
Le Tribunal correctionnel s’est appuyé sur les rapports des intervenants sociaux.
A.X._ a été placée au Foyer Valvert du 9 novembre 2009 au 1
er
juin 2010. Il ressort du rapport de ce foyer qu’elle a été témoin des violences du prévenu envers sa mère et qu’elle aurait elle-même subi des violences de la part de cet homme. Elle n’avait jamais parlé ouvertement de ces événements avec l’équipe éducative mais celle-ci avait rapidement émis l’hypothèse qu’elle souffrait en silence de cet épisode et qu’elle en voulait à ses parents de ne pas l’avoir protégée de cet individu (cf. P. 26/4).
Dans son anamnèse du 6 avril 2011 (P. 26/2), l’assistance sociale du SPJ a indiqué que la plaignante était suivie par son service depuis octobre 2007 et que celui-ci avait eu des soupçons de gestes inadéquats envers A.X._ de la part du prévenu. Elle a en outre précisé que durant la relation destructrice de J._ et de K._, celle-ci n’avait pas été en mesure de protéger ses enfants de cet ami violent et qu’il en était resté un fort sentiment d’abandon et de non protection chez la plaignante. Ce même sentiment était également adressé à son père qui n’aurait, selon elle, rien fait pour la protéger de cet homme. Le mal-être de A.X._ se manifestait par des envies suicidaires et des scarifications aux avant-bras et aux cuisses, par des fugues et par un grand risque de consommation de produits psychotropes en compagnie de personnes désoeuvrées et plus âgées qu’elle.
Ces rapports évoquent les difficultés rencontrées par la plaignante et corroborent ainsi les déclarations de celle-ci. Aucun professionnel n’a en outre remis en doute la réalité des abus dénoncés. C’est donc à juste titre que les premiers juges ont pris en compte ces différents rapports pour appuyer la version de l’intimée.
3.2.6
Les premiers juges ont exposé que les hypothèses émises par le prévenu pour expliquer les accusations de la plaignante n’avaient aucune consistance.
Il est vrai que l’appelant n’a émis que des hypothèses et non fourni des explications durant l’enquête et aux débats de première instance. Toutefois, ces hypothèses se heurtent au fait que la plaignante, qui n’a pas vu le prévenu pendant près de dix ans, n’a démontré aucun esprit de vengeance. L’appelant a ainsi attribué des rôles déviants aux proches de A.X._, qui ne sont étayés par aucun élément au dossier et qui sont contredits par la plaignante (PV aud. 9) et sa mère (PV aud. 4, p. 3). Même si de tels propos ne peuvent être retenus à sa charge, ils font apparaître l’appelant comme une personne cherchant à se disculper à n’importe quel prix.
3.2.7
Le Tribunal correctionnel a considéré que les déclarations de K._ sur les conditions de la cohabitation avec J._ étaient sujettes à caution.
Contrairement à ce que soutient l’appelant, ses déclarations sur les conditions de cohabitation avec J._ et les enfants de celle-ci manquent de franchise. En particulier, confronté à l’ordonnance pénale du 16 mai 2003 le condamnant notamment pour voies de fait, il a admis qu’il y avait eu un épisode violent le jour de son départ du domicile. Il conteste toutefois avoir été violent envers les enfants de son ex-compagne, alors que le climat de peur qui régnait au domicile est attesté par la psychologue H._ (PV aud. 7), mais également par D.X._ qui avait constaté que sa fille avait peur de retourner le dimanche soir chez sa mère et que ses fils s’étaient plaints d’avoir été malmenés par le prévenu (PV aud. 6, p. 2).
Par ailleurs, ce n’est pas parce que la mère de la plaignante s’est montrée elle-même négligente voire maltraitante, qu’elle n’a pas constaté de marques sur le visage et le corps de sa fille et qu’elle a cru comprendre des années plus tard qu’il se serait passé quelque chose le soir de Noël, ce que la plaignante n’a jamais dit et qui n’est pas retenu, que des abus sexuels n’ont pas été commis. Il ne faut pas oublier que les parents de l’intimée venaient de se séparer lorsque le prévenu a emménagé avec la mère de celle-ci et que le conflit conjugal était exacerbé. J._ a été dépassée par la situation et son absence de prise de conscience des abus subis n’est absolument pas pertinent.
3.2.8
L’appelant reproche aux premiers juges d’avoir écarté le témoignage de son ancienne amie S._.
Or, les propos favorables au prévenu de ce témoin de moralité ne sont pas déterminants, dès lors que le prévenu ne lui a pas parlé de sa relation avec J._, alors même qu’elle a duré plus deux ans, et que S._ n’a jamais vu celui-ci avec la plaignante, les frères ou la mère de celle-ci.
C’est donc à bon droit que le Tribunal correctionnel a considéré ce témoignage comme non pertinent.
3.2.9
Les premiers juges ont également retenu que le prévenu avait l’opportunité de commettre les actes en cause.
L’appelant a menti sur son emploi du temps en soutenant qu’à l’époque des faits, il quittait la maison vers 6 heures du matin et y rentrait vers 22 heures (PV aud. 3, p. 3), avant de revenir sur ses déclarations et d’admettre qu’il était sans emploi (jgt., p. 12). Il a toujours prétendu ne jamais s’être retrouvé seul avec la plaignante (PV aud. 2, p. 4). C’est à l’évidence faux. J._ a affirmé avoir travaillé durant certaines périodes et qu’il y avait eu des moments où l’appelant était resté seul avec les enfants, notamment lorsqu’elle était alitée en raison de ses migraines (PV aud. 4, p. 2). Certes, elle a déclaré que « de manière générale, pendant notre relation, j’étais présente pour les enfants » (ibid.). Cela ne veut pas pour autant dire, comme le soutient l’appelant, que ce dernier n’a jamais été seul avec A.X._. Quoi qu’il en soit, en faisant ménage commun avec la mère de la plaignante, il est impossible que le prévenu ne se soit pas retrouvé seul avec l’enfant.
3.2.10
L’appelant affirme que « l’épisode du sms » jette du discrédit sur les propos tenus par la plaignante.
Il apparaît que c’est un ami de la plaignante, à qui elle s’était confiée et qui était en conflit avec le prévenu, qui a écrit un sms de menaces signé « [...] » à la plaignante afin qu’elle retire sa plainte. J._ a été effrayée et a déposé plainte pénale. W._ a nié avoir envoyé ce message alors même qu’il avait adressé un message d’excuse à A.X._. Quoi qu’il en soit, il est avéré que l’appelant n’était pas l’auteur de ce message.
Interrogé à ce sujet, la plaignante a déclaré qu’elle avait d’abord été effrayée mais qu’elle avait compris par la suite qu’il s’agissait d’une « blague ». Ses propos à cet égard sont surprenants et sa manière de banaliser cet épisode troublante. Toutefois, ce seul élément n’est pas de nature à discréditer les déclarations de la plaignante en présence de tous les autres éléments présents au dossier et mentionnés ci-dessus.
3.3
En définitive, les témoignages et les rapports des différents intervenants sociaux conduisent à retenir les déclarations de A.X._. Les professionnels ont relevé les mêmes troubles du comportement chez cette jeune fille et ont tous émis l’hypothèse qu’elle avait été victime d’abus sexuels durant son enfance. L’intimée a toujours affirmé que le prévenu était l’auteur de ces abus. L’appelant avait quant à lui l’opportunité de commettre ces faits puisqu’il cohabitait avec la plaignante. Il a utilisé tout au long de la procédure une version défensive détestable, consistant à mentir sur son emploi du temps ainsi qu’à faire porter la responsabilité des actes sur les proches de la plaignante. Certes, on ne peut imputer à l’appelant tout le parcours de vie chaotique de la plaignante, mais il n’empêche qu’il y a fortement contribué en terrorisant la jeune fille, alors âgée de 7 ans, en lui faisant subir des attouchements sexuels et en la contraignant à l’acte sexuel.
Partant, c’est à juste titre que les premiers juges ont écarté la version du prévenu sur la base des éléments au dossier et qu'ils ont privilégié la version constante et crédible de l’intimée.
Les qualifications juridiques des infractions retenues à l’encontre de K._ ne sont, à juste titre, pas contestées.
4.
L’appelant, qui concluait à son acquittement, ne conteste pas la peine en tant que telle. Examinée d’office par la Cour d’appel selon son propre pouvoir d’appréciation, la peine privative de liberté de 3 ans, réprimant des actes d'ordre sexuel avec des enfants et actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, a été fixée en application de critères adéquats à charge et à décharge et conformément à la culpabilité de K._. Elle doit dès lors être confirmée. Il en va de même de l’appréciation selon laquelle l'octroi du sursis partiel est suffisant du point de vue de la prévention spéciale.
5.
Au vu de ce qui précède, l’appel de K._ doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de K._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 1’940 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office, par 2'268 fr., TVA et débours inclus, ainsi que l’indemnité allouée au conseil d’office de A.X._, par 1'479 fr. 05, TVA et débours inclus.
K._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités allouées
ci-dessus
que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4e73ab4f-79fd-4f2b-805f-e20b5ffe84a2 | En fait :
A.
Par jugement du 4 avril 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré H._ de l'accusation d'infraction à la Loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (I), l'a reconnu coupable d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (II), l'a condamné à une peine privative de liberté de 15 mois, sous déduction de six jours de détention avant jugement (III) et a mis les frais de justice, par 8'501 fr. 80, à sa charge (IV).
B.
Le 18 avril 2001, en temps utile, H._ a fait appel de ce jugement par acte intitulé
mémoire de recours
, valant annonce d'appel. Dans sa déclaration d'appel du 23 mai 2011, il a conclu, avec dépens, à sa modification en ce sens, principalement, qu’il est libéré de toute accusation, et, subsidiairement, que la quotité de la peine privative de liberté prononcée est réduite à 12 mois.
Le Ministère public n’a pas formé d’appel joint.
L'appelant a confirmé ses conclusions à l'audience d'appel. Le Parquet a conclu au rejet de l'appel. L'appelant a produit diverses pièces, dont notamment un jugement, versé au dossier en version originale et en traduction, rendu à son égard par le Tribunal d'instruction d'Elche (Espagne) le 16 mai 2001, dont il sera fait état en partie droit ci-dessous dans la mesure utile.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. Le prévenu H._, né en 1965, ressortissant espagnol, est arrivé en Suisse à l'âge de six mois. Il a travaillé notamment comme installateur sanitaire. Il a quitté notre pays en 1991 pour s'établir au Brésil, avant de revenir en Suisse en 1998 et de repartir au Brésil la même année pour travailler dans le domaine de la restauration. Depuis lors, soit de février 1999 à février 2000, il a accompli au moins sept allez-retour entre le Brésil et la Suisse. Il a été interpellé à Genève le 1
er
juillet 2010 alors qu'il était toujours installé au Brésil.
Toutefois, à l'audience d'appel, il a indiqué avoir été condamné à quatre ans et six mois de détention pour délit contre la santé publique, soit le transport de 1'320,50 g et de 182,30 g de cocaïne dissimulés dans des statuettes en plâtre.
Il a encore précisé, sans que ses dires puissent être vérifiés, ne pas avoir regagné, à l'issue d'un congé, l'établissement pénitentiaire espagnol où il était détenu, devoir encore purger deux ans, mais vivre désormais en Espagne sous sa véritable identité, travaillant comme vendeur de voitures, sans être inquiété et en payant ses impôts.
Deux inscriptions figurent à son casier judiciaire, à savoir une condamnation à 18 mois d'emprisonnement, avec sursis pendant trois ans et expulsion durant cinq ans, prononcée le 23 juin 1998 par le Tribunal correctionnel du district de Lausanne pour crime contre la LStup; une condamnation à 20 jours d'emprisonnement, avec sursis pendant quatre ans, prononcée le 2 février 2000 par le Juge d'instruction du Nord vaudois pour des infractions à la LCR.
Le prévenu a été détenu préventivement du 1
er
au 6 juillet 2010, soit durant six jours, pour les besoins de la présente enquête. Dès le 6 juillet 2010, il a été remis aux autorités fribourgeoises, sous l'autorité desquelles il se trouve toujours, pour une autre enquête, portant sur un trafic de 115 kg de haschisch.
2. Le 15 février 2000, à Lausanne, a été interpellée une nommée [...], alors qu'elle venait de prendre livraison d'un paquet dans un bureau de poste. Cet envoi, qui lui était destiné, avait été expédié par le prévenu depuis le Brésil. Il contenait une statuette dissimulant dans son socle 84 g de cocaïne. La destinataire de l'envoi a formellement mis en cause le prévenu comme en étant l'expéditeur. L'intéressée, qui avait été son amie intime et qui consommait de la cocaïne tout comme lui à l'époque, a précisé qu'il avait été convenu qu'elle écoule la drogue sur le marché lausannois. Ainsi, sur les 6'000 fr. que les complices espéraient retirer de cette vente, 2'400 fr. auraient dû être conservés par [...] et 3'600 fr. auraient dû être versés par elle sur le compte de l'expéditeur ouvert auprès d'une banque brésilienne. Un billet manuscrit retrouvé dans le logement de [...] comportait la mention "3'600 H._, 2'400 moi". En outre, deux autres annotations manuscrites, figuraient dans l'agenda de l'intéressée, l'une comportant le numéro de téléphone d'H._ et l'autre la référence de son compte bancaire au Brésil.
Pour sa part, le prévenu n'a pas nié cet envoi. Il a toutefois fait valoir qu'il n'avait que servi d'intermédiaire pour son amie, qui, selon son souvenir, lui aurait adressé 1'200 dollars américains; il aurait transmis cette somme à un trafiquant qui aurait procédé à l'expédition d'une quantité de drogue qu'il ignore.
Par jugement du 24 juillet 2003, le Tribunal correctionnel de Lausanne a, à raison du fait en question, condamné par défaut H._ à trois ans d’emprisonnement et a révoqué les sursis assortissant les peines prononcées par le jugement du 23 juin 1998 et par l'ordonnance de condamnation du 2 février 2000, déjà mentionnées.
3. L’appelant a demandé et obtenu le relief de ce jugement. Ce nouveau jugement, dont est appel, fait application de l’ancien droit de procédure (art. 452 al. 3 CPP-VD). Sur le fond, comme lex mitior, le Tribunal a aussi appliqué le droit pénal général antérieur au 1
er
janvier 2007.
Appréciant les faits de la cause, le tribunal correctionnel a tenu pour avéré au-delà de tout doute raisonnable qu'H._ avait exporté par voie postale du Brésil vers la Suisse les 84 g de cocaïne brute dissimulés dans l'envoi adressé à son amie d'alors. En effet, le procédé utilisé par le prévenu en février 2000 l'avait déjà été en 1992; l'intéressé avait poursuivi son activité de trafiquant selon le même mode opératoire quelques mois plus tard en Espagne; la dénonciatrice s'était elle-même incriminée en le mettant en cause; les documents écrits retrouvés dans son logement étayaient ses dires; enfin, le profit escompté figurant sur le billet manuscrit était plausible au vu de la situation sur le marché et de la clientèle visée.
Le cas grave a été retenu au vu du taux de pureté présumable de la drogue. | En droit :
1.1
Suffisamment motivé, l'appel est recevable (art. 399 al. 1 et 3 CPP).
1.2
La contestation est limitée aux différents points de fait et de droit qui seront mentionnés successivement dans les considérants ci-dessous (art. 399 al. 4 CPP). Il y a lieu d'examiner en premier lieu les moyens de fait (art. 398 al. 3 let. b CPP).
2.1
Confirmant ses dénégations, l'appelant conteste d'abord avoir été impliqué dans l’expédition de la cocaïne en Suisse en février 2000 pour qu’elle y soit vendue, à son profit, par son amie. Par ce moyen, il conteste le principe même de sa culpabilité telle que retenue par le tribunal correctionnel. Les premiers juges ont motivé en cinq points leur conviction que la version des faits du prévenu, selon laquelle il n'aurait été qu'un l’intermédiaire dans l'opération prétendument dirigée par son amie d'alors, n’était pas crédible. Les différents volets de leur motivation doivent être examinés successivement.
2.2
Premièrement, le tribunal correctionnel a tenu pour établi qu'en 1992 déjà, le prévenu avait expédié de la drogue en Suisse de la même manière (280 g).
Cette constatation est exacte. En effet, le jugement rendu à son égard le 23 juin 1998 par le Tribunal correctionnel du district de Lausanne comporte le considérant de fait suivant :
« Le 10 août 1992, [...], résidant alors au Brésil, a expédié en Suisse par voie postale 280 grammes de cocaïne d’un taux de pureté de 93 % qu’il a acquise à Rio de Janeiro au prix de 8 $ l’unité.
Pour ce faire, il a dissimulé la drogue à l’intérieur d’une statuette qu’il a déposée dans un colis adressé à une connaissance, [...], avenue (sic) César-Roux, à Lausanne, lequel a été déféré séparément.H._ a agi de la sorte dans l’intention de récupérer la cocaïne une fois revenu en Suisse et de la revendre à Lausanne.
Le paquet contenant les 280 grammes de cocaïne a été intercepté par le personnel de la douane de l’aéroport de Zurich-Kloten, le 19 octobre 1992, et séquestré dans le cadre de l’enquête instruite contre [...]. »
2.3
Deuxièmement, les premiers juges ont retenu qu'à l’époque des faits, soit en 2000, l'appelant déployait toujours une intense activité de trafic, en usant du même stratagème, soit en dissimulant de la drogue dans des statuettes; preuve en est, selon eux, son interpellation, quelques mois plus tard, à l’aéroport d’Alicante en possession de deux kilos de drogue conditionnée de la sorte.
L’interpellation en question, que l'appelant ne conteste pas, a mené à sa condamnation en Espagne, comme on le verra ci-dessous. Néanmoins, il nie qu’elle permette de qualifier son trafic d’intense en ce qui concerne les faits litigieux de février 2000 tout au moins et, surtout, de les lui imputer comme le fait le jugement.
Il résulte du dossier qu’un échange d’informations entre autorités de police a établi que, le 27 juin 2000, le prévenu avait été arrêté à l’aéroport d’Alicante à la descente d’un avion en provenance de Madrid alors que sa mallette contenait trois statuettes en plâtre – un saint et deux canards - dissimulant deux kilos de cocaïne (P. 11 p. 2). C'est bien à raison de ces faits que l'intéressé a été condamné par le jugement du 16 mai 2001 produit en audience d'appel. La commission rogatoire en Espagne a échoué, l'appelant se trouvant en « situation de fuite » d’un centre pénitentiaire (P. 20/29); interrogé à l’audience d'appel quant à son statut judiciaire, soit pénitentiaire en Espagne, il a fait savoir qu'il avait vécu légalement dans son pays après sa fuite, ce en travaillant et en payant des impôts, sans toutefois expliquer que les autorités espagnoles n'interviennent pas à son encontre pour le contraindre à purger le solde de sa peine ni pourquoi il avait indiqué en 2010 qu'il vivait au Brésil.
Si la déposition de l’ex-épouse de l’appelant a été écartée par les premiers juges au bénéfice d’un très léger doute en ce qui concerne l’importation par celui-ci, le 12 mai 1999, en Suisse depuis le Brésil d’une statuette d’un saint contenant de la drogue, on peut en revanche tenir pour crédible, selon ce qu’elle a déclaré, que l’appelant avait émis l’idée, alors qu’ils séjournaient tous deux au Brésil, d’organiser des envois de drogue en Suisse, ces propos ayant suscité la colère de l’épouse (p.-v. d'audition 4 p. 4 in fine). Or, l’appelant a admis être l'expéditeur de l'envoi adressé à [...].
En 1999 et 2000, l’appelant a séjourné à sept reprises au moins chez [...] qui lui mettait une chambre à disposition dans sa maison de St-Barthelémy. En été 2000, son logeur a trouvé dans son coin bricolage une statuette en porcelaine représentant un poisson, d’une vingtaine de centimètres, cassée et a associé cet objet à son hôte (p.-v. d'audition 5 p. 6). Il a également décelé, dans un meuble de sa cuisine, une balance dont il a attribué la présence à l’appelant et qui s’est avérée présenter des traces de cocaïne (p.-v. d'audition 6 p. 2). Ces éléments étayent une activité récurrente de trafic et renforcent la déposition de l'ex-épouse.
2.4
Troisièmement, le tribunal correctionnel a retenu que les déclarations de l'amie ([...]) étaient d’autant plus crédibles qu’elle-même s’était personnellement incriminée en les faisant. L’appelant n'invoque aucun argument contre ce motif.
Au terme de son audition du 16 février 2000, [...] a en effet été inculpée d’infraction grave à la LStup et placée en détention préventive (p.-v. d'audition 2 p. 3 in fine et 4). Elle a aussi admis avoir accepté la proposition de son ami de s’impliquer dans son trafic en raison de sa situation financière et précisé que la clé de répartition avait été convenue d’avance (p.-v. d'audition 2, pp. 2 et 3).
2.5
Quatrièmement, on a retrouvé au domicile de [...], outre une balance, différents billets, soit l’un l'un comportant le numéro de téléphone du prévenu, l'autre la référence de son compte bancaire au Brésil et un troisième sur lequel était inscrit « 3'600 Antonio, 2'400 moi ». Les indications téléphoniques et bancaires figuraient dans l’agenda de [...], tandis que la clé de répartition avait été notée sur un papier à part (p.-v. d'audition 3, pp. 1 et 2).
L’appelant n’a pas soutenu avoir reçu par virement bancaire les 1'200 dollars américains qu'aurait investis [...], ce qui aurait pourtant été facile à établir. Dès lors, la prétendue instigatrice n’avait aucun motif de prendre connaissance de ces indications bancaires, à plus forte raison de les noter, si ce n’est, précisément, pour envoyer sa part à l’appelant. De surcroît, au vu de sa situation financière obérée, [...], alors assistée socialement par la commune de Pully (p.-v. d'audition 1, p. 5), ne disposait certainement pas de la contre-valeur de 1'200 $ pour les investir dans un achat de drogue au Brésil. En outre, l'on ne voit guère pour quel motif l'appelant se serait prêté, à ses risques et périls, à une telle besogne d'intermédiaire.
2.6
Cinquièmement, les premiers juges ont tenu pour avéré qu'à l’époque de faits, la vente de la drogue envoyée aurait dû rapporter aux comparses environ 6'000 fr. au cours du moment.
[...] n’a pas contesté que ce montant correspondait au chiffre d’affaires prévu (p.-v. d'audition 2, pp. 1 in fine et 2). Elle a précisé que la drogue fournie à d’autres occasions par son ami était d’"excellente qualité" (p.-v. d'audition 2, p. 2, et 3, p. 3) et qu’elle avait pour dessein d’écouler la livraison de février 2000 dans des soirées dites "branchées" dans des clubs en la vendant à des amis ou des proches (p.-v. d'audition 2, p. 29). Vu le poids de la cocaïne en question, ainsi que son taux de pureté (cf., à cet égard, les c. 3.2 et 3.3 ci-dessous), le chiffre d'affaires présumable retenu n'a rien d'irréaliste.
2.7
De plus, l'appelant avait fait part à Karin Mercier que la drogue serait dissimulée dans une statue de la Vierge (p.-v. d'audition 3 p. 3.), ce qui a bien été le cas. L’utilisation de statuettes comme caches dissimulant la drogue pour la transporter, notamment lors des passages de frontière, s’avère caractéristique du mode opératoire de l’appelant tant en 1992 qu’en 2000 et relève à ce titre d’une signature délictuelle. Cet élément infirme davantage encore son assertion selon laquelle [...] avait été l’instigatrice et l’organisatrice de l'opération ici en cause, le rôle de l’appelant se limitant à celui d'un agent de transmission de l’argent à un fournisseur, sachant que les méthodes adoptées en février 2000 étaient en tous points semblable à celles que l’appelant avait mises sur pied pour son compte exclusif en 1992 à Lausanne et, ultérieurement, en 2000 en Espagne.
2.8
En définitive, les éléments de fait, convergents, retenus par les premiers juges à l'appui de la culpabilité de l'appelant, complétés au vu du dossier et convergents, sont entièrement convaincants et ne procèdent donc pas d'une constatation incomplète ou erronée des faits au sens de l'art. 398 al. 3 let. b CPP.
3.1
Cela étant, il a lieu d'entrer en matière sur les moyens de droit de l'appel (art. 398 al. 3 let. a CPP).
Au préalable, il doit être relevé que l'ancienne teneur de la LStup doit être appliquée au titre de la lex mitior. En effet, les nouvelles teneurs de l'art. 19 LStup (soit celle en vigueur du 1
er
janvier 2007 au 30 juin 2011 et celle applicable depuis le 1
er
juillet 2011) ne sont pas plus favorables au prévenu. En revanche, on fera application de la nouvelle partie générale du Code pénal, notamment du nouvel art. 47 CP.
L'art. 19 ch. 2 let. a ancien LStup prévoit que le cas est grave notamment lorsque l'auteur sait ou ne peut ignorer que l'infraction porte sur une quantité de stupéfiants qui peut mettre en danger la santé de nombreuses personnes. La peine est alors la réclusion ou l'emprisonnement pour une année au moins (art. 19 ch. 1, dernier tiret in initio, ancien, LStup).
3.2.1
L'appelant conteste principalement la qualification retenue, soit celle d'infraction grave à la LStup.
A l'aune de l'art. 63 aCP, la quantité de drogue constituant l'objet du trafic est un élément d’appréciation important mais toutefois pas prépondérant (ATF 122 IV 299, c. 2c, JT 1998 IV 38; ATF 121 IV 193, c. 2d/cc, JT 1997 IV 108; ATF 118 IV 342, c. 2c, JT 1994 IV 67). Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup dans sa teneur du 1
er
janvier 2007 au 30 juin 2011 (TF 6B_380/2008 du 4 août 2008, rendu en application de l'art. 47 CP, mais qui confirme la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 63 aCP). Il en va de même lorsque plusieurs des circonstances aggravantes prévues à l'art. 19 ch. 2 LStup sont réalisées. Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération. Si l'auteur sait que la drogue est particulièrement pure, sa culpabilité sera plus grande; en revanche, sa culpabilité sera moindre s'il sait que la drogue est diluée plus que normalement (TF 6S.21/2002 du 17 avril 2002, c. 2c et les réf. cit.).
3.2.2
S'agissant en particulier du trafic de cocaïne, il y a cas grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup à partir de 18 grammes de drogue pure (ATF 109 IV 143, JT 1984 IV 84, rendu sous l'empire de l'ancien droit et dont les principes n'ont pas été affectés par le changement de jurisprudence consacré par l'ATF 117 IV 314).
A défaut, comme en l'espèce, d’analyse du produit saisi, le juge peut admettre sans arbitraire que la drogue était d’une qualité moyenne et se référer au degré de pureté habituel sur le marché à l’époque et au lieu en question (Corboz, Les infractions en droit suisse, 3ème éd., vol. II, Berne 2010 pp. 917 et 918). Il ressort du relevé intitulé
Degrés moyens de pureté des produits stupéfiants soumis à analyses au LCTF (Laboratoire de toxicologie et de chimie forensiques,
réd.
) de 1996 à 2002, et en Suisse de 2001 à 2010
, publié par les hôpitaux universitaires des cantons de Vaud et de Genève et dont copie a été remise aux parties à l'audience d'appel, que le taux moyen de pureté des saisies de cocaïne effectuées en l'an 2000 était de 37 %.
3.3.1
La pureté des 84 grammes de cocaïne brute saisis dans la présente procédure n’ayant, comme déjà relevé, pas fait l’objet d’une analyse toxicologique, les premiers juges se sont fondés d’abord sur les déclarations de [...] selon lesquelles la cocaïne fournie par l’appelant lorsqu’ils se fréquentaient à Lausanne était excellente, ensuite sur le fait notoire que la drogue directement importée en gros est plus pure que celle que l’on trouve sur le marché local puisqu’elle y est coupée et, enfin, sur le taux moyen de pureté de 37 % des saisies de cocaïne effectuées durant l'année en cause. Le tribunal n’a ainsi pas quantifié le taux de pureté de la drogue, mais a indiqué qu’elle était de bonne qualité, en relevant également qu’en 1992 l’appelant, selon un précédent jugement, avait importé une cocaïne présentant un taux de 93 %.
Pour sa part, l'appelant conteste le cas grave en faisant valoir que le taux de pureté de la drogue adressée à [...] n'est pas établie faute d'avoir fait l'objet d'un examen de police scientifique; bien plus, le taux retenu par les premiers juges serait infirmé par celui figurant dans le jugement espagnol, qui concerne des faits qui ne sont postérieurs que de quatre mois à ceux ici en cause.
3.3.2
Il est exact que le jugement précité condamne l'appelant, pour infraction à la santé publique, à la suite d'une saisie effectuée le 27 juin 2000 par la Garde civile de l'aéroport d'El Altet (Alicante) alors qu'il débarquait d'un vol en provenance de Sao Paulo via Madrid. La police avait alors trouvé dans ses bagages trois statuettes de plâtre contenant, respectivement pour deux d'entre elles, 1'320,50 et 182,30 g de cocaïne brute, les trois échantillons de drogue ayant une pureté de 5,85 %, 10,25 % et 5,8 %; à noter qu'à la suite, vraisemblablement, d'une erreur de plume, la quantité du lot dissimulé dans la troisième statuette ne figure pas dans la version du jugement produite, étant précisé que rien ne permet de retenir que deux des trois lots eussent été de la même quantité nette.
3.3.3.
Le moyen de l'appelant méconnaît cependant que le tribunal correctionnel n'a pas procédé à une extrapolation gratuite du taux retenu, mais s'est bien plutôt fondé sur des éléments factuels objectifs, donc probants. En effet, comme déjà relevé, [...] s'est auto-incriminée en mettant l'appelant en cause, ce qu'elle n'avait dès lors aucun intérêt à faire; aussi bien, elle a été placée en détention préventive et inculpée d'infraction à la LStup. Ses propos quant à une "qualité" élevée de la cocaïne sont étayés par les montants figurant sur le billet manuscrit retrouvé chez elle, qui comporte une clé de répartition des bénéfices du trafic entre les deux comparses. Un investissement aussi significatif et de tels bénéfices escomptés seraient incompatibles avec une drogue de qualité inférieure, laquelle n'aurait du reste guère trouvé preneur dans les soirées dites "branchées" dans des clubs que se targuait de fréquenter l'intéressée et dans lesquelles elle espérait écouler ces stupéfiants. Il s'agissait en effet d'une clientèle disposant de certains moyens et dont on peut présumer au-delà de tout doute raisonnable qu’elle avait, en matière de qualité, des exigences plus élevées que le consommateur qui s’approvisionne à la sauvette dans la rue.
L’argument de l’appelant revient à soutenir que le taux ou la fourchette des taux de la drogue saisie à Alicante devrait nécessairement être appliqué pour calculer le volume de la cocaïne pure dans la présente cause en raison, d’une part, de la proximité temporelle des deux saisies, soit celles du 15 février 2000 à Lausanne et celle du 27 juin 2000 à Alicante, et, d’autre part, de ses déclarations selon lesquelles ces drogues provenaient du même fournisseur à Sao Paulo.
Cela revient à dire qu’en l’absence d’analyse du produit illicite, l’évaluation de sa pureté devrait résulter, non pas de données statistiques, mais d’indications tirés d’autres actes de trafic comparables effectués par le même prévenu.
Toutefois, les déclarations de l’appelant quant à un approvisionnement auprès du même fournisseur de Sao Paulo ne sont pas forcément conformes à la vérité. Certes, H._ arrivait en avion de Sao Paulo lorsqu’il a été interpellé en Espagne, mais cela n’excluait pas qu’il se soit fourni le cas échéant auprès d’autres fournisseurs, le marché des stupéfiants étant hélas florissant au Brésil. De plus, l’appelant n’a pas donné cette explication en première instance et n’a pas non plus hésité à donner des versions contradictoires au sujet de son lieu de vie et de ses activités avant son arrestation en Suisse, ce qui est de nature à accueillir ses explications avec une certaine prudence.
Ensuite, à supposer même s’il se soit fourni auprès du même grossiste à Sao Paulo, cela ne signifie pas encore que la qualité de la cocaïne était la même en juin qu’en février 2000. En effet, la constance du taux de pureté est d’autant moins certaine que l’appelant entendait vendre à son profit la drogue importée en février 2000, donc avait intérêt à se procurer un produit de bonne qualité, alors que son rôle dans l’affaire d’Espagne était limité à celui de transporteur indifférent à la pureté du produit, puisqu’il ne recherchait pas son profit, mais qu’il entendait ainsi rendre un service pour s’acquitter d’une dette, comme il l’a déclaré.
Dans ce contexte, se fonder sur les déclarations de son amie, confidente et comparse pour évaluer le taux revient à se fonder sur des indications plus proches dans le temps et l’espace, donc plus sûres, que celles résultant de la prise de juin 2000.
En définitive, il est juste dans le cas d’espèce d’évaluer le taux de pureté sur la base de données statistiques.
3.4
Si on applique le taux de pureté moyen de la cocaïne saisie en 2000 de 37 % - taux mentionné dans le jugement et que l’appelant ne conteste pas – on aboutit à 31,08 grammes de cocaïne pure. La limite du cas grave est ainsi d’ores et déjà franchie de ce seul fait. L’appréciation des premiers juges doit donc être confirmée quant à la quantité en cause.
Pour ce qui est de l'élément subjectif de l'infraction, l’appelant connaissait la quantité dissimulée dans la statuette et expédiée par lui, ainsi que la qualité du produit qui devait rapporter 6'000 fr. à la vente au détail. La perpétration d’une infraction grave, soit d'un crime contre la LStup, doit donc être retenue.
3.5
D'office, il doit être relevé que la poursuite de l'infraction n'est pas prescrite, s'agissant d'un cas grave. En effet, le délai de prescription décennal de l'ancien art. 70 CP a été interrompu par les mesures d'instruction diligentées au sens de l'art. 72 ch. 2 aCP et la prescription absolue de quinze ans découlant de l'art. 72 ch. 3 aCP n'est pas acquise.
4.1
Subsidiairement, l'appelant, au bénéfice de la circonstance atténuante du temps écoulé depuis l’infraction (art. 48 let. e nouveau CP), conclut à ce que la peine soit réduite au quantum minimal du cas grave, soit 12 mois de privation de liberté.
L’art. 48 let. e CP, en vigueur depuis le 1
er
janvier 2007, admet une circonstance atténuante si l’intérêt à punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l’infraction et que l’auteur s’est bien comporté dans l’intervalle. L'art. 64 al. 6 aCP, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2006, prévoit que le juge pourra atténuer la peine lorsqu’un temps relativement long se sera écoulé depuis l’infraction et que le délinquant se sera bien comporté pendant ce temps.
4.2
Ici, les faits punissables remontent au premier trimestre 2000. Une durée significative s'est donc écoulée depuis lors (cf. Favre, Pellet et Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 3
ème
éd. 2007, nn. 1.15 et 1.16 ad art. 48 CP). Cela étant, la seconde condition cumulative légale, soit celle du bon comportement du prévenu dans l'intervalle, exigée à l’identique tant par l'ancien que par le nouveau droit, n’est à l’évidence pas remplie. En effet, l’appelant a été condamné par le juge de son pays pour des infractions postérieures de nature similaire. De plus, les faits constituant l'objet de l’enquête actuellement menée à son encontre par le Ministère public fribourgeois (trafic de 115 kg de haschisch) sont avoués par le prévenu et justifient du reste une détention avant procès. Ces éléments dénotent à l'évidence un mauvais comportement, donc excluent que le prévenu se soit « bien comporté » au sens de l'une aussi bien que de l'autre des deux dispositions topiques (cf. Pellet, dans : Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Bâle 2009, n. 44 ad art. 48 CP). Partant, il n’est pas nécessaire d’examiner si l’art. 64 al. 6 aCP aurait été applicable au titre de la lex mitior.
La peine privative de liberté de 15 mois réprimant un crime contre la LStup commis dans une opération de trafic international selon un mode opératoire dûment éprouvé et répété depuis 1992 n’a rien d’excessif et doit être confirmée. Du reste, sa quotité n'est pour le surplus pas contestée de manière générale à l'aune de l'art. 47 CP, respectivement de l'art. 63 aCP. L'appréciation de la culpabilité ne procède ainsi pas d'une violation du droit fédéral, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, au sens de l'art. 398 al. 3 let. a CPP.
5.
L'appelant succombant entièrement sur ses conclusions, les frais de la procédure d'appel selon l'art. 424 CPP doivent être mis à sa charge (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4e97f483-38d7-4937-aed9-8471fd4f9a1f | En fait :
A.
Par jugement du 9 octobre 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a libéré par défaut B._ de l’infraction de lésions corporelles simples (I), a constaté par défaut que le prénommé s’est rendu coupable de voies de fait (II), l’a condamné par défaut à 300 fr. d’amende, la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l’amende étant de 10 jours (III), a rejeté les conclusions civiles prises par S._ (IV), a dit que B._ est le débiteur de S._ et lui doit immédiat paiement de la somme de 2'500 fr. à titre d’indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure (V) et a mis les frais de justice, par 1'000 fr., à la charge du prévenu (VI).
B.
Le 11 octobre 2014, B._ a annoncé faire appel contre ce jugement.
Par déclaration d’appel motivée du 11 novembre 2014, il a conclu à sa libération du chef d’accusation de voies de fait, à la suppression des chiffres V et VI du dispositif du jugement de première instance, à la condamnation de la plaignante à une indemnité d’un montant à dire de justice pour les dépenses occasionnées par la procédure et à ce que les frais de justice soient mis à la charge de cette dernière, subsidiairement qu’ils soient laissés à la charge de l’Etat.
Par courrier du 28 novembre 2014, le Ministère public a déclaré qu’il renonçait à déposer une demande de non-entrée en matière et un appel joint. La plaignante en a fait de même par lettre de son conseil du 17 décembre 2014.
Par avis du 14 janvier 2015, le Président de la Cour de céans a déclaré que l’appel allait être traité en procédure écrite, les parties ayant donné leur accord et les conditions de l’art. 406 al. 2 let. b CPP étant réalisées. L’appelant ayant déjà déposé une écriture motivée, il ne lui a pas été fixé de nouveau délai de mémoire (cf. art. 406 al. 3 CPP). Un délai a en revanche été imparti aux intimés pour déposer un mémoire.
Le Procureur y a renoncé par courrier du 15 janvier 2015, s’en remettant à justice. L’intimée a, par mémoire du 23 janvier 2015, conclu au rejet de l’appel interjeté par B._.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
Il est reproché à B._, administrateur de la société [...], d’avoir, le 23 novembre 2011, entre 10h00 et 10h30, dans la boulangerie de la [...] à [...], plaqué sa collaboratrice S._ contre le frigo de la cuisine afin de récupérer la lettre de licenciement qu’il lui avait remise peu auparavant et qu’elle avait refusé de signer et de lui restituer. Il l’aurait alors tenue fortement par le bras gauche et serait parvenu, en lui ouvrant par la force la main droite, à lui arracher la lettre qu’elle tenait dans cette main.
S._ a consulté, le même jour, le Dr [...] à Vouvry, qui a constaté une rougeur aux deux bras et une douleur au toucher (contusion minime aux deux bras).
La prénommée a déposé plainte le même jour et a écrit au prévenu qu’ensuite des faits qui s’étaient déroulés le matin même, il lui était impossible de poursuivre son activité professionnelle chez lui. Ce même 23 novembre 2011, [...] a signifié à la plaignante son congé pour le 31 décembre 2011.
Par courrier du 22 décembre 2011, B._ a à son tour déposé plainte pénale contre S._ pour calomnie ; cette plainte fait l’objet d’une instruction distincte.
La proposition d’un retrait réciproque des plaintes a été refusée par la plaignante.
Le 27 juin 2013, le Procureur a renvoyé B._ en jugement devant le Tribunal de police de l’Est vaudois comme accusé de voies de fait en raison des faits survenus le 23 novembre 2011.
Les parties ont été citées à une audience de jugement fixée au 10 avril 2014. Le prévenu ne s’y étant pas présenté, l’audience a alors été renvoyée en application de l’art. 366 al. 1 CPP.
Les parties ont été citées le 9 mai 2014 à de nouveaux débats fixés au 18 septembre 2014.
Le prévenu a toutefois fait défaut à cette nouvelle audience. Son défenseur, présent aux débats, ayant indiqué que son client était malade, le Tribunal lui a alors fixé à ce dernier un délai au 23 septembre 2014 pour produire un certificat médical prouvant son incapacité de comparaître, auquel cas une nouvelle audience serait fixée ; en revanche, un jugement par défaut, sans lecture publique du jugement, serait rendu en l’absence de ce certificat. Avant que l’audience ne soit levée, l’accusation a été aggravée en ce sens que le prévenu a été accusé de lésions corporelles simples. Après le départ du défenseur, dispensé à sa demande de la suite de l’audience, la plaignante, assistée de son conseil, a pris une conclusion en dépens et en réparation morale, puis l’audience a été levée sans plaidoirie.
Le 23 septembre 2014, B._ a produit un certificat médical daté du 19 septembre 2014, signé par le Dr [...], interniste à Ollon, et faisant état d’une incapacité de travail à 100 % pour cause de maladie du 16 au 22 septembre 2014. Dans la lettre d’envoi, le défenseur a précisé que son client avait été victime d’un lumbago-sciatique l’ayant empêché de se déplacer à l’audience.
Par courrier du 26 septembre 2014, le tribunal a derechef invité B._ a produire, dans un ultime délai au 3 octobre 2014, un certificat établissant une incapacité de comparaître, sans quoi un jugement par défaut serait rendu.
Par lettre de son défenseur du 3 octobre 2014, le prévenu s’est derechef référé au certificat du 23 septembre 2014 et a requis la fixation d’une nouvelle audience.
Dans son jugement du 9 octobre 2014, le premier juge, considérant qu’une incapacité à comparaître à une audience ne pouvait être déduite d’un certificat médical qui se limitait à faire état d’une incapacité, même totale, d’ordre professionnel, a considéré que les conditions d’un jugement par défaut étaient réalisées et a statué au fond.
Le 10 octobre 2014, B._ a formé une demande de nouveau jugement au sens de l’art. 369 CPP. Celle-ci a été rejetée par prononcé du Tribunal de police du 21 octobre 2014 en application de l’art. 368 al. 3 CPP. | En droit :
1.
1.1
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence,
interjeté
en temps utile et
dans les formes contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
1.2.
La procédure écrite est applicable, les conditions de l’art. 406 al. 2 let. b CPP étant réalisées et les parties ayant donné leur accord.
1.3
L’appel concernant une contravention, la cause est de la compétence d'un membre de la cour d'appel statuant comme juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [Loi d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009, RSV 312.01]).
2.
Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, le recourant se plaint d’une fausse application des règles sur le défaut (art. 366 ss CPP). Il fait valoir que son absence à l’audience de reprise n’était pas fautive puisqu’il était malade au point d’être totalement incapable de travailler et qu’il a produit un certificat médical qui en atteste. Le premier juge aurait fait preuve d’un formalisme excessif en exigeant un certificat médical plus précis traitant spécifiquement de la capacité du prévenu à comparaître et il aurait fait une fausse application de l’art. 368 al. 3 CPP en rejetant la demande de nouveau jugement.
2.1
Dans la procédure pénale fédérale, on peut déduire
a contrario
de l'art. 371 al. 2 CPP que la voie de l'appel est ouverte contre le rejet de la demande de nouveau jugement. La doctrine confirme que le rejet de nouveau jugement est en effet un nouveau jugement susceptible d'appel (Thalmann, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, nn. 2 et 3 ad art. 371 CPP). Toutefois, Thomas Maurer (Basler Kommentar, 2
e
ed., Bâle 2014, nn. 16 et 17 ad art. 368 CPP) est d’avis que le recours pénal est ouvert contre le refus de nouveau jugement, alors que l’appel serait ouvert au Ministère public et au plaignant contre l’octroi d’un nouveau jugement. On peut toutefois se dispenser de trancher définitivement la question de la voie de droit, dès lors que B._ n’a pas recouru à la Chambre des recours pénale et que, comme on le verra ci-dessous, le refus de nouveau jugement était bien fondé, ce que la cour d’appel peut constater incidemment.
Conformément à l'art. 368 al. 3 CPP, le tribunal rejette la demande de nouveau jugement lorsque le condamné, dûment cité, fait défaut aux débats sans excuse valable. Nonobstant les termes "sans excuse valable", c'est bien une absence fautive du condamné qui permet au tribunal de rejeter la demande de nouveau jugement (Maurer, op. cit., n. 13 ad art. 368 CPP). Selon le message du Conseil fédéral, le refus implique que le condamné se soit soustrait aux débats de façon manifestement fautive. Il doit être fait droit à la demande de nouveau jugement lorsqu'il n'est pas établi de manière indubitable que c'est volontairement que le prévenu ne s'est pas présenté aux débats. La réglementation devrait se rapprocher du régime des cantons les plus libéraux qui accordent au prévenu le droit à un nouveau jugement sans poser aucune condition préalable, tout en permettant d'exclure les abus flagrants (cf. Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 p. 1286).
Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, l'art. 6 CEDH garantit à l'accusé le droit d'être jugé en sa présence. Il s'ensuit qu'une procédure par défaut n'est compatible avec cette disposition que si le condamné a la possibilité de demander qu'une juridiction statue à nouveau, après l'avoir entendu, sur le bien-fondé de l'accusation, en fait comme en droit (arrêt de la CourEDH Sejdovic contre Italie du 1
er
mars 2006, Recueil CourEDH 2006-II p. 201 § 81 s. et les arrêts cités). Ce principe supporte cependant quelques atténuations. D'abord, la Cour européenne reconnaît que, devant les juridictions supérieures, la comparution de l'accusé ne revêt pas nécessairement la même importance qu'en première instance (cf. arrêt de la CourEDH Kamasinski contre Autriche du 19 décembre 1989, série A vol. 168 § 106). Ensuite, elle admet que la CEDH n'empêche pas une personne de renoncer de son plein gré aux garanties d'un procès équitable de manière expresse ou tacite, en particulier à son droit d'être jugé en contradictoire. Elle exige seulement que la renonciation au droit de participer à l'audience se trouve établie de manière non équivoque et qu'elle ait été entourée du minimum de garanties correspondant à sa gravité (arrêt Sejdovic précité, § 86 et les arrêts cités). Enfin, sous réserve que les sanctions procédurales prévues ne soient pas disproportionnées et que l'accusé ne soit pas privé du droit d'être représenté par un avocat, la Cour européenne juge que le législateur national doit pouvoir décourager les absences injustifiées aux audiences (
idem
, § 92 et les arrêts cités, en particulier arrêt de la CourEDH Poitrimol contre France du 23 novembre 1993, série A vol. 277 A § 35). Dès lors, la Cour européenne admet qu'une personne condamnée par défaut se voie refuser la possibilité d'être jugée en contradictoire si les trois conditions cumulatives suivantes sont remplies: premièrement, il est établi que cette personne avait reçu sa citation à comparaître; deuxièmement, elle n'a pas été privée de son droit à l'assistance d'un avocat dans la procédure par défaut; et, troisièmement, il est démontré qu'elle avait renoncé de manière non équivoque à comparaître ou qu'elle avait cherché à se soustraire à la justice (cf. arrêts de la CourEDH Medenica contre Suisse du 14 juin 2001, Recueil CourEDH 2001-VI § 55 ss et Sejdovic, précité, § 105 ss,
a contrario
). A propos de cette dernière condition, la Cour européenne a précisé qu'il ne devait pas incomber à l'accusé de prouver qu'il n'entendait pas se dérober à la justice ou que son absence s'expliquait par un cas de force majeure, mais qu'il était loisible aux autorités nationales d'évaluer si les excuses fournies par l'accusé pour justifier son absence étaient valables ou si les éléments versés au dossier permettaient de conclure que l'absence de l'accusé aux débats était indépendante de sa volonté (arrêt Sejdovic, précité, § 88 et les arrêts cités; cf. ég. TF 6B_268/2011 du 19 juillet 2011 c. 1.1 et 6B_860/2008 du 10 juillet 2009 c. 4.1).
2.2
En l’espèce, l’absence d’excuse valable résulte, selon le tribunal de première instance, du refus express du prévenu de produire un certificat médical établissant son incapacité spécifique à comparaître en audience, celle-ci n’étant pas identique ou assimilable à l’incapacité de travail qu’il a prouvée. La distinction faite à ce sujet par le premier juge était parfaitement fondée et dépourvue de tout arbitraire ou formalisme tant il est manifeste que, selon les atteintes à la santé en cause, la difficulté éprouvée à se rendre à une audience et à y participer durant une heure environ ne se confond pas avec l’impossibilité médicale d’exercer une activité lucrative, les efforts, ainsi que la mobilisation du corps et de l’esprit qu’ils impliquent, n’étant pas les mêmes. Au demeurant, l’art. 144 CPP prévoit la possibilité d’entendre par vidéoconférence la personne se trouvant dans l’impossibilité de comparaître personnellement.
Rien n’empêchait donc B._ d’obtenir de son médecin un certificat médical se prononçant précisément sur la question de la comparution personnelle à l’audience du 18 septembre 2014. C’est donc à bon droit qu’a été retenue l’absence d’excuse valable. A supposer que le refus de nouveau jugement puisse être attaqué dans l’appel (c. 2.1
supra
), la solution du premier juge devrait ainsi être confirmée et le prononcé du 21 octobre 2014 maintenu.
Cela étant, il faut aussi examiner si l’appelant a bénéficié d’une procédure par défaut respectant son droit à ne pas être privé de l'assistance d'un avocat. On constate à cet égard que la procédure suivie n’était pas conforme à la procédure par défaut des art. 366 et 367 CPP. Le premier juge et les conseils sont manifestement partis de l’idée qu’un certificat médical justifiant le défaut serait produit. En effet, le défenseur du prévenu a été dispensé de la suite des débats (jugt, p. 5
in fine
), si bien que la cause n’a pas été instruite, dans l’hypothèse où en définitive un jugement par défaut devrait être rendu, que la plaignante et le défenseur du prévenu n’ont pas été autorisés à plaider, contrairement à ce que prévoit l’art. 367 al. 1 CPP, que des conclusions en réparation morale et en dépens ont été prises contre le prévenu après le départ du défenseur et que celle en dépens a été allouée dans le jugement par défaut, ce qui constitue une violation du droit d’être entendu (art. 3 al. 2 let. c CPP).
La violation du droit d’être entendu et de la procédure par défaut garantissant au défaillant un droit à l’instruction et à la défense constitue un vice procédural important auquel il est impossible de remédier en procédure d’appel et qui impose donc l’annulation du jugement par défaut en application de l’art. 409 CPP, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés par l’appelant
3.
Il s'ensuit que l'appel doit être admis, le jugement rendu le 9 octobre 2014 par le Tribunal de police de l'arrondissement de l’Est vaudois annulé et la cause renvoyée à cette autorité pour fixation de nouveaux débats au sens de l’art. 366 al. 2 CPP.
Vu l’issue de la cause, les frais doivent être laissés à la charge de l’Etat (art. 428 al. 4 CPP).
Il y a lieu d’allouer à chacune des parties une indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure d’un montant de 750 fr., correspondant à 3 heures au tarif horaire de 250 fr. (art. 26a TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RS 312.03.1]), soit le temps consacré par leurs avocats à l’audience de jugement (28 minutes pour les deux audiences) et aux écritures de l’appel (estimé à 2h30), montant auquel s’ajoute la TVA, par 60 fr., soit un total de 810 francs. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4ec3ae09-a522-4c25-8d9f-ce526fefba40 | En fait :
A.
Par jugement du 15 avril 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte a constaté que J._ s’est rendu coupable d’escroquerie par métier, faux dans les titres et blanchiment d’argent qualifié
(I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 4 (quatre) ans, sous déduction de 461 (quatre cent soixante et un) jours de détention avant jugement (II), a ordonné son maintien en détention pour des motifs de sûreté (III), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièces à conviction des CD-ROM contenant les données informatiques copiées sur les ordinateurs saisis au domicile de J._ le 10 janvier 2013 (fiches n° 2465 et 2470) ; des CD-ROM contenant les renseignements fournis par Postfinance le 18 janvier 2013 (fiche n° 2455) ; des CD-ROM contenant les tableaux récapitulatifs produits par X._ le 9 décembre 2013 (fiche n° 2510) et de la documentation relative à la facturation frauduleuse imputée à J._ ainsi qu’aux opérations immobilières fiancées partiellement avec le produit des infractions (fiche n° 2479) (IV), a condamné J._ à verser à X._, à titre de dommages-intérêts, la somme de 1'000’000 fr. (un million de francs) avec intérêt à 5% l’an dès le 1
er
janvier 2008, sous déduction du montant de 57'222 fr. 78 (cinquante-sept mille deux cent vingt-deux francs et septante-huit centimes) confisqué et restitué à la plaignante selon le chiffre VII du présent dispositif et du montant de 50'000 fr. (cinquante mille francs) versé à la plaignante par le conseil du prévenu le 27 mars 2014 (V), a donné acte de ses réserves civiles à X._ pour le surplus (VI), a ordonné la confiscation et la restitution à X._ des avoirs bancaires détenus par J._ et séquestrés auprès de la banque [...] sous les références suivantes : compte n° [...], compte n° [...] et compte n° [...] (VII), a renoncé à prononcer en faveur de l’Etat une créance compensatrice à l’encontre de J._ (VIII), a rejeté la requête de séquestre de l’avoir de prévoyance de J._ auprès du [...] [...] présentée par X._ (IX), a dit que J._ doit verser à X._ la somme de 100'000 fr. (cent mille francs), débours et TVA compris, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (X), a mis à la charge de J._ les frais de la procédure, qui s’élèvent à 45'080 fr. 20 (quarante-cinq mille huitante francs et vingt centimes) et a dit que ces frais comprennent l’indemnité due à son défenseur d’office, Me Regina Andrade Ortuno, indemnité fixée au montant de 22'831 fr. 10 (vingt-deux mille huit cent trente et un francs et dix centimes), débours et TVA compris, y compris l’avance de 10'700 fr. (dix mille sept cents francs) d’ores et déjà versée à Me Andrade Ortuno le 5 mars 2014, ainsi que l’indemnité versée au précédent défenseur d’office du prévenu, Me Sandrine Osonjak, d’un montant de 7'000 francs (sept mille francs) (XI) et a dit que J._ devra rembourser à l’Etat le montant des indemnités allouées à ses défenseurs d’office si sa situation financière le permet (XII).
B.
Par annonce du 28 avril 2014, puis déclaration motivée du 20 mai suivant, J._ a formé appel contre ce jugement, en concluant principalement à sa réforme en ce sens qu’il est condamné à une peine que justice dira, partiellement assortie du sursis avec un délai d’épreuve à dire de justice, qu’il est libéré immédiatement, qu’il est constaté que X._ a déjà reçu les montants de 50'000 fr. et 57'222 fr. 78, qu’il est donné acte à celle-ci de ses réserves civiles pour le surplus et qu’il doit verser à la plaignante une indemnité pour dépens fixée à dire de justice. Subsidiairement, le prévenu a conclu à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause au premier juge pour nouvelle instruction et nouveau jugement.
Par acte du 16 juin 2014, X._ a formé un appel joint tendant principalement à la réforme du jugement du 15 avril 2014 en ce sens que J._ est condamné à lui verser, à titre de dommages-intérêts, la somme de 2'990'453 fr. 31 avec intérêt à 5% l’an dès le 1
er
janvier 2008, à titre de juste indemnité pour ses dépenses obligatoires occasionnées par la procédure, « l’intégralité des dépens », qu’une créance compensatrice est prononcée en faveur de l’Etat « pour tout montant qui ne serait pas alloué à X._ à titre de dommages-intérêts (...) à concurrence de 2'990'453 fr. 31 avec intérêt à 5% l’an dès le 1
er
janvier 2008 » et enfin qu’il est prononcé un séquestre sur l’avoir de prévoyance du prévenu. Subsidiairement, elle a conclu à la mise en œuvre d’une « expertise de son dommage ».
Le 22 octobre 2014, X._ a déposé des conclusions civiles tendant principalement à ce que J._ soit notamment condamné au paiement de l’intégralité des honoraires d’avocat de X._ mais au minimum de la somme de 193'029 fr. 05. Subsidiairement, elle a conclu à ce qu’il soit condamné à lui verser une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.
A l’audience d’appel, le Procureur a conclu au rejet de l’appel formé par J._ et à l’admission partielle de l’appel joint sur la question du montant du dommage. Il a également demandé à la Cour de céans de déduire cinq jours supplémentaires de détention avant jugement pour la détention illicite subie par l’appelant.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1
1.1
J._, ressortissant urugayen, est né en 1959. De 1997 à janvier 2013, il a été fonctionnaire auprès de [...] (ci-après [...]) à Genève en tant qu’assistant de publications pour un salaire de l’ordre de 7'000 fr. net. Son contrat de travail a été résilié par son employeur. Bien qu’il ait contesté son congé, celui-ci a été confirmé par décision du 4 avril 2014. J._ est marié mais séparé de son épouse, K._, avec qui il a fait ménage commun en Suisse durant quelque mois seulement en 2009, avant que cette dernière ne retourne vivre en Uruguay. Le prévenu affirme avoir liquidé tous ses biens, à l’exclusion d’un avoir de prévoyance sur lequel il compte pour vivre, ayant l’intention de retourner en Uruguay à sa sortie de prison. Il affirme ignorer ce que sont devenus ses six biens immobiliers acquis dans son pays.
Son casier judiciaire suisse est vierge.
Pour les besoins de la cause, J._ a été détenu provisoirement du 10 janvier au 8 décembre 2013. Il a passé dix jours de trop dans les locaux de la police. Depuis le 9 décembre 2013, il exécute sa peine de façon anticipée.
1.2
En cours d’enquête, le prévenu a été soumis à une expertise psychiatrique (P. 96). Dans son rapport du 10 juillet 2013, l’experte a expliqué que le prévenu souffre d’anxiété généralisée, de trouble somatoforme indifférencié et de trouble dépressif récurrent, mais que ces troubles psychiques ne pouvaient pas conduire aux actes qui lui étaient reprochés. Elle a relevé qu’il présente des traits paranoïaques et anxieux qui cependant n’atteignent pas une intensité suffisante pour retenir un trouble de la personnalité. La responsabilité pénale du prévenu est pleine et entière. S’agissant du risque de récidive, l’experte l’a qualifié d’élevé compte tenu du mode de pensée du prévenu, qui justifie les actes qui lui sont reprochés par le fait d’avoir dû s’occuper de sa famille notamment et par des griefs qu’il fait valoir contre son employeur.
2.
2.1
Durant son emploi au sein de l’OMC, le prévenu et ses proches étaient assurés en maladie auprès de la plaignante X._, selon le système du tiers garant.
Entre 2003 et 2012, le prévenu a réclamé et obtenu de la plaignante le remboursement de frais médicaux fictifs sur la base de faux documents (factures, ordonnances, rapports médicaux) qu’il avait lui-même confectionnés. Sur un total de 3'123'449 fr. 54 réclamé à X._, il a obtenu 2'990'453 fr. 31, la différence s’expliquant par le fait que les conditions d’assurance n’étaient pas remplies. L’activité du prévenu s’est intensifiée au fil des ans ; les montants (arrondis) réclamés chaque année évoluant ainsi : 60'000 fr. en 2003, 78'000 fr. en 2004, 117'000 fr. en 2005, 120'000 fr. en 2006, 149'000 fr. en 2007, 308'000 fr. en 2008, 485'000 fr. en 2009, 740'000 fr. en 2010, 520'000 fr. en 2011 et 553'000 fr. en 2012 (P. 4/4/4).
2.2
Entre 2010 et 2012, J._ a dissimulé l’argent obtenu illicitement en le mélangeant d’abord à ses fonds propres et à des fonds provenant de deux crédits sur un même compte bancaire auprès de l’[...], puis en transférant le total sur des comptes en Uruguay et en finançant l’acquisition de plusieurs biens immobiliers à Montevideo.
2.3
X._ a déposé plainte pénale le 12 décembre 2012 auprès du Ministère public central. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux par des parties ayant qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), tant l'appel de J._ que l’appel joint de X._ sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
I.
Appel joint de X._
3.
La plaignante par voie de jonction conteste la somme de 1'000'000 fr. qui lui a été allouée à titre de dommages-intérês par les premiers juges. Elle estime avoir établi que la totalité du montant de 2'990'453 fr. 31, qui a été versée au prévenu, ne correspond pas à des frais réels. Elle observe que la part des factures censée émaner de prestataires qui n’existent tout simplement pas ne peut, forcément, pas être justifiée. Quant aux factures censées émaner de prestataires réels, elle rappelle qu’elle a interpellé tous les intéressés et que chacun d’eux a confirmé n’avoir aucun client aux noms du prévenu ou de ses proches (P. 4/4/7 à 16). Pour le cas où la Cour de céans serait tentée de rejeter ses conclusions civiles, elle requiert une expertise.
3.1
Selon l’art. 126 al. 1 CPP, le tribunal statue sur les conclusions civiles présentées lorsqu’il rend un verdict de culpabilité à l’encontre du prévenu (let. a) ou lorsqu’il acquitte le prévenu et que l’état de fait est suffisamment établi (let. b).
Ainsi, le juge n’est pas tenu de statuer sur les conclusions civiles dans tous les cas, mais uniquement lorsqu’un verdict de culpabilité ou d’acquittement est rendu et si l’état de fait est suffisamment établi pour le faire. Le juge est tenu de trancher toutes les conclusions civiles dans la mesure où elles trouvent leur fondement dans les faits objets de la procédure pénale (Moreillon/Parein-Reymond, Code de procédure pénale, Petit commentaire, Bâle 2013, n. 3 ad art. 126 CPP ; Jeandin/Matz, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 6 ad art. 126 CPP). Lorsque le prévenu est acquitté au bénéfice du doute, l’état de fait est en général lacunaire, de sorte que le juge devra renvoyer la partie plaignante à agir par la voie civile en application de l’art. 126 al. 2 CPP. En revanche, rien n’empêche le juge de statuer sur les prétentions civiles si l’état de fait est complet, ce qui lui permet de statuer sur l’ensemble des conditions de l’art. 41 CO (Jeandin/Matz, op. cit., nn. 10-11 ad art. 126 CPP ; Dolge, in : Basler Kommentar, op. cit., n. 21 ad art. 126 CPP).
3.2
En l’espèce, le Tribunal correctionnel, au bénéfice du doute et se fondant sur des déclarations du prévenu, a estimé qu’une part de 1'000'000 fr. au moins était indue. Pour être précis, après avoir rappelé que le prévenu « soutient que toutes les factures qu’il a adressées à la plaignante n’étaient pas fausses et que, parmi les fausses factures, certaines comprenaient non seulement des prestations fictives mais aussi des prestations réelles. Il fait valoir à ce sujet que durant la période considérée lui-même ainsi que sa mère et son épouse, qui étaient toutes les deux assurées auprès de la même compagnie, ont bénéficié de soins et se sont vu prescrire des médicaments dont le remboursement était justifié. Il estime que le montant des remboursements frauduleux ne dépasse pas la somme de 1'000'000 francs. » (jgt, p. 23), il a considéré qu’« on ne saurait en effet exclure que parmi les montants facturés par ce dernier un certain nombre aient pu concerner des prestations effectivement fournies » (jgt, p. 24), qu’« il est difficilement concevable que la mère du prévenu, vu son âge, mais peut-être aussi son épouse n’aient, durant la période considérée, pas subi de soins ni ne se soient fait prescrire des médicaments en Uruguay. Il existe dès lors des incertitudes sur l’étendue de l’activité coupable du prévenu et, partant, sur le montant du préjudice subi par la plaignante » (jgt, p. 24), et que « le principe in dubio pro reo, consacré à l’art. 10 al. 3 CPP (...) exclut en l’espèce d’exiger du prévenu qu’il apporte la preuve de l’inexactitude du décompte établi par la plaignante » (jgt, p. 24 in fine), et retient par conséquent que « l’activité frauduleuse du prévenu a porté sur plusieurs centaines de milliers de francs, sans pour autant qu’il soit établi qu’elle a dépassé le million de francs » (jgt, p. 25 ab initio).
La plaignante a raison de dire que ce raisonnement est erroné. Il est établi sans l’ombre d’un doute que toutes les factures mentionnées dans l’acte d’accusation sont des faux matériels forgés par le prévenu, soit parce que les prestataires n’existent pas, soit parce que les prestataires, interpellés, ont dit ne pas avoir le prévenu ou ses proches comme clients, soit enfin parce que l’on a retrouvé dans l’ordinateur du prévenu, sous format word, et sans signature, les factures en question, ou les pièces justificatives y relatives. La plaignante a analysé chaque facture dans un travail titanesque absolument convaincant (P. 98 et 121). Il n’y a donc pas de place pour le doute : l’intégralité des versements effectués en remboursement de ces factures est injustifiée. Une expertise n’est dès lors pas nécessaire.
Si le prévenu prétend qu’il avait de réelles prétentions contre l’assurance, c’est à lui de le démontrer, en produisant les factures authentiques. Il faut aussi rappeler qu’il y a des conditions d’assurance et que toute facture n’est pas automatiquement remboursée. En l’espèce, le prévenu prétend que sur les quelques 3'000'000 fr. obtenus, il aurait eu droit à quelques 2'000'000 fr. parce que cela correspondrait à de vrais frais médicaux. En d’autres termes, il aurait eu pour 2'000'000 fr. de vraies factures, mais il les aurait remplacées par des fausses « exagérées ». Cette thèse ne tient pas, pour les motifs suivants : le prévenu a été incapable de produire une seule de ces vraies factures, mis à part celles que la plaignante avait déjà considéré comme telles (jgt, p. 4 ; PV aud. 6 p. 11) ; il résulte de l’analyse de la plaignante (P. 121) que, en sus des factures litigieuses, il y en a eu d’autres, réelles, adressées à la plaignante, qui en admet l’authenticité, de sorte qu’il n’y a pas de raison de penser que le prévenu en a gardé encore pour lui ; le prévenu a acheté six appartements à Montevideo pour environ 1'000'000 fr. (PV aud. 5, p. 8), dont trois ont été meublés, mais il a aussi entretenu un train de vie de luxe en s’offrant deux voitures dont une Mercedes, en voyageant plusieurs fois par année en Uruguay, Argentine et Espagne en classe affaire (PV aud. 5, p. 4), en séjournant dans des palaces (entre 2010 et 2011 il aurait dépensé plus de 100'000 fr. : P. 46, p. 2 et l’annexe y relative pour le nom des hôtels), en effectuant des dépenses généreuses avec pas moins de quatre cartes de crédit (quelque 581'000 fr. entre mars 2002 et novembre 2012, avec une forte augmentation dès 2009 : P. 46, p. 7 et PV aud. 5, p. 3) et en « arrosant » ses proches (PV aud. 1, p. 3 ; PV aud. 5, p. 4). Les virements en Uruguay entre 2010 et 2012 ont atteint 1'200'000 fr. (P. 20, p. 3 ; P. 46, p. 1) alors que les agissements du prévenu ont commencé dès 2003. Toutes ces dépenses ne peuvent avoir été payées avec le modeste salaire du prévenu. Ce dernier n’a jamais souffert de graves problèmes de santé et selon lui sa mère serait décédée en mai 2010 et sa femme n’a jamais eu de cancer (PV aud. 2, p. 3), de sorte que rien ne justifie les montants considérables obtenus les dernières années.
Il résulte de ce qui précède que le prévenu doit être condamné à verser à la plaignante, à titre de dommages-intérêts, l’intégralité des 2'990'453 fr. 31, sous déduction des montants de 57'222 fr. 78 confisqué et restitué à la plaignante par le chiffre VII du dispositif et de 50'000 fr. versé à la plaignante par le prévenu le 27 mars 2014.
L’appelante par voie de jonction réclame l’intérêt moratoire depuis le 1
er
janvier 2008. Il peut se concevoir de fixer une échéance moyenne pour cet intérêt compensatoire, mais la date du 1
er
janvier 2008 paraît erronée dès lors que l’essentiel du « butin » a été obtenu après cette date. Le prévenu avait obtenu quelque 1'317'000 fr. à fin 2009 ; si on répartit mensuellement ce qui a été obtenu en 2010, on atteindrait 1'500'000 fr., soit environ la moitié du total, vers le 1
er
avril 2010. Il sied ainsi de retenir cette date.
4.
4.1
L’appelante par voie de jonction estime qu’il y a lieu de prononcer une créance compensatrice « pour tout montant qui ne serait pas alloué à X._ à titre de dommages-intérêts (...) à concurrence de 2'990'453 fr. 31 avec intérêt ». Elle fait valoir que le prévenu a perçu indûment 2'990'453 fr. 31, qu’il disposerait toujours de la contre-valeur de ses biens immobiliers de Montevideo et qu’elle n’a pas pu récupérer plus de 107'222 fr. 78.
4.2
Aux termes de l’art. 71 CP, lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne leur remplacement par une créance compensatrice de l’Etat d’un montant équivalent (al. 1). Le juge peut renoncer totalement ou partiellement à la créance compensatrice s’il est à prévoir qu’elle ne serait pas recouvrable ou qu’elle entraverait sérieusement la réinsertion de l’intéressé (al. 2). Le but de cette créance compensatrice est d’éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés; elle ne joue qu’un rôle de substitution de la confiscation en nature et ne doit donc, par rapport à celle-ci, engendrer ni avantage ni inconvénient (ATF 126 IV 70 c. 3).
Selon l’art. 73 al. 1 let. c CP, si un crime ou un délit a causé à une personne un dommage qui n’est couvert par aucune assurance et s’il y a lieu de craindre que l’auteur ne réparera pas le dommage ou le tort moral, le juge alloue au lésé, à sa demande, jusqu’à concurrence des dommages-intérêts ou de la réparation morale fixés par un jugement ou par une transaction, les créances compensatrices notamment. Le juge ne peut toutefois ordonner cette mesure que si le lésé cède à l’Etat une part correspondante de sa créance (art. 73 al. 2 CP). L’allocation au lésé ne relève pas d’une faculté, mais d’une obligation : lorsque les conditions de l’allocation sont réunies, celle-ci doit être ordonnée (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, n. 1.3 ad art. 73 CP et les références citées). Il ne peut cependant y avoir d’allocation que sur la base d’une demande expresse du lésé (Niggli/Wiprächtiger, Basler Kommentar, Strafrecht I, n. 19 ad art. 73 CP).
4.3
En l’espèce, il est douteux que X._ ait qualité pour faire appel sur ce point dans la mesure où elle ne conclut plus à ce que cette créance lui soit allouée en application de l’art. 73 CP comme elle l’avait fait en première instance (P. 159). Cela étant, cette conclusion et devenue sans objet du fait de l’admission de la conclusion précédente.
5.
X._ réitère sa requête de séquestre de l’avoir de prévoyance du prévenu en vue de l’exécution d’une créance compensatrice.
5.1
En application de l'art. 263 al. 1 CPP, des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuve (let. a), qu’ils seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités (let. b), qu’ils devront être restitués au lésé (let. c) ou qu'ils devront être confisqués (let. d).
L’art. 71 al. 3 CP prévoit également que l’autorité d’instruction peut placer sous séquestre, en vue de l’exécution d’une créance compensatrice, des éléments du patrimoine de la personne concernée. Le séquestre ne crée pas de droit de préférence en faveur de l’Etat lors de l’exécution forcée de la créance compensatrice.
5.2
Une fois encore, il est douteux que X._ ait qualité pour recourir contre le refus d’un séquestre pénal sur l’avoir de prévoyance de J._. Au demeurant, les conditions d’un tel séquestre ne sont en l’espèce pas remplies, faute de créance compensatrice prononcée et une confiscation étant exclue s’agissant d’un avoir de provenance licite.
6.
L’appelante par voie de jonction estime que c’est à tort que sa prétention en dépens a été réduite par les premiers juges. Elle relève avoir dû entreprendre un travail considérable d’investigation.
6.1
Aux termes de l’art. 433 al. 1 let. a CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu’elle obtient gain de cause (let. a). La partie plaignante adresse ses prétentions à l’autorité pénale et doit les chiffrer et les justifier (al. 2).
La partie plaignante a obtenu gain de cause au sens de cette disposition lorsque le prévenu a été condamné et/ou si les prétentions civiles ont été admises (Schmid, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, Zurich/Saint-Gall 2009, n. 6 ad art. 433 CPP). La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante, à l'exclusion de toutes démarches inutiles ou superflues (Mizel/Rétornaz,
in
: Kuhn/Jeanneret [éd.], Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, n. 8 ad art. 433 CPP; Schmid, op. cit., n. 3 ad art. 433 CPP). Sont prises en considération tant l’activité ayant contribué à la condamnation du prévenu que celle ayant servi à l’obtention et la réparation du dommage, pour autant que la partie plaignante n’ait pas été renvoyée à faire valoir cette dernière devant le juge civil (Mizel/Rétornaz, op. cit., n. 10 ad art. 433 CPP; Schmid, op. cit., n. 23 ad art. 433 CPP).
6.2
Les premiers juges ont accordé 100'000 fr. sur une prétention de 149'681 fr. 50 en considérant que la plaignante était assistée simultanément de plusieurs avocats et avocat-stagiaire qui avaient travaillé en « pool » et qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte du temps cumulé consacré par tous les intervenants à l’étude du dossier et des audiences. Cette position est correcte. Par exemple, le prévenu n’avait qu’un avocat aux débats tandis que la plaignante en avait trois, ce que rien n’exigeait. Il est vrai que la plaignante a fait un gros travail d’investigation, mais, outre qu’il n’est pas certain qu’il soit le fait des avocats, l’indemnité de 100'000 fr. en tient déjà largement compte, si l’on compare aux heures accordées à la défense. Ce moyen, mal fondé, doit être rejeté.
II. Appel principal de J._
7.
L’appelant soutient que l’escroquerie ne peut pas être retenue après 2009, faute d’astuce. Il compare les circonstances du cas présent avec celles de l’arrêt TF 6B_593/2009 du 14 septembre 2009. Il fait valoir que ses demandes de remboursements durant cette période ont été si nombreuses que la plaignante aurait dû avoir des soupçons. Si elle n’en avait pas eu, c’est qu’elle avait été négligente dans ses contrôles.
7.1
Se rend coupable d’escroquerie au sens de l’art. 146 al. 1 CP celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers.
L'escroquerie consiste à tromper la dupe. Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit cependant pas ; il faut qu'elle soit astucieuse. Selon la jurisprudence, il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 133 IV 256 c. 4.4.3 ; 128 IV 18 c. 3a). L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si elle n'a pas procédé aux vérifications élémentaires que l'on pouvait attendre d'elle au vu des circonstances. Une co-responsabilité de la dupe n'exclut toutefois l'astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 135 IV 76 c. 5.2). La jurisprudence admet l'astuce dans le cas où la dupe n'a pas la possibilité de vérifier les affirmations transmises ou si leur vérification se révélait très difficile. Ces hypothèses se rencontrent notamment lorsque la tromperie porte sur des faits internes, comme par exemple la volonté d'exécuter un contrat. Une telle volonté n'est cependant pas astucieuse dans tous les cas, mais seulement lorsque l'examen de la solvabilité n'est pas exigible ou est impossible et qu'il ne peut par conséquent être tiré aucune conclusion quant à la volonté de l'auteur de s'exécuter (ATF 125 IV 124 c. 3a). Finalement, la prise en considération de l'éventuelle responsabilité de la dupe connaît certaines limites. D'une part, elle ne doit pas avoir épuisé toutes les mesures de contrôles possibles et imaginables qui se trouvaient à sa portée (ATF 128 IV 18 c. 3a) et, d'autre part, n'importe quelle négligence de sa part ne suffit pas à exclure l'astuce (ATF 126 IV 165 c. 2a). Il n'est donc pas nécessaire que la dupe soit exempte de la moindre faute (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd., 2010, n. 17 ad art. 146 CP).
Dans le cas particulier des assurances-maladies, le Tribunal fédéral a considéré que le devoir de vérification des factures des caisses-maladies n’était pas illimité. Il a aussi considéré que le pouvoir de vérification de l’assureur était relativement limité. Par exemple, lorsque, pour apprécier le bien-fondé d’un poste d’une facture, l’assureur aurait dû procéder à un examen très détaillé en recourant à des spécialistes, le Tribunal fédéral a estimé qu’on ne saurait lui reprocher de ne l’avoir pas fait eu égard aux montants en jeu, au coût d’une telle démarche et du temps qu’elle requiert (TF 6B_593/2009 du 14 septembre 2009). Il a aussi considéré que le fournisseur de soins jouissait d’une confiance particulière de l’assureur et en a déduit que sa facture était propre à établir l’exactitude des indications qui y figurent et la réalité des prestations comptabilisées.
7.2
C’est en vain que l’appelant compare son cas avec un autre. L’astuce dépend des circonstances du cas d’espèce. Les circonstances qui ont permis de retenir l’astuce dans l’arrêt TF 6B_593/2009 ne constituent qu’un exemple et non un catalogue de conditions à remplir.
Dans le cas présent, l’assureur doit couvrir, selon le système du tiers garant, les factures de prestataires du monde entier. Le prévenu et ses proches ont été ses assurés de 1997 à 2012. Le prévenu lui a fait parvenir littéralement des milliers de fausses factures durant ces années, factures censées provenir de dizaines de prestataires différents dans trois pays où lui et ses proches habitaient ou séjournaient. Au fil des années, les montants réclamés ont augmenté. En soi, cela n’est pas suspect : les gens vieillissent et sont davantage sujets à la maladie avec l’âge. Il résulte aussi des statistiques produites par la plaignante que les montants réclamés les dernières années n’étaient pas hors norme eu égard aux pathologies annoncées (P. 121, p. 4 ss) ; là encore, il n’y avait rien qui suscite la méfiance. On ne pouvait donc pas attendre de la plaignante qu’elle procède à des contrôles plus poussés que d’habitude dans ce cas particulier, étant rappelé que les assurés qui coûtent cher faisaient déjà l’objet de contrôles par des employés expérimentés. Les faux étaient bien faits, comme on peut le constater (P. 121, p. 6 et 7). Il faut rappeler à ce sujet que le prévenu a commencé des études de médecine (il avait réussi les premiers examens, P. 96 p. 11), qu’il reconnaît avoir fait des recherches sur internet, notamment sur des forums médicaux, pour établir ses faux rapports médicaux, et pour trouver des modèles de factures, qu’il était assistant de publication et que son père était aussi médecin. Le prévenu joignait spontanément à ses demandes de remboursement, les pièces justificatives nécessaires, forcément forgées de toutes pièces aussi : preuves de paiement, quittances, ordonnances, etc. Lorsque la plaignante, à l’occasion, demandait un rapport médical, le prévenu donnait suite en en fabriquant un. L’examen à la fois comptable et médical habituel n’a rien donné. Il résulte aussi du dossier qu’à une occasion, la plaignante a pris contact avec un soi-disant prestataire de soin pour établir un système de paiement direct, par le biais d’une adresse e-mail figurant sur la facture. Or, cette adresse, si elle était fausse, existait bel et bien : le prévenu l’avait créée et a répondu aux sollicitations de la plaignante (PV aud. 2, p. 3). Cette anecdote démontre l’incroyable souci du détail qui a animé le prévenu dans ses activités criminelles. A une occasion en 2007, le prévenu a aussi spontanément écrit à la plaignante pour lui signaler qu’elle avait remboursé par erreur deux fois la même facture (P. 121, p. 8). L’assurance n’avait pas de raison d’imaginer que son assuré fabriquait des milliers de faux, factures, notes d’honoraires, ordonnances et rapports médicaux. On ne peut pas exiger que, dans le cadre d’un contrôle ordinaire, l’assurance vérifie que le prestataire de soin et la facture sont réels.
Selon la plainte, ce n’est que dans le cadre d’un contrôle par l’Unité d’enquête des fraudes que le problème a été détecté (P.4/3, p. 6). La plaignante explique que le prévenu, parce qu’il fait partie des « dossiers à coûts élevés », avait fait récemment l’objet d’un tel contrôle. Il aurait été constaté qu’un rapport médical était manquant. La plaignante aurait alors décidé de procéder à des vérifications supplémentaires.
La plaignante est une société belge spécialisée dans la mise en œuvre de programmes internationaux d’assurance santé et d’avantages sociaux pour les organisations intergouvernementales, les entreprises multinationales et leur personnel international (P. 4/3, p. 3). Elle assure notamment le personnel de l’[...], ce qui représente 2'000 à 3'000 assurés (jgt, p. 7). On peut ainsi imaginer le nombre de personnes physiques concernées, sachant que les proches sont aussi assurés. Selon la plaignante, il y a 4,5 millions de factures chaque année (ibidem). Evidemment des contrôles poussés anti-fraudes ne peuvent être faits dans chaque cas cher, tant que rien de suspect n’attire l’attention.
En sollicitant une expertise à confier à un oncologue censé faire un examen comparatif de toutes les factures (mesure d’instruction qui a été rejetée tant en première instance que par la Cour de céans), l’appelant reconnaît implicitement qu’un examen même médical mais « normal » d’une facture ne permettait pas de détecter une anomalie. D’ailleurs l’appelant ne met en avant aucun élément précis et concret qui aurait dû éveiller les soupçons de l’assurance.
La plaignante a bien observé les règles de prudence élémentaires qu’on pouvait attendre d’elle eu égard aux circonstances. On ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir entrepris plus tôt un contrôle anti-fraude qui seul était de nature à détecter la tromperie.
Ce premier moyen doit donc être rejeté.
8.
L’appelant conteste la quotité de la peine qui lui a été infligée. Il observe qu’il serait très dur de passer des « couloirs feutrés de l’[...] à un box de l’Hôtel de police » et qu’il n’aura rien à sa sortie de prison. Il rappelle qu’il est un délinquant primaire à 55 ans et que son comportement en détention serait plus que parfait. Il soutient que les premiers juges ont estimé à tort qu’il n’avait pas fait ce qu’il pouvait pour indemniser la lésée parce qu’il n’aurait pas touché à ses biens immobiliers en Uruguay ; ils auraient dû tenir compte des efforts de ses avocats pour tenter de joindre un interlocuteur en Uruguay. Enfin, il compare son affaire à d’autres condamnations pour escroquerie.
8.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; 129 IV 6 c. 6.1).
Selon la jurisprudence, compte tenu des nombreux paramètres qui interviennent dans la fixation de la peine, une comparaison avec des affaires concernant d'autres accusés et des faits différents est d'emblée délicate. Il ne suffit pas à l'accusé de citer un ou deux cas pour lesquels une peine particulièrement clémente aurait été fixée pour prétendre avoir droit à une égalité de traitement (TF 6B_334/2009 du 20 juillet 2009 c. 2.3.1 ; ATF 123 IV 49 c. 2 ; ATF 120 IV 136 c. 3a). En effet, de nombreux paramètres interviennent dans la fixation de la peine et les disparités de sanction en cette matière s'expliquent normalement par le principe de l'individualisation de la peine, voulue par le législateur. Ce n'est que si le résultat auquel le juge est parvenu apparaît vraiment choquant, compte tenu notamment des arguments invoqués et des cas examinés par la jurisprudence, que l'on peut alors parler d'un véritable abus du pouvoir d'appréciation (TF 6B_334/2009 du 20 juillet 2007 c. 2.3.2 ; ATF 123 IV 49 ; Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 2a ad art. 47 CP ; Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 2011, n. 1.12 ad art. 47 CP).
8.2
Le prévenu a agi durant dix ans, avec une intensité croissante au fil du temps, dans un pur but de lucre : mener grand train et quitter son emploi dans lequel il ne se plaisait pas pour vivre de ses rentes (P. 96, p. 29 et 30). Il a accumulé un butin considérable : non pas un mais trois millions environ. Il en a mis de côté au moins un sous forme d’immeubles. Il ressort du dossier que son filleul, qui avait procuration pour gérer ses immeubles en Uruguay, en a vendu au moins trois (P. 116 et 128) mais rien ne permet de penser que le filleul n’attend pas sagement son parrain avec le prix de vente. Le prévenu a aussi un avoir de prévoyance dont il refuse de céder le solde à la plaignante alors qu’il en a cédé une première partie à un autre créancier (P. 93/2 et 93/6). Manifestement il ne regrette pas ses actes qu’il rationalise en affirmant qu’il était maltraité par son employeur et avait droit à une sorte de dédommagement ou que « toutes les organisations internationales sont corrompues » (PV aud. 6, p. 8). Aux débats, il a encore tenté de s’exonérer de sa responsabilité en disant qu’il était « malade », argument écarté par l’expertise (P. 96, p. 32 et 34). Il est malvenu de regretter les « couloirs feutrés » de l’[...] alors qu’il détestait son emploi où il s’estimait mobbé et travaillait à domicile. Le prévenu a certes un casier judiciaire vierge, mais ses agissements criminels duraient depuis dix ans au moment de son arrestation, ce qui relativise la durée de sa « vie exemplaire ». En conclusion, la peine prononcée est adéquate.
9.
Dans la mesure où la peine ne dépasserait pas trois ans, l’appelant estime devoir bénéficier d’un sursis. Il soutient qu’il n’y aurait pas de risque de récidive, parce qu’il ne s’en serait pris qu’à une seule personne, que la procédure pénale l’aurait « secoué » et que, sans travail ni permis de séjour en Suisse, « le risque qu’il fait courir à la société helvétique » serait «proche du zéro absolu ».
9.1
La peine privative de liberté ferme de quatre ans devant être confirmée au vu du considérant 8.2 ci-dessus, cette conclusion est dès lors sans objet.
10.
L’appelant conteste sa condamnation à payer respectivement 1'000’00 fr. de dommages-intérêts et 100'000 fr. de dépens à la plaignante. Il soutient que le montant du dommage subi par la lésée ne serait pas établi. Le point de départ de l’intérêt moratoire serait également erroné. Sur la base d’une comparaison entre l’activité des avocats de la défense et ceux de la partie civile, il fait valoir que les dépens seraient excessifs et ne devraient pas dépasser 80'000 francs.
10.1
En l’espèce, le montant du dommage subi par la plaignante a été apprécié par la Cour de céans au considérant 3.2 ci-dessus, il convient dès lors de s’y référer. Il en va de même pour le point de départ de l’intérêt moratoire qui par ailleurs a été modifié en faveur du prévenu. Pour le surplus, si le prévenu soutient avoir de son côté une réelle prétention contre la plaignante, il lui appartient de l’établir.
11.
L’appelant fait valoir que les premiers juges n’ont pas tenu compte du fait qu’il a passé près de trois semaines de détention à l’Hôtel de police de [...] au lieu des 48 heures prescrites par la loi.
11.1
Le Tribunal fédéral a posé le principe d’une indemnisation à raison d’un séjour dans des conditions de détention similaires à celles du cas d'espèce (TF 6B_17/2014 du 1
er
juillet 2014 c. 2.5.2). Il a considéré que le montant réclamé par jour, de 50 fr., n’était pas exagéré et a alloué, pour les 11 jours suivant les 48 premières heures (cf. art. 27 LVCPP [loi vaudoise du 19 mai 2009 d’introduction du code de procédure pénale suisse; RSV 312.01]), une indemnité pour tort moral de 550 francs (même référence, c. 2.6.1). Cette indemnité n'est pas compensable avec les frais de justice mis à la charge du prévenu (ibidem). Le Tribunal fédéral a précisé que la réclamation pécuniaire admise dans ce cas ne signifiait pas d’une manière générale qu’une autorité cantonale saisie d’une problématique similaire ne puisse envisager une autre forme de réparation, à l’instar de ce qui prévalait pour une violation du principe de la célérité, se référant à l'ATF 133 IV 158 (même référence, c. 2.6.2). La Cour de céans a déjà eu l'occasion d'admettre une réparation prenant la forme d'une réduction de peine, qui apparaît compatible avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (CAPE 21 octobre 2014/274 c. 5.2 et les références citées).
11.2
En l’espèce, le prévenu a passé 10 jours de détention provisoire à l’Hôtel de police de [...] (PV des opérations du 22 janvier 2013, p. 5) en sus des 48 heures prévues par l'art. 27 LVCPP (Loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009, RSV 312.01).
Au regard des conditions de détention que l’appelant a subies, une réparation se justifie. Cette réparation prendra dans le cas d'espèce la forme d'une réduction de peine, la liberté ayant une valeur bien plus importante qu'une quelconque somme d'argent (CAPE 21 octobre 2014/274 c. 5.3).
S'agissant du rapport entre le temps passé en détention dans des conditions illicites et la réduction de la peine, il convient de rappeler que la détention n’était pas illicite en soi, seules les conditions de celle-ci l’étant. La détention a en effet été ordonnée dans les formes et aux conditions légales, par l’autorité compétente, en application des art. 224 ss CPP. Il y a dès lors lieu de réparer le tort subi en raison de la pénibilité accrue de la détention en tant qu’elle résulte de la différence des conditions de vie entre un séjour en établissement de détention avant jugement et un maintien au-delà de 48 heures dans une zone carcérale, mais non celui subi en raison de la pénibilité inhérente à toute détention.
Compte tenu de la jurisprudence de la Cour de céans, il y a lieu de retenir que la pénibilité accrue de la détention justifie en l’espèce une réduction d’un jour de peine pour deux jours passés dans ces conditions illicites (CAPE 21 octobre 2014/274 c. 5.3 ; CAPE 10 octobre 2014/300 c. 2.2). Il conviendra par conséquent de prononcer une réduction de peine de 5 jours correspondant à la moitié des 10 jours passés en détention provisoire dans des conditions illicites.
12.
En définitive, l’appel principal de J._ doit être rejeté et l’appel joint de X._ partiellement admis.
12.1
L'indemnité de défenseur d'office allouée pour la procédure d'appel sera fixée à 6'782 fr. 40, débours et TVA compris, en tenant compte de trente-deux heures de travail effectif, de quatre vacations et de débours par 40 francs.
12.2
Vu l’issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués de l’émolument de jugement, par 3’120 fr., ainsi que de l’indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu, par 6’782 fr. 40,
sont mis par quatre cinquièmes à la charge de J._ (art. 428 al. 1 CPP) et par un cinquième à la charge de X._ (art. 428 al. 1 CPP).
J._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat les quatre cinquièmes du montant de l’indemnité d'office précitée que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).
12.3
La plaignante a requis que le prévenu soit condamné à lui verser une indemnité équitable de 193'029 fr. 05 pour ses dépenses occasionnées par l’intégralité de la procédure, à savoir 149’681 fr. 50 pour la première instance et 43'347 fr. 55 pour la procédure d’appel
selon la note d’honoraires produite
(P. 183).
La Cour de céans ayant déjà apprécié la question des dépens en faveur de la plaignante concernant la procédure de première instance, il y a lieu de se référer au considérant 6 ci-dessus.
Concernant la procédure d’appel, les conditions d’octroi d’une telle indemnité étant réalisées, il y a lieu, sur le principe, de faire droit à cette conclusion. Le montant réclamé par X._ est toutefois trop élevé. Au vu de la valeur litigieuse, de la connaissance du dossier obtenue en première instance et des opérations effectuées en appel, c’est une indemnité de 20'000 fr. qui devrait allouée. Cependant, vu le sort de la procédure, cette indemnité doit être réduite d’un cinquième et sera donc arrêtée à 16'000 fr., correspondant à quarante heures de travail d’avocat au tarif de 400 fr., à charge de J._. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4ed0c9c8-e9fe-41df-b63f-9c66b51e8cb6 | En fait :
A.
Par jugement du 5 septembre 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que S._ s’est rendu coupable de voies de fait, voies de fait qualifiées, appropriation illégitime, injure, utilisation abusive d’une installation de télécommunication, menaces, menaces qualifiées et insoumission à une décision de l’autorité (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 6 mois (II), ainsi qu’à une amende de 1'000 fr. convertible en 10 jours de peine privative de liberté en cas de non paiement fautif (III), a renoncé
à révoquer le sursis accordé à S._ par le Juge d’instruction de Lausanne le 2 juin 2010 (IV), a dit que le prévenu est le débiteur de Z._ et lui doit immédiat paiement d’un montant de 4'000 fr., valeur échue, à titre d’indemnité pour tort moral (V), a renvoyé pour le surplus cette dernière à agir devant le juge civil (VI), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièce à conviction d’un CD séquestré sous fiche de pièce à conviction n° 57140 (VII), a mis les frais de la cause, par 2'956 fr., à la charge de S._ (VIII), a fixé à 5'951 fr. 40, TVA comprise, le montant de l’indemnité allouée à Me Joëlle Zimmermann, conseil d’office de la partie plaignante Z._, à la charge de l’Etat (IX), et a dit que lorsque sa situation financière le permettra, S._ sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité allouée au chiffre IX ci-dessus (X).
B.
Par courrier du 16 septembre 2014, S._ a déposé une annonce d'appel contre ce jugement.
Par lettre du 24 septembre 2014, Me Jean-Pierre Bloch a requis l’octroi de l’assistance judiciaire en faveur du prévenu, confirmant par ailleurs l’annonce d’appel déposée par ce dernier. La Cour d’appel a admis la requête et a désigné Me Bloch comme défenseur d’office du prévenu.
Par déclaration d’appel motivée du 10 octobre 2014, S._ a conclu à la réforme du chiffre II du dispositif du jugement attaqué en ce sens que la peine privative de liberté de 6 mois qui lui a été infligée est assortie du sursis.
Le 27 octobre 2014, le Ministère public a annoncé qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et qu'il renonçait à déclarer un appel joint.
Par courrier de son conseil du 10 novembre 2014, Z._ a annoncé qu’elle n’entendait présenter aucune demande de non-entrée en matière, ni aucun appel joint.
Tant le Parquet, par lettre du 17 novembre 2014, que la partie plaignante, à l’audience d’appel, s’en sont remis à justice s’agissant du sort de l’appel
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
S._ est né le 9 juin 1987 au Portugal, pays dont il a la nationalité. Il a été élevé dans sa patrie d’origine avant de s’installer avec sa famille en France à l’âge de 4 ou 5 ans. Il a suivi sa scolarité obligatoire dans ce pays et y a obtenu un CAP de menuisier. Il est arrivé en Suisse à l’âge de 18 ans. Dans notre pays, il a d’abord travaillé comme manœuvre sur les chantiers avant d’entreprendre avec succès une formation de machiniste avec permis en 2009. Titulaire d’un permis B, il est actuellement au chômage. Selon ses explications, il sera à nouveau engagé à plein temps comme machiniste temporaire le 19 janvier 2015 pour un salaire mensuel de l'ordre de 4'000 à 4'500 francs. Célibataire, il vit seul dans un appartement qui lui coûte 522 fr. par mois. Ses primes d’assurance maladie mensuelles s’élèvent selon ses déclarations à quelque 250 francs. Il a récemment reconnu sa fille T._, née de sa relation avec Z._ en septembre 2013. Le prévenu n’a pas d’économies mais des dettes pour lesquelles il a passé des arrangements de paiement avec ses créanciers. Ainsi, il s’acquitte selon ses dires de mensualités de 100.- auprès de [...] et d’acomptes de 300 fr. auprès de l’Etat de Vaud en paiement des amendes auxquelles il a été condamné. Il bénéficie encore d’un crédit pour son véhicule qu’il règle par acomptes mensuels de 420 francs. Il est enfin propriétaire d’une maison sise à Evian en France, pour laquelle il rembourse un crédit par des versements mensuels de 1'000 francs.
Le prévenu a expliqué (p. 3
supra
) avoir suivi, pendant trois mois à partir de juin 2014, une thérapie auprès d'un médecin psychiatre du [...] à la fréquence d'un entretien par semaine. Il aurait arrêté ce traitement d'entente avec le médecin car il irait mieux. Celui-ci lui aurait prescrit un anti-dépresseur et un calmant.
Le casier judiciaire suisse de S._ comporte les inscriptions suivantes :
- 28.01.2010, Juge d’instruction de Lausanne, lésions corporelles simples, dommages à la propriété, injure, utilisation abusive d’une installation de télécommunication, menaces, contravention à la LStup, 100 jours-amende à 20 fr., sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 2 ans, amende 500 fr., détention préventive 4 jours, sursis révoqué le 4 septembre 2012 par le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois ;
- 02.06.2010, Juge d’instruction de Lausanne, violation grave des règles de la circulation, 10 jours-amende à 60 fr., sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 2 ans, amende de 300 francs ;
- 04.09.2012, Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois, voies de fait, injure, menaces, contravention à la LStup, dommages à la propriété, violation de domicile, 75 jours-amende à 30 fr., amende 900 fr., détention préventive 10 jours.
2.
2.1
Entre avril 2012 et février 2013, à Ecublens, S._ a régulièrement injurié Z._, avec laquelle il faisait ménage commun, la traitant notamment de « pute », « grosse merde », « bonne à rien » et « traînée ». Il s’est en outre montré violent physiquement envers elle à une quinzaine de reprises, généralement en la saisissant par les poignets et en la projetant contre les murs ou par terre. A une occasion, Z._ s’est ainsi cognée contre la table basse, se blessant. A quatre ou cinq reprises, S._ a saisi Z._ au niveau de la gorge. Une autre fois, il l'a empêchée de partir, la projetant sur le lit en la tirant par les poignets, lui a déclaré que si elle partait, plus personne ne lui ferait l’amour et lui a pincé le clitoris à travers ses vêtements. Le 10 janvier 2013 en particulier, il s’en est pris physiquement à sa compagne et lui a déclaré : « je vais te tuer, je vais tuer le bébé, je vais te faire avorter à coups de poing dans le ventre et je vais enlever le bébé du ventre.
S._ et Z._ ont cessé de faire ménage commun en février 2013.
2.2
Entre le début de l’été 2013 et février 2014, toujours à Ecublens, S._ a tenté de joindre Z._ par téléphone à de nombreuses reprises, parfois quotidiennement et jusqu’à nonante fois par jour.
2.3
Entre février et octobre 2013, le prévenu a envoyé des messages injurieux et menaçants à Z._, soit :
- le 20 février 2013 : « J espère de tou cœur que cet enfant ne voi jamai le jour car il mérite pas une mère comme toi va crevé » ;
- à des dates indéterminées entre le printemps 2013 et septembre 2013 : « Va te faire encule par toute ta famille et fou moi la paix », « Il aurait du te bute le brésilien il aurez fai un bon acte car des pute dans ton genre ne devrais pas etre dans se monde », « tu peux pas regretter tes une pute de nature », « je compren pk tu tes fai violé yes une grosse pute c normal », « Moi trop con oui trop con d avoir cru en une grosse pute comme toi », « Reste avec ta familles de tarai fai des partouse avec tes parents suce la bite de ton père c sa que tu veu », « va lui succès la bite », « T’aurait pas fai la conne j’aurais pas fai le con t aurait fait ton boulot j aurait été gentil », « Jai pu être méchant mai toi tu a été une pute alors tes pas mieu », « Va crevé c tout se que tu mérites », « Tu veu faire ta pute ok », « Fais toi bien encule par lui », « C se que tu aimes c con te baise comme une chienne », « Tu vas payer se que tu me fai », « Tu fai deja la pute pour avoir du fric pfffff », « Travailler tu c pas mai écarté les cuise tu c sa », « J espere que ton frère leche bien ta chat vue qu’il et accote », « Fais toi bien nique par ton frère », « Suce bin la bite à ton frère » ;
- le 19 octobre 2013 : « Bientôt tu veras des photos de toi dans tou Ecublens » ;
- le 20 octobre 2013 : « Tu vas finir par la perdre T._ » et « Et plus jamais le revoir » ;
- le 31 octobre 2013 : « Ne me fai pas faire l’irréparable ».
2.4
En janvier ou février 2014, le prévenu a en outre menacé de mort Z._ par téléphone, déclarant qu’il allait lui tirer une balle dans la tête.
2.5
A la mi-mai 2014, toujours à Ecublens, S._ a menacé de mort Z._ par téléphone et a déclaré qu’il allait enlever leur fille T._.
2.6
Le 10 juin 2014, à Ecublens, au chemin de la Forêt, S._ a fortuitement croisé son ex-compagne Z._ et leur fille T._, âgée de neuf mois. Malgré l’ordonnance rendue par le Président du Tribunal civil le 28 mai 2014 lui interdisant de contacter et de s’approcher de la plaignante, sous menace de la peine prévue par l’art. 292 CP, le prévenu est descendu de sa moto et s’est dirigé vers elles. En arrivant, il a bousculé la jeune femme, l’a saisie par le bras et lui a dit de dégager, avant de décrocher la ceinture de la poussette et de prendre sa fille dans ses bras. Une dispute verbale a alors éclaté entre l'intimée et le recourant. Alors que ce dernier se déplaçait en gardant sa fille dans ses bras, Z._ l’a suivi en s’agrippant à ses vêtements. C'est à la suite de l'intervention du beau-frère de Z._, C._, qui, passant par là, s’est dirigé vers S._ et lui a demandé de lâcher l'enfant, que la jeune femme a pu reprendre sa fille. Le prévenu a pris la fuite avant l'arrivée de la police.
A un moment indéterminé lors de ces événements, le prévenu s’est emparé des clés de l’appartement de la plaignante, qui se trouvaient dans un sac accroché à la poussette. Les policiers ont fait changer les cylindres de l'appartement de la victime en accord avec cette dernière.
2.7
Z._ a déposé plainte les 23 juillet 2013 et 10 juin 2014 pour les faits exposés ci-dessus. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
S._ ne remet en cause ni les faits retenus par le premier juge, ni leur qualification. Il ne conteste pas non plus la quotité de la peine, mais uniquement le refus du sursis.
3.1
Selon l’art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. Le nouveau droit pose des exigences moins élevées quant au pronostic pour l'octroi du sursis. Auparavant, il fallait que le pronostic soit favorable. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (ATF 135 IV 180 c. 2.1 ; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2 ; TF 6B_348/2014 du 19 juin 2014 c. 2).
3.2
En l’espèce, le caractère ferme de la peine n’est pas critiquable, étant précisé que le pronostic à formuler pour le sursis dans le présent cas n’est pas celui de l’art. 42 al. 2 CP, mais bien celui de l’alinéa 1 de cette disposition dès lors qu’aucune peine antérieure n’atteint le minimum requis par cette disposition – soit de six mois, respectivement de cent huitante jours –, même si la totalité des peines prononcées excède cette durée (cf. Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n.19 ad art. 42 CP).
A l'époque des faits, S._ avait déjà subi trois condamnations à des peines pécuniaires, dont deux pour des infractions analogues, la première en janvier 2010, pour notamment lésions corporelles simples, dommages à la propriété, injure, utilisation abusive d’une installation de télécommunication et menaces, et la seconde en septembre 2012, pour notamment voies de fait, injure, menaces, dommages à la propriété et violation de domicile. Il avait, à ces deux occasions, subi respectivement 4 et 10 jours de détention préventive, ce qui ne l'a pas dissuadé pour autant, puisqu'il a récidivé dans le même domaine d'infractions. Il sied de relever à cet égard que le prénommé a commencé à s’en prendre à sa nouvelle compagne à peine trois mois après l'échéance du sursis de 2 ans accordé en 2010, alors qu'il faisait déjà l'objet d'une instruction pénale ouverte sur plainte de sa précédente petite amie pour voies de fait, injure et menaces notamment (pièce 27), et qu'il a poursuivi ses agissements délictueux pendant plus de 2 ans. En outre, il a récidivé en cours d'enquête et alors même qu'il était d'ores et déjà renvoyé devant le Tribunal de police. Par ailleurs, malgré les deux ordonnances rendue par le Président du Tribunal civil les 28 mai et 25 novembre 2014 (pièce 45) lui interdisant de contacter et de s’approcher de la plaignante, sous la menace de la peine prévue par l’art. 292 CP, le prévenu a, selon les explications – non contestées – de la plaignante aux débats d'appel, continué d'envoyer à cette dernière "des sms, mais d'amour, (...) comme [s'ils] ne s'étai[en]t jamais quitt[és] et qu'il ne s'était rien passé" (p. 4
supra
). A cela s’ajoute que l’appelant n’a pas manifesté une véritable prise de conscience de ses fautes, puisqu’il n'a cessé de se poser en victime (PV aud. 2 ; jugt, p. 3), allant même jusqu'à refuser de s'excuser (jugt, p. 7);
les excuses qu'il a formulées en toute fin d'audience (jugt, p. 9) ont paru superficielles au tribunal (jugt, p. 23); elles sont d'autant moins convaincantes que l'intéressé ne les a pas réitérées aux débats d'appel, en présence de l’intimée.
Au vu de ces éléments, le pronostic est défavorable. Le fait que l'appelant ait reconnu T._ (p. 3
supra
) et qu'il ait versé à la plaignante les sommes de 400 et 600 fr. en faveur de l'enfant (p. 4
supra
) ne changent rien à ce constat. Quant à la thérapie que le prévenu prétend avoir suivie auprès d'un médecin psychiatre du [...] pendant trois mois à partir de juin 2014 (p. 3
supra
), sans toutefois apporter la moindre preuve à l'appui de ses allégations, on peut sérieusement douter de son efficacité, dès lors qu'à l'audience de première instance, soit après trois mois de traitement, l'appelant a dit, en parlant au présent : "pour moi il est tout à fait normal que j'aie injurié la plaignante puisqu'elle me prive de ma fille", ce qui laisse songeur.
Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le premier juge a refusé d'accorder le sursis.
Mal fondé, le moyen tiré d’une violation de l’art. 42 CP doit donc être rejeté.
Au surplus, on soulignera que l’exécution d’une peine privative de liberté de 6 mois peut se faire sous le régime de la semi-détention (art. 77b CP), si les conditions en sont remplies, de sorte que l’exécution de la peine ne portera pas notablement atteinte à l’avenir de l’appelant.
3.3
Enfin, dans la mesure où c'est une peine privative de liberté de 6 mois qui a été infligée au prévenu, il y a lieu de corriger d'office la faute de frappe figurant dans l'énumération des disposition légales appliquées, en tête du dispositif du jugement d'appel notifié aux parties le 7 janvier 2015 reprenant celui de première instance, dès lors que ce n'est pas l'art. 41 CP qui s'applique mais l'art. 40 CP.
4.
En conclusion, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
4.1
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel,
comprenant l’indemnité allouée à son défenseur d'office, par 1'490 fr. 40, TVA et débours compris, selon liste des opérations produite (pièce 46), seront mis à la charge du prévenu. Quant à l’indemnité allouée au conseil d’office de Z._, par 500 fr., TVA et débours compris, elle peut être laissée, en équité, à la charge de l’Etat.
4.2
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4edc9f04-6e3e-48bc-bb0c-efa19237a6d9 | En fait :
A.
Par jugement du 16 février 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que C._ s'est rendu coupable de tentative de viol et violation de domicile (I), condamné C._ à une peine pécuniaire de 300 (trois cents) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 200 fr. (deux cents francs), dont 90 (nonante) jours–amende à titre ferme et 210 (deux cent dix) jours-amende avec sursis pendant trois ans (II), alloué ses conclusions à T._ en ce sens que C._ est reconnu débiteur de Malley-Prairie à Lausanne CCP [...] de la somme de 1'000 fr. (mille francs), valeur échue (III) et mis les frais de la cause par 10'342 fr. à la charge de C._, ces frais incluant l'indemnité au conseil LAVI de T._ par 5'994 fr. (IV).
B.
En temps utile, C._ a interjeté appel contre ce jugement. Il a conclu principalement à son acquittement, les frais de la procédure étant mis à
la charge de l'Etat ou de la plaignante et une équitable indemnité au sens de l'art. 429 CPP lui étant allouée. Il a conclu subsidiairement à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouveau jugement dans le sens des considérants.
Par courrier du 26 mars 2012, le Ministère public a déclaré ne pas présenter de demande de non-entrée en matière et a renoncé à déposer un appel joint.
Le 12 avril 2012, le conseil de T._ a indiqué renoncer à présenter une demande de non-entrée en matière ou un appel joint.
Par courrier du 13 avril 2012, C._ a requis à titre de mesure d'instruction complémentaire, l'examen et l'expertise de la mémoire de son téléphone portable, ainsi que de sa carte SIM, en vue de retrouver les sms échangés entre lui et la plaignante durant la période comprise entre les mois de décembre 2009 et février 2010 inclus.
Par courrier du 20 avril 2012, le Président de la Cour d'appel pénale
a rejeté les réquisitions de preuves déposées par l'appelant, les conditions de l'art. 389 CPP n'étant pas remplies.
Aux débats d'appel, C._ a, sous forme de question préjudicielle, contesté la validité de l'acte d'accusation. Il a, en outre, réitéré sa requête de mesures d'instruction complémentaires. Tant la conclusion préjudicielle que les mesures d'instruction requises ont été rejetées par la Cour.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
C._, né le 27 décembre 1968 à Divo, en Côte d'Ivoire, est originaire de Belgique. A l'époque des faits de la présente cause, il était médecin assistant au CHUV et gagnait environ 7'000 fr. par mois. Il vivait dans le même immeuble de petits logements que la plaignante, sis à l'avenue [...] à Lausanne, occupé par des infirmières ou soignants du CHUV. Il avait une amie valaisanne chez qui il passait son temps libre, raison pour laquelle il se contentait, selon ses explications, d'un logement modeste.
C._ est actuellement établi comme médecin interniste indépendant et médecin scolaire à Apples. Il s'est dit très affecté par la procédure pénale dont il fait l'objet, et par les conséquences disciplinaires qui pourraient en découler et a indiqué avoir réduit ses horaires de travail et avoir annoncé à l’EMS [...] qu'il comptait mettre fin à sa collaboration avec cet établissement. Depuis le jugement de première instance, C._ précise que ses revenus mensuels ont diminué et s’élèvent désormais à 20'000 francs.
Le casier judiciaire de C._ est vierge.
2.
T._, née en 1975, est aide-soignante au CHUV. A l'époque des faits, elle était enceinte de son troisième enfant, né en automne 2010. Elle a fait la connaissance de l'appelant dans le cadre de son travail en novembre 2009. L'appelant affirme qu'ils auraient entretenu une relation amoureuse en décembre 2009, ce que conteste la plaignante. Cette dernière a précisé qu'entre Noël et Nouvel An, C._ s'était rendu chez elle pour discuter et qu'à cette occasion, il aurait essayé d'entretenir une relation sexuelle avec elle, tentant de la faire basculer sur le lit où elle se trouvait assise, baissant la fermeture de son pantalon et sortant son sexe en érection et recouvert d'un préservatif. Il a toutefois renoncé à ce projet, la plaignante s'y opposant, et a présenté immédiatement des excuses, expliquant qu'il avait des soucis avec sa copine et qu'il ne savait pas ce qui lui avait pris, ajoutant que cela ne se reproduirait plus. En janvier 2010, la fille aînée de T._, qui vivait alors en Afrique, a eu un accident qui a nécessité son hospitalisation sur place. Durant cette période, T._ et C._ ont échangé des sms, la plaignante soutenant qu'elle avait simplement demandé conseil et soutien moral au médecin, alors que ce dernier affirme qu'elle lui aurait demandé de l'argent pour se rendre en Afrique.
3. a)
Le 16 mai 2010, T._ s'est levée vers 5h30 pour prendre son service au CHUV à 7h. C._ a sonné à la porte de sa voisine, visiblement alcoolisé. Elle l'a fait rentrer chez lui et est partie s'habiller à la salle de bain. C._ s'est déshabillé et s'est couché sur le lit, ne gardant que son caleçon et un T-shirt. Lorsque T._ est sortie de la salle de bain, il s'est levé, s'est positionné derrière elle, son sexe en érection, et a mis ses bras autour de son ventre. Il lui a dit qu'il voulait entretenir une relation sexuelle avec elle, ce qu'elle a refusé. Après avoir vainement tenté de la faire tomber sur le lit, il est parvenu à baisser le pantalon et le slip de T._ jusqu'à mi-cuisse, l'a fait basculer en avant et a essayer de la pénétrer en vain. La plaignante a dit avoir senti que l'appelant avait éjaculé sur elle. Après lui avoir demandé d'arrêter, elle est parvenu à se dégager et est partie à la salle de bain pour se nettoyer. A sa sortie de la salle de bain, l'appelant est à nouveau venu vers T._ et l'a maintenue contre la porte d'une main tandis que de l'autre, il a tenté d'introduire ses doigts dans son vagin, par-dessous le pantalon. T._ est finalement parvenue à repousser son assaillant, quittant précipitamment son appartement sans le fermer à clef, C._ s'y trouvant toujours. Choquée par ce qu'elle venait de subir, T._ s'est confiée à une collègue et amie, G._ peu après être arrivée à son travail.
b)
T._ a fini son service au CHUV à 16h. En arrivant chez elle, elle a trouvé posé sur son lit un mot d'excuse que C._ avait rédigé après s'être introduit chez elle dans la matinée. C._ affirme avoir écrit ce mot d'excuse car il aurait insulté la plaignante et lui aurait fermé la porte au nez après que cette dernière lui aurait fait des avances à caractère sexuel contre de l'argent. Dans un premier temps, il a soutenu avoir rédigé ce mot chez lui et avoir eu l'intention de le glisser sous la porte de sa voisine. Il a ensuite prétendu qu'il n'était pas parvenu à glisser le mot sous la porte, qu'il était donc entré dans l'appartement et que – le mot s'étant froissé – il avait écrit un nouveau mot d'excuse sur un post-it trouvé sur place. Le mot a été trouvé sur place par les enquêteurs alors qu'il avait été jeté dans une poubelle par T._ qui a ensuite pris le train pour Lyon pour des raisons familiales en fin d'après-midi. Arrivée à Lyon, elle a jeté le pantalon qu'elle portait, dont elle ne voulait plus.
Trois jours plus tard, alors qu'elle s'était retrouvée face à son agresseur dans la chambre d'un patient, elle n'a pu continuer à travailler et est allée parler de ce qui s'était produit à sa responsable. Sur les conseils du service des ressources humaines du CHUV, elle a déposé plainte contre C._ le 19 mai 2010. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les forme et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP), l'appel de C._ est recevable. Il convient donc d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
3.1
C._ invoque en premier lieu la nullité de l'acte d'accusation, le procureur n'ayant – selon lui – pas respecté les conditions formelles de clôture de l'instruction au sens de l'art. 318 CPP, ce vice entraînant la nullité ou l'annulabilité de l'acte d'accusation.
La Cour a déjà statué sur ce grief, par décision préjudicielle figurant en p. 3 et 4 du procès-verbal, à laquelle il y a lieu de se référer.
3.2
L'appelant se prévaut également de la violation de son droit d'être entendu, soutenant que les premiers juges auraient ignoré les moyens de preuves qu'il proposait.
En réalité les réquisitions de l'appelant n'ont pas été ignorées par le tribunal mais elles ont été rejetées. En particulier, les moyens probatoires relatifs au contenu de sms échangés entre les parties n'ont pas été acceptés car l'administration de telles preuves n'était plus possible (P. 20). On ne discerne donc aucune violation du droit d'être entendu de l'appelant. Pour le reste, il appartenait à la défense de l'appelant de renouveler ses réquisitions de preuves aux débats en application de l'art. 345 CPP, ce qu'elle s'est abstenue de faire jusqu'à la clôture de la procédure probatoire. Le grief doit donc également être rejeté. Pour le surplus, la Cour se réfère à la décision préjudicielle déjà mentionnée.
4.
L'appelant conteste les faits retenus par le premier juge, qui selon lui, a conclu à sa culpabilité en violation du principe de la présomption d'innocence.
4.1
La présomption d'innocence, qui est garantie par l'art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38, c. 2a).
4.1.1
En l'occurrence, le premier juge, après avoir examiné en détail les versions antagonistes de l'appelant et de la plaignante, s'est déclaré convaincu par la véracité des déclarations de cette dernière. Il a motivé sa conviction par plusieurs éléments: la version de la plaignante au sujet des événements du 16 mai 2010 n'avait pas varié et présentait les accents de la sincérité, la version de l'appelant paraissait peu vraisemblable sur certains points du déroulement des faits et il avait en outre adapté sa version au déroulement de l'enquête, démontrant par là qu'il pouvait mentir (jgt., p. 24).
On ne distingue dès lors pas de violation des règles concernant le fardeau de la preuve, le tribunal ayant énoncé les éléments propres à considérer la culpabilité de l'appelant comme démontrée.
4.2
S'agissant de l'appréciation des preuves, il faut examiner si les faits ont été établis à satisfaction de droit.
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
4.2.1
Le tribunal de première instance a expliqué n'avoir pas pu se forger de conviction au sujet de prétendues relations sexuelles consenties entre les parties qui auraient eu lieu entre Noël et Nouvel An, mais que cela importait peu, de même que de savoir si la plaignante aurait demandé de l'argent à l'appelant (jgt., p. 22) ou encore de connaître le contenu des sms échangés entre les parties en janvier 2010 (jgt., p. 23). Contrairement à ce que soutient l'appelant, le premier juge a examiné la crédibilité de la plaignante, après avoir exposé la version de l'appelant au sujet des avances sexuelles qu'elle lui aurait faites en tentant d'obtenir de l'argent le matin du 16 mai 2010. Il a considéré que la version de l'appelant au sujet des faits du
16 mai 2010 était peu vraisemblable au contraire de celle de la plaignante et qu'il n'y avait pas de place pour un doute raisonnable (jgt., pp. 24-25 consid. 5).
Cette appréciation ne prête pas le flanc à la critique. On voit effectivement mal qu'une infirmière prenant son service à 7h un dimanche matin se rende spontanément au préalable chez une connaissance pour lui demander de l'argent en l'invitant par des caresses à l'acte sexuel. On se représente par contre mieux un homme éméché, rentrant au petit matin après une nuit festive, se présenter chez une femme avec laquelle il prétend avoir déjà eu des rapports sexuels, pour passer un moment agréable avec elle. Ainsi, et contrairement à ce que soutient l'appelant, le fait qu'il aurait déjà entretenu des rapports sexuels avec la plaignante n'est pas forcément de nature à discréditer la version de celle-ci. Les circonstances dans lesquelles l'appelant se serait, selon lui, excusé après les faits du 16 mai 2010 sont, en revanche, invraisemblables, comme l'ont été ses explications premières au sujet du fait qu'il aurait glissé ce mot d'excuse sous la porte palière du logement de la plaignante.
Si des incertitudes subsistent de part et d'autre s'agissant de la nature des relations qu'ont pu entretenir les parties entre Noël et Nouvel An ou encore s'agissant du contenu des sms échangés durant cette période, cela n'entache pas de manière irrémédiable la crédibilité de la version de la plaignante, qui n'avait aucun intérêt à inventer les faits et qui on le rappelle - était à l'époque des faits enceinte du père de sa fille aînée, avec qui elle entretient une relation stable. Le fait que T._ ait quitté précipitamment son appartement sans le fermer à clef démontre qu'elle a voulu fuir son agresseur. Il en est de même du fait qu'après sa journée de travail, qu'elle a passé habillée de son uniforme d'aide-soignante, la plaignante ait décidé de détruire les habits maculés associés à l'agression subie dans la matinée. Enfin, le contexte de la dénonciation, par le truchement de l'employeur, asseoit la véracité des incriminations. .
4.2.2
Il en résulte que l'appréciation des preuves du premier juge est adéquate et qu'aucun fait erroné n'a en définitive été retenu. Ce grief, mal fondé, ne peut qu'être rejeté.
4.3
La condamnation de l'appelant pour tentative de viol et violation de domicile doit en conséquence être confirmée. La quotité de la peine est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle. Elle ne relève ni d’un abus ni d’un excès du pouvoir d’appréciation dont jouit l’autorité de première instance, laquelle n’a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l’art. 47 CP. S'agissant en particulier de la quotité du jour-amende, fixée à 200 fr., l'appelant a expliqué aux débats d'appel avoir volontairement réduit ses horaires de travail et avoir renoncé à certains mandats. Il n'allègue toutefois pas que le montant du jour-amende serait incompatible avec la réduction volontaire de ses revenus. Quoi qu'il en soit, le montant du jour-amende reste correctement proportionné, compte tenu des revenus élevés de l'appelant et de ses charges de célibataire. La peine sera donc confirmée.
5.
L'appelant critique ensuite la motivation du premier juge s'agissant de l'octroi d'un sursis partiel.
5.1
Selon l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (al. 1). Le juge peut prononcer, en plus du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon l’art. 106 (al. 4).
Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_482/2011 du 21 novembre 2011 c. 2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2). Pour émettre ce pronostic, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 c. 2.1; ATF 135 IV 152 c. 3.1.2 non publié; ATF 134 IV 1 c. 4.2.1).
Dans le cas des peines privatives de liberté qui entrent dans le champ d'application commun des art. 42 et 43 CP (soit entre un et deux ans), le sursis ordinaire (art. 42 CP) constitue la règle et le sursis partiel (art. 43 CP) l'exception. Celle-ci ne peut être admise que si l'octroi du sursis à l'exécution d'au moins une partie de la peine nécessite, à des fins de prévention spéciale, que l'autre partie de la peine soit exécutée. S'il existe des doutes très importants au sujet du comportement futur de l'auteur, notamment au vu de condamnations antérieures, le juge peut prononcer une peine assortie du sursis partiel au lieu d'un sursis total, et ceci même si les doutes mentionnés ne suffisent pas, après appréciation globale de tous les éléments pertinents, pour poser un pronostic défavorable (ATF 134 IV 60 c. 7.4).
5.2
En l'occurrence, le recourant, qui a été condamné à une peine de trois cents jours-amende, remplit la condition objective du sursis.
Le premier juge a fondé l'octroi d'un sursis partiel sur la nécessité de prononcer une sanction immédiate, compte tenu de l'attitude de l'appelant qui a persisté à dénigrer sa victime et n'a montré aucune prise de conscience durant toute la procédure, et pour lui faire comprendre la gravité de son comportement et atteindre l'effet d'amendement et de prévention spéciale inhérents à toute sanction (jgt., p. 26).
Lorsque, comme dans le cas d'espèce, le sursis partiel porte sur
une peine pécuniaire, le juge fait en réalité usage de la possibilité conférée par l'art. 42 al. 4 CP de cumuler la peine principale assortie du sursis avec une peine pécuniaire ferme. A cet égard, le premier juge dispose d'un très large pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 1 c. 4.5.2). En considérant que, pour des motifs de prévention spéciale tenant à l'état d'esprit manifesté par un auteur qui n'a montré aucune prise de conscience, une sanction immédiate se justifiait, le premier juge n'a pas outrepassé son large pouvoir d'appréciation. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
6.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé dans son entier.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de C._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 1'910 fr., (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l'indemnité de conseil d'office de la plaignante pour la procédure d'appel allouée à Me De Courten par 2’214 fr. (433 al. 1 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4edef639-a628-41bb-bbcb-de84d87e2b3b | En fait :
A.
Par jugement du 13 février 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a libéré H._ du chef de prévention d’escroquerie (I), libéré M._ des chefs de prévention d’escroquerie et de violation du devoir d’assistance et d’éducation (II), constaté que M._ s’est rendue coupable de lésions corporelles simples qualifiées, de voies de fait qualifiées et d’infraction à la Loi fédérale sur l’assurance chômage (III), condamné M._ à la peine de 160 heures de travail d’intérêt général, avec sursis pendant 3 ans, ainsi qu’à une amende de 100 francs, la peine privative de liberté de substitution étant de 5 jours en cas de non paiement fautif de cette amende (IV), révoqué le sursis à la peine de 120 heures de travail d’intérêt général prononcée le 16 novembre 2009 à I’encontre de M._ par le Juge d’instruction du Nord vaudois Yverdon (V), ordonné le maintien au dossier à titre de preuve des deux CD séquestrés sous n° 13599/12 (VI), arrêté l’indemnité allouée au défenseur d’office d’H._, l’avocat Diego Bischof, à 2'864 fr. 15, débours et TVA compris (VII), arrêté les frais à la charge de M._ à 4’554 fr. 35, et à la charge d’H._, à 1’434 fr. 80, étant précisé que les frais comprennent l’indemnité allouée sous chiffre VII ci-dessus (VIII), et dit que le remboursement de l’indemnité mentionnée sous chiffre VII ci-dessus est subordonné à l’amélioration de la situation économique de M._ et d’H._ (IX).
B.
Le 22 février 2013, le Service de prévoyance et d’aide sociales (ci-après : le SPAS), plaignant, a interjeté appel, concluant, avec suite de frais, à la réforme du jugement précité en ce sens qu’H._ et M._ sont reconnus coupables d’escroquerie et condamnés à une peine que justice dira.
Le 21 mars 2013, le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois a également interjeté appel, concluant à la réforme des chiffres I à IV du jugement en ce sens qu’H._ est condamné pour escroquerie à la peine de 30 jours-amende avec sursis pendant deux ans, la valeur du jour-amende étant fixée à 20 francs, à ce que M._ est libérée du chef de prévention de violation du devoir d’assistance et d’éducation, qu’elle est reconnue coupable de lésions corporelles simples qualifiées, de voies de fait qualifiées, d’escroquerie et d’infraction à la Loi fédérale sur l’assurance chômage, et qu’elle est condamnée à une peine de 360 heures de travail d’intérêt général, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 16 novembre 2009 par le Juge d’instruction du Nord vaudois.
Seule F._, par son défenseur et curateur, s’est déterminée sur les deux appels, déclarant n’avoir aucun motif de non-entrée en matière et renoncer à un appel joint (lettre du 21 mars 2013).
Aucune mesure d’instruction n’a été requise.
Une audience s’est tenue le 31 mai 2013.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
La prévenue M._ est née le 23 juin 1965 au Maroc, pays dont elle est ressortissante. Elle y a suivi sa scolarité obligatoire, puis des études jusqu’au baccalauréat, sans toutefois obtenir ce diplôme. Elle a, par la suite, entrepris une formation de technicienne pour les moulins à vent à l’institut de technologie appliquée, sans parvenir à trouver un travail dans ce domaine. Après s’être formée comme technicienne en gestion informatique pendant un an, elle a travaillé dans la comptabilité et la gestion pendant plusieurs années, avant de vivre de petits emplois. En 1996, elle a décidé de venir en Suisse pour trouver un emploi. Elle a travaillé dans des cabarets du Canton de Vaud, puis a rencontré son premier mari, B._, avec qui elle s’est mariée en juillet 1997 et a eu une fille, F._, en 1999. Après cinq ans de vie commune, le couple s’est séparé et l’intéressée est partie s’installer à Yverdon-les-Bains avec sa fillette. Peu après sa séparation, elle a rencontré H._, qu’elle a accueilli dans son appartement à fin 2002, et qu’elle a épousé en 2005. Titulaire d’un permis C, M._ perçoit une demi-rente AI mensuelle de 375 francs, ainsi que des prestations complémentaires d’environ 1'100 francs par mois. Elle travaille sur appel comme intervenante à domicile pour le compte de [...], qui lui verse un salaire mensuel moyen de 1'500 francs.
Le prévenu H._, né le 5 mai 1970 à Lausanne, est originaire de Morrens (VD). A la fin de sa scolarité obligatoire, il a suivi un apprentissage de maçon sans obtenir de CFC. Après avoir travaillé dans divers domaines, il a trouvé un emploi comme chauffeur professionnel à mi-temps auprès de l’entreprise Taxi Moderne à Yverdon, et réalise un salaire mensuel net de 1'441 francs. Il exerce également une activité accessoire rémunérée en tant qu’arbitre de basket.
Le couple, entièrement subsidié pour l’assurance-maladie, est domicilié à Yerdon-les-Bains où il occupe un appartement au loyer de 1'600 francs par mois, charges comprises.
M._ et H._ font l’objet de nombreuses poursuites, notamment pour des arriérés d’impôts, ainsi que d’actes de défaut de biens, pour environ 10'000 francs.
Le casier judiciaire d’H._ est vierge.
Le casier judiciaire suisse de M._ fait état d’une condamnation par ordonnance 16 novembre 2009 du Juge d’instruction de l’arrondissement du Nord vaudois, pour lésions corporelles simples qualifiées, à 120 heures de travail d’intérêt général avec sursis pendant 3 ans (faits du mercredi 17 juin 2009 ; P. 8).
2.
M._ et H._ ont été renvoyés devant le premier juge selon acte d'accusation du Procureur de l'arrondissement du Nord vaudois du 27 juillet 2012. La cour de céans s’y réfère en y ajoutant les précisions utiles à la présente cause. Elle retient les éléments suivants :
2.1
D’avril 2007 à avril 2009, M._ a reçu de pleines indemnités journalières de l’assurance chômage, quand bien même elle exerçait une activité lucrative au sein de l’association [...], ce qu’elle a caché à la caisse de chômage. Elle a ainsi perçu indûment un montant de 7'589 fr. 25. Le Service de l’emploi a dénoncé la prévenue par acte du 11 novembre 2009.
Pour ces faits qu’elle a admis, l’intéressée a été reconnue coupable d’infraction à la Loi fédérale sur l’assurance-chômage.
2.2
H._ et M._ ont déposé une demande de revenu d’insertion (ci-après : RI) le 19 octobre 2007, à l’aide d’un formulaire dont le point 6 avait le contenu suivant
«[...]
celui qui aura trompé l’autorité par des déclarations inexactes, aura omis de lui fournir les informations indispensables ou ne lui aura pas fourni les informations par elle requises, est passible d’une amende de 10'000 francs au plus »
(P. 5/1). Cette requête a été acceptée par le Centre social régional d’Yverdon-Grandson (ci-après : le CSR).
Mis au bénéfice du RI dès novembre 2007, les époux Mermet ont renseigné chaque mois l’administration au sujet de leur situation financière à l’aide de la formule ad hoc du CSR. Ce document, qui était rempli par M._ puis signé par les deux prévenus (jugement p. 9), comportait le texte ci-dessus ainsi que la mention selon laquelle :
«chaque membre du ménage doit déclarer sans délai tout fait nouveau de nature à modifier le montant des prestations allouées ou à justifier leur suppression [...]. En effet, l’autorité d’application peut réduire, voire supprimer le RI lorsque le bénéficiaire dissimule l’exercice d’activités lucratives ou ne signale pas des éléments de revenu ou de fortune susceptibles de modifier les prestations allouées [...]»
(P. 5/2).
Ainsi, dès novembre 2007, ils ont déclaré, à titre de revenu, la rente AI de M._, la pension alimentaire de l’enfant et les allocations familiales. Dès avril 2008, ils ont ajouté les allocations chômage d’H._.
M._ versant 385 fr. par mois à ses parents au Maroc alors que le couple n’avait que le minimum vital, le CSR a soupçonné l’existence d’autres revenus cachés. Il a diligenté une enquête qui a révélé que, jusqu’en décembre 2008, les prévenus lui avaient caché le fait qu’ils étaient, à eux deux, titulaires de cinq comptes bancaires, sur lesquels étaient versés des revenus non déclarés, de manière à percevoir des prestations d’assistance auxquelles ils n’avaient pas droit. Ainsi, de novembre 2007 à décembre 2008, les prévenus ont encaissé indûment un montant de 7'537 fr. 10.
Agissant au nom du Département de la santé et de l’action sociale (DSAS), le SPAS a déposé une plainte pénale le 11 août 2010 contre M._ et H._ pour escroquerie, subsidiairement pour contravention à l’art. 75 LASV (loi sur l’action sociale vaudoise du 2 décembre 2003; RSV 850.051).
M._ et H._ ont admis ne pas avoir annoncé l’existence des comptes et des revenus litigieux. Ils ont toutefois prétendu qu’ils croyaient ne rien devoir déclarer en raison, notamment, de la modicité des montants concernés (jugement, pp. 5, 6, 9 et 14). Le tribunal a retenu ces explications et les a libérés du chef de prévention d’escroquerie
(jugement p. 13).
2.3
Depuis sa condamnation du 16 novembre 2009 par le Juge d’instruction du Nord vaudois pour lésions corporelles simples qualifiées sur la personne de sa filleF._, la prévenue M._ a continué à punir sa fille plus ou moins régulièrement, en la frappant dans le dos, sur les jambes ou sur les mains, avec un bâton ou à mains nues. Dans le courant 2010, elle a notamment frappé son enfant parce qu’elle avait lissé ses cheveux. Le 9 mai 2011, alors qu’elle était rentrée tardivement de l’école lors de la pause de midi, la jeune F._ a été violentée par sa mère, qui l’a saisie par les cheveux, griffée au visage, tapée et griffée dans le dos, avant de lui tordre le bras gauche. F._ a subi une griffure au niveau de la joue droite d’une longueur de 3-4 cm, des douleurs à la palpation de la joue droite, des lésions compatibles avec des griffures au niveau dorsal entre les deux omoplates, des lésions superficielles multiples (environ 4-5), d’une longueur de quelques millimètres à 1 cm, des douleurs à la palpation de la région interscapulaire, une contracture importante de la musculature paravertébrale dorsale, ainsi que des douleurs à la palpation de l’avant-bras gauche, versant cubital, n’entraînant pas de lésion cutanée visible ni de tuméfaction.
Pour ces faits qu’elle a reconnus, M._ a été reconnue coupable de lésions corporelles simples qualifiées et de voies de fait qualifiées.
Depuis le 8 janvier 2013, la garde de l’enfant F._ a été retirée à la prévenue et confiée au Service de protection de la jeunesse (ci-après : SPJ). L’enfant vit actuellement chez son père. La prévenue ne la voit plus, mais la contacte par téléphone trois ou quatre fois par semaine en attendant que le SPJ mette sur pied un droit de visite. M._ s’est engagée à contacter un psychologue pour tenter de comprendre son comportement envers sa fille et améliorer ses relations avec elle (jugement p. 6). | En droit :
1.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
Les déclarations d’appel du SPAS et du Ministère public ont été déposée en temps utile (art. 399 al. 1 et 3 CPP) contre une décision rendue par une autorité de première instance qui a clôt la procédure au sens de l'art. 398 al. 1 CPP. Elles sont donc recevables et il y a lieu d'entrer en matière.
2.
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon
l'art. 389 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0), la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L’appel du SPAS et celui du Ministère public portent sur le même objet et développent les mêmes arguments. Il y a donc lieu de les traiter ensemble.
3.1.
Les appelants reprochent au premier juge d’avoir acquitté les deux prévenus du chef d’accusation d’escroquerie.
Les faits retenus, admis sur le plan objectif mais contestés sur le plan subjectif par les intéressés (jugement, pp. 5, 6, 9 et 14), sont en bref les suivants : dès novembre 2007, les prévenus ont bénéficié de prestations RI et ont déclaré uniquement la rente Al de l’épouse, la pension alimentaire de l’enfant de M._ et les allocations familiales. Dès avril 2008, ont été ajoutées les allocations chômage du mari. Jusqu’au mois de décembre 2008, de façon à percevoir des prestations d’assistance auxquelles ils n’avaient pas droit, les intéressés ont sciemment caché au CSR le fait qu’ils étaient titulaires, l’un ou l’autre, de cinq comptes bancaires, sur lesquels étaient crédités des montants non déclarés provenant de diverses activités lucratives. Cela leur a permis d’obtenir des prestations indues pour un total de 7’537 fr. 10.
Malgré ces faits, le premier juge a considéré que les prévenus devaient être acquittés de l’accusation d’escroquerie, car la tromperie astucieuse faisait défaut en l’espèce, les deux prévenus ayant agi par maladresse, peur et méconnaissance de leurs devoirs, en étant de bonne foi (jugement p. 13).
Aux termes de l’art. 146 CP, se rend coupable d’escroquerie, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers.
L’astuce est réalisée non seulement lorsque l’auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu’il se borne à donner de fausses informations dont la vérification n’est pas possible, ne l’est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l’auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu’elle renoncera à le faire, par exemple en raison d’un rapport de confiance particulier (ATF 133 IV 256 c. 4.4.3, ATF 128 IV 18 c. 3a p. 20).
L’astuce n’est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence que l’on pouvait attendre d’elle. Il n’est pas nécessaire, pour qu’il y ait escroquerie, que la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence et qu’elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles. La question n’est donc pas de savoir si elle a fait tout ce qu’elle pouvait pour éviter d’être trompée. L’astuce n’est exclue que lorsque la dupe est coresponsable du dommage parce qu’elle n’a pas observé les mesures de prudence élémentaires que commandaient les circonstances (ATF 128 IV 18
c. 3a p. 20).
La jurisprudence a notamment considéré comme une escroquerie le fait de dissimuler des éléments de revenus ou de patrimoine à l’autorité d’aide sociale dans le dessein de capter des prestations (CAPE 31 août 2011/105, c. 5.1.2 ; CCASS 11 janvier 2010/4, c. 3a). Lorsque l’acte litigieux consiste dans le versement par l’Etat de prestations prévues par la loi, il ne peut y avoir escroquerie consommée que si le fait sur lequel portait la tromperie astucieuse et l’erreur était propre, s’il avait été connu par l’Etat, à conduire au refus, conformément à la loi, de telles prestations. Ce n’est en effet que dans ce cas, lorsque les prestations n’étaient en réalité pas dues, que l’acte consistant à les verser s’avère préjudiciable pour l’Etat et donc lui cause un dommage. A défaut de dommage, il n’y a pas escroquerie consommée. Seule une tentative au sens de l’art. 21 CP peut être envisagée à charge de l’auteur (ATF 128 IV 18, c. 3b p. 21).
Aux termes de l’art. 36 LASV, la prestation financière, dont l’importance et la durée dépendent de la situation particulière du bénéficiaire, est versée complètement ou en complément de revenus ou encore à titre d’avance remboursable sur des prestations d’assurances sociales ou privées et d’avances sur pensions alimentaires.
L’art. 38 LASV précise que la personne qui sollicite une prestation financière, ou qui en bénéficie déjà, fournit des renseignements complets sur sa situation personnelle et financière (al. 1). Elle signale sans retard tout changement de sa situation pouvant entraîner la réduction ou la suppression de ladite prestation (aI. 4). Ces principes sont rappelés sur le formulaire de demande RI signé par les bénéficiaires ainsi que les demandes mensuelles de revenus.
Du point de vue subjectif, l’auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d’enrichissement illégitime, un résultat correspondant n’étant cependant pas une condition de l’infraction (ATF 119 IV 210, op. cit. c. 4b p. 214).
Est coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux; il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas; il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet; il peut y adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Ce qui est déterminant c'est que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 135 IV 152 c. 2.3.1; ATF 130 IV 58 ; ATF 125 IV 134). Il faut que le coauteur ait une certaine maîtrise des opérations et que son rôle soit plus ou moins indispensable (ATF 120 IV 17 c. 2d). Ainsi, la contribution du participant principal est essentielle au point que l'exécution ou la non-exécution de l'infraction considérée en dépende (ATF 120 IV 265 c. 2c).
3.2.1
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que les deux prévenus ont été informés de leur obligation de déclarer tous leurs revenus et leurs comptes bancaires lors du dépôt de leur demande de RI. Ils ont tous deux signé la page de la demande rappelant notamment cette obligation (P. 5/1). Les prévenus ont également signé chaque mois une déclaration de revenu sur laquelle est rappelée leur obligation de déclarer tous leurs revenus (P. 5/2). Dans ces circonstances, on ne peut pas considérer qu’ils ignoraient de bonne foi leur obligation de déclarer tous leurs revenus quelle qu’en soit la nature ou le montant, même minime.
Quant aux comptes bancaires, ils sont au nombre de cinq qui n’ont pas été déclarés, dont deux au nom d’H._, sur lesquels ce prévenu a perçu des gains provenant d’une activité accessoire d’arbitre de basketball. Même peu élevés, ces revenus ne pouvaient pas être considérés comme de simples défraiements, comme il le prétend. De l’aveu même de l’intéressé lors des débats de première instance, il était expressément rémunéré à hauteur de 50 francs par match, plus le prix du billet de train et les frais de repas par 25 fr. (jugement, p. 9). Une partie de ce qu’il percevait constitue donc bien un gain qui aurait dû être déclaré au CSR. A raison d’une vingtaine de matches par année selon ses déclarations (ibidem), plusieurs milliers de francs ont ainsi été cachés à l’autorité d’assistance. Ces omissions ne relèvent pas de la négligence ou de l’ignorance de la loi, mais bien d’une intention délibérée de dissimulation. Ce prévenu a d’ailleurs admis qu’il aurait dû annoncer les montants et comptes incriminés au CSR (PV aud. 1).
Quant à M._ elle a exposé, aux débats de première instance, qu’elle versait sur son compte [...] les petits revenus perçus de [...] qu’elle croyait ne pas devoir déclarer en raison de leur modicité. En septembre 2008, elle a reçu 1'096 fr. 75. Réalisant qu’elle devait déclarer ce salaire, elle s’est sentie
« prise au piège »,
ne sachant plus quoi faire, craignant qu’on lui pose des questions sur les montants dont elle avait tu l’existence. Elle a choisi de continuer à se taire, au motif que des
«[...]explications auprès du RI auraient également des conséquences sur ma situation par rapport au chômage. J’avais peur qu’une déclaration ait un effet boule de neige
»
(jugement, pp. 5 et 6). Le premier juge a retenu que la prévenue avait préféré garder le silence par peur, se sentant dépassée par la situation (jugement, p. 14). Cela ne convainc pas. Dès lors que l’intéressée a caché ces mêmes revenus à l’assurance chômage d’avril 2007 à avril 2009, les explications qu’elle fournit révèlent qu’elle cherchait à masquer la commission d’une infraction à la Loi sur l’assurance chômage en commettant une seconde faute. Il n’y a donc là aucune circonstance libératoire, contrairement à ce que retient le premier juge.
Par ailleurs, interrogée par le tribunal sur les raisons de l’ouverture, après le dépôt de sa demande de RI, d’un nouveau compte bancaire à la [...] non déclaré, M._ a répondu que c’était
« par clarté administrative, pour tout ce qui provenait de [...] y figure »
(jugement, p. 5). Le premier juge a retenu ces explications. Cette position ne saurait être suivie. D’une part, si le compte litigieux avait été ouvert pour les raisons de clarté invoquées par la prévenue, on ne voit pas pourquoi elle ne l’a pas déclaré au service social. D’autre part, à la lecture du décompte bancaire [...] (P. 5/3 annexe 1) – correspondant à un compte déclaré – on remarque que du 1
er
janvier 2007 au 30 novembre 2008, l’intéressée y recevait sans souci de clarté administrative les salaires provenant de trois patrons différents. Elle aurait pu continuer à procéder ainsi par la suite, d’autant plus que dès décembre 2008, elle n’avait plus qu’un employeur. Il est dès lors patent que l’ouverture d’un nouveau compte à la [...] ne servait pas l’objectif de clarté allégué. Il faut plutôt retenir qu’aussi longtemps que l’intéressée était au chômage – dont l’autorité compétente ne réclame pas la production de comptes bancaires – elle n’avait aucune raison d’ouvrir un nouveau compte. Ce n’est que lorsqu’elle a compris qu’elle devrait (dès septembre 2008) fournir des documents (au RI), qu’elle a ouvert le compte Raiffaisen litigieux, cela afin de continuer à percevoir sans les déclarer les salaires de [...]. Dans ce cas également, l’intention de dissimuler est évidente.
3.2.2
Les dissimulations auxquelles se sont livrés les prévenus sont astucieuses. Par l’ouverture de ces nouveaux comptes bancaires, les intéressés ont cherché à brouiller les pistes, aux fins de cacher plus facilement des revenus, en comptant sur le fait que ces faits ne seraient pas, ou seraient difficilement vérifiables. Des vérifications usuelles sur les comptes déclarés n’ont du reste pas permis de découvrir les rentrées d’argent cachées (P. 5/3). lI a faIlu interpeller toutes les banques pour découvrir qu’il y avait d’autres comptes. En outre, si l’on considère le nombre de dossiers que traite l’autorité d’assistance, les prévenus savaient bien qu’une enquête complète sur leur situation ne serait pas entreprise d’emblée, mais seulement en cas de soupçons (la page 4 de la demande de RI précise que les requérants s’engagent à signer une procuration sur invitation des services sociaux). Dès lors qu’ils annonçaient dûment certains revenus, les prévenus donnaient l’apparence d’une situation régulière, cherchant ainsi à dissuader la dupe (l’Etat) de procéder à des vérifications. La situation n’est ainsi pas apparu suspecte dès le début, mais seulement lorsque le CSR s’est aperçu que M._ envoyait tous les mois de l’argent au Maroc alors que le couple ne disposait
soi-disant que du minimum vital.
3.2.3
Le RI étant calculé au franc près, chaque revenu compte dans son calcul. La tromperie astucieuse à laquelle se sont livrés les prévenus – et qui a consisté à cacher l’existence de gains – portait sur des faits qui, s’ils avaient été connus, auraient amenés l’Etat à refuser, voire à réduire ses prestations.
3.2.4
Enfin, les agissements des intéressés ont amené l’Etat à leur verser des prestations indues pour 7'537 fr. 10, ce qui constitue son dommage. L’infraction à l’art. 146 CP est donc réalisée pour les deux délinquants qui ont agi comme coauteurs (chaque prévenu connaissait le revenu de l’autre ; M._ remplissait les formules RI incomplètement, puis les signait, de même que son époux; leurs actions conjuguées ont été indispensables à la réalisation des infractions et à l’obtention du résultat frauduleux).
3.3
Il s’ensuit que M._ et H._ doivent être reconnus coupables d’escroquerie. Les deux appels s’avèrent donc bien fondés sur ce point et doivent être admis.
4.
Il sied de fixer la peine à infliger à chacun des prévenus compte tenu de ce nouveau chef de condamnation. Le SPAS s’en remet à justice, tandis que le Ministère public requiert une peine de 30 jours-amende à 20 fr. pour H._, ainsi que 360 heures de travail d’intérêt général pour M._, peine partiellement complémentaire à celle prononcée en novembre 2009.
4.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s, ATF 129 IV 6 c. 6.1 p. 20; TF 6B_759/2011 du 19 avril 2012 c. 1.1).
Dans la conception de la nouvelle partie générale du Code pénal, la peine pécuniaire constitue la sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Quant au travail d'intérêt général, il suppose l'accord de l'auteur. En vertu du principe de proportionnalité, il y a en règle générale lieu, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement. La peine pécuniaire et le travail d'intérêt général représentent des atteintes moins importantes et constituent aussi des peines plus clémentes. Ainsi une peine pécuniaire sera toujours considérée comme moins sévère qu'une peine privative de liberté, une sanction patrimoniale étant moins lourde qu'une atteinte à la liberté personnelle. De même, le travail d'intérêt général sera moins sévère qu'une peine privative de liberté et que l'amende selon l'ancien droit, dès lors que son prononcé nécessite l'accord de l'auteur. Une peine pécuniaire peut être exclue pour des motifs de prévention spéciale (TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011, c. 3.4).
Le droit au sursis s'examine selon les critères posés à l'art. 42 CP qui ont été rappelés dans l'arrêt publié aux ATF 135 IV 180 c. 2.1. Il y est renvoyé. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (ATF 134 IV 5 c. 4.2.2).
4.2.1
La faute H._ est légère dès lors que l’escroquerie dont il s’est rendu coupable est de faible ampleur. A sa charge, on retiendra qu’il a persisté à plaider sa maladresse alors qu’il avait sciemment dissimulé ses revenus accessoires au RI. L’absence d’antécédent judiciaire est un élément neutre (ATF 136 IV 1).
Vu ce qui précède, une peine de trente jours-amende est adéquate pour sanctionner le comportement d’H._. La valeur du jour-amende doit être fixée à 20 francs pour tenir compte de la situation économique du prévenu au moment du jugement (ATF 116 IV 4 c. 3a). Cette peine doit être assortie d'un sursis, le pronostic n'étant pas clairement défavorable. Un délai d'épreuve de deux ans s'avère en outre suffisant pour prévenir tout risque de récidive (art. 44 CP).
4.2.2.1
La faute de M._ n’est pas légère. Ayant déjà trompé l’assurance-chômage pour toucher des prestations indues de cet assureur, elle fait de même avec le CRS. A sa charge, on retiendra également le concours d’infractions et la récidive spéciale. Déjà condamnée en novembre 2009 pour lésions corporelles simples qualifiées sur la personne de sa fille à 120 heures de travail d’intérêt général avec sursis pendant 3 ans, l’intéressée a continué à violenter son enfant en 2010 et au mois de mai 2011, en la frappant avec divers objets. Seul le retrait de la garde de F._ a permis une prise de conscience. A la décharge de M._, on retiendra qu’elle regrette son comportement et souhaite y remédier en consultant un spécialiste.
S’agissant du genre de sanction à infliger à cette prévenue, une peine sous forme de travail d’intérêt général est adéquate au vu de sa situation économique, dès lors qu’elle y a consenti, et qu’on ne se trouve pas dans un cas où la prévention spéciale commande une autre peine.
4.2.2.2
La quotité de la peine à infliger à M._ sera fixée en tenant compte du concours d’infractions.
En cas de concours réel rétrospectif partiel, soit lorsque, parmi plusieurs infractions à juger, l'une au moins a été commise avant d'autres jugées précédemment (cf. art. 49 al. 2 CP), il faut déterminer d'abord celle pour laquelle la loi prévoit la peine la plus grave. Lorsque l'infraction la plus grave est celle à juger qui a été commise avant le premier jugement, une peine complémentaire (hypothétique) au premier jugement doit être fixée et sa durée augmentée pour tenir compte des actes commis après ce premier jugement. L'élément de la peine d'ensemble relatif à l'acte en concours rétrospectif sera déterminé comme une peine additionnelle à celle déjà prononcée. Cette méthode permet d'appliquer l'art. 49 al. 1 CP sans négliger l'art. 49 al. 2 CP. Sur le plan formel, la sanction est toujours une peine d'ensemble mais, sur celui de sa quotité, il est tenu compte du concours rétrospectif (TF 6B_685/2010 du 4 avril 2011, c. 4.1 et les références citées).
La jurisprudence fédérale a en outre précisé que si comme en l’espèce, le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement (art. 49 al. 2 CP). Le prononcé d'une peine complémentaire suppose que les conditions d'une peine d'ensemble au sens de
l'art. 49 al. 1 CP sont réunies. Une peine additionnelle ne peut ainsi être infligée que lorsque la nouvelle peine et celle qui a déjà été prononcée sont du même genre. Des peines d'un genre différent doivent en revanche être infligées cumulativement car le principe d'absorption n'est alors pas applicable (TF 6B_1082/2010 du 18 juillet 2011 c.2.2 et les références citées).
Le cas du concours réel rétrospectif partiel est réalisé en l’espèce puisqu’il s’agit de juger des infractions perpétrées d’avril 2009 à mai 2011 alors qu’un jugement a déjà été rendu en novembre 2009 condamnant M._ pour des faits datant de juin 2009. Les sanctions étant du même genre (travail d’intérêt général), il s’agit de fixer une peine additionnelle à celle déjà prononcée. Au vu de la nature de la faute, des éléments à charge et à décharge retenus ci-dessus, une peine d’ensemble de 280 heures s’avère adéquate. Cela étant, si l’on tient compte des 120 heures infligés précédemment, la peine additionnelle à fixer en l’espèce sera de 160 heures. Pour tenir compte du concours réel rétrospectif partiel, cette nouvelle peine sera partiellement complémentaire à celle prononcée en 2009. A cet égard, le chiffre III du dispositif notifié aux parties le 3 juin 2013 doit être rectifié d’office (art. 83 al. 1 CPP), car il comporte une erreur manifeste dans la mesure où il mentionne faussement 280 heures de travail d’intérêt général – ce qui correspond à la peine d’ensemble – au lieu des 160 heures de travail d’intérêt général infligées dans la présente procédure.
4.3
Le Parquet demande, qu’outre la révocation du sursis accordé en 2009, la nouvelle peine soit ferme.
4.3.1
Aux termes de l’art. 46 CP, si, durant le délai d’épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu’il y a dès lors lieu de prévoir qu’il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Il peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d’ensemble conformément à l’art. 49 CP. S’il n’y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation. II peut adresser au condamné un avertissement et prolonger le délai d’épreuve de la moitié au plus de la durée fixée dans le jugement.
Lorsque le juge est appelé à connaître d’un crime ou d’un délit que l’auteur a commis après une précédente condamnation à une peine assortie du sursis, il est également compétent pour statuer sur la révocation de ce dernier (cf. art. 46 al. 3 CP). Il doit donc examiner si les conditions d’une révocation sont réunies, laquelle postule que le crime ou le délit dont il est appelé à connaître ait été commis pendant le délai d’épreuve du sursis antérieur et qu’il y ait dès lors lieu de prévoir que l’auteur commettra de nouvelles infractions (cf. art. 46 al. 1 CP). Cette dernière condition implique l’existence d’un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné (ATF 134 IV 140 c. 4.3 p. 143). Elle correspond donc à l’une des conditions de l’octroi du sursis, de sorte que, comme dans ce dernier cas, le pronostic à émettre doit reposer sur une appréciation d’ensemble de tous les éléments pertinents (arrêt précité, c. 4.4 et les arrêts cités in TF 6B_855/2010 du 7 avril 2011, c. 2.1).
Dans l’appréciation des perspectives d’amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d’un sursis antérieur, le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l’octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l’exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L’inverse est également admissible : si le sursis précédent est révoqué, l’exécution de la peine qui en était assortie peut, par l’effet de choc et d’avertissement (Schock-und Warnungswirkung) issu de la condamnation précédente, y compris en ce qui concerne l’aménagement ultérieur de la vie de l’intéressé, conduire à nier l’existence d’un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (ATF 134 IV 140 c. 4.5 p. 144, spéc. 147 ss).
4.3.2
A l’instar du premier juge, on retiendra que les conditions de la révocation du sursis précédent sont réalisées, ce que les prévenus ne contestent d’ailleurs pas.
M._ ayant pris conscience de la gravité de ses actes et cherchant à s’affranchir de son comportement délictueux avec l’aide d’un thérapeute, on peut considérer que la mise à exécution de la peine de travail d’intérêt général infligée en 2009 sera suffisante pour écarter tout risque de récidive. Cela étant, le pronostic n’est pas défavorable s’agissant de la nouvelle peine fixée, laquelle doit être assortie d’un sursis. La durée du délai d’épreuve doit être fixée à trois ans pour tenir compte des antécédents judiciaires de l’intéressée (44 CP).
5.
En définitive, l’appel du SPAS doit être admis, celui du Ministère public l’être partiellement, dans le sens des considérants.
6.
Il reste à fixer les frais et les indemnités.
6.1
Me Diego Bishof a requis une indemnité d’office pour la procédure d’appel et a produit une liste des opérations. Vu l’ampleur de la présente procédure, qui a notamment nécessité la rédaction d’un mémoire d’appel et la comparution à une audience, un montant 583 fr. 20 doit lui être accordé, lequel correspond à 180 minutes d’honoraires, TVA et débours inclus. M._ et H._ ne seront tenus de rembourser à l'Etat leur part du montant de l'indemnité accordée à Me Diego Bishof que lorsque leur situation financière le permettra.
6.2
Vu le sort des appels, les frais de la procédure d’appel, y compris l’indemnité accordée à leur avocat d’office, sont mis à la charge de H._ et M._ par moitié chacun (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4f62432f-ef78-4694-afca-df65af19c5e5 | En fait :
A.
Par jugement du 5 novembre 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a notamment acquitté M._ (I), a condamné E._ pour viol, menaces et tentative de séquestration et enlèvement à une peine privative de liberté de 3 ans (II), a dit qu’E._ est débiteur de M._ de 12'000 fr., avec intérêts à 5% l’an dès le 26 mars 2011 (III), a rejeté les conclusions civiles d’E._ (IV) et a mis une part des frais, par 3'080 fr. 40, à la charge de M._ et une part des frais, par 19'494 fr. 25, à la charge d’E._ montant incluant l’indemnité à son conseil d’office, remboursable à l’Etat dans la mesure où la situation financière du prévenu le permet (VII).
B.
Le 6 novembre 2014, E._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 17 décembre 2014, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est acquitté, que M._ est condamnée pour lésions corporelles graves et mise en danger de la vie d’autrui, qu’elle doit lui payer une indemnité de 8'000 fr. avec intérêts à 5% l’an dès le 26 mars 2011, que les conclusions civiles de M._ sont rejetées et que les frais de la cause sont entièrement mis à la charge de celle-ci. Il a en outre produit une photographie et trois témoignages écrits et requis l'audition des auteurs de ces témoignages et un rapport complémentaire d'un médecin légiste (cf. consid. 4.8 infra).
Par déterminations du 7 janvier 2015, le Ministère public a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.
Le 29 janvier 2015, la Présidente de la Cour de céans a informé l'appelant du versement au dossier des pièces produites et a rejeté pour le surplus les réquisitions de mesures d'instruction, celles-ci n'étant pas nécessaires au traitement de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Originaire de [...]/SH, E._ est né le [...] 1972 en Somalie. Il a vécu dans le canton de Lucerne avant de venir s'installer à [...] en 2006. Divorcé, il est le père d’un garçon de 17 ans qui vit avec sa mère à [...]. Il ne travaille pas et bénéficie du revenu d’insertion, dont 300 fr. sont retenus à titre de pension pour son fils.
Son casier judiciaire suisse mentionne trois inscriptions :
- 24 août 2005, Amtsstatthalteramt Luzern, non restitution de permis et/ou de plaques de contrôle, amende de 100 fr. ;
- 26 juillet 2006, Staatanwaltschaft des Kantons Solothurn, violation de domicile, amende de 100 fr. ;
- 11 mars 2008, Juge d’instruction de Lausanne, faux dans les titres, contravention à la Loi fédérale sur les transport publics, 5 jours-amende à 20 fr. le jour, sursis de deux ans.
1.2
Originaire de Lausanne, M._ est née le [...] 1987 en Somalie. Elle est mère de deux enfants nés en 2012 et 2014 et est au bénéfice d’une rente de l’assurance-invalidité en raison d'une maladie cardiaque. Elle est fiancée au père de ses enfants qui vit au Yémen, à la suite d’un mariage arrangé et dont la venue prochaine en Suisse ne serait pas à l’ordre du jour. Il semblerait que ce projet de mariage ait été initié en raison des conséquences que pourraient engendrer la présente affaire de mœurs. En tant que victime d'un viol, M._ pourrait se voir rejeter par sa famille ou forcer à épouser son agresseur. Après les faits objets de la présente procédure, M._ a été suivie par un psychologue à raison de cinq séances.
Son casier judiciaire suisse mentionne une inscription :
- 23 janvier 2007, Préfecture de Lausanne, délit contre la LArm, amende de 200 fr., sursis d'un an.
2.
A Lausanne, [...], le 25 mars 2011 entre 13h00 et 16h00, M._ s'est rendue au domicile de son cousin éloigné, E._, parce que ce dernier lui avait promis de lui restituer une importante somme d’argent qu’il lui devait. Devant la porte de son appartement, E._ a saisi avec force le bras gauche de M._ pour l’obliger à entrer, tout en lui mettant une main sur la bouche afin qu’elle ne crie pas. A l’intérieur, il a fermé la porte et a poussé M._ à plusieurs reprises pour la forcer à se diriger vers la chambre à coucher. Une fois tous deux arrivés dans cette pièce, E._ a jeté M._ sur le lit avant de commencer à la déshabiller de force en lui maintenant les jambes, puis les bras. Alors qu’elle était en slip et soutien-gorge, E._ a filmé M._ ou fait semblant de la filmer avec son téléphone portable en lui disant que si elle criait, qu’elle se débattait ou qu’elle allait à la police, il diffuserait les images sur Internet. Il lui a encore dit que si sa famille et son copain la voyaient comme cela, ils ne voudraient plus d’elle. Il s’est ensuite jeté sur M._, lui a tenu les bras et lui a arraché son soutien-gorge. Il a mis une main sur la bouche de cette dernière, laquelle, terrorisée, pleurait, l’empêchant ainsi de respirer. Il lui a ensuite asséné plusieurs gifles, lui a tiré les cheveux et lui a descendu le slip. Il a à nouveau saisi les bras de M._, a écarté les jambes de cette dernière avec les siennes et l’a pénétrée vaginalement à plusieurs reprises, sans préservatif. Après avoir éjaculé, E._ s’est retiré de M._ et s’est couché sur le lit. Cette dernière en a alors profité pour quitter la chambre et se rendre dans la cuisine. E._, qui l’avait suivie, s’est emparé d’un couteau de cuisine qui se trouvait sur une table et l’a dirigé contre M._ en la menaçant de la tuer si elle criait ou si elle parlait à la police de ce qui s’était passé. Il a ensuite jeté le couteau dans l’évier et a repoussé M._ dans la chambre à coucher avant de la jeter sur le lit. A ce moment, I._, sdf que logeait le prévenu, a pénétré dans le logement et s’est couché sur le canapé. Comme il avait bu de l’alcool il s’est immédiatement endormi. M._, qui avait entendu le bruit de la porte, a essayé de demander de l’aide en criant, mais E._ a mis la main sur sa bouche et l’a maintenue un certain temps couchée dans le lit. M._ s’est ensuite relevée et a pris son sac ainsi que son téléphone portable. E._ l’a alors saisie avec force par la mâchoire et lui a pris son téléphone portable avant de se recoucher sur le lit. M._ s’est empressée de s’emparer de son slip, de son pantalon et de son pull et s’est dirigée vers la cuisine. E._ l’a suivie et, à cet endroit l’a de nouveau empoignée par derrière, M._ a saisi un petit couteau qui se trouvait dans l’évier de la cuisine et a demandé à E._ en vain de la laisser partir en le menaçant de se suicider. E._ a tenté de prendre le couteau des mains de M._, qui lui a dès lors asséné un violent coup au niveau du cou en se retournant. Dans l’action, M._ s’est blessée au petit doigt. Elle a quitté l’appartement, le couteau à la main, et a demandé à des passants d’appeler la police.
E._ a souffert d’une plaie cervicale gauche avec section de la veine jugulaire antérieure gauche, d’une lacération du lobe thyroïdien et du pneumo-médiastin, qui a nécessité une hospitalisation de trois jours.
Le 25 mars 2011, M._ a déposé plainte et s'est constituée partie plaignante.
Le 6 octobre 2011, E._ a déposé plainte et s'est constitué partie plaignante. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d'E._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L’immédiateté des preuves ne s’impose toutefois pas en instance d’appel. Selon l’art. 389 al. 1 CPP, la procédure d’appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d’appel administre, d’office ou à la demande d’une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L'appelant invoque tout d'abord une motivation insuffisante du jugement attaqué s'agissant des faits retenus.
3.1
Tel que garanti par l’art. 29 al. 2. Cst., le droit d’être entendu donne notamment à l'intéressé le droit de recevoir une décision suffisamment motivée pour qu’il puisse la comprendre et l’attaquer utilement, s’il le souhaite, et pour que l’autorité de recours soit en mesure, le cas échéant, d’exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que l’autorité mentionne, même brièvement, les raisons qui l’ont guidée et sur lesquelles elle a fondé sa décision, de façon que l’intéressé puisse en apprécier la portée et, éventuellement, l’attaquer en connaissance de cause (ATF 122 IV 8 c. 2c; ATF 121 I 54 c. 2c). Il n’est donc pas nécessaire que les motifs portent sur tous les moyens des parties ; ils peuvent être limités aux questions décisives (ATF 133 III 439 c. 3.3).
Le droit d’être entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle dont la violation entraîne en principe l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 135 I 187 c. 2.2; ATF 132 V 387 c. 5.1). Toutefois, la jurisprudence admet qu’une violation de ce droit en instance inférieure puisse être réparée lorsque l’intéressé a eu la faculté de se faire entendre en instance supérieure par une autorité disposant d’un plein pouvoir d’examen en fait et en droit (ATF 134 I 331 c. 3.1; ATF 133 I 201 c. 2.2).
3.2
Le tribunal correctionnel a exposé sur deux pages entières, sous le chiffre 4 (cf. jgt., pp. 24-26), les motifs qui ont guidé sa conviction. Cela constitue une motivation suffisante. Le fait qu’elle soit contestée par l’appelant ne signifie pas pour autant qu’elle soit insuffisante. Au demeurant, la Cour de céans revoit les faits avec un plein pouvoir d’examen et discutera chacun des moyens invoqués par l’appelant.
Infondé, le grief de l'appelant doit être rejeté.
4.
Invoquant une appréciation erronée des faits, l’appelant reproche aux premiers juges de s’être arbitrairement écartés de sa version et de l’avoir condamné à tort.
4.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966; RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950; RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
4.2
Les parties, toutes deux à la fois plaignantes et prévenues, ont des versions divergentes de ce qui s’est passé entre elles le 25 mars 2011. M._ affirme avoir été victime d'un viol et, afin de pouvoir quitter les lieux, avoir dû se défendre notamment en portant un coup de couteau au lésé, lequel la retenait contre sa volonté. E._ affirme qu’il y a eu une relation sexuelle consentie et que M._, parce qu'elle lui en voulait, l'aurait poignardé dans le but de le tuer. Ce qui ne fait pas de doute est que M._ s’est rendue chez E._ et qu’elle lui a donné un coup de couteau. Pour le reste, il faut trancher entre les versions des deux intéressés, les preuves étant essentiellement circonstancielles.
4.2.1
Les parties divergent déjà sur le type de relation existant entre elles.
L’appelant et l’intimée sont des parents éloignés, ce que tous deux admettent. Mais l’appelant prétend que, depuis 2006 ou 2008 (PV aud. 3; jgt., p. 6), il entretenait une relation sentimentale avec M._, qui le nie, ne reconnaissant qu’une amitié qui aurait pris fin en 2009, lorsqu’elle l’avait soupçonné de lui avoir volé une somme de 20'000 fr. et déposé plainte pour cela. Selon lui, cette relation était mal vue par la famille de l’intimée, raison pour laquelle tous deux se seraient un peu éloignés (PV aud. 5, p. 2) ; ils formaient néanmoins un couple et se voyaient quasiment tous les jours (PV aud. 5, p. 5).
La procédure pénale relative à ce vol, qui a abouti à un non-lieu faute de preuve, a été produite (P. 69). L'appelant n’avait pas, à cette occasion, prétendu qu’il avait une relation intime avec l’intimée et l’avait présentée comme une vague cousine.
Deux témoins ont nié l’existence de cette relation : H._, ex-beau-frère de M._ et ancien colocataire de l’appelant, avec lequel il était certes en mauvais termes en raison du dépôt d’une plainte également pour vol qui n’a pareillement rien donné (jgt., p. 7; P. 70, p. 3), et L._, voisin de l’intimée, qui affirme même que l’appelant aurait tenté de le convaincre de faire un faux témoignage sur ce point (jgt., p. 8). Dans son appel, le condamné soutient qu’il est normal que le témoin L._ n’ait rien vu, puisque les « amoureux » faisaient attention de ne pas se montrer, parce que leur relation ne devait « en aucun cas parvenir à la connaissance de la famille ».
Comme indiqué plus haut, l’appelant a produit une photographie et trois témoignages écrits. La photographie, montrant les parties à ce qui semble être un repas de fête ou au restaurant, ne prouve rien ; l’appelant a la main sur l’épaule de l’intimée, ce qui n’a rien de surprenant entre amis ou cousins. L’appelant n’est pas « collé » à l’intimée mais penché vers elle et tous deux regardent le photographe.
Le premier témoignage écrit émane d’un dénommé R._, qui affirme avoir seulement vu les parties à quelques reprises ensemble et explique qu’à une occasion, à son domicile, M._ avait demandé à son épouse de dire à quelqu’un au téléphone qu’elle était son amie et chez elle. Le témoin en a déduit qu’elle ne voulait pas que l’interlocuteur « sache qu’elle était en réalité chez l’appelant ». Ce témoin a été entendu par le tribunal correctionnel et n’avait pas du tout dit la même chose (jgt., p. 10). Il avait alors dit qu'une fois, l’appelant était venu téléphoner chez lui avec une femme qu’il croyait reconnaître en la personne de l’intimée et qu’il lui avait dit que c’était sa copine. L’appelant a ainsi tenté hors audience d’influencer son témoignage, ce qui corrobore les accusations du témoin L._.
Les deux autres témoignages, de contenu strictement identique, émanent de B._ et A._. Ces personnes affirment avoir souvent, « par exemple à des fêtes de mariage », entre 2007 et 2010, vu ensemble les parties, qui se présentaient et se comportaient comme un couple. Ces témoignages contredisent l’affirmation même de l'appelant selon laquelle la relation aurait été gardée secrète pour éviter qu’elle ne parvienne à la connaissance de la famille. Peut-être est-ce l’appelant qui prenait ses désirs pour la réalité et qui a présenté l’intimée comme son amie, à l’insu de celle-ci.
Au vu des ces éléments, l’audition de ces trois témoins par la Cour d’appel, requise par l’appelant, est inutile.
Enfin, l’analyse d’un téléphone utilisé par l’appelant pour contacter l’intimée le jour des faits a montré que celle-ci ne figurait pas dans le répertoire téléphonique (P. 70).
Partant, l’appréciation des premiers juges sur ce point, selon laquelle rien n’étaie l’existence d'une relation sentimentale entre E._ et M._, n’est pas critiquable.
4.2.2
Le deuxième point de désaccord est le litige financier entre les parties.
L’intimée reste persuadée que l’appelant lui a dérobé une somme de 20'000 fr. provenant d’un rétroactif de l’assurance-invalidité qu’elle conservait chez elle. L’appelant conteste avoir volé cet argent et a prétendu durant l’enquête que l’intimée lui aurait « confié » 10'000 fr. pour les mettre de côté, somme qu’il lui aurait rendue (PV aud. 5, p. 2). La plainte aurait été déposée par jalousie, en raison de leur relation compliquée, notamment « pour le détruire » (PV aud. 3 et PV aud. 5, p. 2). Or cet argument est sans objet en l’absence de relation sentimentale entre eux. De plus, aux débats de première instance, l’appelant a changé de version en affirmant désormais que sa cousine lui avait prêté de l’argent et fait des cadeaux et qu’il lui devait environ 8'000 à 10'000 fr. (jgt., p. 6). Dans le cadre de l’enquête ouverte sur plainte de M._ pour vol, il n’avait toutefois mentionné aucun transfert d’argent entre eux (cf. P. 69). Les explications de l’appelant varient et ne sont donc pas crédibles, si bien que sont les déclarations de M._ qui doivent être retenues.
4.2.3
Les versions des parties divergent également sur le motif de la venue de M._ chez l'appelant.
Il est admis que c’est E._ qui a téléphoné à l'intimée pour lui demander de venir. Cette dernière affirme qu’il lui avait promis de lui rendre l’argent qu’il lui devait. L’appelant a quant à lui déclaré qu’il avait décidé de mettre fin à leur relation (PV aud. 3, p. 2). L’existence de la relation sentimentale entre les parties n’étant pas établie, c’est la version de l’intimée qui est la plus crédible et qui doit être retenue.
4.2.4
Le déshabillage de M._ et la relation sexuelle proprement dite suscitent la controverse.
L’intimée affirme que l’appelant l'aurait jetée sur le lit et lui aurait enlevé ses vêtements (manteau, chaussures, pantalon et pull), aurait arraché son soutien-gorge, lui aurait donné des gifles et tiré les cheveux et aurait descendu sa culotte avant de la violer (PV aud. 1, 4 et 6). Selon l’appelant, il aurait commencé par calmer sa cousine parce qu’elle était furieuse en arrivant. Elle n’aurait pas eu envie de faire l’amour mais aurait fini par accepter, après qu’il eut insisté, mais non sans avoir dit « non non » et s’être débattue un peu ; c’était lui qui l’avait déshabillée, sauf pour le manteau qu’elle avait ôté elle-même, notamment en lui enlevant – mais non en lui arrachant – son soutien-gorge (PV aud. 3 et 5; jgt., p. 6).
Le soutien-gorge a été retrouvé déchiré, ce qui tend à corroborer la version de l’intimée. L’appelant qui n’a pas d’explication au sujet de l’état du soutien-gorge (PV aud. 3, p. 5), émet dans sa déclaration d’appel l’hypothèse que l’intimée l’aurait coupé elle-même dans une mise en scène destinée à l’incriminer. Le rapport de police relatif à l’examen de ce sous-vêtement (P. 55) et les photographies présentes au dossier (P. 57) n’étaient pas l’hypothèse d’un coup de couteau.
En revanche, il ressort du rapport médical qu’aucune lésion n’a été mise en évidence au niveau de la sphère génitale (P. 49). L’intimée déclare qu’elle avait des bleus sur les bras que le médecin a vus (PV aud. 6, p. 6). Le rapport ne mentionne cependant aucune autre marque (rougeur, dermabrasion), qui pourrait être liée à un déshabillage forcé ou à des gifles. Il est toutefois vrai qu’il émane du Département de gynécologie du CHUV et non du CURML, et qu’il ne s’agit pas d’un constat du jour mais de réponses à des questions du Procureur, fournies plus de huit mois après les faits. On remarquera ainsi que ce rapport signale expressément l’absence de lésion au niveau génital, mais pas l’absence de petites marques de violences. Il n’est pas certain que les médecins se soient posés la question. Le fait que l’intimée ait déclaré avoir été pénétrée à plusieurs reprises n’y change rien (PV aud. 1, p. 2). On relèvera par ailleurs que le suivi psychologique a été interrompu après cinq séances, M._ ayant apparemment surmonté son état de choc (P. 99/2).
L’appelant soutient qu’un déshabillage forcé aurait forcément laissé des traces sur les vêtements ou sur la victime. Une telle affirmation est téméraire. Le pull et le pantalon sont solides et épais, comme le montrent les photographies au dossier (P. 21 et 57) ; les sous-vêtements sont effectivement abîmés, non seulement le soutien-gorge, mais également la culotte. En ce qui concerne la victime, on sait d’expérience, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, que l’absence de traces n’est pas une preuve que rien ne s’est passé. Il ressort en outre du dossier que l’intimée souffre d’une maladie cardiaque qui engendre fatigue et faiblesse (PV aud. 4, p. 5). Il est donc vraisemblable qu’elle a été incapable de se débattre violemment face aux assauts de l'appelant.
En définitive, les éléments disponibles au sujet de l’état de M._ ne sont pas probants. L’état de ses sous-vêtements accrédite sa version.
4.2.5
L’appelant voit dans le fait que les vêtements de l’intimée ont été retrouvés dans la salle de bain la preuve que l’intéressée se serait déshabillée dans cette pièce.
En réalité, aucune des deux versions n’explique cette circonstance, car les deux parties affirment que le déshabillage s’est passé dans la chambre et que c’est l’appelant qui a ôté ses vêtements à l’intimée (PV aud. 4, p. 5; PV aud. 5, p. 4). On ne peut dès lors tirer aucune conclusion de cet élément. L’appelant soutient aussi que c’est l’intimée qui aurait jeté le soutien-gorge à cet endroit pour l’incriminer, après l’avoir découpé. Or on a vu que rien n’étaie cette hypothèse.
4.2.6
D’autres éléments du dossier restent inexpliqués, par exemple le fait que la porte d’entrée semble avoir été forcée après l’intervention de la police et qu’un I-phone appartenant à l’intimée, plus éventuellement un deuxième appartenant à l’appelant, a/ont disparu, à l’exclusion de tout autre objet (P. 12, p. 7). L’appelant prétend qu’il n’avait qu’un l-phone et un téléphone portable de marque Nokia (PV aud. 3, p. 5), appareils qui ont été retrouvés et analysés. Son hôte I._ soutient cependant qu’il avait trois appareils, soit deux l-phone et un plus ancien modèle (PV aud. 2, p. 6). On peut se demander si l’appelant n’a pas fait disparaître ces objets lui-même. En effet, dans sa plainte, M._ a affirmé que son cousin l’avait filmée déshabillée pour l’inciter à se taire (PV aud. 1, p. 2; PV aud. 4, p. 3). L’appelant qui le conteste (PV aud. 3, p. 5), se prévaut du fait qu’on n’a trouvé aucun film sur son l-phone ni son téléphone portable Nokia. Là encore, il n'y a rien de déterminant. L'appelant aurait très bien pu faire semblant de filmer ou le film pourrait se trouver sur le deuxième l-phone qui aurait disparu. Ce ne sont que des suppositions et les deux versions restent possibles. Sur ce point, l’appelant reproche au tribunal correctionnel d’avoir retenu qu’il y avait eu une « menace de filmer », alors que même la victime n’avait jamais prétendu avoir été menacée de la sorte. Il n’y a là rien de problématique. Les premiers juges ont cru la version de l’intimée qui affirmait avoir été filmée. Dans la mesure où aucun film n’a été retrouvé, le tribunal a supposé que l’intimée avait cru à tort avoir été filmée. En effet, rien ne permettait à l’intéressée de faire la différence, si bien que les premiers juges n’ont pas apprécié de manière erronée cet élément de fait.
4.2.7
La version des parties divergent également au sujet des couteaux utilisés et de la blessure de l’appelant.
M._ affirme qu’après le viol, l’appelant l’aurait menacée avec un grand couteau pour l’empêcher de partir, aurait jeté celui-ci dans l’évier, et qu’à sa deuxième tentative de fuite rattrapée, elle aurait saisi un petit couteau, aurait d’abord menacé l'appelant de se suicider et l'aurait frappé après qu’il eut essayé de lui prendre l’objet des mains ; dans le feu de l’action, elle aurait été blessée au petit doigt (PV aud. 1, p. 2; PV aud. 4, pp. 3-4). S'agissant du coup de couteau, elle explique que l’appelant la tenait par derrière et que, pour le frapper, elle a fait un mouvement de rotation sur la gauche et bougé le couteau en un mouvement horizontal (PV aud. 6, p. 4). Elle a indiqué qu’elle ne savait pas où elle l’avait atteint, peut-être à l’épaule (PV aud. 1, p. 2; PV aud. 4, p. 4). De son côté, l’appelant conteste avoir jamais menacé sa cousine avec un couteau ; celui désigné par celle-ci ne lui appartiendrait pas (PV aud. 5, p. 4) ; il aurait été poignardé pendant qu’il dormait et cela ne l’aurait même pas réveillé (PV aud. 3, p. 3; PV aud. 5, p. 5).
La version de l’appelant est contredite par le fait que l’ADN des deux protagonistes a été trouvé sur le couteau litigieux (P. 55). L’appelant fait valoir que rien, dans la version de l’intimée, n’explique pourquoi l’ADN de celle-ci figure sur le couteau avec lequel elle aurait été menacée ; on ignore toutefois à quelle distance cette menace a été effectuée et si l’appelant a touché l’intimée, ce fait n'étant pas précisé dans le récit de l’intéressée. Contrairement à ce que soutient l’appelant, M._ n’a jamais déclaré expressément qu’elle n’avait pas touché ce couteau. C’est en vain que l’appelant se prévaut de l’absence d’empreintes digitales ; on tient en général le manche dans le creux de la paume avec les doigts refermés autour, et non par le bout des doigts, de sorte que c’est la découverte d’empreintes qui aurait été surprenante. L’appelant soutient que sa cousine a profité de son sommeil pour mettre des traces de son ADN sur ce couteau. Or rien ne vient étayer cette affirmation.
La blessure subie au petit doigt par l’intimée (P. 49) conforte aussi la thèse d’une lutte et non d’une agression commise pendant le sommeil de l’appelant.
De plus, un médecin a indiqué qu’il est « tout à fait impossible » que l’appelant « n’ait pas été réveillé par le coup reçu » (P. 84/1). Le rapport médical complémentaire sollicité par l’appelant et tendant à ce qu'on vérifie si le médecin serait d’un autre avis si on mentionnait sa consommation de cocaïne qui, selon lui, l’aurait rendu insensible à la douleur, ne permettrait pas de répondre à cette question, l’alcoolémie et le taux de drogue du prévenu n’ayant pas été mesurés. Le jour des faits, soit le 25 mars 2011, l’intéressé a admis qu’il avait bu « pas mal d’alcool » et consommé de la cocaïne (PV aud. 3, p. 3; PV aud. 5, pp. 3 et 4). L’intimée a relevé qu’à un moment donné l’appelant était un peu « dans les vapes » (PV aud. 4, p. 4). On veut bien admettre que la cocaïne rend moins sensible à la douleur, mais elle n’a pas pour effet de faciliter le sommeil. Il est donc peu probable que, s’il était un peu « dans les vapes », voire complètement endormi, l’appelant ait encore été sous l’effet de la cocaïne. Ainsi, de deux choses l’une : soit il était éveillé au moment du coup et sa version est fausse ; soit il était un peu ou complètement endormi, ce qui signifie qu’il n’était plus notablement sous l’effet de la cocaïne et qu’il aurait été réveillé par le coup.
Enfin, les photos de la blessure de l’appelant, jointes au procès-verbal d’audition n°3, sont cohérentes avec le récit de l’intimée. On ne comprend pas pourquoi celle-ci aurait effectué ce geste de « balayage » si, comme le soutient l'appelant, elle était venue « en finir » avec son cousin endormi sur le lit.
Le rapport de police, examinant les traces de sang, constate que l’endroit où il y a le plus de gouttes qui sont tombées est dans la chambre, sur le lit et au bord du lit ; il en déduit que le lieu de l’agression se trouve vraisemblablement à cet endroit (P. 55). Il ne s'agit pas d'une certitude. Aucune artère n’a été touchée. Le sang n’a donc pas giclé instantanément, mais a goutté. L’intimée a affirmé, avant que les conclusions de la police ne soient rendues, qu’après le coup de couteau, E._ s’était dirigé vers la chambre (PV aud. 4, p. 4) et s'était penché sur le lit (PV aud. 6, p. 4). On ne peut dès lors exclure que le sang ait goutté à ce moment-là dans la chambre, d'où les traces retrouvées.
4.2.8
L’appelant soutient que le témoin I._, qui n'avait aucune raison de mentir, aurait donné des indices importants décrédibilisant la version de M._.
I._, qui était hébergé par l'appelant, est arrivé pendant les événements. Il a expliqué avoir bu un peu d’alcool, être fatigué et s'être endormi immédiatement. Avant cela, il a entendu un bruit de chuchotements « comme ceux d’un couple en ébats amoureux, mais pas de cris ou de bagarre ». Il a ajouté que s’il y avait eu une bagarre, il l’aurait entendu, parce qu’il avait le sommeil léger (PV aud. 2, pp. 3-4). Or, sans prétendre qu'il mentait, il n'est pas déraisonnable de penser que ce témoin n’avait pas le sommeil si léger que cela et, à l'instar des premiers juges, qu'il avait pu se méprendre sur la nature des bruits entendus. M._ a affirmé avoir crié pour demander de l’aide lorsqu’elle a entendu cette personne entrer, mais également qu'E._ lui mettait la main sur la bouche lorsqu’elle essayait de parler ou crier (jgt., p. 25). Ainsi, le témoignage d'I._ ne vient pas remettre sérieusement en doute la version de l'intimée.
4.2.9
L’appelant discute encore d’autres détails, notamment le fait de savoir si la porte d’entrée était verrouillée ou non (sachant qu’à l’intérieur il y a une molette) et pourquoi l’intimée aurait accepté de venir devant l’entrée de l’appartement. Ainsi, selon lui, l’intimée ne peut pas avoir entendu un bruit de clé parce que, selon I._, la porte était ouverte. Cet argument peut facilement être expliqué par différentes hypothèses, soit par exemple parce que le témoin, ignorant que la porte était ouverte, a essayé de l’ouvrir avec sa clé avant d'utiliser la poignée. Par ailleurs, on sait que M._ s’est rendue chez l’appelant à sa demande car il avait promis de lui restituer son argent (cf. consid. 4.5 supra).
Ces éléments sont peu déterminants et n’apportent aucun discrédit à la version de l’intimée.
4.2.10
Enfin, si le comportement de l’intimée après les faits, consistant à immédiatement demander la police, est logique, celui de l’appelant est surprenant. Entendu le 31 mars 2011, soit une semaine après l’incident, comme prévenu de séquestration et de viol sur plainte de M._, après avoir été poignardé par celle-ci qui, selon lui, essaie de le « détruire », il dit à la fin de l'audition ne rien vouloir entreprendre contre elle (PV aud. 3). Ce n’est que six mois plus tard, au mois d'octobre 2011, qu’il a déposé plainte (PV aud. 5). Son explication selon laquelle il n’aurait pas immédiatement réalisé de quoi elle l’accusait n’est pas convaincante.
4.2.11
Si l’on suit la version des faits de l’appelant, M._ serait arrivée fâchée et jalouse parce qu’il lui avait dit vouloir rompre. L’appelant aurait changé d’avis et lui aurait dit qu’il l’aimait, que leur situation n’était pas simple et lui aurait proposé de s’éloigner de leurs familles. Il aurait aussi été question de l’argent que l’appelant doit à l’intimée. Celle-ci se serait laissée amadouer jusqu’à avoir une relation sexuelle. Après l'acte, l’appelant se serait endormi. L’intimée se serait énervée à nouveau pour un motif indéterminé (l’argent qu’il lui doit ? la jalousie ?) et l'aurait poignardé. Elle aurait amené ses vêtements à la salle de bains pour se rhabiller. Elle aurait réalisé que son acte pourrait aboutir à la révélation de leur relation et mis alors en scène un viol en coupant son soutien-gorge et en déposant un couteau dans l’évier - qu’elle aurait éventuellement amené avec elle -, non sans avoir pris soin d’y mettre l’ADN de son cousin qui dormait toujours. Elle aurait quitté l’appartement puis l’appelant se serait réveillé. Cette version est tirée par les cheveux et n'est pas crédible. Si l’intimée avait prémédité l’agression, pourquoi aurait-elle accepté de faire l’amour ? Si au contraire l’agression n’était pas préméditée, on ne s’explique pas cette colère subite alors que l’appelant dort.
Force est donc de constater au regard de l’ensemble des éléments qui précèdent que c’est à juste titre que le tribunal correctionnel a privilégié la version constante et crédible de l’intimée.
E._ doit ainsi être reconnu coupable de viol, menaces et tentative de séquestration et enlèvement, les qualifications n’étant pas contestées en tant que telles.
5.
L’appelant conteste l’acquittement de M._ et entend qu’elle soit condamnée pour lésions corporelles graves et mise en danger de la vie d’autrui.
5.1
Selon l’art. 122 CP, se rend coupable de lésions corporelles graves, celui qui, intentionnellement, aura blessé une personne de façon à mettre sa vie en danger, aura mutilé le corps d’une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou causé à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou aura défiguré une personne d’une façon grave et permanente, ainsi que celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l’intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale.
L’art. 129 CP réprime le comportement de celui qui, sans scrupules, aura mis autrui en danger de mort imminent.
Le danger au sens de l’art. 129 CP suppose un risque concret de lésion, c’est-à-dire un état de fait dans lequel existe, d’après le cours ordinaire des choses, la probabilité ou un certain degré de possibilité que le bien juridique soit lésé, sans toutefois qu’un degré de probabilité supérieur à 50 % soit exigé (ATF 121 IV 67 c. 2b). Il doit en outre s’agir d’un danger de mort, et non pas seulement d’un danger pour la santé ou l’intégrité corporelle (ATF 101 IV 154 c. 2a). Enfin, il faut que le danger soit imminent.
Du point de vue subjectif, il faut que l’auteur ait agi intentionnellement et que l’acte ait été commis sans scrupules. L’auteur doit avoir conscience du danger de mort imminent pour autrui et adopter volontairement un comportement qui le crée (ATF 121 IV 67 c. 2d). En revanche, il ne veut pas, même à titre éventuel, la réalisation du risque (ATF 107 IV 163 c. 3). Le dol éventuel ne suffit pas (TF 6S.3/2006 du 13 mars 2006; TF 6S.426/2003 du 1
er
mars 2004).
Il y a absence de scrupules lorsque, compte tenu des moyens utilisés, des mobiles de l’auteur, de l’état de ce dernier et de l’ensemble des circonstances concrètes, l’acte apparaît comme contraire aux principes généralement admis des bonnes moeurs et de la morale (ATF 114 IV 103). Elle doit être retenue dès que le comportement de l’auteur demeure dépourvu de justification particulière ou ne répond pas à un but au moins partiellement légitime (Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, 2012, n. 14 ad art. 129 CP).
5.2
La prévenue a poignardé l’appelant qui tentait de l’empêcher de partir. Selon ses explications, son agresseur était derrière elle et la tenait ; elle a fait un mouvement de rotation pour le frapper. La blessure, manifestement causée par un mouvement de « balayage » a mis en danger la vie de l’appelant (P. 46). La qualification de lésions corporelles graves est incontestable, la prévenue ayant pris le risque de lésions graves en levant le couteau à une telle hauteur pour frapper. En revanche, il est exclu de retenir l’infraction de l’art. 129 CP, M._ n’ayant pas agi « sans scrupules » mais seulement pour se libérer, répondant ainsi à un but légitime.
5.3
La défense a plaidé la légitime défense. Les premiers juges ont considéré que la prévenue, violée et menacée au moyen d’un couteau par son agresseur qui tentait ainsi de la séquestrer, avait, en frappant celui-ci avec un couteau mais sans viser, excédé les limites de la légitime défense, la riposte consistant à frapper au cou un individu menaçant en le blessant gravement étant disproportionnée mais avait agi dans un état excusable d’excitation ou de saisissement au sens de l’art. 16 aI. 2 CP.
Dans ses déterminations, le Ministère public observe que l’application de cette disposition aurait dû conduire à une exemption de peine et non à un acquittement, et qu’en réalité la motivation permet de comprendre que les premiers juges auraient en fait pensé appliquer l’art. 17 CP ou l’art. 18 CP.
5.3.1
En vertu de l’art. 15 CP, quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d’une attaque imminente a le droit de repousser l’attaque par des moyens proportionnés aux circonstances.
Selon l’art. 16 CP, si l’auteur, en repoussant une attaque, a excédé les limites de la légitime défense au sens de l’art. 15 CP, le juge atténue la peine (al. 1). Si cet excès provient d’un état excusable d’excitation ou de saisissement causé par l’attaque, l’auteur n’agit pas de manière coupable (al. 2).
La légitime défense suppose une attaque, c’est-à-dire un comportement visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d’une attaque, soit le risque que l’atteinte se réalise. Il doit s’agir d’une attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l’atteinte soit effective ou qu’elle menace de se produire incessamment (ATF 106 IV 12 c. 2a; ATF 104 IV 232 c. c). Cette condition n’est pas réalisée lorsque l’attaque a cessé ou qu’il n’y a pas encore lieu de s’y attendre (ATF 93 IV 81 c. a). Une attaque n’est cependant pas achevée aussi longtemps que le risque d’une nouvelle atteinte ou d’une aggravation de celle-ci par l’assaillant reste imminent (ATF 102 IV 1 c. 2b). S’agissant en particulier de la menace d’une attaque imminente contre la vie ou l’intégrité corporelle, celui qui est visé n’a évidemment pas à attendre jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour se défendre; il faut toutefois que des signes concrets annonçant un danger incitent à la défense. Tel est notamment le cas lorsque l’agresseur adopte un comportement menaçant, se prépare au combat ou effectue des gestes qui donnent à le penser (ATF 93 IV 81 c. a). Par ailleurs, l’acte de celui qui est attaqué ou menacé de l’être doit tendre à la défense ; un comportement visant à se venger ou à punir ne relève pas de la légitime défense ; il en va de même du comportement qui tend à prévenir une attaque certes possible mais encore incertaine, c’est-à-dire à neutraliser l’adversaire selon le principe que la meilleure défense est l’attaque (TF 6B_926/2009 du 15 décembre 2009 c. 3.2).
La défense doit apparaître proportionnée au regard de l’ensemble des circonstances. A cet égard, on doit notamment examiner la gravité de l’attaque, les biens juridiques menacés par celle-ci et par les moyens de défense, la nature de ces derniers ainsi que l’usage concret qui en a été fait. La proportionnalité des moyens de défense se détermine d’après la situation de celui qui voulait repousser l’attaque au moment où il a agi. Les autorités judiciaires ne doivent pas se livrer à des raisonnements a posteriori trop subtils pour déterminer si l’auteur des mesures de défense n’aurait pas pu ou dû se contenter d’avoir recours à des moyens différents, moins dommageables. Il est aussi indispensable de mettre en balance les biens juridiquement protégés qui sont menacés de part et d’autre. Encore faut-il que le résultat de cette pesée des dangers en présence soit reconnaissable sans peine par celui qui veut repousser l’attaque, l’expérience enseignant qu’il doit réagir rapidement (ATF 136 IV 49 c. 3.2; ATF 107 IV 12 c. 3; ATF 102 IV 65 c. 2a). L’emploi d’un couteau à des fins de défense peut représenter un moyen proportionné dans des cas particuliers, au regard de la nature et du mode de l’attaque ; le Tribunal fédéral admet la légitime défense avec retenue, en ce sens qu’il doit s’agir de l’ultime moyen de défense (ATF 135 IV 49 c. 3 et 4).
L’art. 17 CP dispose que quiconque commet un acte punissable pour préserver d’un danger imminent et impossible à détourner autrement un bien juridique lui appartenant ou appartenant à un tiers agit de manière licite s’il sauvegarde ainsi des intérêts prépondérants.
Aux termes de l’art. 18 CP, si l’auteur commet un acte punissable pour se préserver ou préserver autrui d’un danger imminent et impossible à détourner autrement menaçant la vie, l’intégrité corporelle, la liberté, l’honneur, le patrimoine ou d’autres biens essentiels, le juge atténue la peine si le sacrifice du bien menacé pouvait être raisonnablement exigé de lui (al. 1). L’auteur n’agit pas de manière coupable – ce qui signifie la libération de la poursuite pénale (ATF 122 IV 1 c. 2b) – si le sacrifice du bien menacé ne pouvait être raisonnablement exigé de lui (al. 2).
L’état de nécessité licite suppose que le bien protégé soit plus précieux que le bien lésé ; si les deux biens en conflit ont une valeur équivalente, l’état de nécessité est illicite mais excusable au sens de l’art. 18 CP. En cas d’état de nécessité excusable au sens de l’art. 18 CP, il s’agit avant tout de déterminer si le sacrifice du bien menacé pouvait ou non être raisonnablement exigé de l’auteur. La pesée objective des intérêts apparaît ainsi secondaire, de sorte que la violation d’un intérêt supérieur n’exclut pas a priori l’état de nécessité excusable, à tout le moins en cas d’état de nécessité défensif. De toute façon, l’ordre hiérarchique des biens juridiques ne peut être fixé si facilement (Trechsel/Pieth, Schweizenisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 2
e
éd., 2013, n. 2 ad art. 18 CP). Il convient de faire une pesée des intérêts en prenant en considération non seulement le rang des biens juridiques en conflit, mais aussi la gravité de l’atteinte, l’importance du danger, ainsi que toutes les circonstances du cas concret (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, n. 16 ad art. 17 CP).
L’état de nécessité suppose également que le danger imminent ait été impossible à détourner autrement. En revanche, la légitime défense n’est pas, contrairement à l’état de nécessité, subsidiaire, c’est-à-dire qu’on n’a pas à se demander si la personne attaquée aurait pu prendre la fuite, esquiver l’attaque ou appeler la police. Seuls les moyens utilisés doivent être proportionnés. On a cependant vu plus haut que l’usage d’un couteau doit constituer l’ultime moyen de défense.
5.3.2
En l’occurrence, l’intimée avait tenté de fuir et de se débattre en vain, l’appelant la rattrapant à chaque fois. Elle avait aussi tenté de solliciter l’aide d’un tiers mais celui-ci n’avait pas entendu son appel. Elle dit avoir également essayé de prendre son téléphone mais que l’appelant le lui avait enlevé des mains (PV aud. 1, p. 2). Retenue une fois de plus, elle n’avait pas d’autre choix que de « neutraliser » physiquement son agresseur. Femme, à la santé fragile, confrontée à un homme, elle ne pouvait pas y arriver à mains nues. La liberté de l’intimée était menacée par une attaque et le danger était plus qu’imminent puisque M._ était en réalité déjà retenue depuis un certain moment. Son intégrité corporelle l’était aussi puisque l’appelant venait de la violer et la retenait par la force physique. Cette attaque doit être considérée comme un tout. Le bien lésé, soit l’intégrité corporelle d’E._, doit être considéré comme de valeur équivalente. De ce point de vue, la mise en danger de la vie de l’appelant ne joue pas de rôle. M._ peut dès lors être mise au bénéfice de l’art. 15 CP ou, à tout le moins, dans la mesure où cette tentative de séquestration a été précédée d’un viol, on peut considérer que le sacrifice de sa liberté ne pouvait pas être exigé d’elle et la mettre au bénéfice de l’art. 18 al. 2 CP.
Partant, c’est à bon droit que M._ a été libérée de l’infraction de lésions corporelles graves.
6.
L’appelant, qui concluait à son acquittement, ne conteste pas la peine en tant que telle. Examinée d’office par la Cour d’appel selon son propre pouvoir d’appréciation, la peine privative de liberté de 3 ans, réprimant un viol, des menaces et une tentative de séquestration et enlèvement, a été fixée en application de critères adéquats à charge et à décharge et conformément à la culpabilité d’E._. Elle doit dès lors être confirmée. Il en va de même de l’appréciation selon laquelle le pronostic quant au comportement futur de l’appelant est défavorable, de sorte que la peine privative de liberté sera ferme.
7.
L’appelant conteste le rejet de ses prétentions civiles pour tort moral.
7.1
Selon l’art. 41 al. 1 CO, celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer.
Aux termes de l’art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles ou, en cas de mort d’homme, à la famille une indemnité équitable à titre de réparation morale.
L'art. 44 al. 1 CO prévoit que le juge peut réduire les dommages-intérêts, ou même n’en point allouer, lorsque la partie lésée a consenti à la lésion ou lorsque des faits dont elle est responsable ont contribué à créer le dommage, à l’augmenter, ou qu’ils ont aggravé la situation du débiteur.
7.2
En l’espèce, l’appelant a agressé sexuellement M._ et l’a retenue contre son gré. Celle-ci n’a eu d’autre choix que de riposter pour se défendre, attaque qui on l’a vu était proportionnée, à tout le moins excusable. E._ a contribué à créer son propre dommage. Aucune indemnisation ne peut dès lors entrer en considération et c’est à bon droit que les premiers juges ont refusé d’allouer une indemnité pour tort moral à l’appelant.
8.
L’appelant conclut au rejet des prétentions civiles allouées à la plaignante, mais ne conteste pas en tant que telle leur quotité. Compte tenu de sa condamnation et de l’importance de l’atteinte subie par la victime en raison de ses agissements, une indemnité de 12'000 fr., plus intérêt à 5% l’an dès le 26 mars 2011, à titre de réparation du tort moral subi, est adéquate et doit être confirmée.
9.
Au vu de ce qui précède, l’appel d’E._ doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge d’E._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 3’230 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office, par 2'224 fr. 80, TVA et débours inclus, ainsi que l’indemnité allouée au conseil d’office de M._, par 2'030 fr. 40, TVA et débours inclus.
E._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités allouées
ci-dessus
que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4f6da6c9-9e69-4151-906e-f77fb7899f12 | En fait :
A.
Par jugement du 25 août 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois a condamné Y._ pour vol, tentative de vol, dommage à la propriété et violation de domicile à une peine privative de liberté de 7 mois, sous déduction d’un jour de détention préventive (I), a renoncé à révoquer le sursis accordé à Y._ le 14 mai 2013 par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, mais l’a prolongé d’une année (II), a rejeté les conclusions civiles d’L._, de P._ et de Z._ (III), a mis les frais, par 7'847 fr. 20, y compris l’indemnité de son défenseur d’office, par 1'987 fr. 20, TVA et débours compris, à la charge de Y._ (IV) et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité de son défenseur d’office ne sera exigé que si la situation financière du condamné le lui permet (V).
B.
Par annonce du 28 août 2015, puis par déclaration motivée du 18 septembre 2015, Y._ a formé appel contre ce jugement en concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est libéré des chefs d’accusation de vol, tentative de vol, dommage à la propriété et violation de domicile, que les chiffres II et V du dispositif du jugement du 25 août 2015 sont supprimés et que les frais de la cause, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office, sont laissés à la charge de l’Etat.
Par courrier du 4 décembre 2015, Y._, par son défenseur d’office, a sollicité le renvoi de l’audience de la Cour d’appel pénale appointée au 7 décembre 2015. Il a produit un certificat médical de la [...] attestant qu’il avait été hospitalisé en urgence le 23 novembre 2015 et qu’il ne serait pas apte à se rendre à l’audience du 7 décembre 2015.
Par courrier du 4 décembre 2015, le Président de la cour de céans a informé Y._ qu’il était dispensé de comparution personnelle à l’audience de la Cour d’appel pénale du 7 décembre 2015 et que son défenseur d’office était invité à le représenter à cette audience.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Né le [...] 1992, Y._ est marié et père d’un enfant né le [...] 2015. Selon ses déclarations, il est né en Espagne où il a été élevé par ses parents jusqu’à l’âge de sept ans au sein d’une famille de quatre enfants. Après le divorce de ses parents, il a passé deux ans avec sa mère, puis il a été élevé par son père de neuf à dix-huit ans. A quatorze ans, il a été expulsé du système scolaire et a eu un enfant né le 12 janvier 2009, aujourd’hui décédé. Il a été condamné plusieurs fois par la justice des mineurs espagnole, la première fois à onze ans pour trafic de cocaïne et, par la suite, pour infractions à la loi sur les stupéfiants. Y._ est venu en Suisse à l’âge de dix-neuf ans pour y chercher du travail. Il possède la double nationalité suisse et espagnole.
Sans formation et sans expérience professionnelle mis à part un ou deux engagements non déclarés, Y._ bénéficie actuellement de l’aide sociale. Il s’est marié en avril 2015 et son épouse perçoit une rente AI de l’ordre de 3'800 fr. par mois, de sorte que les prestations qui lui sont versées par l’aide sociale ont baissé. Entre janvier et avril 2015, il a purgé une peine de travail d’intérêt général. Il dit vouloir maintenant trouver un travail ou un apprentissage. Il a produit quelques offres d’emplois spontanées datant de juillet 2015 uniquement. Il prétend avoir des dettes pour un montant de plus de 30'000 francs.
1.2
Son casier judiciaire fait mention des condamnations suivantes :
- 14 mai 2013, Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, vol, dommages à la propriété, violation de domicile, tentative de vol, peine privative de liberté de six mois avec sursis durant deux ans, non révoqué.
- 16 octobre 2013, Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, utilisation abusive d’une installation de télécommunication, actes d’ordre sexuel avec un enfant, conducteur dans l’incapacité de conduire (véhicule automobile, autres raisons), conduite d’un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l’interdiction de l’usage du permis, contravention à l’ordonnance réglant l’admission à la circulation routière, délit selon l’art 19 al. 1 LStup (Loi fédérale sur les stupéfiants ; RS 812.121), contravention selon l’art. 19a LStup, 400 heures de travail d’intérêt général et 400 francs d’amende, peine partiellement complémentaire au jugement du 14 mai 2013.
Pour les besoins de la présente cause, Y._ a été détenu durant une journée, du 31 juillet au 1
er
août 2014.
2.
Les faits suivants sont retenus à la charge de Y._ :
2.1
Entre le 13 et le 22 juillet 2013, à [...], route de [...],Y._ a pénétré dans la caravane d’L._ en entrant par l’auvent qu’il a coupé au moyen d’un objet tranchant. La porte de la caravane n’était pas verrouillée. Il s’est emparé d’un ordinateur portable Acer d’une valeur de
500 fr., d’une tablette Samsung et d’un téléphone portable Samsung Galaxy Note.
L._ a déposé plainte le 16 août 2013 et s’est constitué partie civile, sans toutefois chiffrer ses prétentions.
2.2
Le 6 août 2013, à [...], route de [...],Y._ s’est introduit une nouvelle fois dans la caravane d’L._ en passant par l’auvent, lequel avait provisoirement été réparé à l’aide d’une bande adhésive après les faits décrits sous ch. 2.1 ci-dessus. La caravane n’était pas verrouillée et il a dérobé une bourse de sommelière contenant la somme de 536 francs.
L._ a déposé plainte le 16 août 2013 et s’est constitué partie civile, sans toutefois chiffrer ses prétentions.
2.3
Entre le 16 et le 17 août 2013, à [...], route de [...],Y._ a pénétré par effraction dans le restaurant du Motel de [...], en forçant le cadre de la porte arrière donnant sur les cuisines au moyen d’un outil indéterminé. Il s’est alors rendu vers le bar et a découvert une tasse contenant de l’argent dans un tiroir du comptoir à l’arrière du bar. Il a dérobé une somme de 30 à 40 fr. avant de quitter les lieux, par la voie d’introduction.
P._, tenancier de l’établissement, a déposé plainte le 17 août 2013.
Il résulte du rapport établi le 9 septembre 2013 par l’Identité judiciaire que les empreintes du pouce droit retrouvées sur la tasse qui se trouvait sur le bar du Motel appartenaient à Y._.
2.4
Dans la nuit du 23 au 24 août 2013, à [...], route de [...],Y._ a pénétré par effraction dans le restaurant du Motel de [...], en forçant la gâche de la porte de la cuisine. Après avoir fouillé l’établissement, il l’a quitté sans rien emporter.
P._, tenancier de l’établissement, a déposé plainte le 24 août 2013 et s’est constitué partie civile, sans toutefois chiffrer ses prétentions. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0]) par une partie ayant la qualité pour recourir (art. 382 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de Y._ est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Eugster, Niggli/Heer/ Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozess-ordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2
e
éd., Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
L’appelant conteste sa culpabilité dans les cas 1 à 4 de l’acte d’accusation. Il invoque la présomption d’innocence, en faisant valoir que les preuves sont insuffisantes pour le condamner. Dans les cas 1 et 2, les premiers juges auraient retenu à tort qu’il était le seul à connaître l’absence du plaignant L._ le lundi et l’existence d’une bourse dans la caravane du plaignant. Les enquêteurs auraient d’emblée accordé une importance exagérée aux soupçons du plaignant, de sorte que les investigations seraient lacunaires, en particulier s’agissant de la disparition d’objets du motel. En outre, les difficultés financières de l’appelant ne constitueraient pas un mobile suffisant. Dans le cas 3, l’identification d’une empreinte de l’appelant ne reposerait que sur un rapport extrêmement succinct de la police, dont on ignorerait tout de la valeur probante. On ignorerait en particulier si d’autres empreintes figuraient sur la tasse des pourboires, ce qui devrait être probable et que même à supposer le rapport de police probant, l’empreinte de l’appelant s’expliquerait aisément par le fait qu’il avait probablement utilisé cet objet pour boire un chocolat chaud, comme il le faisait quotidiennement le matin durant la période considérée. Le fait qu’il n’aurait pas été vu au motel durant les jours qui ont suivi le vol ne serait pas non plus pertinent. Enfin, dans le cas 4, la seule similarité avec le cas 3 serait insuffisante, car le mode opératoire du vol était parfaitement banal dans les deux cas.
3.2
3.2.1
La constatation des faits est erronée au sens de l’art. 398 al. 3 CPP, lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin,
in
: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2.2
L’art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation (al. 3).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s’agit de l’acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory,
in
: Kuhn/Jeanneret [éd.], op. cit., n. 34 ad art. 10 CPP; Kistler Vianin, op. cit., nn. 19 ss ad art. 398 CPP, et les références jurisprudentielles citées).
Lorsque l'autorité a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 consid. 2c; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 consid. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 consid. 2a; cf. aussi, quant à la notion d’arbitraire, ATF 136 III 552 consid. 4.2).
3.3
En l’espèce, l’acte d’accusation du 16 avril 2015 fait état de cinq cas de vol dont l’un n’a pas été retenu par les premiers juges, les éléments à charge étant insuffisants (cas 5). L’appelant tente en vain de dissocier l’appréciation probatoire de chacun des cas de vol en analysant chaque cas séparément, alors que le tribunal de première instance a procédé à une appréciation d’ensemble, portant non seulement sur les indices exposés dans la déclaration d’appel, mais également sur la crédibilité très faible du prévenu dans ses explications, compte tenu de sa propension avérée à mentir, de la variation de ses déclarations en cours d’enquête et de sa nette tendance à s’adapter à l’évolution de l’enquête, pour retenir en définitive un faisceau d’indices convergents désignant Y._ comme auteur des vols dont il est fait état dans les cas 1 à 4 de l’acte d’accusation.
En outre, l’appelant passe sous silence les déclarations de tiers faisant état de sa propension à voler (P. 35) ou encore le constat fait par le plaignant L._ que des objets disparaissaient depuis que le prévenu se rendait au motel (PV aud. 3). S’agissant des soupçons du plaignant L._, la cour de céans peut certes donner acte à l’appelant qu’il n’était peut-être pas le seul à savoir que ce dernier était absent le lundi, mais comme le tribunal de première instance l’a retenu à juste titre, l’appelant savait en toute hypothèse qu’en agissant ce jour-là, il ne trouverait personne dans la caravane. L’appréciation des premiers juges ne prête ainsi pas le flanc à la critique.
De plus, quoi qu’en dise l’appelant, le rapport du 9 septembre 2013 de l’Identité judiciaire (P. 10) a bien une valeur probante suffisante, l’identification de l’empreinte ayant été effectuée sur la base du service AFIS et le rapport précisant que l’identification formelle a été vérifiée et confirmée par un double contrôle de l’Identité judiciaire. Il en va de même de la situation financière précaire de l’appelant durant la période des vols qui, comme l’ont retenu les premiers juges, constitue un mobile suffisant. En n’analysant qu’une partie des indices à charge et en déniant à tort la valeur probante de certains d’entre eux, l’appelant échoue à démontrer l’insuffisance de preuves et, par voie de conséquence, la violation de la présomption d’innocence.
Au vu de ce qui précède, la cour de céans considère que le prévenu a été condamné sur la base de preuves suffisantes et sans violation de la présomption d’innocence. La convergence des éléments à charge exclut tout doute raisonnable quant au comportement délictueux de Y._. Partant, c’est à juste titre que les faits décrits ont été retenus à la charge de Y._ par les premiers juges dont l’appréciation des preuves est adéquate et peut être confirmée.
4.
L’appelant, qui conclut à son acquittement, ne développe aucun grief en ce qui concerne la qualification des infractions retenues et la fixation de la peine. Les infractions retenues par les premiers juges étant confirmées, la quotité de la peine infligée au prévenu doit être examinée d’office par la cour de céans qui fait entièrement sienne la motivation complète et convaincante des premiers juges telle qu’exposée dans le jugement entrepris (art. 82 al. 4 CPP).
Partant, conforme aux critères légaux à charge et à décharge et à la culpabilité de Y._, récidiviste, la peine privative de liberté de 7 mois est adéquate et doit être confirmée. Cette peine n’est d’ailleurs pas critiquée en tant que telle, mais seulement au regard de la contestation des faits.
5.
L’appelant conteste la mise à sa charge de l’entier des frais de première instance. Compte tenu de la confirmation de sa condamnation, il n’y a pas matière à revoir la mise à la charge du prévenu des frais judiciaires de première instances (art. 426 al. 1 CPP).
6.
En définitive, l’appel interjeté par Y._ doit être rejeté et le jugement entrepris intégralement confirmé.
Sur la liste des opérations produite (P. 48), le défenseur d’office mentionne 6,42 heures d’activité d’avocat breveté, 7,17 heures de travail accomplies par un avocat-stagiaire et 176 fr. 90 de débours, y compris une vacation de 120 francs. Compte tenu des caractéristiques de la cause et de la connaissance du dossier acquise en première instance par le défenseur, le temps allégué apparaît quelque peu excessif, en particulier pour la préparation et la rédaction de l’appel, ainsi que pour la préparation de l’audience d’appel. Il sera donc retenu 5 heures de travail d’avocat au tarif horaire de 180 fr. et 5 heures de travail d’avocat-stagiaire au tarif horaire de 110 francs (TF 6B_810/2010 du 25 mai 2011 consid. 2.4). L’indemnité de défenseur d’office pour la procédure d’appel est par conséquent fixée à 1'749 fr. 60 (900 fr. [avocat breveté] + 550 fr. [avocat-stagiaire] + 120 fr. [vacation] + 50 fr. [débours] + 129 fr. 60 [TVA]). Les débours allégués sont exagérés – notamment pour les frais de photocopies, comptées à 0,30 fr., et qui font partie des frais généraux -, de sorte qu’il y a lieu de retenir un forfait de 50 francs. Y._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office mis à sa charge que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par
3’249 fr. 60, constitués de l’émolument du présent jugement, par 1’500 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), et de l’indemnité de défenseur d’office allouée à Me Christian Favre, par 1'749 fr. 60, doivent être mis à la charge de l’appelant qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
4f736227-ef6e-4083-82d6-1d077d39098d | En fait :
A.
Par ordonnance pénale du 9 octobre 2014, S._ a été condamné à trente jours-amende, avec sursis pendant deux ans, pour violation de domicile.
Il a fait opposition à cette ordonnance le 20 octobre 2014.
Une audience a eu lieu le 24 février 2015 devant le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois. Une convention a été passée entre les parties, par laquelle W._ a notamment déclaré retirer sa plainte. Par jugement du même jour, le tribunal de police a pris acte de la convention et du retrait de plainte, ordonné la cessation des poursuites pénales dirigées contre S._, pour violation de domicile (I) et laissé les frais de procédure à la charge de l’Etat (II).
B.
Par déclaration motivée du 25 février 2015, W._ a interjeté appel contre ce jugement. Elle invoque s’être sentie mal - elle souffrirait de troubles cardiaques - durant une suspension d’audience. Elle se serait par ailleurs sentie incomprise par la Présidente du tribunal et contrainte de signer la convention passée avec le prévenu. Lors de cette audience, elle n’était pas assistée, faute de l’octroi de l’assistance judiciaire gratuite, alors que le prévenu était assisté d’une avocate-stagiaire.
C.
Par acte du 1
er
mai 2015, le conseil de S._ a présenté une demande de non-entrée en matière concluant, avec suite de frais, à l’irrecevabilité de la déclaration d’appel de W._, à la non-entrée en matière sur la déclaration d’appel de W._, à la confirmation du jugement rendu par le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois le 24 février 2015 et à l’allocation d’une juste indemnité à S._ pour l’exercice raisonnable de ses droits de procédure.
Par pli recommandé du 7 mai 2015, un délai a été imparti à l’appelante pour se déterminer sur cette demande. Le pli n’a pas été retiré par sa destinataire. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délai légaux contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de W._ est recevable en la forme.
L'intimé à l'appel ayant présenté une demande de non-entrée en matière, il y a lieu de statuer préalablement à ce sujet par écrit (art. 403 al. 1 CPP).
1.2
La qualité pour former appel est définie à l’art. 382 aI. 1 CPP, disposition générique en matière de qualité pour recourir. Selon cette norme, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation ou à la modification d’une décision a qualité pour recourir contre celle-ci.
La notion de partie visée à l’art. 382 CPP doit être comprise au sens des art. 104 et 105 CPP (CAPE 14 août 2014/251 c. 1.2). L’art. 104 al. 1 let. b CPP reconnaît notamment cette qualité à la partie plaignante soit, selon
l’art. 118 al. 1 CPP, au lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil.
1.3
En l’espèce, W._ a déposé plainte le 5 novembre 2013. Le 24 février 2015, à l’audience de première instance, elle a retiré sa plainte dans le cadre d’une convention passée avec le prévenu. Elle n’est dès lors plus partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP) et n’a de ce fait plus la qualité pour interjeter appel (art. 382 aI. 1 CPP).
2.
W._ prétend que son retrait de plainte n’est pas valable, au motif qu’il aurait été obtenu sous la contrainte.
2.1
Le retrait de plainte est irrévocable et définitif (Dupuis et alii, Code pénal, Petit commentaire, Bâle 2012, n. 9 ad art. 33 CP, p. 236), sauf s’il est intervenu en raison d’une tromperie ou d’une contrainte relevant du droit pénal, auquel cas le plaignant peut être autorisé à renouveler sa plainte (Dupuis et alii, op. cit., n. 5 ad art. 33 CP, p. 235). Un jugement ne peut être contesté pour ce motif que par la voie de la révision.
2.2
En l’espèce, selon le procès-verbal, l’audience du Tribunal de police n’a duré que quarante-cinq minutes, y compris une suspension d’une vingtaine de minutes durant laquelle l’appelante a pu téléphoner. A la reprise de l’audience, celle-ci a accepté de retirer sa plainte et le prévenu s’est excusé de son comportement. A la lecture du dossier, rien n’indique que l’appelante ait été victime d’une contrainte ou d’une tromperie. Le retrait de la plainte est ainsi valable de plein de droit, de sorte que l’acte de l’appelante, même considéré comme une demande de révision, devrait être déclaré irrecevable car manifestement infondé.
3.
En définitive, l’appel de W._ doit être déclaré irrecevable, faute de qualité pour agir. Les frais de la présente décision, par 550 fr. (art. 21 al. 1 TFIP [Tarif des de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), seront mis à la charge de l’appelante (art. 428 al. 1 CPP).
4.
Il reste à statuer sur l’indemnité requise par le prévenu pour l’exercice raisonnable de ses droits de procédure.
4.1
S._, assisté d’un défenseur de choix dans la procédure d’appel, a conclu à ce que W._ soit condamnée à lui verser une juste indemnité pour l’exercice raisonnable de ses droits de procédure (P. 46 p. 6).
Par courrier du 30 juin 2015, Me André Clerc a chiffré le montant de cette indemnité à 1'054 fr. 40.
4.2.
L'indemnisation du prévenu est régie par les art. 429 à 432 CPP, dispositions aussi applicables à la procédure d'appel par le renvoi de
l'art. 436 al. 1 CPP.
Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.
L'art. 432 CPP prévoit que le prévenu qui obtient gain de cause peut demander à la partie plaignante une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par les conclusions civiles (al. 1). Lorsque le prévenu obtient gain de cause sur la question de sa culpabilité et que l'infraction est poursuivie sur plainte, la partie plaignante ou le plaignant qui, ayant agi de manière téméraire ou par négligence grave, a entravé le bon déroulement de la procédure ou a rendu celle-ci plus difficile peut être tenu d'indemniser le prévenu pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (al. 2)
Ainsi, le législateur a conçu une réglementation prévoyant une possibilité d'indemniser le prévenu acquitté. Il se déduit de l'art. 429 al. 1 let. a CPP que les frais de défense relatifs à l'aspect pénal sont en principe mis à la charge de l'Etat. Il s'agit d'une conséquence du principe selon lequel c'est à l'Etat qu'incombe la responsabilité de l'action pénale. Pour cette raison, le législateur a prévu des correctifs pour des situations dans lesquelles la procédure est menée davantage dans l'intérêt de la partie plaignante ou lorsque cette dernière en a sciemment compliqué la mise en oeuvre (cf. art. 432 CPP). S'agissant d'une indemnité allouée dans une procédure d'appel, les dispositions applicables en vertu du renvoi de
l'art. 436 al. 1 CPP doivent être interprétées à la lumière de cette situation spécifique. Ainsi, lorsque l'appel a été formé par la seule partie plaignante, on ne saurait perdre de vue le fait qu'il n'y a alors plus aucune intervention de l'Etat tendant à la poursuite de la procédure en instance de recours (ATF 139 IV 45 c. 1.2 et les références citées).
4.3
En l'espèce, on se trouve dans une situation assimilable à celles prévues par l'art. 432 CPP dans la mesure où la poursuite de la procédure relève de la volonté exclusive de la plaignante, le Ministère public n'ayant pas déposé d'appel joint. Il est donc conforme au système élaboré par le législateur que, dans un tel cas, ce soit le plaignant qui assume les frais de défense du prévenu en instance d'appel. Cette approche rejoint celle en matière de frais de recours, lesquels sont à la charge de la partie qui succombe (cf. art. 428 CPP et ATF 139 IV 45 c. 1.2 ibidem). En application de l'art. 432 CPP, il convient donc de condamner l’appelante W._ à verser au prévenu intimé S._, une indemnité de 1'000 fr. 40, TVA et débours inclus, à titre de dépens de procédure de seconde instance, étant précisé que les trois heures de travail d'avocat et leur tarif horaire sont raisonnables et justifiés. Le poste « frais d’ouverture du dossier », à hauteur de 50 fr., fait partie des frais généraux et ne sera dès lors pas compté comme débours. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5038a6a6-f44d-450a-8b87-2e39e37de74e | En fait :
A.
Par jugement du 14 septembre 2011, corrigé à son chiffre II par le prononcé rectificatif du 15 septembre 2011 et réformé à son chiffre VI par prononcé du juge unique de la Chambre des recours pénale du 6 octobre 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a constaté que A.O._ s'était rendu coupable d'infraction grave à la LStup (Loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes, RS 812.121) (I), condamné ce dernier à une peine privative de liberté de deux ans, sous déduction de quarante-deux jours de détention avant jugement, peine complémentaire à celle infligée le 25 juillet 2010 par le Procureur du canton de Soleure (II), suspendu l'exécution d'une partie de la peine portant sur dix-huit mois et fixé au condamné un délai d'épreuve de quatre ans (III), ordonné la confiscation et la dévolution à l'Etat des sommes de 6'754 fr. 10 et 4'240 euros, représentant 6'251 fr. 90, séquestrés sous fiche n° 1643 (IV), ordonné la confiscation et la destruction des téléphones portables, cartes SIM et autres papiers et objets séquestrés sous fiche n° 1643 (V), mis une partie des frais de la cause par 17'254 fr. 50 à la charge de A.O._, y compris l'indemnité allouée à son conseil d'office Me Fabien Mingard par 6'722 fr. 65 (VI) et dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité allouée sous chiffre VI ci-dessus ne sera exigé de ce dernier que pour autant et dans la mesure où sa situation financière le permettra (VII).
B.
Le 14 septembre 2011, A.O._ a formé appel contre le jugement précité.
En date du 20 septembre 2011, le Procureur de l'arrondissement du Nord vaudois a également formé appel contre le jugement susmentionné.
Par déclaration d'appel motivée du 11 octobre 2011, le Ministère public a conclu à la modification des chiffres II et III du jugement entrepris en ce sens que le prévenu est condamné à une peine privative de liberté de trois ans, sous déduction de quarante-deux jours de détention avant jugement, peine complémentaire à celle infligée le 25 juillet 2010 par le Procureur du canton de Soleure et que l'exécution d'une partie de la peine, portant sur vingt-quatre mois, est suspendue et qu'il est fixé au prévenu un délai d'épreuve de quatre ans.
Par déclaration d'appel motivée du 13 octobre 2011, l'appelant A.O._ a conclu à la modification du jugement en ce sens qu'il est condamné à une peine pécuniaire d'une durée d'une année au plus, sous déduction de quarante-deux jours de détention avant jugement, peine complémentaire à celle infligée le 25 juillet 2010 par le Procureur du canton de Soleure, avec sursis complet pendant quatre ans et que les sommes de 2'754 fr. 10 et de 2'270 euros, séquestrées sous fiche n° 1643, lui soient restituées.
Par courrier du 18 octobre 2011, A.O._ a indiqué qu'il ne présentait pas de demande d'entrée en matière et qu'il n'entendait pas former un appel joint.
Par courrier du 27 octobre 2011, le Ministère public a indiqué qu'il n'entendait pas présenter une demande de non-entrée en matière et qu'il se référait, pour le surplus, à sa déclaration d'appel du 11 octobre 2011.
Par courrier du 29 novembre 2011, le Président de la Cour d'appel a imparti au conseil de l’appelant A.O._ un délai au 6 décembre 2011 afin qu’il produise un extrait, concernant le 2
ème
semestre 2009, du compte de ce dernier à la BCV ou de tout autre compte bancaire sur lequel l'indemnité d'assurance versée le 13 juillet 2009 par F._ aurait été versée.
Par courrier du 6 décembre 2011 de son conseil, l'appelant A.O._ a indiqué qu'il n'avait pas perçu l'indemnité versée le 13 juillet 2009 par F._ sur un compte bancaire, mais que cette assurance lui avait délivré un chèque à encaisser à la poste. Il a exposé avoir contacté ladite assurance afin qu'elle lui confirme cette information et a demandé une prolongation, à l'ouverture de l'audience, afin de produire ce document.
Lors de l’audience de la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal qui s’est tenue le 8 décembre 2011, le conseil de l’appelant ainsi que le Ministère public ont tous deux confirmé les conclusions de leur déclaration d’appel. Le conseil de l'appelant A.O._ a en outre produit un bordereau de cinq pièces, dans lequel se trouvait un courrier d'F._ du 6 décembre 2011 (P. 99/1). Ce courrier indiquait que ladite assurance était actuellement à la recherche de la preuve du versement d'un montant de 12'800 fr. à A.O._ aux alentours du 13 juillet 2009 concernant le sinistre de son véhicule.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.O._ est né le 22 novembre 1967 au Kosovo, pays dont il est originaire et où il est resté jusqu’à l’âge de 22 ans environ. Il a suivi sa scolarité obligatoire dans son pays d’origine, puis a travaillé dans un kiosque à Pristina. Par la suite, le prévenu a rejoint sa famille établie en Suisse. Il est au bénéfice d’une autorisation de séjour de type B. Victime d’un accident de travail en 1999, le prévenu a déposé une demande auprès de l’assurance-invalidité, demande qui a été acceptée. Il bénéficie ainsi depuis le 1
er
avril 2011 d’une demi-rente ordinaire pour un montant mensuel de 616 francs, ainsi que d’une demi-rente ordinaire de 247 francs par mois pour chacun de ses deux enfants mineurs. Des prestations complémentaires à hauteur d’un montant mensuel de 2'221 francs lui sont également octroyées. Il a expliqué lors de l'audience d'appel qu'il travaille les week-ends comme aide de cuisine dans un restaurant de Chamblon et la semaine, à temps partiel, comme serveur au restaurant de la HEIG à Yverdon. Au mois de novembre 2011, il a touché un salaire net de 719 fr. 72. Quant à son épouse, C.O._, elle travaille également en tant que serveuse au restaurant de la HEIG et a touché un salaire net de 701 fr. 60 au mois de novembre 2011. En outre, elle est en attente d'une décision de l’assurance-invalidité ensuite d'une demande déposée. Le loyer du logement occupé par le prévenu, son épouse et leurs deux enfants mineurs âgés de 13 et 14 ans est de 970 francs par mois, charges et place de parking comprises. Selon relevé de l’office des poursuites du 16 août 2011, A.O._ a des poursuites pour un montant total de 16'669 fr. 55. Il n’a pas de fortune. Il y a encore lieu de préciser que son fils majeur vit auprès de son grand-père à Yverdon-les-Bains.
Au casier judiciaire suisse de A.O._ figurent quatre condamnations, soit :
-
le 9 septembre 2002, par le Service régional de juges d'instruction III Bern-Mittelland du canton de Berne, pour violation grave des règles de la circulation routière, à une amende de 1'000 fr.;
- le 26 octobre 2006, par le Juge d’instruction de l'arrondissement de Lausanne, à une peine de 10 jours d’emprisonnement avec sursis pendant deux ans et 500 francs d’amende, pour recel et délit contre la loi fédérale sur les armes. Ce sursis a été prolongé pour une année en date du 23 mai 2008;
- le 23 mai 2008, par le Juge d’instruction de l'arrondissement du Nord vaudois, à une peine pécuniaire de 40 jours-amende, à 30 francs le jour, pour violation des règles de la circulation routière et conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduire (taux d’alcoolémie qualifié);
- le 25 juillet 2010, par le Procureur du canton de Soleure à une peine pécuniaire de 20 jours-amende, à 60 francs le jour, avec sursis durant deux ans et à une amende de 200 francs, pour violation grave des règles de la circulation routière.
Dans le cadre de la présente cause, A.O._ a été détenu du 9 décembre 2009 au 19 janvier 2010, soit durant 42 jours.
2.
A.O._ a, dans le courant du mois de novembre 2009, à trois reprises, véhiculé son cousin B.O._ afin que ce dernier puisse livrer de l'héroïne à des toxicomanes. Le prévenu savait que les services rendus à son cousin l'étaient dans le cadre d'un trafic de stupéfiants.
En date du 25 novembre 2009, à Corcelettes, A.O._ a aidé B.O._ et H._ à conditionner de l'héroïne, les quantités exactes de cette drogue n'ayant cependant pas pu être établies.
En date du 4 décembre 2009, le prévenu a livré de l'héroïne à deux toxicomanes pour le compte de B.O._, sans toutefois faire de bénéfices. Il a livré un sachet de 5 grammes d'héroïne à K._ à Grandson pour un montant de 200 fr. ainsi qu'un sachet de 5 grammes d'héroïne à un toxicomane non identifié à Yverdon-les-Bains pour un montant indéterminé. Sur cette quantité, M._ a reçu un gramme d'héroïne pour un montant de 100 francs.
En date du 9 décembre 2009, à Yverdon-les-Bains, le prévenu, accompagné de son épouse, a pris en charge B.O._. Ils se sont rendus à Bâle dans le but d'acquérir de l'héroïne et de la ramener à Yverdon-les-Bains afin de la commercialiser. A.O._ a été interpellé le 9 décembre 2009 au volant de sa voiture à Yverdon-les-Bains. Dans son véhicule se trouvaient un pain d'héroïne d'une masse nette de 197 grammes ainsi que 218,5 grammes nets de produits de coupage. Le taux de pureté moyen de cette héroïne était de 34 pourcent, ce qui représente une masse nette d'héroïne de 67 grammes. Lors de cette interpellation, il a également été retrouvé 4'000 fr. dans le sac à main de C.O._, soit un billet de 1'000 fr. et le reste en petites coupures (12 x 200 fr., 3 x 100 fr., 3 x 50 fr., 7 x 20 fr. et 1 x 10 fr.), ainsi que 1'970 euros en plusieurs coupures (7 x 50 euros, 57 x 20 euros et 48 x 10 euros) et 2'754 fr. 10 sur le prévenu (P. 18, p. 6 et P. 26). En outre, suite à une visite domiciliaire, il a été retrouvé au domicile du prévenu et de son épouse, la somme de 2'270 euros en en 44 coupures de 50 euros et 7 coupures de 10 euros (ibidem). Malgré le fait que le prévenu et son épouse ont été indemnisés à hauteur de 12'800 fr. par leur assurance casco-véhicules automobiles F._ le 13 juillet 2009 suite à un sinistre (P. 48/1), il est établi que les sommes précitées résultent de l’infraction à la LStup perpétrée par le prévenu.
L'activité délictueuse de A.O._ a ainsi porté sur au minimum 207 grammes d'héroïne brute, ce qui représente une quantité d'au moins 70 grammes d'héroïne pure, compte tenu d'un taux de pureté moyen de 34%, pourcentage qui peut être appliqué à l'ensemble des quantités de drogue pouvant être imputées de façon certaine au prévenu. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjetés dans les formes et délai légaux par des parties ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels de A.O._ et du Ministère public, suffisamment motivés au sens de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, sont recevables. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Les faits reprochés à l'appelant A.O._ ont été commis avant l'entrée en vigueur, le 1
er
juillet 2011, des nouvelles dispositions de la LStup. Le Tribunal de première instance, qui a statué postérieurement à cette date, devait donc examiner si, en vertu du principe de la lex mitior (art. 2 al. 2 CP), le nouveau droit n'était pas plus favorable à l'appelant. La détermination du droit le plus favorable s'effectue par une comparaison concrète de la situation de l'accusé, suivant qu'il est jugé à l'aune de l'ancien ou du nouveau droit. Si les deux droits conduisent au même résultat, c'est l'ancien qui est applicable (TF 6B_706/2008 du 3 décembre 2008 c. 2.1.1;
ATF 134 IV 82 c. 6.2.1). Est punissable selon l'ancien art. 19 ch. 1 al. 3 LStup ainsi que selon le nouvel art. 19 al. 1 let. b LStup, celui qui sans droit, transporte des stupéfiants. S'agissant du cas aggravé, l'actuel art. 19 al. 2 let. a LStup prévoit que l’auteur de l’infraction est puni d’une peine privative de liberté d’un an au moins, cette sanction pouvant être cumulée avec une peine pécuniaire, s’il sait ou ne peut ignorer que l’infraction peut directement ou indirectement mettre en danger la santé de nombreuses personnes. En vertu de l'ancien art. 19 ch. 2 let. a LStup, dans les cas graves, soit notamment lorsque l'auteur sait ou ne peut ignorer que l’infraction porte sur une quantité de stupéfiants qui peut mettre en danger la santé de nombreuses personnes, la peine sera une peine privative de liberté de un an au moins qui pourra être cumulée avec une peine pécuniaire (art. 19 ch. 1 LStup). A juste titre, les premiers juges ont appliqué l'ancien droit, puisque les nouvelles dispositions 19 al. 1 et 19 al. 2 let. a LStup ne sont pas plus favorables que celles de l'ancien droit, les deux droits conduisant au même résultat. En outre, on ne se trouve pas en présence d'un des cas d'atténuation prévu au nouvel art. 19 al. 3 LStup. L'appelant n'a d'ailleurs pas contesté l'application de l'ancien droit.
4.
4.1.
L'appelant A.O._ invoque d'abord une violation de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup. Il reproche aux premiers juges d'avoir retenu le cas grave au motif qu'il ne pouvait ignorer les quantités de drogue qu'il transportait, le jugement ajoutant qu'il en allait plus particulièrement ainsi du dernier voyage à Bâle, puisqu'un tel déplacement n'aurait pas eu de sens pour une petite dose de stupéfiants (jgt, p. 20). Afin d'illustrer ses affirmations, l'appelant prend l'exemple de ce voyage à Bâle et soutient qu'il n'a fait qu'y conduire, puis ramener son cousin B.O._. Il soutient qu'il est établi que son cousin ne lui a pas parlé de la quantité de produits stupéfiants qu'il était allé chercher à Bâle et qu'à son retour dans son véhicule, il ne portait rien dans les mains. L'appelant se réfère aux déclarations que son cousin a faites lors des débats de première instance (jgt, p. 3), lequel a notamment expliqué qu'il avait dissimulé la drogue sous sa veste et sous ses bras et l'avait posée sous le siège sans que l'appelant ne le voie. Il en conclut qu'il n'est pas possible de retenir à sa charge la quantité de drogue transportée, mais uniquement quelques grammes. D'une façon générale, il en conclut que le cas grave ne peut être retenu contre lui.
4.2.
Contrairement à ce que soutient l'appelant, il est établi que le prévenu savait pertinemment que les services rendus à son cousin B.O._ l'étaient dans le cadre d'un trafic de drogue. Les premiers juges ont expliqué de façon convaincante pour quelles raisons ils ne retenaient pas la version des faits donnée par le prévenu lors des débats, qui était en contradiction avec celle qu'il avait donnée en cours d'enquête (cf. jgt, c. 2.1, pp. 15-16; c. 2.2, pp. 16-17; c. 2.3 p. 17; c 2.4, p. 18; c. 3, pp. 19-20). En effet, à la question très claire de savoir s'il avait accompagné B.O._ pour livrer de l'héroïne, l'appelant a déclaré, lors de son audition par la police cantonale le 14 janvier 2010, qu'en plus des livraisons à Grandson et à Yverdon, il l'avait encore conduit à trois reprises à Chavornay et à une reprise à Cossonay (cf. PV aud. 5, p. 2). Lors de son audition par le Juge d'instruction cantonal le 19 janvier 2009 (recte: 2010), il a confirmé les déclarations qu'il avait faites à la police (PV aud. 6). A cela s'ajoute que l'instruction a permis d'établir qu'il était notoire que B.O._ se livrait à un trafic d'héroïne. Par ailleurs, H._ a très clairement expliqué que le prévenu l'avait aidé lui et B.O._ à mélanger la drogue avec du produit de coupage en date du 25 novembre 2009 (PV aud. 28). De surcroît, M._ a très clairement mis en cause l'appelant, le reconnaissant sur une planche photographique comme le "dealer" qui lui avait vendu 1 gramme d'héroïne à Yverdon pour un montant de 100 francs (PV aud. 7). Il en va de même de K._ qui a également identifié le prévenu comme étant la personne qui lui avait livré, pour le compte de B.O._, un sachet de 5 grammes d'héroïne pour le montant de 200 fr. au début du mois de décembre 2009 à Grandson (PV aud. 22). Par surabondance, l'enquête a mis en lumière de très nombreuses conversations téléphoniques entre le prévenu et son cousin ainsi qu'entre le prévenu et son épouse dont la teneur évoque clairement un trafic de stupéfiants (cf. notamment P. 67). S'agissant plus particulièrement de la quantité de drogue, le prévenu a été interpellé le 9 décembre 2009 au volant de sa voiture à Yverdon suite à son voyage à Bâle. Dans son véhicule se trouvait un pain d'héroïne d'une masse nette de 197 grammes. Aux vu des explications qui précèdent, le prévenu ne pouvait pas ignorer les quantités qu'il transportait et qu'il avait aidé à conditionner. Il convient dès lors de retenir, comme l'ont justement fait les premiers juges, que l'activité délictueuse de l'appelant a porté sur au minimum 207 grammes d'héroïne brute, correspondant aux 197 grammes retrouvés dans son véhicule et aux 10 grammes livrés à K._, M._ et à un inconnu.
4.3.
En vertu de l'art. 19 ch. 2 let a LStup dans sa teneur en vigueur au moment des faits, le cas est grave lorsque l'auteur sait ou ne peut ignorer que l’infraction porte sur une quantité de stupéfiants qui peut mettre en danger la santé de nombreuses personnes.
Cette formulation contient une condition objective et une condition subjective. Il faut tout d'abord que l'infraction puisse objectivement mettre en danger, directement ou indirectement, la santé de nombreuses personnes. Selon la jurisprudence, il y a quantité de stupéfiants qui peuvent mettre en danger la santé de nombreuses personnes en cas de mélange à base d'héroïne, dès que celui-ci contient au moins 12 grammes de drogue pure (TF 6B_908/2008 du 5 février 2009 c. 4.1; ATF 119 IV 180 c. 2d). Il faut encore, du point de vue subjectif, que l'auteur sache ou accepte que l'infraction peut directement ou indirectement mettre en danger la santé de nombreuses personnes. L'intention de l'auteur doit porter sur la quantité de stupéfiants lorsqu'elle fonde le cas aggravé, le dol éventuel étant toutefois suffisant (Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. II, Berne 2010, p. 920).
En l'espèce, il est établi (cf. 4.2) que l'activité délictueuse de A.O._ a porté sur 207 grammes d'héroïne brute au minimum, ce qui représente une quantité de 70 grammes d'héroïne pure, compte tenu d'un taux de pureté moyen de 34%. Ce pourcentage peut en effet être appliqué à l'ensemble des quantités de drogue pouvant être imputées de façon certaine au prévenu, puisque les 197 grammes retrouvés dans son véhicule le 9 décembre 2009 avaient ce taux de pureté moyen. Dans la mesure où la quantité d'héroïne pure transportée a dépassé largement le seuil du cas grave et qu'il est établi que le prévenu savait, à tout le moins par dol éventuel, les quantités qu'il transportait, il convient de retenir, comme l'ont fait les premiers juges, le cas grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup.
Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
5.
Les deux appelants contestent la quotité de la peine. A.O._ invoque une violation de l’art. 47 CP. Il soutient que la peine qui lui a été infligée doit être réduite afin que la peine prononcée soit d'une année au plus, invoquant différents moyens à l'appui. Quant au Ministère public, il conclut au prononcé d'une peine privative de liberté de trois ans.
5.1.
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Les critères énumérés de manière non exhaustive par l'art. 47 CP correspondent à ceux fixés par l'art. 63 aCP et la jurisprudence élaborée en application de cette disposition, qui conserve toute sa valeur. Ainsi, la culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_722/2010 du 17 février 2011 c. 1.2.1 et 1.2.2; ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (TF 6B_327/2011 du 7 juillet 2011 c. 2.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
5.2.
5.2.1.
Dans un premier moyen, A.O._ reproche aux premiers juges d’avoir arbitrairement retenu qu’il y avait dessein d’enrichissement, alors qu’ils ont également admis que ses motivations demeuraient une énigme. Il soutient, de plus, que rien dans le dossier ne permet de retenir qu’il aurait agi par appât du gain et que les sommes d’argent retrouvées peuvent s’expliquer par le fait qu’il avait touché, quelques mois plus tôt, un montant de 12'800 fr. de son assurance casco-véhicules automobiles F._, ce qui résulte d’une pièce qu’il a produite (cf. P. 48/1). Il fait valoir qu'il n'a agi que pour rendre service à son cousin, sans être rémunéré, et que cet élément doit dès lors être retenu à sa décharge. Lors de l'audience d'appel, le conseil de l'appelant A.O._ a produit une lettre d'F._ du 6 décembre 2011, dans laquelle cette assurance atteste qu'elle est actuellement à la recherche, dans ses archives, de la preuve du versement d'un montant de 12'800 fr. versé au prévenu aux alentours du 13 juillet 2009 concernant le sinistre de son véhicule (P. 99/1).
5.2.2.
Dans la motivation consacrée à la fixation de la peine, plus particulièrement aux motivations du prévenu, les premiers juges ont relevé qu'elles demeuraient une énigme puisqu’il tentait de faire croire qu’il avait agi à bien plaire et sans rémunération, uniquement dans le but de rendre service à B.O._. Le tribunal de première instance a retenu à ce propos qu’il avait en réalité agi afin d’améliorer son ordinaire et que le fait que le prévenu et son épouse n’avaient guère de ressources financières à l’époque des faits et que des sommes d’argent importantes avaient été retrouvées tant dans le véhicule qu’à leur domicile le prouvait (jgt, c. 4, p. 20).
5.2.3.
Il est exact que les premiers juges ont retenu, comme l’ordonnance de renvoi, que, pour les faits du 4 décembre 2009, soit la livraison d’héroïne à deux toxicomanes, l’appelant avait agi "sans faire de bénéfices" (jgt, c. 2.2, p. 17). Quant aux autres faits retenus contre l’appelant, il n’est pas non plus question de rémunération. En définitive, les premiers juges retiennent le dessein d’enrichissement en raison de l’absence de ressources financières du prévenu à l’époque des faits et des sommes d’argent importantes retrouvées dans le véhicule et à son domicile. S’agissant de la situation personnelle du prévenu, il perçoit mensuellement une demi-rente Al de 616 fr. pour lui et une demi-rente complémentaire de 247 fr. pour chacun de ses deux enfants ainsi que des prestations complémentaires par 2'221 fr. par mois. Il travaille en outre les week-ends comme aide de cuisine dans un restaurant de Chamblon et la semaine, à temps partiel, comme serveur au restaurant de la HEIG à Yverdon, pour lequel il touche un salaire mensuel net d'environ 700 francs. Quant à son épouse, elle travaille également en tant que serveuse dans le même restaurant que son mari et touche un salaire mensuel net de l'ordre de 700 fr. par mois. En outre, elle est en attente d'une décision de l’assurance-invalidité ensuite d'une demande déposée. Pour le reste, la situation financière du prévenu est obérée; il a des dettes. Dans ces circonstances, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu qu’il n’avait guère de ressources financières à l’époque des faits.
Concernant les sommes importantes retrouvées dans le véhicule du prévenu et à son domicile, le jugement est effectivement muet en ce qui concerne la pièce produite par le défenseur de l’accusé le 14 janvier 2010 — (pièce 48/1), soit le courrier de F._, assureur casco de A.O._ , attestant avoir versé à ce dernier une somme de 12'800 fr. le 13 juillet 2009 en règlement d’un sinistre. Les premiers juges n’ont pas discuté de cet élément et de la question de savoir si cette somme versée en juillet 2009 pouvait expliquer les sommes de 6'754 fr. 10 et de 4'240 euros retrouvées dans leur véhicule et chez eux. Il est toutefois possible de retenir le dessein d’enrichissement sur la base des sommes retrouvées sur A.O._, sur sa femme et chez eux. Le versement d’indemnisation par F._ remonte à quatre mois avant l’arrestation des intéressés. On voit mal pourquoi l’appelant et son épouse auraient conservé sur eux autant d’argent quatre mois plus tard. A cela s’ajoute la composition des sommes saisies. En effet, il a été retrouvé 4'000 fr. dans le sac à main de C.O._, soit un billet de 1'000 fr. et le reste en petites coupures (12 x 200 fr., 3 x 100 fr., 3 x 50 fr., 7 x 20 fr. et 1 x 10 fr.) ainsi que 1'970 euros en plusieurs coupures (7 x 50 euros, 57 x 20 euros et 48 x 10 euros) et 2'754 fr. 10 sur le prévenu lors de leur interpellation le 9 décembre 2009 (P. 18, p. 6 et P. 26). En outre, il a été retrouvé à leur domicile la somme de 2'270 euros en 44 coupures de 50 euros et 7 coupures de 10 euros (ibidem). Il résulte de ce qui précède que les sommes sont importantes, dans deux devises différentes, en petites coupures et qu’on en trouve à plusieurs endroits. En outre, les modalités du versement n'ont pas pu être établies, la pièce versée par le conseil de l'appelant lors de l'audience d'appel n'apportant aucun élément à ce sujet. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré, au vu de la situation modeste de l’appelant, que les sommes susmentionnées étaient le produit de son activité délictueuse. Partant, le dessein d'enrichissement doit être confirmé et considéré comme un élément à charge. Le grief de l'appelant A.O._, mal fondé, doit donc être rejeté.
5.4.
5.4.1.
L’appelant A.O._ invoque ensuite une violation du principe de célérité. Il avait déjà soulevé ce moyen en première instance, moyen qui a toutefois été rejeté par les premiers juges. Il allègue qu’en l’espèce, la cause ne revêt pas de complexité particulière et que, sur la base de la jurisprudence qu’il cite dans sa déclaration d’appel (TF 1B_115/2008 du 2 juin 2008 c. 4.1), le délai de neuf mois entre l’ordonnance de renvoi du 16 décembre 2010 et les débats du 14 septembre 2011 viole le principe de célérité. Il reproche aux premiers juges d’avoir retenu à tort que l’audience "a été tenue à la première date utile compte tenu des disponibilités des intervenants [...]" (jgt p. 21). Il allègue avoir écrit en avril 2011 pour demander que l’audience soit avancée et s’être vu répondre que cela était impossible au vu des agendas des divers intervenants. Un second courrier de sa part est resté sans réponse. Il en déduit que ce n’est qu’en raison de l’agenda du Tribunal que les débats n’ont pas été fixés plus tôt. Il considère que cette violation justifie en l’espèce une réduction de peine de l’ordre de 40 %.
5.4.2.
Les premiers juges ont effectivement invoqué la disponibilité des intervenants. Ils ont cependant aussi fait valoir les "autres exigences posées par la jurisprudence, à savoir notamment que doivent être jugés en priorité les détenus, ce qui n’est pas le cas de A.O._ " (jgt, p. 21).
5.4.3.
Selon la jurisprudence récente du Tribunal fédéral (TF 1B_130/2011 du 12 avril 2011 c. 4.2 et les références citées), l’art. 5 CPP concrétise le principe de célérité et impose aux autorités pénales d’engager les procédures pénales sans délai et de les mener à terme sans retard injustifié (al. 1), la procédure devant être conduite en priorité lorsqu’un prévenu est placé en détention (al. 2). Après la clôture de l’instruction, le prévenu doit en principe être renvoyé devant le juge du fond dans un délai qui, pour être conforme aux exigences des art. 10 Cst. et 5 par. 3 CEDH, ne devrait pas excéder quelques semaines, voire quelques mois. Un délai de plusieurs mois peut se révéler nécessaire dans des procès particulièrement complexes, aux multiples ramifications, impliquant plusieurs inculpés et nécessitant une préparation méticuleuse des débats et de nombreux actes d’instruction; la jurisprudence a ainsi admis, dans ce genre d’affaires, qu’un délai de six à huit mois et demi entre la mise en accusation et l’ouverture des débats était encore conforme au principe de célérité ou un délai de quatre mois et demi dans une affaire relativement complexe.
5.4.4.
Il résulte du dossier que l’ordonnance de renvoi a été rendue le 16 décembre 2010. Après le transfert du dossier, à l’époque du changement entre l’ancienne organisation pénale et la nouvelle, soit entre le Juge d'instruction cantonal et le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois, le dossier a été transmis au Tribunal d'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois le 20 janvier 2011. L’opération consistant à fixer l’audience est intervenue le 1
er
avril 2011 et l’audience a été fixée pour le 14 septembre 2011. Hormis la dernière étape, l'intervalle entre les différentes opérations menées dans cette procédure est toujours resté de quelques semaines au maximum. Quant au délai entre la fixation de l’audience et sa tenue, de 5 mois et demi, il est acceptable. Il faut en outre tenir compte du laps de temps allant du renvoi en jugement jusqu’à l’épuisement des voies de droit cantonales pour constater que moins d’une année s’est écoulée entre l’ordonnance de renvoi et l’audience d’appel du 8 décembre 2011. Il n'y a dès lors en l'espèce pas de violation du principe de célérité et le moyen invoqué par l'appelant A.O._ doit dès lors être rejeté.
5.5.
5.5.1.
L'appelant A.O._ soutient encore qu'indépendamment des deux moyens soulevés précédemment, la peine privative de liberté de deux ans prononcée par le Tribunal de première instance est arbitrairement sévère compte tenu en particulier du fait que, le 9 décembre 2009, il s'est contenté d'agir comme conducteur de B.O._ et qu'il ignorait tout des quantités effectivement transportées par ce dernier. Il allègue que la peine prononcée à son encontre doit être d'une année au plus et qu'une peine pécuniaire serait adéquate en lieu et place d'une peine privative de liberté.
5.5.2.
Quant au Ministère public, il conclut au prononcé d'une peine privative de liberté de trois ans. Il se fonde sur la quantité de 70 grammes d'héroïne pure retenue pour constater que le cas grave est très largement réalisé. A cela s'ajoute notamment que l'accusé a aidé à conditionner de l'héroïne dans des quantités que l'instruction n'a pas établies, mais qui étaient, selon le Ministère public, assurément importantes, vu que les deux autres comparses ont expressément demandé au prévenu de leur prêter main forte.
5.5.3.
Les premiers juges ont considéré que la culpabilité de A.O._ ne devait pas être minimisée. Ils ont indiqué qu'il avait favorisé le trafic de plus grande envergure de son cousin et qu'il n'avait ainsi pas hésité à contribuer à la mise en danger de nombreuses personnes. Ils ont précisé que seule l'interpellation du prévenu avait permis de mettre fin à son activité délictueuse. Le tribunal de première instance a également relevé que les antécédents du prévenu n'étaient pas bons et qu'il n'avait fait aucun cas de ses précédentes condamnations, allant jusqu'à se livrer à des actes plus graves. Il a considéré qu'il n'y avait aucun élément à décharge et que les vagues regrets présentés aux débats sonnaient creux puisqu'il avait nié l'évidence jusqu'au bout. Les premiers juges ont encore indiqué que la peine prononcée à l'égard du prévenu tenait compte du fait que son rôle s'était limité à celui d'un chauffeur-livreur et qu'il n'avait pas vendu en rue pour son propre compte et qu'il ne pouvait pas être considéré comme un chef à la tête d'un important réseau.
5.5.4.
En l'espèce, il convient de retenir que la culpabilité de A.O._ est relativement lourde. En effet, il résulte des faits que le prévenu est le coauteur d'un trafic de stupéfiants portant sur une quantité de 70 grammes d'héroïne pure fondant le cas grave conformément à l'art. 19 ch. 2 let. a LStup et qui prévoit une peine privative de liberté de un an au moins. Par ailleurs, le mobile de l'auteur est futile et crapuleux, ce dernier ayant un dessein d'enrichissement ainsi qu’il a été confirmé dans le présent arrêt au considérant 5.2. Cet élément doit être considéré comme un critère à charge ainsi que l'ont retenu les premiers juges. Le comportement de A.O._ lors de la procédure doit également être pris en considération. Ce dernier n'a pas démontré de prise de conscience de la gravité de ses actes. En effet, il a donné des explications qui n’étaient pas plausibles et s'est rétracté lors des débats de première instance alors qu'il avait admis une partie des faits en cours d'enquête. Il faut encore prendre en compte les antécédents du prévenu, ce dernier ayant déjà été condamné à quatre reprises. La Cour de céans constate qu'il n'y a pas d'éléments à décharge ainsi que l'ont indiqué les premiers juges. Toutefois, la peine doit tenir compte du fait que le rôle du prévenu s'est limité à celui d'un chauffeur-livreur et qu'il n'a pas vendu de la drogue pour son propre compte. Le tribunal de première instance a correctement pris en considération cet élément dans la quotité de la peine.
Au regard des éléments précités, les premiers juges ne se sont pas fondés sur des critères étrangers à l'art. 47 CP et ne sont pas sortis du cadre légal en fixant une peine privative de liberté de deux ans. Au vu des circonstances, la quotité de la peine infligée est adéquate au regard de l'infraction commise, de la culpabilité de l'appelant et de sa situation personnelle. Elle n'est ni trop clémente, ni trop sévère et ne relève ni d'un abus, ni d'un excès du pouvoir d'appréciation dont jouit l'autorité de première instance, laquelle n'a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l'art. 47 CP. Elle sera donc confirmée. La quotité de la peine exclut dès lors qu'une peine pécuniaire puisse être prononcée.
Au vu de ce qui précède, les griefs soulevés par les deux appelants, mal fondés, doivent être rejetés.
6.
Invoquant une violation de l'art. 43 CP, l'appelant A.O._ reproche aux premiers juges de ne pas lui avoir octroyé un sursis complet en lieu et place du sursis partiel qui a été prononcé, relevant que le sursis complet est la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il soutient que tel n'est pas le cas en l'espèce, les premiers juges n'ayant retenu qu'un pronostic "mitigé". De plus, selon lui, il faut tenir compte de l'effet dissuasif des 42 jours de détention subie avant jugement et de la longue durée du délai d'épreuve.
Quant au Ministère public, il ne conteste pas l'octroi d'un sursis partiel, mais estime que les premiers juges ne pouvaient décemment pas fixer à 6 mois seulement la part à exécuter. Il admet que le prévenu n'a pas eu un statut de chef dans le trafic, mais relève qu'il a agi à tous les stades de ce trafic. Il fait valoir qu'il convient en outre de donner un poids supplémentaire aux antécédents et aux dénégations et rétractations, ainsi qu'à l'absence de prise de conscience et aux explications indécentes du prévenu. Dans ses conclusions, il réclame une peine privative de liberté de trois ans (la quotité de la peine a toutefois été confirmée au considérant 5.5.4) avec un sursis partiel portant sur deux ans, soit une proportion deux tiers – un tiers.
6.1.
6.1.1.
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Aux termes de l'art. 43 al. 1 CP, le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur.
6.1.2.
Lorsque la peine privative de liberté est d'une durée telle qu'elle permette le choix entre le sursis complet (art. 42 CP) et le sursis partiel (art. 43 CP), soit entre un et deux ans au plus, l'octroi du sursis au sens de l'art. 42 CP est la règle et le sursis partiel l'exception (TF 6B_769/2009 du 19 avril 2010 c. 1.2). Cette dernière ne doit être admise que si, sous l'angle de la prévention spéciale, l'octroi du sursis pour une partie de la peine ne peut se concevoir que moyennant exécution de l'autre partie. La situation est similaire à celle de l'examen des perspectives d'amendement en cas de révocation du sursis (ATF 135 IV 152 c. 3.1.1 non publié; ATF 116 IV 97). Le juge accordera le sursis partiel au lieu du sursis total lorsqu'il existe - notamment en raison de condamnations antérieures - de sérieux doutes sur les perspectives d'amendement de l'auteur, qui ne justifient cependant pas encore, à l'issue de l'appréciation de l'ensemble des circonstances, un pronostic concrètement défavorable. On évite de la sorte, dans les cas de pronostics très incertains, le dilemme du « tout ou rien ». L'art. 43 CP permet alors que l'effet d'avertissement du sursis partiel autorise, compte tenu de l'exécution partielle ordonnée simultanément, un pronostic largement plus favorable pour l'avenir (ATF 135 IV 152 c. 3.1.1 non publié; ATF 134 IV 1 c. 5.5.2). Au vu de ce qui précède, l'exception du sursis partiel ne se pose qu'en cas de pronostic très incertain. En effet, elle ne peut être admise que si l'octroi du sursis à l'exécution d'au moins une partie de la peine soit exécutée, à savoir lorsqu'il existe des doutes très importants au sujet du comportement futur de l'auteur, notamment au vu de ses antécédents (ATF 135 IV 152 c. 3.1.3 non publié).
6.1.3.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_482/2011 du 21 novembre 2011 c. 2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2). La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 c. 2.1; ATF 135 IV 152 c. 3.1.2 non publié). De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel au sens de l'art. 43 CP (TF 6B_244/2010 du 4 juin 2010 c. 1; ATF 134 IV 1 c. 5.3.1). Dans l'émission du pronostic, le tribunal de première instance dispose d'un large pouvoir d'appréciation (TF 6B_482/2011 du 21 novembre 2011 c. 2)
.
6.1.4.
En vertu de l'art. 43 CP, la partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2). En cas de sursis partiel à l'exécution d'une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins. Les règles d'octroi de la libération conditionnelle (art. 86) ne lui sont pas applicables (al. 3).
Pour fixer dans ce cadre la durée de la partie ferme et avec sursis de la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. A titre de critère de cette appréciation, il y a lieu de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur (art. 43 al. 1 CP). Le rapport entre ces deux parties de la peine doit être fixé de telle manière que, d'une part, la probabilité d'un comportement futur de l'auteur conforme à la loi, mais aussi sa culpabilité soient équitablement prises en compte. Ainsi, plus le pronostic est favorable et moins l'acte apparaît blâmable, plus la partie de la peine assortie du sursis doit être importante. Mais en même temps, la partie ferme de la peine doit demeurer proportionnée aux divers aspects de la faute (TF 6B_488/2010 du 4 octobre 2010 c. 3.1; ATF 134 IV 1 c. 5.6; Dupuis et alii, Petit commentaire, Code pénal, Bâle 2012, n. 11 ad art. 43 CP et les références citées).
6.2.
6.2.1.
En l'espèce, il convient d'abord d'examiner le pronostic quant au comportement futur de l'appelant A.O._ afin de déterminer si les conditions du sursis partiel sont réunies. Le Tribunal de première instance a indiqué à cet égard que le prévenu n'avait tiré aucun enseignement de ses ennuis passés avec la justice pénale et qu'il n'avait pas pris conscience de la gravité de ses actes si bien que le pronostic était mitigé.
Il faut d'abord relever que les actes commis par l'appelant sont graves. De plus, ce dernier n'a pas démontré de prise de conscience de la gravité de ses actes, donnant des explications dénuées de crédibilité et revenant sur ses précédentes déclarations lors des débats de première instance. Finalement, le prévenu a déjà fait l'objet de quatre condamnations pour infractions à la LCR à des peines pécuniaires et pour recel et infraction à la LArm à une peine privative de liberté de 10 jours avec sursis. Force est de constater que ces précédentes condamnations ne l'ont pas dissuadé de commettre à nouveau des infractions qui sont, par ailleurs, plus graves que celles perpétrées par le passé.
A l'issue de l'appréciation de l'ensemble des circonstances, il existe de sérieux doutes sur les perspectives d'amendement de l'appelant, qui rendent le pronostic très incertain. Dans ce cas, il est nécessaire que l'intéressé exécute une partie de la peine afin de lever cette incertitude. Le sursis partiel prononcé à l'encontre de l'appelant par les premiers juges est dès lors justifié.
Les arguments de l'appelant A.O._ sont donc mal fondés et doivent être rejetés.
6.2.2.
S'agissant ensuite de la partie de la peine à exécuter, les premiers juges ont décidé de la fixer à six mois et d'octroyer le sursis partiel sur 18 mois des 24 mois prononcés, représentant donc une proportion de un quart - trois quart. Ils ont considéré que la fraction de peine que le prévenu va devoir purger, couplée avec la menace d'en purger le solde en cas de nouvelle infraction devrait le détourner durablement de la délinquance. Il a enfin été tenu compte d'un long délai d'épreuve, fixé à quatre ans.
La quotité de la peine de deux ans ayant été confirmée au considérant 5.5.4, il convient uniquement de déterminer si la proportion de deux tiers – un tiers demandée par le Ministère public serait plus adéquate que la proportion décidée par les premiers juges, le reste de ses conclusions devant être rejetées puisqu'il réclamait une peine privative de liberté de trois ans, avec un sursis partiel portant sur deux ans. En l'espèce, il convient de confirmer le sursis partiel portant sur dix-huit mois ainsi que la durée de la partie ferme fixée à six mois. En effet, les six mois que le prévenu doit purger tiennent suffisamment compte de sa faute; ce dernier a certes commis une infraction grave à la LStup, mais a toutefois agi en tant que chauffeur-livreur, n'ayant pas vendu de drogue pour son propre compte. L'effet d'admonestation de l'exécution d'une partie de la peine ainsi que la menace d'en purger le solde de dix-huit mois en cas de nouvelle infraction et la durée du délai d'épreuve fixée à quatre ans devrait suffire à détourner A.O._ de la commission d'infractions.
Le grief du Ministère public, mal fondé, doit être rejeté.
7.
A.O._ conteste finalement les conséquences accessoires du jugement concernant le sort de certaines valeurs patrimoniales séquestrées. Il requiert que les sommes de 2'754 fr. 10 et 2'270 euros lui soient restituées. Il soutient que ces deux sommes proviennent de ses économies, de ses revenus, de l'indemnité perçue par l'assurance casco F._ et du salaire d'apprenti de son fils.
7.1.
En vertu de l’art. 70 al. 1 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d’une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l’auteur d’une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits.
En vertu de l’art. 267 al. 3 CPP, il est statué sur la restitution à l’ayant droit des objets et des valeurs patrimoniales séquestrés qui n’ont pas été libérés auparavant, leur utilisation pour couvrir les frais ou leur confiscation dans la décision finale.
La confiscation de valeurs patrimoniales a un caractère répressif. Elle tend à empêcher l’auteur de profiter du produit de l’infraction (Dupuis et alii, op. cit., n. 1 ad art. 70 CP). Elle suppose dans tous les cas que les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l’infraction soient réalisés, même si la culpabilité de son auteur n’est pas examinée (Dupuis et alii, op. cit., n. 9 ad art. 70 CP). Seules les valeurs patrimoniales constituant la rémunération ou le résultat direct de l’infraction peuvent être confisquées; il est donc nécessaire qu’il y ait un lien de causalité entre l’infraction et le résultat. L’obtention de valeurs patrimoniales doit apparaître comme la conséquence directe et immédiate de l’infraction (ATF 136 IV 4 c. 6.6). Il en va ainsi lorsque l’obtention de valeurs patrimoniales est un élément objectif ou subjectif de l’infraction ou lorsqu’elle constitue un avantage direct découlant de la commission de l’infraction (Dupuis et alii, op. cit., n. 10 ad art. 70 CP).
7.2.
En l’espèce, B.O._ a clairement admis au cours de l’enquête, propos quelque peu nuancés lors des débats de première instance, que les espèces retrouvées dans le véhicule le 9 décembre 2009 étaient liées à son trafic de stupéfiants. En outre, le montant de 2'754 fr. 10 a été retrouvé sur le prévenu lors de son interpellation le 9 décembre 2009 (P. 18, p. 6 et P. 26) et la somme de 2'270 euros au domicile de ce dernier en 44 coupures de 50 euros et 7 coupures de 10 euros (ibidem). De surcroît, il a été démontré que le prévenu et son épouse avaient une situation modeste à l’époque des faits, puisqu’ils bénéficiaient de l’aide sociale pour compléter leurs revenus. Au vu de ce qui précède, il ne fait aucun doute que ces valeurs patrimoniales sont le résultat de l’infraction à la LStup commise par le prévenu. En effet, ces deux montants sont relativement élevés compte tenu de la situation financière du prévenu, ont été retrouvés sur celui-ci au moment de son interpellation et à son domicile et étaient dans deux devises différentes ainsi qu’en petites coupures. Ils ne pouvaient dès lors manifestement pas provenir de ses économies, de ses revenus, de l'indemnité perçue par l'assurance casco F._ – dont le versement de l’indemnisation remonte à quatre mois avant l’arrestation du prévenu – ou du salaire d'apprenti de son fils contrairement à ce qu’il invoque.
Le grief de l’appelant, mal fondé, doit être rejeté et il convient de confirmer la confiscation et la dévolution à l’Etat des sommes de 2'754 fr. 10 et 2'270 euros séquestrées sous fiche n° 1643.
8.
En définitive, les appels doivent être rejetés et le jugement attaqué confirmé dans son entier.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de A.O._ par moitié, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 3’230 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP, art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). Ce dernier a indiqué qu'il avait consacré 6 heures 50 au dossier, temps en audience non compris. Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, il convient d'admettre que le conseil d'office de l'appelant a dû consacrer 8 heures 30 à l'exécution de son mandat et l'indemnité sera dès lors arrêtée à 1'693 fr. 20, TVA et débours inclus (cf. art. 135 al. 1 CPP).
L'appelant ne sera tenu de rembourser à l'Etat le montant de l'indemnité en faveur de son conseil d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
50533222-d00d-4ae5-a74d-55b8877079dc | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
avril 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a constaté que G._ s’est rendu coupable d’actes d’ordre sexuel avec des enfants, de contrainte sexuelle et de viol (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de deux ans (II), a suspendu l’exécution de la peine et a fixé au condamné un délai d’épreuve de deux ans (III), a dit que G._ est le débiteur de A.Y._ des montants de 15'000 fr. à titre de tort moral, avec intérêt à 5% l’an depuis le 1
er
août 2009, échéance moyenne, et de 9'984 fr. 15, débours et TVA compris, à titre d’indemnité équitable pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (IV), a arrêté l’indemnité due à Me Coralie Devaud, conseil d’office de la plaignante A.Y._, à 3'561 fr. 85, débours et TVA compris (V) et a mis l’entier des frais de la cause par 12'391 fr. 85 à la charge de G._, y compris l’indemnité due au conseil d’office de A.Y._, Me Coralie Devaud (VI).
B.
Par annonce du 7 avril 2015, suivie d’une déclaration motivée du 6 mai 2015, G._ a interjeté appel contre ce jugement. En premier lieu, il a conclu à la nullité du jugement attaqué pour le motif que le jugement motivé, notifié le 16 avril 2015 aux parties, n’était pas signé par le magistrat qui avait présidé le tribunal correctionnel ayant jugé la cause. Alternativement, l’appelant a conclu, avec suite de frais et dépens, à sa libération des accusations d’actes d’ordre sexuel avec des enfants, de contrainte sexuelle et de viol, frais à la charge de l’Etat, ainsi qu’à l’allocation d’une indemnité de 24'000 fr. pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure et d’une indemnité de 15'000 fr. à titre de réparation du tort moral, les frais de la cause, y compris l’indemnité allouée au conseil d’office de A.Y._, étant mis à la charge de cette dernière. À titre de mesures d’instruction complémentaires, il a requis l’audition comme témoins de D._, F._, X._, W._, H._ et L._.
Par courrier du 16 juin 2015, le Président de la Cour d’appel a informé les parties que – envisageant une appréciation juridique divergente au sens de
l’art. 344 CPP – la Cour d’appel se réservait la possibilité de faire application de
l’art. 188 CP (actes d’ordre sexuel avec des personnes dépendantes) s’agissant des faits qui se seraient déroulés après le 16
e
anniversaire de la plaignante. Il a en outre rejeté la réquisition tendant à réentendre comme témoins X._, W._, H._ et L._, de même que la réquisition tendant à soumettre G._ à une expertise psychiatrique, ces preuves complémentaires n’étant pas nécessaires au traitement de l’appel. En revanche, l’audition comme témoins de D._ et F._ a été admise.
Interpellés par le Président de la Cour de céans, la Présidente Véronique Pittet et le Premier président Eric Eckert, du Tribunal d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois ont indiqué, par courrier du 19 juin 2015, que le jugement attaqué avait été rédigé par la présidente en charge du dossier, Véronique Pittet. Ayant reçu une annonce d’appel et constaté que la présidente en charge du dossier, qui était déjà partie en vacances, n’avait pas signé le jugement, le greffe en avait alors parlé au Premier président, Eric Eckert, qui avait décidé de signer le jugement afin de pouvoir traiter l’annonce d’appel sans perdre de temps.
Par courrier du 30 juin 2015, le Président de la Cour d’appel a rejeté la requête déposée par le conseil de A.Y._ tendant à l’audition de [...], responsable technique du Tennis club [...], afin de renseigner la cour notamment sur la question de l’affluence au Tennis club, celle-ci étant présumée variable et non constante selon les saisons, les jours, les heures et la météo, cette question ne paraissant en outre pas décisive et le dossier comportant suffisamment d’indications à ce sujet.
Le 3 juillet 2015, le Président de la Cour d’appel a entendu le témoin F._, en présence des parties assistées de leurs conseils respectifs.
Par courrier du 17 juillet 2015, A.Y._ a produit un bordereau de pièces.
A l’audience d’appel du 21 juillet 2015, G._ a requis l’allocation en sa faveur d’une indemnité, au sens de l’art. 429 CPP, d’un montant de 24'000 fr. s’agissant de ses frais de première instance et de 8'500 fr. pour ses frais de deuxième instance, soit un montant total de 32'500 francs.
Le Ministère public s’en est remis à justice s’agissant du sort de l’appel.
A.Y._ a, quant à elle, conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. a)
G._ est né le [...] 1966. Marié depuis 1994, il est le père de deux filles nées en 1994 et 1998. Il occupe avec sa famille une villa dont il est copropriétaire avec son épouse. Au bénéfice d’un certificat fédéral de capacité d’employé de commerce, il a travaillé dans le domaine bancaire. Il a complété sa formation en suivant des cours d’économiste d’entreprise, puis des cours de logistique industrielle en cours d’emploi. Le 12 février 2008, il a résilié d’un commun accord le contrat qui le liait à son employeur, la banque [...], avec effet au 31 décembre 2008, étant précisé qu’il a été libéré de l’obligation de travailler dès le 1
er
mai 2008. Il s’en est suivi une période de chômage au cours de laquelle G._ a consulté un psychiatre à [...] et a pris des anti-dépresseurs durant quelques semaines ou quelques mois (PV aud. 4, R. 14). Il a donné plusieurs cours de quelques jours en matière de stratégie et gestion d’entreprise notamment en Suisse ou à l’étranger. Dès l’été 2009, il a retrouvé un emploi fixe comme directeur de la société [...], active dans l'aide à la création d'entreprises innovantes, pour un salaire mensuel de l’ordre de 20'000 francs. Il est actuellement en incapacité totale de travailler de sorte que son revenu a baissé d’un peu plus de 20% ; de plus, selon lui, la direction de la société [...] lui aurait indiqué que son poste allait être mis au concours et que son départ était inéluctable. Hormis la dette hypothécaire grevant la villa familiale qu’il occupe, il n’a pas de dettes.
b)
Le casier judiciaire de G._ mentionne la condamnation suivante :
- 14 janvier 2013, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, délit contre la LF sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité, 60 jours-amende à 120 fr. avec délai d’épreuve de 2 ans.
c)
G._ a fait la connaissance de B.Y._, le père de A.Y._, il y a environ 15 ans, dans le cadre de leurs activités au Tennis club [...], dont il a été membre du Comité dès le 28 février 2005. En raison de ses obligations professionnelles et familiales, il a toutefois souhaité démissionner de ce comité au mois d’août 2008. Les deux hommes jouaient ensemble plusieurs fois par semaine, tant lors d’entraînements que lors de tournois et un lien d’amitié s’est développé entre eux. Ils se sont retrouvés à plusieurs reprises pour fêter l’anniversaire de l’un ou de l’autre ou pour prendre un verre, notamment après leurs séances de sport.
2. a)
A.Y._ est née le [...] 1993. Elle vit avec ses parents et ses deux sœurs dans la villa familiale à [...]. Elle a débuté le tennis à l’âge de cinq ans au Tennis club [...], qu’elle a fréquenté de manière assidue, à savoir les lundis et jeudis de 17h à 18h, ainsi que le samedi, jusqu’au mois d’octobre 2010. Elle se rendait en outre régulièrement au club pour y attendre son père lorsqu’il y jouait. Le samedi et le dimanche, elle jouait également au tennis avec ses sœurs ou son père. Enfin, elle donnait des cours aux juniors en compagnie du moniteur officiel. En juillet 2008, elle a achevé sa scolarité obligatoire au collège de [...] et obtenu le certificat de fin d’études de la VSG ainsi que le prix de l’excellence dans les langues, le chant et le meilleur esprit sportif. Elle a ensuite suivi une année de raccordement au collège [...] et obtenu le certificat de fin d’études de la VSB en juin 2009 pour poursuivre sa formation au gymnase.
b)
Nonobstant cette scolarité réussie, A.Y._ a présenté, dès l’âge de 15 ans, d’importantes difficultés, avec des crises de boulimie, des alcoolisations massives et des scarifications. Elle a notamment confié à la thérapeute qui la suit depuis mars 2011 avoir depuis de nombreuses années un sentiment de manque d’attention de la part de son entourage, se sentant moins intéressante que ses deux sœurs.
En mai ou juin 2010, elle a raconté faussement à une de ses professeurs du gymnase et à ses parents qu’elle avait été victime d’un viol en automne 2009 par un inconnu à [...]. Ses parents n’ont pas donné de crédit à ces accusations, jugeant les propos de leur fille contradictoires. À la demande de l’enseignante à qui elle s’était confiée et qui avait ressenti son mensonge comme un abus de confiance, A.Y._ a été changée de classe (P. 4 annexe 7/1 p. 2).
c)
Après deux tentatives de suicide en septembre 2010, A.Y._ a été hospitalisée dans l’Unité d’hospitalisation pour adolescents du CHUV (ci-après : UHPA) dès le 16 décembre 2010, durant sept semaines. Lors de son hospitalisation, A.Y._ a soutenu avoir subi des violences de la part de ses parents, disant notamment que sa mère l’enfermait dehors et que son père la frappait. Ces accusations ont ébranlé ses parents, en particulier son père, B.Y._, qui s’est alors confié à certains amis du club de tennis, dont notamment G._ et W._.
C’est également lors de cette hospitalisation qu’elle a évoqué pour la première fois deux situations d’abus sexuels commis par des amis de son père, abus vécus alors qu’elle était âgée de 15 à 17 ans. Elle a indiqué avoir reçu durant plusieurs mois des messages SMS à caractère pornographique, envoyés par une connaissance de son père, qui fréquentait le même club de tennis et qu’elle a refusé de nommer. Elle a également accusé G._ de l’avoir régulièrement – entre août 2008 et octobre 2010 – attirée dans des recoins cachés des locaux du club de tennis et de lui avoir ainsi fait subir des attouchements à plusieurs reprises au niveau des seins et de l’entrejambe. Il se serait également rendu une fois au domicile de A.Y._, en avance sur un rendez-vous qu’il avait avec le père de cette dernière, pour la déshabiller entièrement sur le canapé situé dans le hall d’entrée de la maison familiale et pour lui fait subir une relation sexuelle complète.
e)
Le 7 février 2011, le médecin référent à l’UHPA a signalé au Service de protection de la jeunesse la situation de A.Y._, précisant notamment que celle-ci avait été hospitalisée pour une idéation suicidaire avec comportement de mises en danger d’elle-même (alcoolisations aiguës et prises de risques sexuels). Le contexte au moment de l’hospitalisation était une crise au niveau familial et scolaire : A.Y._ avait mobilisé des professionnels ainsi que sa famille autour d’un abus sexuel qu’elle aurait subi et de violences familiales, faits qui s’avèreront faux, suscitant une grande colère de l’entourage. Le thérapeute a également relevé qu’au cours de son hospitalisation, A.Y._ avait relaté à plusieurs reprises ses relations à des hommes bien plus âgés qu’elle (plus de 40 ans), notamment quand elle était alcoolisée, qui se permettaient de l’embrasser et de toucher son intimité. Aux cours des entretiens, elle avait pu évoquer que la première fois qu’elle avait été confrontée à cette situation, elle avait 15 ans et n’avait pas encore commencé à consommer de l’alcool. Elle avait entre autres indiqué avoir reçu plusieurs messages SMS à caractère pornographique, durant plusieurs mois, envoyés par une connaissance du père, qui fréquentait le même club de tennis qu’elle (P. 4 annexe 7/1).
Dès le 25 mars 2011, A.Y._ a bénéficié d’un suivi psychothérapeutique associé à un traitement médicamenteux. Le suivi psychothérapeutique se poursuit encore à l’heure actuelle à raison d’une séance tous les quinze jours, en parallèle à un traitement pour ses troubles alimentaires.
f)
Le 17 février 2011, les parents de A.Y._ ont envoyé un SMS à G._ afin de lui proposer de venir à la maison, sous le prétexte d’un petit cadeau pour son anniversaire. Ces derniers avaient en réalité l’intention de confronter G._ à trois fausses lettres anonymes (P. 4 in fine) – qu’ils avaient rédigées au préalable – le mettant graduellement en cause : la première déplorant que la famille [...] ne fréquentait plus le Tennis club et parlant d’un état de choc, la seconde évoquant l’hospitalisation de l’une des filles [...] et suggérant d’en chercher les raisons du côté du Tennis club [...] et enfin la troisième invitant à demander à G._ ce qu’il lui arrivait de faire dans les vestiaires et les douches du Tennis club avec des jeunes filles, annonçant l’imminence d’une dénonciation, mais disant préférer une autre obtention de la vérité et se concluant par « c’est dégueulasse ! ». Arrivé sur place, G._ a été accueilli par T._ qui lui a présenté ces écrits, B.Y._ et A.Y._ s’étant dissimulés à proximité pour observer et écouter les réactions de G._ (PV aud. 1, 2 et 3). Celui-ci a réagi avec colère, en hurlant. Il a aussitôt téléphoné à sa femme, à sa mère, à sa sœur et dès son retour à domicile à des amis du Tennis club, notamment X._ et W._, contribuant ainsi à une large diffusion de l’incident au sein du Tennis club. Une réunion a été organisée au sein du Tennis club pour que B.Y._ et G._ s’expliquent (PV aud. 6, p. 3). B.Y._ n’est toutefois pas venu à cette réunion et a présenté – pour lui et sa famille – sa démission du Tennis club.
g)
Le 22 février 2011, G._ a eu recours à un avocat afin d’exiger des excuses des parents de A.Y._. Ceux-ci ont également consulté un avocat et ont informé G._ qu’ils ne souhaitaient pas dénoncer les faits à la justice pénale et l’ont invité à faire profil bas.
Le 22 avril 2011, G._ a déposé plainte pénale pour injure, calomnie et diffamation à l’encontre de T._ et B.Y._.
3.
a)
Durant l’instruction pénale ouverte à la suite de la plainte déposée par G._, le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois a décidé d’ouvrir, le 22 août 2011, une procédure pénale séparée à l’encontre de G._ pour actes d’ordre sexuel avec un enfant.
b)
Entendue par la police le 16 septembre 2011, A.Y._ a précisé les faits qu’elle reproche à G._, notamment en ces termes :
« (...)
La première fois, c’était l’été de mes 15 ans, en 2008. Je venais d’obtenir mon certificat de fin d’études VSG. Il y avait peu de monde. Il y avait quelques personnes à l’autre bout de la terrasse, mais je ne sais pas qui. J’étais à côté du four à pizza, à la sortie du club, du côté qui donne sur la forêt. (...) G._ est venu vers moi. Il m’a souri et je lui ai souri. Il avait l’air un peu saoul. Il m’a embrassé sur la bouche, avec la langue. Je ne lui ai rien dit, je ne sais pas pourquoi. (...) Il m’a aussi touchée et dit que j’étais belle. J’entends par là qu’il a mis sa main sur ma juge. Au début, il me touchait par-dessus ma culotte, puis par-dessous. Il m’a caressé le sexe. Pour vous répondre, il n’a pas introduit ses doigts dans mon vagin. Je n’ai pas réagi. Il a ensuite pris mes deux joues, m’a fait un bisou et il est parti, je ne sais où. (...). Je me rappelle de plusieurs autres fois, entre six et huit, mais la chronologie est un peu embrouillée. La dernière s’est déroulée quand j’avais 17 ans, juste avant que j’entre à l’UHPA. Je précise sur ce point qu’il y a une année, le 18 septembre, j’ai fait une tentative de suicide. J’en ai encore fait deux autres avant d’être hospitalisée à l’UHPA le 16 décembre l’année dernière. Sur le moment, je savais juste que j’étais en train d’exploser de l’intérieur. Je ne supportais plus de voir des gens. J’étais constamment triste et je faisais beaucoup de cauchemars. Je ne savais pas pourquoi j’étais dans cet état. Aujourd’hui, je sais que c’est notamment à cause de ce que j’ai vécu avec G._ que j’étais aussi mal, mais pas seulement. J’avais aussi d’autres difficultés. (...) Une fois, j’ai pratiquement que des souvenirs qui me sont revenus par flashes quelques jours après les faits. Cela s’est passé dans le couloir qui mène aux toilettes des hommes et des femmes. Je sortais des toilettes des femmes et G._ arrivait depuis l’entrée du club. Cela s’est passé un peu comme la première fois. Cette fois-là, je crois qu’il est entré en moi avec ses doigts. Je lui ai dit « non, s’il te plaît G._ » et il m’a dit un truc comme « t’inquiète ». Je me souviens que je portais mon pull noir Dorothy Perkins. C’était mon pull préféré et je ne l’ai jamais remis. Je crois même que je l’ai jeté. Il me touchait le ventre et je détestais ça. Pour vous répondre, cela a dû se passer en fin d’après-midi, probablement en automne vu que je portais mon pull noir. Il y a eu une fois dans le vestiaire des filles. (...) Ce devait être un lundi parce que j’avais les cours. Mes sœurs étaient déjà sur le court. J’étais allée me changer au vestiaire parce que je n’avais pas eu le temps de le faire avant de venir. Mon prof était aussi déjà sur le terrain. Je me souviens que je portais mon t-shirt Nike gris. J’aimais bien le porter pour les cours et c’est pourquoi je suis quasi sûre que c’était un lundi. (...) J’étais seule dans le vestiaire. Je précise que le lundi, la buvette est fermée et il n’y a pratiquement personne au club, juste peut-être quelques personnes sur les courts. G._ est arrivé. Il faisait mine de chercher quelque chose. Quand il m’a vue, il m’a souri et est venu vers moi. Je me suis assise sur un banc du vestiaire, je ne sais pas pourquoi. Là, il m’a dit que cette fois-ci, c’était moi qui allais lui faire plaisir. Il a dit qu’il m’expliquerait comment faire. J’avais une couette. Il a baissé son short. Il n’avait rien dessous. Il m’a fait lui faire une fellation. Il m’a appuyé sur l’épaule droit. J’étais à genoux. Il m’a dit d’ouvrir la bouche et il m’a mis son pénis dans la bouche. Après, il me faisait bouger la tête en me tenant ma couette. Cela a peut-être duré 10 minutes environ. Après, il m’a de nouveau tenu les joues et m’a dit que j’étais trop bonne et il est parti. (...). Il y a eu aussi une fois dans le vestiaire des hommes. C’était aussi un lundi avant mes cours. J’étais en avance. J’étais arrivée avec le LEB de 1630, donc je suis arrivée quelques minutes après. Mon cours est à 1700. J’allais dans le vestiaire des femmes quand j’ai vu G._ appuyé contre la porte du vestiaire des hommes. Il m’a dit « salut A.Y._ ». Il m’appelle comme ça, mon père aussi. Il lui arrive aussi de m’appeler A.Y._. Il m’a prise par le poignet et m’a tirée dans le vestiaire des hommes. Au début, j’ai de nouveau rien dit. J’étais de nouveau comme figée, ce qui me rend malade. Il m’a embrassée et touché le corps. Il m’a de nouveau pressée sur les deux épaules. Cette fois, je lui ait dit : « non G._, s’il te plait. » Il m’a dit qu’il était sûr que j’en avais envie. Il m’a mis une main sur la bouche et s’est mis à me toucher entre les jambes, à même la peau. Il m’avait aussi introduit ses doigts dans mon vagin. Je crois qu’il m’a de nouveau embrassée. (...). Une fois, cela s’est passé chez moi. G._ était venu chercher mon père pour jouer au tennis. Il est venu une demi-heure / trois quarts d’heure en avance. Mon père n’était pas encore là. J’étais seule à la maison. Il a frappé à la porte. Je suis allée lui ouvrir. Il avait l’air bizarre. Il m’a demandé de lui servir un verre d’eau, ce que j’ai fait. Après, il s’est assis dans le canapé deux places du hall. Il a bu son verre d’eau d’un trait. Cela devait être en automne ou en hiver parce que je portais un training et des chaussettes. Il m’a demandé de m’asseoir à côté de lui. J’ai dit non mais je me suis quand même assise. Après on s’est levés. Il a commencé à être vraiment énergique, presque brutal. Il m’a embrassée et m’a enlevé mon t-shirt. Je me suis laissée faire. Il m’a couchée sur le canapé et là, c’est allé jusqu’au bout. J’entends par là qu’on a couché ensemble. À un moment, j’étais sûre que je lui avais dit non. Maintenant, j’en doute parce qu’il l’a quand même fait. Je précise qu’il m’a pénétrée dans le vagin. Je ne sais plus s’il s’était protégé. Tout ça s’est passé dans le hall chez moi. Ce jour-là, mon père est arrivé comme d’habitude en retard. J’étais déjà retournée à la table. Je faisais mes leçons. G._ attendait sur le canapé. Mon père est vite allé aux toilettes, il m’a embrassée et ils sont partis. Ensuite, je suis sortie fumer une cigarette. Je ne me souviens pas de la suite. Vous me demandez si G._ n’avait pas peur d’être surpris par mon père. En fait, c’est pourquoi je pense lui avoir dit non, parce que je me souviens qu’il m’a répondu que mon père est de toute manière toujours en retard et qu’il était arrivé en avance, lui. Je crois qu’il y a eu encore une fois au tennis. Il me semble que c’était la dernière fois. Je crois que c’était juste avant que j’arrête les entraînements. C’était un peu comme les autres fois. C’était de nouveau dans le couloir qui mène aux toilettes. G._ m’a touchée entre les jambes, par-dessous les habits. Je n’ai pas réagi cette fois-là (PV aud. 3, R. 5).
c)
Par courrier du 6 octobre 2011, A.Y._ s’est constituée partie plaignante, demanderesse au pénal comme au civil.
d)
Entendu à son tour le 14 février 2012, G._ a nié les faits qui lui étaient reprochés. Il a notamment expliqué ce qui suit :
« (...)
Finalement, B.Y._ n’est pas un ami mais a été uniquement un partenaire de tennis. Nous n’avons jamais été le confident de l’un ou de l’autre. Cependant, ma nature et mon caractère m’ont amené à me confier à différentes personnes, dont B.Y._, des passages difficiles que je traversais professionnellement, notamment en 2008, lorsque j’ai perdu mon emploi. En réfléchissant, en octobre-novembre 2010, B.Y._ m’a confié, ainsi qu’à d’autres personnes, qu’il rencontrait des problèmes avec sa fille, A.Y._. Cette période était particulière. Je me rappelle qu’un soir alors que je le véhiculais, car il était sous retrait de permis, il m’avait expliqué que sa fille était internée au CHUV. Il pleurait et m’a expliqué par bribes que sa fille l’avait accusé d’attouchements sexuels. Elle était selon ses termes « dans son propre monde ». Je l’ai soutenu et finalement, il m’a dit qu’il était soulagé car sa fille venait de lui avouer qu’elle avait inventé de fausses accusations à son encontre. Apparemment, d’autres personnes avaient été mises en causse par Ana, notamment dans le domaine sportif et scolaire. (...) (PV aud. 4, R 6).
e)
Les 31 mai et 30 août 2012, le Procureur a procédé à l’audition de plusieurs témoins, dont notamment la petite sœur de A.Y._, [...], qui a expliqué que les trois sœurs étaient très proches et se disaient tout jusqu’à l’entrée de A.Y._ en 7
e
année VSG, alors qu’elle changeait de classe et d’enseignant, période où elle s’est isolée et qui a coïncidé avec une prise de poids très importante (PV aud. 12, l. 49-62).
Les membres du Tennis club [...] entendus, soit W._, H._, X._, ont globalement exprimé leur étonnement face à la mise en cause de G._. Sans pour autant mettre en doute le mal-être de A.Y._, plusieurs d’entre eux ont relevé que la configuration des lieux rendait extrêmement risquée pour un homme toute tentative d’attouchement ou de se rendre dans le vestiaire des femmes (PV aud. 6, l. 50-51, 98-103 et 141-144 ;
PV aud. 7, l. 36-40, 49-56, l. 100-103 ; PV aud. 8, l. 87-89, l. 90-95).
Egalement entendu, J._, ancien président du Tennis club, à une époque où G._ en était le secrétaire, a expliqué n’avoir jamais rien constaté concernant les faits reprochés à ce dernier (PV aud. 11,
l. 43-44). Il a toutefois indiqué qu’à une occasion lors d’une séance de comité, il avait constaté que G._, alors qu’il tenait le procès-verbal sur son ordinateur, avait affiché sur l’écran des images à caractère pornographique. Le témoin lui avait alors demandé de réserver cette occupation à d’autres moments que les séances du comité. Il a également relaté qu’une fois où certains membres du club étaient attablés, ils avaient entendu G._ qui téléphonait à sa femme lui dire à peu près : « je t’ai acheté une nouvelle voiture et tu ne veux même pas me sucer ». Plusieurs personnes auraient été choquées et lui auraient dit d’arrêter (PV aud. 11, l. 56-64).
f)
Le 13 mars 2013, le Procureur a procédé à l’audition de A.Y._. Interrogée sur le moment où les premiers attouchements qu’elle attribue à G._ se seraient produits, elle a notamment déclaré « Je peux seulement préciser que cet événement a eu lieu durant l’été 2008, probablement à la fin de l’année scolaire et en tout cas avant le début du raccordement, soit en juillet-août » (PV aud. 13, R. 2).
S’agissant de la période où elle a commencé à souffrir de boulimie, elle a précisé ce qui suit :
« (...) C’est aux alentours de mes 15 ans que j’ai commencé à souffrir de boulimie. Avant j’avais quelques troubles alimentaires, mais c’était de l’anorexie. Je pense que mes troubles boulimiques doivent avoir commencé à peu près avant les agressions que je reproche à G._. Il y avait déjà plusieurs de ces agressions avant que je ne fasse le raccordement et je souffrais déjà de boulimie lorsque je l’ai commencé » (PV aud. 13, R. 4).
Enfin, interrogée sur l’autre homme dont elle avait déclaré avoir été la victime et qui l’aurait harcelée par des SMS pornographiques et l’aurait caressée au début de l’été 2008, A.Y._ a expliqué qu’il s’agissait d’une personne du tennis qu’elle aimait bien, précisant ce qui suit :
« Cet homme m’a envoyé des SMS à caractère pornographique pendant environ
2 mois. À une occasion, lors d’une fête d’été organisée par les tenanciers de la buvette du club, alors que nous dansions sur la salsa avec ma sœur, cet homme est venu très près de moi, m’a embrassée dans le cou et m’a touché la poitrine. Lorsque j’ai remarqué que ma mère avait vu le manège de cet homme, je me suis détournée de lui parce que j’étais inquiète de ce que pourrait dire ma mère. Je savais que c’était lui qui m’envoyait les SMS. Avant cet événement il m’avait demandé d’aller chez lui. J’avais refusé, mais je lui avais proposé qu’on se rencontre au tennis. En effet, je pensais comme ça ne pas me retrouver seule avec lui. Après l’événement de la salsa il ne s’est plus rien passé. Il a continué à venir au tennis, je ne crois pas qu’il jouait. J’ai montré les SMS qu’il m’envoyait à ma mère. J’imagine qu’elle l’a peut-être contacté et que c’est pour ça qu’il a cessé de m’en envoyer. Je persiste à ne pas vouloir dénoncer cet homme. La première agression que je reproche à G._ se situe après l’épisode de la salsa » (PV aud. 13, R. 6).
g)
Interrogé le même jour par le Procureur, G._ a une nouvelle fois contesté les faits qui lui étaient reprochés. Il a notamment indiqué ce qui suit :
« (...)
En 2008 je suis allé en vacances en Bretagne avec ma famille du 20 juillet au
13 août. Du 30 mai au 16 juin j’étais à Foxtown en Angleterre. Du 11 au 21 septembre 2008 j’étais au Sénégal à titre professionnel. (...) D’une manière très générale je restais à la maison le lundi soir car ma femme avait son entraînement de volley-ball et c’est moi qui restais pour les enfants en particulier ma cadette née en 1998 (PV aud. 14, l. 30-37). (...) Il faut être fou pour se livrer à des actes répréhensibles en ces lieux (couloir qui conduit aux vestiaires du tennis). C’est là qu’il y a le tableau de réservations, la porte du bureau et les portes des vestiaires » (PV aud. 14, l. 46-48).
À propos du viol qui se serait produit à l’automne 2010 et dont A.Y._ l’accuse, G._ a expliqué ce qui suit :
« En automne 2010, je ne suis jamais allé chercher B.Y._ à son domicile. Par contre il est exact que j’ai été chez lui le chercher ou le ramener alors que sa fille était hospitalisée au CHUV. B.Y._ était alors sous retrait de permis. Je me souviens par contre qu’en 2008 j’étais allé chez B.Y._ qui avait un problème avec un appareil électroménager. Il m’est arrivé d’aller chez lui à d’autres reprises avec d’autres personnes pour par exemple boire l’apéro » (PV aud. 14, l. 59-64).
4. a)
Il ressort du rapport médical du 28 juin 2011 de la Dresse [...] et de la psychologue [...] des Boréales (P. 4 annexe 6/8) qu’à la suite des écarts de A.Y._ et des fausses allégations au sujet d’un viol à Lausanne, B.Y._ avait été particulièrement perturbé et irrité. Il avait alors eu des propos secs et disqualifiants à l’égard de sa fille. Pour le médecin et la psychologue, c’est dans un double mouvement de colère et de détresse que A.Y._ avait alors transmis à son entourage que son père était violent avec elle. Toujours selon ces derniers, il ressort dans l’après-coup que A.Y._ avait inventé le scénario du viol par inconnu dans ce qu’on comprend comme un compromis entre le fait de pouvoir évoquer un vécu d’abus sexuel chronique (et dévastateur) et le fait de vouloir se protéger et protéger son père des répercussions d’un scandale dans le milieu du tennis.
L’examen psychologique de A.Y._ a mis en évidence la présence des quatre vécus prévalents chez les victimes d’abus sexuels (vécu de stigmatisation, vécu d’impuissance, vécu de trahison et vécu de sexualisation traumatique) et d’un état de stress post-traumatique qui ressortait par des flash-backs, des cauchemars, une hyper vigilance et la tendance à éviter, dans une anticipation anxieuse, toute situation qui pourrait la mettre en contact avec son agresseur.
b)
Dans un rapport du 27 mars 2015 (P. 64), [...], psychologue aux Boréales, a notamment précisé que le syndrome de stress post-traumatique se manifestait toujours pour A.Y._ sous forme de cauchemars récurrents, d’évitement des situations et des facteurs déclencheurs qui pourraient lui rappeler l’évènement traumatisant ; elle ne fréquentait plus le tennis, évitait de faire ses courses dans les lieux où elle pourrait croiser G._; sous forme d’une hypervigilance constante; elle présentait de gravissimes troubles du sommeil, car elle luttait contre le sommeil, craignant de perdre la maîtrise de la situation et enfin sous forme de troubles neurovégétatifs; elle était souvent malade. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les forme et délai légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Il convient en premier lieu, d’examiner les deux moyens de nullité du jugement attaqué soulevés par l’appelant.
3.1
Ce dernier a tout d’abord fait valoir que le jugement motivé, notifié le 16 avril 2015 aux parties, n’était pas signé par le magistrat qui avait présidé le tribunal correctionnel ayant jugé la cause.
3.1.1
L’art. 409 al. 1 CPP dispose que si la procédure de première instance présente des vices importants auxquels il est impossible de remédier en procédure d’appel, la juridiction d’appel annule le jugement attaqué et renvoie la cause au tribunal de première instance pour qu’il soit procédé à de nouveaux débats et pour qu’un nouveau jugement soit rendu.
Conformément à l’art. 61 let. c CPP, l’autorité investie de la direction de la procédure (direction de la procédure) est le président du tribunal, s’agissant d’une procédure devant un tribunal collégial.
Aux termes de l’art. 80 al. 2 CPP, les prononcés – les jugements étant des prononcés de clôture (art. 81 al. 1 CPP) – sont rendus par écrit et motivés. Ils sont signés par la direction de la procédure et par le préposé au procès-verbal et sont notifiés aux parties.
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, on ne peut renoncer à la signature qui constitue une exigence formelle de sécurité juridique et de validité
(TF 1B_608/2011 du 10 novembre 2011 c. 2.3). La jurisprudence n’indique toutefois pas comment il faut procéder, notamment s’il faut recommencer tous les débats de première instance ou si un autre juge ayant participé à l’audience sans l’avoir dirigée peut valablement signer, lorsque la direction de la procédure n’est plus en mesure de signer (décès ou indisponibilité).
3.1.2
En l’espèce, l’audience qui s’est tenue devant le tribunal de première instance le 1
er
avril 2015 a été présidée par Véronique Pittet. Elle a été levée à 16h20, les parties ayant admis que le dispositif leur soit communiqué ultérieurement, sans nouvelle audience. Le tribunal a délibéré jusqu’à 18 heures, heure à laquelle il s’est séparé en confiant la rédaction du jugement à la Présidente. À ce stade, celle-ci a signé le procès-verbal (jgt., p. 17). Par la suite, la Présidente a rédigé le jugement qui a été approuvé par voie de circulation par les deux autres juges (cf. jgt., p. 18 et messages figurant dans la fourre « pièces de forme »). La Présidente Pittet étant partie en vacances dans l’intervalle, le jugement motivé notifié aux parties comporte la signature du premier président du Tribunal de première instance, celui-ci ayant pris cette initiative afin de pouvoir traiter l’annonce d’appel avec célérité.
Compte tenu de ce qui précède, on constate que le jugement a été rédigé par la direction de la procédure, soit la Présidente Pittet, qu’il a été approuvé par les autres membres du tribunal, qu’il a été signé par un magistrat de même rang que la présidente en remplacement de celle-ci, et non en son propre nom à lui dans la mesure où il a apposé un « p » devant le nom de cette dernière. Il ne souffre dès lors d’aucun vice irrémédiable justifiant de l’annuler et de renvoyer la cause au tribunal de première instance « pour qu’il soit procédé à de nouveaux débats et pour qu’un nouveau jugement soit rendu ». Ce premier grief, mal fondé, doit être rejeté.
3.2
Sans soutenir que sa responsabilité pénale serait diminuée, l’appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir ordonné d’office son expertise psychiatrique alors que, selon lui, les conditions légales en étaient réalisées.
3.2.1
Aux termes de l'art. 20 CP, l'autorité d'instruction ou le juge ordonne une expertise s'il existe une raison sérieuse de douter de la responsabilité de l'auteur. L'autorité doit ordonner une expertise non seulement lorsqu'elle éprouve effectivement des doutes quant à la responsabilité de l'auteur, mais aussi lorsque, d'après les circonstances du cas particulier, elle aurait dû en éprouver, c'est-à-dire lorsqu'elle se trouve en présence d'indices sérieux propres à faire douter de la responsabilité pleine et entière de l'auteur (ATF 133 IV 145 c. 3.3). Constituent de tels indices, une contradiction manifeste entre l'acte et la personnalité de l'auteur, le comportement aberrant du prévenu, un séjour antérieur dans un hôpital psychiatrique, une interdiction prononcée en vertu du code civil, une attestation médicale, l'alcoolisme chronique, la dépendance aux stupéfiants, la possibilité que la culpabilité ait été influencée par un état affectif particulier ou l'existence de signes d'une faiblesse d'esprit ou d'un retard mental (TF 6B_418/2009 du 21 octobre 2009 c. 1.2 et les références citées), ou encore le fait de s’être livré à des actes d’ordre sexuel susceptibles d’avoir pour origine des pulsions anormalement fortes (Sträuli, Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 24 ad art. 20 CP). Une planification insuffisante de l’infraction et l’inadéquation des moyens engagés ne suffit en revanche pas à susciter un doute s’agissant de la responsabilité pleine et entière de l’auteur (Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 10 ad. art. 20 CP).
3.2.2
En l’espèce, les faits reprochés au prévenu, soit un passage à l’acte qui se serait répété à quelques reprises sur une période totale de trois ans, ne permettent pas de conclure que l’appelant aurait agi poussé par une pulsion sexuelle anormalement forte, ni qu’il serait un maniaque sexuel. Ainsi, faute d’éléments médicaux ou d’abus de substance ou encore de pulsions sexuelles anormalement fortes, aucun élément du dossier ne constitue un indice permettant de douter de la pleine et entière responsabilité pénale de l’appelant. Il n’y avait dès lors pas lieu de procéder à une expertise psychiatrique de l’appelant. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
4.
Sur le fond, l’appelant conteste sa condamnation pour actes d’ordre sexuel avec des enfants, actes d’ordre sexuel avec des personnes dépendantes, contrainte sexuelle et viol, invoquant une violation du principe de la présomption d’innocence.
4.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ;
RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence
(TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
L’appréciation des preuves est l’acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. L’appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin, même prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens qu’à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Jean-Marc Verniory, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP et les références jurisprudentielles citées).
4.2
En l'espèce, la Cour d’appel, se fondant sur les conclusions des certificats établis par les médecins et thérapeutes qui ont suivi A.Y._ depuis mars 2011 (P. 4 annexes 6/8 et 7/1 ; P 64), tient pour acquis que celle-ci a été la victime d’abus sexuels, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par l’appelant.
S’agissant de l’auteur de ces abus et de leur déroulement, les parties présentent en revanche des versions diamétralement opposées. La Cour d’appel doit ainsi se forger sa propre conviction – sur la base des éléments du dossier – pour trancher entre la version de la plaignante ou celle de l’appelant.
En premier lieu, la Cour de céans constate que les troubles de l’alimentation dont souffre la plaignante sont préexistants aux faits qu’elle impute à l’appelant (PV aud. 13, R. 4), de sorte qu’une corrélation étroite entre les abus dénoncés et l’apparition de ces troubles n’est pas établie.
En outre, A.Y._ a menti à plusieurs reprises, s’agissant d’un viol qu’elle aurait subi à [...] ou encore de maltraitances infligées par ses parents. Ces mensonges au sujet du viol fictif peuvent certes être interprétés comme des appels à l’aide d’une jeune fille en souffrance, comme l’a relevé la psychologue à qui elle s’est confiée. Ces mensonges sont cependant plus difficilement compréhensibles en tant qu’ils visent ses propres parents, faussement mis en cause pour de la maltraitance. Par ailleurs, la plaignante a également dit avoir été harcelée durant plusieurs mois par un ami de son père, distinct de l’appelant, qui fréquentait le même club de tennis et qui lui avait envoyé des SMS à caractère pornographique, de même qu’il lui avait touché les seins alors qu’ils dansaient sur la terrasse du Tennis club, précisant qu’elle aimait bien cet homme et qu’elle refusait de dévoiler son identité (PV aud. 13, R. 6). Elle a enfin confié à ses thérapeutes avoir eu
à plusieurs reprises des relations avec des hommes bien plus âgés qu’elle (plus de 40 ans), notamment quand elle était alcoolisée, ces hommes se permettant de l’embrasser et de toucher son intimité (P. 4 annexe 7/1).
Si certains attouchements furtifs dans les locaux du Tennis club, dénoncés par A.Y._ – qu’elle impute à l’appelant – sont envisageables, en revanche, au vu du risque d’être surpris, la fellation qui aurait duré une dizaine de minutes et se serait produite un lundi entre 17h et 18h dans le vestiaire des femmes du Tennis club, juste avant le cours que A.Y._ suivait avec ses sœurs (PV aud. 3, R 5, p. 3 ; PV aud. 13, l. 55-60) et l’acte sexuel complet qu’elle affirme avoir subi sur le canapé du hall d’entrée de la villa familiale, après avoir été entièrement déshabillée par son agresseur (PV aud. 3, R. 5, p. 4 ; PV aud. 13, l. 64-66), sont difficilement concevables, dans la mesure où l’appelant avait rendez-vous avec le père de A.Y._ et qu’il ne savait pas forcément si les sœurs de cette dernière étaient présentes dans la maison. La prise d’un tel risque n’est guère vraisemblable.
En définitive, pris dans leur ensemble, tous les éléments susmentionnés conduisent la Cour d'appel pénale à conclure qu'un doute irréductible subsiste sur l’auteur et la nature des abus subis par A.Y._.
En vertu du principe
in dubio pro reo
, ce doute doit profiter au prévenu qui, dans ces circonstances, doit être libéré de toutes les accusations.
5.
L’appelant a conclu à l’allocation d’une indemnité pour tort moral de 15’000 francs.
5.1
En vertu de l’art. 49 al. 1 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d’argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie et que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement.
L'allocation d'une indemnité pour tort moral suppose que l'atteinte ait une certaine gravité objective et qu'elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime qu'une personne, dans ces circonstances, s'adresse au juge pour obtenir réparation (ATF 131 III 26 c. 12.1; TF 1B_648/2012 du 11 juillet 2013 c. 1.2).
5.2
En l’espèce, la Cour de céans relève que par son acquittement, l’appelant obtient déjà une réparation importante du tort moral dont il se prévaut. Par ailleurs, il a déjà connu des épisodes de dépression en 2008 ; compte tenu de cette fragilité psychique, le lien entre les accusations portées par la plaignante à son encontre et le dommage qu’il évoque n’est pas clairement établi. De plus, l’appelant a aggravé le préjudice en orchestrant lui-même la médiatisation des accusations qui étaient portées contre lui, notamment en alertant sa famille, ses compagnons de tennis et en parlant de l’affaire à la presse. Enfin, le montant du tort moral qu’il réclame est manifestement excessif, ce niveau de réparation étant réservé à des personnes gravement atteintes dans leur intégrité physique ou sexuelle.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il convient d’allouer un montant de 2'000 fr. à l’appelant à titre de réparation du tort moral.
6.
En définitive, l'appel doit être admis et G._ acquitté, de sorte que les frais de première instance doivent être laissés à la charge de l'Etat.
Conformément à ses conclusions, le prénommé, acquitté, a droit une indemnité pour les dépenses occasionnées pour l'exercice raisonnable de ses droits de procédure en première instance (art. 429 al. 1 let. a CPP). Compte tenu de la nature de la cause, de la durée de la procédure et de l’expérience du défenseur de l’appelant, cette indemnité peut être arrêtée à 24'000 francs. S’agissant des frais de deuxième instance, l’indemnité sera arrêtée à 8'500 francs.
Une indemnité de conseil d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 4'233 fr. 60
,
TVA et débours inclus,
doit être allouée à Me Coralie Devaud.
Nonobstant la conclusion en rejet de l’appel prise par l’intimée, les frais de la procédure d'appel, comprenant l’émolument par 3’810 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ainsi que l’indemnité allouée au conseil d’office de A.Y._, seront, en équité, laissés à la charge de l’Etat (art. 427 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
51ae9a6b-02df-43a7-bba3-c8dff76a285b | En fait :
A.
Par jugement du 18 septembre 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré R._ des chefs d'accusation de vol, subsidiairement d'abus de confiance et de faux dans les titres et mis fin à l'action pénale à son encontre (I), libéré Z._ du chef d'accusation de recel et mis fin à l'action pénale à son encontre (II), libéré I._ du chef d'accusation de recel et mis fin à l'action pénale à son encontre (III), ordonné la levée du séquestre en faveur de L._ tel qu'ordonné par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne le 9 août 2010 sur le fourgon Mercedes-Benz 211 CDI numéro de châssis [...] (IV), mis une partie des frais de la cause arrêtés globalement à 6'235 fr. (six mille deux cents trente cinq francs) à la charge de R._ par 1'000 fr. (mille francs), le solde étant laissé à la charge de l'Etat (V), alloué à Z._ une indemnité pour ses frais de défense fixée à 5'600 fr. (cinq mille six cents francs) et dit que l'Etat de Vaud lui doit immédiat versement de cette somme (VI), alloué à I._ une indemnité pour ses frais de défense fixée à 4'100 fr. (quatre mille cents francs) et dit que l'Etat de Vaud lui doit immédiat versement de cette somme (VII).
B.
Le 24 septembre 2012, R._ et Z._ ont déposé une annonce d'appel.
Le 28 octobre 2012, R._ a déposé une déclaration d'appel motivée, et conclu, sous suite de frais et dépens, principalement à la réforme du jugement entrepris en ce sens que les frais de la cause, arrêtés à 6'235 fr. sont laissés à la charge de l'Etat (II) et qu'une indemnité de 8'957 fr.10 lui est allouée (III); subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée devant le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne pour qu'il statue sur sa demande d'indemnisation au sens de l'art. 429 al. 1 CPP. Il a en outre requis son audition lors de l'audience d'appel ainsi que le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure d'appel.
Le 29 octobre 2012, Z._ a déposé une déclaration d'appel motivée et conclu sous suite de frais et dépens, à ce que le chiffre VI du jugement rendu par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne soit modifié comme suit "VI. Alloue à Z._ une indemnité pour ses frais de défense fixée à 8'061 fr. 90 (huit mille soixante et un francs et nonante centimes) et dit que l'Etat de Vaud lui doit immédiat versement de cette somme".
Par courrier du 20 novembre 2012, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a renoncé à déposer un appel joint.
Par acte du 6 décembre 2012, le Président de la Cour de céans a annoncé que, vu l'objet des appels, il serait statué sur la base d'une procédure écrite (406 al. 1 CPP). De plus, les appels ayant d'ores et déjà été motivés, il ne serait pas fixé de délai au sens de l'art. 406 al. 3 CPP.
Par courrier du 7 décembre 2012, R._ ne s'est pas opposé à la procédure écrite, renonçant dès lors à être entendu dans le cadre de la présente procédure.
Par courrier du 18 janvier 2013, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a renoncé à déposer des déterminations.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
R._ est né en 1980 à Bratislava, en Slovaquie d'où il est originaire. Il a vécu dans ce pays jusqu'à l'âge d'une année. Il est alors venu en Suisse avec ses parents et son grand-frère.
1.2
Le casier judiciaire suisse de R._ contient les inscriptions suivantes :
- 06.01.2003. Juge d'instruction de Lausanne : amende de 200 fr., sursis à l'exécution de la peine avec délai d'épreuve de deux ans (injure – 24.04.2002);
- 18.06.2004. Juge d'instruction de Lausanne : emprisonnement de 15 jours et amende de 500 fr. (lésions corporelles simples – 01.04.2003 –; dommages à la propriété – 07.07.2003 –; violation des règles de la circulation routière – 07.07.2003 –; infraction à la LF sur la circulation routière – 07.07.2003 –);
- 02.06.2005. Juge d'instruction de Lausanne : amende de 200 fr., sursis à l'exécution de la peine avec délai de mise à l'épreuve de un an (délit contre la LF sur les armes – 06.11.2004 –).
2.
2.1
Z._, né en
1974 à Bedias, au Liban, pays dont il est ressortissant, est arrivé en Suisse en 2000; il dit avoir également la nationalité italienne. Depuis son arrivée, il travaille avec son frère dans l'entreprise de commerce de véhicules d'occasion que ce dernier a rachetée dans l'intervalle, à savoir la société F._ à Renens. Salarié de l'entreprise, il réalise un revenu de 3'800 fr. brut.
2.2
Le casier judiciaire suisse de Z._ contient l'inscription suivante :
- 01.12.2008. Tribunal de police de Lausanne : peine pécuniaire de 30 jours-amende à 40 fr., sursis à l'exécution de la peine avec délai de mise à l'épreuve de deux ans (abus de confiance – 01.04.2006 au 21.10.2006 –).
3.
Au début de l'année 2007, L._ a constitué une société anonyme dénommée K._ oeuvrant dans le transport et la livraison de mobilier. L'acte constitutif de cette société indiquait comme fondateurs L._, Q._ et un tiers.
En juillet 2007, L._, après en avoir informé Q._, a acheté un fourgon Mercedes 211 CDI au Garage [...], pour un montant de 12'000 fr. (douze mille francs). La facture, a été établie au nom de Q._, K._" à l'adresse professionnelle de L._.
Vers la fin de l'été 2007, R._, qui avait déjà effectué divers travaux pour L._, s'est à nouveau vu confier par ce dernier quelques petits travaux, sur appel, notamment le transport de meubles. Pour ce travail, R._ recevait une rémunération de la main à la main, sans quittance.
Le 24 octobre 2007, sur les instructions de L._, R._ s'est rendu auprès du garage F._, entreprise d'achat-vente-export de véhicules sise à Renens. Il a proposé à Z._ de lui vendre le fourgon Mercedes 211 CDI, pour un montant de l'ordre de 6'000 fr. à 10'000 francs. Z._ lui a fait une proposition à 8'000 fr. que R._ a acceptée. Il a fait annuler le permis de circulation du fourgon, qui était immatriculé au nom de Q._.
La vente a été formalisée par un "contrat d'achat n°0929" sur papier à en-tête de K._, daté du 24.10.2007. Ce document indiquait notamment les nom et prénom de L._, l'adresse privée et le numéro de portable de ce dernier. R._ a signé cette fiche au nom de L._, fiche que Z._ a contresignée. Ce dernier s'est contenté de s'assurer que le permis de circulation du véhicule correspondait à ce dernier et avait dûment été annulé. Il n'a pas vérifié l'identité de R._, qu'il ne connaissait que de vue, avant de contresigner le "contrat de vente". A ce moment, le fourgon contenait deux meubles usagés qui venaient d'être débarrassés de chez une cliente de L._ pour être jetés. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjetés dans les formes et délai légaux contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels sont recevables. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
I. Appel de R._
2.
2.1
R._ conclut à ce que les frais de procédure de première instance par 6'235 fr. soient laissés à la charge de l'Etat.
2.1.1
Aux termes de l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge notamment s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure.
2.1.2
Selon l'arrêt du Tribunal fédéral du 22 octobre 2012 (TF 6B_331/2012, du 22 octobre 2012), la condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit respecter la présomption d'innocence, consacrée aux art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101) et 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950; RS 0.101). Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. A cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (ATF 119 Ia 332 c. 1b; ATF 116 Ia 162 c. 2c). Ces considérations valent mutatis mutandis lorsque le tribunal refuse d'allouer une indemnité au prévenu en cas de procédure se soldant sans condamnation (ATF 115 Ia 309 c. 1a ; TF 6B_215/2007 du 2 mai 2008 c. 6).
Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais ou le refus d'une indemnité, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO (ATF 119 Ia 332 c. 1b ; ATF 116 Ia 162 c. 2c). Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 119 Ia 332
ibidem
; ATF 116 Ia 162 c. 2d). L'acte répréhensible doit en outre se trouver dans une relation de causalité adéquate avec l'ouverture de l'enquête ou les obstacles mis à celle-ci. Tel est notamment le cas lorsque le comportement du prévenu, violant clairement des prescriptions écrites cantonales, était propre à faire naître, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le soupçon d'un comportement punissable justifiant l'ouverture d'une enquête pénale (ATF 116 Ia 162 c. 2c). Enfin, une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation (TF 6B_331/2012
ibidem
; ATF 116 Ia 162 c. 2c).
Sur la base des principes précités, la jurisprudence a régulièrement admis qu'un comportement contraire à une disposition légale peut, sans violation de la présomption d'innocence, être retenu pour justifier la mise à charge des frais, respectivement le refus d'indemnité, même si l'action pénale pour l'infraction correspondante n'a pas abouti à une condamnation (TF 6B_331/2012
ibidem
; TF 6B_143/2010 du 22 juin 2010 c. 3.1; TF 1P.584/2006 du 22 décembre 2006 c. 9.3).
Il convient dès lors d'examiner si R._ a adopté un comportement fautif et contraire à une règle juridique et de ce fait, commis une faute civile, justifiant de lui mettre les frais de la procédure à sa charge nonobstant son acquittement.
2.2
En l'espèce, l'autorité de première instance, tout en libérant R._, à mis à sa charge une petite partie des frais au motif qu'il avait commis un acte illicite en signant un contrat d'achat au nom de L._.
Le Tribunal de police a cependant retenu la version de R._, à savoir que celui-ci a agi à la demande et conformément aux instructions de L._. En effet, R._ a été autorisé par son patron, L._, à faire annuler le permis de circulation et à signer le contrat de vente à son nom.
Compte tenu de ce consentement, et contrairement aux conclusions du premier juge, tout acte illicite peut ici être écarté. Bien fondé, l'appel de R._ doit être admis sur ce point.
3.
R._ conclut ensuite à l'allocation d'une indemnité au sens de l'art. 429 CPP.
3.1
S'agissant de l'indemnité basée sur l'art. 429 CPP, R._ n'a pas pris de conclusion en ce sens avant la fin des débats de première instance. Toutefois, le premier juge aurait dû l'interpeller d'office sur cette question. Dès lors, le fait que ces conclusions ne soient formellement prises qu'au stade de l'appel ne nuit pas à leur recevabilité (TF 1B_475/2011 du 11 janvier 2012).
Aux termes de l'art. 429 al. 1 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) et à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c).
A partir du moment où le prévenu remplit les conditions posées
à l'art. 429 al. 1 CPP et qu'aucun motif de réduction ou de refus au sens de l'art. 430 CPP ne peut lui être imputé, l'indemnité doit lui être accordée. Il s'agit d'une obligation et non d'une possibilité, ainsi que cela ressort du texte légal.
Les principes qui régissent la condamnation aux frais d'un prévenu libéré (art. 426 al. 2 CPP) valent également, mutatis mutandis, pour le refus d'une indemnité au sens de l'art. 430 al. 1 let. a CPP (TF 1B.179/2011 du 17 juin 2011 c. 4.2; J. Pitteloud, Code de procédure pénale suisse, Commentaire à l'usage des praticiens, 2012, n. 1314). Ainsi, le sort réservé aux frais est en règle générale le même que pour les indemnités (ATF 137 IV 352 c. 2.4.2; J. Pitteloud, op.cit., n. 1335).
S'agissant de la quotité de l'indemnité à allouer, la pratique de l'ancien Tribunal d'accusation vaudois, pour les causes antérieures à l'entrée en vigueur du CPP, se fondait sur un tarif horaire de 250 fr., lequel avait été jugé adéquat par le Tribunal fédéral (TF 6B_668/2009 du 5 mars 2010 c. 3.2.2 et les références citées). Ce même tarif a été, sauf dans de très rares exceptions, repris et appliqué par la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal et la cour de céans depuis l'entrée en vigueur du CPP, sans qu'il ne soit remis en cause. De son côté, le Tribunal pénal fédéral dispose d'un règlement fixant le tarif horaire à 200 fr. au minimum et à 300 fr. au maximum (art. 12 al. 1
er
du Règlement du Tribunal pénal fédéral sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale du 31 août 2010, RS 173.713.162, RFPPF) et applique usuellement un tarif horaire de 220 fr. (arrêt BH.2011.8 du 10 janvier 2012 c. 3) lequel s'applique également à l'indemnité de
l'art. 429 CPP (cf. art. 10 RFPPF). Ainsi, à tout le moins dans les causes qui ne sont pas d'une ampleur particulière, comme tel est le cas en l'espèce, il convient d'appliquer le tarif usuel de 250 fr. et d'allouer, pour tenir compte de la TVA, une indemnité horaire de 270 francs.
L'appelant requiert une indemnité servie nette pour ses frais de défense. Son avocat, Me Stephen Gintzburger n'en devra pas moins payer la TVA sur les honoraires facturés. La pratique de la Cour de céans et de la Chambre des recours pénale consistant à allouer une indemnité horaire nette de 270 fr., TVA comprise, il convient d'allouer en l'espèce 7'560 fr. correspondant aux 28h00 de travail annoncées par Me Stephen Gintzburger
3.2
En l'espèce, compte tenu des arguments développés sous chiffres 2.1.2 et 2.2 ci-dessus, R._ n'a pas eu de comportement civilement répréhensible et peut prétendre à une indemnité au sens de l'art. 429 CPP, aucun motif de réduction ou de refus d'indemnité au sens de l'art. 430 CPP ne pouvant lui être appliqué.
4.
R._ a requis l'octroi de l'assistance judiciaire dans le cadre de la présente procédure.
4.1
La direction de la procédure ordonne une défense d’office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l’assistance d’un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts (art. 132 al. 1 let. b CPP). La défense d’office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l’affaire n’est pas de peu de gravité et qu’elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP).
4.2
En l'espèce, R._ étant dépourvu de ressources financières suffisantes pour rémunérer son mandataire ainsi que des connaissances nécessaires pour faire valoir ses moyens, il y a lieu d'admettre la requête d'assistance judiciaire déposée par Me Stephen Gintzburger pour R._ et de le désigner comme conseil d'office pour la procédure d'appel.
II. L'appel de Z._
5.
Z._ conteste pour sa part le tarif horaire de 250 fr. et réclame que celui-ci soit porté à 356 fr. (330 fr. plus TVA).
5.1
S'agissant de la quotité de l'indemnité allouée à Z._ sur la base de l'art. 429 CPP, on se réfèrera aux principes retenus sous chiffre 3.1 ci-dessus.
5.2
En l'espèce, le conseil de Z._, a déposé une liste d'opérations faisant état, globalement, d'une vingtaine d'heures consacrées à son mandat, dont 5.5 heures avant l'entrée en vigueur du nouveau taux de TVA au 1
er
janvier 2011. Ce nombre d'heures a paru raisonnable au Tribunal de première instance. Il n'est pas remis en cause au stade de l'appel (cf. déclaration d'appel, p. 3). C'est à juste titre en conséquence que les premiers juges ont alloué à Z._ une indemnité de 5'600 fr. (20 x 270 fr. plus 200 fr., TVA comprise pour les débours). L'appel doit donc être rejeté sur ce point.
6
En définitive, l'appel de R._ est admis, celui de Z._ est rejeté.
7.
Compte tenu de la complexité de l'affaire et des opérations effectuées, il convient d'arrêter à 777 fr. 60, TVA comprise, l'indemnité allouée à R._ pour les dépenses occasionnées par l'exercice de ses droits en procédure d'appel. Ces frais seront laissés à la charge de l'Etat.
Les frais totaux de la procédure d'appel sont fixés à 1'987 fr. 60. Cette somme comprend les frais communs fixés à 1'210 fr. (art. 21 TFJP, [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]) et l'indemnité servie au défenseur d'office de l'appelant, soit 777 fr. 60, TVA comprise.
Vu l'issue de la cause, ces frais doivent être mis à raison d'un quart des frais communs, par 302 fr. 05, à la charge de Z._ (art. 428 al. 1 CPP), le solde, par 1'685.55, étant laissé à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
51b2a0e5-8fa2-42e8-b7f1-68f6fcae21ab | En fait :
A.
Par jugement du 8 octobre 2013, le Tribunal de Police de l’arrondissement de La Côte a constaté que L._ s'était rendu coupable de diffamation, d'injure et de menaces qualifiées (I), condamné L._ à une peine privative de liberté de 9 mois, sous déduction de 182 jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 50 fr. (II), suspendu l'exécution des peines mentionnées au chiffre II ci-dessus et imparti à L._ un délai d'épreuve de 3 ans (III), dit que L._ était le débiteur de G._ des sommes de 1'500 fr. plus intérêts à 5 % l'an dès le 27 janvier 2011 à titre de tort moral et de 15'876 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 1
er
octobre 2013 au titre de frais d'avocat (IV), ordonné le maintien au dossier des pièces à conviction inventoriées sous fiches nos 3635 et 3752 (V), mis les frais de procédure, arrêtés à 19'596 fr. 90, montant qui incluait l'indemnité allouée à Me Denis Weber, défenseur d'office du prévenu, par 9'700 fr., débours et TVA inclus, dont 2'700 fr. lui avaient d'ores et déjà été versés, à la charge de L._ (VI) et dit que L._ ne serait tenu de rembourser à l'Etat l'indemnité allouée à son défenseur d'office, conformément au chiffre VI ci-dessus, que pour autant que sa situation financière le permette (VII).
B.
Par annonce du 10 octobre 2013 suivie d’une déclaration motivée du
12 février 2014, L._ a formé appel contre ce jugement, concluant principalement à sa réforme en ce sens qu'une peine plus clémente lui soit infligée, subsidiairement à son annulation et au renvoi du dossier de la cause au Tribunal de police pour nouveau jugement dans le sens des considérants.
Par conclusions motivées du 2 avril 2014, le Ministère public a conclu au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement attaqué et à la mise à la charge de l'appelant des frais de la procédure d'appel.
A l'audience d'appel, G._ a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Originaire de [...], le prévenu L._ est né le [...] 1970 à [...]. Il est séparé de G._. Il travaille depuis le 1
er
juin 2013 comme géomaticien au service de la Ville de Lausanne et réalise à ce titre un salaire brut de l’ordre de 6'000 fr. par mois, versé treize fois l’an. Ses charges mensuelles essentielles se composent d’un loyer de 1'400 fr., d’environ 280 fr. de prime d’assurance-maladie et de 156 fr. de frais de déplacements professionnels; L._ dit ignorer le montant de sa charge fiscale actuelle. Il est en outre tenu au versement d’une contribution d’entretien de 2'000 fr. par mois, qu’il ne paie actuellement pas; l’Office des poursuites lui saisit en revanche 1'500 fr. par mois pour des arriérés de pensions. Il a également une dette de l’ordre de 500 fr. pour sa carte de crédit. Il n’a pas d’économies.
Dans le cadre de la présente affaire, le prévenu a été détenu provisoirement du 8 juin au 5 juillet 2011 puis du 24 mai au 24 octobre 2012, soit pendant 182 jours.
1.2
Le casier judiciaire du prévenu est vierge.
1.3
En cours d’instruction, le prévenu a été soumis à une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du 5 octobre 2012 (P. 109), les experts ont posé le diagnostic de trouble de la personnalité antisociale et l’ont qualifié de grave. Ils ont considéré que le prévenu restait capable d’apprécier le caractère illicite de son acte – le trouble de la personnalité permettant en fait de le légitimer – et que la capacité à se déterminer était conservée. Ils ont précisé que l’expertisé était susceptible de commettre de nouvelles infractions. Ils ont constaté que la colère était toujours aussi importante et que des éléments laissaient suggérer qu'elle pourrait même augmenter, ce qui pourrait entraîner une augmentation de la violence, le comportement de l’intéressé pouvant aller jusqu’à un passage à l’acte physique important. Ils ont indiqué qu’à l’heure actuelle, il n’existait pas de traitement psychopharmacologique permettant de diminuer un trouble de la personnalité antisociale. Ils ont enfin exposé que du fait que le prévenu tentait de manipuler autrui, un traitement psychothérapeutique avait peu de chance de réussir, surtout qu’il ne considérait pas lui-même souffrir d’une maladie mentale nécessitant de se faire soigner. S'agissant du traitement le plus efficace d’un trouble de la personnalité antisociale et comportementale, les experts ont enfin précisé que le comportement pouvait être modifié par la menace de sanctions légales ou par l’exécution de celles-ci.
2.
2.1
Le prévenu et G._ se sont mariés en 2005. De cette union sont issus deux enfants, nés le [...] 2006 et le [...] 2008. Le 21 novembre 2010, G._ a quitté le domicile conjugal. Elle a saisi le Président du Tribunal de l’arrondissement de La Côte d’une requête en mesures protectrices de l’union conjugale le 24 mars 2011.
2.2
Entre le 26 janvier 2011 et le 6 avril 2011, le prévenu a adressé quinze messages contenant des menaces de mort et vingt messages contenant des injures sur le téléphone portable de G._ à partir de son raccordement mobile. Il a notamment écrit ce qui suit :
«
Je te garanti que si un jour tu vis avec un autre homme, je te tue. Grosse pute.
»
« [...]
tu as voulu m’éloigner des enfants, bien, alors moi je vais aussi t’éloigner d’eux, je vais te faire la peau, t’étrangler afin que tu passes à trépas.
»
«
Tu n’es qu’une grosse pute et saloperie qui ne doit pas continuer à nuire à l’avenir des mes garçons, tu crever.
»
«
T’es un peu blonde sur les bords toi, tu crois que je vais t’étrangler sous les yeux des enfants. Quand tu seras seule dans un parking souterrain ça me semble plus approprier.
»
«
[...]
[C]
ontinue à m’éloigner de mes enfants ainsi et tu verras quel homme je peux être, mets toi bien ça dans ton crâne, pauvre tâche.
»
«
Sache qu’en me poussant à bout, je risque bien de mettre mon acte à exécution, tu ne mérites plus de vivre. C’est vraiment dommage pour ceux qui t’aiment, nos enfants les premiers.
»
«
Ne t’avises plus à t’approcher de moi, je te rappele que j’ai appris à manier deux armes de guerre, alors hors de mon chemin.
»
«
Je vais devoir trouver une autre solution lorsque je prends les enfants, car si je te revois, je te tue.
»
«
Tu ne m’as pas assez sucé durant ces années, tu en veux encore, et bien profite en vite car je vais te buter, grosse pute !
»
«
T’inquiètes, je suis fin prêt à te faire la peau ainsi qu’à ta famille d’enfoirés, grosse pouffiace de merde !
»
«
Comme j’ai qu’une envie de te mettre mon point dans la gueule, grosse pouffiace
[...] »
«
Je veux juste encore t’informer que j’avais une spécialisation de tireur d’élite avec le Fass 90 durant mon école de recrue
[...] »
«
Tu n’es vraiment qu’une pauvre enfoirée, ai-je pas été asser claire pour te demander un peu de temps afin que je puisse me poser un peu, non toi tu veux ma peau, et bien j’aurais aussi la tienne, tout vient à point qui sait attendre. Grosse pouffiace
».
«
Y’a pas de souci, tu peux crever toi et ta famille d’enfoirés, vous me faites gerber. Gross pouffiace
».
«
Tu es toujours contente de toi, grosse pute. Tu veux encore me sucer, bon alors moi je vais t’enculer jusqu’à l’os, jusqu’à ce que tu crèves, grosse pouffiace !
».
G._ a déposé plainte pénale et s’est constituée partie civile pour ces faits le 7 avril 2011.
2.3
Entre le 11 mai 2011 et le 1
er
juin 2011, à partir de son raccordement mobile, le prévenu a adressé un message contenant des menaces de mort, ainsi que dix-sept messages d’injures, sur le téléphone portable de G._. Il a notamment écrit ce qui suit :
«
De toute manière, je veux plus voir ta sale gueule, où peutêtre une dernière fois dans une grande boîte en sapin. Grosse salope
».
«
Je veux voir mes enfants et vite, bande d’enculés
».
«
Quand tu auras fini de te faire sautée grosse vache, tu me donneras tes cordonnées banquaires pour ton pognion afin de t’envoyer en l’air en Tunisie
».
«
Mais va te faire mettre grosse pute
».
«
C’est affligeant, du chantage sur les enfants ! Mais va te faire enculer bien profond
».
«
Tu es satisfaite de toi grosse pute, tu veux encore me sucer, tu en as pas assez avaler grosse salope !
».
«
Alors tu es contente, tu pourras avec mon pognion partir au CLUB MED en vacance, te faire sodomisée, grosse putain
».
«
Avec deux mille balles que tu me vole chaque mois, tu es maintenant une pute de luxe. Ton anus est encore assez dilaté ? Laisse ouvert j’arrive grosse salope !
».
G._ a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 3 juin 2011.
2.4
Entre le 24 mai 2011 et le 27 mai 2011, le prévenu a adressé à N._, la mère de G._, trois SMS au sujet de son épouse. Il a écrit ce qui suit :
«
Tu diras à ta pute de fille ainée, qu’elle profite bien de mon pognion quand elle montera à Paris se faire sodomisée au sofitel.
»
«
Avant de dire que ce sont mes enfants, j’attends le résultat d’un test ADN, elle a très bien pu écarter les cuisses devant un autre cette grosse salope.
»
«
Il faudra que son nouveau jule aime se taper des gros thons pour pouvoir la monter, sinon il faudra mieux qu’il fasse dans la cave à Nyon dans le noir.
»
G._ a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 3 juin 2011.
2.5
Le 1
er
juin 2011, entre 15h35 et 20h50, le prévenu a adressé quatre messages, dont certains laissant penser qu’il allait s’en prendre au commerce des parents de son épouse, sur le téléphone portable de N._, mère de G._. Il a écrit ce qui suit :
«
Bien je vais certainement descendre au magasin de Nyon après le boulo, ça serais mieux que les enfants soient présents, dans l’intérêt du magasin. T’es sûrement d’accord sur ce point
».
«
Tu as de la veine pour tes clients que j’arrive à Lausanne à l’instant, la prochaine fois j’arriverai avant la fermeture. Pauvre mytho
».
«
Ca va pas mieux K._ son hézeimer, il a laissé un robinet d’eau ouvert à Marigneu
»
«
Tu dira à ton légionnaire qu’il enfile ses bottes de pêche
».
G._ a étendu sa plainte le 7 juin 2011.
2.6
Le 20 juillet 2011, à l’issue d’une audience par-devant le Président du Tribunal d’arrondissement de La Côte, dans le cadre d'une procédure de mesures provisionnelles, le prévenu a déclaré ce qui suit à G._ :
«
Si tu me croises, tu as intérêt à baisser les yeux. »
G._ a déposé plainte le 17 août 2011.
2.7
Entre le 2 août 2011 et le 17 août 2011, le prévenu a adressé trois courriels contenant des injures sur la boîte électronique de G._, depuis son adresse électronique privée. Il a écrit ce qui suit :
«
Je vois que manifestement vous faîtes tout pour que je ne puisse plus voir mes garçons... Prendre rdv dans un point-rencontre c’est bien mais c’est mieux quand il est ouvert, G... P... Tu diras à ton petit roquet hystérique avec son trolley
[à propos du conseil de G._]
que coucher des accusations mensongères sur le papier ne la fera pas remonter dans mon estime.
»
« [...]
Informe au plus vite ton petit roquet istérique avec son trolley, afin qu’elle me remette en prison puisque vous avez que ça en tête, bande d’enfoirés.
»
«
Je réitère ma demande encore une fois, est-ce que ça t’écorcherait les ongles malgré que tu te les ronges grosse dégueulasse, de me faire parvenir par courrier électronique une photo de mes garçons. Je constate que c’est plus facile d’en déposer sur des sites Internet comme Face de bouc, plutôt que d’en faire parvenir à leur papa, bande d’enfoirés de mon cul !
»
G._ a déposé plainte le 17 août 2011.
2.8
Entre le 3 décembre 2011 et le 22 février 2012, le prévenu a adressé de nombreux messages contenant des insultes sur le téléphone portable et la boîte électronique de G._, ainsi que sur le téléphone portable de N._, à partir de son raccordement mobile ou de son adresse électronique privée. Il a notamment écrit ce qui suit :
«
Tu
[N._]
diras à ma grosse putain de femme, avant qu’elle écarte les cuisses pour le premier venu, qu’elle ne s’évanouisse pas sur l’argent qu’elle me doit.
»
« [...]
grosse vache
,
ça te réussirais mieux que l’organisation de gang bang.
»
«
Quand tu auras fini de te faire sauter, grosse vache, j’aimerais savoir si vous avez donné les cadeaux de Noël ainsi que mes derniers envois à mes garçons ?
»
«
Demain C la Saint Valentin, alors je te souhaites ke tu te fasses sodomisée bien profond et ke tu ne puisses plus t’asseoire, sur ton cul, grosse pute !
»
«
Tu es contente du rapport du SPJ... ! Et toi tes rapports tu en est aussi contente sale putain !
»
«
J’Tconnue plus bavarde, t’en a plein la bouche de foutre avec ta tournante, G.P. !
»
«
Rien ke de penser K à revoir ta sale gueule et ton gros cul dans 2 mois, Ca me fait gerber. Ke dis-je ton gros cul, ta place de fête, meme si jey souvent joué dessus comme d’autres, Ca m’écoeure, grosse truie.
»
«
Tu liras ta messagerie quand tu auras fini de te faire sodomisée, grosse pute !
»
«
Alors la grosse pute, tu as l’anus bien dilaté, grosse salope.
»
«
A j’oubliais, Joyeux Noël et va te faire bien bourrer le cul sur Paris avec mon pognon, grosse ... !
».
G._ a déposé plainte le 22 février 2012.
2.9
Entre le 26 février 2012 et le 28 février 2012, le prévenu a adressé un message au contenu menaçant, ainsi que quatre messages d’injures, sur le téléphone portable et la boîte électronique de G._, à partir de son raccordement mobile ou de son adresse électronique. Il a notamment écrit ce qui suit :
«
On en reparlera au tribunal, si tu es encore apte à l’entendre après que je t’ai mis mon point sur la gueule à la sortie, grosse pouffiace !
»
«
Va te faire défoncer ta cage à merde grosse pute.
»
«
Bon je vois que tu ne veux pas que ça s’arrête, alors va te faire enculuée grosse salope !
»
«
Alors ma grosse salope, t’arrives encore à t’asseoir ? Tu veux plus coucher avec ton mari, par contre tu couches pour des gang bang, grosse pute !
»
G._ a étendu sa plainte le 1
er
mars 2012.
2.10
Le 12 avril 2012, le prévenu a adressé des courriels au contenu injurieux sur les boîtes électroniques de G._ et de N._, avec copie au conseil de G._, à partir de son adresse électronique privée. Il a écrit ce qui suit :
« [...]
bande de grosses putes que vous
[G._ et son conseil]
êtes ! ».
«
Tu
[N._]
informeras ta grosse pute de fille aînée, qu’elle n’a pas besoin de se déplacer à l’audience du 19 avril. Je ne tiens plus à revoir la face de cette saloperie et son gros cul. Elle peut bine aller se faire sodomisé bien profond jusqu’à l’os par le premier venu j’en ai plus rien à foutre de cette pouffiasse ! Vous n’êtes que des enculés et c’est peu dire.
»
G._ a étendu sa plainte le 12 avril 2012.
2.11
Entre le 5 mai 2012 et le 16 mai 2012, le prévenu a adressé deux messages au contenu menaçant, ainsi que de nombreux messages contenant des injures, sur le téléphone portable de G._. A cet égard, il lui a notamment écrit ce qui suit :
« [...]
grosse putain, tu vas le regretter grosse saloperie !
».
«
Au oui, tu vas le regretter, et pour chaque jour qui passe, plus de 360 jours actuellement, mais tu es très loin de l’imaginer grosse saloperie que tu es.
»
«
Quand tu auras fini de faire sodomisée salle pute, tu ramassseras ton bordel devant ta place de parc du commerce d’enculés à Nyon
».
«
Bin, y’a pas grand choses qui sort de ta bouche, j’imagine quelle est occupée à autre choses, n’oublie pas d’avaler, ces pleins de vitamines, grosse pute.
»
«
Grosse pute ! Grosse enculée ! Grosse salope !
[...] »
«
Ça été, tu t’es bien fait défoncer ta cage à merde ! Tu arrives plus à marcher ! C’est ça quand on est cheffe de bars à putes !
».
«
T dur de la feuille toi, tu oublies ke je ne peux m’approcher à moins de 500m d’où tu écartes les cuisses, grosse pute et j’ai pas besoin de connaitre ton emplois du temps, grosse salope !
».
G._ a étendu sa plainte le 16 mai 2012.
2.12
Entre le 16 mai 2012 et le 23 mai 2012, le prévenu a adressé trois messages au contenu menaçant, ainsi que de nombreux messages d’injures, sur les boîtes électroniques professionnelle et personnelle, ainsi que sur le téléphone portable de G._, à partir de son raccordement mobile ou de son adresse électronique privée. Il a notamment écrit ce qui suit :
«
Moi j’ai encore mieux, alors va te faire sodomisée par tes salopards d’amants jusqu’à l’os grosse pute, là tu signes ton arrêt de ... grosse vache mal sautée !!!
»
«
Donne moi quand même l’adresse de ton petit roquet hystérique avec son trolley
[à propos du conseil de G._]
, ça peut intéresser des amis d’Afrique du Nord !
»
«
Vraiment dommage qu’en Suisse il n’existe pas de place Tarrir, tu imagines meme pas ton sort sur cette place, sale grosse putain.
»
«
Assume ton rôle d’emmerdeuse, sale pute.
»
«
Alors grosse pute, T toujours disposée à mettre ta bagnole d’enculée à moins de 500m. d’où tu écartes les cuisses, ou bien au-delà ?
»
«
Allons, grosse putain, j’attends!
»
«
Tu as trop mal à l’anus ou aux mains, grosse saloperie, retourne donc écarter tes cuisses, sale grosse pute!
»
«
J’espère que tous les hommes qui t’encule le font à sec, ça t’apprendra grosse salope que tu es!
»
« Je vois que t’es très sollicitée par tes clients aujourd’hui, tu veux égaliser à un record de gang-bang, grosse pute! »
« Ton silence en dit long sur ta personne sale pute, mais tu préfères t’adonner à ton activité principale l’écartement de cuisses, pour te faire sauter grosse putain! »
« T’es occupée, tu peux pas répondre, tu as peu être sa bitte bien profond dans ton cul sale putain! » | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et dans le délai légal par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de L._ est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012). L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP).
3.
Même si l'appelant n'a pas soulevé ce grief dans sa déclaration d'appel, il a persisté à contester être l'auteur des actes qui lui sont reprochés lorsqu'il a été entendu à l'audience d'appel. S'il admet que les messages incriminés ont été envoyés soit avec son téléphone portable soit au moyen de sa messagerie électronique, il soutient en bref que des tiers auraient pu employer à son insu ces outils de communication. Des collègues auraient par exemple pu profiter d'une brève absence de l'appelant pour utiliser l'ordinateur de son poste de travail ou son téléphone portable.
3.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011,
n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
Les dénégations de l'appelant ne sont absolument pas crédibles. L'hypothèse formulée par l'appelant, selon laquelle un tiers indéterminé se serait servi de ses outils de communication, ne repose sur aucun indice concret, l'appelant n'ayant nullement expliqué qui aurait pu ourdir un tel "complot" et pour quel motif, étant rappelé que les agissements ont duré plus d'une année, de janvier 2011 à mai 2012. Bien au contraire, de nombreux indices conduisent à retenir que seul l'appelant peut être l'auteur des messages en cause. Il est en premier lieu constant qu'il existait à l'époque un conflit conjugal aigu. On relève ensuite que lors des premières auditions devant le Ministère public, l'appelant a d'abord admis les faits qui lui étaient alors reprochés (PV aud. 1, ligne 29; PV aud. 2, lignes 32 et 59; PV aud. 4, ligne 46), avant de se rétracter par la suite, selon lui parce que ses aveux initiaux auraient été faits en raison de la pression qu'il subissait et dans l'espoir de mettre immédiatement fin à la procédure pénale. Comme l'a retenu le premier juge, ces motifs censés justifier la rétractation sont cependant dénués de consistance. L'appelant a ainsi à réitérées reprises admis les faits, déclarations qu'il a confirmées alors qu'il était assisté d'un avocat (PV aud. 3, lignes 28 à 33), avant de se rétracter plusieurs mois plus tard. Plusieurs des messages incriminés font en outre référence à des éléments de la vie privée des époux, en particulier à des points précis de la procédure de divorce comme la date de la tenue d'une audience et à des faits personnels concernant les parents de G._, qu'un tiers comme un collègue de bureau ne pouvait pas connaître. Enfin, aucun message n'a été adressé pendant la première période où l'appelant se trouvait en détention provisoire, entre le 8 juin et le 5 juillet 2011. De même, le dernier message incriminé a été adressé la veille du début la seconde période de détention provisoire.
3.3
Au vu de ce qui précède, la Cour de céans est convaincue que c'est bien l'appelant qui est l'auteur des messages en cause.
4.
L'appelant soutient également que le jugement attaqué ne serait pas assez clairement motivé pour lui permettre de contester sa condamnation (déclaration d'appel, pp. 2 à 3). Implicitement, il se prévaut ainsi d'une violation de son droit d'être entendu.
4.1
Ce droit, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., impose au juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 139 IV 179 c. 2.2; TF 6B_932/2013 du 31 mars 2014).
4.2
En l'espèce, le jugement est suffisamment motivé en fait et en droit pour être attaqué valablement. Contrairement à ce que prétend l'appelant, le Tribunal de police a non seulement confirmé les faits tels que retenus dans l'acte d'accusation (c. 3 du jugement attaqué, p. 24), mais a également confirmé les propositions de qualifications juridiques que celui-ci comportait (c. 4 du jugement attaqué, p. 24). Si ce procédé est effectivement quelque peu expéditif, il est compréhensible au vu de la quantité de messages reprochés au prévenu. Une motivation plus pointilleuse aurait impliqué un travail fastidieux qui n'était pas nécessaire, puisqu'il ressort de la déclaration d'appel que l'appelant a en réalité été en mesure de définir précisément les points qu'il entend critiquer.
5.
5.1
S'agissant tout d'abord des faits décrits sous chiffre 2.2, l'appelant critique le fait que l'état de fait ne cite que quinze extraits de messages alors que quinze messages de mort et vingt messages d'injures lui sont reprochés.
Ainsi que cela ressort pourtant clairement de l'état de fait, les extraits ne sont cités qu'à titre exemplaire et le dossier comporte d'autres messages à caractère injurieux. En outre, si certains messages ne comportent que des injures et d'autres que des menaces, plusieurs d'entre eux recoupent les deux infractions.
5
.2
L'appelant soutient également que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, les messages cités au chiffre 2.5, adressés à N._, mère de G._, ne devraient pas lui être reprochés.
Ce grief est fondé. Comme la menace (art. 180 al. 1 CP) et éventuellement la diffamation (art. 173 ch. 1 CP) se poursuivent sur plainte dans une situation telle que celle-ci, qui ne correspond pas aux hypothèses de poursuite d'office (cf. art. 180 al. 2 CP), il n'y a pas lieu de condamner l'appelant pour ces faits, dès l'instant où ni N._ ni le prénommé K._ n'ont déposé de plainte pénale. G._, seule plaignante dans la présente procédure, n'est pour sa part nullement visée par ces déclarations.
5.3
L'appelant soutient enfin que le message suivant (ch. 2.6) ne serait pas constitutif de l'infraction d'injure :
«
Je vois que manifestement vous faîtes tout pour que je ne puisse plus voir mes garçons... Prendre rdv dans un point-rencontre c’est bien mais c’est mieux quand il est ouvert, G... P... Tu diras à ton petit roquet hystérique avec son trolley
[à propos du conseil de G._]
que coucher des accusations mensongères sur le papier ne la fera pas remonter dans mon estime.
»
En réalité, les initiales «
G... P...
» sont manifestement l’abréviation de de l'expression «
grosse pute
», ou éventuellement «
grosse pouffiace
(sic) », dont l’appelant s’est très fréquemment servi pour qualifier son épouse dans d’autres messages incriminés. L’appelant ne pouvait que savoir qu’elles seraient comprises ainsi par son épouse, si bien que l’infraction d’injure est réalisée.
6.
L’appelant conteste enfin la quotité de la peine qui lui a été infligée. En sus des griefs examinés au considérant 5 ci-dessus, il soutient que deux éléments importants dans la fixation de la peine, à savoir sa qualité de père en souffrance et le trouble de personnalité antisociale dont il est atteint, n’auraient pas été suffisamment pris en considération.
6.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 IV 6 c. 6.1).
Si en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (art. 49 al. 1 CP).
6.2
S’agissant tout d’abord de la gravité objective des actes en cause, la Cour de céans n’a que très partiellement admis les griefs de l’appelant, en considérant que quatre des messages incriminés n’étaient en réalité pas punissables, faute de plainte. Cela ne conduit toutefois pas à apprécier différemment l’importance de l’activité délictueuse déployée par l’appelant. Celui-ci a en effet adressé des dizaines de messages injurieux, menaçants et diffamatoires entre le
26 janvier 2011 et le 23 mai 2012, étant à ce titre rappelé que les extraits cités revêtent un caractère exemplaire, si bien que le fait que quatre de ces nombreux messages ne revêtent en définitive pas de caractère pénal faute de plainte ne saurait avoir une incidence sur la fixation de la peine. Pour le surplus, les menaces sont extrêmement graves et les injures d’une grossièreté caractérisée.
Sous l’angle dolosif, l’appelant a fait preuve d’une grande détermination à injurier son épouse, à la menacer de mort et à la diffamer auprès de sa famille, si bien que la volonté délictuelle doit être qualifiée d’intense. Cette appréciation repose en particulier sur le nombre de messages, sur l’obscénité de leur contenu, sur la variété des injures et des menaces de mort proférées, ainsi que sur la longueur de l’activité délictuelle et, enfin, sur les réitérations commises en cours d’enquête, qui se sont poursuivies après une première période de détention provisoire et qui n'ont pris fin qu'avec une nouvelle mise en détention provisoire.
En ce qui concerne les éléments à décharge dont se prévaut l’appelant, on peut certes lui donner acte que les messages incriminés s’inscrivent dans une période d’instabilité qu’il a certainement vécue comme douloureuse, mais cela ne permet nullement d’excuser son comportement, dont la gravité est caractérisée. Quant aux spécificités de sa personnalité, les experts ont considéré qu’elles ne justifiaient pas une diminution de responsabilité. Enfin, encore aujourd'hui, l’appelant persiste à plaider l’insoutenable en prétendant ne pas être l’auteur des messages en cause, ce qui dénote une absence complète de prise de conscience. La Cour de céans relève encore qu'en retenant l'absence d'antécédents comme un élément à décharge, le premier juge s'est montré clément, puisque cet élément n'a en principe qu'un effet neutre sur la fixation de la peine et n'a donc pas à être pris en considération dans un sens atténuant (ATF 136 IV 1 c. 2.6.4).
6.3
Quant au genre de peine prononcée, l’appelant ne conteste pas le jugement sur ce point. Ainsi que l'a retenu le Tribunal de police, comme seule une peine pécuniaire, exprimée en jours-amende, peut sanctionner l’auteur de diffamation (art. 173 ch. 1 CP) ou d'injure (art. 177 ch. 1 CP), à la différence des menaces (art. 180 al. 1 CP), qui peuvent entraîner la condamnation à une peine privative de liberté, il y a lieu de distinguer. S’agissant de la sanction pour les actes constitutifs de menaces, sous l'angle de la prévention spéciale, compte tenu des risques de récidive que font craindre les conclusions des experts (cf. ch. 1.3) et la réitération en cours d’enquête, seule une peine privative de liberté est suffisamment dissuasive. Il se justifie en revanche de prononcer une peine en jours-amende pour les infractions d'injure et de diffamation. La valeur du jour-amende, qui n’est pas contestée, est adéquate au vu du revenu de l'appelant.
6.4
Procédant à sa propre appréciation sur la base des éléments qui précèdent, la Cour de céans considère que la peine prononcée, de neuf mois de peine privative de liberté et de nonante jours-amende à 50 fr., peut être confirmée.
7.
En définitive, l’appel du prévenu doit être rejeté et le jugement entrepris intégralement confirmé.
L'indemnité allouée au défenseur d'office de l’appelant doit être fixée à 3'877 fr. 20, TVA et débours inclus. Sur la base de la liste des opérations déposée à l’audience d’appel et compte tenu de la durée de celle-ci, il est retenu dix-huit heures de travail d’avocat breveté, au tarif horaire de 180 francs, tandis qu'un montant de 378 fr., TVA comprise, est admis pour les débours.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 6'667 fr. 20, constitués de l'émolument de jugement, par 2'790 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), et de l’indemnité du défenseur d’office de l'appelant, par 3'877 fr. 20, TVA et débours inclus, doivent être mis à la charge de ce dernier, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
L’appelant
ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité allouée à son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
51d0c74c-ab9f-4e30-9233-7b0503b3d326 | En fait :
A.
Par jugement du 25 janvier 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a constaté que E._ s’était rendu coupable d’infraction grave à la LStup et d’infraction à la LEtr (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 4 ans, sous déduction de 244 jours de détention avant jugement (II), ordonné le maintien en détention de l’intéressé pour des motifs de sûreté (III), ordonné la confiscation et la dévolution à l’Etat des 4'238 fr. 50 séquestrés sous fiche n° 1839 (IV), ordonné la confiscation et la destruction des stupéfiants, emballages et de tous les appareils et autres documents séquestrés sous fiche n° 1839 (V), mis l’entier des frais de la cause pour 47’887 fr. 90 à la charge de E._, y compris l’indemnité allouée à son conseil d’office, Me Hohenauer par 1'733 fr. 70 (VI) et dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité allouée sous chiffre VI ci-dessus ne pourra être exigée de celui-ci que dans la mesure où sa situation financière se sera améliorée et le permettra (VII).
B.
Le 2 février 2011, E._ a formé appel contre le jugement précité.
Par déclaration d'appel motivée du 24 février 2011, l'appelant a indiqué qu’il contestait la quotité de la peine (art. 399 al. 4 let. b CPP) ainsi que les conséquences accessoires du jugement entrepris concernant le sort de certains objets séquestrés (art. 399 al. 4 let. e CPP). Il n'a pas requis l'administration de preuves. Il a conclu à la réforme du chiffre II du dispositif du jugement entrepris en ce sens que la peine qui lui a été infligée est réduite dans une mesure compatible avec l'octroi d'un sursis partiel. Il a également conclu à la réforme du chiffre V du jugement entrepris en ce sens que les téléphones portables de marque Nokia, l’ordinateur portable de marque HP Pavillion et l’appareil photo numérique de marque Panasonic avec carte SD 4 GB séquestrés sous fiche n° 1839 lui sont restitués.
Le Ministère public n'a pas déposé d'appel joint.
Lors de l’audience de la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal qui s’est tenue le 1
er
juin 2011, le conseil de l’appelant a confirmé les conclusions de sa déclaration d’appel du 24 février 2011. En outre, interpellé à l’audience par le président, il a confirmé que ni les faits, ni les infractions retenues par les premiers juges n’étaient contestés.
Le Ministère public a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
E._, ressortissant du Nigeria né en 1983, a grandi dans son pays d'origine où il a été élevé par son père, sa mère étant décédée lorsqu'il était enfant. Au terme de sa scolarité, il a entrepris une formation de courtier automobile. Il a quitté le Nigeria en 2006 en raison de problèmes personnels, son père ayant, selon ses déclarations, sacrifié une femme en qualité de médecin pratiquant une thérapie alternative. Il s'est d'abord rendu en Autriche où il a obtenu l'asile, puis est entré en Suisse en 2007. Avant son interpellation, l'appelant bénéficiait de l'aide d'urgence et n'avait aucune source officielle de revenu.
Ses casiers judiciaires suisse et autrichien sont vierges. L'intéressé a toutefois, selon ses dires, été condamné à une peine privative de liberté d'une année pour trafic de stupéfiants en Autriche. Cette affirmation est corroborrée par le rapport final de la Police cantonale (P. 29, p. 2).
2.
E._ a déposé une demande d'asile le 10 février 2008. Sa requête a été rejetée par décision du 16 janvier 2009. Le Tribunal administratif fédéral a déclaré le recours interjeté par l'intéressé irrecevable par jugement du 20 avril 2009. Un délai au 4 mai 2009 lui a alors été imparti pour quitter la Suisse, ce qu'il n'a pas fait. L'appelant a donc séjourné illégalement en Suisse depuis le 5 mai 2009 à tout le moins.
3.
Le prévenu, agissant sous le nom de "Kelly", a vendu un total de 297 grammes de cocaïne à dix personnes différentes depuis 2007 jusqu'au 27 mai 2010. En cours d'enquête, neuf clients toxicomanes de l'appelant, dont quatre également entendus aux débats de première instance, ont identifié E._, indiqué qu'il agissait sous le nom de "Kelly" et affirmé qu'il leur avait vendu de la cocaïne à plusieurs reprises.
L'intéressé a en outre été interpellé en possession de 627,9 grammes de cocaïne le 27 mai 2010 dans l'appartement loué par son amie, [...], situé à [...]. Lors de la visite domiciliaire effectuée dans cet appartement, deux chaussettes contenant 43 fingers et demi de cocaïne ont été découvertes dans un paquet de Frosties ainsi que différentes autres boulettes, d'un poids total de 627,9 grammes de cocaïne. L'ADN et les empreintes digitales de l'appelant ont été relevés sur l'assiette contenant les boulettes de cocaïne en préparation, les boulettes se trouvant dans l'assiette, la pointe d'une des deux chaussettes contenant les 36 fingers de cocaïne ainsi que sur l'élastique renfermant celle-ci (P. 21 et 22). En outre, l'amie du prévenu a affirmé que l'entier des stupéfiants, téléphones et autres objets trouvés à son domicile appartenaient à E._ (PV aud. 18 à 20). Par ailleurs, les contrôles téléphoniques rétroactifs des appareils trouvés dans l'appartement en question ont également démontré l'existence d'un trafic de stupéfiants.
L'enquête a permis d'écarter la version des faits présentée par le prévenu, selon laquelle il était tributaire des livraisons irrégulières d'un certain [...] afin d'honorer les commandes de ses clients et que c'est ce dernier qui avait amené et manipulé la drogue dans l'appartement d'[...] le 27 mai 2010.
L'activité délictueuse de E._ a ainsi porté sur 924,9 grammes de cocaïne brute, ce qui représente une quantité de 266,3 grammes de cocaïne pure, compte tenu d'un taux de pureté moyen de 28,8%. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
Les faits retenus à la charge de l'appelant ne sont pas contestés et doivent être considérés comme établis au regard du dossier, la motivation détaillée et complète des premiers juges emportant au demeurant la conviction (art. 82 al. 4 CPP). A juste titre, l'appelant ne remet d'ailleurs pas en cause le verdict de culpabilité prononcé par les premiers juges et selon lequel il s'est rendu coupable d’infraction grave à la LStup (Loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes, RS 812.121) et d’infraction à la LEtr (Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers, RS 142.20).
3.
E._ conteste la quotité de la peine qui lui a été infligée, considérant qu'elle est arbitrairement sévère compte tenu notamment du fait que ni son chiffre d’affaires ni son bénéfice n’ont pu être établis. Il allègue également qu’il n’était en réalité qu’un simple trafiquant de rue.
3.1.
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Les critères énumérés de manière non exhaustive par l'art. 47 CP correspondent à ceux fixés par l'art. 63 aCP et la jurisprudence élaborée en application de cette disposition, qui conserve toute sa valeur. Ainsi, la culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1).
3.2.
Dans le domaine spécifique des infractions à la LStup, le Tribunal fédéral a, en outre, dégagé les principes suivants (cf. TF 6B_969/2010 du 31 mars 2011 c. 3.1 ; TF 6B_922/2010 du 25 janvier 2011 c. 3.3) :
Même si la quantité de drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important. Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup. Il en va de même lorsque plusieurs des circonstances aggravantes prévues à l'art. 19 ch. 2 LStup sont réalisées. Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération. Si l'auteur sait que la drogue est particulièrement pure, sa culpabilité sera plus grande ; en revanche, sa culpabilité sera moindre s’il sait que la drogue est diluée plus que normalement.
Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importe de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation: un simple passeur est ainsi moins coupable que celui qui joue un rôle décisif dans la mise sur pied des opérations et qui participe de manière importante au bénéfice illicite.
L'étendue géographique du trafic entre également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu’un trafic avec des ramifications internationales. En effet, l’importation en Suisse de drogues a des répercussions plus graves que le seul transport à l’intérieur des frontières. Le nombre d'opérations constitue également un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux ; celui qui écoule une fois un kilo d’héroïne sera en principe moins sévèrement puni que celui qui vend cent grammes à dix reprises.
Outre les éléments qui portent sur l'acte lui-même, le juge doit prendre en considération la situation personnelle du délinquant, à savoir sa vulnérabilité face à la peine, ses obligations familiales, sa situation professionnelle, les risques de récidive, etc. Les mobiles, c'est-à-dire les raisons qui ont poussé l'auteur à agir, ont aussi une influence sur la détermination de la peine. Il conviendra ainsi de distinguer le cas de l'auteur qui est lui-même toxicomane et qui agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain. Il faudra enfin tenir compte des antécédents, qui comprennent aussi bien les condamnations antérieures que les circonstances de la vie passée. Enfin, le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l’aveu ou de la bonne coopération de l’auteur de l’infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d’élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs.
3.3
Dans le cas d'espèce, la culpabilité de E._ est très lourde. L’appelant s’est livré à un important trafic de drogue: il a vendu 297 grammes de cocaïne et a été interpellé en possession de 627,9 grammes de cette drogue qu’il s’apprêtait à vendre et dont une partie était déjà conditionnée en boulettes. Son activité délictueuse a ainsi porté sur 924,9 grammes de cocaïne brute, ce qui représente une quantité de 266,3 grammes de cocaïne pure compte tenu d'un taux de pureté moyen de 28,8%. En outre, E._ s'est livré au trafic de cocaïne dès son arrivée en Suisse et son activité délictueuse s'est poursuivie sur plus de trois ans, ayant uniquement été interrompue par son interpellation le 27 mai 2010. Ces éléments démontrent que l'appelant avait une volonté délictuelle intense. Par ailleurs, les premiers juges ont très justement retenu à charge de l'appelant le concours d'infractions au sens de l'art. 49 al. 1 CP. Ce dernier s'est effectivement rendu coupable d'infraction grave à la LStup ainsi que d'infraction à la LEtr.
Le comportement de E._ lors de la procédure doit également être pris en considération. Ce dernier a démontré une faible prise de conscience de la gravité de ses actes, tentant de minimiser jusqu’au bout son activité délictueuse. En effet, il a été interpellé le 27 mai 2010 dans l’appartement de son amie à Yverdon-les Bains alors qu’il était en train de confectionner des boulettes de cocaïne. Lors de la visite domiciliaire effectuée dans cet appartement, deux chaussettes contenant 43 fingers et demi de cocaïne ont été découvertes dans un paquet de Frosties ainsi que différentes autres boulettes d’un poids total de 627,9 grammes de cocaïne. L’appelant a admis aux débats de première instance avoir participé à la confection d’un finger de cocaïne et avoir remis une paire de chaussettes au dénommé [...], mais a nié savoir qu’il y avait de la drogue dans la boîte de Frosties accusant le précité d’y avoir déposé la drogue retrouvée lors de son interpellation (jgt, pp. 4-5). Toutefois, il a nié l’évidence puisque seul son ADN et ses empreintes digitales ont été relevés sur l’assiette contenant les boulettes de cocaïne en préparation, sur les boulettes se trouvant dans l’assiette, sur la pointe d’une des deux chaussettes contenant 36 fingers de cocaïne ainsi que sur l’élastique refermant celle-ci (P. 21 et 22). Il a également, lors des débats de première instance, continué, en présence de ses anciens clients toxicomanes, à contester leurs déclarations (cf. jgt, p. 16).
Il convient encore de relever que l’appelant n’était pas un simple trafiquant de rue ainsi qu’il l’a soutenu devant la Cour d’appel, mais a fait au contraire preuve de professionnalisme. Toutes les personnes entendues en qualité de témoins en première instance ont affirmé que l’intéressé était toujours disponible et qu’il changeait régulièrement de numéro de téléphone (jgt, p. 17). En outre, il possédait plusieurs téléphones portables et a eu, sur une période d’un peu plus de deux mois, plus de 6'700 connections téléphoniques qui concernaient plusieurs centaines de numéros différents, dont des cabines téléphoniques et des raccordements espagnols, autrichiens, allemands, français, nigérians et suisse (jgt, p. 19; P. 29).
Finalement, il faut prendre en compte les antécédents du prévenu, même si son casier judiciaire autrichien n’en fait pas mention, puisque ce dernier a confirmé avoir été condamné en Autriche pour trafic de stupéfiants à une peine privative de liberté d’une année (jgt, p. 3). Cette affirmation est en outre corroborrée par le rapport final de la Police cantonale (P. 29, p. 2). Il faut relever que cette condamnation ne l’a pas empêché de réitérer la même activité délictueuse aussitôt arrivé en Suisse. Il n’existe aucun élément à décharge si ce n’est, tout au plus, une situation personnelle difficile, sa mère étant décédée lorsqu’il était enfant et son père étant recherché au Nigeria pour avoir sacrifié une femme (jgt, pp. 10-11).
L'ensemble de ce qui précède a été pris en compte par les premiers juges. Ils ne se sont pas fondés sur des critères étrangers à l'art. 47 CP et ne sont pas sortis du cadre légal en fixant une peine privative de liberté de quatre ans. La quotité de la peine infligée est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l'appelant et de sa situation personnelle. Elle ne relève ni d'un abus, ni d'un excès du pouvoir d'appréciation dont jouit l'autorité de première instance, laquelle n'a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l'art. 47 CP. Elle sera donc confirmée.
La détention subie depuis le jugement de première instance sera déduite, en application de l'art. 51 CP.
4.
E._ conteste également les conséquences accessoires du jugement concernant le sort de certains objets séquestrés. Il requiert que les téléphones portables de marque Nokia, l’ordinateur portable de marque HP Pavillon ainsi que l’appareil photo numérique de marque Panasonic UNIX avec carte SD 4 GB séquestrés sous fiche n° 1839 lui soient restitués. Lors de l’audience devant la Cour d’appel, l’intéressé a expliqué avoir besoin de ses téléphones pour appeler des amis en Europe et au Nigeria.
4.1.
En vertu de l’art. 69 CP, alors même qu’aucune personne déterminée n’est punissable, le juge prononce la confiscation d’objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d’une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l’ordre public (al. 1). Le juge peut ordonner que les objets confisqués soient mis hors d’usage ou détruits (al. 2).
En vertu de l’art. 267 al. 3 CPP, il est statué sur la restitution à l’ayant droit des objets et des valeurs patrimoniales séquestrés qui n’ont pas été libérés auparavant, leur utilisation pour couvrir les frais ou leur confiscation dans la décision finale.
L'art. 69 CP est une norme obligatoire ; lorsque les conditions de la confiscation sont réunies, celle-ci doit être ordonnée (Hirsig-Vouilloz, in Roth/Moreillon (éd.), Commentaire romand, Code pénal I, n. 8 ad art. 69 CP). Selon cette disposition, la confiscation peut porter soit sur des choses qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction, tels que des téléphones portables utilisés lors d’une infraction, soit sur des choses qui sont le produit d’une infraction, tels que des stupéfiants (Hirsig-Vouilloz, op. cit., nn. 23-24 ad art. 69 CP). Pour procéder à une confiscation, il doit donc exister un lien de connexité entre la commission d’une infraction et l’objet à confisquer. Le simple fait qu’un objet soit généralement destiné ou propre à être éventuellement utilisé pour commettre une infraction n’est pas suffisant. Il faut, mais il suffit, qu’il existe un risque sérieux que l’objet puisse servir à commettre une infraction (Hirsig-Vouilloz, op. cit., nn. 28-29 ad art. 69 CP ; TF 6S.317/2006 du 10 octobre 2006 c. 2.3.1 ; ATF 125 IV 185 c.2). Le doute sur la connexité entre un objet et l’infraction doit profiter à l’accusé (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 2007, n.1.1 ad art. 69 CP). Pour pouvoir prononcer une confiscation, il faut également que les objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui en sont le produit compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l’ordre public. On ne saurait cependant émettre des exigences élevées en ce qui concerne ce danger ; il suffit qu’il soit vraisemblable que, sans cette mesure, il y ait un danger si l’objet n’est pas confisqué en main de l’ayant droit. Une telle vraisemblance peut exister bien que l’objet soit dangereux non par sa nature mais seulement par l’usage dont il est susceptible (Hirsig-Vouilloz, op. cit., nn. 25-26 ad art. 69 CP). D’une manière générale, on sera porté à admettre l’existence du risque exigé par l’art. 69 CP si l’objet en cause a été acquis pour commettre des infractions et si, dans les mains de l’auteur, il a été utilisé plusieurs fois dans ce but, ou encore qu’il ne puisse servir qu’à cela (ibidem ; ATF 116 IV 117). Finalement, la confiscation doit respecter le principe de proportionnalité et elle ne s’impose donc que dans la mesure où elle est nécessaire pour sauvegarder la sécurité des personnes, la morale ou l’ordre public.
4.2.
En l’espèce, les premiers juges ont considéré que les objets réclamés par l’appelant étaient liés à un trafic de stupéfiants et devaient donc confisqués et détruits (jgt, p. 22).
4.2.1.
S’agissant premièrement des quatre téléphones portables de marque Nokia séquestrés sous fiche n° 1839, trois de ceux-ci portaient les numéros suivants (cf. P. 29, pp. 6 ss) : [...]. Ces trois téléphones portables ont été utilisés par le prévenu pour effectuer son trafic de stupéfiants (P. 29, pp. 6-7). Le quatrième téléphone portable n’a pas de numéro d’appel connu, mais un no IMEI 355242034132950 et une carte SIM Sunrise 89410211587000411385 et a été saisi en main d'[...], amie du prévenu et locataire de l’appartement dans lequel ce dernier a été interpellé le 27 mai 2010 (P. 25 et 32). La précitée a été arrêtée en même temps que E._. Cet objet a donc manifestement également servi à commettre un trafic de stupéfiants. Les quatre téléphones susmentionnés ont donc servi à commettre des infractions à la LStup et compromettent la sécurité des personnes et l’ordre public. Partant, les conditions de l’art. 69 CP sont réunies et la confiscation ainsi que la destruction de ces téléphones sont justifiées.
4.2.2.
Concernant deuxièmement l’ordinateur portable de marque HP Pavillion ainsi que l’appareil photo numérique de marque Panasonic UNIX avec carte SD 4 GB séquestrés sous fiche n° 1839, ces objets ont été saisis en mains [...] (P. 32), arrêtée en même temps que l’appelant le 27 mai 2010 (P. 39). Ces deux objets, comme les quatre téléphones portables précités, ont été saisis dans l’appartement de cette dernière à [...]. Toutefois, il n’existe aucun élément au dossier permettant de retenir que l’ordinateur portable et l’appareil photo ont servi ou devaient servir à la commission d’infractions ou en étaient le produit. Partant, le lien de connexité entre ces deux objets et les infractions à la LStup n’a pas été démontré et le doute sur cette connexité doit profiter à l’appelant (cf. Favre/Pellet/Stoudmann, n.1.1 ad art. 69 CP cité plus haut). Partant, la confiscation et la destruction de l’ordinateur portable de marque HP Pavillion ainsi que l’appareil photo numérique de marque Panasonic UNIX avec carte SD 4 GB séquestrés sous fiche n° 1839 ne sont pas justifiées. Ils doivent donc être restitués à E._. Ce dernier a en effet été reconnu comme étant le propriétaire de ces deux objets par le tribunal de première instance (cf. jgt, p. 19), de sorte qu’il doit être considéré comme l’ayant droit, même si ces objets ont été saisis en mains [...]. Cette dernière a effectivement affirmé que l'entier des stupéfiants, téléphones et autres objets trouvés à son domicile le 27 mai 2010 appartenaient à l'appelant. En outre, même si l’art. 267 al. 3 CPP le permet, il n’est pas judicieux de conserver ces objets en vue de couvrir les frais, dès lors qu'ils n’ont plus aucune valeur résiduelle.
4.2.3.
En définitive, il convient de confirmer la confiscation et la destruction des quatre téléphones portables de marque Nokia, de lever le séquestre de l’ordinateur portable de marque HP Pavillion et de l’appareil photo numérique de marque Panasonic UNIX avec carte SD 4 GB, et d’ordonner leur restitution à l’appelant.
5.
Au vu de ce qui précède, l'appel doit être partiellement admis et le jugement attaqué modifié à son chiffre V en ce sens que l’ordinateur portable de marque HP Pavillion blanc et noir no de série CNF 946C7D2 et l’appareil photo numérique de marque Panasonic UNIX 10L9SC005417 avec carte SD 4 GB, séquestrés sous fiche n° 1839 sont restitués à E._. Le jugement entrepris est maintenu pour le surplus.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à raison des trois quarts à la charge de E._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 2'130 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l'indemnité d'office allouée au conseil de l'appelant (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP, art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). Le conseil d'office de E._ ayant indiqué que son avocat-stagiaire, agissant sous sa responsabilité, avait consacré sept heures à la procédure d'appel, l'indemnité sera arrêtée à 831 fr. 60, TVA et débours inclus (cf. art. 135 al. 1 CPP).
L'appelant ne sera tenu de rembourser à l'Etat le montant de l'indemnité en faveur de son conseil d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5297bcce-9e94-4f0c-adaf-a452ccb6341a | En fait :
A.
Par ordonnance du 10 février 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a refusé d'allouer à U.R._ une indemnité au sens de l'art. 429 CPP (I) et a mis à sa charge les frais de cette décision par 200 fr. (II).
B.
Le 23 février 2012, U.R._ a annoncé faire appel de cette ordonnance. Celle-ci lui ayant été notifiée le 27 février 2012, il a déposé une déclaration d’appel motivée le 19 mars 2012, concluant à sa modification en ce sens qu’une indemnité de 3’339 fr. 80 lui est allouée, frais à la charge de l’Etat.
Le Ministère public n’a ni présenté de demande de non-entrée en matière, ni déposé d’appel joint. L’appel a été traité en procédure écrite. L’appelant ayant d’ores et déjà indiqué que sa déclaration d’appel motivée tenait lieu de mémoire, un délai de déterminations a été imparti au Ministère public.
Le Ministère public a conclu au rejet de l’appel par écriture du 17 avril 2012.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
U.R._, fils de [...] et de [...], est né le [...] 1953 à Lausanne. Originaire d' [...] au Tessin, il est marié à [...]. La famille, qui comprend l'enfant E.R._, vit à [...].
2.
2.1
Le 10 mai 2011, le Directeur de l’Etablissement primaire et secondaire de Cugy et environs a dénoncé au Préfet du Gros-de-Vaud les parents de l’enfant E.R._, née le 28 janvier 2006, pour le motif que celle-ci aurait manqué 16 périodes à l’école, soit 4 heures chaque mardi durant la période du 5 avril au 10 mai 2011, les parents refusant d’envoyer leur fille à l’école le mardi matin en raison d’un manque de confiance à l’égard de l’enseignante.
Par ordonnance pénale du 30 juin 2011, le Préfet du Gros-de-Vaud a constaté qu'U.R._ avait enfreint les articles 106 de la loi scolaire (LS; RSV 400.01) et 169 du règlement d'application de la loi scolaire (RLS; RSV 400.01.1) et l’a condamné à une amende de 80 fr., convertible en un jour de privation de liberté, ainsi qu’aux frais par 50 francs.
U.R._ a signé une procuration en faveur de Me Jean-Jacques Schwaab le 6 juillet 2011 et le 11 juillet celui-ci a adressé une opposition motivée concluant à la suppression de l’amende avec suite de frais et dépens en faisant notamment valoir, pièces à l’appui, que l’enfant avait été scolarisée à domicile (art. 5 al. 3 RLS) et qu’elle serait scolarisée à l’Ecole Nouvelle au début de la prochaine année scolaire.
2.2
Le 27 juillet 2011, le Préfet a décidé de maintenir son ordonnance et a transmis la cause au Ministère public. L’audience au Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a été fixée au 18 janvier 2012. Le 16 décembre 2011, U.R._ a requis, par son conseil, l’audition de cinq témoins, tout en offrant de remplacer ces auditions par des déclarations écrites. A l’audience, il a encore produit des pièces et conclu à sa libération, frais à l’Etat, mais sans réclamer expressément d’indemnité en cas d’acquittement.
Par jugement du 18 janvier 2012, le Tribunal de police a admis l’opposition (I), libéré U.R._ de toute contravention à la législation scolaire (II) et a laissé les frais à la charge de l’Etat (III). Le dispositif de ce jugement a été notifié le 19 janvier 2012 au conseil d'U.R._. Le jugement motivé lui est parvenu le 13 février 2012.
2.3
Par lettre du 24 janvier 2012, le conseil d’U.R._ a indiqué au Tribunal de police que celui-ci avait omis de statuer conformément à l’art. 429 al. 1 let. a CPP sur les dépens et lui a transmis sa note d’honoraires d’un montant de 3’339 fr. 80, TVA incluse, ainsi que la liste des opérations effectuées du 6 juillet 2011 au 24 janvier 2012, comportant 8.59 heures d’activité. | En droit :
1.
Le Tribunal a considéré que la décision sur l’indemnisation peut être prise, soit simultanément à celle sur l’action pénale, soit ultérieurement, de manière séparée. Il a ainsi tranché dans une décision séparée intervenue après le jugement au fond la question de l'indemnité pour le prévenu acquitté.
1.1
C’est dans le cadre du jugement au fond que le premier juge aurait dû examiner d’office les prétentions du prévenu entièrement libéré (art. 429 al. 2 CPP). L’opinion des commentateurs romands, selon laquelle l’indemnisation pourrait être décidée séparément, dans un deuxième temps, soit une fois le jugement d’acquittement rendu (Mizel/Rétornaz, in Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 61 ad art. 429 CPP), ne repose sur aucune référence et s’avère contestable dans la mesure où elle se rapporte à la scission des débats (art. 342 CPP) qui nécessite précisément une décision préalable de scission des débats, donc de l’instruction. De son côté, U.R._ aurait dû faire appel du jugement l’acquittant pleinement s’il estimait que celui-ci était lacunaire et qu’il aurait dû être indemnisé d’office du chef de ses frais de défense au remboursement desquels il n’avait pas conclu expressément en chiffrant ses prétentions, mais uniquement en réclamant dans son opposition que des dépens soient mis à la charge de l’Etat.
Cela étant, comme le premier juge est entré en matière sur les prétentions formulées après le jugement et qu’il a rendu une ordonnance susceptible de recours, le principe de la bonne foi (art. 3 al. 2 let. a CPP), dans une acceptation large, impose de traiter cet appel.
1.2
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux, l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
2.1
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l’état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
2.2
En l’espèce, seule une contravention a fait l’objet de l’accusation et du jugement de première instance, de sorte que l’appel est restreint et qu'un membre de la Cour d'appel pénale statue comme juge unique, conformément à l'art. 14 al. 3 LVCPP (Loi d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009; RSV 312.01).
3.
L’appelant estime avoir droit au versement d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP, l'assistance d'un avocat ayant été justifiée et nécessaire pour défendre ses intérêts devant le Tribunal de police.
3.1
Aux termes de l'art. 429 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité notamment pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure (al. 1 lit. a CPP). L’autorité pénale examine d’office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier (al. 2).
La base légale fondant un droit à des dommages et intérêts et à une réparation du tort moral a été créée dans le sens d’une responsabilité causale. L’Etat doit réparer la totalité du dommage qui présente un lien de causalité avec la procédure pénale au sens du droit de la responsabilité civile (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 pp. 1057 ss, spéc. p. 1313). Les dépenses à rembourser au sens de la let. a sont essentiellement les frais de défense. Cette disposition transpose la jurisprudence selon laquelle l’Etat ne prend en charge ces frais que si l’assistance était nécessaire compte tenu de la complexité de l’affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires de l’avocat étaient ainsi justifiés (ibidem). L’indemnisation des frais d’avocat ne se limite pas aux cas de défense obligatoire, ni à ceux où le bénéfice de la défense d’office volontaire eût été envisageable si le prévenu était indigent (Mizel/Rétornaz op. cit., Bâle 2011, n. 31 ad art. 429 CPP).
3.2
La question litigieuse consiste ainsi à déterminer, premièrement, si, dans une cause contraventionnelle portant sur la contestation d’une amende préfectorale de 80 fr. et de frais par 50 fr., le recours à un avocat, au stade de la procédure d’opposition, relevait d’une assistance nécessaire et, deuxièmement, si les frais en question s’inscrivent dans «un exercice raisonnable des droits de procédure».
Il convient ainsi de distinguer l’importance de la cause, son enjeu pour la partie, et ses difficultés. Ceci consiste, au vu de la problématique posée, à percevoir les efforts à fournir pour présenter les arguments et faire administrer les preuves de manière à obtenir la libération.
Si le recours à un avocat de choix ne se discute pas lorsque l’accusation porte sur des délits ou des crimes, l’importance de la cause est en principe par trop limitée lorsque l’accusation ne concerne que des contraventions (Mizel/Rétornaz, op. cit. n. 31 ad art. 429 CPP). Selon Corboz et Baumann, «en matière de contraventions, la jurisprudence limite la réparation pour les frais d’avocat aux cas où l’assistance d’un défenseur est nécessaire, c’est-à-dire à ceux qui présentent des difficultés en fait et en droit, ce qui sera généralement admis même pour une contravention renvoyée devant le juge à la suite d’une opposition» (Corboz/Baumann, L’indemnisation des personnes poursuivies à tort (art. 242 ss CPP-FR), in Revue de jurisprudence fribourgeoise (RFJ) 2007 pp. 355 ss, spéc. p. 378). S’agissant de contraventions dont le jugement peut déboucher sur l’instauration d’une mesure ou qui concernent, notamment en matière douanière, des sommes très importantes ou encore qui sont susceptibles de déboucher sur un retrait du droit de conduire alors que celui-ci est indispensable à l’exercice d’une profession, il est légitime et nécessaire pour la partie de s’assurer les services d’un homme de loi.
3.3
Dans le cas d’espèce, le premier juge a considéré que le recours à un avocat n’était pas nécessaire et ne se justifiait pas en fait et en droit.
Il convient de confirmer cette appréciation du premier juge. En effet, l’amende et les frais infligés totalisant 130 fr. relevaient d’une cause d’importance minime, soit d’un cas léger ou bagatelle, ne nécessitant en principe pas de s’assurer une défense pénale professionnelle. Sur un plan subjectif, la cause n’imposait pas non plus à l’appelant un fardeau psychique difficilement supportable (Wehrenberg/Bernhard, in Niggli/Heer/Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2011, n. 14 in fine ad art. 429 CPP).
La défense consistant à invoquer que le devoir des parents, tel que défini à l’art 5 al. 1 LS d'envoyer leurs enfants en âge de scolarité obligatoire dans une école publique, avait été respecté, ne suscitait pas de difficultés particulières tant sur le plan factuel que juridique. De plus, les alternatives légales consistant à dispenser un enseignement à domicile ou à scolariser les enfants dans une école privée avaient déjà été mises en œuvre par U.R._. Si l’appelant estimait ne pas avoir pu se faire entendre du Préfet, cela ne signifiait pas encore qu’il ne serait pas entendu du juge. De même, il n’était pas ardu de démontrer que les conditions de l’art. 5 al. 1 RLS étaient réalisées. En effet, le passage de l’école publique à une école privée peut avoir lieu en tout temps à condition que les parents communiquent préalablement leur décision par écrit au directeur, ce qu'avait respecté U.R._.
Il en résulte que l’assistance d’un avocat n’était pas nécessaire pour obtenir l’annulation de la sanction pécuniaire et des frais. L’indemnisation des frais d’avocat ne se justifiait ainsi pas. La décision attaquée doit donc être confirmée.
4.
En définitive, l'appel, mal fondé, est rejeté et la décision du Tribunal de première instance intégralement confirmée.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, comprenant l'émolument du présent jugement, par 880 fr. (art. 21 al. 1 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge d'U.R._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5323173a-c60c-4f6d-a6f2-dad3b64c9223 | En fait :
A.
Par jugement du 28 juillet 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a constaté que T._ s’est rendu coupable de violation simple des règles de circulation routière (I), l’a condamné à une amende de 250 fr., convertible en 3 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif (II), et a mis les frais de justice, par 700 fr., à la charge de l’intéressé (III).
B.
Par annonce du 4 août 2015, puis déclaration motivée du 31 août 2015, T._ a formé appel contre ce jugement. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu’il est libéré du chef d’accusation de violation simple des règles de la circulation routière et que les frais de justice sont mis à la charge de l’Etat. Subsidiairement, T._ a conclu à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause à l’autorité de première instance.
Par courrier du 10 septembre 2015, la Présidente de céans a informé les parties que l’appel sera traité en procédure écrite.
Le 14 septembre 2015, T._ a sollicité la fixation d’un délai afin qu’il puisse produire deux pièces annoncées dans sa déclaration d’appel.
Par déterminations du 15 septembre 2015, le Ministère public central a conclu au rejet de l’appel aux frais de son auteur et à la confirmation du jugement entrepris.
Dans le délai imparti par la Présidente de céans, T._ a notamment produit une attestation de l’Office fédéral de météorologie et de climatologie MétéoSuisse du 29 septembre 2015.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
T._ est né le [...] 1986 à Lausanne. Célibataire et sans enfant, il est originaire de [...]VD. Il a créé la société [...] Sàrl, active dans les travaux forestiers, de déneigement et de manutention notamment. Il ne perçoit aucun revenu provenant de sa société, dès lors que les rentrées seraient réinvesties directement dans celle-ci. Il se trouverait donc entièrement à la charge de son père, lequel s’acquitterait de son loyer et de son assurance maladie. Il n’aurait pas de fortune mais quelques dettes variables.
Son casier judiciaire fait état des condamnations suivantes :
-
11 août 2005, Juge d’instruction de la Côte, violation grave des règles de la circulation routière, emprisonnement de 7 jours, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 2 ans, amende de 500 francs ;
-
11 décembre 2007, Tribunal de police de la Côte, appropriation illégitime, amende de 500 francs ;
-
22 décembre 2009, Tribunal de police de la Côte, lésions corporelles simples, dommages à la propriété et menaces, peine pécuniaire de 30 jours-amende à 20 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 2 ans.
Son fichier ADMAS comporte deux retraits de permis, le premier d’une durée de 6 mois en 2006 pour vitesse et le second d’une durée d’un mois en 2009 pour inattention et vitesse.
2.
Par ordonnance pénale du 14 janvier 2015, la Préfecture de Lavaux-Oron a constaté qu’en date du 28 décembre 2014, à 21h05, T._ a circulé, sur l’autoroute A9 Lausanne-Simplon, chaussée lac, entre les tunnels de Chauderon et Cribelette, au volant de son véhicule de livraison, sur la voie de gauche à une distance de 15 mètres du véhicule qui le précédait, sur un tronçon de 200 mètres et à une vitesse de 100 km/heure. Le prévenu a été condamné, pour violation simple des règles de la circulation routière, à une amende de 250 fr., convertible en une peine privative de liberté de substitution de trois jours.
Par acte du 22 janvier 2015, T._ a formé opposition à cette ordonnance. Le Préfet, après avoir entendu le prévenu sur les faits qui lui étaient reprochés, a maintenu son ordonnance pénale et le Ministère public a transmis le dossier de la cause au Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois.
Dans son jugement du 28 juillet 2015, le tribunal de police s’est basé, pour retenir les faits reprochés au prévenu, sur le rapport de police du 28 décembre 2014, dont le constat est le suivant :
«
Alors que nous circulions à l’endroit susmentionné, à bord de notre véhicule de service banalisé [...], sur la voie gauche en dépassement, notre attention s’est portée sur le conducteur de la voiture de livraison,
VD – [...], marque Renault Kangoo, dont le conducteur fut identifié par la suite comme étant M. [...]. Cet automobiliste qui circulait sur la voie gauche, à une vitesse de 100 km/h, suivit sur deux cents mètres une voiture de tourisme non identifiée à une distance d’environ 15 mètres. Celle-ci ne lui aurait pas permis d’immobiliser son véhicule à temps si le conducteur de la voiture susmentionnée avait dû freiner pour de justes motifs.
»
Ce même rapport précise en outre qu’au moment des faits, il faisait nuit, que le tracé était rectiligne et la visibilité étendue, et que la vitesse autorisée était de 100 km/heure. S’agissant des conditions atmosphériques, il indique que le ciel était couvert, que le trafic était de faible densité et que la température était de - 4 degrés. Des plaques de verglas étaient également présentes à certains endroits de la chaussée, vu les chutes de neige tombées durant les dernières 24 heures.
Le prévenu a expliqué qu’il roulait à une vitesse de 100 km/h à une distance de 30 à 40 mètres du véhicule qui le précédait, et non pas à 15 mètres comme l’a évalué la police. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP
[
Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0
]
) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de T._ est recevable.
S’agissant d’un appel dirigé contre une contravention, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d’un juge unique
(art. 14 al. 3 LVCPP [Loi d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009, RSV 312.01]).
1.2
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l’état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22-23 ad art. 398 CPP).
En l’espèce, seule une contravention à la législation sur la circulation routière a fait l’objet de la procédure de première instance, de sorte que l’appel est restreint.
2.
Invoquant une constatation incomplète et erronée des faits, l’appelant reproche au premier juge de s’être fondé sur le rapport de police, plutôt que sur sa version et des éléments pertinents présentés, notamment les conditions météorologiques et les déclarations de l’appointée [...] lors de son audition devant le premier juge. Il relève également que le rapport, lacunaire et imprécis, ne permet pas d’être correctement et exhaustivement renseigné sur les circonstances de son interpellation et la méthode utilisée par la police pour estimer la distance entre les véhicules.
2.1
Comme
indiqué ci-dessus, en cas d’appel restreint, le pouvoir d’examen de l’autorité d’appel est limité dans l’appréciation des faits à ce qui a été établi de manière arbitraire, la formulation de l’art. 398 al. 4 CPP correspondant à celle de l’art. 97 al. 1 LTF (Loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, RS 173.110).
La notion d’arbitraire n’est pas synonyme de discutable, ni même de critiquable. Une décision ne peut être considérée comme arbitraire que si elle s’avère manifestement insoutenable, et cela non seulement dans sa motivation mais dans son résultat (ATF 134 I 140 c. 5.4 ; ATF 133 I 149 c. 3.1 et les arrêts cités).
Le principe de l’appréciation libre des preuves interdit d’attribuer d’entrée de cause une force probante accrue à certains moyens de preuve, comme par exemple des rapports de police (cf. TF 1P.283/2006 du 4 août 2006 c. 2.3). Toutefois, on ne saurait dénier d’emblée toute force probante à un tel document. Celui-ci est en effet, par sa nature, destiné et propre à servir de moyen de preuve dans la mesure où le policier y reproduit des faits qu’il a constatés et il est fréquent que l’on se fonde dans les procédures judiciaires sur les constatations ainsi transcrites (cf. TF 6S.703/1993 du 18 mars 1994 c. 3b).
2.2
En l’espèce, il n’existe aucune raison de mettre en doute les déclarations concordantes des deux agents publics assermentés, aucun élément ne permettant d’affecter leur crédibilité. On voit difficilement que deux policiers puissent parler d’une distance insuffisante alors que celle-ci n’aurait pu être observée de manière claire. De plus, ces policiers n’ont aucun intérêt à l’issue de la procédure, contrairement à l’appelant. En outre, leurs observations ne comportent aucune incertitude sur les éléments pertinents de la cause. En effet, il s’agit de deux policiers qui ont sans aucun doute l’habitude de ce genre d’affaires en matière de circulation routière et qui, évidemment, ne dénoncent ni ne procèdent à des arrestations à tout va ou dans les cas douteux. Enfin, le fait que les souvenirs de l’agent entendu lors des débats de première instance se soient estompés est compréhensible au regard de l’écoulement du temps.
Par ailleurs, il est constant que, le soir en question, la température était négative. En outre, même si de toute manière l’attestation du 29 septembre 2015 produite par l’appelant en cours de procédure est irrecevable en vertu de l’art. 398 al. 4 CPP, cette attestation n’infirme en rien les constatations policières selon lesquelles les voies étaient verglacées. En effet, ce document relève uniquement qu’il n’y a pas eu de précipitations en journée. Selon la police, il y a eu des chutes de neige durant les 24 heures qui ont précédé la commission de l’infraction et, compte tenu de la bise, il est très vraisemblable que des résidus de neige aient été chassés sur les routes, créant ainsi, par endroit, du verglas.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, les faits retenus dans le jugement attaqué ne sont entachés d’aucun arbitraire. Le fait que T._ ne soit pas d’accord avec l’appréciation du premier juge ne suffit évidemment pas à retenir un quelconque caractère arbitraire.
Mal fondé, ce moyen doit être rejeté.
3.
L’appelant invoque une violation des art. 34 al. 4 LCR (Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958, RS 741.01) et 12 OCR (Ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962, RS 741.11) et conclut à sa libération du chef d’accusation d’infraction simple aux règles de la circulation routière. Il explique en substance qu’au moment des faits, il circulait à une distance de 30 à 40 mètres du véhicule devant lui sur un tronçon de 150 mètres, soit une durée très courte, et que ce comportement n’est pas constitutif de l’infraction réprimée par les articles susmentionnés.
L’état de fait sur lequel T._ fonde son argumentation n’étant pas celui retenu dans la présente cause au regard des considérants qui précèdent, le raisonnement de l’appelant tombe à faux.
Au demeurant, quand bien même on retiendrait la version de l’appelant, l’infraction commise par ce dernier serait de toute façon réalisée, comme le relève le premier juge dans ses considérants. En effet, selon la règle des deux secondes et le calcul qui ressort du jugement de première instance, l’appelant aurait dû se trouver à une distance d’environ 56 mètres du véhicule qui le précédait pour lui permettre de s’arrêter à temps en cas de freinage inattendu, ce d’autant que, comme on l’a vu, les paramètres météorologiques ne jouaient, cette nuit-là, clairement pas en sa faveur. Partant, T._ s’est bien rendu coupable de violation simple des règles de la circulation routière.
4.
En ce qui concerne la quotité de l’amende, celle-ci doit être fixée en tenant compte de la situation de l’auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (art. 106 al. 3 CP).
En l’occurrence, l’amende de 250 fr., convertible en 3 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif, prononcée par le tribunal de première instance pour sanctionner la contravention commise est adéquate et doit être confirmée.
5.
En définitive, l’appel, mal fondé, doit être rejeté et le jugement entrepris intégralement confirmé.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, comprenant l’émolument d’arrêt, par 810 fr. (art. 21 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), sont mis à la charge de T._. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5341b908-d68c-4ff6-90bc-d4163100776f | En fait :
A.
Par jugement du 11 septembre 2013, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a constaté que V._ s’était rendu coupable d’infraction grave à la Loi fédérale sur les stupéfiants (I), l'a condamné à une peine privative de liberté de 18 (dix-huit) mois sous déduction de 296 jours de détention avant jugement au 11 septembre 2013, peine complémentaire à celle qu'il lui avait infligée le 7 juin 2012 (II), a mis une partie des frais de la cause, par 16'139 fr. 50, à la charge de V._, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office Me Giauque par 7'625 fr. 50 (III), et dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité allouée sous chiffre III ci-dessus ne pourra être exigée de V._ que dans la mesure où sa situation financière se sera améliorée et le permettra (IV).
B.
Par annonce du 25 septembre 2013, puis par déclaration motivée du 5 décembre 2013, V._ a fait appel de ce jugement en concluant principalement à sa réforme en ce sens que la peine est réduite, subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause aux premiers juges pour nouveau jugement.
Une audience a eu lieu le 10 février 2014 au cours de laquelle V._ a pris une conclusion nouvelle, tendant au versement par l'Etat en sa faveur d'une indemnité pour détention illicite de 400 fr., subsidiairement d'un montant fixé à dire de justice. Le Parquet a conclu au rejet de cette conclusion pour autant qu'elle soit recevable, point sur lequel il s'est remis à justice.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
a)
V._, ressortissant béninois né en 1986, est venu en Europe en 2005, après sa scolarité obligatoire. Il est passé par la France et la Belgique, puis est arrivé en Suisse, où il a demandé l’asile sous une fausse identité togolaise. Il s’est adonné au trafic de cocaïne. Il s’est mis en ménage avec [...] qui a donné le jour à un fils, le 15 juillet 2008. Dans l’intervalle,
le 2 janvier 2008, le prévenu avait été arrêté; il est resté en prison jusqu’au 2 avril 2009 (PV aud. du 6 juin 2012; P.10), date à laquelle il a été refoulé au Bénin. Dès début mai 2009, il est cependant revenu clandestinement dans notre pays et a repris le trafic de drogue. Il vivait aussi un peu de travail au noir et de l’aide sociale accordée à son amie. Du 23 février au 7 mai 2010, il a de nouveau été emprisonné. Il a épousé [...] le 4 juin 2010. Alarmé par l’arrestation d’une "relation professionnelle" dans le trafic de stupéfiants, il a fui la Suisse en septembre 2011. Il est retourné en France où il s’est mis en ménage avec Z._ et le couple a eu une fille, le 4 juillet 2012. Le prévenu s’est inscrit au [...] dans l’espoir de suivre une formation de vitrier et a bénéficié du RMI (revenu minimum d'insertion). Signalé sous mandat d’arrêt international, il a été interpellé à l’aéroport de Bruxelles le 20 novembre 2012, alors qu’il s’apprêtait à prendre l’avion pour le Bénin (PV aud. 7 p. 3). Le prévenu a été placé en détention puis extradé vers la Suisse le 14 mai 2013 (P. 36). En prison depuis lors, il est en exécution anticipée de peine depuis le 21 juin 2013 (PV des opérations du 28 octobre 2013).
b)
Le casier judiciaire suisse de V._ comporte les inscriptions suivantes :
- 4 août 2006, Bezirksamt Baden, vol d’importance mineure, 10 jours d’arrêt avec sursis pendant un an et 50 fr. d’amende;
- 5 août 2008, Tribunal correctionnel de Lausanne, escroquerie, faux dans les certificats, obtention frauduleuse d’une constatation fausse, incitation à l’entrée, à la sortie ou au séjour illégal, crime et contravention à la Lstup (Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951; RS 812.121), 15 mois de peine privative de liberté, sous déduction de 217 jours de détention préventive;
- 7 juin 2012, Tribunal correctionnel de La Broye et Nord vaudois, crime, délit et contravention à la Lstup, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation, 3 ans de peine privative de liberté, sous déduction de 74 jours de détention préventive, et 500 fr. d’amende.
c)
De mai 2009 au 23 février 2010 et du 7 mai 2010 à février 2011, durant 17 mois, à Payerne, le prévenu a vendu entre trois et quatre boulettes de cocaïne par mois, de 0,5 à 0,6 g chacune, à T._, pour le prix de 100 fr. la pièce. Cela représente au total 59,5 boulettes et 32,5 g bruts,
ou 8,7 g nets de cette drogue, compte tenu d’un taux de pureté moyen de 27 %.
Le 21 janvier 2011, à Payerne, le prévenu a remis cinq tubes de 10 g chacun de cocaïne à [...], pour qu’il les vende. Compte tenu d’un taux de pureté de 38 %, cela représente un total de 19 g nets de drogue. Le 29 janvier 2011, [...] avait déjà écoulé 20 grammes.
Dans le cadre de son trafic, le prévenu était notamment en relation avec son cousin X._, ainsi qu’avec B._, tous deux trafiquants également.
A une occasion, B._ a remis 5 g bruts de cocaïne au prévenu et autant à X._, marchandise destinée à la vente.
A une autre occasion, V._ a vendu la même quantité de drogue, soit 1,3 g net, à son cousin X._
Le 29 juillet 2011, V._ a téléphoné à X._ pour lui demander de lui mettre de côté 5 g de cocaïne, parce qu’il était en rupture de stock. Lors d’une autre conversation du 7 août 2011, V._ a déclaré à X._ qu’il ne se contentait plus de préparer la drogue qu’un autre lui remettait mais avait investi dans l’acquisition de cocaïne, et il a insisté pour que X._ se ravitaille auprès de lui.
Le 11 août 2011, B._ a été arrêté par la police et placé en détention provisoire (P. 41). V._ l’a immédiatement su et a aussitôt informé X._ de la situation. Il a demandé à ce dernier de ne plus appeler
B._ et lui a fait savoir qu’il pouvait le dépanner en cocaïne en cas de besoin.
Dans le courant de l’été 2011, le prévenu a affirmé à P._ qu’il exportait du matériel informatique vers le Bénin. Après lui avoir acheté de vieux ordinateurs contre quelques espèces, il lui a remis deux boulettes de cocaïne
de 1,6 g au total, valant 150 fr., en échange de vieux téléphones mobiles. Compte tenu d’un taux de pureté moyen de 26 %, cela représente 0,4 g net de drogue. Après que le prévenu a quitté la région, P._ a continué à se fournir en cocaïne auprès de X._ | En droit :
1.
1.1
Selon l’art. 399 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0), l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (al. 1). La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (al. 3). L’appel joint doit, quant à lui, être interjeté dans un délai de vingt jours dès la réception de la déclaration d’appel
(art. 400 al. 3 CPP).
Interjeté dans les forme et délai légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de V._ déposé le 5 décembre 2013 est recevable.
1.2.1
En audience d'appel, l'appelant a pris une conclusion supplémentaire tendant ce que lui soit allouée une indemnité pour détention illicite au sens
de l'art. 431 CPP.
Aux termes de l'art. 431 CPP, si le prévenu a, de manière illicite, fait l’objet de mesures de contrainte, l’autorité pénale lui alloue une juste indemnité et réparation du tort moral (ch. 1). En cas de détention provisoire et de détention pour des motifs de sûreté, le prévenu a droit à une indemnité ou à une réparation du tort moral lorsque la détention a excédé la durée autorisée et que la privation de liberté excessive ne peut être imputée sur les sanctions prononcées à raison d’autres infractions (ch. 2).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les irrégularités entachant la procédure de détention provisoire, notamment des irrégularités durant la procédure de placement ou de prolongation de la détention, n'entraînent pas la mise en liberté provisoire du prévenu dans la mesure où les conditions de mise en détention provisoire sont par ailleurs réunies (ATF 139 IV 41 c.2.2). En revanche lorsqu'une irrégularité constitutive d'une violation d'une garantie constitutionnelle a entaché la procédure relative à la détention, celle-ci doit en principe être réparée par une décision de constatation. Il doit en aller de même lorsque le prévenu estime avoir subi, du fait de la mise en détention provisoire un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH (Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; RS 0.101). Dans un tel cas, l'intéressé a un droit propre à ce que les agissements dénoncés fassent l'objet d'une enquête prompte et impartiale (ATF 139 IV 41 op. cit. c.3.1 et les arrêts cités). Par ailleurs, ce n'est qu'à l'issue de la procédure qu'il y aurait lieu de tirer les conséquences d'une telle constatation (cf. les art. 429 ss CPP s'agissant de l'indemnisation; ATF 139 IV 41 op. cit. c. 3.4
in fine)
. Cette jurisprudence consacre la règle doctrinale selon laquelle il
paraît préférable d'obliger le prévenu à attendre l'issue de la procédure au fond (Cédric Mizel et Valentin Rétornaz, in : Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 13 ad art. 431 CPP), soit au moment où est rendu le jugement de première instance. En effet, les conditions de détention et/ou l'échéance du délai de l'art. 27 LVCPP (Loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale du 19 mai 2009, RSV 312.01) ne déclenchent pas de manière automatique une indemnisation, cette question doit également être examinée au regard de la peine privative de liberté à laquelle le prévenu est condamné en définitive (CREP du 18 novembre 2013/296 c. 4.2).
1.2.2
En l'espèce, l'appelant avait requis, devant l'autorité de première instance, une indemnité pour détention illicite (art. 431 CPP) le 15 août 2013 (P. 83), alléguant être resté deux semaines dès le 14 août 2013 en zone carcérale [...]. Il n'avait toutefois pas établi par pièce la durée de cette détention malgré la demande du tribunal du 19 août 2013 (P. 85). Interpellé par les premiers juges, il avait renoncé à une telle indemnité en audience du 11 septembre 2013 (jugement p. 16). Dans ces conditions, il apparaît douteux qu'il lui soit possible de réitérer sa demande d'indemnité pour détention illicite en procédure de seconde instance. En tout état de cause, une telle conclusion aurait dû être prise dans le délai péremptoire d'appel, soit,
in casu
, jusqu'au 5 décembre 2013, le jugement entrepris ayant été notifié à l'appelant le 15 novembre 2013 (P. 107). Or on cherche en vain une telle conclusion dans la déclaration d'appel que V._ a déposée le 5 décembre 2013, dernier jour du délai d'appel. Formulée en audience d'appel le 10 février 2014, la demande d'indemnité fondée sur l'art. 431 CPP est tardive (art. 399 al. 3 CPP) et rien ne permet de justifier sa tardiveté. Elle est donc irrecevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP;
TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Il convient tout d'abord de rectifier quelques inexactitudes de fait ressortant du jugement de première instance.
En effet, les premiers juges ont retenu les faits tels qu’ils ressortent de l’acte d’accusation, dès lors que le prévenu les avait "finalement admis" (jugement p. 21), soit que les ventes à T._ avaient commencé au début de l’année 2009. Cependant, d'après le dossier, l'intéressé était en prison jusqu’au
2 avril 2009 (P. 10), et il est ensuite revenu en Suisse au début mai 2009 au plus tôt. T._ se trompe donc forcément lorsqu’il situe le début de ses achats au commencement de l’année 2009. On peut par ailleurs constater dans l’affaire ayant abouti au jugement par défaut du 7 juin 2012 – dossier PE10.003743, joint à celui de la présente affaire, car le prévenu avait demandé le relief avant de retirer sa requête à l’audience du 11 septembre 2013; jugement p. 17 –, qu’un seul toxicomane mettait en cause V._ avant l’été 2009, et ce, dès "mars-avril", et que les contrôles téléphoniques rétroactifs n’ont pas porté sur 2009 (P. 76, dossier PE10.003743). Enfin, le Procureur a modifié l’accusation en ce sens que la période incriminée portait sur 17 mois (jugement, p. 8) au lieu des 21 mois figurant dans l’acte d’accusation. Il sied donc de retenir que le commerce de V._ en faveur de T._ a débuté en mai 2009 et qu'il a duré 17 mois.
On précisera par ailleurs que, durant ces dix-sept mois, le prévenu a vendu à T._ trois à quatre boulettes de 0, 5 à 0, 6 g par mois, ce qui représente un total de 59,5 boulettes, et non de 73 boulettes, comme retenu par les premiers juges dont les calculs assez approximatifs montrent que certains chiffres de l’acte d’accusation ont été repris sans changement. Pour le surplus, le jugement entrepris rapporte correctement les quantités écoulées par V._ dans ce trafic (à savoir, 32,5 g bruts, ou 8,7 g de cocaïne pure; jugement pp. 21 et 22).
Il faut préciser que ces corrections sont sans influence sur le sort de la cause, la quantité de cocaïne sur laquelle a porté le trafic retenue étant correcte.
4
. Au vu des faits retenus, le chef d'accusation d'infraction grave à la Loi fédérale sur les stupéfiants doit être confirmé. Il n'est d'ailleurs pas remis en cause.
5.
L'appel de V._ ne porte que sur la peine. L’appelant rappelle sa situation personnelle. Il soutient que c’est par l’influence d’amis et proches qu’il est entré dans le milieu du trafic. Il fait valoir qu’il n’a plus commis d’infractions depuis la naissance de son deuxième enfant en été 2012, et qu’au moment de son arrestation il était inscrit au [...] dans l’attente d’effectuer une formation. Il vivait du RMI. Il entendait tourner la page "stupéfiants". Il ajoute qu'il vit très mal son incarcération, notamment parce qu’il est éloigné de ses proches domiciliés en France; il aurait notamment tenté de se suicider après une fausse couche de sa compagne en 2013. lI estime aussi que la peine, complémentaire à celle de trois ans qui lui a été infligée par défaut le 7 juin 2012, ne tient pas suffisamment compte du concours rétrospectif.
5.1
5.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale
(ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; ATF 129 IV 6 c. 6.1 p. 20; TF 6B_759/2011 du 19 avril 2012 c. 1.1; ATF 136 IV 55). Le comportement de l’auteur postérieurement à l’acte constitue un élément à prendre en compte lors de la fixation de la peine, pour autant qu’il permette d’en tirer des déductions, sur l’intéressé et son attitude par rapport à ses actes (TF 6B_203/ 2010 du 27 mai 2010 c. 5.3.4). Une prise de conscience, par l’auteur, du caractère illicite de ses actes et le repentir sont considérés comme des éléments autorisant une diminution de la peine (TF 6B_335_2012 du 13 août 2012 et les références). La vulnérabilité face à la peine n’entre en considération, comme circonstance atténuante, que lorsqu’elle s’écarte du principe de la sensibilité commune à la privation de liberté, comme par exemple en présence de lourdes maladies, de psychoses claustrophobiques ou de surdimutité (TF 6B_744/2012, du 9 avril 2013, c. 3.3 et les références citées).
Dans le domaine spécifique des infractions à la LStup, le Tribunal fédéral a, en outre, dégagé les principes suivants. Même si la quantité de la drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important. Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup. Il en va de même lorsque plusieurs des circonstances aggravantes prévues à l'art. 19 ch. 2 LStup sont réalisées. Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération. Si l'auteur sait que la drogue est particulièrement pure, sa culpabilité sera plus grande. En revanche, sa culpabilité sera moindre s'il sait que la drogue est diluée plus que normalement. Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importera de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation. Un simple passeur sera ainsi moins coupable que celui qui joue un rôle décisif dans la mise sur pied des opérations et qui participe de manière importante au bénéfice illicite. L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. Le délinquant qui traverse les frontières (qui sont surveillées) doit en effet déployer une énergie criminelle plus grande que celui qui transporte des drogues à l'intérieur du pays et qui limite son risque à une arrestation fortuite lors d'un contrôle. À cela s'ajoute que l'importation en Suisse de drogues a des répercussions plus graves que le seul transport à l'intérieur des frontières. Enfin, le nombre d'opérations constitue un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux. Celui qui écoule une fois un kilo d'héroïne sera en principe moins sévèrement puni que celui qui vend cent grammes à dix reprises. Outre les éléments qui portent sur l'acte lui-même, le juge doit prendre en considération la situation personnelle du délinquant, à savoir sa vulnérabilité face à la peine, ses obligations familiales, sa situation professionnelle, les risques de récidive, etc. Les mobiles, c'est-à-dire les raisons qui ont poussé l'auteur à agir, ont aussi une influence sur la détermination de la peine. Il conviendra ainsi de distinguer le cas de l'auteur qui est lui-même toxicomane et qui agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain. Il faudra encore tenir compte des antécédents, qui comprennent aussi bien les condamnations antérieures que les circonstances de la vie passée. Enfin, le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d'élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (TF 6B_567/2012 du 18 décembre 2012 c. 3.2 et les références citées).
5.1.2
Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement (art. 49 al. 2 CP). Le cas (normal) de concours réel rétrospectif se présente lorsque l'accusé, qui a déjà été condamné pour une infraction, doit être jugé pour une autre infraction commise avant le premier jugement, mais que le tribunal ignorait. L'art. 49 al. 2 CP enjoint au juge de prononcer une peine complémentaire ou additionnelle (Zusatzstrafe), de telle sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement. Concrètement, le juge doit se demander comment il aurait fixé la peine en cas de concours simultané, puis déduire de cette peine d'ensemble hypothétique la peine de base, soit celle qui a déjà été prononcée (TF 6B_455/2013 du 29 juillet 2013, c. 2.4.1 et les références citées). Le prononcé d'une peine complémentaire suppose que les conditions d'une peine d'ensemble au sens de l'art. 49 al. 1 CP sont réunies. Une peine additionnelle ne peut ainsi être infligée que lorsque la nouvelle peine et celle qui a déjà été prononcée sont du même genre. Des peines d'un genre différent doivent en revanche être infligées cumulativement car le principe d'absorption n'est alors pas applicable (TF 6B_1082 du 18 juillet 2011 c.2.2 et les références citées).
5.2.1
Les premiers juges ont retenu que le prévenu avait une culpabilité très lourde, qu’il avait récidivé immédiatement après la condamnation de 2008, qu’il ne s’était pas arrêté malgré l’enquête qu’il savait en cours contre lui, puisqu’il avait été entendu six fois entre février et juillet 2010; qu’il était donc totalement imperméable aux avertissements des autorités, qu’il avait cédé aux sirènes de l’argent facile au lieu de tenter de gagner sa vie honnêtement, que rien ne justifiait ce choix, et que c’était donc en vain qu’il se présentait comme un père de famille responsable. A décharge, l'autorité de première instance a retenu les aveux et regrets exprimés aux débats. Il a rappelé que la peine était complémentaire à celle du 7 juin 2012.
5.2.2
Ces considérations sont parfaitement adéquates. On peut toutefois donner acte au prévenu qu’à notre connaissance, il n’a plus commis d’infractions depuis sa fuite de Suisse en septembre 2011 et qu’il vivait du RMI à son arrestation et espère effectuer une formation professionnelle. Cependant, on ne doit pas donner à ces éléments favorables un poids excessif. Les allégations relatives à l’influence de tiers et à la tentative de suicide ne sont en l’état pas établies. Quant à l’éloignement de ses proches, on peut relever que le prévenu a une famille en Suisse aussi, avec laquelle il a conservé des liens, puisqu’au moment de son arrestation il a demandé que soient prévenues sa concubine et son épouse (PV aud. 7 p. 5), et que celle- ci lui a rendu visite en prison avec leur enfant (jugement p. 17). Les souffrances liées à la détention n'atteignent pas un degré suffisant pour être prises en compte comme circonstance atténuante (cf. supra c. 5.1.1; TF 6B_744/2012, du 9 avril 2013, c. 3.3, op. cit.). Enfin, les regrets exprimés par le prévenu devant l'autorité de céans (procès-verbal p. 3) n'ont pas montré une véritable prise de conscience, V._ se contentant de s'apitoyer sur son sort.
5.2.3
Outre les éléments qui précèdent, les règles du concours rétrospectif sont applicables puisque les faits à juger dans la présente procédure sont tous antérieurs au jugement du 7 juin 2012 condamnant le prévenu par défaut essentiellement pour son trafic de cocaïne entre le printemps 2009 et février 2010, qui portait sur 64,3 g de substance pure, ainsi que pour ses séjour et travail illicites en Suisse. La présente enquête vient compléter la précédente; on sait ainsi que le trafic était plus important et surtout qu’il s’est poursuivi après l’incarcération du printemps 2010, jusqu’à l’été 2011. Il faut donc désormais ajouter 29,4 g aux précédents 64,3 g, soit environ un tiers de plus. Ainsi, le prévenu a vendu un peu moins de 100 g purs de cocaïne en l’espace de deux ans environ. Il avait déjà été condamné une première fois en 2008 et séjourné en prison. Un fils lui est né pendant cette incarcération. Malgré cela, dès sa sortie, il a recommencé; une nouvelle détention en 2010 ne l’a pas freiné davantage. D’un point de vue de la LEtr (Loi fédérale sur les étrangers; RS 142.20) aussi il a récidivé, après son refoulement. Dès lors, une peine privative de liberté globale de 4,5 ans correspond à la culpabilité très lourde de l’intéressé. Son assagissement récent et ses projets professionnels ne justifient pas un allègement de peine. Jusqu’à présent, il n’a jamais contribué par une sueur honnête de son front à l’entretien de ses enfants. Le prévenu pourra toujours effectuer une formation professionnelle à sa sortie. La peine complémentaire de 18 mois fixée par l'autorité de première instance ne prête donc pas le flanc à la critique.
6.
En définitive, l'appel de V._ est mal fondé et doit être rejeté, ce qui entraîne la confirmation du jugement attaqué.
7.
7.1
Compte tenu de l'ampleur de la présente procédure, une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 3'499 fr. 20, débours et TVA inclus, est allouée à Me Cyrille Piguet désigné pour la deuxième instance seulement. Cela correspond à 28 heures à 110 fr., plus 160 fr. de débours et 8 % de TVA.
7.2
Vu le sort de l'appel, les frais de seconde instance, y compris l'indemnité allouée au défenseur d'office ci-dessus, sont à la charge deV._ (art. 428 al. 1 CPP). Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l'Etat l'indemnité en faveur de son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
537b8f28-ce77-4077-800d-6889e9589cff | En fait :
A.
Par jugement du 16 juin 2015, le Tribunal de police de l'arrondissement de la côte a condamné Y._, pour séjour illégal, à une peine privative de liberté de 45 jours et mis les frais de la cause à la charge du prévenu.
B.
Par déclaration du 20 juin 2015, Y._ a formé appel contre ce jugement en concluant implicitement à son acquittement.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
a)
Y._, Marocain né le 6 juin 1978 à Casablanca, célibataire, sans profession, est actuellement détenu à la Prison du Bois-Mermet à Lausanne, en exécution de peine.
b)
Son casier judiciaire suisse fait état de ce qui suit :
- 21 juillet 2008 : Tribunal correctionnel de La Côte, vol, délit manqué de vol, dommages à la propriété, utilisation frauduleuse d’un ordinateur, violation de domicile, recel et délit contre la Loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers, peine privative de liberté de 18 mois, sous déduction de 325 jours de détention préventive subis;
- 13 octobre 2011 : Tribunal correctionnel de Lausanne, vol par métier et en bande, vol par métier, recel, séjour illégal, blanchiment d’argent, utilisation frauduleuse d’un ordinateur, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants et délit contre la Loi fédérale sur les stupéfiants, peine privative de liberté de 30 mois, amende de 200 fr. sous déduction de 665 jours de détention préventive subis;
- 26 juillet 2012 : Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, séjour illégal, peine privative de liberté de 30 jours;
- 10 octobre 2012 : Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, séjour illégal, peine privative de liberté de 40 jours;
- 17 juin 2013 : Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation, peine privative de liberté de 90 jours;
- 6 janvier 2014 : Ministère public de l’arrondissement de La Côte, vol, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation, peine privative de liberté de 120 jours, sous déduction de 4 jours de détention préventive subis;
- 21 mai 2014 : Ministère public cantonal STRADA, vol, dommages à la propriété, violation de domicile, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation, peine privative de liberté de 75 jours, sous déduction d’un jour de détention préventive subi.
c)
Entre le 24 juin et le 20 octobre 2014, le prévenu a séjourné en Suisse sans autorisation. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP; Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel d'Y._ est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L'appelant conteste sa condamnation pour infraction à
l'art. 115 al. 1 let. b LEtr (Loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005; RS 142. 20). Il fait valoir qu'il ne pouvait pas quitter la Suisse entre le 24 juin et le 20 octobre 2014 (à savoir durant la période correspondant à la durée de l'activité délictueuse retenue), car il devait rester à la disposition des autorités pénales et répondre ainsi aux convocations.
3.1
L'art. 115 al. 1 let. b LEtr punit quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l'expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé. Le séjour en Suisse est légal si l'étranger est autorisé à rester en Suisse à titre individuel ou si une prescription légale autorise sa présence en Suisse. L'étranger qui n'exerce pas d'activité lucrative peut séjourner en Suisse sans autorisation pendant trois mois (art. 10 al. 1 LEtr et 9 OASA [Ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative, du 24 octobre 2005; RS 142. 201]).
Selon l'art. 204 CPP, si les personnes citées à comparaître se trouvent à l'étranger, le ministère public ou la direction de la procédure du tribunal peut leur accorder un sauf-conduit (al. 1). Une personne qui bénéficie d'un sauf-conduit ne peut être arrêtée en Suisse en raison d'infractions commises ou de condamnations prononcées avant son séjour, ni y être soumise à d'autres mesures entraînant une privation de liberté (al. 2).
3.2
En l'espèce, l'appelant séjourne illicitement en Suisse depuis de nombreuses années (P. 4). Il a déjà été condamné à de nombreuses reprises pour ce motif à des peines privatives de liberté fermes. Les procédures pénales en cours ne l'autorisaient nullement à séjourner en Suisse, ce que l'intéressé ne pouvait ignorer. Il devait impérativement quitter le pays et si l'appelant entendait se présenter à la convocation d'une autorité pénale, il lui incombait d'adresser une demande de sauf-conduit depuis l'étranger.
4.
La condamnation pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEtr doit ainsi être confirmée et l'appel rejeté aux frais de son auteur (art. 428 al. 1 CPP). Le prévenu n'étant pas représenté par un avocat, les frais d'appel mis à sa charge se composent du seul émolument d'arrêt (art. 422 CPP), lequel se monte à 950 fr., frais d'audience inclus (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale; RSV 312.03.1]). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
53843f64-7bc0-444b-b698-a1f0633ac9f1 | En fait :
A.
Par jugement du 18 mars 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a notamment constaté que A.V._ s’était rendu coupable d’infraction à la Loi fédérale sur les étrangers, conduite d’un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l’interdiction d’usage du permis, de contravention à l’ordonnance sur les règles de la circulation routière, de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, et d’empêchement d’accomplir un acte officiel (I), a révoqué la libération conditionnelle accordée à A.V._ le 16 mai 2011 par l’Office des juges d’application des peines du canton de Vaud (IV), a condamné A.V._ à une peine privative de liberté d’ensemble de 8 (huit) mois et 2 (deux) jours, a dit que cette peine comprenait le solde de détention de 2 (deux) mois et 2 (deux) jours résultant de la libération conditionnelle qui lui avait été accordée le 16 mai 2011 par l’Office des juges d’application des peines du canton de Vaud, ainsi qu’à une amende de 500 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l’amende étant fixée à 5 (cinq) jours et dit que cette peine était partiellement complémentaire à celles prononcées le 31 août 2009 par le Tribunal correctionnel de Lausanne, le 7 juin 2011 par le Ministère public de la Côte, le 7 juin 2012 par le Tribunal correctionnel de Lausanne et le 25 février 2013 par le Ministère public de Genève (V), a statué sur les frais et indemnités dues aux défenseurs d’office (VIII et IX).
B.
Par annonce du 11 avril 2015, puis par déclaration motivée du 12 mai 2015, A.V._ a formé appel contre le jugement précité. Il a conclu à sa réforme en ce sens que la libération conditionnelle qui lui a été accordée le 16 mai 2011 par l’Office du juge d’application des peines n’est pas révoquée mais le délai d’épreuve prolongé et qu’il est condamné à une peine privative de liberté dont la quotité est fixée à dire de justice et assortie d’un sursis d’une durée de cinq ans.
A titre de mesures d'instruction, l’appelant a requis l'audition de deux témoins, soit sa compagne et son employeur actuels.
Par avis du 4 août 2015, le Président de la cour de céans a rejeté les réquisitions de preuve formulées par l’appelant, mais l’a invité à produire son contrat de travail.
Dans ses déterminations du 5 août 2015, le Ministère public a déclaré se référer intégralement au jugement attaqué et conclu à ce que la peine prononcée à l’encontre de A.V._ soit confirmée dans son entier.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
a)
Né en 1965 en Serbie, A.V._ a grandi dans son pays d’origine avec ses quatre frères et ses cinq sœurs. Arrivé en Suisse en 1992, il s’est marié avec une suissesse dont il a divorcé en 2002. Il a obtenu la nationalité suisse il y a une quinzaine d’années. Après son divorce, il a épousé une compatriote avec laquelle il a eu deux fils, B.V._ et C.V._, également prévenus dans la présente affaire; tous trois l’ont rejoint en Suisse en 1998.
Coffreur indépendant depuis de nombreuses années, A.V._ a exploité avec ses deux fils depuis le 17 décembre 2010, date de son inscription au registre du commerce, l’entreprise S._ SA, active dans le domaine de la construction.
Dès janvier 2014, pour des raisons personnelles, A.V._ a déménagé à Neuchâtel, se séparant de sa femme et ses enfants restés au domicile familial à Renens, et laissant le soin à ces derniers de gérer l’entreprise S._ SA. Il limite les contacts avec eux à l’essentiel.
En novembre 2014, A.V._ a créé une nouvelle société, I._ Sàrl, dont il est l’associé gérant avec deux autres partenaires. Les activités de cette entreprise n’ont pas encore démarré. Le prévenu travaille comme temporaire auprès d’une agence de placement et réalise un revenu mensuel moyen de 3'500 à 3'800 francs. Il a des dettes pour environ 800'000 francs. Il partage un appartement avec sa nouvelle amie, elle-même sans revenu, pour un loyer de 910 fr. par mois. Il ne paie pas d’assurance maladie.
b)
Le casier judiciaire de A.V._ comporte les inscriptions suivantes :
- 1.04.2005, Tribunal d’arrondissement de La Côte, conduite malgré un retrait ou refus du permis de conduire et occupation intentionnelle des étrangers sans autorisation, 20 jours d’arrêt, 1000 fr. d’amende ;
- 13.09.2005, Ministère public du canton de Neuchâtel, occupation des étrangers sans autorisation, délit contre la LF sur l’assurance-vieillesse et survivants, contravention à la LF sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité, délit contre la LF sur l’assurance-accidents, contravention à la LF sur l’assurance-accidents, 1500 fr. d’amende ;
- 16.12.2005, Juge d’instruction du Nord vaudois, lésions corporelles simples, 5 jours d’emprisonnement, délai d’épreuve 2 ans, révoqué le 31.08.2009 par le Tribunal correctionnel de Lausanne ;
- 31.05.2007, Juge d’instruction de l’Est vaudois, conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait (véhicule automobile), conduite d’un véhicule défectueux, contravention à l’ordonnance sur la circulation routière, peine pécuniaire de 30 jours-amende à 85 fr. ;
- 31.08.2009, Tribunal correctionnel de Lausanne, lésions corporelles simples, dommages à la propriété, menaces, diffamation, délit contre la LF sur l’assurance-vieillesse et survivants, délit contre la LF sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, contravention à la LF sur l’assurance obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité, peine privative de liberté de 6 mois, amende de 100 fr. ;
- 07.06.2011, Ministère public de l’arrondissement de La Côte, violation grave des règles de la circulation routière, peine pécuniaire de 24 jours-amende à 85 fr. ;
- 07.06.2012, Tribunal correctionnel de Lausanne, lésions corporelles simples qualifiées, abus de confiance, peine privative de liberté de 8 mois,
- 25.02.2013, Ministère public du canton de Genève, lésions corporelles simples, peine pécuniaire de 30 jours-amende à 110 francs.
Le fichier ADMAS révèle que dix-sept mesures ont dû être prises à l’encontre du prévenu entre 1992 et 2013, dont onze retraits de permis, la plupart à la suite d’excès de vitesse.
2. a)
Depuis le 17 décembre 2010, date de son inscription au registre du commerce, et précédemment sous les raisons sociales [...] SA (en liquidation), [...] Sàrl (en liquidation), [...] Sàrl (en liquidation), [...] Sàrl (en liquidation) et [...] Sàrl (en liquidation), A.V._, avec ses fils B.V._ et C.V._, a exploité l’entreprise S._ SA, active dans le domaine de la construction. Sans que l’instruction ne permette d’établir précisément le rôle tenu par chacun, tant l’entreprise est gérée de manière familiale, ils ont engagé huit ouvriers ne bénéficiant pas d’autorisation de travail, fait qui leur était connu.
b)
A Ecublens, notamment entre les 16 et 22 mai 2012, le prévenu, qui était sous le coup d’un retrait de son permis de conduire entre le 12 décembre 2011 et le 11 janvier 2013, a circulé au volant du fourgon Mercedes-Benz de son entreprise.
c)
A Ecublens, le 22 mai 2012 en fin de journée, une patrouille a décidé de contrôler le fourgon conduit par A.V._, le suivant en véhicule de service avec les moyens prioritaires enclenchés et la matrice « STOP POLICE ». Le prévenu, qui transportait alors plusieurs ouvriers en situation irrégulière, a pris la fuite et s’est engagé dans une voie sans issue pour y dissimuler son fourgon. Il a été interpellé peu après.
d)
A Cugy/FR, le 1
er
juillet 2013 au matin, A.V._, qui faisait à nouveau l’objet d’un retrait de son permis de conduire d’une durée indéterminée depuis le 22 mai 2012, a circulé au volant de la voiture VW Golf immatriculée VD [...]. Interpellé alors qu’il conduisait en téléphonant sans dispositif mains libres, le prévenu a donné une fausse date de naissance. Informé qu’il allait être conduit au poste pour des contrôles plus approfondis, A.V._ s’est opposé physiquement à son interpellation, contraignant les agents à utiliser la force pour le maîtriser et à l’amener au sol pour le menotter. Il a alors injurié les agents tout en les menaçant de représailles. | En droit :
1.
1.1.
Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de A.V._ est recevable.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, JugendStrafprozessordnung, 2
e
éd. Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
2.
L’appelant invoque en premier lieu une constatation incomplète, erronée et/ou arbitraire des faits de la cause. Le premier juge aurait ainsi omis de constater que l’appelant n’avait plus occupé les services de police depuis le début du mois de juillet 2013, qu’il était désormais âgé de 50 ans, qu’il avait spontanément reconnu les faits et exprimé des regrets, que sa situation familiale s’était apaisée, que les infractions à la loi fédérale sur les étrangers avaient été commises en lien avec la gestion de ses entreprises familiales, qu’il ne serait plus au chômage, que l’infraction de violence ou menace contre les fonctionnaires était de peu de gravité, que s’il devait retourner en prison, sa compagne serait seule et désemparée, qu’il avait commencé une thérapie et serait le cas échéant prêt à accomplir des travaux d’intérêt général en sus d’une condamnation à une peine privative de liberté assortie du sursis.
Les divers points exposés par l’appelant ne portent pas sur les faits de la cause mais ont trait à des éléments d’appréciation utiles à l’établissement d’un pronostic quant à son comportement futur, dans le but de contester celui, négatif, émis par le magistrat de première instance. C’est donc dans le cadre de l’émission de ce pronostic qu’il convient d’examiner les moyens de l’appelant.
3.
Reprenant les diverses circonstances personnelles évoquées ci-dessus, l'appelant fait valoir qu'il existe de nombreux éléments positifs le concernant qui permettent de poser un pronostic favorable, correspondant aux circonstances particulièrement favorables nécessaires dans le cadre de l'application de l'art. 42 al. 2 CP (Code pénal du 21 décembre 1937 ; RS 311.0). Il en va de même à ses yeux s'agissant du constat devant conduire à la non-révocation de la libération conditionnelle dont il a bénéficié le 16 mai 2011. En outre, cette libération a été accordée il y a plus de 4 ans et il serait disproportionné de la révoquer aujourd'hui.
3.1
L’art. 89 CP dispose notamment que, si durant le délai d'épreuve, le détenu libéré conditionnellement commet un crime ou un délit, le juge qui connaît de la nouvelle infraction ordonne sa réintégration dans l'établissement (al. 1). Si, malgré le crime ou le délit commis pendant le délai d'épreuve, il n'y a pas lieu de craindre que le condamné ne commette de nouvelles infractions, le juge renonce à la réintégration. Il peut adresser un avertissement au condamné et prolonger le délai d'épreuve de la moitié au plus de la durée fixée à l'origine par l'autorité compétente. Si la prolongation intervient après l’expiration du délai d’épreuve, elle court dès le jour où elle est ordonnée. Les dispositions sur l’assistance de probation et sur les règles de conduite (art. 93 à 95 CP) sont applicables (al. 2). La réintégration ne peut plus être ordonnée lorsque trois ans se sont écoulés depuis l'expiration du délai d'épreuve (al. 4). La détention avant jugement que l'auteur a subie pendant la procédure de réintégration doit être imputée sur le solde de la peine (al. 5). Si, en raison de la nouvelle infraction, les conditions d’une peine privative de liberté ferme sont réunies et que celle-ci entre en concours avec le solde de la peine devenu exécutoire à la suite de la révocation, le juge prononce, en vertu de l’art. 49, une peine d’ensemble. Celle-ci est régie par les dispositions sur la libération conditionnelle. Si seul le solde de la peine doit être exécuté, l’art. 86 al. 1 à 4, est applicable (al. 6).
La réintégration ou les mesures de substitution de l'art. 89 al. 2 CP doivent pouvoir être ordonnées lorsque les motifs de révocation sont connus ou découverts moins de trois ans après l'expiration du délai d'épreuve. Ce délai était auparavant de cinq ans; sa réduction répond à une volonté d'harmonisation du délai applicable pour la réintégration avec celui applicable en cas de révocation du sursis, au sens de l'art. 46 al. 5 CP (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 10 ad art. 89 CP). Selon la jurisprudence, le point de départ du délai d'épreuve coïncide avec la communication du jugement exécutoire (cf. ATF 120 IV 172 c. 2a). Lorsque le jugement de première instance a été rendu à une date où la révocation du sursis n'était pas exclue, la Cour d'appel doit toutefois tenir compte du temps qui s'est encore écoulé depuis lors, car son jugement se substitue à celui rendu par l'autorité de première instance (cf. art. 408 CPP). Aucune norme du Code pénal ne prévoit en effet que ce délai cesse de courir après un jugement de première instance contrairement à la règle de l'art. 97 al. 3 CP pour la prescription (TF 6B_114/2013 du 1
er
juillet 2013 c. 7).
3.2
Par jugement du 6 mai 2011, le Juge d'application des peines a accordé à l'appelant la libération conditionnelle dès le 16 mai 2011, avec un délai d'épreuve d'un an. Ce jugement est entré en force le 7 juin 2011, de sorte que le délai de l'art. 89 al. 4 CP est venu à échéance au plus tard le 7 juin 2015. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral rappelée ci-dessus, ce délai a continué à courir durant la procédure d'appel. Dans la mesure où il est aujourd'hui échu, il n'est plus possible d'ordonner la réintégration du condamné et l'appel doit être admis sur ce point.
3.3
Il convient encore de se prononcer sur la question du sursis à l'exécution de la peine, dont l'appelant estime pouvoir bénéficier au regard des diverses circonstances personnelles évoquées dans son mémoire.
3.3.1
Selon l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2). La présomption d’un pronostic favorable, respectivement du défaut d’un pronostic défavorable, ne s’applique en revanche plus si durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, le prévenu a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins. L’octroi du sursis n’entrera alors en considération que si, malgré l’infraction commise, on peut raisonnablement supposer, à l’issue de l’appréciation de l’ensemble des facteurs déterminants, que le condamné s’amendera (ATF 134 IV 1 c. 4.2.3). Ainsi, en cas de récidive au sens de l'art. 42 al. 2 CP, seules deux hypothèses sont envisageables : soit les circonstances sont particulièrement favorables et le sursis total doit être accordé à l'auteur; soit les circonstances sont mitigées ou défavorables et le sursis, respectivement partiel ou total, est alors exclu (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009, c. 3.1.3, non publié aux ATF 135 IV 152).
3.3.2
En l'occurrence, le pronostic à émettre est clairement défavorable en raison de la multitude des condamnations déjà prononcées à l’encontre de A.V._ pour des séries d'infractions impliquant des atteintes nombreuses à des intérêts juridiques protégés différents, qu'il s'agisse de violation de la sécurité routière, de l'intégrité corporelle d'autrui ou de la violation de nombreuses normes de droit pénal spécial (législation sur les étrangers, l'AVS, l'assurance chômage ou l'assurance accident). La réitération d'infractions après plusieurs condamnations à des peines privatives de liberté fermes constitue un élément de poids important dans l’émission du pronostic qui n'est en l'espèce contrebalancé par aucun fait positif suffisant pour l'inverser. A cet égard, la situation familiale de l'appelant n'a pas changé fondamentalement et la résolution de ses prétendus conflits avec ses deux fils n'a qu'un rapport très ténu avec sa propension à la récidive. Aux débats, l'appelant a précisé travailler auprès d'une entreprise de travail temporaire. Il n'est certes plus au chômage mais cette circonstance n'est pas décisive dès lors que l'appelant a commis de nombreuses infractions par le passé alors qu'il avait une activité professionnelle. Il n'existe donc aucune circonstance particulièrement favorable au sens de l'art. 42 al. 2 CP. La peine à prononcer à l'encontre de A.V._ ne peut donc être que ferme.
4.
Reste à déterminer la quotité de la peine à infliger à l'appelant.
4.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 IV 6 c. 6.1).
4.2
En l’espèce, A.V._ s'est rendu coupable d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers, conduite d'un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l'interdiction d'usage du permis, de contravention à l'ordonnance sur les règles de la circulation routière, de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et d'empêchement. Les infractions sont en concours. Une peine privative de liberté de six mois - telle que celle prononcée en première instance abstraction faite de la part résultant de la révocation conditionnelle - est adéquate. Il ne s'agit néanmoins plus d'une peine d'ensemble (art. 89 al. 6 CP) dès lors que la réintégration n'est pas prononcée. Cette peine est complémentaire aux condamnations des 7 juin 2011, 7 juin 2012 et 25 février 2013 mais non à celle du 31 août 2009 comme indiqué par erreur au chiffre V du dispositif jugement de première instance, qui doit être rectifié d'office.
5.
En définitive, l'appel doit être partiellement admis et le jugement réformé dans le sens des considérants.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, constitués du seul émolument d'arrêt (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), par 1'610 fr., seront mis pour moitié, soit par 805 fr., à la charge de l’appelant (art. 428 al. 1 CPP), le solde étant laissé à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
539ebb30-7900-4511-b7c0-35caeb4422db | En fait :
A.
Par jugement du 20 octobre 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a déclaré A.Z._ non coupable d'actes d'ordre sexuel avec des enfants et l'a acquitté (I), a renvoyé F._ à faire valoir les prétentions civiles de C.Z._ contre A.Z._ par la voie civile (II), a alloué à Me Loïc Parein, conseil d'office de la partie plaignante, une indemnité de 8'580 fr. 60, débours et TVA inclus (III), a alloué à Pierre Ventura, défenseur d'office de A.Z._, une indemnité de 7'380 fr. 30, débours et TVA inclus (IV), a laissé les frais de la cause, arrêtés à 21'192 fr. 90, à la charge de l'Etat (V), a dit qu’il n’y a pas lieu d’indemniser A.Z._ au titre de l'art. 429 CPP (VI) et a ordonné le maintien au dossier des pièces séquestrées (VII).
B.
Le 29 octobre 2014, A.Z._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d'appel du 24 novembre 2014, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à la modification du chiffre VI du dispositif en ce sens qu'une indemnité de l'art. 429 al. 1 let. b et c CPP d’un montant de 10'760 fr. lui est allouée.
Par avis du 6 janvier 2015, le Président de céans a informé les parties que l'appel relevait de la procédure écrite (art. 406 al. 1 let. d CPP) et a imparti au Ministère public un délai de détermination de 10 jours.
Le 12 janvier 2015, le Ministère public s'en est remis à justice s'agissant de l'appel interjeté par A.Z._.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.Z._ est né en 1960. Électro-technicien de formation, il a travaillé dans le secteur privé avant de devenir chef de service dans l’administration cantonale neuchâteloise. Il a été licencié de ce poste en 2011. Il travaille actuellement au service de sa propre société, active dans le domaine de la conduite de projets techniques, pour un salaire mensuel net fixe de quelque 5'000 fr., auquel s’ajoutent d’autres prestations. En 2014, il a perçu un montant annuel brut de 78'000 francs.
Il a été marié pendant 23 ans à G._, dont il a eu deux fils, F.Z._, né en 1989, et G.Z._, né en 1991. Après avoir divorcé de sa première femme, il a épousé F._ en 2008. De cette union sont issus quatre enfants : B.Z._, né le 13 juin 2005, C.Z._, née le 6 janvier 2007, D.Z._, né le 11 octobre 2008, et E.Z._, née le 14 novembre 2009. Le couple est séparé, sous le régime des mesures protectrices de l’union conjugale, depuis mai 2011. La séparation est conflictuelle.
Son casier judiciaire comporte l’inscription d’une condamnation (pour des faits en lien avec le conflit conjugal):
- 8 juillet 2013, Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz, violation de domicile, peine de 5 jours-amende à 10 fr. le jour avec sursis pendant 2 ans.
2.
2.1
A.Z._ a eu ses enfants B.Z._, C.Z._, D.Z._ et E.Z._ auprès de lui, à son domicile de [...], du vendredi 7 au mardi 11 octobre 2011. Il a ramené les enfants chez F._ le 11 octobre vers 22h00, alors qu’il devait les ramener en fin d’après-midi. Le passage s’est effectué dans une vive tension, mais il n’a pas été question du droit de visite.
Le lendemain soir, F._ a fait prendre un bain à C.Z._. Lorsqu’elle a demandé à l’enfant si elle s’était bien lavée partout, C.Z._, alors âgée de 4 ans et demi, lui aurait répondu par l’affirmative, mais en précisant: «
je n’ai pas fait dans le trou
». F._ aurait alors dit : «
mais enfin, on ne se lave pas dans le trou
» ; ce à quoi l’enfant aurait répondu : «
oui, mais papa m’a dit que je devais me laver dans le trou
». Questionnée, l’enfant aurait alors expliqué que son père lui avait dit de laver «
les trucs blancs qu’il y avait dans le trou
», qu’il avait contrôlé et qu’il avait mis son doigt. Sa mère lui aurait demandé si elle avait été d’accord que son père regarde et l’enfant aurait répondu : «
je lui ai dit d’arrêter, mais il n’a pas voulu
».
F._ a appelé le centre LAVI, l’Office de protection de l’enfant du canton de Neuchâtel et Mme N._, psychologue à [...]. Elle a aussi appelé la doctoresse D._, pédiatre à [...], médecin traitant de C.Z._.
Le 13 octobre 2011, la doctoresse D._ a reçu C.Z._ et sa mère en consultation. La doctoresse a d’abord eu une conversation avec F._ hors la présence de l’enfant, restée à la salle d’attente. Puis elle a examiné l’enfant. La mère était présente à l’écart dans la même pièce, mais n’est pas intervenue. La pédiatre a procédé en premier lieu à un examen général, sans se focaliser sur la zone génitale. Dans un second temps, elle a examiné la vulve de l’enfant. À ce moment-là, l’enfant aurait déclaré
spontanément à la doctoresse que «
papa m’a mis la main là
» (PV aud. 2, ligne 47). Elle lui aurait dit qu’elle avait eu mal et qu’elle ne voulait pas. Par courriel du 8 février 2012 (P. 54), la doctoresse D._ a toutefois expliqué à Mme N._ que, lors de cette consultation, c’est en réponse à des questions que l’enfant lui aurait déclaré : «
papa m’a touché le vagin
», «
j’ai eu mal
», «
je ne voulais pas
» et «
c’était pas bien
». La doctoresse D._ n’a pas été en mesure, aux débats, de préciser ce que l’enfant lui avait déclaré spontanément et ce qu’elle lui avait déclaré en réponse à des questions. Elle n’a pas été non plus en mesure de confirmer que l’enfant lui avait dit «
papa m’a mis le doigt dans le vagin
», comme elle l’avait écrit le 19 juillet 2012 au juge des mesures protectrices de l’union conjugale (cf. P. 21/2).
Lors de cette consultation, la pédiatre n’a pas constaté de lésion de la vulve, mais une irritation, et n’a pas eu le sentiment que l’enfant lui parlait sous l’influence de sa mère (PV aud. 2, lignes 65 et 236).
C.Z._ était prise en charge par le docteur Q._, spécialiste FMH en psychiatrie d’enfants et d’adolescents, et par Mme N._, psychologue FSP, à [...], depuis le 8 juin 2011. N._ a reçu l’enfant en consultation le 18 octobre 2011. Le 25 octobre 2011, la psychologue, se prévalant de l’accord du docteur Q._, a signalé des «
éléments préoccupants
» au juge des mesures protectrices de l’union conjugale et préconisé une suspension immédiate du droit de visite du père (P. 59/1).
Répondant à une demande de renseignements écrits, le docteur Q._ et N._ ont adressé le 12 mars 2012 au juge des mesures protectrices de l’union conjugale un rapport dans lequel ils expliquent que, lors de la consultation du 18 octobre 2011, l’enfant n’a pas «
répété
» que son père aurait mis son doigt dans son vagin et qu’elle n’a dit qu’ «
avec difficulté
» que ce qu’il avait fait n’était pas bien (P. 4/2, pp. 7 s.). Ils ont ajouté ce qui suit : «
Par contre, elle peut montrer à sa psychothérapeute ce qu’elle a vécu par l’intermédiaire d’un jeu avec des petites poupées, et dire qu’elle était seule avec son père, que ses frères et sa sœur se trouvaient dans une autre pièce. Dans son jeu, C.Z._ met une petite poupée sous la douche, avec une autre poupée très proche. Lorsqu’elle arrive à la scène où son père lui aurait mis le doigt dans le vagin, elle se fige et devient rouge de honte, elle est incapable de poursuivre son récit. La psychothérapeute la sent démunie et fragilisée face à cet incident
» (P. 4/2 p. 8).
À réception de ce rapport, le 14 mars 2012, le juge des mesures protectrices a informé le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois de l’existence de soupçons d’abus sexuels de A.Z._ sur sa fille C.Z._ lors de l’exercice du droit de visite du 7 au 11 octobre 2011 et l’a formellement dénoncé. Le 30 avril 2012, F._ s’est constituée partie plaignante.
2.2
A.Z._ a contesté les faits. Il a déclaré que, lors du droit de visite du 7 au 11 octobre 2011, les enfants avaient fait du vélo et que C.Z._ se serait plainte de douleurs dans la zone génitale. Lorsque l’enfant s’est déshabillée pour la douche, elle aurait dégagé une odeur caractéristique qui aurait fait penser à un problème sanitaire. Considérant que, lorsqu’il y a «
de la moutarde
» entre les lèvres d’une fille, il faut l’enlever pour éviter une infection, il aurait redouté un problème sanitaire et décidé, lors de la douche en fin de journée, de participer à la toilette de C.Z._. Celle-ci ne sachant pas comment se savonner, il aurait donné des soins sur les parties intimes de C.Z._ avec la propre main de cette dernière avec du savon spécial hygiène intime. Après la douche, il aurait vérifié qu’il n’y ait pas de rougeurs ni de «
choses particulières
». Il a précisé avoir procédé au contrôle sur la table à langer qui se trouvait à ce moment-là dans la chambre des enfants. Il aurait demandé à C.Z._ d’écarter les jambes et aurait procédé à un contrôle visuel. Il a déclaré avoir senti que C.Z._ n’était pas à l’aise dans cette situation et avoir fait attention, dès lors, à la manière de gérer les choses : il aurait regardé sans toucher la zone génitale (cf. PV aud. 1 et jgt., pp. 6 s.)
2.3
Dans son jugement du 20 octobre 2014, le Tribunal de police a considéré qu’il n’était pas prouvé que le prévenu ait introduit son doigt dans le vagin de sa fille. Il était par contre établi qu’il avait eu un geste inapproprié, en faisant lors de la douche passer de manière brusque la main de l’enfant sur la zone génitale de celle-ci, mais il n’était pas prouvé qu’il ait agi dans un but sexuel. L’objectif de ce geste était d’apporter, à tort ou à raison, des soins corporels à l’enfant. Enfin, rien ne prouvait qu’ensuite, dans la chambre des enfants, le prévenu ait fait plus que procéder à un contrôle visuel de la vulve de l’enfant, sans la toucher. A.Z._ devait dès lors être libéré de l’accusation d’actes d’ordre sexuel avec des enfants. S’agissant des effets accessoires du jugement, le premier juge n’a pas indemnisé A.Z._ au sens de l’art. 429 al. 1 let. b CPP pour le motif qu’étant salarié de la société I._SA (ci-après: I._SA), il n’avait pas personnellement et directement subi de perte de gain. Concernant l’indemnité pour tort moral, le Tribunal de police a considéré que le juge civil n’avait pas attendu l’ouverture des poursuites pénales pour suspendre le droit de visite, ni l’issue du procès pénal pour rétablir le droit de visite usuel du prévenu au Point Rencontre. Il n’y avait donc pas de lien de causalité entre les poursuites pénales et la suspension du droit de visite. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délais légaux par des parties ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de A.Z._ est recevable.
1.2
Conformément à l'art. 406 al. 1 let. d CPP, l'appel est traité en procédure écrite, seule la question d'indemnités fondées sur l’art. 429 CPP étant litigieuse en l'espèce.
2.
L’appelant sollicite l’audition de ses deux fils F.Z._ et G.Z._.
Certes, la procédure écrite n'exclut pas par principe des compléments de preuve (art. 390 al. 4
in fine
CPP, par renvoi de l'art. 406 al. 4 CPP). Il n'en reste cependant pas moins qu’en l’espèce, les conditions posées par l'art. 389 al. 2 CPP ne sont pas réunies. En effet, F.Z._ a déjà été entendu par le Tribunal de police. De plus, le dossier, complet et constitué à satisfaction de droit, permet de statuer sur l'objet de l'appel. Il s'ensuit que les réquisitions de preuve déposées par l'appelant doivent être rejetées.
3.
Invoquant une violation de l’art. 429 al. 1 let. b CPP, l'appelant requiert l’octroi d’une indemnité pour le dommage économique subi à hauteur de 5'760 fr., correspondant au temps consacré, à six séances à Vevey à 600 fr., à quatre autres séances à 400 fr. ainsi qu’à dix déplacements aller-retour pour un montant total de 560 francs (cf. P. 79). Il soutient que la société I._SA et lui-même, en tant qu’actionnaire principal, ne font qu'un et qu'il a dès lors subi une perte de gain.
3.1
3.1.1
Selon l'art. 429 al. 1 let. b CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale.
3.1.2
Selon la théorie de la transparence, on ne peut pas s'en tenir dans tous les cas à l'existence formelle de deux personnes juridiquement distinctes lorsque tout l'actif ou la quasi-totalité de l'actif d'une société anonyme appartient soit directement, soit par personnes interposées, à une même personne, physique ou morale; malgré la dualité de personnes à la forme, il n'existe en réalité pas deux entités indépendantes, du moment que la société est un simple instrument dans la main de son auteur, lequel, économiquement, ne fait qu'un avec elle. On doit dès lors admettre, à certains égards, conformément à la réalité économique, qu'il y a identité de personnes et que les rapports de droit liant l'un lient également l'autre. Ce sera le cas chaque fois que le fait d'invoquer la dualité des sujets constitue un abus de droit ou a pour effet une atteinte manifeste à des intérêts légitimes. Ainsi, l'indépendance juridique entre l'actionnaire unique et la société anonyme ne peut pas être invoquée dans un but qui ne mérite pas la protection de la loi, comme par exemple pour éluder un contrat, une prohibition de concurrence ou encore pour contourner une interdiction (TF 4A_58/2011 du 17 juin 2011 c. 2.4.1; TF 4A_384/2008 du 9 décembre 2008 c. 4.1, SJ 2009 I p. 424; cf. également: TF 5A_175/2010 du 25 mai 2010 c. 3.3.4; TF 4C.15/2004 du 12 mai 2004 c. 5.2; ATF 112 II 503 c. 3b).
L'application du principe de la transparence suppose donc, tout d'abord, qu'il y ait identité des personnes, conformément à la réalité économique, ou, en tout cas, la domination économique d'un sujet de droit sur l'autre. Il faut ensuite que la dualité soit invoquée de manière abusive, c'est-à-dire pour en tirer un avantage injustifié (TF 4A_58/2011 du 17 juin 2011 c. 2.4.1; TF 4C.231/1997 du 15 septembre 1998 c. 2b).
3.2
En l'espèce, l'appelant expose que personne physique et morale se confondraient en matière de dommage économique. Il ressort toutefois des pièces produites par l'appelant que ce dernier ne détient pas l'entier du capital-actions de la société I._SA, mais 90 actions nominatives sur 100 (cf. P. 87/1 et 2). En outre, il ne prétend pas que l'invocation du principe de la transparence devrait permettre de déjouer un quelconque abus de droit.
De plus, l'art. 434 CPP envisage précisément l'hypothèse où un tiers peut prétendre à la juste compensation d'un dommage subi par le fait d'actes de procédure. Or, en l'espèce, la société I._SA n'a personnellement fait valoir aucune prétention, de sorte que l'autorité pénale ne peut entrer en matière sur d'éventuelles prétentions en vertu de l'art. 433 al. 2 CPP applicable par renvoi de l’art. 434 al. 1 CPP.
L'appelant soutient encore qu'à tout le moins les frais de déplacement totalisant 560 fr. pour dix allers-retours devraient lui être remboursés. Il est vrai que ces déplacements ont été faits à titre privé et non professionnel. L'appelant a dès lors payé lui-même les frais y relatifs et c'est à juste titre qu'il en demande le remboursement. Un montant de 560 fr. devra par conséquent lui être alloué au sens de l'art. 429 al. 1 let. b CPP.
4.
L'appelant demande ensuite le versement d’une indemnité de 5'000 fr. pour le tort moral résultant d’une atteinte particulièrement grave à sa personnalité.
4.1
Selon l'art. 429 al. 1 let. c CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté.
Par atteinte grave à la personnalité, l’art. 429 al. 1 let. c CPP renvoie à l'art. 49 CO (cf. Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 pp. 1057 ss, spéc. 1313). La doctrine cite notamment les exemples du préjudice résultant d'un battage médiatique, d'une violation de la présomption d'innocence par l'autorité ou de problèmes personnels occasionnés dans la vie privée, sociale ou professionnelle (cf. Pitteloud, Code de procédure pénale suisse, Commentaire à l'usage des praticiens, Zurich/St-Gall 2012, n. 1355). Il ne faut en revanche pas prendre en compte les seuls désagréments inhérents à une poursuite pénale comme la charge psychique que celle-ci est censée entraîner normalement chez toute personne mise en cause (ibidem).
4.2
En l'espèce, l'appelant a été accusé d'avoir accompli un acte d'ordre sexuel (pénétration digitale) sur sa propre fille de 4 ans et demi. Une telle accusation est particulièrement infamante et stigmatisante. La procédure a duré de mars 2012 à octobre 2014. Au terme de sa première audition, l'appelant a exprimé sa révolte et son indignation (PV aud. 1, p. 7). Il a fait de même lors des débats en parlant d'accusation inimaginable (jgt., p. 20). Certes une part de sa souffrance d'accusé se recoupe avec sa souffrance de père en conflit avec la mère de ses enfants. De plus, à dires d'expert, l'appelant présente un trouble de la personnalité de type paranoïaque qui se traduit notamment par un sens tenace et combatif de ses propres droits légitimes hors de proportion avec la situation réelle et une tendance à surévaluer sa propre importance (P. 32/2, p. 16). Enfin, il a été décrit comme éprouvant de la difficulté à se mettre à la place des autres (jgt., p. 29). Si ces points relativisent quelque peu sa souffrance, ils n'effacent pas le tourment enduré à supporter l'enquête, les comparutions, les accusations de la justice, la nécessité incessante de se défendre et l'angoisse de ne pas parvenir à convaincre de l'ineptie du reproche pénal. Une réparation du tort moral s'impose. Compte tenu de l’ensemble des éléments qui précédent, c'est un montant de 4'000 fr. qui sera alloué à l'appelant au titre de l'art. 429 al. 1 let. c CPP.
5.
En définitive, l'appel de A.Z._ doit être partiellement admis et le jugement entrepris réformé au chiffre VI de son dispositif en ce sens qu’une indemnité de 4'560 fr. est allouée à A.Z._ au titre de l’art. 429 CPP. Le jugement entrepris sera confirmé pour le surplus.
Vu l’issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués de l’émolument d’arrêt, par 1’100 fr., et de l’indemnité allouée au défenseur d’office de l’appelant, par 1'755 fr. 75
,
TVA et débours inclus, selon liste d’opérations du 2 mars 2015 (P. 95), sont mis par un tiers à la charge de A.Z._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l’Etat le tiers de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office mis à sa charge que lorsque sa situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
542fb57a-1a96-4587-aee8-87a81675770d | En fait :
A.
Le 15 janvier 2010, D._ a déposé plainte contre K._, pour l'avoir, les 12 et 13 janvier 2010, inondé d'appels téléphoniques injurieux et menaçants. L'intéressée a été renvoyée devant Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois, par ordonnance de renvoi du 22 avril 2010, pour diffamation, injure, utilisation abusive d'une installation de télécommunication et menaces. Le 16 août 2012, peu avant les débats, le plaignant a retiré sa plainte. Par prononcé du 20 août 2012, le premier juge a pris acte de ce retrait de plainte, ordonné la cessation des poursuites pénales dirigées contre l'intéressée, annulé l'audience appointée, statué sur le sort des objets séquestrés, et laissé les frais de la procédure à la charge de l'Etat.
A réception dudit prononcé, le 22 août 2012, la prévenue a requis une indemnité pour ses frais de défense. Le Président du Tribunal de Police de l'arrondissement de l'Est vaudois a rejeté cette requête par prononcé du 28 août 2012 laissant les frais à la charge de l'Etat.
B.
Par recours du 10 septembre 2012, transmis le 14 décembre 2012 à la cour de céans, K._ a attaqué cette dernière décision en concluant principalement à sa réforme en ce sens qu'une indemnité de 1'736 fr. 65 lui est allouée pour ses frais de défense, subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause devant Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois pour nouvelle décision.
Le Ministère public a renoncé à déposer un appel joint et s'en est remis à justice. | En droit :
1.
1.1
Aux termes de l'art. 398 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0), l’appel est recevable contre les jugements des tribunaux de première instance qui ont clos tout ou partie de la procédure.
Interjeté en temps utile contre une décision rendue par une autorité de première instance qui a clos la procédure au sens de l'art. 398 al. 1 CPP, le recours de K._ a été transmis à la cour de céans où il vaut déclaration d'appel motivée déposée dans les formes et les délais légaux (art. 399 CPP;
ATF 138 I 49 c. 8.3.1 et 8. 3.2 et réf. cit.). Il est dès lors recevable et il y a lieu d'entrer en matière.
1.2
Compte tenu de l'objet de l'appel, celui-ci est traité en procédure écrite (art. 406 al. 1 let. d CPP).
2.
Selon l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
K._ demande une indemnité pour frais de défense au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP en soutenant qu'elle a fait l'objet d'un classement et qu'elle n'a pas provoqué fautivement et illicitement l'ouverture de la procédure.
3.1
D'après l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu’il est établi que certaines conditions à l’ouverture de l’action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (let. d). L'art. 329 al. 4 CPP régit le classement par l'autorité de première instance.
Le prononcé du 20 août 2012 qui a mis fin, suite au retrait de plainte, à toutes les poursuites pénales dirigées contre l'intéressée, constitue une ordonnance de classement au sens des art. 319 al. 1 CPP, 329 al. 4 CPP
et 429 al. 1 CPP (TF 6B_87/2012 du 27 avril 2012 c.1.1 et réf. cit.; CREP 20 août 2012/560; CREP 30 décembre 2011/604 et réf. cit.; Joe Pitteloud, Code de procédure pénale suisse, Zurich/St-Gall 2012 n. 809 ad. art. 319 al. 1 CPP). Il y avait donc matière à statuer d'office sur les frais, voire sur la question de l'indemnité pour frais de défense.
3.2.1
L'art. 429 al. 1 let. a CPP prévoit que si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'indemnité selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix (TF 6B_753/2011 du
14 août 2011 c. 1) dont l'assistance se justifie au regard des chefs d'accusation retenus. A partir du moment où le prévenu remplit les conditions de
l'art. 429 al. 1 let. a CPP et qu'il n'existe aucun motif de réduction ou de refus au sens de l'art. 430 CPP, une telle indemnité doit lui être versée. Il s'agit d'une obligation et non d'une possibilité, ainsi que cela ressort du texte légal même (CAPE 30 juillet 2012/190 c. 4.2).
La question de l'indemnisation suit en principe celle des frais
(ATF 137 IV 352 c. 2.4.2). Ainsi, lorsque les frais sont mis à la charge de l'Etat, le prévenu peut en règle générale prétendre au versement d'une indemnité au sens de
l'art. 429 al. 1 let. a CPP. En revanche, s'il est condamné aux frais, il n'a pas droit à une indemnité de l'art. 429 CPP (430 al. 1 let. a CPP et ATF 137 IV 352 c. 2.4.2). Pour qu'il le soit, il faut qu'il ait été condamné pénalement ou que les conditions de l'art. 426 al. 2 CPP soient réunies (CAPE 30 juillet 2012/190, op. cit. c.5. 2 et réf. cit.).
D'après l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la condamnation aux frais d'un prévenu ou d'un accusé libéré ne résulte pas d'une responsabilité pour une faute pénale, mais d'une responsabilité proche du droit civil, née d'un comportement fautif. Il est compatible avec les art. 32 al. 1 Cst (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101) et 6 par. 2 CEDH (Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, RS 0101) de mettre les frais à la charge d'un prévenu libéré qui, d'une manière engageant sa responsabilité civile, a manifestement violé une règle de comportement qui peut découler de l'ordre juridique suisse dans son ensemble et a provoqué ainsi l'ouverture d'une enquête pénale ou compliqué celle-ci. Le juge doit fonder son prononcé sur des faits incontestés ou déjà clairement établis
(TF 6B_87/2012 du 27 avril 2012, op.cit., c. 1.2
in initio
et les références citées).
3.2.2
En l'espèce, le dossier pénal ouvert contre l'appelante dans la présente affaire contient deux éléments : la plainte pénale déposée le 15 janvier 2010 (P. 4) pour des faits susceptibles de relever notamment de l'injure et de la diffamation, mais qui n'ont pas été instruits (aucune pièce; aucune audition de témoin, aucune tentative de conciliation) d'une part; le procès-verbal de l'audition du 21 janvier 2010 devant le Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois (P.1) où l'intéressée a reconnu être fâchée contre le plaignant, lui avoir téléphoné plusieurs fois et lui avoir dit qu'elle allait lui faire des ennuis jusqu'à ce qu'il lui paie ses 1'000 francs, ce qui pourrait relever de la contrainte (art. 181 CP), d'autre part. Cependant, outre le fait que les conditions dans lesquelles cette audition s'est effectuée sont mises en cause, (mandat d'amener (P. 7), puis audition menée par un juge fonctionnant également comme interprète), l'intéressée n'a jamais été prévenue de contrainte. Sur de telles bases, il n'est pas possible d'établir, comme l'exige la jurisprudence fédérale
(cf. supra 3.2.1
in fine
), l'existence d'un lien de causalité entre l'ouverture de l'enquête pénale et un éventuel comportement illicite de l'intéresséeK._ – au bénéfice de l'assistance justifiée d'un défenseur de choix – peut prétendre au versement d'une indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP pour l'exercice de ses droits en procédure de première instance. L'appel est bien fondé et doit être admis sur le principe. L'indemnité sera supportée par l'Etat, les conditions requises pour qu'elle soit mise à la charge de plaignant n'étant pas remplies
(art. 432 al. 2 CPP).
3.3
S'agissant de la quotité de l'indemnité à allouer, la pratique de l'ancien Tribunal d'accusation vaudois, pour les causes antérieures à l'entrée en vigueur du CPP, se fondait sur un tarif horaire de 250 fr., lequel avait été jugé adéquat par le Tribunal fédéral (TF 6B_668/2009 du 5 mars 2010 c. 3.2.2 et les références citées). Ce même tarif a été, sauf dans de très rares exceptions, repris et appliqué par la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal et la cour de céans depuis l'entrée en vigueur du CPP, sans qu'il ne soit remis en cause. De son côté, le Tribunal pénal fédéral dispose d'un règlement fixant le tarif horaire à 200 fr. au minimum et à 300 fr. au maximum (art. 12 al. 1
er
du Règlement du Tribunal pénal fédéral sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale du 31 août 2010, RS 173.713.162, RFPPF) et applique usuellement un tarif horaire de 220 fr. (arrêt BH.2011.8 du 10 janvier 2012 c. 3) lequel s'applique également à l'indemnité de
l'art. 429 CPP (cf. art. 10 RFPPF). Ainsi, à tout le moins dans les causes qui ne sont pas d'une ampleur particulière, comme tel est le cas en l'espèce, il convient d'appliquer le tarif usuel de 250 fr. et d'allouer, pour tenir compte de la TVA, une indemnité horaire de 270 francs.
En produisant une liste d'opérations, Me Stefen Gintzburger a requis une indemnité de 1'736 fr. 65, débours et TVA inclus (P 22 et P. 23) pour sa mandante. Compte tenu de l'ampleur de la procédure et du travail effectué par ce mandataire (rédaction d'une requête incidente et d'un mémoire, ainsi que consultation d'un petit dossier), il se justifie tout au plus d'accorder à K._ 1'080 fr. (soit, 4 heures à 270 fr. TVA incluse) pour ses frais de défense de première instance. Le dispositif du prononcé attaqué du 28 août 2012 sera donc modifié dans le sens de ce qui précède.
3.4
Une indemnité de 270 fr. qui tient compte des difficultés de la cause à ce stade, doit en outre être allouée à l'appelante pour la procédure d'appel.
4.
Vu le sort de l'appel, les frais de seconde instance doivent être laissés à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
54a33436-d0d4-4f1c-aec3-3981f6a76e54 | En fait :
A.
Par jugement du 4 février 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a notamment libéré V._ du chef d’accusation de diffamation (II), l’a reconnu coupable de voies de fait, d’injure, de menaces, de violation de domicile, de désagrément causé par la confrontation à un acte d’ordre sexuel, de violation simple des règles de la circulation routière et de conduite d’un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l’interdiction de l’usage du permis et l’a condamné à une peine privative de liberté de 5 mois, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 26 septembre 2013 par l’Office d’instruction pénale d’Altstätten, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. le jour, ainsi qu’à une amende de 1'500 fr., convertible en 15 jours de privation de liberté en cas de non paiement fautif (III), a pris acte pour valoir jugement de la convention conclue aux débats entre V._, Q._ et W._ dont la teneur est la suivante :
« I. V._ se reconnaît débiteur d’Q._ d’un montant de 1'500 fr., valeur échue, à titre de réparation pour tort moral. Moralement ce montant indemnise également le tort infligé à la famille d’Q._. Ce montant sera versé sur le compte UBS d’Q._ dont le numéro IBAN est [...]; II. V._ se reconnaît débiteur d’Q._ du montant de 1'500 fr., valeur échue, à titre de participation aux frais de défense. Ce montant sera versé sur le compte de consignation de Me Cédric Thaler dont les coordonnées seront communiquées à Me Bischof dans les meilleurs délais; III. Moyennant règlement des montants mentionnés ci-dessus, Q._ déclare que ses prétentions civiles dans le cadre de cette affaire sont liquidées; IV. V._ supportera les frais judiciaires qui ne seraient pas laissés à la charge de l’Etat »
(IV), a alloué au défenseur d’office d’V._ une indemnité de 3'132 fr. 10, débours et TVA compris (V), a mis les frais de la cause, arrêtés à 5'712 fr. 10, à la charge d’V._ et a dit que sur cette somme le montant de 2'580 fr. pouvait être recouvré immédiatement, tandis que les 3'132 fr. 10 correspondant à l’indemnité de son défenseur d’office ne pourraient être réclamés à V._ que si sa situation financière le permettait (VI) et a dit qu’il n’y avait pas lieu d’indemniser le condamné au titre de l’art. 429 CPP (VII).
B.
Par annonce du 6 février 2015, puis déclaration motivée du 11 mars suivant, V._ a formé appel contre ce jugement, concluant à sa réforme en ce sens qu’il est libéré de tout chef d’accusation, qu’aucune réparation morale ni participation aux frais de défense n’est allouée à Q._, que les frais de première et seconde instances sont laissés à la charge de l’Etat et qu’une indemnité équitable lui est allouée à titre de dépens.
Par courrier du 2 juin 2015, le défenseur d’office du prévenu a conclu à l’allocation d’une indemnité de 429 CPP, selon note d’honoraires produite.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissant suisse,
V._ est né le [...] 1953 à [...] en Italie. Il est divorcé et travaille comme concierge dans un immeuble dont il est co-propriétaire avec sa mère et ses frères. Son salaire est compensé entièrement avec son loyer. Il bénéficie de l’aide sociale.
Son casier judiciaire fait état des condamnations suivantes :
- 24 février 2005, Tribunal d’arrondissement Lausanne, lésions corporelles simples, soustraction d’énergie, dommages à la propriété et menaces, emprisonnement 2 mois;
- 30 septembre 2008, Tribunal de police Lausanne, détournements de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, violation simple des règles de la circulation routière, conduite d’un véhicule automobile dans l’incapacité de conduire (état d’ébriété), conduite d’un véhicule automobile dans l’incapacité de conduire (ivresse qualifiée) et conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait, travail d’intérêt général 360 heures, amende 500 fr.;
- 19 janvier 2010, Juge d’instruction Lausanne, violation simple des règles de la circulation routière, conduite d’un véhicule automobile dans l’incapacité de conduire (état d’ébriété) et conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait, travail d’intérêt général 80 heures, amende 800 fr.;
- 22 août 2012, Tribunal de police Est vaudois, délit manqué d’extorsion et chantage, extorsion et chantage, 2 mois de privation de liberté;
- 30 octobre 2012, Tribunal municipal Györ (Hongrie), violation des règles de la circulation, amende 270'000 HUF;
- 6 février 2013, Ministère public Lausanne, violation simple des règles de la circulation routière, conduite d’un véhicule automobile dans l’incapacité de conduire (ivresse qualifiée), tentative d’opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire, violation des devoirs en cas d’accident et conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait, 130 jours de privation de liberté; amende 800 fr.;
- 26 septembre 2013, Office d’instruction pénale Altstätten, conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait, 2 mois de privation de liberté.
Le fichier ADMAS d’V._ fait état des mesures suivantes :
- 3 mai 2006, ébriété, conduite malgré un retrait et vol d’usage, retrait de permis 5 mois;
- 19 octobre 2006, conduite malgré un retrait, retrait de permis 12 mois;
- 19 mars 2008, conduite malgré un retrait, retrait du permis pour une durée indéterminée;
- 3 novembre 2009, conduite malgré un retrait, retrait du permis assorti d’un nouvel examen et d’une évaluation psychologique ;
- 23 octobre 2013, conduite malgré un retrait, 60 mois de retrait du permis.
2.
2.1
A [...], à la route [...], le 20 août 2013, V._ a pénétré sans droit dans l’appartement d’Q._ et lui a dit «
espèce de connasse, je vais te faire bouffer les merdes de ton chien
».
Q._ a déposé plainte le 14 octobre 2013.
2.
A [...], à la route [...], le 23 septembre 2013, entre 20h15 et 21h45, V._ a pénétré sans droit dans l’appartement d’Q._. Hors de lui, il l’a injuriée en la traitant de «
pute
» et de «
connasse
». La prénommée lui a alors ordonné de sortir immédiatement de son appartement, ce à quoi il a répondu en lui donnant une gifle. Il a également insulté les deux filles de celle-ci en leur disant «
espèces de putes
», «
pouffiasses
», « c
onnasses
» et «
vaffanculo
». Le fils des époux Q._, alors âgé de 5 ans, s’est réfugié auprès de sa mère. Néanmoins, le prévenu a frappé encore la plaignante. Sous la violence du coup, celle-ci et son fils sont tombés à terre. Une fois au sol, l’appelant lui a encore asséné plusieurs coups de pied à la cuisse gauche en la traitant de «
salope
» et de «
poufiasse
». Au moment où elle se relevait, il lui a alors dit «
tu es chez moi ici, barre-toi, si t’as pas encore compris que tu devais te casser, je te recasserai la gueule. C’est quoi ton problème dans la vie ? T’as besoin d’un coup de queue ? Je vais te le donner moi tu vas voir !
», en accompagnant ses propos de gestes obscènes.
Q._ a appelé la police. Par peur de demeurer sur les lieux elle a, à la fin de l’intervention de la police, pris quelques affaires et est allée s’installer chez des amis avec ses enfants, son mari étant alors en déplacement en Extrême Orient.
Le même soir, le prévenu a encore envoyé un SMS à W._ dans lequel il l’a traité de «
lavette
», «
pouvre tippe
» et lui a écrit «
vous m ave pas de coulle
».
Q._ et W._ ont déposé plainte le
25 septembre et le 17 octobre 2013.
2.3
A [...], à la route [...], le 14 octobre 2013, l’appelant a collé une lettre sur la porte d’Q._ dans laquelle il était notamment écrit «
vous n’êtes pas capable de maîtriser votre libido et malgré que je Vous aide déjà fait remarquer depuis le début que Vous ne m’intéressez pas. Je trouve ignoble de votre par, d’utiliser vos enfants et votre chien, et Vous continuez à utiliser vos enfants ainsi que votre chien pour m’attendre psychologiquement [...] Malgré tout ça et malgré ma gifle Vous insistez dans votre acharnement. Je Vous dis encore une fois claire et nette je en coucherai pas avec vous ni hier ni aujourd’hui ni demain. Est-ce que c’est clair ?
».
Q._ a déposé plainte le 18 octobre 2013.
2.4
A [...], à la route [...], le 17 octobre 2013, dans l’après-midi, le prévenu a collé une lettre sur la porte d’Q._ dans laquelle il était notamment écrit «
Madame, vous partez pour la date établie autrement il y aurait des conséquences dangereuses pour vous personnellement
», «
En conclusion, débarrassez moi la planchée Vous êtes en train de le salir. Vous êtes une grande Pute. Contrôle votre libido vous été malade
» ou encore «
Vous êtes une personne très dangereuse. Je suis au courant que vous êtes déjà bagarrés avec votre ancien voisin chemin de la [...]
».
2.5
A [...], sur la route [...], le 18 octobre 2013, V._ a foncé avec sa camionnette, alors qu’il faisait l’objet d’une mesure de retrait du permis de conduire, sur Q._ et son fils, les obligeant à se serrer sur le côté du chemin. Arrivé à leur hauteur, il a dit à la prénommée «
Je vais te faire la peau, je vais te tuer salope
».
Q._ a déposé plainte le 18 octobre 2013. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d’V._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant conteste sa condamnation pour injure et voies de fait. En substance, il admet avoir insulté et giflé la plaignante mais soutient avoir agi de la sorte en réponse aux provocations répétées d’Q._, qui lui menait la vie dure. Il se prévaut ainsi d’une exemption de peine, en application de l’art. 177 al. 3 CP.
3.1
Aux termes de l’art. 177 CP, celui qui, de toute autre manière, aura, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur sera, sur plainte, puni d'une peine pécuniaire de 90 jours-amende au plus (al. 1). Le juge pourra exempter le délinquant de toute peine si l'injurié a directement provoqué l'injure par une conduite répréhensible (al. 2). Si l'injurié a riposté immédiatement par une injure ou par des voies de fait, le juge pourra exempter de toute peine les deux délinquants ou l'un d'eux (al. 3). Les alinéas deux et trois se rapportent à une réaction immédiate (Dupuis et alii, Petit commentaire, Code pénal, Bâle 2012, nn. 25 et 29 ad art. 177 CP). L’art. 177 al. 3 CP ne garantit pas automatiquement une exemption de peine à celui qui répond par une gifle à des insultes, mais confère un large pouvoir d'appréciation au juge (TF 6B_517/2008 du 27 août 2008 c. 4.2)
Selon l’art. 126 al. 1 CP, celui qui se sera livré sur une personne à des voies de fait qui n'auront causé ni lésion corporelle ni atteinte à la santé sera, sur plainte, puni d'une amende.
3.2
En l’espèce, même dans l’hypothèse où la plaignante aurait laissé son chien faire ses besoins là où il ne devait pas et sans prendre la peine de ramasser les excréments, il n’est aucunement établi qu’elle aurait injurié le prévenu. C’est en effet elle qui a dû déposer plainte contre l’intéressé, c’est elle qui a reçu des messages obscènes sur sa porte d’entrée, c’est elle également qui s’est fait violentée, qui plus est devant ses jeunes enfants et c’est encore elle qui s’est fait menacée et accusée d’être une femme volage. On discerne ainsi mal où se situe la provocation qui devrait, en plus, être immédiate. Le moyen est infondé.
4.
L’appelant conteste sa condamnation pour violation de domicile et violations des règles de la circulation routière. Il se prévaut d’une appréciation erronée des faits, ainsi que d’une violation du principe
in dubio pro reo
.
4.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011,
n. 19 ad art. 398 CPP).
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2).
4.2
En l’espèce, en ce qui concerne la violation de domicile, l’appelant fait valoir que le premier juge a écarté sa version des faits au profit de celle de la plaignante, alors même que leurs versions étaient irrémédiablement divergentes, le doute devant lui profiter.
En l’occurrence, Q._ et son mari ont été amenés à plusieurs reprises à déposer plainte contre le prévenu en cours d’enquête. Leurs plaintes ont été, à chaque fois que cela était possible, corroborées par des éléments objectifs, tels que des certificats médicaux (P. 12/1 ; P. 17/1), des photocopies de messages SMS injurieux et obscènes (P. 10/1) ; des messages laissés sur la porte d’entrée (P. 7 ; P. 11/1 ; annexe à la P. 13/2) ; un témoignage écrit attestant du départ précipité de l’appartement occupé par la plaignante et ses enfants ensuite des évènements du 23 septembre 2013 (P. 41). A ces éléments, s’ajoutent les sept antécédents de l’appelant, dont une condamnation pour lésions corporelles simples, et enfin l’attitude détestable de l’appelant, qui est allé jusqu’à insulter la plaignante à l’issue de l’audience (jgt entrepris, p. 22).
A la lecture de ce qui précède, c’est à l’évidence la version des faits donnée par la plaignante qui doit l’emporter. Aucune place n’est laissée au doute. L’appréciation des faits n’est par ailleurs ni incomplète, ni erronée, partant, le moyen est infondé.
4.3
En ce qui concerne les violations des règles de la circulation routière, l’appelant ne dit pas un mot pour expliquer en quoi l’appréciation du premier juge serait erronée ou le principe
in dubio pro reo
serait violé. A l’évidence, le jugement de première instance doit être confirmé pour les mêmes raisons qu’évoquées ci-dessus, étant rappelé que le casier judiciaire de l’appelant fait déjà état de cinq condamnations pour des infractions à la loi sur la circulation routière (LCR du 19 décembre 1958; RS 741.01).
5.
L’appelant conteste avoir proféré des menaces à l’encontre de la plaignante, ou à tout le moins, que ses menaces aient pu l’effrayer.
5.1
Se rend coupable de menaces au sens de l'art. 180 al. 1 CP celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne.
Sur le plan objectif, l'infraction suppose que l'auteur ait émis une menace, qu'elle soit grave et qu'elle ait eu pour conséquence que la victime a été alarmée ou effrayée. Par menace, il faut entendre que l'auteur, par ses paroles ou son comportement, fait volontairement redouter à la victime la survenance d'un préjudice au sens large (ATF 122 IV 97 c. 2b et les références citées). Une menace est qualifiée de grave si elle est objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime. Il faut donc se demander si une personne raisonnable, dotée d'une résistance psychologique normale, aurait ressenti la menace comme grave (ATF 99 IV 212 c. 1a et TF 6B_435/2011 du 6 octobre 2011 c. 3.1). Pour déterminer si une menace grave a été proférée, il ne faut pas se fonder exclusivement sur les termes utilisés par l'auteur ou une attitude en particulier. Il faut tenir compte de l'ensemble des circonstances. La question de l'effet de la menace doit par ailleurs être examinée en fonction de la sensibilité moyenne de toute personne raisonnable placée dans la même situation (ATF 99 IV 212 c. 1a). Subjectivement, l'auteur doit avoir l'intention non seulement de proférer des menaces graves, mais aussi d'alarmer ou d'effrayer le destinataire.
5.2
En l’espèce, il s’agit de distinguer les faits du 23 septembre 2013, de ceux du 17 octobre 2013.
5.2.1
S’agissant des faits du 23 septembre 2013, V._ a pénétré sans droit dans l’appartement de la plaignante, il l’a injuriée et l’a giflée lorsqu’elle lui a demandé de partir. Terrorisé, son fils de cinq ans s’est réfugié dans les bras de sa mère, ce qui n’a toutefois pas empêché le prévenu de lui asséner un deuxième coup, qui l’a faite chuter, ainsi que son fils. Une fois à terre, il lui a encore donné plusieurs coups de pied à la cuisse, tout en l’injuriant et la menaçant de lui recasser la figure.
Dans ce contexte, contester le fait qu’Q._ ait pu être effrayée par la menace «
si t’as pas encore compris que tu devais te casser, je te recasserai la gueule
» relève de la mauvaise foi crasse. Il est au contraire tout à fait aisé de penser qu’une femme qui se fait injurier et frapper, dans son propre domicile, qui plus est sous les yeux de ses jeunes enfants et en l’absence de son mari, prenne les menaces du prévenu au sérieux. Le fait que la plaignante ait immédiatement fait appel à la police et qu’elle ait ensuite séjourné chez des amis durant une semaine, soit jusqu’au retour de son mari, prouve à quel point Q._ s’est sentie en réel danger.
C’est dès lors à raison que le premier juge a considéré que la menace était réalisée.
5.2.2
En ce qui concerne le courrier du 17 octobre 2013, intitulé « Evacuation immédiate de ma maison » (Annexe à la P. 13/2), V._ menace la plaignante de « conséquences dangereuses », si elle et sa famille ne quittent pas le domicile d’ici au 31 octobre 2013.
Cette lettre aurait effrayé quiconque se trouvait dans la situation de la plaignante, qui s’est faite frapper par le prévenu moins d’un mois plus tôt. Peu importe que la police, intervenue à la demande de la plaignante, n’y ait pas vu une véritable menace. La Cour tient pour établi que la plaignante a été terrorisée et que la menace est réalisée.
6.
V._ conteste avoir mimé des gestes obscènes lors des faits du 23 septembre 2013.
6.1
Le raisonnement juridique tenu sous chiffre 4.1 ci-dessus peut être repris
mutatis mutandis
en tant qu’il concerne l’appréciation des faits et le principe
in dubio pro reo.
6.2
Le prévenu est un habitué des injures obscènes. Il est même allé jusqu’à soutenir que la plaignante est une nymphomane et qu’elle s’est fâchée du fait qu’il a mis fin à leur relation intime. A ce propos, la Cour partage l’avis du premier juge qui ne croit pas un mot des allégations du prévenu sur cette prétendue aventure. La plaignante a déclaré qu’avant de mimer l’acte sexuel, l’appelant lui a dit qu’elle avait besoin d’un bon « coup de queue ». Ce ne sont pas des choses qui s’inventent et la scène, telle que racontée par la plaignante, correspond très bien au comportement général de l’appelant qui n’est pas avare d’obscénités. Il ne fait ainsi aucun doute que les faits se sont déroulés tels que décrits par Q._.
Le jugement devra également être confirmé sur ce point.
7.
V._
dénonce la convention signée aux débats de première instance, par laquelle il se reconnaît débiteur d’Q._ d’un montant de 1'500 fr., valeur échue à titre de réparation du tort moral, invoquant un vice de la volonté.
L’audience du 4 février 2015 s’est déroulée en plusieurs phases. Elle a débuté à 9h07. Ensuite d’une disjonction de cause, les débats ont été suspendus à 9h30, pour ne reprendre qu’à 10h10. L’audience a à nouveau été suspendue entre 10h12 et 10h35. C’est à l’occasion de la reprise d’audience que la convention a été passée et signée par les deux parties. Le prévenu a ensuite répondu tout à fait normalement aux questions qui lui étaient posées, admettant certains faits et en en contestant d’autres. A la lecture de ses déclarations, on ne discerne aucun trouble de la pensée. L’audience a été levée à 14h15. Durant toute la durée de l’audience, le prévenu n’a pas fait valoir qu’il souhaitait dénoncer la convention. On sait pourtant qu’il concevait de l’animosité envers la plaignante, puisqu’il l’a insultée à l’issue des débats. Doué d’une intelligence normale et assisté d’un avocat chevronné, il est impossible que le prévenu n’ait pas compris la portée, pourtant simple, des engagements qu’il prenait. Partant, ce moyen est à l’évidence mal fondé.
8.
A l’audience d’appel, le prévenu a fait valoir que la peine infligée par le premier juge était trop lourde au regard notamment des fautes concomitantes de la plaignante, les actes du prévenu n’étant selon lui que la réponse aux incivilités de la plaignante.
8.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
8.2
En l’espèce, le prévenu a harcelé la plaignante durant plusieurs mois en lui envoyant des messages obscènes et en lui laissant des messages odieux sur sa porte. Il n’a pas hésité à violer sa sphère privée en entrant chez elle pour l’injurier et lui donner des coups devant ses jeunes enfants. Même si l’on peut effectivement admettre à décharge, comme l’a fait le premier juge, qu’au bénéfice du doute, Q._ a pu laisser son chien faire ses besoins là où il ne devait pas, sans prendre la peine de ramasser les excréments, il n’en demeure pas moins que la réaction du prévenu est gravement disproportionnée aux incivilités commises par la plaignante. En tout état de cause, il n’y a pas de compensation des fautes en droit pénal (ATF 122 IV 17 c. c, p. 24). Tout au plus, le comportement de la plaignante peut être pris comme élément à décharge, ce qui a été fait par le premier juge.
V._ n’a manifestement pas pris conscience de ses actes. Il n’a jamais prononcé d’excuses envers la plaignante et sa famille et n’a pas hésité à injurier la plaignante en fin d’audience de première instance. On ne considérera pas non plus la convention signée devant le premier juge comme des excuses, au vu de sa demande d’invalidation de la convention en appel.
Compte tenu de ce qui précède, une peine privative de liberté de cinq mois est adéquate.
9.
En dernier lieu, le prévenu fait valoir son droit à une indemnité équitable à titre de dépens.
Aux termes de l’art. 429 CPP, le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure, pour le dommage économique subi et à titre de tort moral, s’il est acquitté totalement ou en partie.
En l’espèce, le prévenu a été libéré en première instance du chef d’accusation de diffamation. Le premier juge n’a toutefois pas alloué d’indemnité à V._ au titre de l’art. 429 CPP (ch. VII du dispositif).
Dans sa déclaration d’appel, le prévenu a conclu à sa libération pour l’entier des charges qui pèsent contre lui et de ce fait à l’allocation d’une indemnité à titre de dépens. Il n’a toutefois pas motivé sa demande d’indemnité. Dans les motifs de son appel, le prévenu n’a pas indiqué remettre en cause le jugement de première instance sur le refus du premier juge de lui allouer une telle indemnité. Il y a donc tout lieu de croire que le prévenu ne remet pas en cause ce point du dispositif rendu par le premier juge, mais requiert uniquement une telle indemnité pour la procédure d’appel en lien avec sa demande de libération de l’entier des charges pesant contre lui.
Au vu des considérants 3 à 6 qui précèdent, l’appelant n’est pas acquitté et ne peut, de ce fait, prétendre à une indemnité au titre de l’art. 429 CPP.
10.
En définitive, l'appel, en tous points mal fondé, doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé.
10.1
Vu le sort de l'appel, les frais de la présente procédure, par 4’276 fr. 40 (art. 395 let. a CPP; art. 20 al. 1 TFIP; tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312. 03.1, soit 7 pages à 90 fr.), doivent être mis à la charge d’V._, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP), ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu (art. 422 al. 1 et 2 let. a CPP).
10.2
Vu l'ampleur et la complexité de la cause, l'indemnité allouée au défenseur d’office d’V._ pour la procédure d'appel doit être arrêtée à 2'516 fr. 40
,
TVA et débours inclus (cf. art. 135 al. 1 et 2, 422 al. 2 let. a CPP et 2 al. 2 ch. 1 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), compte tenu d’une durée d’activité de 12 heures à 180 fr. de l’heure, d’une indemnité de déplacement à 120 fr. et 50 fr. de débours, TVA en plus.
Le prévenu n
e sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité
allouée à son
défenseur d’office
que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
54d110ad-e775-4410-9612-f0f86db74822 | En fait :
1.
L._, né en [...], a obtenu le brevet d'avocat [...] en 1995. Il pratique le barreau depuis lors, actuellement en qualité d'associé d'une étude d'avocats à [...] et à [...]. Il est actuellement inscrit au registre vaudois des avocats.
Par décision du 30 septembre 2009, Me L._ a été condamné par la Chambre des avocats à une amende de 3'000 fr. pour violation de l'art. 12 let. a LLCA. Il lui était reproché, dans une première affaire, d’avoir été présent lors d’une prise de possession de locaux par ses clients qu’il savait illicite pour assister à l’établissement d’un inventaire authentique et d’avoir de ce fait trompé par son comportement la confiance que le public a dans la profession d’avocat. Dans une seconde affaire, on lui a fait grief d’avoir rétorqué à un commandement de payer qu’il estimait injuste par la notification d’un commandement de payer injustifié portant sur une somme de 100'000 fr., ce qui était indigne d’un avocat. La cour de céans avait retenu que les faits de la première affaire revêtaient une certaine gravité. Elle avait renoncé à une interdiction de pratiquer et préféré le prononcé d'une amende pour sanctionner le comportement fautif de l'avocat L._ et atteindre le but poursuivi, à savoir conscientiser le prénommé quant à ses obligations professionnelles et assurer ainsi la protection du public.
2.
R._, société de droit italien, a mandaté l’avocat L._ afin de défendre ses intérêts dans le cadre d’un litige l’opposant à T._ et P._, eux-mêmes représentés par Me H._, avocat à Lausanne.
Dans le cadre de ce litige, Me L._ a fait notifier – pour sa cliente – un commandement de payer à T._ et P._. Par la suite, soit le 26 juillet 2011, une procédure judiciaire en constatation négatoire de droit a été ouverte devant le Tribunal civil de l’arrondissement de La Côte par T._ et P._, représentés par Me H._, contre la société R._.
Le 16 novembre 2011, Me L._ a adressé à T._ et P._ personnellement une lettre dont la teneur est notamment la suivante :
« Vous me savez chargé de la défense des intérêt de la société R._ dans le cadre du litige qui vous oppose.
A ce titre, vous n’êtes pas sans savoir que poursuivant les intérêts de ma mandante, j’ai, pour son compte, introduit une procédure de poursuite tendant au recouvrement du montant de la créance invoquée par ses soins et s’élevant à CHF 20'312.70.
Néanmoins, comme précisé dans la rubrique « titre/cause de l’obligation » des deux réquisitions de poursuite, j’ai expressément mentionné que l’introduction de la poursuite à votre endroit tendait uniquement à interrompre la prescription.
En date du 17 juin 2011, votre conseil, Me H._, m’a sommé de retirer ces poursuites tant celles-ci étaient, selon lui, infondées, faisant fi du fait qu’il ne s’agissait que d’interrompre la prescription.
En réponse à son courrier, j’ai écrit le 23 juin 2011 que les intérêts de ma mandante me commandaient d’agir de la sorte afin d’interrompre la prescription, mais qu’il était envisageable de retirer ces poursuites, moyennant signature d’une déclaration de renonciation à la prescription par vous sans reconnaissance de dette, comme cela se fait usuellement.
J’émets un doute quant à savoir si vous avez été informé de mon courrier précité et sa teneur respectivement si votre conseil vous a invité à signer cette déclaration de renonciation. Cela aurait permis, vous concernant, d’éviter des frais liés à la procédure introduite, par les soins de votre avocat, en constatation négative de droit respectivement en annulation de poursuite.
Une telle procédure a pour conséquence de cumuler les heures de travail facturables au client, ce alors même que la signature d’un document n’engageant qu’à la renonciation à invoquer la prescription aurait permis d’éviter d’engager la procédure en constatation négative du droit.
En tout état de cause, je vous laisse le soin d’en référer à votre conseil comme d’envisager la possibilité de renoncer à invoquer la prescription telle qu’exposé ci-dessus avec pour avantage que les poursuites seraient retirées et des pourparlers possiblement ouverts. Si ceux-ci venaient à échouer, chacune des parties serait alors libre de reprendre la procédure qui aura été dans l’intervalle et en parfaite intelligence, suspendue.
Me H._, conseil adverse, me lit en copie. »
3.
Le 13 avril 2012, Me H._ a dénoncé à la Chambre de surveillance des avocats valaisans le cas de l’avocat L._.
L._ s’est déterminé le 15 juin 2012. Il a conclu à l’irrecevabilité de la dénonciation en faisant valoir que l’activité mise en cause avait été déployée uniquement dans le Canton de Vaud.
Par décision du 4 décembre 2012, la Chambre de surveillance des avocats valaisans a classé la dénonciation de Me H._ en raison de son incompétence et décidé de la transmettre à la Chambre des avocats vaudois comme objet de sa compétence, ce qu’elle a fait par envoi du 12 décembre suivant.
Le 25 janvier 2013, le Président de la Chambre des avocats a ouvert une enquête disciplinaire à l'encontre de Me L._. Il a confié l'instruction préliminaire et la tentative de conciliation de l'art. 54 al. 1
er
LPAv à Me Philippe-Edouard Journot.
Le 8 mars 2013, le membre instructeur a entendu Me L._. Celui-ci a fait valoir que son commandement de payer à T._ et P._ mentionnait qu’il s’agissait d’un acte interruptif de prescription et qu’il avait été très étonné de voir introduite une action en constatation négatoire de droit en lieu et place de recevoir une proposition de renonciation à la prescription. Il a également expliqué que, dans un autre dossier, Me H._ s’était fait désavouer par l’une de ses clientes pour avoir prétendu agir sur instruction de sa part et avoir initié de ce fait une procédure qui avait généré des frais et retards inutiles. Enfin, Me L._ s’est prévalu du fait qu’un confrère avait agi pareillement avec lui, qu’il n’en avait pas pris ombrage et avait pensé que le procédé était possible au regard des règles professionnelles.
Le 21 mai 2013, le membre instructeur a tenté la conciliation entre Me H._ et Me L._, en vain.
Par décision du 11 juillet 2011, le Président de la Chambre a renvoyé Me L._ devant la Chambre des avocats en application de l'art. 54 al. 2 LPAv.
Par courrier du 12 août 2013, Me L._ a requis la production de tout courrier attestant que Me H._ ait porté à la connaissance de ses clients le courrier du 23 juin 2011 ainsi que toute preuve d’une instruction reçue de la part de ses mandants pour ouvrir action le 26 juillet 2011.
Le 14 août 2013, le Président de la Chambre a refusé d’ordonner la production de courriers dont Me L._ soutenait en substance qu’ils n’existaient pas.
Me L._ a été entendu ce jour par la Chambre des avocats. | En droit :
I.
a)
La procédure de surveillance des avocats relève de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (RS 935.61; ci-après: LLCA) et de la loi vaudoise du 24 septembre 2002 sur la profession d'avocat (RSV 177.11; ci-après: LPAv). A teneur de l'art. 10 LPAv, la Chambre des avocats se saisit d'office, sur plainte ou sur dénonciation, de toute question concernant l'activité professionnelle d'un avocat.
b)
La LLCA a harmonisé au plan fédéral les règles professionnelles les plus importantes figurant dans les législations cantonales. Les règles déontologiques conservent toutefois une portée juridique, dans la mesure où elles peuvent servir à interpréter et à préciser les règles professionnelles (Message du Conseil fédéral du 28 avril 1999 concernant la loi fédérale sur la libre circulation des avocats, in FF 1999 VI p. 5355, spéc. p. 5368). L'article 12 LLCA comporte ainsi un catalogue exhaustif de règles professionnelles auxquelles l'avocat doit se soumettre (ATF 129 II 297, c. 1.1; Message, pp. 5372 et 5373).
II.
a)
La clause générale de l'art. 12 let. a LLCA dispose que l'avocat "exerce sa profession avec soin et diligence". Elle permet d'exiger de l'avocat qu'il se comporte correctement dans l'exercice de sa profession afin de préserver la confiance du public (FF 1999 p. 5331, spéc. p. 5368). Il doit, de manière toute générale, assurer et maintenir la dignité de la profession, en s’abstenant notamment de tout ce qui pourrait porter atteinte à la considération et à la confiance dont il doit jouir pour remplir sa mission (TF 2A.151/2003 du 31 juillet 2003; ATF 108 Ia 316 c. 2b/bb, JT 1984 I 183 ; ATF 106 Ia 100 c. 6b, JT 1982 I 579).
Selon la jurisprudence, l’avocat doit observer certaines règles non seulement dans ses rapports avec ses clients, mais aussi à l’égard des autorités, de ses confrères et du public en général (ATF 130 II 270 c. 3.2; TF 2C_177/2007 du 19 octobre 2007 c. 5.1; TF 2A.191/2003 du 22 janvier 2004, confirmé in TF 2A.448/2003 du 3 août 2004), voire avec la partie adverse (TF 2A.191/2003 précité; Bohnet/Martenet, Droit de la profession d'avocat, Berne 2009, n. 1161 p. 500).
Si l'avocat doit régler son activité non pas en fonction de l'intérêt de l'état mais de celui de son client, il doit à cet effet user des moyens légaux à sa disposition. La confiance placée en la profession et en l'administration de la justice l'impose. L'avocat ne peut assurer la défense des intérêts de son client à n'importe quel prix et par n'importe quels moyens (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1234 p. 524). Ainsi, les dérapages ou outrances inutilement dirigés contre le confrère de la partie adverse sont propres à entraver le bon déroulement de l’administration de la justice et la confiance en la profession d’avocat, car vu sa position particulière, celui-ci est tenu de respecter une certaine retenue en évitant une escalade du conflit et en demeurant objectif dans ses contacts avec la partie adverse (Valticos, Commentaire romand, Règles professionnelles et surveillance disciplinaire, n. 55 p. 103).
L’art. 12 let. a LLCA ne sanctionne que les manquements graves, à savoir la mise en cause d’un confrère consistant à lui reprocher des actes de diffamation ou de calomnie ou tout autre comportement répréhensible, ou encore les critiques manifestement infondées (Bohnet/Martenet, Droit de la profession d'avocat, Berne 2009, n. 1282 p. 539).
Pour un avocat, l’interdiction de prendre directement contact avec une partie adverse représentée par un confrère, sans l’accord de celui-ci, découle de l’obligation d’exercer sa profession avec soin et diligence au sens de l’art. 12 let. a LLCA (TF 2C_177/2007 du 19 octobre 2007 c. 5.1 précité). Elle résulte également de l’art. 28 du Code suisse de déontologie. Demeurent réservés les cas d’urgence ou une prise de contact directe par la partie adverse elle-même.
b)
En l’espèce, dans une lettre adressée directement aux parties adverses, Me L._ a formellement "émis un doute" quant au fait de savoir si leur conseil les avait informées d’un courrier qu’il leur avait adressé. Il a fait valoir que la signature de la déclaration de renonciation à la prescription qu’il avait transmise à leur conseil leur aurait permis d’éviter des frais, précisant que la procédure introduite avait pour conséquence de "cumuler les heures de travail facturables au client".
Me L._ soutient avoir agi de bonne foi, en pensant que le procédé visant à écrire directement à la partie adverse était possible au regard des règles professionnelles. Il n’y a toutefois pas lieu en l’espèce de trancher si et à quelle condition le fait d’avoir écrit à la partie adverse viole l’art. 12 let. a LLCA, dès lors qu’une violation du devoir de diligence doit être admise pour d’autres motifs tenant au contenu de la lettre litigieuse.
En effet, la teneur même du courrier du 16 novembre 2011 est inadmissible dès lors que Me L._ met en doute la probité de son confrère et critique sa conduite du mandat. Chaque client dispose du droit de choisir librement son mandataire et la relation qui en résulte ne concerne que les parties au mandat. Me L._ n’avait pas à s’immiscer dans la relation liant les parties adverses à leur avocat, à vérifier la manière dont ils communiquaient et à donner aux clients des conseils allant à l’encontre de ceux fournis par son confrère. Il ne pouvait leur écrire directement pour obtenir un document qu’il n’avait pu obtenir de son confrère et leur faire retirer un acte de procédure déposé par leur avocat. Le procédé est inacceptable.
A cela s’ajoute que Me L._ a mis en doute l’honnêteté de Me H._, en écrivant aux clients de celui-ci qu’il n’était pas sûr que leur conseil les ait informés d’un courrier qui leur avait été adressé par son biais. Enfin, le propos selon lequel la procédure choisie par son confrère avait pour conséquence de « cumuler les heures de travail facturables au client » sous-entend un comportement indigne de l’avocat dès lors qu’il jette le soupçon sur la motivation des décisions prises par celui-ci. Les allégations de Me L._ reviennent à reprocher à Me H._ d’avoir mal exécuté son mandat, de poursuivre des intérêts pécuniaires et, partant, de faire fi des intérêts de ses clients.
Peu importe à cet égard de savoir, comme l’a requis Me L._ dans ses mesures d’instruction, si Me H._ a véritablement transmis à ses mandants son courrier du 23 novembre 2013. Cette question ne le concerne pas, Me H._ ne devant rendre compte de la gestion de son mandat qu’envers ses clients, et non envers les parties adverses et leur conseil. C’est la raison pour laquelle il n’a pas été donné suite à sa réquisition de faire produire tout courrier attestant que Me H._ aurait porté à la connaissance de ses clients sa proposition.
Au vu de ce qui précède, Me L._ a eu un comportement indigne d’un avocat et a de ce fait porté atteinte à la considération et à la confiance que le public doit pouvoir avoir dans la profession d’avocat. Il a ainsi violé son obligation d’exercer sa profession avec soin et diligence découlant de l’art. 12 let. a LLCA et son manquement doit être sanctionné sur le plan disciplinaire.
III.
a)
L'article 17 LLCA permet de prononcer, en cas de violation de la loi, l'avertissement, le blâme, une amende de 20'000 fr. au plus, l'interdiction de pratiquer pour une durée maximale de deux ans ou l'interdiction définitive de pratiquer.
Le droit disciplinaire est soumis au principe de proportionnalité (ATF 108 Ia 230, JT 1984 I 21 ; Bohnet/Martenet, op. cit., n. 2178 p. 888 et les références citées; Montani/Barde, La jurisprudence du Tribunal administratif relative au droit disciplinaire, in RDAF 1996 p. 345, spéc. p. 347, pp. 363 ss ; Grisel, Traité de droit administratif, vol. I, p. 354 ; Muller, Le principe de la proportionnalité, in RDS 1978 II 197, spéc. p. 229) et à celui de l’opportunité (Montani/Barde, ibid.). La mesure prononcée doit tenir compte, de manière appropriée, de la nature et de la gravité de la violation des règles professionnelles. Elle doit se limiter à ce qui est nécessaire pour garantir la protection des justiciables et empêcher les atteintes au bon fonctionnement de l'administration de la justice. Il y a lieu de déterminer le but que la sanction disciplinaire doit atteindre dans le cas particulier et de choisir la mesure qui est apte, nécessaire et proportionnée à cette fin (Bohnet/Martenet, op. cit., nn. 2183-2184 p. 890).
La règle de la proportionnalité met ainsi en balance la gravité des effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public. L'autorité tiendra compte d'éléments objectifs, soit de l'atteinte portée à l'intérêt public, et de facteurs subjectifs, comme par exemple des motifs qui ont conduit l'intéressé à violer ses obligations (Montani/Barde, op. cit., pp. 349-350). La sanction disciplinaire vise d’abord à amener l’avocat en cause à avoir à l’avenir un comportement conforme aux exigences de la profession (ATF 108 Ia 230, JT 1984 I 21).
A cet égard, le Tribunal fédéral a jugé que les peines légères, comme l’avertissement, la censure et l’amende sont prévues pour des cas bénins ou qui ne portent pas atteinte à la crédibilité de l’avocat. L'amende remplit une fonction de prévention – spéciale surtout – tandis que l'interdiction de pratiquer tend avant tout à protéger le public. Toute mesure disciplinaire tend, du reste, à maintenir l'ordre à l'intérieur du groupe de personnes auquel le droit disciplinaire s'applique ainsi que, s'agissant des professions libérales, à assurer l'exercice correct de la profession et à préserver la confiance du public à l'égard des personnes qui l'exercent (TF 2A.448/2003 du 3 août 2004; ATF 108 Ia 230 c. 2b; Bohnet/Martenet, op. cit., n. 2160 p. 881).
b)
En l’espèce, Me L._ a failli à son devoir de diligence dans ses rapports avec son confrère et la partie adverse. Son comportement est propre à entraver la confiance que le public doit avoir dans la profession d’avocat.
Déjà condamné en 2009 pour avoir violé son devoir de diligence, Me L._ s’est vu infliger une amende conséquente, dans le but notamment de le conscientiser quant à ses obligations professionnelles. Au vu des faits qui font l’objet de la présente décision, il est douteux que ce but ait été entièrement atteint. On peut dès lors craindre, malgré les déclarations de l’intéressé à l’audience de ce jour, que le dénoncé n’ait pas suffisamment pris conscience de ses obligations vis-à-vis des tiers. En conséquence, seule une amende entre en considération pour sanctionner de façon adéquate et proportionnée la violation des règles professionnelles commise par le dénoncé. Cette amende peut être arrêtée à 500 francs.
IV.
Les frais de la cause, comprenant un émolument ainsi que les frais d'enquête, par 176 fr., sont arrêtés à 476 francs. Ils sont mis à la charge de l’avocat L._ (art. 61 al. 1
er
LPAv). | Public | Public Administration | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_005 | VD | Région lémanique |
55536bf8-9141-40b6-8e0e-988091a10ed8 | En fait :
A.
Par jugement du 12 septembre 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré A._ des chefs d’accusation de lésions corporelles simples qualifiées et de voies de fait (I), constaté que A._ s’est rendue coupable de lésions corporelles simples par négligence (II), condamné A._ à une peine pécuniaire de trente jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 francs (III), suspendu l’exécution de la peine prévue au chiffre III ci-dessus et fixé à la condamnée un délai d’épreuve de deux ans (IV), dit que le CD figurant sous fiche n° 50203 est conservé au dossier à titre de pièce à conviction (V), et mis les frais de justice par 3'220 fr. à la charge de A._ (VI).
B.
Par annonce du 21 septembre 2012 et par déclaration du 26 octobre 2012, A._ a fait appel de ce jugement en concluant à ce qu'elle est également libérée du chef d'accusation de lésions corporelles simples par négligence et donc de toute peine, les frais de justice étant mis à la charge de l'Etat, ainsi qu'à l'allocation de 4'309 fr. 70 à titre de dépens de première instance et de 1'480 fr. à titre d'indemnité selon l'art. 429 al. 1 let b et c CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0).
Par pli du 2 novembre 2012, le Ministère public a renoncé à présenter une demande de non entrée en matière ou à déposer un appel joint. Le 27 novembre 2012, il s'est référé aux considérants du jugement entrepris et a conclu au rejet de l'appel.
La plaignante P._ ne s'est pas déterminée dans le délai imparti.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Originaire de Santiago de Chile, A._ est née le 14 avril 1964 au Chili, pays dont elle est ressortissante. Après avoir suivi sa scolarité obligatoire et une formation d’infirmière assistante dans son pays, elle est venue en Suisse en 1987. Dans notre pays, elle s'est mariée et a donné naissance à deux filles jumelles aujourd'hui majeures qui poursuivent leurs études et vivent sous son toit. Séparée de son mari, elle perçoit de celui-ci une contribution d’entretien de 1'550 fr. par mois. Elle travaille depuis vingt-deux ans comme maman de jour, activité dont elle a tiré un revenu mensuel net moyen de 4'500 fr. en 2011 et de
3'300 fr. en 2012. Ses charges mensuelles se composent d'un loyer de 1'427 fr., de 370 fr. d'assurance-maladie, ainsi que de 250 fr. d'impôts et d'environ 50 fr. de frais de transport. Ses dettes se montent à environ 30'000 francs. Son casier judiciaire suisse est vierge.
2.
Le 13 juillet 2011, dans son appartement sis à l’avenue [...],A._ gardait cinq enfants, dont [...], âgé à l'époque de deux ans et demi. Au repas de midi, [...] a refusé de se nourrir. [...] l'a fait manger et lui a donné à boire. Contrarié [...] est entré en crise, a vomi les quelques cuillères de nourriture qu'il venait d'avaler, puis s'est jeté par terre dans ses vomissures. La prévenue l'a saisi et placé encore très agité dans la baignoire où elle a entrepris de le déshabiller pour le laver. [...] se débattait, elle l'a empoigné pour lui ôter son t-shirt, et l'a griffé involontairement. Le bambin est alors entré dans un état d'énervement tel que l'appelante a été incapable de poursuivre le déshabillage et le lavage sans qu'il se cogne la tête contre le bord de la baignoire et se blesse. Les médecins du CHUV (Département médico-chirurgical de pédiatrie) qui ont examiné l'enfant le soir des faits, ont constaté qu'il souffrait d'ecchymoses linéales au niveau sternal supérieur et cervical droit, de griffures avec croûtes de sang sèches au niveau supra-claviculaire et cervical droit, d'ecchymoses et érythèmes au niveau de la joue gauche et du lobe de l’oreille gauche avec traces linéales pouvant correspondre à des marques de doigts, d'une lésion linéale rouge au niveau rétro-auriculaire, ainsi que de griffures au bras gauche.
3.
La prévenue a été renvoyée devant le tribunal de police selon acte d’accusation du 30 mai 2012. Aux débats, l’accusation a été aggravée pour lésions corporelles par négligence au sens de l’art. 125 CP et voies de fait au sens de l’article 126 CP. La prévenue a contesté tant les faits reprochés que leur qualification juridique.
4.
Le tribunal a condamné A._ pour lésions corporelles simples par négligence et l'a libérée des chefs d'accusation de lésions corporelles simples qualifiées et de voies de fait.
5.
Aux débats de première instance, la prévenue a requis, en cas d'acquittement, le versement à titre d'indemnité de l'art. 429 CPP d'un montant de
4'309 fr. 70 pour ses frais de défense (soit, environ 10 heures à 260 fr., débours et TVA inclus, plus 1'620 fr. de frais d'audience; P. 41), de 80 fr. pour des frais de soins non remboursés par sa caisse-maladie et de 1'400 fr. de tort moral, soit 100 fr. par mois de procédure durant quatorze mois (jugement p. 20).
Le premier juge n'a pas statué sur cette demande et a mis l'entier des frais de justice de première instance à la charge de la prévenue. | En droit :
1.
Interjeté en temps utile et dans les formes, l'appel de A._ est recevable (art. 399 al. 1 et 3 CPP).
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon
l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L'appelante conteste les faits. Elle nie avoir rudoyé [...] et produit des témoignages écrits qui la présentent, en bref, comme une maman de jour douce, attachante et digne de confiance (P. 5 à 9 bordereau).
3.1
Des propos constants tenus par l'intéressée en cours d'enquête (PV aud. 2 et PV aud. 4) et devant l'autorité de première instance (jugement p. 5 à 7), [...] refusait de se nourrir; la prévenue l'a néanmoins fait manger et boire; contrarié, l'enfant est entré en crise, a vomi et s'est jeté dans ses vomissures. La prévenue l'a saisi et l'a placé, très agité, dans la baignoire pour le déshabiller et le laver (PV aud. 2 p. 2 et jugement p. 5). Comme l'enfant se débattait, elle l'a empoigné pour lui ôter rapidement (jugement p. 5)
son t-shirt, le griffant involontairement (PV aud. 2, PV aud. 4, P. 4, p. 2). Cette empoignade, plus stressante qu'autre chose (PV aud. 4 p. 3 R. 14), et la
griffure accidentelle qui a suivi, ont mis l'enfant – grand et fort pour son âge – dans un état d'énervement tel que la prévenue n'a plus été en mesure de le maîtriser (jugement p. 5).
Il résulte donc des déclarations de l'appelante elle-même qu'elle a causé des blessures à l'enfant, alors qu'elle ne parvenait pas à le maîtriser.
Les blessures constatées médicalement (P. 8 et P. 11) démontrent, au demeurant, la précipitation et la brusquerie avec laquelle le déshabillage a été entrepris. Il pouvait donc être retenu, comme l'a fait le premier juge (jugement p. 27), que l'appelante a été dépassée par les événements et a perdu patience vis-à-vis d'un bambin en colère. Cette appréciation se confirme au regard des propos de [...] – gardienne de jour régulière de [...]à cette époque, selon laquelle l'enfant était turbulent et souvent en crise (jugement p. 8) – et si l'on sait que A._ avait la garde de quatre autres enfants le jour des faits. Cela étant, il importe peu que l'appelante ait été d'ordinaire une maman de jour douce et fiable; ce fait n'est d'ailleurs pas remis en cause.
3.2
L'état de fait du premier juge ne prête pas le flanc à la critique et doit être confirmé. L'appel s'avère mal fondé sur ce point.
4.
L'appelante demande à être libérée de l'infraction de lésions corporelles simples par négligence. Elle conteste avoir violé les règles de prudence que lui imposaient les circonstances et son statut, et prétend que l'enfant s'est blessé parce qu'il était agité.
4.1.1
Selon l'art. 125 al. 1 CP, celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
4.1.2
La réalisation de cette infraction suppose la réunion de trois conditions : l'existence de lésions corporelles, une négligence et un lien de causalité entre la négligence et les lésions.
Conformément à l'art. 12 al. 3 CP, il y a négligence si, par une imprévoyance coupable, l'auteur a agi sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. La négligence suppose, tout d'abord, que l'auteur ait violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible (TF 6B_543/2011 du 7 octobre 2011 c.2.2.2). Pour déterminer plus précisément les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter les accidents. A défaut de dispositions légales ou réglementaires, on peut se référer à des règles analogues qui émanent d’associations privées ou semi-publiques lorsqu’elles sont généralement reconnues. La violation des devoirs de prudence peut aussi être déduite des principes généraux, si aucune règle de sécurité n’a été violée. Un comportement viole le devoir de prudence lorsque l’auteur, au moment des faits, aurait pu, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger et qu'il a simultanément dépassé les limites du risque admissible. C’est donc en fonction de la situation personnelle de l’auteur que l’on doit apprécier son devoir de diligence. Peu importe toutefois que l’auteur ait pu ou dû prévoir que les choses se passeraient exactement comme elles ont eu lieu (CAPE 16 août 2012/199 c. 3. 1
in initio
et réf. cit.). S'il y a eu violation d'une règle de prudence, encore faut-il qu'elle puisse être imputée à une faute, c'est-à-dire que l'on puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, d'avoir fait preuve d'un manque d'effort blâmable (TF 6B_543/2011 du 7 octobre 2011, et CAPE 16 août 2012/199,
ibidem
).
Un comportement est la cause naturelle d'un résultat s'il en constitue l'une des conditions
sine qua non,
c'est-à-dire si, sans lui, le résultat ne se serait pas produit. La constatation du rapport de causalité naturelle relève du fait. Le comportement incriminé doit également être la cause adéquate du résultat. Tel est le cas lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit; il s'agit là d'une question de droit. La causalité adéquate sera admise même si le comportement de l'auteur n'est pas la cause directe ou unique du résultat. Peu importe que le résultat soit dû à d'autres causes, notamment à l'état de la victime, à son comportement ou à celui de tiers (TF 6B_543/2011 du 7 octobre 2011 op. cit, et réf.).
4.2
S'il est vrai que A._ n'a pas voulu provoquer les lésions constatées sur [...], on peut lui reprocher d'avoir objectivement violé son devoir de prudence en le plaçant très agité dans une baignoire pour le déshabiller de force et le doucher. En procédant de la sorte dans cet endroit confiné avec un enfant colérique, difficile à maîtriser et déjà en crise, l'intéressée a pris des risques qui se sont réalisés et qui ont conduit aux blessures constatées. Une telle situation aurait pu être évitée, si, comme on pouvait l'attendre d'elle en tant que professionnelle de la garde d'enfants, l'appelante avait attendu que l'enfant se calme avant de le doucher (ce qui aurait été possible puisqu'il avait peu vomi, et si elle l'avait déshabillé en un autre lieu que dans une baignoire. Cette violation objective de ses devoirs de prudence est donc imputable à faute à la prévenue.
En définitive, l'infraction de lésions corporelles simples par négligence est réalisée, ce que retient à bon droit le jugement entrepris.
L'appel apparaît mal fondé sur ce point également.
5.
L'appelante conteste la peine.
5.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; TF 6B_759/2011 du 19 avril 2012 c. 1.1).
5.2
A la charge de A._ on retiendra que malgré la grande expérience professionnelle dont elle se prévaut, elle a perdu patience avec un enfant, certes criseux, mais qui a été en définitive blessé à plusieurs endroits. A la décharge de l'intéressée, on relèvera cependant qu'il s'agit d'un événement isolé et d'un comportement négligent, résultant d'un mauvais choix. La faute de A._ reste donc légère. Elle est habituellement une bonne maman de jour. L'absence d'antécédent judiciaire est un élément neutre (ATF 136 IV 1).
Au vu de ce qui précède, une peine de trente jours-amende est adéquate. La valeur du jour-amende doit être fixée à 30 fr., pour tenir compte de la situation économique de la prévenue au moment du jugement (ATF 116 IV 4 c. 3a). Cette peine doit être assortie d'un sursis, le pronostic n'étant pas clairement défavorable. Un délai d'épreuve de deux ans s'avère en outre suffisant pour prévenir tout risque de récidive (art. 44 CP).
La peine infligée à A._ doit en conséquence être confirmée.
6.
A._ reproche au premier juge d'avoir mis à sa charge l'entier des frais de justice de première instance alors qu'elle a été partiellement libérée.
6.1
L’art. 426 al. 2 CPP dispose que lorsque le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
Seul un comportement fautif au regard du droit civil peut justifier la mise des frais à la charge du prévenu libéré. Le comportement fautif du prévenu doit être à l'origine de l'ouverture de l'enquête pénale pour que les frais y relatifs puissent être mis à la charge de celui-ci. Selon le principe de la causalité des frais, le comportement du prévenu doit également être à l'origine des frais pour que ceux-ci puissent lui être imputés. Enfin, il faut que le prévenu ait clairement violé une norme de comportement écrite ou non écrite, résultant de l'ordre juridique suisse dans son ensemble, pour permettre une application analogique de l'art. 41 CO (CAPE 7 octobre 2011/61 c. 6.1, et réf. cit.).
6.2
Dès lors que l'appelante, qui était également soupçonnée d'autres faits, a été libérée des deux principaux chefs d'accusation et que seule une infraction par négligence doit être retenue, une partie des frais – fixée à deux tiers au vu du sort de la procédure de première instance – pouvait être mise à sa charge, le solde étant laissé à la charge de l'Etat. Le montant des frais, fixé
à 3'220 fr. par le premier juge, doit être confirmé; il n'est au demeurant pas remis en cause (art. 404 al. 1 CPP).
Le grief est bien fondé. Le jugement entrepris doit donc être réformé dans le sens de ce qui précède.
7.
A._ soutient, au vu du sort de la cause en première instance et des conclusions qu'elle avait prises aux débats, que le premier juge aurait dû entrer en matière et lui allouer une indemnité de l'art. 429 CPP. Devant la cour de céans, elle demande expressément un montant de 4'309 fr. 70 à titre de dépens de première instance, ainsi que 1'480 fr. à titre d'indemnité selon
l'art. 429 al. 1 let. b. et c CPP (mémoire p. 3).
7.1
Aux termes de l'art. 429 al. 1 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) et à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c).
L'indemnité de l'art. 429 al. 1 let. a CPP concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix (TF 6B_753/2011 du 14 août 2011 c. 1). A partir du moment où le prévenu remplit les conditions posées à l'art. 429 al. 1
er
CPP et qu'aucun motif de réduction ou de refus au sens de l'art. 430 CPP n'est réalisé, l'indemnité doit lui être accordée. Il s'agit d'une obligation et non d'une possibilité, ainsi que cela ressort du texte légal même.
L'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre celui-ci de les chiffrer et de les justifier (art. 429 al. 2 CPP).
7.2.1
Le premier juge n'a pas statué sur cette demande, comme il aurait dû le faire d'office. Il convient de combler cette lacune (art. 429 al. 2 CPP).
A._ et le dispositif du jugement attaqué modifié par l'ajout d'un chiffre VII lui accordant, à la charge de l'Etat, l'indemnité partielle ci-dessus.
7.2.2
Le droit à une indemnité de l'art. 429 CPP n'est pas ouvert pour la procédure de seconde instance, A._ n'obtenant gain de cause que sur la question accessoire des frais (art. 429 al.1 let. a CPP,
a contrario
).
8.
Vu le sort de l'appel, les frais de seconde instance, qui se montent à 2'020 fr. sont mis, par trois quarts (1'515 fr.) à la charge de A._ le solde (505 fr.) étant laissé à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5563d356-e69a-4737-8895-80e50b333bb2 | En fait :
A.
Par jugement du 26 mai 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré A.Y._ des chefs d’accusation d’abus de confiance et de gestion déloyale (I), l’a condamné pour gestion fautive à une peine privative de liberté de sept mois (II), a suspendu l’exécution de cette peine et accordé à A.Y._ un délai d’épreuve de deux ans (III), a renvoyé les plaignants W._, [...] et [...] à agir civilement (IV) et a arrêté les frais de la cause à la charge de A.Y._ à 8'000 fr., le solde étant laissé à la charge de l’Etat (V).
B.
Le 30 mai 2011, A.Y._ a annoncé faire appel de ce jugement. Dans sa déclaration d'appel du 27 juin suivant, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à ce que le jugement soit partiellement annulé et déclaré de nul effet, subsidiairement réformé, en ses chiffres II, III et V, l'appelant étant libéré du chef d’accusation de gestion fautive et une indemnité pour ses frais de défense de 90'000 fr. lui étant allouée. Il a développé ses moyens et confirmé ses conclusions par mémoire du 18 août 2011.
L'appel a été traité en procédure écrite.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Né en 1953, le prévenu A.Y._ a suivi sa scolarité obligatoire aux Etats-Unis. Après un séjour en Suisse en 1971, il est retourné aux Etats-Unis pour poursuivre des études commerciales aux universités de New York et du Maryland. Après avoir travaillé en Allemagne, il s'est établi en Suisse en 1980 en qualité d'indépendant dans l'import-export. Jusqu'à la fin des années 1990, il a exploité, avec son actuelle épouse, sous la forme d'une société en nom collectif, une entreprise d'importation et de vente de crustacés, poissons et produits de mer, plus souvent appelée [...], à Trélex. Une fille de son épouse, née d'un précédent mariage, H._, a travaillé pour son propre compte dans les locaux de l'exploitation. Le prévenu a actuellement cessé cette activité pour travailler comme consultant. Ses revenus sont, selon lui, inexistants et il vit de l'aide familiale de ses proches. Son casier judiciaire est vierge.
1.2 Dans le courant de l'année 1999, les époux A.Y._ ont rencontré des difficultés de trésorerie dans l'exploitation de la société en nom collectif. Ils ont requis l'assistance de l'un de leurs amis, W._, alors cadre bancaire. Après avoir analysé la situation financière de la société, ce dernier a établi un plan de gestion en se fondant sur les comptes des exercices 1995 à 1999. W._ avait accès à l'intégralité des pièces justificatives.
Avec des apports extérieurs, il a été décidé de réactiver la société en dormance [...], dont les intéressés étaient déjà actionnaires, et de transférer dans la société anonyme les actifs de la société en nom collectif, tout en augmentant le capital social de 100'000 fr. (dont 50'000 fr. n'étaient pas libérés) à 1'600'000 fr. par l'émission de 500'000 actions nominatives à 10 fr. A la suite de cette opération, les époux A.Y._ détenaient 70 % du capital-actions et W._ 12 %, 18 % restant dévolus à deux autres personnes. Parallèlement, [...] a, le 30 avril 2000, consenti aux époux un prêt de 210'000 fr., qui a été porté au compte débiteur de la société en nom collectif dans la société anonyme. Ce compte présentait un passif de 26'756 fr. au 1
er
janvier 2000 et de 285'737 fr. au 31 décembre suivant. Chacun des époux avait également un compte débiteur-actionnaire ouvert dans les livres de la société anonyme, dont le solde créditeur au 1
er
janvier 2000 était de 8'816 fr. et de 24'102 fr. pour A.Y._ et B.Y._ respectivement. La convention entre actionnaires a été passée en la forme authentique le 30 août 2000, s'agissant tant de l'augmentation que de la réduction du capital. La réduction de capital portait sur un montant de 263'000 fr. à titre d'assainissement, le bilan et les comptes de pertes et profits au 30 juin 2000 faisant déjà apparaître une perte de 256'622 francs.
W._ a été désigné administrateur-président, A.Y._ étant nommé administrateur-directeur. Deux autres personnes, [...] et [...], avaient respectivement le statut d'administrateur et d'administrateur-secrétaire. Les quatre intéressés bénéficiaient chacun de la signature collective à deux. A.Y._ a admis avoir été le directeur opérationnel de la société. Il lui appartenait notamment de prospecter les marchés asiatiques. De ce fait, il se déplaçait souvent, notamment en Thaïlande et en Birmanie. Il disposait de la signature individuelle sur les comptes bancaires de la société. Pour sa part, W._ s'occupait des aspects comptables et financiers de la société. Il était présent quasiment chaque matin dans les locaux de l'entreprise.
1.3 Au 31 décembre 1999, les produits de [...] (ex société en nom collectif), pour l'exercice 1999, étaient comptabilisés à 565'975 fr. et les charges à 578'439 fr., soit une perte d'exploitation de 12'464 fr., la perte sur l'exercice étant de 6'892 fr., pour des honoraires professionnels facturés de 12'901 francs. Elle a été suivie d'une perte de 256'622 fr. pour le premier semestre 2000, déjà mentionnée, et d'une perte cumulée de 788'743 fr. au 31 décembre suivant, puis d'une perte de 600'254 fr. pour l'exercice 2001. La perte reportée au 31 décembre 2001 totalisait 1'394'997 fr. en valeur de continuation et 1'839'140 fr. en valeur de liquidation.
L'avis prévu par l'art. 725 al. 2 CO ayant été donné au juge le 28 mars 2002, la faillite de [...] a été prononcée le 4 juin suivant. Le découvert s'élevait à 40'042 fr., que les époux A.Y._ ont couvert par un versement effectué à l'office en novembre 2006. Pour le compte de [...], ils ont vainement intenté l'action en révocation de faillite.
1.4 Selon l'acte d'accusation, le prévenu et son épouse ont, du 11 janvier au 31 décembre 2000, employé à leur profit des fonds provenant de [...] pour des dépenses d'ordre privé, sans que la société n'ait été remboursée. Ainsi, au 31 décembre 2000, le compte débiteurs-actionnaires libellé aux initiales du prévenu présentait un découvert total de 9'618 fr. 98 et un découvert de 802 fr. 71, intérêt de 4 % compris, pour l'an 2000. De même, le compte débiteurs-actionnaires libellé aux initiales de la [...] présentait un découvert total de 285'737 fr. 90 et un découvert de 258'981 fr. 66, pour l'an 2000. Ces passifs procédaient de dépenses liées à la [...] et à des dépenses privées du prévenu. Enfin, le compte débiteurs-actionnaires libellé aux initiales de l'épouse du prévenu présentait un découvert total de 59'685 fr. 63 et un découvert de 35'583 fr. 45, toujours pour l'an 2000. Ces passifs découlaient de dépenses privées du couple. L'examen du compte débiteur de la société en nom collectif n'a pas mis en évidence la facturation de dépenses privées du prévenu à la société anonyme.
Entendu comme témoin aux débats de première instance, l'ancien comptable de [...] a révélé que B.Y._ exigeait directement de lui, non sans mal, que la société s'acquitte de ses dépenses privées.
De février à décembre 2000, le prévenu a facturé 281'788 fr. 65 à [...] à titre d'honoraires. Ce montant a été établi en fonction du volume de dépenses du couple. Ce faisant, les époux disposaient d'un montant manifestement disproportionné par rapport à la marche de l'entreprise et qui excédait ce qu'ils pouvaient s'attribuer selon ce qui avait été convenu avec W._. En 2000, les honoraires du prévenu se sont élevés à 26'500 fr. en janvier, à 36'020 fr. en février, à 44'736 fr. en mars, à 35'914 fr. en avril, à 35'117 fr. en mai, à 26'000 fr. en juin, à 25'000 fr. en juillet, à 10'000 fr. en août, à 19'500 fr. en septembre, à 13'000 fr. en octobre, à 10'000 fr. en novembre et à 22'000 fr. en décembre.
Le prévenu a fait valoir que, s'il fondait le calcul de ses honoraires sur la base de ses dépenses privées courantes, qui se situaient entre 20'000 fr. et 30'000 fr. par mois, c'était parce que W._ y aurait consenti. Il a en outre soutenu que les autres actionnaires connaissaient ses honoraires, à tout le moins lors de l'établissement du bilan au 30 juin 2000, et qu'ils n'avaient pas réagi à la connaissance du montant en question. Pour sa part, W._ a déclaré que la rémunération du prévenu devait être fonction du résultat de l'entreprise et donc fixée ultérieurement; il a précisé que le plan de gestion prévoyait des charges de personnel d'environ 30'000 fr. par mois tout compris, de sorte que les honoraires mensuels que le prévenu était habilité à s'octroyer ne pouvaient dépasser 10'000 fr. L'administrateur-secrétaire, entendu comme témoin, a confirmé ces dires et a même ajouté que la rémunération du prévenu ne devait pas excéder 8'000 fr. à 10'000 fr. par mois.
De fait, pour le premier semestre 2000, les honoraires perçus par le prévenu ont été de 204'928 fr., en sus de frais de voyage de 45'439 fr., pour un chiffre d'affaires de 478'957 fr., le montant des achats de marchandises totalisant 338'819 fr. Dès lors, la perte sur l'exercice constitué par les six premiers mois de l'année se montait à 256'622 francs.
De février à juin 2000, le prévenu a payé avec les fonds de [...] des fournitures de bureau qui ont bénéficié à sa belle-fille [...], laquelle travaillait pour son compte dans les locaux de la société, d'où un préjudice de quelque 2'300 fr. Enfin, en juin 2000, B.Y._ a accompagné son mari en Thaïlande dans le cadre d'un déplacement lié à l'activité de [...]; les frais liés au voyage, à hauteur de 11'810 fr. 65, ont été payés par la société alors même que le déplacement de l'intéressée était d'ordre privé. Le prévenu a fait valoir qu'il est d'usage, en pays asiatiques, qu'une épouse accompagne son mari en voyage d'affaires et que ce procédé avait recueilli l'aval de W._.
2. Appréciant les faits de la cause, le tribunal correctionnel a retenu que le prévenu était en charge de la direction opérationnelle de la société, que les honoraires perçus étaient exclusivement liés à son activité propre et qu'il les avaient fixés indépendamment du conseil d'administration et même contre les recommandations verbales de son président. Ces honoraires devaient, toujours selon les premiers juges, être assimilés à des dépenses exagérées, dès lors qu'il avaient été fixés au seul vu des exigences de l'intéressé et de son épouse quant au train de vie du couple, de mois en mois, sans égard à la situation financière de l'entreprise et que ni W._, ni aucun autre organe de la société n'avait consenti à de telles charges, exorbitantes par rapport au chiffre d'affaires de la société, notamment durant le premier semestre 2000. En particulier, le prévenu connaissait la situation de [...] et, de par sa longue expérience professionnelle au sein de la société en nom collectif, connaissait bien le marché dans lequel la société opérait, de sorte qu'il ne pouvait ignorer que les salaires exorbitants qu'il s'octroyait à la charge de la société en nom collectif ne pouvaient qu'obérer la situation de la société anonyme, puisque cette société-là était déjà en manque de liquidités pour plus de 200'000 fr. lors de la reprise de ses actifs par celle-ci et que l'activité commerciale et l'une et de l'autre des sociétés était fondamentalement la même. Toujours de l'avis des premiers juges, il ne pouvait ainsi ignorer que ses honoraires étaient susceptibles de provoquer, puis d'aggraver, le surendettement de la société anonyme; dès lors, peu importe à cet égard que le prévenu ait renoncé à facturer des honoraires dès 2001. | 3. En droit, les éléments constitutifs de la gestion fautive (art. 165 CP) ont été tenus pour réalisés s'agissant de l'ensemble des faits décrits sous chiffres 1, 2 et 4 de l'acte d'accusation, ce en raison de la disproportion, tenue pour manifeste, entre les honoraires perçus durant toute l'année 2000 et les rentrées de la société, ces rétributions ayant péjoré la situation de la société. Les dépenses pour le voyage de l'épouse en Birmanie ont également été qualifies d'exagérées car son déplacement constituait un voyage d'agrément.
En droit :
1.1
Interjeté en temps utile et suffisamment motivé, l'appel est recevable (art. 399 al. 1 et 3 CPP).
1.2
Niant que les éléments constitutifs de l’infraction réprimée par l’art. 165 CP soient réunis, l'appelant conteste sa condamnation pour gestion fautive.
Dès lors que, dans la déclaration d’appel, seuls sont discutés les éléments constitutifs de l’infraction réprimée par l’art. 165 CP, l’appelant précisant du reste liminairement dans sa déclaration d’appel qu’il conteste l’analyse juridique qui a abouti à retenir à son encontre la gestion fautive au sens de l’art. 165 CP, c'est la procédure écrite qui a été choisie pour traiter l’appel (art. 406 al. 1 let. a CPP).
2.
Le Message du Conseil fédéral du 24 avril 1991 concernant la modification du code pénal suisse et du code pénal militaire (infractions contre le patrimoine et faux dans les titres) indique ce qui suit (FF 1991 II 933 ss, spéc. 1033-1035) :
"L'article 165 CP-P remplace la disposition qui, dans le droit en vigueur, s'intitule "
Banqueroute simple. Déconfiture
". La nouvelle notion de "gestion fautive" (
Misswirtschaft
) indique clairement que la norme vise non pas un comportement en soi illégal, mais plutôt une gestion, en principe autorisée, que l'auteur exerce d'une façon telle qu'il cause ou aggrave son surendettement, provoque sa propre insolvabilité ou aggrave sa situation alors qu'il se sait insolvable. (...).
La liste des exemples mentionnés dans le 2e alinéa pour illustrer le comportement punissable n'est pas exhaustive ("notamment"); elle est en partie identique à celle qui figure dans la disposition en vigueur, dont elle reprend les termes ou le sens (dépenses exagérées, spéculations hasardées, négligences coupables dans l'exercice de la profession). Elle a été complétée par d'autres exemples tirés de l'évolution récente observée dans la pratique, à savoir la
dotation insuffisante
en capital, l'
octroi
ou l'
utilisation à la légère de crédits
et la
négligence coupable dans l'administration des biens
. (...)".
2.1
L’appelant conteste d’abord la comparaison qui a été faite par les premiers juges entre les honoraires qu’il avait facturés à la société en nom collectif en 1999 et ceux facturés à la société anonyme dès 2000 (jugement, p. 31).
Ce n’est toutefois pas sur cette comparaison que s’est fondé le tribunal de première instance pour retenir que les honoraires facturés à la société anonyme constituaient des dépenses exagérées au sens de l’art. 165 CP. En effet, les premiers juges ont analysé le salaire de l’appelant en fonction de l’activité commerciale de l’entreprise et ont constaté que qu’il était exagéré au regard du chiffre d’affaires (jugement, p. 37). Ils ont également relevé que le mode de détermination de ces honoraires était fonction non pas de l’activité professionnelle, mais du train de vie de l’appelant, l'intéressé ayant été incapable de le restreindre malgré les difficultés de la société (jugement, p. 38). Ces considérations sont pertinentes pour retenir que les honoraires constituaient des dépenses exagérées.
2.2
L’appelant conteste ensuite avoir pu se rendre compte que son salaire exagéré pouvait obérer la situation financière de l’entreprise. Il fait valoir que le jugement n’indique pas pour quel motif il manquait des liquidités pour 200'000 fr. au moment de la reprise des actifs de [...], de sorte que l’affirmation des premiers juges selon laquelle il devait être prudent au moment du passage de l’activité de la société en nom collectif à la société anonyme serait critiquable.
Contrairement à ce que paraît soutenir l’appelant, les premiers juges n’ont pas retenu que c’était ses honoraires qui étaient la cause du manque de liquidités de la société en nom collectif. Indépendamment du motif réel de ce découvert, il appartenait quoi qu’il en soit à l’appelant, commerçant professionnel, de se montrer prudent lors du changement de la personnalité juridique de la société, dès lors que les activités commerciales étaient les mêmes et que la société en nom collectif avait connu un manque de liquidités. Au contraire, l’appelant a, d’emblée en 2000, facturé à la société des montants mensuels importants à titre d’honoraires, représentant au 30 juin 2000, avec les frais de voyage, plus de 50 % du chiffre d’affaires de l'entreprise (jugement, p. 27). Un homme de la branche ne peut ignorer une telle disproportion manifeste entre les rétributions et les rentrées de l'entreprise. Le raisonnement des premiers juges ne prête donc pas le flanc à la critique.
3.
L’appelant conteste ensuite le fait, retenu par les premiers juges, selon lequel les honoraires et le voyage du couple payés par la société anonyme avaient causé le surendettement de la société.
3.1
L'infraction réprimée par l'art. 165 CP exige toujours qu'il y ait une faute de gestion, mais il faut encore que celle-ci soit en rapport de causalité naturelle et adéquate avec le surendettement (ou l'insolvabilité) ou son aggravation. Pour dire si l'acte a causé ou aggravé la situation, on utilise donc le concept de causalité adéquate (ATF 115 IV 41 c. 2). Il n'est pas nécessaire que les actes reprochés à l'auteur soient seuls à l'origine du résultat, ni qu'ils en soient la cause direct (ibid.). Peu importe quel est l'acte qui, en définitive, a provoqué le passage à l'état d'insolvabilité (ATF 123 IV 195). Il suffit que l'acte ait joué un rôle causal dans l'apparition de la situation ou dans son aggravation et qu'il ait été propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner un tel résultat. En revanche, il n'est pas nécessaire de prouver un rapport de causalité entre le comportement fautif d'une part et la faillite ou la délivrance de l'acte de défaut de biens d'autre part (ATF 102 IV 23 c. 4; cf. Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. I, 3
e
éd, Berne 2010, nn. 38 à 40 ad art. 165 CP). Il s'ensuit que les dépenses exagérées retenues par le tribunal ne doivent pas être la cause directe ou unique du résultat dommageable, soit la faillite. Ainsi l’aggravation de la situation économique suffit (ATF 104 IV 160 c. 2a). Il n’est pas nécessaire qu’il existe un rapport de cause à effet entre le comportement fautif et l’ouverture de la faillite (ATF 109 Ib 317 c.11d pp. 327 s.).
3.2
En l’espèce, il est incontestable que les dépenses excessives ont aggravé la situation de la société anonyme; celles-là sont donc en rapport de causalité naturelle avec celle-ci. Il est en effet avéré que des salaires mensuels compris entre 15'000 et 30'000 fr. constituaient manifestement et régulièrement des charges trop lourdes pour la société (cf. c. 2.2 ci-dessus), ce d'autant qu'ils étaient établis en fonction du volume de dépenses du couple et non en relation avec la marche de l'entreprise. Dès lors, ils ont eu à tout le moins pour conséquence d‘accroître l'endettement de la société. Les 281'788 fr. d’honoraires perçus en 2000 (jugement, pp. 31 et 32), comme les frais de voyage de respectivement 45'439 fr. en 2000 et 27'821 fr. en 2001 (jugement, p. 27) ont assurément contribué à aggraver la situation financière de la société anonyme. Des pertes importantes étaient déjà comptabilisées au 30 juin 2000 (jugement, p. 27), après que l’appelant se fût octroyé des salaires exagérés durant les six premiers mois de l'année déjà, en sus de frais de voyage considérables, ces deux postes représentant, comme déjà relevé, plus de la moitié du chiffre d'affaires de l'exercice semestriel en cause. A contrario, si, pour l'exercice 1999, la perte d'exploitation avait encore été contenue (à 12'464 fr, pour une perte sur l'exercice de 6'892 fr.), c'était que les honoraires professionnels facturés, par 12'901 fr., étaient alors restés modiques. Toutes choses égales par ailleurs, les rétributions exorbitantes ici en cause ne pouvaient, selon le cours normal des affaires, que détériorer la situation financière de l'entreprise. Le comportement incriminé est donc en causalité adéquate avec le dommage subi.
Partant, la gestion pratiquée par le prévenu dès le début de l'an 2000 a bien aggravé le surendettement de la société anonyme dans la mesure requise par l'art. 165 CP. C’est dès lors en vain que l’appelant plaide les démarches d’assainissement réalisées en 2000 ou encore qu’il n’aurait perçu aucun honoraire en 2001.
4.
L’appelant soutient encore que les prélèvements d’honoraires effectués durant le premier semestre 2000 ont été « effacés » par l’assainissement du bilan en août 2000, soit par la réduction du capital portant sur un montant de 263'000 fr. opérée par l'acte du 30 août 2000 (jugement, p. 26). Pour autant que cette affirmation signifie qu’il n’y aurait pas de relation de causalité entre les dépenses exagérées antérieures à l’assainissement et l’état de surendettement final, elle ne saurait être partagée. En effet, ces mesures ont été manifestement insuffisantes pour endiguer le surendettement chronique de la société anonyme, la faillite de la société ayant été prononcée moins de deux ans plus tard et alors que cette dernière n’avait jamais renoué avec les bénéfices. Il est donc exclu de voir dans les mesures d’assainissement une quelconque interruption du lien de causalité entre la faillite de la société et les fautes de gestion du prévenu antérieures à août 2000. Peu importe à cet égard que, comme l’affirme l’appelant, l’organe de révision n’ait préconisé le dépôt de bilan qu’à partir de 2001.
5.
Pour le reste, l'appelant plaide librement sa cause, sollicitant les faits en faisant valoir que la faillite de la société anonyme proviendrait d’une marge brute trop faible, voire négative, autant de constatations qui ne figurent pas dans le jugement. Au surplus, l’appelant ne soutient pas que les faits retenus seraient erronés.
6.
Enfin, c’est en vain que l’appelant affirme que les frais de voyage de son épouse étaient conformes à l’usage commercial, alors que le tribunal a retenu qu’il ne s’agissait que d’un voyage d’agrément pour l’intéressée (jugement, p. 39) et que l’appelant n’entreprend pas de montrer le caractère erroné de ce constat. En particulier, la référence générale à de prétendus usages commerciaux en vigueur en Asie n'est pas de nature à infirmer les faits retenus par les premiers juges.
7.
La condamnation pour gestion fautive doit en définitive être confirmée, ce qui rend sans objet la demande d’indemnité de l’appelant (art. 429 al. 1, a contrario, CPP).
Pour le reste, l’appelant ne soulève aucun moyen concernant tant la nature que la quotité de la peine prononcée.
8.
L'appelant succombant entièrement sur ses conclusions, les frais de la procédure d'appel selon l'art. 424 CPP doivent être mis à sa charge (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
55a055d7-cf98-44ab-9ee5-770543bb8e56 | En fait :
A.
Par jugement du 27 novembre 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré X._ du chef de prévention de lésions corporelles graves par négligence (I), constaté que V._ est rendu coupable de lésions corporelles graves par négligence (II), condamné V._ à une peine pécuniaire de quinze jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à dix francs (III), suspendu l’exécution de la peine pécuniaire et a fixé à V._ un délai d’épreuve de deux ans (IV), dit que V._ est reconnu pleinement et entièrement responsable sur le plan civil des suites de l’accident dont ont été victimes A.S._ et X._ le 16 octobre 2010 à Montcherand (V), renvoyé C.S._, W._, A.S._, B.S._, X._, T._ et P._ à agir devant le juge civil contre V._ (VI), alloué à X._ une indemnité de l’art. 429 al. 1 let. a CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0) de 13’898 fr. 20, montant à charge de l’Etat (VII), dit que V._ est le débiteur et doit immédiat paiement à T._ et P._, solidairement entre eux de la somme de 1'296 fr. à titre d’indemnité de l’art. 433 al. 1 CPP (VIII) et mis les frais de la cause par 4'850 fr. à la charge de V._.
B.
1.
Par annonce du 1
er
décembre 2014 suivie d'une déclaration motivée du 23 décembre 2014 (P. 81 et 86), V._ a formé appel contre ce jugement, concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à ce qu’il soit libéré du chef de prévention de lésions corporelles graves par négligence, à ce qu’une indemnité au sens l’art. 429 al. 1 let. a CPP lui soit allouée, à ce que les parties civiles soient renvoyées à agir devant le juge civil et à ce que les frais de la cause soient laissés à la charge de l’Etat. Subsidiairement, il a conclu à sa libération du chef de prévention de lésions corporelles graves par négligence, à la condamnation de X._ pour lésions corporelles graves par négligence, à ce qu’une indemnité de l’art. 429 al. 1 let. a CPP lui soit allouée, à ce que les parties plaignantes soient renvoyées à agir devant le juge civil et à ce que les frais de la cause soient mis à la charge de X._.
Dans le cadre de son appel, à titre de mesures d’instruction, V._ a requis la mise en œuvre d’une expertise « qui doit déterminer le déroulement de l’accident et examiner si les différents intervenants ont violé les règles de prudence », ainsi qu’une inspection locale, lors de laquelle les témoins [...] et D._ devaient être entendus (P. 86/1, p. 13).
Par lettre du 9 janvier 2015 (P. 90), X._ a conclu à l’irrecevabilité de la conclusion tendant à sa condamnation.
Par courrier du 26 mars 2015 (P. 95), le Président de la Cour de céans a rejeté les réquisitions de preuve de V._, considérant que les preuves requises n’étaient pas nécessaires au traitement de l’appel.
A l’audience d’appel, V._ a renouvelé ses réquisitions de preuves. La Cour de céans les a rejetées par décision incidente (cf. P. 4 du présent jugement).
2.
Par annonce du 5 décembre 2014 suivie d'une déclaration motivée du 18 décembre 2014 (P. 83 et 85), A.S._, B.S._, C.S._ et W._, par leur conseil commun, ont également formé appel contre le jugement du 27 novembre 2014, concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à ce que V._ et X._ soient reconnus coupables de lésions corporelles graves par négligence, qu’ils soient condamnés à une peine fixée à dire de justice, qu’ils soient reconnus pleinement et entièrement responsables sur le plan civil des suites de l’accident dont a été victime A.S._ le 16 octobre 2010 à Montcherand, que les parties plaignantes soient renvoyées, pour ce qui est du montant de leur dommage, à agir devant les autorités civiles compétentes, acte leur étant donné de leurs réserves civiles, et que V._ et X._ soient reconnus débiteurs solidairement entre eux et doivent immédiat paiement à A.S._, B.S._, C.S._ et W._, solidairement entre eux, de la somme de 21'735 fr., plus TVA et débours, à titre d’indemnité de l’art. 433 al. 1 CPP, ainsi que d’un montant couvrant leurs frais de défense pour la procédure d’appel. Subsidiairement, ils ont conclu à l’adjonction d’un chiffre dans le dispositif du jugement contesté en ce sens que V._ est reconnu débiteur et doit immédiat paiement à A.S._, B.S._, C.S._ et W._ solidairement entre eux de la somme de 21'735 fr., plus TVA et débours, à titre d’indemnité de l’art. 433 al. 1 CPP.
A titre de mesures d’instruction, les appelants ont requis l’audition de K._ appointé à la Gendarmerie [...], considérant que cette audition serait susceptible d’apporter un éclairage sur le déroulement des faits « qui aurait pu éviter l’accident dont A.S._ a été victime » (P. 85/1, p. 5).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
X._
est né le [...] 1992. Au terme de sa scolarité obligatoire, il a obtenu une maturité fédérale. En juillet 2010, il a échoué pour deux points à l’examen d’entrée dans les facultés de médecine de Suisse allemande. Ainsi donc et au moment de l’accident qui sera examiné ci-dessous, il envisageait de poursuivre son activité chez [...], responsable du mur d’escalade de [...], puis d’effectuer son service civil et de tenter de repasser son examen d’admission en faculté de médecine. Après une hospitalisation et un séjour jusqu’à fin juin 2011 au Centre suisse des paraplégiques de Nottwil, il a une nouvelle fois tenté le test d’entrée en faculté de médecine qu’il a raté. Il a alors entamé des études en sciences biomédicales à mi-temps à l’Université de Fribourg. En raison de ses problèmes de santé, il n’a pas pu mener à bien cette formation. A l’heure actuelle, il est en première année de sciences de la vie à l’EPFL. Il vit durant la semaine dans un appartement sur le campus de cette école. Il bénéficie d’une rente pour impotent de son assureur LAA à hauteur de 692 fr. par mois, l’AI n’ayant pas encore statué sur son cas. Pour le surplus, il est aidé financièrement par ses parents. Le loyer de son logement s’élève à 690 fr. par mois et ses primes d’assurance-maladie sont de l’ordre de 210 francs. Il n’a pas de dettes. Il bénéficie encore, à hauteur de 200'000 fr. environ, du solde du capital qui lui a été versé par l’assurance à la suite de l’accident.
Depuis l’accident qui fait l’objet de la présente procédure, X._ est paraplégique et souffre d’une épilepsie secondaire toujours présente à l’heure actuelle. Il a également fait état de graves problèmes urologiques qui ont notamment eu une influence sur le déroulement de ses études. Pour plus de détails sur l’état de santé de X._, on peut renvoyer aux pièces 57 et 58.
Son casier judiciaire est vierge.
2.
V._
est né le [...] 1988. Au terme de sa scolarité obligatoire, il a suivi le gymnase puis s’est accordé une année sabbatique durant laquelle il a effectué diverses activités. Après une tentative infructueuse d’études universitaires en géosciences de l’environnement, il s’est octroyé une seconde année sabbatique. Il a ensuite débuté une formation à l’Université de Neuchâtel en sciences de l’information et de la communication. Au moment de l’accident, il était en deuxième année de bachelor, bachelor qu’il a finalement obtenu en trois ans et demi. Il a ensuite effectué son service civil auprès de Pro Infirmis Vaud. En 2013, il a entrepris des études universitaires en géographie, option urbanisme. Il devrait les achever en septembre 2015 ou en janvier 2016. Il vit chez ses parents et il est à leur charge. En parallèle à ses études, il a toutefois quelques petites activités qui lui procurent de modestes revenus (P. 79/3). Il est également très engagé dans diverses associations oeuvrant pour les handicapés. Le prévenu ignore le montant de ses primes d’assurance-maladie. Il n’a pas de dettes et a fait état d’économies d’un montant d’environ 6'000 francs.
V._ a été très marqué par les faits du 16 octobre 2010, ce qui l’a notamment amené à consulter le Département de psychiatrie (voir P. 79/1). A l’audience de première instance, son amie, entendue comme témoin, a confirmé qu’il était toujours très affecté par l’accident et qu’il devrait porter toute sa vie cette charge morale.
Le casier judiciaire de V._ est vierge.
3.
Le 16 octobre 2010, à Montcherand/VD, au lieu-dit « En Platé », V._, responsable de meute au sein du groupe scout des louveteaux [...] et X._ ont organisé une activité de rappel. Le but était d’entraîner les membres de ce groupe, âgés de 7 à 11 ans, à descendre en rappel le long d’un mur de pierre d’une hauteur de 10 à 12 mètres en étant assurés depuis le haut.
V._ avait déjà pratiqué ce type d’activité dans un cadre scout mais jamais en qualité de responsable en titre. Il avait bénéficié d’une formation interne. De son côté, X._ était au bénéfice d’une formation Jeunesse & Sport de moniteur d’alpinisme.
Le jour des faits, V._ et X._ ont préparé l’installation, puis l’ont testée. Ils sont descendus à tour de rôle en rappel, chacun contrôlant sa descente tout en étant simultanément assuré depuis en haut par son camarade.
Ensuite, V._ et X._ ont expliqué l’activité aux enfants, qui, pour la descente, étaient équipés d’un baudrier et d’un casque. Les enfants les plus expérimentés pouvaient contrôler eux-mêmes leur descente tout en étant également assurés depuis en haut par l’un des responsables. Pour les autres, la descente était directement et uniquement contrôlée depuis en haut par l’un des deux responsables.
Pour sa part, la jeune A.S._, comme à tout le moins un autre enfant avant elle, a demandé à être accompagnée par l’un des deux responsables lors de sa descente. Dans le cas de A.S._, V._ et X._ sont convenus que le second nommé ferait la descente avec elle, l’assurage et la descente étant uniquement contrôlés depuis le haut par V._.
X._ et A.S._ se sont attachés indépendamment à la corde de descente, puis se sont approchés du bord de la falaise. V._ avait alors en main la corde d’assurage que lui a remise X._.
Au moment où X._ et A.S._ passaient le bord de la falaise et allaient entamer la descente, dans des circonstances qu’il n’a pas été possible d’établir précisément, V._ a laissé échapper ou laissé glisser la corde avec laquelle il devait freiner la descente de ses camarades. Il a vainement tenté de la ressaisir de ses mains nues, se brûlant la paume des mains, mais n’a pu empêcher X._ et A.S._ de tomber du haut de la falaise et de s’écraser au sol.
4.
En raison de sa chute, A.S._ a subi les lésions suivantes : traumatisme crânio-cérébral sévère avec contusions hémorragiques parenchy-mateuses punctiformes, pariétale temporale droite et frontale gauche avec oedèmes périlésionnels, minimes hémorragies sous arachnoïdiennes temporale et frontale droites, fractures bi-pariétales et bi-temporales passant par le rocher gauche, hématome épidural temporal droit avec lame hématique le long du toit du cervelet, effet de masse sur le ventricule latéral droit avec déviation de la ligne médiane vers la gauche, sans signe d’engagement visible, contusions pulmonaires multiples du lobe inférieur droit, lobe moyen et lobe inférieur gauche et contusions hépatiques infracentimétriques. Ces lésions entraînent des séquelles graves et durables.
X._ a subi
une paraplégie sensitivo-motrice complète D7 ainsi qu’une épilepsie secondaire, lésions entraînant des séquelles graves et durables. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux par des parties ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de V._, prévenu, et celui de A.S._, B.S._, C.S._ et T._, parties plaignantes, sont recevables.
S’agissant en particulier de la recevabilité des conclusions de l’appel de V._ tendant à la condamnation de X._, cette question peut demeurer ouverte, dès lors que l’acquittement de X._ doit de toute façon être confirmé pour les motifs exposés ci-après (cf. cons. 3.1.4 infra)
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012). L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Eugster, in : Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2
e
éd., Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP).
3.
3.1
En premier lieu, V._ conteste sa condamnation pour lésions corporelles graves par négligence. Il fait valoir une constatation incomplète ou erronée des faits et une violation du principe
in dubio pro reo
, en raison du fait qu’il n’aurait pas été possible d’établir précisément les causes de l’accident. Subsidiairement, il ajoute que si la Cour d’appel devait relever un comportement négligent dans cette affaire, celui-ci devrait être imputé à X._, lequel devrait être reconnu coupable de lésions corporelles graves par négligence en raison de sa qualité de responsable technique de l’activité.
De leur côté, les plaignants, A.S._, B.S._, W._ et C.S._ considèrent que tant X._ que V._ doivent être reconnus coupables de lésions corporelles par négligence.
3.1.1
Selon l’art. 125 CP, celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte, puni de l'emprisonnement ou de l'amende (al. 1). Si la lésion est grave, l'auteur sera poursuivi d'office (al. 2). D’après l'art. 12 al. 3 CP, agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle.
Ainsi, deux conditions doivent être remplies pour qu'il y ait négligence.
En premier lieu, il faut que l'auteur ait d'une part violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que, d'autre part, il n'ait pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir (ATF 134 IV 255 c. 4.2.3 p. 262; ATF 133 IV 158 c. 5.1 pp. 162 s.). Pour déterminer plus précisément quels étaient les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter des accidents ; à défaut de dispositions légales ou réglementaires, on peut se référer à des règles analogues qui émanent d'associations privées ou semi-publiques lorsqu'elles sont généralement reconnues. La violation des devoirs de la prudence peut aussi être déduite des principes généraux, si aucune règle spéciale de sécurité n'a été violée (ATF 133 IV 158 c. 5.1 p. 162). Un comportement viole le devoir de prudence lorsque l'auteur, au moment des faits, aurait pu, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d'autrui et qu'il a simultanément dépassé les limites du risque admissible (ATF 136 IV 76 c. 2.3.1 p. 79; ATF 135 IV 56 c. 2.1
p. 64; ATF 134 IV 255 c. 4.2.3 p. 262). C'est en fonction de la situation personnelle de l'auteur que l'on doit apprécier son devoir de prudence (ATF 135 IV 56 c. 2.1
p. 64; ATF 133 IV 158 c. 5.1 p. 162; ATF 122 IV 145 c. 3b/aa p. 147).
En second lieu, pour qu'il y ait négligence, il faut que la violation du devoir de prudence soit fautive, c'est-à-dire que l'on puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, une inattention ou un manque d'effort blâmable (TF 6B_614/2014 et les références citées; ATF 135 IV 56 c. 2.1 p. 64; ATF 134 IV 255 c. 4.2.3 p. 262; ATF 129 IV 119 c. 2.1 p. 121).
En outre, il faut encore qu’il existe un rapport de causalité entre la violation fautive du devoir de prudence et les lésions subies par la victime. En cas de violation du devoir de prudence par omission, il faut procéder par hypothèse et se demander si l’accomplissement de l’acte commis aurait, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, évité la survenance du résultat qui s’est produit, pour des raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée. Pour l’analyse des conséquence de l’acte supposé, il faut appliquer les concepts généraux de la causalité naturelle et de la causalité adéquate (ATF 134 IV 255
c. 4.4.1 p. 265 ; ATF 133 IV 158 c. 6.1 p. 167 ; ATF 117 IV 130 c. 2a, spéc. p. 133). L’existence de cette causalité dite hypothétique suppose une très grande vraisemblance ; autrement dit, elle n’est réalisée que lorsque l’acte attendu ne peut être inséré intellectuellement dans le raisonnement sans en exclure très vraisemblablement, le résultat (ATF 116 IV 182 c. 4a, p. 185). La causalité adéquate est donc exclue lorsque l’acte attendu n’aurait vraisemblablement pas empêché la survenance du résultat ou lorsqu’il serait simplement possible qu’il l’eût empêché (Graven, L’infraction pénale punissable, Berne 1995, p. 92).
3.1.2
En l’espèce, V._, responsable de meute, et X._, moniteur Jeunesse & Sport section alpinisme, ont organisé une activité de rappel pour un groupe de jeunes scouts. Ils ont mis en place l’installation et l’ont testée. Après avoir instruit les enfants, ils ont procédé aux premières descentes. Environ sept enfants sont alors descendus l’un après l’autre, certains seuls, d’autres accompagnés, avant que ce ne soit le tour de A.S._. N’osant pas s’élancer seule, cette dernière a demandé à être accompagnée durant sa descente. V._ et X._ ont convenu que ce serait X._ qui accompagnerait la jeune fille dans la descente en rappel « passif » – soit avec un assurage unique par un tiers depuis le haut de la falaise afin que l’accompagnant soit entièrement disponible pour la jeune fille – V._ les assurant au moyen d’un demi nœud d’amarre depuis le haut de la falaise. X._ a effectué le nœud d’assurage à l’arbre, a donné la corde d’assurage à V._ puis s’est encordé avec A.S._ avant de franchir la barrière.
A partir de ce moment, le déroulement exact de l’accident est difficile à déterminer dans la mesure où ni X._, ni A.S._ ne se souviennent de l’accident, et que les souvenirs de V._ se sont avérés flous et fluctuants. Ainsi, l
ors de sa première audition (PV aud. 2 du 16 octobre 2010), V._ a indiqué qu’il ne se souvenait de rien concernant les éléments qui ont fait suite au moment où X._ lui avait remis la corde d’assurage. Il a néanmoins émis une hypothèse selon laquelle il était possible que, à la suite d’une perte d’équilibre, il ait lâché la pression sur la corde. Lors de sa seconde audition (PV aud. 3 du 19 octobre 2010), il a indiqué qu’au moment où X._ et A.S._ avaient franchi la barrière,
il
lui avait semblé que la corde était tendue. Toutefois, il aurait remarqué que le pied de la jeune fille risquait d’être pris dans le mou de la corde et il l’aurait donc rendue attentive à ce fait. X._ lui aurait ensuite dit « qu’on pouvait y aller ». A partir de ce moment là, V._ a déclaré qu’il n’avait plus de souvenir précis. Il a indiqué qu’il avait vu une bâche de protection et les pieds de X._ tomber. Il ne pouvait toutefois pas dire si, à ce moment précis, il tenait la corde. Il a encore ajouté qu’il lui semblait avoir vu ou entendu la corde filer dans le demi-nœud d’amarre et qu’il avait alors instinctivement resserré sa main autour de la corde, provoquant la brûlure à sa main gauche. Réentendu le 22 novembre 2010 à sa demande (PV aud. 5), V._ a précisé qu’après que les deux victimes avaient enjambé la barrière, il avait la vision de la jambe droite de X._ qui serait subitement partie vers l’arrière si bien que, selon lui, le prénommé avait glissé avant de tomber dans le vide. Lors de son audition du 14 juillet 2011 (PV aud. 7), V._ a expliqué qu’il avait l’image de X._ et A.S._ s’attachant à la corde de descente, chacun indépendamment. Pour l’assurage, il se trouvait attaché à l’arbre du côté extérieur de la barrière, soit du côté falaise. Les deux victimes auraient alors enjambé la barrière. S’agissant de la suite des événements, il a répété qu’il avait l’image de A.S._ du côté « falaise » de la barrière, avec une boucle de corde au sol devant elle et un pied à l’intérieur et l’autre à l’extérieur. Il a ensuite ajouté qu’il lui était revenu, deux ou trois jours après l’accident, une image très violente des pieds de X._ qui glissaient en direction de la falaise. Il aurait alors entendu le bruit de la corde qui filait ; il a précisé qu’il ressentait encore la sensation de la corde filant dans sa main. Il a confirmé qu’il aurait alors tenté de contracter sa main de toutes ses forces, ce qui aurait provoqué la brûlure, avant d’entendre le bruit de l’impact de la chute. Pour le surplus, il a précisé qu’il ne se souvenait pas si X._ et A.S._ avaient commencé la descente du mur, mais qu’il ne le croyait pas. Il a également indiqué qu’il ne pouvait pas être affirmatif sur le point de savoir si la corde était tendue juste avant la chute. Enfin, à l’audience de première instance (jugement du 27 novembre 2014, p. 12), V._ a indiqué qu’il ne pouvait émettre que des hypothèses sur le déroulement des faits. Il a indiqué que, selon lui, une fois que X._ et A.S._ avaient passé la barrière, il avait constaté que la jeune fille avait un pied dans une boucle de corde et qu’il s’était alors baissé pour la libérer. Il imaginait que c’était à ce moment-là que X._ avait dû glisser. Selon lui, comme la corde n’était pas totalement sous tension, il n’avait pas réussi à interrompre la chute.
D._, également responsable au sein du groupe scout [...], était également présent le jour de l’accident. Il a déclaré lors de son audition du 16 octobre 2010 (PV aud. 1) qu’alors qu’il redescendait par la route sise à proximité du mur où avait lieu l’activité, il avait vu tomber « X._ et la petite A.S._ ». Il a ajouté qu’il pensait qu’ils avaient dû faire environ deux mètres dans la paroi avant de tomber, que A.S._ était tombée sur Martin et qu’ils se trouvaient les deux accrochés à la même corde. Ce témoin a été réentendu le 24 février 2012 (PV aud. 11). Il a alors confirmé qu’il avait vu l’accident car, à ce moment-là, il redescendait par le chemin depuis le point de départ du rappel. Selon ses déclarations, X._ et A.S._ étaient en train de passer le sommet de la falaise pour arriver dans la partie verticale – il précisera que X._ venait de poser les pieds sur la partie du mur qui figure en photo sous pièce 16/2 –. Selon lui, les deux descendeurs se trouvaient soit à quatre pattes, soit en position baissée juste avant leur chute. Ils seraient tombés au moment où ils venaient de pivoter et commençaient à se redresser pour se mettre à l’horizontale par rapport à la paroi. Il a précisé qu’il avait vu X._ tendre les jambes en s’appuyant contre le mur puis tomber. Il a expliqué qu’il les avait vu appuyer leurs pieds sur la partie verticale de la falaise et que c’est à ce moment qu’ils étaient tombés. Il a encore ajouté qu’il avait lui-même défait les nœuds après la chute ; il pouvait dès lors affirmer que chacune des victimes était attachée à la corde et il a précisé qu’il avait eu de la peine à défaire les nœuds en raison de la tension de la corde. Interrogé sur une glissade éventuelle des deux descendeurs, il a affirmé qu’il n’avait vu ni X._, ni A.S._ déraper, mais que, selon lui, c’était au moment où ils s’étaient redressés au bord de la falaise et avaient sollicité la corde pour les retenir qu’ils avaient chuté.
Enfin, K._, membre de la gendarmerie, moniteur sportif au sein du Club alpin et membre de la colonne de secours pour la région Jura-Mont-Tendre, a été entendu le 14 juillet 2011 (PV aud. 6). Il a indiqué avoir été appelé le jour de l’accident pour se déplacer le lendemain afin de vérifier sur place le matériel et les cordes. Il s’est donc rendu sur le lieu de l’accident le 17 octobre 2010 avec l’identité judiciaire et l’enquêteur responsable. Selon lui, la méthode de rappel « passif » choisie par les prévenus est une pratique courante et admise. Il a constaté que le nœud fait sur la corde était juste – un tel nœud permettant à quelqu’un de vigilant de stopper une chute extrêmement rapidement – et que le dispositif était en ordre. Il a toutefois indiqué qu’il n’aurait personnellement pas procédé de la sorte dans une pareille situation, mais qu’il aurait notamment placé sur la rambarde métallique une sangle fixe ou une corde afin de permettre à la personne qui descend de s’assurer avant de décider de se lancer réellement dans la descente. Néanmoins, il a confirmé que l’équipement était parfaitement en ordre. N’ayant pas assisté à l’accident, il a émis deux hypothèses pour tenter de l’expliquer. Selon sa première hypothèse, la corde aurait été remontée après la descente de la dernière personne avant la jeune A.S._ sans refaire de nœud au bout. La seconde hypothèse – sur laquelle il s’est concentré avec les enquêteurs – découlait du fait que V._ avait déclaré avoir entendu le sifflement de la corde qui passait – sifflement induit par le passage de la corde dans le nœud – et du fait que V._ avait manifestement tenté de retenir la corde puisqu’il avait une importante brûlure dans la paume de sa main gauche. Dans cette seconde hypothèse, selon le spécialiste, V._ n’était pas prêt à freiner ou stopper la descente qui s’engageait ; il aurait été surpris par celle-ci, puis aurait tenté, en vain, de retenir la corde. Le témoin n’a toutefois pas pu déterminer si cela était dû à un défaut d’attention de la part de l’assureur ou à un manque d’attention de X._ qui aurait pu s’engager dans la descente avant que son camarade ne soit prêt. Pour K._, il y aurait donc eu un manque de coordination entre les deux moniteurs. Au terme de son audition, le témoin a toutefois bien précisé qu’il ne s’agissait que d’hypothèses basées sur les éléments qu’il avait pu recueillir. Enfin, il a relevé que les semelles des chaussures de X._ étaient relativement usées et n’avaient pas le profil qu’il aurait personnellement choisi pour effectuer ce genre d’exercice.
Au vu de l’audition de K._, complète et satisfaisante, la Cour n’a pas jugé nécessaire de réentendre ce témoin comme cela avait été requis par la famille de A.S._ au titre de mesure d’instruction. On ne voit en effet pas quels éléments nouveaux serait susceptible d’apporter une nouvelle audition de ce témoin qui n’était pas présent au moment de l’accident et qui s’est exprimé de manière exhaustive sur les hypothèses qu’il envisageait au vu des éléments à sa disposition.
3.1.3
A la lecture des différentes dépositions, la Cour de céans considère, à l’instar du juge de première instance, que
les causes de l’accident ne sont pas à chercher dans un défaut du dispositif mis en place ou dans une carence dans la formation et les compétences des deux prévenus, puisque l’installation et le matériel utilisés étaient parfaitement en ordre et adaptés (cf. PV aud. 6) et que X._, au bénéfice d’une formation Jeunesse & Sport de moniteur d’alpinisme, et V._, qui avait déjà pratiqué ce genre d’activités et bénéficiait d’une formation à l’interne, étaient formés et tout à fait compétents pour encadrer les jeunes louveteaux le jour de l’accident (cf. P. 30).
S’agissant de la version retenue par le tribunal de première instance au sujet de la responsabilité de V._, on ne voit pas en quoi elle constituerait une constatation incomplète ou erronée des faits et/ou une violation du principe
in dubio pro reo
. En effet, il ressort de l’instruction que seules des hypothèses peuvent être émises s’agissant des circonstances exactes de l’accident. Toutefois, une chose est certaine, V._ avait la responsabilité d’assurer la sécurité de X._ et A.S._ pendant leur descente le long de la falaise. Cette responsabilité commençait dès le moment où les deux descendeurs étaient encordés et entamaient le franchissement de la barrière de sécurité et elle n’aurait dû s’achever qu’avec leur arrivée au bas de la falaise. A partir de ce constat, peu importe de savoir si X._ a glissé – ce qui est au demeurant contredit par les déclarations de D._ – ou si c’est V._ qui a été déséquilibré (PV aud. 2) laissant échapper la corde un bref instant. En effet, dès le moment où les deux descendeurs se trouvaient du côté du vide, il incombait à V._ de veiller à leur sécurité et de se concentrer sur la corde d’assurage, en la maintenant de manière à pouvoir, à tout moment, prévenir une chute. En l’occurrence, le sifflement de la corde dont se souvient l’appelant, ainsi que les marques de brûlures constatées dans sa main gauche démontrent que le prévenu n’a pas, à tout le moins pendant une fraction de seconde, solidement maintenu la corde. Certes, on en ignore les raisons et plusieurs hypothèses peuvent être émises à ce sujet, notamment celle soutenue par l’appelant, selon laquelle il aurait tenté de libérer le pied de A.S._ qui se trouvait dans une boucle de la corde. Toutefois, quelle que soit l’hypothèse retenue et sans qu’il soit nécessaire de déterminer avec précision les raisons qui ont conduit V._ à lâcher momentanément la corde d’assurage, sa responsabilité est de toute façon engagée, dès lors qu’il lui appartenait, à ce moment-là, de se concentrer uniquement sur cette corde et de la maintenir fermement de manière à prévenir, à tout instant, une chute des deux descendeurs.
En définitive, le fait de ne pas pouvoir établir précisément les raisons qui ont conduit V._ à lâcher la corde – ne serait-ce qu’une fraction de seconde –, ni les circonstances exactes de la chute – glissade de X._ ou de V._ – ne sont pas des éléments susceptibles de disculper V._. En effet, l’inattention dont a fait preuve V._ au moment où il n’a pas fermement maintenu la corde alors que son camarade et la jeune scout se trouvaient du côté de la falaise est blâmable. Ce comportement viole indéniablement le devoir de prudence qui lui incombait alors. Le jeune homme, de par son expérience dans les activités de grimpe et de rappel, ne pouvait en effet ignorer les risques inhérents au fait de lâcher une corde d’assurage alors que celle-ci représente de surcroît – au vu de la méthode de « rappel passif » choisie – la seule sécurité des deux personnes se trouvant au bord d’une falaise. Ce faisant, il a dépassé les limites du risque admissible. Le lien de causalité entre le fait de lâcher la corde assurant les deux descendeurs en rappel et leur chute est évident et ne nécessite pas de plus amples développements. Aussi, V._ doit-il être reconnu coupable de lésions corporelles graves par négligence, la gravité des lésions de X._ et de A.S._ n’étant au demeurant pas discutable.
3.1.4
S’agissant de X._, la question se pose de savoir si sa responsabilité est aussi engagée et si, lui aussi, doit être reconnu coupable de lésions corporelles graves par négligence.
Il convient en premier lieu d’examiner plus avant la première hypothèse sur les causes de l’accident émise par K._ selon laquelle les deux moniteurs n’auraient pas refait le nœud au bout de la corde lorsque celle-ci a été remontée après la dernière descente (PV aud. 6, lignes 63 ss). Ce nœud permettait à la personne qui assurait de freiner le glissement de la corde qui assurait les descendeurs. Dans cette hypothèse, tant X._ que V._ auraient commis une faute. Toutefois, cette hypothèse est démentie par divers éléments. En premier lieu, par le témoignage de V._ lui-même, qui a indiqué qu’il avait entendu le sifflement de la corde dans le demi-nœud et qui a même indiqué, lors de sa première audition, que X._ avait fait ce nœud d’assurage (PV aud. 2, R. 2), avant de revenir sur ses propos quelques mois plus tard en indiquant qu’il ne se souvenait plus du moment où son camarade avait fait le nœud d’amarre (PV aud. 7, lignes 93 et 94), sans toutefois prétendre que le nœud avait été oublié. Cette hypothèse est également, et surtout, démentie par le témoignage de D._ qui a indiqué qu’il avait eu de la peine à défaire les nœuds lorsqu’il était arrivé auprès des deux victimes en raison de la tension de la corde (PV aud. 11, lignes 101 et ss). Au vu de ces éléments, cette hypothèse ne se fonde sur aucun indice concret et c’est à juste titre que le tribunal de première instance ne l’a pas retenue.
Pour le surplus, V._ et X._ ont mis en place l’installation ensemble. Comme déjà dit,
les causes de l’accident ne sont pas à chercher dans un défaut du dispositif mis en place, ni dans le choix de celui-ci. Comme cela ressort de l’instruction, l
e système choisi ne permettait certes pas une vraie descente en rappel puisque la personne qui descendait ne pouvait pas contrôler sa descente par ses propres moyens, qu’il était tributaire de la personne qui l’assurait et qu’il ne pouvait dès lors que donner des instructions (PV aud. 6, lignes 34 et ss). Toutefois, selon les déclarations de l’appointé K._, cette manière de procéder était courante et admise.
Dans leur appel, les membres de la famille de A.S._ considèrent que V._ et X._ ont commis une faute en décidant que le premier nommé assurerait la descente, alors que, selon leur interprétation du règlement pour les activités à risque établi par l’association du scoutisme (P. 39), il appartient à la personne la plus expérimentée, en l’espèce X._, d’assurer la descente. En ne se conformant pas à cette exigence les deux moniteurs auraient commis une faute engageant leur responsabilité pénale.
A cet égard, à la lecture du règlement de I’Association vaudois de scoutisme (P. 39), il apparaît que V._ et X._ ont respecté les prescriptions du règlement dans la mesure où V._, responsable de l’unité, s’était adjoint l’aide d’une personne compétente dans le domaine des cordes, soit X._ (cf. P. 30). Le règlement à son art. 2 précise que la personne possédant les compétences requises sera présente, qu’elle assumera la responsabilité juridique de l’activité, qu’elle devra en être informée et qu’elle assumera également la direction de cette activité. On ne saurait toutefois interpréter cette disposition en ce sens que X._, qui assumait la direction et la responsabilité de l’activité, devait obligatoirement assurer la descente. Interpellé sur cette question, l’appointé K._ a d’ailleurs indiqué ce qui suit : « Ce n’est pas une obligation, mais il est vrai que j’aurais agi ainsi si j’étais à leur place. Il est toutefois parfaitement admissible, selon les cas, qu’une personne simplement formée assure la descente » (PV aud. 6, lignes 128 à 130). Dès lors, le fait que la personne la plus expérimentée choisisse d’accompagner la jeune fille dans la descente plutôt que d’assurer la descente ne représente pas une faute susceptible d’engager la responsabilité pénale du responsable de l’activité, V._ devant être considéré comme suffisamment formé pour assurer la descente.
Demeure l’hypothèse d’un manque de coordination entre V._ et X._. Il s’agit de l’hypothèse privilégiée par l’appointé K._. Dans ce scénario, X._ aurait commencé la descente sans être certain que V._ était prêt à les assurer. Toutefois, cette hypothèse
n’apparaît pas suffisamment établie. En effet, il ressort des déclarations de V._ lui-même que X._ lui aurait dit « qu’on pouvait y aller » (PV aud. 3) – s’assurant ainsi une certaine coordination avec son collègue – et V._ ne prétend pas
lui avoir demandé d’attendre avant de se lancer. Au vu de l’absence d’éléments concrets permettant de conforter
cette thèse, il y a lieu, en application du principe
in dubio pro reo
,
de ne pas retenir un hypothétique manque de coordination pour fonder l’éventuelle responsabilité pénale de X._.
Enfin, lors de son audition, l’appointé K._ a relevé que les semelles des chaussures de X._ étaient relativement usées et qu’elles n’avaient pas le profil qu’il aurait personnellement choisi pour effectuer ce genre d’exercice. Or, dans la mesure où une glissade de X._ n’a pas été prouvée comme étant à l’origine de l’accident, sous l’angle du droit pénal et en application du principe
in dubio pro reo
, il n’y a pas lieu d’admettre un lien de causalité entre le fait que X._ ait porté des chaussures au profil relativement usé et l’accident.
En définitive, il apparaît que la responsabilité pénale de X._ n’est pas établie, à tout le moins au bénéfice du doute, et que celui-ci doit être libéré du chef de prévention de lésions corporelles graves par négligence.
3.2
Pour le surplus, la peine prononcée à l’encontre de V._ n’est pas contestée en tant que telle mais ne l’est qu’en relation avec le moyen de réforme tendant à l’abandon de l’infraction de lésions corporelles graves par négligence. Vérifiée d’office, elle s’avère conforme aux principes déduits de l’art. 47 al. 1 CP au vu de la culpabilité de l’appelant. Il suffit dès lors de renvoyer au jugement à cet égard (jugement du 27 novembre 2014, pp. 25 et 26). Quant au délai d’épreuve assortissant le sursis, il est fixé au minimum légal (art. 44 al. 1 CP), ce qui s’avère également conforme et adéquat.
4
4.1
V._ conteste dans son appel le fait que le tribunal de première instance se soit prononcé sur sa responsabilité civile – en la qualifiant de pleine et entière – et fait en particulier valoir une absence de motivation sur ce point dans le jugement attaqué ; il considère que pour retenir une pleine et entière responsabilité de sa part, le Tribunal de police aurait dû s’appuyer sur des preuves établies, alors que tel n’est pas le cas.
De son côté, la famille A.S._ fait valoir que V._ et X._ devraient tous deux être reconnus civilement responsables de l’accident et du préjudice causé à tous les membres de la famille.
4.2
L’art. 53 CO (Code des obligations du 30 mars 1911 ; RS 220), qui règle les relations entre le droit civil et le droit pénal, prévoit que le juge civil n'est pas lié par les dispositions du droit criminel en matière d'imputabilité, ni par l'acquittement prononcé au pénal, pour décider s'il y a eu faute commise ou si l'auteur de l'acte illicite était capable de discernement (al. 1) ; le jugement pénal ne lie pas davantage le juge civil en ce qui concerne l'appréciation de la faute et la fixation du dommage (al. 2).
L’art. 50 al. 1 CO (Code des obligations du 30 mars 1911 ; RS 220) prévoit qu’en cas d'acte illicite, lorsque plusieurs ont causé ensemble un dommage, ils sont tenus solidairement de le réparer, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre l'instigateur, l'auteur principal et le complice.
Enfin, l’art. 126 al. 2 CPP précise que le tribunal renvoie la partie plaignante à agir par la voie civile lorsque la partie plaignante n'a pas chiffré ses conclusions de manière suffisamment précise ou ne les a pas suffisamment motivées (let. b) et/ou lorsque le prévenu est acquitté alors que l'état de fait n'a pas été suffisamment établi (let. d).
4.3
En l’espèce, X._ a été acquitté en vertu du principe
in dubio pro reo
. On se trouve donc dans le cas d’application de l’art. 126 al. 2 let. d CPP. Or, le tribunal de première instance n’a pas examiné l’éventualité d’une faute concurrente de X._, sur le plan civil, qui pourrait diminuer la responsabilité, également sur le plan civil, de V._. On ne peut dès lors suivre le tribunal de première instance lorsqu’il considère que V._ est
« pleinement et entièrement responsable sur le plan civil des suites de l’accident »
, dès lors qu’une telle formulation paraît d’emblée exclure toute faute concurrente de X._. Il y a donc lieu de rectifier d’office la formulation du dispositif en supprimant cette notion d’exclusivité,
V._ étant reconnu responsable sur le plan civil des suites de l’accident dont ont été victimes A.S._ et X._ le 16 octobre 2010 à Montcherand. Il appartiendra le cas échéant au juge civil de déterminer plus précisément la part de responsabilité des deux prévenus en fonction des critères propres à la responsabilité civile, étant rappelé que X._ a été acquitté, sur le plan pénal, au bénéficie du doute.
5
5.1
La famille [...] conteste dans son appel le fait que le tribunal de première instance ait refusé de lui allouer une indemnité sur la base de l’art. 433 CPP au motif qu’elle n’aurait pas chiffré ses prétentions.
5.2
Au terme du premier alinéa de cette disposition, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause. Selon l’art. 433 al. 3 CPP, la partie plaignante adresse ses prétentions à l'autorité pénale; elle doit les chiffrer et les justifier. Si elle ne s'acquitte pas de cette obligation, l'autorité pénale n'entre pas en matière sur la demande.
L'art. 433 al. 2 CPP, qui impose au plaignant de chiffrer et de justifier ses prétentions, s'explique par le fait que la maxime d'instruction ne s'applique pas à l'égard de la partie plaignante: celle-ci doit demeurer active et demander elle-même une indemnisation, sous peine de péremption. Conformément à l'art. 81 al. 4 let. b CPP, le juge doit statuer sur l'indemnité dans le jugement lui-même. Il ne saurait être question d'une procédure séparée sur cet aspect. Nonobstant l'absence de maxime d'instruction, le juge doit néanmoins rendre attentive la partie plaignante à son droit d'obtenir le cas échéant une indemnité, comme à son devoir de chiffrer et documenter celle-ci (TF 6B_965/2013 et les références citées).
Toutefois, cette dernière exigence, soit le fait de rendre attentif la partie, doit être mise en relation avec l’art. 107 al. 2 CPP, qui prévoit que les autorités pénales attirent l’attention des parties sur leurs droits lorsqu’elles ne sont pas versées dans la matière juridique.
5.3
En l’espèce, les parties plaignantes étaient assistées à l’audience de jugement. Elles ont déposé des conclusions civiles. L’exigence de chiffrer les prétentions découle directement de la loi et il appartenait au mandataire de la connaître. C’est donc à juste titre que le premier juge n’a pas fixé de dépens en faveur de la famille de A.S._, faute de conclusions recevables. Les plaignants ne peuvent pas corriger leur omission par le biais d’un appel.
Le grief, mal fondé, doit donc être rejeté.
6
6.1
En définitive, les appels seront rejetés et le jugement entrepris rectifié d’office à son chiffre V (c. 4.3 supra).
Vu l’issue de la cause, les frais d'appels, constitués de l'émolument de jugement, par 3’010 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), doivent être mis par moitié, soit 1'505 fr., à la charge de V._ et par moitié à charge de A.S._, B.S._, C.S._ et W._, solidairement entre eux (art. 428 al. 1 CPP). Il n’y a pas matière à allouer de dépens aux appelants.
X._, T._ et P._, intimés dans la procédure d’appel, ont conclu à l’octroi d’une indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure d’appel (art. 433 CPP). Les conditions d’octroi d’une telle indemnité étant réalisées, il y a lieu, sur le principe, de faire droit à cette conclusion. Le montant réclamé par les intimés sur la base de la note d’honoraires de leur conseil du 23 avril 2015 est cependant trop élevé (P. 102). Au vu des caractéristiques de la cause, il sera alloué un montant de 5'519 fr, débours et TVA compris, correspondant à 11,6 heures de travail d’avocat au tarif horaire de
370 fr., à 8 heures de travail d’avocat stagiaire au tarif horaire de 100 fr., et à des débours, par 20 francs. Cette indemnité allouée à X._, T._ et P._, solidairement entre eux, sera mise par moitié à la charge de V._ et par moitié à la charge de A.S._, B.S._, C.S._ et W._, solidairement entre eux. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
55bd2ff9-88a9-4776-98b0-b28811783922 | En fait :
A.
Par jugement du 22 octobre 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté qu’O._ s’est rendu coupable de blanchiment d’argent, d’infraction grave et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers (I), constaté que B._ s’est rendu coupable de blanchiment d’argent, d’infraction grave à la LStup et d’infraction à la LEtr (II), condamné O._ à une peine privative de liberté de trois ans et demi, sous déduction de 337 jours de détention provisoire (III), condamné B._ à une peine privative de liberté de trois ans et demi sous déduction de 337 jours de détention provisoire, peine complémentaire à celle prononcée le 4 novembre 2012 par le Ministère public du canton de Genève (IV), renoncé à révoquer le sursis octroyé à B._ par le Staatsanwaltschaft Zurich – Limmat (V), ordonné le maintien en détention d’O._ et de B._ (VI), ordonné la confiscation, cas échéant la destruction des objets séquestrés sous fiches [...] les sommes venant en imputation des frais de justice, à parts égales, et le maintien au dossier comme pièce à conviction des objets sous fiches [...] (VII) et réparti les frais de la cause (VIII et IX).
B.
Le 1
er
novembre 2013, O._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel du 26 novembre 2013, il a conclu à sa libération de l’infraction à la LEtr (loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 ; RS 142.20) et au prononcé d’une peine privative de liberté compensée par la durée de la détention préventive.
Le 1
er
novembre 2013, B._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel du 26 novembre 2013, il a conclu à sa libération des chefs d’accusation de blanchiment et de violation grave à la LStup (loi fédérale sur les stupéfiants et substances psychotropes du 3 octobre 1951 ; RS 812.121), à sa condamnation à une peine fixée à dire de justice sous déduction de la détention avant jugement et au paiement d’une part des frais par un montant fixé à dire de justice.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
O._, ressortissant albanais, est né le [...] 1985 à [...], en Albanie. Il est l’aîné d’une famille de quatre enfants. Il a effectué et terminé sa scolarité obligatoire dans son pays natal. Par la suite, il est entré au gymnase, mais a abandonné sa formation en troisième année pour travailler dans la construction. En 2007, l’intéressé a quitté l’Albanie pour se rendre en Italie où il a continué à œuvrer dans le bâtiment. Selon ses dires, au milieu de l’année 2012, O._ a quitté l’Italie pour venir en Suisse rencontrer un ami ; cette rencontre n’ayant pas eu lieu, il était reparti en Italie. Néanmoins, aux environs d’octobre 2012, il a réitéré un voyage en Suisse, à l’occasion duquel il a séjourné principalement à Genève. Il a des dettes provenant de la construction d’une maison à la sortie de [...], en Albanie et subit également une forte pression de sa famille qui a besoin d’argent. Il loue un appartement à Naples et est désireux d’y retourner après sa sortie de détention.
Son casier judiciaire suisse ne comporte aucune inscription.
Dans le cadre de la présente affaire, O._ a effectué 337 jours de détention préventive. Il est en exécution anticipée de peine depuis le 5 avril 2013.
1.2
B._, ressortissant albanais, est né le [...] 1979 à [...], en Albanie. Il est le cadet d’une famille de trois enfants. Il a été scolarisé jusqu’à l’âge de 15 ans et a obtenu un diplôme de fins d’études, en suite de quoi il a entrepris un apprentissage de mécanicien. Il est marié et a un fils ; sa femme et son enfant vivent actuellement à [...], en Albanie, dans la maison des parents de l’intéressé. B._, n’ayant pas pu exercer le métier de mécanicien dans son pays natal, est parti successivement et à plusieurs reprises en Grèce, en Allemagne et en Italie pour travailler, principalement dans le bâtiment. Aux environs au mois de mai 2012, il est arrivé à Zurich ; il a été renvoyé le 23 septembre 2012 vers [...]. Il est revenu en Suisse, à Genève, au début du mois de novembre 2012 pour y rejoindre des connaissances, selon ses explications. B._ et sa femme ont des dettes pour une somme d’environ 10'000 euros.
Le casier judiciaire suisse de B._ comporte les inscriptions suivantes :
- le 19 septembre 2012, par le Staatsanwaltschaft Zurich – Limmat, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr., avec sursis pendant deux ans, et à une amende de 400 fr. pour entrée illégale et activité lucrative sans autorisation ;
- le 4 novembre 2012, par le Ministère public du canton de Genève, à une peine privative de liberté de 90 jours, sous déduction de deux jours de détention provisoire, pour faux dans les certificats et entrée illégale.
B._ est également inscrit au casier judiciaire allemand duquel ressort que l’intéressé a été condamné, le 13 janvier 2011, à une peine privative de liberté de deux ans et quatre mois pour notamment trafic de stupéfiants.
Dans le cadre de la présente affaire, B._ a effectué 337 jours de détention préventive. Il a été mis en exécution anticipée de peine depuis le 29 avril 2013. Du fait qu’il s’était évadé le 14 mai 2013, son exécution anticipée de peine a été révoquée par le Procureur et le prévenu a été placé en détention provisoire dès le 15 mai 2013 après avoir été appréhendé. Depuis le 14 août 2013, l’intéressé est à nouveau soumis au régime de l’exécution anticipée de peine
2.
2.1
A Lausanne, dans l’appartement sis au chemin [...], le 20 novembre 2012, O._ et B._ ont été interpellés, alors qu’ils venaient d’apporter de Genève 410 grammes d’héroïne destinés à la vente et un kilo de produits de coupage. Une perquisition effectuée simultanément dans l’appartement qu’ils occupaient précédemment à Genève, à l’avenue [...], a permis de saisir 368 grammes d’héroïne, répartis en plusieurs emballages, et 215 grammes de cocaïne, drogues également destinées à la vente.
Une empreinte digitale d’O._ a été retrouvée sur l’un des emballages renfermant de l’héroïne, saisi dans l’appartement de Genève. L’analyse de l’héroïne a révélé le même lien chimique entre la drogue saisie à Lausanne et celle saisie à Genève. En outre, O._ a été mis en cause par le dénommé [...] pour lui avoir vendu 200 grammes d’héroïne entre les mois de juillet et le mois de novembre 2012, à Genève, pour un montant total d’environ 6'000 francs. [...] a aussi mis en cause B._ pour lui avoir vendu 20 grammes d’héroïne, à la fin du mois d’octobre 2012, à Genève, après qu’il avait pris contact avec O._ pour se fournir en drogue. Les mesures de surveillance téléphonique mises en oeuvre ont révélé qu’O._ avait vendu 100 grammes d’héroïne à divers clients entre le 19 et le 20 novembre 2012, à Genève.
L’analyse de la drogue saisie a révélé un taux de pureté de 6,1 % à 6,3 % pour l’héroïne et de 16,6 % à 27,1 % pour la cocaïne.
Ainsi, O._ a trafiqué une quantité d’héroïne brute de 1'078 grammes et de cocaïne brute de 215 grammes, soit une quantité d’héroïne pure comprise entre 65,75 et 67.91 grammes et une quantité de cocaïne pure comprise entre 35,69 et 58,26 grammes. B._ a, quant à lui, trafiqué une quantité d’héroïne brute de 798 grammes et de cocaïne brute de 215 grammes, soit une quantité d’héroïne pure comprise entre 48,67 et 50,27 grammes et une quantité de cocaïne pure comprise entre 35,69 et 58,26 grammes.
2.2
A Genève, entre le 27 mars 2012 et le 13 novembre 2012, B._ a envoyé à l’étranger 1'500 fr. et 200 euros, provenant de son trafic de drogue.
2.3
A Lausanne et à Genève, entre le 27 mars 2012 au moins et le 20 novembre 2012, B._ est entré, à plusieurs reprises, et a séjourné illégalement en Suisse, étant sous le coup d’une mesure d’interdiction d’entrée sur le territoire Schengen depuis le 14 février 2012 et valable jusqu’au 13 février 2015.
2.4
A Lausanne et à Genève, entre le 30 juillet 2012 et le 14 août 2012, O._ a envoyé à l’étranger 391 fr. provenant de son trafic de drogue.
2.5
Aux mêmes endroits, durant la même période, O._ a consommé régulièrement du haschich et occasionnellement de la cocaïne.
2.6
A Lausanne et Genève, notamment, entre le 30 octobre au moins et le 20 novembre 2012, O._ a séjourné illégalement en Suisse, étant dépourvu de permis de séjour. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels d’O._ et de B._ sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
I. Appel d’O._
3.
L’appelant conteste sa condamnation pour infraction à la LEtr au motif qu’il croyait que ses documents italiens étaient valables pour la Suisse. Il invoque de ce fait une erreur sur l’illicéité.
3.1
3.1.1
Selon l’art. 115 al. 1 let. b LEtr, est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l’expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé.
L’art. 11 al. 1 LEtr précise que tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour. Il doit la solliciter auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé.
3.1.2
Aux termes de 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d’agir que son comportement est illicite n’agit pas de manière coupable (al. 1). Le juge atténue la peine si l’erreur était évitable (al. 2).
Pour qu’il y ait erreur sur l’illicéité, il faut que l’auteur ne sache ni ne puisse savoir que son comportement est illicite. L’auteur doit agir alors qu’il se croyait en droit de la faire (ATF 129 IV 238 c. 3.1). Il pense, à tort, que l’acte concret qu’il commet est conforme au droit. Déterminer ce que l’auteur d’une infraction a su, cru ou voulu et, en particulier, l’existence d’une erreur relève de l’établissement des faits (ATF 135 IV 152 c. 2.3.2, TF 6B_139/2010 du 24 septembre 2010 c. 41, JT 2010 I 576). Les conséquences pénales d’une erreur sur l’illicéité dépendent de son caractère évitable ou inévitable. L’auteur qui commet une erreur inévitable est non coupable et doit être acquitté (art. 21, 1
ère
phrase CP). Tel est le cas s’il a des raisons suffisantes de se croire en droit d’agir (ATF 128 IV 201 c. 2). Une raison de se croire en droit d’agir est « suffisante » lorsqu’aucun reproche ne peut lui être adressée parce que son erreur provient de circonstances qui auraient pu induire en erreur tout homme consciencieux (ATF 98 IV 293 c. 4) En revanche, celui dont l'erreur sur l'illicéité est évitable commet une faute, mais sa culpabilité est diminuée. Il restera punissable, mais verra sa peine obligatoirement atténuée (art. 21, 2
e
phrase, CP). L'erreur sera notamment considérée comme évitable lorsque l'auteur avait ou aurait dû avoir des doutes quant à l'illicéité de son comportement (ATF 121 IV 109 c. 5) ou s'il a négligé de s'informer suffisamment alors qu'il savait qu'une réglementation juridique existait (ATF 120 IV 208 c. 5b). Savoir si une erreur était évitable ou non est une question de droit (ATF 75 IV 150 c. 3; TF 6B_139/2010 du 24 septembre 2010 c. 4.1, JT 2010 I 576).
3.2
Lors de son audition du 21 novembre 2012 par la police et celle du 15 avril 2013 par le Procureur, l’appelant a affirmé qu’il avait quitté l’Italie pour la Suisse, pensant y trouver un emploi. En application de l’art. 11 LEtr, il devait par conséquent demander une autorisation, dès lors qu’il venait pour y travailler.
Certes, selon les pièces au dossier, l’appelant était au bénéfice d’un permis de séjour italien établi le 27 janvier 2012, valable jusqu’au 3 septembre 2013, ainsi que d’une « carte d’identité italienne » établie le 24 octobre 2011. Reste qu’il ne pouvait à l’évidence se croire autorisé à venir travailler en Suisse au seul bénéfice de ces deux documents. En effet, alors que le permis précité lui octroie un statut de séjour sur le territoire italien, la carte d’identité atteste uniquement de sa résidence en Italie et confirme sa nationalité albanaise. Elle n’est pas valable pour voyager en dehors dudit pays, comme cela est d’ailleurs mentionné sur ce document (cf. l’inscription :
« non valida per l’espatrio »
, P. 97/2). Ainsi, en aucun cas, ces deux documents attribuaient à l’appelant les droits des ressortissants européens découlant de l’Accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP ; RS 0.142.112.681), ce que l’intéressé ne pouvait manifestement ignorer, puisqu’il ne bénéficiait que de la nationalité albanaise. Il ressort du dossier que l’appelant avait également fait l’objet d’un contrôle de police le 11 septembre 2012 aux termes duquel il a selon toute vraisemblance été averti de son statut irrégulier en Suisse (cf. P. 80/1).
Au vu de ces éléments, l’appelant n’était en conséquence nullement fondé à croire qu’il se trouvait dans la même situation que celle d’un ressortissant italien et qu’il pouvait de ce fait valablement se rendre en Suisse pour y travailler. Au demeurant, c’est en contradiction avec ses déclarations antérieures, dont notamment celles contenues dans sa déclaration d’appel, qu’il a soutenu, à l’audience du 25 mars 2014, qu’il ne s’était rendu sur le sol helvétique que pour un séjour et non pour y exercer une activité lucrative. Il n’y a donc pas lieu de retenir une erreur sur l’illicéité.
4.
Se plaignant de l’appréciation des preuves, l’appelant conteste que la drogue saisie dans l’appartement de Genève lui ait appartenue. Il explique, en substance, qu’il n’occupait plus ce logement au moment de la perquisition et que celui-ci servait de base au fournisseur dénommé [...].
4.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2).
La présomption d'innocence, garantie par l’art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a ; TF 6B_18/2011 du 6 septembre 2011 c. 2.1).
4.2
La Cour d’appel pénale, à l’instar des premiers juges, retient que l’appelant possédait bel et bien la drogue retrouvée à Genève et qu’il la destinait à la revente. En effet, les surveillances policières et les mesures d’investigations secrètes effectuées entre les 19 et 20 novembre 2012 ont permis d’établir qu’O._ – et B._ (cf. infra c. 7.2) – avaient un pied à terre à Genève, à l’avenue [...]. D’une part, les deux individus ont été observés à diverses reprises effectuant des allées et venues entre ces appartements. Dans la soirée du 20 novembre 2012 en particulier, ils ont été vus entrant dans l’appartement genevois avant d’en ressortir avec une valise et être ensuite pris en charge par [...], lequel les a conduits à Lausanne. Dans l’appartement sis au chemin [...], qu’ils avaient loué la veille, les deux acolytes ont été filmés en train de sortir de la valise du matériel servant au conditionnement d’héroïne, divers paquets en aluminium et sac plastique. Ils ont alors été interpellés et une quantité de 410 grammes d’héroïne a été saisie. Une perquisition de l’appartement à Genève a été effectuée simultanément ; lors de celle-ci de l’héroïne (368 grammes), de la cocaïne (215 grammes) et des produits de coupage ont notamment été saisis (cf. rapport de police du 12 mars 2013, P. 80/1). D’autre part, il ressort des pièces au dossier que l’empreinte digitale d’O._ a été retrouvée sur l’un des emballages en aluminium qui contenait des minigrips d’héroïne trouvé dans l’appartement genevois, ce qui lie le prévenu à la drogue séquestrée sur ce lieu, malgré ces dénégations. De plus, la drogue saisie à Genève et à Lausanne comporte un seul profil chimique. Le témoin [...] a par ailleurs formellement mis en cause O._ pour lui avoir vendu 200 grammes d’héroïne pour un investissement total de 6'000 fr., ajoutant que ce dernier lui avait expliqué vouloir se rendre à Lausanne pour délocaliser son trafic d’héroïne, suite à une trop forte concurrence à Genève. Enfin, les écoutes téléphoniques mises en place incriminent l’appelant pour le trafic de stupéfiants ; celles-ci se sont déroulées sur un jour et se rapportent à la vente de quantités importantes de drogues (cf. P. 80/2).
Compte tenu de ce qui vient d’être exposé, les déclarations de l’appelant selon lesquelles aucun lien avec la drogue saisie à Genève ne pouvait être établi au motif qu’il s’agissait, entre autres, d’un appartement ouvert dont le locataire officiel n’était pas connu, que plusieurs autres personnes y avaient séjourné et qu’il ignorait tout de la présence de drogue, ne sont pas vraisemblables et pour le moins fantaisistes. A ce titre, on relèvera non seulement que lors des mesures et surveillances policières, seuls O._ et B._ ont été vus entrer et sortir de l’appartement de Genève, lequel était d’ailleurs vide lors de la perquisition le 20 novembre 2012 (cf. P. 30), mais également que la drogue a été retrouvée en divers endroits de l’appartement (cuisine, salon, salle de bain, etc. ; cf. P. 32), de sorte qu’il n’est pas réaliste que le prévenu n’en ait pas eu connaissance durant les jours où il y a logé. Par ailleurs, l’éventualité que d’autres personnes aient eu accès à l’appartement genevois ou aient également été impliquées ne change rien quant à la participation de l’appelant dans le trafic contesté. C’est ainsi à juste titre que les premiers juges ont retenu qu’O._ destinait la drogue retrouvée à Genève à la revente, à l’instar de celle de Lausanne.
Mal fondé, le grief doit être rejeté.
5.
L’appelant conteste la peine qui lui a été infligée.
5.1
Les règles générales régissant la fixation de la peine ont été rappelées dans les arrêts publiés aux ATF 136 IV 55 et 134 IV 17 (consid. 2.1 et les références citées), auxquels il peut être renvoyé.
Dans le domaine spécifique des infractions à la LStup, le Tribunal fédéral a, en outre, dégagé les principes suivants. Même si la quantité de la drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important. Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 al. 2 let. a LStup. Il en va de même lorsque plusieurs des circonstances aggravantes prévues à l'art. 19 al. 2 LStup sont réalisées. Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération. Si l'auteur sait que la drogue est particulièrement pure, sa culpabilité sera plus grande. En revanche, sa culpabilité sera moindre s'il sait que la drogue est diluée plus que normalement (ATF 122 IV 299 c. 2c). Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importera de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation. Un simple passeur sera ainsi moins coupable que celui qui joue un rôle décisif dans la mise sur pied des opérations et qui participe de manière importante au bénéfice illicite (ATF 121 IV 202 c. 2d). L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. Le délinquant qui traverse les frontières (qui sont surveillées) doit en effet déployer une énergie criminelle plus grande que celui qui transporte des drogues à l'intérieur du pays et qui limite son risque à une arrestation fortuite lors d'un contrôle. À cela s'ajoute que l'importation en Suisse de drogues a des répercussions plus graves que le seul transport à l'intérieur des frontières. Enfin, le nombre d'opérations constitue un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux. Celui qui écoule une fois un kilo d'héroïne sera en principe moins sévèrement puni que celui qui vend cent grammes à dix reprises.
Outre les éléments qui portent sur l'acte lui-même, le juge doit prendre en considération la situation personnelle du délinquant, à savoir sa vulnérabilité face à la peine, ses obligations familiales, sa situation professionnelle, les risques de récidive, etc. Les mobiles, c'est-à-dire les raisons qui ont poussé l'auteur à agir, ont aussi une influence sur la détermination de la peine. Il conviendra ainsi de distinguer le cas de l'auteur qui est lui-même toxicomane et qui agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (ATF 122 IV 299 c. 2b). Il faudra encore tenir compte des antécédents, qui comprennent aussi bien les condamnations antérieures que les circonstances de la vie passée. Enfin, le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d'élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (TF 6B_567/2012 du 18 décembre 2012 c. 3.2 et les références citées).
5.2
L’appelant s’est rendu coupable de blanchiment d’argent, d’infraction grave et de contravention à la LStup et d’infraction à la LEtr. Sa culpabilité est très lourde ; les actes reprochés sont objectivement graves et les infractions commises entrent en concours. De plus, le trafic de stupéfiants s’est révélé d’une grande ampleur et d’une efficacité certaine. Comme l’ont retenu à juste titre les premiers juges, l’appelant n’a pas simplement joué le rôle d’un petit revendeur. Au contraire, de grosses quantités de drogues destinées à la revente tant à Lausanne qu’à Genève lui ont été confiées. Il ressort également des écoutes téléphoniques qu’il était en contact régulier avec des individus qui vendaient de l’héroïne pour son compte, de même qu’il redirigeait certains de ses clients auprès de ses revendeurs. La quantité de drogue qui a été déterminée par les écoutes téléphoniques – qui ont duré un peu plus d’un jour – permet de révéler l’importance du trafic de stupéfiants auquel O._ s’adonnait. Au vu des quantités brutes d’héroïne et de cocaïne déterminées, le cas grave au sens de l’art. 19 al. 2 let. a LStup est réalisé. A cela s’ajoute le fait que seule l’arrestation de l’intéressé a permis de mettre fin à ses agissements illicites. Il convient encore de relever que sans source de revenu en Suisse, l’appelant s'est livré au trafic de stupéfiants de sorte que son mobile apparaît être l’appât du gain ; on ne saurait considérer au vu des quantités de drogues saisies que l’intéressé a agi afin de financer sa propre consommation. S’agissant de son comportement durant la procédure, on relèvera que l’appelant n’a que peu collaboré ; durant sa détention, il a fait l’objet de sanctions disciplinaires. S’il n’a pas d’inscription à son casier judiciaire, ce qui est un élément neutre, il est toutefois défavorablement connu des services de police (cf. rapport de la police du 12 mars 2013, p. 23), en particulier le fait qu’il avait été interpellé le 11 septembre 2012, à Meyrin, en compagnie d’un compatriote, le dénommé [...], lequel venait de se débarrasser de neuf sachets d’héroïne constituant un total de 45 grammes.
Dès lors, au regard de la gravité des actes commis, de la culpabilité et des éléments à charge, la peine privative de liberté de trois ans et demi prononcée par les premiers juges à l’encontre d’O._ ne prête pas le flanc à la critique et doit être confirmée.
6.
En définitive, l'appel d’O._ doit être rejeté, le jugement de première instance étant confirmé.
II. Appel de B._
7.
Invoquant la violation de 19 al. 2 let. a LStup et du principe
in dubio pro reo
, l’appelant conteste sa condamnation pour infraction grave à la LStup.
7.1
L’appelant relève en premier lieu qu’il n’existe aucune preuve de son implication dans le trafic de stupéfiants à Genève.
Au regard des constatations policières telles qu’elles ressortent du rapport de police du 12 mars 2013, l’implication de l’appelant dans le trafic à Genève doit être confirmée. Tant O._ que B._ destinaient à la revente la drogue qui se trouvait dans l’appartement genevois, malgré leurs dénégations. On relèvera qu’il ressort du dossier que l’appelant et O._ s’étaient rendus à Lausanne le 19 novembre 2012 et avaient loué l’appartement sis au chemin [...] (cf. P. 4 et P. 80/1). Durant les mesures et surveillances effectuées par la police, il est apparu que les deux individus agissaient de consort (cf. supra c. 4.2), de sorte qu’il ne fait aucun doute que les quantités de drogue retrouvées dans les appartements de Genève et de Lausanne concernaient aussi directement l’appelant. A cet égard, on rappellera que la drogue saisie à Genève et à Lausanne comporte un lien chimique identique, que B._ et O._ sont entrés dans l’appartement sis à l’avenue [...], à Genève, avant d’être filmés en train de vider la valise et de cacher son contenu dans l’appartement lausannois. De plus, l’intéressé a aussi été mis en cause par le témoin [...]. Par conséquent, ses déclarations selon lesquelles il ignorait l’existence de stupéfiants dans l’appartement genevois, alors qu’il y avait passé quelques nuits, ne sont pas crédibles, étant encore relevé que la drogue a été retrouvée à divers endroits du logement. C’est donc en vain que l’appelant allègue qu’il n’y a aucun lien entre lui et la drogue saisie dans l’appartement de Genève.
Mal fondé, le grief doit être rejeté.
7.2
L’appelant soutient ensuite que les faits retenus à Lausanne ne sauraient être qualifiés de graves, faute d’intention de sa part de vendre les stupéfiants en cause.
Selon les pièces au dossier, entre autres le rapport précité du 12 mars 2013, il ne fait pas non plus de doute que l’appelant avait bel et bien la conscience et la volonté de participer à ce trafic de stupéfiants. On soulignera en particulier qu’il était au courant que la valise, qu’il avait d’ailleurs manipulée lors de son arrivée à Lausanne, contenait de la drogue.
8.
Invoquant une violation de l’art. 305bis CP et du principe
in dubio pro reo
, l’appelant conteste sa condamnation pour blanchiment d’argent. Il soutient, en bref, qu’il n’existe aucun élément permettant d’établir que les sommes d’argent transférées provenaient d’un crime.
8.1
Se rend coupable de blanchiment d’argent celui qui aura commis un acte propre à entraver l’identification de l’origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il savait ou devait présumer qu’elles provenaient d’un crime. Le délinquant est aussi punissable dans l’Etat où elle a été commise (art. 305bis ch. 3 CP).
8.2
Les premiers juges ont retenu qu’à Genève, entre le 27 mars 2012 et le 13 novembre 2012, l’appelant avait envoyé à l’étranger 2'643 fr. 80 et 200 euros provenant de son trafic de drogue. Toutefois, il résulte des pièces au dossier que la somme de 1'143 fr. 80 a été envoyée par sa belle-soeur [...] à l’appelant, de sorte que ce dernier n’était en réalité pas l’expéditeur de cet argent.
Reste par conséquent le montant envoyé le 10 août 2012 par 1'500 fr. et les 200 euros expédiés également en Albanie le 13 novembre 2012. S’agissant de ces deux montants, on doit admettre qu’ils proviennent bel et bien du trafic de stupéfiants reproché à l’appelant, ce dernier n’ayant eu aucune activité lucrative licite en Suisse depuis son arrivée, ni donc obtenu d’autre revenu que celui issu de la vente de la drogue. Ses déclarations selon lesquelles il aurait gagné cet argent sur des chantiers ne sont pas crédibles.
Dès lors, la condamnation de B._ pour blanchiment d’argent ne porte pas le flanc à la critique, la somme blanchie étant toutefois moindre par rapport à celle retenue dans le jugement de première instance. Cet élément n’a cependant aucune incidence sur la quotité de la peine au regard de la culpabilité de l’intéressé.
9.
L’appelant conteste la quotité de la peine infligée et invoque une inégalité de traitement avec son co-prévenu.
La culpabilité de l’appelant aussi lourde que celle d’O._. Les infractions en cause entrent en concours. Certes la quantité de drogues trafiquée par l’appelant est un peu moins importante. C’est toutefois à juste titre que les premiers juges ont retenu que cet élément était contrebalancé par l’antécédent judicaire de l’intéressé en Allemagne, étant rappelé qu’il concernait également des infractions en matière de stupéfiants, ce qui pèse dans l’appréciation de la culpabilité. Pour le reste, les deux acolytes ont agi ensemble tant à Genève qu’à Lausanne en vue d’un trafic de stupéfiants d’une grande ampleur et d’une certaine intensité. Le rôle de l’appelant dans le trafic ne saurait être considéré comme mineur. Le grief d’inégalité de traitement doit par conséquent être rejeté. En outre, on retiendra à charge que l’appelant n’est pas un consommateur de stupéfiants, que, durant la procédure, il a peu collaboré et qu’il s’est échappé de prison, alors qu’il était en exécution anticipée de peine.
Compte tenu de la gravité des actes commis, de la culpabilité et des éléments à charge, la peine privative de liberté de trois ans et demi prononcée par les premiers juges à l’encontre de B._ ne prête pas le flanc à la critique et doit être confirmée.
10.
En définitive, l'appel de B._ doit être rejeté, le jugement de première instance étant confirmé.
11.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel communs, constitués de l’émolument, par 2'680 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), sont mis par moitié à la charge d’O._, en sus de l’indemnité allouée à son défenseur d’office, et, par moitié à la charge de B._, en sus des indemnités allouées à ses défenseurs d’office.
Sur la base de la liste des opérations produite (cf. P. 147), une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 2'041 fr. 20, TVA et débours compris, est allouée à Me Charles Munoz. L’indemnité allouée Me François Magnin sur la base de son relevé (cf. P. 146) est de 1’501 fr. 20 TVA et débours compris. Il est également alloué une indemnité de 955 fr. 80, TVA et débours compris, à Me Eric Reynaud pour l’écriture de recours.
Enfin, les appelants ne seront tenus de rembourser à l’Etat les indemnités
en faveur de leurs défenseurs d’office
que lorsque leur situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5605bb97-f39c-451a-aa59-b2c269a1967e | En fait :
A.
Par jugement du 28 mars 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté qu’B._ s’est rendu coupable d’infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants et d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 15 mois, sous déduction de 198 jours de détention avant jugement (II), a ordonné la révocation du sursis octroyé par le Tribunal de police de Genève en date du 17 janvier 2013 et l’exécution du solde de la peine suspendue (III), a ordonné le maintien en détention préventive d’B._ pour garantir l’exécution de la peine privative de liberté (IV), a fixé l’indemnité du défenseur d’office d’B._ à 6'377 fr. 30, débours, vacation et TVA compris (V), a ordonné la confiscation et le maintien au dossier à titre de pièce à conviction des objets séquestrés sous fiche n° 56194 (VI), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièce à conviction du CD rétroactif du n° [...] enregistré sous fiche n° 56195 (VII), a ordonné la confiscation et la dévolution à l’Etat des montants de 231 fr. 30 séquestrés sous fiche n° 56260, 143 fr. 80 séquestrés sous fiche n° 56259 et 206 fr. 20 séquestrés sous fiche n° 56256 (VIII) et a mis les frais par 12'356 fr. 80 à la charge d’B._, étant précisé qu’il ne devra rembourser l’indemnité de son défenseur d’office fixée sous chiffre V ci-dessus que si sa situation économique le permet (IX).
B.
B._ a annoncé faire appel de ce jugement le 3 avril 2014. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 29 avril 2014, concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté de douze mois, avec sursis pendant cinq ans, et qu’il est renoncé à la révocation du sursis accordé le 17 janvier 2013 par le Tribunal de police de Genève, le délai d’épreuve assortissant la peine étant porté à cinq ans. Sans prendre de conclusion formelle à cet égard, il a en outre dit contester le jugement entrepris en tant qu’il «ordonne le maintien en détention préventive d’B._ pour garantir l’exécution de la peine privative de liberté».
A l’audience d’appel, le Ministère public a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu B._, ressortissant albanais sans permis de séjour en Suisse, est né en 1990. Il a été élevé dans son pays d’origine par ses parents. Il n’a pas accompli de formation professionnelle à l’issue de sa scolarité. Il est venu en Suisse en 2011 dans l’espoir d’y travailler, mais n’est resté qu’une dizaine de jours. Il est revenu en octobre 2012 mais a été rapidement arrêté pour trafic d’héroïne; à sa sortie de prison, après 52 jours de détention provisoire, il a quitté notre pays. Il y est revenu en mai 2013. Il est détenu pour les besoins de la présente cause depuis le 12 septembre 2013.
Son casier judiciaire suisse comporte une inscription, relative à une condamnation à une peine d’un an de privation de liberté, avec sursis pendant trois ans, prononcée le 17 janvier 2013 par Tribunal de police de Genève, pour infraction grave à la LStup.
1.2 De mai 2013 à son arrestation, le prévenu a séjourné en Suisse. Après l’échéance du délai de trois mois autorisé pour les touristes, il est resté dans notre pays sans (même chercher à obtenir) une autorisation de séjour lui permettant de rester au-delà. Il a aussi oeuvré durant un mois (mai 2013) sur un chantier, alors qu’il n’avait pas de permis de travail.
1.3 De juin 2013 à son arrestation, le prévenu s’est livré au trafic d’héroïne dans la région lausannoise. Quant à l’ampleur de ce trafic, les éléments à retenir sont les suivants :
Le prévenu a livré personnellement 15 grammes à [...].
Il a pris par téléphone des commandes pour au moins 25 grammes, marchandise qui a été livrée par des tiers. Ces commandes émanaient d’ [...], [...] et [...].
Il a confié 13 « fingers » de 5 grammes chacun à [...], pour qu’il les écoule. Celui-ci, lorsqu’il a été interpellé, en avait encore trois en sa possession.
Il a remis deux « fingers » de 4,4 et 4,5 grammes respectivement à son frère, pour qu’il les écoule. Celui-ci a vendu le premier à un policier et a été arrêté en possession du second.
Les « fingers » saisis ont été analysés; les taux de pureté étaient compris entre 11,2 et 12,5 %. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
Le prévenu soutient que son trafic n’a porté que sur 25 grammes : 15 grammes livrés lui-même à [...], en une seule fois, et 10 grammes remis à son frère. Il conteste tout le reste. Il soutient en particulier que les commandes qu’il a prises par téléphone, activité qu’il admet dans son principe, se confondent avec les quantités précitées.
La remise de 13 « fingers » à [...] est établie par les déclarations de ce dernier, qui, ce faisant, se met lui-même en cause comme trafiquant, et est donc crédible.
L’acte d’accusation (et le jugement de première instance) reproche(nt) au prévenu d’avoir pris des commandes pour 60 grammes d’héroïne supplémentaires, drogue finalement livrée par d’autres revendeurs. Vu les dénégations partielles de l’appelant, la question à trancher est celle de savoir si les commandes prises par le prévenu pour des tiers pourraient se confondre avec la drogue remise à [...] et à son frère.
La réponse est nuancée.
Les commandes prises par le prévenu mais livrées par des tiers ont été passées à deux numéros différents par la même clientèle. Le premier ( [...]) a été actif du 25 juin 2013 au 19 août 2013; la carte SIM correspondante a été insérée le 14 août 2013 dans un appareil retrouvé en mains du prévenu au moment de son arrestation. Le deuxième ( [...]) a été actif du 4 mai 2013 au 18 août 2013; la carte SIM correspondante n’a pas été retrouvée, mais il est établi qu’elle a été insérée le 12 mai 2013 dans le même boîtier. On peut donc raisonnablement considérer que le prévenu est lié aux commandes passées à ces deux numéros (cf. rapport de police, P. 24).
En première instance, le prévenu a admis avoir pris des commandes que des tiers ont livrées, ajoutant avoir « servi de centrale téléphonique » (jugement, p. 3). Vu la formule utilisée, cet aveu ne peut pas s’appliquer à son frère uniquement. D’ailleurs, le frère du prévenu a été interpellé le 11 septembre 2013 en possession du « finger » de 4,5 grammes d’héroïne livré par le prévenu. Ce denier venait de vendre celui de 4,4 grammes à un policier en civil. Toutefois, depuis le 3 septembre 2013, il avait eu 186 contacts avec le raccordement [...] utilisé par le prévenu. Au vu de contacts nombreux, la prise de commande par le prévenu pour des tiers ne peut donc pas s’être limitée aux 8,9 grammes d’héroïne remis à son frère et saisis.
Enfin, on constate qu’il y avait aussi de la drogue livrée par un dénommé [...]. Ainsi :
- [...] (PV aud. 5) a commandé 10 grammes d’héroïne au [...], soit au prévenu, qui ont été livrés par [...];
- [...] (PV aud. 10) a commandé au minimum 35 grammes d’héroïne aux numéros [...] et [...] (qui peut également être lié au prévenu pour les motifs déjà exposés). Elle a reconnu [...] et [...] et « peut-être » le prévenu aussi. Il y a lieu d’en déduire qu’elle a été plus souvent livrée par les deux premiers. On peut raisonnablement admettre, au bénéfice du doute, que sur les 35 grammes commandés à des numéros attribués au demandeur, 5 grammes au moins n’ont pas été livrés par [...] mais par [...] ou par le prévenu lui-même et doivent donc être ajoutés aux quantités admises par le prévenu et à celles résultant de la mise en cause de [...].
- [...] (P. 24) a commandé 10 grammes d’héroïne au [...] en juillet 2013. Il a été livré par un inconnu qui n’était pas [...]. Vu la date, il ne pouvait s’agir du frère du prévenu, arrivé en Suisse au début septembre 2013 seulement. Tenir pour avéré qu’il s’agissant du prévenu impliquerait de retenir en fait que ses livraisons directes ont dépassé les 15 grammes d’héroïne remis à [...], et les « fingers » livrés à son frère, seules vente qui sont avouées par le prévenu. Or, il est établi que le prévenu a disposé du raccordement en question du 25 juin 2013 au 19 août 2013, la carte SIM correspondante ayant été insérée le 14 août 2013 dans un appareil retrouvé en ses mains au moment de son arrestation; le dossier ne comporte aucun élément permettant de tenir pour avéré qu’un autre trafiquant aurait disposé du même numéro en juillet 2013. La commande passée par [...] doit donc être retenue à raison de 10 grammes.
Pour le reste, [...] (p. 24; PV aud. 12) a aussi commandé 5 grammes d’héroïne aux numéros [...] et [...] ou [...] en juillet 2013; ce n’est pas [...] qui l’a livré, mais il a déclaré ne reconnaître personne sur la planche photo, s’agissant notamment de l’appelant. Le troisième numéro mentionné n’ayant pas été identifié, on ne peut, au bénéfice du doute, pas retenir cette quantité, faute de certitude qu’elle a été commandée au prévenu.
La quantité totale d’héroïne écoulée par l’appelant s’établit donc comme il suit : 15 grammes (livrés à [...]) + 8,9 grammes (livrés au frère du prévenu) + 65 grammes (livrés à [...]) + 10 grammes (livrés à [...]) + 5 grammes (livrés à [...]) + 10 grammes (livrés à [...]) = 113,9 grammes soit 12,75 grammes de drogue pure au taux le plus favorable de 11,2 %.
4.
L’appel tend à l’octroi d’un sursis et à la non-révocation du précédent sursis, accordé le 17 janvier 2013 par le juge genevois.
4.1.1
L'art. 42 al. 1 CP, applicable en matière d’infractions à la LStup en vertu du renvoi de l’art. 26 de cette dernière loi, prévoit que le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Il découle de l’art. 42 al. 2 CP que le sursis total est exclu sauf circonstances particulièrement favorables si, durant les cinq ans qui ont précédé l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté de six mois au moins.
Ainsi, en cas de récidive au sens de l'art. 42 al. 2 CP, seules deux hypothèses sont envisageables : soit les circonstances sont particulièrement favorables et le sursis total doit être accordé à l'auteur; soit les circonstances sont mitigées ou défavorables et le sursis, respectivement partiel ou total, est alors exclu (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009, c. 3.1.3, non publié aux ATF 135 IV 152).
4.1.2
Lorsque le juge est appelé à connaître d'un crime ou d'un délit que l'auteur a commis après une précédente condamnation à une peine assortie du sursis, il est également compétent pour statuer sur la révocation de ce dernier (cf. art. 46 al. 3 CP). Il doit donc examiner si les conditions d'une révocation sont réunies, laquelle postule que le crime ou le délit dont il est appelé à connaître ait été commis pendant le délai d'épreuve du sursis antérieur et qu'il y ait dès lors lieu de prévoir que l'auteur commettra de nouvelles infractions (cf. art. 46 al. 1 CP). Cette dernière condition implique l'existence d'un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné (ATF 134 IV 140 c. 4.3 p. 143).
4.2
Le prévenu a commis une récidive spéciale, dans le délai d’épreuve de la condamnation du 17 janvier 2013 à un an de privation de liberté. On se trouve donc dans le champ d’application de l’art. 42 al. 2 CP, ce qu implique que le pronostic est présumé défavorable et qu’il faut des circonstances particulièrement favorables pour accorder un sursis. Le prévenu, s’il affirme avoir « réfléchi », n’a pour autant jamais émis de regrets, même de pure forme, sous réserve d’excuses exprimées à la fin de l’audience d’appel, pour ses actes, disant seulement s’en vouloir d’y avoir impliqué son frère. Il dit avoir été obligé de se livrer au trafic parce qu’il ne pouvait pas travailler en Suisse. Ce n’était pourtant pas son premier passage dans notre pays. Il savait qu’il se trouverait dans cette situation, puisqu’il dit n’avoir rien entrepris pour demander un permis de séjour ou de travail, parce qu’il savait qu’il ne l’obtiendrait pas (jugement, p. 3). Ses prétendus projets d’avenir – retourner en Albanie pour y travailler –, alors qu’il relève par ailleurs qu’il n’y a pas beaucoup de travail là-bas (jugement, p. 4) et qu’il n’a pas de formation professionnelle, sont vagues et peu crédibles. Les circonstances n’étant pas même mitigées, mais bien défavorables, il n’y a ainsi pas de circonstances particulièrement favorables à teneur de la loi. La peine doit donc être ferme. Quant à la révocation du sursis, elle s’impose sous l’angle de la prévention spéciale en vertu de l’art. 46 al. 1 CP en présence d’un pronostic défavorable, dès lors que la récidive spéciale durant le délai d’épreuve et l’attitude de l’auteur permettent de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions.
5.
5.1
Contestant ensuite l’appréciation de sa culpabilité par les premiers juges, l’appelant conclut également au prononcé d’une peine privative de liberté d’une quotité ne dépassant pas un an.
5.2
Selon l'art. 47 CP, également applicable en matière d’infractions à la LStup en vertu du renvoi de l’art. 26 de cette dernière loi, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1 et les références citées; TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1).
S'agissant en particulier du trafic d’héroïne, il y a cas grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup à partir de 12 grammes d’héroïne (ATF 109 IV 143, JT 1984 IV 84, dont les principes n'ont pas été affectés par le changement de jurisprudence consacré par l'ATF 117 IV 314).
5.3
Si les faits n’étaient pas tous admis en première instance, l’appel ne porte pas sur leur qualification juridique. En d’autres termes, la condamnation pour infraction grave à la LStup n’est pas contestée. Un an est le minimum prévu par l’art. 19 ch. 2 Lstup. En l’espèce, la quantité d’héroïne écoulée dépasse – même si c’est de peu – le seuil de 12 grammes justifiant l’application de cette disposition et le prévenu est en état de récidive spéciale dans le délai d’épreuve; il y a concours du cas grave avec une infraction à la LEtr; l’appelant est revenu en Suisse pour y séjourner illégalement dans le dessein de se livrer au trafic, rapidement entrepris. On ne discerne aucun élément à décharge. Cela étant, comme déjà relevé, c’est à tort que le tribunal correctionnel a retenu une quantité totale de 148,9 grammes bruts d’héroïne, soit 16,67 grammes de drogue pure. La quantité inférieure devant être retenue, soit 113,9 grammes bruts représentant 12,75 grammes d’héroïne pure, commande une réduction de peine, même s’il ne s’agit pas du seul – ni même du principal – facteur à retenir dans l’appréciation de la culpabilité. Compte tenu de ce qui précède, la peine de 18 mois prononcée par les premiers juges est quelque peu excessive au regard de la culpabilité de l’appelant telle qu’elle découle de la quantité de drogue écoulée. Tout bien pesé, c’est une peine d’une quotité de 15 mois qui doit être prononcée. L’appel doit être partiellement admis dans cette mesure.
5.4
Le maintien en détention de l’appelant à titre de sûreté doit être ordonné conformément aux art. 220 al. 2 et 221 al. 1 let. a CPP, le risque de fuite présenté par le prévenu, sans attaches avec la Suisse, étant manifeste.
6.
Vu l'issue de l’appel, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à par deux tiers la charge du prévenu, qui succombe dans une large mesure (art. 428 al. 1, 1
re
phrase, CPP).
Outre l'émolument, les frais d’appel comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office du prévenu, pour les opérations liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFIP).
L'indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu doit être fixée en tenant compte d'une durée d'activité utile de six heures et 25 minutes d’avocat breveté, au tarif horaire de 180 fr., augmentée de la durée de l’audience d’appel, d’une heure, soit sept heures et demie, plus deux unités de débours à 120 fr. au titre de frais de vacation et 50 fr. d’autres débours, TVA en sus (art. 135 al. 1 CPP), à 1’771 fr. 20.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat les deux tiers de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).
La Cour d’appel pénale,
appliquant les articles 40, 46 al. 1. 47, 49, 50, 51, 69 CP;
19 al. 1 let. c, d et grammes et al. 2 let. a LStup;
115 al. 1 let. b et c LEtr;
398 ss CPP,
prononce :
I.
L’appel est partiellement admis.
II.
Le jugement rendu le 28 mars 2014 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne est modifié au chiffre II de son dispositif, qui est désormais le suivant :
"
I. Constate que B._ s’est rendu coupable d’infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants et d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers;
II. condamne B._ à une peine privative de liberté de 15 (quinze) mois sous déduction de 198 (cent nonante-huit) jours de détention avant jugement;
III. ordonne la révocation du sursis octroyé par le Tribunal de police de Genève en date du 17 janvier 2013 et l’exécution du solde de la peine suspendue;
IV. ordonne le maintien en détention préventive d’B._ pour garantir l’exécution de la peine privative de liberté;
V. fixe l’indemnité du défenseur d’office d’B._ à 6'377 fr. 30, débours, vacation et TVA compris;
VI. ordonne la confiscation et le maintien au dossier à titre de pièce à conviction des objets séquestrés sous fiche n° 56194;
VII. ordonne le maintien au dossier à titre de pièce à conviction du CD rétroactif du n° 076/767 69 84 enregistré sous fiche n° 56195;
VIII. ordonne la confiscation et la dévolution à l’Etat des montants de 231 fr. 30. séquestrés sous fiche n° 56260, 143 fr. 80. séquestrés sous fiche n° 56259 et 206 fr. 20. séquestrés sous fiche n° 56256;
IX. met les frais par 12'356 fr. 80 à la charge d’B._, étant précisé qu’il ne devra rembourser l’indemnité de son défenseur d’office fixée sous chiffre V ci-dessus que si sa situation économique le permet".
III.
La détention subie depuis le jugement de première instance est déduite.
IV.
Le maintien en détention d’B._ à titre de sûreté est ordonné.
V.
Une indemnité de défenseur d’office pour la procédure d’appel d’un montant de 1'771 fr. 20 (mille sept cent septante et un francs et vingt centimes) est allouée à Me Martine Dang.
VI.
Les frais d’appel, 3'681 fr. 20 (trois mille six cent huitante et un francs et vingt centimes), y compris l’indemnité allouée sous chiffre V ci-dessus, sont mis par deux tiers, soit 2'454 fr. 15 (deux mille quatre cent cinquante quatre francs et quinze centimes), à la charge d’B._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
VII.
B._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat les deux tiers de l’indemnité allouée sous chiffre V ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
56190dfd-cd3d-4e6f-9c4e-75bebc32c6b0 | En fait :
A.
Par jugement du 12 février 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré X._ du chef d’accusation de violation des devoirs en cas d’accident (I), l’a condamné pour mise en danger de la vie d’autrui, violation des règles de la circulation routière, violation grave qualifiée des règles de la circulation routière, conduite d’un véhicule sans permis de conduire, conduite d’un véhicule en état d’incapacité, contravention et infraction grave à la Loi fédérale sur les stupéfiants et infraction à la Loi fédérale sur les armes à une peine privative de liberté de 35 (trente-cinq) mois, sous déduction de 90 (nonante) jours de détention avant jugement, avec sursis partiel, la peine à exécuter étant de 11 (onze) mois, le solde de 24 (vingt-quatre) mois étant assorti du sursis avec délai d’épreuve de 5 (cinq) ans et à une amende de 1'000 fr. (mille francs), la peine de substitution en cas de non paiement fautif de l’amende étant de 20 (vingt) jours (II), a ordonné que 8 (huit) jours de détention soient déduits de la peine fixée au chiffre II ci-dessus, à titre de réparation du tort moral pour détention dans des conditions illicites (III), a dit que X._ devrait se soumettre à un contrôle d’abstinence de produits stupéfiants au titre de règle de conduite durant le délai d’épreuve fixé au chiffre II ci-dessus (IV), a révoqué le sursis octroyé à X._ par la présidente du Tribunal des mineurs le 31 octobre 2012 et a ordonné
l’exécution de la peine privative de liberté d’un mois (V), a ordonné la confiscation et la dévolution à l’Etat de la somme de 890 fr. séquestrée sous fiche n° 1614, la confiscation et la destruction des objets et de la drogue séquestrés sous fiche n° 1614, ainsi que du véhicule accidenté de marque Alfa Romeo, n° de châssis [...] (VI), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièce à conviction du CD enregistré sous fiche n°1615 (VII), a arrêté l’indemnité de défenseur d’office de Me Fabien Mingard à 6'496 fr. 30, dont 3'100 fr. d’avance reçue (VIII), a mis les frais de la cause par 13'882 fr. 30 à la charge de X._, étant précisé que l’indemnité prévue sous chiffre VIII ci-dessus ne sera exigible au remboursement que pour autant que la situation financière de X._ le permette (IX), et a rejeté toute autre ou plus ample conclusion (X).
B.
Par annonce du 13 février 2015, puis par déclaration motivée du
17 mars 2015, X._ a interjeté appel contre ce jugement, concluant à sa réforme en ce sens qu’il est également libéré du chef d’accusation de mise en danger de la vie d’autrui, que la peine, tant globale que la partie à exécuter, est réduite à dire de justice, que la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l’amende est de dix jours et que l’Etat de Vaud est son débiteur d’un montant de 1'600 fr., valeur échue.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
X._
est le né le [...] 1993. Ses parents se sont séparés alors qu’il était âgé de trois ans et demi. Par la suite, il n’a eu que peu de contacts avec son père. Il a renoué avec ce dernier en été 2012, mais celui-ci est décédé d’un cancer en octobre 2012. Le prévenu a vécu avec sa mère jusqu’en septembre 2013. Il garde des contacts réguliers avec celle-ci depuis qu’il a repris une vie active dans le courant de l’année 2014. X._ n’a pas obtenu de certificat de fin d’études. Il a quitté l’école alors qu’il était en neuvième année VSB. A cette époque, il avait perdu la motivation et souhaitait entrer dans la vie active. Il avait trouvé une place d’apprentissage de menuisier, apprentissage qu’il a cependant interrompu après deux ans et demi, soit à l’époque des faits qui seront examinés ci-dessous.
Dans le cadre de la présente cause, X._ a été détenu avant jugement du 1
er
septembre au 29 novembre 2013, soit durant 90 jours. Par ordonnance en constatation des conditions de détention provisoire du 11 décembre 2013, le Tribunal des mesures de contrainte a constaté que les conditions dans lesquelles se sont déroulés 16 jours de la détention provisoire de X._ n’étaient pas conformes au cadre légal.
Après sa mise en liberté provisoire, X._ a retrouvé un emploi, en qualité d’aide menuisier, depuis le mois de mai 2014. Son employeur est prêt à lui permettre de terminer sa formation professionnelle, par la voie de l’apprentissage ou d’une formation en cours d’emploi. Actuellement, X._ réalise un salaire de l’ordre de 4'000 fr. brut par mois, auquel s’ajoute fréquemment une rémunération pour heures supplémentaires. Son loyer s’élève à 1'200 fr. et sa prime d’assurance maladie à 372 francs. Le prévenu n’a pas de dettes, ni de personne à charge. Il s’est marié le 2 avril 2015.
1.2
Le casier judiciaire suisse de X._ comporte l’inscription suivante :
- 31.10.2012, Tribunal des mineurs Lausanne : vol, tentative de vol, vol en bande, tentative de vol en bande, dommages à la propriété, violation de domicile, vol d’usage d’un véhicule automobile, un mois de privation de liberté, avec sursis pendant 2 ans.
2.
2.1
A La Croix-sur-Lutry, route des Monts-de-Lavaux, le 1
er
septembre 2013, vers 03h00, X._ a circulé au volant de sa voiture [...] immatriculée VD [...]. Il n’a pas obtempéré aux injonctions d’arrêt d’un agent de police dans le cadre d’un contrôle de circulation et a pris la fuite en contournant le contrôle par la gauche. Un signalement du véhicule a alors été diffusé sur les ondes.
Peu après, une patrouille de la police de l’Est lausannois a repéré la voiture conduite par X._ à la hauteur de la route du Simplon à Paudex. Malgré des ordres clairs d’arrêt des policiers, ce dernier a poursuivi sa route. Peu après, le prévenu a failli percuter une deuxième voiture de police qui barrait l’avenue de Lavaux, à la hauteur de l’avenue des Roches, afin de l’arrêter. Une course-poursuite a alors été entamée sur l’avenue de Lavaux.
A la hauteur du giratoire de la Perraudettaz, le prévenu a bifurqué sur le chemin du Liaudoz, empruntant le giratoire à contresens et poursuivant sur le chemin du Levant. X._ a ensuite emprunté le chemin de la Vuachère et a franchi un deuxième giratoire (Vuachère-Pavillard) à contresens pour déboucher sur le chemin Jean Pavillard. Un troisième giratoire a alors été négocié à contresens, entre le chemin Jean Pavillard et le chemin de la Rosiaz. Arrivé sur le boulevard de la Forêt, le prévenu a poursuivi sa route, puis emprunté la route de la Chenaule et la route d’Oron. Il s’est finalement engagé sur la route de Berne, direction Moudon. Sur cette route, le prévenu n’a notamment pas respecté un signal « Obstacle à contourner par la droite ». A la hauteur de Montpreveyres, la patrouille de police a été distancée, alors qu’elle circulait à une allure comprise entre 180 et 200 km/h sur une route limitée à 80 km/h.
Tout au long du trajet urbain, le prévenu n’a pas respecté de nombreux panneaux « Stop » et « Cédez le passage » et a circulé à une allure nettement supérieure aux 50 km/h prescrits, la police constatant notamment des pointes de vitesse à 100 km/h.
2.2
La même nuit, vers 03h55, la voiture conduite par X._ a été repérée sur l’avenue de Beaulieu. Constatant qu’il était pris en chasse sur le pont de Chauderon, le prévenu a franchi sans s’arrêter le feu rouge marquant l’extrémité sud de cet ouvrage et s’est engagé sur la gauche sur l’avenue Jules Gonin. Il a ensuite accéléré jusqu’à une vitesse de l’ordre de 180 km/h et, franchissant encore deux feux rouges et effectuant des dépassements téméraires et forçant d’autres usagers de la route à effectuer des manœuvres d’évitement d’urgence, il a débouché sans ralentir sur la place Saint-François. X._ a poursuivi sa course sur l’avenue Benjamin Constant où il s’est trouvé nez à nez avec une voiture de police qui s’est mise en travers de la chaussée de manière à lui bloquer le passage à la hauteur de l’hôtel de la Paix. Une tentative d’évitement et un début de freinage in extremis n’ont pas empêché le prévenu de percuter violemment ce véhicule.
X._ a alors pris la fuite à pied sans se soucier du sort des occupants du véhicule de police. Il a été rattrapé sur la terrasse du Café du Théâtre et s’est encore débattu, tentant de prendre la fuite.
2.3
Lors de ces faits, X._, qui n’a jamais été titulaire d’un permis de conduire de la catégorie B, présentait à 04h22 un taux d’alcoolémie minimal de 0,37 ‰ et se trouvait simultanément sous l’influence de produits stupéfiants (voir P. 8 et 9), ayant consommé deux joints de marijuana durant la soirée.
2.4
A Lausanne, sur une période de deux ans comprise entre septembre 2011 et septembre 2013, X._ a acquis quelque 6 kilos de marijuana. Sur cette quantité, il a consommé 1,4 kilo à raison de 5 à 15 joints de 0,4 gramme par jour, drogue payée entre 10 fr. et 11 fr. le gramme.
Pour financer sa consommation, sa paye d’apprenti étant limitée, le prévenu s’est livré à un trafic de stupéfiants, revendant quelque 4,5 kilos de marijuana à une vingtaine de clients réguliers, répertoriés dans un carnet saisi lors de la perquisition de son domicile. Il se fournissait à 10 fr. le gramme, qu’il revendait à 13 fr. 90. Un chiffre d’affaire de 62'550 fr. et un bénéfice de 17'550 fr. ont été ainsi réalisés.
Lors de l’interpellation de X._ le 1
er
septembre 2013, un contrôle effectué dans sa voiture a permis d’y découvrir 105 grammes de marijuana répartis en trois sachets, la somme de 540 fr., une balance électronique et un broyeur à cannabis. Peu après, une perquisition effectuée à son domicile, chemin [...], a amené la découverte et la saisie de 217,9 grammes de marijuana, ainsi qu’un broyeur à feuilles, une balance, un agenda avec différents calculs et des sachets mini grip.
Au total, X._ était alors en possession de 322,9 grammes de marijuana
,
stupéfiants destinés tant à la revente qu’à sa consommation personnelle.
2.5
Lors de l’interpellation de X._ le 1
er
septembre 2013, il a été découvert un grand spray d’autodéfense de 500 ml contenant du chlorobenzylidène-malononitrile (dit CS) que X._ utilisait pour « sécuriser » ses transactions de stupéfiants. Il ne disposait pas des autorisations nécessaires pour posséder un tel spray.
2.6
A Belmont-sur-Lausanne, au chemin de Chauffe, le 6 février 2014 vers 16h40, lors d’un contrôle de police, X._ a été interpellé alors qu’il conduisait derechef un véhicule toujours sans être au bénéfice d’un permis de conduire. De plus, il était alors porteur de 20,8 grammes de marijuana et a déclaré continuer à en consommer à raison de 4 à 5 joints par jour pour un investissement mensuel de 600 francs. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté par le prévenu dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2
e
éd., Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP ;
TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L’appelant conclut tout d’abord à sa libération du chef de prévention de mise en danger de la vie d’autrui (art. 129 CP), au motif que cette infraction serait englobée par la violation grave qualifiée des règles de la circulation routière (art. 90 al. 3 LCR) qui a également été retenue à sa charge.
3.1
Selon l’art. 129 CP, celui qui, sans scrupules, aura mis autrui en danger de mort imminent sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire. La réalisation de cette infraction implique la réunion de conditions objectives, à savoir la création d’un danger de mort imminent, et, au-delà de l’intention, d’une condition subjective particulière, soit l’absence de scrupules.
Le danger de mort imminent, élément constitutif de l’art. 129 CP, suppose d’abord un danger apparaissant comme très possible ou vraisemblable (ATF 134 IV 8). Le danger doit être concret, c’est-à-dire qu’il faut un état de fait dans lequel existe, d’après le cours ordinaire des choses, la probabilité ou un certain degré de possibilité que le bien juridique protégé soit lésé, sans toutefois qu’un degré de probabilité supérieur à 50 % soit exigé (Corboz, Les infractions en droit suisse, 3
e
édition, Berne 2010, n. 11 ad art. 129 CP ; ATF 121 IV 67, TF 6S.322/2005 du
30 septembre 2005).
La mise en danger de la vie d’autrui n’est punissable que si elle est intentionnelle. L’auteur doit avoir conscience du danger de mort imminent pour autrui et adopter volontairement un comportement qui le crée. L’auteur doit vouloir mettre autrui en danger de mort imminent, sans vouloir, toutefois, la réalisation du risque, sous peine de se voir condamner pour meurtre. La volonté de créer un danger de mort imminent se situe donc entre le dol éventuel de l’homicide intentionnel et la simple négligence consciente. Il y a homicide ou tentative d’homicide intentionnel si l’auteur veut la mort de la victime ou accepte cette éventualité ; il y a homicide par négligence s’il adopte un comportement dangereux, qu’il ait ou non perçu le risque, mais en comptant bien, par légèreté, que le risque ne se réalisera pas. Dans le cas de la mise en danger de la vie d’autrui, l’auteur, sans accepter l’éventualité du décès, veut créer un risque de mort (Corboz, op. cit., n. 26 ad art. 129 CP; ATF 133 IV 8).
L’auteur doit en outre créer le danger sans scrupules. On désigne par là un comportement dont le caractère répréhensible doit apparaître comme marqué. L’acte doit revêtir une gravité qualifiée, dénoter une absence particulière d’inhibition face au fait de mettre en danger la vie d’autrui et un manque criant d’égards face à l’existence de tiers (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 14 ad art. 129 CP). Plus le danger connu de l’auteur est grand et moins ses mobiles méritent attention, plus l’absence de scrupules apparaît comme évidente (Corboz, op. cit., n. 28 ad art. 129 CP ; TF 65.128/2003 du 13 août 2003 c. 4.1.2 ; ATF 114 IV 103 c. 2a). L’absence de scrupules doit être admise dans tous les cas où la mise en danger de mort d’autrui intervient pour un motif futile ou apparaît clairement disproportionnée, de sorte qu’elle dénote un profond mépris de la vie d’autrui (Corboz, op. cit., n. 32 ad art. 129 CP).
Aux termes de l’art. 90 LCR, celui qui viole les règles de la circulation prévues par la présente loi ou par les dispositions d’exécution émanant du Conseil fédéral est puni de l’amende (al. 1) ; celui qui, par une violation grave d’une règle de la circulation, crée un sérieux danger pour la sécurité d’autrui ou en prend le risque est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 2) ; celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d’accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules automobiles est puni d’une peine privative de libellé d’un à quatre ans (al. 3) ; l’al. 3 est toujours applicable lorsque la vitesse maximale autorisée a été dépassée:
a. d’au moins 40 kmlh, là où la limite était fixée à 30 km/h;
b. d’au moins 50 km/h, là où la limite était fixée à 50 km/h;
c. d’au moins 60 km/h, là où la limite était fixée à 80 km/h;
d. d’au moins 80 km/h, là où la limite était fixée à plus de 80 km/h (al. 4).
Selon le message du Conseil fédéral, les excès de vitesse particulièrement importants doivent être systématiquement considérés comme une infraction pénale qualifiée afin que la définition d’un chauffard et la peine à prononcer en conséquence ne soient pas laissées à la seule appréciation des juges (Message du Conseil fédéral, FF 2012 p. 5066). Ainsi, la loi prévoit désormais une présomption légale irréfragable selon laquelle l’al. 3 est toujours réalisé lorsque les seuils fixés à l’al. 4 sont atteints, partant du principe qu’un tel dépassement ne peut être commis qu’intentionnellement (Mizel, Le délit de chauffard et sa répression pénale et administrative, PJA 2/2013, p. 195 ; contra Délèze/Dutoit, Le délit de chauffard au sens de l’art. 90 al. 3 LCR, PJA 8/2013 p. 1213). Il s’ensuit qu’il est aussi possible d’admettre un délit de chauffard pour des dépassements inférieurs à ceux de l’art. 90 al. 4 LCR (Mizel,.op. cit., p. 196).
3.2
S’agissant du concours entre l’art. 129 CP et l’art. 90 al. 3 LCR, une partie de la doctrine, à laquelle se réfère l’appelant, semble considérer que l’art. 90 al. 3 LCR peut être vu comme le pendant de l’art. 129 CP en matière de circulation routière et que cette disposition prime la norme du Code pénal (cf. notamment Délèze et Dutoit, op. cit, pp. 1214ss). Néanmoins, une autre partie de la doctrine considère que l’art. 129 CP absorbe l’art. 90 al. 3 LCR, mais qu’un concours réel demeure possible lorsque la mise en danger concerne encore d’autres usagers de la route (cf. Jeanneret, Les dispositions pénales de la LCR, note 98 ad art. 90 LCR ; Weissenberger, Kommentar zum Strassenverkehrgesetz, 2
e
édition, Zurich/St-Gall 2014, n. 181 ad art. 90 LCR ; Niggli/Probst/Waldmann, in : Basler Kommentar, Strassenverkehrgesetz, 2014, n. 192 ad art. 90 LCR).
3.3
En l’espèce, les premiers juges ont retenu que l’appelant avait mis en danger de nombreux usagers de la route, lors de plusieurs phases de circulation, notamment en traversant d’abord le centre-ville de Lausanne, à des vitesses très élevées, alors que de nombreux noctambules étaient présents à proximité, ensuite, en forçant d’autres usagers de la route à effectuer des manoeuvres d’évitement d’urgence et, enfin, en percutant violemment le véhicule de police qui lui bloquait le passage à la hauteur de l’hôtel de la Paix (jugement du 12 février 2015, pp. 10 et 11).
Par son comportement, l’appelant a manifestement mis en danger les autres usagers de la route en roulant à des vitesses nettement supérieures à la limite autorisée que ce soit en ville de Lausanne ou sur la route de Berne (cf. lettre C.2.1 et C.2.2 supra). Toutefois, il n’apparaît pas nécessaire dans le cas d’espèce de trancher la question d’un possible concours idéal entre les art. 129 CP et 90 al. 3 LCR. En effet, il est évident que le danger de mort provoqué par X._ à l’encontre des agents de police qui tentaient de l’intercepter n’entre pas dans les prévisions de l’art. 90 al. 3 LCR. Les exemples donnés dans cette disposition (excès de vitesse particulièrement importants, dépassements téméraires ou participation à des courses de vitesse) démontrent que le législateur a voulu sanctionner des actes de conduites gravement dangereux. Or, le danger de mort créé par la volonté de se soustraire à un contrôle de police excède le cadre ainsi posé. En l’espèce, au moment où il a mis en danger la vie des agents de police en percutant violemment le véhicule qui cherchait à l’intercepter, l’appelant n’a pas agi comme chauffard, mais comme fugitif, prêt à prendre tous les risques pour éviter d’être appréhendé. Il s’agit d’un comportement illicite qui tombe sous le coup de l’art. 129 CP, qui entre ici en concours réel avec les mises en danger des autres usages de la route dont il s’est manifestement rendu coupable lors des excès de vitesse considérables, des manœuvres de dépassements téméraires et du non-respect des feux de signalisation durant la course poursuite qui a précédé son interpellation.
Le premier grief doit ainsi être rejeté.
3.4
S’agissant des faits relatés sous lettres C.2.3 à 2.6 ci-dessus, ils ne sont pas contestés par l’appelant. Ils ont été établis à satisfaction de droit par l’instruction. En définitive, l’appelant doit être reconnu coupable mise en danger de la vie d’autrui, violation des règles de la circulation routière, violation grave qualifiée des règles de la circulation routière, conduite d’un véhicule sans permis de conduire, conduite d’un véhicule en état d’incapacité, contravention et infraction grave à la Loi fédérale sur les stupéfiants et infraction à la Loi fédérale sur les armes.
3.5
L’appelant ne conteste la quotité de la peine privative de liberté infligée qu'en relation avec sa conclusion portant sur sa libération de l’infraction de mise en danger de la vie d’autrui.
Ce grief ayant été rejeté, il suffit de relever à cet égard que, vérifiée d’office, la quotité de la peine échappe à toute critique à l'aune de l'art. 47 CP pour l'ensemble des infractions retenues. En effet, les éléments à charge et à décharge ainsi que les circonstances personnelles du prévenu ont été prises en compte de manière adéquate par les premiers juges. La quotité de la peine, ainsi que l’octroi d’un sursis partiel – tant sur son principe que s’agissant des durées de la peine suspendue et du délai d’épreuve –, sont conformes aux règles légales et doivent être confirmés. Il en va de même du montant de l’amende prononcée pour sanctionner les contraventions à la circulation routière et à la loi sur les stupéfiants.
4.
L’appelant fait valoir que, selon la jurisprudence de la Cour de céans (CAPE, 11 janvier 2012, n° 1/2012), le taux de conversion de l’amende devrait être d’un jour par tranche de 100 francs.
4.1
L'ancien droit prévoyait un taux de conversion de l'amende en peine privative de liberté fixe (cf. l'ancien art. 49 ch. 3 al. 3 CP, qui prévoyait 30 fr. pour un jour d'arrêts). Le nouveau droit n'impose plus un taux de conversion fixe. Cependant, la doctrine approuve la pratique selon laquelle le juge doit pouvoir se référer à des lignes directrices de fixation de la peine pour des infractions de masse. Dans ce genre de cas en effet, la situation financière de l'auteur n'entre pas ligne de compte dans la fixation du montant de l'amende. Un taux de conversion fixe ne risque ainsi pas d'entraîner une inégalité de la durée de la peine privative de liberté, en fonction des ressources financières du condamné. C'est ainsi que, selon les recommandations de la Conférence des autorités de poursuite pénale suisse (CAPS), le taux de conversion "standard" est de 100 fr. d'amende pour un jour de privation de liberté. Ce taux a finalement été retenu par la doctrine (Jeanneret, Les peines selon le nouveau Code pénal,
in
: Séminaire de formation continue des juges suisses concernant la partie générale du Code pénal, pp. 28 ss, spéc. p. 30, note de bas de page 140, cité par CCASS, 26 janvier 2009, n° 24/2009, c. 3). Cette même doctrine envisage, pour les infractions de masse, tantôt un taux de 50 fr. par jour, tantôt un taux de 100 fr. par jour. Ce dernier taux présente l'avantage de pouvoir être rattaché à un critère objectif, soit le ratio entre la valeur maximale de l'amende et le nombre maximum de jours de peine privative de liberté de substitution : 10'000 francs divisés par 90 jours, soit 111 fr., arrondis à 100 fr. (Jeanneret, Les peines selon le nouveau Code pénal, op. cit. n. 19 ad. art. 106 CP).
S'agissant des contraventions moins courantes, qui ne sont pas traitées de manière standardisée, la doctrine suggère différentes pistes. La première solution consiste à appliquer un principe de conversion relevant purement du pouvoir d'appréciation du juge. Cette possibilité est sans doute la plus proche du texte légal. Une autre approche consiste à élaborer une règle de conversion qui repose sur un système proportionnel fondé sur l'équivalence des maxima et des minima : si l'on part du principe qu’un franc d'amende correspond à un jour de peine privative de liberté et que 10'000 fr. correspondent à 90 jours, alors que 5'000 fr. correspondent à 45 jours et ainsi de suite. Cette formule a le mérite d'atténuer quelque peu les inégalités de la conversion fixe. Une troisième solution, inspirée du régime des jours-amende, consiste à déterminer la peine en deux étapes. Dans un premier temps, le juge fixe le montant de l'amende forfaitaire qu'il estime juste en prenant en compte toutes les circonstances, mais, s'agissant de la situation financière, il prend en considération un citoyen suisse réalisant le revenu national ou cantonal moyen. Le juge applique à ce chiffre le taux de conversion fixe de 100 fr. pour déterminer le quantum de la peine de substitution. Dans un second temps, il augmente ou diminue le montant de l'amende correspondant au citoyen moyen, en fonction de la situation financière particulière du condamné, afin de déterminer le montant de l'amende qu'il va concrètement infliger (Jeanneret, Les peines selon le nouveau Code pénal, op. cit., n. 20 ad art. 106 CP ; CCASS, 25 octobre 2010, n° 413/2010, c. 7b ; CCASS, 6 décembre 2010, n° 473/2010).
Le juge dispose, en ce qui concerne la fixation de la peine privative de liberté de substitution, d'un pouvoir d'appréciation étendu.
4.2
Au vu de ce qui précède, c’est à tort que le recourant soutient que la Cour de céans aurait instauré dans sa jurisprudence un unique taux de conversion de l’amende de 100 fr. pour un jour de privation de liberté. La référence citée par l’appelant ne constitue qu’un cas d’application d’un tel taux. Or, dans le cas d’espèce, compte tenu du montant de l’amende qui sanctionne une pluralité de contraventions à la législation routière et à la loi sur les stupéfiants et de la situation personnelle de l’appelant, une peine privative de liberté de substitution de vingt jours est adéquate et doit être confirmée.
5.
L’appelant soutient que la réparation qui lui a été allouée sous forme de réduction de sa peine n’est pas adéquate pour réparer le tort moral qu’il a subi en raison des conditions illicites dans lesquelles il a été détenu provisoirement durant
16 jours et qu’une somme d’argent doit lui être versée, dès lors que c’est sous cette forme là qu’il a demandé à être indemnisé et que, en vertu de l’art. 58 CPC, le tribunal ne pouvait pas lui accorder autre chose.
5.1
Dans son ATF 139 IV 41, le Tribunal fédéral a considéré que le motif déduit de la prolongation de la détention dans la zone carcérale d’un bâtiment de police, même si celle-ci n’était pas conforme à la loi, ne justifiait pas la remise en liberté du prévenu, mais seulement une décision constatatoire. Il a par ailleurs relevé que c’est à l’issue de la procédure, selon les articles 429 ss CPP, que les conséquences de ces constatations devaient être tirées sous l’angle d’une éventuelle indemnisation.
Dans un arrêt du 1
er
juillet 2014 (cf. TF 6B_17/2014), le Tribunal fédéral a posé le principe d’une indemnisation à raison d’un tel séjour, au-delà des
48 premières heures. Il a considéré que le montant réclamé par jour, de 50. fr., n’était pas exagéré et a alloué, pour les 11 jours suivant les 48 premières heures, une indemnité pour tort moral de 550 francs. Il a précisé que cette indemnité n’était pas compensable avec les frais de justice mis à la charge du prévenu. Il a ajouté enfin que la réclamation pécuniaire admise dans ce cas ne signifiait pas d’une manière générale qu’une autorité cantonale saisie d’une problématique similaire ne puisse envisager une autre forme de réparation, à l’instar de ce qui prévalait pour une violation du principe de la célérité, se référant à I’ATF 133 IV 158. Il a ainsi laissé ouverte la question de savoir si la réparation pouvait prendre la forme d’une réduction de peine.
Certes, l’art. 431 al. 1 CPP prévoit que si le prévenu a, de manière illicite, fait l’objet de mesures de contrainte, l’autorité pénale lui alloue une juste indemnité et réparation du tort moral. Néanmoins, la Cour européenne des droits de l’homme a admis qu’en cas de traitement prohibé par l’art. 3 CEDH, une réduction de peine pouvait constituer une forme de réparation appropriée, à condition de reconnaître la violation de manière suffisamment claire et d’accorder réparation en réduisant la peine de façon expresse et mesurable (arrêt CourEDH Ananyev et autres c. Russie du 10 janvier 2012 § 225). Une indemnisation sous forme de réduction de peine est en conséquence possible, d’autant que la réparation est fondée sur une norme de procédure pénale et non sur l’art. 49 CO.
S'agissant du rapport entre le temps passé en détention dans des conditions illicites et la réduction de la peine, la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal a considéré qu’une réduction de peine quantitativement équivalente au nombre de jours passés en détention n’était pas appropriée, l’incarcération étant en effet justifiée dans son principe. Pour tenir compte de la pénibilité accrue d’une telle détention, elle a admis qu’une réduction d’un jour de peine pour deux jours de détention au-delà des premières 48 heures était adéquate (CAPE du 10 octobre 2014/300 c. 2.2; CAPE du 21 octobre 2014/274 c. 5.3; CAPE du 24 octobre 2014/248 c. 11.2).
5.2
En l’espèce, l’appelant devra purger la part ferme de sa peine. La réduction de peine est donc à même de l’indemniser et c’est en vain qu’il demande une réparation financière, alors que la restitution de sa liberté constitue le meilleur moyen de réparer le tort en l’espèce. Contrairement à ce qu’il soutient, le fait qu’il ait requis la réparation du tort moral sous la forme d’une indemnité pécuniaire ne lie pas le juge pénal qui n’est pas lié sur ce point par les conclusions et de la partie et qui demeure libre d’envisager une autre forme de réparation, l’art. 431 CPP constituant une lex specialis à l’art. 58 CPC (Code de procédure civile du 19 décembre 2008 ; RS 272).
Les conditions de détention de X._ ayant été illicites durant 16 jours, la réduction de 8 jours sur la peine prononcée à l’encontre de l’appelant à titre de réparation du tort moral pour détention dans des conditions illicites prononcée par le tribunal de première instance correspond à la jurisprudence de la Cour de céans et doit être confirmée.
6.
En définitive, l’appel de X._ doit être rejeté et le jugement entrepris confirmé.
7.
Vu l’issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués de l’émolument d’arrêt, par 2’160 fr., et de l’indemnité allouée au défenseur d’office de l’appelant par 1'296 fr., ce qui correspond à 6 heures d’activité, plus 120 fr. de vacation et 8 % de TVA, seront mis à la charge de X._ (428 al. 1 CPP).
Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
562328dd-544b-4073-9aa6-66b5c06f5bfc | En fait :
A.
Par jugement du 13 mai 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a admis l’opposition formée par I._ à l’ordonnance pénale rendue le 26 septembre 2013 par le Préfet du district du Gros-de-Vaud (I), a libéré I._ de toutes charges (II), a ordonné la restitution en ses mains du cale-pied produit à l’audience du jugement et portant le numéro 4BH-L (III), a alloué à I._ une indemnité pour ses frais de défense à hauteur de 3'153 fr. 60, TVA comprise (IV), et a laissé les frais de la cause à la charge de l’Etat (V).
B.
Par annonce du 19 mai 2014, puis déclaration motivée du 10 juin 2014, le Ministère public central a formé appel contre ce jugement. Il a conclu principalement à la condamnation de I._ pour violation simple des règles de la circulation routière à une amende de 300 fr., subsidiairement à l’annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause à l’autorité de première instance pour nouvelle instruction et nouveau jugement et, plus subsidiairement, à la réduction à 600 fr. de l’indemnité de l’art. 429 CPP allouée à I._ et à la condamnation de ce dernier aux frais de justice.
Par avis du 14 juillet 2014, le Président de la Cour d’appel pénale a informé les parties que l’appel allait être traité en procédure écrite et qu’il relevait de la compétence d’un juge unique.
Dans ses déterminations du 4 août 2014, I._ a conclu au rejet de l’appel, à la confirmation du jugement entrepris et à l’allocation d’une indemnité de l’art. 429 CPP pour la procédure d’appel d’un montant de 1'890 fr. selon note d’honoraires produite.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissant suisse, I._ est né le 21 juillet 1993 à Lausanne. Il est célibataire et n’a pas d’enfant. Il est apprenti mécanicien et perçoit un salaire mensuel de 900 francs. En parallèle à sa formation, il travaille comme livreur de pizzas, activité dans laquelle il réalise un revenu de 500 fr. par mois. Il est également assistant de rallye. Il a des économies à hauteur de 8'000 fr. environ et n’a pas de dettes. A la fin du mois d’octobre, il débutera son école de recrue en qualité de chauffeur poids lourd.
2. a)
Dans un rapport du 2 juillet 2013 (P. 4/2), la Gendarmerie vaudoise a dénoncé I._ au Préfet du Gros-de-Vaud pour avoir commis plusieurs contraventions aux règles sur la circulation routière, soit avoir circulé à gauche d’une ligne de sécurité, avoir été inattentif à la route et à la circulation, ainsi que pour avoir entrepris un dépassement sans égard au conducteur du véhicule dépassé.
Selon cette dénonciation, le lundi 27 mai 2013, vers 18h00, sur le segment de la route cantonale 317b situé entre Les Fourches (Penthalaz) et Cheseaux-sur-Lausanne, I._ circulait au volant d’une voiture de tourisme de marque Volvo 360 en direction de la jonction autoroutière de Cossonay. Il était précédé d’un groupe de quatre motocyclistes, dont W._ au guidon d’une Yamaha XJ6N. Dans une courbe à grand rayon à droite, sur un tronçon comportant trois voies de circulation, dont deux dans sa direction séparées par une ligne de sécurité de la voie empruntée par les véhicules venant en sens inverse, I._ a effectué un dépassement, à la suite des motos précitées, sur la voie gauche à une vitesse de 80 km/h environ. Au terme de ce dépassement, les motards se sont rabattus sur la voie de droite. Le prénommé a poursuivi sa progression circulant ainsi à gauche de la ligne de sécurité, sur la voie de circulation opposée. En revenant ensuite à droite, sans prendre les précautions commandées par les circonstances et sans égard aux motocyclistes, il a touché de l’arrière droit de son véhicule la jambe gauche de W._. Malgré ce heurt, le motard est parvenu à conserver la maîtrise de son deux-roues. L’automobiliste, qui avait poursuivi sa route, a été interpellé par les motards à Penthaz où l’intervention de la police cantonale a été requise.
Selon cette dénonciation également, les gendarmes ont constaté l’arrachement du cale-pied gauche de la moto et un dommage au passage de la roue arrière droite de la Volvo (P. 4/2, p. 6). Interpellé, I._ a indiqué que les dommages présents sur son véhicule étaient anciens (P. 4/2, p. 5).
Entendus par les policiers peu après les faits (cf. P. 4/2, p. 4), le motocycliste a déclaré que le véhicule l’avait touché en se rabattant après l’avoir dépassé, ce qui lui avait occasionné une égratignure à la jambe gauche; quant à l’automobiliste, il a indiqué n’avoir senti aucun choc au moment de se rabattre.
b)
Lors de l’audience préfectorale du 25 septembre 2013 (cf. P. 4/7), I._ a nié avoir roulé à gauche d’une ligne de sécurité et a réfuté avoir cassé le cale-pied de la moto, pour le motif que si tel avait été le cas le motard aurait chuté. De plus, il a affirmé que son véhicule ne présentait aucune marque.
Par ordonnance pénale du 26 septembre 2013, le Préfet du Gros-de Vaud a condamné le prévenu pour violation simple des règles de la circulation routière à une amende de 250 fr., les frais judiciaires étant mis à sa charge, pour avoir circulé à gauche d’une ligne de sécurité, été inattentif à la circulation lors d’un dépassement et avoir entrepris ce dépassement sans égard au véhicule dépassé.
Par courrier du 2 octobre 2013, I._ a formé opposition à cette ordonnance pénale. Le 13 mars 2014, il a produit différentes pièces en vue des débats de première instance, notamment la photo d’une Yamaha, selon lui d’un modèle XQ6N, ainsi que huit photos de sa voiture dont deux laissant apparaître une trace d’impact sur les tôles postérieures du garde boue de la roue arrière droite (P. 8).
c)
Lors de l’audience de première instance, le Tribunal de police a procédé à une inspection locale du véhicule du prévenu. Le premier juge a constaté qu’il n’y avait pas d’autre impact sur l’arrière droit de l’automobile, sous réserve d’un élément endommagé tout à l’arrière de la voiture, que le pneu ainsi que le pare-choc dépassaient du corps de l’automobile et, enfin, que l’espace où le pied peut être posé sur le cale-pied était relativement mince (jgt., pp. 2-3).
Lors de cette audience, le prénommé a notamment émis l’hypothèse que l’endommagement du cale-pied de la moto aurait pu se produire à l’occasion d’une inclinaison excessive de la moto dans un virage du col du Mollendruz, itinéraire que les motards auraient emprunté, puis qu’en raison d’une fâcherie l’opposant à un des membres du groupe des motards, W._ aurait voulu lui imputer faussement ce dommage. S’agissant de son véhicule, il a confirmé n’avoir pas entrepris de le faire réparer, mais a exclu que le dommage qu’il présente au passage de la roue arrière droite ait pu être provoqué par une insertion du cale-pied de la moto entre le pneu et le passage de roue de la voiture, un tel contact devant nécessairement se traduire par d’autres marques notamment sur la jante ou l’arrière du véhicule.
d)
Considérant notamment qu’il existait un doute quant au fait que, lors du dépassement du groupe de motards, le prévenu avait touché W._ avec son véhicule, le premier juge l’a libéré de toute charge. Il a en particulier écarté la version du motocycliste pour les motifs que les dommages subis tant par la moto que la voiture étaient étonnement limités, que l’absence de déséquilibre et de chute de la moto étaient également étonnants et qu’il était peu probable que seul le repose-pied ait subi un impact alors qu’il était plus étroit que le pied du motard. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du Ministère public est recevable.
1.2
S'agissant d'un appel dirigé contre une contravention, la procédure applicable est écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009; RSV 312.01]).
1.3
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
En l’espèce, seules des contraventions à la législation sur la circulation routière ont fait l’objet de la procédure de première instance, de sorte que l’appel est retreint. Pour ce motif, les nouvelles pièces produites par le Ministère public en procédure d’appel, à savoir les photos et le schéma relatif à la fixation du cale-pied sur le cadre de la moto (cf. p. 2 in fine de la déclaration d’appel) sont irrecevables.
2.
L’appelant invoque une constatation incomplète ou erronée des faits. Il fait valoir que l’état de fait du jugement a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit.
2.1
Comme rappelé ci-dessus, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l’état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (art. 398 al. 4 CPP). Le pouvoir d’examen de l’autorité d’appel est ainsi limité dans l’appréciation des faits à ce qui a été établi de manière arbitraire, la formulation de la disposition correspondant à celle de l’art. 97 al. 1 LTF. En revanche, la juridiction d’appel peut revoir librement le droit (cf. TF 6B_1247/2013 du 13 mars 2014 c. 1.2 et les références citées).
Il y a arbitraire lorsque l’autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu’elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur des éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (Kistler Vianin, op. cit., n. 28 ad art. 398 CPP).
2.2
2.2.1
En se référant à l’endommagement de la moto sous la forme d’un arrachement du cale-pied, l’appelant souligne tout d’abord qu’il était arbitraire de ne pas l’attribuer au léger heurt des deux véhicules. Selon lui, les explications présentées par le prévenu lors des débats de première instance sont invraisemblables. Il reproche en outre au premier juge de ne pas avoir cherché à expliquer la manière dont est intervenu l’arrachement du cale-pied.
En l’occurrence, il faut donner acte à l’appelant que la version de la conspiration des motards pour attribuer faussement ce dommage, résultant d’une prétendue chute antérieure, à une manoeuvre imprévisible du prévenu n’est pas plausible. Pour le reste, le premier juge ne s’est aucunement prononcé sur la manière dont l’endommagement du cale-pied est survenu. Ainsi, à défaut d’autres explications permettant de comprendre l’arrachement de cette pièce, il était arbitraire de ne pas retenir une concomitance entre le dépassement et le dommage.
2.2.2
L’appelant reproche ensuite au premier juge de n’avoir donné aucune explication quant à la présence d’une trace de choc au niveau du passage de la roue arrière droite de la voiture du prévenu, malgré le fait que les gendarmes aient constaté que la trace se trouvait à la hauteur d’un cale-pied de moto.
Avec l’intimé, il faut constater que le rapport de dénonciation ne relève pas expressément, mais bien implicitement, que le cale-pied se trouvait à la hauteur de la partie abîmée du véhicule. Il ressort en effet de ce document que les policiers ont constaté, d’une part, que le cale-pied gauche de la moto était arraché et, d’autre part, que le passage de roue arrière droit du véhicule était endommagé (cf. 4/2, p. 6). Or, nonobstant ce constat, une correspondance de hauteur entre le dommage à la voiture et le cale-pied arraché n’a été ni vérifiée ni, partant, analysée dans le jugement entrepris, alors qu’elle renforçait la version du motard. Il était donc arbitraire de ne pas intégrer cette question dans l’examen des versions des parties. Le prévenu a certes expliqué que les dommages étaient antérieurs aux faits; il n’a toutefois donné aucune explication sur leur origine et n’a pas été interpellé sur ce point.
2.2.3
Enfin, le premier juge n’a pas pris en compte l’égratignure dont a souffert le motard à la jambe gauche, tout en retenant contradictoirement qu’il était peu probable que seul le cale-pied ait subi l’impact de la voiture dès lors que le pied du motard serait plus large que cette pièce saillante. Or, il s’agissait d’un fait important qui renforçait les déclarations du motard également. Son exclusion s’avère dès lors arbitraire.
2.2.4
En définitive, le doute éprouvé par le premier juge quant à la véracité de la version du motard confrontée à celle de l’automobiliste n’est pas correctement étayé. Par ailleurs, les circonstances de l’impact nécessitent des éclaircissements. On comprend mal en effet comment le contact entre les deux véhicules n’aurait occasionné qu’une égratignure à la jambe du motard tout en arrachant simultanément le cale-pied de la moto, ce qui incline à retenir contradictoirement un frottement, d’une part, et un choc d’une certaine violence, d’autre part. On ignore également si le cale-pied a été seulement tordu ou véritablement arraché, soit séparé du deux-roues, et le cas échéant récupéré par le motard à un moment indéterminé avant ou après avoir rattrapé l’automobiliste. Enfin, le frottement furtif et très localisé des deux véhicules apparaît objectivement singulier et nécessite de mieux comprendre leurs trajectoires et manoeuvres.
Tous ces points nécessitent donc une instruction, notamment en procédant à l’audition du motard W._. Toutefois, le pouvoir d’examen restreint de la Cour d’appel exclut d’y procéder en deuxième instance. Par conséquent, pour compléter l’instruction, il se justifie d’annuler le jugement entrepris en application de l’art. 409 al. 1 CPP.
3.
En conclusion, l’appel du Ministère public doit être admis, le jugement attaqué annulé et la cause renvoyée au Tribunal de police de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois pour une instruction complémentaire dans le sens des considérants qui précèdent, puis nouveau jugement.
4.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, constitués du seul émolument d’arrêt, par 720 fr., doivent être mis à la charge de l’intimé qui a conclu au rejet de l’appel et qui succombe (art. 428 al. 1 CPP; cf. ATF 138 IV 248 c. 5). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5639c22a-b7de-4ee1-a161-00bace868c2a | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
septembre 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que F._ s’est rendu coupable de conduite d’un véhicule en état d’ébriété (I), l’a condamné à 20 jours-amende à
30 fr. le jour (II) et a mis les frais de la cause à la charge de ce dernier (III).
B.
Par annonce du 2 septembre 2014, puis déclaration motivée du
16 octobre suivant, F._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, sous suite de frais et dépens, principalement à son acquittement et, subsidiairement, à une diminution de sa peine.
Par écriture du 7 novembre 2014, le Ministère public a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
F._ est né le [...] 1968 à [...]. Divorcé, il est père de trois enfants qui sont à sa charge. Il est garagiste et perçoit un revenu mensuel d’environ 5'000 francs. La moitié de son salaire est affectée au paiement des pensions alimentaires. Il a des dettes et des poursuites pour environ 40'000 francs.
L’extrait de son casier judiciaire fait état de la condamnation suivante : 24 avril 2008, Juge d’instruction de La Côte, conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduire (véhicule autom., taux d’alcoolémie qualifié), peine pécuniaire 18 jours-amende à 30 fr., sursis 2 ans, amende 360 francs.
L’extrait du fichier ADMAS de F._ fait état d’un retrait du permis de conduire du 5 août au 4 novembre 2008 pour inattention.
2.
Le 1
er
novembre 2012, entre 18h00 et 20h00, alors qu’il se trouvait dans son garage, F._ a bu deux whiskeys et une bière après avoir reçu une mauvaise nouvelle au sujet de sa santé. Il n’avait alors pas prévu de sortir de chez lui.
Aux alentours de 20h00, son frère l’a contacté par téléphone pour lui demander s’il pouvait aider deux de ses employés qui venaient d’avoir un accident sur l’autoroute Lausanne-Berne, chaussée Alpes, Crissier/Villars-Sainte-Croix. L’appelant a accepté de les dépanner avec son véhicule, mais a refusé de conduire lui-même jusqu’au lieu de l’accident compte tenu de sa consommation d’alcool. Deux employés de son frère sont alors venus le chercher à son garage et tous les trois se sont rendus sur les lieux de l’accident. Lors de ce trajet, le prévenu n’a pas pris le volant.
Après avoir dépanné le véhicule accidenté, la police a demandé aux personnes impliquées dans l’accident de se rendre au poste de la police cantonale pour la suite de la procédure. Comme ces dernières, de nationalité espagnole, ne parlaient pas français, le prévenu a proposé aux agents de servir d’interprète. Il a ainsi également été invité à se rendre au centre de la Blécherette. Ensuite, pressés par les policiers de dégager la voie d’urgence, les intéressés ont rapidement regagné leur voiture et quitté les lieux. S’étant retrouvé seul, le prévenu a pris le volant de son véhicule et s’est rendu au poste de police malgré son état d’ébriété, circonstance qu’il n’a pas signalée aux policiers.
Ce n’est qu’une fois sur place que les agents ont remarqué que l’état physique de l’appelant était douteux. Les résultats du test ont révélé un taux d’alcoolémie moyen de 0,88 g à 21h10. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de F._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant fait grief au premier juge de ne pas avoir tenu compte de certaines circonstances « disculpantes ». Invoquant tout d’abord une violation de l’art. 27 al. 1 LCR, il soutient qu’il n’avait pas d’autre possibilité que d’obéir à l’injonction de la police et de se rendre au centre de la Blécherette afin de servir d’interprète.
3.1
Selon l’art. 27 al. 1 LCR, chacun se conformera aux signaux et aux marques ainsi qu'aux ordres de la police. Les signaux et les marques priment les règles générales; les ordres de la police ont le pas sur les règles générales, les signaux et les marques.
3.2
En l’espèce, l’appelant a offert ses services pour le constat d’accident car les employés de son frère ne parlaient pas français et lui, un peu espagnol (PV aud. 2, p. 3; jgt., p. 4). Le prévenu n’étant pas impliqué dans l’accident – qui de surcroît ne concernait pas ses employés –, les policiers n’auraient pas pu obliger celui-ci à prendre le volant pour se rendre au centre de la Blécherette. Le terme d’ « injonction » utilisé par l’appelant est ainsi inapproprié. Quoi qu’il en soit, il n’y a aucune place pour l’application de l’art. 27 al. 1 LCR, dont la vocation est d’assurer la sécurité et la fluidité de la circulation.
Mal fondé, ce premier moyen doit être rejeté.
4.
L’appelant se prévaut ensuite de l’art. 13 CP, subsidiairement de l’art.
14 CP. Il soutient qu’au vu des circonstances dans lesquelles l’infraction a été commise, notamment de « l’ordre » de la police, il pouvait se croire en état et en droit de prendre le volant pour se rendre au centre de la Blécherette.
4.1
Aux termes de l’art. 13 al. 1 CP, quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable. Agit sous l'emprise d'une erreur sur les faits, celui qui n'a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d'un élément constitutif d'une infraction pénale (ATF 129 IV 238 c. 3.1, JdT 2005 IV 87).
Selon l’art. 14 CP, quiconque agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du présent code ou d'une autre loi.
4.2
En l’espèce, il n’y a aucune place pour l’application de l’art. 13 CP. L’appelant, qui se savait être sous l’influence de l’alcool, était conscient qu’il ne pouvait pas conduire. Il l’a d’ailleurs démontré puisqu’il a demandé à un tiers de conduire à sa place lors du premier trajet. C’est d’ailleurs lui qui a proposé aux policiers de servir d’interprète. Il n’a donc pas pris le volant en croyant qu’il était autorisé à conduire sous l’effet de l’alcool. Par ailleurs, dans la mesure où il n’a pas signalé aux gendarmes qu’il n’était pas en état de conduire, il ne peut pas davantage invoquer comme excuse qu’il pensait que c’était un ordre de la police. Pour le surplus, l’accident a eu lieu vers 20h30, la fin de la consommation d’alcool (notamment de spiritueux) aux alentours de 20h00 et le test d’alcoolémie à 21h10. L’appelant ne pouvait donc pas penser qu’il avait recouvert sa sobriété en si peu de temps et ce, même en tenant compte des conditions météorologiques et des efforts physiques entrepris pour dégager le véhicule accidenté. Enfin, le fait que les gendarmes n’aient rien remarqué sur les lieux de l’accident est sans pertinence, dès lors qu’il faisait nuit et que ces derniers étaient principalement occupés à dépanner un véhicule sur la voie d’urgence d’une autoroute où le trafic était dense (PV aud. 2, li. 54-57).
S’agissant de l’art. 14 CP, il faudrait admettre pour son application qu’une injonction policière puisse rendre licite la conduite en état d’ébriété. Or, un tel cas de figure n’existe pas, le principe de proportionnalité commandant dans pareilles circonstances que les gendarmes fassent venir un interprète au poste. Pour le reste, comme indiqué ci-dessus, on ne peut pas parler « d’ordre » de la police dans le cas d’espèce.
Mal fondé, ce moyen doit également être rejeté.
5.
Il reste à examiner la peine à infliger à l’appelant.
5.1
5.1.1
Pour fixer le nombre de jours-amende, le juge se fonde sur la culpabilité de l’auteur (art. 34 al. 1 CP). Pour ce faire, il se référera aux critères posés à l’art. 47 CP. Il tiendra compte des antécédents et de la situation personnelle de l’auteur ainsi que de l’effet de la peine sur l’avenir de celui-ci (art. 47 al. 1 CP). L’alinéa 2 de cette disposition énumère une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité (ATF 134 IV 17 c. 2.1 et les références citées).
5.1.2
Selon l’art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits. Sur le plan subjectif, le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l’auteur. Il suffit qu’il n’y ait pas de pronostic défavorable. Le sursis est la règle dont on ne peut s’écarter qu’en présence d’un pronostic défavorable (ATF 134 IV 1 c. 4.2.2). Pour émettre ce pronostic, le juge doit se livrer à une appréciation d’ensemble, tenant compte des circonstances de l’infraction, des antécédents de l’auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l’état d’esprit qu’il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l’ensemble du caractère de l’accusé et ses chances d’amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d’autres qui sont pertinents (ibid., c. 4.2.1).
5.2
5.2.1
En l’espèce, l’appelant a pris le volant alors qu’il se savait être en état d’ébriété; son taux d’alcoolémie était qualifié. Sa faute ne doit dès lors pas être minimisée. Cela étant, il convient de tenir compte des circonstances très particulières du cas d’espèce exposées au considérant 2 page 7 du jugement d’appel. Si ces circonstances n’excusent pas le choix de l’appelant, elles doivent néanmoins être prises en compte dans l’appréciation de sa culpabilité.
Sur le vu de ce qui précède, la peine pécuniaire prononcée par le premier juge apparaît trop sévère. Tout bien considéré, une peine de 10 jours-amende réprime adéquatement le comportement du prévenu.
Compte tenu de la situation financière de ce dernier, le montant du jour-amende doit être confirmé.
5.2.2
Sans motiver sa décision, le premier juge a prononcé une peine ferme.
L’appelant a certes déjà été condamné en 2008 pour conduite en état d’ébriété. Cela étant, il a déclaré avoir tiré les leçons de cette condamnation et avoir toujours veillé depuis lors à ne pas prendre le volant sous l’emprise de l’alcool (PV aud. 1, li. 96 ss). La présente récidive a d’ailleurs été commise dans des circonstances très particulières. Dans ces conditions, il faut admettre que le pronostic à poser quant au comportement futur du prévenu n’est pas défavorable. La peine infligée doit dès lors être assortie du sursis et le délai d’épreuve fixé à 3 ans.
6.
En définitive, l’appel de F._ doit être partiellement admis et le jugement entrepris réformé en ce sens que ce dernier est condamné à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant 3 ans.
7.
Vu l’issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués du seul émolument d’arrêt, par 1’170 fr., seront mis par moitié à la charge de l’appelant, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
Il n’y a pas lieu à des dépens, l’appelant étant condamné et n’ayant pas conclu à l’allocation d’une indemnité de l’art. 429 CPP, ni au demeurant chiffré et établi ses prétentions. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
56c303ad-0b62-491f-abf0-94359d197e15 | En fait :
1.
M._, né en [...], a obtenu le brevet d'avocat [...] en [...]. Il pratique le barreau à [...] depuis le [...] 1994.
Au terme d'une procédure initiée en 1996, la cour plénière du Tribunal cantonal a, par décision du 23 décembre 1997, ordonné la radiation administrative de l'avocat M._ à la suite d'une condamnation pénale pour crime manqué d'extorsion et recel par le Tribunal correctionnel du district de Lausanne le 5 mars 1997. Le Tribunal fédéral a rejeté, par arrêt du 29 avril 1998, le recours déposé par Me M._ contre la décision du Tribunal cantonal vaudois. La mesure de radiation a pris effet au 2 juin 1998, date de la publication de la décision dans la Feuille des avis officiels. Le 1
er
mai 2002, M._ a obtenu sa réinscription au registre cantonal des avocats vaudois.
Par décision du 19 mai 2008, M._ a été condamné par la Chambre des avocats à une amende de 3'000 fr. pour violation de l'art. 12 let. a et h LLCA. Il lui était reproché d'avoir caché à sa cliente l'encaissement d'une somme d'argent auprès de la partie adverse, de n'avoir pas de compte clients et de percevoir sur ses comptes personnels l'argent leur revenant. La cour de céans avait au surplus retenu que "les manquements reprochés à Me M._ dans le cadre de son mandat [étaient] aggravés d'une part par le fait qu'il [avait] également tenté de dissimuler la date réelle de l'encaissement de la créance au membre de la Chambre chargé de l'enquête disciplinaire et, d'autre part, parce qu'il [avait] récidivé dans la violation de ses obligations professionnelles". Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.
2. a)
V._, ressortissante allemande domiciliée à [...] en Allemagne, a été cliente de l'avocat M._ depuis 1998. Le mandat consistait à gérer ses comptes et dépôts bancaires au Crédit Suisse, après le décès de Me C._ qui s'en occupait précédemment.
Ensuite d'une plainte pénale déposée le 30 septembre 2009 par Mme V._ (p. 6), le substitut du Juge d'instruction du canton de Vaud a ouvert une enquête contre M._. Le 18 novembre 2009, il a procédé à son audition et l'a inculpé d'abus de confiance, de gestion déloyale et de faux dans les titres. Il l'a entendu une nouvelle fois le 18 janvier 2010.
De la plainte pénale et du bordereau de pièces qui l'accompagnait, des auditions d'V._, de sa sœur Q._ et de Me M._, ainsi que des pièces produites par ce dernier, il résulte notamment ce qui suit:
a)
V._ est titulaire de plusieurs comptes auprès du Crédit Suisse Lausanne, comptes sur lesquels sont déposés des fonds et titres issus de la succession d'un cousin de sa mère, G._, décédé à la fin de l'année 1976. La sœur de Mme V._, Q._, a indiqué qu'elle était également héritière de M. G._ mais qu'elle avait préféré ne pas apparaître dans les comptes pour des raisons politiques, car elle venait de l'ex-RDA.
De son vivant, G._ avait confié la gestion de ses comptes à Me C._. A son décès, c'est ce dernier qui a continué à gérer les comptes de l'héritière V._. Lorsque Me C._ est décédé à son tour en décembre 1997, le mandat de gestion des comptes a été confié à Me M._.
S'agissant des pouvoirs conférés à Me M._, Mme V._ a indiqué qu'elle avait d'abord laissé à Me C._ des pouvoirs identiques à ceux que feu G._ lui avait confiés pour gérer ses comptes et qu'ensuite, Me M._ avait simplement repris le mandat que gérait son prédécesseur. Elle a précisé qu'ils n'avaient pas signé de documents particuliers délimitant les pouvoirs de gestion. Selon elle, Me M._ devait simplement continuer à gérer les fonds, comme le faisait Me C._. Me M._ a confirmé qu'il n'existait pas de mandat écrit. Entendu par le juge d'instruction, il a expliqué qu'il avait rencontré la plaignante et sa sœur après le décès de son associé et que celles-ci lui avaient fait part de leur intention de continuer à lui confier la gestion des fonds avec le concours d'un conseiller du Crédit Suisse. Il n'avait jamais reçu d'instructions sur le type de gestion qu'elles souhaitaient.
V._ a expliqué au juge d'instruction qu'elle avait posé la question des honoraires à Me M._, lequel lui avait répondu que tout était réglé. Elle partait donc de l'idée que l'étude s'en occupait et retenait automatiquement les honoraires. Elle n'avait jamais été informée, oralement ou par écrit, du montant des honoraires qui étaient perçus ou d'un quelconque tarif horaire.
Me M._ pour sa part a déclaré qu'il était convenu qu'il prélève chaque année à intervalles réguliers ce qui lui était dû. Il a précisé qu'il n'y avait jamais eu d'échange d'information concernant les avoirs du compte ou les honoraires en raison du fisc allemand. Il n'avait pas non plus établi de notes d'honoraires pro forma. Ses honoraires étaient calculés en fonction du temps consacré au mandat d'une part et des performances du portefeuille d'autre part. Il a soutenu qu'il y avait à son sens un accord tacite qui l'autorisait à prélever ses honoraires selon le mode décrit.
Dans le cadre du mandat de gestion de Me M._, différents comptes ont été ouverts au Crédit Suisse pour sa cliente. Un compte en francs suisses n° [...] a ainsi été ouvert le 12 avril 2000 (p. 7/1/1). Un compte en euros n° [...] a également été ouvert le 30 novembre 2001 (p. 7/3/1). Enfin, un dépôt titres n° [...] a été ouvert dès 2000 (p. 7/6). Un pouvoir de signature a été confié à Me M._.
b)
Le 30 avril 2003, Me M._ a procédé à un retrait en liquide d'un montant de 300'000 francs (p. 7/1/7, 7/2/1). Le 6 mai suivant, il a conclu avec le Crédit Suisse un crédit lombard d'un montant équivalent (p. 7/1/7, 11/15). A chaque échéance du crédit lombard, un nouveau crédit du même montant était contracté, et ce jusqu'en décembre 2006 (p. 11/15 à 11/23). Des intérêts étaient débités mensuellement sur le compte.
En octobre 2004, lors d'un séjour en Suisse, V._ et sa sœur ont rencontré le responsable du Crédit Suisse en présence de Me M._. En examinant les relevés de comptes, elles ont constaté une diminution du capital de 300'000 fr. et posé des questions concernant l'opération intitulée "Festvorschuss" du 19 janvier 2004 portant sur un montant de 300'000 francs. La plaignante et sa sœur ont déclaré que Me M._ leur avait expliqué que les montants correspondants étaient utilisés pour faire des placements avec des rapports beaucoup plus intéressants que le dépôt sur un compte courant en francs suisses. Les sœurs [...] affirment qu'elles ont alors décidé de retirer la procuration bancaire à Me M._ et de confier les pouvoirs de gestion à la banque. Une nouvelle relation portant n° [...] a été ouverte et des documents en allemand signés (p. 7/23). Une procuration, en langue française, a également été signée en faveur de Me M._ (idem). Les sœurs [...] soutiennent qu'elles pensaient avoir signé une procuration en faveur de la banque. Cette relation n'a toutefois jamais été activée. La plaignante a indiqué qu'elle n'entendait pas retirer toute procuration à Me M._. Elle souhaitait seulement qu'il n'ait plus de pouvoir de gestion sur les comptes du Crédit Suisse.
Me M._ conteste toute révocation de sa procuration par sa cliente.
c)
Le 26 juillet 2007, Me M._ a rencontré sa cliente et lui a remis un relevé de fortune valeur au 19 juillet 2007 ne laissant apparaître que les placements et non les engagements en liquidité (p. 7/31). La lecture de ce décompte laissait entrevoir l'existence de valeurs pour un total de 622'207 francs. Ce décompte était tronqué dans la mesure où le décompte original remis à Me M._ mentionnait également des engagements pour un montant de 380'403 fr., soit une relation bénéficiaire à concurrence de 241'818 fr. seulement (p. 7/30).
Interpellé par le juge d'instruction lors de son audition le 18 novembre 2009, Me M._ a admis avoir supprimé lui-même la mention des passifs du document remis par la banque. Il a déclaré avoir agi ainsi afin de rassurer les sœurs [...] et ne pas les inquiéter en leur montrant qu'il y avait des passifs importants. Il a déclaré que c'était la seule fois où il avait procédé de la sorte. Le 18 janvier 2010, Me M._ a expliqué à nouveau qu'il souhaitait que sa cliente ait une vision des actifs seulement, car il ne voulait pas qu'elle soit déçue en voyant le document montrant les passifs. En sus, il ne voulait pas qu'elle sache qu'une opération avec des chinois n'avait pas encore été finalisée contrairement à ce qui était prévu. Il soutient qu'elle avait connaissance du crédit lombard. Il a également répété que c'était la seule fois où il avait tronqué un document bancaire afin de le présenter à Mme V._. Le juge d'instruction lui a toutefois présenté un autre document bancaire daté du 30 septembre 2004 tronqué et surligné et un autre document du 4 août 2003 où aucun passif ne figurait. Me M._ a indiqué l'avoir fait pour la même raison, soit pour rassurer sa cliente quant à l'évolution de sa fortune.
d)
Dès le mois de novembre 2007, D._, responsable à cette époque de la relation de la cliente au Crédit Suisse, s'est inquiété de l'évolution des comptes. Il s'en est suivi différents échanges entre le prénommé et Me M._. Le 7 mars 2008, Me M._ lui écrivait un courrier (p. 7/38) dont il ressort ce qui suit:
"1. Madame V._ a contribué à l'achat de droits d'édition et d'un projet éditorial en Chine par le biais d'une société italienne (L._), dont je suis le président.
2. Un accord avec S._Group a été signé en 2006: je vous en remets une copie.
3. La deuxième phase de l'opération, qui vient de se concrétiser, a pour finalité ultime la vente de droits éditoriaux détenus par une société de Hong Kong, N._Ltd (également contrôlée par le soussigné) au groupe éditorial S._Group, via le ministère de l'information et de la culture chinois.
4. Je ne suis pas autorisé pour l'heure à vous transmettre les documents contractuels en question. La plus-value dégagée est cependant très importante et sera réalisée à brève échéance. Il va de soi que je vous en informerai immédiatement.
Au vu de ces éléments et du tout prochain dénouement positif de l'opération, il me serait agréable que vous m'accordiez un nouveau délai au 30 avril 2008 afin de procéder à la couverture de la relation en objet."
Le 6 juin 2008, Me M._ informait le Crédit Suisse d'un virement prévu le lundi suivant (p. 7/40). Il écrivait par ailleurs "je vous remercie en outre, pour des raisons de confidentialité, de vous abstenir de correspondre avec ma cliente en Allemagne, ce qui n'a d'ailleurs jamais été fait depuis que la relation a été ouverte au CS".
V._ a fait valoir que le 5 août 2008, à l'occasion d'un séjour à Interlaken, elle s'est rendue à l'agence locale du Crédit Suisse. Elle a alors constaté que son compte se trouvait en fort débit et a procédé à la révocation de la procuration bancaire de Me M._ (p. 7/42).
Il résulte d'un courrier du Crédit Suisse du 19 janvier 2009 que l'ensemble des comptes de Mme V._ présentait un découvert total estimé à 56'854 fr. 78 (p. 7/44).
Interpellé par Me P._, conseil de Mme V._, Me M._ lui a adressé le 23 janvier 2009 une lettre (p. 7/45) dont la teneur est notamment la suivante:
"6. Dans l'optique d'accroître de manière significative le patrimoine de Mme V._ sur le long terme et me prévalant de la confiance accordée, j'ai décidé de réaliser une forme d'investissement particulièrement intéressante sur le marché chinois, par le biais d'une société italienne que je préside. Ledit investissement a abouti dans la signature d'un accord avec un groupe éditorial chinois de premier plan, S._Group, à fin 2006. La vente de droits éditoriaux à ce groupe s'est concrétisée au début de cette année, à Shangai. Les premiers règlements seront effectués dès le 1
er
mars 2009.
7. En substance et pour résumer de manière claire, l'apport initial de Mme V._ a été de fr. 300'000.-. A ce montant doivent s'ajouter des frais globaux de fr. 100'000.-. Le retour sur investissement se chiffre à fr. 650'000.-, soit 250'000.- de gain net sur neuf ans, équivalent à un intérêt annuel net en faveur de mme V._ de 9,25 % sur la période concernée.
(...)
9. En tout état de cause l'investissement en objet s'est révélé particulièrement favorable à Mme V._, même si, j'en conviens, il a été légèrement retardé dans sa concrétisation. Il va de soi toutefois qu'afin de régulariser la situation à l'encontre de la banque et d'éviter de nouveaux désagréments à votre mandante, je m'engage personnellement à verser la somme actuellement en découvert selon lettre du 19 janvier du CS (fr. 57'000.-) d'ici au 27 février prochain. Successivement, mais au plus tard le 15 avril 2009, l'on s'attellera au règlement du solde revenant à Mme V._, soit fr. 593'000.—Il est vraisemblable que ce virement aura lieu encore courant mars."
Me M._ n'a toutefois effectué aucun versement sur le compte de Mme V._.
e)
Il résulte des pièces produites que l'état de la fortune, s'agissant du dépôt n° [...], a été le suivant (p. 7/6/1 à 7/6/10):
- 31 décembre 2000 1'054'015.-
- 31 décembre 2001 807'357.-
- 31 décembre 2002 562'416.-
- 31 décembre 2003 541'254.-
- 31 décembre 2004 569'389.-
- 31 décembre 2005 601'807.-
- 31 décembre 2006 682'540.-
- 31 décembre 2007 88'541.-
- 31 décembre 2008 47'738.-
- 23 septembre 2009 74'287.-
Les valeurs du dépôt titre ont été massivement réalisées entre 2007 et 2008 pour solder le crédit lombard qui n'était plus couvert (p. 7/6/8 et 7/6/9).
Le compte en francs suisses n° [...] a pour sa part varié de 4'237 fr. 95 le 12 avril 2000 à – 60'089 fr. 92 le 30 septembre 2008. Quant au compte en euros, il était de 5'307.32 euros le 30 novembre 2001 et de – 23'466.34 euros le 30 septembre 2008.
Me M._ a expliqué cette diminution du capital par plusieurs facteurs, soit premièrement des pertes en bourse entre 2002 et 2007; deuxièmement des retraits effectués par les sœurs [...] à hauteur de 200'000 fr.; troisièmement des honoraires de gestion qu'il prélevait, à hauteur de 1.5 % du capital géré, à titre de frais de gestion fixes; quatrièmement des honoraires prélevés suite aux conseils d'ordre successoral prodigués à Mme V._ dans le cadre de la gestion de la succession de M. G._; enfin, cinquièmement, des investissements effectués dans le cadre de l'opération chinoise ainsi que des honoraires et frais importants qui y étaient attachés (notamment trois déplacements en Chine et la venue en Italie des investisseurs chinois pour une dizaine de jours en janvier 2006).
Me M._ a produit un décompte des retraits qu'il a opérés sur les comptes Crédit Suisse de sa cliente. Il ressort de ce décompte, confirmé par les pièces produites par la plaignante, que Me M._ a retiré les montants suivants à titre d'honoraires et participation aux frais de l'opération chinoise :
CHF EUROS
- 2000 honoraires 1997-1999 12'000.-
- 2000 honoraires 16'000.-
- 2001 honoraires 30'000.-
- 2002 honoraires et participation aux frais opérations chinoises 24'700.-
- 2003 honoraires et participation aux frais opérations chinoises 10'000.-
- 2004 honoraires et participation aux frais opérations chinoises 3'000.-
- 2005 honoraires et participation aux frais opérations chinoises 4'000.- 27'140.-
- 2006 honoraires et participation aux frais opérations chinoises 1'540.- 15'003.20
- 2007 honoraires et participation aux frais opérations chinoises
50'000.- 15'286.43
Total :
151'240.- 57'429.63
Le 19 juillet 2002, Me M._ a au surplus donné l'ordre à la Banque de payer un montant de 7'800 fr. en faveur de deux personnes dont il s'est avéré par la suite qu'elles étaient héritières de la succession de feu C._ et qu'il s'agissait dès lors d'une erreur. En 2005, il a prélevé 19'310 USD qui ont été remis à L._ à Hong Kong. En 2006, c'est 25'000 euros et 42'000 USD qui ont été prélevés et remis à F._ pour être réinvestis dans l'opération chinoise.
f)
Interrogé par le Juge d'instruction le 18 novembre 2009, Me M._ a déclaré ce qui suit: "Je confirme avoir investi CHF 300'000.- provenant du compte des sœurs [...] dans L._, dont je suis actionnaire. Cela doit apparaître dans les comptes de la société. Ces comptes se trouvent en Italie, je m'engage à vous les produire. Je pense que cela apparaît dans les comptes comme un financement extérieur. Je ne suis pas en mesure de vous dire de quelle manière cela a été comptabilisé."
Le 18 janvier 2010, Me M._ a tenu les propos suivants: "Contrairement à ce que je vous ai dit à ma première audition, les CHF 300'000.- n'ont pas été investis dans L._. Si je vous avais dit cela, c'était par manque de temps pour expliquer tout le mécanisme de l'opération. J'étais également stressé et sous le choc de la visite domiciliaire à mon étude. Je sais que vous avez mentionné à plusieurs reprises L._ et je n'ai pas relevé qu'il s'agissait en fait de N._Ltd, j'ai fait une erreur car j'étais troublé par les événements. (...) Aujourd'hui, je suis sûr que cet argent a été investi chez N._Ltd".
Me M._ a encore expliqué qu'il avait remis en mains propres, sans reconnaissance de dette ou autre titre attestant de la remise de fonds, les 300'000 fr. à F._, qui les avait reversés à N._Ltd. Il a précisé qu'il avait confiance en M. F._ et que les chinois lui avaient demandé d'être discrets. Le montant de 300'000 fr. avait servi à acheter les droits éditoriaux qui devaient ensuite être revendus avec un bénéfice aux éditeurs chinois. Il a indiqué qu'il s'agissait d'un prêt et que Mme V._ devait faire un bénéfice de 100'000 francs. Afin de garantir la discrétion demandée par les chinois et considérant que N._Ltd était un partenaire de confiance, l'accord n'avait pas été passé par écrit. Me M._ a précisé qu'il avait également investi 200'000 fr. dans cette opération à titre personnel, que l'opération était entièrement basée sur la confiance et que la seule garantie pour ses clientes, c'était "lui et son patrimoine".
Me M._ a affirmé que le bénéfice de l'opération chinoise avait déjà été versé à la société N._Ltd dont il était actionnaire à 49 %. Il était prévu que le retour sur investissement soit versé à Me M._ pour Mme V._ et lui-même une fois certaines questions fiscales réglées.
3. a)
Le 10 décembre 2009, le Juge d'instruction du Canton de Vaud a informé le Président de la Chambre des avocats qu'une enquête pénale était en cours contre l'avocat M._ pour abus de confiance, gestion déloyale et faux dans les titres, sur plainte d'V._, et qu'il avait inculpé Me M._ de ces infractions par décision du 18 novembre 2009.
Le 16 décembre suivant, le Président de la Chambre des avocats a cité Me M._ à comparaître devant la Chambre des avocats le 19 janvier 2010. Il l'a informé qu'au vu des éléments qui résultaient du dossier pénal et de la nature des infractions pour lesquelles il avait été inculpé, la question d'une suspension provisoire au sens des art. 17 al. 3 LLCA et 56 LPAv devait être examinée.
Le 5 janvier 2010, le Président de la Chambre des avocats a indiqué à Me M._ qu'il avait décidé l'ouverture d'une enquête disciplinaire à son encontre et confié son instruction à Me Philippe-Edouard Journot, membre de la Chambre. Le 7 janvier suivant, il a imparti à Me M._ un délai au 18 janvier 2010 pour produire les pièces justifiant les retraits opérés sur les comptes bancaires de Mme V._ ainsi que les pièces ou tout autre élément informant Mme V._ de ces retraits.
Dans le délai imparti, Me M._ a produit un "résumé des activités effectuées pour V._ de 1997 à 2007", un "descriptif des retraits opérés sur les comptes de Mme V._ au Crédit Suisse", ainsi qu'un bordereau de pièces comprenant notamment les justificatifs de frais payés par Me M._ en 2005, 2006 et 2007 en relation avec l'investissement en Chine.
De l'audition de Me M._ par la Chambre des avocats le 19 janvier 2010, il résulte ce qui suit:
Me M._ soutient qu'il n'était pas limité dans la gestion des comptes de sa cliente par des instructions. Il a dès lors considéré que ses investissements en Chine entraient dans le cadre du mandat assez large qui lui avait été confié. Il fait valoir qu'en 2003, il a informé de manière générale les sœurs [...] d'un investissement à l'étranger, mais que celles-ci n'ont pas demandé de détails. Il a expliqué le peu de communications entre eux par le fait qu'il ne voulait ni téléphoner ni envoyer des courriers au domicile de sa cliente, celle-ci craignant le fisc allemand.
Me M._ conteste formellement les affirmations de la plaignante et de sa sœur selon lesquelles elles auraient résilié sa procuration sur les comptes en 2004.
Il admet qu'il a commis des erreurs, qu'il a trop fait confiance à ses interlocuteurs chinois et qu'il a pris des risques excessifs. Il réalise qu'il a omis de prendre certaines précautions, puisqu'il n'a aucun contrat écrit et aucune preuve formelle. Il admet également avoir eu de la peine à assumer les conséquences de son comportement vis-à-vis de sa cliente, d'où notamment les pièces tronquées. Me M._ soutient toutefois avoir agi de bonne foi et dans l'intérêt de sa cliente, afin de lui faire réaliser un gain substantiel. Interpellé, il déclare qu'il n'y pas d'autres mandats de gestion du type de celui-là.
Me M._ expose qu'il est en pourparlers avec la plaignante afin de régler l'affaire au fond. Il conclut à ce qu'il ne soit pas suspendu et à ce qu'il soit sursis jusqu'à la fin des procédures civiles et pénales pour qu'une décision soit prise en matière disciplinaire. Si une suspension provisoire devait être prononcée, il conclut très subsidiairement à ce qu'elle ne soit pas publiée. | En droit :
1.
a)
Le 1
er
juin 2002 est entrée en vigueur la nouvelle loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (RS 935.61; ci-après : LLCA). Cette nouvelle loi a pour but de réaliser la libre circulation des avocats en Suisse et, corollairement, d'unifier certains aspects de l'exercice de la profession, notamment en matière de règles professionnelles et de surveillance disciplinaire (TF 1A.223/2002 du 18 mars 2003 et 2A.418/2002 du 4 décembre 2002; FF 1999 p. 5331 ss, sp. 5335 et 5336).
Les faits qui sont reprochés au dénoncé se sont déroulés de 2000 à 2009, soit sous l'empire de l'ancien droit pour une moindre part (loi vaudoise du 22 novembre 1944 sur le barreau; ci-après: LB) et sous l'empire de la LLCA et de la loi vaudoise du 24 septembre 2002 sur la profession d'avocat (RSV 177.11; ci-après: LPAv) pour l'essentiel. Il s'agit dès lors de déterminer le droit applicable.
b)
Sauf disposition contraire, les nouvelles règles de procédure doivent être appliquées dès leur entrée en vigueur à toutes les affaires pendantes, que les faits à établir soient postérieurs ou antérieurs à la nouvelle loi (ATF 123 V 280, c. 4; ATF 112 V 356, c. 4a; ATF 111 V 46, c. 4; Knapp, Précis de droit administratif, 4
ème
éd., Bâle 1991, n. 594 p. 123; Moor, Droit administratif, tome I, 2
ème
éd., Berne 1994, n. 2.5.2.3, p. 171).
La compétence et la procédure de surveillance relèvent dès lors de la LLCA et de LPAv.
c)
Quant au droit de fond, il n'y a en principe pas de rétroactivité dans l'application des lois. En droit administratif, la situation doit être appréciée différemment: dès l'entrée en vigueur du nouveau droit, celui-ci s'applique. Cette règle vaut en général pour les situations durables et le régime des autorisations (Moor, op. cit., n. 2.5.2.3 p. 170-174). En revanche, elle ne vaut pas pour la sanction d'un comportement (Moor, op. cit., n. 2.5.2.3 p. 171). Dans un tel cas, l'interdiction de la rétroactivité demeure.
En l'espèce, la suspension provisoire envisagée constitue la sanction disciplinaire d'un comportement, et non le retrait d'une autorisation (art. 9 LLCA, 17 al. 1 aLB). La majeure partie des faits s'étant déroulée sous l'empire du nouveau droit, les art. 17 al. 3 LLCA et 56 LPAv s'appliquent. Il convient de constater, au demeurant, que l'art. 42bis aLB permettait au Tribunal cantonal de suspendre provisoirement l'avocat impliqué dans une action pénale du chef d'actes contraires à la probité ou à l'honneur, ou dans une poursuite disciplinaire engagée par la Chambre des avocats à raison de manquements paraissant graves.
II.
La loi sur les avocats s'applique aux titulaires d'un brevet d'avocat qui pratiquent, dans le cadre d'un monopole, la représentation en justice en Suisse (art. 2 al. 1 LLCA). Elle régit l'ensemble de leur activité professionnelle, que celle-ci relève de la représentation ou du conseil (François Bohnet, Droit des professions judiciaires [cité: Professions judiciaires], 2008, no 16). Les avocats en question lui sont donc soumis également lorsqu'ils agissent dans le cadre d'un contrat de fiducie, comme exécuteurs testamentaires, gérants de fortune ou mandataires à l'encaissement (TF 2C_889/2008 du 21 juillet 2009, c. 2.1; Walter Fellmann, in Kommentar zum Anwaltsgesetz, 2005, no 6 ad art. 12; Bohnet/Martenet, Le Droit de la profession d'avocat, Berne 2009, n. 1119 p. 486).
En l'absence de définition légale précise, les contours de la profession d'avocat varient ainsi selon les situations visées. Une définition très large est retenue en matière disciplinaire, dès lors qu'il s'agit de protéger le public et de préserver la réputation et la dignité de la profession (TF 4P.275/2004 du 22 décembre 2004, c. 3). De nombreux actes de l'avocat peuvent ainsi être visés par une procédure disciplinaire pourvu qu'ils soient accomplis par l'avocat dans le cadre de son activité professionnelle (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 2061).
En l'espèce, il est manifeste que l'activité de gestion de fortune faisant l'objet du mandat relève de la profession d'avocat et qu'elle a été exercée en cette qualité. Me M._ ne le conteste d'ailleurs pas. Elle est dès lors soumise à la LLCA.
III.
a)
La Chambre des avocats peut, si nécessaire, retirer provisoirement l'autorisation de pratiquer (art. 17 al. 3 LLCA et 56 LPAv). Une telle mesure ne peut intervenir que pour des motifs graves, lorsqu'il paraît vraisemblable que la procédure disciplinaire en cours va aboutir à une interdiction de pratiquer et qu'au vu de l'intérêt public en jeu, une telle mesure se justifie déjà pendant la procédure disciplinaire (TF 2C_889/2008 du 21 juillet 2009; TF 2A.418/2002 du 4 décembre 2002; Bohnet/Martenet, op. cit., n. 2234 p. 911 et les réf. citées; Fellmann/Zindel, Kommentar zum Anwaltsgesetz, n. 45 ad art. 17 LLCA p. 258). L'intérêt privé de l'avocat à pouvoir continuer à pratiquer sa profession ne doit en outre pas apparaître prépondérant (TF 2A.418/2002 du 4 décembre 2002, c. 2.1; Fellmann/Zindel, ibidem).
La nature même des mesures provisionnelles fait qu'elles ne peuvent être admises que si toute autre mesure se révèle inefficace à sauvegarder les intérêts en jeu. Dans la procédure disciplinaire qui vise les avocats, il s'agit de protéger le public de comportements dangereux et/ou graves de l'avocat. Par essence, les mesures provisionnelles doivent être prononcées rapidement. A ce stade de la procédure, le juge n'a donc pas à trancher le fond du litige. Il s'agit toutefois d'une mesure qui a des effets graves sur la situation de l'avocat concerné, raison pour laquelle l'issue de la procédure disciplinaire – soit l'interdiction de pratiquer, temporaire ou définitive – doit déjà apparaître comme vraisemblable.
L'interdiction de pratiquer constitue ainsi la sanction la plus sévère et ne peut en principe être prononcée qu'en cas de récidive, lorsqu'il apparaît que des sanctions plus légères n'ont pas permis d'amener l'intéressé à se conformer aux règles professionnelles (TF 2C_889/2008 du 21 juillet 2009).
b)
Il sied de rappeler, à titre préalable, qu'on ne saurait préjuger en l'espèce du sort de l'enquête pénale, qui n'en est qu'à ses débuts. Les violations aux règles professionnelles de l'avocat paraissent toutefois en l'état suffisamment graves pour vérifier si une éventuelle suspension provisoire de l'avocat s'avère nécessaire dans l'intérêt du public. Il convient dès lors, dans un premier temps, d'examiner le comportement de Me M._ dans la gestion de son mandat au regard de ses obligations professionnelles, avant de décider s'il convient ou non de le suspendre.
aa) Le 30 avril 2003, Me M._ a prélevé en liquide un montant de 300'000 francs sur le compte de sa cliente, qu'il a transmis à un tiers sans aucun document écrit en retour, signature de contrat, quittance ou reconnaissance de dette. Afin de s'assurer ce prélèvement, il a contracté avec le Crédit Suisse un crédit lombard d'un montant correspondant.
Me M._ soutient qu'il a informé sa cliente et sa sœur de cet investissement à l'étranger, mais qu'elles n'ont pas demandé de détails. Il n'y a toutefois aucun élément au dossier qui atteste du fait qu'il ait informé sa cliente du prélèvement, de l'opération d'investissement envisagée et du crédit lombard contracté.
Quant à l'opération menée, Me M._ a tenu des propos contradictoires au juge d'instruction: dans un premier temps, il a indiqué que l'argent avait été investi dans L._, dont il est actionnaire. Lors de l'audition suivante, il a expliqué avoir remis l'argent en mains propres à F._, afin d'être investi dans N._Ltd. S'agissant d'une opération dans laquelle il a investi les 300'000 fr. de sa cliente et 200'000 fr. lui appartenant en propre, par le biais d'une société L._ dont il est actionnaire et de N._Ltd, également contrôlée par lui-même (lettre du 7 mars 2008 et audition du 19 janvier 2010), on peut toutefois s'étonner du fait qu'il se soit "trompé" dans ses explications. L'opération mise sur pied devait selon toute vraisemblance être suffisamment connue de Me M._ pour que le stress d'une audition ne lui en fasse pas oublier les mécanismes et, surtout, ce qu'il avait fait de la somme en question.
On notera également que Me M._ a indiqué à Me P._ dans son courrier du 23 janvier 2009 que le retour sur investissement de Mme V._ se chiffrait à 650'000 fr., soit un gain net de 250'000 fr. sur neuf ans, compte tenu de l'apport initial et des frais. Le 18 janvier 2010, il y expliqué que les 300'000 fr. de sa cliente représentait un prêt et qu'elle devait faire un bénéfice de 100'000 francs. On peut également s'étonner du fait qu'il soit finalement peu éclairé sur le profit de cette opération menée à grands frais, ceux de sa cliente en l'occurrence.
Le 23 janvier 2009, Me M._ s'est en outre engagé auprès de Me P._ à verser personnellement la somme en découvert. Il ne s'est toutefois jamais exécuté.
bb) En juillet 2007, Me M._ a remis à sa cliente un relevé bancaire ne laissant apparaître que les actifs, pour une valeur totale de 622'207 fr., alors que l'original comportait également des engagements en liquidités pour une somme de 380'403 francs. Me M._ a admis avoir délibérément enlevé les passifs afin de rassurer les sœurs [...] sur l'état de leur fortune et car il ne voulait pas qu'elles sachent que l'opération avec les chinois n'avait pas encore été finalisée. Le dénoncé a également déclaré que c'était la seule fois où il avait tronqué un document bancaire, avant de se voir présenter deux autres documents, datant de 2003 et 2004, également tronqués. Il a alors admis l'avoir fait pour les mêmes raisons, à savoir rassurer sa cliente.
cc)
Enfin, Me M._ a prélevé des honoraires conséquents durant près de dix ans sans jamais en informer sa cliente. Celle-ci a reconnu qu'elle était partie de l'idée que l'étude retenait automatiquement les honoraires. Cela étant, elle n'avait jamais été informée, oralement ou par écrit, du montant des honoraires perçus et du tarif horaire appliqué.
Me M._ a déclaré qu'il n'y avait jamais eu d'échange d'information concernant tant les honoraires que les avoirs du compte (pv audition du 18 novembre 2009) et qu'il n'avait pas non plus établi de notes d'honoraires pro forma. Il a expliqué que c'était par discrétion, à cause du fisc allemand.
Il convient toutefois de relever que la plaignante a déposé la pièce 7/30, soit l'état du compte du 19 juillet 2007 tronqué. Le juge d'instruction a en outre séquestré 2 autres pièces tronquées, dont Me M._ a admis qu'il avait caché les passifs pour ne pas inquiéter sa cliente. Il apparaît donc que Me M._ montrait à sa cliente des documents bancaires. Cela étant, il lui aurait été loisible de lui produire des notes d'honoraires ou de frais, même si elle ne devait pas les emporter avec elle en Allemagne. Les dossiers de Me M._ ne comportent toutefois aucune note d'honoraires concernant sa cliente V._, alors qu'il a prélevé pour les années 1997 à 2007, à titre d'honoraires et de frais de participation à l'opération chinoise, les montants de 151'240 fr. et 57'429.63 euros. Il a également prélevé à l'attention de L._ et F._, en 2005 et 2006, les sommes de 61'310 USD et 25'000 euros. Ces prélèvements pour des sommes aussi importantes n'ont jamais, à aucun moment, fait l'objet d'informations à la cliente ou de notes au dossier.
Me M._ a expliqué que ses prélèvements concernaient d'une part des honoraires de gestion correspondant à 1.5 % du capital géré, des honoraires comptabilisés à la suite de conseils d'ordre successoral et, enfin, des honoraires et frais liés à l'opération chinoise. Ces explications sont toutefois insuffisantes à convaincre de la réelle destination – et justification – des fonds.
Il convient en effet de relever que le compte dépôt était de 1'054'015 fr. au 31 décembre 2000 et de 807'357 fr. au 31 décembre 2001. Des frais de gestion par 1,5 % aurait donc dû s'élever pour l'année 2001 à un montant se situant entre 15'810 fr. et 12'110 francs. Or, Me M._ a perçu pour l'année 2001 un montant de 30'000 fr. à titre d'honoraires, alors qu'il a perçu 16'000 fr. en 2000 et que les activités effectuées pour l'année 2001 apparaissent bien moins importantes en 2001 qu'en 2000. Les honoraires perçus n'apparaissent ainsi justifiés par aucune pièce.
c)
Au vu de ce qui précède, il convient de constater que les fautes commises par l'avocat M._ sous l'angle du respect des devoirs professionnels de l'avocat apparaissent très graves.
L'art. 12 LLCA impose notamment aux avocats le respect des règles professionnelles suivantes: il exerce sa profession avec soin et diligence (let. a), il évite tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé (let. c), il conserve séparément les avoirs qui lui sont confiés et son patrimoine (let. h) et lorsqu'il accepte un mandat, il informe son client des modalités de facturation et le renseigne périodiquement ou à sa demande sur le montant des honoraires dus (let. i).
Ces règles professionnelles peuvent être réunies en deux grands groupes qui se rejoignent: les devoirs qui découlent du principe de l'indépendance de l'avocat (let. c) et ceux qui trouvent leur fondement dans la confiance placée dans l'avocat et qui se rattachent à son devoir de diligence. Le devoir de diligence (let. a) est en effet compris comme une obligation-cadre, qui renvoie à diverses obligations plus spécifiques de l'avocat (let. h et i notamment) (Bohnet/Martenet, op. cit., nn. 1104 et 1105, pp. 481-482).
L'obligation de diligence permet d'exiger de l'avocat qu'il se comporte correctement dans l'exercice de sa profession afin de préserver la confiance du public (FF 1999 p. 5331, spéc. p. 5368). Il doit, de manière toute générale, assurer et maintenir la dignité de la profession, en s’abstenant notamment de tout ce qui pourrait porter atteinte à la considération et à la confiance dont il doit jouir pour remplir sa mission (TF 2A.151/2003 du 31 juillet 2003; ATF 108 Ia 316 c. 2b/bb, JT 1984 I 183 ; ATF 106 Ia 100 c. 6b, JT 1982 I 579).
En l'espèce, Me M._ a gravement failli à ses devoirs de diligence et d'indépendance et les actes qui lui sont reprochés, d'une gravité certaine, paraissent concerner les lettres a, c, h et i de l'art. 12 LLCA. Me M._ a clairement excédé les pouvoirs qui lui étaient confiés. Il a prélevé arbitrairement des honoraires surfaits sur les comptes de sa cliente, quand il le voulait et comme il le voulait, sans jamais l'en informer. Il a utilisé ces comptes en vue d'un investissement hasardeux qui l'intéressait au premier chef, puisqu'il a lui-même investi 200'000 fr. et qu'il a agi par le biais de deux sociétés dont il était actionnaire. Il a caché à sa cliente la nature et le montant de cet investissement, voire son existence même. Il a tronqué des documents pour cacher ses activités. Il s'est servi dans les comptes de sa cliente pour financer, à tout le moins en partie, des dépenses conséquentes liées à cet investissement (voyages en Chine pour deux ou trois personnes en business class, hôtel 5 étoiles, dépenses courantes de repas et boissons, voyage en Italie pour dix jours de personnes en provenance de Chine) sans jamais en donner connaissance à sa cliente d'aucune manière.
A la gravité de ces actes s'ajoute que les explications données par l'intéressé sont fluctuantes, contradictoires et parfois peu crédibles. Me M._ invoque sa bonne foi. Devant de tels manquements et compte tenu des propos changeants du dénoncé, il n'est toutefois pas possible d'y croire. Au vu des honoraires perçus et de l'investissement chinois opéré en partie – si ce n'est en totalité – dans son intérêt personnel ou dans celui des sociétés dont il est actionnaire, Me M._ a fait preuve d'un incroyable appât du gain, n'hésitant pas à prendre des risques inconsidérés pour parvenir à ses fins.
Le jugement du Tribunal correctionnel du 5 mars 1997, par lequel Me M._ a été condamné pour crime manqué d'extorsion et recel, retenait que l'attitude de l'accusé ne trouvait comme seule justification que le désir de faire passer ses intérêts financiers avant toute considération de probité. Selon la décision du 19 mai 2008, Me M._ avait caché à sa cliente l'encaissement d'une somme d'argent auprès de la partie adverse, il n'avait pas de compte clients et percevait sur ses comptes personnels l'argent leur revenant. Malgré la condamnation pénale et la suspension administrative qui s'en est suivie, Me M._ a persisté dans des comportements inadéquats, manifestement par intérêt purement financier.
La suspension vise à protéger le public de comportements dangereux et graves de l'avocat. La succession des procédures ouvertes à l’encontre du dénoncé et l'ensemble des circonstances dans lesquelles il a exercé le mandat de Mme V._ justifient les plus grands doutes quant à la capacité de Me M._ à respecter les règles professionnelles auxquelles tout avocat doit se conformer. L'intérêt public commande dès lors à l'autorité de surveillance de prendre une mesure qui soit propre à protéger les intérêts du justiciable rapidement. Il convient dès lors de suspendre Me M._ provisoirement et jusqu'à l'issue de la procédure disciplinaire ouverte à son encontre.
Il convient de relever, par surabondance, que Me M._ a admis avoir tronqué volontairement des pièces bancaires pour cacher à sa cliente l'état des passifs. Cela étant, il reconnaît implicitement, à tout le moins sur le principe, le faux dans les titres. Or, du fait qu'une condamnation pénale apparaît ainsi plausible ne serait-ce que de ce chef, une nouvelle radiation administrative de l'avocat M._ pourrait, le moment venu, se justifier au regard de l'art. 9 LLCA, en rapport avec l'art. 8 al. 1 let. b LLCA.
IV.
En définitive, Me M._ doit être suspendu en application des art. 17 al. 3 LLCA et 56 LPAv.
Un avocat suppléant doit être désigné (art. 56 al. 2 et 64 LPAv). Me M._ a proposé que son associé [...] soit désigné en cette qualité. Il peut être fait droit à cette proposition.
L'art. 65 LPAv permet de publier la décision de retrait du droit de pratiquer. S'agissant d'une mesure provisionnelle, une telle publication ne se justifie pas en l'état, d'autant que l'enquête au fond doit se poursuivre. Seront toutefois informées les autorités judiciaires cantonales ainsi que, comme l’exige l’article 18 al. 2 LLCA, les autorités de surveillance des autres cantons.
Les frais d'arrêt suivent le sort de la cause au fond. | Public | Public Administration | fr | 2,010 | VD_TC | VD_TC_005 | VD | Région lémanique |
57bc66fe-02e2-46a3-9aeb-6053443f7e6b | En fait :
A.
Par jugement du 16 mai 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a constaté que B.N._ s'est rendu coupable de violation grave des règles de la circulation routière (I), condamné B.N._ à une peine pécuniaire de 16 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 250 fr. et à une amende de 2'000 fr. (II), suspendu l’exécution de la peine pécuniaire et fixé au condamné un délai d'épreuve de deux ans (III), dit qu'en cas de non-paiement fautif de l'amende, la peine privative de liberté de substitution sera
de 8 jours et mis les frais de la cause par 900 fr. à la charge de B.N._.
B.
Par annonce du 17 mai 2013, puis par déclaration d'appel du 11 juin 2013 complétée le 27 août suivant, B.N._ a attaqué ce jugement – notifié sous sa forme complète le 22 mai 2013 – en concluant à sa réforme en ce sens qu'il est condamné pour violation simple des règles de la circulation routière, à une amende de 180 fr. (II), à ce que les frais et les indemnités de première instance soient fixés à dire de justice (III), à ce que les frais de seconde instance soient laissés à la charge de l'Etat (IV), et à ce qu'une indemnité de 3'500 fr. lui soit versée pour ses frais de défense de deuxième instance (V).
Par lettre du 27 juin 2013, le Ministère public a renoncé à déposer une demande de non-entrée en matière et à déposer un appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
B.N._ est né le 7 août 1970. Il s’est marié en 1998 et vit actuellement avec son épouse et leurs deux filles âgées de 12 ans. Dentiste de formation, il n'exerce plus d'activité lucrative depuis qu'il a vendu, en 2008, la société anonyme dont il était l’employé. Il dit être entretenu par son épouse qui réalise, en sa qualité de médecin-dentiste, un revenu de l’ordre de 160'000 fr. par an et qui gère l'administration du ménage. Le couple dispose par ailleurs d'une fortune qui se montait à plus de 2'900'000 fr. en 2009. Pour l’année 2011, B.N._ a déclaré détenir des titres et autres placements pour 1'720’522 fr., des véhicules pour 2'750'000 fr. ainsi qu'un immeuble privé pour 1'964'500 francs. Il fait état d'une dette hypothécaire de l’ordre de 4'000'000 francs.
Le casier judiciaire de B.N._ est vierge, même s'il ressort de son dossier que, le 4 juillet 2002, il a été condamné par le Préfet d'Echallens à une amende de 920 fr. pour violation grave des règles de la circulation routière.
Il ressort, par ailleurs, de l'extrait du fichier fédéral des mesures administratives en matière de circulation routière (ADMAS) de B.N._ que celui-ci a fait l'objet d'un retrait de permis d’une durée de deux mois entre le 30 septembre et le 29 novembre 2002 pour excès de vitesse, puis d'un autre du 1
er
au 29 février 2008 pour le même motif, ainsi que d'un avertissement infligé le 17 août 2005 pour excès de vitesse et pour d’autres fautes de circulation.
2.
B.N._ a été renvoyé devant le premier juge à la suite de son opposition à l’ordonnance pénale rendue le 21 juin 2012 par le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois. Cette ordonnance retient que le 17 janvier 2012, vers 16h30, sur l’autoroute Orbe-Chavornay, jonction Orbe-échangeur d’Essert-Pittet, le prévenu a circulé à la vitesse de 116 km/h (marge de sécurité déduite) dépassant ainsi de 36 km/h la vitesse maximale autorisée sur ce tronçon, qui était limitée à 80 km/h. A l'instar du premier juge, la cour de céans se réfère à cet état de fait correctement instruit et non contesté. | En droit :
1.
1.1
Aux termes de l’art. 398 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0), la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
La déclaration d’appel de B.N._ a été déposée en temps utile (art. 399 al. 1 et 3 CPP) contre une décision rendue par une autorité de première instance qui a clos la procédure au sens de l'art. 398 al. 1 CPP. Elle est donc recevable et il y a lieu d'entrer en matière.
1.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel.
Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
2.
2.1
L'excès de vitesse n'est plus contesté par l'appelant. L'intéressé soutient en revanche, sur la base de plans d'époque qu'il produit, qu'une limitation de vitesse à 80 km/h n'était pas justifiée sur le tronçon où il a été flashé. Au vu du temps sec et clair et de la faible densité du trafic, son cas était semblable à celui analysé par la Haute Cour dans l'arrêt TF 6B_622/2009 du 23 octobre 2009, et l'hypothèse d'une violation grave des règles de la circulation routière devait être écartée, faute de mise en danger concrète ou abstraite. Dans ces circonstances, seule la limitation générale était applicable et il fallait se placer, pour évaluer le degré de gravité de l'infraction commise, comme si la limite avait été correctement fixée à 120 km/h, voire à 100 km/h à proximité de l'échangeur. Le dépassement n'était alors que de 16 km/h au plus, ce qui, selon les normes topiques applicables, justifiait une amende de 180 francs.
2.2
Selon la jurisprudence, l’infraction réprimée par l’art. 90 ch. 2 LCR (loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958; RS 741.01), est objectivement réalisée lorsque l’auteur viole grossièrement une règle fondamentale de la circulation et met ainsi sérieusement en danger la sécurité d’autrui, une mise en danger abstraite accrue étant à cet égard suffisante. Subjectivement, l’infraction suppose un comportement sans scrupule ou gravement contraire aux règles de la circulation. Cette condition est toujours réalisée si l’auteur est conscient du danger que représente sa manière de conduire, mais peut aussi l’être s’il ne tient absolument pas compte du fait qu’il met autrui en danger. Dans cette dernière hypothèse, l’existence d’une négligence grossière ne doit toutefois être admise qu’avec retenue. La qualification de cas grave au sens de l’art. 90 ch. 2 LCR correspond à celle de l’art. 16 al. 3 let. a aLCR, respectivement à celle de
l’art. 16 al. 3 let. a aLCR (TF 6B_282/2009 du 14 décembre 2009 et les arrêts cités).
Dans le domaine des excès de vitesse, la jurisprudence, afin d’assurer l’égalité de traitement, a été amenée à fixer des règles précises. Ainsi, lorsque, comme en l’espèce, l’excès de vitesse a été commis hors localité, le cas est objectivement grave, c’est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes, si la vitesse maximale autorisée, en l’occurrence 80km/h, est dépassée de 30 km/h ou plus (ATF 124 II 259 c. 2c p. 263) Même en deçà de cette limite, voire si le conducteur a circulé à une vitesse égale ou même inférieure à celle autorisée sur le tronçon litigieux, le cas peut néanmoins être objectivement grave pour d’autres motifs, par exemple à raison d’une vitesse inadaptée aux circonstances, au sens de l’art. 32 al. 1 LCR, ayant entraîné une perte de maîtrise du véhicule. Ainsi, une mise en danger grave de la sécurité du trafic a-t-elle été retenue dans le cas d’un automobiliste qui, malgré une forte pluie, avait circulé sur une autoroute à quelque 120 km/h et était parti en dérapage à cause de l’aquaplaning (ATF 120 lb 312 c. 4c p. 315/316). Il a été relevé qu’il en irait de même dans le cas de celui qui, à l’intérieur d’une localité, circulerait à 50 km/h à proximité d’un jardin d’enfants au moment où des enfants se trouvent à cet endroit (ATF 121 II 127 c. 4a p. 132).
Ces principes ont encore été confirmés tels quels dans un récent arrêt TF 6B_50/2013 du 4 avril 2013 c. 1.3, auquel il peut être renvoyé.
Les arrêts cités ci-dessus concernaient la circulation sur route principale hors localité. Sur l'autoroute la limite du cas grave est fixée à un dépassement de 35 km/h (TF 6B_264/2007 du 19 septembre 2007 c. 3.1, et les références citées). Les mêmes règles jurisprudentielles sont applicables.
2.3
Le dépassement de vitesse de 36 km/h enregistré sur l'autoroute en la présente espèce constitue un cas objectivement grave au sens de la jurisprudence citée. Il démontre une absence de scrupule. L'argument utilisé en défense, selon lequel la limitation de vitesse à 80 km/h sur le tronçon visé n'était pas conforme à la situation concrète, n'est pas décisif. Il n'appartient en effet pas au juge de remettre en cause une limitation de vitesse, au demeurant parfaitement justifiée à l'endroit de l'infraction (cf. supra p. 8). La configuration des lieux ne peut pas davantage justifier une exception dans l’application de la jurisprudence citée, car, contrairement à ce que plaide l'appelant, la situation créée par une jonction, à 100 mètres à peine de celle-ci, est particulièrement dangereuse en raison des changements de voie qu'elle implique. La qualification de l'infraction ne prête donc pas le flanc à la critique et doit être confirmée.
3.
3.1
Les règles générales régissant la fixation de la peine ont été rappelées dans les arrêts publiés aux ATF 136 IV 55 et ATF 134 IV 17 c. 2.1 et les références citées, auxquels on peut se référer et il peut être renvoyé.
3.2
En l'espèce, la peine n’est pas contestée en tant que telle. Elle est au surplus tout à fait adéquate au regard des principes découlant de l'art. 47 CP et de la culpabilité de l’appelant, d’autant plus importante que celui-ci, déjà sanctionné à plusieurs reprises pour des excès de vitesse, persiste à soutenir que sa faute serait modeste.
Le raisonnement du Tribunal consistant à fixer le jour-amende en tenant compte de la fortune importante du prévenu – qui a fait le choix de ne pas
travailler – est conforme au droit (TF 6B_568/2012 du 16 novembre 2012 c. 2). Ce point n'est au demeurant pas remis en cause. On relèvera que la fortune de B.N._ est même supérieure à celle retenue par le jugement attaqué. Il est en effet notoire que la valeur vénale du bien immobilier ne peut être que supérieure d’au moins 20% au montant du prêt hypothécaire (qui se monte ici à quatre millions de francs). La fortune réelle de l’appelant n’est donc pas inférieure à la somme de 1'720'522 fr. de titres, de 2'750'000 fr. de véhicules, et de 20% de 4'000'000 fr. (800'000 fr.), ce qui représente un montant total plus proche des cinq millions que des 2'504'21 fr. retenus par le Tribunal sur la base de la déclaration fiscale de 2011 (jugement p. 5). Au vu de ces éléments, la quotité du jour-amende, fixée à 250 fr. par le premier juge, n'est pas critiquable.
4.
En définitive, l'appel de B.N._, mal fondé, doit être rejeté et le jugement entrepris confirmé.
5.
Vu le sort de l'appel, les frais de seconde instance doivent être mis à la charge de l'appelant (art. 428 al. 1 CPP).
La condamnation de B.N._ ayant été confirmée, il convient de rejeter sa requête tendant à ce que lui soit versée une indemnité de 3'500 fr. pour ses frais de justice et d'avocat de seconde instance (art. 429 al. 1 let. a CPP
a contrario
). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
57c03a49-311a-4cdc-99d9-d818bf73588f | En fait :
A.
Par jugement du 5 mai 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte a, notamment, constaté qu’A.G._ s’était rendu coupable de vol en bande et par métier, dommages à la propriété qualifiés, violation de domicile et usage abusif de plaques (I); l'a condamné à une peine privative de liberté de quatre ans, sous déduction de 354 jours de détention avant jugement (II); a ordonné le maintien de la détention d'A.G._ pour des motifs de sûreté (III); a libéré B.G._ du chef d’accusation de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (VII); a constaté qu'il s'était rendu coupable de vol en bande et par métier, dommages à la propriété qualifiés, violation de domicile et usage abusif de plaques (VIII); l'a condamné à une peine privative de liberté de quatre ans, sous déduction de 354 jours de détention avant jugement (IX) et a ordonné le maintien de la détention de B.G._ pour des motifs de sûreté (X).
B.
B.G._ et A.G._ ont chacun formé appel contre ce jugement, respectivement les 9 et 10 mai 2011.
Par déclaration d'appel motivée du 1
er
juin 2011, B.G._ a conclu à la réforme des chiffres VIII et IX du dispositif du jugement attaqué en ce sens qu'il est constaté qu'il s'est rendu coupable de vol, dommages à la propriété qualifiés, violation de domicile et usage abusif de plaques et qu'il est condamné à une peine privative de liberté de deux ans, dont douze mois avec sursis, sous déduction de 354 jours de détention avant jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 1
er
juin 2011, A.G._ a conclu à la réforme des chiffres I et II du dispositif du jugement attaqué en ce sens qu'il est constaté qu'il s'est rendu coupable de vol et de dommages à la propriété qualifiés et qu'il est condamné à une peine privative de liberté de deux ans, dont douze mois avec sursis, sous déduction de la détention avant jugement.
Le 20 juin 2011, le Ministère public de l’arrondissement de La Côte a annoncé qu’il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière et à déclarer un appel joint.
A l'audience du 23 août 2011, le Président a confirmé que la cour avait préalablement visionné les différentes séquences filmées par les caméras de surveillance. La Banque T._ ainsi que [...] ont été dispensés de comparaître. Les parties, ainsi que le témoin B._, ont en outre été entendus. Les appelants ont chacun confirmé les conclusions prises dans leurs écritures. Le conseil d'A.G._ a renoncé à présenter d'autres réquisitions concernant la situation médicale de celui-ci. Le procureur a conclu au rejet des appels.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.G._ est né le 15 septembre 1976 et est domicilié à [...], dans le département de l'Isère, en France. Marié à F.G._, il est le père de trois enfants nés en 1995, 1998 et 2003. Dès la fin de sa scolarité, il a travaillé dans le domaine de la vannerie avec ses parents, vendant des marchandises et offrant ses services sur les marchés et au porte-à-porte. Il déclare avoir exercé cette activité jusqu'à son arrestation. Selon les dires de son épouse, cette activité lui procure un revenu variable, de l’ordre de 700 à 800 euros par mois. Le prévenu bénéficie encore du revenu de solidarité active, des allocations familiales ainsi que d’une allocation de logement, pour un total de 1'371 euros par mois. Le montant du loyer du logement qu’il occupe avec sa famille s’élève à 300 euros par mois. Le couple a quelque dettes.
Le casier judiciaire suisse d’A.G._ est vierge. En revanche, son casier judiciaire français comporte l'inscription suivante :
- 4 janvier 2007 : Tribunal correctionnel de La Rochelle, deux ans d’emprisonnement pour recel de biens provenant d’un vol, vol aggravé par deux circonstances et tentative de vol en réunion.
2.
B.G._ est né le 30 juin 1975. Célibataire, il vit maritalement avec M._, à [...], en France. Il est le père de deux enfants mineurs qu’il a eus avec [...]. Ayant déclaré être au bénéfice d’une formation de paysagiste, il travaillait, avant son interpellation, dans les travaux publics, réalisant ainsi un revenu de l’ordre de 1'200 à 1’300 euros par mois. Il ne verse pas de contribution d’entretien à son ex-compagne.
B.G._ n’est pas inscrit au casier judiciaire suisse. En revanche, son casier judiciaire français comporte les mentions suivantes :
- 10 mai 2001 : Tribunal correctionnel de Bourgoin-Jallieu, deux mois d’emprisonnement pour recel en bande organisée de bien provenant d’un délit;
- 22 juillet 2002 : Tribunal correctionnel de Blois, un mois d’emprisonnement pour prise du nom d’un tiers pouvant déterminer des poursuites pénales contre lui;
- 19 septembre 2002 : Chambre des appels correctionnels de la Cour d’appel de Grenoble, six mois d’emprisonnement dont deux mois avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve de deux ans pour recel de bien provenant d’un vol;
- 14 mars 2003 : Chambre des appels correctionnels de la Cour d’appel de Grenoble, six mois d’emprisonnement pour violence avec usage ou menace d’une arme suivie d’incapacité n’excédant pas 8 jours et menace de mort matérialisée par écrit, image ou autre objet;
- 30 septembre 2003 : Tribunal correctionnel de Vienne, dix mois d’emprisonnement et 3'000 euros d’amende pour recel de bien provenant d’un vol;
B.G._ figure encore au casier judiciaire allemand avec l’inscription suivante :
- 21 juin 2005 : Amtsgericht Augsburg, sept ans et six mois de peine privative de liberté pour “Gemeinschaftlich begangener schwerer Bandendiebstahl in 4 Fällen".
3. a)
A Trélex, dans la nuit du 20 au 21 avril 2010, A.G._ et cinq individus non identifiés, ont dérobé, devant les locaux du Garage [...], une Renault Espace verte non immatriculée. Ils ont brisé la vitre du côté conducteur et ont ponté les fils du démarreur avant de quitter les lieux au volant de ce véhicule.
b)
A Trélex, durant la même nuit, A.G._ et ses complices se sont introduits sans droit dans l’enceinte de l’entreprise [...] Sarl, ont fracturé la portière du côté conducteur d’un fourgon Citroën C25 blanc immatriculé [...], ont ponté les fils du démarreur et ont quitté les lieux au volant de ce véhicule.
Auparavant, A.G._ et ses complices ont pénétré sans droit dans l’enceinte de l’entreprise [...] SA où ils ont fracturé la portière d’un fourgon Iveco, immatriculé [...] et ont tenté de le faire démarrer, sans succès.
c)
A Signy, durant la même nuit, A.G._ et ses complices ont fracturé la porte de la station service [...] donnant accès au distributeur automatique de billets de la Banque [...]. Ils ont ensuite pénétré dans les locaux de la banque et entouré le bancomat avec un câble en acier, lequel avait été relié au fourgon Citroën C25 blanc. Ils ont tenté d’arracher l'appareil, sans succès, et ont quitté les lieux lorsqu’un agent de sécurité est intervenu.
Ces événements ont été filmés par les trois caméras de surveillance de la Banque T._. Sur ces images, on voit tout d'abord arriver la camionnette suivie de plusieurs voitures. La camionnette est garée dos au local dans lequel se trouve le bancomat. Deux voitures, dont un break Audi de couleur grise, sont garées devant la station, prêtes au départ. Six hommes vêtus d’habits sombres, le visage masqué par des cagoules et portant des gants, sortent des véhicules et se mettent au travail avec rapidité, les faits ayant duré moins de cinq minutes. Il n’a ainsi fallu que quelques instants aux auteurs pour mettre les véhicules en place, ouvrir les locaux, relier le bancomat au fourgon et mettre ce dernier en mouvement.
A.G._ conteste avoir participé à ces événements et prétend avoir passé la nuit en question chez l’un de ses amis, R._, qui réside à Mornant, dans le Rhône.
La présence d’A.G._ dans les locaux de la station U._ la nuit en question a toutefois été formellement établie par la découverte de traces de la semelle des chaussures portées par celui-ci lors de son arrestation le 17 mai 2010 à Mies.
4.
Dans la soirée du 16 mai 2010, A.G._, B.G._ et C.G._, accompagnés de quatre autres complices, au nombre desquels figuraient E.G._ et D.G._, ont quitté la région de Bourgoin‐Jallieu dans trois voitures de grosse cylindrée et ont circulé en direction de la Suisse. Arrivés sur le territoire helvétique, ils se sont rendus à Vinzel où ils ont dérobé un camion Iveco immatriculé [...] avant de se rendre dans le secteur de Chavannes-des-Bois - Sauverny, où ils ont dérobé un tracteur. Arrivés à Mies, ils ont volé la plaque d’immatriculation arrière [...] qui était apposée sur le véhicule de [...]. Durant cette même nuit, ils ont également emporté les plaques d'immatriculation [...], propriété d’[...]. Ces plaques d’immatriculation suisses ont été apposées sur l’Audi A4 conduite par C.G._. Ensuite, les prévenus et leurs comparses se sont rendus devant la Banque T._ de Mies avec les quatre véhicules susmentionnés. Ils ont placé le camion dos à la banque et ont déroulé le câble. B.G._ a alors brisé la porte d’entrée principale de la banque au moyen d’une masse. A l’intérieur du hall d'entrée, B.G._ a brisé les parois vitrées et opaques du local sécurisé et inaccessible au public, dans lequel se trouvait le distributeur à billets. Pendant ce temps, plusieurs autres hommes masqués sont entrés, dont A.G._. Ce dernier a tenté sans succès de briser la porte vitrée voisine qui permet l’accès aux locaux de la banque, en y lançant un petit meuble en béton. En agissant de la sorte, A.G._ cherchait manifestement une autre voie pour accéder au bancomat plus rapidement. Une fois le trou créé par B.G._ devenu suffisamment grand un homme vêtu d’une veste noire s’est glissé vers le distributeur automatique et l’a entouré avec un câble d’acier. A.G._ a fixé la boucle d’accrochage au câble, avec l’aide de B.G._. Cela fait, les hommes sont sortis rapidement des locaux et l’un d’eux a mis en marche le camion Iveco immatriculé [...]. Le bancomat a dès lors été violemment arraché et propulsé à l’extérieur de la banque, du premier coup. Plusieurs hommes, dont C.G._, ont chargé le bancomat dans le coffre de l’Audi A4 noire. C.G._ a pris le volant et a démarré. Lors du démarrage, à l’arrivée de la police qui avait été alertée, le distributeur de billets est tombé du coffre de l'Audi sur la chaussée. L'appareil contenait 170'000 fr. et 27'000 euros. Les dommages occasionnés aux locaux de la banque ont été estimés à quelque 144'000 francs.
Les patrouilles de police arrivées sur place ont constaté que les locaux de la banque étaient dévastés; la baie vitrée de l’entrée de la banque était détruite et le distributeur à billet gisait sur la chaussée, à l’extérieur de la banque. En outre, sept individus cagoulés tentaient de prendre la fuite avec plusieurs véhicules. Après un tir de sommation, l’un des gendarmes est parvenu à appréhender un homme, identifié par la suite comme étant C.G._, qui se trouvait au volant d’une voiture Audi A4, volée quelques jours plus tôt à Borex. Au même moment, un autre gendarme a interpellé A.G._ qui prenait la fuite en courant. Trois autres individus sont montés à bord d’un véhicule foncé qui est parvenu à quitter les lieux, en dépit du fait que l’un des gendarmes ait tiré à deux reprises en direction des pneus dudit véhicule. Peu après, les gendarmes ont appréhendé B.G._, qui s’était caché à proximité.
Plusieurs véhicules ont été retrouvés sur les lieux dont une AudiA4 noire dérobée dans la nuit du 11 au 12 mai 2010. C.G._ se trouvait à son bord. Les plaques d’immatriculation [...] et [...], dérobées la nuit du 16 au 17 mai dans le village de Mies, étaient apposées sur ce véhicule. Une BMW 730d, dérobée dans le garage [...] SA, dans la nuit du 27 au 28 avril 2010, était également abandonnée sur les lieux et était immatriculée VD [...], soit le numéro d’immatriculation appartenant à une BMW 530i également dérobée dans le garage [...] SA entre le 27 et le 28 avril 2010. Dans ces véhicules, un lot important d’outils a été trouvé : hache, pied-de-biche, barres à mine, masses, cales métallique, ainsi que des bouts de tuyaux d’arrosage.
De plus, durant cette même nuit, un tracteur a été dérobé à Sauvergny, dans le département de l’Ain, et a été retrouvé dans un champ sur la commune de Chavannes-de-Bogis. A proximité de ce véhicule, la page de couverture d’un atlas géographique a été découverte. Cette page provenait d’un atlas se trouvant dans le véhicule Audi A4 noire, dérobé à Borex et retrouvé à Mies sur les lieux de l’interpellation des trois prévenus. De surcroît, d’importantes traces de terre ont été constatées sur les roues de tous les véhicules retrouvés à Mies.
5.
Pour l'ensemble de ces faits, A.G._ et B.G._ ont été condamnés pour vol en bande et par métier, dommages à la propriété qualifiés, violation de domicile et usage abusif de plaques. | En droit :
I. Généralités
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels sont recevables. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
On examinera tout d’abord l'appel d'A.G._ (ch. II), puis celui de B.G._ (ch. III).
II. Appel d'A.G._
1.
Invoquant la violation de la présomption d'innocence, A.G._ conteste avoir eu la volonté autonome de commettre l'infraction de Mies et soutient n'avoir agi qu'avec une "
volonté subordonnée
" qui comprenait uniquement le fait d'apporter son aide à l'infraction commise par autrui. Il fait également valoir que les vols du camion, du tracteur et des plaques d'immatriculation ne sauraient lui être imputés.
1.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, qui est garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38, c. 2a).
1.2
L'appelant fonde ses griefs sur une critique mélangée du fait et du droit. La question de l'intensité de sa participation à l'opération de Mies sera tranchée ci‐après (cf. infra c. 4).
1.2.1
A.G._ a nié avoir participé au vol du camion Iveco immatriculé [...]. Selon lui, il n'a fait que rester sur un petit chemin en compagnie de C.G._ pendant que les deux autres voitures et leurs occupants, au nombre desquels figurait B.G._, sont partis dérober le camion.
Si cette version des faits est confirmée par les déclarations de B.G._ et de C.G._, il n'en demeure pas moins qu'A.G._ et ses acolytes ont admis avoir eu le projet commun de se rendre en Suisse pour y arracher un bancomat.
A.G._, qui avait participé à l'opération de Signy entre le 20 et le 21 avril 2010 (cf. infra II/2), savait pertinemment qu'un camion était censé servir à extirper l'appareil. Il s'agissait en effet d'un préalable nécessaire au projet final d’arrachage du bancomat.
Au surplus, C.G._ a déclaré qu'alors qu'il attendait en compagnie d'A.G._, il savait à ce moment-là qu'il s'agissait pour les autres protagonistes d'aller voler un camion afin d'arracher le bancomat (jgt, p. 6).
Au vu de ce qui précède, A.G._ ne pouvait dès lors ignorer que les autres participants étaient partis pour dérober un camion dans le but d'arracher un bancomat.
1.2.2
Quant au vol du tracteur dérobé à Sauverny et déposé dans un champ de la localité voisine de Chavannes-des-Bois, à 800 m de son lieu de stationnement, il doit également être imputé à A.G._.
Selon les constatations des enquêteurs, la page de couverture d’un atlas géographique a été découverte à proximité du tracteur. Or, l'atlas géographique correspondant a été retrouvé dans l’Audi A4, dérobée à Borex, et saisie à Mies, sur les lieux de l'interpellation d'A.G._, C.G._ et B.G._. De surcroît, la police a constaté la présence de nombreuses traces de pneus de véhicules sur ce champ et les trois véhicules retrouvés à Mies présentaient d’importantes traces de terre sur les roues. Enfin, dans leurs déclarations, les prévenus ont fait état d’un champ dans lequel ils se seraient arrêtés pour arrimer au camion le câble qui devait servir à l’arrachage du distributeur et procéder aux derniers préparatifs avant d'entrer en action.
1.2.3
Il était également justifié de retenir à la charge d'A.G._ le fait d'avoir fixé sur l'Audi A4 retrouvée devant la Banque T._ de Mies les plaques d'immatriculation volées durant la même nuit et d'avoir circulé avec celles-ci. L'appelant a en effet admis avoir pris place dans cette voiture, munie des plaques d'immatriculation volées, en compagnie de C.G._.
1.2.4
Au vu ce qui précède, force est de constater que les faits retenus par les premiers juges l'ont été à bon escient. Ils n'ont aucunement violé la présomption d'innocence, puisque, sur la base d'un examen objectif de la situation, il existe un faisceau d'indices entraînant la conviction que les faits précités devaient être imputés à l'appelant.
2.
A.G._ conteste avoir participé aux événements survenus à Signy dans la nuit du 20 au 21 avril 2010.
Il apparaît cependant que dans un rapport du 1
er
juin 2010 (dossier, pièce 63), les inspecteurs de l’identité judiciaire font état de la découverte sur les lieux du délit commis dans la nuit du 20 au 21 avril 2010 à Signy des traces de la semelle des chaussures portées par A.G._ lors de son arrestation le 17 mai 2010 à Mies. En effet, sur deux feuilles piétinées trouvées sur le sol devant le coffre du distributeur automatique de billets de banque, les inspecteurs ont prélevé quatre appositions de la même chaussure, soit deux appositions se chevauchant d’une trace de semelle fragmentaire composée de ronds avec une cartouche verticale et deux appositions se chevauchant d’une trace de semelle fragmentaire composée de ronds sous là plante et de ronds concentriques dans le talon. Les inspecteurs ont constaté que les quatre traces de semelles prélevées sur ces feuilles avaient trois fois comme origine qualifiée de "
certaine
" et une fois comme origine qualifiée de "
très probable
", la chaussure droite "
Nike Shox
", pointure 41, qu'A.G._ portait lors de son arrestation. Les conclusions précitées ont été vérifiées et confirmées par le biais d'un double contrôle dans la mesure où elles ont été examinées par deux inspecteurs spécialisés en la matière.
Au vu de ce qui précède, la présence des chaussures d’A.G._ à Signy dans la nuit du 20 au 21 avril 2010 a été incontestablement établie par des spécialistes.
Le prévenu n’ayant pas prétendu avoir prêté ses chaussures à quiconque, se les être fait emprunter ou être venu sur les lieux à un autre moment, le tribunal a retenu à bon escient qu'A.G._ était bien présent lors de la tentative d’arrachage du bancomat de la Banque T._ de Signy.
De surcroît, le mode opératoire est identique à celui pratiqué par A.G._, B.G._ et C.G._ à Mies. En effet, les délinquants ont repéré un bancomat à proximité d’une sortie d’autoroute, ils se sont présentés au volant de voitures puissantes, dont un break dans le coffre duquel le distributeur automatique dérobé devait être chargé. Arrivés dans la région où se trouvait la cible, les délinquants ont dérobé une camionnette devant servir à arracher le bancomat, ont préparé leur matériel d’assaut et ont attaché un câble d’acier au châssis du véhicule tracteur. Une fois devant la banque, cagoulés et gantés, ils ont brisé la porte d’entrée au moyen d’une masse et ont déroulé le câble avec lequel ils ont entouré le bancomat pour l’arracher.
Si le mode opératoire strictement identique entre l'opération de Signy et celle de Mies n'établit certes pas à lui seul la participation d'A.G._, il s'agit cependant d'un indice d'autant plus concluant qu'il est scientifiquement acquis que les quatre roumains qui auraient selon les prévenus instigué et dirigé le vol de Mies n'existent pas et que l'opération a été effectuée en compagnie de deux autres membres de la famille [...], soit D.G._ et E.G._.
Enfin, le fait pour A.G._ d'avoir séjourné durant cette période chez un ami à Mornant, outre qu'il repose sur un témoignage émanant d'un de ses proches, ne l'empêchait nullement de se rendre dans la soirée du 20 au 21 avril 2010 à Signy, soit à une distance d'environ 200 km.
Il résulte de ce qui précède, à savoir les traces de chaussure et le mode opératoire identique à l'opération de Mies, un faisceau d'indices convergents qui permettait au tribunal de forger sa conviction et de conclure que la procédure a établi à suffisance de preuves que le prévenu avait commis les faits précités. La présomption d'innocence n'a ainsi nullement été violée.
3.
L'appelant fait valoir qu'au cours des événements de Mies, il n'y a eu que commencement de commission d'une infraction et que le résultat escompté ne s'est pas produit, le bancomat étant tombé lors du démarrage. Seule une tentative de vol au sens de l'art. 22 CP pourrait être envisagée.
3.1
Selon l'art. 139 CP, celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Le vol suppose la soustraction de la chose mobilière, soit le bris de la possession d'un tiers (Corboz, op. cit., n. 2 ad art. 139 CP).
3.2
Dans le cas présent, l'infraction était consommée au moment où le distributeur automatique de billets de banque a été chargé dans l'Audi A4 prête au départ et l'on ne saurait retenir une tentative de vol à cet égard. Au demeurant, la tentative est absorbée par le délit consommé par métier (ATF 123 IV 113 c. 2d).
Mal fondé, le grief doit être rejeté.
4.
A.G._ soutient que le dossier démontre que lors de l'opération de Mies, si le ou les auteurs principaux avaient renoncé, il en aurait fait de même dans la mesure où il n'avait qu'un rôle "
d'auxiliaire assez limité
".
4.1
Est un coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux. Il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas. Il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet; il peut y adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Ce qui est déterminant, c'est que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 130 IV 58 c. 9.2.1; 125 IV 134 c. 3a; 120 IV 136 c. 2, 265 c. 2c/aa et les arrêts cités).
La jurisprudence exige même que le coauteur ait une certaine maîtrise des opérations et que son rôle soit plus ou moins indispensable (ATF 120 IV 17 c. 2d; 136 c. 2b; 265 c. 2c/aa; 118 IV 397 c. 2b).
Le complice est en revanche un participant secondaire qui "
prête assistance pour commettre un crime ou un délit
" (art. 25 CP). La contribution du complice est subordonnée : il facilite et encourage l'infraction par une contribution sans laquelle les événements auraient pris une tournure différente; son assistance ne constitue toutefois pas nécessairement une condition sine qua non à la réalisation de l'infraction (ATF 119 IV 289 c. 2c). Contrairement au coauteur, le complice ne veut pas l'infraction pour sienne et n'est pas prêt à en assumer la responsabilité. En règle générale, celui qui se borne à faire le guet agit en qualité de complice et non de coauteur (TF 6B_681/2007 du 25 janvier 2008 c. 2.3 et les références citées).
4.2
En l'occurrence, A.G._, B.G._, C.G._ et leurs acolytes ont décidé d’unir leurs efforts dans le but de venir en Suisse pour y voler un bancomat. Comme l'ont relevé les premiers juges, les rôles de chacun ont été décidés selon une planification minutieuse et ils se sont ensuite acquittés de la mission qui leur avait été confiée, tout en attendant des autres qu’ils exécutent la leur. Le visionnement des images de videosurveillance démontre que chaque protagoniste effectue une action déterminée de manière autonome sans recevoir d'ordres ou de direction de quiconque. A.G._ et B.G._ disposaient d'une certaine maîtrise des opérations et leur contribution a été indispensable à la concrétisation de l'infraction.
Ils ont tous voulu la commission des infractions commises au cours de l’expédition. Comme l'ont retenu les premiers juges, pour chacun des prévenus, la tâche qui lui avait été confiée était déterminante et nécessaire, étant rappelé que B.G._ a fait le guet lors du vol du camion et brisé des vitrages de la banque, A.G._ a relié le bancomat au camion au moyen d’un câble et C.G._ conduit l’Audi A4, fait let guet et chargé le bancomat dans cette voiture.
Tant A.G._, qui avait participé à l'opération de Signy en avril 2010, que B.G._, qui avait été condamné pour des infractions similaires, ont agi à la manière de délinquants aguerris et parfaitement organisés.
Ils se sont équipés d’un matériel spécifique et ont choisi pour se déplacer trois voitures rapides, dont un break suffisamment grand pour accueillir le distributeur. Ces voitures, toutes volées, ont été équipées de fausses plaques d'immatriculation, parfois différentes à l'avant et à l'arrière, pour rendre plus difficile leur identification. Ils ont également volé un camion suffisamment lourd et puissant pour permettre l’arrachage du bancomat. Enfin, les opérations d’ouverture des locaux, d’arrimage du câble autour du bancomat et d’enlèvement de ce dernier ont duré moins de cinq minutes, ce qui démontre le haut degré de préparation et d’organisation des protagonistes, qui ont chacun joué avec une efficacité redoutable le rôle qui leur avait été attribué.
A la lumière de ces éléments, force est de constater que les appelants ne se sont nullement bornés à prêter assistance à quelques personnes auxquelles ils étaient subordonnés et à simplement favoriser l'acte voulu par ces dernières. Ils ont adhéré à un projet qu'ils connaissaient et faisant leur, quoi qu'ils en disent, la décision d'aller en Suisse voler un distributeur automatique de billets de banque. A.G._ et B.G._ se sont ainsi associés d'une manière prépondérante à l'exécution du projet, que ce soit la décision, la planification et la commission du vol dans une mesure telle que la coactivité est bien la seule qualification envisageable en l'espèce.
5.
A.G._ ne conteste pas expressément
la circonstance aggravante de la bande. Toutefois, dans la mesure où il conclut à sa condamnation pour vol exclusivement, il convient d'examiner si cette circonstance est réalisée ou non.
5.1
Aux termes de l'art. 139 ch. 3 CP, le vol est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins si son auteur l'a commis en qualité d'affilié à une bande formée pour commettre des brigandages ou des vols (art. 139 ch. 3 CP).
Selon la jurisprudence, l'affiliation à une bande est réalisée lorsque deux ou plusieurs auteurs manifestent expressément ou par actes concluants la volonté de s'associer en vue de commettre ensemble plusieurs infractions indépendantes, même s'ils n'ont pas de plan et que les infractions futures ne sont pas encore déterminées. L'association a pour caractéristique de renforcer physiquement et psychiquement chacun des membres de sorte qu'elle les rend particulièrement dangereux et laisse prévoir la commission d'autres infractions de ce type (ATF 135 IV 158 c. 2; 124 IV 286 c. 2a, 86 c. 2b).
Cette qualification suppose toutefois un minimum d'organisation (par exemple une répartition des tâches ou des rôles) et que la coopération des intéressés soit suffisamment intense pour que l'on puisse parler d'un groupe stable même s'il n'est qu'éphémère (ATF 132 IV 132 c. 5.2 et les références citées).
Du point de vue subjectif, il suffit que l'auteur connaisse et veuille les circonstances de fait qui correspondent à la définition de la bande (ATF 124 IV 86, précité, c. 2b).
5.2
Au vu des faits retenus précédemment (cf. supra c. 4.2), on ne peut que constater une organisation et une collaboration d'une certaine intensité entre les appelants et leurs comparses en vue de commettre des vols selon une méthode nécessitant une importante organisation ainsi qu'une excellente coordination entre les protagonistes. La technicité de l'opération et la qualité du degré de préparation établissent une opération relevant du professionnalisme. A cet égard, les opérations d’ouverture des locaux, d’arrimage du câble autour du bancomat et d’enlèvement de ce dernier ont duré mois de cinq minutes ce qui démontre le savoir-faire des prévenus.
Au plan subjectif, l'intention des auteurs portait sur la perpétration en commun de plusieurs délits, soit, à tout le moins, le vol préalable d'un véhicule lourd et l'arrachage d'un bancomat.
L'ensemble de ces circonstances démontre l'existence d'un groupe stable et organisé dont l'activité s'est déroulée, dans le cas de Mies, sur une nuit entière d'opération, soit un laps de temps relativement long.
En définitive, c'est à juste titre que le tribunal a retenu la circonstance aggravante de la bande au sens de l'art. 139 ch. 3 CP. Mal fondé, le moyen doit dès lors être rejeté.
6.
A.G._ conteste la circonstance aggravante du métier.
6.1
Le vol sera puni d’une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d’une peine pécuniaire de 90 jours-amende au moins si son auteur fait métier du vol (art. 139 ch. 2 CP).
Selon la jurisprudence, l'auteur agit par métier lorsqu'il résulte du temps et des moyens qu'il consacre à ses agissements délictueux, de la fréquence des actes pendant une période déterminée, ainsi que des revenus envisagés ou obtenus, qu'il exerce son activité coupable à la manière d'une profession, même accessoire. Il faut que l'auteur aspire à obtenir des revenus relativement réguliers représentant un apport notable au financement de son genre de vie et qu'il se soit ainsi, d'une certaine façon, installé dans la délinquance (TF 6B_861/2009 du 18 février 2010 c. 2.1 et les références citées).
6.2
A.G._, mari et père de trois enfants, ne semble pas avoir d'activité professionnelle fixe et bénéficie de revenus très modestes (cf. c. C.1) en comparaison avec les gains escomptés par la bande, soit un butin de plus de 200'000 fr. à Mies. Il ne fait aucun doute qu'en agissant de la sorte, l'appelant désirait se procurer, grâce au produit de ses vols, des gains importants censés contribuer de manière quasi exclusive à la satisfaction de ses besoins. En outre, A.G._, qui avait déjà été condamné pour des infractions contre le patrimoine, a participé à deux opérations visant à voler des bancomats en l'espace d'un mois. L'activité ainsi déployée s'étend sur une courte période, ce qui atteste d'une fréquence soutenue des actes illicites.
L'importance, la technicité de l'opération et le degré de préparation démontrent également une opération relevant du banditisme opérée par des personnes présentant un certain ancrage dans la délinquance. Le fait que les infractions aient été commises en famille est un indice de plus d'une activité menée à titre régulier censée rapporter des revenus considérables.
Il résulte de ce qui précède que l'appelant s'est organisé en vue de satisfaire par la délinquance ses besoins matériels de telle sorte que la circonstance aggravante du métier a été retenue à juste titre.
Au demeurant, la circonstance aggravante de la bande ayant été retenue à juste titre, le fait de retenir celle du métier n'influe pas sur le cadre de la peine.
Mal fondé, le moyen doit être rejeté.
7.
A.G._ soutient que la peine qui lui a été infligée est trop sévère. Il estime que les actes qu'il a commis méritent une peine de deux ans, assortie d'un sursis partiel. Selon lui, les premiers juges auraient omis de prendre en considération ou n'auraient pas accordé une importance suffisante à certains éléments à décharge.
7.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Selon la jurisprudence développée sous l'empire de l'art. 63 aCP, qui conserve toute sa valeur (ATF 134 IV 17 c. 2.1), les éléments fondant la culpabilité que le juge doit examiner en premier lieu sont ceux qui se rapportent à l'acte lui-même, à savoir : du point de vue objectif, le résultat de l'activité illicite, le mode et l'exécution de l'acte ainsi que, du point de vue subjectif, l'intensité de la volonté délictueuse de l'auteur ou la gravité de la négligence et ses mobiles. En second lieu, le juge prendra en considération les éléments concernant la personne de l'auteur : ses antécédents, sa situation personnelle, tant familiale que professionnelle – qui comprend l'éducation reçue et la formation suivie – son intégration sociale, voire sa réputation ainsi que son attitude et son comportement après les faits et dans le cadre de la procédure pénale (Nicolas Queloz/Valérie Humbert, in : Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 7 ad art. 47 CP; ATF 129 IV 6 c. 6.1, JT 2005 IV 229 c. 6.1; ATF 127 IV 101 c. 2a; ATF 118 IV 21 c. 2b).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (TF 6B_969/2010 du 31 mars 2011 c. 3.1 ; TF 6B_922/2010 du 25 janvier 2011 c. 3.3 ; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
7.2
En préambule, il sied de relever que dans les cinq ans avant les infractions commises, l'appelant a été condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans, de sorte qu'un sursis, même partiel, ne serait envisageable qu'en cas de circonstances particulièrement favorables (art. 42 al. 2 CP; TF 6B_510/2010 du 4 octobre 2010 c. 1.2.2), inexistantes en l'espèce.
7.3
L'appelant soutient qu'il s'est expliqué autant qu'il le pouvait compte tenu du risque de représailles à son encontre et que cela constitue un élément à décharge. Selon lui, le tribunal aurait dû tenir compte de sa bonne collaboration lors des débats de première instance.
7.3.1
Une bonne collaboration durant l'enquête peut être la preuve de regrets sincères et autoriser une réduction de peine d'un tiers au maximum en faveur de celui qui peut s'en prévaloir (cf., pour l'ancien art. 63 CP, ATF 121 IV 202), mais le refus de collaborer ne saurait être retenu comme élément à charge (cf. ATF 106 Ia 7 c. 4).
Il est vrai que le droit de se taire fait partie des normes internationales généralement reconnues qui se trouvent au coeur de la notion de procès équitable, selon l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 121 II 257 c. 4a). Cela ne signifie toutefois pas que les dénégations de l'accusé ne peuvent pas être prises en considération pour apprécier sa situation personnelle lors de la fixation de la peine. Selon la jurisprudence, pour apprécier la situation personnelle, le juge peut prendre en considération le comportement postérieurement à l'acte et au cours de la procédure pénale et notamment l'existence ou l'absence de repentir après l'acte et la volonté de s'amender. Il lui sera loisible de relever l'absence de repentir démontré par l'attitude adoptée en cours de procédure (TF 6B_334/2009 du 20 juillet 2009 c. 2.1).
7.3.2
Les motivations qui ont amené A.G._ à refuser de livrer de plus amples informations ne lui sont d'aucun secours. Outre que d'éventuels risques de représailles ne sont nullement étayés, elles ne font pas apparaître ses déclarations aux débats, très partielles, comme un comportement particulièrement méritoire et désintéressé. Par son attitude dans la présente procédure, il n’a pas démontré de véritable collaboration dans la mesure où il a reconnu certains faits, alors qu’il ne pouvait faire autrement pour avoir été arrêté en flagrant délit, tout en tentant de se disculper en niant l'évidence pour les autres.
En conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont refusé de prendre en compte cet élément comme étant à décharge.
7.4
L'appelant soutient que les excuses formulées par lettre à sa femme notamment n'ont pas été prises en compte par les premiers juges. Selon lui, elles dénotent une prise de conscience et un repentir sincère justifiant une atténuation de la peine.
Les premiers juges n'ont pas méconnu les excuses et les regrets exprimés par A.G._ pour les torts causés puisqu'ils ont été pris en considération comme un élément à décharge dans le cadre de la fixation de la peine (jgt, p. 50). Ces éléments ne sauraient toutefois être considérés comme l'expression d'un quelconque repentir sincère. Dans le cas présent, les seules excuses et regrets formulés ne constitue pas un effort motivé par une prise de conscience du caractère répréhensible de ses actes. En effet, les tentatives de manipuler les enquêteurs tant s'agissant de sa propre identité que des circonstances dans lesquelles les opérations ont été mises sur pied ainsi que les faits admis aux compte-goutte dénotent que les regrets ne relèvent que de la façade et ne sont pas l'expression d'un véritable changement d'état d'esprit par rapport à ses actes.
7.5
L'appelant fait valoir qu'un certain nombre d'éléments à décharge n'auraient pas, ou pas suffisamment, été pris en compte par les premiers juges.
7.5.1
Pour ce qui est du bon comportement d'A.G._ en détention, outre qu'il a été retenu comme un élément à décharge par le tribunal, il s'agit d'un élément favorable essentiellement pour décider de l'octroi de la libération conditionnelle. Un bon comportement en détention n'est en revanche pas un fait si méritoire qu'il doive nécessairement être mentionné dans un jugement et jouer un rôle atténuant dans la peine à prononcer (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
éd., Lausanne 2007, n. 1.5 ad art. 47 CP et les références citées). En effet, il ne convient pas de donner à cet élément un poids important, tant il est vrai que le respect du cadre de vie et des règles d'un établissement pénitentiaire ne suffit pas à faire admettre que A.G._ aurait réellement et fondamentalement changé d'attitude face à ses actes. A l'image de celui qui se présente comme un délinquant primaire, un comportement correct en détention, qui n'a rien d'exceptionnel, se révèle être un élément neutre sur la fixation de la peine (cf. ATF 136 IV 1, précité).
7.5.2
Quant à la situation familiale de l'appelant, le juge ne doit en tenir compte, dans une mesure sensible, comme facteur favorable qu'en cas de circonstances exceptionnelles (TF 6B_716/2010 du 15 novembre 2010 c. 2.3 et les références citées). En l'occurrence, les premiers juges ont mentionné que A.G._ avait été décrit comme un bon mari et un bon père. Il n'en demeure pas moins qu'ils n'avaient pas à considérer cet élément d'une manière supplémentaire, la situation de l'appelant ne différant pas particulièrement de celle de nombreux détenus qui ont une femme et des enfants.
7.5.3
Il en va de même du fait que le prénommé n'avait pas fait preuve de violence lors de la commission des infractions, celui-ci n'ayant pas été renvoyé devant le tribunal pour brigandage. Cet élément est en effet déterminant pour la qualification de l'infraction et ne s'agit pas ici d'envisager le caractère aggravant que pourrait avoir l'usage de la violence mais uniquement de se demander si la peine infligée à A.G._ est conforme au droit compte tenu des circonstances d'espèce.
7.5.4
Les problèmes de santé du prénommé ne constituent pas un motif justifiant une diminution de peine, celui-ci pouvant être suivi au CHUV et la détention ne nuisant pas à la qualité du traitement. Au demeurant, les premiers juges n'ont pas méconnu sa dépendance à l'alcool et aux anxiolytiques qu'il tente de soigner.
7.5.5
L'effet de la peine sur l'avenir du condamné ne constitue pas un motif de réduction mais un critère de fixation de celle-là expressément prévu à l'art. 47 CP. Selon la jurisprudence, cet élément de prévention spéciale ne permet toutefois que des corrections marginales, la sanction devant rester proportionnée à la faute (TF 6B_14/2007 du 17 avril 2007 c. 5.2). Aussi la prise en compte de celui-ci ne permet-elle aucunement de considérer que la sanction fixée à quatre ans de privation de liberté relève d'un abus ou d'un excès du pouvoir d'appréciation. Elle demeure en effet proportionnée à la faute particulièrement grave de l'appelant.
7.5.6
Enfin, les premiers juges ont relevé que l'appelant était apprécié de son voisinage et qu'il avait reçu des propositions d'emploi pour le jour où il sortirait de prison.
7.5.7
En définitive, les premiers juges n'ont ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l'art. 47 CP.
7.6
Reste à examiner si la peine infligée est exagérément sévère.
En l'espèce, A.G._ s'est rendu coupable de vol en bande et par métier, de dommages à la propriété qualifiés, de violation de domicile et d'usage abusif de plaques. En raison du concours d'infractions, il était notamment exposé à une peine privative de liberté de quinze ans (art. 49, 139 ch. 2 et 3 CP).
L'absence totale de scrupules que dénote la manière dont les opérations ont été effectuées, l'importance des dégâts occasionnés, l'organisation professionnelle des infractions, le déplacement international dans la seule perspective de commettre des infractions au patrimoine ainsi que la répétition des actions en moins d'un mois démontrent une volonté délictueuse particulièrement intense. Hormis le fait que les infractions sont en concours, il sied encore de constater qu'A.G._ a un antécédent et a agi par appât du gain.
Dans un sens favorable, il a été constaté qu'il avait un bon comportement en détention et qu'il avait exprimé des regrets et des excuses pour les torts causés. Egalement en la faveur de l'appelant, les premiers juges ont relevé qu'il était considéré comme un bon père de famille, était apprécié par ses voisins et que du travail lui était proposé à sa sortie de prison. Enfin, sa dépendance à l'alcool et aux anxiolytiques ainsi que le fait d'avoir eu peur lors de l'opération de police ont été pris en considération.
Sur le vu de l'ensemble des critères pertinents pris en considération, la faute de l'appelant doit être qualifiée de lourde et une peine privative de liberté de quatre ans se justifie. La quotité de la peine est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle. Elle ne relève ni d’un abus ni d’un excès du pouvoir d’appréciation dont jouit l’autorité de première instance, laquelle n’a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l’art. 47 CP. Elle sera donc confirmée.
III. Appel de B.G._
1.
B.G._ reproche aux premiers juges d'avoir retenu le caractère professionnel, aguerri et très bien organisé des auteurs. Il conteste également être à l'origine des décisions et de la préparation qui semble avoir amené le tribunal à retenir son professionnalisme.
Devant les premiers juges, l'appelant a déclaré qu'il avait été approché par trois personnes qui lui avaient proposé de se rendre en Suisse pour voler un bancomat et qu'ils étaient partis dans une BMW dont il savait qu'elle avait été volée. Il a également soutenu qu'il avait brisé la vitre de la banque ainsi que la vitre opaque devant laquelle se trouvait le bancomat à la demande d'une des personnes présentes.
Contrairement à ce qu'il soutient, au vu de traces ADN relevées sur des tuyaux servant à siphonner des réservoirs d'automobiles, il apparaît que deux autres participants aux infractions précitées étaient membres de la famille [...]. En outre, B.G._, dont la participation à l'opération de Signy n'a pas été établie, était néanmoins au bénéfice d'une solide expérience en matière d'infraction contre le patrimoine et avait été condamné en Allemagne pour quatre vols similaires. Dans ces circonstances, et vu l'expérience de B.G._, il sied de retenir qu'il s'agissait à l'évidence d'une opération de famille voulue, organisée et entreprise en commun et que l'hypothèse selon laquelle des roumains auraient monté l'opération ne revêt aucune crédibilité.
Le déroulement des faits rappelés précédemment (cf. c. II/4.2) permet de constater que les appelants ont fait preuve d'un professionnalisme indéniable dans l'organisation et l'exécution de l'opération de Mies. Ils se sont en effet équipés d’un matériel spécifique; ont choisi de se déplacer dans des voitures rapides équipées de plaques d'immatriculation censées rendre plus difficile leur identification; ont volé un camion suffisamment lourd et puissant pour permettre l’arrachage du bancomat; ont effectué les opérations d’ouverture des locaux, d’arrimage du câble autour du bancomat et d’enlèvement de ce dernier en moins de cinq minutes.
Au vu de l'ensemble des éléments susmentionnés, il n'était pas critiquable de déduire des faits retenus que l'opération de Mies était organisée de manière professionnelle. Les questions de savoir si les éléments de fait retenus permettent de retenir la bande et le métier sont des questions de droit qu'il convient d'examiner séparément.
2.
L'appelant conteste la circonstance aggravante de la bande.
La cour de céans relève que contrairement à ce que semble soutenir B.G._, il y a plusieurs cas de vols, quand bien même il n'y a qu'une seule nuit d'opération retenue à sa charge. En effet, au vol du bancomat s'ajoutent ceux du camion, du tracteur et des plaques d'immatriculation apposées sur l'Audi.
Pour le reste, on peut se borner à renvoyer à ce qui a été exposé ci‐dessus concernant A.G._ (cf. c. II/5.2).
Mal fondé, le grief doit être rejeté.
3.
B.G._ conteste la circonstance aggravante du métier.
A cet égard, on peut en substance renvoyer à ce qui a été relevé s'agissant d'A.G._ (cf. supra c. 6.2). S'il est vrai que les circonstances ne sont pas identiques à celles retenues à l'encontre d'A.G._, l'appelant n'ayant participé qu'à l'opération de Mies, il n'en demeure pas moins que celui-ci est un multirécidiviste en matière d'infractions contre le patrimoine. Il a déjà été condamné à de nombreuses reprises en France et en Allemagne. Libéré pour la dernière fois en 2009, il a commis, quelques mois après seulement, plusieurs vols le même jour. La rapidité avec laquelle il a récidivé dans des opérations du même type démontre qu'il est installé dans la délinquance et était prêt à agir dans un nombre indéterminé de cas afin de pourvoir à ses besoins.
Mal fondé, le grief doit être rejeté.
4.
B.G._ reproche au tribunal d'avoir violé l'art. 47 CP en prononçant une peine privative de liberté exagérément sévère.
4.1
Invoquant notamment le principe de l'égalité de traitement, il reproche aux premiers juges de n'avoir aucunement motivé la différence de traitement avec A.G._ qui a pourtant participé à deux opérations.
4.1.1
Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, le juge doit respecter
le principe de l'égalité de traitement
(ATF 120 IV 136 c. 3a et les arrêts cités). S'il est appelé à juger deux co-accusés ayant participé ensemble au même complexe de faits délictueux, le juge est tenu de veiller à ce que la différence des peines infligées aux deux intéressés soit justifiée par une différence dans les circonstances personnelles en fonction desquelles, conformément à l'art. 47 CP, la peine doit être individualisée (ATF 135 IV 191 c. 3.2).
4.1.2
En l'espèce, les premiers juges ont soigneusement apprécié la situation qui leur était soumise et ont apprécié de manière distincte la culpabilité des prévenus. Ils ont décrit en détail comment chacun d'eux a contribué aux opérations et ils ont exposé séparément les éléments qu'ils ont pris en compte pour fixer les peines respectives. La similitude entre la peine infligée à B.G._ et celle prononcée contre A.G._ en dépit du nombre d'infractions supérieur commis par celui-ci s'explique par les nombreux antécédents et par le fait d'avoir récidivé quelques mois seulement après avoir subi une longue période de détention en Allemagne pour des faits semblables. A cet égard, il sied de préciser que selon le droit révisé, les antécédents de l'auteur continuent à avoir une importance centrale pour la fixation de la peine (ATF 135 IV 87 c. 2.3).
4.2
Il estime également que sa peine est trop sévère comparée à d'autres affaires similaires.
4.2.1
Selon une jurisprudence bien établie, eu égard aux nombreux paramètres qui interviennent dans la fixation de la peine, une comparaison avec des affaires concernant d'autres accusés et des faits différents est d'emblée délicate et généralement stérile dès lors qu'il existe presque toujours des différences entre les circonstances, objectives et subjectives, que le juge doit prendre en considération dans chacun des cas (ATF 120 IV 136 c. 3a; 116 IV 292). Il ne suffit notamment pas que le recourant puisse citer l'un ou l'autre précédent où une peine particulièrement clémente a été fixée pour prétendre à un droit à l'égalité de traitement (ATF 120 IV 136 c. 3a, précité, et les arrêts cités). Le principe de la légalité prime du reste sur celui de l'égalité (ATF 124 IV 44 c. 2c).
4.2.2
Les arrêts du Tribunal fédéral invoqués par l'appelant ne traitent pas de la quotité de la peine et apparaissent dès lors dénués de pertinence. Quant aux autres références citées, elles ne permettent aucune déduction significative du point de vue de la peine. Elles concernent d'autres accusés et des infractions différentes de telle sorte que la comparaison voulue par B.G._ apparaît stérile.
4.3
B.G._ fait valoir qu'il a évolué favorablement en détention et qu'il a pris conscience de sa faute.
En préambule, il sied de relever que B.G._ n'a à l'évidence tiré aucun enseignement de ses précédents démêlés avec la justice, notamment la longue peine effectuée en Allemagne pour des infractions identiques. En outre, l'évolution alléguée par l'appelant est postérieure au jugement attaqué, celle-ci datant de trois à quatre mois, et est trop récente pour être sérieusement prise en compte.
Au final, on ne saurait déduire du seul comportement de l'intéressé en détention que ce dernier a fait preuve d'une véritable prise de conscience quant à son comportement délictueux.
4.4
Contrairement à ce que soutient l'appelant, la culpabilité est l'élément prépondérant lors de la fixation de la peine et non l'efficacité du groupe de délinquants. Aussi, ce n'est pas parce que l'opération a échoué ensuite de l'arrivée de la police avertie par les voisins et que le butin a été récupéré à temps que la peine doit être diminuée pour ce motif, d'autant que les autres vols avaient déjà été accomplis et que la banque avait subi d'importants dégâts au moment de l'arrivée de la police.
4.5
En définitive, les premiers juges n'ont ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l'art. 47 CP.
4.6
Reste à examiner si la peine infligée est exagérément sévère.
B.G._ s'est rendu coupable de vol en bande et par métier, de dommages à la propriété qualifiés, de violation de domicile et d'usage abusif de plaques. En raison du concours d'infractions, il était notamment exposé à une peine privative de liberté de quinze ans (art. 49, 139 ch. 2 et 3 CP).
Que l'appelant n'ait participé qu'à une opération, il n'en demeure pas moins qu'il a fait preuve d'une grande détermination criminelle. Il était en effet, lors de l'opération de Mies, animé de la même volonté délictueuse que ses comparses.
Le concours d'infractions, la gravité des faits, le mode opératoire choisi, ses mobiles et sa volonté délictueuse particulièrement intense ont pertinemment été retenus par les premiers juges.
Les antécédents de l'appelant sont particulièrement mauvais. S'il n'a jamais été condamné en Suisse, il a en revanche fait l'objet de cinq condamnations en France depuis le 10 mai 2001. Il a également été condamné le 21 juin 2005 en Allemagne à une peine privative de liberté de sept ans et demi pour des infractions similaires. Cette importante période de détention ne l'a pas dissuadé de récidiver, de sorte qu'il apparaît être installé durablement, et depuis de nombreuses années, dans la délinquance.
Dans un sens favorable, il a été constaté qu'il avait un bon comportement en détention et qu'il avait exprimé des regrets et de ses excuses.
Sur le vu de l'ensemble des critères pertinents pris en considération, la faute de l'appelant doit être qualifiée de lourde et une peine privative de liberté de quatre ans se justifie. La quotité de la peine est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle. Elle ne relève ni d’un abus ni d’un excès du pouvoir d’appréciation dont jouit l’autorité de première instance, laquelle n’a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l’art. 47 CP. Elle sera donc confirmée.
IV.
En conclusion, les appels doivent être rejetés et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 4'400 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), doivent être mis, conformément à l'art. 428 al. 1 CPP, par moitié, soit 2'200, à la charge d'A.G._ et l'autre moitié, soit 2'200 fr., à la charge de B.G._.
Outre la moitié de l'émolument, les frais de la procédure d'appel comprennent également les indemnité d'office allouées aux son conseils d'office des appelants (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP, art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, il convient d'admettre que les conseils d'office d'A.G._ et B.G._ ont dû consacrer 18 heures à l'exécution de leur mandat.
Les appelants ne seront tenus de rembourser à l'Etat le montant des indemnités en faveur de leur conseil d'office prévues ci-dessus que lorsque leur situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).
La Cour d’appel pénale,
Vu les articles 40, 47, 49, 50, 51, 69, 139 ch. 1, 2 et 3 al. 2, 144 al. 1 et 3, 186 CP; 97 ch. 1 LCR; 398 ss CPP,
prononce :
I.
Les appels formés par A.G._ et B.G._ sont rejetés.
II.
Le jugement rendu le 5 mai 2011 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de La Côte est confirmé selon le dispositif suivant :
"
I. constate qu’A.G._ s’est rendu coupable de vol en bande et par métier, dommages à la propriété qualifiés, violation de domicile et usage abusif de plaques;
Il. condamne A.G._ à une peine privative de liberté de 4 (quatre) ans, sous déduction de 354 (trois cent cinquante-quatre) jours de détention avant jugement;
III. ordonne le maintien de la détention de A.G._ pour des motifs de sûreté;
IV. à VI : (inchangés)
VII. libère B.G._ du chef d’accusation de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants;
VIII. constate que B.G._ s’est rendu coupable de vol en bande et par métier, dommages à la propriété qualifiés, violation de domicile et usage abusif de plaques;
IX. condamne B.G._ à une peine privative de liberté de 4 (quatre) ans, sous déduction de 354 (trois cent cinquante-quatre) jours de détention avant jugement;
X. ordonne le maintien de la détention de B.G._ pour des motifs de sûreté;
XI. donne acte de leurs réserves civiles à [...], [...] SA, [...] SA et à [...];
XII. ordonne la confiscation et la destruction des objets séquestrés sous fiches de séquestre nos 3150, 3241, 3242, 3250, 3248 et 3249;
XIII. ordonne le maintien au dossier au titre de pièces à conviction des quatre CD-video enregistrés sous fiches de pièces à conviction nos 3248 et 3249;
XIV. fixe la participation de chaque condamné aux frais de la cause de la façon suivante :
A.G._ : 58'149 fr. 50 (cinquante-huit mille cent quarante-neuf francs cinquante centimes)
C.G._ : 49'293 fr. 75 (quarante-neuf mille deux cent nonante-trois francs septante-cinq)
B.G._ : 39'306 fr. 70 (trente neuf mille trois cent six francs septante);
XV. dit que le remboursement à l'Etat des indemnités allouées aux défenseurs d’office, comprises dans les frais ci-dessus, à savoir, débours et TVA compris, 13'519.20 (treize mille cinq cent dix-neuf francs vingt) pour Me Nader Ghosn, conseil d’office d’A.G._, 11'473 fr. 60 (onze mille quatre cent septante-trois francs soixante) pour Gloria Capt, conseil d’office de C.G._ et 7'152 fr. 70 (sept mille cent cinquante-deux francs septante centimes) pour Alain Brogli, conseil d'office de B.G._, pour autant que la situation économique d'A.G._, C.G._ et B.G._ se soit améliorée.
".
III.
Le maintien en détention d'A.G._ et B.G._ est ordonné pour des motifs de sûreté.
IV.
La détention subie par A.G._ et B.G._ depuis le jugement de première instance est déduite.
V.
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 3'499 fr. 20 (trois mille quatre cent nonante-neuf francs et vingt centimes), TVA comprise, est allouée à Me Alain Brogli.
VI.
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 3'240 fr. (trois mille deux cent quarante francs), est allouée à Me Nader Ghosn.
VII.
La moitié des frais d'appel, par 2'200 fr. (deux mille deux cent francs), plus l'indemnité allouée à son défenseur d'office par 3'240 fr. (trois mille deux cent quarante francs), sont mis à la charge d'A.G._, l'autre moitié, par 2'200 fr. (deux mille deux cent francs), plus l'indemnité allouée à son défenseur d'office par 3'499 fr. 20 (trois mille quatre cent nonante-neuf francs et vingt centimes), TVA comprise, est mise à la charge de B.G._.
VIII.
A.G._ et B.G._
ne seront tenus de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de leur conseil d'office prévues aux chiffres V et VI ci‐dessus que lorsque leur situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5837953f-c25c-40a7-a65a-652ee080b6f1 | En fait :
A.
Par jugement du 9 février 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a notamment condamné V._ pour voies de fait et contravention à la loi vaudoise sur les contraventions (I) à une amende de 500 fr., convertible en 5 jours de peine privative de liberté en cas de non paiement fautif (II).
B.
Par annonce du 9 février 2015, puis déclaration motivée du 30 avril 2015, V._ a interjeté appel contre ce jugement en concluant à libération de la poursuite pénale. En résumé, elle fait valoir que le premier juge aurait renversé la chronologie des événements, ce qui l’aurait conduit faussement à exclure l’application de l’art. 177 al. 3 CP. Elle indique en outre ne pas comprendre à quoi correspond sa condamnation pour avoir contrevenu à l’art. 26 du Règlement général de police de la Commune de Lausanne.
Le 16 février 2015, M._ a déposé une annonce d’appel. Elle l’a retirée par courrier du 7 mai 2015.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissante française, V._ est née le [...] 1986 à [...] au Cameroun. Célibataire, elle est étudiante. Elle est titulaire d’un permis B.
2.
Au casier judiciaire de la prévenue, figurent les inscriptions suivantes :
- 15.03.2012, Ministère public du canton de Genève, peine pécuniaire de 20 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant 2 ans, pour vol ;
- 01.04.2012, Ministère public du canton de Genève, peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant 3 ans, pour vol ;
- 12.06.2012, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, peine privative de liberté de 90 jours, pour vol, peine d’ensemble.
3.
Le 14 janvier 2014, vers 13h00, dans un magasin sis à l’avenue de [...], à Lausanne, une altercation a éclaté entre l’appelante, qui officiait comme vendeuse, et M._, cliente du commerce en question. V._ a intimé à M._ l’ordre de sortir, ce que cette dernière a refusé de faire. Face au refus de cette dernière, l’appelante l’a poussée afin de la faire sortir du commerce et M._ s’est cognée la tête. Celle-ci a blessé l’appelante avec sa veste au niveau du front et les deux protagonistes ont continué à s’en prendre l’une à l’autre. Elles sont finalement sorties de la boutique et ont continué de s’empoigner, l’appelante précisant avoir tiré les cheveux de M._ (jgt., p. 6).
V._ a déposé plainte le 3 février 2014 et M._ par acte non daté, reçu au Ministère public le 2 avril 2014. M._ a retiré son annonce d’appel par courrier du 7 mai 2015. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d’V._ est recevable.
1.2
S’agissant d’un appel dirigé contre une contravention, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d’un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [Loi vaudoise d’introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai2009; RSV 312.01]).
1.3
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné, et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
2.
L’appelante critique essentiellement l’état de fait ; son grief principal au niveau de l’application du droit suppose en effet comme prémisse une modification de l’état de fait. Le jugement retient une première agression de l’appelante, qui a poussé M._, ce que l’appelante conteste dans son écriture d’appel, en se fondant sur l’état de fait du jugement, qui serait contradictoire, et sur le témoignage d’ [...]. Cependant, on ne voit pas d’élément qui permette d’accréditer la version des faits présentée en appel. Au moment où le témoin est arrivé, l’empoignade avait déjà commencé et les deux femmes « étaient comme des coqs » (PV aud. 3). Il est exact que le jugement retient des voies de fait à charge de l’appelante au cours de la tentative de faire sortir M._ du magasin et que le témoin raconte que l’appelante saignait avant que les deux parties ne soient sorties du magasin. Le jugement ne retient cependant rien d’autre, puisqu’il expose que l’appelante a d’abord tenté de faire sortir M._, puis que l’appelante a été blessée, puis que les deux femmes ont continué à s’en prendre l’une à l’autre et sont finalement sorties du magasin. L’établissement de faits est donc conforme aux éléments figurant au dossier et ne se révèle en aucun cas arbitraire.
3.
Si l’on retient, comme le premier juge, que c’est l’appelante qui a d’abord poussé l’intimée, il n’y a pas de place pour plaider la riposte au sens de l’art. 177 al. 3 CP. Le raisonnement du Tribunal peut donc être confirmé.
4.
Il est manifeste qu’une altercation physique sur la voie publique est « de nature à troubler la tranquillité et l’ordre publics ». La condamnation pour violation du Règlement général de police de la commune de Lausanne est dès lors justifiée.
5.
Au vu de ce qui précède, l’appel doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé.
Les frais d'appel seront mis à la charge de l’appelante, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument (art. 21 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d'office, fixée à 821 fr. 65, débours et TVA compris (art. 422 al. 1 et 2 let. a CPP).
La prévenue ne sera tenue de rembourser l’indemnité de son défenseur mise à sa charge que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
585dfa65-7f04-43d1-8fbf-4db929c38c36 | En fait :
A.
Par jugement du 17 avril 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a libéré B._ des griefs de tentative d'escroquerie, faux dans les certificats, obtention frauduleuse d'une constatation fausse, infraction et contravention à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, infraction à la loi fédérale sur les étrangers (I), condamné B._ pour faux dans les titres à la peine pécuniaire de nonante (90) jours-amende, la valeur du jour étant arrêtée à 100 fr., avec sursis pendant cinq ans, sous déduction de 79 jours de détention provisoire (II), dit que la peine est partiellement complémentaire à la condamnation infligée le 15 janvier 2010 par le Tribunal de police de Genève et complémentaire à la condamnation infligée le 1
er
avril 2010 par le Tribunal de Grande Instance de Paris (III), rejeté les prétentions en indemnité émises par B._ (IV), donné à J._ et L._ acte de leurs réserves civiles à l'encontre de B._ (V), ordonné la confiscation et la destruction du passeport séquestré sous fiche 1508 (VI), levé le séquestre sur les documents répertoriés sous fiche 1489 et ordonné leur maintien au dossier à titre de pièces à conviction (VII) et mis les frais de la cause, par 10'774 fr. 40, à la charge de B._ (VIII).
B.
En temps utile, B._ a interjeté appel contre ce jugement. A titre principal, il a conclu à son acquittement, à ce que la levée du séquestre du passeport répertorié sous fiche 1508 et à la restitution du document en sa faveur. Il a également conclu à l'allocation en sa faveur d'une indemnité de 14'378 fr. 70 pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure et de 7'500 fr. à titre de réparation morale. A titre subsidiaire, il a requis le prononcé d'une peine très sensiblement inférieure à celle prononcée par le tribunal de première instance, à la levée du séquestre et à la restitution du passeport séquestré sous fiche 1508, ainsi qu'à l'allocation en sa faveur d'une indemnité partielle d'au minimum 10'000 fr. pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure et de 7'500 fr. à titre de réparation morale.
Par courrier du 25 mai 2012, le Ministère public a déclaré ne pas présenter de demande de non-entrée en matière et a renoncé à déposer un appel joint.
J._ et L._ n'ont présenté ni demande de non-entrée en matière ni appel joint.
Le 6 août 2012, faisant suite à la demande du président de la Cour d'appel pénale, la Police cantonale de sûreté a transmis le passeport indien séquestré sous fiche n°1508.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
B._, ressortissant sud africain, est né le 19 mars 1955 à Johannesburg. Il a émigré avec sa famille à Calcutta et y a acquis une formation d'ingénieur en mécanique. Il a exercé ce métier jusqu'en 1991 avant de créer une entreprise d'import-export. Il a obtenu un poste de consultant à la banque centrale de Moscou pour ensuite s'installer à Genève en 2002. La société qu'il administre exploite l'[...]. Aux débats d'appel, B._ a dans un premier temps indiqué que son épouse ne travaillait pas et qu'il percevait un salaire mensuel d'environ 6'000 fr. pour son activité de consultant pour le compte de H._ SA. Il est ensuite revenu sur ses déclarations, indiquant que le salaire de 6'000 fr. était en réalité perçu par son épouse qui occupait la fonction de directrice de la compagnie H._ SA, alors que lui-même ne percevait aucune rémunération pour son activité de consultant. Il a en outre précisé que le loyer de l'appartement qu'il occupe avec son épouse, d'un montant de 5'000 fr. par mois, était payé par H._ SA.
Le casier judiciaire suisse de B._ fait état de deux condamnations, à savoir une amende de 480 fr. avec sursis prononcée le
31 mars 2004 par la Préfecture d'Aigle pour violation grave des règles de la circulation et une peine privative de liberté de 18 mois avec sursis pendant 5 ans, prononcée le 15 janvier 2010 par le Tribunal de police de Genève pour escroquerie, faux dans les titres et les certificats.
Le Tribunal de Grande Instance de Paris a en outre condamné B._ par défaut le 1
er
avril 2010 pour escroquerie et faux dans les titres à un an d'emprisonnement avec sursis.
2.
J._ est administrateur avec signature individuelle et actionnaire unique de la société E._ SA, dont le siège est à Caux. Cette société a pour but essentiel l'exploitation et la gestion d'établissements hôteliers. Souhaitant vendre la société et ses actifs, incluant plusieurs immeubles et une créance actionnaire contre la société, J._ a contacté le courtier L._ au printemps 2009. Ce dernier a mis en contact J._ avec la société H._ SA, dirigée et administrée en fait par B._, bien que ce dernier ne figure pas dans les organes directeurs.
2.1
Le 29 décembre 2009, un "memorandum of agreement" a été signé entre J._ et deux représentants de H._ SA, aux termes desquels à la date de la signature, H._ SA était censée verser un acompte de 500'000 fr. à J._ et s'engageait à payer une commission de 330'000 fr. au courtier L._, dont 30'000 fr. devant être réglés le même jour. L'acompte n'a pas été payé.
2.2
Le 11 janvier 2010, sous l'égide du notaire D._, une convention de vente trait-pour-trait du capital-actions de E._ SA et de la créance actionnaire contre E._ SA a été conclue entre J._ et les représentants autorisés de H._ SA. Dite convention arrêtait le prix global à 11 millions de francs et précisait à son chiffre 7 que H._ SA certifiait avoir transféré sur le compte UBS du notaire une somme supérieure à 11 millions de francs, mais que les fonds pourraient n'être à disposition que le 14 ou le 15 janvier 2010. Lors de la signature de la convention B._ s'est fait remettre un exemplaire original de la convention, dans lequel le notaire certifiait l'authenticité des signatures.
Le 26 janvier 2010, le notaire a reçu une télécopie censée émaner de la banque suédoise V._, attestant du transfert, qui aurait été requis par H._ SA le 12 janvier 2010, d'un montant de 11,5 millions de US-Dollars sur son compte UBS. Aucune somme n'a en réalité été versée sur le compte du notaire. Après une vaine mise en demeure, J._ s'est départi, ex tunc, du contrat le 8 février 2010.
2.3
A des dates indéterminées, B._ a imité les signatures d'S._, directeur de H._ SA et de F._, administrateur de cette même entité et associé gérant de P._ Sàrl, sur des annexes de contrats engageant les sociétés.
2.4
B._ détenait les photocopies de deux passeports sud africains ayant fait l'objet de manipulations, ainsi qu'un duplicata de passeport indien échu le 12 mai 2001, établi au nom de [...], qui a été qualifié de douteux par les enquêteurs. | En droit :
1.
Aux termes de l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in Khun/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP), l'appel de B._ est recevable. Il convient donc d'entrer en matière sur le fond.
2.
L'art. 398 CPP prévoit que la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Dans un premier moyen, l'appelant reproche aux premiers juges d'avoir procédé à une appréciation erronée des faits. S'il a admis avoir imité les signatures des personnes autorisées à engager H._ SA, à savoir S._ et F._, il conteste en revanche avoir agi dans le dessein de porter atteinte aux droits d'autrui ou de se procurer un avantage illicite, soutenant avoir simplement voulu gagner du temps dans l'intérêt des sociétés concernées, de sorte que l'infraction ne serait, selon lui, pas réalisée.
3.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces (Kistler Vianin, in Khun/Jeanneret (éd.), op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
Aux termes de l'art. 251 ch. 1 CP, celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d’autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d’un tel titre, sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Même si le texte légal ne le précise qu'au sujet de l'usage du faux, la jurisprudence admet que l'élément subjectif de l'infraction requiert, dans tous les cas, l'intention de tromper autrui pour se procurer ou procurer à un tiers un avantage illicite, ou causer un préjudice. L'infraction n'est considérée comme consommée que si l'auteur poursuit un dessein spécial, alternativement, le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui (dessein de nuire), ou le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite (dessein d'obtenir un avantage illicite) (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, nn. 48 et
49 ad art. 251 CP et la jurisprudence citée).
3.2
En l'occurrence, les premiers juges ont retenu que B._ avait imité les signatures de S._ et de F._ sur des contrats engageant les sociétés H._ SA et P._ Sàrl. (jgt., pp. 10-11). Cette constatation n'est pas erronée, et la falsification objective est avérée (faux matériel), ce que l'appelant ne conteste d'ailleurs pas.
Rien de permet cependant de démentir les explications de l'appelant lorsqu'il affirme avoir signé à la place des personnes autorisées à engager les sociétés H._ SA et P._ Sàrl uniquement pour gagner du temps et sans intention de nuire à autrui ou de se procurer un avantage illicite. En effet, l'appelant pouvait facilement obtenir des signatures authentiques. S._ se décrit lui-même comme un directeur de paille disposé à signer n'importe quel document sans le lire (PV aud. 3 p. 3 et 5). La manière dont les policiers posent la question à l'appelant démontre d'ailleurs qu'ils envisageaient juste une pratique d'"urgence", en l'absence de toutes les personnes ayant qualité pour engager les sociétés (PV aud. 4 p. 6). Enfin, ni S._, ni F._ n'ont porté plainte, en leur nom personnel ou au nom de la société, contre B._ à propos de ses fausses signatures. Partant, l'élément subjectif constitutif de l'infraction de faux dans les titres au sens de l'art. 251 CP n'est pas suffisamment établi. Au bénéfice du doute, il convient dès lors de libérer l'appelant de l'accusation de faux dans les titres pour ces faits.
4.
B._ estime que les premiers juges n'ont pas respecté son droit d'être entendu et qu'ils ont violé l'art. 251 CP en considérant que le passeport indien établi au nom de [...] était un faux.
4.1
Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), le droit d'être entendu donne notamment à l'intéressé le droit de recevoir une décision suffisamment motivée pour qu'il puisse la comprendre et l'attaquer utilement, s'il le souhaite, et pour que l'autorité de recours soit en mesure, le cas échéant, d'exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que l'autorité mentionne, même brièvement, les raisons qui l'ont guidée et sur lesquelles elle a fondé sa décision, de façon que l'intéressé puisse en apprécier la portée et, éventuellement, l'attaquer en connaissance de cause (ATF 122 IV 8 c. 2c ; 121 I 54 c. 2c).
4.2
Il faut d'emblée observer que l'appelant n'a pas été condamné à ce titre en relation avec le passeport indien périmé retrouvé chez lui par les enquêteurs. Il n'y a donc pas de violation de l'art. 251 CP. En tout état de cause, la falsification de pièces de légitimations tombe sous le coup de l'art. 252 CP et non de l'art. 251 CP (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, op. cit., n. 8 ad art. 252 CP). On ne discerne pas davantage une violation du droit d'être entendu de l'appelant qui a en effet été libéré de ce chef d'accusation.
Envisagé sous l'angle de la confiscation, le droit d'être entendu de l'appelant a également été respecté. Ce dernier savait en effet que son passeport indien avait été séquestré en cours d'enquête. Il connaissait les conclusions de la police scientifique et a pu se déterminer sur cette question tant devant les premiers juges qu'en procédure d'appel. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
5.
Dans la mesure où l'appelant réclame la restitution de ce passeport, il convient d'examiner si la mesure de confiscation se justifiait.
5.1
Aux termes de l'art. 69 CP, alors même qu’aucune personne déterminée n’est punissable, le juge prononce la confiscation des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d’une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l’ordre public (al. 1). Le juge peut ordonner que les objets confisqués soient mis hors d'usage ou détruits (al. 2).
L'application de cette disposition est subordonnée à l'existence d'un objet qui compromet la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public, ainsi qu'à l'établissement d'un lien de connexité entre cet objet et l'infraction. Lorsque ces conditions sont remplies, le juge doit ordonner d'office une confiscation de sécurité (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, op. cit., n. 2 ad art. 69 CP). La mise hors d'usage ou la destruction des objets confisqués n'est envisageable que dans la mesure où il n'y a pas de revendication possible du lésé ou d'un tiers, et que l'objet compromet la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public. Il s'agit d'éviter que la mise en circulation de ces biens ne permette la commission d'autres infractions (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, op. cit., n. 22 ad art. 69 CP).
5.2
En l'occurrence, les premiers juges ont retenu que le duplicata du passeport indien séquestré avait été considéré comme douteux par les enquêteurs, le document comportant des micro textes de mauvaise qualité par rapport à un passeport de référence. Les policiers ont également relevé que la filiation de l'appelant, indiquée sur le passeport indien n'était pas la même que celle qu'il avait donnée aux inspecteurs (P. 79/1).
Comme déjà relevé ci-dessus (consid. 4.2), l'appelant a été libéré du chef d'infraction de faux dans les certificats, de sorte qu'il n'est pas possible d'admettre que le duplicata du passeport périmé, même douteux, soit de nature à compromettre la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public. On ne voit pas non plus où se situe le lien de connexité entre l'infraction commise et l'infraction à commettre.
Au vu de ce qui précède, la confiscation du document ne se justifiait pas et le moyen tiré de la violation de l'art. 69 CP est fondé. L'appel est dès lors admis sur ce point.
6.
L'appelant considère qu'il n'y a pas suffisamment de preuves pour affirmer qu'il est l'auteur de la télécopie certifiant le transfert de fonds censée émaner de la banque suédoise V._.
6.1
La présomption d'innocence, qui est garantie par l'art. 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38, c. 2a).
6.2
Dans le cas d'espèce, les premiers juges ont retenu que la télécopie avait l'apparence d'un avis SWIFT de débit, de sorte qu'elle constituait un faux matériel, plusieurs éléments s'avérant fantaisistes. Ils ont en outre relevé que le contenu du document était également faux puisque la banque suédoise a certifié n'avoir jamais versé de fonds pour le compte de la société H._ SA, ajoutant qu'elle n'entretenait aucune relation avec cette société. Les juges ont conclu que l'appelant avait agi dans le but de faire patienter J._ pour éviter l'invalidation du contrat (jgt., p. 10).
Il faut par ailleurs reconnaître à un avis SWIFT une force probante accrue. En effet, le SWIFT est un message standardisé interbancaire sur lequel figure des ordres de paiements. Il mentionne, comme en l'espèce, le nom de la banque émettrice et les numéros IBAN et clearing de la banque à créditer. Le document est conforme aux usages commerciaux. Une vérification par le destinataire ne peut être exigé (ATF 126 IV 65; Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3
ème
éd., Berne 2010, n. 135 ad art. 251 CP).
Les dénégations de l'appelant, qui soutient qu'il n'est pas l'auteur de la télécopie et évoque d'autres personnes susceptibles de tirer profit de ce document, ne convainquent pas. Durant l'enquête, il a en effet été interrogé sur sa relation avec la V._ (PV aud. 5). A cette occasion, il a affirmé que le titulaire du compte ouvert dans les livres de cette banque, sur lequel la somme de 11'500'000 USD devait être débitée pour être transférée sur le compte du notaire D._, est un compte au nom de H._ SA / [...] AB. Or, l'appelant ne conteste pas être le dirigeant et l'administrateur de fait de la société H._ SA, dite société s'étant portée acheteuse de la société E._ SA (jgt., p. 7). L'appelant a également affirmé que c'était lui qui a donné l'ordre à la banque suédoise de virer la somme sur le compte du notaire (PV. aud. 5 p. 3). Il ne conteste dès lors pas la paternité de l'ordre, qui est en lien étroit avec l'achat du manteau d'actions de la société E._ SA puisque le nom du notaire D._ y figure et que le montant correspond au prix de vente. C'est encore l'appelant qui se dit client, par le biais de la société H._ SA, de la banque V._ alors que ce n'est pas le cas.
Compte tenu de ce qui précède, il n'y a objectivement aucun doute sur le fait que l'appelant est bien l'auteur de la télécopie censée émaner de la V._. Les premiers juges l'ont dès lors à juste titre reconnu coupable de faux dans les titres. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
7.
En définitive, l'appelant obtient partiellement gain de cause, le séquestre du passeport indien répertorié sous fiche 1508 étant levé et le document lui étant restitué. Il convient dès lors de fixer la quotité de la peine en conséquence.
7.1
L’art. 47 al. 1 CP prévoit que la peine doit être fixée d’après la culpabilité de l’auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l’effet de la peine sur son avenir. L’alinéa 2 de cette disposition énumère, de manière non limitative, une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité de l’auteur. Ces critères correspondent à ceux établis par la jurisprudence relative à l’art. 63 aCP (TF 6B_38/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
Pour fixer la peine, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, lorsqu’il fonde sa décision sur des critères étrangers à l’art. 47 CP, lorsqu’il omet de prendre en considération des éléments prévus par cette disposition ou lorsqu’il a abusé de son pouvoir d’appréciation en fixant une peine exagérément sévère ou excessivement clémente (TF 6B_327/2011 du 7 juillet 2011 c. 2.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
7.2
En l'occurrence, il convient de retenir à charge que peu après avoir été condamné par le Tribunal de police de Genève pour des faits similaires (P. 8), B._ a commis un faux dans les titres portant sur une très grande somme. Nonobstant les preuves objectives établies à son encontre, l'appelant s'est obstiné à nier les faits, démontrant toute absence de prise de conscience de sa part.
Le grief abandonné est désigné par les premiers juges sous "varia" (jgt., p. 11). Cet élément n'a eu que peu d'importance dans l'appréciation de la culpabilité et dans la fixation de la peine. Partant, une réduction de la peine pécuniaire de nonante à huitante jours-amende, le montant du jour-amende étant maintenu à 100 fr., est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle.
8.
B._ reproche enfin aux premiers juges de n'avoir pas correctement appliqué les art. 429 CPP et 430 CPP en rejetant sa demande d'indemnisation s'agissant d'une part de ses frais de défense et, d'autre part, de la réparation du tort moral subi ensuite de sa détention préventive durant 79 jours. Il reproche également aux premiers juges d'avoir mis à sa charge l'entier des frais de justice alors même qu'ils l'ont libéré des chefs d'inculpation qu'il considère comme les plus graves.
8.1.1
Aux termes de l'art. 426 CPP le prévenu supporte les frais de procédure s’il est condamné. Font exception les frais afférents à la défense d’office; l’art. 135, al. 4, est réservé (al. 1). Lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci (al. 2).
Ainsi, les frais de procédures ayant donné lieu à un acquittement peuvent être supporté par le prévenu, s'il a, de manière illicite ou fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci. Il faut, pour cela, que le prévenu ait adopté un comportement fautif et blâmable, non sous l'angle pénal du terme, mais au regard du droit civil. Le comportement fautif du prévenu doit être à l'origine de l'ouverture de l'enquête pénale ou alors il doit s'agir d'une "faute procédurale", c'est-à-dire d'un comportement qui a compliqué ou prolongé la procédure, pour que les frais y relatifs puissent être mis à la charge de celui-ci. Il faut que le prévenu ait clairement violé une norme de comportement, écrite ou non écrite, résultant de l'ordre juridique suisse dans son ensemble, pour permettre une application analogique de l'art. 41 CO. Si le droit de se taire (ou même de mentir), plus généralement celui de refuser de déposer est reconnu au prévenu par
l'art. 113 CPP, il n'est pas incompatible avec ses droits de lui faire supporter tout ou partie des frais de procédure lorsqu'il est établi qu'il a, par son silence, obligé l'autorité d'instruction à procéder à des investigations nombreuses et complexes, alors qu'il lui aurait été facile de se disculper (Chappuis, in Khun/Jeanneret (éd.), op. cit., n. 2 ad. art. 426 CPP).
8.1.2
L'art. 429 CPP prévoit notamment que si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure (al. 1 let. a), à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (al. 1 let. b), à une réparation du tort moral subi en raison d’une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (al. 1 let. c). L’autorité pénale examine d’office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier (al. 2).
Conformément à l'art. 430 CPP si le prévenu acquitté a, de manière illicite et fautive, provoqué la procédure ou l'a rendue plus difficile, les dépens peuvent être réduits ou refusés (al. 1 let. a).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il existe un parallélisme entre la mise à la charge du prévenu des frais de procédure selon l’art. 426 al. 1
et 2 CPP et la réduction ou le refus de l’indemnité selon les art. 429 et 430 CPP, en ce sens que si les frais de procédure sont mis à la charge du prévenu, il ne peut lui être alloué d’indemnité, tandis que lorsque les frais sont laissés à la charge de l’Etat, le prévenu a droit à une indemnité (ATF 137 IV 352 c. 2.4.2 et les références citées).
8.2
Dans le cas d'espèce, les premiers juges ont mis à la charge de l'appelant l'entier des frais de procédure de première instance. Ils ont par ailleurs refusé de lui allouer une indemnité au titre de l'art. 429 CPP, nonobstant l'abandon partiel des griefs qui lui étaient reprochés, pour le motif que l'ouverture de la procédure avait été dictée par la faute civile du prévenu en demeure. Par ses dénégations permanentes, s'agissant des griefs qui lui étaient reprochés, B._ avait de plus compliqué la conduite de la procédure (jgt., pp. 12-13).
L'analyse des premiers juges ne prête pas le flanc à la critique. C'est bien l'appelant en demeure, qui est à l'origine de la procédure. Si la tentative d'escroquerie n'a finalement pas été retenue contre l'appelant, ce n'est pas faute pour lui d'avoir tenté de tromper J._ en lui présentant un faux swift, mais uniquement faute d'astuce. La volonté de tromper est avérée et les actes préparatoires à l'escroquerie constituent une faute civile au sens de l'art. 18 CO. Enfin, l'appelant a joué de ses différentes identités avec les enquêteurs en ne leur indiquant pas les mêmes filiations à chaque fois (P. 79 p. 12), ce qui a éveillé leurs soupçons et rendu plus difficile la conduite de la procédure.
Au vu de ce qui précède, la mise à la charge de l'appelant de l'intégralité des frais de procédure de première instance ne constitue pas une sanction déguisée comme il l'affirme. Au surplus, le comportement de l'appelant excluait l'application de l'art. 429 CPP. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
9.
En procédure d'appel, B._ a requis l'allocation d'indemnités au sens des art. 429 et 431 CPP, sans toutefois en préciser les montants.
9.1
Aux termes de l'art. 428 CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. La partie dont le recours est irrecevable ou qui retire le recours est également considérée avoir succombé (al. 1). Lorsqu’une partie qui interjette un recours obtient une décision qui lui est plus favorable, les frais de la procédure peuvent être mis à sa charge si la modification de la décision est de peu d’importance (al. 2 let. b).
Comme déjà rappelé ci-dessus (consid. 8.1.2), l'art. 429 CPP prévoit que le prévenu acquitté totalement ou en partie a notamment droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure (al. 1 let. a) et à une réparation du tort moral subi en raison d’une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (al. 1 let. c ). Les dépens peuvent cependant être réduit ou refusés si le prévenu a, de manière illicite et fautive, provoqué la procédure ou l'a rendue plus difficile (art. 430 al. 1 let. a CPP).
L'autorité de poursuite pénale doit établir un décompte complet des frais de justice mis à charge du prévenu et de l'indemnisation à laquelle il aurait droit si aucune faute ne lui était imputée. Puis, après avoir fixé le taux de réduction et diminué la créance en fonction, procéder à la compensation. Tous les éléments du raisonnement aboutissant à la somme finale doivent se trouver dans la décision (Mizel/Rétornaz, in Khun/Jeanneret (éd.), op., cit., n. 6 ad art. 430 CPP).
Aux termes de l'art. 431 al. 2 CPP en cas de détention provisoire et de détention pour des motifs de sûreté, le prévenu a droit à une indemnité ou à une réparation du tort moral lorsque la détention a excédé la durée autorisée et que la privation de liberté excessive ne peut être imputée sur les sanctions prononcées à raison d’autres infractions.
Cette disposition traite uniquement de la question de la détention dépassant la peine à laquelle le prévenu a été condamné en fin de compte (Mizel/Rétornaz, in Khun/Jeanneret (éd.), op. cit., n. 16 ad art. 431 CPP).
9.2
En l'occurrence, il n'y a pas lieu d'accorder une indemnité au titre de l'art. 431 CPP, la détention préventive exécutée ne dépassant pas la peine réduite infligée à l'appelant.
S'agissant de l'indemnité requise pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure en appel au titre de l'art. 429 CPP, elle doit être arrêtée à 3'500 francs. Un quart de ce montant, soit 900 fr., est alloué à l'appelant. Dite indemnité sera portée en déduction des frais d'appel mis à la charge de B._.
Au surplus, l'appelant obtient très partiellement gain de cause, sur un élément de peu d'importance pour l'examen de sa culpabilité et la fixation de la peine. Les frais de la procédure d'appel, constitués en l’espèce de l’émolument d'arrêt, par 2'160 fr., (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [tarif des frais judiciaires pénaux; RSV 312.03.1]) sont dès lors mis à raison des trois quarts, soit par 1'620 fr., à la charge de B._ qui succombe dans une large mesure. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5882075d-2e8c-4e40-be3d-329611dddbb1 | En fait :
A.
Par jugement sur relief rendu le 14 juillet 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a notamment condamné X._ pour vol, empêchement d’accomplir un acte officiel, violation grave des règles de la circulation routière, conduite d’un véhicule automobile sans permis de conduire, infraction à la Loi fédérale sur les étrangers et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, à une peine privative de liberté de neuf mois ainsi qu’à une peine pécuniaire de trente jours-amende à 20 fr. le jour et à une amende de 200 fr., convertible en deux jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif, peine partiellement complémentaire et additionnelle à celles prononcées par le Ministère public cantonal le 2 mai 2014, le 12 mai 2014 et le 18 juillet 2014, sous déduction de cinq jours de détention à des conditions illicites (I et II).
B.
Par annonce du 14 juillet 2015, puis par déclaration motivée du 17 août 2015, X._ a formé appel contre ce jugement, concluant à sa réforme en ce sens qu’il est condamné à une peine à fixer à dire de justice, mais inférieure à celle prononcée par le tribunal de police. Subsidiairement, il a conclu à l’annulation de ce jugement et au renvoi de la cause à l’autorité de première instance pour nouveau jugement dans le sens des considérants.
Par courrier du 3 septembre 2015, le Ministère public a renoncé à déposer des déterminations écrites, précisant que les considérants du jugement de première instance lui paraissaient complets et convaincants.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
X._
est né le [...] 1972 à Alep, en Syrie. Dès l’âge de 16 ans, il a poursuivi ses études en Egypte, obtenant en 1998 un diplôme de gestion en comptabilité. Il a également appris l’anglais, l’espagnol et le français. Par la suite, il a travaillé comme guide touristique en Egypte jusqu’en 2000. Il a fait de l’import-export dans la chaussure ainsi que des transports nationaux de marchandises jusqu’en 2005. Il a ensuite travaillé dans la menuiserie et la vente de voitures d’occasion. En 2013, il est arrivé en Suisse en plusieurs étapes depuis l’Egypte. Au mois de septembre de la même année, il a demandé l’asile. Depuis, il n’a pas eu d’activité professionnelle. Avant son incarcération, il percevait une prestation d’hébergement et recevait de la nourriture. Selon ses déclarations, il ne recevait pas d’argent de poche ni n’avait d’autre source de revenus. Il n’a ni fortune ni dettes.
Le casier judiciaire suisse de X._ comporte les inscriptions suivantes :
- 13.02.2014 : Ministère public du canton de Fribourg, vol, concours d’infractions, peine pécuniaire de 20 jours-amende à 50 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de deux ans, amendes de 300 fr. et de 200 francs ;
- 02.05.2014 : Ministère public cantonal Strada, à Lausanne, vol, violation de domicile, tentative de vol, contravention à l’art. 19a de la Loi fédérale sur les stupéfiants, concours d’infractions, peine privative de liberté de 90 jours, sous déduction de 10 jours de détention provisoire, amende de 300 francs ;
-12.05.2014 : Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, vol, contravention à l’art. 19a de la Loi fédérale sur les stupéfiants, concours d’infractions, peine pécuniaire de 30 jours-amende à 20 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de deux ans, amende de 100 fr., peine complémentaire à la condamnation du Ministère public du canton de Fribourg du 13.02.2014 ;
- 18.07.2014 : Ministère public cantonal Strada, à Lausanne, violation de domicile, tentative de vol, séjour illégal, concours d’infractions, peine privative de liberté de 90 jours, sous déduction d’un jour de détention provisoire.
2.
2.1
Entre le 12 et le 14 mars 2014, au chemin [...] au Mont-sur-Lausanne, X._ et ses acolytes, [...] et G._ (déférés séparément), ont dérobé le véhicule – non verrouillé – de marque Ford S-Max appartenant à M._. Ils ont ensuite pris la route en direction de [...], étant précisé que c’est X._ qui était alors au volant, ceci en dépit du fait que l’intéressé ne disposait pas d’un permis de conduire. Arrivés au lieu-dit «
[...] », commune [...], le 14 mars 2014 vers 1h00, X._, [...] et G._ ont croisé une patrouille de police. C’est à cet instant que X._ a choisi d’accélérer fortement la cadence, l’objectif étant de prendre la fuite. Entre [...] et [...], et alors que le tronçon en question était sinueux, X._ a atteint plusieurs fois la vitesse de 120 km/h, alors même que la limitation était fixée à 80 km/h. Il a en outre roulé à cheval, voire à gauche de la ligne de sécurité. Il a ensuite traversé le village [...] à 80 km/h, la vitesse tolérée à cette endroit étant de 50 km/h. Arrivé dans une zone sans issue de la zone industrielle de [...], toujours sur la Commune [...], il a dû effectuer un freinage d’urgence, afin d’éviter un monticule de neige. X._ a rapidement ouvert la portière du véhicule – son objectif étant de prendre la fuite – avant d’être coincé avec l’avant droit de la voiture de police. Il a toutefois réussi à s’extirper de cette situation en passant par-dessus la portière. Il a été interpellé juste après par l’un des intervenants.
La course-poursuite, au cours de laquelle la patrouille avait enclenché les attributs de police, s’est déroulée sur près de 18 kilomètres.
M._ a déposé plainte le 14 mars 2014 et s’est constituée partie civile.
2.2
Entre le 31 mars 2014, date à laquelle la décision de non-entrée en matière sur la demande d’asile présentée par l’intéressé est devenue définitive et exécutoire, et le 30 juin 2014, X._ a séjourné illégalement en Suisse.
2.3
Entre le 24 avril 2014 et le 30 juin 2014, X._ a consommé en moyenne cinq à six joints de marijuana par jour. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du
5 octobre 2007 ; RS 312.0), l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 consid. 3.1).
3.
Formellement, l’appelant ne conteste que la peine privative de liberté prononcée à son encontre dans le jugement du 14 juillet 2014. Au vu des faits retenus sous lettre C.2 ci-dessus, il doit donc être reconnu coupable de vol, d’empêchement d’accomplir un acte officiel, de violation grave des règles de la circulation routière, de conduite d’un véhicule automobile sans permis de conduire, d’infraction à la Loi fédérale sur les étrangers et de contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants
.
4.
S’agissant de la peine privative de liberté, il considère que celle-ci serait arbitrairement sévère. Dans un premier grief, il relève qu’au terme de l’audience de relief du 14 juillet 2015, le tribunal est arrivé au « même résultat » que lorsqu’il avait statué par défaut du prévenu le 21 janvier 2015. Selon lui. le tribunal n’aurait donc manifestement pas tenu compte des éléments à décharge.
4.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 ; ATF 129 IV 6 consid. 6.1).
4.2
Aucune disposition, ni aucun principe général du droit pénal ne contraint le juge appelé à fixer la peine dans le cadre d’un jugement sur relief à prononcer une peine plus clémente que celle qui a été prononcée dans le jugement par défaut. Il n’est en effet pas lié par la décision initialement rendue en l’absence de l’accusé et il doit procéder à sa propre évaluation de la situation. A cet égard, le Tribunal fédéral a d’ailleurs précisé que, dans un tel cas, le tribunal pouvait même, le cas échéant, aggraver la peine, dès lors qu’il n’était pas tenu par l'interdiction de la
reformatio in pejus
(TF 6S.308/2004 du 8 novembre 2004 consid. 2.2).
En l’espèce, l’autorité de première instance a tenu compte de manière correcte de tous les éléments à charge et à décharge. En effet, la culpabilité de X._ est lourde. Il a mis en danger les autres usagers de la route ainsi que ses complices en circulant à une vitesse totalement inadaptée, de nuit, sur des routes sinueuses et verglacées, parfois sur la voie de gauche, dans l’unique objectif de tenter d’échapper à son interpellation. A charge encore, il y a lieu de retenir le concours d’infractions ainsi que le fait que l’appelant a récidivé un mois à peine après une première condamnation prononcée à son encontre le 13 février 2014. Il n’a d’ailleurs eu de cesse de commettre de nouvelles infractions depuis lors, ce qui lui a valu les trois condamnations complémentaires dont il sera question ci-dessous (cf. consid. 5.2.1), si bien que le prononcé d’une peine privative de liberté s’impose dans le cas d’espèce.
On ne voit aucun élément susceptible d’être retenu à décharge de l’appelant, si ce n’est le fait que celui-ci avait consommé des stupéfiants et qu’il se trouvait ainsi dans un état plutôt désinhibé. Contrairement à ce que semble soutenir l’appelant, on ne peut exclure que le Ministère public avait d’ores et déjà tenu compte de cet élément dans le cadre de la peine proposée dans l’acte d’accusation. Considérant qu’il n’y a aucun autre élément à décharge susceptible d’influencer la peine, il n’est absolument pas choquant que le tribunal arrive « au même résultat » dans le cadre du jugement sur relief que dans celui du jugement par défaut. Enfin, il y a lieu de relever que les recommandations de la Conférence des autorités de poursuite pénale de suisse (CAPS) produites par l’appelant à l’audience du 19 octobre 2015 ne lient pas le tribunal qui doit tenir compte des spécificités du cas d’espèce. En particulier, s’agissant de la présente cause, il y a lieu de tenir compte du fait que X._ s’est rendu coupable de plusieurs infractions graves à la circulation routière durant la course poursuite du 14 mars 2014, lesquelles entrent de surcroît en concours avec d’autres infractions.
5.
L’appelant considère que le tribunal de première instance n’a pas suffisamment tenu compte du caractère complémentaire de la peine.
5.1
Aux termes de l'art. 49 CP, si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (al. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (al. 2).
Le cas – normal – de concours réel rétrospectif se présente lorsque l'accusé, qui a déjà été condamné pour une infraction, doit être jugé pour une autre infraction commise avant le premier jugement, mais que le tribunal ignorait. L'art. 49 al. 2 CP enjoint au juge de prononcer une peine complémentaire ou additionnelle (Zusatzstrafe), de telle sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement. Concrètement, le juge doit se demander comment il aurait fixé la peine en cas de concours simultané, puis déduire de cette peine d'ensemble hypothétique la peine de base, soit celle qui a déjà été prononcée (TF 6B_455/2013 du 29 juillet 2013 consid. 2.4.1 et les références citées). Le prononcé d'une peine complémentaire suppose que les conditions d'une peine d'ensemble au sens de l'art. 49 al. 1 CP sont réunies. Une peine additionnelle ne peut ainsi être infligée que lorsque la nouvelle peine et celle qui a déjà été prononcée sont du même genre. Des peines d'un genre différent doivent en revanche être infligées cumulativement car le principe d'absorption n'est alors pas applicable (TF 6B_1082/2010 du 18 juillet 2011 consid. 2.2 et les références citées). En cas de concours rétrospectif partiel, soit lorsque le juge est appelé à sanctionner à la fois des infractions plus anciennes qu’une précédente condamnation et des infractions nouvelles, celui-ci doit prononcer une peine d’ensemble. Il doit pour cela déterminer l’infraction pour laquelle la loi prévoit la peine la plus grave ; s’il s’agit de l’infraction ancienne, le juge raisonne à partir de la peine qui la concerne et y ajoute la peine théorique liée à l’infraction nouvelle. A l’inverse, si c’est l’infraction récente qui est la plus grave, la peine qu’elle mérite sert de base ; le juge y ajoute la peine théoriquement complémentaire qui concerne l’infraction ancienne. Cette méthode permet d'appliquer l'art. 49 al. 1 CP sans négliger l'art. 49 al. 2 CP. Sur le plan formel, la sanction est toujours une peine d'ensemble mais, sur celui de sa quotité, il est tenu compte du concours rétrospectif (ATF 116 IV 14 consid. 2b et les références citées ; TF 6B_28/2008 du 10 avril 2008 consid. 3.3.2).
5.2
En l’espèce, les infractions qu’il convient de sanctionner ont été commises entre le 12 et le 14 mars 2014 s’agissant du vol de la voiture, du 31 mars 2014 au 30 juin 2014 pour le séjour illégal et du 24 avril au 30 juin 2014 s’agissant de la consommation de haschich et marijuana. Pour fixer la quotité de la peine, il y a donc lieu d’examiner les trois condamnations prononcées à l’encontre de l’appelant les 2 mai 2014, 12 mai 2014 et 18 juillet 2014, les faits à juger étant antérieurs.
5.2.1
Le 2 mai 2014, le Ministère public Strada a condamné l'appelant à une peine privative de liberté de 90 jours, sous déduction de deux jours de détention avant jugement et 300 fr. d’amende, pour consommation de haschich et de marijuana, pour un cambriolage commis le 7 avril 2014, dont le butin était un ordinateur portable, pour le vol d'un sac à dos commis le 18 avril 2014, l’entier du butin ayant été récupéré, pour le vol d'un sac à main, dont on ignore ce qu’il contenait, dans une voiture, commis le 23 avril 2014, et pour plusieurs tentatives de vol dans des voitures en stationnement le 23 avril 2014. Le Ministère public a également révoqué le sursis assortissant la peine de 20 jours-amende à 50 fr. le jour qui avait été octroyé par le Ministère public du canton de Fribourg le 13 février 2014 (P. 9).
5.2.2
Le 12 mai 2014, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a condamné l'appelant pour vol et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants à une peine de 30 jours-amende à 20 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu’à une amende 100 fr., pour un cambriolage commis le 3 décembre 2013, dont le butin était indéterminé, et de la consommation de haschich et de marijuana de septembre 2013 à janvier 2014. Cette peine était complémentaire à l’ordonnance fribourgeoise du 13 février 2014, étant précisé que le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne n’avait pas connaissance, à la date de son ordonnance, de la condamnation prononcée le 2 mai 2014 par le Ministère public Strada (P. 10).
5.2.3
Le 18 juillet 2014, le Ministère public Strada a condamné l'appelant pour tentative de vol, violation de domicile et infraction à la Loi fédérale sur les étrangers à une peine privative de liberté de 90 jours, sous déduction d’un jour de détention provisoire et a révoqué le sursis octroyé le 12 mai 2014 par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne. Il était notamment reproché à X._ d’avoir commis deux tentatives de cambriolages le 17 juillet 2014 (P. 14).
5.3
Au vu des éléments qui précèdent, la nouvelle peine n’est pas complémentaire à la condamnation prononcée le 12 mai 2014, puisque les peines sont de genre différent. En revanche, elle est partiellement complémentaire à la peine de 90 jours de privation de liberté prononcée le 2 mai 2014, étant relevé que l’infraction à la Loi sur les étrangers qu’il convient de sanctionner va au-delà du 2 mai 2014, et elle est entièrement complémentaire à la peine privative de liberté de 90 jours prononcée le 18 juillet 2014.
Au regard de la condamnation prononcée le 2 mai 2014, il convient de prononcer une peine d'ensemble en application des principes dégagés dans
l'ATF 116 IV 14 (cf. consid. 5.1 ci-dessus). Les faits les plus anciens, soit le vol de la voiture et la course poursuite du 14 mars 2014, apparaissent plus graves que les faits ayant fait l’objet de la condamnation du 2 mai 2014. Il y a dès lors lieu de fixer une peine théorique complémentaire à la peine privative de liberté de 90 jours prononcée le 2 mai 2014, à laquelle s’ajoutera une peine théorique pour l'infraction nouvelle, soit l'infraction à la Loi fédérale sur les étrangers. S'il s'était agi de sanctionner en une fois les vols et tentatives de vol, la violation de domicile, la course poursuite et le vol de la voiture ainsi que la partie de l'infraction à la Loi fédérale sur les étrangers allant jusqu’au 2 mai 2014, la peine privative de liberté théorique aurait été de douze mois. A ces douze mois, il convient d’ajouter un mois de privation de liberté pour réprimer la part de l’infraction à la Loi sur les étrangers depuis le 2 mai 2014. Sur ce total de treize mois, il y a lieu de retrancher les 90 jours d’ores et déjà prononcés le 2 mai 2014. La peine privative de liberté d’ensemble doit ainsi être arrêtée à 10 mois.
S’agissant de la peine de nonante jours de privation de liberté prononcée le 18 juillet 2014, celle-ci est entièrement complémentaire à la peine d’ensemble de dix mois arrêtée ci-dessus. Une peine de douze mois de privation de liberté apparaît adéquate pour sanctionner l’ensemble de l’activité délictueuse de l’appelant. A cette peine d’ensemble théorique, il convient de déduire les 90 jours de privation de liberté prononcés le 18 juillet 2014.
En définitive, la peine de neuf mois prononcée par le juge de première instance pour réprimer les nouvelles infractions est adéquate et doit être confirmée.
5.4
Pour le surplus, l’appelant ne conteste pas le refus du sursis, comme, d’ailleurs, le montant de l’amende prononcée. Examinés d’office, ces éléments seront confirmés, la Cour de céans faisant sienne la motivation adéquate et suffisante de l’autorité de première instance sur ces points. Enfin, il en va de même des cinq jours de détention dans des conditions illicites portés en déduction de la peine prononcée.
6.
En définitive, l’appel doit être rejeté.
Une indemnité pour la procédure d'appel d'un montant de 1’048 fr. 70,, TVA et débours inclus, est allouée au défenseur d'office de l’appelant. Il est tenu compte de quatre heures de travail au tarif horaire usuel de 180 fr., de deux vacations au tarif forfaitaire de 120 fr. par vacation, et de débours, par 11 fr., plus la TVA, par 77 fr. 70.
Les frais d'appel, par 2’658 fr. 70, constitués de l'émolument de jugement (art. 422 al. 1 CPP), par 1’610 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), et de l'indemnité de défenseur d'office allouée (art. 422 al. 2 let. a CPP), par
1’048 fr. 70,, seront mis à la charge de l’appelant.
Celui-ci ne sera ne tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
58e625f3-cfab-4ddd-b9df-abf37374835d | En fait :
A.
Par jugement du 8 février 2011, le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois a libéré Q._ de l'infraction d'abus de confiance (I), l'a condamnée, pour utilisation frauduleuse d'un ordinateur, à une peine privative de liberté de cinq mois (II), pris acte de la convention sur les intérêts civils (III) et mis les frais de la cause, arrêtés à 1'075 fr. (mille septante cinq francs), à la charge de l'accusée (IV).
B.
Par courrier du 15 février 2011 adressé à l'autorité de première instance, puis par déclaration d'appel du 23 mars 2011 adressée à l'autorité de céans,
Q._ a fait appel contre le jugement précité; en substance, elle a requis de pouvoir subir sa peine sans privation de liberté.
A l'appui de sa déclaration d'appel, l'intéressée a produit un contrat de travail du 10 février 2011 établi par la S._ faisant état de son engagement dès le 15 février 2011 comme aide infirmière CRS.
Comme requis par l'autorité de céans le 26 avril 2011, les pièces suivantes ont encore été produites :
- un courrier de S._ du 18 mai 2011, confirmant à Q._ son engagement au sein de cette institution, la période d'essai ayant pris fin le 14 mai précédent;
- la fiche de salaire du mois d'avril 2011, faisant état d'un revenu net de 3'402 fr. 40 pour ce mois;
- les quittances des mois de janvier à avril 2011 relatives aux versements, en faveur de Z._, des mensualités de 500 fr. dues en exécution de la convention civile passée devant l'autorité de première instance.
Par lettre du 12 mai 2011, les parties ont été informées de la composition de la cour. Par courriers du même jour, l'appelante et le Ministère public ont été cités à comparaître.
Le 7 juin 2011, l'appelante a requis l'audition du témoin [...].
Une audience s'est tenue le 16 juin 2011, au cours de laquelle l'appelante et le témoin [...] ont été entendus.
C.
Les faits nécessaires à l'examen de la cause sont les suivants :
1.
Q._ est née le 16 juillet 1976 au Cameroun, pays dont elle est ressortissante. Au bénéfice d'un permis C, elle exerce la profession d’aide infirmière. Elle vit avec sa mère et participe au paiement du loyer à hauteur de 500 fr. par mois. Son assurance-maladie s'élève à 390 fr. par mois environ. Elle a des dettes.
2.
Le casier judiciaire suisse de la prévenue contient les inscriptions suivantes :
- 8 mars 2001, Juge d’instruction de Lausanne, vol, utilisation frauduleuse d’un ordinateur, tentative d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur, faux dans les titres, un mois d’emprisonnement;
- 23 mai 2002, Ministère public du canton de Genève, vol, 2 mois d’emprisonnement;
- 16 décembre 2008, Office régional du Juge d’instruction [...], violation de secrets privés et faux dans les titres, 480 heures de TIG et 300 fr. d’amende.
3.
A Vevey entre juin et août 2010, l’accusée a indûment retiré un montant total d’au moins 6'000 fr. sur le compte postal de Z._, handicapée moteur et malvoyante, à qui elle apportait, en sa qualité d’aide infirmière, des soins à domicile. Z._ a déposé une plainte et a pris des conclusions civiles en paiement d’un montant 6'000 fr. dont à déduire un premier acompte payé de 500 francs.
Devant l'autorité de première instance, Q._ a admis les faits et a accepté de dédommager la victime en signant une convention civile rédigée en ces termes (cf. procès-verbal p. 3) :
"[...]
1. Q._ se reconnaît débitrice de Z._ d'un montant de 5'500 fr., valeur échue.
2. Q._ remboursera le montant figurant sous chiffre 1 par le régulier versement d'acomptes mensuels de 500 fr. dès et y compris fin février 2011.
3. La somme fixée sous chiffre 1 deviendra immédiatement exigible en cas de retard de plus d'un mois dans le paiement des mensualités.
[...]
4. | En droit, le Tribunal a reconnu l'intéressée coupable d'infraction à la l'art. 147 CP. Il a considéré que la culpabilité de l'intéressée était lourde dès lors qu'elle n'avait pas hésité à profiter d'une victime particulièrement vulnérable en raison de ses handicaps, et choisie en conséquence. A décharge, il a tenu compte de la situation personnelle de l'intéressée, ainsi que de son engagement à rembourser la victime. Considérant les antécédents pénaux de la prévenue en matière d'infractions contre le patrimoine, le premier juge a constaté que, le pronostic étant défavorable, seule une courte peine privative de liberté ferme de 5 mois entrait en considération.
5.
Devant l'autorité de céans, au cours de l'audience du 16 juin 2011, l'appelante a confirmé les renseignements figurant dans le jugement entrepris et a donné des indications complémentaires sur sa situation personnelle, financière et pénale. On en retient ce qui suit : Q._ travaille comme aide infirmière pour le compte de la S._, qui l'a engagée le 15 mars 2011 pour une période indéterminée, et lui verse un salaire horaire de 28 fr. bruts. Ses frais de transports s’élèvent à 102 fr. par mois et elle doit payer ses repas. Elle a des dettes personnelles à hauteur de plus de 50'000 fr., ainsi que des dettes d'impôts pour un total de 3'000 fr. à 4'000 fr. ; elle ne bénéficie pas du subside pour l’assurance-maladie. [...], qui est son ami depuis environ trois ans, la soutient financièrement. C'est lui qui a avancé les mensualités de 500 fr. versées à Z._. Depuis qu'elle a un revenu fixe, l'appelante indemnise toutefois elle-même cette personne, bien que cela se fasse toujours par l'intermédiaire de l’ordre permanent donné par [...].
L'appelante ne conteste pas les faits retenus à son encontre par le premier juge, mais relève qu'au moment des actes incriminés, son père, qui vit au Cameroun, avait des ennuis de santé sérieux et comptait sur son soutien, notamment financier. C'est dans ce contexte qu'elle a succombé et lui a envoyé, en plusieurs versements, les 6'000 fr. dérobés àZ._. A ce jour, la prévenue rembourse les montants dérobés à la victime, et cela depuis le mois de janvier 2011.
A l’époque de ses premières condamnations, l'intéressée ne travaillait pas et était soutenue par les services sociaux. Elle a purgé les deux peines privatives de liberté prononcées en 2001 et 2002, mais n'a pas accompli les 480 heures de travail d'intérêt général (TIG) infligées en 2008, en raison de problèmes de santé. Cette sanction a été convertie en jours-amende, pour un montant total de 8'000 fr. environ. Son ami, [...], a contracté un crédit de ce montant pour acquitter cette amende. La prévenue le remboursera ensuite dans la mesure de ses moyens.
Interpellé, [...] a confirmé qu'il apportait son aide financière à l'appelante, ce que lui autorisent son statut professionnel de technicien en informatique et le salaire mensuel de 5'900 fr. qui en découle. Il a aussi précisé que l'appelante avait pris conscience de ses actes et de ses responsabilités.
En droit :
1.1.
Interjeté dans les formes et les délais légaux contre un jugement de première instance ayant clos la procédure, l'appel est recevable (art. 399 al. 1 et 3 CPP; Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0). Il est suffisamment motivé au sens de l’art 399 al. 3 CPP, l’appelante ayant mentionné qu’elle s’attaquait au type de peine et, implicitement, à la question du sursis (art. 399 al. 4 let. b CPP).
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.
L’appelante, dans une argumentation sommaire, requiert de ne pas exécuter une peine qui la priverait de sa liberté, alors qu’elle affirme s’efforcer, en particulier par son activité professionnelle, de s’insérer socialement. Dans sa déclaration du 23 mars 2011, elle indique "[...] ne s'opposer nullement au juste jugement du tribunal de police, mais juste espérer une autre possibilité de subir la peine sans privation de liberté [...]".
3.1.
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Les critères, énumérés de manière non exhaustive par cette disposition, correspondent à ceux fixés par l'art. 63 aCP et la jurisprudence élaborée en application de cette disposition (ATF 134 IV 17 c. 2.1). Cette jurisprudence conserve toute sa valeur, de sorte que l'on peut continuer à s'y référer (ATF 129 IV 6 c. 6.1, p. 21). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1 et 129 IV 6, op. cit.).
A titre de sanctions, le nouveau droit fait de la peine pécuniaire (art. 34 CP) et du travail d'intérêt général (art. 37 CP) la règle dans le domaine de la petite criminalité, respectivement de la peine pécuniaire et de la peine privative de liberté la règle pour la criminalité moyenne. Dans la conception de la nouvelle partie générale du Code pénal, la peine pécuniaire constitue la sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. En vertu du principe de la proportionnalité, il y a en règle générale lieu, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement. La peine pécuniaire et le travail d'intérêt général représentent des atteintes moins importantes et constituent ainsi des peines plus clémentes. Cela résulte également de l'intention essentielle, qui était au coeur de la révision de la partie générale du Code pénal en matière de sanction, d'éviter les courtes peines de prison ou d'arrêt, qui font obstacle à la socialisation de l'auteur, et de leur substituer d'autres sanctions. Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (ATF 134 IV 97 c. 4; arrêt 6B_234/2010 du 4 janvier 2011 c. 4.1.1).
L'art. 41 CP pose que le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l’exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s’il y a lieu d’admettre que ni une peine pécuniaire ni un travail d’intérêt général ne peuvent être exécutés (al. 1).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. Le juge doit par ailleurs motiver sa décision de manière suffisante (art. 50 CP). Sa motivation doit permettre de vérifier s'il a été tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (cf. ATF 134 IV 5 c. 4.2.1; ATF 128 IV 193 c. 3a; 118 IV 97 c. 2b). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (cf. ATF 134 IV 5 c. 4.2.2).
3.2.
En l'espèce, l'autorité de première instance a apprécié la gravité de la faute de l’appelante en tenant compte des critères légaux et jurisprudentiels rappelés ci-dessus. A raison, elle a considéré que la culpabilité de la prévenue était lourde dès lors qu'elle n’avait pas hésité à tromper la confiance d’une victime particulièrement vulnérable, parce qu’handicapée. A charge, le Tribunal a également tenu compte des antécédents pénaux d'Q._, qui a été condamnée par deux fois pour des infractions contre le patrimoine entre 2001 et 2008; il a estimé qu’ils devaient peser de manière importante dans la quotité de la peine. A décharge, le premier juge a pris en considération la situation personnelle de la prévenue, ainsi que la convention civile passée lors du procès, soit son engagement à dédommager la victime. Le tribunal n’a ainsi pas tenu compte d’éléments étrangers à l’art. 47 CP. Les éléments retenus, à charge et à décharge, sont pertinents. Au surplus, aucun élément déterminant au regard de l’art. 47 CP n’a été omis, respectivement ne s’est vu conférer une portée excessive ou insuffisante. La peine prononcée se situe dans le cadre légal, s’agissant de l’infraction ici en cause (l’utilisation frauduleuse d’un ordinateur) que l’art. 147 CP réprime d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Le droit n’est ainsi pas violé.
3.3
S'agissant du genre de peine à infliger, le premier juge a renoncé à prononcer une peine pécuniaire, arguant que seule une courte peine privative de liberté était adéquate, compte tenu des antécédents de l'intéressée. S'il est vrai qu' Q._ s'est déjà vue condamnée à trois reprises en matière d'infractions contre le patrimoine, et qu'elle est jugée dans la présente procédure pour une récidive de l'infraction à l'art. 147 CP (utilisation frauduleuse d'un ordinateur), on ne se trouve pas encore dans le cas où une peine pécuniaire devrait être exclue pour des motifs de prévention spéciale (TF du 14 juin 2011, 6B_128/2011, c. 3.4), dès lors qu'il ne ressort pas du dossier que l'intéressée serait insensible à toute forme de sanction. On relèvera, au demeurant, qu'une peine pécuniaire est exécutable en l'espèce et qu'elle ne prive pas la prévenue du nécessaire, voire de l'indispensable. En effet, Q._ est au bénéfice d'un permis C; elle a été engagée comme aide infirmière pour une durée indéterminée et gagne un salaire horaire de 28 fr. bruts. Au vu de ce qui précède, et pour respecter le principe de la proportionnalité (cf. supra, c. 3.1), il convient d'infliger à l'appelante une peine pécuniaire plutôt qu'une courte peine privative de liberté, comme l'a décidé le premier juge en violation de l'art. 41 CP.
Ce grief est bien fondé. Il doit être admis. Le jugement entrepris doit donc être réformé sur ce point.
3.3.1
L'art. 34 al.1 CP prévoit que, sauf disposition contraire de la loi, la peine pécuniaire ne peut excéder 360 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l’auteur. Un jour-amende correspond à un jour de peine privative de liberté (art. 36 al.1 deuxième phrase CP). Dans le cas présent, la quotité de la peine (5 mois) ne viole pas le droit fédéral (cf. supra, c. 3.2). La prévenue se verra donc infliger une peine de 150 jours-amende.
3.3.2
D'après l'art. 34 al.2 CP, le jour-amende s'élève à 3'000 fr. au plus. Le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, en tenant compte notamment de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital.
Pour fixer le montant du jour-amende, il convient de partir du revenu que l'auteur réalise en moyenne chaque jour quelle qu'en soit la source (cf. ATF 116 IV 4 c. 3a p. 8). Font partie du revenu non seulement le produit de l'activité lucrative dépendante ou indépendante (salaire, revenu tiré de l'exploitation d'une entreprise, etc.), mais encore les revenus provenant de la fortune immobilière (loyers, fermages, etc.), les revenus de titres ou d'autres placements financiers (intérêts, dividendes, etc.), les rentes ou les pensions publiques ou privées, les prestations complémentaires des assurances sociales ou de l'aide sociale, ainsi que les prestations en nature (Message 1998 p. 1824). Parmi les critères pertinents, la loi mentionne aussi la fortune. Cette dernière ne peut entrer en considération pour fixer le montant unitaire des jours-amende qu'à titre subsidiaire, lorsqu'il existe une disproportion particulièrement marquée entre les revenus et la fortune de l'auteur. De la somme de ces revenus, le juge arrivera au revenu moyen net en déduisant, en principe, les contributions sociales (AVS, AI, APG, assurance chômage), les impôts courants, les primes d'assurance-maladie et accident obligatoires, ainsi que les frais professionnels indispensables (Message 1998 p. 1824). Du point de vue temporel, la situation déterminante est celle qui prévaut durablement au moment du jugement (art. 34 al. 2 2ème phrase CP). Cela signifie que le juge doit établir les ressources économiques de l'auteur de manière aussi précise et actualisée que possible, en ayant en vue le moment où le paiement devra intervenir. Parmi les éléments à déduire, le juge doit encore tenir compte, des obligations d'assistance, en particulier familiales, de l'auteur, calculées selon les règles du droit de la famille (Message 1998 p. 1825). Les charges supplémentaires ne peuvent être prises en considération que dans le cadre de l'examen de la situation personnelle de l'auteur, au sens de l'art. 47 al. 1 CP. Ainsi, les principaux engagements financiers que l'auteur avait pris avant l'infraction (p. ex. le paiement de mensualités pour des biens de consommation) sont sans pertinence. De même, les intérêts hypothécaires et les frais de logement ne peuvent en principe pas être déduits (arrêt 6B_366/2007 du 17 mars 2008, c. 6.4, destiné à la publication). Les dettes qui découlent directement ou indirectement de l'infraction (dommages-intérêts, indemnité pour tort moral, frais de justice, etc.) n'ont pas davantage à être portées en déduction. Le fait que l'auteur s'est reconnu débiteur du lésé et qu'il a déjà commencé à l'indemniser doit être pris en considération, le cas échéant, pour statuer sur la circonstance atténuante du repentir sincère (art. 48 let. d CP) et pour émettre un pronostic concernant l'octroi du sursis (art. 42 al. 1-3 CP). Mais ce fait ne peut exercer aucune influence sur la fixation du montant du jour-amende (arrêt 6B_366/2007 du 17 mars 2008, c. 6.4, destiné à la publication). En revanche, des charges financières exceptionnellement lourdes peuvent être portées en déduction lorsqu'elles correspondent à des besoins financiers plus élevés que la normale, dus à une situation ou à un destin très particulier de l'auteur (arrêt 6B_366/2007 du 17 mars 2008, c. 6.4).
En l'espèce, le salaire net réalisé par Q._ se monte à 3'402 fr. 40 comme le démontre la fiche de salaire du mois d'avril 2011 produite dans la présente procédure (pièce no 21) dont l'exactitude a été confirmée aux débats. Il s'agit d'un salaire moyen (procès-verbal p. 4). De ce revenu, il faut déduire, sur la base des chiffres plausibles avancés par la prévenue, les primes d'assurance-maladie (390 fr.), ainsi que des frais d'acquisition du revenu (102 fr. par mois), de même que les dettes d'impôts; on retiendra à ce titre 4'000 francs. Les dettes privées (50'000 fr.) et celles découlant des infractions commises (convention civile, TIG converti en jours-amende) n'entrent pas en considération. Sur la base de ce qui précède, le montant du jour-amende peut, en l'espèce, être arrêté à 30 fr. par jour pour tenir compte de l'ensemble des éléments figurant ci-dessus.
3.4
L'appelante évoque la question du sursis. A ce sujet, le jugement entrepris indique que, le pronostic étant "[...] entièrement défavorable [...]", seule une peine ferme entre en considération "[...] pour sanctionner le plus efficacement possible l'accusée [...]" (cf. p.7). Or, les indications fournies devant l'autorité de céans permettent de revoir cette appréciation. Il apparaît, en effet, que l'appelante a été engagée comme aide infirmière pour une durée indéterminée et qu'elle a de bonnes perspectives professionnelles (cf. courrier de la S._ du 18 mai 2011; pièce no 27). Elle vit chez sa mère et peut compter, depuis trois ans, sur le soutien moral et financier de son ami [...].Q._ ne se trouve donc plus dans la situation économique difficile de l'époque de ses premières condamnations, pas plus que sous la pression familiale qui l'avait poussée à voler. En outre, elle s'est remise en question et a pris conscience de ses responsabilités (procès-verbal, p. 5); elle dédommage la victime en lui versant, depuis le mois de janvier 2011, les montants prévus par la convention civile passée en première instance; elle purge ses peines pécuniaires dans la mesure de ses moyens (procès-verbal, p 4). En considération de ce qui précède, en particulier de l'évolution de la situation de la prévenue, le pronostic n'est pas défavorable. Un sursis peut donc être accordé à Q._.
3.5
Dès lors qu'au vu de sa personnalité et des relations qu'elle a avec sa famille restée en Afrique, la prévenue reste fragile, un délai d'épreuve de trois ans paraît adéquat pour prévenir efficacement de tout risque de récidive (art. 44 al.1 CP et TF 6B_16/2009 du 14 avril 2009 c.2). En outre, l'appelante devra continuer à dédommager la victime Z._, conformément à la convention civile passée devant le juge de première instance (art. 44 al. 2 CP). Le non-respect de cette règle de conduite entraînera la révocation immédiate du sursis.
3.6
Enfin, d'après l'art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus d'une peine assortie du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon l'art. 106 CP. L'art. 106 al.1 CP dispose que sauf disposition contraire de la loi le montant maximum de l'amende est de 10'000 francs.
Pour tenir compte du caractère accessoire des peines cumulées, il se justifie en principe d'en fixer la limite supérieure à un cinquième, respectivement à 20%, de la peine principale. Si une peine combinée est justifiée, les deux sanctions considérées ensemble doivent, en outre, correspondre à la gravité de la faute (TF, 6B_61/2010, 27 juillet 2010 c. 5.1 et 2; CCASS, 28 juin 2010, no 260, c. 2.5.1 et la jurisprudence citée). Enfin, la règle selon laquelle la peine accessoire de l’art. 42 al. 4 CP ne doit pas dépasser 20% se calcule sur le total des deux peines cumulées calculées en jours (ATF 135 IV 188 c. 3.4.4), et les peines combinées, dans leur somme totale (en francs), doivent être adaptées à la faute (ATF 134 IV 1 c. 4.5.2 p. 8; 134 IV 60 c. 7.3.2 p. 75).
Dans le cas présent, une sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis est nécessaire pour amener la prévenue à s'amender. Elle sert à attirer l'attention de l'appelante sur le sérieux de la situation en la sensibilisant à ce qui l'attend si elle ne s'amende pas (ATF 134 IV 60 c. 7.3.1 p. 75). Une amende de 500 francs respecte les règles mentionnées ci-dessus. Combinée avec la peine principale comptée en francs -[(150 X 30) + 500 = 5000 fr.-], elle tient compte de la faute lourde commise par l'appelante (106 al.3 CP) et de sa situation économique (FF 1999 1952). En outre, convertible, en cas de non paiement fautif, en 5 jours de peine privative de liberté de substitution, elle se trouve dans une juste proportion (7,5 %) par rapport à la peine principale comptée en jours.
4.
En définitive, l'appel doit être admis et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants.
5.
Vu le sort de l'appel,
les frais d'appel (art. 428 al.1 CPP; art. 20 et 21 TFJP, tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.01) sont laissés à la charge de l'Etat, y compris l'indemnité due au défenseur d'office de l'appelante (art. 135 al.1 et 3 CPP) calculée selon le tarif prévu par la jurisprudence (ATF 132 I 20; TF du 25 mai 2011 6B_810/2010), plus débours et TVA. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
59241882-afb2-4c9d-ba28-23a496fae727 | En fait :
A.
Par jugement du 8 juillet 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté qu’Y._ s’est rendu coupable de violation simple des règles de la circulation (I), l’a condamné à une amende de 100 fr. (II), a dit qu’à défaut de non-paiement fautif de l’amende la peine privative de liberté de substitution sera d’un jour (III) et a mis les frais de la cause par 450 fr. à la charge du condamné (IV).
B.
Le 16 juillet 2014, Y._ a adressé un courrier au Tribunal d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, indiquant qu’il allait « donner toutes les explications une fois qu’[il aurait] toutes les pièces en main ». Par courrier du 17 juillet 2014 de ce tribunal, un délai a été imparti au prévenu pour qu’il indique clairement s’il entendait faire appel contre le jugement du 8 juillet 2014. Sa réponse du 19 juillet 2014 a été interprétée comme une annonce d’appel.
Par déclaration du 18 août 2014, Y._ a formé appel contre ce jugement, en concluant à son acquittement. Il a également produit une copie de la facture de son opérateur téléphonique pour la période du 6 août au 5 septembre 2013, avec une liste des appels détaillés.
Par avis du 27 juillet 2014, le Président de la Cour de céans a informé les parties que l’appel allait être traité en procédure écrite et qu’il relevait de la compétence d’un juge unique. Il a également imparti à l’appelant un délai de dix jours dès réception du courrier pour adresser un mémoire motivé.
L’appelant ne s’est pas manifesté dans le délai imparti.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Y._
est né le [...] 1966. Ressortissant suisse, il exerce la profession de vendeur indépendant pour un modeste revenu qu’il n’a pas été en mesure de chiffrer. Divorcé, il vit seul. Père de trois enfants, dont deux sont encore mineurs, il contribue à l’entretien de ces derniers à hauteur de 800 fr. par mois. Il a fait état d’un loyer mensuel de 1'030 fr., plus charges. Les primes d’assurance maladie à sa charge totalisent 166 francs. Il a estimé ses dettes à 50'000 fr. environ.
Son casier judiciaire fait état d’une condamnation le 10 janvier 2014, par le Ministère public du canton du Jura, à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 20 fr., avec sursis pendant deux ans, ainsi qu’à une amende de 120 fr., pour délit contre la loi fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels et insoumission à une décision de l’autorité.
L’extrait du ficher fédéral des mesures administratives en matière de circulation routière d’Y._ ne contient aucune inscription.
2.
Le 21 août 2013, à 11h40, sur l’autoroute A1 entre Yverdon et Lausanne, chaussée Jura, Y._ a conduit la voiture de livraison de marque [...], immatriculée [...], en manipulant son téléphone portable en vue de composer un numéro.
Il ressort du rapport de gendarmerie du 22 août 2013 que les deux gendarmes, occupant une voiture de police circulant sur l’autoroute A1 en question, ont dépassé le véhicule de livraison conduit par le prévenu. Ayant vu que ce conducteur manipulait son téléphone portable, ils l’ont arrêté. L’intéressé a reconnu avoir composé un numéro, mais contesté la faute de circulation pour le motif qu’il disposait d’écouteurs pour effectuer l’appel (P. 4/1 p. 2).
3.
Par ordonnance pénale du 1
er
octobre 2013, le Préfet du Jura-Nord vaudois a constaté qu’Y._ s’était rendu coupable d’infraction simple à la loi sur la circulation (I), l’a condamné à une amende de 100 fr. (II), a dit qu’à défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera d’un jour (III) et a mis les frais, par 50 fr., à sa charge (IV).
Le 10 octobre 2014, Y._ a formé opposition à l’ordonnance pénale susmentionnée, expliquant en substance qu’échaudé par une première amende pour les mêmes motifs, il s’était équipé d’un kit mains-libres et qu’il veillait à l’utiliser. Devant le Préfet, le prévenu a déclaré qu’il n’avait pas manipulé son téléphone, qu’il l’avait entre les jambes, les écouteurs sur les oreilles, qu’il avait certes fait un téléphone en utilisant son kit ; il a encore précisé que pour composer un numéro il était nécessaire de toucher le téléphone (P. 4/7).
Le 9 décembre 2013, le Préfet a maintenu l’ordonnance pénale du 1
er
octobre 2013 et a transmis le dossier de la cause au Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois conformément à l’art. 356 al. 1 CPP. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d’Y._ est recevable.
1.2
S'agissant d'un appel dirigé contre une contravention, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 ; RSV 312.01]).
1.3
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
En l’espèce, seule une contravention à la législation sur la circulation routière a fait l’objet de la procédure de première instance, de sorte que l’appel est retreint. Pour ce motif, la nouvelle pièce produite par l’appelant en procédure d’appel, soit le relevé de la facture de son opérateur téléphonique pour la période du 6 août au 5 septembre 2013 comprenant la liste des appels détaillés, est irrecevable.
2.
L’appelant conteste sa condamnation pour violation simple des règles de la circulation routière, réfutant avoir eu son téléphone portable en main alors qu’il conduisait. A ce titre, il soutient, d’une part, que dès lors qu’il avait fait l’effort de s’équiper d’un système mains-libres il pouvait licitement téléphoner tout en conduisant et, d’autre part, qu’il n’aurait pas manipulé son téléphone, mais qu’il l’aurait seulement rangé entre ses jambes.
2.1
Aux termes de l'art. 31 al. 1 LCR (loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière ; RS 741.01), le conducteur doit rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence. Selon l’art. 3 al. 1 OCR (ordonnance fédérale du 13 novembre sur les règles de la circulation routière 1962 ; RS 741.11), le conducteur vouera son attention à la route et à la circulation. Il évitera toute occupation qui rendrait plus difficile la conduite du véhicule. Il veillera en outre à ce que son attention ne soit distraite, notamment, ni par un appareil reproducteur de son ni par un quelconque système d’information ou de communication. La violation simple de cette règle de circulation est punie de l’amende (art. 90 al. 1 LCR ; cf. TF 6B_965/2011 du 17 mai 2011 c. 2.1).
Le degré de l’attention requise par l’art. 3 al. 1 OCR s’apprécie au regard des circonstances de l’espèce, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l’heure, la visibilité et les sources de danger prévisibles (ATF 127 II 302 c. 3c et l’arrêt cité).
L’attention requise du conducteur implique qu’il soit en mesure de parer rapidement aux dangers qui menacent la vie, l’intégrité corporelle ou les biens matériels d’autrui, et la maîtrise du véhicule exige qu’en présence d’un danger, il actionne immédiatement les commandes du véhicule de manière appropriée aux circonstances (Bussy/Rusconi, Code suisse de la circulation routière, Commentaire, 3
e
éd., Lausanne 1996, n. 2.4 ad art. 31 LCR).
Le fait de tenir une conversation en conduisant n’exigeant pas plus de concentration qu’une conversation avec les occupants du véhicule ne viole pas déjà l’art. 3 al. 1 OCR. En revanche, le fait de tenir le téléphone ou de le manipuler peut constituer une occupation rendant plus difficile la conduite ou distrayant le chauffeur (art. 3 al. 1, 2
e
et 3
e
phr. OCR). Lorsque le conducteur manipule un objet d’une main tout en actionnant le véhicule de l’autre, cette occupation rend plus difficile la conduite du véhicule si elle dure plus d’un court instant et si elle oblige le conducteur à détourner son regard du trafic (ATF 120 IV 63 c. 2d, JT 1994 I 697).
2.2
En l’espèce, le premier juge a retenu qu’Y._ avait commis une violation simple des règles de la LCR en manipulant son téléphone portable afin de composer un numéro, ce alors qu’il conduisait. Face aux dénégations du prévenu, le magistrat a en outre considéré qu’il n’y avait aucune raison de s’écarter de la version des faits présentée par la gendarmerie selon laquelle les policiers avaient constaté lors du dépassement Y._ manipulait son téléphone portable durant la conduite, même s’il avait des écouteurs dans les oreilles.
Cette appréciation est pertinente. Quant à l’argument de l’appelant selon lequel il pouvait licitement téléphoner tout en conduisant du fait qu’il utilisait un dispositif mains-libres, on relèvera que ce type de dispositif réduit certes les occasions d’inattention du conducteur à la condition toutefois que le dispositif employé n’implique pas de manipulations du téléphone portable comme celles de composer un numéro, objectif atteint par une commande vocale, des touches sur le volant ou des numéros préenregistrés. Or l’appelant ne soutient pas et il ne ressort pas du jugement que le dispositif mains-libres le dispensait de composer un numéro sur son téléphone tout en conduisant (P. 4/7).
Par ailleurs, ce conducteur a admis avoir manipulé son téléphone et reconnu avoir composé un numéro (P. 4/1). A l’audience de première instance, la caporale H._ a confirmé que le prévenu tenait et manipulait son téléphone portable d’une seule main (jgt, p. 3). Lors de son audition devant le Préfet, l’appelant a également admis avoir fait un téléphone en conduisant et composé un numéro sur son appareil à cette fin (P. 4/7). Peu importe dès lors qu’il soit revenu à l’audience de jugement sur cette déclaration, conforme aux observations policières, pour évoquer ensuite de manière peu claire avoir tenu son téléphone entre les jambes, par des propos ne concordant au demeurant pas avec ce que les policiers ont été en mesure d’observer.
En définitive, l’état de fait du jugement, en tant qu’il retient une manipulation du téléphone d’une main, soit la composition d’un numéro, durant la conduite du véhicule sur l’autoroute, n’a pas été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Pour le surplus, dans les conditions de trafic et de vitesse d’un trajet sur l’autoroute en fin de matinée, une telle occupation, qui implique de détourner son attention de la route le temps de composer un numéro d’une dizaine de chiffres, viole manifestement la règle de l’art. 3 al. 1 OCR.
La condamnation de l’appelant pour violation simple des règles de la circulation (art. 90 al. 1 LCR) est dès lors conforme au droit fédéral et doit donc être confirmée.
3.
Il résulte de ce qui précède que l’appel d’Y._ doit être rejeté et le jugement du 8 juillet 2014 confirmé.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, constitués du seul émolument d’arrêt, par 630 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de l’appelant qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5998d498-7329-4ba2-b9f0-bab3a5e4468b | En fait :
A.
Par jugement du 3 août 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que M._ s’est rendu coupable d’infraction grave à la LStup (Loi fédérale sur les stupéfiants ; RS 812.121) et d’infraction à la LEtr (Loi fédérale sur les étrangers ; RS 142.20) (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 15 mois, sous déduction de 124 jours de détention avant jugement (II), a constaté qu’il a subi 17 jours de détention dans des conditions de détention provisoire illicites et ordonné que 9 jours de détention soient déduits de la peine fixée au chiffre II ci-dessus, à titre de réparation du tort moral (III), a révoqué le sursis qui lui a été octroyé le 7 octobre 2011 par le Ministère public du canton de Genève et ordonné l’exécution de la peine (IV), a ordonné son maintien en détention (V), a arrêté l’indemnité due à Me Véronique Fontana, conseil d’office de
M._, à 4'341 fr. 60 (VI), a mis les frais de la cause, par 11'295 fr. 80, à sa charge (VII) et a dit que l’indemnité allouée sous chiffre VI ci-dessus sera exigible pour autant que sa situation financière le permette (VIII).
B.
Par annonce d’appel du 6 août 2015, puis par déclaration motivée du 14 août 2015, M._ a formé appel contre ce jugement, concluant à sa réforme en ce sens qu’il est condamné pour infraction à la LStup et à la LEtr à une peine privative de liberté de quatre mois et que le sursis accordé le 7 octobre 2011 par le Ministère public du canton de Genève est maintenu, sa libération immédiate étant ainsi ordonnée.
C.
Les faits retenus à l’encontre de M._ sont les suivants :
1.
1.1
M._ est né le [...] 1984 à [...], en Albanie, pays dont il est ressortissant. Il n’est pas marié et n’a pas d’enfant. Il dit être venu pour la première fois en Suisse en 2011 dans le but de trouver du travail, sans toutefois y parvenir. Sans statut et n’ayant d’autres possibilités que de vendre de l’héroïne pour subvenir à ses besoins, il a finalement été condamné par les autorités genevoises une première fois en 2011, puis en 2012. M._ déclare être retourné dans son pays d’origine après sa dernière condamnation, avant d’être allé en France pour y déposer une demande d’asile dans le courant de l’année 2014. C’est en rendant visite à un cousin à Genève qu’il a été interpellé le 4 février 2015 à la douane de Moillesulaz. Dans la foulée, il a exécuté la peine relative à la deuxième condamnation précitée, puis a été placé sous l’autorité du Ministère public cantonal Strada depuis le 2 avril 2015.
1.2
Le casier judiciaire suisse de M._ fait mention des deux condamnations évoquées ci-dessus :
- 7 octobre 2011, Ministère public du canton de Genève, infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants, séjour illégal, peine pécuniaire de 160 jours-amende à 30 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 3 ans, détention préventive d’un jour ;
- 13 novembre 2012, Ministère public du canton de Genève, séjour illégal, peine privative de liberté de 60 jours, détention préventive d’un jour, sursis accordé le 7 octobre 2011 non révoqué.
1.3
Dans le cadre de la présente affaire, M._ est incarcéré en détention préventive depuis le 2 avril 2015.
2.
2.1
A Lausanne et Genève, du mois de février 2012 au 31 juillet 2012, M._ a séjourné en Suisse, sans avoir été au bénéfice d’une autorisation de séjour.
2.2
A Lausanne et Genève, de février 2012 au 16 août 2012 à tout le moins, le prévenu s’est livré à un trafic d’héroïne au sein d’une bande organisée, soit en compagnie de [...] et [...], tous deux condamnés séparément.
Détenteur et utilisateur du raccordement téléphonique n° [...], M._ a joué le rôle de « call center », soit de réceptionniste en chef, localisé à Genève, dont le fonctionnement de l’activité peut être résumé de la manière suivante. Les toxicomanes voulant se procurer de l’héroïne composaient le numéro de téléphone du prévenu. Celui-ci leur répondait et les orientait vers [...] et/ou [...], vendeurs sur le terrain. Le prévenu contactait également ces derniers à qui il indiquait le lieu des transactions, la quantité de l’héroïne ainsi que les acheteurs concernés.
Agissant de la sorte dans le Parc de l’Hermitage, à Lausanne, durant la période indiquée ci-dessus, les comparses de M._ ont été orientés afin de vendre 15 grammes d’héroïne à [...], 60 grammes d’héroïne à [...], 20 grammes d’héroïne à [...], 5 grammes d’héroïne à [...] et 50 grammes d’héroïne à [...].
M._ a également vendu personnellement 15 grammes d’héroïne à [...], alors qu’il était accompagné de [...].
Le jour de leur interpellation, [...] et [...] étaient encore en possession de 50 grammes d’héroïne, destinés à la vente.
En outre, après l’interpellation des prénommés, le prévenu a encore vendu 10 grammes d’héroïne à [...] et 5 grammes d’héroïne à [...].
En définitive, M._ a participé à la vente d’une quantité minimale de 230 grammes d’héroïne, qui, compte tenu du taux de pureté moyen de 6,2 %, correspond à une quantité minimale de 14,26 grammes d’héroïne pure. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel formé par M._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2e éd., Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 consid. 3.1).
3.
L’appelant conteste les faits, à l’exception de ceux relatifs à la législation sur les étrangers, et soutient que les preuves sur lesquelles s’est basé le Tribunal correctionnel seraient insuffisantes pour le condamner.
3.1
Selon de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe de la présomption d'innocence est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 consid. 2c ; TF 6B_831/2009 consid. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s'agir de doutes importants irréductibles, qui s'imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 consid. 2a).
L’appréciation des preuves est l’acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. L’appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin, même prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens, qu’à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse ; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices ; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Jean-Marc Verniory, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 et les références citées).
3.2
3.2.1
Reprenant les arguments soulevés en première instance, l’appelant soutient en substance qu’il n’aurait pas joué le rôle de chef d’orchestre ou d’intermédiaire téléphonique qu’on lui prête dans ce trafic de stupéfiant, en particulier parce qu’il ne parlerait pas le français. Il ajoute que les autorités n’aurait fondé son accusation que sur des suppositions, et non sur des preuves établies, et qu’ainsi, au final, les quantités de drogues qui lui ont été imputées seraient beaucoup trop élevées puisqu’il admettrait tout au plus avoir vendu 25 grammes d’héroïne à [...], ce qui équivaut à 1,55 grammes d’héroïne pure.
3.2.2
A ce stade, il est établi que l’appelant, déjà condamné en 2011 pour infraction à la LStup, a à nouveau été actif dans le domaine du trafic d’héroïne pendant la période de février à août 2012, puisqu’il admet avoir vendu de la drogue à [...]. L’élément central est ainsi de déterminer l’ampleur du trafic de M._, laquelle est liée au téléphone qui a été retrouvé en sa possession lors de son interpellation, dont le numéro servait aux clients toxicomanes pour passer commande.
En premier lieu, il convient de relever que les contrôles rétroactifs de ce téléphone font état d’une activité extrêmement importante, d’une part, et que, d’autre part, le numéro de ce téléphone était enregistré dans ceux de [...] et [...], les acolytes du prévenu qui effectuaient les transactions de la drogue en échange de l’argent. A cela s’ajoute qu’en dépit du fait que l’appelant vivrait entre Genève et Annemasse, son raccordement téléphonique a été localisé à de très nombreuses reprises à Lausanne, en particulier proche du lieu où les ventes étaient réalisées, et de surcroît, pendant la période lors de laquelle il a été vu sur les lieux, non seulement par un client, mais aussi par la police qui l’a photographié.
Concernant ces éléments, on pouvait s’attendre à des explications circonstanciées de l’appelant sur l’utilisation faite de son téléphone. Or, les explications qu’il a fournies sont, de manière générale, aussi floues que variables et, partant, peu crédibles. A cet égard, lorsqu’il avait été confronté une première fois par le Procureur au fait que des appels de toxicomanes avaient été effectués sur le téléphone retrouvé en sa possession lors de son interpellation, il s’est contenté de dire : « les numéros, ça bouge » (PV aud. 7, ligne 66). Plus tard, répondant à la même question posée par la police, il a dit : « J’ai probablement prêté mon téléphone à cette époque. » (PV aud. 8, réponse 13). Questionné sur la provenance de son téléphone, il a indiqué : « Un ami me l’a acheté. Je l’emploi parce que ça coûte moins cher d’appeler mon cousin en Suisse avec un natel suisse. » (PV aud. 8, réponse 7). En outre, confronté cette fois aux nombreuses localisations de son téléphone à Lausanne durant la période concernée, le prévenu, après avoir admis avoir rencontré [...] plusieurs fois, a déclaré : « Ce n’est pas interdit de venir à Lausanne il me semble. », avant d’ajouter qu’il savait que ce dernier vendait de l’héroïne (PV aud. 8, réponses 9 à 11).
S’agissant de l’argument de l’appelant consistant à dire qu’il ne parle pas suffisamment bien le français pour jouer le rôle d’intermédiaire téléphonique, celui-ci n’est pas crédible, dès lors qu’il émane d’un individu qui vit depuis plusieurs années entre la France et la Suisse romande. Le message sms figurant dans le rapport de police (P. 4, page 3) démontre d’ailleurs qu’il n’y a pas besoin d’avoir une grande connaissance du français pour faire ce genre de trafic. En outre, cet argument ne tient pas si l’on se réfère à l’intense utilisation du téléphone qui a été faite, ne serait-ce que pendant les périodes durant lesquelles le prévenu se trouvait à Lausanne en même temps que son téléphone, et au fait que l’appelant a effectué personnellement au moins une transaction, comme l’ont relevé à juste titre les premiers juges.
Enfin, l’allégation de M._, lorsqu’il soutient ne pas avoir joué le rôle d’intermédiaire téléphonique en se référant aux déclarations des enquêteurs figurant dans le rapport de police du 12 novembre 2012 (P. 11), ne tient pas. En substance, il résulte de ce rapport que deux autres inconnus agissaient en marge des deux vendeurs de rue que sont [...] et [...], dont un inconnu basé à Genève et qui répondait aux téléphones des clients. On ne comprend pas en quoi cet élément serait susceptible de mettre hors de cause le prévenu, ce d’autant que le rapport a été établi antérieurement à son identification, et donc à son arrestation et à son audition. Qu’il y ait trois ou quatre trafiquants ne change rien. Il en va de même du fait que [...] a transmis le numéro de téléphone détenu par l’appelant à un client, dès lors que c’est précisément de cette manière que fonctionnait le système mis sur pied par les intéressés.
Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, lesquels constituent un faisceau de preuves plus que convaincant, il ne subsiste pas le moindre doute quant à l’implication active de M._ et le rôle prépondérant qu’il a joué dans le trafic d’héroïne qui lui est reproché. C’est donc à juste titre que le Tribunal correctionnel a retenu un trafic portant sur un total de 14,26 grammes d’héroïne pure et l’a donc reconnu coupable d’infraction grave au sens de l’art. 19 al. 2 LStup.
En définitive, le moyen est mal fondé et doit être rejeté.
4.
L’appelant conteste la quotité de la peine prononcée.
4.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieurs (al. 2).
Les règles générales régissant la fixation de la peine ont été rappelées dans les arrêts publiés aux ATF 136 IV 55 et 134 IV 17 (consid. 2.1 et les références citées), auxquels il peut être renvoyé.
Selon l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.
L'art. 49 al. 2 CP enjoint au juge de prononcer une peine complémentaire ou additionnelle (Zusatzstrafe), de telle sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement. Concrètement, le juge doit se demander comment il aurait fixé la peine en cas de concours simultané, puis déduire de cette peine d'ensemble hypothétique la peine de base, soit celle qui a déjà été prononcée (TF 6B_455/2013 du 29 juillet 2013 consid. 2.4.1 et les références citées). Le prononcé d'une peine complémentaire suppose que les conditions d'une peine d'ensemble au sens de l'art. 49 al. 1 CP sont réunies. Une peine additionnelle ne peut ainsi être infligée que lorsque la nouvelle peine et celle qui a déjà été prononcée sont du même genre. Des peines d'un genre différent doivent en revanche être infligées cumulativement car le principe d'absorption n'est alors pas applicable (TF 6B_1082/2010 du 18 juillet 2011 consid. 2.2 et les références citées).
4.2
En matière de trafic de stupéfiants, même si elle ne joue pas un rôle prépondérant, la quantité de drogue – à l’instar du degré de pureté de celle-ci – constitue un élément important pour la fixation de la peine, qui perd cependant de l’importance au fur et à mesure que s’éloigne la limite à partir de laquelle le cas est grave au sens de l’art. 19 al. 2 let. a LStup (cf. ATF 122 IV 299 c. 2c). Le type et la nature du trafic en cause sont déterminants. Aussi l’appréciation sera-t-elle différente selon que l’auteur a agi de manière autonome ou comme membre d’une organisation. Dans ce dernier cas, tant la nature de sa participation que sa position au sein de l’organisation doivent être prises en compte. L’étendue géographique du trafic entre également en considération : l’importation en Suisse de drogue a des répercussions plus graves que le seul transport à l’intérieur des frontières. S’agissant d’apprécier les mobiles qui ont poussé l’auteur à agir, le juge doit distinguer le cas de celui qui est lui-même toxicomane et agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l’appât du gain (TF 6B_29/2011 du 30 mai 2011 consid. 3.1 ; TF 6B_265/2010 du 13 août 2010 consid. 2.3). Enfin, le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l’aveu ou de la bonne coopération de l’auteur de l’infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d’élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (ATF 121 IV 202 consid. 2d/aa ; ATF 118 IV 342 consid. 2d ; TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 consid. 3.1 et les références citées).
4.3
En l’espèce, la culpabilité de M._ est lourde. Le trafic de drogue qui lui est reproché porte sur 14,26 grammes d’héroïne pure, ce qui dépasse sensiblement la limite du cas grave, fixé à 12 grammes par la jurisprudence (ATF 109 IV 143, JdT 1984 IV 84). En outre, comme le relève justement les premiers juges, le cas est doublement grave puisque l’appelant a agi en bande. De surcroît, dans le cadre de ce trafic de longue durée, il a adopté une position décisive, en orientant la plupart du temps ses comparses vers les clients, ce qui leur a permis d’effectuer un grand nombre de transactions. A cela s’ajoute le fait que le prévenu n’a pas hésité à récidiver moins de six mois après une première condamnation pour des faits similaires, et ce durant le délai d’épreuve, démontrant ainsi son mépris pour les décisions de justice. Il faut relever encore le fait que le prévenu continue de minimiser les faits, sans reconnaître ni assumer pleinement ses agissements. Enfin, il y aura lieu de tenir compte du concours d’infraction.
Il n’y a aucun élément à décharge.
Il convient de prononcer une peine entièrement complémentaire à celle prononcée le 13 novembre 2012 par le Ministère public du canton de Genève et qui a déjà exécutée. En effet, les faits de la présente cause ont tous été perpétrés avant cette condamnation.
L’infraction principale est celle relative au trafic de stupéfiants dont l’ampleur a été confirmée ci-dessus. S’y ajoute le séjour illégal portant sur la peine privative de liberté de 60 jours prononcée le 13 novembre 2012 et sur celle confirmée dans le présent jugement. Pour l’ensemble des infractions, une peine globale hypothétique doit être fixée à 17 mois. La peine prononcée précédemment étant de 60 jours, c’est à juste titre que la peine complémentaire a été arrêtée à 15 mois.
Au regard des éléments qui précèdent, la peine privative de liberté de 15 mois infligée à M._ est adéquate et doit être confirmée.
La détention avant jugement sera déduite.
5.
L’appelant conteste la révocation du sursis octroyé le 7 octobre 2011 par le Ministère public du canton de Genève.
5.1
Selon l'
art. 46 al. 1 CP
, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Il peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d'ensemble conformément à l'art. 49. Il ne peut toutefois prononcer une peine privative de liberté ferme que si la peine d'ensemble atteint une durée de six mois au moins ou si les conditions prévues à l'art. 41 sont remplies.
5.2
Le pronostic étant manifestement défavorable, c’est à juste titre que les premiers juges ont révoqué le sursis accordé le 7 octobre 2011 par le Ministère public du canton de Genève. Cette condamnation n’a pas eu l’effet escompté dès lors que l’intéressé, qui n’a fait preuve d’aucune prise de conscience, a récidivé durant le délai d’épreuve, tant sur le plan de la législation sur les étrangers que sur celle relative aux stupéfiants.
6.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Le défenseur d’office de l’appelant a déposé une liste d’opérations faisant état de 7 heures et 39 minutes de travail pour la procédure d’appel, ainsi que des débours, par 137 fr. 15, TVA non comprise. Cependant, la Cour a constaté, en se référant à la procédure introduite devant la Chambre des recours pénale le 7 août 2015 (P. 35), que les notes de plaidoiries de première instance dactylographiées produites par le défenseur étaient identiques, à l’exception des conclusions, à sa déclaration d’appel. On ne saurait retenir la totalité du temps de travail allégué, qui est excessif au vu des caractéristiques de la cause et dès lors qu'aucun nouvel élément n’a été apporté en procédure d’appel. Partant, il sera tenu compte de 3 heures de travail d’avocat (3 x 180 fr. = 540 fr.), de deux vacations (2 x 120 fr. = 240 fr.) et des autres débours arrêtés à un montant de 7 francs. L’indemnité du défenseur d’office allouée pour la procédure d’appel sera par conséquent fixée à 787 fr., plus la TVA, par 62 fr. 95, soit un montant total arrondi à 850 francs.
Au vu du sort de la procédure, les frais d’appel constitués de l’émolument du jugement (art. 422 al. 1 CPP), par 1’830 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), et de l’indemnité allouée au défenseur d’office (art. 422 al. 1 et 2 let. a CPP), par 850 fr., seront mis à la charge de M._ (art. 428 al. 1 CPP).
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).
Vu l’issue de l’appel, la conclusion de l’appelant tendant à une indemnité fondée sur l’art. 431 CPP devient sans objet.
La requête de l’appelant du 4 octobre 2015 (P. 43) tendant à son indemnisation en raison de ses dix-neuf premiers jours de détention à l’Hôtel de police de Lausanne est également sans objet, dès lors qu’il a déjà été statué à ce propos dans le jugement de première instance et que son défenseur ne l’a pas requis formellement dans les conclusions de sa déclaration d’appel. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
59ad323e-301d-499f-8ad9-4506efc3bd53 | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
juin 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a libéré S._ des griefs de mise en danger de la vie d'autrui, infraction à la Loi fédérale sur les armes, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (I), libéré P._ des griefs de tentative de lésions corporelles simples qualifiées, injure, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, ébriété au volant qualifiée, incapacité de conduire (II), libéré G._ des griefs de tentative de lésions corporelles simples, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (III), condamné S._ pour lésions corporelles simples qualifiées, à la peine privative de liberté de six mois, avec sursis pendant deux ans (IV), dit que la peine infligée à S._ est complémentaire à la condamnation infligée le 10 août 2009 par la Cour de cassation pénale vaudoise (V), condamné P._ pour menaces, violation de domicile, violation simple de la loi sur la circulation routière, dérobade aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, violation des devoirs en cas d'accident, défaut de port de la ceinture de sécurité, à la peine pécuniaire de soixante jours-amende, la valeur du jour étant arrêtée à 30 fr., avec sursis pendant deux ans (VI), condamné G._ pour violation de domicile, à la peine pécuniaire de dix jours-amende, la valeur du jour étant fixée à 30 fr., avec sursis pendant deux ans (VII), rejeté les prétentions civiles émises par P._ à l'encontre de S._ (VIII), donné à S._ acte de ses réserves civiles à l'encontre de P._ (IX), ordonné la confiscation du merlin séquestré (X), mis les frais de la cause par 11'625 fr. 40 à la charge de S._, par 13'517 fr. 50 à la charge de P._ et par 7'000 fr. 50 à la charge de G._ (XI), différé le remboursement à l'Etat des indemnités servies aux conseils d'office jusqu'à amélioration de la situation financière des parties (XII).
B.
1.
Par jugement du 2 novembre 2012, la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l’appel de S._, qui concluait à son acquittement de l’infraction de lésions corporelles simples qualifiées et à la condamnation de P._, pour injure et tentative de lésions corporelles simples qualifiées, ainsi qu’à celle de G._ pour cette dernière infraction (CAPE 2 novembre 2012/210).
La Cour d’appel a estimé que le moyen utilisé par S._ pour repousser l’attaque de P._ était disproportionné et que l’appelant avait ainsi excédé les limites de la légitime défense. Il n’avait pas pris les mesures nécessaires pour éviter un préjudice excessif. Selon ses propres déclarations, P._ se trouvait à deux mètres de lui au moment du tir. Si l’intrusion de deux hommes était menaçante, aucun des deux n’avait encore levé la main sur l’appelant ou fait un quelconque signe dans ce sens. Ce dernier aurait donc eu tout le loisir d’abaisser davantage son fusil à pompe et de le diriger vers le sol et non pas en direction du corps et plus précisément des cuisses de l’intimé avant de tirer. L’appelant pouvait tirer un coup de feu au sol à titre de semonce, son arme étant chargée de quatre balles. Ce moyen aurait d’ailleurs été suffisant puisque l’intimé n’avait pas ressenti la brûlure de la blessure, mais s’était interrompu et avait déguerpi au bruit et au vu du second mouvement de charge, effectué juste après le premier tir. Par ailleurs, l’appelant aurait très bien pu appeler les forces de l’ordre pour demander de l’aide et ne pas ouvrir, comme il l’avait fait, la porte de la maison à ses adversaires.
2.
Par arrêt du 24 juin 2013, la Cour de droit pénale du Tribunal fédéral a admis le recours de S._, annulé l’arrêt précité et renvoyé la cause à la Cour d’appel pénale pour nouvelle décision. Elle a admis que le recourant avait agi en état de légitime défense et que sa réaction était proportionnée, de sorte que l’intéressé devait être acquitté de l’infraction de lésions corporelles simples qualifiées (TF 6B_82/2013 consid. 3.4).
Il convient de se référer aux faits retenus par la Cour de céans dans son jugement du 2 novembre 2012, qui ne sont pas contestés.
C.
Dans ses déterminations du 19 août 2013, S._ a conclu à son acquittement, les frais de première instance étant mis à la charge des prévenus, subsidiairement à celle de l’Etat. Il a fourni une liste d’opérations (P. 113/1) et conclu à l’allocation d’une indemnité de 17'525 fr. 16, TVA comprise, ainsi que des débours par 102 fr. 50. Il a dit ne pas s’opposer à une procédure écrite, tout en souhaitant une lecture orale du jugement à venir.
Les intimés ont renoncé à déposer des observations. | En droit :
1.
Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Il peut également renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 107 al. 2 LTF [loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral,
RS 173.110]). L'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit contenus dans l'arrêt de renvoi. Elle ne peut en aucun cas s'écarter de l'argumentation juridique du Tribunal fédéral, aussi bien en ce qui concerne les points sur lesquels il a approuvé la motivation précédente que ceux sur lesquels il l'a désapprouvée. Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis – même implicitement – par le Tribunal fédéral (Corboz, in: Commentaire de la LTF, Berne 2009, ch. 27 ad art. 107 LTF).
2.
L’autorité de céans peut traiter l’appel en procédure écrite en application de l’art. 406 al. 1 let. a et d CPP. Il n’y a pas lieu de procéder à une lecture orale de l’arrêt comme sollicitée par l’appelant.
3.
Conformément au considérant 3.4 de l’arrêt du Tribunal fédéral, l’appelant doit être acquitté de l’infraction de lésions corporelles simples qualifiées. Il convient dès lors d’examiner la répartition des frais et l’allocation d’une indemnité de dépens. A ce titre, l’appelant allègue que pour la procédure de première instance, sa défense a nécessité 22h30 de travail, avant qu’il ne sollicite l’assistance judiciaire, puis 30h45 une fois celle-ci obtenue. Il réclame ainsi une indemnité de 7'805 fr. (P. 113/1, annexe 60595) et de 8'755 fr. (P. 113/1, annexe 60608), soit un montant total de 16'560 francs.
3.1
Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L’autorité pénale peut toutefois réduire ou refuser l’indemnité si le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l’ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci (art. 430 al. 1 let. a CPP). L’art. 429 CPP s’applique aux voies de recours, y compris l’appel, en vertu de l’art. 436 al. 1 CPP.
L’indemnité selon les art. 429 al. 1 let. a CPP et 436 al. 2 CPP concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix (Wehrenberg/Bernhard, in : Basler Kommentar StPO, 2011, n. 12 ad art. 429 CPP ; Schmid, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 2009, n. 7 ad art. 429 CPP).
S'agissant de la quotité de l'indemnité à allouer, la pratique de l'ancien Tribunal d'accusation vaudois, pour les causes antérieures à l'entrée en vigueur du CPP, se fondait sur un tarif horaire de 250 fr., lequel avait été jugé adéquat par le Tribunal fédéral (TF 6B_668/2009 du 5 mars 2010 c. 3.2.2 et les références citées). Ce même tarif a été, sauf dans de très rares exceptions, repris et appliqué par la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal et la cour de céans depuis l'entrée en vigueur du CPP, sans qu'il ne soit remis en cause. De son côté, le Tribunal pénal fédéral dispose d'un règlement fixant le tarif horaire à 200 fr. au minimum et à 300 fr. au maximum (art. 12 al. 1
er
du Règlement du Tribunal pénal fédéral sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale du 31 août 2010, [RFPPF, RS 173.713.162]) et applique usuellement un tarif horaire de 220 francs
(TF BH.2011.8 du 10 janvier 2012 c. 3) lequel s'applique également à l'indemnité de l'art. 429 CPP (art. 10 RFPPF). Ainsi, à tout le moins dans les causes qui ne sont pas d'une ampleur particulière, comme tel est le cas en l'espèce, il convient d'appliquer le tarif usuel de 250 fr. et d'allouer, pour tenir compte de la TVA, une indemnité horaire de 270 francs.
3.2
En l’occurrence, il ressort des allégués et des pièces produites par l’appelant qu’il n’a pas bénéficié de l’assistance judiciaire pour toute la procédure de première instance, de sorte que l’allocation d’une indemnité au sens de l’art.
429 al. 1 let. a CPP est susceptible d’entrer en considération. Par ailleurs, l’appelant est acquitté de l’ensemble des infractions qui lui étaient reprochées et remplit ainsi les conditions posées par la disposition précitée. De plus, on ne discerne aucun motif de réduction ou de refus au sens de l’art. 430 CPP. Partant, la part des frais de l’appelant relative à la première instance doit être laissée à la charge de l’Etat et une indemnité doit lui être octroyée.
L’appelant allègue qu’avant d’avoir sollicité l’assistance judiciaire, sa défense a nécessité 22h30 de travail, ce qui n’est pas excessif au regard de la nature de l’affaire et des opérations effectuées. L’Etat de Vaud est donc le débiteur de l’appelant et lui doit immédiat paiement d’un montant de 6'089 fr 05 (6'075 fr. +
14 fr. 05 de débours), à titre d’indemnité au sens de l’art. 429 al. 1 let. a CPP.
L’appelant relève que, dès l’obtention de l’assistance judiciaire, ses frais de défense ont impliqué des opérations à hauteur de 30h45. Or, conformément à la jurisprudence, il n’y a pas lieu de lui allouer d’indemnité au sens de l’art.
429 al. 1 let. a CPP, celle-ci étant réservée à l’avocat de choix. Le jugement de première instance n’octroie certes aucune indemnité à l’appelant pour la défense d’office. Il incombait toutefois à l’avocat d’office de contester ce point, ce qu’il n’a pas fait.
4.
S’agissant de la procédure d’appel, l’appelant allègue que le travail fourni est de 6h50 et réclame ainsi une indemnité de 1'370 fr. (P. 113/1, annexe 60955).
4.1
Aux termes de l’art. 428 al. 1 CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. L'art. 432 CPP prévoit que le prévenu qui obtient gain de cause peut demander à la partie plaignante une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par les conclusions civiles (al. 1). Lorsque le prévenu obtient gain de cause sur la question de sa culpabilité et que l'infraction est poursuivie sur plainte, la partie plaignante ou le plaignant qui, ayant agi de manière téméraire ou par négligence grave, a entravé le bon déroulement de la procédure ou a rendu celle-ci plus difficile peut être tenu d'indemniser le prévenu pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (al. 2).
Ainsi, le législateur a conçu une réglementation prévoyant une possibilité d'indemniser le prévenu acquitté. Il se déduit de l'art. 429 al. 1 let. a CPP que les frais de défense relatifs à l'aspect pénal sont en principe mis à la charge de l'Etat (voir message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du
21 décembre 2005, FF 2006 p. 1313 ad art. 437 du projet et p. 1314 ad art. 440 du projet). Il s'agit d'une conséquence du principe selon lequel c'est à l'Etat qu'incombe la responsabilité de l'action pénale. Pour cette raison, le législateur a prévu des correctifs pour des situations dans lesquelles la procédure est menée davantage dans l'intérêt de la partie plaignante ou lorsque cette dernière en a sciemment compliqué la mise en oeuvre (art. 432 CPP).
S'agissant d'une indemnité allouée dans une procédure d'appel, les dispositions applicables en vertu du renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP doivent être interprétées à la lumière de cette situation spécifique. Ainsi, lorsque l'appel a été formé par la seule partie plaignante, on ne saurait perdre de vue le fait qu'il n'y a alors plus aucune intervention de l'Etat tendant à la poursuite de la procédure en instance de recours. On se trouve par conséquent dans une situation assimilable à celles prévues par l'art. 432 CPP dans la mesure où la poursuite de la procédure relève de la volonté exclusive de la partie plaignante. Il est donc conforme au système élaboré par le législateur que, dans un tel cas, ce soit cette dernière qui assume les frais de défense du prévenu devant l'instance d'appel. Cette approche rejoint celle en matière de frais de recours, lesquels sont à la charge de la partie qui succombe au sens de l’art. 428 CPP (ATF 139 IV 45).
4.2
L’examen des annexes produites par l’appelant permet de constater que ce dernier se trompe dans les décomptes qu’il a fournis ; en effet, l’annexe 60608 comprend également des opérations relatives à l’appel, soit celles du 5 juin au
4 septembre 2012.
Au vu de la nature et de la difficulté de la cause ainsi que des opérations mentionnées dans la note d’honoraires, il convient d’allouer au défenseur d’office de S._, pour la procédure d’appel, une indemnité arrêtée à
1'784 fr. 15, TVA et débours inclus.
Dans le cadre de la procédure de deuxième instance, l’appelant obtient gain de cause en ce qui concerne son acquittement. En revanche, il succombe s’agissant des griefs relatifs aux condamnations de P._ et de G._. Partant, la moitié des frais d’appel qui s’élèvent à 880 fr. (art. 21 al. 1 et
2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.031]), ainsi que la moitié des indemnités de chacune des parties, allouées par 1'179 fr. 35 pour le conseil de P._ et par 1'029 fr. 10 pour celui de G._, sont mises à la charge de l’appelant, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
5.
S._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat la part des indemnités de défenseur et de conseils d’office allouées à Me Osojnak, Me Court et Me Eigenmann mise à sa charge que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
59c4c961-533f-4f35-86d1-48be45a06ef7 | En fait :
A.
Par jugement du 9 juillet 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que L._ s’est rendu coupable d’emploi répété d’étrangers sans autorisation, d’infraction à la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, d’infraction à la loi fédérale sur l’assurance-accidents, d’infraction à la loi fédérale sur l’assurance-chômage et de mise d’un véhicule à la disposition d’un conducteur sans permis requis (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de six mois et à une peine pécuniaire de soixante jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. (II)), a ordonné la révocation du sursis qui lui avait été accordé le 16 avril 2013 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne et l’exécution de la peine pécuniaire de soixante jours-amende à cinquante francs (III) et a mis les frais de la cause par 2'050 fr. à sa charge (IV).
B.
Par annonce du 17 juillet 2015 puis déclaration motivée du 25 juillet 2015, L._ a interjeté appel contre ce jugement en concluant, avec suite de frais et de dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est libéré des infractions d’emploi répété d’étrangers sans autorisation et de mise d’un véhicule à disposition d’un conducteur dépourvu du permis requis (III), qu’il est condamné à une peine pécuniaire ou une peine privative de liberté, à fixer à dire de justice, et impérativement assortie d’un sursis intégral à son exécution, le délai d’épreuve étant fixé à 4 ans (IV et V).
Le 3 août 2015 le Ministère public a informé la Cour de céans qu’il n’entendait ni présenter de demande de non-entrée en matière ni déposer un appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
a) L._ est né le [...] au Kosovo, pays dont il est originaire. Il a été scolarisé pendant douze ans puis a suivi des études d’infirmier. Il a ensuite effectué 15 mois de service militaire. Il a séjourné une première fois en Suisse avant de retourner dans son pays d’origine et de revenir définitivement dans notre pays dans lequel il réside depuis huit ans au bénéfice d’une autorisation annuelle de type B. Marié depuis 2009, il vit avec son épouse qui est à l’AVS. Le loyer du logement conjugal est de 2'200 fr. par mois, charges comprises. Ses primes d’assurance maladie se montent à 324 fr. 30 par mois. Il ignore le montant de sa charge fiscale puisque c’est son épouse qui s’en occupe. Il exploite en qualité d’associé gérant avec signature individuelle la société à responsabilité limitée [...] active dans le domaine de la construction et de la maçonnerie, en particulier dans la réalisation de chapes et la pose de carrelage. Il n’a pas d’employé fixe et a confirmé les déclarations du témoin P._ selon lesquelles il prélevait à titre d’avance un revenu de l’ordre de 3'200 fr. par mois. Il a fait état de nombreuses dettes dont il ignore le montant exact. Selon extrait des registres (art. 8a LP) de l’Office des poursuites du district de l’Ouest lausannois du 6 mai 2015, il avait des dettes pour un montant total de 209'296 fr. 40. En outre, selon extrait des registres d’actes de défaut de biens du 6 mai 2015 également, un acte de défaut de biens avait été délivré à un créancier pour un montant de 1'140 fr. 85 (P. 15 dossier joint B). Il a expliqué à l’audience de jugement que son épouse bénéficiait dune rente AVS et LPP pour un montant de 3'000 fr. environ. Il a également expliqué qu’il était le père d’une enfant de 18 ans issue d’une autre relation et qu’il contribuait à l’entretien de cette dernière, qui suit une formation universitaire en Macédoine, à hauteur de € 500.- par mois.
A l’audience d’appel, L._ a précisé qu’il avait des problèmes de santé et qu’il devait utiliser un appareil respiratoire pour dormir en raison d’une apnée du sommeil. Il a encore expliqué que depuis le jugement de première instance, il était inquiet et tourmenté au point de souffrir d’insomnie. Enfin, il a donné son accord pour effectuer sa peine sous forme de travail d’intérêt général.
Le casier judiciaire suisse de L._ comporte les inscriptions suivantes :
- 8 octobre 2010, Préfecture du district de l’Ouest lausannois, peine pécuniaire de 10 jours-amende à 50 fr. avec sursis pendant 2 ans, sursis révoqué le 10 mai 2012 et amende de 500 fr. pour incitation à l’entrée à la sortie ou au séjour illégal ;
- 10 mai 2012, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, peine pécuniaire 40 jours-amende à 50 fr. pour emploi d’étrangers sans autorisation, délit contre la Loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, délit contre la Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité et délit contre la Loi fédérale sur l’assurance-accidents ;
- 16 avril 2013, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, peine pécuniaire de 60 jours-amende à 50 fr. avec sursis durant 2 ans, avertissement et sursis prolongé pour une année le 11 juin 2013 et amende de 1'250 fr. pour violation des règles de la circulation routière, conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduire (véhicule automobile, taux d’alcoolémie qualifié) et tentative d’opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire (véhicule automobile) ;
- 11 juin 2013, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, peine pécuniaire de 150 jours-amende à 50 fr. pour emploi d’étrangers sans autorisation et emploi répété d’étrangers sans autorisation.
Le fichier fédéral des mesures administratives en matière de circulation routière de l’appelant comporte en outre les inscriptions suivantes :
- interdiction de faire usage d’un permis étranger pour une durée d’un mois (21 avril au 20 mai 2010) pour autres fautes de circulation ;
- retrait du permis de conduire pour une durée de 7 mois (du 16 janvier au 5 février 2013, puis du 29 octobre 2013 au 7 mai 2014) pour ébriété, vitesse et distraction.
b) A Payerne, entre le 25 juin et le 3 septembre 2013, L._, en sa qualité d’associé gérant de [...], a employé J._, alors que celui-ci séjournait illégalement en Suisse et ne disposait pas d’une autorisation de travail.
Le 13 décembre 2013, le Service de l’emploi a dénoncé L._.
Le 23 décembre 2014, à Vallorbe, la gendarmerie vaudoise, en collaboration avec le corps des garde-frontières, a contrôlé un train routier comprenant une voiture de livraison de marque VW ainsi qu’une remorque Anssems. A l’intérieur de ce véhicule se trouvaient les dénommés [...], [...] et [...], tous employés par L._, alors même qu’ils n’étaient pas autorisés à exercer une activité lucrative en Suisse. [...] et [...] ont déclaré avoir travaillé, courant décembre 2014, durant environ15 jours au bénéfice de L._. [...] a fait état d’un salaire convenu de 120 fr. par jour. De son côté, [...] a travaillé deux jours pour l’appelant. Aucun des employés concernés n’a été déclaré aux assurances sociales.
Détenteur du train routier dont il a été question ci-dessus, L._ a confié, à tout le moins le 23 décembre 2014, la conduite du véhicule à [...], ceci en dépit du fait que ce dernier n’était pas titulaire du permis de conduire requis. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin,
in
: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011,
n. 19 ad art. 398 CPP).
3.
3.1
L’appelant soutient qu’il serait arbitraire de faire état de l’avertissement qui lui a été donné le 16 avril 2013 dès lors que les infractions commises durant le délai d’épreuve relèveraient d’autres domaines que la Loi fédérale sur la circulation routière, soit ceux de la police des étrangers et des assurances sociales.
3.1.2
Selon l'
art. 46 CP
, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Il peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d'ensemble conformément à l'art. 49. Il ne peut toutefois prononcer une peine privative de liberté ferme que si la peine d'ensemble atteint une durée de six mois au moins ou si les conditions prévues à l'art. 41 sont remplies (al. 1). S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation. Il peut adresser au condamné un avertissement et prolonger le délai d'épreuve de la moitié au plus de la durée fixée dans le jugement. Il peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour le délai d'épreuve ainsi prolongé. Si la prolongation intervient après l'expiration du délai d'épreuve, elle court dès le jour où elle est ordonnée (al. 2).
3.1.3
En l’espèce,
traitant du sursis accordé le 16 avril 2013 et de sa révocation, le jugement attaqué (p. 14) indique que L._ n’a pas tenu compte de l’avertissement du 16 avril 2013. Comme mentionné ci-dessus (supra Ca), le sursis du 16 avril 2013 pour infraction à la Loi fédérale sur la circulation routière a fait l’objet, le 11 juin 2013, d’une décision d’avertissement et de prolongation du délai d’épreuve. C’est uniquement parce que les infractions à la LEtr étaient de toute autre nature que de la circulation routière que le sursis n’avait pas été révoqué, mais que son délai d’épreuve avait été prolongé.
La référence par le premier juge de la révocation du sursis à l’avertissement prévu à l’art. 46 al. 2 CP n’est nullement limitée à un domaine spécifique d’infractions. L’art. 46 al. 1 CP prévoit la révocation en cas de crime ou délit sans autres précisions, commis dans le délai d’épreuve associé au pronostic de commission de nouvelles infractions dans le futur. La loi n’exige pas que les infractions soient de même nature et une récidive générale suffit (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 4 ad art. 46 CP). Au demeurant, il y a un bien un recoupement partiel entre les infractions LCR sanctionnées par la peine avec sursis et les nouvelles infractions qui comportent une infraction LCR.
3.2
L’appelant se plaint de ce que le témoignage de P._ (jugement attaqué, p. 3 et 4) aurait été écarté sans motifs suffisants en tant que le témoin l’aurait décrit comme négligent, mais dépourvu de préméditation, avec un côté « artistique et naïf ».
En l’occurrence, le jugement se réfère au témoignage de P._ figurant en page 12 du jugement attaqué, lorsqu’il dit qu’à dire de témoin le prévenu ne maîtrise pas le français, ainsi qu’à la page 13 dudit jugement lorsqu’il considère que la gestion administrative déficiente du prévenu, telle qu’expliquée par le témoin précité, ne change rien à la culpabilité du prévenu puisque L._ aurait pu et dû solliciter l’aide de cette personne en cas de doute.
A cela s’ajoute que dans son pays, l’appelant a suivi une formation complète d’infirmier (jugement attaqué, p. 6). Au vu de ses antécédents en matière d’emploi d’ouvriers étrangers dépourvus d’autorisation (cf. supra Ca), il a parfaitement compris les règles qu’il devait respecter et l’intérêt économique à les transgresser en bénéficiant ainsi de main d’œuvre souple, facilement congédiable, travaillant à la demande, docile, et surtout payée en dessous des tarifs des conventions collectives et sans charges sociales, ce qui lui permettait de réaliser des profits comme employeur ou d’obtenir facilement des chantiers sans se plier à une concurrence loyale sur les prix. Le témoignage complaisant de son agent administratif ou fiduciaire, intéressé à conserver ce mandat et ayant discuté avec lui avant l’audience, des faits punissables (jugement attaqué, p. 3) sur sa prétendue naïveté est en contradiction flagrante avec sa persistance à recourir à de la main d’œuvre au noir. Ce témoignage n’avait ainsi pas à être retenu et son contenu a été écarté sans arbitraire aucun.
3.3
Sans exposer en quoi cela constituerait au vu des preuves administrées une constatation incomplète ou erronée des faits, l’appelant se plaint de ce que le jugement ne dit pas qu’il serait très limité intellectuellement parce qu’il n’aurait pas suivi de formation professionnelle et que son accès au marché du travail serait aussi très réduit, qu’il est peu compétent dans la gestion de ses affaires et que sa maîtrise du français est mauvaise.
En réalité, comme on l’a vu, L._ a déclaré avoir une formation d’infirmier (jugement attaqué, p. 6). Ses auditions ne font pas apparaître un manque flagrant d’intelligence et il a assurément de l’expérience et des capacités professionnelles, notamment dans la construction. Il a eu les ressources de créer un outil de travail sous la forme de deux sàrl successives, de gérer un endettement, notamment bancaire, considérable pour une personne déclarant un revenu modeste (dossier B, P. 15) et de se défendre sur le plan pénal avec une certaine ruse et habilité. Le jugement attaqué n’est ainsi pas incomplet; en ce qui concerne ses capacités intellectuelles présumées, elles semblent être dans la norme.
3.4
L’appelant soutient que le premier juge aurait dû préciser que son mobile n’était pas l’appât du gain, mais sa survie économique. Il prétend ainsi avoir agi en état de nécessité et souhaite que cela figure dans l’état de fait du jugement, lequel retient uniquement que ses motivations n’étaient guère honorables puisqu’il a expliqué avoir agi de la sorte pour ne pas perdre des chantiers (jugement attaqué, p. 13).
En l’espèce, force est de constater que sur un plan économique, les agissements de l’appelant relèvent de l’exploitation des ouvriers au noir, sous-payés, travaillant au jour le jour, sans assurances sociales, ni couverture en cas d’accidents ou de chômage. Ses agissements relèvent aussi de la concurrence déloyale à l’égard des entreprises qui respectent le code du travail et la législation sur les étrangers. Partant, le jugement ne comporte aucune lacune sur les mobiles de l’appelant et l’appréciation du premier juge doit encore être confirmée sur ce point.
3.5
L’appelant soutient que l’attestation signée le 13 avril 2015 par [...] (P. 17/5), responsable de chantier, selon laquelle son entreprise n’aurait œuvré que deux jours à Vallorbe, au Dey, soit les 22 et 23 décembre 2014 contredirait les dépositions des trois ouvriers au noir interpellés par la police à Vallorbe, qui auraient évoqué un emploi à son service de plus longue durée.
En réalité, il n’y a aucune contradiction entre l’attestation précitée et les témoignages de [...]et de [...]. Le premier a indiqué avoir travaillé durant 15 jours au service de l’appelant (dossier B, P. 5, p. 2) et l’autre depuis deux semaines (dossier B, P. 6, p. 2), mais sans préciser l’emplacement des chantiers. La prise en compte du témoignage de [...] qui ne porte que sur le chantier de Vallorbe ne conduit ainsi pas à modifier l’état de fait et l’étendue dans le temps des emplois illicites révélés par les ouvriers, ceux-ci ayant très bien pu œuvrer sur d’autres chantiers durant leurs engagements.
3.6
L._ soutient que l’audition du témoin [...] qui a déclaré qu’il ne connaissait pas le détenteur du véhicule qu’il conduisait, mais que c’est « [...]», dont il a donné le numéro de portable, soit l’appelant, qui le lui avait mis à disposition (dossier B, P. 5, p. 2), aurait été recueillie hors la présence d’un interprète et que ce témoignage devrait être relativisé pour ce motif.
Force est toutefois de constater que, d’une part, en début de l’audition figure la mention – que rien n’infirme – que celle-ci intervient en présence d’un interprète en langue albanaise, et que, d’autre part, le passage entre guillemets en fin d’audition qui comporte la mention « confirmé, après traduction par l’interprète », contient la déclaration suivante au sujet du permis de conduire : « C’est toujours ce [...] qui m’a dit que j’avais le droit de conduire et vous m’apprenez le contraire », ce qui confirme que l’appelant était bien l’interlocuteur du chauffeur lors de la remise des clés du véhicule. Ce grief n’est ainsi pas fondé.
4.
L’appelant invoque son droit de participer à l’administration des preuves et demande le retranchement des auditions des ouvriers qui l’ont mis en cause et auxquels il n’a pas pu poser de question.
4.1
Selon l’art. 147 al. 1, 1
re
phrase, CPP, les parties ont le droit d’assister à l’administration des preuves par le ministère public et les tribunaux et de poser des questions aux comparants. Aux termes de l’art. 147 al. 3 CPP, une partie ou son conseil peuvent demander que l’administration des preuves soit répétée lorsque, pour des motifs impérieux, le conseil juridique ou la partie non représentée n’a pas pu y prendre part. Il peut être renoncé à cette répétition lorsqu’elle entraînerait des frais et démarches disproportionnées et que le droit des parties d’être entendues, en particulier celui de poser des questions aux comparants, peut être satisfait d’une autre manière. Les preuves administrées en violation de l’art. 147 CPP ne sont pas exploitables à la charge de la partie qui n’était pas présente (al. 4).
Il s’ensuit qu’une audition est exploitable, alors même que le conseil juridique ou la partie non assistée n’a pas pu y participer et poser des questions au comparant, lorsque, notamment, la partie ou son conseil juridique a renoncé, de manière explicite ou tacite, au droit de participer à la confrontation, respectivement à requérir la répétition de l’administration de la preuve (Olivier Thormann, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 33 ad art. 147 CPP). En d’autres termes, le caractère inexploitable de la preuve présuppose que la partie à la charge de laquelle la preuve est utilisée se soit vu refuser une demande de répétition de l’administration de la preuve, laquelle doit être déposée en temps utile (Schmid, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 2
e
éd. Zurich/St-Gall 2013, n. 11a ad art. 147 CPP; Dorrit Schleiminger, in: Niggli/Heer/Wiprächtiger (éd.),
op. cit.,
n. 26 ad art. 147 CPP).
4.2
En l’espèce, les auditions de [...], [...] et de [...] (dossier B, P. 5, 6 et 7), sont tirées d’autres enquêtes, soit celles les concernant, et ont été versées comme pièces au dossier de la présente cause. Dans un tel cas, les auditions sont exploitables à la charge de la partie qui n’a pu participer à l’interrogatoire si celle-ci n’a pas demandé en temps utile la répétition de l’administration de cette preuve (CREP 14 juillet 2014/468; JT 2014 III 176). Or l’appelant n’a pas formulé cette réquisition dans la phase préliminaire aux débats de première instance (dossier A, P. 17). De même, il n’a pas davantage demandé en temps utile la répétition de l’audition de [...], si bien qu’il y a renoncé par actes concluants et qu’il ne peut plus désormais se prévaloir de l’inexploitabilité de ces preuves.
4.3
En définitive, la condamnation de l’appelant notamment pour les infractions contestées d’emploi répétés d’étrangers sans autorisation et de mise d’un véhicule à disposition d’un conducteur dépourvu du permis requis doit être confirmée.
5.
L’appelant a été condamné par les premiers juges à une peine privative de liberté de six mois et à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr. l’unité. En appel, il a notamment requis le prononcé d’une peine sous forme de travail d’intérêt général.
5.1
A titre de sanctions, le nouveau droit fait de la peine pécuniaire (art. 34 CP) et du travail d’intérêt général (art. 37 CP) la règle dans le domaine de la petite criminalité, respectivement de la peine pécuniaire et de la peine privative de liberté la règle pour la criminalité moyenne. La peine pécuniaire constitue désormais la sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l’Etat ne peut garantir d’une autre manière la sécurité publique. Quant au travail d’intérêt général, il suppose l’accord de l’auteur. En vertu du principe de la proportionnalité, il y a en règle générale lieu, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l’intéressé, respectivement qui le touche le moins durement. La peine pécuniaire et le travail d’intérêt général représentent des atteintes moins importantes et constituent ainsi des peines plus clémentes. Cela résulte également de l’intention essentielle, qui était au cœur de la révision de la partie générale du Code pénal en matière de sanction, d’éviter les courtes peines de prison ou d’arrêt, qui font obstacle à la socialisation de l’auteur, et de leur substituer d’autres sanctions. Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l’opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l’auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (ATF 134 IV 97 c. 4; TF 6B_102/2012 du 22 juin 2012 c. 2.1).
Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l’Etat ne peut garantir d’une autre manière la sécurité publique (TF 6B_546/2013 c. 1.1).
5.2
En l’espèce, la persistance de l’appelant à commettre des infractions de même nature que celles pour lesquelles il avait déjà été condamné à trois reprises précédemment ne permet pas d’envisager qu’une peine pécuniaire puisse avoir un quelconque effet dissuasif. C’est en raison de sa prévisible inefficacité qu’une peine pécuniaire ne peut être prononcée. Au vu de la situation médicale et professionnelle de l’appelant, une peine de travail d’intérêt général n’est également pas adéquate.
6.
L’appelant fait encore grief au premier juge d’avoir refusé tout sursis. Il invoque à cet égard des circonstances personnelles, soit notamment sa situation de famille, son âge et les conséquences possibles de la condamnation sur son permis de séjour.
6.1
Selon l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n’est pas admissible d’accorder un poids particulier à certains critères et d’en négliger d’autres qui sont pertinents. Le juge doit par ailleurs motiver sa décision de manière suffisante (cf. art. 50 CP). Sa motivation doit permettre de vérifier s’il a été tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (ATF 134 IV 5 c. 4.2.1 ; ATF 128 IV 193 c. 3a ; ATF 118 IV 97 c. 2b).
6.2
En l’espèce, l’examen de l’ensemble des éléments au dossier conduit à un pronostic défavorable. Le recourant est en effet un récidiviste spécialisé dans l’emploi d’ouvriers au noir. Ses précédentes condamnations avec ou sans sursis n’ont eu aucun effet correcteur sur lui. Pour tenter de se tirer d’affaire, il n’a pas hésité à fabriquer des contrats de travail fictifs ou à charger ses ouvriers au noir qui l’avaient mis en cause, en soutenant qu’ils entendaient ainsi protéger un mystérieux autre patron indélicat. Lui-même lie ses moyens d’existence au recours à de la main d’œuvre au noir. Il y a donc fort à craindre qu’il poursuive dans la même voie s’il n’est pas confronté avec une certaine rudesse aux conséquences pénales de ses agissements.
Le pronostic défavorable posé par le premier juge en raison notamment des quatre condamnations antérieures infligées à l’appelant depuis 2010, dont trois concernant des infractions à la LEtr, et de sa flagrante absence de prise de conscience, ne prête pas le flanc à la critique et le refus du sursis s’impose.
Vu la peine prononcée, l’appelant pourra effectuer sa peine privative de liberté sous forme de semi-détention (art. 77b CP), ce qui lui permettra de conserver son insertion sociale et professionnelle, soit principalement la bonne marche de son entreprise.
7.
En définitive, manifestement mal fondé, l’appel de L._ doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 1’940 fr.,. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), seront supportés par l’appelant (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
59fceed7-f55e-40f1-a76a-b6a5efffc557 | En fait :
A.
Par jugement du 22 novembre 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a pris acte du retrait de plainte de Z._ (I), a libéré Q._ des infractions de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et d'opposition aux actes de l'autorité (II), a constaté que Q._ s'est rendu coupable de dommages à la propriété, injure, menaces, faux dans les certificats, violation simple et grave des règles de la circulation routière, ivresse au volant qualifiée, opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, conduite d'un véhicule non immatriculé, contravention à l'ordonnance sur les règles de la circulation routière et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (III), l'a condamné à une peine privative de liberté de 10 (dix) mois (IV) et à une amende de 800 fr. (huit cents francs) et a dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l'amende serait de 25 (vingt-cinq) jours (V), a suspendu l'exécution de la peine privative de liberté et a fixé au prévenu un délai d'épreuve de cinq ans (VI), a renoncé à révoquer la libération conditionnelle qui lui a été octroyée le 4 janvier 2011 mais a prononcé un avertissement et a prolongé de six mois le délai d'épreuve (VII), a dit que Q._ est le débiteur de l'Etat de Vaud et lui doit paiement de la somme de 2'477 fr. 10 (VIII), a arrêté l'indemnité du défenseur d'office du prévenu à 4'024 fr. 10 pour toutes choses (IX), a mis les frais de justice, par 11'181 fr. 30, comprenant l'indemnité due à son défenseur d'office, à la charge de Q._ (X) et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité du défenseur d'office Benoît Morzier ne sera exigible que si la situation financière du prévenu s'améliore notablement (XI).
B.
Le 30 novembre 2012, le Ministère public a déposé une annonce d'appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 6 décembre 2012, il a conclu à la réforme du jugement précité en ce sens qu'il est constaté que Q._ s'est rendu coupable de dommages à la propriété, injure, menaces, faux dans les certificats, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, violation simple et grave des règles de la circulation routière, ivresse au volant qualifiée, opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, conduite d'un véhicule non immatriculé, contravention à l'ordonnance sur les règles de la circulation routière et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, que le prévenu est condamné à une peine privative de liberté ferme de douze mois, à une peine pécuniaire ferme de vingt jours-amende, la valeur du jour étant fixée à 20 fr., et à une amende de 800 fr., convertible en vingt jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif, que la libération conditionnelle octroyée le 4 janvier 2011 est révoquée et que la réintégration de l'intéressé pour un mois et quatorze jours est ordonnée, les frais de seconde instance étant laissés à la charge de l'Etat.
Il n'a pas requis l'administration de preuves.
Q._
n'a présenté aucune demande de non-entrée en matière, ni aucun appel joint.
A l'audience du 27 février 2013,
le Ministère public a confirmé les conclusions de son appel. Q._ a conclu à la confirmation du jugement de première instance.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le 15 novembre 1981, Q._, de nationalité suisse, a effectué sa scolarité obligatoire à Genève, avant d'entamer un apprentissage de mécanicien sur automobiles auquel il a mis fin peu de temps avant l'examen final. Il a ensuite alterné des périodes de chômage avec différents emplois temporaires dans des domaines aussi variés que le gardiennage de chèvres, la livraison, la mécanique et les installations de ski. Il est actuellement sans travail et bénéficie du revenu d'insertion à hauteur de 3'000 fr. par mois pour son entretien et celui de ses deux enfants, nés en 2007 et 2009 de son union avec [...], dont il s'occupe une semaine sur deux. Il fait l'objet de poursuites à hauteur de 23'436 fr. 85 et d'actes de défaut de biens pour un montant total de 68'452 fr. 50. A l'heure actuelle, le prévenu vit aux Diablerets avec sa nouvelle compagne, qui exerce la profession d'éducatrice de la petite enfance; ils n'ont pas d'enfant commun. Selon ses déclarations de ce jour, il a abandonné le projet de vente de produits de marchés régionaux dont il avait fait part aux premiers juges (jugt, p. 11) et il se concentre désormais sur un projet d'élevage de chèvres en alpage en vue de la production de fromage, projet pour lequel il a entrepris des démarches (pièce 46) et qui serait financé en partie par ses parents, qui ont été eux-mêmes éleveurs.
Son casier judiciaire comporte les inscriptions suivantes :
- 15.03.2003, Ministère public du canton de Genève, lésions corporelles simples, dommages à la propriété, emprisonnement 30 jours, sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 4 ans, sursis révoqué le 29.06.2004 par le Ministère public du canton de Genève;
- 17.05.2004, Tribunal de police Genève, injure, emprisonnement 15 jours, sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 4 ans, détention préventive 1 jour, sursis révoqué le 23.11.2009 par le Tribunal de police de l'Est vaudois;
- 14.06.2004, Ministère public du canton de Genève, lésions corporelles par négligence, circuler malgré un retrait ou refus du permis de conduire, circuler sans assurance responsabilité civile, emprisonnement 30 jours, sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 3 ans, amende 600 fr., sursis révoqué le 23.11.2009 par le Tribunal de police de l'Est vaudois;
- 29.06.2004, Ministère public du canton de Genève, émeute, violation de domicile, vol, emprisonnement 4 mois, sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 5 ans, amende 500 fr., détention préventive 1 jour, sursis révoqué le 23.11.2009 par le Tribunal de police de l'Est vaudois;
- 23.11.2009, Tribunal de police de l'Est vaudois, lésions corporelles simples, lésions corporelles simples qualifiées, violation des règles de la circulation routière, opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, violation des devoirs en cas d'accident, contravention à la LStup, peine pécuniaire 150 jours-amende à 20 fr., amende 1'000 francs.
Le 3 septembre 2010, Q._ a entamé l'exécution sous le régime des arrêts domiciliaires des peines prononcées les 17 mai, 14 et 29 juin 2004. Il a été libéré conditionnellement par jugement du Juge d'application des peines du 4 janvier 2011, avec un délai d'épreuve d'un an assorti d'une assistance de probation.
Le fichier des mesures administratives en matière de circulation routière (ADMAS) du prévenu fait état de cinq retraits de permis entre mars 2000 et septembre 2011, y compris ceux consécutifs aux faits de la présente cause, de durées allant de trois à quatorze mois et, à une reprise, pour une durée indéterminée, notamment pour toxicomanie, ébriété et incapacité de conduire (drogue).
2.
2.1
Le 10 mai 2009, vers 04h30, à Leysin, après avoir été aperçu par les agents de police au volant de son véhicule alors qu'il se trouvait en état d'ébriété, le prévenu a été prié de ne plus conduire. Malgré cet avertissement et alors qu'il n'était pas porteur de son permis de conduire, il a, quelques minutes plus tard, repris le volant de son véhicule avec, à bord, sa compagne de l'époque, [...], qui était sur le point d'accoucher.
Rapidement interpellé, il s'est énervé, a refusé de se soumettre à un test d'alcoolémie et a proféré des injures et des menaces à l'encontre des agents de police, les traitant de "connards", "trous du cul" et "fils de pute", et a déclaré à l'un d'eux : "il ne faut pas que je te croise en civil, car il va t'arriver des bricoles" et a ajouté : "si je ne vois pas mon nouveau-né, je reviendrai au poste te faire la peau et tout casser".
Maîtrisé puis menotté, il a été conduit au poste de police, où il a finalement été soumis aux tests à l'éthylomètre, qui ont révélé des taux d'alcool de 0,86 g ‰ à 04h55 et de 0,81 g ‰ à 04h59; la prise de sang effectuée à 05h30 a révélé un taux d'alcool de 0,79 g ‰.
Tout au long des opérations, Q._ s'est montré récalcitrant, injurieux et menaçant à l'égard des agents de police, refusant par ailleurs de signer les formulaires "interdiction de conduire" et "renseignements généraux".
2.2
Le 15 août 2010, dans la même localité, alors que la police venait de lui saisir les plaques d'immatriculation de sa voiture en raison du non-paiement de la taxe routière de 975 fr. et qu'il avait été rendu attentif au fait qu'il n'avait plus le droit de circuler avec ce véhicule, Q._ a pris le volant pour suivre les agents qui quittaient les lieux. Ne faisant pas usage de la ceinture de sécurité à ce moment-là, il a fait des appels de phare et a klaxonné à plusieurs reprises à l'intention des policiers. Ceux-ci se sont arrêtés et une vive discussion s'en est suivie, au cours de laquelle le prévenu a traité les agents de police de "connards" et les a menacés dans des termes indéterminés. Il a finalement quitté les lieux au volant de sa voiture, dont il a fait crisser inutilement les pneus. Lors de cette manœuvre, les agents ont dû s'écarter de la route pour ne pas être renversés.
Le prévenu s'est ensuite rendu à la gendarmerie d'Aigle, puis à celle de Leysin, afin de récupérer ses plaques, mais en vain. Furieux, il a quitté le poste de police en brisant la vitre de la porte d'entrée.
Au vu de son état d'excitation, il a été soumis à un test d'alcoolémie et a un test de dépistage de stupéfiants, qui a révélé qu'il avait consommé du cannabis et de la cocaïne. Il s'est opposé à un examen d'urine et à une prise de sang, de sorte que son inaptitude à conduire n'a pas été démontrée.
L'Etat de Vaud, par la Police cantonale, a déposé plainte et a chiffré ses prétentions civiles à 2'477 fr. 10, somme qui lui a été allouée par les premiers juges, à la charge de l'intimé.
2.3
Entre mai et juillet 2011, dans le but d'obtenir un logement, Q._, dont la situation financière était obérée, a remis à B._, propriétaire du chalet "[...]", sis [...] à Leysin, de fausses déclarations de l'Office des poursuites d'Aigle, qu'il avait confectionnées de toutes pièces au moyen d'un scanner et qui attestaient faussement de sa solvabilité et de celle de sa nouvelle compagne, [...].
Sur la base de ces documents, B._ a conclu, le 1
er
août 2011, un contrat de bail portant sur un appartement situé dans le chalet précité.
B._ a déposé plainte le 5 janvier 2012.
2.4
Le 10 octobre 2011, le prévenu, dérangé par le bruit provenant de l'appartement situé au-dessus du sien, a sommé E._, ouvrier indépendant, de cesser les travaux qu'il effectuait dans la cuisine dudit appartement. Informé de la situation, le propriétaire du chalet a téléphoné à Q._ pour lui expliquer les raisons de ces travaux et pour lui rappeler qu'une visite des locaux était prévue ce même jour en vue d'une prochaine vente du chalet. Le prévenu l'a alors menacé de lui "casser la gueule" s'il entrait dans son appartement.
B._ a déposé plainte le 15 octobre 2011.
2.5
Le 18 novembre 2011, toujours à Leysin, lors d'une conversation téléphonique portant sur les visites organisées par B._, le prévenu a traité ce dernier de "fils de pute", de "merde" et de "pédé". A la remarque du propriétaire selon laquelle il ferait appel à la police s'il n'obtempérait pas, Q._ a répondu : "si tu viens avec du monde, je te défonce".
B._ a porté plainte le lendemain.
2.6
Entre le 22 novembre 2009 et le 18 juin 2012, les faits antérieurs étant prescrits, Q._ a régulièrement consommé de la drogue. | En droit :
1.
Le Ministère public a la qualité pour faire appel, en application de l'art. 381 al. 1 CPP.
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L’appelant fait valoir en premier lieu que c’est à tort que les premiers juges n’ont pas retenu à l’encontre de l’intimé une infraction à l’art. 285 CP, pour les faits qui se sont déroulés le 10 mai 2009.
3.1
Aux termes de cette disposition, celui qui, usant de violence ou de menace, aura empêché une autorité ou un fonctionnaire de faire un acte entrant dans ses fonctions, les aura contraints à faire un tel acte ou se sera livré à des voies de fait sur eux pendant qu'ils y procédaient, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Cette infraction se distingue de celle de l'art. 286 CP par l'emploi de la violence ou de la menace (Corboz, Les infractions en droit suisse, Berne 2010, vol. II, n. 6 ad art. 285 CP). La
menace
correspond à celle de l'art. 181 CP, même s'il n'est pas précisé qu'elle doit porter sur un dommage sérieux (Corboz, op, cit., n. 5 ad art.
285 CP
et les références citées).
Il faut en outre que la violence ou les menaces aient empêché une autorité ou un fonctionnaire d'effectuer un acte entrant dans ses fonctions. L'acte peut être une décision ou un comportement matériel. Il suffit par exemple d'empêcher un contrôle d'identité. Il importe peu que la résistance soit couronnée de succès et que l'empêchement soit absolu. Entraver, retarder ou compliquer l'accomplissement d'une tâche que les autorités doivent accomplir suffit déjà à réaliser l'élément objectif de l'empêchement (Corboz, op. cit., nn. 7 ss ad art. 285 CP; Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3e éd., Lausanne 2007, n. 1.1 ad art. 285 CP et les références citées). Pour que l'art. 285 CP soit applicable, il suffit, en fonction de la ratio legis de cette disposition, que la violence ou la menace soit motivée par l'acte officiel et qu'elle se produise immédiatement; il faut un rapport temporel étroit entre l'acte officiel et l'acte incriminé (Corboz, op. cit., nn. 16 et 17 ad art. 285 CP).
En revanche, l'art. 285 CP n'est pas applicable si l'auteur règle un compte privé avec le fonctionnaire, mais à un moment où celui-ci est en fonction (ATF 110 IV 91 c. 2; TF 6B_834/2008 du 20 janvier 2009 c. 3.1; TF 6B_602/2009 du 29 septembre 2009 c. 3.1).
Réprimant une infraction contre l'autorité publique (cf. Titre XV du Code pénal), la disposition en cause protège non pas l'intégrité physique du fonctionnaire personnellement, mais le bon fonctionnement des organes de l'Etat (Wiprächtiger, Gewalt und Drohung gegenüber Beamten oder Angestellten im öffentlichen Verkehr unter besonderer Berücksichtigung des Bahnpersonals, RSJ 93 (1997) 209, spéc. p. 210).
Au surplus, l'infraction visée par l'art. 285 CP est intentionnelle (cf. Corboz, op. cit., n° 19 ad. art. 285 CP).
3.2
En l’espèce, il ne fait aucun doute que cette infraction est réalisée. Il résulte clairement du rapport de police établi le 14 mai 2009 (Dossier principal, pièce 4), selon des faits qui ne sont pas contestés par Q._ (jugt, p. 4), que ce dernier a menacé de mort les agents de police qui procédaient à son interpellation, les crachats dont fait état ledit rapport et auxquels se réfère l'appelant (appel, p. 3) ne pouvant, quant à eux, pas être retenus, faute d'être mentionnés dans l'acte d'accusation du 10 mai 2012. Or, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, les menaces proférées par le prénommé tombent sous le coup de la disposition précitée. Vu les antécédents du prévenu, connu des services de police de Leysin, et le fait qu'au moment de son interpellation, celui-ci se trouvait visiblement sous l'influence de l'alcool et était particulièrement stressé, comme il l'a lui-même admis (jugt, p. 4), les policiers avaient toutes les raisons de prendre les menaces au sérieux; la déposition du sergent [...] à laquelle s'est référé le tribunal pour retenir que l'intimé n'était pas un "personnage dangereux" (jugt, p. 18) – ce qui procède au demeurant d'une appréciation discutable des déclarations en question – n'est pas déterminante à cet égard, dans la mesure où ce témoin n'était pas présent lors des faits litigieux, seuls l'étant les agents [...] et [...] (pièce 4, pp. 4 et 5; jugt, p. 7). Enfin, il importe peu que les policiers n’aient en définitive pas été empêchés d’accomplir leur mission; le comportement incriminé tendait à entraver, par l'intimidation, l'exercice de la mission d'ordre public légitimement dévolue aux agents, ce qui est suffisant, comme on l’a vu. Quant au doux euphémisme utilisé par les premiers juges qui ont qualifié l'intervention de "peu agréable", il est particulièrement inadéquat au vu des circonstances établies.
Ainsi, par ces faits, Q._ s'est rendu coupable de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires.
Le moyen, bien fondé, doit donc être admis.
4.
4.1
L’appelant fait valoir ensuite le même grief concernant les faits qui se sont déroulés le 15 août 2010.
4.2
Les premiers juges ont relevé que rien dans le dossier ne permettait de retenir que "les propos tenus par Q._ aient été réellement menaçants pour les policiers concernés" (jugt, p. 22). Cette constatation est inexacte. L
e rapport de police du 7 octobre 2010 (Dossier B, pièce 5) fait état de menaces et d’un comportement routier dangereux de Q._ à l’encontre des agents de police, selon des faits qui ne sont pas contestés (jugt, p. 5). Le prénommé a d'ailleurs admis lui-même avoir menacé un des gendarmes de "lui casser la gueule" (Dossier B, PV aud. 2, ligne 25).
Les menaces verbales proférées, selon le tribunal, "dans des termes indéterminés" (jugt, p. 20
in fine
)
s'intègrent dans le contexte de l'attitude du prévenu qui, énervé par le fait que les policiers retirent les plaques de son véhicule, les a poursuivis en voiture, malgré l'interdiction de circuler qui venait de lui être notifiée, les a forcés à s'arrêter par des appels de phares et des coups de klaxons, les a insultés au cours d'une discussion "musclée" (pièce 5, p. 2) et s'en est allé au volant de sa voiture en obligeant les agents à s'écarter de la route afin d'éviter d'être heurtés. A l'évidence, l'intimé, qui a admis qu'il "ne s'expliqu[ait] pas [sa] réaction face aux policiers" (jugt, p. 5), était dans un état d'excitation extrême, se trouvant d'ailleurs sous l'effet de la drogue (Dossier B, pièce 5, p. 3, et pièce 7). C'est dans cet état qu'il s'est rendu au poste de police de Leysin afin de récupérer ses plaques. Or, il ressort du second rapport de police du 7 octobre 2010 que l'intéressé, devenu hystérique, a alors "menacé de tout casser" et qu'en sortant, il a brisé la vitre de la porte d'entrée (Dossier B, pièce 9/1; jugt, p. 6
in initio
). Dans ces circonstances, il convient d'admettre, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, que les policiers ont été menacés.
A cela s'ajoute que le fait de contraindre les agents à devoir s’écarter de la chaussée afin de ne pas être heurtés constitue, si ce n’est un acte de violence prohibé par l’art. 285 CP, à tout le moins un comportement gravement menaçant au sens de cette disposition.
L'intervention des agents, qui, lors de la discussion avec le prévenu, l'ont sommé de regagner son domicile en l'informant qu'il ferait l'objet d'une dénonciation et qui, par la suite, ont refusé de lui restituer les plaques d'immatriculation de son véhicule, a eu lieu dans le cadre des opérations visant à interdire à l'intimé de conduire ensuite du retrait de ses plaques. Par son comportement et ses propos menaçants, l'intéressé a donc entravé les policiers dans l'accomplissement de leur tâche, ce qui a d'ailleurs nécessité son placement en box de maintien (Dossier B, pièce 9, p. 2).
Bien fondé, le moyen doit dès lors être admis et Q._ reconnu coupable de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires également pour ces faits.
5.
5.1
Le Ministère public soutient ensuite qu’une peine pécuniaire aurait dû également être infligée à Q._ pour injure.
5.2
L'appelant a raison. L’art. 177 CP ne réprime en effet l’injure que par une peine pécuniaire d’au maximum nonante jours-amende et, à défaut de circonstances atténuantes légales permettant d’appliquer l’art. 48a al. 2 CP, inexistantes en l'espèce, seul ce genre de peine entre en considération. Enfin, le concours d’infractions selon les règles de l’art. 49 al. 1 CP ne vaut que pour les peines du même genre, la peine privative de liberté et la peine pécuniaire étant d’un genre différent (Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, n. 16 ad art. 49 CP).
En l'espèce, une peine pécuniaire de dix jours-amende (art. 34 CP) est adéquate pour sanctionner les faits retenus (cons. 2.5 p. 13 ci-avant), le montant du jour-amende étant fixé à 20 fr., vu la situation financière modeste de l'intéressé (pp. 3 et 9 ci-avant).
6.
L’appelant s’oppose ensuite à l’octroi du sursis à Q._.
6.1
L’art. 42 al. 1 CP prévoit que le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Il découle de l’art. 42 al. 2 CP que le sursis total est exclu sauf circonstances particulièrement favorables si, durant les cinq ans qui ont précédé l’infraction, l’auteur a été condamné, notamment, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner le prévenu de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère du prévenu et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. Le juge doit par ailleurs motiver sa décision de manière suffisante (cf. art. 50 CP); sa motivation doit permettre de vérifier s'il a été tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (cf. ATF 134 IV 1 c. 4.2.1; TF 6B_648/2007 du 11 avril 2008 c. 3.2).
Parmi les critères essentiels à l'établissement du pronostic, on doit citer les antécédents pénaux, le risque de récidive qui se fonde sur les antécédents, la socialisation ou le comportement au travail de l'auteur; la prise de conscience de la faute par l'auteur est également déterminante (Kuhn,
in
: Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Bâle 2009, n. 17 ad
art. 42 CP, p. 438). A cet égard, la prise de conscience de sa faute par l'auteur doit permettre d'augurer d'un changement d'attitude face à ses actes (TF 6B_171/2007 du 23 juillet 2007 c. 4).
6.2
En l’espèce, les premiers juges ont accordé un poids exagéré à de vagues espoirs de bon comportement, alors même que les éléments fondés sur les antécédents pénaux, l’échec de la réinsertion sociale de l’intimé, son impulsivité et son agressivité, son incapacité à respecter les décisions de l’autorité et sa prise de conscience déficiente de ses fautes conduisent au constat que le pronostic est clairement défavorable.
Au moment de prononcer la sixième condamnation pénale, on ne comprend pas comment les premiers juges a ont pu considérer que "les infractions commises en 2010 et 2011 n’ont pas atteint la même intensité que celle commises dans le passé", alors même qu’en matière de circulation routière, notamment, l’intimé a commis des fautes d’une gravité évidente, circulant sous retrait de permis, sous l’influence de drogue et d'alcool et créant un sérieux danger au sens de l’art. 90 al. 2 LCR pour les agents de police qui tentaient de l’empêcher de conduire. Au demeurant, le constat qu’un délinquant ne poursuivrait ses activités délictueuses que par des infractions moins graves est dénué de toute pertinence pour l’établissement d’un pronostic.
Partant, seule une peine ferme est de nature à exercer un effet de prévention spéciale suffisant.
Le moyen est donc bien fondé et doit être admis.
7.
Le Ministère public conclut à une peine privative de liberté ferme de douze mois, afin de tenir compte de la condamnation de l'intimé pour infraction à l'art. 285 CP, et demande la révocation de la libération conditionnelle.
7.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_335/2012 du 13 août 2012 c. 1.1 et les références citées).
7.2
A teneur de l'art. 89 al. 1 CP, si, durant le délai d’épreuve, le détenu libéré conditionnellement commet un crime ou un délit, le juge qui connaît de la nouvelle infraction ordonne sa réintégration dans l’établissement. D'après l'art. 89 al. 2 CP, si, malgré le crime ou le délit commis pendant le délai d’épreuve, il n’y a pas lieu de craindre que le condamné ne commette de nouvelles infractions, le juge renonce à la réintégration; il peut adresser un avertissement au condamné et prolonger le délai d’épreuve de la moitié au plus de la durée fixée à l’origine par l’autorité compétente; si la prolongation intervient après l’expiration du délai d’épreuve, elle court dès le jour où elle est ordonnée; les dispositions sur l’assistance de probation et sur les règles de conduite (art. 93 à 95 CP) sont applicables.
En cas de révocation de la libération conditionnelle, la fixation de la sanction doit tenir compte du fait qu'elle intègre un solde de peine dont l’exécution est ordonnée ensuite d’une telle révocation.
7.3
En l'espèce, en sus des infractions, non contestées, retenues par le tribunal correctionnel, Q._ doit répondre, comme on l'a vu, de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, délit qu'il a commis à deux reprises en l'espace d'un peu plus d'une année (cons. 3.2 et 4.2 ci-avant). Il faut retenir à charge le concours d'infractions, les mauvais antécédents, l'absence d'une quelconque prise de conscience chez l'intimé, qui n'a eu cesse de rejeter la faute sur autrui, son caractère impulsif, agressif et oppositionnel, ainsi que ses multiples récidives en matière de circulation routière. A l'audience d'appel, le prévenu a fait mauvaise impression. Le seul élément à décharge qui peut être pris en considération est sa situation financière précaire, le fait qu'il ait été libéré de certaines accusations ne constituant en aucun cas une circonstance à décharge, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges (jugt, p. 25). Enfin, la circonstance atténuante de l'écoulement du temps (art. 48 let. e CP) n'est manifestement pas remplie, contrairement à ce qu'a fait plaider l'intimé à l'audience d'appel.
S'agissant de la révocation de la libération conditionnelle accordée le 4 janvier 2011 par le Juge d'application des peines, le pronostic ne peut être que défavorable. En effet, dans le délai d'épreuve d'une année assortissant sa libération conditionnelle, le prévenu a commis, en seulement six mois, plusieurs délits, ce qui justifie la révocation de cette libération. Dès lors, l'application de l’art. 89 al. 2 CP est exclue.
On fera toutefois usage de la faculté conférée par l’art. 89 al. 6 CP pour prononcer une peine d’ensemble. Celle-ci tiendra compte du solde de peine à exécuter, soit un mois et quatorze jours.
Tout bien considéré, il se justifie de prononcer, en sus de la peine pécuniaire ferme de dix jours-amende à 20 fr. sanctionnant l'infraction à l'art. 177 CP (cons. 5.2 ci-avant), une peine privative de liberté d’ensemble de douze mois,
le choix de la peine n'étant en soi pas critiquable, dans la mesure où ni les amendes, ni la peine pécuniaire ferme prononcée en 2009, ni même les précédentes peines d'emprisonnement avec sursis n’ont eu d'effet dissuasif sur l'intéressé.
L
'amende de 800 fr. prononcée par les premiers juges pour réprimer les diverses contraventions commises par l'intéressé (jugt, p. 26, par. 2) est adéquate; la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l'amende sera, quant à elle, réduite à vingt jours, comme le requiert l'appelant.
8.
En conclusion, l'appel est admis et
le jugement attaqué modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
8.1
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel,
comprenant l'indemnité allouée à son défenseur d'office, arrêtée à 1'296 fr., TVA et débours compris,
seront mis à la charge du prévenu.
8.2
Q._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat l'indemnité allouée à son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5a02ae48-4acd-42f7-b317-5a52935431b1 | En fait :
A.
L._, née en [...], a obtenu le brevet d'avocat en 2003. Elle est inscrite au Registre cantonal des avocats [...] depuis 2006 et n'a fait l'objet d'aucune décision disciplinaire.
B.
Me L._ est le conseil des époux O._ dans le litige de droit du bail qui les oppose à T._, cette dernière étant conseillée par Me J._.
Une audience de conciliation a eu lieu entre les parties devant la Commission de conciliation en matière de baux à loyer du district [...], présidée par le Préfet H._, le 17 février 2015.
Le 25 février 2015, Me L._ a adressé à H._ un courrier dont la teneur est la suivante:
" Je fais suite à la séance de commission de conciliation qui s'est déroulée à la date susmentionnée et que vous présidiez, si tant est que l'on puisse utiliser ce mot compte tenu des graves manquements qui se sont produits lors de dite séance.
Vous avez fait honte, Monsieur, devant mes clients, honte à la justice que vous étiez censé représenter et défendre avec dignité et sérénité comme cela incombe à votre charge.
Il est difficile de reporter ici votre comportement de manière complète, tant il y aurait à dire.
Sachez cependant que je doute fort que la justice puisse être rendue dans une ambiance délétère telle que celle que vous avez tolérée dans votre bureau.
Il vous appartient – en tant que magistrat – de veiller à ce qu'une séance se déroule sans attaques personnelles et sans coup bas. Il vous appartient d'avoir le courage et d'oser braver quiconque s'élèverait contre votre autorité, par exemple en la ridiculisant et en la décrédibilisant comme cela s'est produit, peu importe qu'il soit avocat ou autre. Manifestement, il vous a été plus facile de suivre le mauvais exemple d'un avocat sortant clairement de son rôle à jouer dans la justice que de faire régner l'ordre et la paix dans votre salle d'audience.
Vous avez osé appeler susceptibilité ce qui relève pourtant du simple respect et de la dignité.
C'est votre droit le plus strict de n'être pas d'accord avec le point de vue juridique ou personnel d'une partie.
C'est votre devoir de le manifester avec probité et dignité, tout en respectant les personnes en présence.
Vous en sortiriez grandi.
Vous avez donné une image bien piètre de nos institutions à des gens – dont vous êtes pourtant le représentant – et qui ne demandaient qu'à être traités comme ils le devraient, à savoir dans le respect et l'écoute.
C'est d'autant plus navrant que ces gens vous ont manifesté – eux – le respect qu'ils vous devaient, tout comme moi.
Je frémis à l'idée de savoir ce qui aurait pu se passer si je n'avais pas été là afin de servir de garde-fou.
(...)
Sachez également que le Conseil d'Etat me lit en copie.
Nul doute que vous n'aurez aucune peine, si une séance entre vous et moi devait avoir lieu en haut lieu, à vous défausser de votre responsabilité et à trouver des personnes qui viendront dire qu'il ne s'est rien passé, ou si peu.
(...) ",
Me L._ a transmis copie de cette lettre au Conseil d'Etat.
Le 11 mars 2015, la Cheffe du Département des institutions et de la sécurité Béatrice Métraux a procédé à une instruction et requis les déterminations des deux assesseurs de la commission de conciliation et de Me J._. Après réception de leurs déterminations, elle a informé Me L._ par lettre du 27 mars 2015 qu'elle ne donnerait pas suite à son courrier, considérant que ses accusations contre le Préfet H._ n'étaient pas établies.
C.
Par lettre du 1
er
avril 2015, H._ a dénoncé à la Chambre des avocats le cas de l’avocate L._.
Le 13 avril 2015, le Président de la Chambre des avocats a ouvert une enquête disciplinaire à l'encontre de Me L._ et confié l'instruction préliminaire et la tentative de conciliation de l'art. 54 al. 1
er
LPAv (loi vaudoise du 24 septembre 2002 sur la profession d'avocat; RSV 177.11) à Me Philippe-Edouard Journot.
Le 30 avril 2015, Me Journot a transmis à la Chambre des avocats les lettres du conseil de Me L._ du 28 avril 2015 à l'Ordre des avocats et au Bureau cantonal de médiation administrative (BCMA).
Me L._ a été entendue par le membre instructeur le 13 mai 2015, assistée de son conseil, Me B._. Elle a notamment fait valoir qu'elle entendait que le magistrat qui constate des attaques personnelles d'un avocat contre un autre s'occupe de la police de l'audience et exerce son rôle dans ce cadre. Elle a expliqué que les attaques personnelles de Me J._ contre sa personne avaient été très nombreuses lors de l'audience en cause ("Vous savez lire?", "Vous avez fait où votre droit, dans quelle université?") et qu'étant intervenue en disant qu'elle trouvait cela violent et qu'elle ne pensait pas possible de concilier dans cette ambiance, le Président avait déclaré "Ah? Je vois qu'on est susceptible". Me L._ a encore précisé que ses clients avaient été choqués, que le ton avec lequel le Président s'adressait à elle et à ses clients n'était pas adéquat et que l'attitude agressive de Me J._ le faisait sourire. Interpellée par le membre instructeur pour savoir si elle maintenait l'intégralité des termes de son courrier, Me L._ a déclaré ce qui suit:
"Oui, j'assume pleinement les propos contenus dans ce courrier. Je précise qu'il est parti le 25 février 2015 et que la séance de conciliation a eu lieu le 17 février 2015 et que dès lors j'ai pris le temps de réfléchir à ce que je voulais dire. Je regrette d'autant moins ce courrier que suite à cela j'ai eu deux audiences avec le même Président où celui-ci s'est montré absolument charmant. J'estime avoir le droit de me plaindre de la justice par courrier tout en usant de propos non injurieux comme est en droit de le faire tout citoyen et je ne vois pas pourquoi, en tant qu'avocat, auxiliaire de la justice, ce droit devrait m'être refusé parce que j'aurais peur d'une sanction".
Le même jour, la médiatrice cantonale du BCMA a informé Me B._ du fait qu'elle n'entrait pas en matière sur sa requête de médiation administrative.
Le 20 août 2015, une séance de conciliation s'est tenue devant le membre instructeur entre Me L._, assistée de son conseil, et le Préfet H._. Me L._ a confirmé son sentiment de malaise par rapport à l'audience du 17 février 2015 et expliqué qu'elle s'était sentie attaquée au plan personnel par l'avocat adverse et qu'elle aurait souhaité que le Président intervienne. Celui-ci a toutefois estimé que cela ne se justifiait pas. Cela étant, Me L._ a déclaré regretter certains propos excessifs de son courrier du 25 février 2015. Elle a indiqué qu'elle n'entendait blesser le Préfet ni dans son honneur ni dans ses compétences professionnelles, mais dénoncer une situation qu'elle ne jugeait pas juste, principalement à l'égard de ses clients. Elle a également exprimé son regret d'avoir envoyé copie de sa lettre au Conseil d'Etat. Au vu de ces déclarations, H._ a retiré sa dénonciation.
Par courrier du 21 août 2015, Me L._ a requis le classement de l'affaire, sans frais.
Par décision du 27 août 2015, le Président de la Chambre des avocats a renvoyé Me L._ devant la Chambre en application de l'art. 54 al. 2 LPAv, pour violation éventuelle de l'art. 12 lit. a LLCA (loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats; RS 935.61).
Me L._ s'est déterminée par écriture du 8 octobre 2015. Elle a conclu au classement de la procédure, les frais étant mis à la charge de l'Etat. | E n d r o i t :
1.
La procédure de surveillance des avocats relève de la LLCA et de la LPAv. La LLCA fixe les principes applicables à l'exercice de la profession d'avocat en Suisse (art. 1 LLCA) et, en particulier, les règles professionnelles auxquelles l'avocat est soumis (art. 12 LLCA). Chaque canton désigne une autorité chargée de la surveillance des avocats qui pratiquent la représentation en justice sur son territoire (art. 14 LLCA). Dans le canton de Vaud, c'est la Chambre des avocats qui est l'autorité compétente (art. 9 al. 1 LPAv). Elle se saisit d'office, sur plainte ou sur dénonciation, de toute question concernant l'activité professionnelle d'un avocat (art. 10 al. 1 LPAv).
2.
2.1
A teneur de l'art. 12 let. a LLCA, l'avocat est tenu d'exercer sa profession avec soin et diligence. Il doit observer certaines règles non seulement dans ses rapports avec ses clients, mais aussi à l’égard des autorités, de ses confrères et du public en général (ATF 130 II 270 c. 3.2; TF 2C_177/2007 du 19 octobre 2007; TF 2A.191/2003 du 22 janvier 2004; TF 2A.448/2003 du 3 août 2004). Selon la jurisprudence, l’avocat est tenu, de manière toute générale, d’assurer et de maintenir la dignité de la profession, en s’abstenant notamment de tout ce qui pourrait porter atteinte à la considération et à la confiance dont il doit jouir pour remplir sa mission (TF 2A.151/2003 du 31 juillet 2003; ATF 108 Ia 316 c. 2b/bb, JdT 1984 I 183 ; ATF 106 Ia 100 consid. 6b, JT 1982 I 579; Valticos, Commentaire Romand de la LLCA, n. 6 ad art. 12 LLCA, p. 94). L'art. 12 let. a LLCA sanctionne les comportements de l'avocat qui remettent en cause la bonne administration de la justice ainsi que la confiance en sa personne et en la profession d'avocat en général (Bohnet/Martenet, Droit de la profession d'avocat, Berne 2009, n. 1165 p. 502).
Si l'avocat doit régler son activité en fonction de l'intérêt de son client, il doit à cet effet user des moyens légaux à sa disposition. La confiance placée en la profession et en l'administration de la justice l'impose. L'avocat ne peut assurer la défense des intérêts de son client à n'importe quel prix et par n'importe quels moyens (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1234 p. 524).
L'avocat dispose d'une grande liberté pour critiquer l'administration de la justice, tant qu'il le fait dans le cadre de la procédure, que ce soit dans ses mémoires ou à l'occasion de débats oraux (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1250 p. 529; TF 2A.448/2003 du 3 août 2004, c. 5). Il y a un intérêt public à ce qu'une procédure se déroule conformément aux exigences d'un Etat fondé sur le droit et, en fonction de cet intérêt public, l'avocat a le devoir et le droit de relever les anomalies et de dénoncer les vices de la procédure. Le prix à payer pour cette liberté de critiquer l'administration de la justice est qu'il faut s'accommoder de certaines exagérations. L'avocat agit contrairement à ses devoirs professionnels et, partant, de façon inadmissible, s'il formule des critiques de mauvaise foi ou dans une forme attentatoire à l'honneur, au lieu de se limiter à des allégations de fait et à des appréciations (TF 2A.448/2003 du 3 août 2004 précité, c. 5; Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1253 p. 530). Déterminer si l'avocat outrepasse les limites de la liberté dont il bénéficie dépend des circonstances d'espèce. Il convient d'être plus large avec les déclarations orales faites lors d'une audience animée que dans les écrits, qui supposent un plus grand recul face au litige (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1252 p. 530).
2.2
En l'espèce, Me L._ s'est sentie agressée personnellement par Me J._ lors de la séance de conciliation du 17 février 2015 et reproche au Préfet H._, qui présidait alors la Commission de conciliation en matière de baux à loyer, de n'avoir pas rendu la police de l'audience. Une telle critique est en soi admissible. Me L._ a toutefois formulé ses griefs par un courrier rédigé le 25 février suivant, en des termes excessifs, avec copie au Conseil d'Etat.
Une réaction d'énervement à un comportement que l'avocat juge inapproprié peut se comprendre – dans la mesure où elle ne franchit pas certaines limites – dans le "feu de l'action", lors d'une audience animée. Elle n'est en revanche plus tolérable lorsqu'elle s'exprime par écrit et plus d'une semaine après les événements, comme c'est le cas en l'espèce. L'avocat a bien évidemment le droit de relever le comportement discutable constaté et d'exprimer sa désapprobation. Il doit alors le faire en termes mesurés, en réfléchissant à la portée de ses propos et en s'en tenant si possible aux faits. On doit pouvoir attendre d'un mandataire professionnel qu'il sache faire preuve de retenue et de modération.
Or, dans sa lettre du 25 février 2015, Me L._ a usé de termes inappropriés et clairement excessifs en écrivant au Président qu'il avait "fait honte à la justice", en l'accusant d'avoir manqué de courage et de n'avoir pas osé braver celui qui s'élève contre son autorité en faisant régner l'ordre et la paix dans sa salle d'audience. Elle a mis en cause sa probité et sa dignité et a transmis copie de sa lettre au Conseil d'Etat, alors que celui-ci n'est pas l'autorité compétente pour la surveillance de l'activité judiciaire des préfets. Cette attitude est indigne d'un avocat.
Par la suite, lors de son audition le 13 mai 2015 par le membre instructeur de la Chambre des avocats, Me L._ a confirmé la teneur de ses propos, précisant qu'elle avait eu le temps de réfléchir à ce qu'elle voulait écrire et qu'elle assumait pleinement ses écrits. Ce n'est que dans un deuxième temps, lors de la séance de conciliation avec le Préfet H._, qu'elle a admis que ses propos étaient excessifs et que la communication de sa lettre au Conseil d'Etat était inappropriée.
Me L._ a ainsi adopté un comportement qui est de nature à porter atteinte à la considération de l'avocat et à remettre en cause la confiance placée en la profession. Elle a donc violé son devoir de soin et diligence au sens de l'art. 12 let. a LLCA.
3.
3.1
En cas de violation des dispositions qui régissent l'exercice de la profession d'avocat, l'autorité de surveillance peut prononcer des mesures disciplinaires (art. 17 al. 1 LLCA). Les termes utilisés signifient en principe que, dans ce domaine, l'autorité de surveillance dispose d'une certaine marge d'appréciation (Kann-Vorschrift). L'autorité qui a reçu l'annonce de faits susceptibles de constituer une violation des règles professionnelles n'est pas tenue d'ouvrir la procédure, de la continuer et, le cas échéant, de sanctionner les manquements constatés. Elle doit se laisser guider par les intérêts de la profession ainsi que par les exigences de la protection du public et jouit dès lors d'une grande liberté d'appréciation. Mais elle est tenue de respecter l'égalité de traitement, l'interdiction de l'arbitraire, ainsi que le principe de proportionnalité, et doit éviter tout excès ou abus du pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu (Bauer, Commentaire romand de la LLCA, nn. 17-18 pp. 225-226).
Le droit disciplinaire est soumis au principe de proportionnalité (ATF 108 Ia 230, JT 1984 I 21 ; Bohnet/Martenet, op. cit., n. 2178 p. 888 et les références citées; Montani/Barde, La jurisprudence du Tribunal administratif relative au droit disciplinaire, in RDAF 1996 p. 345, spéc. p. 347, pp. 363 ss ; Grisel, Traité de droit administratif, vol. I, p. 354 ; Muller, Le principe de la proportionnalité, in RDS 1978 II 197, spéc. p. 229) et à celui de l’opportunité (Montani/Barde, ibid.). Les mesures disciplinaires doivent être adaptées aux manquements professionnels qu'elles sont appelées à sanctionner, objectivement et subjectivement. Elles seront prononcées en fonction des circonstances concrètes de la cause et de la situation personnelle de l'avocat poursuivi. A cet égard, l'autorité de surveillance tiendra notamment compte de la gravité de la faute commise, des mobiles et des antécédents de son auteur, à l'importante de principe de la règle violée, à la gravité de l'atteinte portée à la dignité ou à la considération de la profession. Elle ne pourra faire abstraction des conséquences que les mesures disciplinaires sont de nature à entraîner pour l'avocat, en particulier sur le plan économique. Au demeurant, la menace d'une mesure disciplinaire peut jouer un rôle lorsqu'il s'agit d'apprécier s'il existe encore un intérêt à punir (Bauer, op. cit., n. 25 ad art. 227 LLCA, p. 227). Par analogie au droit pénal, l'exemption de peine peut être envisagée lorsque l'infraction est de peu d'importance, tant au regard de la culpabilité de l'auteur que du résultat de l'acte (ATF 135 IV 130).
3.2
En l'espèce, la Chambre des avocats constate avec quelque inquiétude que Me L._, pourtant rendue attentive par l'ouverture de la présente enquête, a persisté dans ses propos lors de sa première audition par le membre instructeur. Ce n'est que lors de la séance de conciliation qu'elle paraît avoir réalisé l'inadéquation de ses propos et de la transmission de sa lettre au Conseil d'Etat.
Néanmoins, elle relève également que Me L._ s'est excusée auprès de H._ et que celui-ci, fondé sur ces excuses, a retiré sa dénonciation. Me L._ n'a par ailleurs pas d'antécédents en matière disciplinaire. Au vu de ce qui précède, la Chambre de céans admet que l'existence même de la procédure disciplinaire et de la présente décision constituent une sanction suffisante, un avertissement formel au sens de l'art. 17 al. 1 let. a LLCA n'apparaissant pas nécessaire.
4.
En définitive, la Chambre des avocats constate que Me L._ a violé son devoir de diligence mais renonce en l'état à prononcer une sanction disciplinaire.
Les frais de la cause, comprenant un émolument et les frais d'enquête, par 212 fr., sont arrêtés à 500 francs. Il se justifie de mettre ces frais à la charge de l'avocate L._, dont on doit retenir qu'elle a provoqué l'ouverture de l'enquête par son comportement (art. 61 al. 1
er
LPAv). | Public | Public Administration | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_005 | VD | Région lémanique |
5a4f4340-030d-48c5-97c8-4dd801708245 | En fait :
A.
Par jugement du 20 février 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a constaté que X._ s'était rendu coupable d'injure au sens de l'art. 177 CP (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de 5 jours-amende, le jour-amende étant fixé à 30 fr. (II), a suspendu l'exécution de la peine figurant sous chiffre II et fixé à X._ un délai d'épreuve de deux ans (III), a dit qu'il était débiteur d'E._ de la somme de 200 fr. (IV) et a mis les frais de la cause par 1'150 fr. à la charge de X._ (V).
B.
En temps utile, E._ a déposé une annonce d'appel motivée. Il a demandé à ce qu'un dédommagement pour tort moral lui soit alloué.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
X._ est né [...] 1943 à Widen en Argovie. Il est divorcé mais loge chez son ex-épouse à Morges. Il est retraité et perçoit par mois une rente AVS de 1'400 fr. ainsi qu'une rente SUVA de 1'700 francs. Il fait l'objet d'une saisie à hauteur de 800 fr. par mois. Il verse environ 400 fr. par mois à son ex-épouse à titre de participation à la nourriture. Son assurance-maladie s'élève à 463 fr. par mois.
Son casier judiciaire contient deux condamnations, la première du 24 mars 2006, par le Juge d'instruction de La Côte pour violation simple des règles de la circulation routière, conducteur se trouvant dans l'incapacité de conduire, violation des devoirs en cas d'accident, à une peine de 30 jours d'emprisonnement; et la seconde du 21 avril 2008 par le Juge d'instruction de La Côte pour conducteur se trouvant dans l'incapacité de conduire à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à 30 fr. le jour-amende.
2.
X._ et E._ sont des clients réguliers du Café [...], à [...]. Les 2 et 5 avril 2011, dans cet établissement, X._ a traité publiquement E._ de voleur. | En droit :
1.
1.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, l’appel est recevable contre les jugements des tribunaux de première instance qui ont clôt tout ou partie de la procédure (al. 1). Si un appel ne porte que sur les conclusions civiles, la juridiction d’appel n’examine le jugement de première instance que dans la mesure où le droit de procédure civile applicable au for autoriserait l’appel (al. 5).
L’art. 308 CPC prévoit que l’appel en matière civile n’est recevable, dans les affaires patrimoniales, que si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins. En deça de cette valeur litigieuse, seul le recours de l'art. 319 CPC est ouvert.
Une lecture littérale de l'art. 398 al. 5 CPP, excluant l'appel, aboutirait au résultat qu'il n'y aurait aucune voie de droit en procédure pénale pour les cas où la valeur litigieuse est inférieure à 10'000 francs. En effet, un recours au sens de l'art. 393 CPP n'est pas envisageable, cette voie n'étant pas ouverte contre les jugements au fond. Un recours auprès des juridictions civiles, contre un jugement émanant d'une autorité pénale, paraît également exclu.
Dans son message, le Conseil fédéral précise que le but de l'art. 398 al. 5 CPP est de limiter l'appel quant à sa recevabilité afin de ne pas avantager en matière de recours les prétentions civiles formulées par adhésion à la procédure pénale (Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de procédure pénale, FF 2006 pp. 1057 ss, spéc. p. 1298). Kistler Vianin propose que, dans les cas où la valeur litigieuse est inférieure à 10'000 fr., l'appel soit recevable mais que le pouvoir d'examen de la juridiction d'appel soit limité à la violation du droit et à la constatation arbitraire des faits, par renvoi à l'art. 320 CPC (Kistler Vianin, in Kuhn/Jeanneret, Commentaire Romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 398 CPP).
Ainsi, afin de respecter le droit des parties d'être entendues et le but de l'art. 398 al. 5 CPP, il convient d'admettre que l'appel, en tant que voie de droit ordinaire en matière pénale contre un jugement au fond, est recevable avec, toutefois, un pouvoir d'examen limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits, comme c'est le cas en matière civile (art. 320 CPC; cf., a contrario, CAPE 9 novembre 2011/157 c. 6.1).
1.2
En l’espèce, l’appel porte, comme déjà relevé, uniquement sur les conclusions civiles. Or, le montant de 10'000 fr. n’est manifestement pas atteint dans le cas particulier, la partie plaignante réclamant la somme de 500 francs.
1.3
Pour le surplus, l'appel a été formé en temps utile, par le dépôt d'une annonce d'appel motivée.
Au vu de ce qui précède, l'appel est recevable; le pouvoir d'examen de la Cour de céans est toutefois limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits.
2.
L'appelant estime que l'indemnité qui lui a été allouée est insuffisante. Il ne se prévaut pas d'une constatation manifestement inexacte des faits mais invoque implicitement une violation du droit.
2.1
Conformément à l'art. 49 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie.
L'indemnité pour tort moral est sujette à appréciation. Elle dépend principalement de l'intensité des souffrances du lésé. Alors que le calcul du dommage se fonde autant que possible sur des données objectives, l'évaluation du tort moral échappe par sa nature à une appréciation rigoureuse, puisqu'elle concerne des valeurs par définition non mesurables. En effet, nul ne peut réellement évaluer la souffrance d'autrui (Werro, La responsabilité civile, 2
e
éd., Berne 2011, n. 1345). Selon la jurisprudence, le juge ne peut dès lors se fonder sur un tarif préétabli mais doit bien davantage prendre en considération l'ensemble des circonstances. De façon générale, la fixation de la réparation morale devrait s'effectuer en deux phases, la phase objective principale permettant de rechercher le montant de base au moyen de critères objectifs et la phase d'évaluation faisant intervenir les facteurs d'augmentation ou de réduction du tort moral ainsi que les circonstances du cas particulier (ATF 132 II 117 c. 2.2.3; TF 4C.263/2006 du 17 janvier 2007 c. 7.3).
Comme il s'agit d'une question d'équité – et non pas d'une question d'appréciation au sens strict, qui limiterait son pouvoir d'examen à l'abus ou à l'excès du pouvoir d'appréciation –, la Cour de céans peut examiner librement si la somme allouée tient suffisamment compte de la gravité de l'atteinte ou si elle est disproportionnée par rapport à l'intensité des souffrances morales causées à la victime (ATF 130 III 699 c. 5.1, JT 2006 I 193, SJ 2005 I 152; ATF 129 IV 22 c. 7.2; ATF 125 III 269 c. 2a, SJ 1999 I 431).
2.2
En l'espèce, le Tribunal de police a admis que le plaignant, habitué de l'établissement, pouvait se sentir affecté par l'injure proclamée publiquement. Il a considéré que l'atteinte n'était "toutefois pas d'une très grande gravité". Ces considérations sont pertinentes. On peut relever que, lors de sa première audition en cours d'enquête, le plaignant avait réclamé 300 fr., expliquant qu'il avait l'impression que, depuis les faits, les clients du restaurant se méfiaient de lui, ce qui n'était "pas agréable". Le dossier ne contient aucun élément supplémentaire sur les souffrances morales ou les inconvénients subis par le plaignant. Le seul témoin interrogé durant l'enquête – une serveuse – a seulement entendu une dispute, sans aucune injure. Ni le type d'atteinte subie, ni les circonstances particulières du cas, ne justifient d'allouer un montant plus élevé que les 200 fr. accordés.
3.
En conclusion, l'appel, manifestement mal fondé, doit être rejeté sans autres échanges d'écritures (art. 390 al. 2 CPP). Les frais de la procédure d'appel constitués en l’espèce de l’émolument d'arrêt, par 550 fr. (art. 21 al. 1 TFJP [tarif des frais judiciaires pénaux; RSV 312.03.1]), sont mis à la charge d'E._ qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5a89e995-e248-4878-b22f-c3449065870d | En fait :
A.
Par jugement du 22 mai 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a constaté que X._ s’est rendue coupable d’escroquerie (I), a révoqué le sursis qui lui avait été accordé le 13 août 2013 par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois et dit que la peine à exécuter formera une peine d’ensemble avec celle prononcée sous ch. III ci-dessous (II), l’a condamnée à une peine privative de liberté d’ensemble de huit mois (III), a pris acte pour valoir jugement des conventions conclues par X._ avec [...], d’une part, et [...], d’autre part, figurant en pages 13 et 14 du procès-verbal (IV), et a mis les frais de justice, par 1'975 fr., à la charge de X._ (V).
B.
Le 1
er
juin 2015, X._ a annoncé faire appel du jugement. Elle a déposé une déclaration d’appel motivée le 12 juin 2015, concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que le sursis accordé le 13 août 2013 par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois n’est pas révoqué et qu’elle est condamnée à un travail d’intérêt général.
Le 16 juin 2015, le Président de la Cour d’appel pénale a désigné l’avocat Jean de Gautard, déjà consulté, en qualité de défenseur d’office de l’appelante.
Le 8 juillet 2015, le Ministère public s’en est remis à justice quant au sort de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Ressortissante chilienne, née en 1991, la prévenue X._ est au bénéfice d’un permis C. Séparée de son époux, mère de deux filles, elle vit actuellement seule dans un appartement. Le Service de protection de la jeunesse est intervenu à la suite d’une dénonciation de son mari. La procédure ainsi ouverte a occasionné le placement de ses enfants chez les beaux-parents de la prévenue, qui, auparavant, accueillait ses filles chez elle la moitié de la semaine. Depuis lors, la prévenue ne perçoit le RI plus que pour elle-même, à raison de 1'110 fr. par mois, en lieu et place de l’aide mensuelle de 3'060 fr. antérieurement allouée. Son assurance-maladie est partiellement subsidiée, de sorte qu’elle ne paie qu’un montant de 60 fr. par mois, pour elle-même. Son loyer, d’un montant de 1'900 fr., est entièrement pris en charge par l’aide sociale. Sans activité lucrative, elle recherche un emploi. Elle a fait récemment un essai dans un restaurant veveysan, mais cette démarche n’a pas abouti, selon elle pour le motif que les horaires de travail auxquels elle aurait été tenue n’étaient pas compatibles avec la garde de ses enfants dont elle disposait alors. Elle nourrit le projet d’effectuer prochainement un stage dans une boulangerie, ce qui devrait déboucher sur un pré-apprentissage.
La prévenue a fait une demande de curatelle, dont l’examen, selon elle, est en cours. Elle est suivie, en principe deux fois par semaine, par un médecin, qu’elle n’a cependant pas vu depuis le mois de juin 2015. Présentant une addiction aux jeux de hasard, notamment le poker en ligne, elle essaye de se soigner. Elle dit ne plus dépenser d’argent pour le jeu; d’entente avec son médecin, elle n’a pas le droit de miser des sommes d’argent. Elle fait l’objet de poursuites dont elle estime le montant total à 15'000 fr. à 20'000 fr. environ. Elle n’a pas de fortune.
1.2 Son casier judiciaire comporte les mentions suivantes :
- 26 février 2010, Tribunal des mineurs, privation de liberté de cinq jours, pour vol et contravention à la LStup ;
- 13 août 2013, Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, peine privative de liberté de six mois, avec sursis durant deux ans, et amende de 400 fr., pour vol, utilisation frauduleuse d’un ordinateur, violation de domicile, induction de la justice en erreur, délit et contravention à la LStup.
Il résulte en outre du dossier que la prévenue a fait l’objet d’une ordonnance pénale rendue le 1
er
septembre 2014 par le Ministère public de l’arrondissement de La Côte, la condamnant à une amende de 500 fr. pour voies de fait qualifiées au préjudice de son époux.
2.1 A son domicile de la Riviera, avant la fin du premier semestre 2014, X._ a posté une annonce sur internet proposant la sous-location d’un appartement de deux pièces divisé en deux studios, sis [...], à [...], pour la somme de 700 francs. Le propriétaire de son appartement n’a ni donné son accord ni été informé de cette démarche.
2.2 [...] a répondu à cette annonce. Le 29 juin 2014, après lui avoir fait visiter son appartement, la prévenue lui a demandé la somme de 700 fr. afin de lui garantir la priorité pour l’attribution du logement, somme qu’elle devait prétendument remettre au propriétaire. Elle a relancé le candidat le lendemain en insistant sur le fait qu’il devait payer la somme réclamée s’il voulait obtenir l’appartement. Le candidat s’est exécuté le 1
er
juillet 2014. Quelques jours plus tard, la prévenue l’a informé qu’elle avait vu le propriétaire et qu’il pourrait avoir l’appartement le 18 juillet 2014, avant de lui réclamer une nouvelle avance de 200 fr., qu’il n’a pas été en mesure de verser. Le 14 juillet 2014, la prévenue l’a informé que le propriétaire ne voulait pas du dossier. Interpellé par [...], ce dernier lui a déclaré qu’il n’avait jamais eu connaissance de son dossier et qu’il n’avait plus de contact avec la prévenue depuis plusieurs mois. La prévenue a dépensé cette somme de 700 francs.
2.3 Le 3 juillet 2014, après avoir visité l’appartement précité loué par la prévenue, [...], qui était en pleine séparation d’avec son épouse et avait un urgent besoin de se loger, lui a remis la somme de 250 fr., à la demande de celle-ci, laquelle avait passé un coup de téléphone devant lui en faisant mine que le propriétaire réclamait cette somme. Le lendemain, il lui a encore remis la somme de 450 fr. à titre d’acompte. Enfin, le 10 juillet 2014, à la demande de la prévenue, il lui a encore remis la somme de 500 francs. Malgré de nombreuses tentatives, il n’est pas parvenu à entrer en contact avec la prévenue par la suite. Il a alors contacté le propriétaire qui l’a informé qu’il n’avait jamais eu connaissance de son dossier et que la prévenue n’était pas en charge de la visite de ses appartements. La prévenue a dépensé cette somme de 1’200 francs.
3. La prévenue ayant reconnu les faits incriminés, par deux conventions conclues à l’audience de première instance, elle s’est
engagée à verser 50 fr. le 27 de chaque mois à chacun des plaignants, la première fois le 27 mai 2015, pour rembourser les sommes mentionnées ci-dessus.
Elle a effectué, le 31 août 2015, un versement de 200 fr. à chacun, avec l’aide des services sociaux. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
3.
3.1
L’appelante ne critique pas sa condamnation pour escroquerie (déclaration d’appel, ch. 4, p. 2). Elle conteste en revanche la révocation du sursis accordé le 13 août 2013 Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois (déclaration d’appel, ch. 5, p. 2). Elle fait valoir qu’un pronostic favorable peut encore être posé, compte tenu des conventions passées avec les plaignants et de sa situation familiale. Elle soutient qu’elle a pris conscience de ses fautes et de sa responsabilité de mère de famille.
3.2
Selon l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2). La présomption d’un pronostic favorable, respectivement du défaut d’un pronostic défavorable, ne s’applique en revanche plus si durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, le prévenu a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins. L’octroi du sursis n’entrera alors en considération que si, malgré l’infraction commise, on peut raisonnablement supposer, à l’issue de l’appréciation de l’ensemble des facteurs déterminants, que le condamné s’amendera (ATF 134 IV 1 c. 4.2.3). Ainsi, en cas de récidive au sens de l'art. 42 al. 2 CP, seules deux hypothèses sont envisageables : soit les circonstances sont particulièrement favorables et le sursis total doit être accordé à l'auteur; soit les circonstances sont mitigées ou défavorables et le sursis, respectivement partiel ou total, est alors exclu (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009, c. 3.1.3, non publié aux ATF 135 IV 152).
3.3
En l’espèce, l’appelante ayant déjà été condamnée à une peine privative de liberté avec sursis de six mois dans les cinq ans qui précèdent, c’est la question des circonstances particulièrement favorables de l’art. 42 al. 2 CP qui doit être examinée.
Pour contrebalancer les éléments défavorables liés à la récidive d’infractions contre le patrimoine, on ne dispose guère que des reconnaissances de dettes concédées aux plaignants à l’audience de jugement. Or, les engagements de l’appelante à cet égard n’ont rien d’exceptionnel. En particulier, elle n’avait pas remboursé le moindre centime auparavant. Enfin, elle s’est limitée à un unique versement en faveur de chacun des plaignants, de surcroît effectué le 31 août 2015 seulement, donc peu avant l’audience d’appel et alors même qu’elle y était tenue la première fois le 27 mai 2015. Qui plus est, elle a utilisé, selon ses explications à l’audience d’appel, une avance des services sociaux, à imputer sur les prestations. On ne peut donc pas retenir qu’elle a respecté ses engagements de verser 50 fr. le 27 de chaque mois à chaque plaignant pour amortir ses dettes (jugement, pp. 13 et 14).
A cela s’ajoute le fait que la situation personnelle de l’appelante, en particulier sur le plan professionnel, témoigne d’une mauvaise insertion sociale. En effet, l’appelante a une fâcheuse propension à l’oisiveté, étant précisé qu’il s’agit d’une jeune personne qui n’allègue nullement présenter une quelconque atteinte à la santé qui serait de nature à entraver l’exercice d’une activité lucrative. Son projet d’effectuer prochainement un stage dans une boulangerie, lequel devrait, selon elle, déboucher sur un pré-apprentissage, apparaît peu étayé. Ses essais antérieurs tendant à trouver un emploi comme serveuse ou vendeuse (jugement, p. 16) se sont avérés peu concluants, sans que ces échecs ne puissent, quoi qu’en dise la prévenue, être mis en relation de manière déterminante avec sa situation familiale.
Pour ce qui est du pronostic à poser, on ne discerne dès lors aucun renseignement positif qui permettrait de s’écarter de l’appréciation du premier juge. Quant à l’addiction au jeu révélée à l’audience d’appel, il s’agit d’un élément supplémentaire de pronostic défavorable.
Il n’est donc pas possible de conclure en l’espèce à l’existence de circonstances particulièrement favorables exigées par l’art. 42 al. 2 CP.
4.
4.1
L’appelante demande à pouvoir exécuter un travail d’intérêt général. Elle fait valoir qu’il s’agit d’une forme de sanction mieux adaptée à sa situation (déclaration d’appel, ch. 15, pp. 4 s.).
4.2
En application de l’art. 37 al. 1 CP, à la place d’une peine privative de liberté de moins de six mois ou d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus, le juge peut ordonner, avec l’accord de l’auteur, un travail d’intérêt général de 720 heures au plus. Ainsi, toute personne dont la culpabilité justifierait une condamnation à six mois de privation de liberté ou à 180 jours-amende au plus peut en principe être condamnée, si elle accepte ce genre de peine et s’il n’est pas nécessaire de prononcer une peine privative de liberté ferme, à fournir un travail d’intérêt général (ATF 134 IV 97 c. 6.3.3.2). Cette peine tend à favoriser, à des fins de prévention spéciale, le maintien de l’auteur dans son milieu social, en le faisant compenser l’infraction par une prestation personnelle en faveur de la communauté plutôt que par une privation de liberté ou une peine pécuniaire (ibidem, c. 6.3.2).
4.3
En l’espèce, le prononcé d’un travail d’intérêt général ne peut se concevoir que si le sursis accordé le 13 août 2013 n’est pas révoqué. A défaut, c’est la peine d’ensemble de l’art. 46 al. 1 CP qui doit être prononcée, comme l’a fait le premier juge. Or, la demande de l’appelante d’exécuter un travail d’intérêt général équivaut à admettre que le pronostic n’est pas favorable. En effet, le pronostic favorable de l’art. 46 al. 2 CP n’est pas différent de celui de l’art. 42 CP
(ATF 134 IV 140 c. 4.4 pp. 143-144 et les arrêts cités)
. Quoi qu’il en soit, les conditions d’un travail d’intérêt général ne sont en l’état pas réunies puisque la peine d’ensemble excède six mois.
Par surabondance, il convient en outre de préciser que la durée de la peine privative de liberté à exécuter est compatible avec le régime de la semi-détention selon l’art. 77b CP, qui permettrait à l’appelante d’exercer une activité lucrative durant l’exécution de sa peine.
5.
En définitive, l’appel est rejeté.
Vu l'issue de la cause, l'émolument d’appel (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]) sera mis à la charge de l’appelante, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
Les frais d’appel comprennent l’indemnité en faveur du défenseur d’office de la prévenue (art. 422 al. 1 et al. 2 let. a CPP). Sur la base de la durée des opérations annoncée, celle-ci doit être arrêtée à six heures et demie d’avocat, incluant la durée de l’audience d’appel, plus une vacation à 120 fr. et 50 fr. d’autres débours, ainsi que la TVA, soit à 1'447 fr. 20.
L’appelante ne sera tenue de rembourser le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5a8f12ab-6b3e-4b69-b06a-e35f64406de4 | En fait :
A.
Par jugement du 29 juillet 2014, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a constaté que P._ s'est rendu coupable d’infraction à la loi sur l’aménagement du territoire et des constructions (LATC; RSV 700.11), d’infraction à la loi sur la protection de la nature, des monuments et des sites (LPNMS; RSV 450.11) et d'infraction à la loi sur la gestion des déchets (LGD; RSV 814.11) (I), l’a condamné à une amende de 400 fr. (II), a dit qu’à défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 4 jours (III), et a mis les frais, par 750 fr., à sa charge (IV).
B.
Le 11 août 2014, P._ a annoncé faire appel contre ce jugement.
Par déclaration d’appel motivée du 31 août 2014, il a conclu à l'annulation du jugement précité.
Par courrier du 11 septembre 2014, le Ministère public a déclaré qu’il renonçait à déposer une demande de non-entrée en matière et un appel joint.
Par avis du 17 septembre 2014, la Présidente a informé les parties que l’appel allait être traité d'office en procédure écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP) et a imparti à P._ un délai au 2 octobre 2014 pour déposer un mémoire motivé (art. 406 al. 3 CPP). Le pli adressé au prénommé est revenu en retour sans avoir été réclamé.
Un délai au 20 octobre 2014 a été imparti au Procureur pour se déterminer sur l'appel. Le Procureur y a renoncé par courrier du 14 octobre 2014, se limitant à conclure au rejet de l'appel et se référant aux considérants du jugement attaqué.
Par courrier du 22 octobre 2014, la Présidente a imparti à l'appelant un délai au 7 novembre 2014 pour déposer d'ultimes observations. Le pli est revenu en retour sans avoir été réclamé.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissant suisse né le 22 septembre 1957 à Lausanne, P._ a suivi des études à l'Ecole polytechnique de Zurich. Il vit actuellement dans le village d'Y._, où il gère une exploitation agricole. Il est en conflit depuis des années notamment avec la commune d'Y._ et a le sentiment d'être la victime de différentes dénonciations et autres procédures visant à le faire quitter le village. Son casier judiciaire est vierge.
2.
P._ a été dénoncé à la Préfecture du Jura-Nord vaudois par rapport de police du 16 août 2013. Il lui était reproché d'entreposer, depuis plusieurs mois, autour de son domicile sis au chemin des [...], à Y._, sur un terrain vague, non protégé en cas d'éboulement d'huile ou d'essence, une petite voiture jaune à trois roues (Tricar), non immatriculée, ainsi que de la ferraille, et de stocker sur un sol non étanche trois fûts contenant des hydrocarbures, sans bac de rétention, deux vieux camions de marque "Saurer" non immatriculés et une machine de chantier rouge, malgré la sommation qui lui avait été adressée en date du 22 juin 2013 de déplacer, dans un délai d'un mois, ses matériaux et ses véhicules sur une aire de stationnement devant comporter un revêtement dur et imperméable avec séparateur ou dans une déchetterie.
Par ordonnance pénale du 17 septembre 2013, le Préfet du Jura-Nord vaudois a condamné P._ pour infraction à la loi sur la protection de la nature, des monuments et des sites, à la loi sur la gestion des déchets et à la loi sur l'aménagement du territoire et des constructions à une amende de 400 fr., convertible en 4 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif, les frais, par 50 fr, ayant été mis à la charge.
Le prénommé a fait opposition contre cette ordonnance. Après avoir procédé à l'audition du prévenu, le Préfet a rendu une nouvelle ordonnance pénale le 31 octobre 2013, confirmant les faits retenus dans sa précédente ordonnance et la condamnation de P._. Ce dernier a fait opposition contre cette nouvelle ordonnance et le Préfet a, par courrier du 5 novembre 2013, décidé de maintenir son ordonnance et a transmis le dossier au Tribunal de police de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois.
Le Tribunal de police, après avoir suspendu et renvoyé l'audience du 22 avril 2014 au motif que l'intéressé avait cassé son appareil auditif juste avant l'ouverture de l'audience et qu'il n'entendait rien (jugt, p. 2), a procédé, lors de la nouvelle audience du 29 juillet 2014, à l'audition du prévenu, du chef de service du développement territorial de l'Etat de Vaud et du gendarme L._, auteur du rapport de police du 16 août 2013, lequel a réitéré les explications formulées dans sa dénonciation. Le premier juge a confirmé les infractions retenues par le Préfet à l'encontre de l'appelant, ainsi que l'amende qui lui avait été infligée. | En droit :
1.
1.1
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence,
interjeté
en temps utile et
dans les formes contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
1.2
Le jugement de première instance et l'appel concernant uniquement des contraventions, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause est de la compétence d'un membre de la cour d'appel statuant comme juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [Loi d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009, RSV 312.01]).
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance.
L’art. 398 al. 4 CPP dispose que, lorsque seules les contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l’état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d'importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22-23 ad art. 398 CPP).
3.
L’appelant se plaint que des preuves ont disparu du dossier, en particulier les photographies faites par le gendarme L._ et qui fondent sa condamnation. Il se trompe, puisque celles-ci figurent au dossier sous pièce 4/5. En outre, rien ne permet de dire que le dossier est incomplet et le prévenu n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations.
Mal fondé, ce moyen doit donc être rejeté.
4.
L’appelant fait ensuite valoir que l’accusation repose sur les affirmations d’un gendarme qui aurait pénétré à son insu sous son hangar, vraisemblablement sans mandat.
4.1
Conformément à l’art. 244 al. 1 CPP, les bâtiments, les habitations et autres locaux non publics ne peuvent être perquisitionnés qu’avec le consentement de l’ayant droit. L’alinéa 2 de cette disposition prévoit que le consentement de l’ayant droit n’est pas nécessaire s’il y a lieu de présumer que, dans ces locaux se trouvent des personnes recherchées (let. a), se trouvent des traces, des objets ou des valeurs patrimoniales susceptibles d’être séquestrés (let. b) ou des infractions sont commises (let. c).
En tant que mesure de contrainte au sens de l’art. 196 CPP, la perquisition ne peut être ordonnée que lorsqu’elle est prévue par la loi, que des soupçons suffisants laissent présumer une infraction, que les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères et que la mesure apparaît justifiée au regard de la gravité de l'infraction (
art. 197 al. 1
CPP). Une telle mesure peut être prononcée par le ministère public (art. 198 al. 1 let. a CPP) et suppose en outre qu’une
instruction pénale soit ouverte, conformément à l’art. 309 al. 1 let. b CPP (Chirazi, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], op. cit., nn. 2, 19 et 20 ad art. 241 CPP). Selon l’art. 241 al. 1 CPP, les perquisitions, fouilles et examens font l’objet d’un mandat écrit. En cas d’urgence, ces mesures peuvent être ordonnées par oral, mais doivent être confirmées par écrit. L’art. 241 al. 2 CPP prévoit que le mandat indique la personne à fouiller ou les locaux, les documents ou les objets à examiner (let. a), le but de la mesure (let. b) et les autorités ou les personnes chargées de l’exécution (let. c). Les mandats de perquisition doivent être rendus par écrit, motivés, signés par l’autorité qui les a prononcés et notifiés aux parties afin que celles-ci puissent le cas échéant faire valoir leurs droits par le biais d’un recours au sens des art. 393 ss CPP. Par référence au « but de la mesure », le mandat devra faire état de l’existence d’une prévention suffisante, soit de « soupçons suffisants qui laissent présumer une infraction » au sens de l’art. 197 al. 1 let. b CPP (Chirazi, op. cit., n. 15 et 17 ad art. 241 CPP; JT 2014 III 201).
L’exploitabilité de preuve obtenue de manière illicite est réglée par l’art. 141 CPP. Pour les preuves qui sont obtenues au moyen de méthodes d’administration de preuves interdites, l’art. 141 al. 1, 1
re
phrase, CPP prévoit une absence d’exploitabilité absolue. La même solution prévaut lorsque la loi désigne une preuve comme n’étant pas exploitable (art. 141 al. 1, 2
e
phrase, CPP). Les preuves qui ont été administrées d’une manière illicite ou en violation de règles de validité par les autorités pénales ne sont en principe pas exploitables selon l’art. 141 al. 2 CPP, à moins que leur exploitation soit indispensable pour élucider des infractions graves. Les preuves qui ont seulement été administrées en violation de prescription d’ordre sont néanmoins exploitables conformément à l’art. 141 al. 3 CPP. Les pièces relatives aux moyens de preuves non exploitables doivent être retirées du dossier pénal, conservées à part jusqu'à la clôture définitive de la procédure, puis détruites (art. 141 al. 5 CPP). La question de savoir si dans un cas particulier l’on se trouve en présence d’une règle de validité ou d’une prescription d’ordre se détermine (dans la mesure où la loi ne désigne pas elle-même la norme comme étant une règle de validité) en première ligne compte tenu du but protecteur de la norme : on est en présence d’une règle de validité si la règle de procédure a une signification si importante pour la garantie des intérêts protégés de la personne intéressée, qu’elle ne peut atteindre son but que si l’acte de procédure est nul en cas d’inobservation de celle-ci (ATF 139 IV 128 c 1.6, JT 2014 IV 15). Les prescriptions d’ordre sont de simples mesures procédurales permettant l’investigation pénale. On pensera notamment aux mandats de comparution, d’amener et de recherche, de perquisitions, fouilles et examens (Bénédict/Treccani, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], op. cit., nn. 9 et 17 ad art. 141 CPP). Une action autonome de la police sans mandat de perquisition n’implique ainsi pas de prime abord une interdiction d’exploiter les preuves obtenues, les circonstances concrètes du cas devant être examinées (ATF 139 IV 128 précité).
4.2
En l’espèce, le 22 juin 2013, l’appelant a été sommé de faire évacuer dans un délai d’un mois des objets sis sur sa parcelle. Selon le rapport de gendarmerie du 16 août 2013 (P. 4/1), « lors d’un passage à cet endroit, il a été constaté que l’intéressé n’avait toujours pas déplacé ses véhicules et ses déchets sur une aire de stationnement devant comporter un revêtement dur et imperméable avec séparateur ou dans une déchetterie. Quant aux fûts, ils étaient toujours à même le sol sans bac de rétention ». Il ressort également de ce rapport que « P._ a été informé, téléphoniquement, de l’établissement du présent rapport, le 15.08.2013 » et qu’il a déclaré « qu’il désirait déposer plainte pénale » contre le gendarme qui n’avait « rien à faire chez lui ». Entendu par le Préfet le 30 octobre 2013, il a dit qu'il "se demand[ait] qui a[vait] appelé la police qui a[vait] débarqué chez [lui] sans mandat de perquisition » (P. 4/7).
Comme on l'a relevé ci-avant (c. 3), un lot de photographies montrant notamment des véhicules (un élévateur, un camion et une voiture à trois roues) et trois fûts contenant vraisemblablement des hydrocarbures figure au dossier. Il résulte sans aucun doute de ces photographies que certaines d’entre elles ont été prises sur la propriété de l’appelant et notamment à l’intérieur de son hangar. Il n’est pas possible de déterminer, au vu du dossier, si certains déchets sont visibles depuis le domaine public et si des clichés ont été pris depuis celui-ci. Il est établi que l’appelant était absent et qu’il n’a pas donné son consentement à ce qu’il soit pénétré sur sa parcelle. Le gendarme L._, entendu par le premier juge, n’a pas été interpellé sur les conditions dans lesquelles ce constat a été pratiqué ; au demeurant, il n'est pas établi qu’un mandat aurait été délivré.
Il va de soi que la gendarmerie devait vérifier si l’appelant avait évacué les objets sis sur sa parcelle, conformément à la commination qu’il avait reçue et afin de dénoncer, le cas échéant, son inactivité à l’autorité pénale. Les infractions qui pouvaient être éventuellement reprochées à l’appelant, soit des contraventions, ne constituent à l’évidence pas des infractions graves au sens de l’art. 141 al. 2 CPP. Par ailleurs, la condition de l’urgence n’était pas remplie (art. 241 al. 1, 2
e
phrase, CPP précité). Dans ces circonstances, la preuve recueillie par le gendarme L._ qui s’est introduit sur la parcelle de l’appelant sans le consentement de celui-ci est illicite, même s’il est évident, au vu du rapport et de ses déclarations en audience, que le gendarme a agi de bonne foi. Il reste que cette preuve n’est pas inexploitable pour autant. En effet, les objets photographiés étaient pour l’essentiel à l’extérieur des bâtiments, de sorte qu’il suffisait de quitter la voie publique et de pénétrer sur quelques mètres sur la parcelle non clôturée de l’appelant pour prendre les photographies. En outre, le hangar sous lequel étaient entreposés les fûts était ouvert. Dans ces circonstances et au vu de la jurisprudence précitée (ATF 139 IV 28), la nécessité d’un mandat de perquisition dans le cas particulier relève de la simple prescription d’ordre au sens de l’art. 141 al. 3 CP, de sorte que le lot de photographies figurant au dossier sous pièce 4/5 est exploitable.
Ce grief est mal fondé et doit également être rejeté.
5.
L’appelant se plaint ensuite que le premier juge l’a rendu attentif aux frais de procédure qui pouvaient être le cas échéant mis à sa charge au cas où il ne retirerait pas son opposition. Il se réfère vraisemblablement à la pièce 5 du dossier.
Or cette manière de procéder n’est en aucun cas critiquable et ne démontre aucun signe de prévention à l'égard du prévenu.
En outre, celui-ci déclare porter plainte du fait que le procès-verbal de la séance annulée du 22 avril 2014 indique qu’il aurait saboté ses appareils auditifs. Rien dans le procès-verbal ni au dossier ne permet de penser qu’un quelconque soupçon a été formulé à son égard, le procès-verbal se limitant à constater que l'intéressé a cassé son appareil auditif juste avant l'ouverture du dossier (jugt, p. 2).
Mal fondés, ces griefs ne peuvent qu’être rejetés.
6.
Enfin, l’appelant fait valoir que son Tricar jaune, qui était entreposé sur une dalle de béton et non en bitume, fonctionnait à l’huile de colza et qu’il était un abri mobile accueillant une balance pour l’autocueillette de framboises, que les fûts d’huile ne représentaient aucun danger pour l’environnement dès lors qu’ils étaient entreposés dans une zone sécurisée et que la ferraille était destinée à de futures constructions dont la rouille ne devait pas poser un grand problème aux eaux du lac de Neuchâtel.
6.1
Aux termes de l'art. 130 al. 1, 1
re
phr., LATC,
celui qui contrevient à la présente loi, aux règlements d'application tant cantonaux que communaux ou aux décisions fondées sur ces lois et ces règlements, est passible d'une amende de 200 fr. à 200'000 francs. Selon l’art. 40 al. 1 RLATC (Règlement d’application de la loi sur l’aménagement du territoire et les constructions ; RSV 700.11.1), les places de dépôt de véhicules doivent comporter un revêtement dur et imperméable à moins que le sol ne soit naturellement imperméable ; elles sont équipées d’une évacuation directe ou indirecte des eaux pluviales à l’émissaire public, après épuration de celles-ci par passage dans un séparateur d’huile ou d’essence. Par ailleurs, selon l’art. 13 al. 1 LGD, il est interdit de déposer des déchets en dehors des lieux prévus à cet effet. L’art. 17 RLGD (Règlement d’application de la loi sur la gestion des déchets ; RSV 814.11.1) précise que le dépôt ou l’abandon de véhicules automobiles hors d’usage, de parties de ceux-ci, notamment les pneus, ainsi que d’autres objets métalliques encombrants est interdit sur tout le territoire cantonal, tant sur le domaine public que sur la propriété privée, hors d’un local ou d’une place de dépôt ou de stationnement conforme à la LATC (al. 1) ; sont considérés comme hors d’usage tous les véhicules à moteur, ainsi que les remorques de tous genres et catégories, dépourvus de permis de circulation valable, les cycles, cyclomoteurs, machines et véhicules de chantier inaptes à circuler. Selon l’art. 36 al. 1 LGD, toute infraction à la présente loi ou à ses dispositions ou décisions d'exécution est passible de l'amende jusqu'à 50'000 fr. au plus. Enfin, selon l’art. 8 LPNMS, l’abandon de matériaux et de déchets de toute nature hors des lieux destinés à cet effet est interdit. L’art. 92 LPNMS prévoit que celui qui contrevient à la présente loi ou à ses règlements d'application, ainsi qu'aux mesures prises en exécution de ces lois et règlements, est passible d'une amende pouvant s'élever jusqu'à 20’000 francs.
6.2
En l’espèce, il ne fait aucun doute que deux camions Surer non immatriculés et une machine de chantier étaient entreposés sur un sol herbeux, en violation de l’art. 40 al. 1 RLATC et de l’art. 17 RLGD. En outre, le dépôt de ferraille contrevenait également à cette dernière disposition. Il en allait de même du Tricar jaune, même si comme l’affirme l’appelant, il accueillait une balance pour l’autocueillette des framboises. S’agissant d’un véhicule fonctionnant à l’huile de colza et qui présentait ainsi un risque pour l’environnement, il ne pouvait être entreposé sur une dalle de béton qui, comme le démontre à l’évidence la photographie au dossier, présentait de larges fentes herbeuses. S’agissant des trois fûts d’huile, l’appelant fait valoir qu’ils étaient posés sur une dalle de béton de 500 m2 avec récupération, donc "dans une zone sécurisée et non pas à l’extérieur sous un avant-toit sur de la terre battue". Il ressort en effet des photographies faites par le gendarme L._ que ces trois fûts n’étaient pas à l’extérieur mais à l’intérieur. Dès lors qu’il n’était pas possible de déterminer de quelle matière était le sol, au vu notamment des déchets et débris l’encombrant, et s’il y avait un système de récupération comme l’affirme l’appelant, ce dernier doit être mis au bénéfice du doute sur ce point. Au demeurant, le premier juge n’a pas retenu que le prévenu avait violé une quelconque disposition légale en entreposant ces fûts. Enfin, en laissant traîner divers objets et matériaux abandonnés, l’appelant a contrevenu à l’art. 8 LPNMS.
Sa condamnation pour contravention au sens des art. 130 al. 1 LATC, 36 al. 1 LGD et 92 LPNMS doit donc être confirmée.
7.
L’amende de 400
fr. et la peine privative de liberté de substitution de quatre jours, qui ne sont pas contestées en tant que telles, doivent également être confirmées. Cette sanction apparaît même clémente, au vu de la fourchette des peines prévues aux dispositions susmentionnées et compte tenu de l’attitude du prévenu, qui a fait fi de la
sommation qui lui avait été adressée en date du 22 juin 2013 de déplacer, dans un délai d'un mois, les divers matériaux et véhicules litigieux sis sur sa parcelle.
8.
8.1
En conclusion, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
8.2
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de P._ (art. 428 al. 1 CPP).
8.3
Enfin, il n’y a pas lieu à indemnisation au sens de l’art. 429 CPP, que ce soit pour la procédure de première instance ou pour celle d’appel, puisque le prévenu succombe, étant relevé que la demande d’indemnité datée du 22 avril 2014 et portant sur la somme de 41'710'000 fr. déposée devant le Tribunal de police n’est pas en lien avec les contraventions faisant l’objet de la présente procédure et que l’intéressé n’a pas encouru de frais d’avocat ou de tort moral au sens défini par la jurisprudence du fait de la dénonciation pénale. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5acc152b-c114-40c0-a290-062296eda506 | En fait :
A.
Par jugement du 8 juillet 2015, rectifié en ses chiffres I et II par prononcé du 10 juillet 2015, le Tribunal criminel de l’arrondissement de l’Est vaudois a libéré A.A._ des infractions de tentative d’assassinat, lésions corporelles graves, voies de fait, vol d’importance mineure, soustraction d’une chose mobilière d’importance mineure, diffamation, calomnie et incendie qualifiée (I), a constaté que A.A._ s’est rendu coupable de tentative de meurtre, lésions corporelles simples qualifiées, voies de fait qualifiées, dommages à la propriété, injure, utilisation abusive d’une installation de télécommunication, menaces, menaces qualifiées, tentative de contrainte, violation de domicile, incendie intentionnel, insoumission à une décision de l’autorité, contravention à la LStup (Loi fédérale sur les stupéfiants ; RS 812.121) et infraction à la LArm (Loi fédérale sur les armes ; RS 514.54) (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de 6 ans, sous déduction de 308 jours de détention provisoire et de 450 jours de détention en exécution anticipée de peine, à une peine de 45 jours-amende à 10 francs le jour-amende et à une amende de
500 fr., la peine privative de liberté de substitution étant de 5 jours, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 26 septembre 2012 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne (III), a maintenu A.A._ en détention pour des motifs de sûretés (IV), a ordonné que A.A._ soit soumis à un traitement institutionnel dans un établissement fermé au sens de l’art. 59 al. 3 CP (V), a révoqué le sursis accordé à A.A._ le 26 septembre 2012 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne (VI), a dit que A.A._ est le débiteur de B.A._ et lui doit immédiat paiement des montants de 22'384 fr. à titre de dommages-intérêts, de 25'000 fr. à titre de tort moral et de 26'000 fr. à titre d’indemnité pour frais de défense, valeurs échues (VII),
a dit que A.A._ est le débiteur de C.A._ et lui doit immédiat paiement du montant de 25'000 fr. à titre d’indemnité pour tort moral (VIII), a dit que A.A._ est le débiteur de B.E._ et lui doit immédiat paiement du montant de 8'000 fr. à titre d’indemnité pour tort moral (X), a rejeté la requête de B.A._ en allocation des montants séquestrés (XI), a réglé le sort des séquestres et des confiscations (XII, XIII et XIV), a mis les frais, par 82’205 fr. 20, à la charge de A.A._, dont l’indemnité due à son défenseur d’office, Me Robert Ayrton, fixée à 32'617 fr. 50, TVA et débours compris (XV) et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité de son défenseur d’office ne sera exigé que si la situation financière du condamné le permet (XVI).
B.
Par annonce du 20 juillet 2015, puis par déclaration motivée du 12 août 2015, A.A._ a formé appel contre ce jugement en concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est libéré du chef d’accusation de tentative de meurtre, qu’il est condamné à une peine privative de liberté de 4 ans, sous déduction de la détention avant jugement, et à une peine de 45 jours-amende à 10 francs le jour-amende et à une amende de 500 fr., la peine privative de liberté de substitution étant de 5 jours, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 26 septembre 2012 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, qu’il est soumis à un traitement ambulatoire au sens de l’art. 63 al. 1 CP, que les indemnités allouées à B.A._ sont respectivement réduites à 11'192 fr. à titre de dommages-intérêts, à 12'500 fr. à titre de tort moral et à 13'000 fr. à titre d’indemnité pour frais de défense, qu’il est le débiteur de A.E._ du montant de 7'500 fr. à titre d’indemnité pour tort moral, qu’il est le débiteur de B.E._ du montant de
4'000 fr. à titre d’indemnité pour tort moral et que les frais de justice mis à sa charge sont réduits à dire de justice. A titre de mesure d’instruction, il a requis l’audition des experts psychiatres S._ et B._.
Par courrier du 12 août 2015, le Ministère public a retiré son annonce d’appel du 20 juillet 2015.
Par courrier du 21 août 2015, le Président de la cour de céans a pris acte du retrait de l’appel du Ministère public.
Par déclaration du 14 septembre 2015, le Ministère public a formé un appel joint, concluant au rejet de l’appel déposé par A.A._, ainsi qu’à la réforme du jugement en ce sens que A.A._ est condamné à une peine privative de liberté de 7 ans, sous déduction de la détention avant jugement, pour les infractions retenues par l’autorité de première instance, qu’une mesure d’internement est prononcée à l’encontre de A.A._ et que les frais d’appel sont mis à la charge du prévenu.
Le 29 octobre 2015, A.A._ a présenté une demande de non-entrée en matière sur l’appel joint formé par le Ministère public.
Par courrier du 17 novembre 2015, le Président de la cour de céans a informé A.A._ que la Cour d’appel pénale entrerait en matière sur l’appel joint du Ministère public.
Par lettre du même jour, le Président de la cour de céans a rejeté la réquisition d’audition des deux experts psychiatres, celle-ci ne répondant pas aux conditions de l’art. 389 CPP et ces auditions n’apparaissant pas pertinentes, une expertise et un rapport complémentaire figurant au dossier et les Drs S._ et B._ ayant déjà été entendus aux débats.
A l’audience du 14 décembre 2015, à laquelle A.E._ et B.E._ ont été dispensés de comparaître, A.A._ a retiré ses conclusions tendant à la réduction des indemnités allouées à B.A._, A.E._ et B.E._ arrêtées aux chiffres VII, IX et X du dispositif du jugement du 8 juillet 2015 du Tribunal criminel de l’arrondissement de l’Est vaudois. A.A._ a produit un bref rapport de suivi établi le 11 décembre 2015 par la Dresse [...] et le Dr [...], respectivement cheffe de clinique et chef de clinique adjoint auprès du Service médical des Etablissements de la Plaine de l’Orbe (EPO).
A l’audience d’appel, les parties plaignantes ont conclu au rejet de l’appel et à l’admission de l’appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
A.A._, né le [...] 1970 à [...] (Turquie), est originaire d’ [...]ZH. Selon ses déclarations, il est l’aîné d’une fratrie de trois enfants. Il a été élevé par ses parents en Turquie jusqu’à l’âge de 20 ans où il a suivi l’école et a obtenu un diplôme universitaire commercial. Arrivé en Suisse en 1991, il a suivi une formation dans une école hôtelière, puis il a travaillé dans ce domaine jusqu’en 1995, avant d’occuper différents postes dans le domaine bancaire. Il a été au chômage de l’automne 2009 à l’automne 2011, puis il a retrouvé du travail dans le secteur bancaire.
A.A._ a été marié une première fois de 1992 à 1997. A.A._ s’est ensuite marié avec B.A._ à [...].C.A._ est née le [...] 2006 de leur union. Ils ont emménagé à [...], route de [...], dans un appartement qu’ils ont acheté. Les relations du couple sont rapidement devenues houleuses et des violences conjugales sont apparues. Le divorce de A.A._ et B.A._ a été prononcé en juin 2013.
Pour les besoins de la présente cause, A.A._ a été placé en détention provisoire du 11 juin 2013 au 14 avril 2014. Il est en exécution anticipée de peine depuis le 15 avril 2014.
1.2
Son casier fait mention des condamnations suivantes :
- 6 décembre 2006, Untersuchungsrichteramt III Bern-Mittelland, LCR, amende de 1'600 fr. avec sursis durant 1 an, échec de la mise à l’épreuve ;
- 5 février 2010, Bezirksgericht Winterthur, LCR, 30 jours-amende à 50 fr. et amende de 200 fr. ;
- 26 septembre 2012, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, lésions corporelles simples qualifiées, contravention LStup, 45 jours-amende à 60 fr., avec sursis durant trois ans et amende de 300 francs.
1.3
Depuis son incarcération, A.A._ est suivi par le Service de médecine et psychiatrie pénitentiaires (SMPP). Dans un rapport établi le 6 juillet 2015 (P. 352), le Dr [...] a indiqué qu’il avait suivi A.A._ durant son séjour au [...], soit entre février et octobre 2014, que celui-ci avait pu s’apaiser et travailler ses problématiques psychiques et délictuelles, que ses déboires conjugaux et familiaux avaient été vécus comme une profonde blessure narcissique et qu’ils avaient alimenté un vécu persécutoire. Dans un rapport du 5 juin 2015 (P. 339), les Drs [...] et [...], respectivement chef de clinique et médecin associé auprès du Service médical des EPO, ont expliqué qu’ils suivaient A.A._ depuis octobre 2014 à raison d’un entretien bi-mensuel ou mensuel, que l’alliance thérapeutique était bonne, qu’il était généralement collaborant, qu’il pouvait aborder son parcours de vie, ses difficultés psychiques et sa problématique délictuelle, qu’il avait toutefois présenté à plusieurs reprises un comportement caractérisé par une intolérance à la frustration, une labilité émotionnelle et un discours dénigrant à tonalité persécutoire et que ces épisodes étaient la plus part du temps en lien avec des difficultés relationnelles avec d’autres détenus, l’impossibilité de voir sa fille, sa procédure judiciaire et un vécu d’injustice.
Dans un bref rapport de suivi établi le 11 décembre 2015 (P. 384), les Drs [...] et [...], médecins auprès du Service médical des EPO, ont attesté que A.A._ collaborait toujours avec leur service médical, qu’il bénéficiait d’entretiens psychiatriques réguliers auprès du Dr [...] et d’un traitement médicamenteux comprenant un neuroleptique et un antidépresseur, et que sa compliance était confirmée par des dosages sanguins.
2.
Les considérants qui suivent (2.1 à 2.14) portent sur les protagonistes et leurs relations, ainsi que sur les faits reprochés à A.A._, exceptés ceux des 10 et 11 juin 2013, et du 6 février 2014, lesquels seront mentionnés au considérant 3 ci-dessous.
2.1
Le 15 décembre 2010, A.A._ a blessé sa femme à la fesse droite au moyen d’un couteau. La lésion a nécessité la pose de quatre points de suture. Pour ces motifs, B.A._ a déposé plainte le 1
er
janvier 2011.
Par ordonnance pénale du 26 septembre 2012, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a condamné A.A._ pour lésions corporelles simples qualifiées et pour contravention à la LStup.
2.2
A.A._ voue une haine farouche à ses beaux-parents. Aux débats, il est apparu que cette haine remontait à la naissance de C.A._, qui a souffert de problèmes stomacaux. La famille de A.A._ a évoqué qu’un cousin de leur côté aurait souffert d’un problème médical similaire. A.A._ a affirmé que sa belle-mère l’avait alors accusé d’avoir transmis une tare génétique, ce qui était contesté par A.E._. Depuis ce jour, les contacts entre A.A._ et sa belle-famille ont été restreints au strict minimum. Dès la séparation du couple en 2011, A.E._ et B.E._ sont en revanche régulièrement venus en Suisse assister leur fille et leur petite-fille. Bien qu’il ne vivait plus au domicile conjugal, A.A._ n’a jamais accepté leur présence dans « son » appartement et dans « son » lit.
Contrairement à ce qu’a soutenu A.A._, C.A._, qui est retournée en Turquie avec sa maman, a gardé des contacts avec la famille de son père. Les relations entre les parents de A.A._ et les victimes, décrites comme bonnes, se sont poursuivies.
2.3
En février 2011, A.A._ et B.A._ se sont séparés. Leur séparation a fait l’objet de plusieurs décisions de mesures protectrices de l’union conjugale.
Par convention du 22 mars 2011, ratifiée par la Présidente du Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois pour valoir prononcé partiel de mesures protectrices de l’union conjugale, la garde de C.A._ a été confiée à sa mère B.A._.
Par convention du 24 novembre 2011, ratifiée par la Présidente du Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois pour valoir prononcé de mesures protectrices de l’union conjugale, le droit de visite de A.A._ a été fixé à un week-end sur deux, ainsi que pendant la moitié des vacances scolaires. A.A._ s’est en outre engagé à ne pas importuner son épouse et à ne pas se rendre à son appartement.
Par ordonnance de mesures superprovisionnelles du 5 décembre 2011, confirmée par prononcé du 14 mars 2012, la Présidente du Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois a interdit à A.A._, sous commination de la peine d’amende prévue par l’article 292 CP, de contacter sous quelque manière que ce soit son épouse, de se rendre à son appartement ou dans les environs de son immeuble.
Afin d’évaluer les compétences parentales de A.A._ et de B.A._, et de trancher les questions relatives à l’autorité parentale, au droit de garde et au droit de visite sur leur fille C.A._, une expertise pédopsychiatrique a été confiée au Dr [...], à [...]. Dans son rapport du 12 juillet 2012 (Dossier B, P. 21), cet expert a notamment relevé que A.A._ s’était montré extrêmement dénigrant envers toutes les personnes qui n’adhéraient pas à son point de vue, qu’il avait clairement montré des traits de personnalité paranoïaque, qu’il semblait vouer une hostilité farouche à la famille de son épouse et qu’il n’avait pas eu un comportement adéquat.
Par prononcé de mesures protectrices de l’union conjugale du
25 avril 2013, le droit de visite de A.A._ a été fixé à une fréquence de deux fois par mois, à l’intérieur des locaux du Point Rencontre.
Le droit de visite de A.A._ sur sa fille C.A._ a fini par être suspendu, le Point Rencontre ayant refusé de continuer à accueillir les visites en raison du comportement du prévenu. Malgré la suppression de ce droit de visite et l’interdiction de contact, B.A._ a toujours favorisé les rapports de C.A._ avec son père, acceptant que ceux-ci communiquent via « Skype ». Elle a toutefois posé comme condition à ces conversations que A.A._ se comporte correctement devant sa fille et a averti qu’en cas de débordement, elle couperait la conversation.
A la suite de la séparation de février 2011, A.A._ a vécu dans les sous-sols de l’immeuble sis à la route de [...], à [...], durant quatre mois selon ses dires, puis à [...] depuis juin 2011 et à [...]/SZ dès avril 2012, jusqu’à son arrestation.
A.A._ a par la suite ouvert action en divorce dans le canton de [...]. Le divorce des époux A.A._ et B.A._ a été prononcé en juin 2013.
2.4
A.A._
a déposé plusieurs plaintes à l’encontre des membres de sa belle-famille. Ses plaintes ont été dûment instruites et elles ont toutes abouti à des ordonnances de classement.
Le 15 janvier 2012, A.A._ a déposé plainte contre [...], sa tante par alliance, lui reprochant d’avoir, entre les 11 et 12 janvier 2012, giflé sa fille C.A._, la blessant à l’œil gauche avec sa bague.
Par courrier du 5 mars 2012, A.A._ a déposé plainte contre B.A._, lui reprochant d’avoir frappé sa fille le 11 janvier 2012.
Par un second courrier du 5 mars 2012, complété par lettre du
7 mars 2012, A.A._ a étendu sa plainte contre sa belle-mère A.E._, pour avoir, le 29 février 2012, blessé C.A._ à la hanche gauche avec un fer à repasser, lui causant une brûlure.
Le 19 juin 2012, A.A._ a déposé plainte contre A.E._ pour l’avoir, au cours d’une altercation survenue le 1
er
juin 2012 au domicile de son épouse, menacé avec un couteau, le coupant au doigt lorsqu’il aurait tenté de la retenir.
Le 12 septembre 2014, le Procureur de l’arrondissement de l’Est vaudois a ordonné le classement de la procédure pénale dirigée contre [...],A.E._ et B.A._. Par arrêt du 24 novembre 2014, définitif et exécutoire, la Chambre des recours pénale a rejeté le recours déposé par A.A._ et a confirmé l’ordonnance de classement.
2.5
Le 11 janvier 2012, à 8h10, à la route de [...] à [...],A.A._ est venu à l’appartement de son épouse alors même qu’il faisait l’objet d’une interdiction de la contacter de quelque manière que ce soit, de se rendre à son appartement ou dans les environs de son immeuble, sous commination de la peine d’amende prévue par l’article 292 CP, selon ordonnance de mesures superprovisionnelles de la Présidente du Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois notifiée le 5 décembre 2011 (Dossier C, P. 30/P. 4 et PV 3 p. 2). A cet endroit, après avoir été autorisé par B.A._ à embrasser sa fille, il en a profité pour forcer l’entrée en la portant, malgré les injonctions de son épouse. Il a alors reposé C.A._, puis a tenté d’embrasser B.A._, en la maintenant par la force, avant d’aller s’en prendre physiquement à sa tante par alliance, présente dans le logis.
Après que B.A._ a tenté de les séparer et qu’elle a donné un coup de poing à son époux, A.A._ lui a asséné un coup de poing dans les côtes et lui a déclaré :
« Je vais te tuer ! Pour ça, j’irai en prison et notre fille ira en famille d’accueil ! ».
A.A._ a ensuite saisi l’ordinateur portable de son épouse et a arraché les câbles. Alors que B.A._ tentait d’appeler la police, A.A._ lui a sauté dessus, l’a poussée et lui a arraché son téléphone portable des mains, brisant la fourre de protection de l’appareil. Il lui a saisi sa veste au niveau du col et l’a maintenue fermement en la traitant de « salope » et de « pute ». A.A._ a également frappé son épouse à deux reprises, par des coups de poing dans les côtes, du côté gauche. Après avoir consulté le répertoire du téléphone portable de son épouse et ses listes d’appels, il le lui a rendu. La police est ensuite arrivée.
Le 11 janvier 2012, B.A._ a déposé plainte.
2.6
Le 7 février 2012, devant l’école [...] sise à [...], alors même qu’il faisait l’objet d’une interdiction de contacter de quelque manière que ce soit son épouse, sous commination de la peine prévue par l’article 292 CP, selon ordonnance de mesures superprovisionnelles du 5 décembre 2011 de la Présidente du Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois (Dossier C, P. 30/P. 4 et PV 3 p. 2), A.A._ a attendu B.A._ qui accompagnait C.A._ à l’école. Alors que son épouse retournait à sa voiture, il l’a suivie et l’a interceptée pour l’empêcher d’avancer. Il l’a poussée, puis l’a brutalement saisie par le col de son manteau. Il a également enfoncé deux doigts dans sa bouche, la blessant au palais, et lui a tiré les cheveux. Lorsque B.A._ a pu finalement rejoindre son véhicule, le prévenu l’a encore frappée sur la tête au moment où elle s’y asseyait. Durant ces faits, A.A._ a traité son épouse de « pute » en anglais et a insulté sa famille.
Le 7 février 2012, B.A._ s’est présentée à la Clinique dentaire [...] où la Dresse [...] a constaté qu’elle présentait des blessures asymptomatiques au niveau du palais mou qui étaient en train de cicatriser (Dossier C,
P. 30/P. 5/2).
Le 10 février 2012, B.A._ a déposé plainte.
2.7
Le 1
er
juin 2012, vers 20h00, à la route de [...] à [...], alors que A.A._ était venu chercher sa fille et qu’il était reparti avec elle, celui-ci est revenu et est entré dans l’appartement de son épouse en passant par le jardin, alors même qu’il faisait l’objet d’une interdiction de s’y rendre ou de se rendre dans les environs de son immeuble, sous commination de la peine prévue par l’article 292 CP selon prononcé de mesures protectrices de l’union conjugale rendue le 14 mars 2012 par la Présidente du Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois. Une fois à l’intérieur, il a saisi sa belle-mère A.E._ d’une main au menton et de l’autre l’a menacée « de lui la mettre ». Il a également injurié sa belle-mère.
Le 4 juin 2012, A.E._ et B.A._ ont déposé plainte.
2.8.
Le 23 juillet 2012, à l’aéroport de [...], alors que B.A._ rentrait de Turquie avec sa fille C.A._, A.A._, qui était venu chercher sa fille en vue d’exercer son droit de visite, a dit devant cette dernière que sa mère avait dormi avec d’autres hommes pour de l’argent.
Le 23 juillet 2012, dans l’après-midi, à la route de [...] à [...], alors que son épouse était au travail et qu’une de ses amies se trouvait à son domicile, A.A._ a forcé le passage pour entrer dans l’appartement de B.A._, alors même qu’il faisait l’objet d’une interdiction de s’y rendre ou de se rendre dans les environs de son immeuble, sous commination de la peine prévue par l’article 292 CP selon prononcé de mesures protectrices de l’union conjugale rendue le 14 mars 2012 par la Présidente du Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois. A cet endroit, A.A._ a pris une photographie encadrée du neveu de B.A._ disposée à côté d’un portrait de C.A._ et l’a emportée, disant que cette image ne pouvait pas côtoyer celle de sa fille.
Le 20 août 2012, B.A._ a déposé plainte.
2.9
Le 20 août 2012, entre 20h30 et 21h00, à la route de [...] à [...], alors qu’il ramenait C.A._ au domicile de B.A._, A.A._ a voulu entamer une discussion avec son épouse, qui a refusé et lui a demandé de partir à plusieurs reprises. A.A._ a alors bloqué la porte de l’appartement avec son pied, puis il est entré dans le logis, alors même qu’il faisait l’objet d’une interdiction de contacter son épouse de quelque manière que ce soit, de se rendre à l’appartement de cette dernière ou dans les environs de son immeuble, selon prononcé de mesures protectrices de l’union conjugale rendue le 14 mars 2012 par la Présidente du Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois.
Dans l’appartement, A.A._ est devenu agressif et a dit à son épouse «
sale pute, tu vas crever comme ton frère et tu seras punie comme lui
», tout en lui tirant les cheveux et en la secouant par le bras et la tête. Il a également menacé B.A._ de la frapper avec un ustensile de cuisine.
Après être finalement parti, A.A._ a harcelé son épouse au téléphone, l’appelant une centaine de fois.
Le 21 août 2012, B.A._ a déposé plainte.
2.10
Le 29 avril 2013, dans la cour de récréation de l’école [...] sise à [...],A.A._ a traité B.A._ de « prostituée » devant sa fille et les personnes présentes.
Le 22 mai 2013, B.A._ a déposé plainte.
2.11
Entre octobre 2011 et juin 2013, alors même qu’il avait l’interdiction de la contacter sous quelque forme que ce soit, sous commination de la peine d’amende prévue par l’article 292 CP, selon décision du 14 mars 2012 de la Présidente du Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois, A.A._ a harcelé son épouse en lui envoyant un total de 3’808 messages (P. 174, P. 175 et P. 176).
Durant le mois de mai 2013, il a envoyé 542 messages à son épouse. Entre le 1
er
et le 11 juin 2013, il a envoyé 278 messages à son épouse.
Dans ses messages envoyés à B.A._ entre le 1
er
mai 2013 et le 11 juin 2013, A.A._ a injurié son épouse, notamment en la traitant de « pute ». Il a également tenu des propos insultants et menacé de mort à de nombreuses reprises son épouse et ses parents.
Dans certains messages, A.A._ a évoqué le coût du transfert d’un cercueil en Turquie, envoyé à son épouse et ses parents des photos de l’accident de voiture dans lequel le frère de son épouse et sa fille de trois ans avaient trouvé la mort en Turquie et menacé régulièrement de venir « prendre ce qui lui appartient » et sa fille.
Au mois de mai 2013, A.A._ a adressé certains de ces messages à son psychiatre, le Dr [...], tout en les envoyant en copie à B.A._. Dans ces messages, A.A._ a traité B.A._ de « bitch » (trad. : pute) et de « swindler » (trad. : escroc).
Entre octobre 2011 et juin 2013, A.A._ a également harcelé son épouse par des appels téléphoniques.
Les 10 février 2012, 21 août 2012 et 22 mai 2013, B.A._ a déposé plainte. Lors de son audition par la police du 18 juin 2013, B.A._ s’est constituée partie plaignante (PV aud. 12 p. 8).
3.
Les considérants qui suivent (3.1 à 3.7) retracent les événements reprochés à A.A._ qui se sont déroulés les 10 et 11 juin 2013, ainsi que le 6 février 2014.
3.1
Le 10 juin 2013, A.A._ et B.A._ ont comparu à une audience de conciliation tenue par le Tribunal de [...]/SZ dans le cadre de leur procédure en divorce. Les vues divergentes des parties ont rendu toute conciliation impossible. A.A._ en est ressorti très énervé selon ses dires. Avant l’audience de conciliation, A.A._ avait croisé fortuitement son épouse à la gare de [...]. Il avait alors constaté qu’elle était accompagnée de son père B.E._. Pour éviter tout esclandre, B.A._ a discuté brièvement avec A.A._, son père étant resté en retrait. D’entente, B.A._ et B.E._ ont alors décidé que ce dernier ne viendrait pas au tribunal, pour ne pas exciter davantage A.A._.
Au terme de l’audience, A.A._ est retourné à son domicile sis à [...] à [...]/SZ. Vers 20h00, il a appelé sa fille C.A._, alors âgée de 6 ans et demi, via « Skype ». Lors de cette conversation, B.E._, né le [...] 1952, beau-père de A.A._, est passé derrière C.A._, ce que A.A._ a pris pour une provocation et l’a fâché. B.A._ a donc mis un terme à la conversation. A.A._ a alors décidé de venir de [...] pour donner une leçon à sa femme et à ses beaux-parents, pour leur faire peur, ainsi que pour leur tirer dessus et les blesser (PV aud. 8 et PV aud. 16, lignes 137 à 141).
Le 10 juin 2013, en milieu de soirée, A.A._ a ainsi quitté son domicile de [...]/SZ avec deux pistolets de calibre 9mm, soit un GLOCK 26 et un SIG P 226 S, armes qu’il avait acquises, selon ses dires, en 2005 (PV aud. 16 p. 6 et P. 58). Il a également pris soin d’emporter des jouets pour sa fille et des factures acquittées pour B.A._. Il s’est rendu en train à [...], où il est arrivé le 11 juin 2013 vers 0h10. Depuis la gare de [...],A.A._ s’est rendu à pied au domicile de son épouse, route de [...], à [...], qu’il a atteint vers 01h00. Durant le trajet, il a consommé un joint de marijuana.
A.A._ a passé la nuit dans un local situé dans les sous-sols de l’immeuble de son épouse. Il a fumé deux petits joints et a munitionné ses deux pistolets à leur capacité maximum, soit 18 cartouches pour le SIG (1 dans la chambre à cartouches et 17 dans le magasin) et 11 cartouches pour le GLOCK (1 dans la chambre à cartouches et 10 dans le magasin) (rapport balistique, P. 78
p. 12). Durant la nuit, A.A._ a disposé des jouets, des bulletins de versements et des photos, le tout formant une sorte d’autel, dans le corridor situé à côté du garage et dans lequel se trouvait l’ascenseur privatif menant aux appartements. A.A._ a ensuite attendu le matin du 11 juin 2013 que son épouse et sa fille quittent l’appartement familial avec cet ascenseur pour se rendre à l’école.
A.A._ a expliqué aux débats qu’il s’était également rendu dans le jardin du domicile conjugal pour épier B.E._, sachant que ce dernier s’y rendait parfois la nuit pour fumer et que s’il l’avait vu à cet instant, il lui aurait tiré dessus.
3.2
Le 11 juin 2013, à 8h10, B.A._ est arrivée avec C.A._ en ascenseur. C.A._ en est sortie la première. La porte est demeurée ouverte et B.A._, qui était restée dans l’ascenseur, a dit à sa fille qu’elle avait oublié sa veste et qu’elle devait remonter la chercher.
Subitement, A.A._, alors en possession de ses deux pistolets ainsi que d’un magasin supplémentaire munitionné pour le GLOCK, a surgi du couloir et est entré dans l’ascenseur. A cet instant, il n’avait pas encore d’arme à la main. Il a notamment demandé à sa femme de monter et lui a tenu le bas du visage, à hauteur de la mâchoire, avec sa main gauche, en la serrant. B.A._ a refusé de monter avec son mari et celui-ci lui a demandé ce que ses parents faisaient là, dit qu’ils n’avaient rien à y faire, qu’il avait une arme et qu’elle était chargée. A.A._ a alors sorti son pistolet GLOCK et l’a montré à B.A._. Il l’a pointé en direction de son épouse, à une distance d’environ 20 centimètres de son front. A.A._ a renouveler sa demande et B.A._ lui a dit d’arrêter de la pointer avec une arme. A.A._ a voulu prendre les clés de l’appartement à son épouse en les arrachant, mais celle-ci a résisté. Durant ces faits, A.A._ avait régulièrement le doigt sur la détente de l’arme (reconstitution P. 80). A.A._ a alors délibérément tiré une balle dans la cuisse droite de son épouse avec le pistolet GLOCK. Aux dires de A.A._, le GLOCK est une arme plus sûre que le SIG dès lors qu’une sécurité sur la détente empêche un départ inopiné d’un coup de feu. Le poids moyen de la détente de cette arme est de 3 kilos (rapport balistique P. 78 p. 10).
Après avoir vu son père pointer son arme sur sa mère, puis tirer dans sa cuisse, C.A._ est partie en courant et est remontée à l’appartement en passant par le jardin (PV aud. 16 p. 5).
Après avoir tiré dans la cuisse de son épouse, A.A._ a tenté de monter dans l’appartement avec l’ascenseur, sans succès. Il a par conséquent quitté les lieux en direction du jardin, pour pénétrer dans l’appartement d’une autre manière.
3.3
Une fois son époux parti, B.A._ a pu, au moyen de l’ascenseur, remonter dans son appartement où se trouvaient ses parents A.E._ et B.E._. Elle leur a crié de se réfugier dans la salle de bains. Elle a ouvert la baie vitrée et a fait rentrer C.A._ qui se trouvait sur la terrasse, puis elle a refermé la baie vitrée derrière elle. Ensuite, B.A._, sa fille et ses parents se sont réfugiés dans la salle de bains attenante à la chambre à coucher. Ils ont fermé la porte de la chambre à coucher et celle de la salle de bains, mais ils n’ont pas pu les verrouiller car il n’y avait pas de clé dans les serrures.
A 8h23, alors qu’elle s’était réfugiée dans la salle de bains (PV aud. 12 p. 5 i.f.), B.A._ a appelé la police avec le téléphone fixe de l’appartement. L’appel a duré 46 secondes. A 8h28, B.A._ a rappelé la police une seconde fois ; son appel a duré 10 secondes (P. 173 pp. 7 à 9 et P. 178).
A.A._ est quant à lui passé par l’extérieur de l’immeuble afin de rejoindre l’appartement. A 8h23, il a tiré 4 coups de feu avec le pistolet SIG à travers la baie vitrée donnant sur la terrasse et l’a ensuite brisée à coups de pieds et de crosse de pistolet avant de pénétrer dans l’appartement de son épouse. Une fois à l’intérieur, A.A._ a fouillé l’appartement l’arme à la main et constaté que ses beaux-parents, son épouse et sa fille s’étaient réfugiés dans la salle de bains attenante à la chambre à coucher de son épouse. Il a entendu sa belle-mère dire « ne tire pas C.A._ est là ». A.A._ a tenté d’entrer dans la salle de bains en poussant la porte par épaulée et a pu passer sa tête et le haut de son corps entre le cadre de la porte et la salle de bains. Il n’a pas pu y pénétrer car son épouse et ses beaux-parents retenaient la porte. A.A._ a déclaré qu’il aurait fait feu à ce moment-là si sa fille n’avait pas été présente dans la salle de bains.
En colère, A.A._ est alors allé dans la chambre d’ami où il a brisé les téléphones portables qu’il voyait en les frappant avec la crosse de son SIG, ce qui a fait partir un coup inopinément. A.A._ s’est ensuite rendu dans le salon où il a fait feu sur la télévision avec le pistolet GLOCK, car la munition était, selon lui, moins puissante et que la balle ne risquait ainsi pas de traverser le mur et de blesser un voisin.
3.4
3.4.1
Après avoir fait feu contre la télévision, A.A._ est retourné vers la salle de bains et a défoncé la porte à coups de pied. La porte ne s’est qu’entrouverte car B.A._ et ses parents la retenaient. La porte de la salle de bains s’est toutefois descellée à la hauteur des gonds supérieurs et s’est ainsi retrouvée entrebâillée.
Durant les faits, B.A._ et ses parents criaient à A.A._ « ne tire pas C.A._ est dedans » (PV aud. 8 p. 8 R. 16). C.A._ l’a également supplié de ne pas tirer et de ne pas tuer quelqu’un. Quant à A.A._, il criait « ouvrez, ouvrez, je vais tous vous tuer » (PV aud. 7 pp. 4 et 5). A.E._ a crié « C.A._ est blessée », alors qu’elle savait que c’était inexact, son but étant de stopper A.A._.
Durant les faits, C.A._ a été mise le plus à l’abri possible, soit dans un coin entre les WC et la baignoire. A.A._ a pu cependant la voir passer devant son grand-père lorsqu’elle a été mise en « sécurité ».
A un moment, en passant sa main droite dans l’entrebâillement de la porte, et alors qu’il ne voyait pas sa fille C.A._ et ignorait où elle se trouvait à l’intérieur de la salle de bains, A.A._ a tiré avec le SIG sur sa belle-mère qui se trouvait dans la salle de bains, sur la droite, et l’a atteinte à l’abdomen.
En raison d’un dérangement avec le magasin du SIG, A.A._ s’est muni du GLOCK. Avec cette arme, et à défaut d’avoir l’occasion de lui tirer dans les jambes, il a fait feu contre la main droite de son beau-père B.E._ alors que ce dernier retenait la porte, l’atteignant à l’auriculaire droit. Aucune trace de coup de feu n’a été constatée sur la porte de la salle de bains (rapport balistique P. 78).
A.A._
s’est ensuite rendu au jardin et a déposé sur la table de la terrasse ses deux armes dont il avait préalablement enlevé les magasins qui ont également été déposés sur la table. Il a entendu les sirènes de police et a attendu les agents intervenants. Il leur a ouvert la porte de l’appartement et s’est rendu sans opposer de résistance (PV aud. 8 p. 6 et P. 10).
3.4.2
Lors du déroulement de ces faits, plusieurs personnes ont été blessées.
B.A._ a subi une plaie à bords irréguliers avec un manque de substance, une collerette noire ainsi qu’un tatouage de poudre à la face antérieure du tiers distal de la cuisse droite, une plaie à bords irréguliers parfaitement adaptables à la face postérieure du tiers distal de la cuisse droite et des dermabrasions superficielles au niveau de l’avant-bras droit. Les lésions à la cuisse sont dues au coup de pistolet reçu dans l’ascenseur. Quant aux dermabrasions, elles sont consécutives aux évènements du 11 juin 2013 (P. 44 p. 5).
A.E._ a subi une plaie à bords irréguliers avec un manque de substance et une collerette noire au niveau de l’hypocondre gauche, ainsi qu’une plaie à bords irréguliers parfaitement adaptables au niveau de la région lombo-sacrée médiane. Un caillot de sang dans le rein gauche et un hématome de la gouttière paracolique gauche ont été constatés. Un système de drainage intra-urétéral gauche, ainsi qu’une sonde urinaire à demeure, ont été mis en place (P. 45 p. 5). Ces lésions ont été causées par le coup de pistolet qu’elle a reçu alors qu’elle se trouvait dans la salle de bains.
B.E._ a subi une plaie à bords irréguliers et ecchymotiques avec des incrustations noirâtres, de forme étoilée à la face interne de la phalange proximale du 5
ème
doigt droit, due au coup de pistolet reçu alors qu’il se trouvait dans la salle bains et qu’il retenait la porte. Il a également subi des dermabrasions à la face postérieure des jambes (P. 46 p. 3).
3.5
Le 11 juin 2013, lors de la perquisition de son local au sous-sol à [...], route de [...], un lot de munitions de divers calibres a été retrouvé. Il appartenait à A.A._ qui le possédait sans droit. Ultérieurement, un appareil à électrochocs appartenant à A.A._ a été découvert au même endroit.
Le 11 juin 2013, un pistolet « Desert Eagle » calibre 44 mag, ainsi qu’un lot de munitions de divers calibres, ont été retrouvés au domicile de A.A._ à [...]/SZ, [...].A.A._ aurait acquis cette arme en 2007.
Les armes de A.A._ ont été saisies le 15 août 2013 (P. 58). D’autres armes avaient déjà été saisies à A.A._ à la suite des violences domestiques ayant fait l’objet de la condamnation du 15 décembre 2012 et leur restitution lui avait été refusée.
3.6
Entre août et décembre 2012, A.A._ a consommé de la marijuana à raison de quelques joints par semaine, jusqu’à 3 à 4 joints par jour. Entre janvier 2013 et le 10 juin 2013, il a consommé entre 3 et 10 joints de marijuana par jour.
Dans la nuit du 11 juin 2013, A.A._ a consommé un joint de cette drogue entre 0h10 et 1h00, entre [...] et [...], et deux petits joints dans le local sis dans les sous-sols de l’immeuble de la route de [...], à [...]. Le 11 juin 2013, lors de la perquisition au domicile de A.A._ sis à [...]/SZ, un sachet minigrip contenant 6 grammes de marijuana a été découvert.
3.7
Le 6 février 2014, vers 18h35-18h40, dans sa cellule n° 6311 de la prison de [...], après avoir reçu une ordonnance du 31 janvier 2014 séquestrant 18'000 fr. lui appartenant, A.A._ a entassé derrière la porte de sa cellule, sur une chaise en plastique, divers objets provenant de l’équipement de celle-ci et de ses effets personnels pour y bouter le feu au moyen de son briquet.
Un incendie s’est ainsi déclaré, endommageant entièrement la cellule du prévenu et entraînant un important dégagement de fumée, lequel a mis en danger la vie des agents de détention qui sont intervenus pour éteindre les flammes. A.A._ a été sauvé par les gardiens et a été acheminé au CHUV pour un contrôle.
4.
En cours d’enquête, A.A._ a été soumis à une expertise psychiatrique confiée aux Drs S._ et B._, respectivement médecin adjoint et médecin assistant auprès de la [...], qui ont déposé leur rapport d’expertise le 23 octobre 2013 (P. 85), ainsi qu’un rapport complémentaire le 9 octobre 2014 (P. 263).
Dans leur rapport du 23 octobre 2013, les experts ont posé le diagnostic de trouble mixte de la personnalité (trait émotionnellement labile type impulsif et traits paranoïaques) et d’épisode dépressif moyen sans syndrome somatique.
Il résulte ce qui suit de la partie « discussion » de leur rapport :
«Nous rencontrons l’expertisé dans le contexte d’une enquête pénale suite à une tentative d’assassinat sur son ex-épouse, son ex beau-père et son ex belle- mère. On constate chez M. A.A._ une importante fragilité identitaire, qu’il contient par un sentiment d’omnipotence, le conduisant à manipuler la réalité à sa guise. On perçoit ainsi une tendance à distordre la relation à l’autre, ceci dans le but de combler une incomplétude narcissique. Il en résulte une forme de relation d’emprise sur l’autre, lui permettant de ne pas s’effondrer. C’est lorsqu’il est confronté à des idées, des jugements différents des siens qu’une béance s’ouvre, effaçant ses capacités contenantes et laissant apparaître un vécu persécutoire angoissant. Les agirs se font jour sous la forme, durant les entretiens, d’une agressivité verbale accompagnée d’agitation psychomotrice, menaçant son interlocuteur.
M. A.A._ présente une hypersensibilité aux jugements et actes d’autrui qu’il surinterprète. Ces mécanismes de pensée distordus propres à la paranoïa s’engouffrent dans sa béance narcissique et il pense « ils me rendent fou », en évoquant en l’occurrence ses ex beaux-parents et son ex-épouse. C’est là que le temps pour lui se fige, glacé par la haine obscurcissant ses capacités à penser. lI n’y a donc plus que l’agir, dans une logique du « moi ou lui ». Dans ce sens, on ne peut pas évoquer la préméditation, mais bien au contraire une améditation, le temps ne s’écoulant plus pour l‘expertisé. Néanmoins, il peut encore, dans ce moment, penser, déclarant qu’il avait peu avant les faits, conscience du caractère illicite de ce qu’il s’apprêtait à faire, qu’il en connaissait les conséquences pour lui, mais qu’il fallait que ses sentiments de profonde négation de son être par ses ex beaux-parents surtout, cessent, sinon il en allait de l’effondrement complet de sa personne. Il déclare qu’il n’avait pas l’intention de les tuer, mais de leur donner une leçon. On relève là encore l’emprise massive qu’il doit avoir sur l’autre pour survivre. Notons que ce n’est pas le degré de gravité qui nous intéresse là, mais les conditions qui conduisent au point de bascule.
Dans ce moment où l’agir prédomine sur ses capacités à penser, biaisé par l’angoisse persécutive, on doit aussi relever l’empreinte culturelle de l’expertisé. En effet, il explique qu’en Turquie, il serait courant qu’un homme, pour laver son honneur, tire dans la jambe de son ennemi. Il semble conscient qu’un tel comportement est interdit en Suisse, mais ses racines culturelles ont probablement un peu influencé ses actes. De plus, on constate, de façon discrète et atypique, que l‘expertisé est déprimé, cela contribuant à l’affaiblissement de ses capacités contenantes. La symptomatologie dépressive est rendue peu visible en raison des traits de personnalité de M. A.A._ et des défenses qui en découlent (toute puissance et tendance mégalomaniaque), il est néanmoins triste et présente par moment une baisse de l’élan vital et un certain degré d’anhédonie.
En ce qui concerne sa consommation de THC, il la décrit comme une automédication. Le fait qu’il parvienne aisément, sans syndrome de sevrage, à s’en passer, nous permet de ne pas évoquer un syndrome de dépendance à ces substances.
Au vu de ce qui précède, de l’entretien téléphonique du 2 septembre 2013 avec son psychiatre traitant, le Dr [...], qui évoque des traits paranoïaques et bordeline chez un homme présentant un épisode dépressif et qui bénéficie d’un espace thérapeutique avec médication antidépressive et antipsychotique ayant permis de diminuer l’impulsivité, de la lecture du rapport d’expertise du Dr [...] (12 juillet 2012 dans le contexte de mesures protectrices de l’union conjugale), nous posons les diagnostics de trouble mixte de la personnalité (traits de personnalité émotionnellement labile type impulsif et traits paranoïaques) et d’épisode dépressif moyen sans syndrome somatique.
De ces diagnostics découlent des failles dans les capacités se penser et de jugement de l‘expertisé qui présente ainsi un degré de responsabilité moyennement diminuée. En ce qui concerne le risque de récidive, l‘expertisé, au vu de sa personnalité éminemment fragile est susceptible de commettre le même type d’infraction mais ciblée sur l’heure, sur les mêmes personnes. Il déclare d’ailleurs qu’il recommencerait s’il le fallait, puis atténue la teneur de ses propos en expliquant qu’il n’utiliserait pas d’arme, mais ses poings. Soulignons ici l’inquiétante fascination qu’il a pour les armes à feu.
Dans ce contexte, nous estimons que M. A.A._ doit pouvoir bénéficier d’un traitement psychiatrique et psychothérapeutique intégré et ceci également au sein de l’Etablissement Pénitentiaire où il se trouve. Cette mesure permettrait à minima de diminuer l’impulsivité de l’expertisé et sur le long terme, de favoriser un assouplissement de ses traits de personnalité et de l’aider à avoir un rapport à l’autre et au monde plus adéquat.»
Les experts ont exposé en substance que le trouble de la personnalité, qui induisait des angoisses persécutives avec en toile de fond une extrême fragilité identitaire, pouvait être considéré comme grave, qu’avec une accumulation de facteurs de fragilisation, A.A._ arrivait à un point de bascule où l’agir prenait le dessus sur la mentalisation, que ce trouble mental était présent au moment des faits, que A.A._ présentait une responsabilité moyennement diminuée, divers facteurs ayant joué un rôle cumulatif, que son divorce récemment prononcé, la présence de ses ex beaux-parents et la conversation trop courte avec sa fille sur « Skype » avaient contribué, vu sa fragilité identitaire et sa tendance à la persécution, à brouiller ses capacités de penser, que l’agir avait été son seul recours pour préserver son intégrité narcissique par l’emprise sur l’autre, vécu comme persécuteur et que rien d’autre, à ce moment, ne se présentait comme solution à sa survie psychique. Les experts ont également observé que le risque de récidive était présent, à tout le moins dans le contexte familial, que A.A._ pouvait avoir un regard critique sur ses actes grâce à la contenance que lui permettaient les murs de la prison où les stimulations étaient moindres, qu’il devrait bénéficier d’un traitement psychiatrique et psychothérapeutique intégré lui permettant de diminuer son impulsivité et de mieux asseoir, sur un plus long terme, un sentiment d’identité fragile, qu’un traitement ambulatoire sous la forme d’une prise en charge psychiatrique et psychothérapeutique intégré permettrait de limiter le risque de récidive, que A.A._ avait lui-même initié un tel traitement avant les faits avec le Dr [...], qu’il serait idéal qu’il poursuive le traitement en cours associé à un suivi de groupe focalisé sur la violence et l’impulsivité, que A.A._ était disposé à se soumettre à un tel traitement et que celui-ci ne serait pas entravé par l’exécution d’une peine privative de liberté.
A la suite de l’incendie intentionnel perpétré par A.A._ dans sa cellule et de son comportement lors de la reconstitution des faits, les experts ont été invités à compléter leur rapport. Dans leur rapport complémentaire du 9 octobre 2014 (P. 263), les Drs S._ et B._ ont maintenu l’essentiel de leurs conclusions, s’agissant notamment de la diminution de responsabilité et de la nécessité d’un traitement ambulatoire, tout en admettant que le risque de récidive était élevé.
Il résulte ce qui suit de la partie « discussion » du complément d’expertise :
«Ce complément d’expertise fait suite au comportement inadéquat de l’expertisé lors de la reconstitution des faits du 3 septembre 2013 et de l’incendie qu’il a intentionnellement provoqué dans sa cellule le 6 février 2014. On constate que l’expertisé présente toujours un vécu persécutoire important, une tendance à distordre la relation à l’autre avec un sentiment d’omnipotence manifeste lui permettant de lutter contre un effondrement psychique menaçant. La tendance à l’agir est bien présente, court-circuitant une capacité à penser mise à mal par le vécu persécutoire et la surinterprétativité qu’offre cet expertisé. Celui-ci est projectif et se positionne en victime. Il est peu gêné et blessé par sa situation actuelle qu’il attribue plus à l’autre qu’à lui-même qui est menaçant, soit par son trop de présence, comme le Procureur dont les décisions sont interprétées par l’expertisé plus comme des attaques contre sa personne, qu’une réponse aux actes délictueux qu’il a commis, soit par son absence, à l’image de son premier avocat qui dans les faits a accompli son travail, mais n’a pas pu répondre à ses attentes omnipotentes.
Il présente une forte tendance à agir avec impulsivité, sans considération pour les conséquences possibles de ses actes, incapable de considérer que ceux-ci jouent sa défaveur, persuadé d’être dans son bon droit, malgré que ses revendications en sont décalées par rapport à sa situation réelle. Il présente également une tendance à surévaluer sa propre importance. Notons également le caractère soupçonneux et la tendance envahissante à déformer les événements en interprétant des actions impartiales comme hostiles ou méprisantes. On relève également une instabilité émotionnelle et des accès de violence ou des comportements menaçants lorsqu’il est confronté à des avis divergents des siens.
Ces éléments nous conduisent à poser un diagnostic identique à celui posé dans le rapport d’expertise du 23 octobre 2013, à savoir un trouble mixte de la personnalité (émotionnellement labile de type impulsif et paranoïaque). Nos dernières observations montrent un état clinique plus grave que ce que nous avions perçu lors de l’expertise d’octobre 2013, essentiellement au niveau des idées délirantes de persécution. En ce qui concerne le diagnostic d’épisode dépressif moyen sans syndrome somatique, celui-ci est actuellement moins visible et donc en voie d’amélioration, l’expertisé décrivant une thymie améliorée. Il ne présente plus de tendance à l’anhédonie, pas d’idée de dévalorisation, pas de baisse de l’élan vital et formule des projets pour l’avenir. Notons tout de même que la symptomatologie dépressive est rendue atypique par les traits de personnalité de l’expertisé.
Considérant que l’expertisé présente des troubles de la pensée sous la forme d’idées de persécution et qu’il procède par raisonnement inductif plus que déductif (interprétativité exacerbée), le persuadant qu’il est intimement attaqué et menacé par l’altérité, il en en découle le fait qu’il se détermine sur la base de prémices fausses. De plus, sa capacité à apprécier le caractère illicite de son acte est discrètement altérée, estimant être dans son droit, eu égard à sa forte tendance à l’omnipotence. De plus, l’expertisé déclare n’avoir pas eu conscience de la dangerosité de son acte, s’étant rendu compte une fois que le feu avait pris, qu’il mettait sa vie en danger, ce qu’il n’avait pas prévu. Il n’a par contre pas pris conscience qu’il pouvait mettre la vie d’autrui en danger, ce qui est à mettre en relation avec sa faible capacité à considérer l’autre.
Nous estimons donc que l‘expertisé présente une responsabilité restreinte et ceci dans une mesure moyenne. C’est la faculté d’entrevoir le caractère illicite de son acte et surtout de se déterminer qui est jugée comme étant moyennement restreinte et ceci en raison même du grave trouble de personnalité que présente l’expertisé. En effet, ce dernier agit en se déterminant par rapport à son besoin interne d’échapper à une annihilation de son être, identitairement fragile et exposé à la destruction par l’altérité qui est vécue comme éminemment menaçante lorsqu’elle s’oppose à ses besoins et à ses désirs. Son comportement est alors dicté par des exigences internes de survie psychique à tel point qu’il se comporte de façon contraire à ses intérêts dans la réalité commune et concrète. Force est de constater qu’il agit totalement à l’encontre de ses intérêts concrets et met en péril notamment la possibilité de voir sa fille et d’espérer voir son incarcération plus limitée dans le temps.
Au vu des faits du 6 février 2014 et des déclarations et comportements de l’expertisé le 3 septembre 2013, nous devons apporter des compléments aux réponses données dans le rapport d’expertise du 23 octobre 2013.
Concernant la responsabilité au moment des faits du 11 juin 2013, nous maintenons nos conclusions quant à une responsabilité au moins moyennement restreinte. Nos constations démontrent que cet expertisé ne parvient pas à se déterminer par rapport à ses agirs qu’il sait, en partie, illicites, ceci en raison d’idées de persécutions très prégnantes. Ce vécu persécutoire est également rendu patent par les nombreux courriers qu’il nous a adressés, dans lesquels il exprime son désaccord sur le fait que nous considérons qu’il est gravement atteint dans son fonctionnement de personnalité. Il ne peut strictement pas entendre que cela pourrait aller dans le sens d’un allégement de sa peine. S’agissant du risque de récidive, nous maintenons que l‘expertisé est susceptible de commettre de nouvelles infractions. Force est de constater que l’environnement carcéral n’a pas permis de circonscrire un nouveau passage à l’acte. Nous apportons donc un complément à notre réponse du 23 octobre 2013. Les traits de personnalité de l’expertisé sont clairement à mettre en lien avec le risque de récidive. Nous ajoutons à notre réponse le fait que ce dernier présente un certain charme superficiel, tente de se faire apprécier par son interlocuteur et peut donner l’impression d’avoir de bonnes connaissances et capacités cognitives, Il est de plus assez sûr de lui et se positionne plus comme victime que comme acteur de ce qui lui arrive. Ajoutons que l’expertisé exprime des regrets mais que son attitude ne les reflète pas. II présente de plus une faible capacité à percevoir la gravité des faits qui lui sont reprochés et montre un manque d’empathie et peu de considération pour le bien-être d’autrui, ne percevant notamment pas l’impact que ses actes ont pu avoir sur sa fille. Relevons également sa difficulté à maîtriser ses comportements, même si vont à l’encontre de son propre intérêt (conflit entre réalité interne et réalité plus concrète liée à sa situation actuelle). Cela dénote sa faible capacité à tolérer la frustration. Le risque de récidive est donc élevé, de façon plus manifeste que ce que nous avions estimé dans notre premier rapport.
Pour ce qui est de la question d’un traitement ambulatoire versus institutionnel, nous modifions notre réponse comme suit. L’expertisé présente une faible conscience morbide, mais semble se rendre compte que le suivi mis en place depuis son incarcération au [...] permet de diminuer ses tensions internes et son irritabilité. Nous constatons en effet qu’il est moins sthénique que lors de la précédente expertise et son psychiatre, le Dr [...], constate également une évolution favorable au niveau du degré d’irritabilité. Néanmoins, le vécu persécutoire demeure très prégnant ainsi que la tendance à l’interprétativité. Les confrontations à ses actes sont toujours projetées sur l’extérieur et l’expertisé peine à y prendre une part active.
De plus, comme le relevait le Dr [...], son psychiatre traitant avant les événements de juin 2013, l‘expertisé a montré une mauvaise compliance au traitement médicamenteux, ayant eu tendance à cesser toute médication lorsqu’il se sentait mieux. Nous estimons qu’un passage d’une vie carcérale à un environnement directement ouvert serait actuellement un facteur de stress majeur pour cet expertisé, pouvant conduire à de nouveaux agirs. Pour l’heure, son accès aux soins paraît limité, en raison même du trouble de personnalité et de la très faible conscience morbide qu’il offre.
Enfin, nous répondons ainsi aux remarques de Me [...] qui met en avant le fait d’antécédents de violences à l’encontre de l’ex-épouse et que les actes de juin 2013 étaient réfléchis depuis longtemps. L’expertisé n’a pas agi de façon totalement impulsive, mais sa capacité de jugement et de détermination se fonde pour nous sur des prémices empreintes d’un vécu persécutoire et d’une menace pour son intégrité psychique. Le fait mis en avant que c’est l’expertisé lui-même qui a mis en action la procédure de divorce représente une tentative infructueuse de mise à distance de l’autre et de son trop de présence. Cela n’a fait qu’accentuer un vécu persécutoire, l’ex-épouse en prenant acte et défendant légitimement ses intérêts dans cette procédure de divorce. Cette demande de divorce répond, à l’image des autres passages à l’acte, à une logique interne de survie psychique sous-tendue par un vécu persécutoire. La réalité de l’altérité répondant à ses agirs renvoie un sentiment de persécution d’autant plus intense auquel l‘expertisé répond par une violence allant crescendo. On peut évoquer un phénomène de cercle vicieux, qui ne répond pas aux exigences de la réalité commune. S’agissant du degré d’intelligence de l’expertisé, ce dernier présente en effet une intelligence, à minima, dans les normes. Celle-ci est dominée et parasitée par la fragilité identitaire de l’expertisé et du vécu persécutoire qui menacent son intégrité psychique. Il est en effet nécessaire que l’intelligence et les capacités cognitives soient maintenues pour que la responsabilité soit jugée comme complète mais cela n’est pas suffisant. Dans la situation qui nous occupe, nous devons prendre en considération les éléments moins rationnels faits d’affects et d’angoisses de persécution conduisant l’expertisé à utiliser cette intelligence de façon tout à fait contre-productive, s’agissant de sa réalité externe et de ses intérêts concrets. S’agissant de sa logique interne de survie, il en va malheureusement autrement. Nous aboutissons à un paradoxe propre au processus inconscients dit primaires, dont l‘expertisé n’a justement pas conscience. Ceci est la base des répétitions sous la forme des passages à l’acte dont nous sommes les témoins.
Nous en arrivons alors au type de traitement dont devrait bénéficier l‘expertisé après son incarcération. Tout d’abord, nous relevons, avec son psychiatre traitant en prison, que l‘expertisé est moins sthénique et irritable depuis la mise en place d’un suivi psychiatrique et psychothérapeutique intégré. Cela irait dans le sens d’une possible prise en charge ambulatoire. L’expertisé, comme cela a déjà été signifié plus haut, offre une faible conscience morbide, s’irritant lorsqu’on lui signifie que son fonctionnement de personnalité est gravement perturbé (on en revient à la menace vécue d’une atteinte à son intégrité psychique). Cela conduit, et le Dr [...] le confirmait, à un risque de mauvaise compliance au traitement. Ainsi, en l’état actuel, le traitement en milieu carcéral pourrait apporter une amélioration de la conscience morbide et donc de la compliance. Notons également que l’expertisé a pour l’heure assez peu accès aux bénéfices que pourraient lui apporter des soins psychiques et un traitement institutionnel, à notre sens, n’apporterait pas plus d’améliorations qu’un traitement ambulatoire. »
Les experts ont enfin relevé que le grave trouble de la personnalité diagnostiqué chez A.A._ était plus intense au niveau des idées de persécution que lorsqu’ils l’avaient observé lors de l’expertise, que cela l’amenait à des comportements dangereux, qu’il avait une certaine conscience de l’illicéité de son acte du 6 février 2014, que c’était sa faculté de se déterminer par rapport à son appréciation qui était surtout restreinte en raison de son trouble de la personnalité, qu’il agissait en se déterminant par rapport à son besoin interne d’échapper à une annihilation de son être, identitairement fragile, qu’il se montrait incapable de se déterminer par rapport à ses intérêts dans la réalité concrète, sans prise en considération des intérêts vitaux de l’altérité et qu’il présentait, au moment des faits du 11 juin 2013, une responsabilité moyennement restreinte. Les experts ont enfin indiqué que le risque de récidive important s’étendait au-delà de la seule cellule familiale, que le trouble de personnalité présenté par A.A._ compliquait son accès aux soins et que des modifications en profondeur de sa personnalité et de ses comportements, qui n’étaient pas exclues, nécessiteraient un long suivi régulier, avec un contrôle serré de sa compliance médicamenteuse.
Entendus aux débats, les experts ont clairement indiqué que le risque de récidive était élevé, que seul un traitement psychothérapeutique au long court pourrait réduire le risque de récidive et qu’au vu de la dangerosité de A.A._, il serait préférable qu’il suive un traitement en milieu fermé, dans un cadre contenant et sécurisé. Le Dr S._ a notamment expliqué, s’agissant des faits du 11 juin 2013, qu’il y avait une part de réactivité, mais qu’il y avait une part d’organisation et du désir de faire du mal, que le prévenu s’était comporté normalement dans le train et que sa volonté ne s’était pas effacée durant le trajet. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0]) par une partie ayant la qualité pour recourir (art. 382 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du prévenu A.A._ est recevable. Il en va de même de l'appel joint du Ministère public.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozess-ordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2
e
éd. Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant conteste sa condamnation pour tentative de meurtre, niant toute intention homicide. Tout en se prévalant des propos tenus aux débats par l’expert S._, il explique en bref qu’il n’a jamais voulu tuer, mais uniquement faire peur et blesser, qu’il était rompu au maniement des armes, qu’en temps normal, il devait pouvoir se rendre compte qu’un coup de feu était toujours potentiellement mortel, mais que le temps s’était arrêté pour lui, que la réalité ne s’était imposée à lui qu’après qu’il ait tiré sur sa belle-mère et sur la main de son beau-père, que sa faculté d’apprécier le risque qu’il faisait courir à sa famille par ses actes devait être fortement altérée au moment des faits et qu’il ne pouvait pas réellement se rendre compte du danger mortel qu’il faisait encourir à son épouse et à sa belle-famille au moment des faits.
3.1
Pour que l’infraction de meurtre au sens de l’art. 111 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; RS 311.0) soit réalisée, il faut que l’auteur ait eu l’intention de causer par son comportement la mort d’autrui, le dol éventuel étant toutefois suffisant (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd., Berne 2010, n. 17 ad art. 111 CP). Selon l’art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté.
Selon la jurisprudence, il y a tentative lorsque l’auteur a réalisé tous les éléments subjectifs de l’infraction et manifesté sa décision de la commettre, alors que les éléments objectifs font, en tout ou en partie, défaut (ATF 137 IV 113 consid. 1.4.2; 131 IV 100 consid. 7.2.1). Il y a donc tentative de meurtre, lorsque l'auteur, agissant intentionnellement, au moins par dol éventuel, commence l'exécution de cette infraction, manifestant ainsi sa décision de la commettre, sans que le résultat ne se produise.
La tentative suppose toujours un comportement intentionnel, le dol éventuel étant toutefois suffisant. Il y a dol éventuel lorsque l’auteur tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas où celle-ci se produirait, même s’il ne le souhaite pas (art. 12 al. 2 CP; ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3; 135 IV 152 consid. 2.3.2). Il faut donc qu’il existe un risque qu’un dommage puisse résulter de l’infraction, mais encore que l’auteur sache que ce danger existe et qu’il s’accommode de ce résultat, même s’il préfère l’éviter (cf. 6B_246/2012 du 10 juillet 2012 consid. 1.1 ; 6B_275/2011 du 7 juin 2011 consid. 5.1; 6B_741/2010 du 9 novembre 2010 consid. 2.1.1).
Parmi les éléments extérieurs retenus en tant que révélateurs du contenu de la conscience et de la volonté permettant de conclure que l’auteur s’est accommodé du résultat dommageable pour le cas où il se produirait figurent notamment la probabilité (connue par l’auteur) de la réalisation du risque et l’importance de la violation du devoir de prudence. Plus celles-ci sont grandes, plus sera fondée la conclusion que l’auteur, malgré d’éventuelles dénégations, avait accepté l’éventualité de la réalisation du résultat dommageable (ATF 125 IV 242 consid. 3c in fine). Peuvent également constituer des éléments extérieurs révélateurs, les mobiles de l’auteur et la manière dont il a agi (ATF 135 IV 12 consid. 2.3.3; 125 IV 242 consid. 3c in fine ; 6B_246/2012 du 10 juillet 2012 consid.1.1).
Comme on l'a relevé ci-avant, la nature de la lésion subie par la victime et sa qualification d’un point de vue objectif est sans pertinence pour juger si le recourant s’est rendu coupable de tentative de meurtre. Il n’est ainsi pas même nécessaire que la victime soit blessée pour qu’une tentative de meurtre soit retenue dans la mesure où la condition subjective de l’infraction est remplie (TF 6B_246/2012 du 10 juillet 2012 consid. 1.3).
3.2
En l’espèce, il résulte du déroulement des faits tel qu’exposé ci-dessus que l’appelant a quitté son domicile situé en Suisse allemande pour se rendre au domicile de son ex-épouse à [...] avec deux pistolets, qu’il a munitionnés le lendemain matin après avoir passé la nuit dans les sous-sols de l’immeuble de son ex-épouse. Avant de faire feu dans la salle de bains, le prévenu a dit aux plaignants qu’il allait tous les tuer. Il a alors tiré à deux reprises dans l’entrebâillement de la porte de la salle de bains, malgré les supplications de ses victimes, sans connaître la position exacte des personnes qui s’y trouvaient, alors que sa fille C.A._ était également dans la pièce. Lorsqu’une de ses armes s’est enrayée, il a pris la seconde pour faire feu sur son ex beau-père. Aux débats, A.A._ a reconnu que n’importe quel coup de feu tiré en direction d’un groupe de personnes confiné dans un espace restreint dont on a qu’une vision restreinte pouvait tuer.
Les experts ont souligné la fascination du prévenu pour les armes. Il est établi que A.A._ était rompu au maniement des armes, de sorte qu’il pouvait pleinement apprécier – et peut-être plus que quiconque – le risque létal d’une arme qui fait feu. On notera d’ailleurs que lorsqu’il a tiré sur le poste de télévision, il a pris soin, selon ses dires, de le faire avec le pistolet le moins performant en sa possession pour ne pas mettre en danger le voisin.
La manière dont A.A._ a agi est également révélatrice de son intention. En effet, comme l’a expliqué le Dr S._ aux débats, le prévenu a eu tout le temps de la réflexion durant le trajet en train qu’il a effectué entre son domicile et celui de son ex-épouse tout en étant muni de deux pistolets chargés et sa volonté de faire du mal ne s’est pas effacée durant le trajet. L’absence de réflexion est donc liée à la prise de décision et non à l’exécution de celle-ci. L’appelant s’écarte donc des conclusions claires des experts en tentant, en vain, d’étendre cette absence de réflexion à la phase de l’exécution proprement dite. Il apparaît dès lors que le prévenu n’a pas agi dans la précipitation sans pouvoir entrevoir les conséquences de son acte. La probabilité de la survenance de la mort d’une personne qui se trouvait dans la salle de bains était particulièrement élevée, ce dont A.A._ était parfaitement conscient. Preuve en est la peur qu’il a eue de blesser le voisin de son ex-épouse lorsqu’il a tiré dans le téléviseur. Il reconnaît ainsi qu’il se rendait compte des risques liés à l’usage d’une arme à feu.
Dans ces circonstances, la cour de céans considère, à l’instar des premiers juges, que le prévenu était conscient que les deux coups de feu tirés à l’aveugle dans la salle de bains étaient susceptibles de causer la mort des personnes qui s’y trouvaient et qu’il s’était accommodé du résultat possible, soit la mort d’une personne qui se trouvait dans la salle de bains, cela même s’il ne la souhaitait pas. Au vu de l’ensemble de ces éléments, la condamnation de A.A._ pour tentative de meurtre par dol éventuel doit être confirmée.
4.
L’appelant conteste la quotité de la peine qu’il juge trop sévère, faisant valoir que le chef d’accusation de meurtre n’a pas été retenu et que, au vu de sa responsabilité diminuée, une peine privative de liberté de 4 ans serait adéquate.
Le Ministère public conclut quant à lui, à ce que l’appelant soit condamné à une peine privative de liberté de 7 ans.
4.1.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_335/2012 du 13 août 2012 consid. 1.1 et les références citées).
Si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (art. 49 al. 1 CP).
4.1.2
Aux termes de l’art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.
Le Tribunal fédéral a jugé que la réduction purement mathématique d'une peine hypothétique, comme le permettait l'ancienne jurisprudence, était contraire au système, qu'elle restreignait de manière inadmissible le pouvoir d'appréciation du juge et conduisait à accorder un poids trop important à la diminution de la capacité cognitive ou volitive telle qu'elle a été constatée par l'expert (ATF 136 IV 55, JdT 2010 IV 127). Pour fixer la peine en cas de diminution de la responsabilité pénale, le juge doit partir de la gravité objective de l'acte (objektive Tatschwere), et apprécier la faute subjective (subjektives Tatverschulden). Il doit mentionner, dans le jugement, les éléments qui augmentent ou diminuent la faute dans le cas concret et qui permettent d'apprécier la faute en relation avec l'acte. Le législateur mentionne plusieurs critères qui jouent un rôle important pour apprécier la faute et peuvent même conduire à diminuer celle-ci de telle manière qu'il convient de prononcer une peine inférieure au cadre légal ordinaire de la peine. Parmi ceux-ci, figure notamment la diminution de la responsabilité au sens de l'art. 19 CP. Dans ce cas, contrairement à la lettre de la disposition et en modification de la jurisprudence antérieure (ATF 134 IV 132 consid. 6.1), il s'agit de diminuer la faute et non la peine; la réduction de la peine n'est que la conséquence de la faute plus légère (ATF 136 IV 55 précité consid. 5.5).
Le juge dispose également d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’il détermine l’effet de la diminution de la responsabilité sur la faute (subjective) au vu de l’ensemble des circonstances. II peut appliquer l’échelle habituelle : une faute (objective) très grave peut être réduite à une faute grave en raison d’une diminution légère de la responsabilité. La réduction pour une telle faute (objective) très grave peut conduire à retenir une faute moyenne à grave en cas d’une diminution moyenne et à une faute légère à moyenne en cas de diminution grave. Sur la base de cette appréciation, le juge doit prononcer la peine en tenant compte des autres critères de fixation de la peine. Un tel procédé permet de tenir compte de la diminution de la responsabilité, sans lui attribuer une signification trop vaste (ATF 136 IV 55, JdT 2010 IV 127 consid. 5.6).
En présence d’une diminution de responsabilité pénale, le juge doit ainsi procéder comme il suit. Dans un premier temps, il doit décider, sur la base des constatations de fait de l’expertise, dans quelle mesure la responsabilité pénale de l’auteur doit être restreinte sur le plan juridique et comment cette diminution de la responsabilité se répercute sur l’appréciation de la faute. La faute globale doit être qualifiée et, au regard de l’art. 50 CP, le juge doit expressément mentionner le degré de gravité à prendre en compte. Dans un second temps, il lui incombe de déterminer la peine hypothétique, qui correspond à cette faute. La peine ainsi fixée peut ensuite être, le cas échéant, modifiée en raison, notamment, de facteurs liés à l’auteur (ATF 136 IV 55, JdT 2010 IV 127 consid. 5.7).
4.2
S’agissant de la fixation de la peine, la cour de céans jouit d’un libre pouvoir d’appréciation, de sorte qu’elle n’est pas liée par la motivation des premiers juges dont le calcul donne l’impression qu’une réduction linéaire de la peine s’est opérée en fonction de la diminution de la responsabilité pénale du prévenu.
Comme les premiers juges, la cour de céans qualifie la culpabilité de A.A._ d’extrêmement lourde. Il y a lieu de tenir compte, à charge du prévenu, des infractions multiples commises qui sont en concours. En effet, A.A._ a été reconnu coupable de tentative de meurtre, infraction passible d’une peine privative de liberté de cinq ans au moins. Il a également été reconnu coupable de lésions corporelles simples qualifiées, de menaces et de menaces qualifiées, infractions passibles d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Il est encore condamné pour voies de fait qualifiées, dommages à la propriété, injure, utilisation abusive d’une installation de télécommunication, menaces, menaces qualifiées, tentative de contrainte, violation de domicile, incendie intentionnel, insoumission à une décision de l’autorité, contravention à la LStup et
infraction à l’art. 33 la. 1 let. a LArm. Il convient également de tenir compte du fait que les infractions reprochées ont été commises alors que le prévenu était au bénéfice d’un sursis ensuite d’une condamnation pour lésions corporelles simples qualifiées et contravention à la LStup, se rendant ainsi coupable de récidive pour ces infractions.
Les actes commis par le prévenu sont objectivement très graves. A.A._ n’a pas hésité à s’en prendre aux biens juridiques les plus précieux de notre ordre juridique, à savoir la vie et l’intégrité corporelle. Aux dires des experts (P. 85 et P. 263), le prévenu présentait, au moment des faits du 11 juin 2013, une responsabilité moyennement diminuée. Dans la mesure où le prévenu n’a pas poursuivi son intention homicide jusqu’à son terme, la faute commise doit être considérée comme moyennement grave. Or son mobile relève de la haine farouche qu’il voue à son ex-épouse et à ses beaux-parents depuis la naissance de sa fille en 2006, ainsi qu’à une volonté vengeresse. Les relations entre A.A._ et son épouse sont devenues houleuses et empruntes de violence rapidement après leur mariage. Le prévenu a été condamné une première fois pour lésions corporelles simples qualifiées à l’égard de son épouse par ordonnance pénale du 26 septembre 2012. Les faits reprochés, qui se sont déroulés sur plusieurs années, sont montés en puissance jusqu’au 11 juin 2013. C’est par chance que l’issue n’a pas été fatale pour ses victimes. De plus, le prévenu a fait preuve de détermination puisqu’il a commencé par menacer son ex-épouse dans l’ascenseur, avant de s’introduire dans l’appartement de cette dernière et de s’en prendre à elle, à sa fille et à ses beaux-parents qui s’étaient réfugiés dans la salle de bains. Le prévenu a partiellement reconnu les faits tout en minimisant ses actes, se retranchant sans cesse derrière les troubles psychiques diagnostiqués par les experts et en se plaçant en victime. Il n’a exprimé aucun regret à ses victimes, allant jusqu’à avoir un comportement méprisant à leur égard tout au long de l’instruction et lors des débats. Enfin, il y a lieu de tenir compte de son mauvais comportement en détention. A décharge, il est tenu compte de la situation personnelle de A.A._ et des bons renseignements donnés sur lui par des témoins.
Partant, au vu des éléments à charge et à décharge qui viennent d’être exposés, l’appréciation des premiers juges ne prête pas le flanc à la critique. Ainsi, en tenant compte d’une diminution moyenne de sa responsabilité et de l’ensemble des éléments à charge, la faute de A.A._ doit être qualifiée de lourde et une peine privative de liberté de six ans apparaît adéquate. La peine de sept ans requise par le Ministère public paraît quant à elle trop sévère, de sorte que ce moyen, mal fondé, doit être rejeté.
5.
L’appelant conteste la mesure thérapeutique prononcée. Il demande à pouvoir bénéficier d’un traitement ambulatoire au sens de l’art. 63 CP, au lieu d’un traitement institutionnel en milieu fermé prévu par l’art. 59 al. 3 CP. Il fait valoir que les experts psychiatriques ont initialement préconisé un traitement ambulatoire, que ceux-ci ont préconisé un traitement en milieu fermé après l’incendie survenu dans sa cellule et que son évolution thérapeutique est encourageante.
Le Ministère public requiert, quant à lui, l’internement de l’appelant en application de l’art. 64 al. 1 CP, relevant que le prévenu souffre d’un grave trouble de la personnalité, que le risque de récidive est important et qu’il s’étend au-delà de la seule cellule familiale.
5.1
Selon l'art. 56 al. 1 CP, une mesure doit être ordonnée si une peine seule ne peut écarter le danger que l'auteur commette d'autres infractions (let. a), si l'auteur a besoin d'un traitement ou que la sécurité publique l'exige (let. b) et si les conditions prévues aux art. 59 à 61, 63 ou 64 CP sont remplies (let. c). La mesure prononcée doit respecter le principe de la proportionnalité, c'est-à-dire que l'atteinte aux droits de la personnalité qui en résulte pour l'auteur ne doit pas être disproportionnée au regard de la vraisemblance qu'il commette de nouvelles infractions et de leur gravité (art. 56 al. 2 CP).
En vertu de l’art. 56 al. 5 CP, le juge n'ordonne une mesure que si un établissement approprié est à disposition. Cette disposition vie à éviter
que le juge n'ordonne une mesure sans s'assurer au préalable de l'existence d'une institution susceptible de l'exécuter. Cette information doit être fournie par l'expert dans son rapport, ainsi que par les autorités d'exécution cantonale. Il incombe à ces dernières, et non pas au juge, de désigner l'institution appropriée (
Message du Conseil fédéral concernant la modification du code pénal suisse,
FF 1999
pp. 1787 ss, spéc.
1879 ; Dupuis et alii, Petit Commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 22 ad art. 56 CP ; ATF 130 IV 49).
Pour ordonner une des mesures prévues aux art. 59 à 61, 63 et 64 CP, le juge doit se fonder sur une expertise. Celle-ci doit se déterminer sur la nécessité et les chances de succès d'un traitement, la vraisemblance que l'auteur commette d'autres infractions et la nature de celles-ci, et sur les possibilités de faire exécuter la mesure (art. 56 al. 3 CP).
Selon la jurisprudence, le juge apprécie en principe librement une expertise et n'est pas lié par les conclusions de l'expert. Toutefois, il ne peut s'en écarter que lorsque des circonstances ou des indices importants et bien établis en ébranlent sérieusement la crédibilité; il est alors tenu de motiver sa décision de ne pas suivre le rapport d'expertise (ATF 133 II 384 consid. 4.2.3 ; 129 I 49 consid. 4). Inversement, si les conclusions d'une expertise judiciaire apparaissent douteuses sur des points essentiels, le juge doit recueillir des preuves complémentaires pour tenter de dissiper ses doutes. A défaut, en se fondant sur une expertise non concluante, il pourrait commettre une appréciation arbitraire des preuves et violer l'art. 9 Cst. (ATF 136 II 539 consid. 3.2).
5.1.1
Lorsque l'auteur souffre d'un grave trouble mental, le juge peut ordonner un traitement thérapeutique institutionnel selon l'art. 59 CP, lorsque l'auteur a commis un crime ou un délit en relation avec ce trouble (let. a) et qu'il est à prévoir que cette mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce trouble (let. b). Le prononcé d'un traitement thérapeutique institutionnel est ainsi subordonné à deux conditions, à savoir l'existence d'un grave trouble mental en relation avec l'infraction commise et l'adéquation de la mesure.
L'art. 59 al. 1 let. b CP précise cette seconde condition en ce sens qu'il faut qu'il soit à prévoir que cette mesure détournera l'auteur de nouvelles infractions. Contrairement au traitement psychiatrique ordonné dans le cadre d'une mesure d'internement (art. 64 al. 4 in fine CP), la mesure thérapeutique au sens de
l'art. 59 CP vise avant tout « un impact thérapeutique dynamique », et donc avec une amélioration du pronostic légal, et non la « simple administration statique et conservatoire » des soins (ATF 137 IV 201 consid. 1.3 ; ATF 134 IV 315 consid. 3.6). Il doit être suffisamment vraisemblable que le traitement entraînera, dans les cinq ans de sa durée normale, une réduction nette du risque que l'intéressé commette de nouvelles infractions. La seule possibilité vague d'une diminution du danger ne suffit pas (ATF 134 IV 315 consid. 3.4 et 4 ; TF 6B_784/2010 du 2 décembre 2010 consid. 2.1). Pour que la mesure puisse atteindre son but, il faut que l'auteur contribue un minimum au traitement. Il ne faut toutefois pas poser des exigences trop élevées à la disposition minimale de l'intéressé à coopérer à la mesure (cf. ATF 123 IV 113 consid. 4c/dd concernant le placement en maison d'éducation au travail selon l'art. 100bis a CP ; Heer, in : Niggli/ Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Strafrecht I, Art. 1-110 StGB, 3
e
éd., Bâle 2013, n. 78 ad art. 59 CP). Il suffit que l'intéressé puisse être motivé (TF 6B_784/2010 du 2 décembre 2010 consid. 2.2.3).
Conformément à l'art. 59 al. 2 CP, le traitement institutionnel s'effectue en règle générale dans un établissement psychiatrique approprié ou dans un établissement d'exécution des mesures. L'art. 59 al. 3 CP prévoit toutefois que le traitement doit être exécuté dans un établissement fermé, tant qu'il existe un risque de fuite ou de récidive. Il peut aussi être effectué dans un établissement pénitentiaire au sens de l'art. 76 al. 2 CP – soit dans un établissement fermé ou dans la section fermée d'un établissement ouvert –, si le traitement thérapeutique nécessaire est assuré par du personnel qualifié (art. 59 al. 3, 2
e
phrase, CP).
Pour qu'un risque de fuite au sens de cette disposition soit avéré, il faut que l'intéressé ait la ferme et durable intention de s'évader, en ayant recours à la force si nécessaire, et qu'il dispose des facultés intellectuelles, physiques et psychiques nécessaires pour pouvoir établir un plan et le mener à bien. Le fait que l'intéressé puisse tenter de s'enfuir sur un coup de tête et sans aucune préparation préalable ne suffit pas. Il est clair que le risque de fuite devra être lié à la peur que le condamné puisse représenter une menace envers les tiers une fois en liberté (TF 6B_372/2012 du 27 septembre 2012 consid. 2.3 et arrêts cités).
Le risque de récidive visé par l'art. 59 al. 3 CP doit quant à lui être concret et hautement probable, c'est-à-dire résulter de l'appréciation d'une série de circonstances. Au regard du principe de la proportionnalité, le placement dans un établissement fermé ne peut être ordonné, respectivement maintenu, que lorsque le comportement ou l'état du condamné représente une grave mise en danger pour la sécurité et l'ordre dans l'établissement. Ce sera par exemple le cas d'un condamné qui profère des menaces bien précises ou qui combat sciemment l'ordre de l'établissement. En revanche, l'art. 59 al. 3 CP ne devrait pas s'appliquer à de simples difficultés de comportement ou à l'insoumission vis-à-vis des employés de l'établissement (cf. TF 6B_372/2012 du 27 septembre 2012 consid. 2.3 et arrêts cités).
L'art. 59 al. 4 CP prévoit que la mesure thérapeutique institutionnelle ne peut, en règle générale, excéder cinq ans. Cependant, si les conditions d'une libération conditionnelle ne sont pas réunies après cinq ans et qu'il est à prévoir que le maintien de la mesure détournera l'auteur de nouveaux crimes ou de nouveaux délits en relation avec son trouble mental, le juge peut ordonner la prolongation de la mesure de cinq ans au plus à chaque fois. La mesure peut être reconduite aussi souvent
et aussi longtemps que son maintien s'avère nécessaire, approprié et proportionnel (ATF 137 IV 201 consid. 1.4 ; 135 IV 139 consid. 2.1). Dans ce cadre, elle ne connaît pas de limite maximale. Cette prolongation est indiquée lors de traitement selon l'art. 59 al. 3 CP. Cette possibilité existe parce que les mesures thérapeutiques appliquées à des malades mentaux chroniques n'agissent souvent que très lentement (ATF 137 IV 201 consid. 1.4 ; 134 IV 315 consid. 3.4.1).
5.1.2
D'après l'art. 63 al. 1 CP, lorsque l'auteur souffre d'un grave trouble mental, est toxico-dépendant ou qu'il souffre d'une autre addiction, le juge peut ordonner un traitement ambulatoire au lieu d'un traitement institutionnel, si l'auteur a commis un acte punissable en relation avec son état (let. a) et s'il est à prévoir que cette mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec son état (let. b).
5.1.3
L'internement fondé sur l'art. 64 CP suppose que l'auteur ait commis l'une des infractions énumérées à l'al. 1 de cette disposition, à savoir un assassinat, un meurtre, une lésion corporelle grave, un viol, un brigandage, une prise d'otage, un incendie, une mise en danger de la vie d'autrui, ou une autre infraction passible d'une peine privative de liberté de cinq ans au moins et qu'il ait par-là porté ou voulu porter gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui. Cette condition d'atteinte grave portée ou voulue à l'encontre de la victime vaut autant pour les infractions citées dans le catalogue que celles visées par la clause générale de l'art. 64 al. 1 CP (arrêt 6B_313/2010 du 1
er
octobre 2010 consid. 3.2.1).
Il faut en outre que l'une des conditions alternatives posées à l'art. 64 al. 1 CP soit réalisée, à savoir que, en raison des caractéristiques de la personnalité de l'auteur, des circonstances dans lesquelles il a commis l'infraction et de son vécu, il soit sérieusement à craindre qu'il ne commette d'autres infractions du même genre (let. a) ou que, en raison d'un grave trouble mental chronique ou récurrent en relation avec l'infraction, il soit sérieusement à craindre que l'auteur ne commette d'autres infractions du même genre et que la mesure prévue à l'art. 59 CP - à savoir une mesure thérapeutique institutionnelle - apparaisse vouée à l'échec (let. b).
Par rapport aux autres mesures, l'internement n'intervient qu'en cas de danger "qualifié". Il suppose un risque de récidive hautement vraisemblable. Pratiquement, le juge devra admettre un tel risque s'il ne peut guère s'imaginer que l'auteur ne commette pas de nouvelles infractions du même genre. Une supposition, une vague probabilité, une possibilité de récidive ou un danger latent ne suffisent pas (ATF 137 IV 59 consid. 6.3). Le risque de récidive doit concerner des infractions du même genre que celles qui exposent le condamné à l'internement. En d'autres termes, le juge devra tenir compte, dans l'émission de son pronostic, uniquement du risque de commission d'infractions graves contre l'intégrité psychique, physique ou sexuelle (ATF 137 IV 59 consid. 6.3; 135 IV 49 consid. 1.1.2.1).
En présence d’un trouble psychiatrique, l’internement fondé sur l’art. 64 al. 1 let. b CP constitue, conformément au principe de proportionnalité, une mesure subsidiaire par rapport à une mesure institutionnelle au sens de l’art. 59 CP. En tant qu’ultima ratio, en raison de la gravité de l’atteinte à la liberté personnelle qu’il représente (ATF 134 IV 121 consid. 3.4.4, JdT 2010 IV 3), l’internement n’entre pas en considération tant que la mesure institutionnelle apparaît utile. Il s’ensuit que, pour les auteurs dangereux souffrant d’un grave trouble mental, il y a lieu d’examiner au préalable si une mesure institutionnelle au sens de l’art. 59 CP, exécutée au besoin dans le cadre offrant une sécurité accrue prévu par l’art. 59 al. 3 CP, apparaît susceptible de les détourner de commettre de nouvelles infractions en rapport avec le trouble. Ce n’est ainsi que lorsqu’une mesure institutionnelle apparaît dénuée de chances de succès que l’internement peut être prononcé, s’il est nécessaire. Cette démarche doit permettre d’éviter qu’un auteur soit déclaré a priori « incurable » et interné dans un établissement d’exécution des peines (ATF 134 IV 315 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 134 IV 121 consid. 3.4.2).
5.2
En l’espèce, il ressort de l’expertise psychiatrique du 23 octobre 2013 (P. 85) et du rapport complémentaire du 9 octobre 2014 (P. 263) établis par les Drs
S._
et B._ que A.A._ souffre d’un grave trouble mixte de la personnalité induisant des angoisses persécutives intenses associées à une extrême fragilité identitaire, ainsi que d’épisode dépressif moyen sans syndrome somatique. Il en découle des failles dans ses capacités de penser et de jugement. Il est donc indéniable que le prévenu souffre d’un grave trouble mental, lequel était déjà présent au moment des faits. Le prononcé d’une mesure pour traiter les troubles mentaux dont souffre le prévenu est donc justifié, ce que A.A._ ne conteste d'ailleurs pas, puisqu'il conclut à la poursuite d’un traitement ambulatoire au sens de l’art. 63 CP.
Dans leur rapport, les experts ont relevé que A.A._ avait une forte tendance à agir avec impulsivité, sans considération pour les conséquences possibles de ses actes, qu’il présentait des troubles de la pensée sous la forme d’idées de persécution, qu’en raison de son grave trouble de la personnalité, il agissait en se déterminant par rapport à son besoin interne d’échapper à une annihilation de son être, identitairement fragile, et qu’il procédait par raisonnement inductif plus que déductif, se persuadant qu’il était intimement attaqué et menacé. Au vu de la personnalité éminemment fragile du prévenu, les experts ont estimé qu’il était susceptible de commettre le même type d’infraction, ciblée sur les mêmes personnes.
Selon les experts, le prévenu présente une faible conscience morbide, mais il semble se rendre compte que le suivi mis en place depuis son incarcération au [...] permet de diminuer ses tensions internes et son irritabilité.
A défaut de traitement, le risque que l'appelant commette de nouvelles infractions est considéré comme élevé, voire très élevé, par les experts, son accès aux soins paraissant limité en raison même de ses troubles.
Les médecins ne préconisent nullement un traitement ambulatoire tel que sollicité par l’appelant. Les experts considèrent en effet qu’un traitement en milieu carcéral pourrait apporter une amélioration de la conscience morbide, et donc de la compliance du prévenu. Si, dans leur rapport d’expertise et leur complément, les experts allaient plutôt dans le sens d’une possible prise en charge ambulatoire, ils ont clairement indiqué, lors des débats, que, au vu de la dangerosité du prévenu, seul un traitement psychothérapeutique au long court prodigué en milieu fermé, dans un cadre contenant et sécurisé, pourrait réduire le risque de récidive.
Au demeurant, comme l’a démontré l’attitude du prévenu à l’égard de son ex-épouse et de sa famille lors des débats, les problèmes qu’il rencontre avec eux sont loin d’être réglés. On notera qu’au moment des faits, le prévenu était déjà suivi par un psychiatre, le Dr [...], et que le traitement dont il bénéficiait, assimilable à celui dont il souhaiterait pouvoir bénéficier en lieu et place du traitement institutionnel ordonné par les premiers juges, n’a pas empêché la gradation de la violence du prévenu, lequel est allé jusqu’à commettre les actes du 11 juin 2013. Il ressort en outre du rapport d’expertise complémentaire qu’avant les événements de juin 2013, A.A._ a montré une mauvaise compliance au traitement médicamenteux et qu’il avait tendance à cesser toute médication dès qu’il se sentait mieux. Au reste, son accès aux soins paraît limité en raison de son trouble de la personnalité et de la très faible conscience morbide qu’il offre, et seul un long suivi régulier du prévenu pourrait apporter des modifications en profondeur de sa personnalité et de ses comportements.
Au vu de ces éléments, un traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP serait totalement vain et illusoire. Seul un traitement thérapeutique institutionnel est envisageable et propre à prévenir la commission de nouvelles infractions au sens de l’art. 59 al. 3 CP.
La cour de céans peut certes donner acte au Ministère public que le pronostic concernant le prévenu est très sombre. Cela étant, la cour s’écarterait des constatations des experts en retenant que le prévenu est « a priori » incurable, les experts ayant clairement affirmé qu’un traitement psychothérapeutique au long cours avait des chances de diminuer le risque de récidive, qui est essentiellement – sinon exclusivement – familial. On peut en outre penser que le conflit familial majeur s’apaisera, ne serait-ce que par l’écoulement du temps et l’éloignement, et par le fait que C.A._ acquerra son indépendance. Partant, dans la mesure où une mesure institutionnelle au sens de l’art. 59 CP apparaît susceptible de détourner A.A._ de commettre de nouvelles infractions en rapport avec ses troubles, le principe de subsidiarité commande d’ordonner un traitement institutionnel et non un internement, celui-ci pouvant, au reste, être ordonné ultérieurement si l’évolution du prévenu devait l’exiger. L’appel joint du Ministère public doit par conséquent également être rejeté sur ce point.
6.
L’appelant requiert une réduction des frais de justice de première instance mis à sa charge (art. 425 CPP). Il invoque qu’il devra honorer les sommes allouées aux plaignants à titre de dédommagement.
6.1.1
Conformément à l’art. 426 al. 1 CPP, il y a lieu de mettre les frais à la charge du prévenu condamné. L’art. 425 CPP dispose que l’autorité pénale peut accorder un sursis pour le paiement des frais de procédure, et qu’elle peut réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la personne astreinte à les payer.
La jurisprudence de la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal est restrictive concernant l’application de l’art. 425 CPP (cf. CAPE 26 janvier 2012/47, CAPE 30 mai 2012/146, CAPE 2 août 2012/196, CAPE 17 août 2012/206). Cette dernière impose que la situation générale de la personne (personnelle, familiale et procédurale) soit obérée de façon sérieuse.
6.1.2
S’il appartient à l’autorité d’exécution de fixer les modalités de paiement des frais sur demande de la personne astreinte à s’en acquitter (par exemple en fixant des acomptes mensuels en fonction des revenus du débiteur), la décision de réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la partie concernée appartient en premier lieu à l’autorité de jugement en vertu de l’art. 425 CPP (Chapuis, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 1 ad art. 425 CPP; Domeisen, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2
e
éd. Bâle 2014, n. 2 ad art. 425 CPP).
Le CPP impose au juge de se poser la question de l’incidence de la mise à la charge du condamné des frais sur sa réinsertion sociale et également du rôle des frais par rapport à la peine, ceux-ci ne devant pas être perçus comme une peine déguisée (Domeisen, op. cit., n. 3 ad art. 425 CPP; Schmid, Handbuch des Schweizerischen Strafprozessrechts, Zurich 2009, n. 1781 p. 815). Lorsque les frais liés à une affaire sont élevés ou paraissent disproportionnés, l’autorité de jugement a un large pouvoir d’appréciation pour juger en équité s’il convient d’appliquer l’art. 425 CPP (Chapuis, op. cit., n. 1 ad art. 425 CPP). Pour fixer le montant des émoluments ainsi que des débours, l’autorité peut prendre en compte la situation financière de la personne astreinte à les payer (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 Il 1057 ss, spéc. 1310). Cette disposition ne limite toutefois pas les possibilités de réduction ou de remise astreinte au paiement. C’est la situation de la personne en général (personnelle, familiale, comme procédurale) qui peut être à l’origine d’une telle décision de l’autorité de jugement (Chapuis, op. cit., n. 3 ad art. 425 CPP). Ce n’est notamment pas aux proches de subir les conséquences de la condamnation.
6.2
La question de la réduction des frais de première instance aurait pu se poser si les autres moyens de l’appelant étaient admis, en particulier si l’exécution de la peine privative de liberté était suspendue au profit d’un traitement ambulatoire comme l’autorise l’art. 63 al. 2 CP. Or en l’espèce, la cour de céans peine à voir en quoi le paiement des frais de justice pourrait avoir une incidence sur la réinsertion sociale de l’appelant, qui est astreint à une mesure institutionnelle d’une durée minimale de cinq ans, renouvelable.
Partant, il n’y a pas lieu de réduire les frais de première instance qui, conformément aux règles de l’art. 426 CPP, doivent être mis à la charge du prévenu. Mal fondé, ce moyen doit donc être rejeté.
7.
En définitive, l’appel interjeté par A.A._ et l’appel joint du Ministère public doivent être rejetés et le jugement entrepris intégralement confirmé.
Le défenseur d’office de l’appelant a déposé une liste d’opérations (P. 385) faisant état d’une activité de 30,7 heures, sans compter l’audience d’appel, et de 928 fr. 80 de débours. Le temps allégué apparaît largement excessif compte tenu des caractéristiques du dossier et des difficultés de la cause en fait et en droit. Au stade de la procédure d'appel, le défenseur d'office désigné au cours de l’instruction (cf. ordonnance de remplacement du défenseur d’office du 9 janvier 2014), soit plus d’un an et demi avant l’audience de jugement, a déjà acquis une parfaite connaissance du dossier. Dans ces circonstances, on ne saurait intégralement indemniser les six conférences d’une heure avec l’appelant, ainsi que l’entier du temps consacré à l’étude du dossier en vue de la rédaction de la déclaration d’appel et de l’audience d’appel. Les débours allégués, qui comprennent sept vacations aux EPO à 120 fr. chacune, sont également excessifs, de sorte qu’il y a lieu de retenir un forfait de 50 fr. pour les débours et deux vacations pour les entretiens avec l’appelant. Au vu de ce qui précède, il convient de retenir un total de 18 heures pour l’activité déployée et d’arrêter le montant de l’indemnité de défenseur d’office allouée à Me Robert Ayrton à 3'942 fr., TVA et débours inclus (3'240 fr. + 360 fr. [ 3 vacations] + 50 fr. [débours] + 292 fr. [TVA]). Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat la moitié du montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, par 9'592 fr., constitués de l’émolument du présent jugement, par 5’650 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), et de l’indemnité de défenseur d’office allouée à Me Robert Ayrton, par 3'942 fr., doivent être mis par moitié à la charge de A.A._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
Dans la mesure où les plaignants, assistés d’un conseil de choix, se sont bornés à conclure au rejet de l’appel et à l’admission du recours joint sans prendre de conclusion tendant à l’allocation de dépens, et qu’ils ne les ont par conséquent pas chiffrés, aucune indemnité ne leur sera allouée. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5ad1cdb0-9c1a-45c1-b024-cf07f1224c8b | En fait :
A.
Par jugement du 17 mai 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que G._ s’est rendu coupable de violation grave des règles de la circulation routière (I), a condamné G._ à une peine privative de liberté de six mois (II), a mis les frais de justice par 3'465 fr. à la charge de G._ et a dit que les frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office, Me Alain Vuithier, par 2'400 fr., dite indemnité devant être remboursée à l’Etat par le condamné dès que sa situation financière le permettra (III).
B.
Le 17 mai 2013, G._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel motivée du 24 juin 2013, complétée par courrier du
19 juillet 2013, il a conclu à sa modification en ce sens qu’il est libéré du chef d’accusation de violation grave des règles de la circulation, qu’il est constaté qu’il s’est rendu coupable de violation simple des règles de la circulation, qu’il est condamné à une amende et que seule une partie des frais est mis à sa charge. G._ a en outre sollicité une inspection locale à la Place [...], ainsi qu’à l’Avenue de [...].
Le 16 août 2013, le Président de la Cour de céans a informé les parties qu’il ne serait pas ordonné d’inspection locale, les preuves administrées en première instance étant suffisantes pour le traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP).
Par courrier du 30 août 2013, le Ministère public a indiqué qu’il se référait entièrement aux considérants du jugement attaqué et qu’il concluait au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
G._ est né le 30 octobre 1985 à Leskovac en Serbie, pays dont il est ressortissant. Il est célibataire et n’a aucune charge de famille. Le prévenu a été condamné à plusieurs reprises, la première fois par le Tribunal des mineurs. Après sa libération conditionnelle intervenue le 23 août 2011, le prévenu a entrepris un apprentissage de poseur de sols. Il n’a pas pu mener à terme cette formation en raison de la faillite de la société qui l’avait engagé. Actuellement, il est entretenu par ses parents. Il travaille occasionnellement pour son père dans son domaine de formation. Il ne perçoit pas véritablement de salaire, contribuant ainsi aux charges familiales liées à son entretien. G._ estime ses dettes à 30'000 francs.
Son casier judiciaire suisse comporte les inscriptions suivantes :
- 08.05.2006 : Cour de cassation pénale de Lausanne, lésions corporelles simples, emprisonnement de 45 jours, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 4 ans, remplace le jugement du 20.01.2006 du Tribunal de police de la Côte ;
- 21.05.2007 : Cour de cassation pénale de Lausanne, lésions corporelles simples, brigandage, brigandage (actes de contrainte), extorsion et chantage, extorsion et chantage (exercé des violences), violation des règles de la circulation routière, violation grave des règles de la circulation routière, conducteurs se trouvant dans l’incapacité de conduire (véhicule automobile, taux alcoolémie qualifié), conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait (véhicule automobile), infractions à la LF sur la circulation routière, délit contre la LF sur les armes, menaces (délit manqué), circonstances atténuantes, concours d’infractions, peine privative de liberté de 7 ans et 3 mois, détention préventive de 47 jours, peine complémentaire au jugement du 08.05.2006 de la Cour de cassation pénale de Lausanne, remplace le jugement du 16.10.2006 du Tribunal correctionnel de la Côte.
- 23.08.2011 : Office des juges d’application des peines, libération conditionnelle, délai d’épreuve jusqu’au 02.03.2014.
2.
A [...], à l’Avenue [...] et à l’Avenue du [...], le 13 août 2011, G._ a conduit un véhicule automobile de marque [...] noire en faisant des accélérations et des arrêts brusques et en talonnant les autres véhicules. Dans le tunnel traversant la Place [...], il a rejoint le véhicule de marque [...] rouge conduit par L._. G._ a alors brusquement accéléré pour tenter de dépasser le véhicule de L._. Pour ce faire, il s’est mis à droite puis à gauche du véhicule en franchissant la ligne de sécurité balisée dans le tunnel. Pris au jeu, L._ a accéléré à son tour. À la sortie du tunnel, à l’Avenue de [...], les deux conducteurs ont continué à accélérer et à freiner brusquement ne laissant pas une distance de sécurité suffisante avec les autres véhicules. Au niveau de l’immeuble [...] de l’Avenue de [...], A.A._ qui conduisait un véhicule de marque [...] et précédait les deux prévenus s’est arrêté normalement pour les besoins du trafic. L._ qui conduisait à une vitesse trop élevée et n’avait pas gardé une distance suffisante avec le véhicule de A.A._ a freiné trop tardivement et a percuté ledit véhicule. Pour les mêmes raisons, G._ n’est pas parvenu à s’arrêter à temps et a percuté le véhicule de L._. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (al. 1). La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (al. 3).
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de G._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L’appelant conteste s’être rendu coupable de violation grave des règles de la circulation. Il fait grief au premier juge d’avoir procédé à une appréciation des preuves arbitraire. Il conteste en particulier la valeur probante du témoignage de W._, qui aurait fait des déclarations mensongères et qui n’aurait pas pu voir l’accident. Il en irait de même du témoignage de A.A._, qui serait contradictoire, ne correspondrait pas aux faits, de même que celui de sa fille, B.A._. Enfin, le témoignage de K._ aurait été écarté sans motif suffisant.
3.1
Selon l’art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu’elle n’est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l’intime conviction qu’il retire de l’ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
Comme règle d’appréciation des preuves, le principe de la présomption d’innocence est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n’ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d’administrer la preuve d’un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l’administration d’un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple.
3.2
C’est d’abord en vain que l’appelant conteste la crédibilité du témoignage de W._. Ce témoin a dans un premier temps pris contact avec la centrale d’engagement de la police pour signaler le comportement routier dangereux d’un conducteur, qui s’est avéré ensuite être l’appelant (P. 4, p. 4). Ce signalement était d’autant plus fondé que l’appelant s’est retrouvé impliqué, quelques minutes plus tard, dans un accident de la circulation avec une violente collision en chaîne. Les craintes du témoin étaient donc fondées et les constatations faites apparaissent déjà crédibles pour ce motif. Ensuite, l’appelant admet dans sa déposition devant le tribunal de première instance des coups d’accélérateur intempestifs et avoir roulé à certains moments à un régime de moteur élevé (jgt., p. 3), autant de comportements routiers dénoncés par le témoin à la police, avant même que l’accident se produise. Enfin, comme l’a retenu le premier juge, le comportement routier dangereux de l’appelant est corroboré par les deux autres témoignages retenus.
C’est également en vain que l’appelant fait état de divergences entre les dépositions successives du témoin W._, au sujet de détails de la déposition, qui peuvent parfaitement s’expliquer par l’écoulement du temps. L’appelant ne peut d’ailleurs fonder ses critiques sur des constatations du témoin K._, qui est un ami et dont le témoignage n’a pas été retenu en raison de l’impression de partialité qu’a eue le premier juge (jgt., p. 15).
Les dépositions des témoins A.A._ et B.A._, père et fille, sont également convaincantes. Ils ont eu leur attention attirée par les bruits de moteur et ont dès lors observé le comportement routier des conducteurs qui les suivaient. Leurs déclarations font état des mêmes manoeuvres illicites de circulation, soit que les deux véhicules rouge et noir se livraient à un rodéo routier. En particulier, ils ont constaté tous deux que l’appelant tentait des dépassements intempestifs, en franchissant une ligne de sécurité. Ils ont également observé des vitesses excessives et des distances insuffisantes entre les véhicules.
En résumé, trois témoins ont fait des constats convergents au sujet des graves fautes de circulation routière commises par l’appelant et qui se sont soldées par un accident. L’appelant lui-même ne conteste pas dans ses dépositions être responsable de l’accident, pour n’avoir pas pu freiner à temps. Il reconnaît également, comme on l’a vu, avoir conduit de manière agressive avant l’accident, puisqu’il donnait « des coups d’accélérateur intempestifs », roulant à certains moments « à un régime moteur élevé » (jgt., p. 3). En définitive, ses propres aveux rejoignent les griefs des témoins et sa version qu’il n’aurait pas commis d’excès de vitesse ou tenté des dépassements et qu’il aurait maintenu une distance suffisante avec l’autre véhicule peut être écartée sans la moindre hésitation, compte tenu de l’épilogue du rodéo, qui a vu les voitures s’encastrer les unes dans les autres.
Enfin, l’appelant se méprend lorsqu’il soutient que l’un ou l’autre témoin n’aurait pas pu voir ce qui s’était passé, dès lors que pratiquement tous les faits ont été constatés depuis des véhicules en mouvement et que les inspections locales sollicitées ne sont donc d’aucune utilité, tant il est évident que les positions respectives des voitures ne pourront jamais être définies avec précision et que les témoignages ont quoi qu’il en soit une valeur probante suffisante pour confirmer les faits retenus par le premier juge.
3.3
La qualification juridique de violation grave des règles de la circulation n’étant contestée que sur la base des faits retenus, la Cour de céans fera sienne l’analyse du premier juge selon laquelle l’appelant, par son comportement, a créé un danger sérieux pour l’intégrité et la vie d’autrui, danger qui s’est concrétisé lors de l’accident du 13 août 2011 (cf. jgt., p. 16).
4.
L’appelant ne conteste expressément ni le genre, ni la quotité de la peine. Il y a cependant lieu de statuer d'office sur ces points.
4.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; 129 IV 6 c. 6.1 p. 20).
4.2
L’appelant s’est rendu coupable de violation grave des règles de la circulation routière. Sa culpabilité doit être qualifiée de lourde. Il n’a pas hésité à mettre en danger la sécurité d’autrui pour des motifs parfaitement futiles. Il a fait preuve d’une attitude désinvolte face à ses actes, n’admettant aucune remise en question et ne montrant aucune prise de conscience de sa dangerosité. L’appelant a récidivé dans le même domaine d’infractions, alors même qu’il bénéficiait d’un mode allégé d’exécution de peine. On peut se référer pour le surplus aux considérants du premier juge (cf. jgt., p. 17).
Au regard de l’ensemble de ces éléments, une courte peine privative de liberté est nécessaire pour marquer les limites à ce jeune conducteur qui, non seulement ne paraît pas conscient des dangers que comporte sa manière de conduire, mais qui entend donner la leçon, de manière particulièrement immature il est vrai, aux autorités. Toutefois, une peine privative de liberté de six mois paraît élevée et sera réduite à quatre mois. Cette peine sera ferme, le pronostic étant défavorable.
5.
En définitive, l’appel formé par G._ est partiellement admis et le jugement rendu le 9 avril 2013 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois est réformé en ce sens que G._ est condamné à une peine privative de liberté de quatre mois.
6.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, comprenant l'émolument d’arrêt, par 1’390 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ainsi que l’indemnité allouée au défenseur d’office, doivent être mis par deux tiers à la charge de G._, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1 CPP).
Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, il convient d'allouer au défenseur d’office de l’appelant une indemnité arrêtée à 1'555 fr. 20, TVA et débours inclus.
G._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat
les deux tiers du montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office
que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5aebb675-d383-46e8-b1f5-506ea67b71a3 | En fait :
A.
Par jugement du 20 janvier 2012, le Tribunal criminel de l’arrondissement de Lausanne a libéré A.T._ des chefs d’accusation de dommages à la propriété, contrainte sexuelle et viol (I), condamné ce dernier pour assassinat, injure et menaces qualifiées à 20 ans de peine privative de liberté, sous déduction de 568 jours de détention avant jugement (II), pris acte, pour valoir jugement, de la transaction en vertu de laquelle A.T._ doit immédiat paiement à B.T._ de 110'000 fr., avec intérêt à 5% l’an dès le 2 juillet 2010, plus 60'000 fr. à titre de tort moral, avec intérêt à 5% l’an dès le 2 juillet 2010, la ratification par l'autorité tutélaire étant réservée (III), alloué les sommes suivantes, à titre de tort moral, avec intérêt à 5% l’an dès le 2 juillet 2010, et dit que A.T._ en est le débiteur : 40'000 fr. à S._, 20'000 fr. à B.E._, 20'000 fr. à A.E._ et 20'000 fr. à C.E._ (IV), levé, en faveur de A.T._, le séquestre sur un natel Nokia gris IMEI n° 357062007971913, une carte AVS au nom de ce dernier (séquestre n° 2), un passeport marocain au nom du prénommé et une carte d’identité à son nom (séquestre n° TRIB 163) (V), ordonné la confiscation et la destruction d’un natel Nokia gris et noir IMEI n° 359774004059884, avec un pendentif en forme de cœur, et une carte SYMYC au nom de A.T._ valable jusqu’au 12 février 2011 (séquestre n° 2) (VI), ordonné le maintien au dossier au titre de pièces à conviction d’un lot de photos (séquestre n° TRIB 163) et de trois CD contenant des données de téléphones portables (séquestre n° 3) (VII), fixé l’indemnité de conseil d’office de B.T._ à 10'719 fr.85, l’indemnité de conseil d’office de la famille [...] à 11'299 fr. 55 (VIII), et l’indemnité de défenseur d’office de A.T._ à 24'397 fr. 15 (VIII), dit que A.T._ supportera l’entier des frais de la cause par 76’296 fr. 35 (IX) et dit que le remboursement de l’indemnité allouée à son défenseur d’office ne sera exigé de l'intéressé que pour autant que sa situation financière le permette (X).
B.
Le 23 janvier 2012, A.T._ a formé appel contre le jugement précité.
Par déclaration d'appel motivée du 21 février 2012, l'appelant a conclu, avec suite de frais et dépens, principalement à la réforme du jugement entrepris en son chiffre II, en ce sens qu'il est condamné pour meurtre passionnel et injure à une peine que justice dira. Subsidiairement, il a conclu à la réforme du chiffre II du jugement en ce sens que la peine privative de liberté est réduite dans une mesure que justice dira et plus subsidiairement, à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause à l'autorité de première instance pour nouveau jugement.
Par courrier du 12 avril 2012, le conseil d'office de B.T._ a requis la dispense de comparution personnelle de Q._, tuteur de la prénommée, à l'audience d'appel et a indiqué qu'il représentera ce dernier lors des débats d'appel. Cette dispense lui a été accordée par la Présidente de la Cour d'appel par courrier du 23 avril 2012.
Par courrier du 16 avril 2012, le conseil d'office de S._, A.E._, B.E._ et C.E._ a sollicité la dispense de comparution personnelle de S._, A.E._ et B.E._. Cette dispense lui a été accordée par la Présidente de la Cour d'appel par courrier du 23 avril 2012.
Lors de l’audience d'appel du 21 mai 2012, le défenseur d'office de l'appelant a confirmé les conclusions de sa déclaration d'appel. Le Procureur a conclu au rejet de l'appel. Le conseil d'office de B.T._ et le conseil d'office de C.E._, A.E._, B.E._ et S._ ont tous deux également conclu au rejet de l'appel.
C.
La juridiction d'appel n'examine que les points attaqués du jugement de première instance. Dans le cadre de la procédure d'appel, A.T._ conclut à la réforme du chiffre II du jugement attaqué en ce sens qu'il est condamné pour meurtre passionnel et injure à une peine que justice dira et subsidiairement, à la réforme du chiffre II du jugement en ce sens que la peine privative de liberté est réduite dans une mesure que justice dira. Le jugement n'est pas contesté pour le surplus. Ainsi, seuls les faits relatifs aux préventions d'assassinat, d'injure et de menaces qualifiées seront examinés, la Cour de céans se référant pour le surplus à l'état de fait retenu par le Tribunal correctionnel.
1.
1.1.
A.T._ est né le [...] au Maroc, son pays d’origine. Cadet d’une famille de six enfants, il a été élevé par ses parents, son père étant enseignant. Il a fréquenté l’école jusqu’à l’âge de 20 ans, sans effectuer d’études supérieures, ni obtenir son baccalauréat. Il n’a pas acquis de formation professionnelle spécifique. Il a travaillé comme manœuvre, matelot, et dans la restauration, habitant principalement chez ses parents, voire chez l’une de ses sœurs au bord de la mer durant la période estivale.
En 2006, A.T._ a quitté le Maroc pour venir en Europe, principalement chez son frère domicilié en Belgique. A cette époque, le prévenu a fait plusieurs aller-retour entre la Belgique et la Suisse, où s’étaient installées deux de ses sœurs.
1.2.
En 2008, lors d’un voyage en Suisse, A.T._ a fait la connaissance de I._, née le [...], marocaine d’origine elle aussi. La jeune femme vivait en Suisse depuis plusieurs années; elle avait été mariée à un ressortissant suisse dont elle avait divorcé. A.T._ et I._ ont rapidement noué une relation intime et décidé de se marier; le mariage a été célébré au Maroc le 22 avril 2009. I._ est ensuite revenue en Suisse seule, oeuvrant pour que son époux puisse la rejoindre aussi vite que possible au bénéfice d’une décision de regroupement familial.
Le [...], à Lausanne, est née B.T._, fille de I._ et de A.T._. Ce dernier n’a pas pu être présent à l’époque de l’accouchement, mais I._ s’est rendue au Maroc avec le nouveau-né peu de temps après la naissance; la famille a passé plusieurs semaines réunie au Maroc.
Au terme de son congé maternité, I._ est rentrée en Suisse avec sa fille pour reprendre son travail. A.T._ a pu rejoindre sa famille au début du mois de février 2010. A l’époque, I._ vivait avec sa fille dans un modeste studio à [...]. A.T._ s’y est installé avec sa femme et son enfant dès son arrivée en Suisse.
1.3.
I._ travaillait en qualité de caissière chez [...], au magasin de Bussigny tout d’abord, puis au magasin de Malley, dès le 30 juin 2010. Son horaire de travail était soutenu; elle avait un contrat fixe à 70% et effectuait de nombreuses heures supplémentaires, de sorte qu’elle assumait une activité professionnelle à plein temps. Elle réalisait un salaire d’environ 3’200 fr. brut, complété selon les mois par l’aide sociale. La jeune femme avait organisé une prise en charge de son enfant par une maman de jour. Elle se réjouissait de l’arrivée de son époux en Suisse, afin de trouver appui et soutien au quotidien, notamment s’agissant de la garde de leur enfant.
La famille de I._, soit deux de ses frères et sa mère, réside principalement au Maroc ; un troisième frère habite en Italie. En Suisse, la victime avait des contacts réguliers avec un oncle établi à Soleure.
A.T._ a deux sœurs vivant dans la région lausannoise, un frère établi en Belgique, une sœur au Maroc et une quatrième sœur aux Etats-Unis. La mère du prévenu partage son temps principalement entre le Maroc et les Etats-Unis.
Il semble que quelques tensions aient existé entre les familles [...], d’une part, et [...], d’autre part, dès le mariage de A.T._ et I._ que tout un chacun n’approuvait pas, chaque famille étant en revanche très soudée en son sein.
1.4.
Très peu de temps après l’arrivée en Suisse de A.T._, le couple a rencontré des difficultés. I._ travaillait beaucoup. Elle attendait de son époux qu’il trouve rapidement du travail de son côté et que, dans l’intervalle, il s’occupe essentiellement de leur fille. Une discussion avait eu lieu avec la responsable des mamans de jour dans le but de diminuer les heures de placement de B.T._. Il avait cependant été déconseillé au couple A.T._– I._ de renoncer à certains jours de prise en charge, car il risquait de perdre la place auprès de la maman de jour et de ne pas avoir de solution de garde au moment où A.T._ trouverait lui aussi du travail. Il ressort toutefois de plusieurs témoignages que la victime aurait souhaité qu’en l’absence de travail, son époux assume plus la garde de leur enfant. Le prévenu soutient avoir activement recherché un emploi; officiellement au bénéfice d’un permis B depuis le 22 février 2010, il a été engagé comme cuisinier et plongeur dès le 9 juin 2010, selon un contrat de travail de durée indéterminée. Dans l’intervalle, l'intéressé a souffert de dépendre financièrement de son épouse, laquelle ne lui laissait que très peu d’argent à disposition, craignant qu’il ne boive de l’alcool et ne fume cigarette et/ou cannabis.
Dès la fin du mois de février 2010, des disputes ont éclaté. A.T._ et I._ en ont fait part à quelques voisins devenus amis, ainsi qu’à certains membres de leur famille respective. Une première séparation brève a eu lieu fin mars – début avril, le prévenu étant parti vivre chez une de ses sœurs. Le couple s’est toutefois réconcilié notamment à l’approche de son anniversaire de mariage. La réconciliation a cependant été de courte durée; une violente dispute a eu lieu le 26 avril 2010. I._ a requis des mesures protectrices de l’union conjugale le 29 avril 2010 par l’intermédiaire d’un avocat, qui concluait à ce que les époux soient autorisés à vivre séparés, à ce que la jouissance de l’appartement conjugal soit attribuée à I._, de même que la garde de l’enfant, le droit de visite étant provisoirement suspendu. En outre, dès sa première requête, la victime demandait qu’une interdiction de périmètre soit prononcée à l’encontre de A.T._. A l’audience du 17 mai 2010, le président du Tribunal civil de l’arrondissement de Lausanne a ratifié une convention partielle au cours de laquelle les époux s’étaient mis d’accord pour vivre séparés pour une durée d’une année, soit jusqu’au 31 mai 2011. La garde de l’enfant B.T._ était confiée à sa mère, le père bénéficiant d’un droit de visite tous les samedis et dimanches après-midi, de 14 heures à 18 heures, A.T._ s’engageant au surplus à remettre son passeport et sa carte d’identité marocains au greffe du tribunal. La jouissance de l’appartement conjugal était attribuée à I._ et le prévenu s’était engagé à ne plus contacter son épouse de quelque manière que ce soit, en particulier à ne pas lui téléphoner, ni s’approcher de son domicile à moins de 500 m. Il s’était également engagé à ne pas importuner son épouse lors de la transmission de l’enfant lors du droit de visite et à ne pas demander de renseignements sur elle lorsqu’il prenait l’enfant ou la ramenait à la maman de jour. Les parties n’ayant pas trouvé d’accord sur la question de la pension, le président du Tribunal a rendu un prononcé en date du 26 mai 2010 indiquant qu’en l’état, il n’était pas dû de contribution par A.T._ à l’entretien des siens.
A.T._ s’était installé chez sa sœur [...], laquelle habite avec son mari et leurs deux enfants à [...].
2.
Le 21 juin 2010, I._ se trouvait chez Manor, avec une amie, C._. Alors qu’elle attendait cette dernière au restaurant Manora, le prévenu s’est approché d’elle, nonobstant l’engagement pris et ratifié par le président du Tribunal civil de ne pas importuner son épouse. La victime a indiqué qu’elle attendait une amie et ne voulait pas que son époux prenne place à sa table. Comme celui-ci insistait, I._ s’est levée et s’est dirigée vers l’ascenseur. Le prévenu l’a suivie et est entré avec elle dans l’ascenseur. A peine sorti à l’étage inférieur, A.T._ a alors craché sur son épouse en lui disant, en arabe, "dis à ta copine de te chercher un string pour tes fesses pour faire la pute". La victime a eu du crachat sur son visage et ses lunettes optiques. L’amie de cette dernière l’a rejointe et l’a trouvée tremblante. Comme I._ racontait ce qui venait de se passer, A.T._ a appelé sur le téléphone mobile de sa femme. Cette dernière a répondu en utilisant le haut-parleur, de sorte que son amie a pu entendre les propos de l’appelant. Le prévenu a déclaré, toujours en arabe, "ce n’est qu’un crachat pour l’instant, après je vais te tuer". La victime et son amie se sont rendues immédiatement à l’Hôtel de police pour déposer plainte. Alors que les deux femmes s'y rendaient, le prévenu a confirmé ses menaces par l’envoi de SMS. Il a notamment écrit à 16h56 (traduction figurant dans le rapport de police): "Vas te faire foutre toi et ta copine la sale. Toujours tu tournes en rond pour trouver où que tu puisses manger. L’affamée, tout le monde te connaît", puis à 17h09: "Aujourd’hui C.E._ A.E._ il va voir ta réalité en vision et parole", puis à 17h55: "Tu as demandé des infos sur le divorce à ton frère A.E._. Hihihi. Tu verras c’est facile. Hihihi. Mais tu es bête", et enfin à 19h17: "Ton frère t’a dit ce qu’il pensait. Tu as oublié il ne reste que moi, je te crache dessus. B.T._, je vais te la reprendre avec la loi. La sale je vais te montrer comme un homme ce que je vaux". La policière qui a enregistré la plainte a constaté la présence de crachat sur le verre des lunettes de I._. Celle-ci a déclaré à la police prendre très au sérieux les menaces de son mari et avoir peur de lui.
3.
Le 27 juin 2010, alors qu’il se trouvait devant l’Hôtel de police pour ramener B.T._ à sa mère en fin de week-end, le prévenu a insulté son épouse en arabe. Celle-ci a déposé plainte le même jour en traduisant les insultes de la manière suivante: "Tu es venue la pute", "Putain de pute, je sais ce que tu fais", et aussi "Mal salope".
4.
4.1.
Nonobstant l’engagement qu’il avait pris devant le président du Tribunal civil, A.T._ a pris contact avec son épouse par téléphone à d’innombrables reprises. Il s’est en outre rendu dans son immeuble, malgré l’interdiction de périmètre ratifiée le 17 mai 2010.
Ainsi, le 2 juillet 2010, le prévenu a cherché à atteindre son épouse à vingt-quatre reprises entre 7 heures 41 et 18 heures 06. Il lui aurait parlé le matin pour savoir quand il pourrait prendre sa fille durant le week-end. Il a admis qu’il utilisait le prétexte du droit de visite pour entrer en contact avec I._, qu’il voulait absolument convaincre de reprendre la vie commune. Le prévenu a demandé à plusieurs personnes d’intercéder en sa faveur auprès de sa femme. En particulier, il a eu un contact téléphonique avec O._ le 2 juillet 2010 peu avant 13 heures, alors qu’il se trouvait à son travail. L’amie avait parlé avec la victime et cette dernière lui avait indiqué que "A.T._ n’était plus dans son cœur"; ces propos ont été transmis à A.T._ lors de cet appel du 2 juillet 2010. Le prévenu était abattu par cette nouvelle. En quittant son travail vers 14 heures, il a emporté un couteau de cuisine. Il s’est rendu directement de Pully, où il travaillait, à [...] dans l’immeuble de son épouse. Il a passé l’après-midi dans l’appartement du voisin de I._, H._, en guettant continuellement par la fenêtre, espérant voir son épouse rentrer du travail. Durant l’après-midi, il aurait bu deux ou trois bières. Vers 17 heures, le prévenu s’est rendu dans les toilettes de l’appartement de H._ pour téléphoner une énième fois à sa femme. Celle-ci lui a répondu qu’il pourrait prendre B.T._ le lendemain, samedi, pour l’exercice de son droit de visite. La victime a précisé qu’elle laisserait la petite chez une amie, puis qu’elle viendrait l’y rechercher; en revanche, elle ne souhaitait pas rencontrer son époux. Ce dernier n’était pas satisfait de cette réponse car il voulait absolument parler à sa femme. Il a décidé d’attendre qu’elle rentre du travail alors même qu’il devait retourner à Pully pour 18 heures, pour le service du soir. Vers 18 heures 27, A.T._ a atteint par téléphone son employeur pour s’excuser de son retard, mentionnant qu’il viendrait travailler plus tard mais que son épouse avait fait appel à la police.
I._ est partie de chez la maman de jour de B.T._ aux environs de 18 heures 15. Elle est arrivée vraisemblablement peu avant 18 heures 30 chez elle. Elle a entendu qu’un couple se disputait violemment dans l’appartement d’à côté, soit celui de H._. Elle a dès lors composé le 117 pour demander l’envoi d’une patrouille de Police-secours. L’appel a été enregistré dès 18 heures 28 et 10 secondes. Comme la victime tentait d’expliquer au policier dans quel appartement exactement avait lieu la dispute conjugale, elle a proposé de regarder le numéro de l’appartement figurant sur la porte du voisin; elle a demandé au policier d’attendre et a posé son téléphone mobile. Elle est alors sortie de son appartement et s’est retrouvée nez à nez avec le prévenu qui était dans le corridor. Il a immédiatement bondi dans l’appartement de son épouse, alors que celle-ci lui disait très clairement: "non arrête, non, arrête A.T._, non tu n’entres pas chez moi". L’on entend ensuite I._ reprendre le combiné et dire d’une voix paniquée: "Bonjour monsieur", puis le combiné lui est probablement arraché des mains et la suite de la conversation est entendue en bruit de fond :
-
I._ : (voix paniquée) pourquoi tu viens frapper, pourquoi tu viens frapper, non.
-
A.T._ : (en arabe, voix calme) attends un petit peu (en français, voix calme) où elle est B.T._ ?
-
I._ : (en français, voix forte) elle est là.
-
A.T._ : (en arabe, voix calme) ne crie pas.
-
I._ : (en arabe, voix forte de plus en plus poussée) qu’est-ce que tu me veux, pourquoi ?
-
A.T._ : (en arabe, voix calme) ne crie pas.
-
I._ : (en arabe, voix paniquée) pourquoi tu viens chez moi
A.T._
?
-
A.T._ : (en arabe, voix calme) ne crie pas. Ne crie pas. Tu ne cries pas. Moi, qu’est-ce que je t’ai fait. Qu’est-ce que je t’ai fait ?
-
I._ : (en arabe, voix forte) je fais qu’est-ce que... (phrase coupée, puis cri strident étouffé par intervention extérieure)
-
A.T._ : (en arabe, voix calme) donne-moi la fille.
-
I._ : (elle continue de crier)
-
A.T._ : (en arabe) vas-y crie seulement.
On entend des bruits de lutte.
-
A.T._ : (en arabe, voix nerveuse) sors, sors.
-
I._ : (en arabe, tout en criant très fort) au secours les gens. Au secours les gens. Au secours tout le monde. Au secours tout le monde (cris de grande peur).
L’enregistrement prend fin à 18 heures 30 et 53 secondes.
L’instruction a permis d’établir que A.T._ avait sorti le couteau de cuisine qu’il avait emmené de son lieu de travail et qu’il avait poignardé son épouse d’au moins 30 coups. Il a fini par l’égorger, lui infligeant une profonde blessure au niveau de cou. Il a ensuite laissé son épouse sur place, alors même qu’il avait, selon ses dires, entendu qu’elle râlait. Il a également laissé dans le studio de sa femme le couteau de cuisine ensanglanté. Il est sorti sur le palier, emmenant sa fille B.T._ qui était dans son maxi-cosy. Il a appelé la police au 117. Son appel est enregistré à partir de 18 heures 35 et 32 secondes. Il s’annonce et indique au policier d’entrée de cause: "J’ai tué ma femme". On perçoit dans l’enregistrement que d’autres personnes se trouvent à proximité. Il dit à deux reprises à l’une d’entre elles, en arabe, "Je l’ai tuée", puis il dit, toujours en arabe: "I._, meurs comme tu as envie, comme cela tu connaîtras l’homme que je suis". D’autres voisins sont entendus en bruit de fond et s’expriment en français. On comprend que A.T._ dit: "elle est morte, ..., elle m’a fait beaucoup", quelques instants plus tard : "J’ai fait ça parce qu’elle m’a fait beaucoup, ..., elle m’a fait beaucoup de soucis". Au moment où la police arrive, A.T._ déclare : "c’est moi qui ai appelé, je suis A.T._. Je voulais aller au travail, je parle avec elle, elle m’a dit viens on discute".
L’enregistrement de l’appel prend fin à 18 heures 39 et 28 secondes.
Il résulte de l’instruction que le premier voisin entendu au cours de cet appel était vraisemblablement H._, qui est retourné dans son appartement, purement et simplement. Puis les voisins B._ et W._, habitant l’étage au dessus, sont descendus et ont pris en charge, avec l’accord de A.T._, la petite B.T._ jusqu’à l’arrivée de la police. C’est également B._ qui a fait appel à l’ambulance après avoir aperçu le corps de I._ gisant dans son sang. B._ avait pu constater que la victime respirait encore.
4.2.
4.2.1.
La fiche d’intervention des secours mentionne qu’à leur arrivée, la patiente était en arrêt cardio-respiratoire. Les secouristes ont constaté qu’elle avait reçu plusieurs coups de couteau, soit deux fois à l’abdomen, deux fois à la gorge dont une avec hémorragie importante en saccades, et d’autres plaies au niveau de la bouche, de la langue, du palais mou, à la cuisse gauche et à l’omoplate gauche. Ils ont fait état d’un lac de sang dans tout l’appartement. Ils ont procédé à une réanimation et transporté la victime au CHUV avec point de compression continue à la gorge. A l’arrivée au CHUV, les plaies du cou saignaient et les manœuvres de compression ont été poursuivies. La patiente a été réanimée, y compris en salle de déchoquage. Son pouls a été récupéré à trois reprises, mais la réanimation a finalement échoué et le décès a été déclaré à 20 heures 05 aux urgences du CHUV.
4.2.2.
Dans leur rapport d’autopsie du 4 janvier 2011, les médecins légistes ont émis les conclusions suivantes: 69 lésions ont été provoquées par un instrument tranchant, deux d’entre elles ont entraîné une section partielle des veines jugulaires communes, une touche le foie, plusieurs intéressent la face palmaire des mains, 32 sont superficielles. De multiples autres lésions contondantes ont été mises en évidence telles qu’une fracture du nez, des ecchymoses du cuir chevelu, du visage et des membres, ainsi qu’un hématome diffus du cuir chevelu et des muscles temporaux. Le couteau présenté par la police peut, selon les médecins légistes, avoir provoqué la totalité des 69 lésions. La cause du décès est une hémorragie massive. Les plaies ayant entraîné la section des veines jugulaires communes peuvent, à elles seules, être à l’origine du décès. Les lésions contondantes constatées peuvent être la conséquence de plusieurs coups portés. Des plaies des mains compatibles avec des lésions de défense ont été mises en évidence. La distribution et la localisation des lésions indiquent manifestement une hétéro-agression. Aucune pathologie préexistante pouvant avoir joué un rôle dans le mécanisme du décès n’a été constatée.
4.2.3.
L’identité judiciaire a pris des clichés photographiques dans le studio de la victime. On y aperçoit d’immenses taches de sang au sol, contre les murs, sur les meubles. Une véritable mare de sang se trouve à l’endroit où le corps de I._ été pris en charge. La victime était en peignoir blanc au moment des faits. Des photographies de celui-ci totalement imbibé de sang des épaules à la taille figurent au dossier. Les photographies de la victime après son décès mettent en évidence un nombre incalculable de plaies à la hauteur du visage; I._ a été littéralement défigurée par les coups qui lui ont été portés. Une dent a été retrouvée sur le sol de l’appartement par les inspecteurs de police.
4.3.
B.T._ a été placée dès le 2 juillet 2010 au soir à la pouponnière l’Abri, où elle a vécu durant quatre mois. Le visage de l’enfant, ses habits et son maxi-cosy avaient été éclaboussés par le sang de sa mère. L'enfant était âgée de dix mois au moment des faits, de sorte qu’elle ne peut pas, de l’avis des spécialistes, avoir de perception consciente des faits qui se sont déroulés à quelques centimètres d’elle ce soir-là. En revanche, B.T._ a fait des cauchemars de manière répétée durant son séjour à l’Abri; elle était craintive et ne semblait à l’aise véritablement qu’en présence de son ancienne maman de jour qui a pu lui rendre quelques visites. Au bout de quatre mois, B.T._ a été placée en famille d’accueil, où elle se trouve encore actuellement. L’Office du Tuteur général s’est vu confié par la Justice de paix le mandat de placer l’enfant au mieux de ses intérêts, ainsi qu’une curatelle de représentation. Une ordonnance en limitation de l’autorité parentale de A.T._ sur sa fille a été rendue. Une procédure en retrait de cette autorité est actuellement pendante devant la Chambre des tutelles du Tribunal cantonal vaudois. Entendu aux débats, le responsable du mandat tutélaire au sein de l’Office du Tuteur général a indiqué que l’enfant B.T._ se portait globalement bien, mais réagissait de manière disproportionnée à certaines situations a priori bénignes, notamment en présence d’inconnus. Un suivi par des psychologues sera nécessaire. Les contacts tant avec la famille de A.T._ qu’avec celle de I._ ont été suspendus pour l’instant, dans l’intérêt de l’enfant. Celle-ci a été informée que sa maman "est au ciel" et que son papa est en prison. Compte tenu de son jeune âge, elle n’a pas eu d’autres informations pour l’heure et n’en a pas demandé.
4.4.
A.T._ a été arrêté sur les lieux le 2 juillet 2010. Blessé à une main, il a été tout d’abord conduit au CHUV. Une prise de sang effectuée à 20 heures a révélé un taux moyen d’alcool inférieur à la limite conventionnelle (moins de 0,10 gramme par kilo). En outre, les recherches de toxiques médicamenteux et de stupéfiants ont révélé des traces de cannabis, de cotinine (métabolite de la nicotine) et de caféine. S’agissant des traces de cannabis, les médecins ont précisé que le résultat était indicateur d’une consommation de cannabis non récente, devant dater de plusieurs heures, voire jours avant le prélèvement.
5.
5.1.
A.T._ a été soumis à une expertise psychiatrique réalisée par le Centre d’expertise du département de psychiatrie du CHUV (P. 64). Dans leur rapport daté du 24 décembre 2010, les experts psychiatres indiquent qu’ils n’ont pas identifié de période comprenant une symptomatologie psychiatrique significative d’ordre dépressif, anxieux ou psychotique, avant la première venue de l’expertisé en Suisse. Le prévenu a rapporté une consommation occasionnelle de cannabis dans son pays d’origine, de même qu’une consommation intermittente de faibles quantités d’alcool. Les experts décrivent l'intéressé comme un homme calme, collaborant et respectueux, triste aussi. Il n’existe pas, selon les médecins, d’éléments faisant évoquer la présence d’hallucinations, ni d’idées suicidaires. Les médecins relèvent que l’expertisé a des larmes aux yeux lorsqu’il évoque sa découverte de ce que son épouse "ne l’aimait pas" et qu’elle l’aurait dépeint comme un homme "méchant et alcoolique". Les regrets qui sont à répétition spontanément exprimés se réfèrent aux conséquences de son acte sur la vie de sa fille et de lui-même. Confronté à des contradictions entre son récit et des éléments du dossier, il donne parfois des explications qui se modifient au fur et à mesure qu’elles se déploient. Les psychiatres sont parvenus à la conclusion qu’aucun diagnostic psychiatrique constitué selon la Classification Internationale des Maladies (CIM-10) ne peut être retenu. Notamment, il n’existe pas d’éléments faisant évoquer la présence d’un trouble d’origine organique, d’un trouble psychotique, d’un trouble de l’humeur, d’un trouble anxieux ou d’un retard mental. Le mode de consommation d’alcool ne correspond pas non plus à un syndrome de dépendance, ni au diagnostic d’une utilisation nocive pour la santé. S’agissant plus particulièrement des éventuels effets de la consommation d’alcool l’après-midi du 2 juillet 2010, les experts n’ont pas retenu de diagnostic d’intoxication aiguë à l’alcool, vu l’absence de signes compatibles avec un tel diagnostic dans la description du statut psychique de l’expertisé effectué dans la soirée qui a suivi les faits. Quant à l’utilisation de cannabis, les médecins ont souligné que le prévenu prétendait ne plus en avoir consommé depuis quelques années, alors que le résultat de l’expertise toxicologique pratiquée au CHUV le 2 juillet 2010 était compatible avec une consommation de quelques heures, voire jours, avant le prélèvement. Toutefois, la fréquence et la quantité de cette consommation ne correspondent, selon les experts, de toute probabilité pas à un syndrome de dépendance ni à une utilisation nocive pour la santé au sens de la CIM-10. Enfin, les médecins ont écarté tout diagnostic de troubles de la personnalité chez A.T._. Celui-ci avait ainsi, selon les experts, conservé la faculté d’apprécier le caractère illicite de ses actes et de se déterminer d’après cette appréciation au moment des faits qui lui sont reprochés. L’éventuel présence de symptômes thymiques légers, la consommation d’alcool plus tôt dans l’après-midi et les particularités de la personnalité de l'intéressé ne sont pas de nature à diminuer, du point de vue psychiatrique, le degré de responsabilité pénale. De plus, ces mêmes facteurs, ou l’accentuation du stress lié à l’incertitude de son statut en Suisse (si cela était le cas), ou encore l’exposition à la violence dans l’appartement voisin avant les faits, ne sont pas suffisants pour permettre aux experts de formuler une hypothèse psychiatrique spécifique pouvant expliquer l’acte du meurtre. Toujours selon les médecins, le risque que l’expertisé commette d’autres infractions de la même nature est relativement faible, étant donné qu’il y a peu de chance qu’il se retrouve à nouveau dans ce type de situation. Cette estimation doit être pondérée par le fait que l’expertisé disait ne pas comprendre comment il avait pu commettre un homicide étranger à sa conception de lui-même et à sa connaissance de ses impulsions, idées et sentiments. Les experts ont déclaré ne pas être en mesure d’indiquer un traitement médical susceptible de diminuer le risque de récidive. Toutefois, ils ont conseillé au prévenu un travail psychothérapeutique avec l’objectif d’explorer et, peut-être, parvenir à assumer cette partie de lui-même qui s’est exprimée dans son acte. Les psychiatres ont conclu leur rapport en indiquant qu’une aide à s’accepter comme auteur de l’acte incriminé leur paraissait d’une grande importance pour l’évolution future de l’état psychique de A.T._ et un des garants de son comportement.
5.2.
Lorsque qu’il était en exécution de peine anticipée à Bellechasse, A.T._ effectuait un suivi thérapeutique hebdomadaire avec le Dr L._, psychiatre consultant aux Etablissements pénitentiaires de Bellechasse. Ce traitement a été entrepris volontairement. Entendu aux débats de première instance (jgt attaqué, pp. 34-36), le Dr L._ a, dans les grandes lignes, confirmé les conclusions de l’expertise psychiatrique du Département de psychiatrie du CHUV. Il a toutefois soutenu qu'à son avis, au moment des faits, le prévenu se trouvait dans "un état spécial dissocié". Il a mis en évidence, selon sa connaissance partielle du dossier pénal, un manque de repères et d’encadrement du prévenu à l’époque des faits. Il a évoqué aussi des recherches récentes sur l’influence de la consommation d’alcool même infime qui peut, dans un cadre de fortes émotions, autoriser un sujet à commettre des actes violents qu’il n’aurait pas commis avec une absence totale de consommation. Le Dr L._ a précisé cependant qu’il s’agissait d’une possibilité et qu’il ne pouvait pas affirmer qu’en l’absence de toute consommation d’alcool, A.T._ ne serait pas passé à l’acte le 2 juillet 2010. Il a également précisé que s'agissant des faits, il ne connaissait que la version que lui avait donnée le prévenu.
Depuis qu'il a été transféré aux Etablissements pénitentiaires de la plaine de l'Orbe, A.T._ a demandé un suivi thérapeutique et a expliqué à l'audience d'appel qu'il devrait voir le médecin à raison d’une fois par mois. Il a précisé qu'il l'avait déjà vu à une reprise et qu'il pouvait le voir sur demande. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de A.T._, suffisamment motivé au sens de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
En l'espèce, l'appelant conteste principalement sa condamnation pour assassinat soutenant qu'il s'agit d'un meurtre passionnel ainsi que sa condamnation pour menaces qualifiée s'agissant des faits du 21 juin 2010 et pour injure concernant les faits du 27 juin 2010. Il se plaint également de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits. Subsidiairement, il requiert une diminution de la peine prononcée et plus subsidiairement l'annulation du jugement entrepris et le renvoi de la cause à l'autorité de première instance.
3.
L’appelant se plaint de l’appréciation des preuves et de l’établissement des faits. Il considère que les premiers juges se sont fondés sur un état de faits inexact et incomplet pour rendre leur jugement.
3.1.
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2.
3.2.1.
Se fondant sur divers éléments et témoignages, l’appelant soutient que les reproches formulés par son épouse étaient infondés et que les confessions peu crédibles de cette dernière doivent donc être relativisées. A cet égard, il fait valoir que la victime ne se réjouissait en réalité pas de son arrivée en Suisse et qu'elle a formulé à son encontre des reproches lourds et injustes, l'accusant de consommer excessivement de l'alcool et de refuser de chercher un travail. Il fait également référence à divers témoignages qui permettraient, selon lui, de retenir qu'il était perçu comme une personne responsable et non violente.
3.2.2.
Les voisins et amis de I._ ont relevé que celle-ci craignait de plus en plus son mari. Elle avait fait état de violences à plusieurs reprises. Elle lui reprochait sa consommation d’alcool, de cigarettes, voire de drogue. Elle était déçue, mais surtout inquiète à la suite des menaces proférées à son encontre. Elle aurait souhaité qu’en l’absence de travail, son époux assume plus la garde de leur enfant.
Les éléments invoqués par l’appelant tant dans son mémoire que dans le cadre de sa plaidoirie sont insuffisants pour infirmer l’appréciation selon laquelle la victime craignait son époux. Par ailleurs, cette crainte est confirmée non seulement par plusieurs témoignages, mais également par d’autres éléments du dossier, à savoir en particulier les conclusions prises devant le juge des mesures protectrices de l’union conjugale (elle a demandé une interdiction de périmètre) et le dépôt des plaintes pénales de la victime.
Pour le reste, les éléments invoqués par l’appelant ne permettent pas davantage de retenir que la victime n’était pas crédible dans le cadre des plaintes pénales déposées et examinées ci-dessous.
3.3.
3.3.1.
L’appelant relève que le contexte relationnel de son couple était très délicat et constitue la première explication de son état psychologique dégradé. Il explique que la péjoration des relations du couple et plus largement la désillusion de l’avenir familial l’ont mené dans un désespoir complet, qui s’est aggravé au fil des semaines du printemps 2010.
3.3.2.
Il n’est pas contesté — que ce soit par le Tribunal criminel ou la Cour de céans - que le contexte relationnel du couple était très délicat, qu’il y avait des disputes, que A.T._ était déprimé, pleurait beaucoup, souhaitait reprendre la vie commune et était dans l’incertitude de son statut en Suisse. En revanche, l’ensemble des éléments ne permettent en aucun cas de conclure que l’appelant était dans une situation de profond désarroi suite à l’échec de son mariage. En effet, d’une part, il bénéficiait d’un cadre et n’était donc pas esseulé. Ainsi, il était père d’un enfant de dix mois; il avait trouvé un emploi; il était accueilli par une de ses soeurs et était entouré de son beau-frère, d’une autre soeur, de ses neveux et nièces qui lui portaient de l’affection. D’autre part, sa situation n’avait rien d’exceptionnelle. Ainsi, il pouvait exercer régulièrement son droit de visite; la procédure de mesures protectrices de l’union conjugale n’en était qu’à son début et une convention partielle avait été passée. La situation n’était donc pas heureuse, mais pas de nature à créer une situation de désespoir durable, ce d’autant plus que l’union a été de très courte durée et que 15 jours à peine après les retrouvailles en Suisse, le couple connaissait déjà des difficultés.
4.
S’agissant de l’épisode du 21 juin 2010 au restaurant Manora, l’appelant admet avoir injurié son épouse, mais conteste avoir proféré des menaces à son encontre. Il invoque une violation du principe "in dubio pro reo".
4.1.
En vertu de l’art. 180 CP, celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 1). La poursuite aura lieu d’office si l’auteur est le conjoint de la victime et que la menace a été commise durant le mariage ou dans l’année qui a suivi le divorce (al. 2 let. a).
La punition de l'auteur dépend de la réalisation de deux conditions. Il faut, d'une part, que l'auteur ait émis une menace grave et, d'autre part, que la victime ait été alarmée ou effrayée. Une menace est qualifiée de grave si elle est objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime. Il faut donc se demander si une personne raisonnable, dotée d'une résistance psychologique plus ou moins normale, aurait ressenti la menace comme grave (TF 6B_234/2010 du 4 janvier 2011 c. 3.1
;
ATF 99 IV 212 c. 1a).
4.2.
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3). La présomption d'innocence, également garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU, 6 par. 2 CEDH et 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
Comme règle de l’appréciation des preuves, le principe "in dubio pro reo" interdit au juge de se déclarer convaincu d’un état de fait défavorable à l’accusé, lorsqu’une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l’existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 c. 2a).
4.3.
La Cour d’appel, comme le tribunal de première instance, est convaincue que la version des faits de la plaignante correspond à la réalité et que l’appelant l’a non seulement injuriée - ce qui n’est plus contesté en appel - mais qu’il a également proféré des menaces de mort à l’encontre de son épouse, le 21 juin 2010.
En effet, d’une part, la version des faits de la victime est corroborée par le témoignage de son amie, C._, qui était présente au moment des faits et parle parfaitement l’arabe. D’autre part, les deux femmes se sont rendues directement à la police après les faits. En outre, la nature et le contenu des SMS envoyés par l’appelant à la victime dans le courant de l’après-midi (cf. pp. 16-17 du présent jgt) confortent le fait qu’il a bien eu des menaces proférées. Pour le reste, il est évident que la victime prenait au sérieux les menaces de son mari, au regard de ses déclarations à la police et des démarches effectuées auprès des autorités.
Au regard de ces éléments, la condamnation de l’appelant pour menaces qualifiées ne viole ni le principe de la présomption d’innocence, ni l’art. 180 al. 1 et 2 let. a CP.
5.
S’agissant de l’épisode du 27 juin 2010 devant l'Hôtel de police, l’appelant conteste avoir insulté la victime. Il invoque également une violation du principe "in dubio pro reo".
La Cour d’appel, à l’instar des premiers juges, estime qu’il convient d’écarter les dénégations de l’appelant au profit de la version de la victime selon laquelle elle s'est fait traiter de "pute". En effet, d’une part, cette dernière a immédiatement déposé plainte. D’autre part, sa version des faits est confortée par le contexte et les injures proférées quelques jours auparavant, qui étaient par ailleurs de même nature (cf. pp. 16-17 du présent jgt).
Partant, la condamnation du prévenu pour injure ne viole pas le droit fédéral, ni ne viole la présomption d’innocence.
6.
S’agissant du drame du 2 juillet 2010, l’appelant conteste s’être rendu coupable d’assassinat et plaide le meurtre passionnel. A cet égard, il allègue s'être rendu chez H._ afin d'aller voir son épouse pour lui répéter son amour pour elle et pour sa fille. Il soutient que se blesser devant elle ainsi que le fait de lui donner tout son salaire gagné grâce à son nouvel emploi était une manière de le lui montrer. Selon lui, c'est pour cette seule et unique raison qu'il avait un couteau sur lui. Il explique être tombé par hasard sur son épouse, qui avait ouvert la porte de son logement pour indiquer au policer le numéro de l'appartement de H._ alors qu'il allait se rendre à son travail. Surpris de la voir, il a pénétré chez elle de force mais avec pour seul but, selon ses dires, de voir sa fille et discuter avec son épouse. Toutefois, une explosion de violence l'aurait très vite traversé. Il soutient qu'il ne se souvient pas des premiers coups qu'il a donnés. Il explique ne pas avoir été lui-même et n'avoir repris ses esprits qu'au moment du dernier coup porté. Le fait qu'il ait alors paru calme, tant devant les voisins intervenus qu'à l'audition de son appel au 117, n'exclurait aucunement un état de choc, bien au contraire. Il fait valoir que le Tribunal de première instance a toutefois retenu, de façon péremptoire, un acte prémédité commis de manière déterminée et avec sang-froid. Cette appréciation ne tiendrait compte ni de l'état de faits complexe, ni de l'avis de spécialistes. Il soutient que les traits particuliers de sa personnalité ne sont pas évoqués dans le jugement attaqué. Il se plaint également du fait que les premiers juges ont écarté les conclusions médicales du Dr L._, lequel a indiqué qu'à son avis, au moment des faits, A.T._ se trouvait dans un "état spécial dissocié". L'appelant fait valoir que cette conclusion permet d'appuyer la thèse d'un crime passionnel, traduisant un profond désarroi au sens de l'art. 113 CP.
6.1.
6.1.1.
Selon l’art. 112 CP, il y a assassinat si l’auteur a tué avec une absence particulière de scrupules, notamment si son mobile, son but ou sa façon d’agir est particulièrement odieux. Il s’agit d’une forme qualifiée d’homicide intentionnel, qui se distingue du meurtre ordinaire (art. 111 CP) par le caractère particulièrement répréhensible de l’acte (ATF 127 IV 10 c. 1a). L’absence particulière de scrupules suppose une faute spécialement lourde et déduite exclusivement de la commission de l’acte; pour la caractériser l’art. 112 CP évoque le cas où les mobiles, le but ou la façon d’agir de l’auteur sont hautement répréhensibles, mais cet énoncé n’est pas exhaustif.
Les mobiles de l’auteur sont particulièrement odieux lorsqu'il tue pour obtenir une rémunération, pour voler sa victime ou lorsque le mobile apparaît futile, soit lorsqu’il tue pour se venger, sans motif sérieux, ou encore pour une broutille (Corboz, Les infractions en droit suisse, Berne 2010, n. 8 ad art. 112 CP, p. 36). Son but est particulièrement odieux lorsqu’il agit pour éliminer un témoin gênant ou une personne qui l’entrave dans la commission d’une infraction. Quant à sa façon d’agir, elle est particulièrement odieuse s’il fait preuve de cruauté, prenant plaisir à faire souffrir ou à tuer sa victime (TF 6S.21/2003 du 11 mars 2003 c. 2.1)
.
Il ne s’agit toutefois là que d’exemples destinés à illustrer la notion; il n’est donc pas nécessaire que l’une de ces hypothèses soit réalisée. On ne saurait cependant conclure à l’existence d’un assassinat dès que l’on distingue, dans un cas d’espèce, l’un ou l’autre élément qui lui confère une gravité particulière; il faut au contraire procéder à une appréciation d’ensemble pour dire si l’acte, examiné sous toutes ses facettes, donne à l'auteur les traits caractéristiques de l’assassin. Tel est notamment le cas s’il ressort des circonstances de l’acte que son auteur a fait preuve du mépris le plus complet pour la vie d’autrui. Alors que le meurtrier agit pour des motifs plus ou moins compréhensibles, généralement dans une grave situation conflictuelle, l’assassin est une personne qui agit de sang froid, sans scrupules, qui démontre un égoïsme primaire et odieux, avec une absence quasi totale de tendances sociales, et qui, dans le but de poursuivre ses propres intérêts, ne tient aucunement compte de la vie d’autrui (TF 6B_158/2009 du 1
er
mai 2009 c. 3; ATF 127 IV 10 c. 1a). Chez l’assassin, l’égoïsme l’emporte en général sur toute autre considération; il est souvent prêt à sacrifier, pour satisfaire des besoins égoïstes, un être humain dont il n’a pas eu à souffrir et fait preuve d’un manque complet de scrupules et d’une grande froideur affective. La destruction de la vie d’autrui est toujours d’une gravité extrême, mais, comme le montre la différence de peine, il faut, pour retenir la qualification d’assassinat, que la faute de l’auteur, par son caractère particulièrement odieux, se distingue nettement de celle d’un meurtrier au sens de l’art. 111 CP (TF 6B_158/2009 du 1
er
mai 2009 c. 3; ATF 127 IV 10 c. 1a; ATF 120 IV 265 c. 3a).
Il n’y a pas d’absence particulière de scrupules, sous réserve de la façon d’agir, lorsque le motif de l’acte est compréhensible et n’est pas d’un égoïsme absolu, notamment lorsqu’il résulte d’une grave situation conflictuelle (TF 6B_158/2009 du 1
er
mai 2009 c. 3; ATF 120 IV 265 c. 3a; ATF 118 IV122 c. 3d). Une réaction de souffrance fondée sérieusement sur des motifs objectifs imputables à la victime exclut en général la qualification d’assassinat (ATF 118 IV 122 c. 3d). Il faut en revanche retenir l'assassinat lorsqu'il ressort des circonstances de l'acte que son auteur fait preuve du mépris le plus complet pour la vie d'autrui (TF 6B_158/2009 du 1
er
mai 2009 c. 3; ATF 120 IV 265 c. 3a; ATF 118 IV122 c. 2b).
La responsabilité restreinte, l’émotion ou des particularités de caractère n’excluent pas la qualification d’assassinat (TF 6S.21/2003 du 11 mars 2003 c. 2.1; Corboz, op. cit., n. 22 ad art. 112 CP, p. 38).
Le critère de la préméditation qui figurait dans l'ancien art. 112 CP, n'est plus une condition de l'assassinat (TF 6P.254/2006 du 23 février 2007 c. 6.2; TF 6S.359/2004 du 22 octobre 2004 c. 2.2).
6.1.2.
En vertu de l'art. 113 CP, se rend coupable de meurtre passionnel celui qui a tué alors qu’il était en proie à une émotion violente que les circonstances rendaient excusable, ou qu’il était au moment de l’acte dans un état de profond désarroi.
Le meurtre passionnel est une forme privilégiée d’homicide intentionnel, qui se distingue par l’état particulier dans lequel se trouvait l’auteur au moment d’agir. Celui-ci doit avoir tué alors qu’il était en proie à une émotion violente ou se trouvait dans un profond désarroi, état devant avoir été rendu excusable par les circonstances (TF 6B_391/2011 du 11 août 2011 c. 4.1; ATF 119 IV 202 c. 2a). Ce n’est pas l’acte commis qui doit être excusable, mais l’état dans lequel se trouvait l’auteur. Le plus souvent, cet état est rendu excusable par le comportement blâmable de la victime à son égard. Il peut cependant aussi l’être par le comportement d’un tiers ou par des circonstances objectives (ibidem). L’application de l’art. 113 CP est réservée à des circonstances dramatiques dues principalement à des causes échappant à la volonté de l’auteur et qui s’imposent à lui (ibidem). Pour que son état soit excusable, l’auteur ne doit pas être responsable ou principalement responsable de la situation conflictuelle qui le provoque (TF 6B_391/2011 du 11 août 2011 c. 4.1; ATF 118 IV 233 c. 2b).
Pour savoir si le caractère excusable d’un profond désarroi ou d’une émotion violente peut être retenu, il faut procéder à une appréciation objective des causes de ces états et déterminer si un homme raisonnable, de la même condition que l’auteur et placé dans une situation identique, se trouverait facilement dans un tel état (TF 6B_391/2011 du 11 août 2011 c. 4.1; ATF 107 IV 105 consid. 2b/bb p. 106). Il convient à cet égard de tenir compte de la condition personnelle de l’auteur, notamment des moeurs et valeurs de sa communauté d’origine, de son éducation et de son mode de vie, en écartant les traits de caractère anormaux ou particuliers, tels qu’une irritabilité marquée ou une jalousie maladive, qui ne peuvent être pris en considération que dans l’appréciation de la culpabilité (TF 6B_391/2011 du 11 août 2011 c. 4.1; ATF 108 IV 99 c. 3b; ATF 107 IV 105 c. 2b/bb).
6.2.
L’appelant reproche aux premiers juges d’avoir écarté les conclusions du Dr L._ selon lesquelles il se trouvait, au moment des faits, dans un état spécial dissocié. Il soutient que cet état spécial dissocié ne peut être que la traduction d’un profond désarroi.
Lors des débats de première instance, le Dr L._ a déclaré qu’il allait dans le sens du rapport d’expertise s’agissant de l’absence de diagnostic selon la liste CIM-10, mais qu’à son avis, au moment des faits, A.T._ se trouvait dans un état spécial dissocié et qu’il y avait aussi une certaine désinhibition due à la consommation d’alcool.
En l’espèce, les déclarations précitées du Dr L._ ne sauraient être prises en compte au regard de la relation thérapeutique le liant à l’appelant, du fait qu’il n’a pas eu accès au dossier, qu’il se base sur la seule version de son patient – pourtant amnésique – et qu’il ne fait pas état d’éléments objectivement vérifiables qui auraient été ignorés par les experts judiciaires et seraient suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l’expertise.
Par ailleurs, on peut relever que l’appelant se trompe en affirmant que l’état spécial dissocié relevé par ce médecin ne pourrait être que la traduction d’un profond désarroi au sens de l’art. 113 CP. En effet, le contexte psychologique ou la configuration psychiatrique ne peuvent jouer un rôle éventuel qu’au stade de la fixation de la peine, mais non pas au stade de la qualification de l’infraction, qui suppose un jugement objectif sur les circonstances de l’acte (TF 6B_719/2009 du 3 décembre 2009 c. 2.3; TF 6S.357/2004 du 20 octobre 2004 c. 2.2).
6.3.
Meurtre passionnel
S'agissant de la qualification des faits du 2 juillet 2010, on ne saurait retenir que l’appelant était dans un état de profond désarroi ou en proie à une émotion violente au moment des faits. D’une part, les circonstances ne permettent pas de conclure à un état de profond désarroi (cf. supra c. 3.3.2). D’autre part, il résulte du déroulement des événements que l’appelant n’a pas agi sous le coup d’une émotion violente. En effet, il a fermement attendu sa victime, armé d’un couteau de cuisine, de sorte qu’on ne saurait admettre, au vu des circonstances, qu’il aurait pu être subitement submergé par un sentiment violent ayant pour effet de restreindre dans une certaine mesure son aptitude à analyser la situation ou à conserver la maîtrise de lui-même. Par ailleurs, un profond désarroi ou une émotion violente doit être également nié au regard de l’attitude de l’appelant durant les actes. L’enregistrement des appels au 117 atteste qu’il est resté calme pendant son explosion de violences. De même, les voisins qui l’ont approché juste après le faits ont indiqué qu’il était extrêmement calme et même soulagé.
Au demeurant, quand bien même l’appelant aurait été dans un tel état - ce qui n’est toutefois pas retenu - en aucun cas cet état ne pourrait être rendu excusable, que ce soit par un comportement blâmable de la victime à son égard ou par les circonstances objectives. En effet, la situation de son couple n’était pas heureuse, mais elle n’était pas non plus particulière. La victime a certes requis des mesures protectrices et décidé de se séparer. Reste qu’aucun comportement blâmable ne peut lui être reproché. Une simple rupture ne peut conduire un époux au désir de tuer la femme qui le quitte. Si l’appelant a tué, ce n’est pas en raison d’un immense amour déçu, mais du fait qu’il n’a pas accepté la séparation et le fait d’être éconduit et qu’il a voulu se venger, faisant preuve d’un mépris total de la vie de la victime. Le cas se distingue ainsi nettement de celui où l’auteur tue une personne qui se trouve en conflit aigu avec lui ou qui l’a fait profondément souffrir. De plus, il convient de souligner que l’union de A.T._ et I._ a été de très courte durée et que 15 jours à peine après les retrouvailles en Suisse, le couple a déjà connu des difficultés qui l’a conduit à une première séparation de quelques jours. Ainsi, les circonstances ne rendent pas non plus le comportement de l’intéressé excusable.
Au vu de ce qui précède, les éléments de l'infraction de meurtre passionnel ne sont pas réunis et le moyen de l'appelant, mal fondé, doit être rejeté.
6.4.
Assassinat
S’agissant de la façon d’agir de l’appelant, il convient de relever que celle-ci a été d’une extrême brutalité et démontre l’existence d’une détermination, d’une froideur, et d’une cruauté manifeste. Ainsi, l’appelant, alors qu’il s’était engagé devant la justice de ne plus s’approcher de sa femme, l’a attendue durant près de quatre heures dans l’appartement des voisins de son épouse, avec en poche le couteau de cuisine qu’il avait pris le soin d’emporter en quittant son lieu de travail. Il est ensuite passé à l’acte avec une sauvagerie indescriptible dès l’arrivée de sa victime. D’emblée, il l’a agressée, forçant le passage pour entrer dans son appartement malgré les contestations de son épouse et la présence de sa toute jeune fille. Il s’est emparé du couteau qu’il avait dans la poche et a froidement transpercé le corps de son épouse. L’instruction a démontré qu’il lui porté au moins 30 coups, le rapport d’autopsie relevant 69 lésions. Il a voulu la défigurer, le dossier photographique mettant en évidence un nombre incalculable de plaies à la hauteur du visage. Il a cherché à lui prendre la vie et ne lui a laissé aucune chance de s’en sortir. En effet, il a fini par l’égorger, lui infligeant une profonde blessure au niveau du cou. Il a ensuite laissé son épouse sur place, alors même qu’il avait, selon ses dires, entendu qu’elle râlait. De plus, conformément à l’enregistrement des appels au 117, l’appelant est resté calme, alors que sa victime hurlait de terreur et cherchait à se défendre. Les voisins, qui ont approché A.T._ juste après le faits, ont également confirmé qu’il était extrêmement calme et même soulagé.
Concernant les mobiles de l’infraction, on doit reconnaître que l’appelant a agi pour des motifs particulièrement futiles et égoïstes, à savoir pour se venger. En effet, il avait auparavant menacé de mort sa femme. Il l’avait également injuriée à plusieurs reprises. De plus, il résulte des enregistrements à la police que A.T._ a dit à l’attention de son épouse, alors que celle-ci agonisait dans son sang: "I._ meurt comme tu as envie, comme cela tu connaîtras l’homme que je suis". Ainsi, on doit retenir que l’appelant ne supportait pas l’idée que son épouse veuille se séparer de lui. La victime devait reprendre la vie commune ou disparaître. De plus, l’appelant a tué sa femme, en présence de son enfant et tout ensachant que la petite fille était là et sans manifestement penser aux conséquences que son acte allait entraîner pour cette dernière.
Ainsi, au regard des mobiles purement égoïste et de la façon d’agir extrêmement brutale et déterminée de l’appelant, l’acte commis justifie la qualification d’assassinat au sens de l'art. 112 CP. Aucun comportement blâmable de la victime ne pouvait justifier cette haine homicide. Ayant mal supporté la rupture de sa relation avec la victime, l’appelant a été aveuglé par son désir de vengeance et a fait preuve d’un mépris total pour la vie d’autrui, en causant intentionnellement la mort de sa femme.
7.
L’appelant conteste la peine infligée et conclut à une réduction de la peine privative de liberté prononcée.
7.1.
7.1.1.
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Les critères énumérés de manière non exhaustive par l'art. 47 CP correspondent à ceux fixés par l'art. 63 aCP et la jurisprudence élaborée en application de cette disposition, qui conserve toute sa valeur. Ainsi, la culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_722/2010 du 17 février 2011 c. 1.2.1 et 1.2.2; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1). L'absence d'antécédents, sauf circonstances exceptionnelles, n'a plus à être prise en compte dans un sens atténuant (ATF 137 IV 313 c. 5.2 non publié; ATF 136 IV 1 c. 2.6.4).
7.1.2.
Selon l’art. 50 CP, le juge doit motiver sa décision de manière suffisante. Sa motivation doit permettre de vérifier s’il a été tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (cf. ATF 134 IV 5 c. 4.2.1; ATF 128 IV 193 c. 3a).
7.1.3.
En vertu de l’art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d’agir, l’auteur ne possédait que partiellement la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après celle appréciation.
Dans I’ATF 136 IV 55, le Tribunal fédéral a jugé que la réduction purement mathématique d’une peine hypothétique, comme le permettait l’ancienne jurisprudence, était contraire au système, qu’elle restreignait de manière inadmissible le pouvoir d’appréciation du juge et conduisait à accorder un poids trop important à la diminution de la capacité cognitive ou volitive telle qu’elle a été constatée par l’expert.
Désormais, le juge doit procéder comme suit en cas de diminution de la responsabilité pénale: dans un premier temps, il doit décider sur la base des constatations de fait de l’expertise dans quelle mesure la responsabilité pénale de l’auteur doit être restreinte sur le plan juridique et comment cette diminution de la responsabilité se répercute sur l’appréciation de la faute. La faute globale doit être qualifiée et désignée expressément dans le jugement (art. 50 CP). Dans un second temps, il convient de déterminer la peine hypothétique, qui correspond à cette faute. La peine ainsi fixée peut enfin être modifiée en raison de facteurs liés à l’auteur (Täterkomponente) ainsi qu’en raison d’une éventuelle tentative selon l’art. 22 al. 1 CP.
7.2.
L’appelant reproche au Tribunal criminel de ne pas avoir tenu compte de sa prise de conscience et de la sincérité de ses regrets.
Contrairement à ce que semble penser l’appelant, le Tribunal criminel ne lui a pas réfuté toute prise de conscience, mais uniquement constaté que celle-ci n’était pas complète. Cette appréciation ne porte pas le flanc à la critique, dès lors que, même dans le cadre de son appel, A.T._ tente encore et toujours de minimiser ses actes et les faits d’une extrême gravité en se retranchant derrière un profond désarroi nullement établi et que les circonstances ne sauraient d’ailleurs en aucun cas justifier.
S'agissant des regrets, encore aujourd'hui, l'appelant peine à les exprimer et parle avant tout de sa situation, de sa solitude et de ses propres pertes.
On doit admettre que le traitement thérapeutique entrepris volontairement par l’appelant constitue un élément à décharge, ce qui n’a au demeurant pas été ignoré par les premiers juges. En effet, selon l’expert entendu aux débats, au moment de l’expertise, A.T._ était au fait de la gravité de ses actes, mais avait de la peine à comprendre comment il pouvait en être l’auteur; il exprimait spontanément des regrets par rapport aux conséquences de ses actes sur sa vie et celle de sa fille, mais n’avait pas exprimé de regrets directs concernant sa femme. Dans le cadre de leur rapport, les experts judiciaires ont mentionné avoir conseillé à A.T._ un travail psychothérapeutique avec l’objectif d’explorer et, peut-être, parvenir à assumer cette partie de lui-même qui s’était exprimée dans son acte. Ils ont indiqué qu’une aide à s’accepter comme auteur de l’acte incriminé leur paraissait d’une grande importance pour l’évolution future de l’état psychique de l’appelant et un des garants de son comportement. Or, précisément, l’appelant a entrepris la thérapie qu’on lui préconisait, avec certains résultats, semble-t-il, au regard des déclarations du Dr L._ (cf. jgt attaqué pp. 34 et 35). Ces éléments sont à apprécier en faveur de l’appelant.
7.3.
L’appelant reproche au Tribunal d’avoir pris en compte son manque de franchise alors que son absence de souvenirs serait la conséquence d’un mécanisme de défense psychologique, conformément aux dires des experts.
Lors des débats de première instance, l’expert a précisé qu’on ne retrouvait pas d’élément qui montrerait que A.T._ avait des difficultés à se souvenir de ses actes, qu’on ne pouvait déduire de l’existence d’une amnésie potentielle survenue après les faits une diminution de la capacité mentale au moment des faits et que lui-même ne pouvait faire la distinction, d’une point de vue psychiatrique, entre la difficulté à se remémorer qui serait le résultat d’un processus de défense psychologique ou une tentative de nier les faits. Enfin, il a relevé que l’amnésie de A.T._ postérieurement aux faits pouvait être due à une défense psychologique qui induisait des mécanismes d’absence de souvenirs après les faits. De manière générale, une corrélation entre un événement extrême provoquant une perturbation émotionnelle et une absence de souvenirs n'était pas rare.
En l’espèce, aux dires de l’expert, il n’est pas possible de déterminer précisément si l’appelant souffre réellement d’amnésie due à une défense psychologique ou s’il nie simplement les faits. Cette question n’est toutefois pas déterminante. En effet, d’une part, il résulte du dossier que le comportement du prévenu n’a pas été particulièrement exemplaire durant la procédure. Ainsi, lors de ses premières auditions, il a soutenu qu’il avait été invité par son épouse à son domicile pour discuter, qu’il avait tenté de la prendre dans ses bras, mais qu’elle l’avait repoussé et que, tout à coup, alors que la discussion se poursuivait, elle avait sorti un couteau de nulle part et s’était mise à le frapper. Il a affirmé que son épouse l’avait provoqué et que la discussion avait dégénéré. Ce n’est qu’une fois confronté à l’écoute de l’appel de son épouse au 117 que l’appelant a fait état d’une amnésie, indiquant que ce qu’il avait fait était terrible, mais qu’il ne pouvait pas concevoir qu’il en était l’auteur et ne se souvenait pas d’avoir donné plus de 3 ou 4 coups de couteau. lI a indiqué s’être réveillé au moment où il égorgeait sa femme, soutenant n’avoir pas appuyé son geste car il était affaibli par ses blessures. D’autre part, on peut également relever que s’agissant des faits dont il se souvient, il persiste à les nier (cf. supra c. 4 et 5), voire à les minimiser. En effet, il se souvient du dernier coup de couteau, mais soutient ne pas avoir appuyé la lame alors que, selon le dossier photographique et l’autopsie, la victime a eu la gorge tranchée quasiment d’une oreille à l’autre.
7.4.
L'appelant s'est rendu coupable d'un assassinat, dont le minimum de la peine légale est de dix ans et le maximum la privation de liberté à vie. L'atteinte au bien juridique, en l'espèce la vie, est extrêmement grave. Le mode d'exécution est d'une extrême brutalité; le prévenu s'est acharné sur son épouse, mutilant son visage et son corps de 69 lésions, sous les yeux de leur fille de dix mois. I._ n'a pas eu un comportement pouvant expliquer l'acte du prévenu, qui a conservé jusqu'à son geste fatal une pleine liberté de choix entre un comportement licite et un autre interdit par la loi. Dans ces conditions, la faute de l'appelant est objectivement très grave. Le comportement de l’appelant lors de la procédure n'a pas été particulièrement exemplaire. En effet, ce dernier a démontré une prise de conscience partielle de la gravité de ses actes, mettant la faute sur son épouse qui, par son comportement blâmable à son égard, aurait déclenché en lui un profond désarroi. Par ailleurs, sa version des faits a varié en cours de procédure, laissant toutefois à chaque fois entendre que son épouse l'avait provoqué le 2 juillet 2010. Il a également nié jusqu'au bout avoir menacé son épouse le 21 juin 2010 et l'avoir injuriée le 27 juin 2010. Interpellé à l’audience d’appel, l'appelant a surtout fait état des conséquences de ses actes pour lui-même, ne démontrant toujours pas clairement regretter d'avoir pris la vie de son épouse. De plus, il convient également de prendre en considération le concours d’infractions au sens de l’art. 49 al. 1 CP. En effet, l'appelant s'est également rendu coupable de menaces qualifiées et d'injures.
S’agissant des éléments à décharge, il convient de prendre en compte le fait que l'appelant a entrepris volontairement un traitement thérapeutique. En outre, il a signé des reconnaissances de dettes en faveur des parties plaignantes.
Sur le plan personnel, il faut relever que si, au moment des faits, l'appelant avait rompu avec son épouse, il avait cependant une activité professionnelle, pouvait voir sa fille dans le cadre de son droit de visite et avait un réseau social. En outre, sa responsabilité était pleine et entière, comme l'ont relevé les psychiatres.
La peine privative de liberté de 20 ans infligée à l’appelant a été fixée dans le cadre légal et sur la base de critères pertinents conformément à l'art. 47 CP. Au vu des éléments, tant favorables que défavorables à prendre en compte dans le cas particulier, exposés ci-dessus et dans le jugement attaqué, on doit admettre que cette sanction ne viole pas le droit fédéral. Elle doit par conséquent être confirmée.
Il convient encore de relever que la détention subie depuis le jugement de première instance est déduite. En outre, le maintien en détention de A.T._
à titre de sûreté est ordonné.
8.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé dans son entier.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de A.T._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 4'886 fr. 75 (art 422 CPP; art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant et aux conseils d'office des intimées (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP, art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP).
Le défenseur d'office de l'appelant a indiqué qu'il avait consacré 30 heures au dossier et que ses débours se montaient à 207 fr. 60. Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, il convient d'admettre que le défenseur d'office de l'appelant a dû consacrer 20 heures à l'exécution de son mandat. En effet, le nombre d'heures indiquées par le défenseur d'office de l'appelant est exagéré, dès lors qu'il était déjà conseil en première instance. L'indemnité sera dès lors arrêtée à 4'112 fr., TVA et débours inclus (cf. art. 135 al. 1 CPP).
Le conseil d'office de S._, A.E._, B.E._ et C.E._ a indiqué qu'il avait consacré 8 heures 48 au dossier. Le nombre d'heures indiquées est exagéré et sera dès lors réduit à 8 heures, de sorte qu'il convient de lui allouer une indemnité de 1555 fr. 20, TVA incluse. Quant au conseil d'office de B.T._, il a indiqué avoir consacré 4 heures 54 au dossier, de sorte qu'il convient de lui allouer une indemnité de 972 fr. TVA comprise.
L'appelant ne sera tenu de rembourser à l'Etat le montant des indemnités allouées en faveur de son défenseur d'office et des deux conseils d'office des parties plaignantes que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).
La Cour d’appel pénale,
vu les articles 144 al. 1, 189 et 190 CP,
appliquant les articles 30, 40, 47, 49 al. 1, 50, 51, 69, 112, 177 al. 1, 180 al. 1 et 2 let. a CP; 398 ss CPP,
prononce :
I.
L'appel est rejeté.
II.
Le jugement rendu le 20 janvier 2012 par le Tribunal criminel de l'arrondissement de Lausanne est confirmé selon le dispositif suivant :
"
I. Libère A.T._ des chefs d’accusation de dommages à la propriété, contrainte sexuelle et viol.
II. Condamne A.T._ pour assassinat, injure et menaces qualifiées à 20 ans (vingt ans) de peine privative de liberté, sous déduction de 568 jours de détention avant jugement.
III. Prend acte, pour valoir jugement, de la transaction en vertu de laquelle A.T._ doit immédiat paiement à B.T._ de CHF 110'000.- (cent dix mille francs), avec intérêt à 5% l’an dès le 2 juillet 2010, plus CHF 60'000.- (soixante mille francs) à titre de tort moral, avec intérêt à 5% l’an dès le 2 juillet 2010. La ratification par l’autorité tutélaire est réservée.
IV.
Alloue les sommes suivantes, à titre de tort moral, avec intérêt à 5% l’an dès le 2 juillet 2010, et dit que A.T._
en est le débiteur :
- CHF 40'000.- (quarante mille francs) à S._,
- CHF 20'000.- (vingt mille francs) à B.E._,
- CHF 20'000.- (vingt mille francs) à A.E._
,
- CHF 20'000.- (vingt mille francs) à C.E._.
V.
Lève, en faveur de A.T._, le séquestre sur un natel Nokia gris IMEI n° 357062007971913, une carte AVS au nom de A.T._ (séquestre n° 2), un passeport marocain au nom de A.T._ et une carte d’identité au nom de A.T._ (séquestre n° TRIB 163).
VI.
Ordonne la confiscation et la destruction d’un natel Nokia gris et noir IMEI n° 359774004059884, avec un pendentif en forme de cœur, et une carte SYMYC au nom de A.T._ valable jusqu’au 12 février 2011 (séquestre n° 2).
VII.
Ordonne le maintien au dossier au titre de pièces à conviction d’un lot de photos (séquestre n° TRIB 163) et de trois CD contenant des données de téléphones portables (séquestre n° 3).
VIII.
Fixe l’indemnité de conseil d’office de B.T._ à CHF 10'719.85 (dix mille sept cent dix-neuf francs et huitante-cinq centimes), l’indemnité de conseil d’office de la famille [...] à CHF 11'299.55 (onze mille deux cent nonante-neuf francs et cinquante-cinq centimes), et l’indemnité de défenseur d’office de A.T._
à CHF 24'397.15 (vingt-quatre mille trois cent nonante-sept francs et quinze centimes).
IX.
Dit que A.T._ supportera l’entier des frais de la cause par CHF 76’296.35.
X.
Dit que le remboursement de l’indemnité allouée à son défenseur d’office ne sera exigé de A.T._ que pour autant que sa situation financière le permette."
III.
La détention subie depuis le jugement de première instance est déduite.
IV.
Le maintien en détention de A.T._
à titre de sûreté est ordonné.
V.
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 4’112 fr., y compris débours et TVA, est allouée à Me Julien Gafner.
VI.
Une indemnité de conseil d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 972 fr., TVA comprise, est allouée à Me Gilles Monnier.
VII.
Une indemnité de conseil d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1'555 fr. 20, TVA comprise, est allouée à Me Gilles-Antoine Hofstetter.
VIII.
Les frais d'appel, par 11'525 fr. 95, y compris les indemnités allouées sous chiffres V, VI et VII ci-dessus, sont mis à la charge de A.T._.
IX.
A.T._
ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant
des indemnités allouées sous chiffres V, VI et VII ci-dessus
que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5b82a4cf-8fd2-484c-b8c1-c707c58585ba | En fait :
A.
Par jugement du 29 janvier 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a libéré F._ de l’accusation de viol et de contrainte sexuelle (I), constaté que F._ s’est rendu coupable de tentative de viol (II), condamné F._ à une peine privative de liberté de 15 (quinze) mois (III), suspendu l’exécution de la peine privative de liberté et fixé à F._ un délai d’épreuve de 2 (deux) ans (IV), dit que F._ est le débiteur de Q._ d’une indemnité pour tort moral de 15'000 fr. (quinze mille francs), avec intérêts à 5% l’an dès le 19 septembre 2011, et du montant de 10'600 fr. à titre de dépens pénaux, débours et TVA compris (V), ordonné la confiscation et le maintien au dossier à titre de pièce à conviction d’un CD et de deux DVD séquestrés sous fiche n° 13514/11 (VI), arrêté l’indemnité due à Me Lorraine Ruf, défenseur d’office de F._, à 5'038 fr. 20 (cinq mille trente-huit francs et vingt centimes), débours et TVA compris (VII), mis les frais de la cause, par 13'798 fr. 65 (treize mille sept cent nonante-huit francs et soixante-cinq centimes), y compris l’indemnité allouée à Me Lorraine Ruf sous chiffre VII ci-dessus, à la charge de F._ (VIII), dit que F._ ne sera tenu au remboursement à l’Etat de l’indemnité allouée à son défenseur d’office, Me Lorraine Ruf, dès que sa situation financière le permettra (IX).
B.
Par annonce d’appel du 5 février 2013, suivie d’une déclaration d’appel motivée du 7 mars suivant, F._ s’est opposé à ce jugement. A titre principal, il a conclu à sa réforme en ce sens qu’il est libéré des fins de la poursuite pénale, les frais de la procédure étant laissés à la charge de l’Etat. A titre subsidiaire, il a conclu au prononcé d’une peine privative de liberté dont la quotité est laissée à l’appréciation de la Cour d’appel, assortie du sursis pendant deux ans, les dépens pénaux octroyés à la plaignante étant réduits à 5'500 francs. Plus subsidiairement encore, il conclut à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause à l’instance inférieure pour nouveau jugement.
Par acte du 14 mars 2013, le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois a déposé un appel joint concluant à la réforme du jugement entrepris en ce sens que F._ est reconnu coupable de contrainte sexuelle et de tentative de viol, une peine privative de liberté de 18 mois, suspendue durant trois ans, étant prononcée à son encontre.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
F._ est né le 11 août 1993 en Equateur, où il a passé les premières années de son enfance. En 2003, il a rejoint, avec sa sœur, sa mère en Suisse. Après sa scolarité obligatoire, il a effectué un apprentissage de cuisinier. Son CFC obtenu, il a cherché à compléter sa formation par un apprentissage de pâtissier-confiseur, mais n’a pas trouvé de place. Il a alors effectué différents stages pour se perfectionner, le dernier s’étant déroulé dans une chocolaterie d’ [...]. Pour ce travail, il recevait un salaire mensuel de 500 francs brut. Il va débuter au mois d’août 2013 un nouvel apprentissage de pâtissier confiseur à [...]. Il vit chez sa mère et son beau-père qui l’entretiennent. Il n’a pas de dettes et a pour environ 4'000 fr. d’économies.
Le casier judiciaire suisse de F._ ne comporte aucune inscription.
Les renseignements obtenus au sujet de F._ sont bons. Son maître d’apprentissage l’a décrit comme une personne gentille, calme et appréciée de ses collègues. Pour lui, c’était un bon apprenti. Il a également souligné que F._ est bien intégré en Suisse.
2.
Le dimanche 18 septembre 2011, vers 21h00, Q._ a invité deux amies à venir manger chez elle à la route [...] à [...]. Au cours de la soirée, alors qu'elles se trouvaient au bas de l'immeuble, F._, accompagné de trois copains, les ont rejointes et ont été invités à prendre un verre chez Q._. Seuls X._ et F._ ont accepté l'invitation et sont montés dans l'appartement. Peu avant minuit, alors que les convives s'en étaient allés, F._ a demandé à Q._ à pouvoir rester encore quelques instants, prétextant attendre qu'un ami vienne le chercher. Q._ s’est inquiétée lorsqu’elle a constaté que F._ ne répondait toutefois pas à son natel alors que celui-ci avait sonné plusieurs fois.
Tandis qu'ils se trouvaient tous les deux assis sur le canapé, F._ a voulu caresser les cheveux de Q._. Malgré le refus de cette dernière, il a ensuite commencé à l’embrasser et à la caresser. Q._ l'a repoussé et lui a demandé plusieurs fois d'arrêter, mais le prévenu a fermement insisté. Après plusieurs tentatives, et malgré la résistance de Q._, F._ a pu lui descendre ses leggings et son slip jusqu'aux genoux. Il s’est ensuite couché sur elle après avoir baissé son pantalon. Ignorant toujours les refus et les plaintes verbales de sa victime, F._ a poursuivi assidûment ses attouchements et lui a introduit, sans ménagement, deux doigts dans le sexe. Alors que Q._ se plaignait d'avoir mal et continuait de le repousser, le prévenu a continué à la caresser sur tout le corps. F._ a demandé à Q._ si elle avait un préservatif, ce à quoi elle a répondu par la négative, ajoutant qu’elle prenait la pilule. Il a alors tenté à plusieurs reprises de la pénétrer avec son sexe, sans préservatif, malgré les protestations de sa victime. Après environ 45 à 60 minutes, Q._ a déclaré à son agresseur qu'il commettait un viol. Ce n'est qu'à ce moment-là que F._ a finalement cessé ses agissements.
Peu après la fin des attouchements, Q._ a pleuré et a frappé F._ sur le torse, se cassant plusieurs faux ongles, dont l’un a été retrouvé par la police dans la poubelle. Elle a enregistré sur son portable le discours suivant du prévenu : « Ben je m’excuse Q._...à cause que j’imaginais, j’imaginais que j’avais juste...je pensais...j’avais totalement tort, j’ai continué à faire ce qu’il fallait pas...malgré que tu m’avais dit d’arrêter...j’ai continué dans mon délire...au bon moment j’ai arrêté...heureusement...je t’ai aidée à te rhabiller et je m’excuse sincèrement ».
Le 19 septembre 2011, F._ a envoyé à Q._, de nombreux SMS dont la teneur est la suivante :
«- 01 :38 :56 Je me excuse de tout mon cœur ai pitie de moi je derape stp ; - 01 :45 :18 Stp je envie de emparle nouveaux demian gache pas ma viee garde sa pour toi stp demain je vx te parle - 07 :57 :17 Desen parle je devan ton imeuble - 07 :57 :24 Virginie laisse moi te parle 5 minutes hier soir je etait totalment bourre alor je veut me expliker - 08 :00 :24 Rep moi - 08 :13 :26 Ouvre moi 5 nimutes - 08 :20 :40 Vien parle 5 minutes»
.
Le 19 septembre 2011, vers 7 heures, Q._ s’est présentée au service des urgences du Département de gynécologie - obstétrique au CHUV pour y subir un examen gynécologique. En résumé, elle a expliqué au médecin qui l’a examinée qu’un garçon avait commencé à l’embrasser, puis à la toucher partout, lui avait enlevé ses habits seulement en bas et l’avait touchée avec ses doigts par voie vaginale. Elle a ajouté que ce garçon avait essayé une pénétration vaginale et qu’elle n’était pas sûre qu’il y ait eu une pénétration complète et une éjaculation. Elle a ajouté qu’elle avait essayé dès le début de résister et de repousser le garçon, mais que celui-ci avait continué. Le procès-verbal concernant les analyses génétiques et la toxicologie à envoyer au Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : le CURML) mentionne que Q._ disait se sentir sale, pleurait, était triste et inquiète. Lors de l’examen général, le médecin a constaté que Q._ présentait deux «hématomes avant bras droit, douloureux, apparus selon elle lorsqu’elle avait essayé de se défendre» et que l’hymen présentait des pétéchies sur tout le pourtour, soit «2 petites déchirures, 1 à 2h et une à 10h, entourées de pétéchies compatibles avec des lésions fraîches, tâches de sang frais au contact de ces deux déchirures». Le médecin a conclu à ce que le status gynécologique était compatible avec les dires de Q._.
Q._ s’est portée partie plaignante demandeur au pénal et au civil le 19 septembre 2011.
F._ a été soumis à un test éthylomètre le
19 septembre 2011, à 11 heures. Ce test a révélé un taux de 0/00 gr. d’alcool.
D.
Aux débats d’appel, le président a informé les parties que la Cour avait procédé au visionnage du DVD et du CD d’audition de Q._.
F._ a maintenu ses conclusions d’appel. Il a en outre requis une indemnité au sens de l’art. 429 CPP.
Le Ministère public a maintenu ses conclusions d’appel joint. Il a conclu au surplus au rejet de l’appel déposé par F._.
La plaignante a conclu au rejet de l’appel de F._ et s’en est remise à justice s’agissant de l’appel joint du Ministère public. Elle a en outre requis l’allocation de dépens d’appel à hauteur de 2'500 francs. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP). L'appel joint doit être interjeté dans un délai de vingt jours dès la réception de la déclaration d'appel (art. 400 al. 3 CPP).
Interjetés dans les formes et délai légaux par des parties ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de F._ est recevable. Il en va de même de l’appel joint du Ministère public (art. 381 al. 1 CPP).
Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
I. Appel de F._
3.
L’appelant conteste la qualification juridique de tentative de viol retenue contre lui. Il estime que les éléments constitutifs de cette infraction ne sont pas réalisés, en particulier le recours à la contrainte et l’intention.
3.1.1
Aux termes de l'art. 190 CP, celui-ci qui en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de un à dix ans (al. 1).
Le crime réprimé par l'art. 190 CP est une infraction de violence, qui suppose, en règle générale, une agression physique. La violence désigne l'emploi volontaire de la force physique sur la personne de la victime dans le but de la faire céder (ATF 122 IV 97 c. 2b; TF 6B_267/2007 du 3 décembre 2007 c. 6.3;
TF 6S.688/1997 du 17 décembre 1997 c. 2b, cité in Hans Wiprächtiger, Aktuelle Praxis des Bundesgerichtes zum Sexualstrafrecht, RPS 1999 p. 121 ss, spéc.
p. 133). Il n'est pas nécessaire que la victime soit mise hors d'état de résister ou que l'auteur la maltraite physiquement. Une certaine intensité est néanmoins requise. La violence suppose non pas n'importe quel emploi de la force physique, mais une application de cette force plus intense que ne l'exige l'accomplissement de l'acte dans les circonstances ordinaires de la vie (ATF 87 IV 68). Selon les circonstances, un déploiement de force relativement faible peut suffire. Ainsi, peut déjà suffire le fait de maintenir la victime avec la force de son corps, de la renverser à terre, de lui arracher ses habits ou de lui tordre un bras derrière le dos (TF 6B_570/2012 du
26 novembre 2012 c. 1.2; TF 6S.126/2007 du 7 juin 2007 c. 6.2).
L'infraction de viol est intentionnelle. Le dol éventuel suffit. L'auteur doit savoir que la victime n'est pas consentante ou en accepter l'éventualité. Il doit vouloir accepter que la victime soit contrainte par le moyen qu'il met en œuvre ou la situation qu'il exploite. Il doit enfin vouloir ou accepter que la femme se soumette à l'acte sexuel sous l'effet de la contrainte (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I,
3
e
éd., Berne 2010, n. 11 ad art. 190 CP).
3.2
En l’espèce, F._ a expliqué que les refus de Q._ étaient gentils, délicats, ambigus, exprimés sur un ton joueur et donc peu clairs. Il a ajouté que Q._ n’avait ni crié, ni ne l’avait giflé et que si cela avait été le cas, il aurait tout de suite arrêté. D’ailleurs, dès qu’elle lui a dit qu’il commettait un viol, il a tout de suite arrêté. Q._ a, quant à elle, expliqué avoir, dès le début et jusqu’à la fin, montré à F._, de manière claire et sans ambiguïté, soit verbalement, soit en le repoussant avec ses mains, soit en se débattant qu’elle n’était pas d’accord. Elle a ajouté qu’elle s’était clairement opposée et qu’à chaque refus manifesté, F._ continuait les attouchements. Pour elle, en aucun cas, il ne pouvait interpréter son opposition comme un jeu ou de la timidité. Elle a enfin expliqué qu’elle n’avait pas réussi à se dégager du canapé, car F._ s’était couché rapidement sur elle.
Face à ces déclarations contradictoires, les premiers juges ont retenu que celles de Q._ étaient crédibles et authentiques, qu’elle s’est exprimée de manière claire et sincère et qu’elle n’a pas varié dans l’essentiel de ses déclarations, soit celles à la police faites par audition vidéo le 19 septembre 2011, celles faites le même jour au médecin qui l’a examinée au service des urgences du CHUV ou encore celles devant le Tribunal de première instance (jgt., pp. 25 – 26).
S’agissant des déclarations de F._, les premiers juges ont relevé que celles qu’il avait faites lors de son audition par la police, tout de suite après les faits, démontraient que l’appelant avait bel et bien compris que Q._ n’était pas consentante et qu’il n’en avait pas tenu compte, poursuivant son but qui était d’avoir une relation sexuelle complète (PV aud. 1 R. 5
p. 3, R. 6 ; PV aud. 3, lignes 37-38, lignes 87-89). Cela est encore confirmé par la teneur des paroles de l’appelant enregistrées par Q._ sur son portable et des SMS que celui-ci lui a envoyés peu après les faits (jgt., p. 26).
Cette appréciation n’est pas critiquable et doit être suivie. La réalité objective que décrit la plaignante est très proche de celle qu’admet le prévenu s’agissant de la description factuelle des actes (jgt., pp. 5 et 6). Les divergences sont essentiellement subjectives. Là où l’appelant soutient avoir eu le sentiment que Q._ était consentante, celle-ci explique pour sa part que son agresseur était hermétique aux signaux qu’elle émettait, le décrivant comme étant « dedans », complètement obnubilé par son désir égoïste. S’il est vrai que Q._ reconnaît que le prévenu ne s’est pas montré physiquement violent et ne l’a notamment pas frappée, il résulte néanmoins de ses déclarations qu’il a dans un premier temps cherché à lui toucher les cheveux et à l’embrasser alors qu’elle exprimait d’emblée son refus et qu’elle tentait de le repousser ; ensuite, il s’est couché sur elle, s’est brièvement relevé pour se déshabiller partiellement, a cherché à plusieurs reprises à la déshabiller malgré la résistance de la plaignante, l’a caressée de différentes façons, puis a introduit un ou deux doigts dans son vagin et a tenté de la pénétrer avec son sexe, tout cela alors qu’elle exprimait régulièrement, voire en permanence, son refus, tant verbalement que physiquement, en tentant d’abord d’empêcher l’appelant de lui toucher les cheveux, puis en essayant de s’éloigner du canapé, enfin en se débattant, en remontant ses leggins et en lui répétant qu’il lui faisait mal et qu’elle ne voulait pas qu’il lui impose ces gestes.
Toute l’argumentation de l’appelant consiste à rediscuter les comportements respectifs adoptés par la plaignante et lui-même pendant les faits et la signification qu’a pu avoir pour lui l’attitude de Q._ à ce moment-là. Pour cela, il extrait certains passages des déclarations faites par la plaignante à la police le lendemain matin des faits, et les réinterprète en les sortant de leur contexte. Il évoque ainsi le passage où il a demandé à la plaignante si elle avait un préservatif et où elle lui a répondu par la négative, en ajoutant « qu’heureusement, elle prenait la pilule ». Ce procédé est d’autant plus discutable que l’appelant se réfère à la synthèse des déclarations de la plaignante figurant dans le PV aud. 3 et non au contenu de l’enregistrement intégral qu’on trouve dans le DVD (Pièce à conviction n° 13514/11). Or, le visionnement intégral de l’audition de la plaignante démontre que l’interprétation que voudrait imposer l’appelant est totalement orientée et inexacte.
L’appelant veut voir dans certaines attitudes adoptées par la plaignante des motifs de douter de son comportement et de la signification qu’il pouvait avoir pour lui. Ces considérations au sujet des réactions qu’aurait dû avoir la plaignante si elle n’était pas consentante (se dégager de son étreinte en le frappant dans les parties génitales, se relever pendant qu’il se déshabillait, crier et appeler au secours, etc.) ne sont aucunement déterminantes. Il est en effet notoire qu’une personne agressée sexuellement n’adopte pas forcément les stratégies de défense les plus efficaces, ceci en raison de plusieurs facteurs psychologiques qui peuvent parfaitement expliquer cette inadéquation (stress, peur, honte, etc.). Il est en outre établi que la plaignante a suffisamment exprimé, tant oralement que physiquement, son refus des actes que lui imposait l’appelant ; ce dernier l’a d’ailleurs admis lors de ses différentes auditions, notamment lorsqu’il a indiqué avoir repoussé les mains de la plaignante qui ne voulait pas qu’il lui touche les cheveux, qu’il a fait usage de la force pour l’embrasser et que les choses ont « dégénéré » (PV aud. 1 R. 20, R. 6,
R. 5 p. 3). L’appelant voudrait également voir dans la durée des faits – soit environ une heure - la manifestation du consentement de la victime. Son interprétation est cependant contredite par les éléments du dossier, cela d’autant plus qu’il est fréquent que la résistance de la victime d’abus sexuel fluctue durant l’agression.
Enfin, l’appelant voit dans l’attitude lucide de la plaignante après les faits, à savoir qu’elle ne l’a pas expulsé immédiatement de chez elle, mais qu’elle lui a fait reconnaître ses torts et qu’elle l’a enregistré, un « machiavélisme inattendu pour le moins incompatible avec le traumatisme violent [...] décrit ». Sur ce point encore, il ne s’agit là que d’une appréciation gratuite de l’appelant. Tant lors de ses auditions qu’aux débats d’appel, la plaignante a expliqué de façon convaincante et rationnelle sa réaction après les faits, laquelle démontre effectivement une lucidité certaine, mais qui n’enlève toutefois rien à sa crédibilité.
L’appelant cherche donc en vain à imposer sa version des faits, laquelle est contredite par les déclarations de la plaignante, qualifiées à raison de convaincantes par les premiers juges. Ces derniers ont par ailleurs correctement tenu compte des autres éléments de preuves, soit les témoignages de X._ (jgt., p. 12) et de R._ (jgt., pp. 14-15), le contenu des messages vocaux et écrits envoyés par l’appelant à sa victime peu après les faits (P. 18) et enfin les constats médicaux (P. 11).
Comme les premiers juges, la Cour de céans retient de l’ensemble de ces éléments que, du début à la fin, la plaignante a exprimé de manière claire et dénuée d’ambiguïté son refus d’entretenir une quelconque relation physique avec le prévenu, même si par moment elle a pu sembler passive, et que l’opposition qu’elle a clairement et régulièrement exprimée durant les 45 à 60 minutes qu’ont duré les faits ne pouvait pas échapper à l’appelant. Ce dernier a fait fi de cette résistance, du moins jusqu’au moment où sa victime est parvenue à capter à nouveau son attention et à lui faire peur à l’évocation d’un viol.
En définitive, le jugement attaqué ne procède d’aucune constatation incomplète ou erronée des faits. Ceux-ci doivent donc être confirmés. Quant à la qualification juridique de tentative de viol, elle est indiscutable sur la base des faits retenus : les éléments constitutifs contestés par l’appelant, soit la contrainte et l’intention, sont bien réalisés et il n’y a donc aucune violation du droit à avoir retenu cette infraction.
L’appel de F._ doit être rejeté sur ce point.
4.
Aux débats d’appel, l’appelant a plaidé l’erreur sur les faits au sens de l’art. 13 CP et a soutenu que l’art. 23 CP relatif au désistement devait être appliqué à sa situation.
4.1
L’art. 13 al. 1 CP dispose que quiconque agit sous l’influence d’une appréciation erronée des faits est jugé d’après cette appréciation si elle lui est favorable.
Aux termes de l’art. 23 al. 1 CP, si, de sa propre initiative, l’auteur a renoncé à poursuivre l’activité punissable jusqu’à son terme ou qu’il a contribué à empêcher la consommation de l’infraction, le juge peut atténuer la peine ou exempter l’auteur de toute peine.
Par définition, l'auteur qui se désiste prend une première décision - consciente et volontaire - de passer à l'acte en s'accommodant de toutes ses conséquences, puis, dans un second temps, une deuxième décision - spontanée - de cesser la réalisation de l'action (ATF 108 IV 104 c. 2b).
4.2
En l’occurrence, comme cela a déjà été retenu, l’appelant était dès le début conscient que Q._ n’était pas consentante. Il ne peut dès lors valablement soutenir que l’art. 13 al. 1 CP s’applique à sa situation. En outre, il a admis n’avoir cessé ses agissements qu’une fois que la plaignante lui a dit qu’il commettait un viol. On ne peut dès lors pas conclure qu’il a renoncé à agir de sa propre initiative, ce qui exclu l’application de l’art. 23 CP. Ces griefs, mal fondés, doivent être rejetés.
5.
Dans l’hypothèse où son moyen principal ne devait pas être admis, l’appelant conteste également la quotité de la peine. Il relève n’avoir pas fait preuve de brutalité, contrairement à ce que retient le jugement attaqué. Il a en outre présenté des excuses sincères lorsqu’il a compris que la plaignante avait mal vécu l’épisode.
5.1
Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier, ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). Le juge doit exposer quels éléments il a pris en compte pour fixer la peine, de manière à ce que l'on puisse vérifier que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou aggravant. Il lui appartiendra, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, de déterminer dans quelle mesure il y a lieu de tenir compte des divers facteurs de la peine (ATF 136 IV 55, JT 2010 IV 127). Le juge ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1 et les réf. citées).
5.2
Les premiers juges ont retenu que la culpabilité de F._ est lourde, qu’il n’a pas su maîtriser ses pulsions, qu’il a imposées à la plaignante en faisant usage de brutalité, notamment lorsque sans ménagement, il a introduit plusieurs doigts dans son vagin, lui causant ainsi des douleurs et des lésions. Il a agi avec détermination, passant outre les nombreux signaux de refus exprimés par Q._. Si au cours des débats, il a précisé qu’il n’avait pas voulu faire de mal à Q._, il a cherché à trouver des excuses à son propre comportement dans l’attitude de sa victime (jgt., p. 29).
A décharge, les premiers juges ont retenu les bons renseignements donnés par le maître d’apprentissage de l’appelant, son jeune âge puisqu’il était à peine majeur d’un mois au moment des faits ainsi que le degré de commission de l’infraction (jgt., p. 29).
La Cour de céans considère que les premiers juges ont correctement apprécié la culpabilité de F._ et ont pris en considération tous les éléments pertinents, tant à charge qu’à décharge pour fixer la peine. Elle paraît ainsi adéquate et doit être confirmée.
6.
L’appelant conteste le montant de l’indemnité de dépens allouée au conseil de la plaignante par 10'600 francs.
6.1
Aux termes de l’art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s’il est condamné. Font exception les frais afférents à la défense d’office; l’art. 135, al. 4, est réservé.
L’art. 433 al. 1 let a CPP dispose que la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause.
6.2
En l’espèce, les premiers juges ont, à raison, mis l’entier des frais de la cause à la charge de F._ dans la mesure où ce dernier a succombé à l’action pénale et a été condamné (jgt., p. 30).
Les critiques de l’appelant s’agissant de la quotité des dépens alloués à la plaignante ne sont en outre pas fondées, la liste des opérations produite par le conseil de Q._ couvrant la procédure de première instance étant adéquate compte tenu de la complexité de la cause. Le montant de 10'600 fr. retenu par les premiers juges doit dès lors être confirmé.
II. Appel joint du Ministère public
7.
Le Parquet reproche aux premiers juges de ne pas avoir retenu à l’encontre de F._ un concours réel entre la contrainte sexuelle au sens de l’art. 189 CP et le viol visé à l’art. 190 CP.
7.1
Aux termes de l’art. 189 al. 1 CP, celui qui, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant sur elle des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister l’aura contrainte à subir un acte analogue à l’acte sexuel ou un autre acte d’ordre sexuel, sera puni d’une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
En application de l'art. 190 al. 1 CP, celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de un à dix ans.
L'art. 189 CP vise à réprimer de manière générale la contrainte en matière sexuelle. Le viol (art. 190 CP) constitue une lex specialis pour le cas où la victime est une femme et qu'il lui est imposé l'acte sexuel proprement dit. Un concours réel est cependant concevable si l'acte sexuel et les autres actes d'ordre sexuel sont indépendants les uns des autres, en particulier lorsqu'ils ont été commis à des moments différents (ATF 122 IV 97 c. 2a). Pour la doctrine, les actes d'ordre sexuel commis en étroite liaison avec l'acte sexuel proprement dit, en particulier ceux qui en sont les préliminaires, doivent être considérés comme absorbés par le viol
(TF 6S.463/2005 du 10 février 2006 consid. 2 ; Corboz, op. cit., n. 19 ad art. 190 CP; Donatsch, Strafrecht III, Delikte gegen den Einzelnen, 9
e
éd. 2008, p. 486; Maier, Basler Kommentar, Strafrecht II, 2
e
éd. 2007, n. 56 ad art. 189 CP; Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, n. 48 ad art. 189 CP et les références citées).
7.2
En l’espèce, les premiers juges n’ont pas ignoré qu’un tel concours est possible. Ils ont toutefois considéré à juste titre que les actes retenus contre F._ formaient en l’espèce un ensemble et constituaient donc une seule et unique infraction, celle de tentative de viol (jgt., p. 28).
La Cour de céans fait sienne cette analyse. F._ a en effet agi dans le but d’avoir une relation sexuelle complète avec la plaignante. Les attouchements auxquels il a procédé sont ainsi en étroite relation avec la tentative de viol et doivent être considérés comme des préliminaires au sens de la jurisprudence et de la doctrine mentionnées ci-dessus. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
8.
Le Ministère public conclut à ce que le délai d’épreuve soit fixé à trois ans. Il considère qu’il y a contradiction à retenir d’une part une absence de véritable prise de conscience et d’autre part un faible risque de récidive.
8.1
Lorsqu’il accorde le sursis, le juge fixe un délai d’épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).
Les critères de fixation de ce délai ne sont pas précisés par la loi. La durée du délai d'épreuve ne saurait être fixée uniquement d'après la durée de la peine ou la gravité de l'infraction. Bien plus, le critère déterminant est le risque de récidive, qui se détermine d’après le caractère du condamné (Roth et Moreillon [éd.], Commentaire romand, Bâle 2009, n. 7 ad art. 44 CP). Le juge doit tenir compte des circonstances du cas d’espèce, en particulier de la personnalité et du caractère du condamné ainsi que du risque de récidive; plus ce risque est sérieux et plus le délai d’épreuve sera long (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
e
éd. 2007,
n. 2 ad art. 44 CP). Dans la mesure où la décision est fondée sur tous les éléments pertinents pour le pronostic futur, le juge jouit en la matière d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 128 IV 193; ATF 118 IV 97, JT 1992 I 783 c. 2a; ATF 116 IV 279 c. 2a).
8.2
En l’espèce, les premiers juges ont fixé un délai d’épreuve de deux ans, considérant que le risque de récidive était faible (jgt., p. 29). Eu égard à l’âge de F._, aux bons renseignements personnels le concernant et à l’absence d’antécédent, la Cour de céans ne voit pas de contradiction entre le fait que le prévenu a tenté de minimiser la gravité de son comportement et le faible risque de récidive retenu. Il n’est dès lors pas critiquable d’arrêter le délai d’épreuve à la durée minimum légale. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté et le délai d’épreuve maintenu à deux ans.
9.
En définitive, l’appel de F._ est rejeté. Il en va de même de l’appel joint du Ministère public. Le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois le 29 janvier 2013 est intégralement confirmé.
10.
La plaignante a pris des conclusions en dépens d’appel à hauteur de 2'500 francs.
L’art. 433 CPP dispose que la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure notamment si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’art. 426, al. 2 (al. 1 let. b). La partie plaignante adresse ses prétentions à l’autorité pénale; elle doit les chiffrer et les justifier. Si elle ne s’acquitte pas de cette obligation, l’autorité pénale n’entre pas en matière sur la demande (al. 2).
Le conseil de la plaignante a fourni une liste des opérations effectuées, correspondant à un mandat de 8h30. Les conditions formelles posées à l'allocation de dépens en faveur de la plaignante sont ainsi réunies. Il convient dès lors d’allouer à cette dernière une indemnité de dépens de 2’500 fr., mise à la charge de F._.
11.
Selon la jurisprudence rendue en matière de dépens, qui s'applique aux indemnités dues au défenseur d'office, la décision par laquelle le juge fixe le montant des dépens n'a en principe pas besoin d'être motivée, du moins lorsque celui-ci ne sort pas des limites définies par un tarif ou une règle légale et que des circonstances extraordinaires ne sont pas alléguées par les parties (ATF 111 Ia 1 c. 2a; ATF 93 I 116 c. 2). En revanche, il en va différemment lorsque le juge statue sur la base d'une liste de frais; s'il entend s'en écarter, il doit alors au moins brièvement indiquer les raisons pour lesquelles il tient certaines prétentions pour injustifiées, afin que son destinataire puisse attaquer la décision en connaissance de cause (TF 5D_45/2009 du 26 juin 2009 consid. 3.1; TF 1P.85/2005 du 15 mars 2005 consid. 2 et les réf. cit.).
Le défenseur d'office de l'appelant a indiqué avoir consacré 18 heures au dossier. Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, il convient d'admettre que le défenseur d'office de l'appelant a dû consacrer 14 heures à l'exécution de son mandat. En effet, le nombre d'heures indiquées est exagéré, dès lors que tous les arguments plaidés en appel l’ont déjà été en première instance. L'indemnité sera dès lors arrêtée à 2’775 fr. 60, TVA et débours inclus (art. 135 al. 1 CPP).
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de F._. Outre l'émolument, qui se monte à 2'680 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), les frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office.
F._
ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité allouée à son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra
.
12.
Il s'avère que le dispositif communiqué le 3 juillet 2013 est entaché d'une erreur manifeste en tant qu’il omet de mentionner, au chiffre V du dispositif de première instance, que F._ est le débiteur d’une indemnité pour tort moral de 15'000 fr. avec intérêts à 5% l’an dès le 19 septembre 2011, et d’un montant de 10'600 fr. à titre de dépens pénaux, débours et TVA compris. En application de l'art. 83 CPP, le dispositif sera rectifié d'office. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5ba71dc3-8717-4575-80cc-7200586f5194 | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
juillet 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a notamment constaté queJ._ s’est rendu coupable de violation grave qualifiée des règles de la circulation (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 18 mois (II), a suspendu l’exécution d’une partie de la peine privative de liberté, portant sur 12 mois, et fixé au condamné un délai d’épreuve de 5 ans (III).
B.
Le 6 juillet 2015, le Ministère public a déposé une annonce d’appel qu’il a retirée le 23 juillet suivant.
Par lettre du 13 août (recte : juillet) 2015, J._, par son défenseur d’office Me Frank Ammann, a déposé une annonce d’appel. Le 29 juillet suivant, il a déclaré, également par l’intermédiaire de son avocat, retirer son appel.
Par avis du 4 août 2015, la présidente de la cour de céans a pris acte des retraits des appels et a rayé la cause du rôle sans frais de deuxième instance.
Par courrier du 12 août 2015, J._ a demandé que son appel soit maintenu. Il a déclaré en substance avoir été surpris que Me Frank Ammann mentionne qu’il retirait son appel, qu’il ne lui a aucunement transmis ce souhait, qu’il n’a pas été en contact avec son défenseur depuis le 13 juillet 2015 et que celui-ci a entamé des démarches en son nom sans l’en aviser et en sa défaveur. Le lien de confiance étant rompu, J._ a en outre demandé qu’un nouveau défenseur d’office lui soit désigné.
Interpellé, Me Franck Ammann s’en est remis à justice quant au sort de la demande de J._, faisant valoir que les discussions qu’il avait eues avec lui étaient couvertes par le secret professionnel.
Par courrier du 31 août 2015, le Ministère public a conclu implicitement à l’irrecevabilité de l’appel formé par J._. Il a fait valoir qu’il apparaissait fort peu probable qu’un avocat retire un appel de sa propre initiative sans en avoir parlé au préalable avec son mandant et a constaté que J._ avait rencontré son défenseur le 13 juillet 2015, soit quatre jours après la notification du jugement motivé, de sorte qu’il avait manifestement dû être question du sort de l’appel à cette occasion.
Par lettre du 11 septembre 2015, J._ a indiqué qu’il a eu un contact téléphonique avec son défenseur le 13 juillet 2015, au cours duquel celui-ci lui a donné connaissance de l’appel du Ministère public et indiqué qu’il en déposerait par conséquent également un en sa faveur. Me Franck Ammann lui a ensuite signifié, par simple courrier et sans l’avoir consulté, que le Ministère public avait retiré son appel et qu’il en faisait de même pour le sien, alors qu’il n’en avait jamais été question. | En droit :
1.
Seule est en l’espèce litigieuse la question de la recevabilité de l’appel. Il n’y a ainsi pas lieu de désigner un défenseur d’office à l’appelant, cette unique question ne relevant aucune difficulté en fait ou en droit (cf. art. 132 al. 2 CPP). En outre, au vu de ce qui sera exposé ci-dessous, la requête de J._ est manifestement dénuée de chance de succès.
2.
L’appelant fait valoir que son défenseur d’office a retiré son appel contrairement aux instructions qu’il lui a données.
2.1
Conformément à l’art. 386 al. 2 CPP, quiconque a interjeté un recours peut le retirer, s'agissant d'une procédure orale, avant la clôture des débats (let. a). L’art. 386 al. 3 CPP dispose que la renonciation et le retrait sont définitifs, sauf si la partie a été induite à faire sa déclaration par une tromperie, une infraction ou une information inexacte des autorités.
La jurisprudence a précisé qu’une simple erreur ne constituait pas une tromperie au sens de l’art. 386 al. 3 CPP (TF 6B_676/2014 du 30 juillet 2015 destiné la publication). Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que le retrait d’appel par l’avocat du prévenu est irrévocable hormis les cas énumérés à l’art. 386 al. 3 CPP (TF 6B_668/2013 du 26 juillet 2013). Il appartient à l’autorité compétente au fond d’examiner la requête fondée sur cette disposition (TF 6B_676/2014 précité).
2.2
En l’espèce, le défenseur de l’appelant, qui le représentait valablement, a déclaré retirer l’appel. Ce retrait est irrévocable conformément à l’art. 386 al. 3 CPP. Aucun élément du dossier ne permet en effet de considérer que l’appelant ou son avocat auraient été victimes d’une tromperie, d’une infraction ou d’une information inexacte des autorités. J._ ne le fait au demeurant pas valoir. Le retrait d’appel est ainsi définitif.
2.3
Enfin, la jurisprudence relative à la restitution de délai, selon laquelle hormis les cas de grossière erreur de l’avocat, en particulier lors d’une défense obligatoire, le comportement fautif de ce dernier est imputable à son client (cf. arrêts TF 6B_722/2014 du 17 décembre 2014 cons. 2.1 ; 1B_250/2012 du 31 juillet 2012 cons. 2.3 ; 6B_60/2010 du 12 février 2010 cons. 2) n’est pas applicable dans le cas particulier. On ne se trouve en effet pas dans l’hypothèse où un acte n’a pas été effectué en temps utile, mais dans celle où un acte a été accompli. Au demeurant, il est douteux qu’une éventuelle erreur de communication entre un mandataire et son client, qui n’est pas établie en l’espèce, constitue une erreur grossière du premier.
3.
Au vu de ce qui précède, la requête fondée sur l’art. 386 al. 3 CPP doit être rejetée.
4.
Vu l’issue de la cause, les frais de la présente décision, par 440 fr. (art. 21 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de J._, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5c8585cf-60d9-449f-8eca-7c52cc5fbe9f | En fait :
A.
Par jugement du 11 mars 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a, notamment, constaté
que K._ s’était rendu coupable de brigandage et de tentative de brigandage (V), a condamné
K._ à une peine privative de liberté de six mois complémentaire à celles prononcées le 15 décembre 2011 par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois et le 14 novembre 2013 par la Chambre pénale d’appel et de révision du canton de Genève (VI), a ordonné
que K._ soit soumis à un traitement ambulatoire contre les addictions (VII), a pris acte
des reconnaissances de dettes signées par K._ et X._ en faveur de L._ (VIII), a mis les frais de la cause arrêtés à 5’604 fr. 45, à la charge de X._, y compris l’indemnité servie à son défenseur d’office, par 3'441 fr. 95, TVA et débours compris et à 6'936 fr. 10, à la charge de K._, y compris l’indemnité servie à son défenseur d’office, Me Jérôme Picot, par 4'773 fr. 60, TVA et débours compris (IX) et a dit que le remboursement à l’Etat des indemnités dues à Me Blanc et à Me Picot ne serait exigé que si la situation financière de X._ et de K._ le permettait (X).
B.
Par annonce du 14 mars 2014, puis déclaration motivée du 25 avril 2014, le Ministère public central, division affaires spéciales, contrôle et mineurs, a fait appel contre le jugement précité, concluant à sa réforme en ce sens que K._ est condamné à une peine privative de liberté de 15 mois, complémentaire à celles prononcées le 15 décembre 2011 par le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois et le 14 novembre 2013 par la Chambre pénale d'appel et de révision du canton de Genève, les frais de première instance et d'appel étant supportés par K._.
Aux débats de ce jour, représenté par son défenseur d'office, K._ a conclu à la confirmation du jugement entrepris.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le 27 novembre 1991 en Haïti, pays dont il est ressortissant, K._ est le cadet d’une famille de deux enfants. Ses parents sont décédés alors qu'il était enfant. Il ne dispose d'aucune formation et travaille parfois dans le bâtiment. Il dépend de l’Hospice général de Genève. Il est père d’un enfant, qu’il n’a pas encore reconnu, car il a des difficultés à obtenir les documents concernant son état civil.
Son casier judiciaire fait état des condamnations suivantes:
- 17.12.2009, Tribunal de la jeunesse Genève, brigandage, injures, menaces, LStup, peine privative de liberté DPMin, 3 mois avec sursis, sursis révoqué;
- 04.08.2010, Tribunal de police Genève, brigandage, peine privative de liberté de 24 mois, dont 18 mois avec sursis durant 4 ans, sursis révoqué;
- 15.12.2011, Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, vol, violation de domicile, LArm, peine privative de liberté de 20 jours;
- 14.11.2013, Chambre pénale d’appel et de révision Genève, brigandage, LCR, LArm, peine privative de liberté de 2 ans, traitement ambulatoire.
Dans le cadre d'une précédente enquête pénale, K._ a été soumis à une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du 9 juillet 2013 (P. 30/2), les experts ont posé le diagnostic de "troubles mentaux et troubles du comportement liés à l'utilisation de l'alcool, syndrome de dépendance, actuellement abstinent, mais dans un environnement protégé (F10.21)". Dans le cadre de leur appréciation du cas, les experts ont souligné les éléments suivants:
"
Etat mental au moment des faits
Le récit de l'expertisé évoque donc une dépendance et une intoxication à l'alcool au moment des faits décrits entre septembre et novembre 2011, avec une dépendance plutôt de nature dipsomanique (soit des consommations épisodiques compatibles avec les diagnostics F10.26 CIM 10).
Par rapport aux actes spécifiques des quatre dates, l'expertisé décrit une amnésie partielle au moment des faits dont il est accusé. Il ne conteste pas ce dont il est accusé mais dit en avoir un souvenir fragmentaire. La probabilité d'une amnésie alcoolique est corrélée essentiellement avec la fréquence des consommations, ainsi que la quantité et la rapidité d'ingestion de l'épisode spécifique. Bien que des amnésies alcooliques partielles ou complètes puissent être compatibles avec les éléments du dossier disponibles (à noter que des amnésies alcooliques peuvent se produire à partir de concentrations sanguines d'alcool de 0,6%o), la variabilité du degré de rappel des événements durant l'expertise et dans le dossier argue contre. Il est à noter que l'expertisé n'évoque pas d'autre situation d'amnésie en relation avec l'alcool. Par contre, l'alcool est souvent impliqué comme facteur contributif significatif dans des comportements violents. Cette association entre violence et consommation d'alcool est plus importante chez des consommateurs réguliers. Le récit de l'expertisé est compatible avec des intoxications aiguës par alcool avec désinhibition, et comportement agressif ou violent. Une intoxication alcoolique a pu être confirmée par éthylométrie peu après les faits du 19 septembre dont l'expertisé est accusé. L'alcoolémie était de 1,36%o, ce qui peut être mis en rapport avec la connaissance que des troubles de comportement avec désinhibition peuvent se voir habituellement dès des taux plasmatiques de 1%o.
L'anamnèse évoque également la présence d'une construction psychique lacunaire caractérisée par une immaturité et la tendance à être influençable. La perte d'un et encore plus des deux parents très tôt dans la vie rend l'expertisé vulnérable aux stress psychosociaux diminuant ses capacités d'adaptation. Ainsi, depuis l'âge de 16 ans, il a accumulé des comportements socialement inadéquats sous l'influence de ses amis, consommant régulièrement de l'alcool. En ajoutant l'absence à ce moment de sa vie de relations sociales soutenantes, il a été particulièrement touché par différents facteurs de stress, tout particulièrement le fait de devenir père (une fonction fortement idéalisée) au sein d'une relation conflictuelle et insatisfaisante. Ses mécanismes d'adaptation faisant défaut, l'expertisé s'est retrouvé exposé à un comportement ayant peu d'égard pour les normes sociales et avec violations des droits d'autrui. Les traits d'immaturité n'atteignent pas pour l'instant le seuil de détection d'un trouble compte tenu de l'absence d'antécédents dans la vie adulte (pas d'autres épisodes de violence, pas de relations sporadiques à haut potentiel d'autodestruction ou de conflictualité).
Dangerosité et risque de récidive
L'évolution psychosociale de l'expertisé depuis 2009, l'absence d'une structuration du Moi suffisamment solide, le rendant très influençable, et la faiblesse du tissu social sain sont des facteurs de mauvais pronostic en terme de récidive. En effet, compte tenu des traits immatures de sa personnalité, l'exposition ultérieure à des facteurs de stress, en l'absence d'un soutien psychologique positif conséquent, pourraient représenter un facteur majeur de risque pour des récidives. En particulier, l'expert estime par conséquent que l'expertisé, actuellement abstinent, est à considérer comme potentiellement dangereux et imprévisible s'il s'adonne à nouveau à des consommations d'alcool, surtout dans le cas où ses difficultés d'adaptation n'auraient pas été prises en compte.
Si par cette évaluation le risque de récidive est à considérer comme faible à modéré en l'absence de consommation d'alcool, il devient significatif dans l'éventualité de reprise de consommations, le risque étant a priori en relation avec la fréquence et l'ampleur de ces éventuelles reprises.
Mesures thérapeutiques
Durant l'évaluation, l'expertisé a formulé sa décision de ne plus consommer d'alcool. Il ne voit pas une nécessité de suivre une psychothérapie, mais a évoqué son accord pour le faire si nécessaire.
S'il est accepté que l'expertisé est a considérer comme dangereux sous influence d'alcool, un suivi addictologique régulier serait nécessaire pour permettre de consolider le comportement abstinent de l'expertisé (et de ce fait le mettre à l'abri de nouveaux passages à l'acte). Un travail psychothérapeutique volontaire supplémentaire centré sur ses stratégies d'adaptation ne pourrait que renforcer l'efficacité d'un suivi addictologique et serait a fortement encourager. Des contrôles biologiques réguliers devront être réalisés."
2. a)
A Leysin le 26 juillet 2011, X._ et K._ se sont approchés d'D._ qui cheminait dans la rue. Le premier nommé lui a donné un coup de poing sur le visage, le faisant tomber au sol, puis K._, qui possédait un bâton télescopique à sa ceinture, a fouillé ses poches en lui criant "Give me money, vite, vite, vite" et lui a dérobé la somme de 70 fr. qui se trouvait dans l'une des poches.
b)
A Leysin le 11 août 2011, X._, accompagné de K._, a accosté W._ en lui demandant un briquet et en lui ordonnant de lui donner son argent. La victime ne possédant rien dans son porte-monnaie, X._ a déclaré "vu que tu as rien, je te crève les pneus de ton vélo et je te casse la gueule", effrayant ainsi W._, qui a pris la fuite.
c)
A Leysin, dans la soirée du 11 août 2011, X._ et K._ ont accosté L._, le premier lui demandant une cigarette et le second saisissant sa trottinette pour faire un tour. X._, après avoir ordonné à la victime de lui donner tout ce qu'elle avait, s'est emparé des 8 fr. qui se trouvait dans son porte-monnaie, ainsi que, sur demande de K._, de son téléphone portable. En outre, X._ a saisi L._ et s'est emparé du collier en or que portait ce dernier, lequel lui a été remis après qu'il ait tenté de l'arracher.
Les prévenus se sont reconnus débiteurs solidaires envers L._ du montant de 795 fr. représentant la valeur du collier volé. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour faire appel contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (398 al. 1 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0]), l’appel du Ministère public est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Invoquant une fausse application de l'art. 49 al. 2 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937, RS 311.0), le Ministère public considère que la peine prononcée à l’encontre de K._ est trop clémente. Il soutient que les premiers juges ont sous-estimé la peine globale en retenant que l’entier de l’activité de l’intimé méritait une peine de l’ordre de 30 à 31 mois, la peine complémentaire de 6 mois correspondant à la peine plancher prévue par l’art. 140 ch. 1 CP. Il fait valoir que c’est une peine globale de 40 mois qui aurait dû être fixée, soit une peine complémentaire de 15 mois.
3.1.
Les règles générales régissant la fixation de la peine ont été rappelées dans les arrêts publiés aux ATF 136 IV 55 (c. 5.4 ss) et 134 IV 17 (c. 2.1 et les références citées), auxquels il peut être renvoyé.
Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (art. 49 al. 2 CP). Le cas (normal) de concours réel rétrospectif se présente lorsque l’accusé, qui a déjà été condamné pour une infraction, doit être jugé pour une autre infraction commise avant le premier jugement, mais que le tribunal ignorait. L’art. 49 al. 2 CP enjoint au juge de prononcer une peine complémentaire ou additionnelle (Zusatzstrafe), de telle sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement. Concrètement, le juge doit se demander comment il aurait fixé la peine en cas de concours simultané, puis déduire de cette peine d’ensemble hypothétique la peine de base, soit celle qui a déjà été prononcée (cf. 6B_ 455/2013 du 29 juillet 2013, c. 2.4.1; TF 6B_2812008 du 10 avril 2008 c. 3.3.1).
3.2
En l'occurrence, la peine à infliger à K._ en relation avec les actes commis à Leysin en été 2011 est complémentaire à celles prononcées le 15 décembre 2011 par le Ministère public de l’Est vaudois et le 14 novembre 2013 par la Chambre pénale d’appel et de révision du canton de Genève.
Par ordonnance pénale du 15 décembre 2011, l’intimé s’est vu sanctionné d’une peine privative de liberté de 20 jours pour tentative de vol, violation de domicile et infraction à la LArm (P. 19). Dans le jugement du 14 novembre 2013, K._ a été condamné à une peine privative de liberté de 2 ans pour brigandage, violation des règles de la circulation routière, conduite en état d’ébriété qualifié, violation des devoirs en cas d’accident, vol d’usage, conduite sans permis de conduire et infraction à la LArm (P. 46). Dans le cadre de l’appréciation de cette dernière peine, les juges genevois ont notamment relevé que la faute du prévenu était importante, qu’il s’était livré, par appât du gain facile et en l’espace de deux mois, à deux brigandages, ainsi qu'à une violation caractérisée de la législation routière, prenant la route dans des conditions et des circonstances propres à provoquer un grave danger pour les autres usagers, que le modus operandi des brigandages avait été particulièrement lâche puisqu’il s’en était pris à de jeunes victimes pour les détrousser de leurs téléphones portables ou des écouteurs, qu’il avait usé d’intimidation et que seule son arrestation avait mis fin à son comportement coupable. A décharge, la Cour d'appel genevoise a tenu compte du parcours de vie de l’intéressé marqué par des carences sur le plan affectif liées à la perte de ses deux parents, de son jeune âge, de l'ébauche de prise de conscience, des regrets, de l’effet de la peine sur son avenir et de sa responsabilité légèrement restreinte.
En l’espèce, les faits reprochés à l’intimé dans le cadre du jugement attaqué sont relativement similaires puisqu’il s’agit de le condamner pour deux brigandages simples et une tentative de brigandage simple. La culpabilité de K._ est importante, même si son rôle dans la commission des brigandages a été moins actif que celui de son comparse. Au moment des faits, l’intimé avait déjà été condamné à deux reprises pour brigandage. De plus, la prise de conscience de la gravité de ses actes apparaît faible, nonobstant la détention subie pour des faits similaires. A décharge, il faut tenir compte de la situation personnelle du prévenu, de ses aveux, de l’admission des conclusions civiles, d’une diminution de responsabilité ainsi que de la tentative.
Au regard des éléments précités, la peine d’ensemble de 30 ou 31 mois telle que retenue par les premiers juges est excessivement clémente, étant relevé que K._ est un récidiviste et que la peine complémentaire de 6 mois correspond à la peine plancher prévue par l’art. 140 ch. 1 CP. Au regard des éléments à charge et à décharge à prendre en considération, la peine d’ensemble doit être arrêtée à 36 mois, de sorte que la peine complémentaire doit être fixée à 11 mois.
4.
En définitive, l'appel doit être partiellement admis et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants qui précèdent.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, constitués en l'espèce de l'émolument de jugement, par 1'390 fr. (art. 422 al. 1 CPP; 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), et de l'indemnité due à son défenseur d'office pour la procédure d'appel, par 1'760 fr. 40, débours et TVA compris, doivent être mis par moitié à la charge de K._, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1 CPP).
K._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat la moitié du montant de l'indemnité allouée à son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5cb3f54b-5a0a-45d4-9dc0-c9b9db68699e | En fait :
A.
Par jugement du 3 juin 2014, le Tribunal des mineurs a constaté que A.P._ s’était rendu coupable de vol, tentative de vol, brigandage, accès indu à un système informatique, dommages à la propriété, recel, violation de domicile, viol, vol d’usage d’un véhicule automobile, conduite d’un véhicule sans être titulaire d’un permis de conduire, infraction simple et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (I), l’a libéré des chefs d’accusation de complicité de viol, contrainte sexuelle, infraction à la Loi fédérale sur les armes et infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (II), lui a infligé 11 (onze) mois de privation de liberté, sous déduction de 46 (quarante-six) jours de détention provisoire, avec sursis et accompagnement pendant 2 (deux) ans (III), a subordonné l’octroi du sursis à l’obligation d’une part, d’aller régulièrement aux rendez-vous qui lui seront fixés par la Fondation vaudoise de probation (FVP) et de collaborer avec cette institution, d’autre part, de se soumettre à des contrôles d’urine réguliers (IV), a dit A.P._ était débiteur de T._, partie plaignante, de la somme de 200 fr. (deux cents), valeur échue, à titre de dommages-intérêts, et de la somme de 200 fr. (deux cents), valeur échue, à titre de réparation du tort moral, la solidarité avec les coauteurs étant réservée (V), a donné acte de ses réserves civiles à M._, partie plaignante (VI), a rejeté les prétentions civiles d’L._, partie civile (VII), a ordonné la confiscation de l’iPhone 4S noir n° IMEI [...] muni d’une coque rouge avec l’inscription « Diesel » (séq. n° [...]), de la clé avec étiquette en plastique avec l’inscription « [...] », de la clé « [...] » [...] et du marteau brise-vitre (séq. n° [...]) séquestrés (VIII), a ordonné la confiscation et la destruction de la cagoule noire (séq. n° [...]), du cannabis retrouvé lors d’un retour de fugue (séq. n° [...]) et du joint de cannabis entamé (séq. n° [...]) séquestrés (IX), a ordonné la confiscation et la dévolution à l’Etat des 520 fr. (1×100 fr., 5×50 fr., 8×20fr. et 1×10 fr.) séquestrés (séq. n° [...]) (X), a fixé l’indemnité due à Me Paul-Arthur Treyvaud, défenseur d’office de A.P._, prévenu, à 11'000 fr. (onze mille) plus les débours par 2'137 fr. 60 (deux mille cent trente-sept francs et soixante centimes) et la TVA à 8% par 1'051 fr. (mille cinquante et un) (XI), a dit que les frais de la présente cause par 1'000 fr. (mille) ainsi que l’indemnité allouée à son défenseur d’office par 14'188 fr. 60 (quatorze mille cent huitante-huit francs et soixante centimes) sous chiffre XI sont mis à la charge de A.P._ (XII) et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité allouée au chiffre XI ci-dessus sera exigible pour autant que la situation économique de A.P._ se soit améliorée (XIII).
B.
Par annonce du 5 juin 2014, puis déclaration motivée du
29 juillet suivant, A.P._ a formé appel contre ce jugement en concluant à ce qu’il soit libéré du chef d’accusation de viol, à ce qu’une peine privative de liberté de 7 mois sous déduction de 46 jours de détention provisoire lui soit infligée avec sursis et accompagnement pendant deux ans et à ce que les frais d’appel soient laissés à la charge de l’Etat.
A l’audience d’appel, le Ministère public a conclu au rejet de l’appel formé par le prévenu et à la confirmation du jugement entrepris.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.P._, d’origine turque, est né le 12 août 1994 à Lausanne. Il est le deuxième d’une fratrie de cinq enfants.
Il a terminé sa scolarité obligatoire en juin 2010, en obtenant son certificat de fin de scolarité section VSO. En octobre 2010, il a intégré le [...], d’où il a été renvoyé après quelques mois en raison de son comportement inadéquat. Il a ensuite trouvé, par ses propres moyens, un apprentissage d’employé de commerce auprès de [...] SA, à Lausanne, qu’il a débuté en été 2011. A la mi-mars 2012, il a rompu son contrat d’apprentissage, en raison de mésententes avec certains collègues de travail, notamment avec sa responsable de formation. Il est ensuite resté sans activité. A la sortie de sa détention provisoire, le 3 août 2012, il s’est inscrit au Service social de [...]. Il a bénéficié d’une mesure d’insertion professionnelle auprès de [...] à [...]. Dès le mois de novembre 2012, il a été pris en charge par la Fondation vaudoise de probation qui l’a logé en hôtel après qu’il a quitté le domicile familial. En septembre 2013, il a accompli avec succès une formation de cariste auprès de [...].
Depuis le 28 janvier 2014, A.P._ loge chez la mère de sa petite amie à Ecublens. Il perçoit le RI à hauteur d’environ 900 fr. par mois. Il continue d’entreprendre des démarches personnelles afin de trouver un emploi.
S’agissant de ses antécédents judiciaires, A.P._ a déjà été condamné à deux occasions :
- le 19 août 2011 par le Tribunal des mineurs à 8 jours de privation de liberté pour brigandage ;
- le 25 avril 2013 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne à une peine pécuniaire de dix jours-amende à 20 fr., avec sursis et délai d’épreuve de deux ans, et à une amende de 100 fr. pour dommages à la propriété.
Pour les besoins de la cause, il a été détenu provisoirement durant 46 jours du 9 au 12 mars 2012 au Centre communal pour adolescents de [...], du 12 au 13 mai suivant dans les locaux de [...], puis du 13 au 16 mai 2012 à la Prison de [...], du 28 au 29 juin 2012 dans les locaux de [...] , du 29 juin au 11 juillet 2012 au Centre communal pour adolescents de [...], du 11 au 12 juillet 2012 dans les locaux de [...], du 12 au 16 juillet 2012 au Centre éducatif de [...] et du 16 juillet au 3 août 2012 au Centre communal pour adolescents de [...].
2.
2.1
Le 18 décembre 2011, entre 02h45 et 03h00, à la Place de l’Europe, à Lausanne, A.P._ et X._ ont rencontré N._ et son amie B._ qui étaient toutes deux alcoolisées. A l’initiative des deux garçons, ils se sont rendus ensemble au parc de Montbenon. A cet endroit, le prévenu et N._ se sont assis sur un banc, alors que X._ et l’autre jeune fille se sont assis sur un autre banc distant de quelques 10 à 15 mètres et un peu caché du premier. N._ a alors sniffé de la cocaïne. Pendant qu’ils étaient sur le banc, le prévenu a touché les seins et les fesses de N._ par-dessus ses habits et avec son accord. A 03h17, le prévenu et cette dernière ont pénétré dans le parking de Montbenon pour se réchauffer. X._ les a rejoints quatre minutes plus tard. Il s’est immédiatement approché d’N._, lui a détaché son pantalon, l’a descendu et a tenté de la pénétrer vaginalement, malgré le fait qu’elle disait « non ». Pendant ce temps, A.P._, qui était assis sur les escaliers, regardait et rigolait sans intervenir pour défendre la jeune fille. N._ a finalement réussi à remonter son pantalon et à repousser X._. Celui-ci est revenu à la charge et l’a déshabillée à nouveau. Il l’a ensuite pénétrée vaginalement. Quant au prévenu, il a caressé les seins de la victime par-dessus les habits, alors que X._ la pénétrait. N._ a finalement réussi à repousser X._ et à se rhabiller. Voyant que ce dernier détenait son sac et son natel, elle s’est mise à pleurer. A la sortie du parking, A.P._ a pris N._ dans les bras. X._ a quitté le parking à 03h37, le prévenu et la victime à 03h39. La jeune fille est partie en direction de la gare, où elle a été aperçue en larmes par un agent de sécurité en service. Elle a été acheminée au CHUV. A 05h20, elle présentait un taux d’alcoolémie dans le sang de 1,38 ‰.
N._ a déposé plainte le 18 décembre 2011.
2.2
Durant l’hiver 2011-2012, au centre-ville de Lausanne, le prévenu et deux comparses ont dérobé un scooter.
2.3
Le 5 mars 2012, A.P._ et C._ ont dérobé une voiture Peugeot 3008 immatriculée en France, au chemin de [...], au moyen de la clé qui se trouvait au contact. Le prévenu a pris place à bord en tant que passager alors que son comparse s’est installé au volant. Ils ont abandonné le véhicule sur le bord d’une chaussé. Ils ont conservé la clé de contact et réutilisé le véhicule à plusieurs reprises.
Le 8 mars suivant, le prévenu et trois comparses ont été interpellés à la rue du [...] à proximité de ce véhicule. Un bâton tactique ainsi qu’un pistolet de type « softair » ont été trouvés dans l’habitacle de la voiture.
S._, propriétaire du véhicule, a déposé plainte le 5 mars 2012.
2.4
Dans le courant du printemps 2012, à son domicile, à l’aide d’un ordinateur et d’un câble USB, le prévenu a débloqué une dizaine de téléphones mobiles, qui lui avaient été remis par des camarades et dont il connaissait la provenance délictueuse. Il a, par la suite, revendu les appareils qu’il avait lui-même soustraits à des tiers.
2.5
Le 8 avril 2012, vers 3h00, A.P._ et six comparses ont pénétré dans les locaux de la J._ à Lausanne en forçant une fenêtre ouverte en imposte. A l’intérieur, ils ont forcé quatre portes ainsi que des meubles et ont emporté une dizaine d’ordinateurs et leurs périphériques ainsi qu’une caisse contenant 3'144 fr. 90.
La J._ a déposé plainte le 9 avril 2012.
2.6
Le 9 avril 2012, vers 22h00, le prévenu a fait le guet pendant que les mêmes comparses que ceux mentionnés dans le cas 2.5 ci-dessus pénétraient à nouveau dans les locaux de la J._ en forçant une fenêtre. Ils ont emporté notamment un ordinateur « iMac 27 » ainsi qu’un coffre-fort contenant divers papiers et documents. Le prévenu a obtenu un ordinateur comme part du butin.
La J._ a déposé une deuxième plainte le 10 avril 2012.
2.7
Le même jour, vers 23h20, le prévenu et ses comparses ont pénétré une troisième fois par effraction dans les locaux de la J._. Surpris par le directeur de l’établissement, ils se sont enfuis sans rien emporter. Alors qu’il tentait de retenir l’un des comparses, le directeur a reçu un léger coup au visage par l’un des comparses, qui lui a dit « t’es mort fils de pute ».
La J._ a déposé plainte le 11 avril 2012.
2.8
Dans la nuit du 10 au 11 mai 2012, à Lausanne, A.P._ et plusieurs comparses ont soustrait la voiture Daewoo Matiz de M._. Il a pris place dans le véhicule comme passager tandis que l’un de ses camarades s’est installé au volant. Ayant trouvé l’adresse de la propriétaire du véhicule dans l’habitacle, ils on décidé de s’y rendre puis d’abandonner le véhicule à Renens.
M._ a déposé plainte le 11 mai 2012.
2.9
La même nuit, à [...], le prévenu et ses comparses se sont rendus au domicile de M._ dans l’intention de cambrioler son appartement. Une fois sur place, ils ont sonné à la porte pour s’assurer que personne n’était présent. Lorsque le père de M._ a ouvert la porte, les comparses lui ont donné des explications fantaisistes pour justifier leur présence et ont quitté les lieux.
2.10
Le 12 mai 2012, entre 3h30 et 3h40, à Lausanne, à l’arrêt de métro [...], Z._ s’est approché de W._ et lui a demandé de l’argent. Alors que ce dernier avait à peine sorti son porte-monnaie, Z._ lui a mordu le visage et arraché son porte-monnaie des mains. A.P._, G._ et C._ se sont alors approchés de W._ et l’ont encerclé afin de l’empêcher de se défendre. Le prévenu a fouillé les poches de la victime et lui a dérobé son téléphone portable HTC. Z._ a ramassé la monnaie et les cartes qui étaient tombées puis ils ont quitté les lieux.
W._ a déposé plainte le 12 mai 2012.
2.11
La même nuit, soit environ un quart d’heure plus tard, au chemin [...], A.P._ et quatre ou cinq comparses ont abordé T._ en lui demandant une cigarette. Ce dernier a répondu par la négative et a poursuivi son chemin. L’un d’entre eux l’a alors saisi au niveau du cou par derrière, l’a maintenu, lui a asséné un coup de poing et l’a menacé de le frapper s’il ne se laissait pas faire. Pendant ce temps, deux autres comparses lui ont fouillé les poches et se sont emparés de son téléphone portable LG, de son porte-monnaie dans lequel ils ont prélevé 20 fr. et de son trousseau de clés.
T._ a déposé plainte le 12 mai 2012.
2.12
Le 2 juin 2012, à l’arrêt de métro [...], à Lausanne, le prévenu a profité de l’inattention de K._ pour lui subtiliser son iPhone 4S, qu’il venait de déposer à ses côtés sur un banc. A son domicile, il a utilisé son ordinateur pour débloquer l’appareil.
K._ a déposé plainte le 5 juin 2012.
2.13
Dans la nuit du 2 au 3 juin 2012, A.P._ a pris place en tant que passager à bord d’une voiture BMW 528i alors qu’il savait que ce véhicule avait été dérobé la même nuit à Lausanne par ses camarades.
E._ Sàrl a déposé plainte le 3 juin 2012.
2.14
Entre le 8 et 9 juin 2012, à Renens, le prévenu, F._ et C._ ont dérobé trois scooters en brisant la sécurité des colonnes de direction et en trafiquant les câbles d’allumage des engins. Le prévenu, qui n’était pas titulaire du permis de conduire nécessaire, a circulé au guidon de l’un de ces scooters.
R._, propriétaire de l’un des scooters, a déposé plainte le 11 juin 2012.
2.15
Entre le mois de juin 2013 et le 12 août 2013, le prévenu a régulièrement consommé du cannabis. Il en a acheté à réitérées reprises pour son propre usage, investissant à chaque fois 20 francs.
2.16
Entre la mi-mars 2012 et fin juin 2012, A.P._ s’est adonné au trafic de cannabis. Durant ce laps de temps, il a acheté en moyenne 50 g de marijuana tous les 2 ou 3 jours pour le prix de 500 francs. Il reconditionnait en général la drogue dans des sachets de 1 ou 4 g qu’il vendait respectivement au prix de 20 et 50 fr. l’unité. Au début de son activité, il revendait 520 g de cannabis en une semaine environ, alors qu’il ne lui fallait plus que 2-3 jours par la suite. En trois mois, il s’est procuré au moins 1'500 g cannabis investissant pour ce faire environ 15'000 francs. Il en a revendu à tout le moins 1'200 g réalisant ainsi un bénéfice de l’ordre de 3'000 fr. environ. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de A.P._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant conteste avoir été présent donc avoir assisté et avoir participé à la scène de viol constituant le cas 2.1 retenu ci-dessus.
3.1
Selon l’art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c ; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2).
L’appréciation des preuves est l’acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. L’appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin, même prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens, qu’à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP et les références citées).
3.3
Les premiers juges ont retenu que les déclarations de l’appelant étaient sujettes à caution contrairement à celles de la plaignante. En effet, il ressort de l’instruction que s’agissant de l’ensemble des faits qui lui sont reprochés, A.P._ ne s’est pas montré collaborant en cours d’enquête, qu’il n’a cessé de minimiser ses actes, de modifier ses déclarations, de contester farouchement les faits pour finalement, une fois confronté aux mises en cause et/ou preuves de son implication, n’admettre que les faits clairement établis par la police. Concernant le viol, il a donné sa version des faits, puis a varié sans cesse dans ses explications, modifiant sa version pour l’adapter aux preuves ou aux indices qui lui étaient présentés. La crédibilité de l’appelant est ainsi très faible. A l’inverse, la plaignante est crédible. Bouleversée par ce qui venait de lui arriver, elle a aussitôt dit avoir été violée par deux hommes. Elle a maintenu sa version avec constance, sans exprimer d’animosité ou de rancune envers l’appelant.
En outre, cette nuit-là, A.P._ était animé d’une intention sexuelle à l’égard de la victime qu’il avait déjà caressée dans le parc alors qu’il était parfaitement conscient qu’elle n’était pas dans un état normal en raison notamment de l’alcool et de la drogue consommés. Ses explications sur son emploi du temps à partir du moment où il aurait réalisé que la victime et X._ avaient besoin d’intimité sont également obscures. Tantôt il dit qu’il est descendu dans les escaliers du parking et qu’il a attendu (P. 503, p. 9), tantôt il dit qu’il les a montés et qu’il a attendu (P. 409 – audition de confrontation –, p. 3). On ne comprend d’ailleurs pas pourquoi il aurait attendu dans cette cage d’escaliers au lieu de s’en aller.
Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu la présence de l’appelant au moment du viol.
4.
L’appelant conteste toute coaction de viol. Plus particulièrement, il conteste qu’il y ait eu une décision commune parce qu’il n’aurait pas maîtrisé la situation et qu’il aurait été surpris par l’arrivée de X._. Partant, la peine prononcée devrait être sensiblement moins sévère.
4.1
4.1.1
Aux termes de l'art. 190 al. 1 CP, celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de un à dix ans.
L'infraction de viol est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant. L'auteur doit savoir que la victime n'est pas consentante ou en accepter l'éventualité. Il doit vouloir accepter que la victime soit contrainte par le moyen qu'il met en œuvre ou la situation qu'il exploite. Il doit enfin vouloir ou accepter que la femme se soumette à l'acte sexuel sous l'effet de la contrainte (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd., Berne 2010, n. 11 ad art. 190 CP).
4.1.2
Est coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux; il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas; il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet; il peut y adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Ce qui est déterminant c'est que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 125 IV 134 c. 3a et les références citées).
4.2
Selon l’audition de la victime recueillie la matinée ayant suivi la nuit des faits, ceux-ci ce sont déroulés de la manière suivante (P. 601, p. 3) : «...nous étions dans la cage d’escaliers du parking. Il y avait juste l’arabe (ndlr c’est-à-dire l’appelant) et moi. On a discuté et rigolé tout à fait normalement. Tout d’un coup, il m’a dit que comme j’avais pris de la coke, je lui devais quelque chose. Je ne sais plus les termes qu’il a employés, mais il voulait faire du sexe avec moi. Je lui ai dit que je ne voulais pas et je voulais simplement rentrer chez mon copain. Il insistait avec la parole pour que je reste, mais il ne me touchait pas. Tout à coup le black est arrivé. Lorsqu’il est arrivé, l’arabe était assis sur les escaliers et moi j’étais face à lui debout. Je ne sais pas ce qu’a dit le black, mais il est venu vers moi et m’a tournée et je me suis retrouvée donc dos à lui et face à l’arabe. Le black m’a enlevé tout d’abord mon manteau, puis mon sac. Je n’ai rien fait. J’étais un peu dans les vapes. Ensuite, il m’a remonté mon top jusqu’au dessus des seins. Il ne m’a pas enlevé mon soutien-gorge. Il m’a alors touché lés seins et les parties supérieures de mon corps. L’arabe profitait également de me toucher le haut de mon corps. Je n’avais toujours pas le temps de réagir. Le black, qui était toujours derrière moi, a détaché mon pantalon et me l’a descendu jusque sur les chevilles. Je n’ai toujours pas réagi physiquement, mais avec la parole, je leur ai dit clairement que je voulais partir. Le black a alors sorti sa bite et avec sa main, il m’a fait pencher en avant. L’arabe me touchait toujours le haut du corps et le black a tenté de me pénétrer vaginalement, mais je l’ai repoussé. Il n’a donc pas pu entrer. Il m’a aussi embrassée avec la langue, mais pas longtemps car je l’ai repoussé. Il m’a ensuite retournée face à lui et il a baissé la tête et m’a léché le sexe. Je l’ai repoussé et il m’a retournée une nouvelle fois. Je me suis alors retrouvée dos à lui et il a, à nouveau voulu me pénétrer vaginalement, ce qu’il a réussi à faire, mais il n’a pu faire que 3 ou 4 aller retour car je l’ai repoussé. A chaque fois que je le repoussais, j’essayais de remonter mon pantalon. J’ai commencé à paniquer et pour m’en sortir, je leur ai proposé aux deux de les sucer et qu’après je partirais. Ils avaient l’air content, mais je sentais bien qu’ils n’allaient pas me laisser partir, mais (ndlr même) si je faisais cela. Pendant que je parlais, j’ai réussi à remonter mon pantalon, redescendre mon top et remettre ma veste. J’ai aussi repris mon sac qui était par terre ».
En l’espèce, si on ne saurait reprocher à l’appelant d’avoir attiré la victime dans le parking pour abuser d’elle avec Diallo, il était néanmoins clairement animé d’une intention sexuelle à son égard. En outre, sa participation au viol improvisé par Diallo a consisté, d’une part, en demeurant assis sur une marche à bloquer la victime dans l’étroite cage d’escaliers entre les deux hommes, soit en verrouillant la voie de fuite vers le haut, d’autre part, à lui prodiguer des attouchements sur les seins alors que Diallo la maintenait courbée et tentait de la pénétrer ou la pénétrait par derrière, de troisième part, à exprimer son approbation au viol par ses rires. Les attouchements prodigués constituent par ailleurs une participation personnelle de l’appelant à un acte sexuel exercé directement sur la victime. C’est donc une pleine, entière et principale adhésion au viol qui résulte du comportement adopté par l’appelant. En outre, subjectivement, la victime a immédiatement perçue qu’elle était confrontée à deux agresseurs même si un seul d’entre eux l’a pénétrée.
Partant, la condamnation de l’appelant pour viol doit donc être confirmée. Vérifiée d’office, la quotité de la peine est adéquate au regard des nombreuses infractions commises, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle.
5.
En définitive, l’appel de A.P._ doit être rejeté et le jugement rendu le 3 juin 2014 par le Tribunal des mineurs intégralement confirmé.
5.1
L'indemnité de défenseur d'office allouée pour la procédure d'appel sera fixée à 2'493 fr. 70, débours et TVA compris, en tenant compte de douze heures d’activité, une vacation et des débours par 29 francs.
5.2
Vu l’issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués de l’émolument de jugement, par 1’225 fr., ainsi que de l’indemnité allouée au défenseur d'office, par 2'493 fr. 70
sont mis à la charge de A.P._ (art. 44 al. 2 PPMin renvoyant aux art. 422 à 428 CPP).
A.P._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 25 al. 2 PPMin renvoyant au régime de l’art. 135 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5cc24d9d-80f3-4273-be36-e31d5b5dc51c | En fait :
A.
Par jugement du 7 juillet 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne, a constaté que J._ s’est rendu coupable de vol par métier, recel, dommages à la propriété, violation de domicile, violation simple des règles de la circulation routière, vol d’usage d’un véhicule automobile, conduite d’un véhicule automobile sans être titulaire du permis de conduire, conduite d’une automobile non immatriculé, conduite d’un véhicule automobile non couvert par une assurance-responsabilité, usage abusif de plaques de contrôle, séjour illégal et exercice d’une activité lucrative sans autorisation (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 24 mois, sous déduction de 341 jours de détention avant jugement (II), ainsi qu’à une amende de 800 fr. et dit qu’à défaut du paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 8 jours (III), a révoqué le sursis qui lui a été accordé le 7 décembre 2012 par le Ministère public de l’arrondissement de la Côte et ordonné l’exécution de la peine de 60 jours-amende à 30 fr. (IV), a constaté que le prévenu avait subi 15 jours de détention dans des conditions de détention provisoire illicites et ordonné que 8 jours de détention soient déduits de la peine fixée au chiffre III ci-dessus, à titre de réparation morale (V), a ordonné son maintien en détention pour des motifs de sûreté (VI), a pris acte des retraits de plainte de [...] et [...] (VII) et a statué sur les conclusions civiles des parties plaignantes (VIII et IX), sur les séquestres ordonnés (X et XI) et sur les indemnités d’office et les frais (XII).
B.
Par annonce d’appel du 8 juillet 2015, puis par déclaration motivée du 5 août 2015, J._ a formé appel contre ce jugement. Il a notamment conclu, avec suite de frais et dépens, à la modification des chiffres I, II et IV du jugement attaqué en ce sens qu’il est libéré du chef d’accusation de recel (I), qu’il est condamné à une peine privative de liberté dont la quotité sera fixée à dire de justice permettant sa libération immédiate (II) et qu’il est renoncé à la révocation du sursis accordé le 7 décembre 2012 par le Ministère public de l’arrondissement de la Côte (IV). Subsidiairement, il a conclu à ce qu’il soit mis au bénéfice du sursis partiel, sous les mêmes conditions figurant ci-dessus.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
J._ est né le [...] à Ternovc en Serbie, pays dont il est ressortissant. Il est célibataire et sans enfant. Il dit être l’aîné d’une fratrie de quatre enfants, dont les parents sont aujourd’hui décédés. Il a également une demi-sœur du côté de son père. Après avoir effectué sa scolarité obligatoire jusqu’à l’âge de huit ans, il a suivi une formation de coiffeur, pour laquelle il a obtenu son diplôme à environ quinze ans. Il a ensuite exercé le métier de coiffeur de manière intermittente durant huit ou neuf ans, avant de travailler dans le domaine de la construction. Il indique enfin ne pas entretenir de relations suivies avec deux de ses sœurs domiciliées en Suisse.
Son casier judiciaire suisse fait mention des inscriptions suivantes :
- 18 juillet 2008, Staatsanwaltschaft Zürich-Limmat, Zürich, entrée illégale, séjour illégal, activité lucrative sans autorisation, faux dans les certificats, peine pécuniaire de 90 jours-amende à 30 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de deux ans, détention préventive de deux jours ;
- 7 décembre 2012, Ministère public de l’arrondissement de la Côte, vol, dommages à la propriété, violation de domicile, peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr. (complémentaire à celle du 18 juillet 2008), sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de deux ans, amende de 600 francs.
Dans le cadre de la présente cause, J._ a été détenu avant jugement du 1
er
août au 3 novembre 2014. Il est passé sous le régime de l’exécution anticipée de peine à compter du 4 novembre 2014.
2.
Par souci de simplification et au regard du nombre d’infractions commises, le Cour se limitera à faire état des seuls éléments utiles à l’examen de l’appel, soit des cas non admis par l’appelant. Elle renvoie pour le surplus aux faits tels que décrits dans le jugement attaqué et les fait siens.
2.1
A Renens, [...], dans la nuit du 14 au 15 juillet 2014, J._ et [...], condamné séparément pour ce fait le 28 avril 2015, ont pénétré sans droit dans le bar le [...] en passant par une porte vitrée qu’ils ont brisée à l’aide d’un outil indéterminé. Ils ont fouillé les lieux et ont forcé puis détruit un automate à cigarettes. Ils ont dérobé quatre bourses de sommelière contenant de l’argent, un fond de caisse de 650 fr., un téléviseur, un décodeur, un synthétiseur, ainsi que des boissons et des cigarettes.
Le 15 juillet 2014, G._, agissant en tant que représentante de l’établissement le [...], a déposé plainte.
2.2
A Renens, entre le 29 juillet et le 1
er
août 2014, date de son interpellation, J._ a acquis le téléphone portable Samsung Galaxy Duos Noir, préalablement dérobé à Z._, a un ressortissant bosnien au prix de 100 ou 150 francs. L’appareil a été retrouvé dans le fourgon Opel Vivaro dans lequel le prévenu se trouvait lors de son interpellation.
Le 11 août 2014, Z._ a déposé plainte. Son téléphone portable lui a été restitué. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0]), l’appel de J._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2
e
éd., Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 consid. 3.1).
3.
L’appelant invoque une violation du principe de la présomption d’innocence et conteste les constatations et les appréciations des premiers juges relatives au cambriolage du bar le [...] et au cas qui concerne le téléphone portable de Z._.
3.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ;RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 consid. 2a ; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 consid. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 consid. 2c ; TF 6B_831/2009 précité, consid. 2.2.2).
L’appréciation des preuves est l’acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. L’appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin, même prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens, qu’à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse ; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices ; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Jean-Marc Verniory, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 et les références citées).
3.2
L’appelant reproche aux premiers juges d’avoir retenu sa participation au cambriolage du bar le [...] (cf. lettre C.2.1 supra), alors que selon lui, il n’y aurait pas d’éléments suffisants pour aboutir à une condamnation. A cet égard, il allègue notamment qu’aucun témoin ne l’a mis en cause pour ce cas, qu’aucune trace de son ADN n’a été retrouvée sur les lieux du cambriolage, que le butin n’a pas été retrouvé dans son fourgon lors de son arrestation et que son téléphone portable n’a pas été localisé dans une proximité temporelle ou géographique avec l’endroit du cambriolage. Il soutient en outre qu’il conviendrait de donner une valeur probante à ses déclarations, lorsqu’il nie sa participation à ce cas, dans la mesure où il a rapidement admis l’intégralité des infractions qu’il a commises.
En l’espèce, non sans donner acte aux allégations de la défense, il y a lieu de relever que le jugement du Tribunal correctionnel s’est fondé, pour prononcer la condamnation de l'appelant, sur deux éléments, à savoir l’aveu de [...], condamné pour ce cas séparément le 28 avril 2015 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne, et les enregistrements de leurs conversations téléphoniques.
S’agissant de l’aveu du prénommé fait lors de l’audience de son jugement, il faut reconnaître avec le recourant que celui-ci est bien peu circonstancié, dès lors que [...] a simplement déclaré : « je l’admets, mais nous n’avons rien pris. ». Ce dernier n’a par ailleurs pas plus mis formellement en cause J._ en cours d’enquête pour le cas du bar le [...]. Ainsi, se fonder sur sa seule condamnation pour incriminer le recourant apparaît comme peu satisfaisant et ne constitue évidemment pas un élément déterminant.
Cependant, les résultats des contrôles menés sur les différents raccordements téléphoniques des prénommés sont bien plus éloquents. Il y a tout d’abord lieu de relever pas moins de 120 échanges téléphoniques entre les deux comparses, lesquels ont eu lieu entre le 8 et le 17 juillet 2014, soit proches du moment où a eu lieu le cambriolage, qui s’est déroulé dans la nuit du 14 au 15 juillet 2014. Deux échanges déjà relevés à juste titre par les premiers juges sont en outre pour le moins explicites. A cet égard, le 13 juillet à 23h45, [...] proposait « un travail » où il y a des cigarettes à J._, proposition à laquelle ce dernier avait répondu qu’il fallait attendre le lendemain pour faire le coup et qu’il ne fallait pas le faire sans lui (P. 58, p. 15 ; Dossier B, P. 4, p. 2). Quant au 15 juillet 2014 à minuit, soit durant la nuit du cambriolage, le recourant, lui-même, appelait [...] pour lui dire de le rejoindre chez un dénommé [...] car il avait « un boulot » (P. 58, p. 15). Or, les déclarations de J._ en audience de jugement n’apparaissent dès lors plus crédibles, car même s’il avait finalement changé d’avis et refusé de prendre part au cambriolage, comme il l’allègue, on ne comprend pas pourquoi il a appelé son comparse à une heure aussi tardive pour lui proposer « un boulot », si ce n’est pour perpétrer le cambriolage du bar le [...]. De surcroît, si le prévenu s’était désisté au dernier moment, une trace serait forcément apparue dans l’enregistrement des conversations téléphoniques des protagonistes.
Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, soit du caractère éloquent des enregistrements des conversations téléphoniques des deux malfrats, lesquelles sont de surcroît corroborées par l’aveu de [...], il existe un faisceau de preuves convaincant permettant d’exclure le doute quant à la participation de J._ dans ce forfait. Force est donc de constater que les premiers juges ont fondé leur verdict sur des preuves explicites, et non sur le fait qu'aucun indice ne mettait hors de cause J._, si bien qu'il n'existe aucune violation de la présomption d'innocence. Par conséquent, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la culpabilité de l'appelant.
En définitive, le moyen est mal fondé et doit être rejeté.
3.3
L’appelant fait valoir que le cas de recel du téléphone portable décrit sous lettre C.2.2 ci-dessus ne peut lui être imputé. Il soutient que le Tribunal correctionnel aurait forgé sa conviction sur la base de suppositions et considérations générales non étayées et uniquement sur des éléments défavorables le concernant, sans prêter la moindre attention à ses déclarations. Il ajoute qu’au vu du prix de vente de l’appareil en question, il n’avait aucune raison de se douter que cet objet aurait préalablement été dérobé.
En l’espèce, J._ a fourni des explications aussi floues que variables s’agissant de l’acquisition du téléphone portable objet du présent litige. A cet égard, il y a lieu de relever que l’appelant avait dans un premier temps indiqué à la police avoir acquis ce téléphone pour une somme de 100 fr. auprès d’un Bosniaque, sans domicile fixe et sans travail, qu’il connaissait de vue (PV aud. 6, p. 14). Plus tard, devant la Procureure, il a cette fois déclaré l’avoir acheté pour la somme de 150 francs (PV aud. 11, p. 4). En outre, il a également dit, devant la police et les premiers juges, avoir acquis l’appareil à tout le moins une semaine ou quatre jours avant son arrestation, soit avant la date à laquelle le plaignant se l’est fait dérober (PV aud. 6, p. 14 ; Jgt. p. 7 et 8). Au vu des éléments qui précèdent, ses déclarations ne peuvent pas être considérées comme crédibles ou cohérentes. C’est dès lors à bon droit que les premiers juges, en se fondant sur les circonstances dans lesquelles la vente du téléphone portable s’est produite et le portrait du vendeur dépeint par le prévenu, ont considéré que J._ se doutait parfaitement de la provenance délictueuse de l’appareil. Sa culpabilité est par conséquent établie.
Le moyen est mal fondé et doit être rejeté.
4.
L’appelant critique la quotité de la peine prononcée. Il soutient que le tribunal de première instance aurait accordé une importance trop grande au nombre total d’infractions commises, alors que beaucoup d’entre elles concerneraient la législation sur la circulation routière. Il fait également valoir que ni ses aveux, ni sa volonté de quitter la Suisse n’auraient été pris en compte.
4.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 ; ATF 129 IV 6 consid. 6.1).
Aux termes de l'art. 49 CP, si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (al. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (al. 2).
4.2
L’appelant semble perdre de vue qu’il a été condamné pour vol par métier en raison de six cambriolages commis dans un laps de temps d’un mois, et ce en concours avec de nombreuses infractions à la LCR (Loi fédérale sur la circulation routière ; RS 741.01) et deux infractions réprimées par la LEtr (Loi fédérale sur les étrangers ; RS 142.20), soit le séjour illégal et le travail sans autorisation. Ces infractions sont graves et il n’est pas question de les minimiser. En outre, au regard de son casier judiciaire, la récidive de l’appelant est spéciale tant sur le plan de la LEtr, que sur celui lié aux infractions contre le patrimoine. C’est peu dire que le prévenu est enraciné dans la délinquance et c’est à raison que les premiers juges ont mis l’accent sur le nombre d’infractions qu’il a commises, qui comprennent plusieurs crimes ou délits, mais aussi sur la manière dont J._ menait son activité délictueuse, à savoir avec organisation et professionnalisme.
Les aveux, de même que les regrets, ont été pris en considération à décharge dans le jugement de première instance. En revanche, l’acceptation d’être renvoyé de Suisse, pays dans lequel il s’est établi illégalement, ne saurait avoir l’effet d’une circonstance atténuante.
Au vu de ce qui précède, les circonstances prises en compte lors de la fixation de la peine sont pertinentes et la peine privative de liberté de 24 mois prononcée par le Tribunal correctionnel est adéquate. Elle doit être confirmée. La détention avant jugement sera déduite.
5.
L’appelant a requis que la peine qui lui est infligée soit assortie du sursis partiel. Il a également conclu au maintien du sursis accordé le 7 décembre 2012 par le Ministère public de l’arrondissement de la Côte.
5.1
Aux termes de l’art. 43 al. 1 CP, le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur. De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 consid. 5.3.1 ; cf. aussi TF 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 consid. 3.2.1 ; 6B_353/2008 du 30 mai 2008 consid. 2.3). Ainsi, lorsque le pronostic quant au comportement futur de l'auteur n'est pas défavorable, la loi exige que l'exécution de la peine soit au moins partiellement suspendue. En revanche, un pronostic défavorable exclut également le sursis partiel. Lorsque le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).
Selon l’art. 46 al. 1 CP, si, durant le délai d’épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu’il y a lieu de prévoir qu’il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Il peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d’ensemble conformément à l’art. 49. Il ne peut toutefois prononcer de peine privative de liberté ferme que si la peine d’ensemble atteint une durée de six mois au moins ou si les conditions prévues à l’art. 41 sont remplies.
5.2
J._ conteste l’appréciation selon laquelle le pronostic est entièrement défavorable. Il expose que le complexe de faits objet de la présente procédure ne constituerait qu’un écart de conduite malheureux.
De tels propos témoignent d’une prise de conscience inexistante et suffiraient, à eux seuls, à confirmer la solution adoptée par les premiers juges. Il convient tout de même de relever que deux condamnations n’ont pas dissuadé l’appelant à commettre de nouvelles infractions, et ce même durant le délai d’épreuve minimal prévu par la loi, que l’activité délictueuse a été intense et, encore une fois, que la récidive est spéciale. Comme l’a fait remarquer l’autorité de première instance, seule l’arrestation de l’appelant a permis de mettre un terme à ses forfaits. Tout cela révèle qu’il est effectivement implanté dans la délinquance de manière solide et durable et qu’il se moque éperdument des décisions de justice. Le pronostic est entièrement défavorable. Ses aveux ne suffisent pas à relativiser ce constat. L’argument confine à la témérité.
5.3
Les éléments qui précèdent valent également pour la révocation du sursis accordé le 7 décembre 2012 par le Ministère public de l’arrondissement de la Côte. L’activité massive déployée par l’appelant durant les deux ans de mise à l’épreuve démontrent qu’il ne tire aucun enseignement de ses condamnations judiciaires. C’est à juste titre que les premiers juges ont révoqué le sursis concerné.
Les moyens doivent ainsi être rejetés.
6.
Vu l'issue de l'appel, la conclusion tendant au rejet des prétentions civiles formulées par G._ devient sans objet.
7.
Enfin, comme l’a relevé l’appelant, il s’avère que le dispositif du jugement entrepris contient une erreur manifeste à son chiffre V, en ce sens que la détention doit être déduite de la peine fixée au chiffre II, à savoir la peine privative de liberté, et non au chiffre III, qui a trait au prononcé de l’amende. Il s’agit d’une inadvertance à corriger. Le jugement attaqué doit ainsi être rectifié d'office au chiffre V de son dispositif dans le sens précité (art. 83 CPP).
8.
En définitive, l'appel doit être rejeté et le jugement entrepris intégralement confirmé, sous réserve de la rectification d'office.
Vu le sort de la procédure, les frais d’appel doivent être mis à la charge de J._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l’émolument d’arrêt par 1'830 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office, par 2'131 fr. 80, TVA et débours compris, selon la liste d’opérations produite (P. 120).
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office prévu ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5ccc507d-024f-475e-9144-b5855f9d93c2 | En fait :
A.
Par jugement du 17 avril 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que G._ s'est rendu coupable d’enlèvement de mineur (I), l'a condamné à une peine privative de liberté ferme de quatre mois (II), a dit que le prévenu est le débiteur de M._ des sommes de 3'000 fr. à titre d’indemnité pour tort moral et de 3'500 fr. à titre de dépens pénaux (III), a fixé à 2'721 fr. 60 l’indemnité allouée au conseil d’office de M._, Me Colette Lasserre Rouiller, pour les opérations du 12 octobre 2011 au 17 avril 2012 (IV), a dit que les frais de l’assistance judiciaire gratuite de la partie plaignante, par 2'539 fr. 80 et par 2'721 fr. 60, sont mis à la charge de G._ (V), a fixé à 3'460 fr. 55 l’indemnité allouée au défenseur d’office de G._, Me Raphaël Tatti, pour les opérations du 17 octobre 2011 au 17 avril 2012 (VI), a dit que le prévenu est tenu de rembourser immédiatement à l’Etat les indemnités allouées à ses défenseurs d’office, Me Youri Widmer, par 660 fr., et Me Raphaël Tatti, par 1’871 fr. 55 et par 3'460 fr. 55 (VII) et a mis les frais de justice par 2’590 fr. à la charge de G._ (VIII).
B.
Le 18 avril 2012, G._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 22 mai 2012, il a conclu à sa réforme en ce sens qu'il est libéré de l'accusation d'enlèvement de mineur, qu'aucune peine n'est prononcée à son encontre, que les conclusions civiles prises par la plaignante sont rejetées et que l'intégralité des indemnités des conseils d'office et des frais de justice sont laissés à la charge de l'Etat.
Ni le Ministère public ni l'intimée n'ont présenté de demande de non-entrée en matière ou d'appel joint dans le délai qui leur avait été imparti.
Par courrier du 14 juin 2012, la plaignante a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le 25 février 1980 en Arménie, pays dont il est ressortissant, cadet d'une famille de deux enfants, G._ (alias : [...]) a été élevé par ses parents dans sa ville natale. A l'issue de sa scolarité obligatoire, il n'a pas acquis de formation, mais a pratiqué le sport et s'est lancé dans l'importation de marchandises. Entre 18 et 20 ans, il a également travaillé dans la construction. De 2000 à 2002, il a accompli son service militaire, puis il est venu en France, où il a vécu jusqu'en 2007. De 2002 au 16 août 2008, jour de son arrestation, il a partagé sa vie avec M._, également originaire d'Arménie. Le couple a eu deux enfants, [...], née le 7 août 2004, et [...], née le 18 juillet 2005. Le 20 novembre 2007, la famille est venue en Suisse et y a demandé l'asile. A sa sortie de prison en août 2010, G._ est retourné en Arménie, où il a créé sa propre entreprise de construction. Il se prévaut d'un revenu mensuel de 700 fr. et d'une fortune de 100'000 fr. sous forme d'immeubles; il n'a pas de dettes.
Son casier judiciaire comporte l'inscription suivante :
- 09.03.2009, Cour de cassation pénale Lausanne, lésions corporelles simples (avec du poison/une arme ou un objet dangereux), voies de fait (partenaire hétérosexuel ou homosexuel), vol par métier, dommages à la propriété, filouterie d'auberge, menaces (partenaire hétérosexuel ou homosexuel), contrainte, faux dans les certificats, circuler sans permis de conduire, conduire un véhicule défectueux, peine privative de liberté 36 mois, amende 500 fr., détention préventive 125 jours. Remplace le jugement du 18.12.2008 du Tribunal correctionnel de La Broye et du Nord vaudois. 11.08.2008, Office des juges d'application des peines, Lausanne, libération conditionnelle le 16.08.2010, délai d'épreuve 1 an, peine restante 11 mois et 30 jours.
2.
Au début du mois d'août 2008, G._ a contraint M._, avec laquelle il s'était marié religieusement dans leur pays d'origine, à emmener en France leurs deux enfants. Les fillettes ont été conduites chez leurs grands-parents paternels à Dôle, alors que M._ s'y opposait mais n'avait, de par sa situation personnelle de l'époque, aucun moyen d'aller à l'encontre de la décision prise unilatéralement par le prévenu, dont elle était dépendante. Après avoir effectué plusieurs démarches auprès des autorités suisses et françaises et suite à la décision du 11 juin 2009 du Juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Besançon ordonnant le retour immédiat des enfants en Suisse, auprès de la plaignante, celle-ci a pu récupérer ses filles au mois d'août 2009.
M._ a déposé plainte le 19 janvier 2009 et a pris des conclusions civiles, avec suite de frais et dépens, à concurrence de 3'000 fr. à titre de tort moral. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
G._ fait tout d'abord valoir que le tribunal a mal appliqué le principe
in dubio pro reo
en retenant la version de la plaignante plutôt que la sienne.
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
3.2
La Cour d’appel, comme le tribunal de première instance, est convaincue que la version des faits de M._ correspond à la réalité et que G._ a emmené et maintenu les deux enfants en France sans l'accord de leur mère.
En effet, dans la mesure où, de l'aveu même de l'appelant, il était convenu que toute la famille retourne en Arménie au mois de septembre 2008 (jugt, p. 3), ce qui est d'ailleurs corroboré par le dossier produit par l'Etablissement vaudois d'accueil des migrants (EVAM) concernant la famille du prévenu (pièce 67, "Journal social", p. 4), il n'est pas concevable que G._ et M._ aient décidé d'un commun accord de laisser les enfants à la garde des grands-parents paternels en France pour un mois pour le motif – soulevé par le prévenu (PV aud. 1, p. 2; jugt, p. 3) – que la commune de Leysin, où ils avaient été placés quelques jours auparavant, n'était pas adaptée au bien-être de leur progéniture, ce d'autant plus qu'il savait qu'ils n'étaient pas autorisés à quitter la Suisse et qu'il leur aurait été "impossible de regagner la Suisse une fois la frontière franchie" (PV aud. 1, p. 2, lignes 53 à 59). A cela s'ajoute que les grands-parents ont fait des démarches pour obtenir la garde de leurs petits-enfants (garde qui leur a été confiée par jugement du Juge des enfants du Tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier du 25 novembre 2008; pièce 25), ce qui démontre bien que l'idée de l'appelant était de soustraire les enfants à leur mère en les confiant à leurs grands-parents. Ces derniers n'ont d'ailleurs pas hésité par la suite à faire appel de la décision du Juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Besançon du 11 juin 2009 qui ordonnait le retour immédiat des enfants auprès de la plaignante, en Suisse (pièce 25).
G._ a affirmé que jusqu'en juillet 2008, les enfants avaient passé la plupart du temps chez leurs grands-parents, en France (PV aud. 1, p. 2), soit pratiquement toutes les fins de semaine (jugt, p. 3), et ce avec l'accord de leur mère. Outre le fait que cet argument est dénué de pertinence, les explications du prévenu sont contredites par celles de M._ (PV aud. 2) et ne trouvent aucun appui dans le dossier de la cause, le dossier administratif ne faisant d'ailleurs état que de deux ou trois séjours en France durant cette période. Au surplus, du moment qu'ils étaient sans ressources et que leur permis N avait été confisqué, comme l'appelant l'a lui-même indiqué (pièce 67, "Journal social, p. 2), on voit mal comment ils pouvaient faire autant d'"allers-retours". Le prévenu, qui est allé jusqu'à prétendre que c'est M._ qui a souhaité que les enfants aillent chez leurs grands-parents (PV aud. 1, p. 2; jugt, p. 3), a également soutenu qu'après sa sortie de prison en septembre 2008, la prénommée "n'a même pas pris soin d'aller visiter ses enfants" (PV aud. 1, p. 3), laissant ainsi entendre qu'elle ne s'en souciait guère. C'est oublier que celle-ci ne pouvait pas quitter le territoire suisse; il semblerait même qu'elle ait fait l'objet d'une interdiction formelle d'entrer en France (pièce 25, p. 3). En outre, si elle a déposé plainte pénale seulement le 19 janvier 2009, comme le relève le prévenu (appel, p. 3, ch. 5), elle a en revanche, immédiatement après sa sortie de prison, engagé une procédure pour enlèvement international d'enfants auprès de l'Office fédéral de la justice (P. 4 et 5/5), ce qui contredit également l'affirmation – mensongère et invraisemblable – de l'appelant selon laquelle l'intimée ne voulait pas le retour des enfants en Suisse (jugt, p. 3).
Les craintes exprimées en 2010 par tous les intervenants sociaux quant à la possibilité que le prévenu, dès sa sortie de prison, tente de retrouver ses filles pour les emmener avec lui en Arménie (pièce 67, "Journal social", p. 5; cf. ég. pièce 5/4, p. 22) constituent au surplus des éléments – certes relatifs – en faveur de la version de M._.
Enfin, la version des faits de cette dernière est confortée par le contexte et les menaces proférées par l'appelant à son encontre durant leur vie commune en Suisse, menaces qui étaient par ailleurs de même nature et pour lesquelles le prévenu a été condamné par jugement du Tribunal correctionnel de La Broye et du Nord vaudois du 18 décembre 2008 (pièce 5/4, p. 22), aujourd'hui définitif et exécutoire.
Pris ensemble, tous ces éléments sont autant d'indices suffisants qui rendent la version de G._ selon laquelle il aurait confié les deux filles à leurs grands-parents avec l'accord de la plaignante pas crédible. En revanche, la cour de céans, à l'instar des premiers juges, est convaincue par les déclarations cohérentes et renouvelées faites durant l'instruction et aux débats de première instance par M._.
3.3
L'appelant reproche ensuite au tribunal de s'être fondé sur ses antécédents judiciaires pour retenir la version de la plaignante.
En réalité, les antécédents du prévenu sont évoqués pour démontrer son emprise sur sa compagne et illustrer le désaccord de cette dernière à ce que ses enfants soient confiées à ses beaux-parents (jugt, p. 9). On ne voit pas où se situerait la violation de la présomption d'innocence. Par ailleurs, l'appréciation des premiers juges est correcte, puisque dans son jugement de 2008, le Tribunal correctionnel de La Broye et du Nord vaudois fait clairement état du climat de violence et de terreur que l'appelant imposait à son amie (pièce 5/4, p. 22).
3.4
Au vu de ce qui précède, on ne discerne pas de doutes sérieux sur l'existence des faits retenus par le tribunal.
Mal fondé, le moyen tiré d'une violation du principe
in dubio pro reo
doit donc être rejeté.
4.
G._ conteste s'être rendu coupable d'enlèvement de mineur, mais n'étaye pas les raisons pour lesquelles l'art. 220 CP ne lui serait pas applicable. Il soulève, comme il l'a fait en première instance, un problème relatif à la prescription de la plainte. Il fait valoir sur ce point qu'à partir du 16 août 2008, jour de son incarcération, les enfants ne se trouvaient plus sous sa maîtrise, que le délai pour porter plainte a commencé à courir dès cette date et que la plainte déposée par M._ le 19 janvier 2009 est donc tardive.
4.1
L'art. 220 CP prévoit que celui qui aura soustrait ou refusé de remettre un mineur à la personne qui exerce l’autorité parentale ou la tutelle sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
L’enlèvement de mineur n’est pas une infraction contre la liberté de la personne enlevée. Cette disposition pénale protège en effet le détenteur (même non exclusif) de l’autorité parentale dans son droit de déterminer en particulier le lieu de résidence, l’éducation et les conditions de vie de la personne qui dépend de lui (cf. Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. I, Berne 2010, n. 1 et 2 ad art. 220 CP et les références citées).
Sous sa première forme, le comportement délictueux consiste à soustraire le mineur à l’exercice de l’autorité parentale.
La soustraction se définit non pas comme n'importe quelle entrave au libre exercice de l'autorité parentale ou de la tutelle, mais comme l'acte ou l'omission qui empêche le détenteur de l'autorité parentale ou le tuteur de décider du sort du mineur (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
éd., Lausanne 2007, n. 1.1 ad art. 220 CP),
même si l’enfant y consent (Corboz, op. cit., n. 33 ad art. 220 CP).
L’enlèvement de mineur est une infraction intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (Corboz, op. cit., n. 46 ad art. 220 CP).
4.2
En l'espèce, le jugement entrepris retient que les fillettes ont été soustraites à leur mère par le prévenu. Cette appréciation n'est pas critiquable. En effet, il est établi que vu l'absence de lien de mariage entre les parents, la mère est la seule détentrice de l'autorité parentale, ce que G._ ne conteste pas. Comme on l'a vu ci-avant, le transfert des enfants en France a été organisé et exécuté par le prénommé sans le consentement de la plaignante. Lors de son incarcération, l'appelant, d'ailleurs assisté, n'a rien entrepris pour organiser le retour des enfants auprès de leur mère, alors que des démarches étaient possibles par le biais des autorités de détention préventive (cf. Favre/Pellet/Stoudmann, op. cit., n. 1.2 ad art. 220 CP et la jurisprudence citée, qui se réfère au cas d'un père domicilié en Suisse condamné pour n'avoir pris aucune disposition en vue du retour de son fils qu'il avait emmené en Tunisie, alors que la mère titulaire de l'autorité parentale réclamait son retour). Ce faisant, le prévenu a contribué à un état de fait illicite qui a perduré. Sur le plan subjectif, il ne pouvait lui échapper que le transfert des enfants de Suisse en France allait contre la volonté de leur mère.
L'infraction d'enlèvement de mineur au sens de l'art. 220 CP est donc bel et bien réalisée.
4.3
Il reste à examiner la question de la prescription de la plainte.
L’enlèvement de mineur
est un délit continu : l'infraction dure aussi longtemps que le comportement de l'auteur empêche l'exercice de l'autorité parentale (Corboz, op. cit., n. 35 ad art. 220 CP). Par analogie avec le délai de prescription au sens de l'art. 98 let. c CP, le délai de plainte ne commence à courir que dès la dernière omission coupable (ATF 132 IV 49 c. 3.1.2 et 3.1.3).
En l'espèce, les premiers juges ont considéré que le droit de porter plainte avait commencé à courir au plus tôt le 25 novembre 2008, date de la décision du Juge des enfants du Tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier confiant la garde des enfants à leurs grands-parents paternels (jugt, p. 10). Cette appréciation peut être confirmée, dès lors que, d'une part, l'appelant, comme on l'a dit ci-dessus, n'a entrepris aucune démarche pour organiser le retour des enfants auprès de la plaignante – ce qu'il a d'ailleurs confirmé à l'audience d'appel – et que, d'autre part, l'on pouvait difficilement lui en faire le reproche une fois la décision du Tribunal pour enfants rendue.
La plainte ayant été déposée le 19 janvier 2009, soit dans les trois mois à compter de la décision du Tribunal pour enfants du 25 novembre 2008, elle ne saurait être considérée comme tardive.
4.4
Partant, la condamnation du prévenu pour enlèvement de mineur ne viole pas le droit fédéral.
Le moyen est mal fondé et doit dès lors être rejeté.
5.
G._ conteste le principe de l'allocation d'un tort moral.
Dès lors que l'infraction d'enlèvement de mineur doit être confirmée, les conclusions civiles doivent également être allouées dans leur principe, les conditions d'application de l'art. 49 CO (Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse – Code des obligations – RS 220) étant remplies. En effet, comme on l'a vu ci-avant, l'art. 220 CP protège le détenteur de l'autorité parentale. En l'espèce, M._ a été privée de ses enfants pendant près d'une année et a été contrainte d'entreprendre de nombreuses démarches judiciaires afin de récupérer ses filles. Il ne fait aucun doute que l'enlèvement de ses enfants a provoqué chez la mère une souffrance psychique entraînant réparation. Le principe de la réparation ne saurait donc être contesté.
S'agissant de son ampleur, le premier juge n'a pas excédé son large pouvoir d'appréciation en fixant l'indemnité à 3'000 fr., montant qui paraît proportionné à la gravité de l'atteinte subie par l'intimée.
Le moyen est donc mal fondé et doit être rejeté.
6.
L'appelant ne discute pas la peine, dès lors qu'il conclut à son acquittement.
Il suffit de constater, sur ce point, que la peine privative de liberté de quatre mois, même complémentaire à celle prononcée le 9 mars 2009 par la Cour de cassation pénale (jugt, p. 12), a été fixée conformément à l'art. 47 CP et ne procède pas, dans sa quotité, d'un abus du pouvoir d'appréciation du tribunal en la matière. Elle peut donc être confirmée.
Le tribunal était enfin parfaitement fondé à mettre les frais de la cause à la charge du prévenu (art. 426 al. 1 CPP).
7.
Le dispositif du jugement de première instance ayant omis de préciser que la peine de quatre mois de privation de liberté est complémentaire à celle prononcée en 2009, il y a lieu de le compléter d'office dans ce sens par l'adjonction d'un chiffre IIbis.
8.
En conclusion, le jugement attaqué est complété d'office par un chiffre IIbis
dans le sens précité
. Il est confirmé pour le surplus. Cette rectification d'office n'a aucune incidence sur l'appel, qui doit être rejeté.
8.1
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de G._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office, par 1'803 fr. 60, TVA et débours compris, ainsi que l'indemnité allouée au conseil d'office de M._, par 1'555 fr 20, TVA comprise.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités en faveur de son défenseur d'office et du conseil d’office de la partie plaignante prévues ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP).
8.2
Il ne sera pas accordé de dépens pénaux de deuxième instance à la plaignante (art. 433 CPP), dans la mesure où une indemnité de conseil d'office pour la procédure d'appel à la charge de l'appelant est allouée à Me Lasserre Rouiller. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5ce40eeb-9cca-4c7d-a457-8a946b024927 | En fait :
A.
Par jugement du 6 mai 2011, le Tribunal criminel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a notamment libéré A.V._ du chef de prévention de recel et de séquestration (I); a constaté que A.V._ s'était rendu coupable de brigandage qualifié (III); l'a condamné à une peine privative de liberté de cinq ans, sous déduction de 41 jours de détention avant jugement (IV); a dit que A.V._ et H._ étaient les débiteurs solidaires de L._ et lui devaient immédiat paiement de 1'321 fr. à titre de réparation du dommage subi et de 2'000 fr. à titre de réparation pour tort moral (VIII); a donné acte de leurs réserves civiles à N._ à l'encontre de A.V._ et H._ (IX), a mis une partie des frais de la cause par 5'401 fr. 90 à la charge de A.V._, y compris l'indemnité allouée à son conseil d'office Me Marc-Aurèle Vollenweider par 3'002 fr. 40 et par 25'581 fr. 90 à la charge de H._, y compris l'indemnité allouée à son conseil d'office Me Ana Rita Perez par 8'402 fr. 60 (XI), et dit que le remboursement à l'Etat des indemnités allouées aux conseils d'office ne pourrait être exigé de A.V._ et de H._ que dans la mesure où leur situation financière se sera améliorée et le permettra (XII).
B.
En temps utile, A.V._ a interjeté appel contre ce jugement. Il a conclu à sa réforme en ce sens qu'il n'est pas considéré comme coauteur mais uniquement comme complice de brigandage qualifié et qu'une peine assortie du sursis est prononcée à son encontre.
Par acte du 20 juin 2011, le Ministère public a déposé un appel joint. Il a conclu au rejet de l'appel déposé par A.V._ et à la condamnation de ce dernier, pour brigandage qualifié et séquestration, à une peine privative de liberté de cinq ans et demi. Il a également conclu à ce que H._ est condamné pour les mêmes infractions à une peine privative de liberté de huit ans.
N._ et L._, agissant séparément, ont conclu au rejet de l'appel de A.V._. Ils ont également déposé un appel joint identique, reprenant les conclusions du Ministère public.
Par acte du 30 juin 2011, H._ a précisé qu'il n'avait pas fait appel, que le Ministère public n'avait pas fait appel de sa condamnation et qu'en conséquence, les appels joints en tant qu'ils visent à l'aggravation de la peine prononcée à son encontre étaient irrecevables. Le conseil de A.V._ a également soutenu que les appels joints concernant H._ étaient irrecevables.
Le Ministère public a retiré son appel joint en tant qu'il concerne H._ et l'a maintenu pour le surplus.
L._ et N._ en ont fait de même le 26 août 2011.
Par décision du 3 novembre 2011, la Cour d'appel pénale a pris acte du retrait des appels joints du Ministère public, de N._ et de L._ en ce qu'ils concernent H._, et a alloué à Me Ana Rita Perez un montant de 194 fr. 40, TVA comprise, à titre d'indemnité de défense d'office pour la procédure d'appel.
Aux débats du 30 novembre 2011, A.V._ a confirmé ses conclusions d'appel. Le Ministère public, N._ et L._ ont confirmé leurs conclusions d'appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.V._ est né en octobre 1988 au Portugal. Il est au bénéfice d'une autorisation d'établissement de type C en Suisse. Après y avoir terminé sa scolarité obligatoire, il a travaillé comme ouvrier à Granges-Marnand durant une année. Il a ensuite été engagé par Papirec à Moudon. Alors qu'il bénéficiait des prestations de l'assurance-chômage, il a suivi plusieurs formations, notamment en qualité d'aide de cuisine. Il travaille depuis le 4 octobre 2011 comme foreur dans l’entreprise Augsburger pour un salaire horaire de 29 fr. 89, y compris la part du 13
ème
salaire et les vacances. Il s’agit d’une mission temporaire de trois mois. A.V._ n'a pas de fortune et il a des dettes pour un montant de
3'000 francs. Il a une amie depuis une année, qui est enceinte de jumeaux. Le terme de la grossesse est prévu pour juillet 2012. A.V._ et son amie ne vivent pas sous le même toit pour l’instant mais ont l’intention de trouver un appartement pour y vivre ensemble.
Le casier judiciaire suisse de A.V._ est vierge de toute inscription. Pour les besoins de l'enquête, il a été détenu avant jugement du
5 août au 14 septembre 2010, soit durant 41 jours.
2.
Le soir du 28 avril 2010, H._, B.V._ et A.V._ se sont retrouvés chez ce dernier, afin de commettre un hold-up à la gare CFF de Moudon. Aux débats d'appel, A.V._ a confirmé avoir vu ses deux acolytes dans la cuisine à côté des couteaux. Il leur a demandé de ne pas prendre de couteaux mais il a constaté, une fois à proximité de la gare vers 00h30, que H._ avait un couteau à viande avec une lame de 15 cm environ dans sa main. Les trois comparses ont mis leurs cagoules et se sont cachés vers la gare en attendant que l'employé des CFF, L._, ferme les locaux et regagne sa voiture. Ils l'ont agressé au moment où il s'apprêtait à prendre le volant de sa voiture. H._ a posé la lame du couteau sur la gorge de L._ en lui ordonnant de se taire, tandis que A.V._ saisissait la victime par la nuque et par le bras. B.V._ a alors asséné un coup de poing au visage de L._, en lui disant qu'il voulait de l'argent, faute de quoi il le tuerait. Il a ensuite ordonné à l'employé CFF de lui donner les clés de la gare et, simultanément, il s'est emparé du trousseau de clés accroché à son pantalon. Les trois malfrats ont alors poussé leur victime jusque dans la salle d'attente de la gare. A cet endroit, ils lui ont demandé de dire quelle était la clé du bureau et de leur donner les codes de l'alarme et du coffre fort. Comme L._ leur répondait qu'il ne se souvenait pas du code de l'alarme, les trois acolytes l'ont roué de coups de pied et de poing, tout en le menaçant de mort, avant de le traîner jusqu'au bureau. B.V._ a ouvert la porte de la pièce et il a ordonné à l'employé CFF de désactiver l'alarme. Après s'être exécuté, L._ a été poussé vers le coffre-fort, qu'il a dû déverrouiller. Pendant que A.V._ surveillait la victime, B.V._ a commencé à vider le contenu du coffre dans un sac à dos. Quant à H._, il est ressorti du bâtiment pour faire le guet, avant de revenir dans le bureau, où il a aidé B.V._ à finir de vider le coffre-fort. Une fois leur forfait accompli, les trois comparses ont quitté les lieux avec L._, que H._ et B.V._ voulaient enfermer dans le coffre de sa voiture. B.V._ a alors pris le téléphone portable et les clés de la victime. A.V._ a convaincu ses acolytes d'enfermer L._ dans la salle d'attente de la gare. Ceci fait, les trois malfrats ont pris la fuite. Ils se sont déplacés à proximité du Centre espagnol, où ils se sont partagés la somme totale de 24'697 fr. 40 et de 6'892 euros, qu'ils ont entièrement dépensée par la suite. B.V._ a gardé le trousseau de clés et il a remis le téléphone portable de la victime à A.V._. Quelques minutes après le départ de ses agresseurs, L._ s'est mis a frapper contre les parois métalliques de la salle d'attente où il avait été enfermé. Le locataire de l'appartement situé à l'étage a alors alerté la police, qui a pu libérer la victime 45 minutes plus tard.
L._ a déposé plainte et s'est constitué partie civile. Il a pris des conclusions civiles à hauteur de 834 fr. correspondant à deux mois sans indemnités de nuit ou de dimanche, ainsi que 487 fr. pour les frais médicaux non pris en charge par l'assurance. Il a en outre réclamé une indemnité de 2'000 fr. pour réparation du tort moral subi. N._ a déposé plainte et a demandé à ce qu'il soit pris acte de ses réserves civiles.
Pour ces faits, A.V._ a été condamné à une peine privative de liberté de cinq ans, sous déduction des 41 jours de détention avant jugement. Les premiers juges l'ont libéré des chefs d'accusation de recel et de séquestration. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
L'appel joint doit, quant à lui, être interjeté dans un délai de vingt jours dès la réception de la déclaration d'appel (art. 400 al. 3 CPP).
Le Ministère public a, de droit, la qualité pour recourir, soit pour interjeter appel (art. 381 al. 1 CPP).
Toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation ou à la modification d’une décision a qualité pour recourir contre celle-ci (art. 382 al. 1 CPP).
Interjeté dans les forme et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de A.V._ suffisamment motivé au sens de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, est recevable. Il convient donc d'entrer en matière sur le fond. Il en va de même des appels joints déposés respectivement par le Ministère public et par N._.
En revanche, il convient de retenir que le plaignant L._ a obtenu en première instance l'intégralité des montants qu'il avait demandés au titre de tort moral et de réparation du dommage. En outre, son appel joint ne porte que sur la culpabilité de A.V._, de sorte qu'il n'a pas d'incidence sur le sort de ses conclusions civiles déjà allouées. En conséquence, et à défaut d'intérêt juridiquement protégé, l'appel joint de L._, est irrecevable (art. 382 al. 1 CPP).
I. Appel de A.V._
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
A.V._ conteste les faits retenus par les premiers juges relatifs au déroulement du hold-up de la gare de Moudon. Il soutient qu'il a tenu un rôle secondaire durant le hold-up et qu'il s'est opposé à l'usage d'une arme blanche. Il ne conteste pas que celle-ci a été appliquée sur la gorge de L._.
3.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
La complicité est définie à l’art. 25 CP comme le fait de prêter assistance. Selon cette disposition, la peine est atténuée à l’égard de quiconque a intentionnellement prêté assistance à l’auteur pour commettre un crime ou un délit.
Le complice est donc un participant secondaire; il n'accepte que de prêter assistance. Il n'est pas nécessaire que sa contribution soit une condition
sine qua non
de la réalisation de l'infraction. Il suffit que l'assistance soit causale, en ce sens que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cet acte de favorisation; le complice doit augmenter les chances de succès de l'infraction (ATF 121 IV 109; JT 1996 IV 95). Contrairement au coauteur, le complice ne veut pas l'infraction pour sienne et n'est pas prêt à en assumer la responsabilité.
Est un coauteur celui qui collabore intentionnellement et de manière déterminante avec d'autres personnes dans la décision de commettre une infraction, dans son organisation ou son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux. La coactivité suppose donc une décision commune soit expresse, soit résultant d'actes concluants. Le coauteur doit réellement s'associer soit à la décision, soit à la réalisation, dans des conditions et dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal. Il faut que le coauteur ait une certaine maîtrise des opérations et que son rôle soit plus ou moins indispensable (ATF 120 IV 17 c. 2d). Ainsi, la contribution du participant principal est essentielle au point que l'exécution ou la non-exécution de l'infraction considérée en dépende (ATF 120 IV 265 c. 2c). Il faut donc que le rôle de l'intimé ait été indispensable à la réussite de l'entreprise.
3.3
En l'occurrence, les premiers juges ont relevé que si A.V._ avait effectivement été moins violent que ses deux acolytes, il avait toutefois participé en qualité de coauteur au hold-up (cf. jgt., p. 28 et 29). Se fondant sur ses déclarations et celles de ses comparses, ils ont retenu que A.V._ avait participé à l'élaboration du hold-up. Ils ont également relevé que, bien qu'il se soit rendu compte du fait que H._ était armé d'un couteau de boucher, A.V._ ne s'est jamais désolidarisé de ses acolytes, participant à l'agression du début à la fin, conformément aux plans préétablis. Il est ainsi entré avec ses deux comparses et la victime dans le hall de la gare, puis dans la salle où se situait le coffre-fort, a maintenu L._ à l'écart, tandis que le butin était mis dans le sac. Il a également accompagné, avec ses deux comparses, la victime à l'extérieur et a proposé de l'enfermer dans la salle d'attente de la gare plutôt que dans le coffre de sa voiture. Une fois cela fait, il a quitté les lieux avec B.V._ et H._ et il a touché sa part du butin.
Les faits tels qu'ils ont été établis par les premiers juges, qui ont exposé en détail les raisons pour lesquelles ils privilégiaient telle version des faits plutôt que telle autre, ne prêtent pas le flanc à la critique. A.V._ a participé à toutes les phases du brigandage, à savoir dès la prise de décision au partage du butin. On ne saurait ainsi considérer qu'il a joué un rôle mineur, même s'il n'a pas été le plus actif, le plus violent, ni le leader de la bande. Il s'est en effet tenu parfois en retrait et a proposé d'enfermer la victime dans la salle d'attente de la gare plutôt que dans le coffre de sa voiture. Il n'en demeure pas moins que son rôle était central et déterminant dans la commission du brigandage.
L'appelant soutient qu'il s'est distancié de l'usage du couteau en disant à ses acolytes de ne pas le prendre alors qu'ils se trouvaient dans la cuisine. A l'audience d'appel, il a expliqué que, sur le chemin de la gare, il a découvert que H._ avait quand même pris un couteau et qu'il a demandé à ses comparses de s'en débarrasser, ce qu'ils ont refusé. Ainsi, l'appelant a non seulement accepté en suivant ses comparses de commettre un brigandage avec cette arme, mais il y a aussi participé activement en tenant la victime pendant que H._ posait la lame du couteau sous sa gorge. Dans ces circonstances, on ne peut que retenir que l'appelant s'est associé à la réalisation du brigandage avec une arme qui, apposée sur la gorge de la victime ne pouvait que créer un danger de mort concret. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu qu'il s'est rendu coupable, en qualité de coauteur, d'un brigandage au sens de l'art. 140 ch. 4 CP. Ce grief, mal fondé, ne peut qu'être rejeté.
4.
A.V._ requiert le prononcé d'une peine réduite, compatible avec le sursis, évoquant sa situation personnelle et le fait qu'il va prochainement fonder une famille.
4.1
Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier, ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Ce dernier doit exposer quels éléments il a pris en compte pour fixer la peine, de manière à ce que l'on puisse vérifier que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou aggravant. Il lui appartiendra, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, de déterminer
dans quelle mesure il y a lieu de tenir compte des divers facteurs de la peine
(JT 2010 IV 127). Le juge ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1 et les réf. citées).
En application de l'art. 43 CP, le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur (al. 1). La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2). En cas de sursis partiel à l'exécution d'une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins. Les règles d'octroi à la libération conditionnelle (art. 86) ne lui sont pas applicables (al. 3). Le sursis partiel est exclu si la peine privative de liberté dépasse trente-six mois (ATF 134 IV 1 c. 5.3.2).
4.2
A.V._ a été condamné à une peine privative de liberté de cinq ans, sous déduction des 41 jours de détention avant jugement. En tant que son argumentation repose sur la prémisse d'une admission de son premier moyen, elle est vouée à l'échec.
Pour le surplus, on relève que les premiers juges ont estimé que même si elle était moindre que celle de H._, la culpabilité de A.V._ n'en demeurait pas moins lourde. Ils ont retenu que l'appelant avait agi par appât du gain, prenant part à un brigandage qui aurait fort bien pu mal tourner, par exemple si la victime avait opposé une plus vive résistance. Ils ont retenu à décharge sa relativement bonne collaboration et les explications claires qu'il avait données au cours de l'enquête et durant les débats de première instance (cf. jgt., p. 35).
Au vu de l’ensemble de ces éléments, la quotité de la peine prononcée - qui correspond au minimum légal prévu par l'art. 140 ch. 4 CP - est adéquate au regard de l'infraction commise, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle. Elle tient compte du fait que l'appelant a été moins virulent que ses acolytes et ne relève ni d’un abus ni d’un excès du pouvoir d’appréciation dont jouit l’autorité de première instance, laquelle n’a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l’art. 47 CP. Supérieure à trois ans, cette peine est au surplus incompatible avec l'octroi du sursis. Ce moyen, mal fondé, doit être rejeté.
5.
En définitive, l'appel de A.V._ est intégralement rejeté et le jugement de première instance confirmé.
II. Appels joints du Ministère public et de N._
6.
Le Ministère public et N._ requièrent que A.V._ soit également condamné pour séquestration au sens de l'art. 183 CP.
6.1
Aux termes de cette disposition celui qui sans droit, aura arrêté une personne, l'aura retenue prisonnière, ou l'aura de toute autre manière privée de sa liberté, celui qui, en usant de violence, de ruse ou de menace, aura enlevé une personne, sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Le brigandage est une infraction dirigée à la fois contre le patrimoine et contre la liberté; elle suppose que l'auteur use d'un moyen de contrainte pour amener une personne à accomplir un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers. La séquestration et l'enlèvement, qui constituent des cas particuliers de contrainte, sont en revanche des infractions dirigées exclusivement contre la liberté. Le Tribunal fédéral a été appelé à statuer, sous l'ancien droit, sur le rapport entre le brigandage et la séquestration. Il a observé que lorsque l'auteur du brigandage ligote sa victime pour retarder la découverte de l'infraction et disparaître sans être inquiété, l'auteur agit toujours en exécution du brigandage. La Haute Cour considère ainsi que le brigandage absorbe la séquestration lorsque cette dernière n'est commise qu'en exécution du brigandage, dont elle sert en définitive le but, et qu'il existe entre les deux infractions un rapport de temps si étroit que les actes de l'auteur, considérés
de façon naturelle, apparaissent comme étant homogènes, formant un tout
(ATF 129 IV 61 c. 2.1 et les références citées). Dans un récent arrêt, le Tribunal fédéral a confirmé que dans la mesure où elle a pour seul but de permettre à l'auteur de commettre un vol et d'en assurer la conservation du butin, la privation de liberté de la victime constitue un élément constitutif nécessaire du brigandage et il n'y a pas place pour une incrimination distincte (TF 6B_1095/2009 du 24 septembre 2009, résumé à la SJ 2011 I 73).
6.2
En l'occurrence, les premiers juges ont exposé de manière correcte la jurisprudence précitée, relevant que dans le premier cas, la victime avait été ligotée sur son lit et n'avait pu se défaire de ses liens qu'une heure plus tard environs, alors que dans le second cas, la victime avait été ligotée sur sa chaise roulante, bâillonnée et menacée d'être rouée de coups si elle ne gardait pas le silence pendant un quart d'heures au moins. Elle avait été enfermée à son domicile et avait pu se détacher après quelques minutes. Dans ces deux cas, le Tribunal fédéral a considéré que le brigandage englobait la séquestration (cf. jgt., p. 30). En application de cette jurisprudence, les premiers juges ont considéré que la privation de liberté de L._ n'avait pas dépassé les limites de ce qui était nécessaire à A.V._ et à ses deux comparses pour commettre le brigandage, de sorte que l'infraction de séquestration est absorbée par celle de brigandage.
Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique et doit être confirmé. En effet, tant l'unité de temps entre le moment où le vol, les coups et menaces ont été commis et la séquestration de la victime (le tout a duré entre 15 et 20 minutes) que l'unité de lieu permet de conclure que le fait d'avoir enfermé L._ fait partie du brigandage. Il s'agit d'un même complexe de faits, à savoir, le brigandage a commencé devant la voiture de la victime, il s'est poursuivi dans la gare, puis devant la voiture où la décision de l'enfermer dans la gare a été prise. La séquestration fait dès lors partie du même complexe de violence et ne peut être dissociée du brigandage. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
7.
En définitive, l'appel de A.V._ est rejeté. Les appels joints du Ministère public et de N._ sont rejetés. L'appel joint de L._ est irrecevable. Le jugement de première instance est intégralement confirmé.
8.
Une indemnité de défenseur d'office d'un montant de 1’803 fr. 60 (mille huit cent trois francs et soixante centimes), TVA comprise, est allouée à Me Vollenweider pour la procédure d'appel
Les frais d'appel comprennent l'émolument, qui se monte à 2'130 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ainsi que l'indemnité allouée au conseil d'office de A.V._
(cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP, art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). Compte tenu de l'issue de la cause, ces frais sont mis par deux tiers, à savoir 2'622 fr. 40, à la charge A.V._, le solde étant laissé à la charge de l'Etat.
A.V._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat les indemnités en faveur de son conseil d’office que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5d1eea95-77ad-4fe6-9133-e7e87324a929 | En fait :
A.
Par jugement du 31 janvier 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a admis l’opposition de D._ (I), condamné D._ pour violation simple des règles de la circulation routière à une amende de 100 fr. (II), alloué à D._ une indemnité de 2'100 fr. pour les dépenses occasionnées par l’exercice de ses droits de procédure (III) et mis une part des frais de la cause, par 50 fr., à la charge de D._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (IV).
B.
Par déclaration du 13 février 2014, le Ministère public a formé appel contre ce jugement, concluant principalement à la suppression du chiffre III du dispositif, subsidiairement à la réduction de l’indemnité à 600 francs.
Par déterminations du 4 mars 2014, D._ a conclu, avec suite de frais et de dépens, au rejet de l’appel.
Un délai a été imparti successivement à l’appelant puis à l’intimé pour déposer un mémoire. Les parties ont renoncé à cette faculté, leurs précédentes écritures étant déjà motivées.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
Le 11 juin 2013 à Lausanne, D._, chauffeur poids lourds et livreur, circulait au volant d’un camion pour effectuer des livraisons. Arrivé au bas de la rue du Valentin, il a enclenché son clignotant droit et obliqué dans cette direction, pour emprunter la rue Neuve et la rue Pré-du-Marché, manœuvre autorisée seulement aux bus, taxis et véhicules de livraison. Or, ce jour-là, D._ n’avait pas de livraison à effectuer à la rue Pré-du-Marché. Un trolleybus articulé des Transports publics lausannois, qui attendait à un arrêt de bus au bas de la rue du Valentin, a simultanément démarré, comme son feu spécifique l’y autorisait. Il a heurté le flanc droit du camion conduit par D._.
Par ordonnance pénale du 6 septembre 2009, le Préfet du district de Lausanne a condamné D._ pour violation simple des règles de la circulation routière, pour avoir enfreint les art. 27 LCR, 3 al. 1 OCR et 24 al. 2 OSR, à une amende de 300 francs. Il a observé que l’intéressé admettait avoir tourné à droite sans droit. Pour le surplus, il a considéré que D._, devant changer de voie, aurait dû avoir égard aux véhicules qui suivaient, ici, le trolleybus qu’il dépassait et qui pouvait démarrer à tout moment; il était donc coupable d’inattention.
D._ a fait opposition à cette ordonnance et consulté un avocat de choix. Il a admis sa condamnation pour avoir obliqué à droite sans droit, mais contesté s’être rendu coupable d’une inattention à l’origine de l’accident. Dans un courrier du 25 octobre 2013, il a expliqué que le sort de la cause serait lourd de conséquences pour lui, chauffeur professionnel, parce que, d’une part le Service des automobiles et de la navigation avait annoncé son intention de lui retirer son permis de conduire, d’autre part l’assurance RC du camion avait fait l’objet de prétentions civiles à concurrence de 12'000 francs. Devant l’autorité de première instance, il a conclu à l’octroi d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP pour ses frais de défense, équivalente à six heures de travail d’avocat plus le temps d’audience devant le Tribunal de police.
Le Tribunal de police a considéré que la seule faute qui pouvait être retenue à la charge de D._ était d’avoir obliqué à droite sans droit, soit une contravention aux art. 27 LCR et 24 al. 2 OSR. Il a estimé que D._ n’avait pas coupé la route au trolleybus, mais que c’était ce dernier qui avait démarré alors que le camion était déjà engagé. En ce qui concerne l’indemnité de l’art. 429 CPP, il a considéré que le prévenu, obtenant gain de cause, avait droit à une indemnité qui pouvait être arrêtée à 2'100 fr. compte tenu de la relative simplicité de la cause. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, le jugement motivé du Tribunal de police a été notifié le 5 février 2014 au Ministère public, sans communication préalable du dispositif. Interjeté dans les formes et le délai légal contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Conformément à l'art. 406 al. 1 let. d CPP, l'appel est traité en procédure écrite, seule la question de l’indemnité fondée sur l’art. 429 CPP étant litigieuse en l'espèce.
Par ailleurs, dans la mesure où seule une contravention a fait l’objet de la procédure de première instance, un membre de la Cour d’appel statue comme juge unique, conformément à l’art. 14 al. 3 LVCPP.
3.
3.1
Le Ministère public fait valoir que la cause ne présentait pas un enjeu suffisant pour justifier le recours à un avocat, ni difficulté particulière en fait ou en droit, qu’il s’agissait juste de trancher entre deux versions des faits au sujet de la responsabilité d’un accident, que le prévenu, qui admettait une faute justifiant une amende de 100 fr., n’encourait qu’une augmentation de celle-ci à 300 fr., que le prévenu n’avait pas changé d’argumentation depuis sa comparution devant le Préfet et enfin que la motivation du jugement attaqué tient sur une seule page. Subsidiairement, il fait valoir que la cause ne nécessitait pas sept heures de travail.
L’intimé rappelle qu’il risquait son permis de conduire, « peut-être son emploi », ainsi que des conséquences sur le plan civil. Il explique avoir consulté avocat parce que ses explications n’avaient pas convaincu le Préfet. Il fait valoir que l’indemnité accordée est déjà réduite par rapport au temps consacré par son avocat à l’affaire.
3.2
Aux termes de l’art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure. Cette indemnité concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix (ATF 138 IV 205 c. 1). L’alinéa 2 de cette disposition précise en outre que l’autorité pénale examine d’office les prétentions du prévenu et peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier.
La base légale fondant un droit à des dommages et intérêts et à une réparation du tort moral a été créée dans le sens d’une responsabilité causale. L’Etat doit réparer la totalité du dommage qui présente un lien de causalité avec la procédure pénale au sens du droit de la responsabilité civile (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 pp. 1057 ss, spéc. p. 1313). Les dépenses à rembourser au sens de l’art. 429 al. 1 let. a CPP sont essentiellement les frais de défense. Cette disposition transpose la jurisprudence selon laquelle l’Etat ne prend en charge ces frais que si l’assistance était nécessaire compte tenu de la complexité de l’affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires de l’avocat étaient ainsi justifiés (ibidem).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’allocation d’une indemnité pour les frais de défense selon l’art. 429 al. 1 let. a CPP n’est pas limitée aux cas de défense obligatoire visés par l’art. 130 CPP. Elle peut être accordée dans les cas où le recours à un avocat apparaît tout simplement raisonnable. Il faut garder à l’esprit que le droit pénal matériel et le droit de procédure sont complexes et représentent, pour des personnes qui ne sont pas habituées à procéder, une source de difficultés. Celui qui se défend seul est susceptible d’être moins bien loti. Cela ne dépend pas forcément de la gravité de l’infraction en cause. On ne peut pas partir du principe qu’en matière de contravention, le prévenu doit supporter en général seul ses frais de défense. Autrement dit, dans le cadre de l’examen du caractère raisonnable du recours à un avocat, il doit être tenu compte, outre de la gravité de l’infraction et de la complexité de l’affaire en fait ou en droit, de la durée de la procédure et de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu (cf. ATF 138 IV 197 c. 2.3.5). S’agissant d’une contravention à la LCR, dans le cadre d’une affaire qui ne présentait aucune difficulté ni en fait ni en droit et dont l’impact était limité dès lors que le recourant ne risquait plus un retrait de permis, le Tribunal fédéral a considéré que l’indemnisation d’un avocat au sens de l’art. 429 al. 1 let. a CPP ne se justifiait pas (TF 6B_563/2012 du 1
er
novembre 2012; voir dans le même sens
CAPE 16 mai 2012/132, CAPE 19 avril 2013/101).
L’indemnisation suppose que tant le recours à un avocat que l’activité déployée par celui-ci sont justifiés. Dans les cas juridiquement simples, l’activité de l’avocat doit se limiter au minimum, soit tout au plus à une simple consultation (ATF 138 IV 197 c. 2.3.5).
3.3
En l’espèce, seule l’appréciation des faits était litigieuse. Seul puis assisté d’un avocat, le prévenu a présenté la même argumentation. Les motifs qui ont abouti à la libération de l’accusation d’inattention étaient simples et de pur fait, de sorte que même une personne non juriste pouvait les maîtriser sans une assistance juridique. L’affaire ne présentait aucune difficulté en droit.
Toutefois, le prévenu est chauffeur-livreur et a donc un besoin professionnel de son permis de conduire. Il a indiqué que le Service des automobiles et de la navigation envisageait de lui retirer son permis de conduire. Il ressort du dossier qu’il fait effectivement l’objet d’une procédure administrative, suspendue dans l’attente de la clôture de la procédure pénale. Dans ces conditions, l’assistance d’un avocat se justifiait sur le principe. Cependant, vu la simplicité de la cause en fait et en droit, l’activité de l’avocat devait être limitée à l’essentiel, soit à une brève consultation et à l’assistance à l’audience, qui a duré quarante minutes. L’indemnité doit par conséquent être réduite à 600 fr., montant qui correspond à un peu moins de deux heures de travail au tarif horaire usuel de 350 francs.
En définitive, l’appel doit être admis dans ses conclusions subsidiaires et le chiffre III du jugement entrepris modifié en ce sens qu’une indemnité de 600 fr. est allouée au prévenu.
4.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, constitués uniquement de l’émolument de jugement, par 540 fr. (art. 21 al. 1 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), doivent être mis par deux tiers à la charge du prévenu intimé, qui succombe pour l’essentiel des montants en jeu, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP). Au vu de ce qui précède, il n’y a pas matière à allocation de dépens d’appel. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5da2d8c4-3a32-4db6-8fcc-0ffafeedb21e | En fait :
A.
Par jugement du 21 décembre 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré C._ des chefs d’accusation de lésions corporelles simples qualifiées et de voies de fait (I), libéré P._ des chefs d’accusation de voies de fait, de vol, de dommages à la propriété, d’injure et de menaces (II) et mis une part des frais, par 843 fr. 75, à la charge de C._ et par 2'531 fr. 25 à la charge de P._ (III).
B.
Le plaignant M._ a annoncé faire appel de ce jugement le 12 août 2013 (P. 42), lequel lui avait été communiqué le 29 juillet précédent (P. 41). Le jugement lui a été notifié en copie complète le 14 août 2013 (P. 43). L’appelant a déposé une déclaration d’appel motivée le 27 août 2013 (P. 44).
Le Ministère public a renoncé à procéder sur l’appel.
Le 12 septembre 2013, le Président de la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal a informé les parties que l’appel serait traité en procédure écrite, l’appelant étant invité à déposer un mémoire motivé dans un délai échéant au 27 septembre suivant (P. 47).
Par mémoire motivé du 24 septembre 2013 (P. 48), l’appelant a conclu à la condamnation de l’intimé P._ pour vol et atteinte à l’honneur et à ce que ce prévenu soit reconnu son débiteur de 700 fr. au titre de dédommagement matériel, d’une part, et de 300 fr. au titre de réparation du tort moral, d’autre part, les frais et dépens de la procédure étant en outre mis à la charge de P._. Ce dernier ne s’est pas déterminé.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 La présente procédure pénale a été ouverte d’office et sur plainte, notamment, de M._. Dans sa plainte, déposée initialement auprès de la police lausannoise le 27 juillet 2009, avant d’être étendue le 31 juillet suivant et maintenue à la réquisition de l’autorité le 4 août 2013 (P. 1, 4 et 7/2, dossier joint C), M._ faisait grief au prévenu P._ d’un vol de bouteilles de vin d’une valeur totale de 720 fr. environ dans la cave constituant la dépendance de son domicile lausannois, ainsi que de menaces d’atteintes à l’honneur et de dommages à la propriété. Par reconnaissance de dette signée le 29 juillet 2009, P._ s’est reconnu débiteur de M._ de la somme de 700 fr. « pour le vol des bouteilles dans sa cave » (pièce originale en annexe non numérotée à la P. 20, dossier principal; copie sous P. 44/2).
1.2 P._ a été déféré par ordonnance de renvoi du 25 août 2010, valant acte accusation. L’ordonnance mentionne en particulier, sous chiffre 2, le vol de bouteilles et les menaces dénoncés par M._, avec référence aux art. 139 ch. 1 et 180 al. 1 CP.
Le 25 février 2011, le plaignant a pris des conclusions civiles à l’encontre de P._ à hauteur de 700 fr., valeur échue, au titre de dédommagement matériel sur la base de la reconnaissance de dette déjà mentionnée, d’une part, et de 300 fr., valeur échue également, au titre de réparation du tort moral en relation avec les menaces imputées au prévenu, d’autre part (P. 20, dossier principal).
A sa demande, le plaignant a été dispensé de comparaître aux audiences du Tribunal de police des 13 septembre et 21 décembre 2011. Bien que la qualité de partie plaignante lui ait été expressément reconnue par le jugement (pp. 3 et 5 in initio; p. 7 in fine), la décision ne lui a pas été notifiée avant qu’il ne s’en soit inquiété; c’est ainsi que, comme déjà indiqué, le jugement ne lui a été adressé que par courrier du 29 juillet 2013.
1.3 Le jugement ne comporte aucune mention des faits dénoncés par le plaignant, pas plus qu’il ne statue sur l’action pénale en relation avec eux, ni sur les conclusions civiles prises par celui-ci. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), par une partie ayant qualité pour agir (art. 382 al. 1 et al. 2, a contrario, CPP), l'appel est recevable.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
1.3
Seuls des points de droit devant être tranchés, l’appel est soumis à la procédure écrite (art. 406 al. 1 let. a CPP). Sous la note marginale « Prononcé et notification du jugement », l’art. 351 CPP prévoit que, lorsque le tribunal est en mesure de statuer matériellement sur l'accusation, il rend un jugement sur la culpabilité du prévenu, les sanctions et les autres conséquences (al. 1); le tribunal rend son jugement sur chaque point à la majorité simple et le notifie conformément à l'art. 84 CPP (al. 2, 1
re
phrase, et al. 3). L’art. 84 al. 4 CPP dispose que, si le tribunal doit motiver son jugement par écrit, il notifie dans les 60 jours, exceptionnellement dans les 90 jours, au prévenu et au ministère public le jugement intégralement motivé et ne notifie aux autres parties que les passages du jugement qui se réfèrent à leurs conclusions.
2.
En l’espèce, il ressort du dossier que M._ a conservé sa qualité de partie plaignante jusqu’au terme de la procédure clôturée par le jugement du 21 décembre 2011. Cette décision devait donc lui être notifiée conformément aux réquisits légaux énoncés ci-dessus, dans le délai légal et à l’instar des autres parties.
Le premier juge n’a pas davantage statué sur le sort de l’action pénale en relation avec les faits dénoncés par la plainte, pas plus qu’il ne s’est prononcé sur les conclusions civiles dont il avait à connaître.
Il s’ensuit que la procédure de première instance présente des vices importants auxquels il est impossible de remédier en procédure d'appel, au sens de l’art. 409 al. 1 in initio CPP.
3.
S’agissant de vices dirimants, la violation des art. 351 et 84 al. 4 CPP doit ainsi entraîner l’annulation du jugement au sens de l’art. 409 al. 1 in fine CPP.
Il appartiendra au premier juge de citer le plaignant M._ et le prévenu P._, en procédant à de nouveaux débats. Les autres faits mentionnés dans l’acte d’accusation (cas n° 1 et 3) ne sont plus punissables au vu des retraits de plainte intervenus lors des débats de première instance. C._ n’aura dès lors plus la qualité de prévenu en reprise de cause, de même que P._ ne saurait répondre d’autres faits. Un nouveau jugement, statuant tant sur l’action pénale que sur les conclusions civiles, devra ensuite être rendu à l’égard de P._.
4.
L’appelant obtenant gain de cause et le jugement devant être annulé, les frais de la procédure d'appel doivent être laissés à la charge de l’Etat (art. 428 al. 4 CPP). Ces frais sont limités à l'émolument d’arrêt (art. 422 al. 1 CPP; art. 21 al. 1 et 2 TFJP), l’appelant ayant agi seul dans sa propre cause. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5dc7bb50-a327-497b-b167-951cecd4a56e | En fait :
A.
Par jugement du 7 octobre 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré L._ des fins de la poursuite pénale (I), rejeté les conclusions civiles prises par H._ (II) et laissé les frais de justice à la charge de l’Etat (III).
B.
H._ a annoncé faire appel de ce jugement le 17 octobre 2013. Le jugement lui a été notifié le 25 octobre 2013 et il a déposé une déclaration d’appel motivée le 10 novembre 2013.
Il a conclu implicitement à sa réforme en ce sens que L._ est condamné pour vol et à l’allocation de ses conclusions civiles à l’encontre du prévenu.
L’appelant a confirmé ses conclusions à l’audience d’appel du 17 février 2014. Le prévenu L._, intimé, a conclu implicitement au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu L._, né en 1976, ressortissant ruandais, travaille à plein temps au service d’un EMS. Il vit avec sa compagne et leur enfant, [...], né le 18 juin 2009. Son salaire mensuel net est de 4'200 francs. Son amie gagne pour sa part 6'000 francs (P. 11). Le prévenu fait l’objet de poursuites pour 10'000 fr. environ.
Son casier judiciaire comporte une inscription, relative à une condamnation à une peine de 120 jours-amende à 30 fr. le jour, prononcée le 4 avril 2008 par le Juge d’instruction de Lausanne, pour violation des règles de la circulation routière, opposition ou dérobade aux mesure visant à déterminer l’incapacité de conduire, conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduire, violation des devoirs en cas d’accident, vol d’usage, conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants.
1.2 Le 28 juillet 2012, H._ a déposé plainte contre L._ pour un vol portant sur une somme en espèces de 1'000 fr. qui aurait été commis l’avant-veille à son préjudice, à raison des faits décrits ci-après (P. 4).
L’appelant explique qu’à Renens, le 26 juillet 2012, entre 20 h et 21 h, il se trouvait dans la remorque d’un bus, à la station terminus de l’avenue du 14-Avril, alors qu’il rentrait de Lausanne. Il venait de quitter un débit de boissons, mais n’était pas sous l’influence de l’alcool. Toujours selon lui, il était en possession de 1'000 fr. en billets qui se trouvaient dans la poche avant droite de son pantalon; il précise qu’il s’agissait de quasiment l’entier de la somme versée à son profit le même jour par les services sociaux, qu’il venait de retirer du postomat à Renens pour faire ses paiements. Un retrait de 1'000 fr. en espèces au débit du compte PostFinance de l’appelant à la date du 26 juillet 2012 est d’ailleurs établi par pièce, tout comme l’est un versement de 1'200 fr. des service sociaux du même jour (P. 10). Toujours selon l’appelant, le prévenu se trouvait également dans la remorque du bus avec son fils [...], alors âgé de trois ans. Le prévenu aurait alors aperçu au moins un billet dépasser de sa poche avant. Il lui aurait d’emblée demandé de lui emprunter de l’argent, lui faisant part de difficultés financières. Le plaignant aurait sorti cette coupure, puis le prévenu lui aurait saisi la main et se serait aussitôt emparé de la liasse de billets qui était en sa possession dans sa poche, avant de partir, ce alors que les protagonistes s’apprêtaient de toute manière à quitter le bus (PV aud. 1, lignes 40-46). Il a précisé encore que le fils de l’intimé avait assisté à la scène, sans réagir, vu son jeune âge. Il a ensuite appelé la mère de l’intimé le lendemain pour lui faire part des faits; elle lui aurait répondu qu’il s’agissait d’une affaire entre son fils et lui. S’il ne l’avait pas appelée tout de suite, c’est qu’il considérait qu’il n’était pas poli de téléphoner la nuit. Il est établi que le plaignant a appelé le prévenu le lendemain des faits, lui reprochant de lui avoir dérobé des billets pour une valeur de 1'000 fr., avant de se heurter aux dénégations de son interlocuteur. Enfin, l’appelant a précisé porter alors le même pantalon qu’à l’audience d’appel.
Pour sa part, l’intimé conteste toute infraction. Il admet avoir rencontré le plaignant au jour et à l’heure en question. Il a d’emblée constaté que le plaignant était alors «complètement bourré» (PV aud. 1, ligne 29). Arrivé au terminus, le prévenu a alors vu dépasser un billet de 100 fr. de la poche avant du pantalon du plaignant. Selon sa première version des faits, il aurait demandé un prêt de 100 fr. à son interlocuteur (PV aud. 1, lignes 33-34). Toujours d’après lui, l’appelant aurait refusé le prêt sollicité; le prévenu n’aurait alors pas insisté et serait parti (PV aud. 1, lignes 32-34). A teneur de sa seconde version, présentée pour la première fois à l’audience de police et confirmée à l’audience d’appel, il lui aurait suggéré d’offrir un cadeau à son fils, faisant un geste en direction du billet; il s’agissait d’après lui «plutôt d’une boutade» (jugement, p. 4). Toujours selon l’intimé, l’appelant lui aurait alors tout de suite saisi la main. Le prévenu a contesté avoir jamais fait état de ses difficultés financières auprès du plaignant, que ce soit lors des faits incriminés ou à toute autre occasion, tout comme il a affirmé ne rien connaître de la situation financière de ce dernier. Le prévenu a en outre nié avoir dérobé quelque somme d’argent que ce soit à l’appelant ou avoir tenté de le faire et même de l’avoir agrippé, tout comme il a, à l’audience de police en particulier, contesté avoir reçu le moindre prêt de sa part et même en avoir sollicité un (jugement, p. 4).
Les parties s’accordent à dire qu’elles se connaissent depuis l’enfance. Cela étant, le plaignant a précisé qu’elles étaient déjà en mauvais termes au moment des faits (PV aud. 1, lignes 38-39 et 45), ce que le prévenu a nié (PV aud. 1, lignes 74-76; jugement, p. 4, 3
e
et 4
e
lignes). Il est en revanche admis que leurs familles se connaissent de longue date. Aucun témoin n’a été identifié.
1.3 A l’audience de première instance, H._ a pris des conclusions civiles à hauteur de 1'000 fr. en capital.
2. Appréciant les faits de la cause, le tribunal de police n’a pu écarter les dénégations du prévenu, qui lui avait paru sincère dans ses explications. Le premier juge a ainsi retenu que l’hypothèse selon laquelle le plaignant aurait, sans s’en souvenir, dépensé ou égaré la somme importante qu’il transportait imprudemment dans sa poche lui paraissait plus vraisemblable. Qui plus est, il serait troublant que le plaignant n’ait pas alerté le conducteur de bus de l’attaque dont il venait de faire l’objet, tout comme l’on imaginerait mal le prévenu, accompagné de son jeune fils, s’en prendre sans ménagement à un ami de sa famille. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable. Le lésé constitué partie plaignante peut contester, par la voie de l’appel, l’acquittement prononcé en première instance, indépendamment de la question des conclusions civiles. En effet, l'art. 119 al. 2 CPP ouvre au lésé la possibilité d'agir cumulativement ou alternativement comme demandeur au pénal ou au civil. Le lésé devient ainsi partie plaignante (cf. l’art. 118 al. 1 CPP). Le législateur a donc conféré à la partie plaignante le pouvoir de se constituer partie à la seule fin de soutenir l'action pénale (ATF 139 IV 78, spéc. c. 3.3.3).
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
Critiquant l’appréciation des preuves à laquelle a procédé le premier juge, l’appelant soutient que l’intimé est l’auteur d’un vol commis à son détriment et que, malgré les dénégations de ce dernier, le premier juge aurait dû tenir les faits pour établis, en raison des explications constantes qu’il a données. En définitive, le prévenu aurait menti et devrait être condamné pour vol et tenu de le dédommager du préjudice subi.
3.2
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
4. C’est «au bénéfice du doute à tout le moins» (jugement, c. 4 p. 8) que le tribunal de police a préféré les dénégations du prévenu. Cette appréciation des faits ne prête pas le flanc à la critique et peut donc être confirmée par la Cour de céans. En effet, les versions des faits antagonistes du plaignant et du prévenu s’opposent sans qu’un élément décisif du point de vue probatoire ne permette d’en privilégier une, à défaut en particulier de tout témoin en mesure de rapporter les faits et de tout indice matériel déterminant. Certes, l’on peut donner acte à l’appelant que la version de l’intimé a quelque peu évolué au fil des auditions quant au motif de sa demande d’argent, tout d’abord pour un prêt de 100 fr., puis pour un cadeau en faveur de son fils. Néanmoins, celle que présente l’appelant n’est pas entièrement crédible pour autant. En effet, on peine à comprendre comment le prévenu aurait, en un seul geste, pu s’emparer d’une somme de 1'000 fr. alors qu’un unique billet dépassait de la poche avant droite du pantalon, de surcroît par un auteur avec un enfant dans ses bras. Qui plus est, on ne saisit pas pourquoi le plaignant, qui dit entretenir de mauvaises relations avec le prévenu, aurait montré son argent au prévenu. Il apparaît également insolite qu’une liasse de billets d’un montant aussi important soit conservée sans avoir été rangée dans un portefeuille, s’agissant à tout le moins des coupures les plus importantes. Les seuls faits matériellement établis, à savoir un retrait en espèces de 1'000 fr. et un versement de 1'200 fr. des services sociaux à l’appelant le jour des faits allégués, ne constituent pas des preuves suffisantes pour imputer un vol au prévenu.
En définitive, les circonstances entourant la rencontre du 26 juillet 2012 ne sont pas suffisamment élucidées pour permettre une condamnation du prévenu. En d’autres termes, le premier juge a correctement appliqué le principe de la présomption d’innocence découlant de l’art. 10 al. 3 CPP.
L’appel doit donc être rejeté.
5.
En équité, les frais seront laissés à la charge de l’Etat au vu des circonstances, bien que l’appelant succombe au sens de l’art. 428 al. 1, 1
re
phrase, CPP. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5de6990f-9308-45c6-bb4a-7682189a0387 | En fait :
A.
Par jugement du 2 septembre 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré A.U._ des accusations de lésions corporelles simples qualifiées, injures et menaces (I), l'a condamnée pour voies de fait qualifiées et violation du devoir d'assistance ou d'éducation à 60 (soixante) jours-amende, à 40 fr. (quarante francs) le jour-amende, avec sursis pendant deux ans (II), a dit que A.U._ est débitrice d'I.U._ de 3'000 fr. (trois mille francs) à titre d'indemnité pour tort moral et rejette toute autre ou plus ample conclusion (III), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièce à conviction des objets enregistrés sous n° 45789, 45790 (IV), a arrêté l'indemnité due au conseil d'office de la plaignante à 3'992 fr. 40 (trois mille neuf cent nonante-deux francs et quarante centimes) (V) et a mis les frais par 9'347 fr. 40 à la charge de A.U._, l'indemnité due à son défenseur d'office, par 3992 fr. 40 n'étant remboursable que si sa situation financière le permet (VI).
B.
Le 2 septembre 2011, A.U._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 13 octobre 2011, elle a conclu à sa réforme en ce sens qu'elle est libérée des accusations de lésions corporelles simples qualifiées, injures, menaces et violation du devoir d'assistance ou d'éducation, qu'elle est condamnée, pour voies de fait qualifiées, à une amende, dont le montant sera fixé à dire de justice, qu'elle est débitrice d'I.U._ d'un montant de 500 fr. à titre d'indemnité pour tort moral et qu'une partie des frais de justice, inférieure à
9'347 fr. 40 ,est mise à sa charge.
Par courrier du 26 octobre 2011, le Ministère public a déclaré qu'il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière ou à déposer un appel joint.
Par courrier du 4 novembre 2011, I.U._ a déclaré renoncer à déposer une demande de non-entrée en matière et à déposer un appel joint. Elle a en outre requis sa dispense de comparution pour le cas où une audience d'appel devait être fixée.
Par courrier du 30 novembre 2011, le Président de la Cour d'appel pénale a informé les parties que la Cour avait procédé au visionnement de la vidéo de l'audition d'I.U._ et que cette dernière était dispensée de comparaître aux débats d'appel. Pour le surplus, les parties ont été informées qu'à titre de mesure d'instruction O._ allait être ré-auditionné en qualité de témoin.
Par courrier du 8 décembre 2011, le Ministère public a déclaré qu'il n'entendait pas comparaître à l'audience d'appel et renonçait à déposer des conclusions motivées dans le cadre de cette procédure.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.U._ est née en 1972 et est domiciliée à Pully. Elle est la mère de la plaignante, I.U._, née le 5 septembre 1993. Le père n'a quasiment jamais vécu avec la mère et habiterait à Olten, en Suisse allemande. L'appelante a travaillé comme secrétaire dans une entreprise de peinture à Clarens, mais n'y travaille plus aujourd'hui. Elle s'est inscrite au chômage, mais ne perçoit pas encore d'indemnité de cette assurance. Elle dit être bénévole dans un centre d'accueil de jour pour des personnes en difficultés à Chavannes-près-Renens et une personne l'aiderait à gérer ses affaires administratives.
Le casier judiciaire suisse de l'appelante est vierge de toute inscription.
2.
A.U._ a, à Prilly, entre fin 2005 et le
7 mai 2009, frappé à plusieurs reprises sa fille, I.U._, qui vivait avec elle. Elle l'a notamment poussée contre les meubles, tiré les cheveux, griffée, menacée de la mettre à la porte, de l'emmener dans un foyer, de lui couper ses habits ou de tuer ses rats. L'appelante a également exercé une pression psychologique sur sa fille et l'a disputée verbalement pour n'importe quel prétexte. Elle lui a répété qu'elle n'était pas chez elle et qu'elle avait l'interdiction de verrouiller la porte de sa chambre ou celles des toilettes. Elle lui a également dit "qu'elle allait la placer dans un foyer comme ça, elle n'aurait plus besoin de s'occuper d'elle". Il lui est arrivé quelques fois de la réveiller en pleine nuit pour lui faire des reproches et l'insulter. Ces disputes sont survenues une fois par semaine environ. Durant la dernière année de leur vie commune, elles ont été plus fréquentes et sont devenues quotidiennes. A au moins une reprise, I.U._ est allée se réfugier chez ses voisins et a appelé l'ancien compagnon de sa mère, O._, pour qu'il vienne la chercher.
Les faits précités sont décrits comme étant exacts par I.U._ et ne sont admis qu'en partie par A.U._, cette dernière admettant avoir insulté sa fille à quelques reprises, l'avoir giflée une ou deux fois ainsi que de lui avoir tiré les cheveux à deux reprises, mais conteste le surplus, notamment les menaces, les réveils en pleine nuit ainsi que d'avoir poussé sa fille contre les meubles et de l'avoir griffée. Elle explique que la situation a dégénéré sur plusieurs mois, qu'il y avait beaucoup de tensions entre elle et sa fille et qu'elle était dépassée par la situation. Elle est sûre que son compagnon de l'époque, O._, a entretenu une liaison avec sa fille, ce qui n'a fait, selon elle, que de péjorer la situation.
I.U._ a demandé à être placée dans un foyer et sa demande a été réalisée le 7 mai 2009. Depuis cette date, mère et fille n'ont plus eu de contact. Il ressort de l'intervention et des pièces du dossier qu'I.U._ a été suivie à la consultation du service de psychiatrie générale du 14 avril 2011 au 15 août 2011. Le 12 août 2011, ce service a établi l'attestation médicale suivante:
"Les médecins soussignés attestent que Madame I.U._ a bénéficié d'une intervention psychodynamique brève à notre consultation avec un dernier entretien le 12 août 2011.
Il s'agit d'une jeune femme de 17 ans, célibataire et sans enfant, qui habite actuellement chez sa grand-mère maternelle. Elle a débuté un apprentissage de mécanicien automobile en 2010.
Mme I.U._ nous explique qu'elle a porté plainte contre sa mère il y a deux ans dans un contexte de maltraitance. Elle fait appel à notre consultation afin de parler de sa souffrance en lien avec des difficultés relationnelles avec sa mère, et afin d'obtenir un certificat à ce sujet. Elle évoque un sentiment d'incompréhension et d'injustice. Elle décrit une grande anxiété en lien avec une éventuelle rencontre avec sa mère et elle ne souhaite plus avoir de contacts avec cette dernière actuellement. Mme I.U._ décrit des moments de tristesse en lien avec des souvenirs pénibles de son enfance mais se décrit également comme quelqu'un qui souhaite aller de l'avant, qui prend du plaisir à effectuer sa formation et voir ses amis."
De fait, I.U._ poursuit son apprentissage de mécanicienne sur automobile avec succès. Elle vit avec sa grand-mère qui n'a pas d'avantage de contact avec sa fille, l'appelante.
Les soupçons d'une relation entre I.U._ et O._ ont fait l'objet d'une dénonciation pénale du Service de protection de la Jeunesse. L'enquête a débouché sur un non-lieu. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d'un tribunal ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
A.U._ conteste avoir violé son devoir d'assistance ou d'éducation au sens de l'art. 219 CP et reproche aux premiers juges de ne pas avoir préciser quelle version des faits, soit celle de la mère ou celle de la fille, ils avaient retenu.
3.1
Selon l'art. 219 CP, celui qui aura violé son devoir d'assistance ou d'élever une personne mineure dont il aura ainsi mis en danger le développement physique ou psychique, ou qui aura manqué à ce devoir, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 1). S'il a agi par négligence, la peine pourra être une amende a lieu d'une peine privative de liberté ou d'une peine pécuniaire (al. 2).
Cette disposition protège le développement physique et psychique du mineur, soit d'une personne âgée de moins de 18 ans (ATF 126 IV 136 c. 1b; ATF 125 IV 64 c. 1a).
Pour que l'art. 219 CP soit applicable, il faut d'abord que l'auteur ait eu envers une personne mineure un devoir d'assistance, c'est-à-dire d'assurer le développement – sur le plan corporel, spirituel et psychique – du mineur. Ce devoir et, partant, la position de garant de l'auteur peut résulter de la loi, d'une décision de l'autorité ou d'un contrat, voire d'une situation de fait. Revêtent notamment une position de garant les parents naturels ou adoptifs, le tuteur, le maître d'école, etc. (ATF 125 IV 64 c. 1a).
Il faut ensuite que l'auteur ait violé son devoir d'assistance ou d'éducation ou qu'il ait manqué à ce devoir. Le comportement délictueux peut donc consister en une action ou une omission. Dans le premier cas, l'auteur viole positivement son devoir, par exemple en maltraitant le mineur ou en l'exploitant par un travail excessif ou épuisant. Dans le second, il manque passivement à son obligation, par exemple en abandonnant l'enfant, en négligeant de lui donner des soins ou l'éducation nécessaire ou encore en ne prenant pas, face à un danger, les mesures de sécurité qui s'imposent (ATF 125 IV 64 c. 1a).
Il faut encore, sur le plan objectif, que la violation du devoir d'assistance ou d'éducation ou le manquement à ce devoir ait eu pour effet de mettre en danger le développement physique ou psychique du mineur. L'infraction réprimée par l'art.
219 CP est un délit de mise en danger concrète. Il n'est donc pas nécessaire que le comportement de l'auteur aboutisse à un résultat, c'est-à-dire à une atteinte au développement physique ou psychique du mineur. La simple possibilité d'une atteinte ne suffit cependant pas. Il faut que cette atteinte apparaisse à tout le moins vraisemblable dans le cas concret (ATF 126 IV 136 c. 1b; ATF 125 IV 64 C. 1a). A titre d'exemple d'une mise en danger concrète du développement psychique d'un mineur, la doctrine mentionne notamment d'empêcher un mineur de fréquenter l'école (Laurent Moreillon, Quelques réflexions sur la violation du devoir d'assistance ou d'éducation (article 219 nouveau CP), in: Revue pénale suisse 1998 pp. 431 ss,
p. 438).
Du point de vue subjectif, l'auteur peut avoir agi intentionnellement, auquel cas le dol éventuel suffit (ATF 125 IV 64 c. 1a), ou par négligence
(art. 219 al. 2 CP). Dans cette dernière hypothèse, le juge a la faculté, mais non l'obligation, de prononcer une amende au lieu d'une peine privative de liberté ou d'une peine pécuniaire. Pour déterminer laquelle de ces sanctions doit être prononcée, la gravité de la faute commise est le critère essentiel à prendre en considération (ATF 125 IV 64 c. 2).
3.2
En l'espèce, A.U._ admet avoir insulté sa fille quelques fois lors des disputes, sous le coup de l'énervement, ainsi que de lui avoir donné une deux gifles et de lui avoir tiré les cheveux à deux reprises
(PV audition 6). Toutefois, elle conteste le nombre des disputes survenues, leur récurrence, leur ampleur et une grande partie des actes qui lui sont reprochés, soit les coups portés au visage, les menaces, les réveils nocturnes, les griffures et les disputes sans prétexte. L'appelante justifie ses agissements par la prétendue relation que sa fille entretiendrait avec son ancien compagnon, O._. De son côté, I.U._ a décrit avec précision la pression durable et constante, devenue insupportable avec le temps que lui faisait subir sa mère. Elle fait état de brimades constantes, de réveils nocturnes, de menaces incessantes et de chantage. Son discours est authentique et révèle une réelle souffrance (cf. DVD de l'audition d'I.U._ du 7 octobre 2009).
Compte tenu des propos tenus par I.U._, de l'émotion qui en ressort, de la peur qu'elle dit ressentir lorsqu'elle pourrait être confrontée à sa mère, de sa réaction de défense impliquant qu'elle refuse de parler de sa mère et qu'elle ressente le besoin de couper tous liens avec elle, mais également en raison du témoignage d'O._ corroborant la version des faits d'I.U._, la Cour de céans a acquis la conviction que A.U._ a eu le comportement que sa fille lui reproche. Par ailleurs, les soupçons de liaison entre la fille et l'ancien compagnon de la mère que cette dernière dit avoir, qui ne sont nullement établis, ne justifient en rien des années de maltraitance.
3.3
A raison des faits tels que retenus par la Cour de céans, il convient de déterminer si A.U._ a violé son devoir d'assistance ou d'éducation.
3.3.1
En sa qualité de mère de la victime, âgée de 12 à 15 ans et donc mineure au moment des faits, l'appelante avait incontestablement, de par la loi, une position de garante envers celle-ci. La première condition objective de l'art. 219 CP est donc réalisée.
3.3.2
Entre fin 2005 et mai 2009, A.U._ a insulté plusieurs fois son enfant, l'a menacée de la mettre à la porte, de l'emmener dans un foyer, de lui couper ses habits ou de tuer ses rats. Elle lui a donné des coups, l'a griffée et lui a fait du chantage. Elle a exercé une forte pression psychologique sur sa fille et l'a disputée verbalement pour n'importe quel prétexte. Elle lui a répété qu'elle n'était pas chez elle et qu'elle avait l'interdiction de verrouiller la porte de sa chambre ou celle des toilettes, ne respectant ainsi pas sa sphère privée et intime. Elle lui a également dit qu'elle allait la placer dans un foyer comme ça, elle n'aurait plus besoin de s'occuper d'elle. Il lui est arrivé quelques fois de la réveiller en pleine nuit pour lui faire des reproches et l'insulter. Ces disputes sont survenues une fois par semaine environ. Durant la dernière année de leur vie commune, elles ont été fréquentes et sont devenues quotidiennes.
Si chaque acte prisé isolément ne peut pas être assimilé à lui seul à des mauvais traitements, tous ces actes répétés et pris ensemble en constituent manifestement. Ainsi, par son comportement, l'appelante a clairement manqué à son devoir d'assistance ou d'éducation en érigeant les insultes, les menaces et la violence autant que d'autres formes de pressions psychologiques (réveil au milieu de la nuit) en mode d'éducation. La seconde condition objective de l'art. 219 CP est donc également réalisée.
3.3.3
Tous les actes tels que décrits ci-dessus au point 3.3.2, pris ensemble, ont entraîné la peur, des difficultés scolaires et une immense souffrance chez I.U._. Le discours de cette dernière n'est pas revanchard, il est empreint d'émotion et établit, à lui seul, la mise en danger concrète de son développement psychique. Cela étant, la jeune femme a bénéficié d'une intervention psychodynamique au département psychiatrique du CHUV au cours de laquelle elle a décrit une grande anxiété en lien avec une éventuelle rencontre avec sa mère et ne souhaite plus avoir de contacts avec cette dernière (P. 33/4). Son assistante sociale a fait état d'une certaine violence psychologique exercée par A.U._ (PV audition 2, p. 2).
Au vu de ces éléments, on peut admettre que le comportement de l'appelante a eu pour effet de mettre en danger le développement psychique de sa fille et a même, dans une certaine mesure, effectivement porté atteinte à ce développement. Par ailleurs, les manquements reprochés à l'appelante font au demeurant craindre une atteinte durable au processus psychique de son enfant. La troisième condition objective de l'art. 219 CP est donc elle aussi réalisée.
3.3.4
Enfin, il ne pouvait échapper à A.U._ que son comportement envers sa fille et les pressions faites sur celle-ci durant plusieurs années, étaient de nature à mettre en danger son développement psychique, d'autant plus que sa fille se trouvait alors à un âge charnière, soit celui de l'adolescence, auquel un jeune a un besoin impératif de suivi et d'encadrement. Or, la mère, même si elle ne le souhaitait pas, n'en a pas moins agi ainsi qu'elle l'a fait, s'accommodant des conséquences que son comportement pouvait avoir pour sa fille. Elle a donc bien agi par dol éventuel.
3.3.5
Les conditions de l'art. 219 CP étant toutes réunies, la condamnation de l'appelante, en application de cette disposition, doit être confirmée.
4
En définitive, l'appel de A.U._, mal fondé, doit être rejeté et le jugement de première instance confirmé dans son entier. En effet, il ressort clairement de la déclaration d'appel que l'appelante concluait à une réduction de la peine et de l'indemnité pour tort moral pour autant qu'elle soit libérée du chef d'accusation défini par l'art. 219 CP. Tel n'est pas le cas. En outre, ni la peine, ni l'indemnité allouée à la victime ne procèdent d'un abus du pouvoir d'appréciation.
5.
Vu l'issue de la cause, les frais de procédure d'appel sont mis à la charge de A.U._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5dea88e7-e610-479f-b540-ff580987b0af | En fait :
A.
Par jugement du 25 mai 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que M._ s'est rendu coupable de vol en bande et par métier, dommages à la propriété, violation de domicile, infraction grave à la Loi fédérale sur la circulation routière (excès de vitesse), infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (incitation à l'entrée illégale) et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de 270 (deux cent septante) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 60 (soixante) fr. (II), a suspendu l'exécution de la peine pécuniaire et fixé au condamné un délai d'épreuve de 3 (trois) ans (III), l'a condamné à une amende de 500 fr. (cinq cents francs), la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l'amende étant fixé à 5 (cinq) jours (IV), a donné acte de leurs réserves civiles à l'encontre de M._ à Q._, X._ AG, G._ et L._ AG (V), a ordonné le maintien au dossier des pièces à conviction séquestrées sous fiches n° 44623, n° 44624, n° 44625, n° 44661, n° 44921 et n° 46346 (VI), a mis les frais de justice, par 40'283 fr. 85, y compris l'indemnité de son conseil d'office, Me Jean Lob, arrêtée à 2'721 fr. 60, à la charge de M._ (VII) et dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité au conseil d'office ne sera exigible que pour autant que la situation financière de M._ le permette (VIII).
B.
Le 26 mai 2011, M._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 15 juin 2011, l'appelant a conclu à ce qu'il soit condamné à une peine pécuniaire de 270 jours-amende, sous déduction de 52 jours de détention préventive, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. le jour.
Dans le délai imparti, le Ministère public a déclaré renoncer à présenter une demande de non-entrée en matière et à déclarer un appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
M._ est né le 30 août 1970 en Géorgie. Le prévenu est arrivé en Suisse avec son épouse le 15 mars 2002, via la Russie. Il a déposé une demande d'asile et a été attribué au canton de Vaud. En mars 2006, du 15 au 30 mai 2006 ainsi que du 18 au 21 septembre 2006, il a suivi une formation de magasinier cariste et d'initiation à la bureautique. En mars 2009, il s'est séparé de son épouse et a habité la plupart du temps auprès de son amie, qui l'a, selon ses dires, entretenu partiellement jusqu'à son interpellation et son incarcération en octobre 2009. Libéré en novembre 2009, il a alors vécu à l'hôtel avec l'aide de la Fondation vaudoise de probation, ce jusqu'en février 2010. Il a alors trouvé un emploi temporaire de trois mois puis est resté sans travail jusqu'au mois de juillet 2010. Il a alors été engagé par V._ SA, à Genève. Il a ensuite travaillé tous les matins à 50 % comme livreur pour cette boucherie-charcuterie-traiteur qui prépare des repas à domicile pour les personnes âgées. En outre, depuis mi-avril 2011, il travaille comme collaborateur à St-Prex, chez [...] SA. Il a quitté son emploi chez V._ SA fin juin 2011.
M._ vit actuellement avec son amie qui travaille à plein temps. Il est imposé à la source et verse une participation de 700 fr. par mois à son amie pour le logement. Sa prime d'assurance maladie s'élève à 385 fr. par mois. Selon ses dires, il a pour environ 15'000 fr. de dettes dues à des amendes impayées pour excès de vitesse.
Le casier judiciaire suisse du prévenu est vierge de toute inscription. Au fichier ADMAS (registre des mesures administratives) figurent deux inscriptions, soit un avertissement du 2 juillet 2009 et un retrait de permis du 10 février au 9 juin 2010, pour excès de vitesse.
2.
A Lausanne, entre septembre 2007 et le 13 octobre 2009, date de son interpellation (les faits antérieurs étant prescrits), M._ a fumé de la marijuana, à raison d'une fois par semaine.
3.
Entre le 7 mai et le 28 juin 2009, M._ s'est rendu à cinq reprises en Pologne pour y prendre en charge des compatriotes et les acheminer illégalement en Suisse, leur faisant payer 700 fr par personne.
Le 14 juin 2009, M._ a été interpellé au Col des Roches/NE au volant de sa voiture, alors qu'il venait de franchir la frontière franco-suisse et qu'il amenait en Suisse la dénommée [...] qui serait sa sœur, le mari de cette dernière et leurs deux enfants.
4.
Sur l'autoroute Genève-Lausanne, M._ a, le 3 juin 2009, circulé au volant de sa voiture à une vitesse de 177 km/h alors que la vitesse autorisée y est de 120 km/h.
5. 5.1.
A Fribourg, dans la nuit du 26 au 27 juillet 2009, le prévenu et un comparse ont forcé les deux caisses d'une station de lavage et ont dérobé de la monnaie en pièces de 5, 2 et 1 fr. d'un montant total indéterminé.
L._ AG a déposé plainte pénale le 27 juillet 2009 mais a renoncé à prendre des conclusions civiles.
5.2.
A Schmitten, le 3 septembre 2009 entre 10h00 et 11h00, le prévenu et un comparse ont pénétré dans l'appartement de G._ en arrachant le cylindre de la porte d'entrée. Ils y ont dérobé un ordinateur portable, un téléphone portable, un appareil photo numérique, une console de jeux, divers DVD et de l'argent liquide pour un montant total de 4'010 francs.
G._ a déposé une plainte pénale le 3 septembre 2009 mais n'a pas formellement pris de conclusions civiles.
5.3.
A Ried bei Kerzers, dans la nuit du 27 au 28 septembre 2009, le prévenu et trois ou quatre individus ont forcé l'automate à monnaie de la station de lavage d'un magasin X._ AG, ainsi que la porte du local technique ; ils ont aussi tenté de forcer l'automate de produits de nettoyage. Ils ont emporté quatre vestes d'enfant et de l'argent liquide pour un montant total de 580 francs.
X._ AG a déposé une plainte pénale le 28 septembre 2009 mais n'a pas pris de conclusions civiles, ne disposant plus des justificatifs concernant son dommage.
5.4.
A Schmitten, le 13 octobre 2009, vers 00h30, le prévenu et un comparse ont forcé l'automate à billets du garage [...]J._ AG.
[...]J._ AG a déposé une plainte pénale le 13 octobre 2009 mais n'a pas pris de conclusions civiles. | En droit :
1. 1.1.
L’appel doit être annoncé dans les 10 jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, n° 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d'un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
1.2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation de droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.
L'appelant soutient tout d'abord avoir été en détention préventive du 13 octobre au 23 novembre 2009 et que, partant, il y a lieu de déduire 52 jours de détention à la peine qui lui sera en définitive infligée.
2.1.
Aux termes de l'art. 51 CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure. Un jour de détention correspond à un jour-amende ou à quatre heures de travail d'intérêt général.
L'art. 51 CP impose le principe de l'imputation inconditionnelle de la détention avant jugement. Cette règle s'impose au juge du fond qui doit examiner cette question d'office (Commentaire romand, Roth-Moreillon, pp. 521 ss, nos 4 à 6, ad art. 51 CP).
2.2.
En l'occurrence, le premier juge retient que l'appelant a été détenu provisoirement du 13 octobre au 23 novembre 2009 (jgt., p. 7), période que ce dernier ne conteste pas. Or, ni le corps du jugement ni le dispositif de celui-ci ne prévoient l'imputation de la détention préventive sur la peine infligée. A tort. Il convient ainsi de déduire 42 jours et non 52 jours, comme l'a d'abord soutenu de manière erronée l'appelant, de détention préventive de la peine infligée.
L'appel est donc admis sur ce point.
3.
L'appelant fait valoir ensuite que le montant du jour-amende est trop élevé et qu'il y a lieu de le réduire à 30 fr. le jour.
3.1.
Concernant la quotité du jour-amende, l'art. 34 CP prévoit que le juge fixe le nombre de jours-amende en fonction de la culpabilité de l’auteur (al. 1) et leur montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).
Selon la jurisprudence (TF 6B_845/2009 du 11 janvier 2011 c. 1.1.1; ATF 134 IV 60 c. 6), le montant du jour-amende doit être fixé en partant du revenu que l'auteur réalise en moyenne quotidiennement, quelle qu'en soit la source, car c'est la capacité économique réelle de fournir une prestation qui est déterminante. Constituent des revenus, outre ceux d'une activité lucrative dépendante ou indépendante, notamment les revenus d'une exploitation industrielle, agricole ou forestière, ainsi que les revenus de la fortune (loyers et fermages, intérêt du capital, dividendes, etc.), les contributions d'entretien de droit public ou privé, les prestations d'aide sociale ainsi que les revenus en nature. Ce qui est dû en vertu de la loi ou ce dont l'auteur ne jouit pas économiquement doit en être soustrait. Il en va ainsi des impôts courants, des cotisations à l'assurance-maladie et accidents obligatoire, ou encore des frais nécessaires d'acquisition du revenu, respectivement pour les indépendants, des frais justifiés par l'usage de la branche. Le principe du revenu net exige que seul le disponible excédant les frais d'acquisition du revenu soit pris en considération, dans les limites de l'abus de droit.
La loi se réfère, enfin, au minimum vital, dont la portée dans la fixation de la quotité du jour-amende demeure peu claire. On peut cependant conclure des travaux préparatoires que ce minimum vital ne correspond pas à celui du droit des poursuites et que la part insaisissable des revenus (art. 93 LP, Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889, RS 281.1) ne constitue pas une limite absolue. S'il fallait, dans chaque cas, établir le minimum vital du droit des poursuites et que seul soit disponible l'excédent, un cercle étendu de la population (personnes en formation, étudiants, conjoints s'occupant du ménage, chômeurs, bénéficiaires de l'assistance sociale, requérants d'asile, marginaux, etc.) serait exclu de la peine pécuniaire. Cela n'était précisément pas la volonté du législateur (TF 6B_845/2009 du 11 janvier 2010, précité, c. 1.1.5).
Le revenu net ainsi défini en droit pénal est le point de départ pour fixer la quotité du jour-amende. Dans ce contexte, le minimum vital mentionné à l'art. 34 al. 2 CP constitue un correctif permettant au juge de s'écarter du principe du revenu net et d'arrêter le jour-amende à un niveau sensiblement inférieur. Pour les condamnés qui vivent en-dessous ou au seuil du minimum vital, le jour-amende doit être réduit dans une mesure telle que, d'une part, le caractère sérieux de la sanction soit rendu perceptible par l'atteinte portée au niveau de vie habituel et que, d'autre part, l'atteinte apparaisse supportable au regard de la situation personnelle et économique. Un abattement du revenu net de la moitié au moins apparaît adéquat à titre de valeur indicative. Pour une peine ferme, ce sont avant tout les facilités de paiement accordées par l'autorité d'exécution (art. 35 al. 1 CP) qui doivent permettre de pallier une charge excessive (TF 6B_769/2008 du 18 juin 2009 c. 1.1).
Lorsque le nombre des jours-amende est considérable - en particulier au-delà de nonante jours-amende - une réduction supplémentaire de 10 à 30 % est indiquée car la contrainte économique, partant la pénibilité de la sanction, croît en proportion de la durée de la peine. La situation financière concrète est toujours déterminante. La fixation de la quotité du jour-amende dans le cas concret procède d'un pouvoir d'appréciation exercé avec soin (ATF 135 IV 180).
3.2.
Le premier juge qui a arrêté le montant du jour-amende à 60 fr. le jour, n'a toutefois pas expliqué comment il était parvenu à ce montant. Dans le cas particulier, il convient de procéder à ce calcul en se fondant sur la situation financière de l'appelant, qui a quitté son emploi chez V._ SA au mois de juin 2011 mais qui a affirmé aux débats qu'il sera en mesure de bénéficier dans un proche avenir d'un revenu mensuel net d'au moins 3'500 francs, impôts à la source déjà déduits. Il faut en outre tenir compte de ses charges mensuelles et soustraire de ce revenu un montant de 400 fr. pour l'essence nécessaire pour se rendre à son lieu de travail, de 385 fr. pour les frais d'assurance-maladie obligatoire et de 700 fr. pour son entretien personnel, dans la mesure où l'appelant vit avec son amie. En revanche, le loyer n'a pas à être déduit (SJ 2010, p. 205). Son revenu mensuel disponible s'élève en définitive à 2'015 fr. (3'500 fr. – 400 fr. – 385 fr. – 700 fr. = 2'015 fr.), équivalant à 67 fr. par jour (2'015 / 30 = 67). En tenant compte d'une réduction supplémentaire (cf. ch. 3.1 in fine), on arrive à 60 fr. par jour.
L'appel doit donc être rejeté sur ce point.
4.
En définitive, l'appel de M._ doit être partiellement admis en ce sens qu'il est condamné à une peine pécuniaire de 270 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 60 fr., sous déduction de 42 jours de détention préventive.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel sont mis par moitié à la charge de M._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l'indemnité allouée au conseil d’office de l'appelant (cf. art. 138 et 422 al. 2 let. a CPP ; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP, qui sera arrêtée à 777 fr. 60, TVA et débours compris (cf. art. 135 al. 1 CPP).
L'appelant ne sera tenu de rembourser à l'Etat le montant de l'indemnité en faveur de son conseil d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5e3a51be-2698-4f01-a312-5bea60bf82a7 | En fait :
A.
Par jugement du 31 mai 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a libéré J._ du grief de vol (I); l'a condamné pour abus de confiance, escroquerie, faux dans les titres, faux dans les certificats et conduite d'un véhicule automobile non couvert par une assurance responsabilité civile, à la peine privative de liberté de douze (12) mois, sous déduction de 55 jours de détention avant jugement (II); a dit que la peine était partiellement complémentaire aux sanctions infligées les 18 septembre 2002 par le Juge d'instruction de Lausanne, 13 septembre 2006, par le Tribunal correctionnel de l'Est vaudois et 26 novembre 2007, par l'Office régional du Juge d'instruction du Bas-Valais (III); a renoncé à révoquer le sursis accordé le 26 novembre 2007, par l'Office régional du Juge d'instruction du Bas-Valais (IV); a pris acte des reconnaissances de dettes souscrites aux débats du 30 mai 2011 (V); a mis les frais de la cause, par 10'785 fr. à la charge de J._ (VI) et dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité du conseil d'office, par 2'430 fr., ne sera exigible que si la situation financière de J._ s'améliore notablement (VII).
B.
En temps utile, J._ a interjeté appel contre ce jugement. Il a conclu à sa réforme en ce sens que la peine privative de liberté qui lui a été infligée est assortie du sursis. A titre subsidiaire, il requiert que dite peine soit assortie du sursis partiel.
Le 22 juillet 2011, le Ministère public a déclaré faire un appel joint. Il a conclut à l'aggravation de la peine infligée, jugée trop clémente, ainsi qu'au prononcé d'une peine pécuniaire en sus de la peine principale. Il a également requis la révocation du sursis octroyé le 26 novembre 2007 par le Juge d'instruction du Bas-Valais.
Le Président de la Cour d'appel pénale a invité le Ministère public à expliquer le caractère vraisemblablement tardif de son appel joint. Par courrier du
8 août 2011, le Ministère public a admis qu'à la suite d'une erreur de la chancellerie, son appel joint est indiscutablement tardif. Le procureur a toutefois annoncé qu'il se réservait de réclamer une peine plus sévère à l'encontre de l'appelant en se fondant sur le fait que les autorités de poursuite pénale et le tribunal de première instance ignoraient tout, lors du jugement attaqué, de l'existence d'une récidive en matière de conduite d'un véhicule sans assurance responsabilité civile en juillet 2010.
Par décision du 11 août 2011, la Cour d'appel pénale a déclaré l'appel joint du Ministère public irrecevable.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
J._ est né en 1966 en Italie, pays dont il est ressortissant. Il a suivi sa scolarité obligatoire à Préverenges puis à Lausanne et a ensuite débuté un apprentissage de mécanicien sur automobiles qu'il a toutefois interrompu. Il a assisté son père dans la vente de produits alimentaires avant d'exploiter en raison individuelle une entreprise de conseiller en assurances à Montreux dès 1997. Ayant accumulé des dettes, il a bénéficié de l'aide sociale dès la fin 2004. Il a ensuite été occupé à divers petits emplois (représentation d'un marque de machines à café, distribution de brochures publicitaires, etc...) avant d'œuvrer à la distribution de journaux pour le compte de la société [...] SA et au service d'un restaurant veveysan. Il retire respectivement de ces deux emplois un salaire mensuel brut de l'ordre de 900 fr. et de 3'900 francs. Il a des poursuites et le montant des actes de défaut de biens délivrés contre lui approche 300'000 francs.
Son casier judiciaire fait état de cinq condamnations, à savoir une peine d'emprisonnement de 2 mois avec sursis pendant deux ans prononcée le
18 septembre 2002 par le Juge d'instruction de Lausanne pour escroquerie et faux dans les titres, une peine de 12 mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans et révocation du sursis accordé en 2002, prononcée le 13 septembre 2006 par le Tribunal correctionnel de l'Est vaudois pour abus de confiance, escroquerie et faux dans les titres. Le 17 septembre 2009, l'Office des juges d'application des peines a révoqué le sursis assortissant la peine de douze mois d'emprisonnement infligée le 13 septembre 2006. Enfin, le 26 novembre 2007, le Juge d'instruction du Bas-Valais a sanctionné J._ d'un travail d'intérêt général de 300 heures avec sursis pendant trois ans pour escroquerie et infraction à la LCR.
2.
Alors qu'il travaillait comme conseiller en assurances, J._ a été sollicité par feu C.V._ pour rédiger ses déclarations d'impôts. Dans ce contexte, l'appelant a perçu que son mandant détenait des avoirs et il lui a offert un placement auprès de [...] au Luxembourg. C.V._ qui avait confiance en J._ a alors confié à ce dernier la somme de 60'000 fr. prélevée sur son compte aux fins de placement. Bien qu'à l'origine, il ait eu la réelle intention de placer les fonds confiés, J._ a aussitôt affecté cet argent à ses besoins personnels, en remboursement de ses dettes les plus pressantes.
J._ a également eu connaissance du contrat d'assurance vie conclu par C.V._ auprès de la Winterthur Assurances. Usurpant la signature de son mandant, J._ a, par courrier du 3 juin 2002, requis de la Winterthur Assurances le rachat du contrat d'assurance vie de C.V._ et la dévolution de la valeur, soit un montant de 21'539 fr. 90, sur son propre compte bancaire, à l'insu de ce dernier.
B.V._, neveux de C.V._ et A.V._, a également confié à l'appelant le mandat de remplir ses déclarations d'impôts. J._ a observé que son mandant disposait d'une fortune de quelque 100'000 francs. Alors qu'il avait dès le début l'intention d'affecter les fonds qui lui seraient confiés à son intérêt personnel, J._ a offert à B.V._ de faire fructifier cette fortune sur le marché des actions et obligations et d'assurer la gestion des fonds. Mis en confiance par les travaux effectués pour son compte par l'appelant
et par les recommandations de son oncle, B.V._ a confié le
30 septembre 2003 à J._ un montant de 80'000 francs. Ce montant a aussitôt été affecté par J._ à ses besoins personnels, alors qu'il adressait à sa victime des faux documents justifiant de l'emploi conforme des fonds confiés.
L'appelant et W._ se connaissent de longue date et se sont rencontrés fortuitement au printemps 2006. W._ a évoqué un petit capital de 30'000 fr., reçu de ses parents et J._ lui a alors proposé un placement censé produire 6% d'intérêts. Le 10 avril 2006, W._ a remis à J._ la somme de 25'000 francs. L'appelant a admis n'avoir jamais eu l'intention d'investir les fonds reçus et il les a utilisés pour ses besoins personnels dès qu'il a pu en disposer.
J._ a admis l'intégralité des faits incriminés. Il s'est rendu coupable d'abus de confiance, d'escroquerie et de faux dans les titres.
Aux débats de première instance, J._ a signé une reconnaissance de dette en faveur de A.V._, la veuve de C.V._, pour un montant de 82'000 fr. sans intérêts. Il a également souscrit deux reconnaissances de dettes, l'une de 80'000 fr. sans intérêts en faveur de B.V._ et l'autre de 25'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 11 avril 2005 en faveur de W._.
3.
Le 23 janvier 2006, J._ a usurpé l'identité de B._ et a souscrit en qualité de locataire un contrat de bail avec l'hoirie [...] portant sur un appartement de Rennaz. Depuis le 11 avril 2006, il n'a plus acquitté de loyer. En demeure pour des loyers impayés et afin de prolonger son séjour dans l'appartement, J._ a réalisé le 7 août 2006 un faux tendant à prouver le paiement des arriérés au nom de B._. Enfin, toujours sous l'identité de B._, l'appelant a contesté la validité de la résiliation du bail par l'hoirie bailleresse dans un courrier adressé le 22 septembre 2006 à la Préfecture du district d'Aigle. Il a comparu sous l'identité de B._ à une audience de conciliation en matière de baux à loyer, signant le procès-verbal de conciliation du nom de B._. La résiliation du bail a été acceptée avec prolongation au 30 novembre 2006, J._ s'engageant à verser pour la fin du mois d'octobre 2006 les six loyers en retard accumulés pour 9'360 fr. et à quitter le logement au plus tard le 30 novembre 2006. L'appelant a admis les faits par lesquels il s'est rendu coupable de faux dans les titres, faux dans les certificats et d'escroquerie.
Aux débats de première instance J._ s'est reconnu débiteur de l'hoirie [...] de 9'240 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le
25 octobre 2006.
4.
Par contrat non daté, F._ a cédé à bail à l'appelant un appartement "partiellement meublé" à Clarens dès le 1
er
septembre 2004. La bailleresse a résilié le contrat pour le 30 septembre 2005 et a invité J._ à quitter le logement. L'appelant a quitté le logement, emportant une bonne part des meubles inventoriés nonobstant l'interdiction faite par la bailleresse sur ce point. Les faits sont admis par l'appelant qui s'est rendu coupable d'abus de confiance.
5.
Le 24 juin 2009, J._ a conduit sa voiture sans être assuré en responsabilité civile depuis le 16 décembre 2008. Il n'a pas contesté les faits
et s'est rendu coupable d'infraction à l'art. 96 ch. 2 de la Loi fédérale du
19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR; RS 741.01). | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les forme et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP), l'appel de J._, suffisamment motivé au sens de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, est recevable. Il convient donc d'entrer en matière sur le fond.
L'appel joint du Ministère public, daté du 22 juillet 2011, a été déclaré irrecevable pour cause de tardiveté.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L'appelant ne conteste pas les faits incriminés, ni la quotité ou la nature de la peine infligée. Il requiert toutefois qu'elle soit assortie du sursis complet.
3.1
L'art. 42 CP prévoit que le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de
180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
3.2
En l'occurrence, la peine infligée, savoir 12 mois de peine privative de liberté, est partiellement complémentaire à deux peines de 2 et 12 mois, prononcées respectivement en septembre 2002 et en septembre 2006. Au total, on doit donc considérer que pour l'ensemble de ses actes délictueux, l'appelant a été sanctionné de 26 mois. La durée de cette peine est dès lors incompatible avec un sursis complet. Partant, l'appel, mal fondé sur ce point, ne peut qu'être rejeté.
4.
L'appelant relève qu'il travaille honnêtement et qu'il s'est engagé à rembourser ses dettes grâce aux revenus qu'il retire de ses activités. Il estime que ces éléments doivent être pris en considération au titre de circonstances particulièrement favorables, permettant de lui accorder un sursis partiel à l'exécution de sa peine.
4.1
Il ressort de l'art. 42 al. 2 CP que si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
Aux termes de l'art. 43 CP, le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute (al. 1); la partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2); en cas de sursis partiel à l’exécution d’une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins; les règles d’octroi de la libération conditionnelle ne lui sont pas applicables (al. 3).
De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles
l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1; cf. aussi arrêts 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1; 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3). Le critère des perspectives d’amendement s'applique également pour le sursis partiel, dès lors que la référence au pronostic ressort implicitement du but et du sens de cette dernière disposition. Ainsi, lorsque le pronostic quant au comportement futur de l'auteur n'est pas défavorable, la loi exige que l'exécution de la peine soit au moins partiellement suspendue. En revanche, un pronostic défavorable exclut également le sursis. En effet, s'il n'existe aucune perspective que l'auteur puisse être influencé de quelque manière par un sursis complet ou partiel, la peine doit être entièrement exécutée (ATF 134 IV 1 précité, c. 5.3.1).
4.2
Une peine complémentaire devrait pouvoir être assortie d'un sursis partiel, car il ne faut pas juger plus sévèrement celui qui fait l'objet de plusieurs jugement qui auraient pu être appréhendés en une fois. Dans le cas présent,
l'art. 42 al. 2 CP s'applique par analogie, la peine n'étant pas entièrement complémentaire. Cela étant, le pronostic est ici de toute façon entièrement défavorable; les infractions vont de 2000 à 2009, l'appelant ayant été condamné en 2002 à deux mois d'emprisonnement avec sursis, puis en 2006 à douze mois d'emprisonnement avec sursis. Juste après cette condamnation, l'appelant a commis les faits qui sont décrits dans le jugement de première instance aux pages 16 à 19 (escroquerie, faux dans les titres, infraction à la LCR). Force est dès lors de constater que malgré la clémence des juges lors de ces précédentes condamnations, l'appelant n'a pas été capable de renoncer à tromper son entourage et à abuser de leur confiance. Dans ces circonstances, les premiers juges ont retenu à juste titre qu'il n'y avait aucune circonstance particulièrement favorable permettant d'assortir la peine d'un sursis partiel et que seule une sanction ferme serait à même d'influencer l'appelant. Le moyen, infondé, ne peut qu'être rejeté.
5.
À l'audience d'appel, le Ministère public a réitéré sa demande de révocation du sursis accordé en novembre 2007. Il fonde sa requête sur
l'art 42 al. 2 CP, arguant du fait que depuis la condamnation qui fait l'objet du présent appel, J._ a récidivé une troisième fois en matière de conduite d'un véhicule sans assurance en responsabilité civile en juillet 2010, faisant selon toute vraisemblance usage de faux. Il relève en outre, qu'un mois après le jugement dont est appel, il a donné le prétexte à une nouvelle plainte pénale, pour injure et menaces.
5.1
Aux termes de l'art. 391 al. 2 CPP, lorsqu’elle rend sa décision, l'autorité de recours ne peut modifier une décision au détriment du prévenu ou du condamné si le recours a été interjeté uniquement en leur faveur. Elle peut toutefois infliger une sanction plus sévère à la lumière de faits nouveaux qui ne pouvaient pas être connus du tribunal de première instance.
5.2
Dans le cas d'espèce, l'appel joint déclaré irrecevable du Ministère public impose le respect de la règle
ne pejorare
(Richard Calame, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, op. cit., n. 3 ad art. 391 CPP). En application des principes de la double instance et de la maxime d'accusation, on ne peut tenir compte ici des faits nouveaux évoqués par le Parquet pour aggraver la sanction appliquée. Tout d'abord, l'infraction à la LCR est antérieure au jugement de première instance, de sorte qu'elle ne saurait être tenue pour ignorée des premiers juges au sens de l'art. 391 al. 2 CPP. Quant à l'accusation d'injure et de menaces postérieure, une enquête est en cours et J._ fera le cas échéant l'objet d'une nouvelle condamnation. Il ne peut donc s'agir de faits nouveaux entraînant une sanction plus sévère dans le cadre de la présente procédure. La cour de céans comprend en effet l'art. 391 al. 2 CPP comme la possibilité donnée au juge de tenir compte de faits nouveaux qui ne sont pas de nouvelles infractions entraînant l'ouverture d'autres poursuites pénales. Par conséquent, la conclusion du Ministère public est en soi irrecevable et doit être rejetée.
6.
En définitive, l'appel est rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Les frais d'appel, y compris l'indemnité allouée à Me Piguet par
1’209 fr. 60, TVA comprise, sont mis à la charge de l'appelant qui succombe
(art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5e629d7e-947b-4500-8fe1-cb75e29b891f | En fait :
A.
Par jugement du 6 décembre 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré W._ des accusations de lésions corporelles graves, vol, brigandage et tentative de viol (I), condamné W._ pour lésions corporelles simples, lésions corporelles simples qualifiées, agression, tentative d’instigation à faux témoignage et désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel à 2 ans de privation de liberté, sous déduction de 445 jours de détention avant jugement (II), révoqué le sursis accordé à W._ le 7 mai 2012 par le Ministère public de Lausanne et ordonné l'exécution de la peine (III), ordonné le maintien en détention à titre de sûreté de W._ pour garantir l’exécution de la peine (IV), rejeté les conclusions civiles de P._ (V), ordonné le maintien au dossier à titre de pièce à conviction des CD sous fiche 54653 (VI), arrêté à 6'069 fr. 60 l’indemnité due à Me Pedroli, conseil d’office de P._, à charge de l’Etat (VII) et mis les frais, par 24'697 fr. à charge de W._, montant incluant l’indemnité à son défenseur d’office Me Bula, par 7’863 fr. 55, le remboursement à l’Etat de dite indemnité n’étant exigible que si la situation financière du débiteur le permet (VIII).
B.
Par annonce du 10 décembre 2013 suivie d’une déclaration motivée du 4 février 2014, P._ a formé appel contre ce jugement, concluant à ce que W._ soit reconnu coupable des acte commis à son encontre, à ce qu’il soit condamné à une peine privative de liberté fixée à dire de justice, à ce qu’il soit astreint à lui verser une somme de 8'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 25 février 2012 à titre de tort moral, à ce qu’il soit astreint à lui verser les sommes de 400 fr., avec intérêts à 5 % l'an dès le 25 février 2012, et de 200 fr., avec intérêts à 5 % l'an dès le 25 février 2012, à ce qu’il lui soit donné acte de ses réserves civiles, à ce qu'une équitable indemnité lui soit allouée à titre de dépens et à ce que les frais de la procédure d'appel soient mis à la charge de l'Etat de Vaud.
Le 16 décembre 2013, le Ministère public a déposé une annonce d'appel, qu'il a retirée le 6 février 2014.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Le prévenu W._, né en 1970, est ressortissant roumain, membre de la communauté rom, et sans domicile fixe. Au début de l'année 2012, il venait régulièrement mendier à Lausanne, avec divers membres de son entourage. Il séjournait au lieu-dit « la Bourdache », situé près de Vidy, dans un des cabanons qui ont été détruits à la fin du mois de mars 2012. Il est illettré. Il parle le roumain et le rom, ou tzigane. Sa connaissance du français est très sommaire. Sur le plan personnel, le prévenu est marié coutumièrement à F._. Ils sont les parents de trois enfants, dont deux vivent encore avec eux.
Pour les besoins de la présente cause, le prévenu est détenu depuis le 18 septembre 2012, date à laquelle il a été appréhendé en Autriche.
1.2
Le casier judiciaire suisse du prévenu contient l’inscription suivante :
- 07.05.2012 : Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, lésions corporelles simples (avec du poison/une arme ou un objet dangereux), 40 jours-amende à 30 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, et amende de 300 francs.
Le casier judiciaire français du prévenu fait état d’une condamnation en 2009 par un tribunal de Strasbourg à 1 an et 3 mois d’emprisonnement, notamment pour « extorsion par violence, menaces ou contrainte ».
Le casier judiciaire roumain du prévenu fait état d’une amende infligée en 2004 pour « coups ».
2.
2.1
Le 25 février 2012, vers 11h45, à Lausanne, au lieu-dit « la Bourdache », P._, qui se baladait à proximité du camp de Roms qui y était installé, a été abordée par le prévenu, avec lequel elle a discuté pendant quelques minutes. Le prévenu lui a notamment offert une bière, qu'elle a refusée. Il lui a demandé si elle n'avait pas peur de se promener seule près d’un camp de gitans. P._ lui a répondu que non et lui a expliqué qu’elle avait toujours un couteau Laguiole sur elle; elle a alors sorti cet outil afin de le montrer au prévenu. Ce dernier s’en est emparé puis a menacé P._, l'obligeant à entrer dans un cabanon à proximité. P._ a tenté d'appeler son ami avec son téléphone portable, mais le prévenu lui a arraché l'appareil des mains. Une fois à l’intérieur, le prévenu a déplié un matelas et a ordonné à P._ de s’allonger dessus. P._ a refusé puis a tenté de se défendre en assénant un coup de pied dans les parties génitales de son assaillant, sans toutefois atteindre sa cible. Le prévenu lui a décoché un coup de poing au niveau du visage, la faisant chuter sur le matelas. Après avoir donné un nouveau coup de poing à P._, le prévenu a, à l’aide du couteau susmentionné, entaillé le pantalon de sa victime puis l’a piquée à plusieurs reprises au niveau des jambes. Le prévenu a ensuite enlevé son pantalon. Cependant, face à la résistance de P._, qui continuait à essayer de lui donner des coups de pied, le prévenu lui a finalement ordonné de s’en aller. Il a toutefois conservé le couteau et le téléphone portable de la victime.
P._ a souffert de plaies superficielles croûteuses aux cuisses, de dermabrasions au visage, d’une tuméfaction et d’ecchymoses aux lèvres et au menton, d’un trait de fracture sur l’incisive latérale supérieure gauche et d’ecchymoses au niveau du thorax et des membres supérieurs. Elle a déposé plainte pénale.
2.2
Le 15 avril 2012, entre 18h45 et 19h00, à Lausanne, au lieu-dit « la Bourdache », E._, Rom roumaine, s'est isolée derrière un cabanon pour faire ses besoins. Le prévenu, accompagné de son gendre, non identifié mais surnommé "R._", s'est approché d'elle et lui a dit : « Viens, j'ai envie de te baiser ». Malgré les supplications de sa victime, le prévenu a déchiré son T-shirt et a tenté de lui arracher son pantalon, en vain, E._ ayant pu le retenir avec les mains. Il lui a aussi tiré les cheveux. Comme E._ criait pour alerter ses proches, Z._, son ami intime, a accouru à son secours. Il s'est approché de "R._" et a demandé aux deux hommes ce qu'ils faisaient. Le prévenu lui a asséné un violent coup de barre de fer, le faisant tomber au sol. Il a tenté de lui donner un second coup, en visant la tête, mais n'a atteint que le bras de Z._, que celui-ci avait levé pour se protéger. L'épouse et la fille du prévenu sont intervenues pour que ce dernier arrête de frapper Z._. Celui-ci s'est relevé, mais "R._" lui a encore asséné un coup dans le dos avec une autre barre de fer, le faisant tomber à nouveau.
Z._ a souffert de deux plaies au cuir chevelu au niveau pariétal gauche, avec hématome sous-galéal, d'une fracture des apophyses transverses droites des deuxième et quatrième vertèbres lombaires, avec un hématome en regard, et d'une fracture partiellement déplacée de la diaphyse cubitale droite. E._ a souffert de dermabrasions ecchymotiques au sein et au bras droits. Ils ont tous deux déposé plainte pénale.
2.3
Le 6 février 2013, à Lausanne, alors qu'il était en détention provisoire à la prison du Bois-Mermet pour les faits qui précèdent, lors d'une conversation téléphonique avec son épouse coutumière, F._, le prévenu a demandé à celle-ci pourquoi elle avait déclaré qu'il était présent le 15, lui a dit que s'il disait la vérité, il en prendrait pour huit à neuf ans, et lui a ensuite donné les instructions suivantes :
« Ne dis plus rien. [...] Dis aux trois que j’étais à la maison le 15. [...] Le fou, qu’il ne dise rien et qu’il ne dise pas son vrai nom. S’ils demandent si j’ai un gendre, dites que je n’ai que le grand. J’ai dit le nom de l’autre. Les policiers vont chercher. [...] Dis-lui qu’il prenne exemple sur les deux autres et que l’autre dise que j’étais seul à la maison. Qu’il dise qu’il m’a vu seul à la maison avant le 15. »
Le 2 mars 2013, à Lausanne, le prévenu, toujours en détention provisoire, a donné, par téléphone, les instructions suivantes à un inconnu :
« L’avocat m’a dit ta femme, je ne sais pas ce qu’il lui a pris de dire qu’elle était là et qu’elle dormait dehors. Pour parer cela, il faudrait deux-trois personnes qui disent que je n’ai rien fait, que je n’ai pas fait de bêtises, que je n’ai pas frappé, que je n’ai rien fait et que cela aura un rôle important pour la suite. [...] [...] et l’ingénieur doivent donner la même version. Ils vous donneront l’adresse de mon avocat, à qui vous devez envoyer les déclarations [...]. Les policiers vont venir la chercher. Va la cacher. Essaie de faire quelque chose, je t’en prie. »
Son interlocuteur lui a répondu ce qui suit :
« Je vais faire en sorte qu’ils disent la même chose, que tu n’as rien fait, que tu sortes le plus rapidement possible. » | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et dans le délai légal par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de P._ est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012). L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP).
3.
L’appelante reproche aux premiers juges d’avoir libéré le prévenu pour les faits la concernant (c. 2.1). Ce serait à tort que ceux-ci ont considéré qu’on ne pouvait pas, de manière sûre, imputer au prévenu l’agression qu’elle a subie.
3.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011,
n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
3.2.1
Les premiers juges ont en substance considéré qu’il n’y avait lieu de mettre en doute ni l’existence de l’agression subie par l’appelante ni son déroulement tel que relaté par cette dernière, mais que la manière dont le prévenu avait été identifié n’était pas suffisamment fiable pour éliminer tout doute. De même, le fait que l’appelante n’ait pas été en mesure de désigner le cabanon dans lequel elle avait été agressée, alors qu’elle était familière des lieux, poserait problème. En outre, le prévenu ne parlerait pas suffisamment bien le français pour avoir conversé pendant plusieurs minutes avec la victime. Enfin, le lieu de l’agression était à l’époque non seulement occupé par des Roms, mais aussi par d’autres groupes de personnes plus ou moins marginales.
3.2.2
Pour la Cour de céans, pris ensemble, les indices qui ressortent du dossier ne laissent subsister aucun doute raisonnable.
S’agissant tout d’abord de l’identification du prévenu par l’appelante, il est vrai que celle-ci souffre de divers problèmes de santé, notamment de troubles de la mémoire (dossier B, P. 7, p. 2) et que lorsqu’elle a été entendue par la police, environ deux heures après l’agression, elle présentait un taux d’alcoolémie de 1,55 ‰ (P. 10, p. 5), ce que ni elle (jugement attaqué, pp. 4-5) ni son compagnon (dossier B, PV aud. 6, question 10) n’ont pu expliquer, parce qu’ils ont déclaré qu’elle n’avait pas bu le jour en question. Il n’en demeure pas moins que l’appelante a immédiatement donné des détails précis. En particulier, son agresseur, qui parlait un « très mauvais français », même s’ils « se comprenaient », répondait au signalement suivant : 40 à 50 ans, type de l’Est, trapu, cheveux noirs mi-longs, barbe assez longue de même couleur, portait un blouson de sport et un caleçon sous son pantalon. Au terme de l’audition de la plaignante, un policier s’est rendu au campement de « la Bourdache », qui était presque vide, et y a rencontré le prévenu, qui correspondait au signalement donné. Il a pris trois photographies de celui-ci. Les policiers ont présenté au moins une de ces photos à la victime, qui a certifié sans hésiter que la personne photographiée était son agresseur (dossier B, P. 10 et 21, p. 4). Les policiers sont ensuite retournés sur les lieux avec la plaignante et celle-ci a une nouvelle fois confirmé que le prévenu, vu de dos, était son agresseur (dossier B, P. 21, p. 4). Le 30 janvier 2013, lors d’une nouvelle audition de la plaignante, celle-ci n’a pas été en mesure de reconnaître formellement son agresseur sur la planche de photos qui lui a été présentée, mais elle a estimé qu’il ressemblait à la photo numéro 8 de cette planche, qui était celle du prévenu (dossier B, PV aud. 7, réponse 6). Lors de cette audition, la plaignante a confirmé que l’homme montré en photo le jour de l’agression et qu’elle avait ensuite vu de dos était bien son agresseur (même pièce, réponse 7). Le fait que lors d’une confrontation de la plaignante avec le prévenu, le 30 juin 2013, P._ ait déclaré que le prévenu ressemblait beaucoup à son agresseur mais qu’il lui était toutefois difficile d’être complètement affirmative ne remet pas en cause la fiabilité de l’identification intervenue le jour même de l’agression. Les hésitations de la plaignante à cette occasion peuvent en effet s’expliquer par l’écoulement du temps et par le fait que le prévenu avait modifié des caractéristiques physiques importantes de son apparence (barbe, coiffure). De façon générale, rien au dossier ne donne à penser que P._ pourrait délibérément mettre en cause un innocent, qu’elle ne connaît absolument pas par ailleurs. Au contraire, la prudence dont a fait preuve P._ lors des auditions tenues en 2013 donne à penser qu’elle ne souhaite nullement incriminer faussement le prévenu.
S’agissant des allégations du prévenu sur son emploi du temps, l’instruction n’a pas permis de recueillir des indices qui étayeraient l’alibi fourni par le prévenu, qui prétend qu’il mendiait seul à Lausanne à l’heure où l’agression a été commise. De même, alors que la plaignante a notamment fondé l’identification de l’agresseur sur la veste que portait le prévenu sur la ou les photos qui lui ont été présentées le jour de l’agression, qu’il portait également lorsque la plaignante l’a identifié « de dos », le prévenu a confirmé qu’il s’agissait de sa veste. S’il a soutenu qu’il aurait pu la prêter à un tiers, les explications qu’il fournit à ce titre (dossier B, PV aud. 8, réponses 24, 25 et 28), vagues et sans consistance, ne convainquent pas.
Il n’y a pas lieu d’accorder une importance démesurée à la question des capacités du prévenu en langue française. Il est vrai que le témoin [...], présidente d’une association d’aide aux Roms, a indiqué que le prévenu n’était que difficilement capable de tenir une conversation en français et qu’il ne pouvait qu’échanger des mots basiques, par exemple sur le temps qu’il fait (jugement attaqué, p. 7). Il serait toutefois en mesure d’offrir une bière (ibidem). On ne saurait déduire de ce témoignage que le prévenu aurait été incapable de discuter quelques minutes avec P._, alors que celle-ci a toujours indiqué que son agresseur parlait un « très mauvais français » et qu’il ressort clairement de l’instruction que le contenu de la conversation était peu élaboré. On peut ajouter que, si la plaignante avait estimé au départ que la conversation avait duré de 15 à
20 minutes, cette appréciation pourrait être exagérée dès lors que l’intéressée n’a pas été en mesure d’en indiquer le contenu, au-delà des deux phrases mentionnées précédemment. Il est courant que la perception du temps des victimes soit faussée.
Enfin, il est établi que le 15 avril 2012, moins de deux mois après les faits litigieux, le prévenu a à nouveau commis des actes de violence physique dans le contexte d’une agression à caractère sexuel, ce qui montre que le prévenu est capable de violence, en particulier sexuelle.
Au vu de ce qui précède, la Cour de céans est convaincue que c’est bien le prévenu qui a agressé P._ le 25 février 2012.
3.3
Quant à la qualification des faits qui précèdent, l’acte d’accusation retenait les lésions corporelles simples, les lésions corporelles simples qualifiées, le brigandage, subsidiairement le vol et la tentative de viol.
3.3.1
Se rend coupable de viol celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l’acte sexuel (art. 190 al. 1 CP). Il y a tentative si l'exécution d'un crime ou d'un délit n'est pas poursuivie jusqu'à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire (art. 22 CP).
En l’espèce, s’il a finalement renoncé à poursuivre l’acte punissable jusqu’à son terme, le prévenu avait auparavant clairement manifesté son intention et commencé à exécuter l’acte en faisant entrer sa victime dans un cabanon, en la forçant à s’allonger sur un matelas, en découpant le pantalon de celle-ci, puis en enlevant le sien, de sorte que la qualification de tentative de viol se justifie.
3.3.2
Se rend coupable de vol celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier (art. 139 ch. 1 CP). Commet un brigandage celui qui aura commis un vol en usant de violence à l'égard d'une personne, en la menaçant d'un danger imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle ou en la mettant hors d'état de résister (art. 140 ch. 1 CP).
En l’espèce, l’appropriation du couteau et du téléphone est constitutive de vol, non de brigandage, car le prévenu n’a pas commis de violences ni n’a menacé la plaignante pour arriver à ses fins; il s’est contenté de lui prendre ces objets des mains.
3.3.3
Se rend coupable de lésions corporelles simples qualifiées notamment celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé en se servant du poison, d'une arme ou d'un objet dangereux (art. 123 ch. 2 al. 2 CP).
En l’espèce, le prévenu a manifestement commis cette infraction en piquant la victime avec un couteau. Il n’y a pas lieu de retenir en sus les lésions corporelles simples pour les coups de poing donnés, car ceux-ci paraissent liés à la mise hors de résistance de la victime dans la cadre de la tentative de viol (cf. Dupuis et al., Code pénal, Petit commentaire, Bâle 2012, n. 25 ad art. 190 CP).
4.
Il convient ensuite d’examiner la peine qui doit être infligée à W._.
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (art. 49 al. 1 CP).
4.2
En l’espèce, l’infraction la plus grave est celle de viol, qui doit être punie d’une peine privative de liberté de un à dix ans (art. 190 CP), étant rappelé que celle-ci est toutefois restée au stade de la tentative (art. 22 CP).
Le prévenu, qui a des antécédents de violence, a commis deux agressions en deux mois. Il s’est conduit comme une brute grossière et sans scrupules à l’égard de deux femmes, dans des circonstances où elles constituaient des cibles particulièrement vulnérables. Le cas de l’agression d’E._ a en outre impliqué la commission d’actes très violents à l’encontre de Z._. Le prévenu a enfin manifesté sa malhonnêteté fondamentale en convainquant des proches de le tirer d’affaire par des faux témoignages. Toutes ces infractions entrent en concours. En niant malgré l’évidence les faits de l’affaire de l’agression d’E._, ainsi que l’instigation à faux témoignage, qui a été enregistrée, le prévenu démontre n’avoir nullement pris conscience de la gravité de ses actes. Il n’a du reste manifesté de remords pour aucun des actes qu’il a commis. On peine dès lors à discerner des circonstances à décharge autres que celle d’une éducation carencée.
Au vu de ce qui précède, il se justifie de prononcer une peine de quatre ans de privation de liberté.
5.
La plaignante conclut à ce que le prévenu soit condamné à lui verser une indemnité pour tort moral de 8'000 francs, avec intérêts à 5 % dès le jour de l’agression. Elle réclame également les sommes de 400 fr., pour son téléphone portable et divers autres frais, ainsi que de 200 fr., pour son couteau et son pantalon, également avec intérêts à 5 % dès le jour de l’agression. Elle conclut enfin à ce qu’il lui soit donné acte de ses réserves civiles.
5.1
Selon l'art. 47 CO (Loi fédérale complétant le code civil [livre cinquième : droit des obligations] du 31 mars 1911; RS 220), le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles ou, en cas de mort d'homme, à la famille une indemnité équitable à titre de réparation morale. Celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement (art. 49 al. 1 CO). L’indemnité pour tort moral a pour but de compenser le préjudice que représente une atteinte au bien-être moral. Le principe d’une indemnisation du tort moral et l’ampleur de la réparation dépendent d’une manière décisive de la nature et de la gravité de l’atteinte, de l’intensité et de la durée des effets sur la personne atteinte, de l’importance de la faute du responsable, d’une éventuelle faute concomitante du lésé ainsi que de la possibilité d’adoucir de façon sensible, par le versement d’une somme d’argent, la douleur physique ou morale qui en résulte (TF 6B_12/2011 du 20 décembre 2011 c. 9.1; ATF 132 II 117 c. 2.2.2; 123 III 306 c. 9b). Toute comparaison avec d’autres affaires doit intervenir avec prudence, puisque le tort moral touche aux sentiments d’une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment face au malheur qui le frappe. Cela étant, une comparaison n’est pas dépourvue d’intérêt et peut, suivant les circonstances, être un élément utile d’orientation (TF 6S_295/2003 du 10 octobre 2003 c. 2.1; ATF 125 III 269 c. 2a).
En l’espèce, la plaignante a droit à une indemnisation pour sa souffrance morale, qui est attestée médicalement (cf. P. 76). Compte tenu de la gravité de l’atteinte et des éléments à disposition sur l’intensité de la souffrance de P._, le montant demandé est adéquat et peut être alloué, avec l’intérêt requis.
5.2
D'après l'art. 41 CO, celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer (al.1). La preuve du dommage incombe au demandeur (art. 42 al. 1 CO).
Les montants que la plaignante réclame au titre de dommages-intérêts pour son téléphone mobile, des frais divers non spécifiés, son couteau et son pantalon ne sont pas justifiés par pièces et on ne dispose pas de suffisamment d’éléments pour estimer leur valeur d’une autre façon. Sur ce point et comme elle le demande pour le surplus, la plaignante sera par conséquent renvoyée à agir par la voie civile.
6.
Au vu de ce qui précède, l’appel doit être partiellement admis
et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants qui précèdent.
6.1
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, par 5'794 fr. 20, constitués de l'émolument de jugement, par 2’130 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ainsi que des indemnités allouées respectivement au défenseur d’office du prévenu, par 1’568 fr. 70, TVA et débours compris, et au conseil d’office de la partie plaignante, par 2’095 fr. 50, TVA et débours compris, doivent être mis à la charge du prévenu, qui a conclu au rejet de l’appel et qui succombe sur l’essentiel des points litigieux (art. 428 al. 1 CPP).
Le prévenu
ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités d’office allouées que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 et 138 al. 1 CPP).
6.2
L’appelante a conclu à l’allocation d’une indemnité pour partie plaignante au sens de l’art. 433 CPP. Cette disposition permet à la partie plaignante de réclamer au prévenu, à certaines conditions, une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure. En l’espèce, l’appelante bénéficie cependant de l’assistance judiciaire gratuite et n'a ainsi pas dû assumer ses frais d'avocat, si bien qu’il n’y a pas matière à indemnisation (TF 6B_234/2013 du 8 juillet 2013 c. 5.2).
La Cour d’appel pénale,
appliquant les articles 123 ch. 1 et 2 al. 1, 134, 139, 22 ad 190, 198, 22 ad 24 ad 307 al. 1, 40, 46 al. 1, 47, 49 al. 1, 51 CP et 398 ss CPP,
prononce :
I.
L’appel est partiellement admis.
II.
Le jugement rendu le 6 décembre 2013 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne est modifié comme il suit aux chiffres I, II et V de son dispositif, le dispositif du jugement étant désormais le suivant :
"
I. libère W._ des accusations de lésions corporelles graves et brigandage;
II. condamne W._ pour lésions corporelles simples, lésions corporelles simples qualifiées, agression, vol, tentative de viol, désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel et tentative d’instigation à faux témoignage à 4 (quatre) ans de privation de liberté, sous déduction de 445 (quatre cent quarante-cinq) jours de détention avant jugement;
III. inchangé;
IV. inchangé;
V. dit que W._ doit payer à P._, à titre de réparation morale, la somme de 8'000 fr. (huit mille francs) avec intérêt à 5 % l’an dès le 25 février 2012, et renvoie pour le surplus P._ à agir par la voie civile;
VI. inchangé;
VII. inchangé;
VIII. inchangé.
"
III.
La détention subie depuis le jugement de première instance est déduite.
IV.
Le maintien en détention de W._ à titre de sûreté est ordonné.
V.
Une indemnité de conseil d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 2’095 fr. 50 (deux mille nonante-cinq francs et cinquante centimes
),
TVA et débours inclus,
est allouée à Me Sébastien Pedroli.
VI.
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1’568 fr. 70 (mille cinq cent soixante-huit francs et septante centimes
),
TVA et débours inclus,
est allouée à Me Anne-Rebecca Bula.
VII.
Les frais d'appel, par 5'794 fr. 20 (cinq mille sept cent nonante-quatre francs et vingt centimes), y compris les indemnités allouées sous chiffres V et VI ci-dessus, sont mis à la charge de W._.
VIII.
W._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités allouées sous chiffres V et VI ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5e6384f8-a74f-401d-89d6-f4bb371b792a | En fait :
A.
Par jugement du 24 février 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que X._ s'est rendu coupable d'abus d'autorité (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de 7 (sept) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à CHF 85.—(II), a suspendu l'exécution de la peine et lui a fixé un délai d'épreuve de deux ans (III) et a mis les frais de la cause par CHF 1'440.—(mille quatre cent quarante francs) à sa charge (IV).
B.
Le 28 février 2011, X._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 18 avril 2011, l'appelant a conclu à ce qu'il soit libéré de l'infraction d'abus d'autorité, les frais de la cause étant laissés à la charge de l'Etat.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
X._ est né à Athènes (Grèce), en 1972. Le prévenu, célibataire, sans enfants, est venu en Suisse en 1976 où il a effectué toute sa scolarité et obtenu un diplôme de commerce au début des années 1990. Le 1
er
mars 2002, il est entré en fonction au sein de la Police municipale, section [...]. Il est devenu chef de patrouille trois mois plus tard, puis répondant Alpha depuis 2004, sous le grade de brigadier depuis 2008. Il réalisait un salaire mensuel net de 6'500 fr., dont à déduire 850 fr. par mois pour les indemnités de fonction et 350 à 400 fr. par mois pour les heures de nuit qu'il ne touche plus depuis sa suspension suite à la présente affaire, soit depuis le mois de juin 2010. Il ne perçoit plus de traitement depuis le mois d'août 2011 et est inscrit au chômage mais ne bénéficie pour l'instant pas d'indemnité. Son loyer mensuel s'élève à 1'100 fr. et sa prime d'assurance-maladie ascende 432 fr. par mois. Il n'a pas de dettes et son casier judiciaire suisse ne comporte aucune inscription.
2.
A Lausanne, le 8 février 2010, l'appelant effectuait une patrouille avec deux autres policiers. A 02 h 15, les trois policiers ont voulu contrôler un ressortissant africain qui s'est enfui à leur vue, malgré leur interpellation. Finalement arrêté et menotté, il a été identifié comme étant I._ et emmené à l'Hôtel de police. Au terme des contrôles d'usage et après lui avoir restitué ses affaires, l'appelant a demandé à ce dernier pour quelle raison il ne s'était pas arrêté malgré leur sommation ; l'intéressé a répondu en anglais et avec le sourire qu'il aimait la course à pied. L'appelant lui a alors demandé, toujours en anglais, s'il souhaitait être emmené dans un endroit où il pouvait pratiquer la course à pied et I._ a répondu par l'affirmative en souriant.
Les agents de police l'ont alors conduit à la Place des fêtes de Sauvabelin. Chemin faisant, X._ a expliqué à ses collègues qu'I._ était sportif, qu'il aimait courir et désirait par conséquent être conduit dans un endroit où il pouvait s'adonner à la course à pied.
Une fois sur place, I._ est descendu de la voiture et l'appelant lui a indiqué la direction de la piste finlandaise de Sauvabelin ainsi que celle du centre ville. I._ a pris la direction du centre ville. Les deux collègues de l'appelant sont restés à bord du véhicule de service durant toute la durée de l'échange.
Environ trente minutes plus tard, à la suite d'un appel téléphonique d'I._, égaré, l'un des opérateurs de la centrale de la police a demandé quels étaient les collègues qui avaient laissé un individu dans les bois de Sauvabelin. L'appelant s'est annoncé spontanément. La patrouille a alors entrepris de regagner la Place des fêtes de Sauvabelin. Dans l'intervalle, I._ a informé l'opérateur de la centrale qu'il avait retrouvé son chemin.
I._ qui n'a pas été entendu pendant l'enquête et dont le domicile est inconnu, n'a pas déposé plainte pénale pour ces faits. L'instruction a été ouverte d'office ensuite de la dénonciation adressée le 11 février 2010 au Juge d'instruction cantonal par le Commandant de la police municipale de Lausanne. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L'appelant reproche au tribunal de n'avoir examiné ni l'abus de pouvoir, ni le dessein de nuire et affirme que c'est à tort qu'il a fait application de l'art. 312 CP.
3.1.
Aux termes de l'art. 312 CP, les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, auront abusé des pouvoirs de leur charge, seront punis d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Cette disposition punit l'abus d'autorité, soit l'emploi de pouvoirs officiels dans un but contraire à celui recherché. Elle protège, d'une part, l'intérêt de l'Etat à disposer de fonctionnaires loyaux qui utilisent les pouvoirs qui leur ont été conférés en ayant conscience de leur devoir et, d'autre part, l'intérêt des citoyens à ne pas être exposés à un déploiement de puissance étatique incontrôlé et arbitraire (TF 6S.171/2005 du 30 mai 2005 c. 2.1 et la réf. cit.).
Sur le plan objectif, cette infraction suppose que l'auteur soit un membre d'une autorité ou un fonctionnaire au sens de l'art. 110 al. 3 CP, qu'il ait agi dans l'accomplissement de sa tâche officielle et qu'il ait abusé des pouvoirs inhérents à cette tâche (Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. II, Berne 2010, n. 1 ss ad art. 312 CP).
Cette dernière condition est réalisée lorsque l'auteur exerce de manière illicite le pouvoir qu'il détient en vertu de sa charge, en décidant ou contraignant alors qu'il n'est pas autorisé à le faire, mais aussi lorsque, bien qu'en agissant licitement, il utilise des moyens excessifs (TF 6B_688/2010 du 21 octobre 2010 c. 2.1 et les réf. cit.).
Dans un arrêt du 23 août 2001 (ATF 127 IV 209, JT 2003 IV 117), le Tribunal fédéral a admis qu'on ne peut généralement limiter le champ d'application de l'art. 312 CP aux cas où l'utilisation des pouvoirs officiels a pour but d'atteindre un objectif officiel. Selon la Haute Cour, il est indubitable que cette disposition est aussi destinée à protéger les citoyens d'atteintes totalement injustifiées ou en tout cas pas motivées par l'exécution d'une tâche officielle, atteintes commises par des fonctionnaires durant l'accomplissement de leur travail. Ainsi, au moins en matière de violence et de contrainte exercées par un fonctionnaire, l'application de l'art. 312 CP dépend uniquement de savoir si l'auteur a utilisé ses pouvoirs spécifiques, s'il a commis l'acte qui lui est reproché sous le couvert de son activité officielle et s'il a ainsi violé les devoirs qui lui incombent. L'utilisation de la force ou de la contrainte doit apparaître comme l'exercice de la puissance qui échoit au fonctionnaire en vertu de sa position officielle.
Du point de vue subjectif, l'infraction suppose un comportement intentionnel, au moins sous la forme du dol éventuel. L'auteur doit avoir conscience de son statut et accepter l'éventualité d'abuser des pouvoirs de sa charge. A cette condition s'ajoute un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite ou le dessein de nuire à autrui (Corboz, op. cit., n. 9 s. ad art. 312 CP ; TF 6B_688/2010, précité).
3.2.
3.2.1.
En l'espèce, il est constant qu'au moment des faits incriminés, le prévenu accomplissait sa tâche de policier et était détenteur de la puissance publique. X._ ne le conteste d'ailleurs pas, relevant au contraire qu'
"il
aurait dû prendre du recul et qu'il lui appartenait d'interrompre la montée en symétrie avec la personne interpellée"
mais qu'il ne l'a pas fait, et admettant par ailleurs que cette absence de réaction constitue une violation de ses devoirs professionnels.
L'acte de l'appelant ne trouve aucune justification dans l'exercice de la puissance publique. En effet, bien qu'I._ ait eu un comportement suspect en s'enfuyant à la vue des policiers lors de son interpellation, celui-ci aurait dû être libéré au terme des vérifications d'usage à l'Hôtel de police. On ne saurait déduire des réponses affirmatives d'I._, lorsque l'appelant lui a demandé s'il aimait courir et s'il souhaitait être emmené dans un endroit où il pourrait pratiquer la course à pied, qu'il a consenti à être déposé en hiver et en pleine nuit dans la forêt pour y faire un jogging. En effet, l'intéressé ignorait où il allait être amené et il s'est d'ailleurs perdu. En outre, ce n'était pas l'heure pour pratiquer la course à pied. Ainsi, détenteur de la puissance publique, il appartenait au prévenu de placer les limites adéquates, soit de ne pas prendre au premier degré une provocation anodine et surtout de ne pas y donner suite. En déposant I._, en hiver et en pleine nuit à Sauvabelin, le prévenu a porté atteinte à la liberté individuelle et de mouvement d'I._ en lui imposant un déplacement ne trouvant aucune justification dans l'exercice de la puissance publique, ce qui est contraire aux devoirs d'un policier et totalement inadéquat. On ne peut donc pas parler de mauvaise plaisanterie, comme le soutient l'appelant, mais plutôt de la manifestation du pouvoir qu'il lui était conféré ou encore de contrainte. X._ a à l'évidence eu l'intention de donner une leçon à l'intéressé, donc de lui nuire, ne serait-ce que par dol éventuel. Ce comportement remplit donc les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l'art. 312 CP et l'appréciation du tribunal doit être confirmée.
3.2.2.
L'appelant soutient qu'il y a eu constatation erronée des faits dans la mesure où le tribunal a retenu qu'il avait infligé une brimade, soit
"une vexation plus ou moins brutale ou une plaisanterie imposée"
à I._ (jgt, p. 20). Il se fonde sur le témoignage du Sgtm P._, lequel a déclaré en parlant de X._ :
"je pense qu'effectivement il ne pensait pas à mal, le connaissant comme je le connais"
(jgt, p. 10), pour affirmer qu'il n'avait pas le dessein de nuire.
S'il s'avère que ce témoignage n'a pas été discuté dans le jugement, on peut toutefois lui opposer celui du Plt V._, chef de la section [...] qui s'est dit
"particulièrement déçu et scandalisé"
et qui qualifie la faute du prévenu comme étant
"particulièrement significative"
ou encore comme étant
"une faute grave qui nuit particulièrement à l'institution et n'est pas représentative de notre activité au jour le jour"
(jgt, p. 8) ou encore celui de l'Adj R._, préposé à la déontolgie, qui entrevoyait des éléments susceptibles de constituer une infraction pénale (jgt, p. 4).
Ainsi, comme on l'a vu (cf. supra c. 3.2.1.), il faut retenir que l'appelant a bien agi dans un dessein de nuire, ne serait-ce que par dol éventuel.
3.2.3.
L'appelant fait valoir ensuite qu'il aimait son travail, qu'il l'accomplissait de manière motivée et que, s'il s'est toujours investi après tant d'années d'exercice d'une fonction difficile, c'est précisément que la lutte contre le trafic de stupéfiants ne le décourageait pas. Il soutient que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il a agi par frustration, sentiment duquel pouvait naître un risque de dérapage accru (jgt, p. 20).
Dans la mesure où ce moyen n'a aucune influence sur la déclaration de culpabilité ou sur la peine, il n'y a pas lieu de s'y attarder. Au demeurant, la proximité particulière et voulue entre policiers et délinquants en Ville de Lausanne et le fait que les trafiquants connaissent les policiers qui les interpellent, faits dont se prévaut l'appelant pour expliquer la plaisanterie, rendent l'attitude de ce dernier encore plus inacceptable, qui sous couvert de familiarité s'est livré à une manifestation du pouvoir liée à la fonction qu'il occupe. Cette proximité fait partie intégrante de son travail et implique que les limites, qu'il lui appartient de poser, soient claires. Cela n'a manifestement pas été le cas en l'espèce.
4.
En définitive, il est clairement établi que l'appelant a profité de sa position de détenteur de la puissance publique pour imposer à un individu une activité prétendument sportive dans un lieu et à une heure totalement inappropriés pour ce genre d'activité, en hiver, et sous le couvert de sa fonction officielle. La Cour soulignera toutefois que, s'il est incontestable que les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l'art. 312 CP sont réunis, il n'en demeure pas moins que la faute n'est pas grave. En outre, l'appelant apparaît, hormis cet épisode unique, comme un policier exemplaire qui a du reste déjà été sanctionné sur le plan administratif. La peine de principe infligée par le tribunal est donc adéquate.
Vu l'issue de la cause, les frais de procédure doivent être mis à la charge de l’appelant (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5e891d17-512b-41bf-9799-a6de23655bda | En fait :
A.
Par jugement du 23 janvier 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte a, notamment, libéré S._ des chefs d’accusation de vol en bande et par métier, de dommages à la propriété et de violation de domicile (I), a constaté qu’il s’était rendu coupable de vol (II), l’a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, le jour-amende étant fixé à 60 jours, sous déduction de 36 jours de détention avant jugement, avec sursis pendant trois ans (III), a constaté qu’il a subi 23 jours de détention dans des conditions provisoires illicites et dit que l’Etat de Vaud lui doit immédiat paiement d’un montant de 1'150 fr. à titre de réparation morale (IV), a arrêté l'indemnité due à Me Franck-Olivier Karlen, défenseur d'office de S._, à 17'001 fr. 35, débours et TVA compris, étant précisé que, sur ce montant, a déjà été versée une avance de 7'894 fr. 40 à ce défenseur (XIV), a mis les frais de la procédure à charge de L._ à concurrence de 40'138 fr. 85, montant qui comprend l’indemnité de son défenseur d’office Me Miriam Mazou, et à la charge de S._ à concurrence de 23'588 fr. 05, montant qui comprend l’indemnité de son défenseur d’office Me Franck-Olivier Karlen, et laissé le solde à la charge de l’Etat (XV) et a dit que chacun des condamnés ne sera tenu au remboursement de l’indemnité due à son défenseur d’office que pour autant que sa situation financière se soit améliorée (XVI).
B.
Le Ministère public a annoncé faire appel de ce jugement le 27 janvier 2015. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 19 février 2015. Il a conclu, avec suite de frais d’appel, à la modification du jugement en ce sens que les cas n° 10 et 13 à 15 de l’acte d’accusation sont retenus à l’encontre de S._, qu’il est constaté que ce dernier s’est rendu coupable de vol en bande et par métier, de dommages à la propriété et de violation de domicile et condamné à une peine privative de liberté de 18 mois, sous déduction de la détention subie avant jugement.
S._ a annoncé faire appel de ce jugement le 29 janvier 2015. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 23 février 2015. Il a conclu, avec suite de frais et dépens des deux instances, à la modification du jugement en ce sens que les chiffres II et III de son dispositif sont annulés, qu’il est libéré du chef d’accusation de vol et que, vu l’acquittement prononcé, une indemnité pour tort moral de 7'200 fr. lui sont alloués, en plus d’un dédommagement économique de 3'000 fr. en réparation du manque à gagner lié à la procédure.
A l’audience d’appel, les parties, confirmant leurs conclusions respectives, ont chacune conclu au rejet de l’appel de l’autre.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. Le prévenu S._, né en 1988, ressortissant d’Arménie, exploite un garage à Villeurbanne (France) depuis le mois de février 2010. ll achète et revend des véhicules d’occasion. Il occupe du personnel. Selon ses dires, il perçoit un revenu mensuel compris entre 3’300 et 4’300 euros après impôts et autres charges. Sa dette envers sa société s’élève actuellement à 9'700 euros; il n’a pas de fortune. Sans enfant, il vit chez ses parents, dont il paie le loyer tout en leur donnant en outre 700 euros par mois. Il aide aussi sa sœur, étudiante en droit, par des versements mensuels de 450 euros. Il a prévu de se marier le 20 juillet 2015.
2.1 Entre avril 2012 et juillet 2013, une trentaine de cambriolages, principalement de stations-service situées à proximité de la frontière avec la France, ont été commis selon le même mode opératoire, dans les cantons de Vaud, de Genève, de Neuchâtel, du Valais, du Jura, ainsi, dans une moindre mesure, qu’en France voisine. Selon les images extraites des caméras de surveillance de plusieurs de ces commerces, les auteurs se rendaient sur les lieux de leur futur forfait à bord de plusieurs véhicules volés immatriculés en France. Ces voitures étaient par la suite abandonnées et incendiées en France. Parfois, les auteurs faisaient usage de leurs propres véhicules, après en avoir dissimulé les plaques d’immatriculation au moyen d’un drap. Ils se masquaient à chaque fois le visage avec des maillots ou des écharpes. Ils brisaient ou forçaient la vitre du commerce à l’aide d’objets trouvés sur place et de masses. Une fois à l’intérieur, agissant en quelque minutes, ils dérobaient essentiellement des cartouches de cigarettes, qu’ils emportaient soit en utilisant des couvertures, soit en prenant directement le tiroir qui les contenait. Ils n’en négligeaient pas pour autant d’autres objets, comme on le verra plus en détail ci-dessous. Le butin était partagé entre les comparses.
Le 10 avril 2013, L._, né en 1991, ressortissant albanais, déféré conjointement, a été interpellé par le Corps des gardes-frontière au volant d’un véhicule immatriculé au nom du garage exploité par S._. Le 16 juillet 2013, les autorités françaises ont interpellé notamment un nommé [...], né en 1982, ressortissant du Kosovo, déjà convaincu d’avoir perpétré un cambriolage sur territoire français en compagnie de L._. Extradé vers la Suisse, ce dernier est déféré séparément. S._ a été interpellé en France le 3 septembre 2013 et extradé.
2.2 L’acte d’accusation établi le 11 septembre 2014 par le Ministère public de l’arrondissement de La Côte renvoyant en jugement L._ et S._ comme prévenus de vol en bande et par métier, ainsi que de dommages à la propriété et de violation de domicile, a la teneur suivante, pour ce qui est des cinq cambriolages imputés notamment à l’appelant (cas n° 10, 12, 13, 14 et 15) :
« 10. A Chavannes-de-Bogis/VD, Route de Divonne 2, le 1
er
septembre 2012, vers 02h05, les prévenus L._ et S._, accompagnés de deux autres individus non identifiés, ont pénétré dans la station-service SHELL en brisant la vitre donnant accès aux caisses du magasin à l'aide d'un outil indéterminé et y ont dérobé 360 cartouches de cigarettes pour un montant total de CHF 22'803.25, avant de prendre la fuite à bord d'un véhicule NISSAN Kubistar blanc immatriculé en France F-6DAA38, qui avait été volé le 28 août 2012 à Porcieu/France.
Le véhicule volé a été retrouvé incendié le 25 septembre 2012 en France.
[...], par son représentant qualifié [...], a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 1
er
septembre 2012. Elle n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles.
12. A Chavannes-de-Bogis/VD, Route de Divonne 4, le 24 septembre 2012, vers 01h51, les prévenus L._ et S._, accompagnés d’un autre individu non identifié, ont pénétré dans la station-service TAMOIL en forçant le cadre de la vitrine et en défonçant la vitre à l'aide d'un outil indéterminé et y ont dérobé un nombre indéterminé de cartouches de cigarettes, avant de prendre la fuite à bord du véhicule NISSAN Kubistar blanc.
[...], par son représentant qualifié [...], a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 24 septembre 2012. Elle n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles.
13. A Le Châtelard/VS, Route cantonale 2, le 9 novembre 2012, vers 01h15, les prévenus L._ et S._, accompagnés de deux ou trois autres individus non identifiés, ont pénétré dans la station-service VEROLET en brisant une porte vitrée et en en forçant une autre et y ont dérobé deux coffres-forts, CHF 4'200.- et EUR 2'000.-, avant de prendre la fuite à bord d'un véhicule SEAT Cordoba.
Les coffres-forts ont été retrouvés le 22 avril 2013 à Apremont/France, près d'Oyonnaz.
[...], par son représentant qualifié [...], a déposé plainte le 9 juillet 2013.
14. A Les Brenets/NE, Les Pargots 17, le 26 novembre 2012, vers 01h30, les prévenus L._ et S._, accompagnés de quatre individus non identifiés, ont pénétré dans le dépôt de la station-service TAMOIL en forçant la porte à l'aide d'un pied-de-biche et y ont dérobé de nombreuses cartouches de cigarettes pour un montant total de CHF 10'371.51, avant de prendre la fuite à bord d'un véhicule VOLKSWAGEN Golf dérobé en France.
[...], par sa représentante qualifiée [...], a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 26 novembre 2012. Cette société n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles.
15. A Les Brenets/NE, Les Pargots 17, le 29 novembre 2012, vers 00h30, le prévenu S._, accompagné de quatre individus non identifiés, a pénétré dans la station-service TAMOIL en forçant la porte d’entrée et y a dérobé le coffre-fort contenant CHF 10'845, EUR 6'000.-, 92 billets de loterie, dix cartes téléphoniques SWISSCOM et des bons cadeaux, pour un montant total de CHF 11'355.15 et EUR 5'987.39.
Le coffre-fort a été retrouvé le 31 décembre 2012 à St-Maurice Crillat/France.
[...], par sa représentante qualifiée [...], a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 29 novembre 2012. Cette société n’a toutefois pas chiffré ses prétentions civiles. ».
2.4 L’accusation a été aggravée aux débats s’agissant du cas n° 12, « en ce sens qu’un pack de Red Bull a également été dérobé » (jugement, p. 9; P. 52/2), en plus des cartouches de cigarettes. Ce lot de boissons a été retrouvé, dans son emballage d’origine, non loin d’une station-service, sur le bord de la route. Une trace biologique prélevée autour de la déchirure de cet emballage correspond au profil ADN de S._. Il résulte de la surveillance rétroactive du raccordement mobile de S._ qu’entre 05h09 et 05h27 le 24 septembre 2012, ce
téléphone avait déclenché à 13 reprises un relais sis à Montanges (France), route de Fay, soit à moins de 2 km du lieu où la carcasse du véhicule avait été retrouvée.
2.5 Le prévenu a soutenu qu’il avait peut-être pris du gazole dans cette station ou qu’un véhicule lui appartenant aurait été utilisé sur les lieux et que les utilisateurs de cette voiture auraient abandonné au passage un emballage de Red Bull qui se serait trouvé dans ledit véhicule (jugement, p. 17 in fine). Il a ajouté qu’il prêtait son téléphone portable « à plein de monde » afin que chacun puisse profiter de son forfait illimité (PV. 14, R. 9).
3. Appréciant les preuves, le tribunal correctionnel a, tenant les indices pour convergents, considéré S._ comme coupable des faits décrits dans le cas n° 12 de l’acte d’accusation. Ceux-ci ont été qualifiés de vol, les chefs de prévention de violation de domicile et de dommages à la propriété en rapport avec ce cas devant être abandonnés vu le retrait de plainte. Les premiers juges ont en revanche considéré qu’il existait un doute suffisant quant à la participation de ce prévenu aux faits faisant l’objet des cas n° 10, 13, 14 et 15 de l’acte d’accusation. | En droit :
I.
1.
Interjetés dans les formes et délai légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels sont recevables.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
II. Appel de S._
1.
1.1
Se prévalant de la présomption d’innocence et d’une constatation erronée des faits, l’appelant conteste sa participation aux faits énoncés au cas 12 de l’acte d’accusation.
1.2.1
L’art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation (al. 3).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s’agit de l’acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory,
in
: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP; Kistler Vianin, op. cit., nn. 19 ss ad art. 398 CPP, et les références jurisprudentielles citées).
Lorsque l'autorité a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a; cf. aussi, quant à la notion d’arbitraire, ATF 136 III 552 c. 4.2).
1.2.2
La constatation des faits est erronée au sens de l’art. 398 al. 3 CPP, précité, lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin,
in
: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
2.
2.1
Pour retenir que le prévenu S._ avait participé au cambriolage de la station-service Tamoil de Chavannes-de-Bogis perpétré dans la nuit du 23 au 24 septembre 2012, les premiers juges se sont fondés sur un faisceau d’indices, à savoir sur l’ADN du prévenu prélevé sur l’emballage de boissons retrouvé à proximité de la station-service et sur la surveillance rétroactive de son raccordement de téléphone portable. La géolocalisation établit en effet qu’entre 05h09 et 05h27, le 24 septembre 2012, le téléphone de l’appelant avait déclenché à 13 reprises une antenne-relais sis à Montanges (France), route de Fay, soit à moins de 2 km du lieu où la carcasse du véhicule utilisé pour le cambriolage avait été retrouvée calcinée, sur le territoire de la commune de Confort (P. 144, pp. 17 s.).
Le prévenu fait plaider que le lot de boissons retrouvé à proximité de la station-service aurait été placé à son insu dans un véhicule qui aurait été déposé dans son commerce et dont il aurait inopinément manipulé le contenu, l’ADN étant « transportable » (sic); il ajoute qu’il ne serait du reste pas établi qu’il s’agirait de l’emballage volé et critique le prélèvement de son ADN. Il ressort de l’inventaire de biens établis par le lésé (P. 52/2) qu’un unique emballage multiple de Red Bull a été dérobé lors des faits. Il n’apparaît pas insolite que les auteurs du cambriolage se soient débarrassés d’un élément de butin de plus de poids et de sensiblement moins de valeur (15 fr.) que les cartouches de cigarettes volées simultanément (21'106 fr.). Il est donc d’une vraisemblance confinant à la certitude qu’il s’agissait de l’emballage retrouvé à proximité de la station-service. Pour le reste, on ne voit pas quel grief pourrait être soulevé à l’encontre du prélèvement d’ADN; le prévenu n’a d’ailleurs formulé aucune requête complémentaire à ce sujet pendant l’enquête préliminaire ou lors des débats de première instance. Partant, l’ADN retrouvé sur l’emballage, exploitable (art. 141 al. 2, a contrario, CPP), établit un premier lien avec l’appelant en relation avec ce cambriolage.
De surcroît, il ressort de l’heure de la géolocalisation du téléphone portable de l’appelant que les auteurs étaient sur le trajet du retour au volant du véhicule qu’ils s’apprêtaient à abandonner après l’avoir incendié. Le temps écoulé entre le forfait (vers 1h51) et les géolocalisations (05h09 à 05h27) est compatible avec la durée du trajet entre Chavannes-de-Bogis et Montanges. Le prévenu ne fournit aucune explication plausible quant à la présence de son téléphone à proximité directe du lieu de l’incendie du véhicule sur le trajet vers Lyon, avant 5 heures et demie du matin, soit un peu plus de trois heures après le cambriolage de la station-service, l’appareil ayant été éteint lors du cambriolage. Les bornages sont donc probants, vu la cohérence géographique et temporelle avec le cambriolage perpétré dans la nuit du 23 au 24 septembre 2012 et les mouvements du véhicule au petit matin suivant. Or le véhicule en question avait été dérobé le 28 août 2012 à Porcieu (France) et déjà utilisé en particulier pour le cambriolage faisant l’objet du cas n° 10 de l’acte d’accusation. Or ce dernier cas concernait également un tel forfait perpétré à Chavannes-de-Bogis, dans la nuit du 31 août au 1
er
septembre 2012, imputé dans l’acte d’accusation à L._ et S._. Cette voiture avait aussi été utilisée par la suite dans le cas n° 11, imputé notamment à L._. L’appelant ne fournit aucun élément concret en faveur de sa thèse selon laquelle l’automobile aurait été préalablement déposée dans son commerce. On sait par ailleurs qu’il est arrivé que les auteurs des cambriolages perpétrés dans les cantons frontaliers depuis 2012 au préjudice notamment de stations-service abandonnent les voitures volées utilisées pour leurs forfaits après les avoir incendiées. Il existe donc une corrélation étroite entre le véhicule, ses utilisateurs, le lieu du cambriolage, le déplacement subséquent des auteurs, la chronologie des faits et le mode opératoire utilisé pour cette série d’infractions.
Quant à l’argument de l’appelant selon lequel il aurait prêté son téléphone portable à des inconnus occupant un foyer de requérants d’asile, il est d’abord infirmé par le fait qu’il s’agissait d’un raccordement principalement professionnel, surtout utilisé par l’appelant pour ses relations avec les clients et fournisseurs de son commerce de véhicules d’occasion. Or il est notoire qu’une activité de ce type nécessite de tels contacts suivis, le commerçant ayant intérêt à être atteignable en tout temps. L’argument est ensuite contredit par un élément précis. En effet, pour ce qui est de la nuit du cambriolage, le rapport de police établit qu’à 22h41, l’appelant a écrit un SMS à sa sœur alors qu’il était localisé à Oyonnax (cf. P. 144, p. 18). Ce fait démontre qu’il détenait alors son téléphone. L’usage de l’appareil par un tiers est donc invraisemblable la nuit en question.
2.2
Le jugement ne procède donc ni d’une violation de la présomption d’innocence, ni d’une constatation erronée des faits. Le faisceau d’indices retenus commande dès lors de retenir la culpabilité de l’appelant pour les faits du cas n° 12 de l’acte d’accusation, ce qui implique le rejet de la première conclusion de l’appel. Par identité de motifs, les conclusions tendant à l’octroi d’indemnités fondées sur l’art. 429 CPP doivent aussi être rejetées.
II. Appel du Ministère public
1.
1.1
Se prévalant d’une constatation erronée des faits, le Parquet conteste la libération du prévenu en relation avec les cas énoncés sous chiffres 10, 13, 14 et 15 de l’acte d’accusation. Il fait valoir que les indices et les preuves recueillis par les enquêteurs permettent de retenir à l’encontre du prévenu ces cas de vol.
1.2
Le co-prévenu L._ a été arrêté dans un véhicule immatriculé au nom du garage de S._. Pour sa part, [...] est impliqué dans divers cambriolages perpétrés notamment en compagnie de L._ (cas n° 2, 4, 5, 16, 17, 19, 20, 21, 22, 23 et 24 de l’acte d’accusation). S._ a cependant nié avoir des contacts avec [...]. Quant au téléphone portable de l’intimé, il a déjà été dit que son usage par des tiers était invraisemblable.
2.
2.1
Pour ce qui est du cas n° 10 de l’acte d’accusation, le téléphone portable du prévenu a été localisé à 0h33 à Clarafond-Arcine, localité située près de la frontière. Le cambriolage a été perpétré vers 2 h 05 à Chavannes-de-Bogis, l’appareil étant débranché à ce moment. Par la suite, le téléphone portable a derechef été localisé, à 02h21, à Thoiry, localité située également près de la frontière et sise sur le trajet de retour vers Lyon. Le contact de ce raccordement avec celui de la sœur du prévenu à 02h47, établi par le rapport de police (P. 144, pp. 16 s.), ne peut émaner d’un inconnu, comme déjà relevé en rapport avec le cas n° 12; quant à la géolocalisation, elle est fiable. En effet, contrairement à ce qu’a plaidé la défense, on peut raisonnablement exclure que la borne activée n’avait servi que de relais à une autre antenne, par hypothèse surchargée, dès lors que le réseau téléphonique n’était à l’évidence pas saturé au milieu de la nuit. En outre, la voiture utilisée pour ce cambriolage était la même que celle employée dans la nuit du 23 au 24 septembre 2012. Ajoutés aux relations étroites entre l’intimé et L._, ces éléments constituent un faisceau d’indices convergents. Ils ne peuvent que conduire à retenir ce cas à la charge de S._.
2.2
Pour ce qui est du cas n° 13 de l’acte d’accusation, le téléphone portable du prévenu a été localisé entre 05h19 et 06h30 à Chamonix, ce premier contact impliquant à nouveau le raccordement de la sœur de l’intimé. Par la suite, ce téléphone a derechef été localisé, à 07h44 et 07h56, par des antennes-relais situées respectivement à Lalleyriat et Martignat. Or ces villages sont sis à proximité d’Apremont, localité où les coffres-forts dérobés lors du cambriolage ont été abandonnés ouverts (P. 144, p. 19). La chronologie de ces localisations est compatible avec un retour des cambrioleurs en France depuis Le Châtelard à partir de 01h15. Compte tenu en outre du fait que le contact avec la sœur de l’intimé ne peut, à l’instar des autres, émaner que de l’appelant et des relations étroites entre l’intimé et L._, la culpabilité de l’appelant est ainsi établie par un faisceau d’indices convergents.
2.3
Pour ce qui est du cas n° 14 de l’acte d’accusation, qui concerne un cambriolage commis au préjudice de la station-service TAMOIL des Brenets dans la nuit du 25 au 26 novembre 2012, le téléphone portable du prévenu a été localisé entre 23h58 et 0h20 sur territoire français, à savoir d’abord à Pontarlier, puis à 0h02 à Maison-du-Bois-Lièvremont et enfin à Ville-du-Pont. Par la suite, le téléphone portable du prévenu a été éteint, avant d’être derechef localisé à Oyonnax à 03h35, moment auquel il a été reconnecté au réseau français. Le véhicule utilisé lors de ce cambriolage avait été volé aux environs de Morteau; or cette localité est située entre Ville-du-Pont et Les Brenets (P. 144, pp. 20 s.).
Ici encore, la chronologie de ces localisations est compatible avec un retour des cambrioleurs en France depuis Les Brenets à partir de 01h30. Les motifs déjà exposés ne peuvent que conduire à retenir ce cas à la charge de S._.
2.4
Pour ce qui est du cas n° 15 de l’acte d’accusation, qui concerne un cambriolage commis au préjudice de la même station-service dans la nuit du 28 au 29 novembre 2012, le prévenu a eu deux échanges téléphoniques, le 28 novembre 2012 à 20h49 et 21h06. De son propre aveu, son correspondant était un ami habitant Lyon (PV aud. 14, R. 29, pp. 5 s.). Par la suite, le téléphone portable du prévenu a été localisé à Oyonnax, puis à 21h06 à Nantua, à 21h32 à Chézery-Forens, à 21h55 à Lajoux et à 22h16 à Prémanon, ce qui correspond à un itinéraire le long de la frontière suisse avec arrivée à Les Brenets, puis repérage des lieux, le cambriolage ayant été commis vers 0h30. Ensuite, l’appareil a été éteint, avant d’être derechef localisé à 02h25 à St-Maurice Crillat, localité où le coffre fort dérobé cette même nuit a été retrouvé ouvert (P. 144, pp. 21 s.). L’heure de cette dernière géolocalisation est compatible avec un retour des cambrioleurs en France depuis Les Brenets sitôt leur forfait perpétré. La présence du coffre-fort au lieu de sa découverte est une preuve supplémentaire. Ajoutés aux appels passés par l’intimé à l’une de ses connaissances cette même nuit et compte tenu des relations étroites avec L._, convaincu en relation avec ce cas également, ces éléments, tout aussi convergents que les précédents en faveur de l’accusation, ne peuvent que conduire à retenir ce cas à la charge de S._.
2.5
La libération de l’intimé par les premiers juges nonobstant des faisceaux d’indices aussi probants, dans chaque cas, procède d’une constatation erronée des faits. L’appel du Parquet doit donc être entièrement admis en tant qu’il porte sur les faits incriminés.
3.
3.1
Avec le Parquet, les faits doivent être qualifiés de vol en bande (art. 139 ch. 3 CP). En effet, l’auteur a, à chaque reprise, agi à deux au moins, en fait en compagnie de deux comparses au moins et de cinq au plus; les malfaiteurs disposaient d’une organisation et d’un mode opératoires éprouvés; ils se répartissaient aussi bien les tâches que le butin (ATF 124 IV 286 c. 2b; ATF 124 IV 86 c. 2b). La coaction doit dès lors être retenue (ATF 125 IV 134 c. 3a), même si, en raison des dénégations, l’on ignore le rôle exact du prévenu dans les cambriolages. L’élément déterminant est que l’intimé a délibérément fait sien le résultat obtenu en participant aux opérations collectives; il a en effet, avec conscience et volonté, agi au sein de la bande en y occupant un rôle constant dans les cinq cas retenus. Le prévenu doit aussi être reconnu coupable de dommages à la propriété et de violation de domicile, vu les plaintes maintenues dans les cas n° 10, 13, 14 et 15 de l’acte d’accusation.
3.2
Le Parquet demande également que la circonstance aggravante du métier (art. 139 ch. 2 in fine CP) soit retenue. L'auteur agit par métier lorsqu'il résulte du temps et des moyens qu'il consacre à ses agissements délictueux, de la fréquence des actes pendant une période déterminée, ainsi que des revenus envisagés ou obtenus, qu'il exerce son activité coupable à la manière d'une profession, même accessoire. Il faut que l'auteur aspire à obtenir des revenus relativement réguliers représentant un apport notable au financement de son genre de vie et qu'il se soit ainsi, d'une certaine façon, installé dans la délinquance (ATF 129 IV 253 c. 2.1 p. 254; TF 6B_861/2009 du 18 février 2010 et les arrêts cités).
Dans le cas particulier, l’auteur a agi de manière soutenue, à cinq reprises sur une période de trois mois. Le butin total a été de 74'000 francs. Au vu du nombre de coauteurs et le butin étant présumé réparti à parts égales, la moyenne mensuelle de ce gain illicite est au moins aussi importante que les revenus licites, de sorte que l’on peut considérer que le butin des vols a procuré à l’appelant un apport notable à son train de vie. La circonstance aggravante du métier doit donc être admise.
4.
Pour fixer la peine, il faut tenir compte, à charge, de la nocivité et de la gravité objective des vols, commis en franchissant une frontière dans le cadre d’une organisation criminelle n’hésitant pas à incendier des véhicules pour faire disparaître toute preuve. En outre, les dénégations obstinées de l’appelant, en particulier au sujet de l’utilisation de son téléphone portable, trahissent une absence de prise de conscience; les infractions sont en concours. A décharge, il faut tenir compte de la bonne insertion sociale du prévenu. En effet, l’intéressé semble exploiter un garage avec commerce de véhicules sur une base pérenne, qui plus est en employant du personnel. Tout bien pesé, c’est une peine privative de liberté de 15 mois qui doit être prononcée.
5.
Le Ministère public requiert le prononcé d’une peine ferme.
En l'espèce, la quotité de la peine privative de liberté est compatible avec le sursis ordinaire (art. 42 al. 1 CP). La question déterminante est celle du pronostic à poser. Celui-ci ne peut être tenu pour défavorable. En effet, comme déjà relevé, l’appelant paraît inséré socialement; en particulier, il semble faire face à ses responsabilités professionnelles et familiales. Il n’a pas d’antécédents. Il s’ensuit qu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour le détourner d'autres crimes ou délits. Le délai d’épreuve sera fixé au minimum légal de deux ans (art. 44 al. 1 CP).
III.
En définitive, l’appel de S._ doit être rejeté et l’appel du Ministère public partiellement admis.
Vu l'issue des causes déférées en appel, les frais d'appel seront entièrement mis à la charge de S._, qui succombe sur son appel, d’une part, et sur ses conclusions tendant au rejet de l’appel du Parquet, d’autre part (art. 428 al. 1 CPP).
Outre l'émolument (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu, Me Franck-Oliver Karlen (art. 422 al. 1 et 2 let. a CPP).
L’indemnité du défenseur d’office est fixée à 2'359 fr. 10 pour la procédure d’appel, y compris 154 fr. 10 à titre de vacation d’audience et de débours divers, TVA incluse, selon la liste d’opérations produite.
L’appelant ne sera tenu de rembourser l’indemnité ci-dessus mise à sa charge que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5eb0fd3a-d760-4553-8d8e-6806ec917482 | En fait :
A.
Par jugement du 27 novembre 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a pris acte du retrait des plaintes et ordonné la cessation des poursuites pénales dirigées contre V._ et J._ pour désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel et contre L._ pour calomnie, subsidiairement diffamation et injure (I), a fixé à 3'274 fr. 20, TVA et débours compris, l’indemnité due à Me Valérie Mérinat, défenseur d’office de L._ (II), mis les frais de la cause à la charge de V._ par 800 fr., de J._ par 800 fr. et de L._ par 800 fr., somme à laquelle s’ajoute l’indemnité due à son défenseur d’office fixée sous chiffre II ci-dessus (III) et dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité allouée à Me Valérie Mérinat sera exigible pour autant que la situation économique de L._ se soit notablement améliorée (IV). Il n’est fait mention d’aucune voie de recours au pied de ce jugement.
B.
Par courriers datés du 9 février 2015, mais remis à la poste le 10 février 2015, V._ et J._ ont fait appel de ce jugement. Ils ont tous les deux conclu à sa réforme en ce sens que les frais de la procédure ne sont pas mis à leur charge, subsidiairement que les frais de la procédure sont mis à leur charge dans une mesure plus réduite.
Par courriers non datés mais reçus au greffe du Tribunal cantonal le
20 février 2015, le Procureur de l’arrondissement de l’Est vaudois a renoncé à présenter une demande de non-entrée en matière ou à déposer un appel joint. Il s’en est remis à justice s’agissant de l’issue des appels déposés par V._ et J._.
Le 10 mars 2015, L._ a déposé une déclaration d’appel joint contre le jugement précité. Elle a conclu, avec suite de frais et dépens, à la réforme du chiffre III de son dispositif en ce sens que les frais de la procédure qui la concerne, par 800 fr., à laquelle s’ajoute l’indemnité due à son défenseur d’office, sont laissés à la charge de l’Etat, le chiffre IV du dispositif du jugement entrepris étant supprimé.
Par courrier du 23 mars 2015, le Procureur de l’arrondissement de l’Est vaudois a renoncé à présenter une demande de non-entrée en matière et s’en est remis à justice s’agissant de l’issue de l’appel joint déposé par L._.
Le 24 avril 2015, la Présidente a informé les parties que l'appel allait être traité d'office en procédure écrite (art. 406 al. 1 let. d CPP).
En date du 27 avril 2015, L._ a indiqué, par son défenseur d’office, qu’elle renonçait à déposer un mémoire d’appel complémentaire. L’avocate a en outre transmis sa liste des opérations.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Le 16 février 2013, J._, V._ et L._ ont passé le début de soirée ensemble au domicile d’V._, à [...], avant de se rendre au [...], à [...], aux environs de minuit.
Sur place, L._ a passé du temps avec d’autres personnes. Vers 05h00, V._ et J._ lui ont proposé de rentrer avec eux à [...], pour qu’elle y récupère sa voiture. Arrivés devant chez V._, les deux hommes ont insisté pour que L._ monte quelques instants à l’appartement, puis qu’elle se repose un peu avant de repartir. Ils l’ont ensuite incitée à venir dormir avec eux dans la chambre d’V._. Finalement, L._ s’est retrouvée sur le lit entre les deux hommes, qui se sont rapidement mis à la toucher par-dessus ses habits, notamment sur les fesses. J._ a en outre tenté de glisser la main dans le pantalon de la jeune femme. Pendant la dizaine de minutes qu’ont duré les attouchements, L._ leur a demandé à plusieurs reprises d’arrêter. Elle s’est enfin levée en déclarant « pfff, j’en ai marre » et a quitté la pièce. V._ l’a suivie et a tenté de la retenir. Comme elle insistait pour aller prendre l’air, il l’a suivie à l’extérieur. L._ est alors parvenue à se réfugier dans sa voiture et à quitter les lieux quelques instants plus tard.
2.
Le 17 février 2013, L._ a posté le message suivant sur son compte facebook : « Fils de put puto J._ t es vraiment qu un gros fils de put tkt pas j’vais t’afficher gros porc et ton ami aussi, tout se paie dans la vie. Merci mes anges gardiens de me proteger, j’apprends de mes erreurs et j’aurais plus jamais confiance en qqn qui soit pas mon ami d enfance ». Elle a admis avoir laissé ce message sur son compte durant environ un mois.
J._ a déposé plainte le 18 février 2013, contre L._ pour diffamation et injure.
Le 15 mars 2013, L._ a déposé plainte contre V._ et J._ pour désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel.
Une enquête a été ouverte à l’encontre des trois intéressés.
Le 4 février 2014, Z._ a été entendu par le Procureur de l’arrondissement de l’Est vaudois. Ce dernier a notamment indiqué ce qui suit :
« (...) J’étais au [...] à la soirée du 16 au 17 février 2013. J’ai rencontré L._ qui m’a dit qu’elle était avec deux amis. Il y avait un grand et un petit. Le petit était bien bourré. Le grand un peu moins. A un moment donné, je dansais avec L._ et le grand est venu vers nous, puis il a pris L._ par le bras pour qu’elle danse avec lui. Cela m’a énervé. L._ m’a dit de laisser tomber et qu’elle allait danser un moment avec lui ; je sais qu’elle m’a dit cela car elle n’aime pas les conflits. (...) A la fin de la soirée, il y a eu une discussion pour savoir avec qui elle allait rentrer. Elle a fini par décider de rentrer avec les deux autres car elle devait aller chercher sa voiture dans un parking. Pendant la discussion, j’ai proposé à L._ de rentrer avec moi. Le grand est à nouveau intervenu et a pris L._ par la taille en disant « c’est ma meuf, je veux rentrer avec ». (...). »
Par acte d’accusation du 9 avril 2014, le Procureur de l’arrondissement de l’Est vaudois a requis à l’encontre d’V._ le prononcé d’une amende de 700 fr. convertible en 7 jours de peine privative de liberté, à l’encontre J._ le prononcé d’une amende de 1'000 fr. convertible en 10 jours de peine privative de liberté et enfin une peine de 30 jours-amende avec sursis pendant 2 ans à l’encontre de L._.
Au l’audience de jugement qui s’est tenue le 27 novembre 2014 devant la Présidente du Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois, les parties sont convenues de ce qui suit :
« 1.- L._ déclare retirer sa plainte déposée le 15 mars 2013 à l’encontre de V._ et J._ compte tenu des excuses présentées ce jour.
2.- J._ déclare retirer la plainte qu’il a déposée contre L._ le 18 février 2013. » | En droit :
1.
1.1
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
L'appel joint doit être interjeté dans un délai de vingt jours dès la réception de la déclaration d'appel (art. 400 al. 3 CPP).
En l'occurrence, on ne saurait reprocher aux appelants d’avoir éventuellement tardé à déposer une annonce, puis une déclaration d’appel, le jugement attaqué ne contenant l’indication d’aucune voie de droit. Les appels de V._ et de J._ sont dès lors recevables. Il en va de même de l’appel joint déposé par L._.
1.2
L’appel relève de la procédure écrite, dès lors que seule la répartition des frais de la procédure est attaquée (art. 406 al. 1 let. d CPP).
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Tant les appelants que l’appelante par voie de jonction contestent devoir supporter des frais de justice.
3.1
L’art. 423 CPP prévoit que les frais de procédure sont mis à la charge de la Confédération ou du canton qui a conduit la procédure, sauf disposition contraire de la loi. Selon l’art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci. D'après l'art. 429 al. 1 let. b CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit notamment à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale. Aux termes de l’art. 430 al. 1 CPP, l’autorité pénale peut réduire ou refuser cette indemnité notamment si le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l’ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
Un retrait de plainte s'apparente d'un point de vue procédural à un classement (cf. art. 319 al. 1 let. d CPP; Grädel/Heiniger
in
: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 13 ad art. 319 CPP; Riedo
in
: Basler Kommentar, Strafrecht I, 2
e
éd., 2007, n. 24 ad art. 33 CP). En ce sens, l'art.
426 al. 2 CPP est susceptible de s'appliquer en cas de retrait de plainte pour une infraction poursuivie sur plainte.
Un prévenu libéré ne peut être condamné au paiement des frais d'enquête que si, par un comportement juridiquement critiquable, il a donné lieu à l'ouverture de l'action pénale ou en a compliqué l'instruction. La condamnation aux frais d'un prévenu ou d'un accusé libéré ne résulte pas d'une responsabilité pour une faute pénale, mais d'une responsabilité proche du droit civil, née d'un comportement fautif. Il est compatible avec les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH de mettre les frais à la charge d'un prévenu libéré qui, d'une manière engageant sa responsabilité civile, a manifestement violé une règle de comportement qui peut découler de l'ordre juridique suisse dans son ensemble et a provoqué ainsi l'ouverture d'une enquête pénale ou compliqué celle-ci (ATF 116 Ia 162 c. 2d p. 171 et c. 2e p. 175). Le juge doit fonder son prononcé sur des faits incontestés ou déjà clairement établis
(ATF 112 Ia 371 c. 2a in fine p. 374). La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais viole en revanche la présomption d'innocence lorsqu'elle laisse entendre directement ou indirectement que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées ou qu'il aurait commis une faute pénale (TF 1B_21/2012 du 27 mars 2012 c. 2.1; TF 1B_12/2012 du
20 février 2012 c. 2 et les références citées).
Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO (ATF 119 Ia 332 c. 1b p. 334; ATF 116 Ia 162 c. 2c p. 169). Le
fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement
(ATF 119 Ia 332 c. 1b p. 334; ATF 116 Ia 162 c. 2d p. 171). L'acte répréhensible ne doit pas nécessairement être commis intentionnellement. La négligence suffit, sans qu'il soit besoin qu'elle soit grossière (ATF 109 Ia 160 c. 4a p. 163 s.). L'acte répréhensible doit en outre se trouver dans une relation de causalité adéquate avec l'ouverture de l'enquête ou les obstacles mis à celle-ci. Tel est notamment le cas lorsque le comportement du prévenu, violant clairement des prescriptions écrites cantonales, était propre à faire naître, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le soupçon d'un comportement punissable justifiant l'ouverture d'une enquête pénale. Enfin, une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation (ATF 116 Ia 162 c. 2c p. 171).
3.2
En l’occurrence, on doit admettre la version des faits telle que relatée par L._ s’agissant des événements qui se sont produits la nuit du
16 au 17 février 2013. En effet, il n’y a pas de motifs de douter des déclarations de cette dernière, son récit ne comportant aucune exagération et n’ayant jamais varié au cours de la procédure. De plus, on ne voit pas pourquoi celle-ci mentirait, ni pourquoi elle aurait publié le message incriminé sur sa page facebook s’il ne s’était rien passé avec les appelants. Ses allégations s’agissant de la soirée au [...] sont d’ailleurs confirmées par le témoignage d’Z._. Enfin, V._ et J._ ont présenté leurs excuses à l’appelante par voie de jonction lors des débats de première instance. Au regard de l’ensemble de ces éléments et sans examiner si le comportement des appelants tombe sous le coup d’une disposition pénale, on doit à tout le moins admettre que ces derniers ont importuné L._ et que leurs actes constituent des actes civilement illicites (cf. les art. 28 CC et 41 CO) qui ont provoqué le dépôt d’une plainte pénale. Pour sa part, l’appelante par voie de jonction n’a pas contesté avoir publié un message injurieux à l’égard de J._ sur son mur facebook, un tel acte étant également illicite au sens des dispositions précitées et en lien direct avec l’ouverture de l’enquête pénale.
Compte tenu de ce qui précède, la condamnation des trois intéressés au paiement partiel des frais de la procédure de première instance ne prête pas le flanc à la critique.
Pour le reste, le montant de ces frais a été réduit pour tenir compte de la situation des parties et des efforts consentis pour régler leurs différends à l’amiable ; il ne peut être que confirmé au regard des actes d’instruction et de procédure de première instance.
4.
En définitive, les appels d’V._ et de J._, ainsi que l’appel joint de L._ doivent être rejetés et le jugement rendu le 27 novembre 2014 confirmé.
Vu l'issue de l’appel, les frais de la procédure d'appel, par 990 fr. (art. 21 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), seront répartis par un tiers à la charge des appelants et de l’appelante par voie de jonction, soit 330 fr. à la charge V._, 330 fr. à la charge de J._ et enfin 330 fr. à la charge de L._ (art. 428 al. 1, 1
er
phrase, CPP). Cette dernière devra au surplus supporter l’indemnité allouée à son défenseur d’office pour la procédure d’appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFIP).
L'indemnité allouée au défenseur d'office de L._ doit être fixée en tenant compte d'une durée d'activité utile de 2 heures et 45 minutes. Au tarif horaire de 180 fr., les honoraires de Me Valérie Mérinat s’élèvent à 495 fr., plus des débours annoncés par 8 fr. 40, ainsi que la TVA sur le tout, par 40 fr. 30, soit un montant total de 542 fr. 70.
L._ ne sera tenue de rembourser à l’Etat l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra
(art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5ed0b426-8432-41a9-92d7-c84f755d0cdc | En fait :
A.
Par jugement du 29 janvier 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que R._ s’est rendu coupable de mise en danger de la vie d’autrui, d’injure, de violation simple des règles de la circu
lation routière et de contravention au Règlement général de police de la commune de Lausanne (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 8 (huit) mois, à une peine pécuniaire de 60 (soixante) jours-amende à 30 fr. (trente francs), ainsi qu’à une amende de 200 fr. (deux cents francs) (II), a dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l’amende sera de 2 (deux) jours (III), a dit que R._ est le débiteur des parties plaignantes L._ et Y._, solidairement entre eux, et leur doit immédiat paiement d’un montant de 7'938 fr. (sept mille neuf cent trente-huit francs), TVA et débours compris, à titre de remboursement des frais de défense nécessaires (IV), a donné acte à L._ et Y._ de leurs réserves civiles contre R._ pour le surplus (V), a arrêté à 5'509 fr. 10 l’indemnité allouée à Me Renato Cajas, défenseur d’office de R._ (VI) et a dit que les frais de la présente cause, arrêtés à 10'795 fr. 10, sont mis à la charge de R._, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office, étant précisé que R._ sera tenu de rembourser celle-ci à l’Etat lorsque sa situation financière le permettra (VII).
B.
Par annonce du 4 février 2015, puis déclaration motivée du 27 mars suivant, L._ et Y._ ont formé appel contre ce jugement, en concluant, sous suite de frais et dépens, à ce que R._ est condamné à leur verser immédiatement le montant de 13'588 fr., TVA et débours compris, à titre de remboursement des frais de défense nécessaires.
Par annonce du 6 février 2015, puis déclaration motivée du 30 mars 2015, le Ministère public central, division affaires spéciales, contrôle et mineurs a également formé appel contre ce jugement, en concluant à sa réforme en ce sens que R._ est condamné à une peine privative de liberté de 18 mois, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr., ainsi qu’à une amende de 200 francs.
Par acte du 11 mai 2015, R._ a déposé un appel joint. Il a conclu principalement au rejet des appels déposés par les parties plaignantes et par le Ministère public, à son acquittement du chef d’accusation de mise en danger de la vie d’autrui et à sa condamnation à une peine privative de liberté inférieure à 8 mois assortie du sursis. Subsidiairement, il a conclu à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause en première instance pour nouvelle instruction et nouveau jugement.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
R._ est né le 24 mars 1987 à Tunis. Il est au bénéfice d’un permis C. Il a suivi l’école obligatoire dans son pays d’origine jusqu’à la 7
e
année. Arrivé en Suisse en 2000, il a terminé sa scolarité obligatoire à Lausanne. Après avoir accompli une 10
e
année de raccordement, il a entrepris un apprentissage d’électricien qu’il a terminé avec succès. Il a alors travaillé comme électricien, mais il a rapidement dû interrompre cette activité en raison de blessures accidentelles à l’épaule et au genou ainsi qu’en raison des conséquences d’une agression. Malgré cela, il a suivi des cours pour devenir technicien en électronique. Ces cours ont été financés par l’Al dans le cadre de sa reconversion. Il a ensuite également suivi une formation de vendeur spécialiste pour laquelle il a obtenu un diplôme. Il suit désormais des cours de correspondances commerciale et de bureautique dans l’intention de se présenter aux examens de gestion en immeubles.
Célibataire, le prévenu vit chez sa mère. Il perçoit des indemnités journalières de l’Al à hauteur de 3’700 francs. Il contribue au loyer et à l’entretien du ménage à hauteur de 1'000 fr. par mois. Il paye 390 fr. d’assurance maladie par mois. ll n’a aucune fortune. Il fait l’objet d’actes de défaut de biens pour environ 18'000 fr., ainsi que de saisies et d’un arrangement avec les impôts pour des contributions arriérées.
Le casier judiciaire suisse du prévenu fait état des inscriptions suivantes :
-
7 décembre 2005, Juge d’instruction de Lausanne, vol, emprisonnement 5 jours, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 2 ans, amende de 300 francs ;
-
19 novembre 2007, Tribunal correctionnel de Lausanne, brigandage, peine privative de liberté de 6 mois, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 2 ans, détention préventive de 8 jours ;
-
28 mars 2008, Juge d'instruction de Lausanne, violation des règles de la circulation routière, conducteurs se trouvant dans l‘incapacité de conduire (véhicule automobile, en état d’ébriété), conduire un véhicule défectueux, circuler sans permis de conduire (permis d’élève conducteur), usage abusif de permis et/ou de plaques de contrôle, concours (plusieurs peines de même genre) 49 al. 1 CP, peine pécuniaire de 20 jours-amende à 40 francs ;
-
19 novembre 2010, Juge d’instruction de Lausanne, injure, menaces, concours (plusieurs peines de même genre) 49 al. 1 CP, peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr., amende de 300 francs ;
-
21 mai 2012, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, violation des règles de la circulation routière, conducteurs se trouvant dans l’incapacité de conduire (véhicule automobile, taux alcoolémie qualifié), opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire (véhicule automobile), violation des obligations en cas d'accident, concours (plusieurs peines de même genre) 49 al. 1 CP, peine pécuniaire de 90 jours-amende à 30 fr., amende de 600 francs.
2.
2.1
A Lausanne, le 16 novembre 2012, vers 5h10, le prévenu R._, qui circulait au volant de sa voiture devant la discothèque le " [...]" et se dirigeait vers la rue [...], a soudainement obliqué à gauche sur la place [...] et s’est immobilisé, phares enclenchés et moteur allumé. Trente mètres devant lui, de l'autre côté de la place ─ bien éclairée ─ les policiers L._ et Y._, qui venaient de terminer leur service, l'un en trottinette, portant encore ses pantalons de service, I’autre à pied en civil, marchaient en direction du parking [...]. Remarquant cet automobiliste à l’arrêt devant eux, les deux hommes se sont immobilisés quelques secondes, se demandant s’il s’agissait d’un collègue qui les attendait. Constatant cependant que la voiture ne bougeait pas, tous deux ont repris leur chemin. Tout à coup, le prévenu a démarré, faisant crisser ses pneus et monter le moteur haut dans les tours, et s’est sciemment et volontairement dirigé droit sur L._ et Y._, tout en accélérant. A un moment donné, alors que le véhicule se rapprochait, les deux hommes ont réalisé qu’il n’était plus possible pour le conducteur de freiner ou d’obliquer à temps pour les éviter. Y._ s’est enfui sur la gauche et L._, descendu de sa trottinette, est parti en courant sur la droite. Le prévenu a alors modifié la trajectoire de sa voiture de manière à aligner L._ avec le centre de son pare-chocs. Au dernier moment, afin d’éviter le heurt avec l’automobile, ce dernier a bloqué sa course et est reparti dans l’autre sens. La voiture du prévenu est alors passée à environ 50 cm de lui, toujours en pleine accélération, à une allure estimée à 40 km/h. Arrivé au bout de la place [...],R._ a immobilisé son véhicule, laissant son moteur tourner. Ignorant à quoi s’attendre de la part de ce conducteur, choqués et paniqués par ce qu’il venait de se passer, les deux policiers ont néanmoins eu la présence d’esprit de relever le numéro de plaque de la voiture.
Les policiers L._ et Y._ ont déposé plainte pénale le 26 novembre 2012.
2.2
A Lausanne, rue des [...], le 8 décembre 2013, vers 5h10, R._ s’est approché des policiers T._, F._ et K._, qui assuraient une présence à cet endroit au vu des nombreux noctambules, et leur a dit «
allez vous faire foutre
». Lors du contrôle d’identité qui a suivi, le prévenu a ajouté à l’intention des policiers précités «
va te faire foutre, fils de pute. Je nique ta mère. Ta mère est une pute.
». Puis, après avoir été transféré à l'Hôtel de police, il leur a déclaré «
fils de pute, va baiser ta mère, je nique ta mère, ta mère est une pute, ta mère se fait sauter par des noirs, enculé
» et a ajouté à I’intention de T._ «
pardonne-moi fils de pute, je te suce la bite. Ta mère se fait sauter par un type de Chavornay
».
T._, F._ et K._ ont déposé plainte pénale le 8 décembre 2013. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par des parties ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), tant les appels des parties plaignantes et du Ministère public que l’appel joint de R._ sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1 et la doctrine citée).
I. Appel joint de R._
3.
L’appelant par voie de jonction soutient qu'il aurait dû être assisté dès sa première audition par un défenseur d’office dès lors que, selon lui, les faits ressortant de la cause étaient un cas de défense obligatoire. Il y aurait ainsi eu violation de l’art. 131 CPP.
3.1
A teneur de l'art. 131 CPP, en cas de défense obligatoire, la direction de la procédure pourvoit à ce que le prévenu soit assisté aussitôt d'un défenseur, soit avant l'ouverture de l'instruction (al. 1 ; CREP 27 mars 2012/208). Les preuves administrées avant qu’un défenseur ait été désigné, alors même que la nécessité d’une défense aurait dû être reconnue, ne sont exploitables qu’à condition que le prévenu renonce à en répéter l’administration (al. 3).
Selon l’art. 130 let. b CPP, le prévenu doit avoir un défenseur notamment lorsqu’il encourt une peine privative de liberté de plus d'un an ou une mesure entraînant une privation de liberté. La peine que le prévenu « encourt » n'est pas la peine dont il est menacé abstraitement au vu de l'infraction en cause ─ à savoir la peine maximale prévue par la loi pour l'infraction en question ─, mais celle qui est concrètement envisagée au vu des circonstances particulières objectives du cas ou de la peine que le Ministère public requiert (CREP 3 août 2012/469).
3.2
En l’espèce, l’instruction pénale contre l’appelant par voie de jonction a été ouverte par le Ministère public le 30 novembre 2012 pour avoir délibérément foncé avec sa voiture sur les parties plaignantes le 16 novembre 2012 à 05h00 à la Place [...]. Le 18 janvier 2013, le prévenu a été entendu par la Police de sûreté sans l'assistance d'un défenseur et en présence des parties plaignantes et de leur avocate. L'infraction de mise en danger de la vie d'autrui était mentionnée dans le procès-verbal d'audition. Cependant, il ressort des pièces du dossier, qu'initialement, le Ministère public a transmis son acte d'accusation au Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne et qu'il n'avait pas annoncé son intervention. Il avait conclu au prononcé d'une peine privative de liberté de 11 mois. On ne se trouvait donc pas dans un cas de défense obligatoire, même si, par la suite, la direction de la procédure, soit le Président du Tribunal de police, a fait usage de l'art. 334 CPP en déclinant sa compétence au profit de celle du Tribunal correctionnel. Le moyen n'est dès lors pas fondé.
Pour le surplus, on constate que le prévenu, assisté dès sa deuxième audition d’un défenseur d’office, a renoncé à demander la répétition de la preuve administrée, si bien que celle-ci est ainsi devenue exploitable. Par ailleurs, les premiers juges ne se sont pas fondés sur ce premier procès-verbal pour fonder leur conviction. Le grief doit donc être rejeté.
4.
L’appelant par voie de jonction reproche aux premiers juges d'avoir retenu qu'il avait varié dans ses explications et soutient que ses explications seraient aussi vraisemblables que celles présentées par les plaignants. Il affirme que lorsqu’il a démarré il n’aurait pas remarqué qu’il y avait des piétons au bout de la place et que dès qu’il les aurait aperçus, il aurait fait une manœuvre d’évitement sans chercher à freiner. Sa trajectoire n'aurait donc pas eu d'autre but que de diriger sa voiture vers la sortie du parking et pas sur les piétons.
4.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
4.2
En l’espèce, l'appréciation des déclarations des parties et, en particulier, celles du prévenu figure dès la page 28 du jugement. Il faut effectivement retenir que le prévenu a varié dans ses explications alors que celles des parties plaignantes ont été constantes. Une « cabale » contre le prévenu est exclue, les deux policiers ne sachant pas qui conduisait le véhicule. Par ailleurs, le fait que la plainte n'ait été déposée que quelques jours après les faits et de façon conjointe s'explique par
le fait que l'un des deux policiers était en congé. Enfin, comme le relèvent les premiers juges, les dernières déclarations du prévenu rejoignent celles des plaignants, tant sur la question du lieu, que sur celle du temps, de la trajectoire du véhicule, du positionnement des plaignants ou de la vitesse du véhicule. A cet égard, on relèvera que dans sa dernière déclaration (jgt., p. 19), R._ a admis avoir vu les piétons, qu'il a accéléré avec « fougue » et qu'il pensait que chacun allait prendre sa propre direction. Par conséquent, l'appelant ne peut pas soutenir que le tribunal de première instance a préféré une version à l'autre, les déclarations des protagonistes ne s'excluant en définitive pas. Le grief doit donc être rejeté.
5.
L’appelant par voie de jonction soutient que son comportement retenu dans le cas 2.1 ci-dessus ne serait pas constitutif d’une mise en danger de la vie d’autrui au sens de l’art. 129 CP.
5.1
L’art. 129 CP réprime le comportement de celui qui, sans scrupules, aura mis autrui en danger de mort imminent.
Le danger de mort imminent, élément constitutif de l’art. 129 CP, suppose d’abord un danger apparaissant comme très possible ou vraisemblable (ATF 134 IV 8). Le danger doit être concret, c’est-à-dire qu’il faut un état de fait dans lequel existe, d’après le cours ordinaire des choses, la probabilité ou un certain degré de possibilité que le bien juridique protégé soit lésé, sans toutefois qu’un degré de probabilité supérieur à 50 % soit exigé (Corboz, Les infractions en droit suisse, 3
e
édition, Berne 2010, n. 11 ad art. 129 CP ; ATF 121 IV 67, TF 6S.322/2005 du 30 septembre 2005).
La mise en danger de la vie d’autrui n’est punissable que si elle est intentionnelle. L’auteur doit avoir conscience du danger de mort imminent pour autrui et adopter volontairement un comportement qui le crée. L’auteur doit vouloir mettre autrui en danger de mort imminent, sans vouloir, toutefois, la réalisation du risque, sous peine de se voir condamner pour meurtre. La volonté de créer un danger de mort imminent se situe donc entre le dol éventuel de l’homicide intentionnel et la simple négligence consciente. Il y a homicide ou tentative d’homicide intentionnel si l’auteur veut la mort de la victime ou accepte cette éventualité ; il y a homicide par négligence s’il adopte un comportement dangereux, qu’il ait ou non perçu le risque, mais en comptant bien, par légèreté, que le risque ne se réalisera pas. Dans le cas de la mise en danger de la vie d’autrui, l’auteur, sans accepter l’éventualité du décès, veut créer un risque de mort (Corboz, op. cit., n. 26 ad art. 129 CP ; ATF 133 IV 8).
L’auteur doit en outre créer le danger sans scrupules. On désigne par là un comportement dont le caractère répréhensible doit apparaître comme marqué. L’acte doit revêtir une gravité qualifiée, dénoter une absence particulière d’inhibition face au fait de mettre en danger la vie d’autrui et un manque criant d’égards face à l’existence de tiers (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 14 ad art. 129 CP). Plus le danger connu de l’auteur est grand et moins ses mobiles méritent attention, plus l’absence de scrupules apparaît comme évidente (Corboz, op. cit., n. 28 ad art. 129 CP ; TF 65.128/2003 du 13 août 2003 consid. 4.1.2 ; ATF 114 IV 103 consid. 2a). L’absence de scrupules doit être admise dans tous les cas où la mise en danger de mort d’autrui intervient pour un motif futile ou apparaît clairement disproportionnée, de sorte qu’elle dénote un profond mépris de la vie d’autrui (Corboz, op. cit., n. 32 ad art. 129 CP).
5.2
En l’espèce, R._ a lancé son véhicule à pleine vitesse sur deux piétons. Il a fallu l'extraordinaire sang-froid du policier L._ qui a bloqué son déplacement afin de repartir dans l'autre direction pour éviter à 50 centimètres voire à 1 mètre le choc avec le véhicule du prévenu. Le danger de mort était donc manifeste. R._ fait plaider qu'un choc entre un piéton et un véhicule lancé à 40 km/h causerait la mort d'un piéton dans 30% des cas. La question n'est pas de savoir si le choc tue, mais s'il est propre à causer la mort : on ne parle pas du résultat mais du danger que le résultat se produise. Il est évident qu'un choc entre un piéton et une voiture circulant à 40 km/h est susceptible d'entraîner un danger de mort vraisemblable ou très possible (ATF 121 IV 70), comme le fait de pointer un couteau effilé sur la gorge de sa victime : pointer un couteau sur la gorge d'une personne ne tue en soi pas, mais le risque de danger de mort que fait courir l'auteur à sa victime est vraisemblable car il suffit d'une réaction malheureuse de la victime pour que le danger se réalise. Concernant la notion d'imminence, celle-ci évoque une notion temporelle. Il faut être en présence d'un lien de connexité direct et étroit entre le danger créé et le comportement adopté par l'auteur (ATF 133 IV 1). Le fait de passer à une distance de 50 centimètres à 1 mètre de piétons en mouvement à une allure de 40 km/h constitue une mise en danger concrète et imminente de la vie de ces piétons. En effet, comme l’ont relevé les premiers juges, ceux-ci peuvent, sous l'effet de la peur, adopter un comportement imprévisible pour le conducteur du véhicule (jgt., p. 31). Il s'ensuit que tous les éléments objectifs de l'infraction soit le comportement dangereux, le danger de mort imminent ainsi que le lien de causalité sont réunis.
L’appelant par voie de jonction conteste également l'intention. Il fait valoir qu'il a tout fait pour éviter de créer un risque. Il ressort toutefois de l'état de fait que ce dernier a décidé de lancer son véhicule à pleine vitesse en direction des plaignants qu'il avait vus, au point qu'ils ont été terrorisés. L._ a été épargné de justesse par la voiture qui lui fonçait dessus. L'intention ne fait donc aucun doute. Pris dans son ensemble, l'acte dénote d'un manque singulier de scrupules, comme l’ont expliqué les premiers juges (jgt., p. 31).
Au vu de ce qui précède, il doit être retenu que la vie des deux plaignants a été mise en danger de manière concrète et imminente par le comportement du prévenu. Le moyen doit dès lors être rejeté.
II. Appel du Ministère public
6.
Le Ministère public conteste la quotité de la peine privative de liberté prononcée par les premiers juges. Il considère qu’elle serait trop clémente pour sanctionner adéquatement les faits retenus à la charge du prévenu et propose une peine privative de liberté de 18 mois.
R._ a, quant à lui, conclu à sa condamnation à une peine privative de liberté inférieure à 8 mois assortie du sursis en raison de sa réinsertion sociale.
6.1
6.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 consid. 3.1 ; ATF 134 IV 17 consid. 2.1).
6.1.2
Selon l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
L’art. 43 al. 1 CP dispose que le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine pécuniaire d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur. De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 consid. 5.3.1 ; cf. aussi TF 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 consid. 3.2.1 ; TF 6B_353/2008 du 30 mai 2008 consid. 2.3).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 consid. 3.1.2 ; ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2).
6.2
6.2.1
En l’espèce, la culpabilité de R._ est importante. Il a commis un acte dangereux, gratuit et stupide, qui aurait pu avoir des conséquences fatales. Son casier judiciaire est chargé et il a en outre récidivé en cours d'enquête. Par ailleurs, ses tergiversations et son parcours délictueux démontrent qu’il n'a pas pris conscience de ses fautes. Au vu de ce qui précède et procédant ainsi à sa propre appréciation de l’affaire, la Cour de céans considère que c’est une peine privative de liberté de 18 mois et non de 8 mois qui doit être prononcée.
6.2.2
Il reste à déterminer si le prévenu peut être mis au bénéfice du sursis. L’intéressé ne semble être guère sensible à la sanction pénale, ses cinq précédentes condamnations n’étant pas parvenues à le détourner de la commission de nouvelles infractions. Cependant, on relève qu’il n'a pas subi de lourdes condamnations bien que son casier judiciaire indique quelques jours de détention préventive subie dans le cadre d'une précédente affaire pénale de 2007 qui constitue la sanction la plus lourde de son casier judiciaire (peine privative de liberté de 6 mois avec sursis). S'ajoutent à cela les efforts louables de réinsertion sociale du prévenu qui démontrent son désir de vouloir se réintégrer professionnellement. Le pronostic à poser quant au comportement futur de R._ étant ainsi mitigé, on peut admettre que l’exécution d’une partie de la peine privative de liberté suffira à le détourner d’autres crimes ou délits.
Ainsi, au vu de ce qui précède, la peine privative de liberté de 18 mois infligée au prévenu doit être suspendue à raison de 9 mois, le solde de 9 mois devant être ferme et le délai d’épreuve fixé à 5 ans. Le grief invoqué par le Ministère public doit donc être partiellement admis.
III. Appel de L._ et Y._
7.
Les appelants contestent le montant qui leur a été alloué à titre d'indemnité au sens de l'art. 433 CPP. Ils requièrent que l’entier des frais d’avocat que leur a occasionné la procédure leur soit alloué, soit un montant de 13'588 francs.
7.1
Aux termes de l’art. 433 al. 1 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu’elle obtient gain de cause (let. a) ou si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’art. 426 al. 2 (let. b). La partie plaignante adresse ses prétentions à l’autorité pénale et doit les chiffrer et les justifier (al. 2).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la partie plaignante a obtenu gain de cause au sens de cette norme lorsque le prévenu a été condamné et/ou si les prétentions civiles ont été admises. La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d’appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante, à l’exclusion de toutes démarches inutiles ou superflues (TF 6B_965/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.1.1 ; TF 6B_159/2012 du 22 juin 2012 consid. 2.2 et les références citées). Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat de la partie plaignante. En d’autres termes, les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense du point de vue de la partie plaignante raisonnable (TF 6B_495/2014 du 6 octobre 2014 consid. 2.1 et les références citées).
L'indemnité visée par l'art. 433 al. 1 CPP doit correspondre au tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule et englober la totalité des coûts de défense, de sorte à couvrir l'entier des frais de défense usuels et raisonnables ; lorsqu'un tarif cantonal existe, il doit être pris en considération pour fixer le montant de l'indemnisation. Il sert de guide pour la détermination de ce qu'il faut entendre par frais de défense usuel (TF 6B_561/2014 du 11 septembre 2014 consid. 2.2.1 ; TF 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.3). Tel est le cas dans le canton de Vaud depuis le 1
er
avril 2014 par l’adoption d’un nouvel art. 26a TFIP (tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale ; RSV 312.03.1), qui énonce les principes applicables à la fixation des indemnités allouées selon les art. 429 ss CPP à raison de l'assistance d'un avocat dans la procédure pénale. Cette disposition prévoit que l'indemnité pour l'activité de l'avocat est fixée en fonction du temps nécessaire à l'exercice raisonnable des droits de procédure, de la nature des opérations effectuées, des difficultés de la cause, des intérêts en cause et de l'expérience de l'avocat (al. 2). Le tarif horaire déterminant – hors TVA – est de 250 fr. au minimum et de 350 fr. au maximum pour l'activité déployée par un avocat. Il est de 160 fr. pour l'activité déployée par un avocat stagiaire (al. 3). Dans les causes particulièrement complexes ou nécessitant des connaissances particulières, le tarif horaire déterminant peut être augmenté jusqu'à 400 fr. (al. 4).
7.2
En l’espèce, les premiers juges ont considéré, concernant les plaignants, qu'une vingtaine d'heures d’activité d’avocat était raisonnable pour le remboursement de leurs dépenses obligatoires occasionnées par la procédure. Me Cajas, défenseur d'office du prévenu en première instance, a obtenu une indemnité de 5'509 fr., correspondant, au tarif horaire de 180 francs, à 24,6 heures d’activité hors débours et TVA. Me Capt réclame pour les parties plaignantes une indemnité de 13'588 fr., correspondant, au tarif horaire de 350 francs, à 33 heures d’activité, sans la TVA et les débours. Il y a donc une différence entre les deux indemnités de 8,4 heures étant précisé que Me Cajas avait aussi à s'occuper d'un dossier complémentaire d'injure, certes simple, et que pour Me Capt la tâche n’était pas d’une grande complexité dès lors que le Ministère public constituait un allié de poids. Par conséquent, sur les 33 heures annoncées par Me Capt, il y aurait 7,5 heures d'audience ─ audience de jugement comprise ─ et il resterait, si l'on s'en tient au calcul opéré par les premiers juges, une douzaine d'heures pour le suivi du dossier, la plaidoirie, les conférences avec les clients et l'assistance de ces derniers aux auditions. Ce temps de travail n’est pas suffisant. Il convient d’allouer le même nombre d’heures que celui accordé au défenseur d’office du prévenu, soit 24,6 heures d’activité au tarif horaire de 350 fr., ce qui conduit à fixer l'indemnité au montant de 8'610 fr., plus les débours, par 430 fr. 50 (5% de 8'610 fr.), et la TVA, par 723 fr. 25., soit une indemnité totale de 9'763 fr. 75. L'appel sera par conséquent admis sur ce point.
8.
En définitive, l’appel de L._ et Y._ doit être admis et celui du Ministère public partiellement admis. L’appel joint de R._ doit être rejeté. Le jugement entrepris doit être réformé dans le sens des considérants et confirmé pour le surplus.
8.1
L'indemnité de défenseur d'office allouée à Me Laurent Fischer pour la procédure d'appel sera fixée à 3’099 fr. 60, TVA et débours compris, correspondant à 15 heures d’activité à 180 fr., une vacation à 120 fr. et 50 fr. de débours.
8.2
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, constitués de l’émolument de jugement, par 2'460 fr., ainsi que de l’indemnité allouée au défenseur d'office de R._, par 3'099 fr. 60, sont mis à la charge de ce dernier (art. 428 al. 1 CPP).
R._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité d'office précitée que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).
8.3
L._ et Y._ ont requis que leur soit allouée une indemnité équitable sur la base d’une note d’honoraires de laquelle il ressort que la procédure d’appel aurait occasionné 8 heures et 12 minutes d’activité à leur conseil à un tarif horaire de 350 francs et que cette durée ne comprenait pas la durée de l’audience d’appel.
Compte tenu des caractéristiques de la cause et du fait que leur conseil les avait déjà assistés en première instance, c’est une indemnité de 3'024 fr., TVA compris, qui doit être octroyée aux plaignants en application de l’art. 433 CPP. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5f0b76eb-6174-4869-a330-3f6e7132f818 | En fait :
A.
Par jugement du 11 juillet 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a constaté que Q._ s’est rendu coupable de conduite d’un véhicule automobile en état d’ébriété (taux qualifié) (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de 10 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 100 fr. (II), l’a condamné à une amende de 300 fr. et a dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l’amende sera de 3 jours (III), a suspendu l’exécution de la peine pécuniaire et a fixé au condamné un délai d’épreuve de deux ans (IV) et a mis les frais de justice, par 1'642 fr., à la charge de Q._ (V).
B.
Le 12 juillet 2013, Q._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel motivée du 7 août 2013, il a conclu, sous suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est libéré du chef d’accusation de conduite d’un véhicule automobile en état d’ébriété (taux qualifié) et exempté de toute peine.
Le 23 août 2013, le Ministère public a indiqué qu’il n’entendait pas intervenir en personne et renonçait à déposer des conclusions, le jugement étant amplement et sainement motivé s’agissant du calcul du taux d’alcool.
Par courrier du 2 octobre 2013, Q._ a sollicité une indemnité de 4'861 fr. 10 au sens de l’art. 429 CPP.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Q._ est né le 17 février 1957 à [...]. Il est marié. Le couple n’a pas d’enfant. Depuis le 1
er
janvier 2013, il est administrateur et salarié de la société O._SA qui le rémunère à hauteur de 10’000 fr. brut par mois. Son épouse travaille à temps partiel pour la même société, percevant un salaire de 1'500 fr. brut par mois. Q._ bénéficie encore d’un revenu locatif mensuel de 4'500 francs. Il ignore sa charge fiscale. Il s’acquitte de primes d’assurance-maladie pour lui-même et son épouse à hauteur de 760 fr. par mois. Il est redevable d’une contribution d’entretien pour son ex-femme d’un montant de 7'500 fr. par mois.
Son casier judiciaire ainsi que l’extrait du fichier ADMAS sont vierges de toute inscription.
2.
Le 16 janvier 2013, vers 00h30, Q._ a circulé à [...] au volant de son véhicule en état d’ébriété (taux qualifié de 0.8 g ‰).
Lors de son interpellation, la police a constaté que Q._ sentait l’alcool. Elle a dès lors procédé à deux tests à l’éthylomètre. Le premier a révélé un taux d’alcool de 0,82 g ‰ et le second un taux d’alcool de 0,86 g ‰. Une prise de sang a ensuite été exécutée et confiée à l’Institut de Chimie Clinique de Lausanne qui a déterminé une valeur moyenne de 0,80 g/kg avec un intervalle de confiance compris entre 0,80 et 0,90 g/kg (analyse du 25 janvier 2013, P. 4). | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de Q._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
3.
L’appelant ne conteste pas avoir conduit en état d’ébriété. Il conteste en revanche le taux d’alcool retenu par le premier juge, considérant en substance que le résultat de l’analyse de sang ne serait pas suffisamment précis et ne tiendrait pas compte de la marge d’erreur de 0,05 g/kg préconisée par l’Office fédéral des routes (ci-après : l’OFROU). Il estime qu’il faudrait se référer au résultat des tests à l’éthylomètre en déduisant une marge d’erreur de 20%. Le premier juge aurait ainsi dû prononcer une condamnation pour conduite en état d’ivresse simple et non qualifiée.
3.1
a)
La présomption d'innocence, qui est garantie par l'art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 du 23 mars 2010 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a ; TF 6B_18/2011 du 6 septembre 2011 c. 2.1).
b)
Selon l'art. 1 de l'ordonnance du 21 mars 2003 de l'Assemblée fédérale concernant les taux d'alcoolémie limites admis en matière de circulation routière (RS 741.13), un conducteur est réputé incapable de conduire lorsqu'il présente un taux de 0,5 ‰ ou plus ou que son organisme contient une quantité d'alcool entraînant un tel taux d'alcool (état d'ébriété). Dans une telle hypothèse, l'incapacité de conduire est admise indépendamment de toute autre preuve et du degré de tolérance individuelle à l'alcool (art. 55 al. 6 LCR). Il s'agit d'une présomption légale irréfragable (Philippe Weissenberger, Kommentar zum Strassenverkehrgesetz, Zürich/St. Gallen 2011, n. 7 ad art. 55 LCR, n. 19 ad art. 91 LCR; Yvan Jeanneret, Les dispositions pénales de la loi sur la circulation routière, Berne 2007, n. 19 ad art. 91 LCR).
Selon l'art. 55 al. 1 LCR, les conducteurs de véhicule peuvent être soumis à un alcootest. Cette disposition confère ainsi à la police le droit d'effectuer des contrôles systématiques de l'air expiré, à savoir même en l'absence d'indice d'ébriété (Message du Conseil fédéral du 31 mars 1999 concernant la modification de la LCR, FF 1999 p. 4139).
L’art. 11 OCCR (ordonnance sur le contrôle de la circulation routière du 28 mars 2007; RS 741.013) dispose que le contrôle effectué au moyen de l'éthylomètre peut avoir lieu au plus tôt 20 minutes après la dernière consommation d'alcool (al. 1 let. a). Les contrôles doivent être effectués au moyen d'éthylomètres qui permettent des mesures dans une fourchette correspondant à un taux d'alcool dans le sang de 0,10 à 3,00 pour mille (al. 2 let. b) et qui convertissent le taux d'alcool mesuré dans l'haleine (mg/l) avec un facteur de 2000 en taux d'alcool mesuré dans le sang (g/kg) (al. 2 let. c). Il y a lieu d'effectuer deux mesures. Si elles divergent de plus de 0.10 pour mille, il convient de procéder à deux nouvelles mesures. Si la différence dépasse de nouveau 0,10 pour mille et s’il y a des indices de consommation d’alcool, il y a lieu d’ordonner une analyse de sang (al. 4).
c)
L’OFROU, en exécution de l'art. 9 al. 2 OCCR, a édicté une ordonnance du 22 mai 2008 concernant l'ordonnance sur le contrôle de la circulation routière (ci-après : OOCCR-OFROU; RS 741.013.1) qui contient des dispositions d'exécution de l'OCCR (art. 1 OOCCR-OFROU). L'art. 20 de cette ordonnance dispose qu'aucune déduction ne sera faite aux valeurs mesurées à l'aide de l'éthylomètre.
En outre, l’OFROU a émis le 22 mai 2008 des « instructions concernant la constatation de l’incapacité de conduire dans la circulation routière ». Dans sa teneur au 1
er
septembre 2008, le ch. 5 de l’annexe 2 de ces instructions – qui traite des exigences requises pour les laboratoires chargés de déterminer l’alcoolémie – relève qu’il convient de déduire 0,05 g/kg aux valeurs moyennes d’alcoolémies égales ou inférieures à 1,00 g/kg. Selon cette annexe, il y a 95% de probabilité pour que la vraie valeur soit dans l’intervalle de confiance indiqué. Mais il reste 5% de probabilité pour qu’elle soit en dehors de cet intervalle. L’annexe 5 de ces instructions concerne les « Procédures Statistiques de Contrôle de Qualité Interne pour l’Analyse de l’Ethanolémie, Rapport à la Commission sur l’Alcoolémie, Mars 2000 ». Selon cette annexe, pour trouver une valeur moyenne d’éthanolémie, il faut procéder à 4 mesures, avec deux méthodes différentes. Il faut en outre s’assurer avec une probabilité d’au moins 95% que la valeur vraie de leur moyenne est comprise dans l’intervalle de plus ou moins 0,05 g/kg.
d)
Le Tribunal fédéral considère que lorsque l’analyse de sang a pu être effectuée à satisfaction scientifique, le juge ne saurait d’après le système légal lui préférer un autre moyen de preuve. La primauté de l’analyse de sang déduite de l’art. 55 al. 2 LCR signifie en particulier que le juge est tenu de respecter le cadre défini par l’analyse de sang, autrement dit les valeurs minimale et maximale d’alcoolémie qu’elle fixe. En revanche, les dispositions précitées n’imposent en elles-mêmes pas au juge de retenir l’alcoolémie la plus faible mentionnée dans l’analyse. Le droit fédéral n’interdit pas en effet au juge, du moins lorsque l’écart entre les valeurs minimale et maximale d’alcoolémie figurant dans l’analyse est large, de prendre le cas échéant en compte un autre moyen de preuve susceptible de préciser, dans le cadre défini par l’analyse, l’alcoolémie au moment déterminant (ATF 129 IV 290 c. 2.7).
3.2
En l’espèce, c’est en vain que l’appelant conteste la précision de l’analyse de sang effectuée par l’Institut de Chimie Clinique de Lausanne. Ce dernier a déterminé un taux d’alcool moyen de 0.85 g/kg, l’intervalle de confiance étant compris entre 0.80 et 0.90 g/kg. L’écart de 0.10 g/kg peut être qualifié de faible dans la mesure où l’analyse de sang a été effectuée seulement 35 minutes après l’arrestation de l’appelant. Celui-ci ne démontre d’ailleurs pas en quoi ce calcul serait imprécis.
De plus, il n’y a pas lieu de déduire une marge d’erreur de 0.05 g/kg puisque les résultats de l’analyse de sang prennent déjà en compte dans la fourchette de taux cette marge d’appréciation. Au final, le taux d’alcool retenu est la valeur inférieure de l’intervalle de confiance du taux d’alcool mesuré au moment critique, soit l’hypothèse la plus favorable pour l’appelant (cf. P. 4 p. 9). Le fait que, selon l’annexe 5 des instructions concernant la constatation de l’incapacité de conduire dans la circulation (cf. supra 3c), il y a une probabilité d’erreur de 5% n’y change rien. L’appelant ne soutient du reste pas que ces constatations violeraient les directives officielles de l’OOCCR. Les valeurs contenues dans l’analyse de l’Institut de Chimie Clinique ont dès lors été établies à satisfaction scientifique. Si l’appelant entendait contester le résultat de l’analyse de sang, il lui appartenait de demander une contre-expertise, ce qu’il n’a pas fait. De surcroît, les valeurs enregistrées par l’éthylomètre sont toutes supérieures à 0.80 g/kg et conformément à l’art. 20 OOCCR-OFROU, aucune déduction ne doit être opérée.
Dans ces circonstances, il est exclu que le taux d’alcool dans le sang de l’appelant au moment de son arrestation puisse être inférieur à la limite de 0,8 g ‰.
4.
L’appelant demande à être exempté de toute peine.
4.1
Aux termes de l’art. 91 al. 1 LCR quiconque a conduit un véhicule automobile en état d’ébriété, est puni de l’amende. La peine sera une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire lorsque le taux d’alcool est qualifié (art. 55 al. 6 LCR).
L'art. 47 al. 1 CP prévoit que la peine doit être fixée d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir. L'alinéa 2 de cette disposition énumère, de manière non limitative, une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité de l'auteur. Ces critères correspondent à ceux établis par la jurisprudence relative à l'art. 63 aCP (TF 6B_38/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
Le juge peut s’aider des recommandations de la Conférence des autorités de poursuite pénale de Suisse (ci-après : CAPS) pour exercer son pouvoir d’appréciation, mais celles-ci ne sauraient l’empêcher de se faire en toute indépendance son propre avis sur la peine qui correspond à la culpabilité du condamné et aux autres circonstances pertinentes au regard de l’art. 47 CP (TF 6B_379/2009 du 22 septembre 2009 c. 1.2 et réf. cit.).
Selon l’art. 52 CP, si la culpabilité de l’auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l’autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.
4.2
L’appelant s’est rendu coupable de conduite d’un véhicule automobile en état d’ébriété. Sa culpabilité ne peut être qualifiée de « peu importante ». Il n’a pas hésité à mettre en danger la sécurité d’autrui en conduisant son véhicule en état d’ivresse qualifiée. Malgré les résultats des deux tests à l’éthylomètre et de l’analyse de sang concluant à un taux d’alcoolémie supérieur à 0,8 g ‰, il a persisté à minimiser sa consommation d’alcool. Il n'y a pas d'élément à décharge, l'absence d'antécédent judiciaire étant un élément neutre (ATF 136 IV 1).
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la peine de dix jours-amende, vérifiée d’office en l’absence d’une conclusion prise en ce sens, prononcée par le premier juge est adéquate. Elle est en outre conforme aux recommandations de la CAPS, selon lesquelles il convient de prononcer une peine dès dix jours-amende pour un taux d’alcool dès 0,8 g ‰. La valeur du jour-amende doit être fixée à 100 fr. pour tenir compte de la situation personnelle et économique du prévenu.
5.
En définitive, l’appel de Q._ doit être rejeté et le jugement rendu le 11 juillet 2013 par le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois intégralement confirmé.
L’appelant succombant, la conclusion de l'appel tendant à l'octroi d’une indemnité selon l'art. 429 CPP en sa faveur doit être rejetée.
Vu le sort de l'appel, les frais d'appel qui se montent à 1'390 fr. (art. 422 CPP; art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de Q._ (art. 428 al. 1 CP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5f3ad4f5-b57d-4a73-a904-e3e3c8044abe | En fait :
A.
Par jugement du 26 novembre 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a pris acte du retrait de plainte de G._ et a libéré B._ du chef d’accusation de lésions corporelles simples (I), a constaté que B._ s’est rendu coupable de tentative de contrainte, de violation de domicile, de conduite d’un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l’interdiction de l’usage du permis, d’infraction à la Loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions et de contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (II), a condamné ce dernier à 300 jours de peine privative de liberté, dont à déduire un jour de détention subie avant jugement, ainsi qu’à une amende de 500 fr. (III), a dit qu’en cas de non paiement fautif de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 10 jours (IV), a ordonné la confiscation et la destruction de la drogue saisie (V), a mis les frais par 6'475 fr., non compris l’indemnité du défenseur d’office de G._, à la charge de B._ (VI) et a laissé à la charge de l’Etat l’indemnité du conseil d’office de G._ arrêtée à 1'017 fr. 85 (VII).
B.
Par annonce du 27 novembre 2013, puis déclaration motivée du 19 décembre 2013, B._ a formé appel contre ce jugement. Il a conclu, sous suite de frais et dépens, principalement à sa réforme, en ce sens qu’il est libéré de toute tentative de contrainte, violation de domicile et infraction à la LArm, qu’il est condamné à une peine pécuniaire modeste pour infraction à la LCR ainsi qu’à une amende pour la contravention à la LStup, et qu’il lui est alloué une indemnité de l’art. 429 CPP. Subsidiairement, il a conclu à l’annulation du jugement.
Par courrier du 14 janvier 2014, le Ministère public a déclaré qu’il renonçait à déposer un appel joint et qu’il s’en remettait à justice s’agissant de la recevabilité de l’appel.
Dans ses déterminations du 12 février 2014, le procureur a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le [...] 1966, B._ est ressortissant algérien, au bénéfice d’un permis C. Divorcé deux fois, il ne verse aucune pension à ses ex-épouses et vit actuellement en concubinage avec Q._. Le prévenu exerce la profession de peintre en bâtiment indépendant, activité pour laquelle il perçoit un revenu moyen net d’environ 4'000 fr. par mois. Il ne paie pas de loyer, mais participe mensuellement aux charges courantes à hauteur de 1'400 à 1'500 francs. La prime de son assurance-maladie subsidiée se monte à 60 fr. par mois et sa charge fiscale mensuelle s’élevait à 48 fr. en 2012 et à 63 fr. en 2013. Le prévenu a des dettes pour un montant de 4'000 fr. d’environ.
Son casier judiciaire mentionne les condamnations suivantes :
- 12 février 2004, Tribunal correctionnel de Lausanne, lésions corporelles simples qualifiées, 4 mois d’emprisonnement avec sursis durant 2 ans, délai d’épreuve prolongé d’un an le 16 janvier 2009, sursis non révoqué;
- 16 janvier 2009, Cour de cassation pénale à Lausanne, lésions corporelles simples qualifiées, infractions à la LCR, contravention à la LStup, 150 jours-amende à 40 fr. et 1'500 fr. d’amende;
- 19 février 2010, Juge d’instruction de l’Est vaudois, violation grave des règles de la circulation routière, 120 heures de travail d’intérêt général;
- 17 décembre 2010, Juge d’instruction de l’Est vaudois, conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait, 60 heures de travail d’intérêt général;
- 22 février 2012, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, usure, incitation à l’entrée, à la sortie ou au séjour illégal, contravention à la LStup, 90 jours-amende à 30 fr. et 300 fr. d’amende, peine partiellement complémentaire au jugement du 17 décembre 2010.
De plus, par jugement du 31 janvier 2014, B._ a été condamné à une peine privative de liberté de 6 mois ainsi qu’à une amende de 300 fr. pour lésions corporelles simples qualifiées, injure, menaces, violation de domicile et contravention à la LStup. Le prénommé a formé appel contre ce jugement.
Pour les besoins de la présente cause, B._ a été détenu à titre provisoire durant un jour.
2.
2.1
Le 9 septembre 2012, à la [...], Route des [...],B._ s’est rendu au logement de K._ et G._, a frappé à la porte et s’est immédiatement introduit dans l’appartement de ces derniers sans attendre d’y être invité. Il a ensuite réclamé à G._ l’argent que ce dernier lui devait, avant de lui arracher son sac noir en bandoulière et de le pousser, le faisant chuter de son fauteuil roulant. Le prévenu a ensuite sorti un pistolet à un coup et a posé le canon au niveau du cou de sa victime, puis sur la tempe droite de cette dernière, tout en la menaçant de mort et en continuant de lui demander de l’argent.
Selon le rapport médical du 12 mars 2013, G._ a subi une contusion palmaire de la main droite avec légère limitation à la flexion métacarpo-phalangienne de l’index droit.
Le 9 septembre 2012, G._ a déposé plainte et a pris des conclusions civiles. Par lettre du 10 octobre 2013, contresignée par le prévenu, il a retiré sa plainte.
Le 2 décembre 2012, K._ a déposé plainte sans prendre de conclusions civiles.
2.2
Le 9 septembre 2012, B._ a soustrait le scooter de son amie, Q._, et s’est rendu au logement de G._ au moyen de cet engin, alors qu’il faisait l’objet d’une mesure de retrait de son permis de conduire.
Le 10 septembre 2012, à [...], le prévenu a une nouvelle fois circulé au guidon du scooter précité.
Aucune plainte n’a été déposée pour ces faits.
2.3
Le 10 septembre 2012, [...], [...], lors de la perquisition effectuée au domicile du prévenu, la police a découvert une culture de 12 plants de chanvre destinée à la propre consommation de ce dernier. B._ a reconnu une consommation de quatre joints par semaine durant les trois mois précédents. Il a en outre consommé de la cocaïne en juin 2012. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de B._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du
27 août 2012 c. 3.1).
3.
Par une série de griefs mélangeant des contestations de faits et des moyens de droit, l’appelant conteste tout d’abord sa condamnation pour tentative de contrainte, infraction à la LArm et violation de domicile.
Il convient dès lors d’examiner les faits fondant cette condamnation (cf. c. 3.1 infra), puis la réalisation des infractions contestées (cf. c. 3.2 et 3.3 infra).
3.1
L’appelant conteste avoir fait usage de la force pour récupérer son dû et affirme qu’il subsiste un doute « immense » s’agissant des faits retenus par le premier juge, compte tenu des dernières déclarations de G._. Il ne serait en conséquence pas établi qu’il aurait été porteur d’une arme lors des faits litigieux et qu’il aurait pénétré sans droit au domicile de K._.
3.1.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
3.1.2
En l’espèce, le tribunal de première instance a apprécié correctement les preuves et n’a pas violé la présomption d’innocence, en retenant les faits litigieux, tels qu’exposés dans l’acte d’accusation. Il n’a pas ignoré les dénégations du prévenu et s’est fondé sur plusieurs éléments probatoires pour écarter la version minimaliste de ce dernier. Il s’est ainsi déclaré convaincu par la version exposée par G._ et K._ lors du dépôt de leur plainte pénale.
Cette appréciation est adéquate. Les déclarations des plaignants sont corroborées par le témoignage des deux filles de K._ (PV aud. 6, R. 5; PV aud. 8, R. 5). Par ailleurs, les explications de cette dernière ont été constantes, contrairement à celles du prévenu qui a tout d’abord déclaré qu’il n’avait pas poussé sa victime par terre (PV aud. 4, R. 6), avant de revenir sur ses déclarations devant le tribunal de police (jgt., p. 6). En outre, le retrait de la plainte (P. 26) et la version minimaliste exposée à l’audience de première instance par G._ (jgt., p. 7) sont manifestement le résultat de l’influence du prévenu, qui a d’ailleurs contresigné le retrait de plainte. Il en va de même pour le fait que l’appelant était muni d’une arme, lorsqu’il a brutalisé sa victime. A nouveau, les descriptions concordantes de l’arme faite par les plaignants durant l’enquête emportent la conviction, d’autant qu’une telle arme a été ensuite saisie au domicile de prévenu et confisquée par le bureau des armes. De plus, les filles de la plaignante ont pu observer, immédiatement après l’altercation, des marques rouges au niveau du coup et/ou du front de G._ (PV aud. 8, R. 5; PV aud. 6, R. 5). Enfin, il résulte de l’instruction également que l’appelant a pénétré sans droit dans le logement de K._, en s’y introduisant immédiatement après avoir frappé et en se montrant d’emblée menaçant (jgt., p. 16). Comme l’a retenu le premier juge, on ne comprendrait pas pourquoi, sinon, cette dernière aurait immédiatement crié, comme l’affirme l’appelant lui-même, dès qu’il est entré dans l’appartement (jgt., p. 13 in fine).
Partant, les faits retenus en première instance doivent être confirmés.
3.2
L’appelant soulève différents moyens relatifs aux éléments constitutifs objectifs et subjectifs de la tentative de contrainte. Dans la mesure où il développe son argumentation sur la base d’un état de fait qui n’est pas modifié comme il le souhaiterait, l’essentiel de ses griefs tombent à faux. Il y sera dès lors répondu succinctement.
3.2.1
Aux termes de l’art. 181 CP, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Ainsi, l’art. 181 CP prévoit alternativement trois moyens de contrainte : l’usage de la violence, la menace d’un dommage sérieux ou tout acte entravant la personne dans sa liberté d’action. La menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l’auteur, sans toutefois qu’il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 c. 2b; ATF
106 IV 125 c. 2a) ni que l’auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 c. 2a).
Il peut également y avoir contrainte lorsque l’auteur entrave sa victime « de quelque autre manière » dans sa liberté d’action; cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive; n’importe quelle pression de peu d’importance ne suffit pas; il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d’un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l’entraver d’une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d’action; il s’agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF
119 IV 301 c. 2a et les références citées).
Enfin, l’infraction de l’art. 181 CP est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (Dupuis et al., Petit Commentaire, Code pénal, Bâle 2012, nn. 35 et 36 ad art. 181 CP et les références citées).
3.2.2
En l’espèce, compte tenu des faits retenus, en particulier de la violence exercée par l’appelant en renversant la victime de sa chaise roulante et en la menaçant avec une arme, il est évident que les éléments objectifs de l’infraction sont réalisés, la contrainte apparaissant, par les moyens utilisés, clairement illicite, même si l’appelant entendait récupérer une somme d’argent que la victime lui devait. En raison de la violence exercée, l’infraction est intentionnelle. Elle est toutefois restée dans sa forme tentée, aucun argent n’ayant été remis.
C’est donc à bon droit que le premier juge a retenu que B._ s’est rendu coupable de tentative de contrainte.
3.3
L’appelant conclut également à libération de l’infraction à la LArm et de la violation de domicile, mais ne développe aucun grief spécifique hormis la contestation de fait déjà évoquée ci-dessus (cf. c. 3.1).
Dans la mesure où il est établi que le prévenu possédait illicitement une arme et qu’il s’est introduit sans droit dans l’appartement des plaignants, il doit également être reconnu coupable de ces deux infractions.
4.
L’appelant conteste la quotité et le genre de la peine infligée.
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
La peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité, les peines privatives de liberté ne devant être prononcées que lorsque l’Etat ne peut garantir d’une autre manière la sécurité publique (ATF 134 IV 97 c. 4.2.1 et 4.2.2). Lorsque tant une peine pécuniaire qu’une peine privative de liberté entrent en considération et que toutes les deux apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu, conformément au principe de la proportionnalité, d’accorder la priorité à la première, qui porte atteinte au patrimoine de l’intéressé et constitue donc une sanction plus clémente qu’une peine privative de liberté, qui l’atteint dans sa liberté personnelle (ATF 134 IV 97 c. 4.2.2; ATF 134 IV 82 c. 4.1). Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l’adéquation de la peine, de ses effets sur l’auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention (ATF 134 IV 97 c. 4.2; ATF 134 IV 82 c. 4.1).
4.2
En l’espèce, la culpabilité de B._ est importante. A charge, il faut retenir le concours d’infractions de nature très différentes. L’agression est veule, dès lors que l’appelant s’en est pris à un handicapé de manière brutale. Les infractions à la LCR ne sont en outre pas anodines. Les antécédents de violence de l’appelant, à savoir les deux condamnations pour lésions corporelles simples qualifiées, montrent une propension inquiétante et le constat du premier juge à cet égard est pertinent, étant rappelé que l’intéressé fait actuellement encore l’objet d’une procédure pénale pour ce même type d’actes délictueux. En outre, l’attitude de l’appelant, rejetant la faute sur les autres et banalisant son comportement, montre une absence totale de prise de conscience. Enfin, il n’y a aucune circonstance atténuante, le retrait de plainte étant notamment le résultat de l’influence du prévenu.
Au vu de ces circonstances, une peine privative de liberté est nécessaire pour des motifs de prévention spéciale. Les peines antérieures, à savoir les peines pécuniaires, les travaux d’intérêt général et les peines d’emprisonnement avec sursis, n’ont eu aucun effet sur l’appelant, celui-ci continuant à récidiver dans les mêmes domaines d’infractions (violence, circulation routière et stupéfiants).
Il résulte de ces éléments que la peine prononcée en première instance est adéquate. Elle doit dès lors être confirmée.
Pour le surplus, le pronostic à poser quant au comportement futur de l’appelant est défavorable, de sorte que ce dernier ne saurait bénéficier du sursis, ce qui n’est au demeurant pas contesté.
5.
En définitive, l’appel de B._ doit être rejeté et le jugement entrepris entièrement confirmé.
6.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, constitués du seul émolument d’arrêt, par 1’610 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), sont mis à la charge de l’appelant (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5f4dce2f-504c-4471-9b69-d5d48875884d | En fait :
A.
Par jugement du 4 mai 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a condamné M._, pour faux témoignage, à une peine de trente jours-amende de 150 fr. (cent cinquante francs), avec sursis pendant trois ans (I), dit que M._ doit immédiat paiement à A.Z._ et B.Z._, créanciers solidaires, de la somme de 4'500 fr. (quatre mille cinq cents francs) à titre de dépens pénaux et rejeté les conclusions de A.Z._ et B.Z._ pour le surplus (II). Les frais, arrêtés à 1'675 fr., ont été mis à la charge de M._ (III).
B.
Contre ce jugement, M._ a, par l'intermédiaire de son mandataire, déposé une annonce d'appel le 5 mai 2011, puis une déclaration d'appel motivée le 27 mai suivant, concluant à la réforme, respectivement à l'annulation, du jugement entrepris en ce sens qu'elle est entièrement libérée des charges dirigées contre elle, à ce que les frais sont laissés à la charge de l'Etat et à ce qu'une indemnité de première et deuxième instance lui est allouée. A titre de moyens de preuve, elle a requis l'audition de six témoins, ainsi qu'une inspection locale.
Par lettre du 3 juin 2011, le Ministère public a renoncé à déposer une demande de non-entrée en matière ou à déclarer un appel joint et s'en est remis à justice.
Le 6 juin 2011, l'appelante a remis en cause la régularité de la pièce adressée le 24 décembre 2009 au Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois par le mandataire des plaignants (pièce no 9/2). Ladite pièce est une facture détaillée adressée à W._ par [...] pour les appels effectués à l'aide de son natel ( [...] durant le mois d'avril 2009. Par ce même courrier, elle a requis la production en mains de [...] de la copie des factures détaillées adressées à A.L._ pour les mois d'avril et décembre 2009, relatives au numéro d'appel [...], ainsi que d'une lettre adressée par [...] à A.L._ le 28 février 2011.
Par lettre du 21 juin 2011, dont une copie a été adressée au mandataire des plaignants et au Ministère public, le Président de la cour de céans a rejeté les réquisitions de preuve de l'appelante. Il a aussi refusé d'ordonner la production des pièces complémentaires requises le 6 juin 2011, dès lors que rien ne permettait de mettre en doute la valeur probante du décompte [...] d'avril 2009 figurant au dossier (pièce 9/2) et que l'appelante n'exposait ni en quoi la production des autres pièces serait pertinente, ni pourquoi cette production n'avait pas été requise antérieurement.
Le 8 septembre 2011, les parties ont été informées de la composition de la cour.
Par fax du 9 septembre 2011, M._ a produit la copie de la lettre adressée par [...] à A.L._ le 28 février 2011. Cette missive indique que les décomptes détaillés ne sont adressés qu'au titulaire du contrat et à l'adresse contractuelle; elle l'invite à rechercher des explications sur la manière dont la partie adverse est parvenue à se procurer une telle pièce.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
M._, née en 1962 et mère d'un fils de douze ans, est veuve. Devant l'autorité de céans, l'appelante a indiqué avoir réduit son taux d'activité à 90 % et gagner un salaire mensuel net de 5'600 fr., versé treize fois. S’y ajoute une rente de veuve de 2'700 fr. par mois. Ses cotisations d’assurance-maladie s’élèvent à 519 fr. environ. Ses charges hypothécaires, y compris un prêt souscrit à titre privé, se montent à 3'300 fr. par mois. Ce montant inclut environ 400 fr. d’amortissement. L'appelante paie encore 580 fr. par mois pour le leasing de sa voiture. Pour le surplus et d'après les chiffres retenus par le premier juge (jugement p. 20) et non remis en cause par l'appelante, on retiendra que les frais d'entretien de l'enfant se montent à 600 fr. par mois, tandis que les impôts s'élèvent à 1'100 fr. par mois.
1.2
Le casier judiciaire de M._ comporte l'inscription d'une condamnation à cinq jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans, et à cinq cents francs d'amende, prononcée le 14 mars 2002 par le Juge d'instruction du Nord vaudois pour violation de secrets privés (art. 179 CP) et faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP).
2.
Au cours de l'enquête concernant un litige divisant les époux B.Z._ d'avec W._, le juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois a auditionné, le 27 juillet 2009, A.L._ en qualité de plaignant et de prévenu d'injure, menaces, et tentative de lésions corporelles. Le même jour, il a entendu Johann B.Z._ en tant que plaignant et prévenu de dénonciation calomnieuse, ainsi que G._ et A.Z._ comme plaignants. M._ s'est exprimée devant cette même autorité comme témoin le 12 août 2009.
Interpellé au sujet des événements du 16 avril 2009, A.L._ a déclaré que l'épisode de la voiture s'était bien déroulé à ladite date. Il a dit qu'il voulait partir car il avait peur de B.Z._ et de G._. Il a ajouté que, contrairement à ce qu'il avait indiqué dans sa plainte, c'était B.Z._ qui avait ouvert la portière et l'avait saisi par le bras pour le faire sortir de la voiture. Il a accéléré, et comme la porte était ouverte, la voiture a touché le portail. Il a ajouté qu'il n'avait pas roulé en direction des deux plaignants. Pour le surplus, il a confirmé avoir demandé à "
une personne"
d'être présente; il s'est engagé à en fournir les coordonnées. Interpellés à leur tour, les Sieurs G._ et B.Z._ ont indiqué que A.L._ leur avait foncé dessus avec sa voiture, et que le véhicule avait heurté le portail au niveau de l'aile gauche, puis de la portière (procès-verbal d'audition du 27 juillet 2009; pièce no 1).
Après avoir été exhortée à dire la vérité et rendue attentive aux conséquences pénales d'un faux témoignage, M._ a indiqué qu'elle connaissait les problèmes que rencontrait A.L._ avec la famille B.Z._ et qu'elle lui avait proposé son aide en cas de besoin. Elle a ensuite raconté que, le 16 avril 2009 vers 8 h 30, W._ lui avait téléphoné pour lui demander de se rendre devant la propriété des époux B.Z._, car cela se passait mal pour lui. Il s'était enfermé dans les toilettes. Descendue sur les lieux en voiture, M._ s'est parquée à proximité. Elle a déclaré que, ayant regardé à travers le portail, elle avait vu A.L._ monter dans sa voiture et faire marche arrière afin de pouvoir partir, qu'il s'était s'arrêté pour laisser le portail s'ouvrir, que, à ce moment-là, un homme aux cheveux blancs était arrivé en courant depuis la droite, tandis qu'un autre homme, qui se trouvait à droite de la maison, avait crié :
"Attrape-le; ne le laisse pas partir".
L'homme aux cheveux blancs avait ouvert la portière, saisi W._ par le bras et tenté de le sortir de la voiture. Pour lui échapper, A.L._ avait démarré et avait heurté le portail avec la portière encore ouverte, ainsi qu'avec l'aile gauche de son véhicule. A.L._ avait ensuite tourné à droite pour descendre en direction de [...].M._ a ajouté avoir repris sa voiture et l'avoir suivi. Répondant au Juge d'instruction, elle a précisé que quand A.L._ avait démarré, les deux hommes ne se trouvaient pas devant sa voiture mais "[...]
dans les positions décrites ci-dessus
[...]". Elle a indiqué avoir retrouvé A.L._ à la Coop de [...] où il lui avait paru fortement sous le coup de l'émotion, et précisé avoir eu l'impression que c'était A.L._ qui se faisait agresser et non l'inverse (procès-verbal d'audition du 12 août 2009; pièce no 2).
3.
Par courriers des 5 et 6 novembre 2009, les époux B.Z._ ont porté plainte contre M._ pour faux témoignage. Ils ont fait valoir que M._ n'avait pas été appelée par A.L._ le 19 avril 2009 à 8 h30 et qu'elle ne s'était pas rendue chez eux, comme elle l'avait prétendu. A l'appui de leur plainte, ils ont produit, le 24 décembre 2009, la facture détaillée établie par [...] concernant les appels passés en avril 2009 par le [...], attribué à A.L._ (pièce no 9/2). Il en ressort que M._ (natel no [...]) n'a pas été appelée par le prénommé le 16 avril 2009.
3.1
Auditionnée le 6 janvier 2010 par le juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois, cette fois dans le cadre de l'enquête instruite contre elle, M._ a maintenu les déclarations faites le 12 août 2009. Elle a ajouté qu'elle serait de toute façon passée chez les époux B.Z._ voir ce qu'il se passait, car elle était inquiète pour son ami. Elle a relaté que A.L._ lui avait téléphoné, le 16 avril 2009, vers 8 h 30, alors qu'elle se trouvait chez elle et s'apprêtait à descendre à [...] pour amener son enfant à [...] chez les W._ Elle n'a pas pu préciser si elle avait reçu cet appel sur son téléphone fixe ou sur son natel ( [...]), ni même indiquer à partir quel appareil elle avait été appelée. Il lui a semblé possible que ce fût avec le talkie-walkie de son fils, car cet appareil fonctionne sur un rayon de 8 kilomètres. Au sujet de la propriété des époux B.Z._, elle a noté que l'on pouvait voir à travers le portail qui était composé d'un grillage dans lequel étaient entrelacés des bambous. Elle se trouvait en aval de ce portail, à gauche en le regardant depuis l'extérieur; elle n'a pas eu à se déplacer lorsque celui-ci s'est ouvert. Elle a vu la voiture s'engouffrer et toucher le portail, ce qui a provoqué une griffure sur le côté
"droit"
du véhicule. Ayant repris le volant, elle a suivi A.L._ en lui faisant des appels de phares, car ils avaient convenu de se retrouver (procès-verbal d'audition du 6 janvier 2010; pièce no 4).
Entendu le même jour, A.L._ a exposé que, le 16 avril 2009, lorsqu'il est parti avec sa voiture, il avait vu que M._ le suivait, et qu'elle lui faisait des appels de phares. Il ne l'avait pas aperçue avant de monter dans sa voiture, pas davantage en sortant de la propriété des époux B.Z._. Il s'est arrêté et ils ont échangé quelques propos : M._ lui a fait savoir qu'elle avait assisté à la scène. Pour le surplus, il a confirmé avoir téléphoné à M._ le 16 avril 2009, vers 8 h 30, alors qu'il s'était enfermé dans les toilettes. Il n'a pas pu préciser s'il l'avait appelée sur son natel ou sur son téléphone fixe. Il a indiqué l'avoir appelée au moyen de son natel no [...], bien qu'il soit possible qu'il ait utilisé le téléphone portable de son fils, [...]. Il a précisé ne pas avoir téléphoné à d'autres personnes ce matin-là. Au sujet de la propriété des époux B.Z._, il a expliqué qu'on pouvait voir à travers le portail, qui était fait de lattis en paille peu serrée. Il a ajouté qu'on pouvait aussi voir ce qui se passait dans la cour si l'on se trouvait entre le mur et le portail (procès-verbal d'audition du 6 janvier 2010, pièce no 3). Auditionné une nouvelle fois le 17 février 2010, A.L._ a confirmé avoir appelé M._ le 16 avril 2009, vers 8 heures 30. Il a précisé qu'il avait peut-être utilisé le talkie-walkie de M._ pour effectuer cet appel (procès-verbal d'audition du 17 février 2010; pièce no 5).
Le témoignage des policiers [...] de la police intercommunale de [...], a été consigné dans un procès-verbal d'audition du 2 septembre 2010. Ceux-ci ont indiqué qu'ils étaient intervenus le 16 avril 2009 chez les époux B.Z._, à Lutry. A leur arrivée, A.Z._ et B.Z._, qui étaient en compagnie d'un ami, leur ont expliqué qu'ils avaient un problème avec leur jardinier, dont les services ne leur donnaient plus satisfaction et qu'ils avaient licencié. Celui-ci avait gardé les clés de leur propriété et refusait de les rendre. Les policiers n'ont pas été en mesure dire s'ils avaient tenté de joindre A.L._ sur son natel ce jour-là, leurs souvenirs étant anciens et le journal de police ne contenant pas cette information. A.Z._ et B.Z._ n'ont pas dit aux policiers que leur jardinier leur avait foncé dessus avec sa voiture; ils semblaient plutôt calmes (pièce no 6).
3.2
Par lettre du 23 juillet 2010, M._ a fourni quelques indications complémentaires : les relations entre les époux B.Z._ et A.L._ s'étaient dégradées depuis quelques semaines et elle était inquiète pour ce dernier. Le soir du 15 avril 2009, il avait été prévu qu'elle se rende le lendemain sur le lieu de travail de A.L._. Celui-ci avait été menacé et craignait de se rendre seul dans la propriété des époux B.Z._, à [...]. Vu
"l'affolement de cette matinée-là"
, elle ne sait plus de quelle manière elle a été contactée, mais elle assure s'être rendue sur place pour voir si A.L._ allait bien. A titre de moyen de preuve, elle a produit l'amende de stationnement qui lui a été infligée lorsqu'elle a
"escorté"
A.L._ chez lui (pièce no 18). Cette pièce mentionne l'adresse de A.L._ ( [...]).
3.3
Aux cours des débats de première instance, M._ a confirmé
avoir été appelée au téléphone le 16 avril 2009 au matin par G._, mais n'était toujours pas en mesure de préciser si elle avait reçu cet appel sur son portable ou sur sa ligne fixe. Elle a ajouté que si elle avait parlé de talkie-walkie devant le juge d'instruction, c'était pour faire l'inventaire de toutes les possibilités. Toutefois, à l'instant où elle s'exprimait, elle aurait eu
"tendance à exclure cette possibilité"
, étant donné que les Fernandes disposaient de plusieurs natels. Pour le surplus, elle a exposé que A.L._ avait quitté la propriété des époux B.Z._ au volant de son véhicule et qu'elle l'avait suivi en faisant des appels de phares, qu'ils s'étaient arrêtés sur le parking de la Coop de [...] où ils avaient discuté. Comme A.L._ n'était pas en état de continuer à conduire, elle l'avait ramené chez lui (procès-verbal d'audience du 4 mai 2011, pp. 4 et 5).
3.4
Le premier juge a retenu que M._ s'était rendue coupable de faux témoignage en déclarant faussement devant la justice avoir été appelée par A.L._ le 16 avril 2009, vers 8 h 30, et s'être rendue, suite à cet appel, chez les époux B.Z._ où elle aurait vu deux hommes s'en prendre à A.L._ avant que celui-ci ne parvienne à leur échapper.
3.5
Interpellée par l'autorité de céans, l'appelante a confirmé les déclarations faites en première instance; elle a précisé que les circonstances du cas d'espèce s'étaient bien déroulées comme elle l'avait raconté (procès-verbal, p. 3).
4.
La cour de céans retient qu'ayant été appelée, le 12 août 2009, à témoigner devant le Juge d'instruction dans le cadre d'une enquête dirigée contre A.L._, M._ a fait de fausses déclarations sur les faits de la cause. | En droit :
1.
Déposé à temps et contenant des conclusions suffisantes, l'appel est recevable (art. 399 al.1 et 3 CPP; Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0).
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L’appelante plaide la violation du principe de l’accusation et du droit d’être entendu, au motif que l’ordonnance du 6 décembre 2010 par laquelle elle a été renvoyée devant le Tribunal de police comme accusée de faux témoignage ne remet en cause que la réception de l'appel téléphonique, et non pas sa présence sur place.
3.1
Composante du droit d'être entendu, le principe de l'accusation implique que le prévenu connaisse exactement les faits qui lui sont imputés ainsi que les peines et mesures auxquelles il s'expose, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense. Il n'empêche pas l'autorité de jugement de s'écarter de l'état de fait ou de la qualification juridique retenue dans la décision de renvoi ou l'acte d'accusation, à condition toutefois que les droits de la défense soient respectés. Si l'accusé est condamné pour une autre infraction que celle visée dans la décision de renvoi ou l'acte d'accusation, il faut examiner s'il pouvait, eu égard à l'ensemble des circonstances d'espèce, s'attendre à cette nouvelle qualification juridique des faits, auquel cas il n'y a pas violation de ses droits de défense. L'art. 6 § 3 let. a CEDH n'offre pas une protection plus étendue que celle que l'on peut déjà déduire de l'art. 29 al. 2 Cst (TF du 14 juillet 2006 6S_177/2006, c.2 et la jurisprudence citée).
3.2
En l'espèce, l'ordonnance de renvoi ne remet pas en cause la présence de M._ sur place le 16 avril 2009, mais uniquement la réception du téléphone. Cela n'est cependant pas décisif. En effet, ce dernier élément suffit à démontrer que l'intéressée a menti à la justice sur les faits de la cause, ce qui réalise l'infraction à l'art. 307 al.1 CP pour laquelle elle a été renvoyée dans la présente procédure. M._ a donc pu, en dépit de cette différence d'état de fait, faire valoir ses arguments et préparer efficacement sa défense. Elle ne s'est ainsi pas trouvée dans le cas de celui qui se voit condamner pour une autre infraction que celle visée dans la décision de renvoi ou l'acte d'accusation, et qui ne pouvait pas, eu égard à l'ensemble des circonstances d'espèce, s'attendre à cette nouvelle qualification juridique des faits. Les droits de la défense ayant été respectés, l'autorité de jugement n'a pas violé les règles constitutionnelles en s'écartant de l'état de fait retenu dans la décision de renvoi (ATF 126 I 19 c,. 2 d/bb, p. 24), de sorte que jugement entrepris n'est pas critiquable sur ce point.
4.
M._ fait valoir que les éléments recueillis en cours d'enquête et devant l'autorité de première instance n'ont pas permis d'établir à satisfaction de droit qu'elle avait menti au sujet de sa présence sur les lieux et au sujet de l'appel téléphonique reçu le 16 avril 2009. A ses yeux, c'est donc à tort que le premier juge ne l'a pas libérée au bénéfice du doute.
La présomption d’innocence, qui est garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al.1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF du 25 mars 2010 6B_831/2009, c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 2c; TF 6B_831/2009, précité, c.2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s'agir de doutes importants et irréductibles, qui s'imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38, c. 2a).
Trancher la question ici litigieuse de savoir si l'appelante s'est rendue coupable de faux témoignage revient à se demander si elle a ou non inventé ou travesti son récit. Le tribunal de police a répondu par l’affirmative. En pages 16 à 19 de son jugement, le tribunal a motivé en plusieurs points sa conviction. Il y a lieu d'examiner successivement les différents volets de cette motivation.
4.1
Le premier juge retient que la prévenue n'a pas été appelée par A.L._ vers 8 h 30 le 19 avril 2009. Les déclarations de l'intéressée ne lui paraissent pas fiables à ce sujet (jugement pp. 18 et 19).
Il faut constater avec le premier juge que les déclarations fluctuantes quand pas contradictoires de l’appelante ne sont pas crédibles. L'appelante se souvient très bien de ce qu’elle a vu, mais elle ne se rappelle pas si elle a reçu l’appel sur son portable, sur son fixe ou peut-être sur un talkie-walkie. Cette dernière hypothèse est
farfelue et le fait qu'elle ait été reprise dans un deuxième temps par A.L._ ne la rend pas plus crédible. Celui-ci n’en a, d'ailleurs, parlé que dans son audition du 17 février 2010 (pièce no 5), alors qu'il ressortait du relevé téléphonique du mois d'avril 2009 (pièce 9/2) qu’aucun appel n’avait été émis depuis son portable vers celui de M._ le 16 avril 2009. Au surplus, l’appelante a elle-même déclaré, notamment dans son courrier du 23 juillet 2010, qu’elle était allée spontanément sur place parce qu'elle était inquiète et parce qu'elle avait dit à A.L._ qu’elle passerait de toute façon (cf. pièce 18), ce qui sous-entend qu'il n'y a pas eu d'appel téléphonique.
4.2
Remettant en cause la réalité des faits présentés par l'appelante le 12 août 2009, le tribunal retient encore les divergences existant entre les déclarations du témoin A.L._ et celles de la prévenue quant à l'endroit où ces deux personnes se seraient retrouvées : "
[...] le témoin affirme avoir fait un premier arrêt devant le parking de la Coop de [...] où M._ l'aurait rejoint, alors que la prévenue soutient avoir rejoint le témoin sur le parking de la Coop"
(jugement, p. 18).
Ces constatations sont fondées (procès-verbal, pp. 5 et 10). On relèvera, en outre, qu'en cours de procédure, l'intéressée a fourni des versions différentes de ces faits : le 12 août 2009, elle a dit avoir retrouvé A.L._
"à la Coop de [...],
tandis qu'en audience du 4 mai 2011, elle a indiqué qu'ils s'étaient arrêtés
"sur le parking de la Coop de Lutry",
déclarations qui ont été confirmées devant la cour de céans.
4.3
Enfin, l'autorité de première instance a acquis la conviction que l'appelante ne se trouvait pas sur place et n'avait pas assisté aux événements survenus en début de matinée chez les époux B.Z._, aux motifs que :
"[...] la prévenue a prétendu avoir vu ce qui s'est passé en regardant à travers portail. Or [...] sur la base des témoignages concordants recueillis en cours d'enquête et aux débats, on pouvait voir à travers le portail. Dans ces conditions, la prévenue devait être visible pour toute personne sortant de la propriété B.Z._ par le portail. Or ni devant le juge d'instruction, ni aux débats, le témoin A.L._ n'a déclaré avoir vu la prévenue. Il ne l'aurait aperçue qu'ensuite, alors même qu'elle le suivait en voiture [...]" (jugement, p. 18).
Il apparaît, d'après les indications concordantes recueillies en cours de procédure, qu'on pouvait voir à travers le portail de la propriété des époux B.Z._. Dans ces conditions, on ne s'explique pas pourquoi personne, pas A.L._ le 6 janvier 2010 (pièce no 3), pas davantage G._ (procès-verbal d'audience du 4 mai 2011, p. 8), n'a été aperçu l’appelante en sortant de la propriété des époux B.Z._. C'est un indice de plus qu'elle ne se trouvait pas sur les lieux.
Au demeurant, d'après le procès-verbal d’audition du 27 juillet 2009 A.L._, accusé d’injure, de menaces et de tentative de lésions corporelles, n'a lui-même déposé plainte que pour dénonciation calomnieuse. Cela paraît incompatible avec ce qu'a prétendu ce même A.L._ le 27 juillet 2009 (pièce no 1) et ce que l’appelante soutient avoir vu : un homme aurait ouvert la portière et aurait saisi A.L._ par le bras pour tenter de le faire sortir de sa voiture. Pour y échapper, A.L._ aurait accéléré et aurait heurté le portail de la propriété en griffant sa voiture (pièce no 2). Il aurait ensuite tourné et pris la direction d' [...]. Le prénommé et l'appelante se seraient ensuite retrouvés; ils auraient échangé des propos. A.L._ aurait été si choqué qu'il n'était plus en état de conduire et l'appelante l'aurait ramené chez lui. Les faits ne se sont pas déroulés de cette façon. Dans le cas contraire, on comprendrait mal pourquoi A.L._ se serait contenté de déposer une plainte pour dénonciation calomnieuse.
Il ressort du journal de police de la police intercommunale de [...] que les époux B.Z._ ont appelé la police à 8h49 (pièce no 19). Or, on n’imagine pas qu’ils l’aient fait aussi promptement s’ils avaient quelque violence que ce soit à se reprocher à l’encontre de leur ancien jardinier.
On s'étonne, enfin, que lors de son audition du 27 juillet 2009, A.L._ n’ait pas donné immédiatement les coordonnées de l’appelante. Il l’aurait à l’évidence fait d’emblée si cette dernière s'était trouvée sur place comme allégué cela afin qu'elle puisse lui servir ultérieurement de témoin.
On retiendra avec le premier juge que l'appelante ne se trouvait pas devant la propriété des époux B.Z._ le 16 avril 2009, vers 8h30, et qu'elle n'a donc pas pu avoir assisté à la scène qu'elle dit avoir vue à travers le portail. C'est d'ailleurs en vain que M._ tente prouver le contraire en produisant une copie de l'amende qui lui a été infligée ce 16 avril 1009, lorsqu'elle a escorté A.L._ chez lui (pièce no 19). En effet, cette pièce, libellée à l'adresse de A.L._ ( [...]), prouve que la voiture de M._ se trouvait parquée devant le domicile de son ami lorsqu'elle a été verbalisée; elle n'étaye pas les faits allégués le 12 août 2009.
4.4
Il résulte de ce qui précède que le raisonnement du premier juge échappe à la critique et que la constatation des faits n'est ni incomplète ni erronée.
5.
L'appel doit donc être rejeté en tant qu'il remet en cause l'état de fait du premier juge. C'est à juste titre que l'appelante a été condamnée pour infraction à l'art. 307 al. 1 CP.
6.
6.1
La peine prononcée (30 jours-amende avec sursis pendant trois ans) dans sa nature et sa quotité, est adéquate au regard de l'infraction commise (violation de l'art. 307 al.1 CP), de la culpabilité de l’appelante et de sa situation personnelle. Elle ne relève ni d’un abus ni d’un excès du pouvoir d’appréciation dont jouit l’autorité de première instance, laquelle n’a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l’art. 47 CP. Sa quotité n'est, du reste, pas contestée de manière générale.
6.2
La valeur du jour-amende n'a pas été remise en cause. La cour de céans pourrait donc renoncer à examiner ce volet du litige (art. 404 CPP). Or, le jugement entrepris n'est pas non plus critiquable sur cet aspect. Pour fixer la valeur du jour-amende (art. 34 al. 2 CP), il faut prendre en compte le revenu réalisé au moment du jugement, soit le salaire mensuel net plus la rente de veuve (Message 1998, p. 1825), ce qui fait un total de 8'300 fr. (5'600 + 2'700), selon les chiffres confirmés devant la cour de céans. De ce revenu, on déduit les primes d'assurance-maladie (519 fr.), ainsi que le montant dû pour les impôts (1'100 fr.) et les frais d'entretien de base de l'enfant (600 fr. par mois). Les frais hypothécaires, les dettes privées et les frais de logement ne sont en principe pas pris en compte (TF du 18 mars 2008 6B_366/2007, c. 6.4). Dans ces conditions, la valeur du jour-amende est de [(8'300 fr.-2'219 fr.)/30], ce qui donne un montant plus élevé que celui de 150 francs retenu dans le jugement entrepris, le premier juge ayant déduit à tort les frais de logement.
7.
C'est également à juste titre que le premier juge a mis les frais de justice à la charge de la prévenue condamnée (art. 426 al.1 CPP).
8.
En définitive, l'appel apparaît mal fondé et doit être rejeté aux frais de son auteur (art. 428 al.1 CPP; art. 20 et 21 TFJP, tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.01), qui paiera en outre à B.Z._ et A.Z._, créanciers solidaires, la somme de 2'268 fr., TVA comprise, à titre de dépens pour la procédure d'appel (art. 433 al.1 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5f824be5-cbea-4a66-baf0-22de44dddcbb | En fait :
A.
Par jugement du 5 mars 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a constaté qu’O._ s’est rendue coupable de vol (I), l’a condamnée à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr., avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu’à une amende de 120 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l’amende étant de 12 jours (II), a constatée qu’A._ s’est rendue coupable de vol (III), l’a condamnée à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr., avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu’à une amende de 120 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l’amende étant de 12 jours (IV), et a mis les frais de procédure, arrêtés à 1'100 fr., par moitié à la charge d’O._ et par moitié à la charge d’A._ (V).
B.
Par déclarations séparées du 3 avril 2014, O._ et A._ ont formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de dépens, à leur acquittement, les frais de première instance étant laissés à la charge de l’Etat.
A l’audience d’appel, le Ministère public a conclu au rejet des appels et à la confirmation du jugement entrepris.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
O._ est née le [...] 1995 à [...] au Kosovo, pays dont elle est originaire. Cadette d’une famille de quatre enfants, elle est arrivée en Suisse à l’âge de deux mois et est titulaire d’un permis C. La prévenue a suivi sa scolarité obligatoire à [...] et [...], qu’elle a terminée en 2010 en voie VSO. Elle n’a toutefois pas obtenu de certificat de fin d’études et a quitté l’école avec une attestation uniquement. Par la suite, elle a travaillé pendant deux mois comme aide-cuisinière chez [...] à [...], puis durant trois mois au magasin [...] à Morges. Actuellement, elle est à la recherche d’un emploi dans la vente. Elle n’a aucune source de revenu et ne touche plus l’aide sociale. Elle est mariée à [...], avec qui elle partage un logement situé dans le même immeuble que ses parents. Le couple attend son premier enfant. Les parents de la prévenue s’acquittent de sa prime d’assurance-maladie qui s’élève à 392 francs. Cette dernière ne paie pas d’impôts. Elle n’a ni dette, ni poursuite, ni économies. L’extrait du casier judiciaire suisse la concernant ne comporte aucune inscription.
A._ est née le [...] 1994 à [...] au Kosovo, pays dont elle est originaire. Elle est arrivée en Suisse avec ses parents et ses quatre sœurs alors qu’elle était âgée de deux mois. Célibataire, elle bénéficie d’un permis C. Elle a grandi à [...], [...], puis [...] où elle a suivi sa scolarité obligatoire et obtenu une attestation en voie VSO en 2009. Elle a passé l’année 2010 sans rien faire, avant de suivre les cours au SEMO durant une année. Elle a ensuite entamé un apprentissage de vendeuse en laiterie, mais a mis un terme à cette formation en raison des trajets qui étaient trop longs. Actuellement, elle est à la recherche d’un emploi. Elle perçoit l’aide sociale à concurrence d’environ 750 fr. par mois. Elle vit avec ses parents auxquels elle verse mensuellement 220 fr. pour les frais de logement et de nourriture. Sa prime d’assurance-maladie s’élève à environ 300 fr. par mois. Elle ne paie pas d’impôts. L’extrait de son casier judiciaire suisse est vierge de toute inscription.
2.
A Morges, rue [...], à la hauteur du kiosque [...], le jeudi 11 mars 2013, à 15h30, O._ et A._, après avoir bousculé B._, lui ont dérobé son porte-monnaie, qui se trouvait dans la poche avant droite de son jeans. Ce porte-monnaie a été retrouvé dans une poubelle à proximité et restitué à son propriétaire. Rien ne manquait à l’intérieur.
B._ a déposé plainte le même jour. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels d’O._ et A._ sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
Les deux appelantes soutiennent que le premier juge ne disposait pas d’éléments probants suffisants pour les condamner. Les éléments chronologiques, tels qu’exposés dans le jugement entrepris, prouveraient au contraire l’impossibilité pour elles d’avoir participé au délit reproché. En effet, la différence de quelques minutes entre l’heure donnée par le plaignant pour la commission du vol et l’heure attestée du retrait au bancomat ne leur laisserait pas matériellement la possibilité de commettre l’infraction. L’autorité de première instance n’aurait, dans ces circonstances, pas respecté le principe de la présomption d’innocence. En outre, le plaignant ne les aurait pas vues prendre son porte-monnaie, de sorte qu’il subsisterait un doute insurmontable devant leur profiter.
3.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2).
3.2
En l’espèce, le premier juge n’a ignoré aucune des circonstances factuelles alléguées par les appelantes et les a appréciées correctement. Quoi qu’elles disent, les appelantes avaient effectivement le temps d’accomplir le vol retenu à leur encontre. D’abord, les deux données temporelles objectives sont représentées par l’heure de la transaction par le plaignant à la poste (15h25, cf. P. 14) et l’heure du retrait au bancomat par O._ (entre 15h33m23s et 15h34m24s, cf. P. 26). Compte tenu des distances à parcourir, entre 250 et 350 mètres (P. 23), le laps de temps entre ces deux transactions permettait tout à fait aux prévenues de soustraire le porte-monnaie du plaignant. En outre, comme l’a retenu le premier juge, il n’est de toute manière pas certain que les heures indiquées sur les différentes pièces soient parfaitement synchronisées et même si tel était le cas, l’appréciation ne s’en trouverait pas modifiée.
Rien dans les circonstances temporelles ne permet donc de relativiser la valeur probante de l’identification des prévenues par le plaignant, qui, après avoir donné un signalement précis de celles-ci, les a reconnues formellement.
Il n’a donc eu aucune violation de la présomption d’innocence et le premier juge a apprécié correctement les preuves.
4.
L’appelante A._ conteste encore que la preuve d’une intention délictuelle la concernant ait été rapportée. Elle se serait bornée à accompagner sa cousine lors d’activités parfaitement ordinaires. Si elle avait effectivement dérobé un porte-monnaie, elle se serait appropriée son contenu, compte tenu de sa situation financière difficile.
4.1
4.1.1
Est un coauteur celui qui collabore intentionnellement et de manière déterminante avec d'autres personnes dans la décision de commettre une infraction, dans son organisation ou son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux. La coactivité suppose donc une décision commune soit expresse, soit résultant d'actes concluants. Le coauteur doit réellement s'associer soit à la décision, soit à la réalisation, dans des conditions et dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal. Il faut que le coauteur ait une certaine maîtrise des opérations et que son rôle soit plus ou moins indispensable (ATF 120 IV 17 c. 2d). Ainsi, la contribution du participant principal est essentielle au point que l'exécution ou la non-exécution de l'infraction considérée en dépende (ATF 120 IV 265 c. 2c).
4.1.2
Se rend coupable de vol celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier (art. 139 ch. 1 CP). Pour que la soustraction d'une chose mobilière appartenant à autrui constitue un vol, il faut que l'auteur ait agi intentionnellement, dans le dessein de s'approprier cette chose et dans celui de se procurer ainsi, ou de procurer à autrui, un enrichissement illégitime.
L’art. 172ter CP prévoit que si l’acte ne visait qu’un élément patrimonial de faible valeur ou un dommage de moindre importance, l’auteur sera, sur plainte, puni d’une amende. Un élément patrimonial est de faible valeur au sens de cette dernière disposition s’il ne dépasse pas 300 francs. Le critère déterminant est l’intention de l’auteur, non pas son résultat. Dans le cas d’un vol à la tire lors duquel l’auteur ignore le contenu de ce qu’il va voler, il faut considérer, en l’absence d’indices contraires, que l’auteur agit tout au moins avec le dol éventuel d’obtenir un butin supérieur à 300 francs. Ce n’est que dans l’hypothèse où il subtilise un objet déterminé ou lorsqu’il a clairement vu la somme mise en poche que l’on appliquera l’art. 172
ter
CP (ATF 123 IV 155, JdT1998 IV 170 c. 1b).
4.2
En l’espèce, à supposer que le grief formulé signifie que l’appelante conteste avoir participé à un vol qui aurait peut-être été commis par sa coaccusée, il faut objecter que le
modus operandi
du vol supposait une concertation des prévenues pour bousculer le plaignant et lui subtiliser son bien, de sorte que le déroulement des faits démontre une coaction.
Quant au fait que finalement rien n’a été pris dans le porte-monnaie, il peut être interprété de différentes manières. Il ne contenait en effet que 2 fr. 75 et des documents, dont une carte bancaire et trois cartes de crédit (P. 5). Pour s’enrichir, les prévenues auraient donc dû faire usage frauduleusement des cartes de crédit, ce qui aurait réalisé une infraction supplémentaire, soit celle d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur, au sens de l’art. 147 CP. Il n’en demeure pas moins qu’elles ont soustrait le porte-monnaie pour se procurer un enrichissement illégitime. Par ailleurs, elles ont été en possession de ce porte-monnaie à compter de sa soustraction jusqu’au moment où elles l’ont jeté. Enfin, elles ignoraient son contenu, de sorte qu’il faut considérer qu’elles visaient un butin supérieur à 300 francs. Tous les éléments constitutifs de l’art. 139 ch. 1 CP sont par conséquent réunis.
5.
C’est donc à bon droit que le premier juge a condamné O._ et A._ pour vol.
6.
Les appelantes ne contestent pas la peine en tant que telle. Examinée d’office, la Cour de céans considère qu’au regard des éléments à charge et à décharge retenus par le tribunal de police, les peines pécuniaires infligées répriment adéquatement les agissements des prévenues. Elles doivent donc être confirmées. Il en va de même des amendes prononcées à titre de sanction immédiate. Au surplus, en l’absence d’un pronostic défavorable, les peines pécuniaires doivent être assorties du sursis pendant deux ans.
7.
En définitive, les appels d’O._ et A._ doivent être rejetés et le jugement entrepris intégralement confirmé.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, constitués de l’émolument d’arrêt, par 1’280 fr., doivent être mis par moitié à la charge d’O._ et par moitié à la charge d’A._. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5f90f5b0-4b11-4ec8-a530-441a9208bdb6 | En fait :
A.
Par jugement du 11 août 2011, le Tribunal des Mineurs a constaté que Y._ s'était rendu coupable de lésions corporelles simples, vol, vol en bande, brigandage, brigandage en bande, tentative de brigandage en bande, brigandage qualifié, brigandage en bande qualifié, dommages à la propriété, utilisation frauduleuse d'un ordinateur, menaces, violation de domicile, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (I); l'a libéré des chefs d'accusation de voies de fait, tentative de vol, tentative de brigandage, injure (II); l'a condamné à une peine d'un an de privation de liberté ferme sous déduction de quarante jours de détention avant jugement (III); a ordonné le traitement ambulatoire d'Y._, sous forme d'un suivi psychothérapeutique et médical (traitement médicamenteux) jusqu'à décision contraire du médecin traitant (IV); a dit qu'Y._ est débiteur des sommes suivantes, valeurs échues, à titre de dommages et intérêts, la solidarité avec les coauteurs étant réservée : 430 fr. en faveur de G._, partie plaignante, 258 fr. 90 en faveur de P._, partie plaignante, 8'147 fr. 35 en faveur de la Commune de Lausanne (plainte du 20 novembre 2009), partie plaignante, 15 fr. en faveur de Z._, partie plaignante (V); a dit qu'il est le débiteur de W._, partie plaignante, d'une somme de 200 fr., valeur échue, à titre d'indemnité pour tort moral et d'une somme de 429 fr., valeur échue, à titre de dommages et intérêts et a rejeté toute autre prétention pour le surplus, la solidarité avec les coauteurs étant réservée (VI); a dit qu'il est débiteur de V._, partie plaignante, d'une somme de 500 fr., valeur échue, à titre d'indemnité pour tort moral, avec intérêts à 5% l'an dès le 9 janvier 2011, et d'une somme de 215 fr., valeur échue, à titre de dommages et intérêts, la solidarité avec le coauteur étant réservée (VII); a donné acte de leurs réserves civiles à la Commune de Lausanne (plainte du 14 avril 2010) et à L._, parties plaignantes (VIII); a ordonné la confiscation et la destruction des 3,6 g de marijuana et du papier ayant contenu la marchandise séquestrés (séq. n° 38/2011) ainsi que du couteau "Humbee RECON" de couleur noire séquestré (séq. n° 39/2011) (IX); a ordonné la restitution au prévenu de la batte de baseball séquestrée (séq. n° 174/2010), de la chemise noire et blanche "narcis" séquestrée (séq. n° 270/2010) et des 50 fr. 10 séquestrés (2x20 fr., 1x 10 fr.) (séq. n° 39/2011) (X); a laissé à la charge de l'Etat les frais d'entretien d'Y._ pendant ses périodes de placement à titre provisionnel au CPA de Valmont à Lausanne et au Foyer des Apprentis à Fribourg (XI); a fixé l'indemnité due à Me François Chanson, avocat, défenseur d'office du prévenu, à 5'397 fr., TVA et débours inclus (XII) et a mis à la charge du prévenu une participation de 700 fr., aux frais de justice, laissant le solde à la charge de l'Etat (XIII).
B.
En temps utile le Ministère public a interjeté appel contre ce jugement. Il a conclu au prononcé d'une peine privative de liberté de deux ans, dont un an avec sursis pendant un an.
Y._ n'a présenté ni demande de non-entrée en matière ni appel joint. Il a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Y._ est né le 12 janvier 1994 au Cameroun, où il a été élevé par ses parents jusqu'à leur séparation, intervenue en 1996, en raison d'importants conflits conjugaux. Le père malade a confié l'éducation de ses deux enfants à sa sœur, la mère n'ayant plus le droit de les approcher. En 1998, la mère du prévenu a quitté son pays pour résider successivement en France, puis en Suisse. Peu après le prononcé du divorce, elle a fait la connaissance de J._ qu'elle a épousé en 2002. Elle a finalement obtenu la garde de ses enfants qui sont arrivés en Suisse en février 2006 et se sont installés avec leur mère et leur beau-père à Aubonne. En 2007, la famille a déménagé à Lausanne dans le quartier d'Entre-Bois, où Y._ réside encore actuellement, avec sa mère qui travaille en qualité d'aide-soignante, sa sœur et son beau-père. Le prévenu a suivi sa scolarité obligatoire au Cameroun jusqu'à l'âge de treize ans puis en Suisse. Après avoir obtenu son certificat d'études secondaires, il a débuté un apprentissage de gestionnaire de commerce de détail en économie carnée à la Migros. Son comportement s'est détérioré au cours de l'été 2009, lorsqu'il a fréquenté des jeunes du quartier dont aucun n'avait de projet professionnel, avec lesquels il sortait et a commis ses premiers délits, se montant agressif et violent. Son contrat d'apprentissage a été rompu en mai 2010 compte tenu de son manque d'assiduité au travail, malgré les nombreux avertissements qui lui avaient été donnés. Au vu de la dégradation de sa situation professionnelle, des multiples récidives et séjours en détention avant jugement et afin de l'éloigner de ses mauvaises fréquentations, Y._ est retourné vivre dans sa famille au Cameroun entre le 29 mai et le 30 septembre 2010. Il y a effectué divers travaux aux champs et sur des chantiers, ainsi que de nombreuses activités avec sa famille. A son retour en Suisse le 18 octobre 2010, Y._ a provisoirement intégré le Foyer des Apprentis à Fribourg. Il a obtenu une place de préapprentissage de monteur électricien à Fribourg, où il a été un collaborateur très apprécié. Il a toutefois été renvoyé du Foyer des Apprentis le 9 mai 2011, à la suite de son interpellation par la police pour de nouveaux délits objets d'une enquête séparée pour laquelle il a été incarcéré avant jugement à la Prison de la Croisée jusqu'au 13 juin 2011. C'est au cours de cette incarcération qu'Y._ a débuté un suivi psychothérapeutique et médical (traitement médicamenteux), qu'il poursuit encore à ce jour, alors qu'il réside à nouveau chez sa mère et son beau-père. Il a débuté le 2 août 2011 un apprentissage de monteur électricien au sein d'une entreprise à Lausanne.
2.1
Le 11 juin 2009, à Lausanne, Y._, accompagné de trois comparses (déférés séparément), s'est introduit dans les vestiaires de la piscine de Mon-Repos dans le but d'y dérober des valeurs. Une pince coupante a été retrouvée dans ses affaires.
Entre le 16 et le 17 novembre 2009, Y._, en compagnie de six comparses (déférés séparément), a pénétré par effraction dans un centre de vie enfantine de la route Aloys-Fauquez à Lausanne. Un ordinateur portable de la marque "DELL", 40 fr. 85 et une petite pharmacie ont été dérobés. Y._ a précisé avoir échangé l'ordinateur contre de l'herbe qu'il a fumé avec ses acolytes.
Dans la nuit du 19 au 20 novembre 2009, à l'arrêt du TSOL "Vigie", Y._ et les six mêmes comparses que dans le cas précédant, ont brisé la vitre d'un distributeur SELECTA au moyen d'un marteau brise vitre et par jets de pierres pour y dérober des victuailles.
2.2
Entre le 24 novembre 2009 et le 14 janvier 2011, Y._, toujours accompagné de comparses, a participé à une vingtaine d'agressions, toutes commises avec violence et dans le but de dépouiller les victimes de leur téléphone portable et de leur argent. Il est à noter que l'agressivité et la violence avec lesquelles l'intimé a agi durant cette période sont allées en augmentant au fur et à mesure des agressions commises selon le même "mode opératoire", à savoir qu'un passant était accosté par l'intimé et ses comparses qui, s'il ne donnait pas immédiatement la cigarette ou l'argent demandé, se faisait menacer et rouer de coups avant d'être finalement dépouillé de son argent et de son téléphone portable.
C'est ainsi que le 24 novembre 2009 à Penthaz, alors qu'il était accompagné d'un ami, Y._ a soutiré à un passant son téléphone portable et ses écouteurs.
Le 25 novembre 2009, au Mont-sur-Lausanne, accompagné de trois amis, il a arraché son téléphone portable des mains d'un passant repéré à sa sortie du bus et à qui il a donné un coup de tête lorsque ce dernier est parvenu à récupérer son bien. Le même jour, dans l'enceinte du collège des Bergières à Lausanne, Y._ et ses mêmes comparses ont accosté S._ pour lui demander des cigarettes et son téléphone portable. Face au refus de ce dernier, le groupe s'est montré de plus en plus insistant et menaçant. Alors que l'un d'entre eux a empoigné la victime par ses vêtements, un autre a sorti un couteau et l'a approché de son coup en la menaçant. Pendant que deux de ses comparses fouillaient le sac et le porte-monnaie de la victime, Y._ la tenait par le coup et la menaçait. Le lésé s'est ensuite fait plaquer sur une table de ping-pong et a reçu des coups de pied et de poing dans le dos et à la tête, avant que Y._ s'empare de son téléphone portable découvert dans une de ses poches. Pensant que la victime pouvait être en possession de cannabis en raison du papier à rouler découvert dans sa poche, elle a à nouveau été empoignée et sommée de leur en donner. La victime a finalement été relâchée, mais Y._ a continué à la provoquer et à la menacer "de la tuer". Les comparses se sont ensuite rendus à Chauderon où ils ont échangé le téléphone portable contre du cannabis.
Le 15 décembre 2009, Y._ et ses amis ont suivi un passant qui avait refusé de leur donner de l'argent. Ils l'ont poussé dans l'entrée d'un immeuble pour lui arracher son porte-monnaie des mains et lui ont dérobé 70 fr., tout en lui donnant des coups. Le même jour, Y._ et quatre de ses amis, ont demandé de l'argent à un autre passant. Face au refus de ce dernier, Y._ a ouvert une petite poche extérieure du sac à dos de la victime et lui a pris son téléphone portable. La victime ayant tenté de récupérer son bien, Y._ et ses comparses lui ont alors asséné de nombreux coups de poing au visage avant de prendre la fuite une fois le téléphone portable récupéré et échangé contre du cannabis.
Le 16 décembre 2009, au Parc de Valency à Lausanne, Y._ et deux de ses amis ont accosté un passant qu'ils avaient précédemment aperçu dans le bus et lui ont demandé une cigarette. Face au refus de l'intéressé, Y._ et ses comparses ont commencé à le fouiller et ont découvert une bouteille de pastis dans sa veste. La situation s'est envenimée et la victime est parvenue à s'éloigner, avant de recevoir un violent coup de pied dans son dos et de dévaler trois marches d'escalier. Un des comparses lui a alors asséné un coup de poing dans la figure qui l'a fait tomber dans un buisson. La victime a alors tenté de se défendre en donnant des coups mais deux de ses agresseurs le tenaient pendant que le troisième le rouait de coups. En se débattant, il a frappé l'un d'eux au visage avec sa bouteille de pastis et s'est ensuite retrouvé au sol, roué de coups. Y._ a admis avoir asséné de nombreux coups de poing et de genou à la victime, mais uniquement après avoir lui-même reçu un premier coup. Il a formellement contesté avoir eu l'intention de lui dérober quoi que ce soit. Le contraire n'a pas été établi.
Le 20 décembre 2009, à un arrêt de bus à Pully, Y._ et trois de ses amis ont suivi un passant qui cheminait en direction de son domicile. L'un d'eux lui a demandé une cigarette qu'il a obtenue. Un autre lui a demandé 2 fr. et s'est emparé de son porte-monnaie dans sa poche arrière. Le lésé s'est ensuite fait fouiller et Y._ lui a dérobé son IPhone ainsi que des écouteurs, qui ont été vendus peu après pour la somme de 150 francs.
Le 25 décembre 2009, à la place de sport du collège des Verneys à Puidoux, Y._ et deux amis ont accosté un passant pour lui demander 2 francs. Face au refus de ce dernier, les trois comparses l'ont menacé de le frapper s'il ne leur remettait pas son porte-monnaie. La victime ayant refusé d'obtempérer, Y._ l'a alors tenue par le col pendant qu'un de ses comparses lui donnait des coups de poing au visage. La victime a également reçu un coup de pied au niveau de la hanche. Les trois comparses lui ont dérobé son porte-monnaie et se sont enfuis en direction de la gare. La victime les a suivis à distance. A l'arrivée de la police, Y._ et ses deux acolytes ont restitué le porte-monnaie à leur victime après s'être acheté de la nourriture pour 15 francs.
Le 29 janvier 2010 vers 22h, Y._ se trouvait dans le bus n° 7 à l'arrêt "Val-Vert" à Pully, en compagnie de cinq de ses amis. Alors qu'un usager que Y._ avait provoqué durant le trajet, tentait de sortir du bus, l'un des comparses lui a dérobé son porte-monnaie. La victime ayant demandé à récupérer son bien, elle a été rouée de coups de poing au visage et de coups de pied sur le reste du corps par quatre membres de la bande. Y._ a contesté avoir frappé et menacé la victime indiquant qu'après lui avoir proposé de boire, il s'était assis seul dans la remorque du bus et était resté en retrait. Le contraire n'a pas été établi.
Le 21 février 2010 à Bottens, Y._ et un de ses comparses, ont pris à partie un passant, l'ont fouillé et lui ont dérobé son téléphone portable ainsi que celui que venait de lui confier une amie qui se tenait quelques mètres plus loin. La victime est toutefois parvenue à récupérer les deux appareils, retrouvés peu après avec l'aide d'autres jeunes du village dans le sac de Y._.
Le 13 mars 2010, alors qu'il se trouvait au foyer Home-Chez-Nous au Mont-sur-Lausanne, Y._ a provoqué et menacé un éducateur du foyer, ce dernier lui ayant demandé de s'en aller car il faisait l'objet d'une interdiction de visites au foyer en raison de son comportement. La situation a dégénéré et Y._ s'en est physiquement pris à l'éducateur, qui s'est retrouvé plaqué contre le mur, pris à la gorge et qui a reçu une dizaine de claques au visage et des coups de tête. Il a également eu la mâchoire tordue à plusieurs reprises et a été menacé et insulté par l'intimé.
Le 12 avril 2010, à l'arrêt du M2 "Fourmi" à Lausanne, Y._ et trois de ses comparses ont abordé deux passants en leur demandant des cigarettes puis de l'argent. Face au refus des deux victimes, l'intimé et ses compagnons se sont montrés de plus en plus insistants et menaçants. L'une des victimes a reçu une gifle. Les agresseurs leur ont fouillé les poches et le sac à dos avant de quitter les lieux en emportant deux téléphones portables, dont un contenait une carte Prepay chargée de 40 fr., ainsi qu'une paire d'écouteurs.
Le 13 avril 2010, alors qu'il se trouvait au Centre communal pour adolescents de Valmont à Lausanne, Y._ a lancé une pierre dans la vitre de l'atelier et l'a brisée.
Le 1
er
mai 2010, en compagnie de plusieurs camarades durant un trajet en métro M2 vers 23h40, Y._ s'est approché d'une connaissance pour lui prendre son iPod et ses haut-parleurs. Lorsque ce dernier a voulu les récupérer, l'intimé l'a serré au cou avant de lui asséner deux ou trois coups de tête au niveau du visage. Il a ensuite obligé la victime à sortir du métro à l'arrêt "CHUV".
Le 6 mai 2010 au terminus de la ligne de bus n° 8 à Bellevaux, Y._ a poussé et fait tomber un passager et lui a dérobé son iPod Touch en le menaçant de lui "casser la figure" s'il faisait appel à la police.
Le 12 mai 2010, devant le cinéma Pathé Flon à Lausanne, Y._ et quatre de ses amis, ont pris à partie P._, qui était accompagné de camarades. La victime a été saisie par le col et isolée de ses amis, tenus à distance par un des comparses de l'intimé qui brandissait un couteau. P._ a reçus un coup de poing à la joue droite et s'est fait voler un billet de 20 francs. L'intimé a ensuite arraché des mains de l'un des amis de la victime l'iPhone qu'elle lui avait confié.
Le 13 mai 2010 à proximité du skate park de Sévelin à Lausanne, Y._ et deux de ses comparses ont accosté W._ en lui demandant des cigarettes. Ce dernier leur ayant indiqué qu'il n'en avait pas, les comparses se sont montrés agressifs, poussant leur victime à terre et lui donnant de nombreux coups de pied et de poing sur le visage et le corps. Ils ont finalement pris la fuite après avoir dérobé à la victime son iPhone et son porte-monnaie.
Le 15 mai 2010, au parc de Milan à Lausanne en compagnie de deux comparses, Y._ a accosté un passant pour lui demander son téléphone. Face à sa réponse négative, la victime s'est faite fouiller les poches avant de recevoir un coup de poing au visage. Les comparses lui ont dérobé son téléphone portable et son iPod puis l'ont jetée à terre et lui ont asséné des coups de genou dans les côtes. Leur victime refusant de leur donner son porte-monnaie, les agresseurs l'ont menacée de mort et lui ont asséné des coups au visage. La victime a fini par leur donner son porte-monnaie.
Le 9 janvier 2011, sur la passerelle reliant la place Chauderon au quartier du Flon à Lausanne, Y._ accompagné d'un comparse, ont saisi V._ qui marchait devant eux avec un ami, qui a pris la fuite durant l'agression. L'intimé, lui a placé un couteau sous la gorge, lame contre la peau et lui a ordonné de leur donner tout ce qu'il avait. La victime a reçu des claques au niveau du visage avant de s'exécuter. N'ayant pas d'argent à donner à ses agresseurs, V._ leur a proposé d'aller en retirer au distributeur de la Banque Cantonale Vaudoise du Flon. A cet endroit, après que leur victime eut inséré sa carte bancaire et composé son code, Y._ a pressé la touche permettant le retrait de 200 fr., puis s'est emparé de l'argent et de la carte bancaire de la victime. A l'abri des regards et toujours sous la menace d'un couteau placé sous la gorge puis à hauteur du ventre, V._ a été frappé au visage puis a été contraint de donner le numéro de code de sa carte bancaire.
2.3
Le 19 décembre 2010, dans un train circulant entre Lausanne et Fribourg, Y._, qui voyageait sans titre de transport, a refusé de présenter une pièce d'identité et son sac pour une fouille de sécurité aux agents de la police des transports requis par le chef de train. Y._ a refusé de coopérer et est devenu agressif et provoquant, rendant nécessaire l'intervention d'une patrouille en renfort à la gare de Fribourg. L'intimé a dû être menotté et a menacé l'un des agents de police présent.
Le 14 janvier 2011, alors qu'il se trouvait en détention préventive au Centre communal pour adolescents de Valmont (CPA), Y._ a, à plusieurs reprises, injurié et violemment repoussé un éducateur. Ne parvenant pas à le calmer, ce dernier a appelé la police, afin qu'elle prenne en charge Y._ pour une partie de la journée. A l'arrivée des agents de police, il les a insultés et a refusé de les suivre. Au vu de son attitude, les policiers ont été contraints de mettre Y._ au sol afin de le menotter pour le conduire à l'Hôtel de Police. Dans le box de fouille, il a continué à manifester son opposition, proférant des insultes, poussant et donnant des coups d'épaules aux agents, qui ont à nouveau été contraints de le mettre au sol pour le fouiller.
2.4
Entre le 11 août 2010, toute consommation antérieure étant prescrite, et le 9 juin 2011, date de son renvoi du Foyer des Apprentis, Y._ a consommé du cannabis de manière régulière.
2.5
Pour l'ensemble de ces faits, qu'il a admis, Y._ a été reconnu coupable de lésions corporelles simples, vol, vol en bande, brigandage, brigandage en bande, tentative de brigandage en bande, brigandage qualifié, brigandage en bande qualifié, dommages à la propriété, utilisation frauduleuse d'un ordinateur, menaces, violation de domicile, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants. Il a été condamné à un an de peine privative de liberté, sous déduction de quarante jours de détention avant jugement. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Le Ministère public a, de droit, la qualité pour recourir, soit pour interjeter appel (art. 381 al. 1 CPP). Suffisamment motivé au sens de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, l'appel du Ministère public central est recevable. Il convient donc d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Le Ministère public conteste la quotité de la peine infligée à Y._ en première instance. Il fait valoir qu'une peine aggravée aurait dû être prononcée en application de l'art. 25 al. 2 de la Loi fédérale du 20 juin 2003 régissant la condition pénale des mineurs
(DPMin; RS 311.1). Il conclut à ce que l'intimé est condamné à une peine privative de liberté de deux ans, dont un an avec sursis pendant un an.
3.1
Aux termes de l'art. 25 al. 2 DPMin, le mineur qui avait plus de 16 ans le jour de l'infraction est condamné à une privation de liberté de quatre ans au plus, s'il a commis un crime pour lequel le droit applicable aux adultes prévoit une peine privative de liberté de trois ans au moins (lit. a), ou s'il a commis une infraction prévue aux art. 122, 140 al. 3 ou 184 CP en faisant preuve d'une absence particulière de scrupules, notamment si son mobile, sa façon d'agir ou le but de l'acte révèlent des dispositions d'esprit hautement répréhensibles (lit. b).
Le message du Conseil fédéral précise que la sanction prévue à
l'art. 25 al. 2 DPMin ne peut être mise en œuvre qu'à l'endroit de mineurs de plus de 16 ans et exclusivement pour de rares infractions spécifiques. Il s'agit d'infractions particulièrement graves (FF 1999 2058). La doctrine critique cette disposition pour sa liste trop restreinte, estimant qu'elle ne tient pas suffisamment compte de la réalité de la délinquance juvénile, une réaction judiciaire proportionnée à la gravité
étant également nécessaire en matière d'agression (art. 134 CP), d'extorsion
(art. 156 ach. 1 CP), de viol "simple" (art. 190 ch. 1 CP) et de trafic de stupéfiants notamment (Dupuis et alii, Code pénal I, petit commentaire, 2008, ad art. 25 n. 8 ss).
3.2
En application de l'art. 47 CP, applicable aux mineurs par analogie
(art. 1 al. 2 lit. b DPMin), le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier, ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Ce dernier doit exposer quels éléments il a pris en compte pour fixer la peine, de manière à ce que l'on puisse vérifier que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou aggravant. Il lui appartiendra, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, de déterminer
dans quelle mesure il y a lieu de tenir compte des divers facteurs de la peine
(JT 2010 IV 127). Le juge ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1 et les réf. citées).
4.
En l'occurrence, il n'est pas contesté que Y._ remplit les conditions d'application de l'art. 25 al. 2 DPMin, dès lorsqu'il a commis un brigandage avec mise en danger de mort au sens de l'art. 140 ch. 4 CP alors qu'il avait plus de 16 ans (agression du 9 janvier 2011).
Le brigandage qualifié visé à l'art. 140 ch. 4 CP entraîne pour un adulte une peine privative de liberté de cinq ans au moins. C'est dire qu'il s'agit, après les homicides volontaires, d'une des infractions les plus graves de notre ordre juridique. Les premiers juges ont retenu comme élément à charge le nombre et la gravité des infractions dont Y._ s'est rendu coupable et pour lesquelles il est important qu'il réalise l'ampleur ainsi que les conséquences pour les victimes. Ils ont également relevé les multiples réitérations en cours d'enquête, ainsi que la gratuité de ses actes et l'absence de réelle prise de conscience de sa part. En effet, Y._ a persisté à minimiser sa responsabilité en arguant qu'il agissait sous l'effet du groupe, sous l'influence de l'alcool ou du cannabis, ou encore qu'il y avait quelque chose en lui qui le poussait à agir (cf. jgt., p. 19 ch. 3).
A décharge, les premiers juges ont tenu compte du jeune âge de l'intimé au moment des faits qui lui sont reprochés, du fait que la grande majorité des infractions jugées avaient été commises il y a plus d'un an et que Y._ avait été placé pendant près de sept mois au Foyer des Apprentis de Fribourg, cette restriction de liberté devant être retenue comme un placement en institution pouvant entrer en ligne de compte dans l'établissement de la quotité de la peine. Ils ont également tenu compte de l'évolution globalement positive de l'intimé, dont le comportement au sein de sa famille s'est amélioré et dont la détermination
à poursuivre le traitement psychothérapeutique et médical est de bon augure
(cf. jgt., p. 20).
S'il y a lieu de fixer une peine compatible avec la poursuite de son apprentissage par l'intimé, conformément aux principes énoncés à l'art. 2 DPMin, il convient également de prononcer une peine proportionnée à sa lourde culpabilité. A cet égard, la peine infligée en première instance apparaît insuffisante sur le plan de la prévention spéciale et du point de vue des possibilités d'exécution en semi-détention. En effet, la série d'infractions commises par l'intimé est des plus préoccupante. Hormis les cas de brigandage entraînant l'application de
l'art. 25 al. 2 DPMin, il s'est rendu coupable de brigandage et d'actes de violence graves. Dans une directive du 10 février 2011, l'Office d'exécution des peines a précisé que l'art. 77b CP est applicable aux majeurs en cas de sursis partiel si la partie ferme de la peine privative de liberté est comprise entre 1 jour et 12 mois (Procédure OEP n° 14). Il n'y a aucune raison qu'il en aille différemment pour les mineurs, bien au contraire. Ainsi, une peine supérieure au maximum de
l'art. 25 al. 1 DPMin, mais assortie d'un sursis partiel constitue la solution la plus adéquate, puisqu'elle permet à la fois de tenir compte de la culpabilité importante de l'intimé pour la multitude des infractions commises et d'assurer une contention durant la période de formation par une mise à l'épreuve résultant de la partie de la peine assortie du sursis.
Au vu de ce qui précède, il convient de donner droit aux conclusions du Ministère public. Au regard des infractions commises, de la culpabilité de Y._ et de sa situation personnelle il paraît adéquat de prononcer une peine privative de liberté de deux ans, dont un an ferme et le solde avec sursis pendant un an.
5.
En définitive, l'appel du Ministère public est admis, le jugement de première instance est réformé dans le sens de considérants.
6.
Les frais d'appel, arrêtés en application des art. 21 et 23 TFJP, sont laissés à la charge de l’Etat. En effet, compte tenu de la situation financière et du statut de mineur de l'intimé, il peut être fait application de l'art. 425 CPP.
L’indemnité du défenseur d’office de
Y._, par 1’749 fr. 60 (mille sept cent quarante neuf francs et soixante centimes), débours et TVA compris, est mise à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5fb59e5c-84b2-4ec5-b87c-cd66202a5acd | En fait :
A.
Par jugement du 10 décembre 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois a libéré C.V._ des infractions d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur, détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice et de violation de secrets privés (I), l’a condamné pour abus de confiance, abus de confiance au préjudice des proches ou des familiers, escroquerie par métier et faux dans les titres à une peine privative de liberté de dix-huit mois, sous déduction de 146 jours de détention provisoire et de 114 jours de détention en exécution de peine (II), a révoqué le sursis qui lui a été accordé par le Tribunal pénal économique du canton de Neuchâtel le 17 novembre 2009 (III), a soumis C.V._ à un traitement ambulatoire psychothérapeutique (IV), a pris acte de la convention sur intérêts civils conclue entre l’Hôtel R._ SA et le prévenu (V), a dit que ce dernier est le débiteur de B.V._ de la somme de 18'418 fr. 10 avec intérêt à 5 % l’an dès le 7 février 2012 à titre de dommages-intérêts, et de la somme de 11'818 fr. 10, valeur échue, à titre de dépens pénaux (VI), ainsi que de tout montant auquel il peut être condamné à payer dans la cause [...] du Tribunal civil régional du Littoral et du Val-de-Travers (VII), a arrêté les frais de la cause, à la charge de C.V._, à 22'320 fr. 60, dont l’indemnité due à Me Marthe, défenseur d’office, par 9'012 fr. 60, débours et TVA compris (VIII), et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité de son défenseur d’office ne sera exigé que si la situation financière de C.V._ le permet (IX). Par décision complémentaire du même jour, le Tribunal correctionnel a ordonné le maintien du prévenu en détention, à titre de mesure de sûreté.
B.
Le 17 décembre 2013, C.V._ a déposé une annonce d’appel contre ce jugement.
Par déclaration d’appel du 7 janvier 2014, il a conclu à sa réforme en ce sens qu’il est libéré du chef d’accusation d’escroquerie pour les cas 1, 2 et 3 de l’acte d’accusation du 19 août 2013, que la circonstance aggravante du métier n’est pas retenue pour l’escroquerie, que sa peine est réduite et que le sursis accordé le 17 novembre 2009 par le Tribunal pénal économique du canton de Neuchâtel n’est pas révoqué. Il a requis l’audition, comme témoin, de B.V._ et celle des experts psychiatres [...] et [...], ou la production de leurs notes.
Le 13 janvier 2014, le Ministère public a annoncé qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et qu'il renonçait à déclarer un appel joint. Le plaignant B.V._ a, par courrier de son conseil du 28 janvier 2014, déclaré renoncer à déposer un appel joint.
Par lettre du 5 février 2014, le Président de la cour de céans a rejeté la réquisition tendant à l’audition des deux experts et à la production de leurs notes et a ordonné l’audition, comme plaignant, de B.V._.
Par courrier du 5 mars 2014, ce dernier a déclaré retirer toutes les plaintes déposées contre le prévenu, dont il a été pris acte par le Président le 11 mars 2014.
C.V._ a, par courrier du 12 mars, informé la cour de céans qu’il renonçait à l’audition de B.V._ et a demandé que ce dernier soit dispensé de la comparution à l'audience d'appel. Le Président a fait droit à cette requête.
Par lettre du 13 mars, G._ a déclaré retirer toutes les plaintes déposées contre le prévenu, dont il a été pris acte par le Président le 17 mars.
A l’audience, le prévenu a précisé ses conclusions en ce sens que la peine privative de liberté est réduite à neuf mois, sous déduction de la détention provisoire, multipliée par quatre s’agissant de la période du 26 mars au 10 avril 2013 subie en zone carcérale policière, ainsi que de la détention subie en exécution anticipée de peine. Le Procureur a conclu à l’admission très partielle de l’appel en ce sens que C.V._ est libéré de l’accusation d’abus de confiance au préjudice des proches ou familiers et que la peine privative de liberté est réduite à dix-sept mois, sous déduction de 146 jours de détention provisoire, peine partiellement complémentaire à la condamnation du 17 novembre 2009.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
C.V._ est né le 18 mai 1949 au Landeron. De père inconnu, le prévenu a été élevé par sa mère et le compagnon de celle-ci, avec deux demi-soeurs. Il a suivi une scolarité obligatoire, avant d’entrer dans une école de mécanique à Neuchâtel. Au terme de ses études, il a obtenu un diplôme d’ingénieur. Marié à deux reprises, le prévenu est père de deux enfants, dont B.V._. Il perçoit 1'770 fr. de rente AVS anticipée depuis un an et a des dettes à hauteur de 800'000 francs. A sa sortie de prison, il envisage d’emménager dans la villa de sa première épouse (p. 4
supra
).
Son casier judiciaire comporte les inscriptions suivantes :
- 15.08.2008, Tribunal de police de Boudry, détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, peine pécuniaire 25 jours-amende à 20 fr., amende 300 francs;
- 17.11.2009, Tribunal pénal économique du canton de Neuchâtel, abus de confiance, escroquerie, escroquerie par métier, peine privative de liberté 20 mois, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 4 ans, amende 3'000 francs.
C.V._ a également été condamné par le Tribunal correctionnel d’Yverdon à une peine d’emprisonnement ferme de 2 ans et demi pour escroquerie par métier (pièce 37/2, p. 4).
Dans le cadre de la présente affaire, il a été en détention provisoire durant 146 jours. Il est détenu en exécution anticipée de peine depuis le 19 août 2013.
2.
2.1
Le 5 mars 2009, l’Hôtel R._ SA, sis à Montreux, a adjugé à C.V._, qui s’était présenté comme le représentant de l’entreprise de constructions métalliques N._ SA, des travaux de transformation de certaines vitrines de l’hôtel pour un montant de 37'000 francs. Cette somme lui a été versée en partie sous forme de chèques WIR. Le prévenu a fonctionné en qualité d’entrepreneur général. Lesdits travaux ont été effectués et ont pleinement satisfait l’Hôtel R._ SA; toutefois, le prévenu a conservé les 37'000 fr. pour ses besoins personnels et n’a pas payé N._ SA qui a fourni les vitrines.
Plus tard, le 7 mai 2009, C.V._ s’est vu adjuger de nouveaux travaux pour la rénovation de trois autres vitrines se trouvant dans le même établissement. Il a alors demandé et obtenu, de la part d’I._, représentant de l’Hôtel R._ SA, le versement, en mai 2009, de 27'000 fr. en chèques WIR, afin de pouvoir passer les premières commandes urgentes pour les travaux à effectuer. Le prévenu avait alors expliqué que s’il pouvait payer immédiatement les fournisseurs, les travaux pourraient être effectués plus rapidement, assurant à plusieurs reprises I._ que les travaux pour lesquels il avait déjà été payé seraient bel et bien effectués. Par la suite, le prévenu ne mettant pas ses promesses à exécution, I._ est entré en contact avec le représentant de N._ SA, soit K._. Ce dernier lui a alors indiqué, à sa grande surprise, qu’il n’avait toujours pas été payé pour les vitrines qu’il avait fournies dans le cadre des travaux effectués au printemps 2009, de sorte qu’il ne fournirait pas les trois nouvelles vitrines demandées. Le prévenu, après s’être vu rappeler ses promesses par I._, a finalement fait poser les trois dernières vitrines, qui ont été fournies par les sociétés T._ SA et H._ SA. Les travaux finalement effectués ont à nouveau donné entière satisfaction. Toutefois, II s’est plus tard avéré que les sociétés T._ SA et H._ SA n’ont égaiement jamais été payées par le prévenu, qui a conservé les 27'000 fr. pour ses besoins personnels. Les sociétés T._ SA et H._ SA ont alors demandé l’inscription provisoire d’hypothèques légales, exposant ainsi l’Hôtel R._ SA à devoir payer les travaux à double.
Par convention signée à l’audience de première instance, C.V._ s’est reconnu débiteur de l’Hôtel R._ SA d’un montant de 31'889 fr. 10, valeur échue, avec intérêt à 5 % l’an.
2.2
Le 25 mai 2010, à son domicile de Peseux/NE, C.V._, dans le but d’obtenir une villa en location, a imité la signature de son fils B.V._ sur un contrat de bail à loyer, liant ainsi ce dernier en qualité de co-débiteur solidaire pour un loyer mensuel de 1'850 francs. L’intéressé a ensuite fait usage de ce faux document en le remettant, fin mai 2010, à N._, propriétaire de la villa. Il a également fourni à ce dernier divers documents concernant son fils, soit une copie de son passeport, des fiches de salaires et un extrait des poursuites à son nom. Le prévenu ne s’est pas acquitté de son loyer entre les mois de juillet 2010 et février 2011. Pour ce motif, B.V._, en qualité de co-débiteur solidaire, a fait l’objet de poursuites pour un montant total de 14'800 fr. correspondant aux loyers impayés. Pour dissimuler ses agissements envers son fils, le prévenu est allé à deux reprises prendre le courrier de celui-ci dans sa boîte aux lettres personnelle, dont il avait la clé, et a retiré, à l’insu de son fils, le commandement de payer que N._ lui avait envoyé, en y faisant opposition totale.
2.3
Le 23 juillet 2010, à son domicile, C.V._ a, en imitant la signature de B.V._ sur un formulaire de demande [...], obtenu une carte de crédit de la part de la société J._ SA. Avec cette carte, il a procédé à divers retraits d’argent et a effectué une croisière en Grèce pour un montant total de 9'574 fr. 95 entre le 23 juillet et le 6 décembre 2010 au préjudice de son fils. Ce dernier a par la suite fait l’objet de poursuites à hauteur de 10'763 fr. 10, montant qu’il a dû payer à J._ SA.
Les premiers juges ont alloué à B.V._, à la charge du prévenu, des dommages-intérêts à hauteur de 18'418 fr. 10 et des dépens pénaux par 11'818 fr. 10.
2.4
Entre le 3 et le 23 décembre 2010, toujours à son domicile, C.V._, après avoir négocié avec le garage E._ SA à [...]/FR un leasing portant sur un véhicule BMW 325i xDrive Touring d’une valeur de 65'980 fr, a imité la signature de G._, administratrice avec signature individuelle de la société Q._ SA, afin de conclure, au nom de cette société, le contrat de leasing sur le véhicule précité qu’il voulait à des fins personnelles. Le prévenu a par la suite fait usage de ce faux document en le déposant auprès du garage E._ SA en date du 23 décembre 2010.
Durant la même période, le prévenu a également imité la signature de G._ sur divers documents afin, d’une part, de conclure une assurance RC automobile auprès de la société U._ et, d’autre part, d’immatriculer ledit véhicule au nom de Q._ SA auprès du Service cantonal des automobiles à Neuchâtel.
En vue de la conclusion du leasing, C.V._ s’est vu remettre le véhicule en question, avec lequel il a circulé, à son profit, pendant trois semaines, sur une distance de 9’000 kilomètres. Le véhicule a été repris par le garage E._ SA, lorsque celui-ci a appelé G._ le 23 décembre 2010 et ainsi découvert la supercherie.
Le prévenu n’a versé aucun acompte ni aucune mensualité pour l’usage du véhicule. Le garage E._ SA, qui a renoncé à déposer plainte, a chiffré sa perte à 10'950 fr., soit 15% de la valeur à neuf du véhicule.
2.5
En cours d'instruction, C.V._ a été soumis à une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du 8 octobre 2013 (pièce 33), les experts ont posé le diagnostic de trouble mixte de la personnalité à traits narcissiques et antisociaux. S’agissant des traits correspondant au trouble de la personnalité narcissique, ils ont précisé, dans la partie "discussion", avoir constaté chez le prénommé une surestimation de ses capacités, ainsi qu’une tendance à une vision quelque peu grandiose de soi et de sa vie, comme des fantaisies de succès sans tenir compte des contraintes. Quant aux traits de personnalité antisociale, ils ont fait état de la répétition d’une incapacité de se confronter aux normes légales, pourtant bien comprises intellectuellement, de la répétition d’escroqueries, ainsi que de la tendance aux explications et aux justifications du comportement délictueux admis. Du point de vue du fonctionnement psychologique, les experts ont souligné l’absence de remords chez l’expertisé vis-à-vis des personnes lésées par ses activités délictueuses et sa tendance à se sentir victime de ces « autres ». Ils ont précisé sur ce point que ceci contrastait avec les regrets qu’il éprouvait envers son fils, pour avoir trompé sa confiance, et se sont référés à l’hypothèse d’une situation de déception et de rupture de la relation père-fils qui renvoyait l’intéressé aux carences vécues dans sa propre histoire, qu’il pourrait avoir cherché à fuir dans une quête grandiose, d’où la perte et les souffrances du deuil étaient exclues, ce qui pourrait expliquer la multiplication des projets professionnels de l’expertisé ou encore l’enchaînement de ses relations amoureuses.
S'agissant de sa responsabilité pénale, les experts ont retenu que la faculté de C.V._ d’apprécier le caractère illicite de ses actes et de se déterminer d’après cette appréciation était conservée au moment des faits. Ils ont estimé le risque de récidive moyen dans le même genre d’infractions que celles déjà constatées et ont préconisé un traitement psychiatrique et psychothérapeutique ambulatoire, lequel ne serait pas entravé par l’exécution d’une peine privative de liberté. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
C.V._ ne remet en cause ni les faits retenus par les premiers juges, ni les qualifications d’abus de confiance et de faux dans les titres. Il conteste en revanche s’être rendu coupable d’escroquerie dans les cas n° 1 à 3 de l’acte d’accusation du 19 août 2013 (jugt, c. 2.1 à 2.3).
3.1
Se rend coupable d’escroquerie au sens de l’art. 146 al. 1 CP celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers.
L'escroquerie suppose en particulier que l'auteur ait usé de tromperie et que celle-ci ait été astucieuse (ATF 133 IV 256 c. 4.4.3; ATF 128 IV 18 c. 3a; ATF 122 II 422 c. 3a; ATF 122 IV 246 c. 3a et les arrêts cités). L'astuce est réalisée lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (
ibidem
). L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle (ATF 128 IV 18 c. 3a; ATF 126 IV 165 c. 2a). Il n’est cependant pas nécessaire qu’elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu’elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d’être trompée. L’astuce n’est exclue que si la dupe n’a pas procédé aux vérifications élémentaires que l’on pouvait attendre d’elle au vu des circonstances. Une co-responsabilité de la dupe n’exclut toutefois l’astuce que dans des cas exceptionnels (TF 6B_314/2011 du 27 octobre 2011 c. 3.2.1 et les références citées).
La jurisprudence admet l’astuce dans le cas où la dupe n’a pas la possibilité de vérifier les affirmations transmises ou si leur vérification se révélait très difficile. Ces hypothèses se rencontrent notamment lorsque la tromperie porte sur des faits internes, comme par exemple la volonté d’exécuter un contrat. Une telle volonté n’est cependant pas astucieuse dans tous les cas, mais seulement lorsque l’examen de la solvabilité n’est pas exigible ou est impossible et qu’il ne peut par conséquent être tiré aucune conclusion quant à la volonté de l’auteur de s’exécuter (ATF 125 IV 124 c. 3a p. 127). Finalement, la prise en considération de l’éventuelle responsabilité de la dupe connaît certaines limites. D’une part, elle ne doit pas avoir épuisé toutes les mesures de contrôles possibles et imaginables qui se trouvaient à sa portée (ATF 128 IV 18 c. 3a p. 20) et, d’autre part, n’importe quelle négligence de sa part ne suffit pas à exclure l’astuce. Il n’est donc pas nécessaire que la dupe soit exempte de la moindre faute (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., 2010, n. 17 ad art. 146 CP).
Du point de vue subjectif, l’auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d’enrichissement illégitime, ce qui suppose
de la part de la victime un acte de disposition préjudiciable à ses intérêts, situé dans un rapport de causalité avec les agissements de l'auteur. Le dessein d'enrichissement illégitime de l'auteur de l'escroquerie vise n'importe quelle amélioration de sa situation économique. Ce dessein ne doit pas nécessairement être le mobile exclusif de l'auteur, il suffit qu'il soit l'un des éléments qui l'ont amené à agir (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 2007, n. 1.24 et 1.25 ad art. 146 CP et les références citées). Du côté de la victime, il importe peu que le dommage découlant de l'acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires soit temporaire, provisoire ou définitif (Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 30 ad art. 146 CP) .
3.2
En l’espèce, s’agissant des cas n° 1a et 1b de l’acte d’accusation (c. 2.1, pp. 11 et 12
supra
), les premiers juges ont exclu l’escroquerie dans le premier cas, mais l’ont retenue dans le second. La cour de céans fait siens par adoption de motifs les considérants, complets et convaincants, développés à cet égard par le tribunal (jugt, pp. 23 à 26).
On constatera tout d’abord qu’entendu comme témoin lors de l’audience du 24 février 2011 devant le Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois dans le cadre d’une procédure d’inscription provisoire de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, soit avant l’ouverture de la procédure pénale, C.V._ a admis ce qui suit : "Il est exact que j’ai encaissé de la société intimée (ndlr : Hôtel R._ SA) le prix des travaux de la société requérante (ndlr : T._ SA) mais que je n’ai pas transmis ce prix en règlement des factures, je l’ai affecté à mes besoins personnels" (pièce 5/8). En cours d’enquête, il a confirmé, lors de son audition par le Procureur du 27 mars 2013, avoir encaissé ces deux montants, soit les 37'000 fr. et les 27'000 fr. reçus en avance par l’Hôtel R._ SA, en précisant les avoir consacrés "à régler des factures de la première partie et sur d’autres chantiers plutôt que de les consacrer à leur but initial, soit la fourniture du matériel du second chantier de l’hôtel R._ SA" (PV aud. 5, lignes 65 à 68). A l’audience d’appel, le prévenu, réitérant la version qu’il avait présentée en première instance, a fait plaider que c’est en raison du paiement en chèques WIR – qu’il avait dû négocier très en dessous de leur valeur nominale, soit à hauteur de 50 % – qu’il n’avait pas pu payer N._ SA, que l’intégralité du montant obtenu après le change avait été consacrée au paiement des ouvriers et qu’il n’avait pas pu honorer ses engagements pris envers ses fournisseurs parce qu’il n’avait pas pu participer au reste du chantier, comme cela avait été discuté avec I._ précédemment.
On ne saurait suivre cette argumentation. Comme le tribunal l’a à juste titre indiqué (jugt, p. 24), il résulte de la pièce 5/4bis du dossier que des 37'000 fr. reçus de l’Hôtel R._ SA, seuls 10'000 fr. étaient payés en chèques WIR, le solde, soit 27'000 fr., étant versé en cash. Partant, le prévenu avait, contrairement à ce qu’il prétend, les moyens d’honorer la facture de N._ SA qui s’élevait, pour la première série de vitrines, à 27'941 fr. hors taxes (pièce 57). Le montant de 37'000 fr. couvrait l’intégralité des travaux, dans la mesure où l’intéressé soutient avoir versé environ 10'000 fr. aux ouvriers et qu’il aurait eu la possibilité d’échanger les chèques WIR, d’un montant de 10'000 fr., à hauteur non pas de 50 % mais de 80 % (jugt, p. 5).
Si la possibilité que d’autres travaux puissent lui être confiés avait été évoquée par I._, celui-ci a toutefois précisé que tel aurait été le cas "sans les problèmes du paiement des fournisseurs" (jugt, p. 7). A cet égard, c’est à tort que le prévenu soutient qu’il pouvait escompter une collaboration avec K._, dès lors qu’il ressort des explications de ce dernier – d’ailleurs non contestées – que l’appelant, qui était l’un de ses clients, lui devait déjà de l’argent et que c’est en compensation de son dû qu’il lui avait proposé de trouver des affaires pour N._ SA, l’Hôtel R._ SA étant la première affaire apportée par le prévenu (jugt, p. 8). Toute collaboration avec l’appelant était donc subordonnée à la condition préalable du règlement de son solde dû, à savoir le paiement de la facture de 27'941 fr. pour la fourniture de la première série de vitrines de l’hôtel – pour laquelle N._ SA disposait d’ailleurs d’une reconnaissance de dette de la part du prévenu (jugt, p. 8) – et des autres factures arriérées.
En expliquant n’avoir pu honorer ses engagements pris envers ses fournisseurs parce qu’il avait été évincé du chantier de l’hôtel par I._ et K._, l’appelant perd de vue que si sa collaboration avec N._ SA lui était nécessaire, il lui était parfaitement loisible, comme on l’a vu ci-avant, de régler à ce dernier la facture due pour la première série de vitrines, ainsi qu’il aurait pu et dû le faire avec les 37'000 fr. reçus, comme cela avait d’ailleurs été convenu.
Si l’on peut admettre, au bénéfice du doute, qu’à ce moment-là, C.V._ pouvait penser qu’il honorerait les engagements pris envers N._ SA, puisqu’il en avait les moyens, ce qui exclut l’astuce et, par conséquent, l’infraction d’escroquerie pour le cas n° 1a de l’acte d’accusation (jugt, p. 26), force est en revanche de constater que le prévenu n’a jamais eu l’intention de rémunérer T._ SA et H._ SA. Au contraire, il a réussi à faire livrer et poser le matériel sans verser l’acompte demandé par T._ SA, malgré un premier rappel de paiement, en faisant pression sur cette société pour que les travaux soient effectués dans l’urgence (PV aud. 3, ligne 37), évoquant notamment des pénalités de retard qu’il aurait éventuellement à payer et l’approche du festival de Jazz de juillet, n’hésitant pas à téléphoner à l’entreprise sous-traitante de thermolaquage pour faire accélérer les travaux (PV aud. 2, lignes 42 à 45) et allant jusqu’à dire à T._ SA, dans le but de le dissuader de se renseigner, que N._ SA était une société polonaise qui avait fait faillite (jugt, p. 9). Il y a donc bel et bien eu astuce et les sociétés en question n’avaient pas d’emblée à se méfier de C.V._. C’est donc en sachant qu’il n’avait pas ou plus les moyens pour honorer ses engagements que C.V._ a commandé les travaux pour la seconde série de vitrines à T._ SA et H._ SA. En effet, comme on l’a vu, l’intéressé a admis avoir affecté le prix des travaux liés à la première série de vitrines à ses besoins personnels et il ne saurait faire croire que par "besoins personnels" il entendait "le paiement des travailleurs qui ont changé les vitrines" (jugt, p. 5).
En conséquence, C.V._ s’est bien rendu coupable d’escroquerie en relation avec le cas n° 1b de l’acte d’accusation, tel qu’il a été repris sous chiffres 2.1 du jugement attaqué et 2.1 ci-avant (pp. 11 et 12).
3.3
S’agissant du cas n° 2 de l’acte d’accusation (c. 2.4 p. 13
supra
), l’appelant, reprenant les arguments exposés en première instance, conteste avoir agi astucieusement, prétextant qu’il avait des attentes de collaboration avec Q._ SA et qu’il avait conclu le contrat de leasing de manière anticipée en pensant que G._ le ratifierait. Cet argument tombe à faux. G._ a certes admis l’éventualité d’une collaboration avec le prévenu, intervenue au début du mois de décembre 2010, en vue de la reprise de contrat de la commune de [...] pour la vente et la pose de fenêtres pour cette dernière (Dossier B, p. 9); on ne saurait toutefois croire le prévenu lorsqu’il affirme qu’il imaginait que G._ ratifierait le contrat de leasing, dès lors que rien ne permet de retenir que celle-ci était au courant de ce contrat, contrairement à ce qu’il a déclaré (jugt, p. 12). D’ailleurs, si tel était le cas, on ne comprend pas pourquoi l’intéressé aurait imité la signature de G._ sur le contrat en question, ce qui est admis (Dossier B, p 17; PV aud. 6, ligne 36). En remettant au garage E._ SA un contrat muni d’une fausse signature, ainsi qu’une copie de la carte d’identité de la prénommée et un extrait des poursuites concernant la société Q._ SA, le prévenu a persuadé ledit garage de lui remettre un véhicule en vue de la conclusion d’un leasing. Il ne saurait prétendre que le mécanisme mis en place était grossier et qu’il aurait été rapidement découvert. De manière générale, il n’appartient pas à un vendeur automobile de s’attendre à ce qu’un client appose une fausse signature sur un contrat de leasing. D’ailleurs, ce n’est qu’au moment où le directeur du garage a contacté G._, le 23 décembre 2010, pour lui demander si elle était satisfaite de son véhicule que la supercherie a été découverte (Dossier B, pp. 9 et 91). Il y a donc bel et bien eu astuce, comme l’ont retenu les premiers juges, et la référence à la jurisprudence (CAPE 13 mars 2013/64 c. 5) est à cet égard pertinente (jugt, p. 29
in fine
). La condition du dommage est également remplie, dès lors que le prévenu a roulé près de 9'000 km avec le véhicule, ce qui a occasionné une perte de valeur de 15 % de sa valeur à neuf (Dossier B, p. 92).
La condamnation de C.V._ pour escroquerie en relation avec ces faits doit donc également être confirmée.
3.4.
Il en va de même s’agissant du cas n° 3 de l’acte d’accusation (c. 2.2 p. 12
supra
). Comme le Tribunal correctionnel l’a relevé, C.V._ a conclu un bail pour un loyer de 1'850 fr., sans toutefois jamais s’acquitter de ce montant, même le premier mois. Pour obtenir de N._ la conclusion de ce contrat de bail, il a contrefait la signature de son fils, le désignant comme caution. Puis, dans le but de prolonger l’utilisation indue de ce logement, il a détourné les courriers relatifs à ce bail reçu par son fils, empêchant ce dernier d’avoir connaissance des faits jusqu’à ce qu’il fasse l’objet d’une saisie de salaire. Il est allé jusqu’à se présenter, en lieu et place de son fils, à une audience de mainlevée. Se fondant sur ces éléments, non contestés, les premiers juges ont retenu que l’appelant, en concluant le bail en question, n’avait jamais eu ni les moyens ni la volonté de s’acquitter des loyers dus. Cette appréciation est convaincante et n’est en rien contredite par les pièces du dossier. Par conséquent, en procédant à sa propre appréciation des preuves, la cour de céans ne peut que confirmer, par adoption de motifs, celle opérée par les premiers juges.
A l’audience d’appel, C.V._ a produit une convention passée avec N._ le 24 février 2014 (pièce 85), aux termes de laquelle celui-ci reconnaît, sous réserve du versement par le prévenu de la somme de 10'000 fr. pour solde de tout compte concernant les arriérés de loyer dus, n’avoir plus aucune créance à faire valoir à l’encontre du prévenu du fait du contrat de bail litigieux. L’appelant a expliqué avoir, depuis lors, indemnisé le bailleur (p. 3
supra
), sans toutefois fournir la preuve de ce versement. Quoi qu’il en soit, ce point n’est pas déterminant, dans la mesure où, comme on l’a vu, le dommage peut être temporaire (c. 3.1). La condition de l’enrichissement illégitime est donc également remplie.
Enfin, contrairement à ce qu’a fait plaider C.V._, le retrait de plainte de B.V._ (pièce 75) n’est pas opérant à cet égard, dans la mesure où c’est N._ qui, pour n’avoir pas été désintéressé, a été lésé en tant que créancier-bailleur par les agissements du prévenu, ce que confirme d’ailleurs la convention précitée du 24 février 2014 (pièce 85). Il l’est en revanche s’agissant de l’infraction d’abus de confiance retenu dans les cas n° 6 et 7 de l’acte d’accusation (jugt, c. 2.6), puisque B.V._, considéré comme proche au sens de l’art. 110 ch. 1 CP, est, dans ces cas, seul lésé par les malversations du prévenu. L’appelant sera donc libéré de l’infraction d’abus de confiance au préjudice des proches et familiers. L’incidence
de l'abandon de ce chef d'accusation sur la peine sera traitée plus loin (c. 4).
3.5
C.V._ conteste avoir agi par métier.
Conformément à la jurisprudence, l'auteur
agit par métier
lorsqu'il résulte du temps et des moyens qu'il consacre à ses agissements délictueux, de la fréquence des actes pendant une période déterminée, ainsi que des revenus envisagés ou obtenus, qu'il exerce son activité coupable à la manière d'une profession, même accessoire. Il faut que l'auteur aspire à obtenir des revenus relativement réguliers représentant un apport notable au financement de son genre de vie et qu'il se soit ainsi, d'une certaine façon, installé dans la délinquance (TF 6B_883/2013 du 17 février 2014 c. 2.2 et les références citées, not. ATF 129 IV 253 c. 2.1).
En l’occurrence, le prévenu a lui-même admis que les revenus qu’il avait retirés de ses agissements lui avaient permis de "faire vivre sa famille et lui offrir une vie « normale » mais en dessus de ses moyens" (PV aud. 6, lignes 50 et 51). Il a ainsi agi dans la continuation du jugement du 17 novembre 2009 (pièce 37/2, p. 20), n’hésitant pas à commettre d’autres escroqueries afin d’obtenir des revenus supplémentaires à ceux qu’il retirait de son activité d’indépendant – de l’ordre de 5'000 à 6'000 fr. (pièce 37/2, p. 4) –, ce qui lui a permis de financer la location d’une villa dont le loyer s’élevait à 3'000 fr. par mois, de partir en vacances et d’utiliser une voiture de luxe (PV aud. 6, lignes 51 à 53). Au vu de ces éléments et de la jurisprudence précitée, et compte tenu de la durée des opérations et de leur répétition, c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l’intéressé avait érigé l’escroquerie en mode de vie (jugt, p. 27). La circonstance aggravante du métier est donc réalisée et doit être confirmée.
4.
C.V._ se plaint ensuite de la peine qui lui a été infligée, qu’il considère comme arbitrairement sévère. Selon lui, une peine de neuf mois de privation de liberté serait adéquate (p. 5
supra
).
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_335/2012 du 13 août 2012 c. 1.1 et les références citées).
4.2
En l’espèce, C.V._ a été libéré du chef d’accusation d’abus de confiance au préjudice des proches et familiers (c. 3.4
supra
). Il reste coupable d’abus de confiance, escroquerie par métier et faux dans les titres.
Pour apprécier sa culpabilité, il faut retenir à charge le concours d’infractions, les mauvais antécédents et la récidive spéciale, l’intéressé ayant commis, après sa dernière condamnation, trois autres escroqueries et autant de faux dans les titres. Seule l’arrestation de l’appelant, lors de son retour en Suisse en mars 2013, a mis fin à ses agissements (pièce 33, pp. 5 et 6; PV aud. 4, R. 2). A cela s’ajoute que, s’il a admis en cours d’enquête les faits qui lui étaient reprochés, il est revenu sur ses déclarations à l’audience de première instance, persistant, en audience d’appel, à nier avoir commis des escroqueries. La cour de céans retient à décharge, en sus de la situation personnelle et financière difficile de l’appelant et de la convention civile passée en première instance avec l’Hôtel R._ SA (jugt, p. 10), éléments pris en considération par les premiers juges, les retraits de plainte intervenus en procédure d’appel (pièces 75 et 81), ainsi que l’engagement pris par le prévenu de rembourser N._ (pièce 85). Enfin, si l’intéressé a présenté ses excuses à I._ (jugt, p. 6), ainsi qu’à G._ et B.V._, ce qui aurait conduit, selon ses explications, aux retraits de plainte (p. 3
supra
), sa prise de conscience de la gravité des faits est toute relative, dès lors qu’il a continué à minimiser ses agissements, notamment en persistant à soutenir, en relation avec les faits commis au préjudice de N._, qu’il avait agi uniquement "sous pression" et qu’il avait signé le contrat de bail avant que son épouse le quitte (p. 3
supra
), ce qui contredit ses précédentes déclarations (PV aud. 4, R, 14); cette attitude est d’ailleurs liée au mode de fonctionnement du prévenu, décrit dans le rapport d’expertise comme une personne manifestant une "tendance aux explications et justifications du comportement délictueux admis" (pièce 33, p. 9
in initio
), constatation dont il n’y a pas de motif de s’écarter.
Au vu de l'ensemble de ces éléments et pour tenir compte de l’abandon du chef d’accusation d’abus de confiance au préjudice des proches et familiers et du caractère partiellement complémentaire de la peine (jugt, p. 35), il y a lieu de réduire la peine infligée à C.V._ par le Tribunal correctionnel à quinze mois de privation de liberté.
5.
Le prénommé ne conteste pas le caractère ferme de la peine à laquelle il a été condamné, mais la révocation du sursis qui lui a été accordé le 17 novembre 2009 par le Tribunal pénal économique du canton de Neuchâtel.
5.1
Lorsque le juge est appelé à connaître d'un crime ou d'un délit que l'auteur a commis après une précédente condamnation à une peine assortie du sursis, il est également compétent pour statuer sur la révocation de ce dernier (art. 46 al. 3 CP). Il doit donc examiner si les conditions d'une révocation sont réunies, laquelle postule que le crime ou le délit dont il est appelé à connaître ait été commis pendant le délai d'épreuve du sursis antérieur et qu'il y ait dès lors lieu de prévoir que l'auteur commettra de nouvelles infractions (art. 46 al. 1 CP). Cette dernière condition implique l'existence d'un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné (ATF 134 IV 140 c. 4.3). Elle correspond donc à l'une des conditions de l'octroi du sursis, de sorte que, comme dans ce dernier cas, le pronostic à émettre doit reposer sur une appréciation d'ensemble de tous les éléments pertinents (ATF 134 IV 140 c. 4.4 et les arrêts cités).
Dans l'appréciation des perspectives d'amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d'un sursis antérieur, le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l'octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible : si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (ATF 134 IV 140 c. 4.5 ). Ainsi, un critère déterminant pour juger du risque de réitération et, partant, pour poser le pronostic prévu par la loi est celui de l'effet de choc et d'avertissement (
Warnungswirkung
) issu de la condamnation précédente, y compris en ce qui concerne l'aménagement ultérieur de la vie de l'intéressé; s'il est avéré, un tel effet constitue un facteur favorable – même s'il n'est pas déterminant à lui seul – dans l'examen du pronostic (cf. ATF 134 IV 140 c. 5.3).
5.2
En l’espèce, malgré ses antécédents pénaux, C.V._ n’a pas renoncé à ses agissements. En novembre 2009, il a été condamné à une peine privative de liberté de vingt mois, avec sursis pendant quatre ans. Il a récidivé six mois après, commettant trois escroqueries en à peine sept mois, soit de mai à décembre 2010, ce qui démontre qu’il n’a tiré aucun enseignement de sa précédente condamnation. Non seulement il a commis des infractions identiques à celles pour lesquelles il avait déjà été sanctionné précédemment, mais il a encore manifesté une progression dans le mode de perpétration, en commettant des faux dans les titres pour parvenir à ses fins. Aucun indice ne permet de penser que l’appelant s’amendera, vu notamment sa prise de conscience très relative de la gravité de son comportement (c. 4.2
supra
).
Dans leur rapport
du 8 octobre 2013, l
es experts ont qualifié le risque de récidive de moyen
(pièce 33, p. 11
in initio
)
; on soulignera sur ce point qu’à sa sortie de prison, l’intéressé ne vivra que de sa rente AVS, de 1'770 fr. par mois, et emménagera dans la maison de sa première épouse (p. 4
supra
), ce qui contraste avec le mode de vie adopté jusqu’ici et pourrait l’exposer à la récidive.
Dans ces circonstances, le pronostic est défavorable.
Les nouvelles infractions commises au début du délai d’épreuve de quatre ans assortissant sa précédente peine attestent de l’absence de perspective de succès de la mise à l’épreuve. D’ailleurs, on relèvera que dans son jugement de 2009, le Tribunal pénal économique du canton de Neuchâtel a accordé le sursis en se fondant notamment sur le fait que l’intéressé n’avait "pas fait l’objet de nouvelles enquêtes pénales depuis l’ouverture de la présente cause" (pièce 33, p. 23
in fine
), ce qui s’est révélé faux, puisque le prévenu a récidivé en cours d’instruction, comme cela a été constaté par la suite. Dans ces conditions et au vu du pronostic défavorable, c’est à juste titre que le Tribunal correctionnel a révoqué le sursis accordé précédemment.
Mal fondé, ce moyen doit donc être rejeté.
6.
Formulée pour la première fois en audience d’appel, la demande de compensation de la période subie par le prévenu en zone carcérale (pp. 5 et 10
supra
) est tardive, partant irrecevable.
7.
L
e dispositif du jugement de première instance ayant par ailleurs omis de préciser que la peine de privation de liberté infligée à C.V._ est complémentaire à celle prononcée en 2009 (jugt, pp. 35 et 37), il y a lieu de le compléter dans ce sens.
Enfin, comme l’a relevé à juste titre le Procureur, il n’y a pas lieu de déduire de la peine privative de liberté infligée au prévenu la détention subie en exécution anticipée de peine, seule étant déduite la détention provisoire.
8.
En définitive, l’appel de C.V._ est très partiellement admis en ce sens qu'il est libéré, en sus des chefs d’accusation d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur, détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice et violation de secrets privés, de celui d’abus de confiance au préjudice des proches et familiers et qu’il est condamné pour abus de confiance, escroquerie par métier et faux dans les titres à une peine privative de liberté de quinze mois, sous déduction de 146 jours de détention provisoire, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 17 novembre 2009 par le Tribunal pénal économique du canton de Neuchâtel.
8.1
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel seront mis par trois quarts à la charge de C.V._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat. Le prénommé supportera en outre, dans la même proportion, l’indemnité allouée à son défenseur d'office pour la procédure d'appel.
Le conseil du prévenu a indiqué avoir consacré 20h25 à l’exercice de son mandat en procédure d’appel. Il a en outre mentionné un montant de 509 fr. à titre de frais et débours (pièce 84).
L’indemnité due au défenseur d’office ne comprend pas seulement un montant représentant ses honoraires, mais également le remboursement de ses débours dans la mesure où ceux-ci ne dépassent pas ce qui est nécessaire à l’exécution de sa mission (JT 2002 III 204; ATF 122 I 1; ATF 117 Ia 22, c. 4b). S’agissant des frais de déplacement, ceux-ci sont indemnisés forfaitairement à concurrence de 120 fr. pour les avocats, ce forfait valant pour tout le canton et couvrant autant les kilomètres que le temps du déplacement aller et retour (CAPE 7 avril 2014/80 c. 7 et les références citées).
Au vu de ce qui précède et compte tenu
de la nature de la cause et des opérations nécessaires pour la défense des intérêts du prévenu,
il convient d’allouer à Me Nicolas Marthe une indemnité de 3'240 fr., correspondant à 18 heures consacrées à l’exercice de son mandat, à laquelle il y a lieu d’ajouter un montant forfaitaire de 360 fr. à titre de vacations et 50 fr. à titre de débours, en sus de la TVA par 292 fr., soit un montant total de 3’942 francs.
8.2
C.V._ n
e sera tenu de rembourser à l’Etat
la part mise à sa charge de l’indemnité allouée à son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
5fdb6afd-5771-4aa6-8677-1db0431518f3 | En fait :
A.
Par jugement du 28 mars 2013, le Tribunal criminel de l'arrondissement de Lausanne a, notamment, constaté que U._ s’était rendu coupable de faux dans les titres, de tentative d’instigation à faux dans les certificats, de blanchiment d’argent, d’infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants, de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers et d’infraction à la loi fédérale sur l’asile (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de sept ans, sous déduction de 471 jours de détention avant jugement, à 60 jours-amende à 30 fr. le jour et à une amende de 500 fr. et a dit qu’en cas de non paiement fautif de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de dix jours (II), a constaté que C._ s’était rendue coupable d’infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants et d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers (VI), l’a condamnée à une peine privative de liberté de trois ans, sous déduction de 471 jours de détention avant jugement (VII), a ordonné la confiscation et la destruction des objets séquestrées sous fiches nos 52’014, 52’016, 52'019, 52’909, 52’910, 52’911, 53’304, 52'305, 52’306 et 53'774 (VIII), a ordonné la confiscation et la dévolution à l’Etat de l’argent séquestré sous fiches nos 51'368, 51'369, 51'370 et 51'381 (IX), a ordonné le maintien au dossier au titre de pièces à conviction des classeurs, DVD et CD répertoriés sous fiches nos 52'787 et 52'912 (X), a fixé à 19'926 fr., débours et taxes comprises, l’indemnité de Me Patrick Sutter, défenseur d’office de U._, dont à déduire 5'400 fr. déjà versés (XI), a fixé à 19'150 fr., débours et taxes comprises, l’indemnité de Me Christophe Tafelmacher, défenseur d’office de C._, dont à déduire 5'400 fr. déjà versés (XIII), a mis à la charge de U._ sa part des frais de la cause, par 56'165 fr. 15, comprenant l’indemnité prévue au chiffre XI ci-dessus, dont le remboursement à l'Etat ne sera exigé que si la situation économique de U._ le permet (XIV), a mis à la charge de C._ sa part des frais de la cause, par 40'317 fr. 15, comprenant l’indemnité prévue au chiffre XIII ci-dessus, dont le remboursement à l'Etat ne sera exigé que si la situation économique de C._ le permet (XVI), a ordonné le maintien de la détention de U._, F._ et C._ pour des motifs de sûreté et pour garantir l’exécution des peines mentionnées aux chiffres II, V et VII ci-dessus (XVII).
B.
1.1
U._ a annoncé personnellement faire appel de ce jugement le 28 mars 2013, puis par son conseil le 5 avril 2013. Le jugement lui a été notifié le 15 avril 2013 et il a déposé une déclaration d’appel motivée le 3 mai 2013.
Il a conclu à sa libération des accusations de faux dans les titres, de blanchiment d’argent et d’instigation à faux dans les certificats et à ce que ses peines soient fixées à trois ans de privation de liberté sous déduction de 471 jours de détention avant jugement, à 60 jours-amende à 10 fr., respectivement 30 fr., le jour et à une amende de 500 fr. convertible en 10 jours de privation de liberté.
Il a requis que les analyses des drogues saisies lors de l’arrestation de G._, tiers dont il sera fait état ci-dessous, soient versées au dossier (cf. déclaration d’appel, p. 10).
1.2. C._ a annoncé faire appel du jugement le 28 mars 2013. Le jugement lui a été notifié le 15 avril 2013 et elle a déposé une déclaration d’appel le lundi 6 mai 2013.
Elle a conclu principalement à sa libération de l’accusation d’infraction à la LEtr et à ce sa peine privative de liberté ne dépasse pas deux ans, avec sursis partiel, la partie ferme n’excédant pas un an, sous déduction de 471 jours de détention avant jugement. Subsidiairement, elle a conclu à l’annulation du jugement. Elle n’a pas requis de mesure d’instruction, mais a produit une pièce, soit la copie de son attestation de demande d’asile du 19 août 2009 (P. 210/3/2).
1.3 Le Ministère public a déposé un appel joint le 30 mai 2013 après avoir reçu les appels principaux le 10 mai précédent. Il a conclu à ce que la quotité de la peine privative de liberté prononcée à l’encontre du prévenu U._ soit portée à neuf ans et à ce que celle de C._ soit portée à quatre ans.
Les intimés à l’appel joint U._ et C._ ont chacun contesté l’entrée en matière sur l’appel joint pour le motif principal qu’il ne serait pas motivé ou insuffisamment précis. Par décision non motivée de la direction de la procédure du 9 juillet 2013, les parties ont été informées qu’il était entré en matière sur l’appel joint (P. 225).
1.4 Le jugement rendu le 29 novembre 2012 par le Tribunal criminel de l'arrondissement de Lausanne dans la cause dirigée contre G._ (PE11.017044-LML/AMI) a été versé au dossier (P. 234), ainsi que les rapports d’expertise toxicologiques déposés dans cette procédure (P. 235/1 et 2). La cour s’est aussi fait remettre les trois classeurs relatifs aux contrôles téléphoniques placés sous séquestre comme pièces à conviction dans la présente cause (dont la liste figure sous P. 98/2).
1.5 Les parties ont confirmé leurs conclusions respectives à l’audience d’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Né en 1978, ressortissant du Ghana ou du Nigeria, le prévenu U._ n’a pas appris de métier. Il dit avoir immigré en Espagne en 1996 ou 1997 en vue d’entamer une carrière de footballeur. Après avoir arrêté cette activité et obtenu une carte de résident espagnol, il a travaillé dans le domaine de la construction. Il dit être venu en Suisse en 2010. Il y a déposé une demande d’asile, dont il a été débouté dans des circonstances qui seront exposées ci-dessous. Son casier judiciaire est vierge.
1.2 Née en 1991, ressortissante du Nigeria, sans profession, la prévenue C._ est arrivée en Suisse en août 2009. Elle a déposé une demande d’asile le 19 de ce mois. Elle en a été déboutée dans des circonstances qui seront exposées ci-dessous. Son casier judiciaire est vierge.
1.3 Les prévenus sont détenus à titre provisoire depuis le 13 décembre 2011 à raison des faits faisant l’objet de la présente procédure, soit durant 471 jours à la date du jugement de première instance.
Le comportement en détention de la prévenue a été à l’origine de diverses sanctions disciplinaires, prononcées en application du règlement du 26 septembre 2007 sur le droit disciplinaire applicable aux détenus avant jugement et aux condamnés (RDD; RSV 340.07.1). Ces décisions ont été versées au dossier (P. 238). L’intéressée a ainsi été sanctionnée le 23 avril 2013 pour atteintes au patrimoine et inobservation des règlements et directives; le 18 juin 2013 pour inobservation des règlements et directives et pour communication irrégulière; le 26 juillet 2013 pour inobservation des règlements et directives; le 23 août 2013 pour fraude et trafic et pour inobservation des règlements et directives.
1.4 Les activités illicites des deux susnommés, ainsi que d’un troisième acolyte, F._, dont il sera fait état plus en détail ci-dessous, ont fait l’objet d’une enquête présentée dans un rapport de police de 58 pages, établi le 30 mai 2012 (P. 98/1). Les faits incriminés ressortent dans une large mesure des contrôles téléphoniques, y compris rétrospectifs, portant sur les raccordements utilisés par les prévenus et leurs comparses. Les relevés de ces communications figurent au dossier (références sous P. 98/2, précitée). Les infractions constituant l’objet de la présente procédure, énoncées ci-après, ont été perpétrées à Lausanne sauf mention contraire.
2.1 Du mois de juillet 2011 au 13 décembre de la même année, date de leurs interpellations, les prévenus se sont livrés à un vaste trafic de cocaïne en compagnie d’un tiers, F._, né en 1992, ressortissant de Gambie et également requérant d’asile débouté. Ils agissaient notamment au centre EVAM de l’avenue de Valmont.
U._ a mis en place et dirigé un réseau d’acheminement et de revente de cocaïne actif sur la place lausannoise. Il se chargeait principalement de s’approvisionner en grosses quantités auprès de grossistes établis en Suisse et à l’étranger, notamment aux Pays-Bas, avec lesquels il entretenait des relations privilégiées. Prudent et organisé, il restait éloigné du trafic de rue. F._, qui le secondait, s’occupait de gérer la revente à leurs nombreux clients, qui étaient non des consommateurs, mais des vendeurs de rue. Il s’occupait également de payer leurs différents fournisseurs et complices, ainsi que d’organiser le transport de la cocaïne depuis la Suisse alémanique.
U._ et F._ approvisionnaient ces vendeurs de rue en cocaïne à Lausanne et à Yverdon-les-Bains, principalement sous la forme de cylindres de 10 g vendus 600 francs. Plus occasionnellement, ils les fournissaient sous forme de boulettes de 0,5 g à 40 ou 50 francs. Pour le transport de la cocaïne en grandes quantités, ils ont, de manière récurrente, fait appel à C._ pour transporter de la drogue, qu’elle leur acheminait pour qu’ils la revendent.
Outre leur activité de trafiquants proprement dite, U._ et F._ ont tous deux transféré ou fait transférer d’importantes sommes d’argent sous différentes fausses identités en utilisant les services de plusieurs sociétés de transfert de fonds, à savoir notamment
Western Union, CashXpress, MoneyGram
et
RIA
. U._, en particulier, a notamment procédé à des virements par l’intermédiaire de [...], son amie intime d’alors, laquelle utilisait également un alias. Cette dernière a été condamnée à une peine privative de liberté de trois ans et demi par jugement du 11 octobre 2012 du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne à raison notamment de ces faits.
L’enquête n’a porté que les six derniers mois de leur trafic.
Quant à la facilité avec laquelle les intéressés ont pu utiliser des alias pour les transferts incriminés, le rapport de police relève ce qui suit : «Il ne fait aucun doute que de nombreuses sociétés ne remplissent pas leurs obligations de contrôles, relatives à l’identification des expéditeurs. Précisons que ces grandes sociétés (RIA, Western Union, etc.) sous-traitent les envois à diverses agences, notamment des kiosques, sur lesquelles ils (sic) ont peu de contrôle. (...). Des contacts téléphoniques ont eu lieu entre F._/U._ et certains employés de ces sociétés. Les conversations indiquent clairement de la complaisance et un certain laxisme. (...)» (P98/1, p. 19). De même, il est établi que U._ a, à une reprise au moins, fait personnellement usage d’un alias féminin (
Hélène Meyabeme
).
Les sommes ainsi transférées sont à la mesure du bénéfice issu du trafic, évalué par les enquêteurs à un montant compris entre 31'178 fr. et 172'425 francs. Il est ainsi établi que U._ en particulier menait un certain train de vie, disposant notamment d’un abonnement dans un centre de « fitness » et d’un téléviseur à écran plat dans son logement (P. 98/1, ch. 8, pp. 35 s., et ch. 9, p. 37).
2.2 A la fin du mois d’août ou au début du mois de septembre 2011, U._ a été informé par l’un de ses contacts aux Pays-Bas, surnommé « Nzo », qu’une partie d’une importante quantité de cocaïne livrée à un ressortissant du Nigeria résidant à Muri (AG) lui était destinée. Sa part représentait 200 grammes et le taux de pureté de la drogue était compris entre 13 et 23 %. Moyennant un acompte de 1'300 fr., C._ s’est rendue à Muri dans le dessein de récupérer la drogue, ce qu’elle a fait avant de la livrer à U._.
2.3 Du 9 au 29 septembre 2011, U._ a séjourné à Valence, en Espagne. Il a alors pris contact par téléphone avec une nommée [...], née en 1975, avec laquelle il avait déjà essayé d’entrer en relation le 23 août précédent. L’intéressée est connue des services de police pour avoir participé à un trafic de stupéfiants avec des ressortissants nigérians, auxquels elle avait fourni de l’aide pour leurs voyages sur le Continent européen. U._ entendait avoir recours à ses services pour l’importation en Suisse d’au moins un kilogramme de cocaïne, d’un taux de pureté de 45 %, en provenance d’Amérique du Sud. A cette fin, entre le 12 et le 15 septembre 2011, F._ a transféré un montant total de 3'441 fr. à U._, somme que le dernier nommé reconnaît avoir touchée. On ignore le sort ultérieur de cet argent.
2.4 Le 29 septembre 2011 et le 1
er
octobre suivant, un nommé [...], également membre du réseau du dénommé « Nzo », a proposé « 2 » de cocaïne à F._, lequel a communiqué cette offre par téléphone à U._, alors que celui-ci séjournait en Espagne, Il ressort des aveux de F._ passés à l’audience du tribunal criminel que
Prince Isaac Amadi
lui avait remis 2 g de cocaïne à tester, mais que la qualité de la drogue, qualifiée de « très mauvaise » (jugement, p. 7, dernier par.), avait fait échouer la transaction prévue. Le taux de pureté de la cocaïne était inférieur à 10 %.
2.5 Le 5 octobre 2011, U._ a chargé F._ de demander à C._ de se rendre en Suisse alémanique chez un complice d’un grossiste établi aux Pays-Bas pour récupérer 150 g de cocaïne et de ramener cette drogue à Lausanne, pour un montant de 6'500 francs. Le taux de pureté de la drogue était de 13 %. Le 31 octobre 2011, afin de s’acquitter de la contrepartie financière de cette transaction, U._ a demandé à l’un de ses comparses, surnommé « Dave », de remettre à un complice du grossiste la somme de 2'300 fr.; plus tard, le même jour, ce comparse a rencontré U._ en gare de Lausanne et récupéré 1'500 francs. Enfin, le 25 novembre 2011, « Dave » a fait parvenir 2'300 fr. au grossiste sur demande d’U._.
2.6 Le 7 octobre 2011, U._ a contacté un nommé G._, né en 1972, lequel a accepté de lui livrer 442 g de cocaïne en provenance des Pays-Bas. U._ voulait toutefois tester la qualité de la drogue avant d’en accepter la livraison. G._ a été interpellé à Lausanne le même jour en possession de 97,73 g de cocaïne (respectivement 94 g selon le rapport toxicologique du 9 janvier 2012 sous P. 235/1). Le solde, soit 344,27 g (respectivement 338,6 g selon le rapport toxicologique du 17 janvier 2012 sous P. 235/2), a été retrouvé ultérieurement dans les effets de G._, à l’intérieur du logement occupé par son amie, [...], à Schlieren (ZH). Ce dernier a déclaré qu’il devait livrer la drogue à un Nigérian titulaire d’un numéro de portable qui se trouvait être l’un des raccordements utilisés exclusivement par U._. Par jugement du 29 novembre 2012 du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne, G._ a été condamné à une peine privative de liberté de trois ans, avec sursis partiel, à raison notamment de ces faits; le tribunal correctionnel aussi bien que le tribunal criminel ont retenu que la drogue saisie était destinée à U._ (jugement, pp. 22 in fine et 23). A l’époque de la transaction envisagée, le taux de pureté moyen de la cocaïne sur le marché suisse était de 44 % pour une quantité comprise entre 100 et 1'000 g, de sorte que la quantité de drogue pure qui devait être livrée au prévenu est réputée s’élever à 194,5 grammes.
2.7 Le 22 octobre 2011, un trafiquant surnommé « B40/Short Man » a livré 200 g de cocaïne à F._, avec l’accord de U._, et a versé 2'000 fr. le 4 novembre suivant à l’un de ses complices, surnommé « Nnewi ». Cette transaction a été passée après que F._ eut contacté U._ à plusieurs reprises alors que ce dernier se trouvait en Espagne. La quantité de cocaïne était supérieure à 100 g, pour, ici encore, un taux de pureté moyen de 44 %, la quantité de drogue pure étant ainsi réputée s’élever à 88 grammes.
2.8 Le 13 novembre 2011, F._ a versé 7'000 fr. au dénommé « B40/Short Man », ce qui, selon les calculs de la police, constituait la contre-valeur d’environ 150 g de cocaïne. Il ressort des conversations téléphoniques enregistrées les 11 et 12 novembre précédents que cette transaction avait été organisée depuis l’Espagne par U._, auprès duquel F._ prenait des instructions. Le 15 novembre 2011, « B40/Short Man » a menacé F._ de représailles s’il ne payait pas ce qu’il devait. Compte tenu du taux de pureté moyen de 44 % déjà mentionné, la quantité de drogue pure est réputée s’élever à 66 grammes.
2.9 Le 29 novembre 2011, un trafiquant surnommé « Ekene/BMC » a proposé 70 g de cocaïne à U._, lequel a fait part de cette offre à F._. Ce dernier a fait appel à C._ pour qu’elle prenne en charge la drogue en Suisse alémanique, ce qu’elle a fait, avant de la livrer à F._ à Yverdon-les-Bains. A son tour, ce dernier a acheminé la drogue à U._. Compte tenu du taux de pureté de 38 % déterminé statistiquement par le laboratoire de toxicologie de l’Institut universitaire de médecine légale, la quantité de drogue pure s’élevait à 26,68 grammes.
2.10 A Sainte-Croix, le 10 décembre 2011, C._ a reçu d’une dénommée [...] 300 g de cocaïne moyennant paiement de 1'350 francs (P. 98/1, ch. 2.24, p. 17). La convoyeuse était venue de Madrid par avion dans ce dessein et avait gagné Sainte-Croix en train depuis Genève-Aéroport via Yverdon-les-Bains. Lors de son audition du 28 décembre suivant par la Police genevoise, elle a décrit son acheteuse dans les termes suivants : « Le signalement de cette femme est : Africaine, probablement du Nigeria, 25-30 ans, environ 160 cm, grassouillette. Je ne me souvient pas très bien d’elle, mais je pense que je pourrais la reconnaître ». L’intéressée mentionnait en outre le numéro de téléphone portable de l’acheteuse, enregistré dans son propre répertoire et qu’elle avait utilisé pour passer un appel depuis Yverdon-les-Bains, au cours duquel rendez-vous lui avait été fixé à la gare de Sainte-Croix (dossier joint C, P. 4, pp. 7 in fine et 8 in initio; P. 98/1, ch. 2.24, pp. 16 s.). Ce numéro était l’un de ceux utilisés par C._. Compte tenu du taux de pureté moyen de 44 % déjà mentionné, la quantité de drogue pure alors livrée est réputée s’élever à 132 grammes.
2.11 Le 13 décembre 2011, « Ekene/BMC » a proposé 250 g de cocaïne à U._, la drogue étant disponible à Zurich. Celui-ci en a parlé à F._. A nouveau, ce dernier a recruté C._ pour prendre en charge la marchandise outre-Sarine, ce qu’elle a fait auprès d’un complice de « Ekene/BMC » moyennant paiement de 1’500 francs. La prévenue a ensuite livré la drogue au lieu de résidence lausannois de U._. Interpellée le jour même à la sortie de l’immeuble en question, elle était en possession de la somme de 476 fr., laquelle correspondait à une partie de sa rémunération (P. 98/1, ch. 2.25, p. 17; cf. aussi P. 25). Les analyses des divers échantillons de cocaïne saisis ont révélé un taux de pureté compris entre 30,4 et 53,8 %. Compte tenu du taux médian issu de ces analyses, la quantité de drogue pure ici en cause est de 105,25 grammes.
2.12 La fouille de l’appartement de U._, interpellé le 13 décembre 2011 également, à l’instar de son comparse F._, a permis la découverte de 24 cylindres de cocaïne d’un poids total net de 233,9 g, soit 58,5 g de cocaïne pure compte tenu d’un taux de pureté compris entre 24,6 et 26 % mis en évidence par le rapport toxicologique de l’Institut de police scientifique de l’Université de Lausanne du 20 mars 2012 (P. 93, pp. 2 et 4; cf. aussi P. 98/1, pp. 17 ss et ch. 4.2, p. 25).
En outre, 361,77 g de cocaïne brute ont été trouvés dans une cache aménagée derrière un tableau électrique situé dans un réduit/local à vélos sis sur le même étage que l’appartement. Cette dernière quantité se composait de quatre cylindres et demi d’un poids total brut de 52,62 g, d’un taux de pureté compris entre 13,8 et 14,1 %, ainsi que de 27 cylindres d’un poids total brut de 309,15 g, d’un taux de pureté compris entre 13,8 et 15,5 % (ibid.), soit de 51,3 g de cocaïne pure.
Ces saisies ont donc porté sur 109,80 g de cocaïne pure au total. Du matériel d’emballage (cellophane) a également été trouvé (P. 93; P. 98/1, ch. 2.25, pp. 17 ss et ch. 4.2, p. 25; cf. aussi P. 25).
Seul l’ADN de F._ a été découvert sur les lots dissimulés dans la cache située hors de l’appartement de U._. Ce dernier a toutefois insisté, par téléphone, auprès de son subordonné pour que la drogue soit cachée à l’extérieur de son logement (P. 98/1, ch. 6.2, p. 31).
Enfin, la perquisition effectuée dans l’appartement de C._ a permis la découverte de dix cylindres de cocaïne d’un poids total net de 98,2 g dans une peluche et de dix cylindres et demi de cocaïne d’un poids total net de 99,13 g dans un pantalon court (P. 98/1, ch. 2.25, p. 17). La quantité totale saisie équivaut à 49,85 g de cocaïne pure compte tenu d’un taux de pureté moyen compris entre 23,1 et 35,1 % pour les premiers échantillons et entre 27,4 et 29,1 % pour les seconds échantillons.
2.13 Entre le 25 septembre et le 6 décembre 2011, U._ et F._ ont pris contact avec un tiers résidant en Espagne dans le dessein d’obtenir de faux papiers de légitimation espagnols. A cette fin, ils lui ont, sous de fausses identités, envoyé leurs photographies et lui ont transféré une avance de 3'867 francs. L’opération n’a toutefois pas abouti, les intéressés ayant été interpellés avant que les documents commandés n’aient pu être confectionnés.
2.14 Du 19 novembre 2010 au 13 décembre 2011, U._ a continué à séjourner sur territoire suisse en dépit du rejet de sa demande d’asile par décision du 19 novembre 2010, définitive et exécutoire dès cette date-là. Débouté de sa requête, déposée sous la fausse identité de Michael Weest, prétendument né le 12 août 1987, alors même qu’il disposait d’un titre de séjour en Espagne. Le prévenu ne bénéficiait d’aucune autorisation de séjour en Suisse, où il a néanmoins continué à résider. En outre, il a perçu l’aide d’urgence également après l’entrée en force de la décision, touchant ainsi de l’EVAM des prestations totales de quelque 3'750 fr. du 23 mars 2010 au 31 janvier 2011 et de 3'000 fr. du 1
er
février au 13 décembre 2011, tout en étant mis au bénéfice d’un appartement individuel à Lausanne avec effet au 30 juin 2011 (P. 98/1, ch. 9, p. 37).
Du 19 avril 2010 au 13 décembre 2011, C._ a continué à séjourner sur le territoire suisse en dépit du rejet de sa demande d’asile par décision du 15 janvier 2010, définitive et exécutoire dès cette date-là, assortie d’une commination de départ. Déboutée de sa requête, la prévenue ne disposait depuis lors d’aucune autorisation de séjour dans notre pays. Elle a néanmoins continué à percevoir l’aide d’urgence également après l’entrée en force de la décision, percevant ainsi de l’EVAM des prestations totales de quelque 2'400 fr. du 1
er
octobre 2009 au 19 avril 2010 et de 5'700 fr. du 20 avril 2010 au 13 décembre 2011 (P. 98/1, ch. 11, p. 48). Durant toute la procédure administrative, les décisions lui ont été notifiées par l’intermédiaire de son conseil de l’époque. Ce n’est qu’une fois placée en détention provisoire qu’elle a pu être entendue par des représentants du Nigeria, ce alors qu’elle avait été acheminée à Berne en mars 2012 en vue d’établir des documents pour quitter la Suisse à l’issue de l’exécution de sa peine privative de liberté. Elle a malgré tout persisté à refuser de collaborer à tout rapatriement futur, en faisant valoir que son intégrité corporelle, voire même sa vie, pourrait être mise en danger, dès lors qu’elle se serait soustraite à un prétendu ministère obligatoire de prêtresse remplaçante du culte vaudou. A l’audience d’appel, tout en disant vouloir désormais quitter la Suisse, elle a ajouté qu’actuellement elle n’était pas sûre que de tels documents eussent été établis.
2.15 A tout le moins au début du mois de décembre 2011, U._ a occasionnellement consommé de la marijuana à raison de deux ou trois fois par semaine, sans toutefois être dépendant d’une quelconque drogue.
3. Appréciant la culpabilité de U._ après lui avoir imputé un trafic portant sur 1'163,39 g de cocaïne pure comprenant les transactions abouties, celles projetées et les quantités saisies dont il avait le contrôle (jugement, p. 26), le tribunal criminel l’a tenue pour écrasante (jugement, p. 29). A charge, il a retenu, outre le concours d’infractions, que l’intéressé avait vécu en Suisse quasiment comme un prince et de manière illégale sous une fausse identité, profitant honteusement de son statut; qu’il avait organisé et dirigé un trafic de cocaïne important sans même avoir l’excuse d’être un toxicomane et en en déléguant l’aspect purement pratique à son comparse; que les contacts noués avec des trafiquants compatriotes montraient le professionnalisme dont il avait fait preuve pendant son séjour en Suisse. Aucun élément n’a été retenu à décharge, hormis le fait qu’il n’avait jamais occupé les autorités pénales jusqu’à son arrestation. Les quelques concessions à la vérité faites par ce prévenu alors qu’il n’avait plus d’autre option n’ont pas pesé en sa faveur, ce qui précède excluant tout repentir et même toute prise de conscience. Les jours-amende et l’amende répriment séparément l’infraction à la loi fédérale sur l’asile et la contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants.
Appréciant la culpabilité de C._ après lui avoir imputé un trafic portant sur 356,28 g de cocaïne pure y compris la transaction effectuée le 10 décembre 2011 et la drogue trouvée en sa possession (jugement, p. 26), le tribunal criminel l’a tenue pour loin d’être négligeable (jugement, p. 30). A charge, il a retenu, outre le concours d’infractions, le nombre de voyages effectués en Suisse notamment pour transporter de la drogue. A décharge ont été pris en compte ses aveux, qui ont eu pour effet de déclencher des ébauches de confessions chez les autres prévenus. Quant au sursis, un pronostic favorable ne pouvait, selon le tribunal criminel, être émis à son égard. En effet, les premiers juges ont retenu que l’intéressée, à peine sortie de l’adolescence, s’était insérée avec facilité dans un important trafic ce cocaïne et n’avait pas montré une singulière prise de conscience nonobstant les regrets exprimés. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), chacun des appels principaux est recevable. Il en va de même de l’appel joint dirigé contre l’un et l’autre des appelants principaux.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3. Appel de U._
3.1
Se prévalant d’une constatation incomplète ou erronée des faits au sens de l’art. 398 CPP al. 2 let. b CPP, le prévenu conteste le volume du trafic retenu à son encontre.
3.2
Les premiers juges ont imputé au prévenu un trafic portant sur 1'163,39 g de cocaïne pure. Ce total comprend les transactions abouties, celles projetées et les quantités saisies dont il avait le contrôle (jugement, p. 26). Il résulte de l’addition, dans l’ordre du jugement, les quantités de cocaïne apparaissant dans les cas suivants :
- fin août ou début septembre 2011, réception de 200 g brut de cocaïne, soit 26 g de drogue pure en provenance des Pays-Bas (ch. 2.2 ci-dessus; jugement, p. 19 in fine / cas admis par le prévenu);
- du 9 au 29 septembre 2011, mesures prises en vue d’acquérir en Espagne 1 kg brut de cocaïne, soit 450 g de drogue pure au taux de pureté de 45 % (ch. 2.3 ci-dessus; jugement, p. 20 / cas contesté par le prévenu « faute d’éléments suffisants »);
- du 29 septembre au 1
er
octobre 2011, mesures prises (négociation) en vue d’acquérir 200 g brut de cocaïne, soit 20 g de drogue pure (ch. 2.4 ci-dessus; jugement, p. 21 / cas admis par le prévenu à concurrence de deux grammes en page 9 du jugement);
- le 5 octobre 2011, instructions données à F._ en vu d’acquérir et acquisition en Suisse alémanique de 150 g bruts de cocaïne, soit 19,5 g de drogue pure (ch. 2.5 ci-dessus; jugement, p. 22 / cas partiellement admis par le prévenu);
- le 7 octobre 2011, commande de 442 g bruts de cocaïne, soit 194,5 g de drogue pure (ch. 2.6 ci-dessus; jugement, pp. 22 in fine et 23 / cas admis à concurrence de 10 g par le prévenu et taux de pureté moyen de 44 % contesté, l’échantillon de la drogue saisie en mains du vendeur présentant un taux de 28,3 à 31,5 % selon la P. 98, p. 25 ch. 1);
- le 22 octobre 2011, achat de 200 g bruts de cocaïne, soit 88 g de drogue pure (ch. 2.7 ci-dessus; jugement, p. 23 / cas contesté par le prévenu);
- les 11 et 12 novembre 2011, instructions données à F._ pour acquérir au moins 150 g bruts de cocaïne, soit 66 g de drogue pure (ch. 2.8 ci-dessus; jugement, p. 24 / cas contesté par le prévenu);
- le 29 novembre 2011, acquisition de 70 g bruts de cocaïne, soit 26,68 g de drogue pure (ch. 2.9 ci-dessus; jugement, p. 24 / cas admis par le prévenu);
- le 13 décembre 2011, achat de 250 g bruts de cocaïne, soit 105,25 g de drogue pure (ch. 2.11 ci-dessus; jugement, p. 25 / cas très partiellement admis par le prévenu);
- le 13 décembre 2011 également, découverte de 233,9 g bruts de cocaïne (24 cylindres) dans le logement du prévenu, soit 58,5 g de drogue pure (ch. 2.12 ci-dessus; jugement, p. 25 in fine / cas admis par le prévenu);
- le 13 décembre 2011 encore, découverte de 361,77 g bruts de cocaïne (27 cylindres et 4,5 cylindres) dans un local annexe du logement du prévenu, soit 51,3 g de drogue pure (ch. 2.12 ci-dessus également; jugement, p. 25 in fine / cas contesté par le prévenu).
En définitive, l’addition de ces quantités de cocaïne pure donne le résultat de 1'105,73 g, soit 57,66 g de moins que le total retenu par le tribunal criminel.
4.
4.1
L’appelant fait valoir que le trafic dont il s’est rendu coupable portait au plus sur une quantité de cocaïne de 130,68 g (déclaration d’appel, p. 6 in fine). Cela étant, il soulève divers moyens séparés, relatifs à des faits distincts énoncés par l’acte d’accusation et repris par le jugement.
4.2
L’appelant conteste une opération de trafic qu’il tient pour imputée à F._ (jugement, p. 21 in fine). Cependant, ces faits ne lui sont, précisément, pas reprochés, ne l’étant qu’à son acolyte. Ce moyen doit dès lors être rejeté.
4.3
De même, l’appelant paraît contester l’opération effectuée par C._ le 10 décembre 2011 (jugement, p. 24 in fine; ch. 2.10 ci-dessus). Ce moyen doit aussi être rejeté, puisque l’acte incriminé ne lui est, précisément, pas imputé, ne l’étant qu’à sa comparse ayant agi pour son compte exclusif.
4.4
Pour ce qui est de l’achat, le 7 octobre 2011, de 442 g de cocaïne brute en provenance des Pays-Bas (ch. 2.6 ci-dessus), l’appelant conteste le pourcentage permettant de quantifier la drogue pure. Il critique l’application du taux moyen de pureté sur le marché suisse de 44 %, en faisant valoir que, selon le rapport de police (P. 98, p. 13 et P. 25 ch. 4.2), la drogue appartenant au vendeur G._, jugé depuis lors, avait été saisie en sa possession, ainsi que dans un appartement de Schlieren chez une certaine [...] et que cette dernière cocaïne présentait un taux de pureté compris entre 28,3 et 31,5 %.
Il ressort du jugement rendu à l’égard de G._, fondé sur les rapports toxicologiques de l’Institut de police scientifique de l’Université de Lausanne des 9 et 17 janvier 2012, que le taux de la drogue saisie sur la personne et au lieu de résidence du susnommé à Schlieren (chez son amie [...]) était « supérieur à la moyenne habituelle et proche de 30 % » (jugement du 29 novembre 2012, p. 6 in medio). De fait, le premier rapport toxicologique retient un taux de pureté moyen de 29,6 % +/- 1,1 % pour ce qui est de la cocaïne saisie à Schlieren, tandis que le second retient un taux de pureté moyen de 29,3 % +/- 1,3 % pour ce qui est de la cocaïne saisie à Lausanne sur la personne de G._ (P. 235/1 et 235/2 respectivement). Il ressort du rapport de police que la totalité de la drogue saisie à Lausanne et à Schlieren devait être livrée à U._ (P98/1, ch. 2.16, p. 13).
Appliqué aux 442 g de drogue brute saisie, le taux moyen de 29,5 % (qui tient compte tenu des quantités respectives saisies à Lausanne et à Schlieren, soit 94/27,5 g et 338,6/100,2 g de cocaïne brute/pure) donne 130,40 g de cocaïne pure. Il faut donc déduire 64,10 g (194,50 - 130,40) du total ci-dessus.
4.5
L’appelant fait valoir que la cocaïne trouvée chez C._ (ch. 2.12 ci-dessus) ou en possession de F._ lors de l’arrestation de celui-ci ne doit pas lui être imputée. Toutefois le tribunal criminel n’a précisément pas procédé à semblable imputation (jugement, pp. 25 et 26, lues en fonction de la récapitulation figurant plus haut).
4.6
L’appelant fait grief aux premiers juges, en ce qui concerne la cocaïne passée de main en main le 13 décembre 2011 (ch. 2.11 ci-dessus), d’avoir retenu à double, donc comme deux transactions distinctes, l’achat et l’acheminement de 105,25 g nets de cocaïne, d’une part, et la détention d’une quantité de 58,5 g nets de cette même drogue découverte dans son logement sitôt après sa livraison, d’autre part.
Il ressort effectivement des faits que les deux lots en question procédaient de la même opération de trafic (cf. P. 98/1, pp. 17, 18 et 30 s.). Partant, dans ces deux cas, il faut retenir 58,5 g (ch. 2.12) et 6,77 g de cocaïne pure (ch. 2.11; 250-233,9 x 42,1 %), donc 65,27 g au total, et non 163,75 grammes. Partant, il y a lieu de déduire 98,48 g de cocaïne pure du total mentionné ci-dessus.
4.7
L’appelant conteste son implication en ce qui concerne la drogue découverte dans un local situé dans son immeuble, à l’étage de son logement, (ch. 2.12 ci-dessus). Il se prévaut du fait que seul l’ADN de F._ a été découvert sur cette marchandise. En réalité, outre la proximité immédiate du logement de l’appelant et de cette cache aménagée derrière un tableau électrique situé dans un réduit/local à vélos sur le même étage, comme l’ont décrit les enquêteurs (P. 98/1 p. 18), diverses conversations téléphoniques (P. 98/1, pp. 30 et 31) démontrent en effet que cette drogue appartenait tant à l’un qu’à l’autre des deux comparses, U._ ayant insisté auprès de son subordonné immédiat pour que la drogue soit cachée à l’extérieur de son logement.
4.8
L’appelant conteste avoir pris des mesures en Espagne en vue d’importer un kilogramme de cocaïne depuis l’Amérique du Sud (ch. 2.3 ci-dessus). Il s’agit d’une dénégation non étayée, qui est infirmée par le dossier. Il ressort en effet des éléments évoqués en pp. 7 et 8 du rapport de police (P. 98/1, déjà mentionnée), confirmés par les contrôles téléphoniques, qu’un contact téléphonique avait été établi avec la passeuse [...], qui avait pris en charge l’appelant en gare de Genève le 9 septembre 2011 pour l’acheminer en Espagne; il ressort des retranscriptions d’appels téléphoniques que cette dernière avait proposé ses services à l’appelant, l’intéressée ayant besoin d’argent frais pour commencer à rembourser une dette de 13'000 euros. Aussi bien, c’est une fois arrivé en Espagne que l’appelant a contacté F._, lequel était demeuré en Suisse, en faisant état d’une quantité de cocaïne comprise entre 1 et 1,5 kg et en demandant à son subordonné immédiat de lui faire parvenir de l’argent pour financer le billet d’avion à destination de l’Amérique du Sud et une partie de l’activité de [...]. C’est à la réquisition de l’appelant que F._ a, les 12 et 15 septembre 2011, effectué les transferts d’argent pour un total de 3'441 fr. mentionnés au ch. 2.3 ci-dessus, somme que l’appelant reconnaît avoir reçue. De fait, l’appelant a acheté un billet d’avion pour un prix de 1'700 fr, le titre de transport étant valide le 15 septembre 2011. Les contrôles téléphoniques ne révèlent plus aucun contact entre l’appelant et [...] depuis lors, cette dernière ayant ainsi disparu. L’appelant a ensuite, en vain, tenté de se faire rembourser le billet auprès de l’agence de voyage émettrice. Les versements effectués par F._ et l’achat immédiatement ultérieur du billet n’ont de sens que rapprochés des contacts entre l’appelant et [...], connue des services de police pour son implication dans des réseaux de trafiquants de cocaïne; comme cela ressort des contrôles téléphoniques, ces contacts tendaient à l’importation, sur le Continent européen, d’au moins un kilogramme de cocaïne depuis l’Amérique du Sud par sa correspondante. Ce complexe de faits établit au-delà de tout doute raisonnable que l’appelant a accompli des actes dans le dessein d’entrer en possession d’une telle quantité de drogue. Ses dénégations étant ainsi vaines, ce moyen doit aussi être rejeté.
4.9
En définitive, après avoir déduit 64,10 g et 98,48 g du total rectifié de 1'105,73 g, on aboutit à un trafic quantifiable de 943,15 g de cocaïne pure, l’état de fait du jugement étant modifié en ce sens.
5.
Par ailleurs, l’appelant conteste avoir eu un rôle dirigeant dans le trafic. Il soutient que son implication dans le réseau était identique à celle de F._, dont il partagerait dès lors la culpabilité.
Le rapport de police expose la structure de la cellule de trafic, soit les activités particulières de chacun et la hiérarchie des rôles, ce sur la base de l’analyse des écoutes (P. 98/1 p. 26). Il en ressort que, si F._ et l’appelant sont associés, le premier appelle le second « boss », soit « patron », ce notamment lorsqu’il le désigne à des tiers. Il ne s’agit donc pas d’une plaisanterie entre eux, contrairement à ce que l’appelant a tenté de soutenir. Ce dernier, né en 1978, est d’ailleurs sensiblement plus âgé que son acolyte, né en 1992. Enfin, l’appelant organisait le trafic et négociait les achats, y compris en utilisant un réseau international, alors que son comparse s’occupait pour l’essentiel des ventes et des contacts en Suisse, ce durant toute la période d’activité du réseau ayant fait l’objet de l’enquête. Certaines conversations enregistrées permettent ainsi de vérifier que F._ rendait compte d’opérations de trafic à U._ et que ce dernier lui donnait des instructions, s’agissant en particulier des versements effectués les 12 et 15 septembre 2011, alors qu’il se résidait en Espagne. L’appelant se trouvait donc, en amont du trafic, dans une position supérieure à celle de F._. De manière générale, l’appelant, dans ses actes de trafic, était le moins exposé au risque d’arrestation, ce qui constitue un signe indiscutable de pouvoir. C’est du reste par les deux autres prévenus que les enquêteurs sont remontés jusqu’à lui. Ce faisceau d’indices convergents est dès lors suffisant pour se convaincre au-delà de tout doute raisonnable que l’appelant a bien endossé un rôle dirigeant dans le réseau. L’appel doit être rejeté sur ce point également.
6.
L’appelant conteste ensuite avoir procédé à des envois d’argent dont certains sous une fausse identité.
Le jugement (p. 26 in fine) retient que l’appelant et F._ ont transféré à l’étranger un montant total de 55'170 francs. Il s’agissait, toujours selon les premiers juges, de bénéfice provenant de leur trafic de drogue (ibid.; cf. aussi P98/1, ch. 7, pp. 31 ss). L’appelant conteste être impliqué de quelque manière que ce soit dans ces exportations d’argent criminel. Toutefois, il a clairement été mis en cause, en confrontation, par son ex-amie [...], qui a indiqué avoir effectué plusieurs transferts d’espèces à hauteur de 5'000 fr. à son instigation et pour son compte par le biais de la
Western Union
(PV aud. 9, pp. 2 et 6, spéc. lignes 205-223). Cette dernière a donné des explications détaillées et convaincantes sur les circonstances, ainsi même que sur son propre état d’esprit et ses réactions lors de virements d’espèces pour le compte de l’appelant à hauteur de montants de l’ordre de 5'000 fr. (P. 115 p. 5). De plus, les enquêteurs sont parvenus à retrouver et à répertorier les traces de ces transferts d’argent auprès d’agences de transfert de fonds (P. 98/1, ch. 7 pp. 31 ss, et P. 99).
L’usage d’alias pour certains envois résulte également des investigations des enquêteurs. Il ressort en effet du rapport de police (P. 98/1, ch. 7.1, p. 32), qui comporte les clichés numériques de divers documents de transfert, que, outre les virements effectués à son instigation par des tiers agissant comme prête-noms, l’appelant a utilisé les alias de
Kedi
,
Weest
,
Fosso
et
Meyabeme
, ce dernier comportant même un prénom féminin (
Hélène
). Le moyen, de portée factuelle, doit ainsi être rejeté.
7.
7.1
L’appelant reproche ensuite aux premiers juges une fausse application des art. 24 al. 2, 22 al. 1 et 252 CP. Quant aux faits, il conteste avoir, avec F._, commandé à un tiers et payé 3'867 fr pour acquérir de faux documents d’identité espagnols les concernant qui n‘ont finalement pas été confectionnés et avoir envoyé à cette fin au faussaire leurs photographies sous de fausses identités (jugement, p. 27, 3e par.). En droit, l’appelant conteste la qualification pénale des faits, soit l’infraction de tentative d’instigation à faux dans les certificats (22 al. 1 CP ad 24 al. 1 CP ad 252 CP). Il fait valoir que l’infraction principale est un délit et que, comme celui-ci n’aurait pas été commis, l’acte d’instigation ne serait pas punissable.
7.2
Selon la jurisprudence fédérale (TF 6S.507/200 du 16 décembre 2001; ATF 128 IV 11), pour qu'il y ait instigation, il faut que l'instigué ait agi, c'est-à-dire qu'il ait commis ou, à tout le moins, tenté de commettre l'infraction. Si, pour un motif ou un autre, l'instigué n'agit pas, une condamnation ne peut éventuellement être prononcée que pour tentative d'instigation, laquelle n'est toutefois punissable que pour autant que l'infraction visée soit un crime (cf. art. 24 al. 2 CP).
L’infraction de faux dans les certificats est un délit; il est établi qu’aucun faux document d’identité n’a été confectionné à la suite des démarches de l’appelant et de son acolyte, ni même que le faussaire sollicité ait tenté de se mettre à l’oeuvre. L’acte d’instigation n’est dès lors pas punissable. Sur ce point, l’appel est donc bien fondé. Partant, l’appelant devra être libéré de l’infraction de tentative d’instigation à faux dans les certificats, la déclaration de culpabilité devant être modifiée dans cette mesure.
8. Quotité de la peine et appel joint du Ministère public dirigé contre U._
8.1
Le prévenu conteste la quotité de sa peine privative de liberté, qu’il estime excessive par rapport à d’autres causes soumises au Tribunal fédéral, dont il a produit les arrêts (P. 209/5, 6 et 7), soit quatre ans et neuf mois pour 5 kg d’héroïne, 5 ans (peine d’ensemble) pour 2,2 kg de cocaïne et huit ans pour 5'020 et 4'916 g de cocaïne. Le Ministère public s’en prend également à la quotité de cette peine, qu’il tient pour excessivement clémente.
8.2.1
Selon l'art. 47 CP, applicable en matière d’infractions à la législation sur les stupéfiants (art. 26 LStup), le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (
objektive Tatkomponente
). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (
subjektive Tatkomponente
). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (
Täterkomponente
), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; ATF 129 IV 6 c. 6.1 p. 20; TF 6B_759/2011 du 19 avril 2012 c. 1.1; TF 6B_335/2012 du 13 août 2012 c. 1.1).
8.2.2
Dans le domaine spécifique des infractions à la LStup, le Tribunal fédéral a dégagé les principes suivants (cf. notamment TF 6B_429/2008 du 7 novembre 2008 c. 5.1.1.) :
Même si la quantité de la drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important. Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup. Il en va de même lorsque plusieurs des circonstances aggravantes prévues à l'art. 19 ch. 2 LStup sont réalisées. Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération. Si l'auteur sait que la drogue est particulièrement pure, sa culpabilité sera plus grande; en revanche, sa culpabilité sera moindre s'il sait que la drogue est diluée plus que normalement (ATF 1122 IV 299 c. 2c p. 301; ATF 121 IV 193 c. 2b/aa p. 196).
L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. Le délinquant qui traverse les frontières (qui sont surveillées) doit en effet déployer une énergie criminelle plus grande que celui qui transporte des drogues à l'intérieur du pays et qui limite son risque à une arrestation fortuite lors d'un contrôle; à cela s'ajoute que l'importation en Suisse de drogues a des répercussions plus graves que le seul transport à l'intérieur des frontières. Enfin, le nombre d'opérations constitue un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux; celui qui écoule une fois un kilogramme d'héroïne sera en principe moins sévèrement puni que celui qui vend cent grammes à dix reprises. Outre les éléments qui portent sur l'acte lui-même, le juge doit prendre en considération la situation personnelle du délinquant, à savoir sa vulnérabilité face à la peine, ses obligations familiales, sa situation professionnelle, les risques de récidive, etc. Les mobiles, c'est-à-dire les raisons qui ont poussé l'auteur à agir, ont aussi une influence sur la détermination de la peine. Il conviendra ainsi de distinguer le cas de l'auteur qui est lui-même toxicomane et qui agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (ATF 122 IV 299 c. 2b p. 301).
Enfin, le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d'élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (ATF 121 IV 202 c. 2d/aa p. 204; ATF 118 IV 342 c. 2d p. 349).
Le Tribunal fédéral a notamment confirmé une peine de privative de liberté de sept ans sanctionnant un grossiste intermédiaire non toxicomane et sans antécédents impliqué dans un trafic portant sur 1,5 kg de drogue présentant un taux de pureté de 10 % (TF 6S.101/2006 du 25 avril 2006, résumé
in
: Dupuis/Geller/ Monnier/Moreillon/Piguet/Bettex/Stoll [éd.], Petit commentaire CP, Bâle 2012, n. 28 in fine ad art. 47 CP, p. 302).
8.3
Dans le cas particulier, le trafic quantifiable porte sur 943,15 g de cocaïne pure. L’importance du trafic ressort toutefois également d’autres indices, soit la fréquence élevée des communications téléphoniques à mots couverts consacrées au commerce illicite, les volumes d’argent exportés correspondant à du bénéfice net réalisé (soit 15 fr. par gramme de cocaïne selon les chiffres figurant en page 20 du jugement), les fragments retrouvés de comptabilité ou de décompte affichant des montants de 28'980 fr. ou 36'300 fr. (P. 98/1, pp. 29 s.).
Le concours d’infractions, le rôle dirigeant de l’appelant, sa fonction d’approvisionner d’autres trafiquants locaux, la connotation internationale de certaines opérations, son mobile bassement et exclusivement crapuleux, s’agissant d’un individu qui n’était pas dépendant de la drogue, l’intensité de sa détermination criminelle affichée pour maintenir et faire croître l’entreprise illicite, son activité très soutenue durant une longue période, la multiplicité des actes de trafic, l’atteinte portée à la santé publique, son manque de collaboration à l’enquête, son installation en Suisse à des fins criminelles sous le couvert d’une demande d’asile déposée sous une fausse identité, l’absence de scrupules l’amenant à percevoir des prestations sociales en espèces et en nature tout en déployant son activité criminelle et l’absence de toute prise de conscience de la gravité de ses actes sont autant d’éléments à charge qui contribuent à alourdir très sensiblement la culpabilité de l’appelant. On ne discerne aucun élément à décharge. En particulier, l’absence d’antécédents ne constitue qu’une absence d’élément à charge (ATF 136 IV 1); c’est donc à tort que les premiers juges ont pris en compte cet élément en faveur du prévenu. Dans ces conditions, la légère réduction de la quantité de cocaïne pure par rapport à celle constatée par le tribunal criminel et l’acquittement d’une accusation secondaire (instigation à faux dans les certificats), demeurée de surcroît au degré de la tentative, n’ont pas pour effet d’amoindrir la culpabilité de l’appelant et, partant, de diminuer la quotité de la peine privative de liberté.
D’un autre côté, faire droit à la conclusion du Parquet tendant à arrêter la peine privative de liberté à neuf ans se heurterait à un grief d’arbitraire, soit de sévérité excessive qui procéderait d’une fausse application de l’art. 47 CP. En effet, une telle quotité doit, selon la pratique en la matière, être réservée aux trafiquants ayant contribué à mettre sur le marché des volumes de drogue nettement plus élevés, soit de multiples kilogrammes plutôt que des centaines de grammes. Tout bien pesé, la quotité de la peine privative de liberté doit être fixée à sept ans.
Il convient donc de rejeter l’appel joint du Ministère public, mais d’admettre très partiellement l’appel principal du prévenu en ce sens que l’appelant est libéré de l’infraction de tentative d’instigation à faux dans les certificats.
9. Appel de C._
9.1
Se prévalant d’une constatation incomplète ou erronée des faits au sens de l’art. 398 CPP al. 2 let. b CPP et d’une violation de la présomption d’innocence, l’appelante conteste d’abord différents éléments de l’état de fait du jugement.
9.2
L’appelante critique la présentation générale faite de sa personne en page 19 du jugement, selon laquelle elle était connue dans le milieu de la drogue, très active et relativement indépendante, offrant ses services à de nombreux trafiquants, mais n’hésitant pas à œuvrer pour son compte.
Comme le jugement l’indique en page 18, il ne s’agit là que d’un extrait de l’acte d’accusation. Or, en page 30 du jugement, le Tribunal criminel s’est écarté de cette description en procédant à une appréciation de la culpabilité de l’intéressée au vu des circonstances du cas. Ce faisant, tout en montrant qu’il n’était pas dupe des explications bancales car invraisemblables et dépourvues de toute logique économique (livraison de plats cuisinés, achats de viande à Olten et prostitution) avancées par la prévenue pour justifier ses multiples et incessants déplacements ferroviaires en Suisse, notamment outre-Sarine, il a retenu qu’à part la transaction effectuée à Sainte-Croix le 10 décembre 2011, dont il n’était pas établi qu’elle eût été destinée à une autre personne qu’à elle-même, elle n’avait fait qu’œuvrer comme « mule » pour ses deux coprévenus. Il n’y a donc pas matière à rectifier l’état de fait dans le sens du premier moyen de l’appelante.
9.3
L’appelante conteste son implication dans l’achat de 300 g de cocaïne à [...] le 10 décembre 2011 (jugement, p. 24 in fine). Or, elle a été mise en cause (dossier joint C, P. 4, pp. 7 et 8) par la « mule » [...] qui, après avoir atterri à Genève-Cointrin venant de Madrid, l’a contactée en composant l’un de ses numéros de portable et qui a été accueillie par elle à la gare de Sainte-Croix avant d’être conduite à un appartement où la transaction s’est déroulée (cf. ci-dessous). La localisation téléphonique confirme la présence de l’appelante à Sainte-Croix au jour et à l’heure de la transaction, soit le 10 décembre 2011 à 12 h 24. L’appelante conteste cependant avoir répondu à l’appel et soutient avoir prêté à un tiers l’un de ses quatre portables. Ces allégations ne sont toutefois pas fondées alors que le procès-verbal d’audition de dame [...] du 28 décembre 2011 comporte les passages suivants :
« (...). Je suis venue en avion entre Madrid et Genève, avec Easy-Jet. J’ai ensuite pris un train pour Yverdon, et j’ai appelé lorsque j’étais à Yverdon. J’ai été étonnée d’avoir une femme au téléphone. Elle m’a dit de prendre un train d’Yverdon pour aller à Sainte-Croix, et qu’elle allait m’attendre à la gare de Sainte-Croix. A cet endroit, nous sommes allés dans un appartement (...). Dans cet appartement, il y avait un homme, mais je ne l’ai quasiment pas vu et j’ignore ce qu’il faisait là. Il n’a pas vu l‘échange drogue-argent.
Sur question, je pense bien qu’elle habitait dans cet appartement, qui ressemblait à un appartement décoré à l’africaine. (...).
Le signalement de cette femme est : Africaine, probablement du Nigeria, 25-30 ans, environ 160 cm, grassouillette. Je ne me souvient pas très bien d’elle, mais je pense que je pourrais la reconnaître. (...) » (P. 4, précitée, p. 7).
Certes, le témoin n’a pas reconnu l’appelante sur la planche photographique qui lui était montrée, mais tous les autres éléments lui correspondent. La description donnée de la physionomie de l’appelante est exacte, s’agissant en particulier de l’âge estimé, de la taille, de la domiciliation et de l’origine de l’intéressée qui effectivement a été arrêtée par la police le 13 décembre 2011. Le qualificatif de « grassouillette », qui relève plus d’une appréciation que d’un fait, n’est pas décisif. En définitive, l’appelante, qui était comme elle l’a avoué active dans le trafic, est bien la personne qui a réceptionné la « mule ».
9.4
L’appelante conteste aussi l’application, dans ce cas par le tribunal criminel, d’un taux de pureté moyen tiré d’une statistique, soit 44 %. Au bénéfice du principe
in dubio pro reo
, elle entend lui substituer le taux le plus bas, de 13 %, déterminé dans un autre cadre, à savoir le taux de la drogue saisie sur la personne de F._ lors de son arrestation (jugement, p. 25). Or, la transaction imputée à l’appelante, du 10 décembre 2011, ne concernait pas les deux autres prévenus. Rien n’accrédite l’idée que les 300 g acquis le jour en question en provenance d’Espagne auraient la même origine et le même taux de pureté que la drogue invoquée par l’appelante (dont la structure chimique fait l’objet du rapport toxicologique sous P. 93, déjà mentionné), acheminée à Lausanne en provenance de Zurich. Ce dernier lot ne constitue ainsi précisément pas une référence, à l’inverse du taux moyen appliqué par défaut de saisie permettant une analyse. De plus, le jugement fait état d’un taux de pureté de 13 % en chiffre rond dans deux autres saisies (ch. 2.2 et 2.5) qui, elles, impliquent l’intéressée comme transporteuse. Toutefois, ces deux cas concernaient de la cocaïne qui ne provenait pas directement d’Espagne, contrairement à celle achetée par la prévenue à Sainte-Croix, mais des Pays-Bas. Ils ne sauraient donc davantage constituer une référence permettant de s’écarter du taux statistique.
10.
L’appelante conteste également sa condamnation pour séjour illicite au sens de l’art. 115 al. 1 let. b LEtr.
10.1
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (TF 6B_85/2007 du 3 juillet 2007; TF 6B_482/2010 du 7 octobre 2010 et TF 6B_783/2011 du 2 mars 2012) et la doctrine (Nägegeli/Schoch Ausländerrecht, n. 22.35, p. 1115 notamment), une condamnation pour séjour illégal au sens de l’art. 115 al. 1 let. b LEtr ne peut être prononcée que si le départ de Suisse est légalement possible.
En outre, le Tribunal fédéral a rappelé qu’un étranger ne saurait contester que, depuis l’échéance du délai qui lui a été imparti pour quitter la Suisse après le rejet de sa demande d’asile, il réside illégalement dans le pays, faute de toute autorisation d’y séjourner, et que son comportement est donc constitutif de l’infraction réprimée par l’art. 23 al. 1, 4
ème
phrase, LSEE, respectivement par l’art. 115 al. 1 let. b LEtr. Dans son arrêt, le Tribunal fédéral a notamment constaté que l’intéressé s’était délibérément mis dans l’impossibilité de quitter le pays, en omettant toute démarche qui eût permis l’exécution des décisions rendues en matière d’asile. A plus forte raison, ne pouvait-il valablement, dans ces conditions, se prévaloir de sa bonne foi en tentant de faire admettre que son comportement serait licite ou, du moins, que l’intéressé pouvait croire qu’il l’était (TF 6B_504/200 du 21 juillet 2009 c. 1.1; CAPE du 22 juillet 2013/176 c. 2.4).
10.2
L’appelante a confirmé qu’elle n’avait rien entrepris pour se procurer des documents d’identité et ainsi faciliter son départ ou son renvoi. Comme cela ressort du reste du communiqué de presse du 21 janvier 2011 de l’Office fédéral des migrations dont l’appelante se prévaut (http://www.bfm.admin.ch/content/bfm/fr/ home/dokumentation/medienmitteilungen/2011/2011-01-21.html), les renvois au Nigeria n’étaient pas tous temporairement suspendus, mais uniquement ceux nécessitant l’usage de la force à l’égard de déboutés récalcitrants. Le moyen déduit d’une prétende impossibilité de se conformer au renvoi est ainsi infondé. Ce n’est pas parce qu’elle bénéficiait d’une aide d’urgence que son séjour illicite en Suisse était pour autant toléré ni, à plus forte raison, légal. Pour le reste, le fait qu’elle n’ait pas disparu dans la clandestinité soit, plus précisément, qu’elle soit restée en contact avec l’autorité administrative compétente durant toute la procédure, est sans effet sur le caractère illicite de son séjour. Ce qui est déterminant, c’est le fait qu’elle n’a intentionnellement pas entrepris la moindre démarche pour donner suite à la décision, entrée en force, lui enjoignant de quitter le territoire suisse. La réalisation des éléments constitutifs, objectifs et subjectifs, de l’infraction réprimée par l’art. 115 al. 1 let. b LEtr est dès lors manifeste.
11. Quotité de la peine et appel joint du Ministère public dirigé contre C._
L’appelante principale et l’appelant par voie de jonction contestent chacun la quotité de la peine privative de liberté, fixée à trois ans par le tribunal criminel.
A charge doivent être retenus le nombre significatif d’opérations de transport et de récupération de cocaïne où elle apparaît; l’intensité de son activité criminelle; l’importance des volumes de drogue qu’elle a ainsi contribué à diffuser; son efficacité de convoyeuse fiable et déterminée; son manque total de scrupules pour la population du pays qui l’abritait, la nourrissait et l’aidait, alors même qu’elle portait atteinte à la santé publique de ses habitants; l’absence de tout regret authentique; le fait que la prévenue, mue par le seul appât du gain, n’est pas toxicomane et ne l’a jamais été. Les seuls éléments à décharge sont sa jeunesse et les aveux qu’elle a passés, même si ceux-ci n’ont été que partiels. Sa culpabilité n’en apparaît pas moins considérable. Pour autant, on ne discerne aucun motif qui commanderait d’alourdir la peine privative de liberté prononcée par le tribunal criminel. En particulier, hormis une opération menée à son compte, la prévenue a agi sur instructions d’autres trafiquants. Ce rôle en règle générale moindre au sein du réseau rendrait excessive une peine privative de liberté de quatre ans.
La comparaison de cette sanction avec celle. identique, infligée au trafiquant G._ pour une activité plus longue et ayant eu une composante internationale n’est pas décisive. En effet l’appelante n’a pas oeuvré exclusivement comme « mule », puisqu’elle disposait à son domicile d’environ 50 g de cocaïne pure, drogue glissée dans des cachettes. Posséder sa propre réserve de cocaïne, d’un volume équivalent à 2,7 fois la quantité réalisant le cas grave, à l’évidence pour le commercialiser à son profit, alourdit en effet sensiblement sa culpabilité. Tout bien pesé, c’est dès lors une peine privative de liberté de trois ans qui doit être prononcée.
12.
L’appelante conclut en outre au sursis partiel.
12.1
L'art. 42 al. 1 CP prévoit que le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Aux termes de l'art. 43 CP, le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute (al. 1); la partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2); en cas de sursis partiel à l’exécution d’une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins; les règles d’octroi de la libération conditionnelle ne lui sont pas applicables (al. 3).
12.2
De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1 p. 10; cf. aussi arrêts 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1; 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3). En effet, le critère des perspectives d’amendement s'applique également pour le sursis partiel, dès lors que la référence au pronostic ressort implicitement du but et du sens de cette dernière disposition. Ainsi, lorsque le pronostic quant au comportement futur de l'auteur n'est pas défavorable, la loi exige que l'exécution de la peine soit au moins partiellement suspendue. Mais un pronostic défavorable exclut également le sursis. En effet, s'il n'existe aucune perspective que l'auteur puisse être influencé de quelque manière par un sursis complet ou partiel, la peine doit être entièrement exécutée (ATF 134 IV 1 précité, c. 5.3.1, p. 10).
Pour statuer sur la suspension partielle de l’exécution d’une peine, le juge doit tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, cette notion de faute correspond à la culpabilité telle que définie à l’art. 47 al. 2 CP (ATF 134 IV 1 précité c. 4.2.3).
12.3
En l’espèce, c’est l’absence d’une prise de conscience suffisante de la gravité de ses actes et de leurs conséquences qui a conduit les premiers juges à refuser le sursis partiel, qui entrait seul en ligne de compte au vu de la quotité de la peine privative de liberté. La prévenue n’a exprimé aucun véritable regret. Il ressort en outre de ses propos aux débats d’appel qu’elle n’a toujours accompli aucune démarche proactive pour se conformer à son obligation de quitter la Suisse une fois sa peine privative de liberté purgée, ce alors même qu’elle a pu rencontrer des représentants de son Etat d’origine durant sa détention dans la perspective de son rapatriement. Dès lors, si elle déclare accepter de devoir rentrer dans son pays à l’issue de sa peine privative de liberté, en réalité, aucun acte concret ne permet de se persuader d’une volonté authentique de quitter notre pays dès sa sortie de prison. De plus, le prétexte vaudou qu’elle avance suscite l’incrédulité; il confirme son attitude à tout le moins peu collaborante. A ceci s’ajoute que son comportement en détention a été mauvais et dénote une tendance récurrente à ne pas se soumettre aux règles imposées, comme cela ressort des multiples prononcés disciplinaires rendus à son égard. Force est d’en conclure qu’elle n’entend pas véritablement changer de mode de vie en respectant désormais la loi. Le pronostic est donc défavorable, et non mitigé, ce qui exclut le sursis partiel auquel elle a conclu.
L’appel principal et la prévenue et l’appel joint du Ministère public dirigé contre elle doivent donc être rejetés.
13.
En conclusion, l’appel de U._ doit être partiellement admis. Ceux de C._ et du Ministère public sont en revanche rejetés. Le jugement entrepris est modifié dans le sens des considérants en ce qui concerne la déclaration de culpabilité de U._. Les détentions subies depuis le jugement de première instance par les prévenus sont déduites. Leur maintien en détention à titre de sûreté est ordonné.
14.
Pour ce qui est du sort des frais de la procédure d'appel, l’appelant U._ n’obtient pas gain de cause au sens de l’art. 428 al. 1, 1
re
phrase, CPP, dès lors que les peines prononcées à son encontre sont confirmées dans leurs quotités.
Les deux prévenus ayant succombé, les frais de la procédure d'appel selon l'art. 424 CPP doivent être mis leur charge à concurrence de la moitié chacun (art. 428 al. 1, 1
re
phrase, CPP). Outre l'émolument (art. 21 al. 1 et 2 TFJP), ces parts de frais comprennent l'indemnité allouée au défenseur d’office de chacun des prévenus pour la procédure d’appel (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP).
L’indemnité allouée au défenseur d’office de l’appelant doit être arrêtée sur la base d’une durée d’activité utile de 13 heures, au tarif horaire de 180 fr., en sus de 120 fr. de frais de déplacement représentant une indemnité forfaitaire et de 50 fr. d’autres débours, soit à 2'710 fr. 80, TVA comprise.
Pour sa part, l’indemnité allouée au défenseur d’office de l’appelante doit être arrêtée sur la base d’une durée d’activité utile de 14 heures, au tarif horaire de 180 fr., en sus de 240 fr. de frais de déplacement représentant deux indemnités forfaitaires et de 50 fr. d’autres débours, soit à 3'034 fr. 80, TVA comprise. La liste des opérations produite mentionne une durée d’activité de 21 heures et 50 minutes, hors l’audience d’appel (P. 240). Elle comprend notamment huit heures et 35 minutes au titre de 36 courriers avec la cliente, avec la Prison de La Tuillière, ainsi qu’avec les conseils des deux autres prévenus, ainsi que six heures et 15 minutes pour l’annonce et la déclaration d’appel, en plus de déterminations. Ces postes sont toutefois d’une ampleur excessive et méconnaissent que le travail en procédure d’appel se fondait dans une large mesure sur celui déjà accompli en première instance, pour ce qui est en particulier de la connaissance du dossier. A cet égard, les moyens soulevés sont quasiment identiques, s’agissant notamment des contestations factuelles de la prévenue. De même, au vu des points à débattre, l’utilité de deux conférences avec la cliente pour une durée totale de trois heures s’avère discutable (le motif de réduction étant ici non le nombre, mais la durée totale des conférences). Il est donc justifié de réduire sensiblement la durée d’activité figurant sur le relevé des opérations pour ne retenir que celles strictement nécessaires à la défense des intérêts de la prévenue en procédure d’appel.
Les appelants U._ et C._ ne seront tenus de rembourser à l’Etat le montant des indemnités allouées en faveur de leurs défenseurs d’office que lorsque leur situation financière respective le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6006b560-cc37-4005-84d0-31a068aec99e | En fait :
A.
Par jugement du 9 mai 2014, le Tribunal des mineurs a constaté que A.N._ s’était rendu coupable de vol, brigandage, dommages à la propriété, complicité d’escroquerie, recel, violation de domicile, faux dans les certificats, vol d’usage d’un véhicule automobile, conduite d’un véhicule automobile sans être titulaire d’un permis de conduire, usage abusif de plaques de contrôle, infraction à la Loi fédérale sur les armes, infraction à la Loi fédérale sur les stupéfiants (I), l’a libéré des chefs d’accusation de vol par métier, vol en bande et brigandage qualifié (II), lui a infligé 6 (six) mois de peine privative de liberté, dont 4 (quatre) mois avec sursis pendant 2 (deux) ans, sous déduction de 37 (trente-sept) jours de détention avant jugement (III), a ordonné la confiscation des téléphones portables iPhone 4 (séq. n° [...]) et HTC Sensation XE (séq. n° [...]), de la clé Yamaha et de la clé pour top case (séq. n° [...]),
de la lampe de poche (séq. n° [...]) et du coupe verre, du téléphone Samsung Galaxy blanc, du chargeur Samsung et de la carte Lyca (séq. n° [...]) séquestrés, ainsi que la confiscation et la dévolution à l’Etat des 44 fr. 20 et des 50 Euros séquestrés (séq. n° [...]) (IV) et a mis les frais de justice par 500 fr. (cinq cents) à la charge de A.N._ et a laissé le solde à la charge de l’Etat (V).
B.
Par annonce du 12 mai 2014, puis déclaration motivée du
7 juillet suivant, le Ministère public central, division affaires spéciales, contrôle et mineurs a formé appel contre ce jugement en concluant que soit infligé à A.N._ une peine privative de liberté de 9 mois sous déduction de 37 jours de détention avant jugement.
Par acte du 25 juillet 2014, A.N._ a déposé un appel joint. Il a notamment conclu à sa libération des chefs d’accusation de vol par métier, vol en bande, brigandage qualifié, violation de domicile et infraction à la Loi fédérale sur les armes et à ce que lui soit infligé une peine privative de liberté de 3 mois avec sursis pendant 2 ans, sous déduction de 37 jours de détention avant jugement.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.N._, troisième d’une fratrie de six enfants, est né le [...] en Bosnie-Herzégovine. Il est arrivé avec sa famille une première fois en Suisse en 1999 à Lugano. En 2002-2003, sa famille a été contrainte de retourner dans son pays d’origine faute de permis de séjour. A l’âge de neuf ans environ, un cancer des os lui a été diagnostiqué. En 2006, A.N._ et sa famille sont revenus en Suisse, à Bâle, où ils ont séjourné deux mois avant de s’installer à Leysin, puis à Lausanne.
Le prévenu a intégré l’école primaire à son arrivée à Leysin. Il a toutefois été contraint de mettre prématurément un terme à sa scolarité alors qu’il était en sixième année, vers 2008-2009, en raison de ses problèmes de santé. Il n’a plus été scolarisé depuis lors et a dû se soumettre à de nombreux traitements. Il a fréquenté l’association [...], à [...], du 16 novembre 2009 au 15 mai 2010, puis a travaillé comme nettoyeur en bâtiment pendant trois ou quatre mois, avant d’être licencié. En mai 2012, il a suivi cinq jours de cours dans le domaine du nettoyage à la [...].
Début 2009, A.N._ été suivi par le Service [...] (ci-après S[...]) à la suite d’un signalement de l’école. L’assistante sociale du S[...], en charge de son dossier dès 2010, a relevé dans son rapport du 26 mars 2012 que le prévenu était difficile d’accès, dans le déni de ses difficultés et opposé à la relation d’aide. Ainsi, alors que divers suivis éducatifs et d’insertion professionnelle lui avaient été proposés, le prévenu n’a pas donné suite aux rendez-vous ou ne s’est pas rendu aux ateliers proposés.
Actuellement, le prévenu ne travaille pas et vit toujours chez ses parents. Il a contacté l’[...] afin d’intégrer un programme d’occupation et attend une réponse. Il perçoit un montant de 250 à 350 fr. de l’aide sociale. Depuis fin 2013, ensuite d’une période de rémission, son cancer a récidivé. Il devrait à nouveau subir de nouvelles séances de chimiothérapie.
S’agissant de ses antécédents judiciaires, A.N._ a déjà été condamné à deux occasions par le Tribunal des mineurs :
- le 27 octobre 2011, 6 demi-journées de prestations personnelles à effectuer sous forme de travail pour vol, conduite d’un motocycle non-conforme aux prescriptions, conduite d’un motocycle sans casque de protection et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants ;
- le 13 avril 2012, 7 demi-journées de prestations personnelles à effectuer sous forme de travail, dont 1 sous forme de séance d’éducation à la santé et 6 sous forme de travail pour défaut d’avis en cas de trouvaille et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants.
Pour les besoins de la cause, il a été détenu provisoirement durant 37 jours du 9 au 14 mars 2012 à la Prison de [...], du 12 au 13 mai suivant dans les locaux de la police, puis du 13 au 16 mai 2012 à la Prison de [...] et du 10 juillet au 4 août 2012 à la Prison de [...].
2.
2.1
Dans la nuit du 21 au 22 mai 2011, à Lausanne, A.N._, de concert avec M._, a forcé et dérobé un scooter stationné à la rue [...]. Il l’a conduit, sans casque, alors qu’il n’était pas titulaire d’un permis de conduire.
Le véhicule a été récupéré le 27 mai 2011 dans le quartier de Malley, où deux personnes qui le conduisaient l’ont abandonné à la vue de la police. Le scooter avait subi de multiples dégâts notamment à son rétroviseur, qui avait été arraché.
La propriétaire du véhicule a déposé plainte le 23 mai 2011.
2.2
En été 2011, A.N._ a dérobé un scooter stationné à proximité de la place [...] à Lausanne et l’a conduit alors qu’il n’était pas titulaire d’un permis de conduire.
2.3
Durant l’hiver 2011-2012, à Lausanne, le prévenu a conduit un scooter, alors qu’il n’était pas titulaire d’un permis de conduire. Il savait que ce scooter avait été volé au centre-ville par un camarade.
2.4
Le 12 janvier 2012, à Lausanne, A.N._ a circulé au volant d’une voiture Citroën Berlingo sans être titulaire du permis de conduire. Il a ensuite pris place dans ce véhicule en tant que passager. Le véhicule avait été dérobé entre les 24 et 30 décembre 2011 alors qu’il était stationné devant l’immeuble n° [...] du chemin [...].
La plainte a été retirée.
2.5
Entre les 21 et 22 février 2012, à Lausanne, le prévenu a acheté un iPhone 4 à une connaissance pour un montant de 100 francs. L’appareil avait été dérobé le 21 février 2012 dans le métro M1 entre les stations de [...] et [...]. Il a été retrouvé en possession du prévenu.
La propriétaire a déposé plainte.
2.6
Le 5 mars 2012, A.N._ et J._ ont dérobé une voiture Peugeot 3008 immatriculée en France, au chemin [...], au moyen de la clé qui avait été laissée à l’intérieur de l’habitacle. Le prévenu, qui n’était pas titulaire du permis de conduire, a conduit le véhicule jusqu’à la rue [...] tandis que son comparse prenait place sur le siège passager. Ils ont laissé la voiture sur place, la clé déposée sur la roue avant gauche. Par la suite, à une occasion, le prévenu a de nouveau conduit ce véhicule. Il y a également pris place en tant que passager.
Le 8 mars 2012, A.N._ a de nouveau pris place dans le véhicule accompagné de J._ et C._ alors que W._ prenait le volant. Ils ont été interpellés à la rue [...]. Un pistolet à air comprimé de type Colt 1911 ainsi qu’un bâton télescopique ont été retrouvés sur le siège avant.
Le propriétaire du véhicule a déposé plainte le 5 mars 2012.
2.7
Le 7 mars 2012, le prévenu a dérobé des plaques d’immatriculation sur une voiture stationnée dans le parking de [...]. Il les a ensuite apposées sur la Peugeot 3008 dérobée le 5 mars 2012 dans le but de rendre ses déplacements plus discrets.
La plainte a été retirée.
2.8
Entre les 8 et 9 avril 2012, A.N._, accompagné de ses camarades, s’est rendu à trois reprises à la Haute Ecole [...] à Lausanne. Conscient de ce que ses comparses allaient faire, A.N._ a fait le guet pendant que ceux-ci s’y introduisaient et fouillaient les lieux. Lors des deux premières incursions, ils ont forcé des fenêtres, des portes et des armoires et ont dérobé plusieurs ordinateurs ainsi qu’un coffre contenant divers papiers. Lors de leur troisième intrusion, ils ont été surpris par le directeur et ont quitté les lieux sans rien emporter.
Le prévenu a reçu 100 fr. et un ordinateur Mac Book Pro qu’il a revendu ensuite pour 150 francs.
La lésée a déposé trois plaintes.
2.9
Le 20 avril 2012, à Lausanne, A.N._ et un comparse non identifié ont abordé V._ à proximité du parc à rollers de la [...] et lui ont demandé de leur remettre son téléphone portable. Ce dernier ayant refusé de s’exécuter, le prévenu l’a menacé verbalement avant de le saisir par le col et de le fouiller. Il lui a soustrait un iPhone 4S et a ensuite pris la fuite avec son comparse.
V._ a déposé plainte.
2.10
Le 4 mai 2012, le prévenu a été interpellé en possession d’une boucle de ceinture, qui était en réalité un coup de poing américain.
2.11
Entre les 11 et 12 mai 2012, A.N._ et un camarade se sont introduits dans une voiture BMW série 1 stationnée le long de la route de [...], qui n’était pas verrouillée. Ils l’ont fouillée et ont dérobé deux clés dans la boîte à gants ainsi qu’une paire de lunettes Ray-Ban et une paire de baskets Nike.
2.12
Le 12 mai 2012, entre 3h30 et 3h40, à Lausanne, le prévenu, G._, X._, M._ et J._ ont abordé Z._ à un arrêt de Métro [...] à Lausanne. X._ lui a mordu le visage et lui a arraché son porte-monnaie des mains avant d’y prélever l’argent qu’il contenait, soit 6 fr., ainsi qu’un jeton de caddie. Le butin a été retrouvé en possession de X._ lors de son interpellation. Le téléphone portable HTC de Z._, qui a également été dérobé durant l’agression, n’a pas pu être récupéré.
2.13
Le même jour, entre 4h00 et 4h30, le prévenu a abordé H._, au chemin [...], en compagnie de G._, M._ et J._. Sur place, l’un d’entre eux a pris H._ par le cou par derrière et lui asséné un coup de poing. Deux autres lui ont ensuite fouillé les poches et dérobé 20 fr. ainsi que son téléphone portable LG Optimus.
H._ a déposé plainte et a réclamé 200 fr. correspondant au montant de sa franchise d’assurance ainsi qu’une indemnité pour tort moral.
2.14
Entre mai et juin 2012, A.N._ a dérobé un motocycle de type Vespa dans le quartier de [...] profitant du fait que son propriétaire avait laissé la clé sur le contact. Il l’a utilisé pendant deux jours alors qu’il n’était pas titulaire d’un permis de conduire, puis l’a abandonné à proximité du centre [...] à l’avenue [...].
2.15
Début juin 2012 le prévenu s’est vu remettre un scooter de marque Yamaha par un ami, lequel avait dérobé l’engin dans le quartier de [...]. Il s’en est servi quelques jours sans être titulaire d’un permis de conduite avant de l’abandonner dans son quartier. Une clé Yamaha et une clé top-case rouge ont été retrouvées en possession du prévenu.
2.16
Le 3 juin 2012, A.N._ a pris place dans une voiture de marque BMW immatriculée [...] conduite par M._. Le véhicule avait été dérobé dans la nuit du 2 au 3 juin 2012 à Lausanne.
Le propriétaire a déposé plainte.
2.17
Le même jour, à Lausanne, le prévenu a acheté deux téléphones portables à un prénommé [...] pour 150 ou 200 francs.
Le premier téléphone portable, de marque HTC Sensation XE, avait été dérobé à K._ et le second avait été arraché des mains de Q._ alors qu’il était en train d’écrire un SMS. Ces téléphones ont été retrouvés en possession du prévenu lors de son interpellation le 3 juin 2012.
Q._ a déposé plainte alors que K._ a retiré la sienne.
2.18
Dans la nuit du 8 au 9 juin 2012, à Renens, A.N._, S._ et J._ ont dérobé trois scooters en brisant les sécurités des colonnes de direction, puis en manipulant les câbles d’allumage. Le prévenu a conduit l’un des scooters dérobés alors qu’il n’était pas titulaire du permis de conduire.
Un propriétaire de l’un des scooters a déposé plainte.
2.19
2.19.1
Le 29 juin 2012, à la plage de [...], A.N._ a fait le guet pendant que G._ dérobait des sacs que leurs propriétaires avaient laissés sans surveillance. Ils les ont abandonnés quelques mètres plus loin après avoir emporté : un iPhone 4 et un porte-monnaie Dakine appartenant à B._; un porte-monnaie contenant 350 fr., une carte d’identité, une carte BCV Maestro, un abonnement demi-tarif, un abonnement Mobilis, un bon d’achat Manor d’une valeur de 100 fr. et un téléphone portable Samsung Galaxy S1 appartenant à L._; un porte-monnaie contenant environ 30 fr., une carte d’identité et un iPod Nano appartenant à R._ ainsi qu’un porte-monnaie contenant 30 fr., une carte d’identité et un abonnement CFF appartenant à D._.
Par la suite, A.N._ et G._ se sont partagés le butin et le prévenu a obtenu 200 fr. Ils ont revendu les deux téléphones portables à un inconnu pour la somme de 250 fr., le prévenu obtenant 100 fr. et son comparse 150 francs.
B._ a déposé plainte. D._ a également déposé plainte et a réclamé 200 fr. à titre de dédommagement pour le « rachat de fournitures » et papiers d’identité.
2.19.2
Entre le 29 juin et le 5 juillet 2012, G._ a conclu six abonnements téléphoniques en utilisant la carte d’identité de R._. Le prévenu l’a accompagné à plusieurs reprises lors de la conclusion de ces contrats. A une occasion, il a remis 100 fr. à son comparse afin que ce dernier lui cède un téléphone Samsung obtenu ensuite de la conclusion d’un abonnement.
R._ a déposé plainte le 15 juillet 2012.
2.20
En été 2012, à Lausanne, A.N._, X._ et G._ ont forcé les portes de plusieurs caves de l’immeuble sis au chemin [...] au moyen d’un tournevis et s’y sont introduits. Ils ont dérobé notamment un sac Louis Vuitton, un fusil de l’armée, divers vêtements Lacoste et un aspirateur.
2.21
Entre les 3 et 13 octobre 2012, le prévenu et trois comparses se sont rendus dans les caves de l’immeuble sis au chemin de [...] et y ont dérobé cinq cycles.
Le 13 octobre 2012, le prévenu a été interpellé en possession de l’un de ces cycles. La propriétaire a déposé plainte.
2.22
Le 21 novembre 2012, A.N._ et un comparse ont fracturé, au moyen d’une lampe de poche, la fenêtre d’une voiture stationnée à la rue [...]. Ils se sont emparés d’un sac à main et y ont prélevé divers documents et de l’argent.
Les montants dérobés, soit 44 fr. 20 et 50 Euros, ont été retrouvés en main du prévenu. Les propriétaires de la voiture et du sac à main ont déposé plainte.
2.23
Durant l’année 2012, le prévenu a acheté une console de jeu Wii de provenance douteuse pour un montant de 10 fr. ainsi que deux ou trois joints de cannabis auprès d’un camarade connu des services de police.
2.24
A des dates indéterminées, dans la région lausannoise, A.N._ a dérobé plusieurs scooters qu’il a utilisés pour se déplacer alors qu’il n’était pas titulaire d’un permis de conduire.
2.25
Entre mars 2011 et août 2012, le prévenu a servi d’intermédiaire dans la vente de cannabis pour le compte d’une connaissance et lui a fourni des clients, en échange de quoi il a reçu au total environ 120 gr. de marijuana. Il a également vendu des stupéfiants pour le compte de J._ à trois reprises, soit deux sachets de cannabis à 20 fr. et 20 gr. de cannabis pour 300 francs. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP). L'appel joint doit, quant à lui, être interjeté dans un délai de vingt jours dès la réception de la déclaration d'appel (art. 400 al. 3 let. b CPP).
Le Ministère public a, de droit, la qualité pour faire appel, en application de l'art. 381 al. 1 CPP.
Interjetés dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel interjeté par le Ministère public central et l'appel joint déposé par A.N._ sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
Le Ministère public fait grief aux premiers juges d’avoir apprécié de manière arbitraire les preuves dans le cas du brigandage commis au préjudice de H._ (cas 2.13 ci-dessus). Selon la procureure, ce serait à tort qu’ils n’auraient pas retenu pour établi la participation du prévenu à ce brigandage.
3.1
Selon l’art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c ; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2).
L’appréciation des preuves est l’acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. L’appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin, même prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens, qu’à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP et les références citées).
3.2
Les premiers juges ont admis qu’il était hautement probable que le prévenu était à proximité du lieu où les faits ont été commis, mais que rien ne permettait d’affirmer qu’il avait pris part au brigandage. Cette appréciation des faits ne saurait être suivie. En effet, comme l’a à juste titre relevé la procureure, A.N._ ne s’est pas montré coopératif au début de l’instruction, si bien que l’on ne peut pas conclure de sa collaboration que lorsqu’il conteste, il dit forcément la vérité. En outre, deux de ses comparses G._ et X._ le mettent en cause pour avoir participé à ce brigandage au préjudice de H._. Cette mise en cause ne permet pas aux comparses du prévenu de diluer leurs responsabilités, si bien que l’appréciation des premiers juges au sujet de G._ (« (...) G._, qui a pour défense de systématiquement charger ses copains (...) », cf. jgt., fin de la p. 5) est erronée. Enfin, il subsiste un problème de chronologie curieusement évacué par les premiers juges (cf. jgt., début de la p. 6). L’appréhension de A.N._ par la police a eu lieu à 4h35, soit après le deuxième cambriolage. Le premier cambriolage commis au préjudice de Z._ (cas 2.12 ci-dessus) a eu lieu entre 3h30 et 3h45. Selon le prévenu, il aurait été arrêté quelques minutes après le premier brigandage, ce qui ne concorde pas et tend à démontrer, en dehors des mises en cause, qu’il a bel et bien participé à ce deuxième brigandage.
Au vu de ce qui précède, c’est à tort que les premiers juges n’ont pas retenu contre A.N._ ce deuxième brigandage. Le grief soulevé par le Ministère public doit donc être admis.
4.
L’appelant par voie de jonction fait grief aux premiers juges d’avoir constaté et apprécié de manière erronée et/ou arbitraire plusieurs faits de sa cause.
4.1
4.1.1
L’appelant par voie de jonction critique sa condamnation pour recel pour le cas 2.5 évoqué ci-dessus. Selon lui, les premiers juges auraient dû faire application de l’art. 172
ter
CP, la valeur d’un iPhone 4 étant inférieur à 300 francs.
En l’espèce, au début de l’année 2012, l’iPhone 4 n’était pas un appareil obsolète. Ce genre de téléphones est vendu, lorsqu’il est d’actualité, entre 500 et 800 fr., ce qui était encore le cas pour ce modèle au moment des faits.
Ce premier grief doit ainsi être rejeté.
4.1.2
A.N._ conteste sa condamnation pour infraction à la loi fédérale sur les armes au cas 2.6 ci-dessus. Il soutient que le fait d’avoir pris place dans un véhicule, dans lequel se trouvaient un bâton télescopique et un pistolet à air comprimé, ne saurait lui conférer la possession de ces armes.
En l’espèce, l’argumentation du prévenu doit être suivie. En effet, on ne voit pas comment est réalisée la possession du prévenu dans le raisonnement des premiers juges. En outre, aucun élément du dossier ne permet d’établir que le prévenu aurait détenu ou possédé ces armes. Il a par ailleurs été établi qu’elles ne lui appartenaient pas.
Bien fondé, le grief doit être accueilli et le prévenu acquitté dans ce cas.
4.1.3
L’appelant par voie de jonction conteste sa qualité de coauteur des faits dans le cas 2.8 retenu ci-dessus. S’étant limité à faire le guet, seule la qualité de complice devrait lui être imputée.
En l’espèce, A.N._ a admis sa condamnation pour complicité, mais pas en tant que coauteur, des vols successifs commis au préjudicie de la Haute Ecole [...] (PV aud. 412, p. 2-3). Le prévenu a participé trois fois au cambriolage de cette école. Bien qu’il n’ait pas pénétré à l’intérieur de l’établissement, il tenait un rôle de guetteur et a reçu une part du butin. En outre, il a pris part, avec ses comparses, à l’ouverture du coffre dérobé à l’école (PV aud. 412, p. 3).
Au vu de ces éléments, le prévenu s’est pleinement associé à la commission des infractions et c’est à bon droit que la coaction a été retenue par les premiers juges.
4.1.4
L’appelant par voie de jonction invoque une erreur sur les faits pour le cas 2.10 retenu ci-dessus. Il explique notamment qu’il ignorait, au moment de l’acquisition de la ceinture, que la boucle pouvait être utilisée comme une arme. Il aurait simplement conservé ladite boucle quand sa ceinture s’est cassée.
En l’espèce, A.N._ a admis en cours d’enquête qu’il savait que la boucle de sa ceinture était un poing américain (PV aud. 452, p. 4). On ne voit dès lors pas où se situe l’erreur sur les faits.
Ce grief est dès lors inconsistant et doit être rejeté.
4.1.5
L’appelant par voie de jonction conteste sa condamnation pour vol pour le cas 2.11 évoqué ci-dessus. Selon lui, les premiers juges auraient dû faire application de l’art. 172
ter
CP, s’agissant d’une paire de lunettes de soleil Ray-Ban et d’une paire de baskets Nike d’occasion.
En l’espèce, A.N._ a dérobé tout ce qui se trouvait dans la voiture. Il n’a pas limité son forfait à 300 francs. L’art. 172
ter
CP n’est pas applicable.
Infondé, le grief doit être rejeté.
4.1.6
L’appelant par voie de jonction critique sa condamnation pour brigandage concernant le cas 2.12 ci-dessus. N’ayant joué aucun rôle dans la commission de cette infraction, il explique que son comportement constituerait davantage « une présence fortuite non punissable ».
En l’espèce, il ressort du dossier d’instruction et de l’état de fait du jugement attaqué (jgt., p. 5 ch. 14), que le prévenu a admis sa participation à ce brigandage « pour faire le nombre ». Il ressort encore du jugement que « (...) Il a maintenu sa version des faits à l’audience de ce jour, expliquant qu’il n’avait fait qu’un seul gars (...) » (jgt., p. 5), soit Z._. Sa participation active à ce brigandage a été soulignée par l’un de ses comparses G._. La coaction n’est pas douteuse : quand on déclare vouloir « faire le nombre », c’est que l’on souhaite s’associer aux autres. Il n’ y a dès lors pas de place pour de la complicité.
Le grief invoqué doit être rejeté.
4.1.7
L’appelant par voie de jonction s’oppose à sa condamnation pour recel au cas 2.17 retenu ci-dessus. Les deux téléphones portables ayant été achetés au prix de 80 et 120 fr., les premiers juges auraient dû faire application de l’art. 172
ter
CP.
La valeur d’un appareil ne se mesure pas à l’aune d’un recel mais bien de manière objective. Les téléphones HTC Sensation XE et Sony Ericsson Xperia, qui sont des appareils contenant de nombreuses technologies, ont une valeur supérieure à 300 francs.
Mal fondé, le grief doit être écarté.
4.1.8
L’appelant par voie de jonction conteste sa condamnation pour recel concernant le cas 2.22 évoqué ci-dessus. Les sommes dérobées étant inférieures à 300 fr., les premiers juges auraient dû appliquer l’art. 172
ter
CP.
En l’espèce, le prévenu a dérobé tout ce qui se trouvait dans le véhicule. Une fois encore, son intention portait bien sur le fait de voler des valeurs patrimoniales excédant la valeur prévue à l’art. 172
ter
CP.
Infondé, le grief doit être rejeté.
4.1.9
A.N._ critique sa condamnation pour recel pour avoir acheté une console de jeu Wii au prix de 10 francs (cas 2.23 ci-dessus). Selon lui, il aurait dû être acquitté par l’application de l’art. 172
ter
CP.
En l’espèce, une console de jeux Wii coûte entre 200 et 300 francs. Il en existe d’occasion dès 50 francs. En l’absence de pièces au dossier, on peut admettre que la console achetée par le prévenu était d’une valeur inférieure à 300 fr., car c’était une occasion.
Bien fondé, le grief doit être admis et le prévenu acquitté dans ce cas.
4.1.10
L’appelant par voie de jonction s’oppose à sa condamnation pour vol d’usage d’un nombre indéterminé de scooters (cas 2.24 retenu ci-dessus). Selon lui, il n’y aurait aucune preuve concrète permettant de le prouver.
En l’espèce, les premiers juges n’ont pas expliqué pourquoi ils sont parvenus à la conviction que le prévenu avait dérobé d’autres motocycles que ceux recensés. En l’absence de motivation, on peut donner acte à A.N._ du fait que ces faits ne sont pas établis.
Par conséquent, le prévenu doit être acquitté dans ce cas.
5.
Le Ministère public et A.N._ critiquent la peine prononcée par les premiers juges.
Aux yeux de l’accusation, la peine infligée serait excessivement clémente. Selon la procureure, les premiers juges n’auraient pas suffisamment pris en compte le nombre et la gravité des actes auxquels le prévenu a participé et les conditions d’octroi du sursis ne seraient pas réalisées. Une peine privative de liberté de neuf mois, sous déduction de la détention avant jugement, serait adéquate.
Pour l’appelant par voie de jonction, la peine prononcée serait exagérée. Il explique notamment que la procédure pénale aurait eu un effet sur lui et qu’il n’aurait plus commis d’infraction depuis le mois de novembre 2012. Selon lui, une peine privative de liberté de trois mois avec un sursis total accompagnée d’un long délai d’épreuve permettrait de s’assurer qu’il ne récidivera plus.
5.1
5.1.1
Les règles générales régissant la fixation de la peine ont été rappelées dans les arrêts publiés aux ATF 136 IV 55 (c. 5.4 ss) et 134 IV 17 (c. 2.1 et les références citées), auxquels il peut être renvoyé.
Aux termes de l’art. 25 DPMin (loi fédérale du 20 juin 2003 régissant la condition pénale des mineurs; RS 311.1), est passible d’une privation de liberté d’un jour à un an le mineur qui a commis un crime ou un délit s’il avait quinze ans le jour où il l’a commis (al. 1) ; est condamné à une privation de liberté de quatre ans au plus le mineur qui avait seize ans le jour de l’infraction: a. s’il a commis un crime pour lequel le droit applicable aux adultes prévoit une peine privative de liberté de trois ans au moins; b. s’il a commis une infraction prévue aux art. 122, 140 al. 3, ou
184 CP, en faisant preuve d’une absence particulière de scrupules, notamment si son mobile, sa façon d’agir ou le but de l’acte révèlent des dispositions d’esprit hautement répréhensibles (al. 2).
5.1.2
Selon l’art. 35 DPMin, L’autorité de jugement suspend totalement ou partiellement l’exécution d’une amende, d’une prestation personnelle ou d’une privation de liberté de 30 mois au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner le mineur d’autres crimes ou délits (al. 1). Les art. 29 à 31 s’appliquent par analogie aux peines suspendues. Si une privation de liberté est suspendue partiellement, les art. 28 à 31 ne s’appliquent pas à la partie de la peine qui doit être exécutée (al. 2).
5.2
5.2.1
En l’espèce, les actes les plus graves réalisés par le prévenu sont des brigandages. Malgré l’admission de certains griefs soulevés dans l’appel joint, les qualifications juridiques restent les mêmes en raison de la kyrielle d’infractions au code pénal et à la législation pénale accessoire commises par le prévenu. Au moment des faits reprochés, A.N._ était proche de sa majorité. Malgré deux condamnations, il a récidivé en cours d’enquête et n’a cessé de minimiser ses agissements. Sous réserve du fait que son enfance a été difficile, il ne peut faire valoir aucun élément à décharge. Procédant à sa propre appréciation, la Cour d’appel considère que c’est une peine privative de liberté de 8 mois qui doit être prononcée.
5.2.2.
Concernant le pronostic à poser quant au comportement futur du prévenu, celui-ci n’est pas totalement défavorable. En effet, les faits sont anciens et depuis lors, A.N._ n’a pas fait l’objet de nouvelle condamnation, bien qu’il fasse l’objet d’une nouvelle enquête. La récidive de son cancer doit également être prise en compte. Cependant, à l’audience d’appel, il n’a pas démontré une sérieuse motivation à travailler. Le pronostic est ainsi mitigé, si bien que seul un sursis partiel entre en considération. La peine privative de liberté de 8 mois sera suspendue sur une durée de 4 mois, le solde devant être ferme. Le délai d’épreuve sera fixé à deux ans.
6.
En définitive, l’appel du Ministère public doit être partiellement admis et l’appel joint de A.N._ également.
6.1
S’agissant de l’indemnité de défenseur d’office, la liste d’opérations produite à l’audience d’appel fait état d’un total de 20h20, dont 19h20 effectuées par un avocat-stagiaire, ainsi que 30 fr. de débours et une vacation à 80 francs. Compte tenu de la connaissance du dossier acquise en première instance et des opérations nécessaires à la défense des intérêts de son mandant, le temps consacré à la présente procédure est trop élevé. Il convient par conséquent de retenir un total de 15 heures d’activité déployée par un avocat-stagiaire uniquement au tarif horaire de 110 fr., une vacation à 80 fr. ainsi que 30 fr. de débours, auxquels s’ajoute la TVA. L’indemnité allouée au défenseur d’office de A.N._ est ainsi arrêtée à 1'900 fr. 80.
6.2
Compte tenu de la situation précaire du prévenu et de l’admission partielle de son appel joint, les frais de la présente procédure, constitués de l’émolument d’arrêt, par 1'445 fr., ainsi que de l’indemnité allouée au défenseur d’office, par 1'900 fr. 80, ne seront mis à la charge de A.N._, qu’à hauteur de 200 fr., le solde étant laissé à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6038aba4-578a-448a-a55c-74126fb61a19 | En fait :
A.
Par jugement du 11 août 2014, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a libéré M._ du chef d’accusation de dommages à la propriété (I), a constaté qu’il s’est rendu coupable d’utilisation abusive d’une installation de télécommunication et de menaces (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de 20 jours, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 11 octobre 2013 par le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne (III), l’a condamné à un amende de 500 fr., peine partiellement complémentaire à celles prononcées les 2 et 11 octobre 2013 respectivement par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois et par le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne (IV), a dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l’amende sera de cinq jours (V), a renoncé à révoquer le sursis octroyé à M._ le 2 octobre 2013 par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois (VI) et a mis les frais de la cause, par 1'525 fr., à la charge d’M._ (VII).
B.
M._ a annoncé faire appel de ce jugement le 25 août 2014. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 12 septembre 2014, complétée le 7 octobre suivant à la réquisition de la direction de la procédure. Il a conclu implicitement à sa libération des fins de l’action pénale.
A sa requête, un défenseur d’office lui a été désigné par la direction de la procédure.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu M._, né en 1977, ressortissant serbe, est arrivé en Suisse en 2011. Sa demande d’asile ayant été rejetée, il a fait l’objet d’une décision de renvoi, entrée en force le 16 février 2012. Au bénéfice de l’aide d’urgence, il s’était engagé à quitter volontairement notre pays au 30 août 2013. Pour l’heure, il dispose d’un permis N.
Le casier judiciaire du prévenu comporte les inscriptions suivantes :
- 4 octobre 2013, Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, dommages à la propriété, 20 jours-amende à 20 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans;
- 11 octobre 2013, Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne, utilisation abusive d’une installation de télécommunication et menaces, peine privative de liberté de 30 jours et amende de 500 francs.
1.2 Selon un rapport psychiatrique déposé le 30 juillet 2013 à l’intention de l’Office fédéral des migrations, le prévenu présente un trouble délirant persistant schizotypique. Il bénéficie depuis le 22 juin 2011 d’un suivi ambulatoire médicamenteux et psychothérapeutique au CHUV et a séjourné à deux reprises à l’Hôpital de Cery en 2012 (P. 15). En dernier lieu, il a été hospitalisé du 22 au 30 juillet 2014. Actuellement, son état reste fragile.
2.1 A Lausanne et dans la région lausannoise, du début 2013 au 17 novembre 2013, le prévenu a effectué de très nombreux appels sur le raccordement téléphonique mobile professionnel de [...]. Ce dernier est notamment le père d’un enfant prénommé [...], dont la mère fait partie du cercle de relations du prévenu (PV aud. 1, lignes 35-36). Pour le reste, le seul rapport entre [...] et le prévenu est constitué par le fait que les deux hommes se sont croisés à une reprise lors d’une audience devant le Tribunal de Saint-Maurice (VS).
Les appels ont été passés depuis plusieurs raccordements fixes et mobiles différents. Il arrivait au prévenu aussi bien de se légitimer que de rester anonyme. Il a agi à raison de trois à quatre fois par semaine durant de longues périodes. Si les appels étaient dans leur quasi-totalité effectués autour de 23 h, certains l’étaient plus tard encore, ainsi celui passé le 29 juin 2013 à 02 h 19. Durant la même période, usant de plusieurs raccordements téléphoniques différents, le prévenu a également adressé au plaignant de nombreux SMS sur le même raccordement téléphonique professionnel. Certains de ces messages avaient un contenu inquiétant.
A une date indéterminée des sept premiers mois de l’année 2013, alors que [...] circulait au volant de sa voiture vers 17 h 45, il a reçu un appel téléphonique. L’interlocuteur s’est présenté comme étant le prévenu. Il a menacé [...] de détruire sa voiture et son motocycle, ainsi que de « lui casser la figure et de lui faire la peau » (ibid.). [...] et son fils, qui a entendu ce dernier appel, ont été alarmés par ces appels et SMS, perçus comme menaçants malgré leur teneur parfois peu cohérente (PV aud 1). | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant a requis l’audition de plusieurs témoins. D’abord, il demande celle d’une dame [...], qui est l’une de ses relations et qui connaît en outre la mère de l’enfant [...]. Il ressort de l’audition de l’appelant que cette personne aurait eu connaissance d’appels téléphoniques que lui aurait faits le plaignant. Il n’est pas exclu que ce dernier ait téléphoné au prévenu en réaction aux nombreux appels et messages intempestifs reçus de ce dernier. Toutefois, ce fait serait-il même établi, n’aurait pas d’incidence sur la présente affaire. On notera en outre qu’aucune plainte n’a été déposée contre [...]. Cette audition est donc superflue. Quant à l’audition du gendarme qui se serait occupé de la plainte, cette mesure ne paraît pas utile, les faits ayant été suffisamment établis par l’enquête.
4.
L’appelant conteste être l’auteur des tous les appels et messages incriminés, hormis ceux qui commencent par une adresse à une certaine « Mara », à qui ces messages auraient été destinés en réalité et qu’il reconnaît expressément avoir envoyés. Il est pourtant établi que le prévenu est le seul titulaire des deux raccordements mobiles et du numéro fixe depuis lesquels les communications incriminées ont été passées. Des copies-écran de SMS, comportant le numéro du raccordement émetteur, ont en outre été versées au dossier. Enfin, un témoignage écrit du fils aîné, majeur, du plaignant atteste de l’appel reçu en voiture. Le prévenu doit donc être tenu pour l’auteur de tous les appels et messages incriminés adressés au plaignant.
5.
Les appels et messages en question ont été adressés au plaignant du début 2013 au 17 novembre 2013, sur son raccordement téléphonique mobile professionnel, notamment en fin de journée, tard dans la soirée, voire en pleine nuit. Ils ont été nombreux. Il est également constant que le prévenu et le plaignant ne se sont côtoyés qu’à une reprise. Rien ne les relie donc, si ce n’est le fait que le prévenu connaissait la mère du benjamin du plaignant. L’auteur n’avait donc aucune raison légitime d’appeler le plaignant à de réitérées reprises durant une période prolongée, de surcroît à des heures indues et parfois anonymement. Le contenu des SMS démontre que ces messages étaient chicaniers. Quant à l’appel reçu en voiture, il avait bien un caractère menaçant.
C’est ainsi par méchanceté ou, à tout le moins, par espièglerie que l’appelant a utilisé abusivement une installation de télécommunication pour inquiéter le plaignant ou pour l'importuner. En outre, celui-ci a été l’objet d’une menace objectivement grave, puisque portant sur son intégrité corporelle, voire sa vie. Il en a légitimement été alarmé ou effrayé. Les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l’infraction d’utilisation abusive d'une installation de télécommunication, réprimée par l’art. 179
septies
CP, sont ainsi réalisés. Ceux de l’infraction de menaces, réprimée par l’art. 180 CP le sont aussi.
6.
L’appelant invoque une responsabilité pénale diminuée. Il est établi que le prévenu souffre de troubles psychiatriques chroniques. Qui plus est, selon ses déclarations à l’époque des faits, l’appelant ne prenait pas régulièrement ses médicaments. Dans ces conditions, il faut retenir que, lors des faits, sa responsabilité pénale était diminuée dans une mesure importante au sens de l’art. 19 al. 2 CP, sans être abolie pour autant.
7.
Les faits sont pour l’essentiel antérieurs aux deux condamnations figurant au casier. C’est le cas des menaces, qui constituent un délit, comme l’établit le témoignage du fils du plaignant. La peine pécuniaire à prononcer pour sanctionner ce délit sera donc partiellement complémentaire à celle prononcée le 2 octobre 2013 par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois (art. 49 al. 2 CP). Elle ne le sera en revanche pas, malgré l’antériorité des faits réprimés, à celle prononcée le 11 octobre 2013 par le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne, cette peine (privative de liberté) étant d’un genre différent.
Il y a lieu de fixer la quotité de la peine. Abstraction faite de l’allègement de la culpabilité découlant de l’art. 19 al. 2 CP qui doit être pris en compte à titre complémentaire, les éléments retenus à charge et à décharge par le tribunal de police procèdent d’une correcte application de l’art. 47 CP. Il suffit donc de renvoyer au jugement dans cette mesure. Tout bien pesé et compte tenu de l’importante diminution de responsabilité pénale de l’appelant, une peine pécuniaire de cinq jours-amende apparaît adéquate pour réprimer les actes en cause. Vu l’impécuniosité de l’appelant, qui est tributaire de l’aide d’urgence, la quotité du jour-amende sera arrêtée à 10 francs. La peine doit être assortie du sursis, dont le prévenu remplit les conditions objectives et subjectives (art. 42 al. 1 CP). En effet, il n’a plus attiré défavorablement l’attention des autorités pénales depuis les dernières infractions ici en cause. La durée du délai d’épreuve sera fixée à trois ans.
Quant à l’amende sanctionnant la contravention de l’art. 179
septies
CP, on considérera qu’elle est entièrement englobée dans celle, de 500 fr., prononcée le 11 octobre 2013 pour la même infraction. On renoncera dès lors à infliger au prévenu une amende complémentaire.
8.
Vu le sort de l’appel, les frais de la présente procédure seront mis par moitié à la charge du prévenu, le solde étant laissé à celle de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP).
Outre l'émolument, les frais d’appel comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office du prévenu, pour la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFIP).
Au vu de la cause déférée en appel et des opérations utiles accomplies, le défenseur d’office doit être indemnisé sur la base d’une activité de 2,4 heures d’avocat breveté et de 4,1 heures d’avocat stagiaire, en plus d’une unité de vacation de stagiaire, par 80 fr., et 5 fr. 90 de débours, TVA en sus sur le tout, soit à raison de 1'046 fr. 40.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat la moitié de l’indemnité ci-dessus mise à sa charge que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
60d63bdc-98cc-4a3f-8ad5-0c7638382277 | En fait :
A.
Par jugement du 1er novembre 2012, le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est Vaudois a constaté que Q._ s'est rendu coupable de conduite d'un véhicule automobile en état d'ébriété (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. (II), a suspendu l'exécution de la peine et fixé au condamné un délai d'épreuve de 3 ans (III) et mis les frais de justice, par 1'535 fr. 15, à sa charge (IV).
B.
Le 8 novembre 2012, Q._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 28 novembre 2012, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à la réforme, respectivement à l'annulation du jugement entrepris en ce sens qu'il n'est pas condamné pour conduite en état d'ébriété au sens de l'art. 91 al. 1er, 2ème phrase LCR.
Le 5 décembre 2012, le Ministère public a déposé un appel joint et conclu à la modification du jugement entrepris en ce sens que la peine prononcée à l'encontre de Q._ n'est pas assortie du sursis.
Interpellé le 10 décembre 2012 par la Cour de céans, Q._ a conclu au rejet de l'appel joint du Ministère public, précisant que la caducité vraisemblable de son permis de conduire à l'essai devrait assurément atténuer l'essentiel des risques de conduite en état d'ébriété (P. 23). Il n'a pas requis de nouvelle mesure d'instruction.
Le 18 janvier 2013, les parties ont été informées de la composition de la cour et citées à comparaître.
Le 27 mars 2013, en audience d'appel, Q._ a confirmé ses conclusions. Le Procureur a conclu au rejet de l'appel et au prononcé d'une peine ferme.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Citoyen suisse, Q._ est né le 12 avril 1990 à Lausanne. Il suit actuellement des cours dans une école préparatoire en vue de se présenter en juin prochain aux examens d'entrée à l'Université de Lausanne. Q._ habite avec ses parents qui subviennent entièrement à son entretien. Il a en outre revendu le véhicule qu'il détenait au moment des faits.
Son casier judicaire fait état d'une condamnation par le Préfet du District de Lavaux-Oron, le 4 août 2009, à une peine pécuniaire de quinze jours-amende à 20 fr. le jour-amende, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu'à une amende de 200 fr. pour violation grave des règles de la circulation routière. Cette condamnation s'était doublée d'une mesure de retrait de permis d'une durée de trois mois et d'une prolongation de la période probatoire.
Q._ a obtenu son permis de conduire à l'essai le 18 août 2008 (P. 4). La période probatoire de trois ans arrivait en principe à échéance en août 2011. Suite au retrait de permis subi en 2009, cette période probatoire a été prolongée d'un an, soit jusqu'en août 2012.
2.
Le 25 mars 2012, à 06h32, à Pully, Q._ a circulé au volant de son véhicule alors qu'il présentait un taux d'alcoolémie d'au moins 1.21 ‰.
Q._ a été condamné par ordonnance pénale du 4 mai 2012 rendue par le Ministère public de l'arrondissement de l'Est Vaudois à laquelle il a fait opposition. Il a été renvoyé devant le Tribunal de police à la suite de cette opposition. | En droit :
1.
L’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (cf. art. 399 al. 1 et 3 CPP).
Interjetés dans les forme et délais légaux contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (cf. art. 398 al. 1 CPP), les appels sont recevables. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
I. L'appel de Q._
3.
3.1
Dans son appel, Q._ requiert d'être libéré du chef d'accusation de conduite en état d'ébriété qualifiée au sens de l'art. 91 al. 1
er
2
ème
phrase LCR (loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière, RS 741.01), en raison d'un état d'irresponsabilité non fautive. Il considère que l'art. 19 CP a été écarté à tort, soutenant que c'est bien la conjonction de l'alcoolémie, à 1.21 ‰, et de son état de fatigue excessive qui permet de poser son irresponsabilité totale.
Q._
ne conteste ni les faits ni le taux d'alcoolémie retenu. La conduite d'un véhicule avec un tel taux est constitutive de l'infraction visée à l'art. 91 al. 1
er
, 2
ème
phrase LCR.
3.2
L’art. 19 CP dispose que l'auteur n’est pas punissable si, au moment d’agir, il ne possédait pas la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après cette appréciation (al. 1 CP). Le juge atténue la peine si, au moment d’agir, l’auteur ne possédait que partiellement la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après cette appréciation (al. 2 CP). Les mesures prévues aux art. 59 à 61, 63, 64, 67 et 67b peuvent cependant être ordonnées (al. 3). Si l’auteur pouvait éviter l’irresponsabilité ou la responsabilité restreinte et prévoir l’acte commis en cet état, les al. 1 à 3 ne sont pas applicables
(al. 4).
3.3
La jurisprudence au sujet de l'influence d'une alcoolisation sur la responsabilité pénale est bien connue et l'appelant y fait référence dans son mémoire. Elle pose que n'importe quel oubli des convenances ou tout abrutissement passager - qui serait provoqué par une consommation excessive d'alcool ou d'autres substances altérant la conscience et la volonté - ne suffit pas pour admettre une diminution de la responsabilité. L'examen du comportement de l'auteur avant, pendant, et après la commission de l'acte est indispensable (ATF 107 IV 3 c.1b, JT 1982 IV 35). En effet, c'est l'état psychopathologique (l'ivresse) qui est décisif, et non la cause de cet état, soit la quantité d'alcool consommé qu'indique le taux d'alcoolémie dans le sang (TF du 9 septembre 2005 6S.284/2005 c. 2.3; TF du 7 mai 2002 6S.17/2002 c. 1c/aa résumé in JT 2003 I 561). Une concentration d'alcool dans le sang de 2 à 3 g ‰ entraîne une présomption de diminution de responsabilité, alors qu'une concentration supérieure à 3 g ‰ fait présumer une irresponsabilité totale. Ces présomptions peuvent toutefois être renversées par des indices contraires (ATF 122 IV 49 c.1b = JT 1998 IV 10). Le Tribunal fédéral a précisé qu'un arrêt cantonal n’avait pas violé la notion d'irresponsabilité en retenant qu'un justiciable ne se trouvait pas dans cet état même s’il avait beaucoup bu, dès lors qu'il avait été constaté que ce justiciable savait encore ce qu'il faisait et avait tenu des propos précis, voire détaillés sur les faits antérieurs et postérieurs à ceux de la procédure (TF du 17 août 2011 6B_1060/2010 c. 1).
3.4
Concernant l'application de l'art. 19 CP en lien avec l'art. 91 al. 1 LCR, on peut rappeler que, s'agissant de l'atteinte à la conscience engendrée par la consommation volontaire d'alcool, se pose bien entendu le problème de l'application de l'art. 19 al. 4 CP, soit de l'
actio libera in causa
, qui exclut en principe l'application de l'art. 19 al. 1 et 2 CP lorsque l'auteur a provoqué lui-même, intentionnellement ou par négligence, l'altération de sa conscience dans le dessein de commettre une infraction.
L'
actio libera in causa
intentionnelle suppose qu'au moment où il est encore en possession de ses facultés, l'auteur ait la conscience et la volonté de porter atteinte à sa capacité de conduire, par exemple, en ingérant de l'alcool en sachant ou en admettant l'hypothèse, si elle se présente, qu'il va conduire. L'
action libera in causa
par négligence est commise lorsque l'auteur, dans les mêmes circonstances, mais sans savoir ou admettre qu'il va conduire en état d'incapacité aurait pu et dû s'apercevoir, moyennant un minimum d'attention raisonnablement exigible, qu'il était possible, dans ces circonstances, qu'il prenne le volant en état d'incapacité.
Comme le relève la doctrine (v. Jeanneret, les dispositions pénales de la LCR, N. 95ss ad art 91 LCR, p. 106), la plupart du temps, il faut admettre que l'auteur accepte l'éventualité de conduire en état d'incapacité. Tel est notamment le cas lorsqu'il se rend en voiture dans un restaurant ou chez des amis, circonstances dont on peut déduire qu'il a l'intention de reprendre son véhicule pour regagner son domicile (TF 6S.286/2003).
Lorsque l'auteur se place dans une situation où il aurait dû raisonnablement prévoir l'éventualité de conduire une fois sa responsabilité affectée, une négligence sera retenue : ainsi le conducteur, médecin de surcroît, qui, dépressif, consomme du Valium dans son véhicule qu'il a immobilisé dans une forêt, s'endort puis, une fois éveillé, reprend la route, commet une
action libera in causa
par négligence, parce qu'il devait envisager, en faisant preuve d'un minimum d'attention, qu'une fois réveillé il pourrait être amené à conduire (TF 6S.619/2000).
Reste l'hypothèse, d'ailleurs reprise par l'appelant dans ses écritures, de l'auteur qui boit en ne pouvant ni ne devant se rendre compte qu'il conduira : c'est le cas de celui qui boit en ayant prévu de dormir sur place et qui, une fois ivre, va se coucher, puis se relève peu après et prend le volant de manière impromptue (ATF 118 IV 1). Ainsi, les seules hypothèses dans lesquelles l'
actio libera in causa
sera rejetée, sont celles dans lesquelles l'auteur a clairement pris des dispositions pour ne pas reprendre le volant ou ne pas être tenté de le faire, après avoir consommé de l'alcool soit : celui qui va manger dans un hôtel en réservant une chambre pour y passer la nuit ou celui qui confie les clés de son véhicule à un tiers ou encore celui qui prend des dispositions sérieuses et concrètes pour se faire conduire par un tiers.
4.
En l'espèce, il faut considérer que le cas de Q._ ne correspond pas à la dernière des hypothèses évoquées ci-dessus.
Tout d'abord, on est en présence d'une alcoolémie dont le taux, déjà élevé, ne permet cependant pas à lui seul d'envisager l'application de l'art. 19 CP. L'appelant plaide certes la conjonction avec une fatigue confinant à l'épuisement. Toutefois, suivant l'état de fait retenu, et qui n'est pas contesté, rien ne permet de considérer que cette fatigue était telle qu'elle apparaisse comme exceptionnelle et invalidante. L'appelant a d'ailleurs précisé dans ses déclarations à la police qu'il s'était couché à 23h00 le vendredi 23 mars 2013 pour se lever à 11h00 le lendemain (P. 4, p. 3). Il a par conséquent dormi environ douze heures la nuit précédant celle de l'infraction.
Il résulte ensuite du dossier que l'appelant avait l'habitude (environ deux fois par mois) de sortir en "discothèque". Il savait donc ou devait savoir dans quelle mesure il est aisé ou difficile de trouver un taxi en fin de nuit, peu avant la fermeture des établissements. Il a d'ailleurs déclaré avoir l'habitude de toujours rentrer en taxi.
Q._ habite Lutry, mais a décidé de venir à Lausanne en voiture. Il avait la possibilité de parquer et de laisser son véhicule sur une place de parc de son père au centre ville, mais a préféré, ce soir là, se parquer sur une place publique, plus près des établissements qu'il envisageait de fréquenter.
Outre l'utilisation de son propre véhicule, il avait également la possibilité de prendre le bus, de remettre les clés de son véhicule à un tiers, d'attendre encore un peu plus le taxi (puisqu'il avait déjà attendu près d'une heure selon ses dires), ou d'appeler un tiers au moyen de son portable, toutes choses dont il s'est abstenu.
Malgré son état d'ivresse et de fatigue, il a été capable de discuter avec son ami et une amie de ce dernier, de se souvenir combien de temps il a attendu, en vain, le taxi, puis d'aller chercher sa voiture dans une autre rue. A cet égard, le témoignage de Karim Trivier, qui déclare notamment "
nous n'étions pas en état de penser à quoi que ce soit
", n'est pas déterminant. Au contraire, les éléments énumérés ci-dessus plaident pour une lucidité suffisamment conservée.
Au vu de toutes ces circonstances, il faut retenir que le fait de reprendre le volant en fin de nuit relève d'un choix délibéré et conscient et que si Q._ avait fait preuve d'un minimum de précautions, il aurait pu ou dû envisager qu'il pourrait être amené à reprendre son véhicule en sortant de "discothèque" parce que l'attente d'un taxi était trop longue. Il a donc commis une
actio libera in causa
par négligence à tout le moins.
En définitive, l'appel de Q._, mal fondé, doit être rejeté.
II. L'appel joint du Ministère public
5.
L'appel joint du Ministère public porte sur le sursis, dont l'octroi par le premier juge est en l'espèce contesté en raison d'un antécédent de 2009.
5.1
L'art. 42 CP dispose que le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2). L’octroi du sursis peut également être refusé lorsque l’auteur a omis de réparer le dommage comme on pouvait raisonnablement l’attendre de lui (al. 3). Le juge peut prononcer, en plus du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon l’art. 106 CP (al. 4).
5.2
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable et hautement incertain (TF 6B_88/2011 du 18 avril 2011 c. 2.1 et les références citées). En d'autres termes, la loi présume l'existence d'un pronostic favorable et cette présomption doit être renversée par le juge pour exclure le sursis. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste (ATF 135 IV 180 c. 2.1; 135 IV 152 c. 3.2.1 non publié; Kuhn, Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 17 ad art. 42). Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents.
Dans son appel joint, le Ministère public se fonde sur les recommandations de la Conférence des autorités de poursuite pénale suisse (ci-après : la CAPS) et soutient que dans un cas pareil (récidive un peu moins de trois ans après une condamnation pour violation grave de la LCR [vitesse]), la peine prononcée doit être ferme. Le Ministère public admet que les recommandations de la CAPS ne sont pas contraignantes, mais qu'elles sont suivies dans la grande majorité des cas.
Le juge peut s'aider de telles recommandations pour exercer son pouvoir d'appréciation, mais celles-ci ne sauraient l'empêcher de se faire en toute indépendance son propre avis sur la peine qui correspond à la culpabilité du condamné et aux autres circonstances pertinentes au regard de l'art. 47 CP (TF 6S.363/2006 du 28 décembre 2006 consid. 11.2; TF 6S.477/2004 du 1er mars 2005 consid. 2.3).
A la lecture des recommandations précitées, le Cour de céans ne voit toutefois pas où une telle ligne directrice est donnée.
5.3
Selon l'art. 15a LCR, le permis de conduire obtenu pour la première fois pour un motocycle ou une voiture automobile est délivré à l’essai. La période probatoire est de trois ans (al. 1). Lorsque le permis de conduire à l’essai est retiré au titulaire parce qu’il a commis une infraction, la période probatoire est prolongée d’un an. Si le retrait expire après la fin de cette période, la prolongation commence à compter de la date de restitution du permis de conduire (al. 3). Le permis de conduire à l’essai est caduc lorsque son titulaire commet une seconde infraction entraînant un retrait (al. 4). Un nouveau permis d’élève conducteur peut être délivré à la personne concernée au plus tôt un an après l’infraction commise et uniquement sur la base d’une expertise psychologique attestant son aptitude à conduire. Ce délai est prolongé d’un an si la personne concernée a conduit un motocycle ou une voiture automobile pendant cette période (al. 5). Après avoir repassé avec succès l’examen de conduite, la personne concernée obtient un nouveau permis de conduire à l’essai (al. 6).
5.4
En l'espèce, il faut considérer l'attitude désinvolte de Q._ face à ses actes. En effet, condamné en 2009 pour un excès de vitesse (qualifié), il n'a pas hésité, dans un délai relativement court, à commettre une nouvelle infraction, dans le même domaine. Il a ainsi privilégié son confort à la légalité, préférant s'engager dans la circulation routière au volant de son véhicule alors que son état physique l'en rendait incapable, plutôt que patienter un peu au froid pour attendre un taxi ou un bus afin de regagner son domicile sans danger. Son comportement en procédure ne révèle pas de prise de conscience, mais l'objectif d'échapper à la sanction.
Il faut également relever qu'une fois la condamnation pénale confirmée, le permis de conduire à l'essai de Q._ deviendra caduc. L'intéressé pourra toutefois obtenir rapidement un nouveau permis d'élève conducteur. En effet, l'infraction ayant été commise le 25 mars 2012, le délai d'un an est écoulé. Q._, déjà au bénéfice de plusieurs années d'expérience de conduite, pourra ainsi se présenter rapidement aux examens et obtenir un nouveau permis de conduire à l'essai. Même sans posséder de véhicule, Q._ aura ensuite la possibilité d'utiliser la voiture de ses parents, celle d'un ami ou encore d'en acquérir une immatriculée à son nom. Dès lors, et contrairement aux allégations de l'appelant (P. 23), il existe un risque de réitération objectif.
En conséquence, il faut constater que le passé relativement récent de cet automobiliste en matière de circulation routière, les circonstances dans lesquelles l'ivresse au volant a été commise, la récidive intervenue, certes hors du sursis octroyé par le juge pénal en 2009, mais durant la période de probation prolongée par le Service des automobiles et de la navigation, ainsi que la possibilité d'obtenir rapidement un nouveau permis de conduire à l'essai, amènent la Cour de céans à poser un pronostic défavorable. La peine prononcée sera donc ferme.
En définitive, l'appel du Ministère public doit être admis.
6.
Vu l'issue de l'appel, les frais de la cause, par 1'910 fr. doivent être mis à la charge de Q._, qui succombe (art. 428 al. 1, 1ère phrase, CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). La partie ayant été représentée par un avocat de choix, les frais sont limités aux frais d'arrêt selon l'art. 424 CPP. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
613704c6-461a-49ce-986c-888904a1ba3d | En fait :
A.
Par jugement du 7 novembre 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a acquitté H._ des chefs d’accusation de faux dans les titres et de gestion déloyale (I), a ordonné la levée du séquestre prononcé le 23 février 2009 tendant au blocage du compte en banque [...] n° [...] de D._ SA jusqu’à concurrence de 109'268 fr. 62 (II), a dit que H._ est débiteur de l’exécuteur testamentaire B.R._ et lui doit immédiat paiement de la somme de 109'268 fr. 62 avec intérêts à 5% l’an dès et y compris le 11 juillet 2008 (III), a dit que H._ est débiteur de l’exécuteur testamentaire B.R._ et lui doit immédiat paiement de la somme de 21'200 fr. à titre d’indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (IV), a rejeté pour le surplus
les conclusions civiles prises le 29 octobre 2013 par l’exécuteur testamentaire B.R._ (V) et a mis les frais de justice par 4'170 fr. 25 à la charge du condamné (VI).
B.
Par annonce du 12 novembre 2013, puis déclaration motivée du 10 décembre 2013, le Ministère public central a formé appel contre ce jugement. Il a conclu à la réforme du jugement précité en ce sens que H._ est condamné, pour gestion déloyale aggravée, à une peine pécuniaire de 360 jours-amende à 150 fr. le jour avec sursis pendant deux ans et à une peine pécuniaire ferme de 120 jours-amende à 150 fr. le jour à titre de sanction immédiate, qu’une créance compensatrice de 109'268 fr. 62 est prononcée, cette somme étant allouée aux héritiers de A.R._ représentés par l’exécuteur testamentaire B.R._, et que le prévenu est condamné aux frais de justice.
Par annonce du 15 novembre 2013, puis déclaration du 12 décembre 2013, H._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, sous suite de frais et dépens, à sa modification en ce sens que les chiffres III et IV du dispositif précité sont annulés.
Par acte du 6 février 2014, B.R._ a déposé un appel joint, en prenant les conclusions suivantes :
« I. L’appel est admis.
Principalement :
Il. Le jugement du 7 novembre 2013 est réformé en ce sens que A.R._ est reconnu coupable de gestion déloyale aggravée et de faux dans les titres, et est condamné à la peine que justice dira.
III. Les conclusions prises à l’audience du 29 octobre 2013 par B.R._ sont accordées en ce sens que :
1. H._ est le débiteur de la succession de feu A.R._, composée de [...],C.R._, A.R._, [...] et [...], au nom de laquelle agit B.R._, exécuteur testamentaire, de la somme de 109'268 fr. 62 avec intérêts à 5% l’an dès et y compris le 10 juillet 2008;
2. lI est alloué à la succession de feu A.R._, [...], au nom de laquelle agit B.R._, exécuteur testamentaire, une créance compensatrice au sens des articles 71 ch. 3 et 73 ch. 1 lit. c CP de 109’268 fr. 62, soit le montant en capital visé sous ch. 1 ci-dessus;
3. En application de l’art. 73 ch. 2 CP, la succession de feu A.R._, [...], au nom de laquelle agit B.R._, exécuteur testamentaire, cède, respectivement offre de céder sa créance compensatrice à l’Etat;
4. Le séquestre ordonné le 23 février 2009 sur le compte [...] n° [...] de D._ SA est maintenu à hauteur de 109'268 fr. 62 pour garantir l’exécution de la créance compensatrice allouée à la succession de feu A.R._, [...], au nom de laquelle agit B.R._, exécuteur testamentaire, selon ch. 2 ci-dessus;
5. Le montant séquestré auprès de la BCV selon ordonnance du 23 février 2009 est dévolu à la succession de feu A.R._, [...], au nom de laquelle agit B.R._, exécuteur testamentaire, à hauteur de 109'268 fr. 62;
6. lI est donné acte de ses réserves civiles pour le surplus à la succession de feu A.R._, [...], au nom de laquelle agit B.R._, exécuteur testamentaire, qui est ainsi renvoyé à agir dans cette mesure devant l’autorité civile compétente, qui est du reste déjà saisie pour le solde de la réclamation contre A.R._ et D._ SA (procès en Cour civile – CO09.000806/XMD);
7. H._ est le débiteur de la succession de feu A.R._, [...], au nom de laquelle agit B.R._, exécuteur testamentaire, et lui doit immédiat paiement de la somme de 85'000 fr. majorée des frais d’audience de première instance, à titre de remboursement des frais d’avocats engagés pour les opérations effectuées lors de l’instruction pénale jusqu’à l’audience de jugement de 1ère instance.
Subsidiairement aux conclusions Il et III :
lV. Le jugement du 7 novembre 2013 est annulé et le dossier de la cause est renvoyé au Tribunal correctionnel pour nouveau jugement dans le sens des considérants ».
Le 7 février 2014, le prévenu a présenté une demande de non-entrée en matière sur l’appel joint formé par B.R._, qui a été rejetée par décision du 4 mars 2014. On y reviendra ci-après.
Par écriture du 28 avril 2014, H._ a précisé ses conclusions en ce sens qu’un montant de 66'249 fr. 75 lui est alloué à titre d’indemnité de l’art. 429 CPP. Il a en outre conclu au rejet de l’appel du Ministère public et de l’appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
H._ est né le [...] 1943, à [...], d’une fratrie de cinq enfants. Elevé par ses parents, il a été placé à l’âge de douze ans dans un internat à [...]. En 1963, il a obtenu sa maturité en latin-science, puis en 1968, sa licence en droit à l’Université de [...]. En 1970, il a obtenu son titre de docteur en droit. Par la suite et jusqu’en 1972, il a effectué un stage d’avocat et de notaire au sein de l’étude [...] à [...]. De 1973 à 1980, il a travaillé pour la Banque [...] à Zurich, puis à la [...] à Hambourg. De 1981 à 1985, il a siégé en qualité de directeur au comité de direction du [...], avant de se mettre à son compte et de fonder en 1985 D._ SA à Lausanne. Il a également assumé divers mandats au sein de plusieurs sociétés de la place. Major d’infanterie de montagne, il a été incorporé à l’Etat-Major du Conseil fédéral. Le prévenu est marié depuis 1974 et a deux enfants, actuellement adultes.
Son casier judiciaire est vierge de toute inscription.
2.
Par décision du 2 août 2007, la Justice de paix du district de Vevey a prononcé l'interdiction civile provisoire de A.R._ et a désigné H._ en qualité de tuteur provisoire de ce dernier.
Lorsque cette mesure tutélaire a été prononcée, A.R._ était administrateur et actionnaire unique de la société W._ AG (siège à Binningen/BL). Ce dernier est décédé le 18 décembre 2008. Il était marié à [...] avec qui il a eu quatre enfants, soit C.R._, B.R._, [...] et [...].
Pour sa part, au moment des faits incriminés, le prévenu exerçait l’activité de gestionnaire de fortune au sein de la société D._ SA dont le but social est la gérance de fortunes, les conseils en placements et toutes autres prestations de conseils juridiques et financiers dans le domaine de l'administration de biens. Cette société est membre de l’Association suisse des gérants de fortune.
2.1
Peu après sa désignation en qualité de tuteur provisoire, H._, qui représentait la totalité des actions de W._ AG, a été nommé président du conseil d'administration de cette société lors d'une assemblée générale extraordinaire des actionnaires qui a eu lieu le 27 août 2007 dans les bureaux de D._ SA. A cette occasion, B.R._ et C.R._ sont devenus administrateurs de la société. Le prévenu a toutefois pris la direction de W._ AG sans l'aval de la Justice de paix. Par la suite, il a assumé sa fonction de président jusqu'au 10 avril 2008, sans en référer à l'autorité tutélaire. Il a ensuite été membre du conseil d’administration du 10 avril au 10 septembre 2008.
Le 23 janvier 2008, H._ a organisé une séance du conseil d'administration de W._ AG dans les locaux de D._ SA. Lors de cette séance, B.R._ a été évincé de son poste d'administrateur.
Par courrier du 11 mars 2008, W._ AG a requis auprès du registre du commerce de [...] la radiation de B.R._ en s'appuyant sur le procès-verbal de la séance précitée. Toutefois, l’autorité compétente a refusé de procéder à cette radiation en l'absence de décision de l'assemblée générale des actionnaires. Le prévenu a dès lors produit un procès-verbal d'une séance de l'assemblée générale des actionnaires de W._ AG tenue le 23 janvier 2008 entre 10h00 et 10h10 dans les locaux de D._ SA. Sur la base de ce document, le registre du commerce a finalement radié l'inscription de l’intéressé.
2.2
Le prévenu a eu la maîtrise du patrimoine financier de son pupille à compter du 21 septembre 2007. Il a alors réparti la fortune mobilière de A.R._ dans trois établissements bancaires, soit le G._, l'U._ et la S._.
Dans ce contexte, l’intéressé a délégué la gestion de ces valeurs patrimoniales à la société D._ SA, malgré le caractère éminemment personnel du mandat de tuteur provisoire à lui confié (art. 398 al. 3 CO) et sans avoir demandé l'autorisation de la Justice de paix.
Il a formalisé les rapports contractuels à l'égard des banques concernées en agissant à la fois comme représentant de son pupille et de D._ SA. Le statut de gérant de fortune indépendant a été attestée dans la documentation bancaire signée par le prévenu les 27 septembre 2007, 2 octobre 2007 et 19 mars 2008.
2.3
Dans sa décision du 2 août 2007, la Justice de paix a imparti à H._ un délai au 15 octobre 2007 pour produire en mains de l'assesseur [...] un inventaire d'entrée des biens de son pupille. L’intéressé n'ayant pas respecté ce délai, il a été prié, par lettre du 22 octobre 2007, de faire le nécessaire jusqu’au 15 novembre 2007 au plus tard. Le 23 octobre 2007, H._ a établi ledit inventaire et l'a adressé à l’assesseur le 5 novembre 2007.
Ce document fait état d'un actif net de 42'057'240 fr., à savoir des espèces et des titres déposés auprès des banques G._ et U._ pour un montant de respectivement 13’255'303 fr. (espèces) et 20'754'247 fr. (titres), ainsi que des immeubles estimés à 8'047'690 francs. H._ n'a toutefois pas inventorié la fortune pupillaire au jour de son entrée en fonction ni mentionné de « date de valeur » sur le formulaire d'inventaire.
Cette manière de faire lui a notamment permis de cacher à l’autorité tutélaire des transferts de fonds importants. En effet, lorsque H._ a pris ses fonctions de tuteur, son pupille était titulaire de dépôts totalisant environ 12'000’000 fr. auprès de la S._. Les 8 et 12 octobre 2007, il a transféré ces avoirs auprès du G._ sans solliciter l'accord de la Justice de paix. Ce transfert de valeurs patrimoniales a permis à D._ SA, respectivement à H._, d'encaisser une commission d'apporteur d'affaires d'un montant de 22'341 fr. 95.
2.4
Au total, les rétributions perçues par H._, par l’intermédiaire de sa société, se montent à 109'268 fr. 62 et se décomposent comme suit (P. 335) :
Commissions d’apport et rétrocessions créditées à D._ SA :
G._
:
Commissions d’apport 22'341 fr. 95
Rétrocessions 35'829 fr. 60
U._
:
Rétrocessions 47'868 fr. 99
S._
:
Rétrocessions 3'228 fr. 08
Total
: 109'268 fr. 62
Ni le prévenu, ni sa société, n’ont renseigné A.R._, respectivement l’autorité tutélaire, sur ces rémunérations spécifiques. Par ailleurs, aucune renonciation formelle à la restitution des commissions d'apport et/ou des rétrocessions n'a été établie.
L’intéressé a agi à l'insu de l'autorité tutélaire afin de lui cacher les rémunérations (rétrocessions et commissions d'apporteur d'affaires) qu'il allait percevoir par l'entremise de sa société D._ SA.
2.5
Par ordonnance du 23 février 2009, une montant de 109'268 fr. 62 a été bloqué sur le compte de D._ SA n° [...] ouvert auprès de la S._ aux fins de confiscation ou de garantie de l'exécution d'une future créance compensatrice.
Statuant par voie de mesures préprovisionnelles, par ordonnance du 10 juillet 2008, le Juge de paix a mis fin au mandat de tuteur provisoire de H._ et a désigné B._ en remplacement. Cette décision a été confirmée le 24 juillet 2008, au motif que le prénommé n'avait pas agi en administrateur diligent.
Le 14 novembre 2008, B._ et son pupille ont porté plainte contre H._.
Par écriture du 7 février 2011, confirmée le 25 juin 2012, la femme et les enfants de feu A.R._ sont intervenus dans la procédure comme demandeurs au pénal et au civil. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du Ministère public et celui formé par H._ sont recevables.
1.2
Le prévenu a déposé une demande de non-entrée en matière portant sur l’appel joint formé par B.R._, qui a été rejetée, comme on l’a vu, le 4 mars 2014. Il fait valoir que les conclusions civiles seraient irrecevables et que l’exécuteur testamentaire ne pourrait pas contester l’acquittement prononcé.
En l’occurrence, s’agissant de l’irrecevabilité des conclusions civiles, le prévenu confond ce moyen avec l’irrecevabilité de l’appel, seule question à trancher dans le cadre d’une demande de non-entrée en matière. Or, il est évident que l’appel joint de la partie civile portant sur des conclusions civiles est recevable, le Ministère public ayant par ailleurs égalent demandé l’allocation du montant de la créance compensatrice à cette partie et le prévenu n’ayant pas contesté la recevabilité de l’appel du procureur. En outre, la restriction prévue à l’art. 401 al. 2 CPP ne porte que sur l’hypothèse inverse, à savoir que c’est l’appel principal qui ne porte que sur les conclusions civiles. Pour le surplus, dans son analyse de la recevabilité des conclusions civiles, l’appelant H._ omet une circonstance décisive : par ordonnance du 23 février 2009, le Juge d’instruction cantonal a admis B.R._ au procès en qualité de partie civile. Or, les actes de procédure accomplis avant l’entrée en vigueur du CPP conservent leur validité (art. 448 al. 2 CPP).
S’agissant de l’irrecevabilité de l’appel joint portant sur la condamnation pour gestion déloyale et faux dans les titres, le prévenu soutient que les héritiers de A.R._ ne pourraient pas s’en prendre à son acquittement, car ils ne seraient pas demandeurs au pénal. Toutefois, comme on l’a vu, suite à leur intervention des 7 février 2011 et 25 juin 2012, les héritiers de A.R._ ont bien cette qualité de partie demanderesse au pénal. De toute manière, le Ministère public a formé appel s’agissant de la condamnation pour gestion déloyale qualifiée. La question ne se pose donc que pour le faux dans les titres, le procureur admettant que cette infraction n’est pas réalisée. Au surplus, le 4 novembre 2008, A.R._ et sa tutrice B._ ont déposé plainte contre H._ pour faux dans les titres et gestion déloyale notamment. L’arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal invoqué par l’appelant H._ (JT 2012 III 188) ne lui est donc d’aucun secours. En effet, il ne s’agit pas ici de savoir si une communauté héréditaire peut déposer plainte, mais de savoir si les droits du plaignant décédé ont passé à ses proches. Tant sous l’angle de l’art. 560 CC, que sous l’angle de l’art. 121 CPP, il faut répondre par l’affirmative, étant précisé que le CPP-VD ne contenait aucune disposition traitant de la cession des droits du lésé décédé, l’art. 30 al. 4 CP réglant par ailleurs le droit de porter plainte des proches en cas de décès du plaignant.
Il résulte de ce qui précède que rien ne s’oppose à la recevabilité tant de l’appel joint déposé par B.R._ que des conclusions civiles formulées par ce dernier.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
3.1
Le Ministère public soutient que H._ s’est rendu coupable de gestion déloyale qualifiée au sens de l’art. 158 ch. 1 al. 3 CP. Il fait d’abord valoir que le cadre des débats tel que fixé en page 40 du jugement entrepris constitue une interprétation divergente de l’acte d’accusation et que les griefs factuels formulés par cet acte à l’encontre de l’accusé consistent à avoir encaissé, par l’intermédiaire de sa société D._ SA, des commissions d’apporteur d’affaires («
finder’s fees
») et des rétrocessions dans le cadre de la gestion des avoirs de son pupille A.R._. Le tribunal aurait ainsi analysé incomplètement les faits reprochés à l’intimé, le reproche ne portant pas sur le choix de gestion ou la politique de placement des avoirs, contrairement à ce qu’a considéré le tribunal de première instance, mais sur la conservation de rétributions versées par les banques dépositaires, au mépris des obligations du gestionnaire de fortune et du tuteur.
3.1.1
Aux termes de l’art. 333 al. 1 CPP, le tribunal donne au ministère public la possibilité de modifier l'accusation lorsqu'il estime que les faits exposés dans l'acte d'accusation pourraient réunir les éléments constitutifs d'une autre infraction, mais que l'acte d'accusation ne répond pas aux exigences légales.
Il appartient ainsi au Ministère public de définir le cadre factuel de l’acte d’accusation, le tribunal n’étant susceptible de le modifier qu’en donnant préalablement la possibilité de le faire au parquet. Il n’en va différemment qu’en ce qui concerne l’appréciation juridique des faits (cf. art. 344 CPP).
3.1.2
En l’espèce, le cadre des débats tel que précisé en page 40 du jugement de première instance ne lie ni le Ministère public, ni les autres parties, ni encore la cour de céans. D’abord, le procès verbal de l’audience ne mentionne aucune opération de modification de l’accusation au sens de l’art. 333 ou 344 CPP, de sorte que la référence aux éventuelles précisions données par la direction de la procédure au sujet du cadre des débats ne peuvent qu’être déclaratoires et sans portée procédurale. Dès lors que l’acte d’accusation, dont le contenu est rappelé sous chiffre 2 du jugement attaqué (jgt., p. 25 ss), mentionne de façon précise les faits concernant l’appropriation de diverses commissions et rétrocessions par l’intimé, au demeurant non contestées, il convient de s’en tenir au contenu de l’acte d’accusation pour juger de l’éventualité d’actes de gestion déloyale commis par l’intimé.
3.2
Le Ministère public, suivi par l’appelant A.R._, fait ensuite valoir que tous les éléments constitutifs de la gestion déloyale qualifiée sont réunis à l’encontre de l’intimé. Ce dernier aurait agi en qualité de gérant, tant comme tuteur provisoire que comme gestionnaire de fortune indépendant, aurait violé ses obligations de gérant en signant les documents bancaires à la fois comme tuteur provisoire et comme représentant de D._ SA, n’aurait pas restitué des rétrocessions et des commissions en violation des règles sur le mandat (art.
400 al. 1 CO), causant ainsi un dommage à hauteur de 109’268 fr. 62 et, enfin, aurait agi dans le dessein de se procurer un enrichissement illégitime, réalisant ainsi la forme aggravée de l’infraction de gestion déloyale.
3.2.1
Aux termes de l’art. 158 CP, celui qui, en vertu de la loi, d’un mandat officiel ou d’un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d’autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu’ils soient lésés sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (ch. 1 al. 1). Le cas de la gestion déloyale aggravée est réalisé lorsque l’auteur a agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ch. 1 al. 3).
Sur le plan objectif, l’infraction de gestion déloyale au sens de l’art. 158 ch. 1 al. 1 CP suppose la réalisation de trois éléments : il faut que l’auteur ait eu un devoir de gestion ou de sauvegarde, qu’il ait violé une obligation qui lui revient en cette qualité et qu’il en soit résulté un dommage; sur le plan subjectif, il faut qu’il ait agi intentionnellement. Le dol éventuel suffit, à la condition qu’il soit strictement caractérisé (Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. I, 3
ème
éd., n. 13 ad art. 158 CP).
Le devoir de gestion implique un pouvoir sur les biens d’autrui comportant une indépendance suffisante, un droit de disposition autonome, une certaine latitude qui caractérise le devoir de fidélité dont la violation est punissable (ATF 123 IV 17 c. 3b). Ce pouvoir peut se manifester non seulement par la passation d’actes juridiques, mais également par la défense, sur Ie plan interne, d’intérêts patrimoniaux ou par des actes matériels. Il faut cependant que le gérant ait une autonomie suffisante sur tout ou partie de la fortune d’autrui, sur les moyens de production ou le personnel d’une entreprise (ATF 123 IV 17 c. 3b; ATF
120 IV 190 c. 2b).
Pour qu’il y ait gestion déloyale, il ne suffit pas que l’auteur ait été gérant, ni qu’il ait violé une quelconque obligation. Le terme de gestion déloyale et la définition légale de l’infraction exigent que l’obligation qu’il a violée soit liée à la gestion confiée (ATF 120 IV 190 c. 2b). Il convient donc d’examiner de manière concrète si les actes de gestion reprochés violaient un devoir de gestion spécifique. Les devoirs de gestion ou de sauvegarde qui déterminent le comportement délictueux sont déterminés par les obligations imposées au gérant. Ces obligations sont d’abord définies par la loi, mais peuvent aussi l’être par les statuts, les règlements ou les décisions de l’assemblée générale pour ce qui est d’une société anonyme.
L’infraction de gestion déloyale n’est consommée que s’il y a eu un dommage patrimonial. Ce préjudice doit être en rapport de causalité avec la violation des devoirs (Corboz, op. cit., n. 10 ad art. 158 CP). Le dommage est une lésion du patrimoine sous la forme d’une diminution de l’actif, d’une augmentation de passif, d’une non-augmentation de l’actif ou d’une non-diminution du passif, mais aussi d’une mise en danger de celui-ci telle qu’elle a pour effet d’en diminuer la valeur du point de vue économique. Par ailleurs, un préjudice temporaire suffit (ATF 122 IV 279 c. 2a; ATF 121 IV 104 c. 2c; ATF 120 IV 122 c. 6b/bb). Il n’est pas nécessaire que le dommage corresponde à l’enrichissement de l’auteur, ni qu’il soit chiffré; il suffit qu’il soit certain (ATF 123 IV 17 c. 3d). L’infraction est consommée lorsque l’auteur a causé un dommage au patrimoine qu’il devait protéger (Corboz, op. cit., ibid.).
Il importe peu que le comportement délictueux soit une action ou une omission (FF 1991 II 1019), un acte juridique ou un acte matériel (Corboz, op. cit., n. 9 ad art. 158 CP et les références citées).
Conformément à l’art. 400 al. 1 CO, le mandataire doit restituer au mandant toutes les valeurs qu’il reçoit et qui sont intrinsèquement liées à l’accomplissement du mandat. Tel est le cas des rétrocessions et des «
finder’s fees
» qui sont versés au gérant de fortune par une banque parce qu’il dépose auprès d’elle des fonds dont il a la gestion ou lui amène un nouveau client. Le mandant peut toutefois renoncer valablement à la restitution de ces sommes qui représentent alors pour le gérant une rémunération supplémentaire. Pour que la renonciation soit valable, il faut que le mandant soit informé de manière complète et exacte des rétrocessions et des «
finder’s fees
»et qu’il manifeste sans équivoque la volonté d’y renoncer (ATF 137 III 393, 132 III 460, JT 2008 I 58).
A teneur de l’art. 413 aI. 1 aCC (disposition qui était applicable au moment des fonctions de tuteur provisoire de l’intimé), le tuteur gère les biens du pupille en administrateur diligent. Le droit actuel (art. 413 al. 1 CC) renvoie au devoir de diligence du mandataire au sens du code des obligations.
3.2.2
En l’espèce, il ne fait aucun doute que l’intimé H._ doit être considéré comme un gérant au sens de l’art. 158 CP, disposant de toute l’indépendance de gestion conférée par son mandat officiel de tuteur provisoire et par son activité de gérant de fortune indépendant, agissant par le truchement de sa société D._ SA, membre de l’Association suisse des gérants de fortune.
Il ne fait pas plus de doute que l’intimé a violé ses devoirs de gestion consacrés par les art. 413 al. 1 aCC et 400 al. 1 CO. Il résulte clairement des faits retenus que l’intimé a encaissé diverses commissions et rétrocessions à concurrence de 109’268 fr. 62 (P. 335) devant revenir à son pupille, sans en informer ce dernier ni, dans un premier temps, les autorités tutélaires. D’abord envers son pupille, le prévenu n’a fait état d’aucune commission ou rétrocession perçue des banques, se bornant à indiquer ses honoraires de gestion exclusivement (cf. P. 73/2). Ainsi, non seulement l’intimé a facturé et encaissé des honoraires de gestion totalisant 74’454 fr. (P. 37/5a), mais encore a-t-il perçu des montants plus importants de manière occulte. Ce n’est que le 8 octobre 2008, dans son rapport final à la justice de paix que le prévenu a fait état de ces montants, imputant sur le total de sa rémunération de 183’841 fr. des « dépenses de gestion » représentées soit disant par le fonctionnement d’un comité de gestion et d’un système informatique (P. 37/5a), alors que ces frais sont manifestement englobés par les honoraires de gestion. Il est donc établi que le prévenu a dissimulé l’ampleur de sa rémunération et qu’en aucun cas, sur la base des informations données par le prévenu à son pupille ou l’autorité tutélaire, il est possible de considérer qu’il a été renoncé, sur la base d’une information complète et exacte au sens de la jurisprudence du Tribunal fédéral rappelée ci-dessus, à la restitution des commissions et rétrocessions au mandant. L’encaissement de ces montants est ainsi illicite et le prévenu doit être condamné pour gestion déloyale, le dommage étant causé par l’appauvrissement du lésé à concurrence du montant de
109’268 fr. 62.
H._ a agi intentionnellement, pour s’approprier les montants litigieux, dans un dessein manifeste d’enrichissement illégitime, en ne présentant pas de manière exacte et honnête sa rémunération. C’est donc l’infraction qualifiée de l’art. 158 ch. 1 al. 3 CP qui doit être retenue à l’encontre du prénommé.
L’appel du Ministère public doit donc être admis sur ce point.
4.
Dans un moyen commun, le Ministère public et B.R._ font valoir qu’une créance compensatrice doit être prononcée à concurrence de 109'268 fr. 62, les montants ayant été encaissés par D._ SA et n’étant plus en possession du prévenu. Comme les conditions de la confiscation sont réunies en raison de l’infraction retenue, le montant du séquestre opéré en main de la société précitée devrait être alloué à la succession de feu A.R._, conformément aux art. 71 et 73 CP.
4.1
Aux termes de l’art. 71 CP, lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne leur remplacement par une créance compensatrice de l’Etat d’un montant équivalent (al. 1). Le juge peut renoncer totalement ou partiellement à la créance compensatrice s’il est à prévoir qu’elle ne serait pas recouvrable ou qu’elle entraverait sérieusement la réinsertion de l’intéressé (al. 2). Le but de cette créance compensatrice est d’éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés; elle ne joue qu’un rôle de substitution de la confiscation en nature et ne doit donc, par rapport à celle-ci, engendrer ni avantage ni inconvénient (ATF 126 IV 70 c. 3).
Aux termes de l’art. 73 al. 1 let. c CP, si un crime ou un délit a causé à une personne un dommage qui n’est couvert par aucune assurance et s’il y a lieu de craindre que l’auteur ne réparera pas le dommage ou le tort moral, le juge alloue au lésé, à sa demande, jusqu’à concurrence des dommages-intérêts ou de la réparation morale fixés par un jugement ou par une transaction, les créances compensatrices notamment. Le juge ne peut toutefois ordonner cette mesure que si le lésé cède à l’Etat une part correspondante de sa créance (art. 73 al. 2 CP). L’allocation au lésé ne relève pas d’une faculté, mais d’une obligation : lorsque les conditions de l’allocation sont réunies, celle-ci doit être ordonnée (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, n. 1.3 ad art. 73 CP et les références citées). Il ne peut cependant y avoir d’allocation que sur la base d’une demande expresse du lésé (Niggli/Wiprächtiger, Basler Kommentar, Strafrecht I, n. 19 ad art. 73 CP).
4.2
En l’espèce, dans la mesure où les conditions de la confiscation sont remplies au regard de l’art. 70 CP, que l’appelant n’a pas dédommagé les lésés et que les valeurs patrimoniales ne sont plus disponibles, rien ne s’oppose au prononcé d’une créance compensatrice. Le montant de cette créance s’élève à 109’268 fr. 62. Le séquestre en vue de l’exécution d’une telle créance est prévu par l’art. 71 al. 3 CP. En l’occurrence, le tiers favorisé par l’infraction, soit D._ SA, se confond en réalité avec son auteur, H._ étant l’organe, soit un des administrateurs de la société anonyme portant son nom (cf. P. 37/11). Le prévenu fait valoir que D._ SA, tiers touché par la mesure de séquestre, aurait dû être cité aux débats. Or, comme indiqué ci-dessus, le prévenu a agi comme organe de cette société, de sorte que le mandat de comparution qui lui a été adressé personnellement vaut pour sa société, le fait de se prévaloir d’un tel vice de forme au stade de l’appel constituant un abus de droit. Pour le surplus, les lésés ont cédé à l’Etat la part correspondante de leur créance.
Il résulte de ce qui précède que toutes les conditions d’allocation de la créance compensatrice aux lésés sont réunies.
Les appels du Ministère public et de B.R._ doivent donc être admis sur ce point.
5.
B.R._ demande la condamnation du prévenu pour faux dans les titres. S’agissant de l’inventaire d’entrée des biens du pupille (P. 4/27), il fait valoir que le document établi le 23 octobre 2007 par le prévenu ne reflétait pas l’état du patrimoine du pupille à l’entrée en fonction du tuteur et qu’en agissant de la sorte, ce dernier avait voulu masquer à l’autorité de surveillance le type de gestion du patrimoine, en profitant ainsi de poursuivre sa gestion spéculative dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires du pupille. Quant au procès-verbal de l’assemblée générale de W._ AG (P. 4/48), l’appelant soutient que le prévenu aurait agi frauduleusement en établissant a posteriori un procès-verbal attestant de sa tenue, alors que dite assemblée n’avait pas été régulièrement convoquée et que les décisions ont été prises sans ordre du jour.
5.1
Se rend coupable de faux dans les titres au sens de l’art. 251 ch. 1 CP, celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelle d’autrui pour fabriquer un titre supposé, constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou, pour tromper autrui, fait usage d’un tel titre.
L’art. 251 CP vise non seulement le faux matériel, qui consiste en la fabrication d’un titre faux ou la falsification d’un titre, mais également le faux intellectuel, soit la constatation d’un fait inexact, en ce sens que la déclaration contenue dans le titre ne correspond pas à la réalité. Constitue un faux matériel un titre dont l’auteur réel ne coïncide pas avec l’auteur apparent. Le faussaire crée un titre qui trompe sur l’identité de celui dont il émane en réalité (ATF 128 IV 265 c. 1.1.1 et les références citées).
5.2
En l’espèce, on ne saurait retenir que l’un ou l’autre des documents incriminés ait un contenu mensonger, quand bien même il est évident qu’un inventaire d’entrée des biens du pupille et un procès-verbal d’assemblée générale constituent des titres ayant une valeur probante accrue.
L’inventaire établi par le prévenu, daté du 23 octobre 2007 et signé de sa main, fait état correctement de la situation financière du pupille à cette date. Il ne comporte en revanche aucune date de la valeur à laquelle les biens ont été inventoriés et ne reflète pas la situation des actifs et passifs à l’entrée en fonction du tuteur. Il ne saurait pour autant être considéré comme mensonger dans son contenu, l’inventaire étant véridique à la date du 27 octobre 2007, indépendamment de la question de savoir s’il est ou non pertinent, comme l’ont considéré les premiers juges, que la justice de paix ait accepté cet inventaire dont les actifs et passifs ne correspondaient pas à l’état au moment de l’entrée en fonction du tuteur.
S’agissant du procès-verbal de l’assemblée générale de W._ AG, le document dressé ne comporte, lui non plus, aucune indication mensongère. Il résulte des témoignages que les trois personnes mentionnées dans le procès-verbal étaient présentes. L’un des administrateurs, C.R._, a du reste également signé le procès-verbal. B.R._ a bien été exclu lors de cette séance. Dès lors qu’une assemblée générale peut être tenue, lorsque la totalité des actions sont représentées, sans observer les formes prévues pour sa convocation (art. 701 al. 1 CO), on ne voit pas ce que le procès-verbal contiendrait de mensonger, même si la révocation de l’un des administrateur est intervenue au cours d’une séance du conseil d’administration.
L’acquittement du prévenu de ce chef d’accusation doit ainsi être confirmé.
6.
L’appelant B.R._ soutient que c’est à tort que les premiers juges ont rejeté pour le surplus les conclusions civiles prises le 29 octobre 2013.
En effet, il existe d’autres prétentions de la succession de A.R._ à l’encontre du prévenu (deux procès sont notamment pendants devant la Cour civile), de sorte qu’il faut donner acte à l’appelant et aux autres héritiers de leurs réserves civiles à l’encontre du prévenu pour le surplus.
7.
L’appelant B.R._ se plaint enfin des dépens alloués en première instance et requiert une indemnité à concurrence de 85’000 francs.
7.1
Aux termes de l’art. 433 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause (al. 1 let. a). La partie plaignante adresse ses prétentions à l’autorité pénale et doit les chiffrer et les justifier (al. 2).
La partie plaignante a obtenu gain de cause au sens de cette disposition lorsque le prévenu a été condamné et/ou si les prétentions civiles ont été admises (Schmid, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, Zurich/Saint-Gall 2009, n. 6 ad art. 433 CPP). La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d’appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante, à l’exclusion de toutes démarches inutiles ou superflues (Mizel/Rétornaz, in: Kuhn/Jeanneret Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, n. 8 ad art. 433 CPP; Schmid, op. cit., n. 3 ad art. 433 CPP).
7.2
En l’espèce, les premiers juges ont opéré une réduction de 4/5, soit de 68'000 fr. du montant réclamé, afin de tenir compte du fait que le conseil de B.R._ avait agi au nom des cinq héritiers. Cette argumentation ne saurait toutefois être suivie, dès lors que l’étendue du travail opéré par cet avocat a été le même, indépendamment du nombre d’héritiers.
Cela étant, l’indemnité réclamée par l’appelant B.R._ est manifestement excessive, dès lors qu’elle correspond, en prenant en compte un tarif horaire de 400 fr., à une activité de 200 heures environ. Compte tenu de la nature de la présente affaire et des opérations nécessaires à la défense des intérêts des mandants, il convient de tenir compte d’une activité de 100 heures. Par conséquent, c’est un montant de 40’000 fr. qui doit être alloué à B.R._ à titre d'indemnité de l’art. 433 CPP.
8.
H._ ayant été reconnu coupable de gestion déloyale qualifiée, il convient d’examiner la peine à lui infliger.
8.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
8.1.2
Dans le cas aggravé de gestion déloyale, la circonstance aggravante de l’enrichissement illégitime élargit vers le haut le cadre légal de la peine et donne la faculté au juge de prononcer une peine privative de liberté (Corboz, op. cit., n. 22 ad art. 158 CP).
8.2
8.2.1
En l’espèce, la culpabilité de H._ est lourde. Mû par un appât du gain, il doit répondre du cas aggravé de gestion déloyale. Avocat et notaire de formation, exerçant l’activité de gestionnaire de fortune depuis de nombreuses années, le prévenu a une connaissance pointue de son domaine d’activité, qui aurait dû lui permettre de gérer correctement les intérêts de son pupille. Il n’a pas hésité à profiter de l’indépendance de gestion que lui conférait son mandat de tuteur et de gérant de fortune pour répartir la fortune pupillaire dans des établissements bancaires partenaires et s’assurer, de cette manière, des rétrocessions et des commissions, à l’insu de son pupille et de l’autorité tutélaire. En quelques mois seulement, il a perçu abusivement un montant de 110'000 fr. environ. Par ailleurs, tout au long de la procédure, il n’a cessé de nier le caractère illicite de son comportement, ce qui est surprenant compte tenu de ses connaissances de gérant de fortune. Dans ces circonstances, une peine privative de liberté se justifie pour des motifs de prévention spéciale, étant précisé que le pouvoir d’appréciation du juge est ici entier pour le choix du genre de peine. A décharge, il sera tenu compte de l’âge du prévenu et de son parcours professionnel et personnel exempt de tout reproche, étant rappelé que l’absence d’antécédents à un effet neutre sur la fixation de la peine (ATF 136 IV 1 c. 2.6.4).
Au vu de ces éléments, une peine privative de liberté d’un an sanctionne adéquatement le comportement du prévenu.
8.2.2
En l’absence de pronostic défavorable, l’intéressé étant notamment condamné pour la première fois, l’exécution de la peine prononcée doit être suspendue et le délai d’épreuve fixé au minimum légal de deux ans. Une peine pécuniaire, arrêtée à 90 jours-amende à 150 fr. le jour, doit toutefois être prononcée à titre de sanction immédiate, pour les motifs déjà indiqués.
9.
En définitive, l’appel du Ministère public doit être admis et l’appel joint de B.R._ partiellement admis, ce qui rend sans objet l’appel du prévenu sur l’octroi des conclusions civiles et les dépens. Le jugement de première instance sera modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
10.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, constitués de l’émolument d’arrêt par 3’010 fr., sont mis par deux tiers à la charge de H._ et par un tiers à la charge de B.R._.
L’appelant B.R._ demande l’allocation de dépens pour la procédure d’appel. Il n’a toutefois ni chiffré ni motivé ses prétentions (art. 433 al. 2 CPP). Or, l’art. 433 CPP exclut qu’une telle indemnité soit allouée d'office (Wehrenberg/Bernhard, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung/Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2010, n. 12 ad art. 433 CPP; Mizel/Rétornaz, op. cit., n. 13 ad art. 433 CPP), de sorte que des dépens pénaux de seconde instance ne sauraient lui être alloués. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
614bcb5a-befd-401c-bf1a-359c1cb2cfc7 | En fait :
A.
Par jugement du 11 juin 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a reconnu B.T._ non coupable de représentation de la violence, de pornographie et de violation du devoir d'assistance ou d'éducation et l'a acquitté (I), débouté A.T._ de ses conclusions en dépens pénaux et l'a renvoyée pour le surplus à faire valoir ses prétentions ou celles de son fils mineur devant le juge civil (II), levé le séquestre et ordonné la confiscation en vue de destruction du matériel informatique inventorié sous fiche de séquestre 1354 (III), alloué aux experts [...] et [...] une indemnité de 5'578 fr. 20, tout compris (IV), laissé les frais de la cause, arrêtés à 8'743 fr. 20, à la charge de l'Etat (V) et alloué à B.T._ une indemnité de 11'453 fr. 40 pour les honoraires de ses défenseurs et a dit ne pas y avoir lieu à l'indemniser plus amplement au titre de l'art. 429 CPP (VI).
B.
Le 12 juin 2012, A.T._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 5 juillet 2012, elle a conclu, avec suite de frais, principalement à la modification du jugement en ce sens que le prévenu est reconnu coupable de représentation de la violence, de pornographie et de violation du devoir d'assistance ou d'éducation et condamné en conséquence à une peine fixée à dire de justice; qu'il est dit que le prévenu est son débiteur d'un montant de 2'000 fr. au titre de réparation morale, d'un montant de 16'975 fr. au titre des honoraires de son conseil, plus TVA, avec intérêt à 5 % l'an dès la date du jugement à intervenir, ainsi que de l'intégralité de ses frais de justice et d'une indemnité équitable fixée à dire de justice pour les honoraires de son conseil dans le cadre de la présente procédure d'appel, subsidiairement qu'il lui soit donné acte de ses réserves civiles; que les frais de la cause soient mis à la charge du prévenu, subsidiairement de l'Etat, et qu'il ne soit pas alloué au prévenu d'indemnité pour les honoraires de ses défenseurs. Subsidiairement, elle a conclu à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause au tribunal de police pour nouveau jugement et nouvelle décision dans le sens des considérants.
Le 12 juillet 2012, le Ministère public s'en est remis à justice quant à la recevabilité de l'appel et a indiqué qu'il n'entendait pas déposer d'appel joint.
Le 30 juillet 2012, l'intimé B.T._ a présenté, avec suite de frais et dépens, une demande de non-entrée en matière sur l'appel.
Invitée à se déterminer sur cette demande, l'appelante a, par mémoire du 31 août 2012, conclu, avec suite de frais et dépens, à son rejet. Le Ministère public ne s'est pas prononcé dans le délai imparti.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. Le prévenu B.T._, né en 1949, est ressortissant danois. Il a vécu en Suisse de l'âge de douze ans à la fin de sa scolarité. Son casier judiciaire est vierge.
Le prévenu a épousé la plaignante A.T._ en secondes noces en 1984. Deux enfants, B.T._, né en 1989, et B.T._, né en 1995, sont issus de cette union. B.T._ a quitté le domicile conjugal de [...] le 1
er
août 2005 pour s'installer dans son logement de [...]. Il a déposé une demande unilatérale en divorce le 4 janvier 2008 devant le Tribunal de l'arrondissement de l'Est vaudois (P. 6).
Dans le cadre de la procédure de divorce, le Dr [...] a déposé un rapport d'expertise pédo-psychiatrique du 3 décembre 2007 (P. 7/401 et 18/5). Cet avis comporte en particulier le passage suivant : "(...) B.T._ formule vis-à-vis de son père des reproches graves : par exemple d'avoir installé sur un ordinateur familial des images pornographiques (Monsieur A.T._ apporte un démenti formel aux accusations de son fils) (...)" (p. 15, dernier paragraphe, en référence à un entretien ayant réuni père et fils avec l'expert le 15 novembre 2007).
2. Le prévenu a été renvoyé par acte d'accusation établi le 4 avril 2011 par le Ministère public de l'Est vaudois à raison des faits énoncés ci-dessous.
2.1 A une date indéterminée, les époux A.T._ ont reçu, au domicile conjugal, la visite d'[...], né en 1949, parrain de leurs enfants et ami d'enfance du mari. A cette occasion, l'hôte a demandé au prévenu de lui montrer les chaînes de télévision qu'il recevait sur son poste. B.T._ a alors pris la télécommande et a fait défiler les programmes en "zappant". Le fils cadet du couple n'était pas présent lors de cette manœuvre. A un moment donné est apparue à l'écran une chaîne pour adultes non cryptée. L'enfant est sorti de sa chambre à cet instant précis pour se diriger vers la salle de séjour où se trouvait le poste de télévision. Entendu comme témoin par le tribunal de police à l'audience du 5 octobre 2011, [...] a déclaré que le prévenu avait alors vite "zappé". Le témoin a précisé que "la chaîne pour adultes (avait) dû être visible au maximum trois secondes". Il a exclu sans réserve que le prévenu ait fait exprès de montrer des images pour adultes à son fils. Le témoin a estimé que les faits en question s'étaient déroulés vers 2001 ou 2002. L’acte d'accusation mentionne pour sa part une date comprise entre le mois d'avril 2004 et la fin de l'année 2005. Le premier juge a retenu cette dernière hypothèse.
2.2 Le prévenu était propriétaire d'ordinateurs qu'il avait déposés au domicile conjugal. Il les a laissés sur place à son départ, le 1
er
août 2005, non sans, selon son souvenir, les avoir préalablement débranchés en raison du risque de foudre. L'un des fils du couple les a rebranchés à la demande de sa mère en vue d’y rechercher les images stockées. Dans le cadre du procès en divorce, A.T._ a mandaté une société informatique afin, dit-elle, de sortir les disques durs de son mari avant de les remettre à son avocat. Cinq disques durs au moins extraits de ces ordinateurs comportaient 5'558 fichiers, précédemment téléchargés, dont quatre de nature zoophile, un représentant de la violence extrême et 103 montrant des enfants nus.
Ces faits ont été portés à la connaissance des autorités par A.T._ le 6 octobre 2008 dans des déterminations adressées au juge du divorce. Elle a déposé plainte pénale contre son époux le surlendemain (P. 4) et complété sa plainte le 18 juin 2009 (P. 29).
Les faits incriminés ont en outre fait l'objet d'une dénonciation le même jour par le Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois à la suite d'une audience tenue à la même date dans le procès en divorce (P. 6).
B.T._ a été entendu par le Juge d'instruction le 3 décembre 2008 (PV aud. 1). Il a fait savoir que c'était à la demande de sa mère qu'il avait rebranchés, puis ouvert deux vieux ordinateurs que son père avait laissés au domicile conjugal à son départ (p. 3, 2
e
par.). Il a précisé que "[s]a maman ne s'y connaît pas très bien en informatique (...)" (ibid.) et qu'il avait son propre équipement informatique (p. 2, 4
e
paragraphe). L'enfant a derechef été entendu par le juge le 2 septembre 2009 (PV aud. 6). Il a notamment rapporté qu'alors qu'il était âgé de huit ans, son père avait "montré en [s]a présence à un de ses copains, dont la femme s'était absentée un moment, une chaîne pornographique qu'il arrivait à capter" (lignes 11-15).
Entendue par le magistrat instructeur le 13 février 2009 (PV aud. 3), la plaignante a confirmé que ce n'était qu'après avoir reçu le rapport d'expertise, quelque jours après l'entretien ayant réuni son mari, son fils cadet et l'expert, qu'elle avait "su ce qui s'était passé" en relation avec les fichiers incriminés (lignes 19-20). Elle a précisé qu'elle ne connaissait rien aux ordinateurs (ligne 26). Le rapport de police établi le 9 mars 2009 dans la procédure ouverte par la plainte en question (P. 26) mentionne notamment que les fichiers incriminés avaient été modifiés le 13 décembre 2007 alors que tous les autres fichiers portaient une date antérieure ou contemporaine à 2004; de même, une analyse des fichiers avait été effectuée en 2008 par un tiers (p. 5).
Au cours des débats de première instance, le 5 octobre 2011, une expertise a été confiée à [...], chargé de cours de sécurité informatique à l'EPFL, et à [...]. Dans leur rapport du 28 mars/17 avril 2012 (P. 77/1 et 2), les experts ont considéré notamment qu'"à moins de retenir l'hypothèse d'un tiers manipulateur extrêmement sournois, à la motivation entière, ayant disposé des ordinateurs du prévenu pendant une durée significative, pour y disperser de multiples traces en lien direct avec les fichiers illicites, et possédant les connaissances nécessaires pour manipuler la date des fichiers tout en faisant apparaître ces manipulations comme vraisemblables, il est estimé par l'expert (sic) qu'il s'agit du prévenu qui a introduit les images illicites sur les disques analysés" (p. 18). Entendus à l'audience du 11 juin 2012, les experts n'ont pas exclu la possibilité d'une manipulation, tout en insistant sur la durée et le caractère fastidieux d'un tel procédé, qui ne pouvait selon eux avoir été le fait que d'un spécialiste.
Entendue à l'audience du 11 juin 2012 également, la plaignante a fait savoir notamment ce qui suit : "Quatre ou cinq jours après que j'aie reçu communication du rapport d'expertise du Dr [...], je suis allée avec mon fils vérifier les ordinateurs de mon mari. A ce moment-là, mon fils a rebranché les ordinateurs. Quand nous sommes arrivés, ils étaient débranchés."
2.3 A l'audience du 11 juin 2012, la plaignante a conclu, avec suite de frais, principalement au paiement, par le prévenu, de 2'000 fr. à titre de réparation morale et de 16'975 fr. de dépens pénaux, avec intérêt à 5 % l'an dès la date du jugement à intervenir; subsidiairement, elle a conclu à ce qu'il lui soit donné acte de l'ensemble de ses conclusions civiles relatives aux dommages-intérêts et au tort moral dans le cadre de l'affaire pénale dirigée à l'encontre du prévenu (P. 85). Le prévenu a conclu à l’irrecevabilité, subsidiairement au rejet des conclusions civiles de la plaignante.
3. Appréciant les faits de la cause, le tribunal de police a d'abord considéré, au bénéfice du doute à tout le moins, que les faits rapportés par B.T._ lors de son audition du 2 septembre 2009 étaient ceux décrits par le témoin [...]. Il a retenu que ces faits n'étaient constitutifs d'aucune infraction pénale. En effet, d'une part, le prévenu n'a pas agi intentionnellement et, d'autre part, il n'est pas établi que cette brève vision ait concrètement mis en danger le développement physique et psychique de l'enfant concerné. Pour ce qui est des fichiers stockés sur les disques durs, le premier juge a estimé que, même si elle n'apparaissait pas comme la plus probable, la possibilité d'une manipulation était plus qu'une simple possibilité théorique à dires d'expert. D'abord, les images litigieuses ont été portées à la connaissance de l'autorité dans un procès en divorce hautement disputé, dans lequel l'épouse demande au prévenu 25 millions de francs au titre de la liquidation du régime matrimonial. Ensuite, il n'est pas exclu que l'enfant ait été instrumentalisé par sa mère dans des manœuvres dirigées contre son père. Enfin, la plaignante a eu l'occasion concrète d'organiser une manipulation de qualité en faisant appel à un tiers, même si un tel procédé nécessite plusieurs semaines de travail fastidieux par un informaticien compétent. Une manipulation aurait ainsi pu avoir lieu entre la connaissance de l'expertise par la plaignante, le 13 décembre 2007, et la transmission du matériel informatique à son avocat. Le prévenu a dès lors été libéré des fins de la poursuite pénale.
Pour ce qui est des dépens pénaux requis par la plaignante, le tribunal de police a laissé ouverte la question de savoir si A.T._ avait qualité pour se constituer partie plaignante, à plus forte raison pour pendre des conclusions civiles en relation avec le prétendu stockage de matériel informatique par le prévenu. En effet, toujours selon le premier juge, le prévenu étant libéré, les conclusions en dépens de la plaignante devaient être rejetées. Pour le surplus, soit pour ce qui est de ses conclusions en dédommagement matériel et moral, A.T._ a été renvoyée à agir devant le juge civil. Une indemnité de 11'453 fr. 40 a été allouée au prévenu au titre des dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure en première instance, sur la base d'un tarif horaire d'avocat de 350 francs, pour toutes choses. | En droit :
1.
L'appel a été interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP). L'intimé à l'appel faisant valoir que l'appel est irrecevable, il y a lieu de statuer préalablement à ce sujet par écrit (art. 403 al. 1 CPP).
2.
Il y a lieu de distinguer l'acte incriminé relatif au visionnement à l'écran, par l'enfant cadet des parties, d'une chaîne pour adultes non cryptée, d'une part, du stockage de fichiers illicites sur des ordinateurs de l'intimé, d'autre part.
L'exposition d'un enfant mineur de moins de seize ans à des images non cryptées d'une chaîne pour adultes, dont l'appelante fait grief à l'intimé, tombe sous le coup de l'art. 219 CP, qui réprime la violation du devoir d’assistance ou d’éducation, cette infraction étant en concours avec l'art. 197 ch. 1 CP, qui réprime la pornographie dite douce.
La détention de fichiers illicites tombe sous le coup des art. 135 et 197 ch. 3
bis
CP, qui répriment respectivement la représentation de la violence et l'acquisition, par voie électronique ou d’une autre manière, ou la possession d'objets ou de représentations relevant de la pornographie qualifiée, dite dure.
3.
La prescription de l'action pénale, soit de l'action publique, peut être un motif de non-entrée en matière (Kistler Vianin,
in
: Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Bâle 2009, n. 10 ad art. 403 CP, p. 1796). L'acquisition de la prescription – qui doit en tout état de cause être examinée d'office – serait ainsi de nature à exclure tout examen de l'appel au fond si elle venait à être reconnue pour l'ensemble des infractions en cause. Il y a donc lieu de trancher cette question en premier lieu.
Le délai de prescription est de sept ans pour chacun des délits en cause (art. 97 al. 1 let. c CP).
Déterminer si les poursuites pénales sont prescrites pour tout ou partie des infractions en cause implique d’arrêter le point de départ du délai de prescription
séparément
pour chacun des faits incriminés (ATF 131 IV 83).
4.
4.1
S’agissant d'abord des faits énoncés au ch. 2 de l'acte d'accusation (art. 197 ch. 1 et 219 CP), il importe peu que l’incident au cours duquel l’enfant cadet du couple aurait pu voir trois secondes au plus d’un film pour adultes ait eu lieu entre 2004 et 2005, comme le retiennent l'accusation et le tribunal de police, ou vers 2001 ou 2002, comme cela résulte du témoignage d'[...]. En effet, la prescription est acquise en toute hypothèse, faute pour l'accusation de pouvoir démontrer que l’incident ait été contemporain ou postérieur au mois de septembre 2005, étant rappelé que c'est le 1
er
août 2005 que le prévenu a quitté le domicile conjugal.
4.2
Pour ce qui est ensuite des faits figurant au ch. 1 de l'acte d'accusation (art. 135 et 197 ch. 3
bis
CP), ce sont l’acquisition et la détention des fichiers incriminés qui sont punissables. A cet égard, comme on le verra plus en détail ci-dessous, le prévenu soutient qu’il n’a plus eu accès à ses ordinateurs, débranchés, depuis son départ du domicile conjugal le 1
er
août 2005, étant précisé que les appareils sont restés déconnectés jusqu’à ce que le fils cadet les rebranche à la demande de sa mère en vue d’y rechercher les images stockées. Le prévenu ayant été acquitté en première instance, la prescription n’a jamais cessé de courir (SJ 2012 p. 313).
En quittant (définitivement) le domicile conjugal le 1
er
août 2005, l'intimé y a laissé le ou les ordinateurs contenant les fichiers incriminés. Il dit les avoir débranchés, ce qui est confirmé par l'appelante. Cela doit être compris comme l'enlèvement de la prise électrique du secteur, sachant qu'il s'agissait d'obvier au risque de foudre. Le fils cadet des parties ayant son propre équipement informatique et l’épouse n’étant pas intéressée par l'informatique, rien ne permet de retenir que quiconque ait touché à ces ordinateurs depuis lors. Même l’épouse, entendue à ce sujet par le premier juge, l’a exclu (jugement, p. 18). En 2007, à la suite d’une information mentionnée dans le rapport d’expertise pédo-psychiatrique déposé dans la procédure en divorce, l’épouse a demandé à son cadet de rallumer pour elle les ordinateurs. Elle expose que c'est alors qu'elle a constaté l’existence de fichiers illicites. Elle a transmis les disques durs pour analyse à des informaticiens mandatés à cette fin, puis, sur la base des explications de ceux-ci, a déposé la plainte pénale à l’origine de la présente enquête.
Selon les experts judiciaires, il a été accédé en 2005, 2006, 2007 et 2008 au disque dur contenant les fichiers illicites. En bref, les experts estiment que, sauf intervention d’un tiers manipulateur extrêmement doué et sournois, il faut considérer que seul le prévenu peut avoir introduit les images illicites sur les disques analysés (P. 77/2).
Au vu de ce qui précède, on ne peut retenir l’existence de téléchargements par le prévenu postérieurement à août 2005. Cela étant, il n'en reste pas moins que la prescription ne court pas aussi longtemps que des fichiers illicites sont «détenus» par leur propriétaire, l'infraction étant alors toujours perpétrée. La possession est une notion assez large (cf. Dupuis/Geller/Monnier/Moreillon/ Piguet/Bettex/Stoll [éd.], Petit commentaire CP, Bâle 2012, n. 17 ad art. 135 CP et les références citées, p. 730). Même les fichiers détruits (donc figurant dans la corbeille de l'ordinateur) ou les fichiers subsistant après un formatage de disque dur tombent sous le coup de cette définition (BJP 2009 p. 13). En l’espèce, les fichiers ont été trouvés sur des ordinateurs laissés débranchés au domicile conjugal lors du départ définitif du prévenu de celui-ci. Si des modifications de dates des supports informatiques démontrent que les fichiers ont été, postérieurement au départ de l'intimé, ouverts par la mère ou les experts mandatés par celle-ci, nul ne soutient pour autant que le prévenu ait pu avoir accès à ces ordinateurs après son départ.
Faute d’accès au domicile conjugal, lequel n’était plus son domicile, le père n’exerçait plus de possession immédiate sur les choses mobilières en question. La possession n’a jamais été transmise à quiconque d’autre, sauf à l'appelante, respectivement à l'enfant B.T._ et, par la suite, aux experts déjà mentionnés; de surcroît, l'intimé n’a jamais renoncé à sa possession, notamment par acte concluant du fait de l'abandon du domicile conjugal. Bien plutôt, le père a fait écrire par son conseil le 8 février 2008 au juge du divorce que, «pour éviter qu’B.T._, ou B.T._ éventuellement, n’aille s’aventurer dans les affaires de leur père, mon client propose de venir chercher ses ordinateurs à [...] et de les emporter (...)» (pièce 18/8 de la main du conseil du prévenu, all. 21). Il doit en être déduit qu'à tout le moins en 2008 encore, le prévenu était toujours possesseur de ces ordinateurs. Il s'ensuit que la prescription n’avait alors pas commencé à courir.
Quel que soit le point de départ du délai de l'art. 97 al. 1 let. c CP, la poursuite pénale n'est donc pas prescrite en tant qu'elle est fondée sur les art. 135 et 197 ch. 3
bis
CP.
5.
Le prévenu conteste que la plaignante puisse interjeter appel.
5.1
La plainte a été déposée le 8 octobre 2008, alors même que c'était, de l'aveu même de la plaignante, en décembre 2007 déjà qu'elle avait appris l'existence des fichiers qu'elle incrimine. Elle justifie ce délai par le fait qu'elle avait fait procéder dans l'intervalle à un examen des disques durs par les spécialistes d'une société informatique de son choix.
L'appelante a été considérée comme partie plaignante tout au long de la procédure clôturée par le jugement entrepris, indépendamment du fait que le tribunal de police a rejeté ses conclusions en dépens et l'a renvoyée à agir devant le juge civil pour le surplus.
En appel, A.T._ conclut à la condamnation de l'intimé pour représentation de la violence, pornographie et violation du devoir d’assistance et d’éducation; pour le surplus, elle reprend les conclusions civiles déjà prises en première instance. Elle ne précise pas si elle se prévaut du ch. 1 ou du ch. 3
bis
de l’art. 197 CP. Peu importe toutefois. D'abord, la loi n'exige pas une telle mention. Ensuite, les chiffres du dispositif du jugement attaqué qui sont contestés le sont dans leur entier (déclaration d'appel, p. 2, deux derniers paragraphes), ce dont il résulte que les moyens et les conclusions de l'appel concernent aussi l’épisode faisant l'objet du ch. 2 de l'acte d'accusation.
5.2
Les deux parties font grand cas de la question de savoir si la plainte a à l’époque été déposée dans le délai de trois mois de l’art. 31 CP. Ce point a son importance s’agissant de l’acquisition de la qualité de partie sous l’ancien droit de procédure (art. 83 CPP-VD), seul applicable lors de l'ouverture de la présente procédure pénale. Peu importe à cet égard que les infractions ici en cause soient poursuivies d'office et non sur plainte uniquement. En effet, le dénonciateur ne saurait avoir la qualité de partie si sa plainte est tardive (Bovay/Dupuis/Monnier/ Moreillon/Piguet, Procédure pénale vaudoise, Code annoté, 3
e
éd., Lausanne 2008, n. 4.6 ad art. 83 CPP-VD, p. 114). Pour sa part, la présente procédure d'appel est régie par le nouveau droit (art. 454 al. 1 CPP).
Comme déjà relevé, il ressort du dossier que c'était en décembre 2007, probablement à la date du 13 de ce mois, que la plaignante avait pris connaissance du contenu des fichiers dénoncés. Déposée en octobre 2008 seulement, la plainte est dès lors tardive au regard de l’art. 31 CP, ce qui pourrait impliquer que l'appelante n’a jamais acquis la qualité de plaignante au sens de l’art. 83 CPP-VD. Outre qu'elle pouvait à l’époque être considérée comme une victime (indirecte) en relation avec l’exposition de l’enfant à de la pornographie, elle a été tenue pour une plaignante tout au long de l'enquête et de la procédure de première instance. Pour autant, la seule question à trancher en procédure d’appel est celle de savoir si l’appelante peut encore se prévaloir,
à ce stade
, d’un intérêt juridiquement protégé à la poursuite de la procédure. Or, comme on l’a vu plus haut, la poursuite des infractions d’exposition à la pornographie douce et de violation du devoir d’assistance et d’éducation est prescrite. Partant, il n’y a plus d’intérêt juridiquement protégé en ce qui les concerne.
5.3
L’infraction de pornographie dure n'est pas prescrite (cf. c. 4.2 ci-dessus). La question à trancher est dès lors celle de savoir si l'appelante ou son fils cadet (seul en cause dans ce complexe de faits) sont lésés par l’infraction, au sens de l’art. 115 CPP, respectivement s'ils en sont victimes au sens de l’art. 116 CPP (cf. art. 104 et 382 CPP).
En effet, seul celui qui est atteint directement par une infraction dans ses droits protégés par la loi, c’est-à-dire le lésé (art. 115 CPP) ou la victime (art. 116 CPP) peut exercer les droits d’une partie, à la condition de s’être constitué partie plaignante (art. 118 CPP).
La notion de « lésé » est explicitée à l’art. 115 CPP. Ne peut être considéré comme tel que celui dont les intérêts personnels ont été effectivement touchés par les actes incriminés d'une manière faisant apparaître cette atteinte comme une conséquence immédiate et non pas simplement indirecte de l'infraction considérée. Ainsi, en cas de délits contre des particuliers, le lésé est le titulaire du bien juridique protégé. Lorsque l'infraction protège en première ligne l'intérêt collectif, les particuliers ne sont considérés comme lésés que si leurs intérêts privés ont été effectivement touchés par les actes en cause, de sorte que leur dommage apparaît comme la conséquence directe de l'acte dénoncé (ATF 129 IV 95 c. 3.1 p. 99; ATF 123 IV 184 c. 1c p. 188; ATF 120 Ia 220 c. 3).
La notion de « victime » au sens de la LAVI et de l’art. 116 CPP implique une atteinte effective à l'intégrité corporelle, sexuelle ou psychique. En principe, la victime doit avoir subi, du fait de l'infraction, une atteinte directe. Celle-ci doit être réalisée; un simple risque de dommage ne suffit pas (ATF 129 IV 95 c. 3.1 p. 98). Dans le message concernant ladite loi, le Conseil fédéral explique ainsi que les infractions de mise en danger sont exclues du champ d'application de la LAVI puisque, par définition, elles ne comportent pas une atteinte à un bien juridique. Cela étant, une atteinte directe peut néanmoins être reconnue lorsque la personne mise en danger a souffert de troubles psychologiques en relation directe avec l'acte du délinquant (cf. TF 6B_327/2007 du 16 novembre 2007 c. 2.1; 1A.272/2004 du 31 mars 2005 c. 4.1; 6S.729/2001 du 25 février 2002 c. 1). Dès lors, d'une manière générale, la notion de « victime » ne dépend pas de la qualification de l'infraction, mais de ses effets sur le lésé (ATF 129 IV 216 c. 1.2.1 p. 218). Toutefois, l'atteinte subie ne confère la qualité de victime au sens de l'art. 2 LAVI que lorsqu'elle présente une certaine gravité (ATF 129 IV 216 c. 1.2.1 p. 218), par exemple lorsqu'elle entraîne une altération profonde ou prolongée du bien-être (cf. TF 1P.147/2003 du 19 mars 2003). Il ne suffit donc pas que la victime ait subi des désagréments, qu'elle ait eu peur ou qu'elle ait eu quelque mal (ATF 129 IV 216 c. 1.2.1 p. 218).
5.4
L’art. 197 CP réprime une infraction de mise en danger abstraite. Cette infraction n’entraîne donc pas une atteinte directe à un particulier. Par ailleurs, l’appelante n’allègue ni ne démontre aucune atteinte psychique, ni troubles psychologiques en relation directe avec les actes exposés au ch. 1 de l'acte d'accusation. Elle affirme uniquement avoir été choquée de découvrir que son mari avait, selon elle, visionné un nombre conséquent d’images représentant des enfants nus. Or, il ne s’agit là que d’une atteinte indirecte. En effet, elle est ainsi en réalité très déçue de son mari, voire choquée par celui-ci en raison des actes reprochés précisément à ce dernier. Elle n’est toutefois pas pour autant touchée de manière immédiate par ces actes.
L’appelante n’est donc ni lésée ni victime. Il s'ensuit que la qualité de plaignante ne saurait lui être reconnue.
6.
L'appel est ainsi irrecevable.
Vu l'issue de la cause, les frais d'arrêt selon l'art. 424 CPP doivent être mis à la charge de l’appelante, qui succombe entièrement vu l'irrecevabilité de l'appel (art. 428 al. 1 CPP).
7.
L'intimé a requis une indemnité au titre des dépenses obligatoires occasionnées par la procédure d'appel. Cette conclusion doit lui être entièrement allouée en application de l'art. 432 al. 1 CPP, sachant que cette partie, représentée par des avocats de choix, obtient gain de cause à l'encontre de l'appelante. L'indemnité doit être arrêtée à 760 fr. pour toutes choses au vu de l'ampleur de la cause et des opérations utiles, à raison de deux heures d'activité, effectuées par les conseils de l'intimé. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
6175bd90-aa69-4a43-b148-f44859115b9a | En fait :
A.
Par jugement du 14 mars 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a libéré D._ du chef de prévention d’homicide par négligence (I), renvoyé A.R._ et T._ à agir par la voie civile à l’encontre de D._ (II), arrêté l’indemnité allouée au conseil d’office de A.R._ et T._, Me Séverine Berger, à Lausanne, à 1'590 fr. 95, débours et TVA compris (III) et laissé les frais de la présente cause à la charge de l’Etat, y compris l’indemnité allouée sous chiffre III ci-dessus au conseil d’office de A.R._ et T._ (IV).
B.
Par acte du 22 mars 2013, le Ministère public a annoncé faire appel de ce jugement. Dans sa déclaration d’appel motivée du 16 avril 2013, il a conclu à sa réforme en ce sens que D._ est reconnu coupable d’homicide par négligence et condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, la valeur du jour-amende étant arrêtée à 70 fr., avec sursis pendant deux ans, les frais de la procédure d’appel étant mis à la charge de D._. Le Ministère public a en outre requis, à titre de mesure d’instruction, que la Cour d’appel ordonne à la gendarmerie vaudoise de compléter son cahier photos déjà au dossier (P. 16), en prenant des vues du talus qui part du champ en contrebas pour atteindre la glissière de sécurité de l’autoroute en direction de Neuchâtel, ainsi que de la barrière dressée avant le talus.
Le 12 avril 2013, T._ et A.R._ ont déposé un appel contre le jugement du 14 mars 2013. Ils ont conclu à sa réforme en ce sens que D._ est condamné pour homicide par négligence à une peine fixée à dire de justice. Ils ont requis le versement en leur faveur, respectivement d’un montant de 15'000 fr. pour A.R._ et de 8'000 fr. pour T._, avec intérêts à 5% l’an dès le 22 février 2010, à la charge de D._, ce dernier devant en outre leur verser, solidairement entre eux, subsidiairement à leur conseil d’office Me Séverine Berger, une somme fixée à dire de justice à titre de dépens pénaux. Ils ont en outre requis, à titre de mesure d’instruction, une inspection locale afin que les juges puissent apprécier de manière complète l’impossibilité de se rendre à pied sur l’autoroute par une autre voie que la jonction autoroutière elle-même.
Par courrier du 7 mai 2013, D._ a conclu au rejet des appels précités. Son conseil a produit la copie d’un échange de courriels avec K._ (P. 75/1 et 75/2) et requis, à titre de mesure d’instruction, l’audition des témoins X._ et K._.
Les 21 juin et 2 juillet 2013, le Président de la Cour d’appel pénale a refusé de donner suite, respectivement à la demande de complément de pièces requise par le Ministère public ainsi qu’à la demande d’inspection locale présentée par les parties civiles, ces mesures n’étant pas nécessaires au traitement de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
D._ est né le 31 octobre 1961 à Moutier. A l’issue de sa scolarité obligatoire, il a effectué une école de commerce. Il travaille actuellement en qualité de magasinier auprès de l’entreprise [...] SA pour un salaire mensuel net de 5'000 francs. Il est divorcé et n’est pas tenu de contribuer à l’entretien de son ex-épouse. Il vit seul dans un logement dont le loyer s’élève à 850 fr. par mois, charges comprises. Il paie des primes d’assurance mensuelles de 315 fr. et parcours en voiture deux fois par jour la distance qui sépare son domicile de son lieu de travail, soit vingt-huit kilomètres. Il a fait état d’une dette liée à un petit crédit qu’il rembourse à raison de mensualités de 509 francs.
Le casier judiciaire de D._ est vierge de toute inscription. Il en est de même du fichier fédéral des mesures administratives en matière de circulation routière.
2.
Le 21 février 2010 vers 5h, D._ était au volant de son véhicule sur l’autoroute A5 et circulait sur la voie de droite en direction de Neuchâtel à une vitesse maximale de 110 km/h. Il était accompagné de son amie, [...], qui était assise à la place du passager avant et qui dormait. Au kilomètre 10.220, soit à la jonction de Grandson, sur un tronçon rectiligne, D._ a violemment percuté B.R._ qu’il n’avait pas vu alors que ce dernier se trouvait sur la chaussée. Sous l’effet du choc, B.R._ a été projeté à droite contre la glissière de sécurité, puis a roulé sur la bande d’arrêt d’urgence avant de s’immobiliser en travers de cette dernière, la jambe gauche sectionnée à la hauteur du genou, le haut du corps dirigé vers Champagne. Il est décédé sur le coup. D._ a freiné brusquement tout en se décalant sur la voie de gauche, ne réalisant toutefois pas quelle était la cause de l’impact et de l’éclatement de son pare-brise. Il s’est arrêté une centaine de mètres plus loin, sur la bande d’arrêt d’urgence et a fait appel aux secours, auxquels il a expliqué avoir heurté quelque chose sans savoir quoi. Ce n’est qu’à l’arrivée de l’ambulance, vers laquelle il s’est dirigé, qu’il a compris qu’il avait heurté un homme.
Il n’a pas été possible d’établir la raison pour laquelle B.R._ se trouvait sur l’autoroute, ni dans quelle direction il cheminait. Il ressort des déclarations de T._ qu’elle s’était rendue avec des amis et son frère B.R._ aux brandons à Grandson pour y fêter l’anniversaire de ce dernier. Celui-ci a consommé plusieurs bières durant la soirée et a décliné l’offre faite par sa sœur de le reconduire à la maison en voiture, préférant rentrer par ses propres moyens, soit à pied, de Grandson à Champagne. Compte tenu de ces éléments et dès lors qu’il devait nécessairement franchir l’autoroute à un endroit ou à un autre, l’hypothèse la plus probable – d’ailleurs admise par les parties civiles et évoquée par le Parquet - est que B.R._ s’est par erreur engagé sur la bretelle d’autoroute au lieu de passer par le tunnel destiné aux piétons. Il a vraisemblablement dû réaliser son erreur au moment où il est arrivé près du bout de la voie d’entrée sur l’autoroute et a soudain décidé de traverser la voie plutôt que de revenir sur ses pas.
L’analyse de sang effectuée sur le corps de B.R._ a mis en évidence un taux d’alcoolémie de 1,91 ‰ (P. 20).
La sœur de B.R._, soit T._ ainsi que son père, A.R._, se sont constitués parties civiles.
D.
Aux débats d’appel, la Cour a présenté aux parties deux tirages couleurs des lieux de l’accident tels que visualisés sur Google earth. Ces tirages ont été versés au dossier (P. 89). Leur examen permet de constater – comme le soutiennent les appelants – qu’il n’est pas possible pour un piéton de passer par-dessus la barrière de sécurité pour traverser soudainement l’autoroute, tant en raison de la hauteur de la barrière que de la déclivité du terrain, et qu’une telle manœuvre n’a au surplus pas de sens vu la présence d’un passage permettant aux piétons de passer sous l’autoroute.
Le conseil des plaignants a produit un bordereau de pièces (P. 88).
Les témoins K._ et X._ ont été entendus.
Tant T._ et A.R._ que le Ministère public ont confirmé les conclusions de leur déclaration d’appel. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) contre
le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure
(art. 398 al. 1 CPP), les appels sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Tant le Ministère public que les parties civiles reprochent aux premiers juges d’avoir apprécié les faits de manière erronée.
T._ et A.R._ soutiennent que la vitesse à laquelle D._ circulait était inadaptée, ne lui permettant pas de s’arrêter sur la distance de visibilité. Ils font également grief aux premiers juges de ne pas avoir tenu compte du fait que le prévenu n’avait enclenché que ses feux de croisement.
3.1
Le principe "in dubio pro reo" est le corollaire de la présomption d'innocence garantie par les art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101) et 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, RS 0.101), qui ont la même portée. Il régit tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle de l'appréciation des preuves, ce principe signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 c. 2a et les arrêts cités).
3.2
En l’espèce, les premiers juges ont retenu qu’aux moments des faits, D._ circulait à une vitesse maximale de 110 km/h, qu’il n’était dès lors pas possible de dire qu’il roulait à une vitesse inadaptée, ce quelque soit le type d’éclairage qu’il avait enclenché au moment des faits (feux de route ou de croisement) puisqu’il n’a à aucun moment vu la victime, de sorte qu’on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir été en mesure de s’arrêter sur sa distance de visibilité (jgt., p. 11).
Cette analyse ne prête pas le flanc à la critique et doit être suivie. On relève d’ailleurs que le Ministère public a abandonné le reproche de la vitesse inadaptée dans son appel. Il est constant que le prévenu roulait à une vitesse de
110 km/h, probablement même un peu moins, de nuit, par beau temps et sur une route sèche et propre. Si la vitesse devait apparaître comme déterminante, il faudrait probablement retenir une vitesse de l’ordre de 100 km/h à 110 km/h, la vitesse indiquée par la conductrice suivant le prévenu (P. 8 p. 6) étant susceptible d’être légèrement augmentée en raison de la surévaluation systématique des indicateurs de vitesse des véhicules.
S’agissant de l’éclairage utilisé par le prévenu, la Cour de céans retient que lorsqu’il a été entendu la première fois peu après l’accident, D._ a déclaré qu’il ne se rappelait pas, sauf à préciser qu’il croyait qu’aucun véhicule ne le précédait ni le suivait et qu’il ne croyait pas que des véhicules roulaient sur la chaussée opposée (PV aud. 1, R. 2 p. 2). Devant le Procureur et aux débats de première instance, il a confirmé qu’il ne se rappelait pas quels feux étaient enclenchés, précisant qu’il mettait les feux de route lorsque personne ne se trouvait en face ni devant lui (PV aud. 3, lignes 14 à 18 ; jgt., p. 5). La passagère qui se trouvait assise dans le véhicule du prévenu et qui dormait au moment de l’accident a indiqué qu’elle ne pouvait pas dire sur quelle position se trouvaient les phares avant le choc (PV aud. 2, R. 4 p. 2). La conductrice qui suivait D._ a déclaré aux gendarmes que celui-ci roulait feux de croisement enclenchés (P. 8 p. 6) mais elle n’a pas été entendue en contradictoire. Sur la base de ce seul témoignage, peu probant s’agissant d’un véhicule qui roulait sur l’autoroute derrière un autre, les premiers juges étaient fondés à retenir qu’un doute sérieux subsiste s’agissant de l’éclairage utilisé par le prévenu et que, au bénéfice du doute, on ne pouvait lui reprocher de ne pas avoir enclenché ses feux de route.
4.
Le Ministère public et les parties civiles considèrent qu’en n’ayant pas vu la victime, alors que celle-ci se trouvait sur un tronçon rectiligne, le prévenu a commis une faute d’inattention. Ils estiment en outre que quelle que soit l’hypothèse adoptée s’agissant du déroulement des événements, le lien de causalité n’a pas été rompu par le comportement de B.R._, de sorte que D._ doit être condamné pour violation des règles de la circulation routière.
4.1 a)
Selon l'art. 31 al. 1 LCR (Loi fédérale sur la circulation routière du
19 décembre 1958, RS 741.01), le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence. La maîtrise du véhicule signifie que le conducteur doit être à tout moment en mesure d'actionner rapidement les commandes de son véhicule en mouvement, de façon à manœuvrer immédiatement d'une façon appropriée aux circonstances en présence d'un danger quelconque. Le conducteur doit vouer à la route et au trafic toute l'attention possible, le degré de cette attention devant être apprécié au regard de toutes les circonstances, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l'heure, la visibilité et les sources de danger prévisibles (TF 6S.721/2001 du 18 février 2002 consid. 2baa; ATF103 IV 101 c. 2b).
Le principe de la confiance, déduit de l'art. 26 al. 1 LCR, permet à l'usager qui se comporte réglementairement d'attendre des autres usagers, aussi longtemps que des circonstances particulières ne doivent pas l'en dissuader, qu'ils se comportent également de manière conforme aux règles de la circulation, c'est-à-dire ne le gênent pas ni ne le mettent en danger (ATF 118 IV 277 c. 4a; ATF 104 IV 28 c. 3; ATF 99 IV 173). Seul celui qui s'est comporté réglementairement peut invoquer le principe de la confiance. Celui qui viole des règles de la circulation et crée ainsi une situation confuse ou dangereuse ne peut pas attendre des autres qu'ils parent à ce danger par une attention accrue. Cette dernière limitation n'est cependant plus applicable lorsque la question de savoir si l'usager a violé une règle de la circulation dépend précisément de savoir si et dans quelle mesure il pouvait se fonder sur le comportement de l'autre usager (ATF 120 IV 252 c. 2d/aa; ATF 100 IV 186 c. 3).
Aux termes de l’art. 43 al. 3 LCR, l’accès aux piétons est interdit sur les routes réservées à la circulation automobile.
L’art. 1 al. 3 OCR (Ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962, RS 741.11), dispose que les autoroutes et semi-autoroutes sont des routes réservées à la circulation automobile.
b)
Un comportement est la cause naturelle d'un résultat s'il en constitue l'une des conditions sine qua non, c'est-à-dire si, sans lui, le résultat ne se serait pas produit (ATF 133 IV 158 c. 6.1; ATF 125 IV 195 c. 2b). Il n'est toutefois pas nécessaire que ce comportement soit la cause unique ou immédiate du résultat (ATF 116 IV 306 c. 2a).
Lorsque la causalité naturelle est établie, il faut encore rechercher si le comportement incriminé est la cause adéquate du résultat. Tel est le cas lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 133 IV 158
c. 6.1; ATF 131 IV 145 c. 5.1). La causalité adéquate peut cependant être exclue si une autre cause concomitante, par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement de l'auteur (ATF 133 IV 158 c. 6.1; ATF 131 IV 145 c. 5.2). Le comportement du piéton est interruptif de la causalité lorsqu’il est établi que celui-ci est entré dans le champs de vision de l’automobiliste au moment où ce dernier n’était plus en mesure de réagir efficacement même en roulant à une vitesse adaptée (CAPE, 17 avril 2012/84).
4.2
Les premiers juges ont considéré qu’aucun élément du dossier ne permettait de retenir à la charge de D._ une inattention ou une perte de maîtrise de son véhicule au sens des art. 31 LCR et 3 OCR (jgt., p. 12-13) et que l’instruction n’avait pas permis d’établir les causes réelles de l’accident, la seule certitude étant que la victime, qui affichait un taux d’alcoolémie de 1,91 ‰, s’était retrouvée en qualité de piéton sur une autoroute, soit à un endroit où elle n’avait absolument rien à faire. Ils ont conclu que l’hypothèse selon laquelle l’accident serait en réalité dû à un comportement totalement inattendu de la victime ne pouvait pas être privilégiée ou exclue plus qu’une autre, de sorte qu’un doute très sérieux subsistait quant aux circonstances de l’accident (jgt., p. 14).
La théorie du suicide résultant du témoignage de X._ administré aux débats d’appel n’est qu’une théorie qui repose sur les impressions subjectives du témoin. Si rien ne permet de l’exclure absolument, il faut constater qu’il n’existe pas d’élément la corroborant et il faut considérer en définitive qu’elle n’est pas vraisemblable. Elle ne peut pas justifier d’un doute sérieux excluant toute faute de l’automobiliste.
La jurisprudence citée plus haut est sévère à l’égard de l’automobiliste qui circule de nuit sur l’autoroute. L’automobiliste devant compter avec le fait que des obstacles peuvent se trouver sur sa route, on ne peut suivre les premiers juges lorsqu’ils considèrent qu’un automobiliste ne devrait pas être tenu de compter avec la présence d’un piéton n’ayant rien à faire sur l’autoroute ; les conducteurs doivent notamment s’attendre, outre à la présence d’un obstacle imprévu, à ce qu’un automobiliste en panne puisse cheminer le long de la bande d’arrêt d’urgence afin de rejoindre un téléphone de secours.
En l’espèce, les éléments au dossier ne permettent pas de déterminer dans quelles circonstances B.R._ s’est trouvé à un moment donné à l’endroit du choc – soit sur la voie de circulation principale droite de l’autoroute - ni dans quelle direction il cheminait. On sait tout au plus qu’il se rendait à pied de Grandson à Champagne pour regagner le domicile de sa sœur et que ce trajet implique de franchir à un moment ou à un autre, de façon pratiquement perpendiculaire, l’autoroute Yverdon-Neuchâtel. Le trajet le plus court implique l’utilisation d’une route cantonale passant sous l’autoroute, voire de l’un ou l’autre des deux tunnels piétonniers passant sous l’autoroute à proximité immédiate de Champagne. Il est donc hautement improbable que B.R._ ait cheminé sur l’autoroute depuis Yverdon ou qu’il ait entrepris de cheminer le long de l’autoroute en direction de Neuchâtel. Il est tout aussi improbable, compte tenu de l’existence des tunnels piétonniers que la victime connaissait puisqu’il les utilisait dans le cadre de son travail à la ferme, de la forte déclivité du talus bordant l’autoroute et, enfin, de la barrière séparant le talus de l’autoroute, que la victime ait entrepris de passer par là pour la traverser. L’hypothèse selon laquelle il aurait suivi la bretelle d’autoroute dont le début se trouve sur la route cantonale passant perpendiculairement sous celle-ci paraît devoir être privilégiée. La victime aurait alors pu dans ce cas cheminer sur la bande d’arrêt d’urgence de dite bretelle jusqu’à la fin de celle-ci, proche du lieu du choc. La largeur de la bretelle (une voie de circulation) additionnée à celle de la bande d’arrêt d’urgence font qu’un piéton longeant le bord de la bretelle peut se trouver à 4 ou 5 mètres au moins de la voie de circulation sur laquelle circulait le prévenu. Dans l’hypothèse la plus favorable au prévenu, qui doit être retenue faute de pouvoir plus précisément déterminer le parcours de la victime, le piéton aurait alors réalisé qu’il s’était trompé de chemin à un moment où il se trouvait éloigné de la voie sur laquelle circulait le prévenu et où il ne pouvait pas être vu, puis il aurait entrepris soudainement de traverser d’un coup l’ensemble des voies de circulation. Les dégâts subis par l’aile droite du véhicule du prévenu sont de nature à corroborer une telle hypothèse. Compte tenu de la durée extrêmement brève d’un déplacement sur une distance de 4 à 5 mètres et du temps de réaction nécessaire pour un automobiliste, on ne peut faire grief à celui-ci de ne pas avoir vu le piéton, ni avant ni lors du choc.
Aucune faute d’inattention ne peut donc être retenue à l’encontre de D._ et son acquittement doit dès lors être confirmé. Par ailleurs, dans cette même hypothèse, il conviendrait également d’admettre une interruption du lien de causalité. En effet, le comportement consistant pour un piéton à traverser soudainement et d’un coup les voies d’autoroutes constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle à laquelle un automobiliste ne peut à l’évidence s’attendre.
5.
Les parties civiles ont requis le versement en leur faveur, respectivement d’un montant de 15'000 fr. pour A.R._ et de
8'000 fr. pour T._, avec intérêts à 5% l’an dès le
22 février 2010, à la charge de D._, ce dernier devant en outre leur verser, solidairement entre eux, subsidiairement à leur conseil d’office Me Séverine Berger, une somme fixée à dire de justice à titre de dépens pénaux. D._ étant libéré, il y toutefois lieu de les renvoyer à agir par la voie civile en ce qui concerne leurs prétentions en réparation du tort moral subi.
S’agissant des dépens pénaux, au vu de la nature et de la complexité de l’affaire, il convient de retenir que le conseil d’office des parties civiles a consacré treize heures à l’accomplissement de son mandat, auquel il faut ajouter 50 fr. à titre de débours. C’est ainsi une indemnité de conseil d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 2’581 fr., TVA et débours inclus, qui doit être allouée à Me Séverine Berger.
6.
En définitive, l’appel du Ministère public est rejeté. Il en va de même de l’appel de T._ et A.R._. Le jugement rendu le 14 mars 2013 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois doit être intégralement confirmé.
7.
Nonobstant l’avis figurant sur la citation à comparaître qui lui a été adressée le 14 juin 2013, D._ n’a pris aucune conclusion en audience s’agissant de l’allocation en sa faveur d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP. Durant la procédure de première instance, il avait explicitement renoncé à une telle allocation. Partant, il n’y a pas lieu d’allouer d’indemnité à ce titre à D._.
8.
Compte tenu des circonstances,
les frais de la procédure d’appel, comprenant l’émolument par 2'020 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.031]), auquel il convient d’ajouter l’indemnité allouée à Me Séverine Berger par 2’581 fr., sont laissés à la charge de l’Etat (art. 427 al. 1 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
618d37f5-6dab-403e-a1a5-56feac71aa23 | En fait :
A.
Par jugement du 24 juin 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a notamment libéré A.U._ des chefs d’accusation de lésions corporelles simples qualifiées, contrainte, actes d’ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle, pornographie et violation du devoir d’assistance ou d’éducation (I), a rejeté les conclusions civiles d'B.I._ (II), a laissé les frais de la cause à la charge de l’Etat, dont l’indemnité allouée à Me Alain Dubuis, conseil d’office d’B.I._, par 6'885 fr., TVA et débours inclus (V) et a alloué à A.U._ une indemnité pour ses frais de défense pénale de 26’055 fr. et a dit qu’il n’y a pas lieu de l’indemniser plus amplement au titre de l’article 429 CPP (VI).
B.
Par annonce du 25 juin 2014 puis par déclaration du 11 août 2014, B.I._, par sa mère A.I._, a formé appel contre ce jugement, concluant principalement à sa réforme, en ce sens que A.U._ est condamné pour lésions corporelles simples qualifiées, contrainte, actes d’ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle, pornographie et violation du devoir d’assistance ou d’éducation, à une peine fixée à dire de justice et que A.U._ est son débiteur d’un montant de 20'000 fr. à titre de tort moral et d’un montant de 5’645 fr. 70, valeur échue, à titre de réparation du dommage. Subsidiairement, l'appelant a conclu à l’annulation du jugement entrepris, la cause étant renvoyée à l’autorité de première instance pour nouveau jugement dans le sens des considérants.
Par courrier du 5 septembre 2014, A.U._ a déposé une demande tendant à ce qu'il ne soit pas entré en matière sur le recours.
Aux débats de ce jour, le Procureur a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement de première instance.
L'intimé a également conclu au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement attaqué, les frais de procédure étant mis à la charge de la mère du plaignant et une indemnité lui étant allouée pour l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissant du Togo, A.U._ a fait des études de physiothérapie en Tunisie. Il a travaillé trois ans dans ce pays en cette qualité au Club Med où il a notamment rencontré A.I._, avec qui il a eu une aventure en 2004, avant une relation plus approfondie avec elle lors d'un séjour ultérieur. Le prévenu est arrivé en Suisse en 2006. Il devait y épouser K._, qu'il avait également rencontré au Club Med, mais cette dernière s'étant ravisée, il a pris contact avec la plaignante, sans toutefois lui indiquer les motifs initiaux de sa venue en Suisse. Cette dernière, manifestement amoureuse et espérant qu’il pourrait être un père de substitution pour son fils B.I._, est venue le chercher à Genève et ils ont immédiatement emménagé ensemble. Le prévenu dit ne pas avoir eu de sentiment pour A.I._, mais avoir passé un arrangement avec elle, s’engageant à lui faire preuve d’égards et de plus de sentiments. Ils se sont mariés en 2007, après avoir emménagé à Belmont, dans une maison que la plaignante avait acquise. L’accusé n’a que peu travaillé durant la vie commune, attendant des équivalences pour ses diplômes. Il était convenu qu’il s’occuperait d’B.I._ et des commissions, mais des disputes ont très régulièrement éclaté au sein du couple, la plaignante reprochant au prévenu son oisiveté, alors qu’elle-même travaillait énormément. Le couple s’est séparé à l’automne 2008, après que la plaignante eut découvert que son époux entretenait, et ce dès le début de leur union, des relations épistolaires sur internet, par le biais de sites de rencontres, avec plusieurs femmes.
Le divorce de A.I._ et de A.U._ a été prononcé en décembre 2009, ensuite d’un accord complet passé entre les parties. Dès la séparation en 2008, le prévenu a vécu dans une chambre à l’Hôpital de [...], où il est resté jusqu’à son mariage avec B.U._, en août 2012, jeune femme qu'il avait rencontrée à fin 2008 et avec qui il a entretenu une liaison dès janvier 2009. Depuis février 2012, il est physiothérapeute-chef à l'Hôpital [...]. Son revenu s’élève à 5'130 fr. nets, versés treize fois l’an, dont à déduire 220 fr. pour le loyer d’une chambre de service. Il n’a ni dettes, ni économies, sauf quelques milliers de francs sur un compte. Les témoins entendus aux débats de première instance ont tous été élogieux sur ses capacités professionnelles en tant que physiothérapeute, y compris dans les soins qu’il prodigue à des enfants.
Son casier judiciaire est vierge.
2.
2.1
Le 27 août 2009, A.I._ a déposé plainte contre A.U._, lui reprochant d'avoir commis, entre 2007 et le 9 octobre 2008, diverses infractions à l'intégrité physique et sexuelle de son fils B.I._:
- En visionnant, sur son ordinateur des films à caractère pornographique, A.U._ aurait pratiqué à une occasion une fellation sur sa propre personne et se serait masturbé à trois occasions différentes, éjaculant dans une bassine à proximité. Ces faits, y compris les images pornographiques, auraient été vus par l'enfant B.I._, le prévenu n’ayant pas pris les dispositions adéquates pour éviter cette confrontation, laissant les volets ouverts et les rideaux non tirés.
- de nuit, et à l’insu de son épouse, le prévenu aurait pénétré dans la chambre de l’enfant endormi, et l’aurait réveillé en le piquant avec un coupe-papier sur le ventre et le torse, en lui pinçant le bras et en lui tirant les oreilles. Puis, emmenant l'enfant au salon, il aurait mis le sexe d'B.I._ dans sa bouche et l'aurait sucé. Toujours au salon, le prévenu l’aurait également forcé à prendre son sexe dans les mains et à le masturber.
- à une occasion, profitant de l’absence de sa compagne, le prévenu aurait déshabillé B.I._ dans le salon et aurait mis une nouvelle fois le sexe de l’enfant dans sa bouche. A cette occasion, le prévenu était complètement nu.
- à plusieurs reprises, le prévenu aurait profité du fait que l’enfant prenait une douche pour lui serrer le pénis, prétextant vouloir l’aider à se laver.
- enfin, il aurait contraint B.I._ à regarder des films d’horreurs réservés aux adultes et adolescents (soit de la saga SAW et la Sirène Rouge, cf. P. 46 p. 14).
Poursuivant ses agissements de manière répétée, le prévenu aurait intimé l’ordre à l’enfant de ne pas révéler ce qui se passait à sa mère, le terrorisant en le menaçant de représailles, soit notamment de lui briser la mâchoire ou de lui faire «la même chose qu’à l’enfant dans le film», faisant allusion aux films d’horreur visionnés ensemble.
2.2
A.U._ a toujours nié les faits. Aucun témoin n’y a assisté. L’ordinateur de l’accusé a été inspecté par la police, laquelle n’y a rien découvert, hormis l’inscription de l’accusé sur divers sites de rencontres pouvant avoir un caractère sexuel mais pas pédophile. Une bande annonce du film SAW a été découverte, dont l’accusé n’a pas caché être "fan". N’y figurent toutefois pas les scènes de violence sur des enfants décrites par B.I._. Lors de l’instruction, l’accusé a admis avoir utilisé divers pseudonymes peu équivoques sur ses intentions tels que « soifdq » pour entretenir, dès le début de son union avec la plaignante, des correspondances virtuelles sur des sites de rencontre avec des jeunes femmes ou des anciennes connaissances du Club Med. L’instruction a également permis d’établir que la plaignante avait découvert les tromperies virtuelles de son mari à l’automne 2008, le jetant dès lors hors de la maison et lui adressant nombre de SMS, dont certains à caractère injurieux ou raciste. Elle a engagé une procédure de mesures protectrices de l’union conjugale, puis, début 2009, une procédure d’annulation de mariage et de divorce, invoquant notamment que le prévenu l’aurait épousée uniquement afin d’obtenir un permis de séjour. Aux débats de première instance, A.I._ a admis qu'elle avait eu avec son mari durant plusieurs mois avant la séparation, environ une fois par semaine, des disputes verbales au cours desquelles des insultes étaient échangées, et qu’B.I._ pouvait entendre. Elle a également admis qu’B.I._ pouvait l’avoir entendue raconter à des tiers, dont notamment sa mère, les reproches qu’elle avait à formuler à l’encontre des pratiques de son mari sur internet.
2.3
Une expertise de crédibilité de l'enfant a été réalisée le 31 août 2011 par le Service de psychiatrie et psychothérapie d’enfants et d’adolescents de [...]. Elle se base notamment sur la plainte de A.I._, sur les procès-verbaux d’audition des parties et témoins, sur le visionnement de l’enregistrement vidéo de l’enfant du 1
er
octobre 2009 ainsi que sur divers courriers et certificats médicaux des praticiens ayant suivi B.I._. Enfin, le garçon a été entendu trois fois seul par les experts, une fois en présence de sa mère, et les experts ont eu plusieurs conversations téléphoniques avec les pédopsychiatres qui s’étaient occupés d'B.I._ ainsi qu'avec la responsable du SPJ en charge de son suivi. Au terme de leur rapport, les experts se sont notamment exprimés en ces termes: "D'une manière générale et malgré des compétences cognitives limites qui ne permettent ni d’enrichir son discours, ni de donner des détails, ni d’aborder de manière souple et variée son vécu émotionnel, cet enfant parvient à nous donner un discours cohérent sur les faits évoqués et les allégations effectuées en août 2009. Par ailleurs, il ressort de son discours une mention très nette de menace et d’une injonction au silence qui est clairement présente. Nous retrouvons dans son discours les notions de vécu d’impuissance et de vécu de trahison, deux des critères de vécus prévalents chez des victimes selon Finkelhor et Brown (1985). Les différents détails qu’il amène nous évoquent un vécu réel et non un récit ou un discours fabriqué ou suggéré. En conclusion, l’analyse des différents critères mentionnés précédemment attestent selon nous de la crédibilité de l’enfant" (P. 54).
2.4
Analysant la force probante de cette expertise, les premiers juges ont tout d'abord souligné que les experts avaient utilisé la méthode de Yuille et ses 19 critères, reconnue par la jurisprudence du Tribunal fédéral. Le rapport était au demeurant détaillé et fouillé, et se basait sur les déclarations de l’enfant devant la police, lesquelles avaient été recueillies selon les formes prescrites par la LAVI et la jurisprudence, plus trois entretiens avec lui et un quatrième en présence de sa mère. Les experts avaient aussi eu accès aux différents rapports médicaux au dossier, ainsi qu’aux procès-verbaux d’audition de la mère d’B.I._ et du prévenu, ainsi que de plusieurs témoins. Les premiers juges ont néanmoins constaté que les experts ne s'étaient pas déterminés sur les circonstances du dévoilement, et en particulier sur le fait que la mère d’B.I._, au moment des événements litigieux, était particulièrement en colère contre l’accusé, ou que les déclarations les plus graves faites le 24 août 2009 par B.I._ faisaient suite à une audience préliminaire dans le cadre de la procédure d'annulation de mariage et de divorce divisant les parties, lors de laquelle une expertise psychiatrique de A.I._ avait été requise par le prévenu. Ainsi, les experts n’avaient-ils pas eu connaissance des nombreux SMS injurieux envoyés par la plaignante à son futur ex-mari entre fin 2008 et début 2009 (P. 30 et 103/2). Dans ces circonstances, les magistrats de première instance ont estimé que la force probante de l'expertise de crédibilité était réduite. Examinant pour le surplus les autres éléments du dossier, le tribunal a considéré qu’il subsistait des doutes trop importants, sérieux et irréductibles quant aux faits reprochés au prévenu, ce nonobstant les déclarations de l’enfant. Si les premiers juges sont d'avis qu’il n’était pas exclu qu’B.I._ ait aperçu involontairement son beau-père se masturber ou surfer sur des sites de rencontres, comme il en avait fait le récit, ou entendu des conversations téléphoniques à caractère sexuel, cela ne saurait à leurs yeux constituer une infraction pénale. D'ailleurs, aux dires mêmes de l’enfant (cf. P. 54, p. 9), il aurait aperçu ces faits à travers les stores baissés, ce qui démontre que, le cas échéant, l’accusé avait pris les mesures pour être seul et ne pas confronter B.I._ à ses agissements. De même, s’il téléphonait à ses maîtresses potentielles, le prévenu s'enfermait aux toilettes, selon les déclarations de la plaignante aux débats. Il faisait ainsi en sorte de se cacher et aucune intention ou manquement pénal ne saurait ainsi être retenu à sa charge. Il n’est pas non plus exclu que l’enfant ait vu, en présence de sa mère, le film Basic instinct, comme elle l’a d’ailleurs admis lorsqu'elle était interrogée par les éducatrices de l’UAPE. B.I._ a aussi pu, comme d’autres enfants, voir des images pornographiques sur internet avec des copains, et faire un amalgame des images vues. Pour le surplus, les premiers juges ont souligné que si le développement d’B.I._ semblait être en danger, on ne saurait imputer ce fait à ces quelques actes involontaires. Au contraire, le rapport du Dr C._, entre autres praticiens intervenus, fait ressortir à cet égard diverses hypothèses en lien avec les troubles présentés par l’enfant, en particulier en raison des relations compliquées existant entre la plaignante et le père d'B.I._, ce dont le prévenu n'a pas à porter la responsabilité.
Cela étant, les premiers juges ont libéré A.U._ de l'ensemble des accusations pour lesquelles il avait été renvoyé en tribunal. | En droit :
1.
1.1
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Aux termes de l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci. S'agissant plus particulièrement de la partie plaignante, sa qualité pour recourir n'existe pas uniquement par rapport à la question civile; au pénal, elle est cependant limitée, la partie plaignante ne pouvant pas recourir sur la question de la peine ou de la mesure (al. 2). La sanction prononcée relève en effet des prérogatives du seul ministère public et elle n'influe généralement pas sur le sort des prétentions civiles. La partie plaignante est ainsi admise à recourir contre un jugement pénal en particulier sur la culpabilité qui peut constituer, le cas échéant, un élément déterminant pour l'appréciation de ses prétentions civiles. La partie plaignante n'est en effet pas tenue de faire valoir ces dernières dans le procès pénal et peut agir dans un procès civil séparé; elle a dès lors un intérêt à pouvoir recourir, au pénal, sur l'élément de la faute (Calame, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 11 ad art. 382 CPP).
1.2
Dans sa requête de non-entrée en matière, le prévenu, intimé à l'appel d'B.I._, excipe de la tardiveté de la déclaration d'appel. Or, le document de suivi relatif à l'envoi du jugement complet atteste de sa distribution le 21 juillet 2014 à 7h59 en mains d'un représentant de l'étude du conseil de la partie plaignante. Déposé le 11 août 2014, dans le délai reporté au premier jour utile (art. 90 al. 2 CPP), l'appel l'a été en temps utile. Le mémoire a au demeurant été signé par une personne de l'étude du conseil d'office de l'appelant, ce qui est suffisant. Enfin, comme relevé ci-dessus, le plaignant, demandeur au pénal, est habilité à contester l'acquittement prononcé.
Interjeté contre le jugement d'un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d'B.I._ est dès lors recevable. Il y a lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
Aux termes de l’art. 398 al. 2 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement. L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L’appelant invoque une appréciation erronée et arbitraire des preuves ainsi qu’une violation du principe in dubio pro reo. Le doute ayant profité à l’intimé serait sans consistance. C’est à tort que les premiers juges auraient réduit la valeur probante de l’expertise de crédibilité, alors que ce moyen de preuve repose sur une méthodologie conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral. En outre, les experts n’ont ignoré aucune des circonstances du dévoilement, puisqu’ils se sont référés dans leur rapport aux procès-verbaux d’audition des parties faisant état de tous les faits pertinents. Ils connaissaient ainsi l’existence de tensions entre la plaignante et le prévenu, la procédure de divorce les opposant et ont examiné la possibilité de "pollution" des déclarations de l’appelant. Malgré ces éléments, les experts ont considéré que l’enfant était crédible et ce constat aurait dû s’imposer aux premiers juges.
3.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2).
3.2
Contrairement à ce qu'indique l'appelant, les premiers juges n’ont pas retenu que les experts avaient ignoré les circonstances qui avaient entouré le dévoilement, mais uniquement qu'ils ne s’étaient pas déterminés sur ces circonstances, ce qui n’est pas la même chose. Le tribunal a ainsi rappelé que les experts avaient eu accès aux avis médicaux et aux procès-verbaux d'audition des parties et des témoins. Il n'a donc pas indiqué que les experts ne connaissaient pas certains faits, mais seulement qu’ils ne les avaient pas analysés, plus particulièrement s'agissant du contentieux très aigu qui existait entre la plaignante et le prévenu. A la lecture de l’expertise, on constate certes que l’influence éventuelle de la mère sur les déclarations de l’enfant est examinée mais le rapport ne contient rien de spécifique sur l’agressivité verbale dont la plaignante a fait preuve à l’encontre du prévenu. Formellement, le jugement ne contient donc aucun constat erroné.
Quoi qu'il en soit, l’expertise de crédibilité elle-même contient, dans la partie discussion, des éléments permettant de relativiser la force probante des déclarations de l’enfant. Les experts observent ainsi que les difficultés de développement de l’enfant sont antérieures aux faits litigieux, même s’il y a une recrudescence depuis 2006 des conduites inadéquates, comme la formulation de propos grossiers ou à caractère sexuel. Pour les experts, il est difficile de départager ce qui, dans la symptomatologie de l'enfant, s'inscrit dans un contexte réactionnel à un événement traumatique de ce qui relève d'une pathologie psychiatrique se péjorant et s'aggravant. Ils considèrent dès lors que les troubles du comportement, les difficultés scolaires, les conduites d’agitation, les difficultés d'attention et de concentration, l'intolérance à la frustration, les difficultés relationnelles, les sentiments de persécution dans la relation aux autres et l’excitabilité manifestée par des propos à caractère sexuel et grossier peuvent tenir aussi bien de facteurs réactionnels aux abus sexuels et aux actes de maltraitance que de la détérioration du fonctionnement psychique de l’enfant (P. 54, pp. 12 s.).
Le grief de l'appelant quant à la manière dont les premiers juges ont apprécié la valeur de l'expertise de crédibilité tombe ainsi à faux, même si, comme l'ont eux-mêmes souligné les magistrats de première instance, la seule prise en compte de l’expertise de crédibilité ne suffit pas pour se forger une conviction en l’espèce et qu'il convient d’examiner les autres éléments probatoires figurant dans le jugement et que l’appelant discute également plus avant dans son mémoire.
4.
L'appelant conteste la pertinence de certains motifs ayant conduit les premiers juges à douter de la réalité des accusations. Il fait valoir que l’intimé a pu effacer tout fichier compromettant de son l’ordinateur, que les problèmes rencontrés par l’enfant à I’UAPE et son comportement dans le cadre du suivi auprès du Dr Q._ ont été pris en compte par les experts et que les dépositions des témoins n’entameraient en rien la crédibilité des déclarations de l’enfant.
4.1
Les éléments cités par l’appelant ne constituent que quelques-uns des éléments d’appréciation retenus par les premiers juges pour considérer qu’un doute subsiste au sujet des faits reprochés à l’intimé. Si l’on peut donner acte à l’appelant que certains points ne jouent qu’un rôle très secondaire dans cette appréciation, comme le fait, par exemple, qu’aucun fichier de pédopornographie n’a été découvert dans l’ordinateur du prévenu (2/ea), d’autres éléments retenus par les magistrats de première instance sont plus significatifs, en particulier:
- le fait que les intervenants sociaux (2/ed) et les médecins (2/ef) ont relevé à la fois une relation positive de l’enfant avec le prévenu et une attitude sociable de l’enfant pendant la période durant laquelle les actes se seraient produits;
- le fait que les perturbations de l’enfant sont antérieures aux abus reprochés (2/ee);
- malgré le suivi existant auprès du pédopsychiatre Q._, dont on s'étonne qu'il se soit précisément arrêté peu après les faits litigieux, et l’intervention de nombreux autres médecins, l’enfant ne s’est jamais confié avant les révélations à sa mère, par la suite, il a refusé d’en parler aux différents praticiens consultés (2/eh);
- enfin, l’enfant aurait déjà été victime d’abus sexuel et des antécédents incestueux existeraient au sein de la famille de la mère (2/ei).
4.2
En conclusion, l’analyse de l’ensemble des éléments probatoires conduit à retenir qu’il subsiste trop d’éléments troublants dans ce dossier pour condamner A.U._, les principes de présomption d’innocence devant conduire à l’acquittement. La Cour de céans partage en définitive le résultat de l’appréciation des preuves effectuée par les premiers juges, même si, sur certains points, les doutes exprimés n’influaient pas sur Ie sort de la cause. Il n’en reste pas moins qu’il subsiste trop d’incertitudes sur la réalité des faits reprochés au prévenu.
Comme les faits ne sont pas établis à satisfaction, il n’est pas nécessaire d’examiner plus avant si les éléments constitutifs des infractions que l'appelant voudrait voir retenues à la charge de l'intimé sont réalisés.
5.
En définitive, l'appel d'B.I._ doit être rejeté et le jugement entrepris intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel seront supportés par A.I._, représentante légale d'B.I._ (art. 428 al. 1 CPP). Ces frais comprennent l'émolument de jugement, par 2'130 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1] ainsi que l'indemnité allouée au conseil d'office de l'appelant (art. 135 al. 2 CPP; art. 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFIP).
A cet égard, Me Dubuis a produit une liste des opérations faisant état de 15 heures 40 de travail pour la défense des intérêts d'B.I._, ce qui est justifié. C'est ainsi un montant de 2'818 fr. d'honoraires qui lui sera alloué, auquel doit s'ajouter une vacation, par 120 fr., et la TVA, par 235 fr. 05, ce qui représente un total de 3'173 fr. 05.
A.I._ ne sera tenue de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur du conseil d’office d'B.I._ que lorsque sa situation financière le permettra.
L'acquittement de A.U._ ayant été confirmé, ce dernier a droit à une indemnité pour ses frais de défense (art. 429 al. 1 let. a CPP).
Me Sutter a produit une note d'honoraires faisant état de 16 heures 40 consacrées à la défense des intérêts de son client. Ce temps doit être ramené à un total de 10 heures, compte tenu des opérations effectuées et sans prendre en considération le temps consacré à la demande de non-entrée en matière, qui a été rejetée. Au tarif horaire de 300 fr., montant auquel il convient d'ajouter les débours, par 76 fr. et la TVA, par 246 fr. 10, le total représente 3'322 fr. 10, à la charge de A.I._ (ATF 139 IV 45 c. 1). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
61d7a469-7af8-4414-a200-6d59602da39f | En fait :
A.
Par jugement du 18 septembre 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que H._ s'est rendu coupable d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers (séjour illégal) (I), a révoqué le sursis accordé à H._ le 24 février 2011 par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne (II), l'a condamné à une peine d'ensemble privative de liberté de 50 jours, sous déduction de 5 jours de détention avant jugement (III) et a mis les frais de la cause, arrêtés à 915 fr., à sa charge (IV).
B.
Le 24 septembre 2012, H._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 29 octobre 2012, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à la modification du jugement entrepris en ce sens qu'il est libéré des fins de la poursuite pénale et qu'il est renoncé à la révocation du précédent sursis. A titre de mesure d'instruction, il a requis l'interpellation de l'Etablissement concordataire romand de détention administrative de Frambois, ainsi que du Service pénitentiaire vaudois, sur les raisons pour lesquelles, après sa détention administrative en vue de renvoi de Suisse, il avait fait l'objet d'une libération pure et simple.
Le 1
er
novembre 2012, le Ministère public a déclaré s'en remettre à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et ne pas déposer d'appel joint.
Par courrier du 19 novembre 2012, le président de la Cour d'appel pénale a rejeté la réquisition de preuve de l'appelant en considérant que l'administration de cette preuve n'était pas nécessaire au traitement de l'appel et que le dossier contenait déjà de nombreux documents médicaux relatifs à l'état de santé de l'intéressé.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
H._ est né le 19 juillet 1957 à Topanice au Kosovo. Aîné d'une fratrie de cinq enfants, il a été élevé par ses parents dans son village natal. Il a effectué sa scolarité obligatoire jusqu'à l'âge de quinze ans, puis a entrepris une formation de jardinier paysagiste, sans toutefois obtenir de diplôme. Vivant à la charge de ses parents, sous réserve de quelques activités rémunérées, l'appelant est venu en Suisse en 1988. Il y a exercé l'activité de jardinier paysagiste en qualité de saisonnier jusqu'à l'obtention d'un permis B. A la suite d'un accident de travail survenu en 1993, il a bénéficié de prestations de l'assurance-invalidité (AI) dès 1997. Ces prestations ont été suspendues durant la détention de l'appelant qui sera évoquée ci-dessous. Par la suite, elle a fait l'objet d'une décision de suppression pour le motif qu'il conservait une capacité de travail résiduelle. Il a fait opposition à cette décision et la procédure est encore pendante. Actuellement, l'appelant ne bénéficie d'aucune ressource et il est aidé par sa femme et ses enfants.
L'appelant s'est marié en 1980. Deux filles et deux fils sont issus de cette union. Sa femme et ses enfants vivent en Suisse. Seul un frère avec lequel l'appelant est brouillé, en raison de sa condamnation intervenue le 27 août 2002, vit au Kosovo.
La femme de l'appelant travaille à 50% comme femme de ménage et perçoit un revenu variant entre 1'000 et 1'300 fr. par mois. Elle bénéficie du subside pour l'assurance-maladie. Le loyer du domicile conjugal s'élève à 1'270 fr. par mois.
Le casier judiciaire de l'appelant comporte les condamnations suivantes:
- 27.08.2002, Tribunal correctionnel de Lausanne, crime contre la loi fédérale sur les stupéfiants, 9 ans de réclusion,
- 24.02.2011, Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, entrée illégale et séjour illégal, peine pécuniaire de 20 jours-amende à 20 fr., sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 2 ans.
2.
Frappé d'une interdiction d'entrée en Suisse dès le 6 août 2007 pour une durée indéterminée, H._ a été expulsé de Suisse en 2007, soit après avoir été libéré conditionnellement le 7 juin 2005, avec délai d'épreuve de 5 ans, de l'exécution de sa peine de 9 ans de réclusion pour infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants.
Selon un rapport du 27 août 2010 établi par un médecin de la division psychiatrique de l’Hôpital de Pejë au Kosovo (P. 10), H._ souffrait de dépression récurrente dont les symptômes (peurs, difficultés respiratoires, étouffement, palpitations cardiaques accélérées, état dépressif, insomnie, absence de volonté, isolement, maux de tête et autres troubles somatiques) seraient apparus suite à la séparation d’avec sa famille proche. Ces troubles étaient soignés.
Un autre rapport du 27 août 2010 émanant d’une clinique au Kosovo spécialisée dans les maladies internes (P. 10) fait état d’hypertension artérielle, de maladie rhumatismale de la colonne vertébrale avec douleurs à la jambe droite et spasmes des muscles vertébraux, troubles donnant lieu à un traitement médicamenteux.
Dans son audition, après opposition à l'ordonnance de condamnation, du 8 septembre 2011, l’appelant a exposé être parti du Kosovo pour vivre en Suisse à fin 2010, à la fois pour faciliter les démarches tendant à faire lever la suspension de sa rente AI, et pour quitter le Kosovo où la vie était difficile faute de moyens financiers, ainsi qu'en raison de la pénibilité de la séparation d’avec sa femme et ses enfants demeurés en Suisse.
Le 1
er
décembre 2010, il s’est rendu aux urgences de l’Hôpital cantonal d’Aarau où une « hypertensive Herzkrankeit » a été diagnostiquée, ainsi qu’un syndrome de douleurs lombaires (P. 10).
Le 24 février 2011, il a été condamné à 20 jours-amende avec sursis et à une amende de 300 fr. pour être entré en Suisse illégalement et pour un séjour illégal du 11 au 27 novembre 2010. Dans les motifs de cette décision, il est indiqué qu’il était revenu en Suisse pour régler des problèmes avec l'AI et pour voir son épouse et ses enfants.
Le 20 avril 2011, le Service de la population (SPOP) a ordonné son arrestation, puis obtenu sa mise en détention administrative à Frambois. Durant cette détention, en raison de céphalées associées à un flou visuel alors qu’il était déjà soigné pour hypertension, il a été examiné aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) le 23 avril 2011 et le diagnostic principal d’hypertension essentielle (primitive) a été posé (P. 10). Par la suite, il a été hospitalisé aux HUG du 2 au 6 mai 2011 et les investigations cardiaques menées à cette occasion n’ont pas mis en évidence de troubles cardiaques, même si un trouble de la tension artérielle n’a pas pu être complètement exclu, des douleurs atypiques étant évoquées. Le 28 mai 2011, le médecin répondant de Frambois a toutefois certifié qu’il était contre indiqué d’expulser H._ sous la contrainte pour raisons médicales (P. 6/5). La détention administrative a ensuite été levée le 30 mai 2011 sur ordre du SPOP en application de l’art. 80 al. 6 let a LEtr, qui prévoit que la détention est levée lorsque le motif de la détention n’existe plus ou que l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (P. 6/6).
Dans le cadre de la procédure AI, l’appelant devait se soumettre à un examen médical approfondi les 28 et 29 juin 2011 au Centre d’expertise médicale à Nyon (P. 6/7 et P. 6/8). Le 6 décembre 2011, son conseil a adressé à l’Office de l’assurance-invalidité pour les assurés résidant à l’étranger, à Genève, une opposition au projet de décision de cette autorité. On y lit ce qui suit : « Sur le fond, mon client est très surpris de votre décision. Il est de plus en plus entravé dans sa santé. Il a eu un blocage dorso-lombaire, récemment. Il marche en boitant. Il est en proie à toutes sortes de problèmes » (P. 10).
3.
Par ordonnance pénale du 16 mai 2011, le procureur de l'arrondissement de l'Est vaudois a révoqué le sursis accordé à H._ le 24 février 2011 par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne et l'a condamné à une peine d'ensemble de 50 jours, sous déduction de 5 jours de détention préventive, en raison d'un séjour illégal du 20 février au 20 avril 2011.
Dans son opposition du 6 décembre 2011, l'appelant a indiqué contester la sanction (50 jours de privation de liberté), soit son exécution, incompatible avec son état de santé et non le fondement de la décision. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d'un tribunal ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel formé par H._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
H._ conclut à sa libération des fins de la poursuite pénale.
3.1
L'appelant estime d'abord que le premier juge a violé le principe "
ne bis idem
" en le condamnant une deuxième fois pour les mêmes actes que ceux ayant fait l'objet de l'ordonnance pénale du 24 février 2011.
D'après le Tribunal fédéral, résider en situation irrégulière de manière durable et ininterrompue constitue un délit continu. La condamnation en raison de ce délit opère une césure. Le fait de perpétuer cette situation après le jugement constitue un acte indépendant. Le principe "
ne bis in idem
" ne s'oppose pas à une nouvelle condamnation à raison des faits non couverts par le premier jugement (ATF 135 IV 6).
Dans la présente procédure, il est reproché à l'appelant d'avoir séjourné illégalement en Suisse du 20 février au 20 avril 2011 alors qu'il a été condamné le 24 février 2011 pour un séjour illégal portant sur la période du 11 au 27 novembre 2010. Dès lors qu'il s'agit de deux périodes différentes de séjour illicite, le principe "
ne bis in idem
" n'a pas été violé.
3.2
L'appelant soutient qu'il n'a pas eu l'intention de commettre une infraction pénale. Toutefois, il savait qu'il n'avait pas le droit de séjourner en Suisse et a tout de même prolongé son séjour. Par acte concluant, il est manifeste que l'élément subjectif de l'infraction prévue à l'art. 115 al. 1 lit. b LEtr (loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers, RS 142.20) est réalisé.
3.3
L'appelant soutient, à titre subsidiaire, qu'il doit être exempté de peine au sens de l'art. 52 CP.
Aux termes de l'art. 52 CP, l'autorité compétente renonce à poursuivre l'auteur, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine, si tant sa culpabilité que les conséquences de son acte sont de peu d'importance. Il s'agit de deux conditions cumulatives (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 1 ad art. 52 CP).
En l'occurrence, la culpabilité de l'appelant qui persiste à demeurer en Suisse alors qu'il sait pertinemment qu'il n'en a pas le droit n'est pas minime et n'est en tout cas pas compatible avec une exemption de peine au sens de la disposition précitée.
3.4
L'appelant invoque enfin un état de nécessité excusable.
En l'espèce, l'appelant ne peut à l'évidence se prévaloir d'aucun état de nécessité excusable. Au Kosovo, il était soigné et ses maux ne l'ont nullement empêché de faire le voyage jusqu'en Suisse, puis de passer des cantons d'Argovie à Vaud. Le fait qu'il n'était pas expulsable par la force pour raisons médicales à fin mai 2011 ne lève pas l'illicéité de son séjour illégal du 20 février au 20 avril 2011. S'il était dangereux de recourir à la force à son encontre, il n'était en revanche pas intransportable et il lui était donc parfaitement loisible de se conformer à la loi en quittant le territoire suisse, quitte à demander des sauf conduits pour se soumettre aux examens médicaux nécessités par la procédure AI. Il n'est donc pas resté en Suisse pour se prémunir d'un danger menaçant sa vie ou son intégrité corporelle, imminent et impossible à détourner autrement qu'en transgressant la loi pénale. Les art 17 et 18 CP ne sont donc pas applicables.
3.5
Au vu de ce qui précède, les moyens de l'appelant tendant à sa libération des fins de la poursuite pénale, mal fondés, doivent être rejetés.
4.
H._ conclut également à la non révocation du sursis précédent. Ce moyen sera traité en parallèle avec l'examen d'office de la peine infligée en première instance (art. 404 al. 2 CPP).
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
4.2
Aux termes de l'art. 41 al. 1 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42) ne sont pas réunies et s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire, ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés.
A titre de sanctions, le nouveau droit fait de la peine pécuniaire (art. 34 CP) et du travail d'intérêt général (art. 37 CP) la règle dans le domaine de la petite criminalité, respectivement de la peine pécuniaire et de la peine privative de liberté la règle pour la criminalité moyenne. Dans la conception de la nouvelle partie générale du Code pénal, la peine pécuniaire constitue la sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Quant au travail d'intérêt général, il suppose l'accord de l'auteur. En vertu du principe de la proportionnalité, il y a en règle générale lieu, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement. La peine pécuniaire et le travail d'intérêt général représentent des atteintes moins importantes et constituent ainsi des peines plus clémentes. Cela résulte également de l'intention essentielle, qui était au coeur de la révision de la partie générale du Code pénal en matière de sanction, d'éviter les courtes peines de prison ou d'arrêt, qui font obstacle à la socialisation de l'auteur, et de leur substituer d'autres sanctions. Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (ATF 134 IV 97 c. 4; arrêt 6B_102/2012 du 22 juin 2012; arrêt 6B_128/2011 du 14 juin 2011 c. 3.1).
4.3
Aux termes de l'art. 46 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Il peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d'ensemble conformément à l'art. 49 CP. S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation. Il peut adresser au condamné un avertissement et prolonger le délai d'épreuve de la moitié au plus de la durée fixée dans le jugement.
La révocation du sursis dépend des infractions commises dans le délai d'épreuve, lesquelles permettront d'établir un pronostic favorable ou défavorable (ATF 134 IV 140 c. 4.2). Seul un pronostic défavorable peut justifier la révocation; à défaut, le juge doit renoncer à celle-ci (ATF 134 IV 140 c. 4.3). Lorsqu'il s'agit de fixer le pronostic, le juge doit également tenir compte de l'effet dissuasif que peut exercer la nouvelle peine, si elle doit être exécutée; il en va de même s'agissant de l'effet de l'exécution d'une peine, à la suite de la révocation d'un sursis accordé précédemment (ATF 134 IV 140 c. 4.5).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le principe d'aggravation ne s'applique que lorsque plusieurs peines du même genre sont prononcées. Des peines d'un genre différent doivent être infligées de manière cumulative. Le tribunal ne peut ainsi prononcer une peine privative de liberté d'ensemble que s'il aurait prononcé dans le cas concret une peine privative de liberté pour chaque acte pris isolément. Ces conditions s'appliquent aussi pour la formation de la peine complémentaire en cas de concours rétrospectif. Le deuxième juge est lié par la première décision entrée en force en ce qui concerne le genre de la peine. La formation de la peine d'ensemble selon l'art. 49 CP est ainsi régie par le principe de la proportionnalité. Dans le cas du concours rétrospectif, le deuxième juge n'a pas la compétence de modifier le genre de la peine de la première décision entrée en force. En appliquant par analogie ces principes à la procédure selon l'art. 46 al. 1 2
e
phrase CP, la modification de la peine est exclue – en particulier au détriment du condamné (ATF 137 IV 249, JT 2012 IV 205 c. 3.4.2 et les références citées).
4.4
En l'espèce, l'appelant a résidé illégalement en Suisse du 20 février au 20 avril 2011 quand bien même il avait déjà été condamné le 24 février 2011 pour la même infraction. Il a poursuivi son séjour sans prendre en considération l'avertissement qui lui avait été donné sous la forme d'un sursis. A charge, outre la récidive pendant le délai d'épreuve et le risque de récidive spéciale élevé, il faut mentionner également que l'appelant n'a manifesté aucune intention de quitter la Suisse pour retourner vivre au Kosovo. A décharge, il sera tenu compte de sa situation économique précaire, ainsi que de l'admission des faits qui lui sont reprochés.
4.5
S'agissant du type de peine à infliger, il convient préalablement de déterminer si les conditions du sursis sont réunies ou non, point déterminant au regard de l'art. 41 al. 1 CP. Cette question s'examine selon les critères posés par l'art. 42 CP (à cet égard, cf. ATF 135 IV 180 c. 2.1).
Il apparaît en l'espèce que la condamnation à des jours-amende avec sursis n'a eu aucun impact sur H._ qui a persisté à séjourner en Suisse. En outre, il est frappant de constater que l'appelant est revenu illicitement en Suisse à fin 2010 alors que c'est en été 2010 que son délai de libération conditionnelle a pris fin. On peut légitimement en inférer que seule la perspective d'une révocation, donc de devoir purger la fin de sa peine, l'a tenu hors de Suisse. En revanche, la perspective de s'exposer à un autre genre de peine comme des jours-amende ne l'a pas freiné. Cela ne peut que conduire à poser un pronostic défavorable excluant l'octroi du sursis.
Il convient ensuite de déterminer si une peine pécuniaire, respectivement un travail d'intérêt général, peuvent être exécutés. Le travail d'intérêt général doit d'emblée être exclu dès lors que l'appelant n'a aucun droit de demeurer en Suisse (arrêt 6B_541/2007 du 13 mai 2008 c. 4.2.4). Par ailleurs, prononcer des jours-amende apparaît dénué de toute efficacité au vu de son insensibilité à ce type de sanction.
En conséquence, seule une peine privative de liberté paraît être de nature à détourner l'appelant de commettre de nouvelles infractions à l'avenir et rien n'indique que son état de santé serait incompatible avec une détention, sa libération de Frambois tendant à l'impossibilité médicale de son renvoi forcé. La peine de moins de 6 mois peut être purgée en semi-détention (art. 79 CP) et si sa santé l'exige, il peut bénéficier d'un régime dérogatoire, par exemple en séjournant dans un établissement approprié et non dans un établissement d'exécution des peines (art. 80 CP).
4.6.
Enfin, la révocation du précédent sursis s'impose vu la récidive spéciale, la persistance chez l'appelant à commettre durablement la même infraction et son incapacité de tirer le moindre enseignement de sa première condamnation à la LEtr. En revanche, le premier juge a converti la peine pécuniaire en une peine d'ensemble privative de liberté, aggravant ainsi la situation de l'intéressé de façon contraire à la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. ch. 4.3 ci-dessus).
4.7
Compte tenu de ce qui précède, il convient d'ordonner l'exécution de la peine pécuniaire de 20 jours-amende à 20 francs et de prononcer, au vu de la culpabilité de l'appelant et de sa situation personnelle, une peine privative de liberté de 30 jours, sous déduction de 5 jours de détention préventive.
5.
En définitive, l’appel de H._ doit être partiellement admis.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis par deux tiers à la charge de l'appelant qui obtient très partiellement gain de cause (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
61fc839d-4c20-43bc-9a98-93675ac92bac | En fait :
A.
Par jugement du 26 novembre 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a pris acte du retrait d’opposition intervenu et déclaré exécutoire l’ordonnance pénale du 9 novembre 2012 de la Préfecture de Lausanne (réf : LAU/01/12/7631) (I), libéré A.B._ des accusations d’empêchement d’accomplir un acte officiel et induction de la justice en erreur (II), condamné A.B._ pour violation simple et grave des règles de la circulation routière et dérobade aux mesures visant à déterminer la capacité de conduire à dix mois de privation de liberté et au paiement des frais par 4'303 fr. (III), révoqué le sursis accordé à A.B._ le 21 mars 2011 par la Chambre pénale de Genève et ordonné l’exécution de cette peine (IV).
B.
Le 6 décembre 2013, A.B._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel du 30 décembre 2013, il a conclu, avec suite de frais et dépens, principalement, à son acquittement et, subsidiairement, à une réduction de la peine.
Par déterminations du 4 février 2014, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a indiqué qu’il n’entendait pas déposer de conclusions motivées, se ralliant ainsi au jugement attaqué.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.B._ est né le 26 décembre 1987 à [...] et est originaire de [...]. Il a terminé l’Ecole Hôtelière de Lausanne en 2011 et a obtenu un Bachelor en management. Actuellement, il est étudiant en droit par correspondance et consultant dans l’immobilier, en stage non rémunéré par U._SA, dont le siège est à [...] et dont l’administratrice est Madame B.B._, sa mère. Le prévenu n’a pas de revenu propre. Il est à la charge de ses parents. Il possède un véhicule Range Rover offert par sa mère. Il ne serait pas domicilié à [...], soit au domicile de sa mère, mais en France. A l’époque des faits, le prévenu aurait habité à [...], chez son amie.
Son casier judiciaire suisse comporte les inscriptions suivantes :
- 30 janvier 2009, Préfecture de Morges, violation grave des règles de la circulation routière, peine pécuniaire de 15 jours-amende à 30 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 3 ans, amende de 300 fr., sursis révoqué le 13 février 2014 par le Juge de police du Tribunal de l’arrondissement de la Singine.
- 21 mars 2011, Chambre pénale de Genève, violation grave des règles de la circulation routière, peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 3 ans, amende de 400 fr., sursis révoqué le 13 février 2014 par le Juge de police du Tribunal de l’arrondissement de la Singine.
- 13 février 2014, Juge de police du Tribunal de l’arrondissement de la Singine, violation grave des règles de la circulation routière, peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 francs.
2.
2.1
A [...], rue [...], le 26 août 2012 vers 18h51, A.B._, installé au volant du véhicule Range Rover, immatriculé [...], a quitté abruptement une place de stationnement, case handicapée, en verrouillant ses portières aux fins de faire abstraction des injonctions des agents R._ et Y._, lesquels lui demandaient de se légitimer au moyen de l’autorisation valable prévue pour stationner sur une telle place. Le prévenu a en outre effectué une marche arrière intempestive alors même que l’un des agents se trouvait à hauteur de la portière conducteur, manquant de peu de le renverser. L’appelant s’est ensuite engagé sur la chaussée, à vive allure, en direction de la place [...] jusqu’à la route [...], endroit où il a escaladé un trottoir afin de dépasser une patrouille de police qui lui barrait la route. Il a ensuite slalomé entre les véhicules en utilisant anormalement les voies de circulation et en passant plusieurs signalisations à la phase lumineuse rouge notamment au chemin [...], au chemin [...] et au carrefour [...], forçant ainsi les usagers de la route à effectuer des manoeuvres d’évitement. A.B._, toujours en fuite, a ensuite appelé depuis le numéro de son téléphone portable [...] la centrale d’engagement de la police cantonale en indiquant faussement que son véhicule avait été dérobé alors même qu’il venait de le stationner à l’avenue [...].
2.2
Le 2 septembre 2012, à 13h30, au [...], le prévenu circulait au volant de son motocycle insuffisamment à droite à une vitesse excessive et a perdu la maîtrise de son engin, lequel s’est couché, avant de continuer à glisser et de finir sa course contre la voiture de Z._, qui venait normalement en sens inverse.
2.3
Dans le tunnel « [...]», sur l’autoroute A1, le 29 septembre 2012, à 12h11, A.B._, au volant de sa voiture, a roulé à une vitesse de 156 km/h (marge de sécurité déduite), sur un tronçon dont la vitesse maximale était limitée à 100 km/heure. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de A.B._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L’immédiateté des preuves ne s’impose toutefois pas en instance d’appel. Selon l’art. 389 al. 1 CPP, la procédure d’appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d’appel administre, d’office ou à la demande d’une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Invoquant une appréciation erronée des preuves, l’appelant conteste être l’auteur des faits qui lui sont reprochés (cf. consid. 2.1 à 2.3 supra), les éléments au dossier ne permettant pas de l’affirmer ou laissant à tout le moins apparaître de sérieux doutes qui devraient lui profiter.
3.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
3.2
S’agissant des faits décrits sous chiffre 2.1 ci-dessus, la culpabilité de l’appelant doit être retenue sur la base des éléments qui suivent. Les policiers R._ et Y._, qui ont voulu verbaliser A.B._ pour le stationnement sur une place handicapée, puis l’ont poursuivi, l'ont reconnu à 100 % pour l’un et à 95 % pour l’autre (cf. PV aud. 1 et 4). Le concierge du [...], W._, a confirmé qu’il avait bien vu la Range Rover du prévenu sur la place réservée aux handicapés et qu’il en avait fait la remarque à l’intéressé, qui lui avait répondu qu’il s’en foutait. Ce témoin était ensuite allé vérifier auprès d’une collègue que le prévenu était bien le conducteur de la voiture (cf. PV aud. 2). En outre, les faits tels que décrits ci-dessus découlent du rapport de police du 11 septembre 2012 et il n’y a aucune raison de mettre en doute ce document.
Après s’être prévalu de son droit au silence (PV aud. 1), l’appelant a présenté diverses versions des faits (PV aud. 5 et jgt., pp. 9 s.), ce qui confirme que l’intéressé a menti. En effet, il a parlé du vol, puis de l’emprunt de sa voiture, avant d’essayer de se fabriquer un alibi en inventant des cours de mathématique qu’il aurait donnés à la soeur de sa colocataire le jour en question. Par ailleurs, ses déclarations sont complètement farfelues et grotesques. Ainsi, il parle d’emprunt de son véhicule par des visiteurs, dont il ne connaît pas l’identité, qui passeraient à son appartement et lui emprunteraient les clés de la voiture dans un but qu’il ne connaît pas. Il se moque également des autorités en leur produisant des pièces afin de se monter un alibi de dernière minute (cf. P. 22 et 23). On ne saurait dès lors accorder la moindre crédibilité aux déclarations de l'appelant.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il ne fait aucun doute que l’appelant est bel et bien l’auteur des infractions qui lui sont reprochées et que celles-ci se sont déroulées conformément aux constatations policières telles que décrites ci-dessus.
L’appelant conteste uniquement l’infraction de dérobade aux mesures visant à déterminer la capacité de conduire, laquelle sera examinée ci-dessous (cf. consid. 4 infra). La qualification des autres infractions n’est pas contestée. Il s’agit de cinq violations simples et de dix-neuf violation graves des règles de la circulation routière, avec principalement des dépassements dans tous les sens, des vitesses insensées, des priorités bafouées, des feux rouges grillés, et des lignes de sécurité simples ou doubles franchies en tous sens, le tout pour fuir l’intervention de la police.
3.3
S’agissant de l’accident de motocycle décrit sous chiffre 2.2, il ressort des photos au dossier que la position des véhicules accrédite la version de l’automobiliste selon laquelle il roulait normalement et avait dirigé ses roues en direction de la droite pour tenter d’éviter le heurt (P. 11). Ces photos contredisent les déclarations de l’appelant. En effet, on voit le freinage d’urgence de la moto depuis le milieu de la route, ce qui tend à attester que A.B._ ne tenait pas sa droite. Enfin, lors de sa première audition, l’appelant a tout d’abord admis que l’automobiliste tenait correctement sa droite avant d’affirmer que celui-ci aurait dû se tenir plus à droite, ce qui est à l’évidence contredit par les photos du dossier.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la culpabilité de l’appelant ne fait pas l’ombre d’un doute.
La qualification de l’infraction n’est pas contestée par l’intéressé.
3.4
S’agissant de l’excès de vitesse décrit ci-dessus sous chiffre 2.3, la culpabilité de l’appelant doit également être admise. Le véhicule incriminé correspond à la Range Rover de l’appelant, ce que ce dernier ne conteste pas. De plus, la ressemblance entre le prévenu et la photo au dossier a été constaté par le premier juge (cf. jgt., p. 18). Même si l’appelant prétend le contraire, la Cour a déjà relevé que les déclarations de ce dernier quant à un vol ou à un emprunt de son véhicule n’étaient pas crédibles, voire complètement grotesques. Enfin, A.B._ se moque une fois de plus des autorités en produisant une attestation non datée de sa mère pour tenter de se créer un alibi, à savoir qu’il était à Lyon le 29 septembre 2012.
Ainsi, les éléments du dossier sont amplement suffisants pour admettre la culpabilité de l’appelant. Pour le reste, ce dernier ne conteste pas la qualification des infractions retenues.
4.
L’appelant conteste s’est rendu coupable de dérobade aux mesures visant à déterminer la capacité de conduire.
4.1
Selon l’art. 91a LCR, quiconque, en qualité de conducteur d'un véhicule automobile, s'oppose ou se dérobe intentionnellement à une prise de sang, à un contrôle au moyen de l'éthylomètre ou à un autre examen préliminaire réglementé par le Conseil fédéral, qui a été ordonné ou dont le conducteur devait supposer qu'il le serait, ou quiconque s'oppose ou se dérobe intentionnellement à un examen médical complémentaire ou fait en sorte que des mesures de ce genre ne puissent atteindre leur but sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Cette disposition prévoit trois hypothèses, à savoir l'opposition, la dérobade et l'entrave à la constatation de l'alcoolémie. La jurisprudence a précisé que l’art. 91a al. 2 LCR était applicable quand le conducteur devait s'attendre avec une haute vraisemblance à ce qu'une mesure visant à établir son alcoolémie soit ordonnée (Giger, Strassenverkehrsgesetz Kommentar, Zurich 2014, nn. 4 et 8 ad art. 91a LCR).
Pour dire si une mesure d'investigation de l'état d'incapacité du conducteur était hautement vraisemblable, il faut analyser l'ensemble des circonstances concrètes de nature à amener un policier attentif à soupçonner que l'usager de la route était pris de boisson. Les indices d'ébriété peuvent résulter des circonstances de l'accident (conduite en zigzag, accumulation de fautes de circulation, faute grossière ou inexplicable; ATF 126 IV 53 c. 2a). Ils peuvent aussi se rapporter au comportement du conducteur (haleine sentant l'alcool, yeux injectés, élocution pâteuse ou démarche incertaine; propos incohérents ou une extrême agitation; ATF 126 IV 53 c. 2a). Constituent enfin des indices d'ébriété les activités de l'auteur avant l'accident (participation à une fête, consommation d'alcool), voire même les antécédents routiers d'un conducteur (TF 6S.435/2001 du 8 août 2001 c. 2e).
Le fait de se dérober à une mesure visant à constater l'incapacité de conduire est une infraction de résultat qui suppose, pour être consommée, qu'il soit impossible d'établir le taux d'alcool au moment déterminant (ATF 115 IV 51 c. 5).
4.2
En l’espèce, il n’a pas été possible d’effectuer les mesures nécessaires à l’établissement de l’état du conducteur dans la mesure où A.B._ n’a pas pu être interpellé à sa place de stationnement puisqu’il a fui à vive allure la police lorsqu'elle lui a demandé de se légitimer, causant par la suite près de vingt-quatre infractions au code de la route. Toutefois, le témoin W._ a indiqué que l’appelant était nerveux, anxieux et inquiet et qu’il semblait être drogué (PV aud. 2). X._, serveuse au [...], a également expliqué qu’elle avait trouvé l’appelant bizarre, bien qu’il n’ait pas consommé d’alcool dans l’établissement (PV aud. 3). Au vu du comportement de l’appelant le 26 août 2012 et de la quantité d’infractions commises, il ne fait aucun doute que si la police avait pu l’interpeller, elle aurait contrôlé son état.
Partant, c’est à juste titre que l’appelant a été condamné pour dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire.
5.
L’appelant conteste la quotité de la peine qui lui a été infligée.
5.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 lV 6 c. 6.1).
5.2
Selon l’art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits.
Le juge doit poser, pour l’octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l’auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l’accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d’une appréciation d’ensemble, tenant compte des circonstances de l’infraction, des antécédents de l’auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l’état d’esprit qu’il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l’ensemble du caractère de l’accusé et ses chances d’amendement. Il n’est pas admissible d’accorder un poids particulier à certains critères et d’en négliger d’autres qui sont pertinents (cf. ATF 134 IV 5 c. 4.2.1; ATF 128 IV 193 c. 3a; 118 IV 97 c. 2b).
La commission d’un crime ou d’un délit durant le délai d’épreuve n’entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Seul un pronostic défavorable peut justifier la révocation. A défaut d’un tel pronostic, le juge doit renoncer à celle-ci. Autrement dit, la révocation ne peut être prononcée que si la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l’épreuve (ATF 134 IV 140 c. 4.2 et 4.3). Lors de l’examen de l’éventuelle révocation du sursis pour une peine privative de liberté, il y a également lieu de tenir compte du fait que la nouvelle peine est prononcée avec ou sans sursis. Le juge peut notamment renoncer à révoquer le sursis si une peine ferme est prononcée et, à l’inverse, lorsque le sursis est révoqué, compte tenu de l’exécution de la peine, cela peut conduire à nier un pronostic défavorable. L’effet préventif de la peine à exécuter doit ainsi être pris en compte (ATF 134 IV 140 c. 4.5).
5.3
La culpabilité de l’appelant est lourde. Les infractions commises sont multiples et les faits graves. A charge, on peut retenir le manque de scrupules effarant, l’attitude détestable du prévenu, l’absence totale de prise de conscience, sa volonté à ne pas assumer ses responsabilités et la grave mise en danger de la sécurité d'autrui. L’appelant a multiplié les mensonges et les modes de défense absurdes. A 26 ans, il a déjà trois antécédents en matière de LCR, soit trois condamnations pour violations graves, la première en 2009, la deuxième en 2011 et la troisième rendue en février 2014. On ne discerne pas d’éléments à décharge.
Au regard de ces éléments, la peine prononcée par le premier juge est adéquate et doit être confirmée. Le pronostic est clairement défavorable, de sorte que le sursis ne saurait être accordé et le sursis accordé par la Chambre pénale de Genève le 21 mars 2011 doit être révoqué.
6.
En définitive, l’appel de A.B._ est rejeté et le jugement rendu le 26 novembre 2013 par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne est confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, par 1’610 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de A.B._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
62063f38-13c5-4a77-9f1e-529115806c4d | En fait :
A.
Par jugement du 7 juillet 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré A._ du chef d'accusation de faux dans les certificats (I); l'a condamné, pour infraction à la Loi fédérale sur les étrangers, contravention et infraction grave à la Loi fédérale sur les stupéfiants et blanchiment d'argent, à 5 (cinq) ans de peine privative de liberté, sous déduction de 410 (quatre cent dix) jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de 500 fr. (cinq cents), la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif étant fixée à 5 (cinq) jours (II); a condamné V._, pour infraction à la Loi fédérale sur les étrangers, contravention et infraction grave à la Loi fédérale sur les stupéfiants, à 4 (quatre) ans de peine privative de liberté, sous déduction de 410 (quatre cent dix) jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de 500 fr. (cinq cents), la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l'amende étant fixée à 5 (cinq) jours (III), a ordonné le maintien en détention de A._ et V._ pour des motifs de sûreté (IV); a ordonné la confiscation et la dévolution à l'Etat de l'argent séquestré (2'100 fr, 1'500 fr. et 607 fr. 20) sous fiche n° 1820 et de l'argent séquestré (100 fr. 50, 500 fr. et 75 €) sous fiche n° 1821 (V); a ordonné la confiscation et la destruction des objets séquestrés sous fiches n° 1826 et 1830 (VI); a mis à la charge d'A._ une partie des frais de justice, arrêtée à 30'113 fr. 60, y compris l'indemnité allouée à son conseil d'office Me Chanson, par 4'500 fr., TVA et débours compris (VII); a mis à la charge de V._ une partie des frais de justice arrêtée à 18'672 fr. 40, y compris l'indemnité allouée à son conseil d'office, Me Patrice Girardet, par 3'500 fr., TVA et débours compris (VIII); a dit que le solde des frais de justice était laissé à la charge de l'Etat (IX) et que le remboursement à l'Etat des indemnités allouées aux conseils d'offices sous chiffres VII et VIII ci-dessus ne sera exigible que si la situation économique des prévenus le permet (X).
B.
En temps utile, V._ et A._ ont interjeté appel contre ce jugement. V._ a conclu à sa réforme en ce sens qu'il est condamné pour un trafic de drogue portant sur 689,9 g, soit 243,62 g net de drogue et que son bon comportement en prison est pris en compte pour atténuer la peine qui doit être assortie du sursis. A._ a conclu à la réforme du jugement en ce sens qu'il est condamné pour un trafic de drogue portant sur 640 g et à la réduction de la peine infligée en conséquence.
Le 24 août 2011, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne n'a présenté ni demande de non-entrée en matière ni appel joint. Il s'en est remis à justice quant à la recevabilité des appels.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1
V._ est né le 30 janvier 1991 au Zimbabwe, pays dont il est ressortissant. Elevé par ses parents, il a suivi sa scolarité mais n’a pas terminé l’école secondaire. Au décès de son père, V._ a quitté son pays pour la Suisse dans l’idée d’y trouver un travail. Le prévenu a déclaré percevoir une rente mensuelle de 280 fr. de la part de l’EVAM. Après avoir dû quitter le centre pour requérants à Crissier, cet organisme lui aurait trouvé un appartement de deux pièces, à Cossonay, dont il assumait de surcroît les frais. Selon le prévenu, son père aurait été tué et sa propre vie aurait alors été en danger, au Zimbabwe. Sa mère et ses frères et sœurs vivent toujours là-bas. V._ n’a personne à charge.
Le casier judiciaire suisse de ce prévenu est vierge de toute inscription.
Placé en détention provisoire depuis le 24 mai 2010 en raison des faits dont il sera question ci-dessous, V._ a été placé à la prison de la Croisée. Le 20 juin 2011, le directeur de cet établissement pénitentiaire a rendu un rapport tout à fait élogieux au sujet de ce prévenu (pièce 72). Discret, poli et correct, respectueux des règles d’hygiène et des directives de la prison, V._ n’a fait l’objet d’aucune sanction disciplinaire et n’a pas eu d’ennuis avec ses codétenus. Il a tout d’abord travaillé à l’atelier poterie, puis a rejoint la buanderie. Il s’est bien intégré à l’équipe. Son travail est de qualité. Il a suivi des cours de français durant 9 mois, ainsi que des cours de dactylographie et d’informatique, de manière assidue.
1.2
A._ est né le 27 août 1982 au Nigéria, pays dont il est ressortissant. Elevé par ses parents dans son pays, il a suivi une formation dans une école technique pour être droguiste et a ouvert sa propre affaire. Le père du prévenu aurait fait partie d’une société secrète, au Nigéria. Il aurait été convenu qu’à son décès un de ses fils prenne sa place au sein de cette société. A la mort du père ni le prévenu, ni son frère n’étaient intéressés. Les deux frères auraient reçu des menaces, les informant qu’en cas de refus de leur part, ils en subiraient les conséquences. Au décès de son frère dans un accident de voiture, que A._ considère comme suspect, ce dernier a décidé de quitter son pays pour venir en Suisse. Le prévenu a déclaré que s’il restait ici et qu’il n’avait pas de travail, il pourrait à nouveau toucher à la cocaïne et il ne veut pas retourner en prison, où il n’a jamais été auparavant. Il a également observé qu’il n’avait ni femme, ni famille et qu'en cas de retour au Nigéria, il reprendrait son commerce.
Le casier judiciaire suisse de A._ est vierge de toute inscription.
Le prévenu a été placé en détention préventive depuis le 24 mai 2010, en raison des faits dont il sera question ci-dessous. La demande d’exécution de peine anticipée déposée par ses soins a été acceptée. Il a alors été incarcéré à la prison de Bellechasse, dès le 8 mars 2011.
2.
2.1
V._ et A._ ont demandé l'asile en Suisse respectivement le 13 février et le 7 avril 2009. Leurs requêtes ont été rejetées le
19 mai 2009 pour A._ et le 11 septembre 2009 pour V._. Du
9 octobre 2009, date de l'entrée en force de la décision de rejet le concernant,
au 25 mai 2010, date de son arrestation, V._ a séjourné illégalement en Suisse. Du 3 juin 2009, date de l'entrée en force de la décision de rejet le concernant, au jour de son arrestation le 25 mai 2010, A._ a séjourné illégalement en Suisse. V._ et A._ ont admis ces faits.
2.2
Depuis qu'il est en Suisse et jusqu'à son interpellation, V._ a continué à fumer de l'herba cannabis en quantités exactes indéterminées. De plus, il a consommé de la cocaïne, par voie nasale, à raison de 3 fois par semaine en moyenne. Le prévenu a admis ces faits.
2.3
Dans la région lausannoise, entre mars et le 24 mai 2010, V._ a œuvré en étroite collaboration avec A._ dans un trafic de cocaïne.
Dans leur rapport de synthèse du 29 septembre 2010 (P. 25), les inspecteurs T._ et Z._ indiquent que, à la suite d’informations confidentielles, des écoutes téléphoniques ont été placées dès février et mars 2010 sur les portables de deux revendeurs de cocaïne surnommés « U._ » et « I._ ». Ces derniers n’ont pas été arrêtés à ce jour. Les conversations enregistrées ont permis d’établir que l’un de ces revendeurs lausannois se fournissait auprès du surnommé « C._ » ou « G._», soit A._. Aux débats, V._ a admis qu’il surnommait A._ "G._". Ce dernier a également admis que plusieurs personnes l’appelaient de la sorte. Enfin, V._ a également admis aux débats de première instance qu'il était surnommé « H._ ». Les numéros de téléphone [...], [...], [...], [...] et [...] utilisés par A._, puis le numéro [...] utilisé par V._ ont dès lors fait l'objet de contrôles.
Comme il a pu être établi que, le 24 mai 2010, une mule, K._, devait venir livrer de la cocaïne à V._ au café [...] à Lausanne, un dispositif a été mis en place de manière à interpeller au lieu de la livraison les précités, ainsi que A._, au café [...] à Cossonay.
Au moment de son interpellation, V._ détenait deux téléphones dont les numéros attribués étaient le [...] et le [...]. Les contrôles téléphoniques ont en outre permis d'établir que ce prévenu utilisait également un troisième téléphone dont le numéro était le [...] (P. 25 et 26). V._ a reconnu sa voix aux débats de première instance. Lors de la visite de son domicile officiel à Cossonay X._ a été interpellé. La fouille des lieux a permis de découvrir : environ 80 g de cocaïne sous forme de 7 fingers, 75 €, 500 fr., deux supports de carte SIM pour les numéros [...], [...] (sous contrôle téléphonique et utilisés par A._, qui a reconnu sa voix aux débats de première instance), un support de carte SIM pour le numéro [...] (utilisé par V._), un document du SPOP au nom de A._, divers téléphones mobiles, papiers, pièces d’identité (au nom de V._ et X._ notamment) et calepins comportant des inscriptions de comptabilité. Lors de la visite domiciliaire effectuée à Cossonay, deux bidons de poudre de lait vides ont été découverts, sachant que le lactose peut être utilisé comme produit de coupage de la cocaïne.
Une visite domiciliaire effectuée dans l'appartement qu'utilisait A._ au ch. [...] à Lausanne, a permis de découvrir un sachet de marijuana, 2'100 fr., 1'500 fr., divers téléphones portables, un papier au nom de V._ et divers papiers comportant des inscriptions de comptabilité.
Il est constant que les prévenus ont transité dans les deux appartements susmentionnés.
Lors de son arrestation, V._ avait dissimulé dans son rectum de la cocaïne, sous forme de 3 boulettes (masse nette totale d’environ 3,3 g), un petit cylindre, ou finger (4,9 g net) et 5 fingers (d’une masse totale nette de 47,9 g), soit environ 54 g de cocaïne. A._ avait, quant à lui, dissimulé dans son rectum 8 cylindres contenant 60,4 g net de cocaïne. K._ avait livré 55 cylindres de
10 g environ chacun de cocaïne, qu’il avait placés dans une bouteille de lait.
En résumé, V._ a vendu ou détenu une quantité totale de 800 g de cocaïne, soit 270 g de cocaïne pure. Il a ainsi été en possession de 40 g le
3 avril 2010 (P. 25, p. 30), représentant 12,8 g de cocaïne pure (taux de 32%), il a procédé à la vente de 40 g respectivement le 5 avril et le 23 avril 2010 (P. 25, p. 31 et 37), représentant en tout 25.6 g de cocaïne pure (taux de 32%). Lors de son interpellation le 24 mai 2010, il détenait 56, 1 g de cocaïne (P. 21), représentant
27,9 g de cocaïne pure (taux moyen compris entre 24,9% et 40,5 %). Toujours
le 24 mai 2010, il a réceptionné 544,8 g de drogue, livrée par K._, soit
189,8 g de cocaïne pure (P. 21). V._ a admis que son trafic a porté sur 689,9 g de drogue pure.
S'agissant de A._, il est notamment ressorti de l'enquête policière qu'il avait vendu ou réceptionné une quantité totale de 1'100 g de cocaïne, soit au taux de 32% une quantité de 352 g de drogue pure et non une quantité de 1'080 g de cocaïne représentant 341 g comme retenu à la suite d'une erreur de calcul, par les premiers juges (cf. jgt., pp 41 et 42). Il a ainsi organisé avec O._ (condamnée le 11 avril 2011 [Pièce 67]) la livraison en Suisse de 500 g de cocaïne en provenance de l'Espagne, soit 160 g de cocaïne pure, dite livraison n'ayant finalement pas eu lieu. Par ailleurs, entre les mois de mars et avril 2010, il a vendu à diverses personnes un total de 400 g de cocaïne (20 g + 3 x 50 g + 50 g + 40 g + 2 x 20 g + 100 g) soit 128 g de cocaïne pure (au taux de 32%). Entre le 27 avril et le 12 mai 2010, il a réceptionné 140 g de cocaïne (20 g + 60 g + 60 g), soit 44,8 g de drogue pure (au taux de 32%). Enfin, lors de son interpellation, il détenait l'équivalent d'environ 60 g de drogue pure, dissimulés dans son rectum.
Les premiers juges ont également retenu que le 2 avril 2010, A._ a remis 100 g, soit 32 g de cocaïne pure (taux de 32%) à V._, que le 7 avril 2010, A._ a reçu 20 g, soit 6,4 g de cocaïne pure (taux de 32%) de V._, que le 8 avril 2010, A._ a envoyé V._ chercher et livrer 30 g, soit 9,6 g de cocaïne pure (taux de 32%), que le 4 mai 2010, V._ a livré 40 g, soit 12,8 g de cocaïne pure (taux de 32%) à A._ et enfin que le 5 mai 2010 V._ a cherché de la part de A._ 40 g, soit 12,8 g de cocaïne pure (taux de 32%). Enfin, V._ a admis être allé à Berne le 16 mai 2010 pour trouver 50 g de cocaïne (16 g de drogue pure au taux de 32%) pour A._, qu'il n'aurait finalement pas trouvée selon ses dires.
En définitive, il convient de retenir contre V._ un trafic de cocaïne portant sur 1'080 g, soit 375,6 g de drogue pure (taux de 32%) et contre A._ un trafic portant sur 1'380 g, soit 441,6 g de drogue pure.
3.
Pour ces faits, V._ a été déclaré coupable d'infraction à la Loi fédérale sur les étrangers, contravention et infraction grave à la Loi fédérale
du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (Lstup,
RS 812.121). Quant à A._, il a été déclaré coupable d'infraction à la Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr., RS 142.20), contravention et infraction grave à la LStup et blanchiment d'argent. | En droit :
1.
L’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (art. 399 al. 1 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjetés dans les formes et délais légaux contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
I. Appel de V._
3.
V._ conteste en premier lieu la quantité de cocaïne retenue à sa charge, admettant uniquement un trafic portant sur 689,9 g, soit 243,62 g de cocaïne pure. Il affirme en effet que les quantités de drogue évoquées lors de conversations enregistrées par la police en cours d'enquête doivent être comprises en terme de "boulette" et non de "finger" comme retenu – selon lui arbitrairement - par les premiers juges. L'appelant conclut que le doute sur ce point aurait dû lui profiter.
3.1
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38, c. 2a).
3.2
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
3.3
En l'occurrence, les premiers juges ont retenu que la drogue dont il était question dans les conversations téléphoniques enregistrées entre les deux appelants s'entendait en terme de "finger". Pour s'en convaincre, ils ont retenu les explications du dénonciateur T._, dont l'expérience est indéniable en matière de lutte contre le trafic de drogue. Le Tribunal a aussi tenu compte des déclarations de X._ et de celle de A._. Ils ont enfin pris en considération le fait que les deux prévenus faisaient parfois crédit à leurs acheteurs et qu'ils avaient coupé la drogue livrée avec du lactose (cf. jgt., pp. 39-40).
Les conclusions des premiers juges ne prêtent pas le flanc à la critique. A la lecture des rapports circonstanciés de la police (pièces 25 et 76) ainsi que des relevés des contrôles téléphoniques (pièce 26), on comprend que les appelants servent d'intermédiaires et qu'ils ne font pas de la vente de rue. V._ a admis en première instance que "pantalon" signifiait au moins parfois "drogue". Il a également admis lors de son audition par la police, qu'il avait acheté 10 g à 450 francs. S'il s'est rétracté à l'audience, il n'en demeure pas moins que c'est un indice supplémentaire du bien-fondé du raisonnement opéré par le dénonciateur T._ et repris par le tribunal de première instance. Comme l'a relevé le dénonciateur aux débats de première instance, il est difficile d'obtenir – les procès-verbaux d'audition de l'enquête et de l'audience en attestent – des réponses cohérentes de V._, ce qui affaiblit la valeur de la thèse qu'il tente de défendre. Le fait que les prévenus aient procédé à des mélanges (avec des grandes boîtes de lactose) est un indice de plus attestant de l'existence d'un trafic de niveau intermédiaire et non d'un trafic de rue. Enfin, et cet élément est à lui seul déterminant, les conversations entre les deux appelants ne sont pas des conversations entre un acheteur de détail et un vendeur de rue, mais bien entre deux trafiquants de niveau intermédiaire, qui vendent à des trafiquants de rue qui eux, vendent au détail.
Comme l'a relevé le dénonciateur T._, les conversations téléphoniques qui ont été enregistrées doivent être replacées dans leur contexte. Ainsi, la conversation téléphonique du 2 avril 2010 à 19h03 doit être replacée dans le contexte résultant des conversations de 17h36 et de 17h54; [...] veut des habits, qui seront payés tout de suite, mais il est difficile de suivre car tout le monde appelle et les quantités à céder sont insuffisantes (pièce 25 p. 29). Le chiffre 10 ne peut donc se rapporter à des boulettes, mais manifestement qu'à des quantités concernées par un trafic de cette ampleur, soit des fingers. Les conversations téléphoniques des 3 et 5 avril 2010 permettent de comprendre que les appelants agissent en qualité d'intermédiaires ("à mon gars", "chez mon gars") et qu'ils sont à la recherche de marchandise (pièce 25 p. 30 – 31). Là encore, il ne peut manifestement s'agir que de fingers. Le même raisonnement doit être tenu pour les conversations téléphoniques du 7 et du 8 avril 2010, la quantité retenue de 30 g étant d'ailleurs corroborée par les 2'000 fr. (ou euros) mentionnés dans la conversation qui se rapportent à la même livraison (pièce 25 p. 43). Les termes "5 doigts" ne peuvent être compris que comme "5 fingers" (pièce 25, pp 33, 35, 43 et 44). S'agissant de la conversation du
23 avril 2010, on retiendra que le terme "minutes" suit le terme "habits" dont on a déjà vu qu'il correspondait à de la drogue (pièce 25 p. 37). V._ est "chez un client" à qui il "veut lui donner". Or, le prévenu n'a pas d'autres clients que des clients en matière de stupéfiants. Il en va de même des conversations téléphoniques des
4 et 5 mai 2010, en retenant particulièrement que "5 5" ne peut que signifier 5'500 fr., de la manière dont c'est formulé, cela d'autant plus que 550 fr. ne correspond pas à un prix plausible pour quatre boulettes (pièce 25 p. 38).
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la constatation des faits retenus par les premiers juges n'est ni incomplète ni erronée. Ils ont, en outre, à juste titre conclu que V._ et son coprévenu ont, sans aucun doute possible, agi comme des trafiquants de niveau intermédiaire écoulant des fingers et non des boulettes de cocaïne comme ils le prétendent. Ce moyen, mal fondé, doit être rejeté.
4.
V._ remet en cause la quotité de la peine prononcée à son encontre. Il estime en outre que le rapport élogieux établi par le responsable de la prison ainsi que l'état de détresse dans lequel il a agi, auraient dû être retenus comme des facteurs atténuant de la peine. Il demande que soit prononcée une peine assortie du sursis.
4.1
Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier, ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Ce dernier doit exposer quels éléments il a pris en compte pour fixer la peine, de manière à ce que l'on puisse vérifier que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou aggravant. Il lui appartiendra, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, de déterminer
dans quelle mesure il y a lieu de tenir compte des divers facteurs de la peine
(JT 2010 IV 127). Le juge ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1 et les réf. citées).
Dans le domaine spécifique des infractions à la LStup, le Tribunal fédéral a, en outre, rappelé que même si la quantité de la drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important. Elle
perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la
limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de
l'art. 19 ch. 2 let. a LStup. Il en va de même lorsque plusieurs des circonstances aggravantes prévues à l'art. 19 ch. 2 LStup sont réalisées. Le type de drogue
et sa pureté doivent aussi être pris en considération. Si l'auteur sait que la drogue est particulièrement pure, sa culpabilité sera plus grande; en revanche, sa
culpabilité sera moindre s'il sait que la drogue est diluée plus que normalement
(ATF 122 IV 299 c. 2c, ATF 121 IV 193 c. 2b/aa). Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importera de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation: un simple passeur sera ainsi moins coupable que celui qui joue un rôle décisif dans la mise sur pied des opérations et qui participe de manière importante au bénéfice illicite (ATF 121 IV 202 c. 2d/cc). L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. Le délinquant qui traverse les frontières (qui sont surveillées) doit en effet déployer une énergie criminelle plus grande que celui qui transporte des drogues à l'intérieur du pays et qui limite son risque à une arrestation fortuite lors d'un contrôle; à cela s'ajoute que l'importation en Suisse de drogues a des répercussions plus graves que le seul transport à l'intérieur des frontières. Le nombre d'opérations constitue un indice supplémentaire permettant de mesurer l'intensité du comportement délictueux; celui qui écoule une fois un kilo d'héroïne sera en principe moins sévèrement puni que celui qui vend cent grammes à dix reprises. Outre les éléments qui portent sur l'acte lui-même, le juge doit prendre en considération la situation personnelle du délinquant, à savoir sa vulnérabilité face à la peine, ses obligations familiales, sa situation professionnelle, les risques de récidive, etc. Les mobiles, c'est-à-dire les raisons qui ont poussé l'auteur à agir, ont aussi une influence sur la détermination de la peine. Il conviendra ainsi de distinguer le cas de l'auteur qui est lui-même toxicomane et qui agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (ATF 122 IV 299 c. 2b). Enfin, il faudra tenir compte des antécédents, qui comprennent aussi bien les condamnations antérieures que les circonstances de la vie passée, ainsi que du comportement du délinquant lors de la procédure. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d'élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (ATF 121 IV 202 c. 2d/aa).
4.2
V._ a été condamné à une peine privative de liberté de 4 ans. En tant que son argumentation repose sur la prémisse d'une modification de la quantité de drogue retenue, elle est vouée à l'échec.
Pour le surplus, on relève que les premiers juges ont estimé la culpabilité de V._ comme particulièrement lourde, bien que légèrement inférieure à son coprévenu, A._. Ils ont retenu à charge le fait qu'il est venu en Suisse pour se livrer à un trafic de cocaïne d'envergure ainsi que les quantités de drogue en cause, représentant 31 fois le minimum requis pour retenir la circonstance aggravante de la quantité. Ils ont également retenu que V._ avait écoulé une grande quantité de drogue en très peu de temps, ce qui démontrait qu'il était très bien organisé et implanté dans cette activité délictueuse, avec des connexions auprès de grossistes étrangers. Les premiers juges ont encore relevé à charge que V._ a formé avec son comparse A._ une équipe qui pouvait se prêter main forte, pour s'assurer un ravitaillement et un écoulement de cocaïne quasi constant et que les infractions étaient en concours.
A décharge, le tribunal de première instance a tenu compte des aveux partiels, de même que des regrets exprimés par V._. Son jeune âge a également été retenu, ainsi que le fait – mais dans une certaine mesure seulement - que de la cocaïne n'a pas pu être livrée ou effectivement vendue.
Le bon comportement en détention, qui n'a rien d'exceptionnel, est un élément neutre concernant la fixation de la peine et l'appelant ne peut se prévaloir de ce comportement pour conclure que la peine prononcée est excessivement sévère. Au surplus, il n'y a pas de détresse dans le fait de venir en Suisse, puis d'y rester sans autorisation de séjour pour procéder à un trafic de drogue dure de grande ampleur.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, la quotité de la peine prononcée est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle. Elle ne relève ni d’un abus ni d’un excès du pouvoir d’appréciation dont jouit l’autorité de première instance, laquelle n’a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l’art. 47 CP. Ces moyens, mal fondés, doivent être rejetés.
5.
En définitive, l'appel de V._ est intégralement rejeté et le jugement de première instance confirmé.
II. Appel de A._
6.
A._ conteste la quantité de cocaïne retenue à sa charge, admettant uniquement un trafic portant sur 689,9 g, soit 243,62 g de cocaïne pure. Il affirme que les quantités de drogue évoquées lors de conversations enregistrées par la police en cours d'enquête doivent être comprises en terme de "boulette" et non de "finger" comme retenu – selon lui arbitrairement - par les premiers juges. Il fait référence aux incohérences que contiendrait, selon lui, le rapport de police établi par le dénonciateur T._.
Comme on l'a déjà vu (cf. consid. 3.3), le dénonciateur T._ a expliqué qu'il convenait d'interpréter les conversations téléphoniques en les replaçant dans leur contexte. Il n'y a aucune incohérence à cela, d'autant plus que le dénonciateur est une personne expérimentée en matière de lutte contre le trafic de drogue. Fondés sur cette expérience et sur l'ensemble des éléments du dossier déjà soulevés ci-dessus (cf. consid. 3.3), les premiers juges ont retenu à raison que A._ et V._ ont agi comme deux trafiquants de niveau intermédiaire et non comme des vendeurs de rue. Par conséquent, les quantités de drogues écoulées ne peuvent s'entendre qu'en terme de finger et non de boulette comme le soutient l'appelant. Ce moyen, mal fondé, ne peut qu'être rejeté.
7.
A._ remet en cause la quotité de la peine prononcée à son encontre, qu'il juge trop sévère au vu de la quantité de drogue qu'il admet avoir écoulé.
7.1
Les premiers juges ont condamné A._ à une peine privative de liberté de 5 ans. En tant que l'argumentation de A._ repose sur la prémisse d'une modification de la quantité de drogue retenue, elle est vouée à l'échec.
Au surplus, on relève que les premiers juges ont retenu à charge que la culpabilité de A._ est particulièrement lourde, qu'il est venu en Suisse dans l'unique but de se livrer à un trafic de cocaïne et d'en retirer un substantiel bénéfice. Ils ont retenu la très importante quantité de drogue écoulée en l'espace de deux mois, à savoir 37 fois le minimum requis pour retenir la circonstance aggravante de la quantité. Les premiers juges ont tenu compte du fait que l'appelant était très bien organisé, qu'il avait différents téléphones mobiles et pouvait être hébergé dans différents lieux, qu'il avait différents contacts avec d'importants grossistes à l'étranger et qu'il avait formé avec V._ une équipe qui pouvait se prêter main forte, pour s'assurer un ravitaillement et un écoulement de cocaïne quasi constant. Il a également été retenu à charge que, droguiste de formation, A._ s'était investi avec conscience et volonté dans ses activités délictueuses, alors qu'il était parfaitement au courant du danger que représente la cocaïne. Enfin, les premiers juges ont relevé que les infractions étaient en concours.
A décharge, le tribunal de première instance a pris en considération les aveux très partiels de l'appelant ainsi que les regrets exprimés et les excuses présentées. Il a également été retenu, dans une certaine mesure seulement, le fait qu'une partie de la cocaïne n'a pas pu être livrée ou effectivement vendue.
7.2
Au vu de l’ensemble de ces éléments, la quotité de la peine contestée est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle. Elle ne relève ni d’un abus ni d’un excès du pouvoir d’appréciation dont jouit l’autorité de première instance, laquelle n’a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l’art. 47 CP. Elle sera donc confirmée.
8.
En définitive, les appels sont intégralement rejetés et le jugement de première instance confirmé.
Compte tenu de l'issue de la procédure, les frais de la procédure d'appel par 2'460 fr. (deux mille quatre cent soixante francs) arrêtés en application des art. 21 et 23 TFJP (Tarif des frais judiciaires pénaux, RSV 312.03.1), doivent être mis par moitié chacun à la charge des appelants (art. 428 al. 1 CPP).
Une indemnité de défense d'office pour la procédure d'appel est allouée par 1'749 fr. 60 (mille sept cent quarante neuf francs et soixante centimes), TVA comprise, à Me Chanson et par 972 fr. (neuf cent septante deux francs), TVA comprise, à Me Boillet. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
625bf742-5889-432c-8e55-23c89b65aa28 | En fait :
A.
Par jugement du 26 septembre 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a libéré G._ de l'accusation d'homicide par négligence (I), libéré T._ de l'accusation d'homicide par négligence (II), renvoyé Z._ et D._ à agir devant le juge civil (III), dit que les frais de procédure sont laissés à la charge de l'Etat et comprennent l'indemnité due à Me Jean-Pierre Bloch, conseil d'office de Z._ et D._, dont le montant est fixé à 5'837 fr. 40 (cinq mille huit cent trente-sept francs et quarante centimes), débours et TVA compris (IV), dit que l'Etat versera à G._ une indemnité à forme de l'art. 429 CPP dont le montant est fixé à 6'000 fr. (six mille francs) (V), dit que l'Etat versera à T._ une indemnité à forme de l'art. 429 CPP dont le montant est fixé à 6'000 fr. (six mille francs) (VI) et dit qu'aucune indemnité à forme de l'art. 433 CPP n'est due à Z._ et D._ (VII).
B.
Par courrier du 1
er
octobre 2012, le Ministère public a annoncé faire appel de ce jugement. Dans sa déclaration motivée du 23 octobre 2012, il a conclu à l'admission de l'appel et à la modification des chiffres IV à VI du jugement, en ce sens que les frais de procédure, y compris l'indemnité due au conseil des parties plaignantes, sont mis par deux tiers à la charge de G._ et un tiers à la charge de T._, sous réserve d'un montant de 6'702 fr. 35 qui est laissé à la charge de l'Etat, et qu'aucune indemnité fondée sur l'art. 429 CPP n'est allouée aux prévenus libérés.
Les intimés n'ont pas déposé d'appel joint, ni requis la non-entrée en matière.
Par avis du 21 novembre 2012, le Président de céans a informé les parties que l'appel sera traité en procédure écrite, dès lors qu'il ne porte que sur des frais et indemnités, et leur a imparti un délai, prolongé au 17 décembre 2012, pour déposer un mémoire motivé.
Par acte du 17 décembre 2012, G._ a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement de première instance.
Par mémoire du 17 décembre 2012, T._ a également conclu, avec dépens, au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
G._ est né le 19 mars 1957, à [...]. Marié à [...] et père de trois enfants âgés respectivement de 23, 21 et 18 ans, il exerce l'activité de médecin généraliste, à [...]. Après avoir obtenu son diplôme de médecine en 1982, il a terminé sa spécialisation en médecin générale en 1991, puis une spécialisation en médecine du travail 3 ou 4 ans plus tard. En 1992, il a ouvert son propre cabinet. Son activité d'indépendant lui procure un revenu annuel net d'environ 160'000 francs. Son épouse travaille comme employée du cabinet et réalise un salaire net de l'ordre de 45'000 fr. par an. G._ est locataire de l'appartement qu'il occupe avec sa famille, à [...], dont le loyer mensuel s'élève à 2'800 fr., montant auquel s'ajoutent les charges, par 275 francs. Sa charge fiscale mensuelle est de l'ordre de 2'800 fr., ses charges d'assurance-maladie de l'ordre de 460 francs. Il n'a pas de dettes.
Depuis 1993, G._ assure le suivi à son cabinet de patients toxicomanes. En 1997, a été créée, à [...], la structure " I._ " , centre ambulatoire offrant des prestations sociales et médicales aux personnes toxico-dépendantes. Depuis cette époque, G._ travaille en qualité de médecin consultant pour cette structure. Dans ce cadre, il donne des consultations aux personnes suivies par " I._ " à la fréquence d'un après-midi tous les 15 jours. Il estime qu'il suit à son cabinet une dizaine de patients se trouvant sous cure de méthadone et que, dans le cadre d' " I._", il suit une cinquantaine de patients en cure. D'après le Directeur d' " I._", G._ est apprécié pour sa rigueur, sa grande expérience, son bon sens, son humanité et son ouverture à travailler en réseau dans des situations souvent difficiles. Quant à la Dresse [...], responsable du centre de [...], unité de toxico-dépendance du CHUV, à Lausanne, elle a déclaré connaître G._ depuis des années, dès lors qu'il était actif dans le domaine de la prise en charge des personnes toxico-dépendantes depuis longtemps et membre de l'association vaudoises des médecins concernés par la toxico-dépendance. Elle a par ailleurs déclaré connaître la pratique du prévenu et le considérer comme un bon médecin.
Le casier judiciaire de G._ ne comporte aucune inscription.
2.
T._ est née le 24 novembre 1983, à [...]. Célibataire, sans enfant, elle a suivi des études de pharmacie, qui ont pris fin par l'obtention, en 2009, de son diplôme universitaire. Sitôt sa formation terminée, elle a été engagée, avec effet au 1
er
janvier 2010, par la Pharmacie [...], en qualité de pharmacienne adjointe. Elle est responsable de la vente, notamment du contrôle des ordonnances. Elle est aussi responsable du laboratoire et du contrôle des stupéfiants. Son directeur la décrit comme une collaboratrice compétente, consciencieuse, rigoureuse, et avec laquelle il a du plaisir à travailler, son activité étant reconnue et appréciée par ses collègues et par le personnel de l'officine. Le salaire annuel net de T._ est de l'ordre de 68'000 francs. Elle loge dans un appartement, dont le loyer s'élève à 1'900 fr. par mois plus les charges, par 140 francs. Sa prime d'assurance maladie s'élève à 215 fr. par mois, ses impôts à environ 650 francs. Elle n'a pas de dettes.
Le casier judiciaire de T._ ne comporte aucune inscription.
3.
À [...], le 4 décembre 2010, entre 08h00 et 08h30, H._ et X._ sont entrés, bouteilles de bière à la main, dans la Pharmacie [...].X._ s'est adressé à la pharmacienne, T._, à laquelle il a sèchement réclamé de la méthadone et des Dormicum, en proposant d'abord de les payer, puis en menaçant de tout casser dans l'officine s'il n'obtenait pas ce qu'il était venu chercher. Devant le refus de la précitée, X._ a prétendu s'appeler W._, être suivi par le Dr. G._, à [...], et suivre le programme " I._" à l'Hôpital de Morges. T._ a dès lors contacté par téléphone le Dr. G._, auquel elle a exposé la situation, précisant que le client était W._, qu'il était patient d' " I._", qu'il se trouvait vraisemblablement sous l'emprise de l'alcool et/ou de stupéfiants et qu'il se montrait assez agressif. G._, que l'appel téléphonique avait réveillé, a demandé à s'entretenir avec le jeune homme. Après cinq à sept minutes de conversation, trouvant les explications du jeune homme – qui n'était aucunement un de ses patients – confuses mais crédibles, le médecin a donné comme instruction à la pharmacienne de remettre au patient deux doses de 30 ml de méthadone, l'une à consommer de suite et l'autre à emporter pour le lendemain, sans préciser le dosage en mg, mais ayant à l'esprit un concentration de 0.25%. T._ a dès lors remis un gobelet contenant 30 ml de méthadone, mais concentrée à 1% (selon la nouvelle prescription en vigueur depuis le 1
er
mai 2010), à X._. Celui-ci a saisi le gobelet et a senti le liquide. Etonnée par ce comportement, T._ a demandé à X._ s'il prenait bien de la méthadone à 1%. Celui-ci a acquiescé et a bu entre un tiers et la moitié du contenu du gobelet de méthadone. T._a de plus remis à X._ "la dose du week-end" dans une petite bouteille en plastique blanc.
Les deux jeunes gens ont ensuite quitté la pharmacie, sont montés dans la voiture de H._ et ont pris la direction de Lausanne. Vraisemblablement à ce moment, X._ a absorbé de la cocaïne. Au cours du trajet, il a commencé à montrer des signes d'endormissement. [...]a stationné son véhicule au parking de la [...] et s'est rendu chez le coiffeur, non sans avoir demandé à son ami s'il voulait l'accompagner, proposition qu celui-ci a déclinée. A son retour à la voiture, H._ a constaté que X._ avait perdu connaissance (il n'arrivait pas à le réveiller), que du sang coulait de son nez et que sa respiration faisait un bruit de râle. Il a dès lors tenté de conduire son ami aux urgences, mais s'est perdu en ville de [...]. Il a finalement stoppé la voiture et demandé l'aide d'un passant afin qu'il appelle une ambulance. Les ambulanciers et le SMR dépêchés sur place ont pratiqué une réanimation cardio-respiratoire avant d'acheminer X._ aux urgences du CHUV. Le précité est décédé.
Vers 09h00, ayant réalisé qu'il y avait peut-être eu une méprise quant à la concentration de la méthadone remise au patient, G._ a recontacté la pharmacienne. T._ lui a confirmé que la méthadone délivrée à X._ était concentrée à 1% mais a relevé qu'il n'en avait bu que la moitié environ sur les 30 cc. Après avoir effectué un rapide calcul basé sur une prise de 10 cc, le médecin en a conclu que la dose de méthadone ingurgitée par le patient n'était pas dangereuse, mais qu'en revanche la "dose du week-end" posait problème. Inquiète pour le jeune homme, T._ a dès lors tenté de contacter " I._", puis la centrale des médecins de garde et le servie de toxicologie du CHUV, sans succès.
Le 6 décembre 2010, G._ a contacté à son tour " I._" afin de renseigner le central social sur les faits relatés ci-dessus. Il a ainsi appris que le dénommé W._ était inconnu dudit centre.
4.
Dans le cadre de l'expertise médico-légale du 26 août 2011, les experts ont conclu que le décès de X._, âgé de 22 ans, était consécutif à une intoxication aiguë à la méthadone et à la cocaïne, chez une personne ne consommant pas habituellement de la méthadone. En outre, l'existence d'une problématique cardiaque a été révélée. Sur la base de ces constats, les experts ont indiqué qu'il était impossible de départager précisément le rôle de la méthadone ingérée par X._ de celui de la prise chronique et récente de cocaïne (P. 30). Dans un rapport complémentaire, les experts ont une nouvelle fois confirmé leurs conclusions (P. 37).
5.
Les 13 avril et 8 juillet 2011, le père et la mère de X._, D._ et Z._, ont déclaré vouloir participer à la procédure pénale comme demandeurs au pénal et au civil (P. 12 et 26). | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les formes et délai légaux contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Conformément à l'art. 406 al. 1 let. d CPP, l'appel est traité en procédure écrite étant donné que seuls les frais et les indemnités sont attaqués par l'appelant dans le cas d'espèce.
4.
4.1
En l'espèce, le Ministère public considère que G._ et T._ont provoqué de manière illicite et fautive l'ouverture des poursuites pénales dirigées à leur encontre. De ce fait, les intimés doivent être condamnés au paiement des frais de procédure (art. 426 al. 2 CPP) et aucune indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP ne doit leur être allouée.
S'agissant d'une prescription de méthadone à un patient toxicomane, les premiers juges ont constaté que le Dr. G._ avait commis une violation de son devoir de prudence en omettant d'indiquer à T._ la concentration de la solution qu'il entendait prescrire (jgt., p 51 sv). Ils ont également considéré que cette pharmacienne avait fautivement violé son devoir de prudence en ne s'assurant pas auprès du Dr. G._ de la concentration du produit prescrit (jgt., p 52). Toutefois, le décès pouvant résulter d'une autre cause que l'intoxication à la méthadone prescrite et délivrée, ils ont prononcé un double acquittement, le rapport de causalité naturelle n'étant pas établi avec certitude (jgt., p. 55-58).
S'agissant des frais, les juges ont toutefois considéré qu'il n'était pas établi que G._ et T._ auraient provoqué, d'une manière illicite et fautive, l'ouverture de la procédure ou qu'ils l'auraient rendue plus difficile, si bien que les frais devaient être laissés à la charge de l'Etat (jgt., p. 58 in fine). Par ailleurs, ils ont alloué à chacun des prévenus une indemnité selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP d'un montant de 6'000 francs (jgt., p. 59).
4.2
Aux termes de l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge notamment s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure.
Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'autorité pénale peut toutefois réduire ou refuser l'indemnité si le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure (art. 430 al. 1 let. a CPP).
Les principes qui régissent la condamnation aux frais d'un prévenu libéré (art. 426 al. 2 CPP) valent également, mutatis mutandis, pour le refus d'une indemnité au sens de l'art. 430 al. 1 let. a CPP (TF 1B.179/2011 du 17 juin 2011 c. 4.2; J. Pitteloud, Code de procédure pénale suisse, Commentaire à l'usage des praticiens, 2012, n. 1314). Ainsi, le sort réservé aux frais est en règle générale le même que pour les indemnités (ATF 137 IV 352 c. 2.4.2; J. Pitteloud, op.cit., n. 1335)
.
Selon l'arrêt du Tribunal fédéral du 22 octobre 2012 (TF 6B_331/2012), la condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit respecter la présomption d'innocence, consacrée aux art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101) et 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101). Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. A cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (ATF 119 Ia 332 c. 1b; 116 Ia 162 c. 2c). Ces considérations valent mutatis mutandis lorsque le tribunal refuse d'allouer une indemnité au prévenu en cas de procédure se soldant sans condamnation (cf. ATF 115 Ia 309 c. 1a ; arrêt 6B_215/2007 du 2 mai 2008 c. 6).
Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais ou le refus d'une indemnité, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO (ATF 119 Ia 332 c. 1b ; 116 Ia 162 c. 2c). Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 119 Ia 332
ibidem
; 116 Ia 162 c. 2d). L'acte répréhensible doit en outre se trouver dans une relation de causalité adéquate avec l'ouverture de l'enquête ou les obstacles mis à celle-ci. Tel est notamment le cas lorsque le comportement du prévenu, violant clairement des prescriptions écrites cantonales, était propre à faire naître, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le soupçon d'un comportement punissable justifiant l'ouverture d'une enquête pénale (ATF 116 Ia 162 c. 2c). Enfin, une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation (TF 6B_331/2012
ibidem
; ATF 116 Ia 162 c. 2c).
Sur la base des principes précités, la jurisprudence a régulièrement admis qu'un comportement contraire à une disposition légale peut, sans violation de la présomption d'innocence, être retenu pour justifier la mise à charge des frais, respectivement le refus d'indemnité, même si l'action pénale pour l'infraction correspondante n'a pas abouti à une condamnation (cf. TF 6B_331/2012
ibidem
; 6B_143/2010 du 22 juin 2010 c. 3.1; 1P.584/2006 du 22 décembre 2006 c. 9.3).
Il convient dès lors d'examiner si les prévenus ont adopté un comportement fautif et contraire à une règle juridique et de ce fait, commis une faute civile.
4.3.
4.3.1
En l'espèce, comme le souligne l'appelant, le Dr. G._ a tout d'abord commis une faute professionnelle en enfreignant l'art. 43 OStup (ordonnance sur les stupéfiants du 29 mai 1996 dans sa version modifiée du 17 octobre 2001 [RO 2001 3133], ordonnance abrogée et remplacée dès le 1
er
juillet 2011 par l'ordonnance sur le contrôle des stupéfiants du 25 mai 2011, OCStup, RS 812.121.1) qui prévoyait que les médecins ne peuvent prescrire des stupéfiants qu'aux patients qu'ils ont examinés eux-mêmes (al. 1). Au lieu de s'en tenir à une communication par téléphone, G._ aurait donc dû examiner personnellement X._, qui n'était pas son patient, et auquel il entendait prescrire de la méthadone. En outre, cette même disposition précisait que la prescription de stupéfiants doit porter la signature manuscrite du médecin et que le document correspondant est joint au dossier médical du patient (al. 3). La règle de la prescription limitée aux patients personnellement examinés par le médecin prescripteur a par ailleurs été reprise à l'art. 46 OCStup.
Conformément au chiffre 5 ("méthadone (chlorhydrate de) – solution buvable et comprimés") des Directives du médecin cantonal concernant la prescription, la dispensation et l'administration des stupéfiants destinés à la prise en charge de personnes dépendantes (état au 01.05.2010; P. 23), "
la prescription se fera sous forme liquide. Pour assurer une unité de doctrine et éviter des confusions, toute prescription sera administrée de routine sous forme de solution de méthadone 1% Ph.Helv. (1 cc de solution = 10 mg de méthadone HCI) mélangée à un liquide approprié (sirop) avant l'administration afin d'éviter le risque d'injection. La prescription se fera en mg de méthadone HCI. Il est demandé de fournir la méthadone dans des flacons de sécurité et étiquetés avec indication du contenu
".
A cet égard également, G._ a commis une faute. Il a non seulement donné des instructions en millilitres, mais de surcroît, a omis d'indiquer le taux de concentration du stupéfiant. Dans l'examen d'éventuelles fautes civiles, il n'est pas déterminant, comme indiqué ci-dessus, que le juge pénal ait écarté certaines fautes pénales dans son analyse des éléments constitutifs de l'infraction d'homicide par négligence.
4.3.2
Quant à T._, elle a également adopté un comportement qui enfreignait certaines règles applicables à son domaine d'activité. En effet, le règlement sur l'exercice des professions de la santé du 10 septembre 2003 applicable au moment des faits (REPS, abrogé par le règlement du 26 janvier 2011, RSV 811.01.1) prévoyait à son article 33, intitulé "ordonnances médicales", que lorsqu'une ordonnance n'est pas clairement rédigée, lisible, datée
et signée, ou si la dose prescrite s'écarte de la dose usuelle, ou si elle paraît contenir une erreur, le pharmacien est tenu, avant de l'exécuter, d'en avertir l'auteur.
En l'espèce, T._ n'a pas respecté ces règles. En effet, si la dose de maintenance se situe habituellement entre 20 et 100 mg par jour selon le chiffre 6 des Directives cantonales précitées, la première dose ne doit quant à elle pas dépasser 30 mg. Or, cette pharmacienne a délivré 30 ml à 1%, soit 300 mg, ce qui correspond à un dosage dépassant très largement tant la limite de la dose initiale que le plafond de la dose habituelle. Dans ces circonstances, T._ aurait ainsi dû recontacter le Dr. G._ pour obtenir une confirmation de sa part.
4.4
Les fautes commises par les deux intimés, qui ont par ailleurs eu conscience d'avoir commis des erreurs, ont eu pour effet d'orienter immédiatement l'enquête pénale à leur encontre, compte tenu principalement de l'extrême proximité temporelle entre la commission de ces fautes et la survenance du décès de la victime. Ces violations étaient manifestement propres à faire naître, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le soupçon d'un comportement punissable justifiant l'ouverture d'une enquête pénale.
A cet égard, on ne saurait reprocher au Ministère public, qui s'est conformé à l'adage
in dubio pro dubiore
, de ne pas avoir interrompu le cours des investigations par un classement, au lieu de poursuivre l'instruction et renvoyer l'affaire en jugement.
Ces fautes sont manifestement en rapport de causalité avec l'ouverture de l'enquête à l'encontre des intimés ainsi que son déroulement. Il se justifie par conséquent de leur faire supporter une partie des frais de procédure et leur refuser toute indemnisation pour leurs frais de défense, en application des art. 426 al. 2 et 430 al. 1 let. a CPP.
4.5
Compte tenu de la gravité respective des fautes commises, notamment de la responsabilité première du médecin qui ordonne et celle secondaire du pharmacien qui contrôle et exécute, il convient de mettre les frais de la procédure de première instance à raison de deux tiers à charge de G._ et d'un tiers à charge de T._. Cependant, les frais d'autopsie par 6'698 fr. 35 et la facture de DETEC de 4 fr. doivent être laissés à la charge de l'État, dans la mesure où il s'agit de débours découlant d'opérations qui auraient de toute manière été engagées, même si les intimés avaient agi conformément à leurs devoirs.
En ce qui concerne l'indemnité due au conseil d'office des parties plaignantes d'un montant de 5'837 fr. 40, elle doit également être mise à la charge des prévenus, dès lors qu'ils bénéficient d'une bonne situation financière (art. 426 al. 4 CPP).
Le montant total des frais mis à la charge des intimés s'élève ainsi à 9'628 fr. 45 et comprend :
- 419 fr. 20, pour la facture de comparution de l'expert,
- 859 fr. 50, pour la facture relative au complément d'expertise,
- 1'112 fr. 35, pour la facture de l'expertise médico-légale,
- 5'837 fr. 40, pour l'indemnité du conseil d'office des parties plaignantes,
- 1'400 francs, pour les deux demi journées d'audience du Tribunal de police du 20 septembre 2012, selon le tarif fixé à l'art. 19 TFJP.
5.
Au vu de ce qui précède, l'appel du Ministère public doit être admis.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel par 1'430 fr. (mille quatre cent trente francs) sont mis par moitié à la charge des intimés (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |