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---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
7584efac-e591-4518-9db3-6e87e2a79484 | En fait :
A.
Par jugement du 15 mars 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a condamné G._ à une amende de 3'000 (trois mille) fr. pour fabrication et mise sur le marché d'équipements servant à décoder frauduleusement des services cryptés et dit que la peine privative de liberté de substitution, en cas de non-paiement fautif de l'amende, sera de 30 (trente) jours (I); a mis à la charge de G._ une créance compensatrice de 50'000 fr. (II); a donné acte à K._ SAS, B._ SA, T._ SAS et M._ SA de leurs conclusions civiles (III); a dit que les objets séquestrés sous fiche 1437 sont confisqués (IV) et mis les frais de la cause par 5'515 fr. à la charge de G._ (V).
Par jugement du 6 juillet 2011, la Cour d’appel pénale a partiellement admis les appels de G._ et de B._ SA, K._ SAS, M._ SA et T._ SAS (I), annulé le jugement rendu le 15 mars 2011 par le tribunal de police et renvoyé la cause à celui-ci pour nouveau jugement dans le sens des considérants (II). Elle a considéré en substance que le prévenu s’était rendu coupable non seulement de la contravention pour laquelle il avait été condamné le 15 mars 2011 (art. 150bis CP), mais aussi d’infraction à la Loi sur le droit d’auteur (LDA ; RS 131.1) et à la Loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD ; RS 241). Le tribunal de police, à qui le dossier a été retourné, a ainsi été chargé de constater que le prévenu s’était rendu coupable de ces deux infractions et de fixer la peine.
Par arrêt du 13 décembre 2011, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a déclaré irrcevable le recours de G._ contre le jugement précité.
Par jugement du 11 février 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a notamment libéré G._ des fins de la poursuite pénale (I). Il s’est fondé, en adoptant ses motifs, sur deux arrêts rendus le 11 octobre 2012 par le Tribunal fédéral dans les causes 6B_584/2011 (ATF 139 IV 1) et 6B_156/2012, dont l’état de faits était à ses yeux identique, et où il avait été considéré que les infractions à la LDA et à la LCD n’étaient pas réalisées. Quant la contravention réprimée par l’art. 150 bis CP, le tribunal de police a constaté qu’elle était désormais prescrite.
B.
En temps utile, S._ (précédemment B._ SA), K._ SAS, M._ SA et T._ SAS ont formé appel contre ce jugement, concluant principalement à sa réforme en ce sens que G._ est reconnu coupable de fabrication et mise sur le marché d’équipements servant à décoder frauduleusement des services cryptés (art. 150bis CP), de violation des art. 67 al. 1 let. h, 69 al. 1 let. g et 69a let. a et b LDA ainsi que des art. 5 let. c et 23 LCD et condamné à une peine à dire de justice et au paiement d’une créance compensatrice de 50'000 fr. « sous réserve de restitution au cas et dans la mesure où l’auteur a réparé le dommage occassionné aux appelantes », et que les appelantes sont renvoyées à agir devant le juge civil pour faire valoir leurs prétentions civiles. Les appelantes demandent, à titre subsidiaire, l’annulation du jugement et le renvoi de la cause au premier juge pour nouvelle instruction et nouveau jugement.
Le 15 mars 2013, le Ministère public s’en est remis à justice sur la recevabilité de l’appel et a renoncé à déposer un appel joint.
A l’audience, G._ a conclu à la confirmation de son acquittement.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1
G._, né en 1971 à [...], est originaire de [...]. Electronicien de formation, actuellement sans activité lucrative, il ne recherche pas d’emploi, de crainte qu’en raison des poursuites pour 50'000 fr. dont il est l’objet, ses éventuels revenus ne soient saisis. Il est marié et père d’un enfant. Son épouse perçoit un salaire de 3'200 fr. par mois.
Au casier judiciaire de G._ figurent quatre inscriptions, respectivement une peine privative de liberté de 10 jours prononcée le
22 janvier 2002 par le Juge d'instruction de l’arrondissement de l'Est vaudois pour injure et menaces, une amende de 710 fr. avec sursis d'un an, prononcée le 2 février 2006 par la Préfecture de Payerne, pour violation des règles de la circulation routière, une peine pécuniaire de 120 jours-amende à 20 fr. avec sursis pendant quatre ans, prononcée le 21 avril 2010 par le Tribunal de police de Lausanne pour lésions corporelles simples, appropriation illégitime et dommages à la propriété et, enfin, une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant quatre ans, prononcée le 16 novembre 2010 par le Juge d'instruction de l'Est vaudois pour menaces.
1.2
Les plaignantes S._ et K._ SA appartiennent au groupe B._, dont les principales activités sont l'édition et la distribution de chaînes payantes, ainsi que la production et la distribution de films et de programmes de télévision. B._ SA a pour mission principale l'édition de chaînes généralistes. Elle est présente en Suisse depuis 1996 via différents téléréseaux et par le satellite Atlantic Bird (en analogique), puis dès le 1
er
octobre 2008, via le satellite Astra (en numérique). K._ SAS a notamment pour but d'assurer toutes opérations ou prestations se rapportant à la distribution ou la commercialisation des chaînes [...] et [...], par tout moyen de diffusion et tout support.
Les plaignantes T._ SAS et M._ SA appartiennent au groupe [...].T._ SAS a pour but notamment le développement et la mise au point de systèmes incluant des logiciels et matériels applicables au domaine de la télévision numérique et analogique. M._ SA a notamment pour but de développer et de commercialiser auprès d'opérateurs de télévision payante, dont notamment S._ et K._ SAS, des systèmes d'accès conditionnels, à savoir le développement de décodeurs combinés à des cartes à puce. Au moment où S._ a étendu son offre de programmes cryptés en Suisse via le satellite numérique Astra, soit dès le
1
er
octobre 2008, seule [...], société concurrente de M._ SA et de T._ SAS a produit des cartes à puce.
1.3
Afin de limiter l'accès de ses programmes à ses abonnés, S._ crypte le signal de ses émissions par le biais d'un control word, transmis via satellite ou autre (câble, ADSL) à une carte à puce fournie à ses abonnés. Une fois décrypté par la carte à puce, le control word est directement envoyé au décodeur du client abonné, lui permettant ainsi de voir le programme.
Au nom de M._ SA et T._ SAS, [...] a expliqué que le satellite ou le câble envoie aux abonnés un signal audio vidéo contenant l’œuvre à diffuser, qui est cryptée, ainsi que des messages de contrôle des droits (
Entitlement Control Message
, ECM), également cryptés. Ces messages de contrôle des droits consistent en une suite continue de chiffres contenant des clés toujours différentes générés aléatoirement environ toutes les dix secondes par un logiciel. Le décodeur de l’abonné comporte une carte à puces qui lui permet de décrypter les messages de contrôle des droits et, partant, de lire les clés capables de décryper l’œuvre. La carte à puces envoie ensuite les clés au décodeur qui décrypte l’œuvre. A ce stade, les clés étaient décryptées par le logiciel de la carte à puces.
2.
G._ a vendu dans le cadre de son commerce de matériel électronique [...] un total de 785 décodeurs piratés permettant de décrypter des flux de programmes télévisés, à partir de 2006 et jusqu'à son interpellation en décembre 2008. Dans un premier temps, il a acheté, auprès d'une société [...] basée en Suisse alémanique, des décodeurs pirates, qu'il revendait par la suite. Ces appareils ne donnant pas entière satisfaction, G._ a acheté des décodeurs Dreambox entre 150 fr. et 350 fr. l'unité dans le canton de Zoug. Il a reconfiguré chaque Dreambox en y téléchargeant un système d'exploitation appelé [...] ainsi que le plug in [...] rebaptisé [...]. Ce faisant, il pouvait se connecter via Internet à d'autres décodeurs munis d'une carte officielle permettant d'accéder aux clés de décryptage du flux vidéo (système dit du "cardsharing"). Ayant lui-même acheté un abonnement officiel auprès d'un revendeur suisse de S._, G._ installait sur les Dreambox un micro-logiciel se connectant à son propre décodeur ou à ceux de certains de ses clients, créant de ce fait un large réseau partageant les codes d'accès des cartes officielles. Le prix de vente, variant entre 350 fr. et 550 fr., comprenait un abonnement d'accès au serveur de cardsharing géré par G._ durant une année. Une fois cette année écoulée, il facturait à ses clients un abonnement d'accès au serveur au prix de 150 fr. par année. Ce service était indispensable puisqu'il permettait au client de continuer à bénéficier du control word nécessaire au fonctionnement de sa Dreambox. Selon [...], par son système, G._ recevait donc des messages de contrôle des droits, les décryptait grâce à son abonnement, puis les communiquait au décodeur de ses propres clients par Internet. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Marlène Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, l'appel de S._, K._ SAS, T._ SAS et M._ SA, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d'un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), est recevable. Il tend principalement, et pour l’essentiel, à ce que le prévenu soit condamné pour fabrication et mise sur le marché d’équipements servant à décoder frauduleusement des services cryptés (art. 150bis CP), pour violation des art. 67 al. 1 let. h, 69 al. 1 let. g et 69a let. a et b LDA, pour violation des art. 5 let. c et 23 LCD.
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
La constatation des faits est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Marlène Kistler Vianin,
op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
Aux termes de l'art. 391 al. 2 CPP, l'autorité de recours ne peut modifier une décision au détriment du prévenu ou du condamné si le recours a été interjeté uniquement en leur faveur. Cependant, l'appel joint de la partie plaignante, comme c'est le cas ici, met en échec la règle
ne pejorare
(Richard Calame,
in: Kuhn/Jeanneret, op. cit., n. 3 ad art. 391 CPP).
3.1
Les appelantes contestent que la contravention réprimée par l’art. 150bis CP soit prescrite et font valoir, en outre, que les cas soumis au Tribunal fédéral dans les affaires susmentionnées ne sont pas transposables dans la présente cause, de sorte qu’ils ne peuvent pas être invoqués à l’appui d’une décision libératoire.
a)
L’art. 150bis CP réprime, sur plainte, le comportement de celui qui aura fabriqué, importé, exporté, transporté, mis sur le marché ou installé des appareils dont les composants ou les programmes de traitement des données servent à décoder frauduleusement des programmes de télévision ou des services de communication cryptés ou sont utilisés à cet effet.
Cette disposition vise des actes préparatoires érigés en infraction pénale, alors que le comportement de celui qui utilise le dispositif pour obtenir le service crypté sans payer la somme due tombe sous le coup de l’art. 150 CP (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2010, 3
e
éd., n. 3 ad art. 150bis CP ; Antreasyan/Sakkal, Le « card sharing » en droit suisse, in sic !2013 p. 131, spéc. p. 137). L’infraction a pour objet un dispositif, soit un appareil, quel qu’il soit, qui permet le décryptage de programme de télévision sans payer la somme due (Corboz, op. cit., n. 2 ad art. 150bis CP ; ATF 139 IV 1 c. 2.1 ). Selon certains auteurs, outre le décodeur modifié, le serveur, qui permet le décryptage des données par le partage des messages de contrôle des droits, devrait être qualifié d’appareil au sens de l’art. 150bis CP (Antreasyan/Sakkal, loc. cit.).
b)
L’intimé a vendu dans le cadre de son commerce de matériel électronique [...] un total de 785 appareils, qui, au moyen des modifications qui y avaient été apportées, permettaient à ses clients de décoder sans droit des flux de programmes télévisés cryptés. Un tel équipement tombant sous le coup de l’art. 150bis CP (ATF 139 IV 1 c. 2.3), sa vente est répréhensible au regard de cette disposition. Cela, du reste, ne paraît pas contesté.
L’intimé a commis les actes qui lui sont reprochés à partir de 2006 et jusqu’au mois de décembre 2008, date de son interpellation, soit avant et après l’entrée en vigueur de la nouvelle partie générale du code pénal le 1
er
janvier 2007.
Les règles en matière de prescription n’ayant pas été modifiées à cette occasion, il n’est pas nécessaire d’examiner quelle est la loi la plus favorable à l’intimé (
lex mitior
, art. 2 al. 2 CP). Selon l’art. 98 CP (art. 71 aCP, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2006), la prescription court dès le jour où l’auteur a exercé son activité coupable (let. a), dès le jour du dernier acte si cette activité s’est exercée à plusieurs reprises (let. b) où dès le jour où les agissements coupables ont cessé s’ils ont eu une certaine duérée (let. c). La prescription ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu (art. 97 al. 3 CP ; art. 70 al. 3 aCP). Selon la jurisprudence, cette interruption est définitive même en cas d’annulation de la décision de première instance et de renvoi du dossier à l’autorité inférieure pour nouveau jugement, qu’il s’agisse d’un jugement de condamnation ou d’acquittement (ATF 139 IV 62 ; TF 6B_370/2012 du 22 octobre 2012 c. c. 4 ; TF 6B_983/2010 du 19 avril 2011 c. 4.3.2). L’infraction à l’art. 150bis CP est punie d’une amende ; il s’agit donc d’une contravention (art. 103 CP ; art. 101 aCP), pour laquelle l’action pénale se prescrit par trois ans (art. 109 CP).
c)
Le tribunal de police, dans son jugement du 15 mars 2011, a constaté que les faits antérieurs au 15 mars 2008 étaient precrits. Ce faisant, il a appliqué implicitement l’art. 98 let. a CP, et exclu qu’il y ait unité juridique ou naturelle d’action entre les différents actes commis par le prévenu (art. 98 let. b CP; ATF 131 IV 83 c. 2.4.5 ; TF 6S.397/2005 du 13 novembre 2005 c. 2.2). Il n’y a pas lieu de revenir ici sur cette appréciation, qui ne prête pas le flanc à la critique, et qui n’est pas remise en cause dans la présente procédure. Le jugement du tribunal de police du 15 mars 2011 ayant interrompu la prescription de la contravention selon les principes exposés plus haut, la condamnation est justifiée pour la période comprise entre le 15 mars 2008 et le mois de décembre 2008, date à laquelle l’activité délictueuse du prévenu a pris fin.
Il résulte de ce qui prècède, que c’est à tort que le prévenu a été libéré de la contravention prévue à l’art. 150bis CP, du moins pour la période comprise entre le 15 mars et le mois de décembre 2008. L’amende de 3'000 fr. peut être confirmée, la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l’amende étant fixée à 30 jours.
3.2
Les appelantes soutiennent que le prévenu s’est rendu coupable d’infraction à la LDA, au sens de l’art. 67 al. 1 let. h LDA et 69 al. 1 let. g LDA.
a)
Aux termes de l'art. 67 LDA, sur plainte du lésé, est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque, intentionnellement et sans droit, diffuse une oeuvre par la radio, la télévision ou des moyens analogues, soit par voie hertzienne, soit par câble ou autres conducteurs ou la retransmet par des moyens techniques dont l’exploitation ne relève pas de l’organisme diffuseur d’origine (al. 1 let. h). Si l’auteur d’une infraction au sens de l’al. 1 agit par métier, il est poursuivi d’office. La peine est une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire. En cas de peine privative de liberté, une peine pécuniaire est également prononcée (al. 2).
L’art. 67 al. 1 let. h LDA réprime pénalement la violation du droit accordé à l’auteur par l’art. 10 al. 2 let. d et e LDA de diffuser et de retransmettre son œuvre (Barrelet/Egloff, Le nouveau droit d’auteur, 3
e
éd., 2008, n. 4 ad art. 67 LDA).
En vertu de l’art. 10 al. 2 LDA, l’auteur a le droit exclusif de diffuser l’œuvre par la radio, la télévision ou des moyens analogues, soit par voie hertzienne, soit par câble ou autres conducteurs (let. d), ainsi que le droit de retransmettre l’œuvre difffusée par des moyens techniques dont l’exploitation ne relève pas de l’organisme diffuseur d’origine, notamment par câble ou autres conducteurs (let. e).
b)
La LDA décrit les différents types d'utilisation selon leurs fonctions. Ce qui est déterminant, c'est de savoir si l'œuvre est reproduite, représentée, diffusée, etc. Le procédé technique est sans importance. La loi est formulée de façon techniquement neutre afin de ne pas rendre nécessaire une révision législative suite à chaque découverte technique. Pour cette raison, peu importe, du point de vue de la LDA, qu'il s'agisse d'un traitement analogique ou numérique. Les dispositions légales sont applicables dans les deux cas (Barrelet/Egloff, op. cit., n. 7a ad art. 10 LDA).
La diffusion d'émissions codées, dans le cadre de la télévision sur demande (
pay per view
), entre dans le champ de l'art. 10 al. 2 let. d LDA lorsqu'un nombre important de personnes disposent d'un décodeur leur permettant d'assister simultanément aux émissions (Barrelet/Egloff, op. cit., n. 26 ad art.
10 LDA). Concernant la technique du satellite, la règle est de considérer la communication par satellite comme un tout, englobant aussi bien la liaison montante que descendante. Le droit de diffusion porte sur toute la chaîne de communication jusqu'à son retour sur terre. Celui qui envoie des émissions vers un satellite doit disposer des droits (Barrelet/ Egloff, op. cit., n. 28 ad art. 10 LDA). L'art. 10 al. 2 let. e LDA inclut les retransmissions simultanées faites par une autre personne que l'organisme responsable de la diffusion originale. Il n'est pas nécessaire que cette personne soit elle-même un radiodiffuseur ou une entreprise de télécommunication. Il peut aussi s'agir d'une personne physique. Lorsque, pour mieux atteindre son public, le diffuseur d'origine ou l'entreprise chargée de la diffusion recourt à des réémetteurs et à des satellites, il reste dans le cadre de l'art. 10 al. 2 let. d LDA. Lorsque de telles installations sont aménagées et exploitées par des tiers, ou lorsque ceux-ci recourent simultanément à un réseau câblé, au téléphone, ou à Internet, il y a retransmission au sens de la let. e, même si le nombre total de personnes atteintes n'est pas augmenté de la sorte. La desserte d'un nouveau public n'est pas une condition posée par cette disposition. Il importe peu que le programme retransmis soit libre d'accès ou qu'il s'agisse de télévision par abonnement ou de télévision à la demande. Lorsqu'un programme diffusé est répercuté par une entreprise différente, on est en présence d'une retransmission. Pour qu'il y ait retransmission, il faut dans tous les cas une diffusion préalable. En revanche, si l'entreprise d'origine se borne à composer un programme qui est ensuite directement introduit sur le câble par une autre entreprise, on n'a pas affaire à une retransmission, mais à une diffusion (Barrelet/Egloff, op. cit., n. 33 et 36 ad art. 10 LDA).
c)
A la différence de l’art. 67 LDA, l’art. 69 LDA, n’assure pas la protection du droit d’auteur, mais des droits voisins, soit ceux dont disposent les artistes interprètes, les producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes, ainsi que les organismes de diffusion (cf. art. 1 al. 1 let. b LDA ; art. 33 ss LDA ; ATF 139 IV 11 c. 2.1.2). Il ressort de l'art. 69 al. 1 let. g LDA que sur plainte du lésé, est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque, intentionnellement et sans droit retransmet une émission. Si l’auteur d’une infraction au sens de l’al. 1 agit par métier, il est poursuivi d’office. La peine est une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire. En cas de peine privative de liberté, une peine pécuniaire est également prononcée (al. 2).
Cette disposition sanctionne une violation du droit exclusif dont l’organisme de diffusion dispose d’autoriser ou d’interdire la retransmission de ses émissions (art. 37 let. a LDA).
d)
Dans un arrêt du 11 octobre 2012, le Tribunal fédéral a examiné, dans le cas qui lui était soumis, si le prévenu, qui avait mis au point un système qui présente les mêmes caractéristiques techniques que celui de la présente cause, avait retransmis des œuvres protégées à ses clients, en violation des droits des lésées (les appelantes du cas d’espèce). Il a constaté que le procédé incriminé permettait uniquement de contourner les mesures techniques de cryptage au moyen de l’abonnement régulièrement acquis, mais pas à réceptionner le signal satellite diffusé par les lésées, à le décoder puis à le renvoyer chez ses clients, ni donc à communiquer à ses clients les images diffusées par les lésées. Le Tribunal fédéral en a déduit que le prévenu n’avait ainsi pas procédé à une retransmission des émissions produites ou diffusées par les lésées au sens des art. 67 al. 1 let. h et 69 al. 1 let. g LDA (ATF 139 IV 1 c. 4.3). Il n’est toutefois pas entré en matière, s’agissant d’un fait nouveau, sur l’argument des lésées, qui soutenaient que le prévenu n’avait pas retransmis les films ou les émissions diffusées, mais bien des messages de contrôle de droits, contenus dans le flux diffusé (ATF 139 I c. 4.3).
e)
Les appelantes font valoir précisément ce dernier arguement, à savoir que l’intimé a en tout cas réceptionné et retransmis les messages de contrôle des droits, lesquels, à leurs yeux, indépendamment des programmes de télévision, doivent être considérés comme l’ « œuvre » de l’esprit humain protégé par le droit d’auteur.
En vertu de l’art. 2 al. 1 LDA, on entend par œuvre, quelles qu’en soient la valeur ou la destination, toute création de l’esprit, littéraire ou artisitique, qui a un caractère individuel.
Le caractère individuel exigé dépend de la liberté de création dont l’auteur jouit. Si la nature de l’objet ne lui laisse que peu de marge de manœuvre, par exemple pour une œuvre scientifique, la protection du droit d’auteur sera accordée même si le degré d’activité créatrice est faible. L’individualité se distingue de la banalité ou du travail de routine. Elle résulte de la diversité des décisions prises par l’auteur, de combinaisons surprenantes et inhabituelles, de sorte qu’il paraît exclu qu’un tiers confronté à la même tâche ait pu créer une oeuvre identique (ATF 136 III 225 c. 4.2). Un compendium contenant des informations sur des médicaments a ainsi été jugé comme manquant de l’individualité requise (ATF 134 III 166 c. 2.3.1, 2.3.2 et 2.5).
f)
Les appelantes ont expliqué à l’audience que le satellite ou le câble envoie aux abonnés un signal audio vidéo contenant l’œuvre cryptée à diffuser, ainsi que des messages de contrôle des droits, également cryptés. Ceux-ci consistent en une suite continue de chiffres qui contiennent des clés toujours différentes générées aléatoirement environ toutes les dix secondes par un logiciel. Le décodeur de l’abonné contient une carte à puces qui lui permet de décrypter les messages de contrôle des droits et donc de lire les clés capables de décrypter l’œuvre. La carte envoie ensuite les clés au décodeur qui décrypte l’œuvre. Les appelantes ont précisé que le prévenu, au moyen du système mis en place, recevait les messages de contrôle des droits, qu’il décryptait grâce à son abonnement, puis les communiquait par Internet au décodeur de ses propres clients.
Ces messages de contrôle des droits, on l’a vu, sont diffusés par satellite. Or, le procédé incriminé ne consistait pas, selon le Tribunal fédéral, à réceptionner directement le signal satellite diffusé par les appelantes, à le décoder puis à l’envoyer chez les clients du prévenu (ATF 139 IV 1 c. 4.3). Il faut donc retenir, à l’instar des juges fédéraux en ce qui concerne les émissions produites ou diffusées par les appelantes, que le prévenu n’a pas procédé à une retransmission de ces messages de contrôle des droits, au sens des art. 67 al. 1 let. h et 69 al. 1 let. g LDA. En d’autres termes, ce qui vaut pour lesdites émissions est également valable pour les messages de contrôle des droits.
En outre, même en admettant que le prévenu aurait bien réceptionné et retransmis ces messages de contrôle des droits, il est douteux qu’ils puissent être assimilés à une œuvre au sens de la LDA. Il ne s’agit pas, en effet, de créations de l’esprit humain revêtant un caractère individuel. Ils sont, selon l’expression des appelantes, « générés par un système créé par l’esprit humain ». Ce qui paraît ainsi pouvoir être protégé, par un brevet, c’est le système en question, l’invention technologique permettant de produire des messages de contrôle des droits, à l’exclusion de chacun d’eux générés automatiquement par un ordinateur.
Un autre élément plaide en faveur du fait que les actes incriminés ne sont pas répréhensibles au regard de la loi sur le droit d’auteur. Le Tribunal fédéral a en effet considéré que l’adoption du nouvel article 69a LDA, en vigueur depuis le 1
er
juillet 2008, « n’aurait pas été nécessaire si le comportement visant à contourner une mesure de cryptage mise en place par celui qui diffuse des émissions de télévision par abonnement était déjà réprimé, ce qui tend à confirmer qu’avant l’entrée en vigeur (...), un tel comportement ne constituait pas une violation des dispositions de la loi sur le droit d’auteur » (ATF 139 IV 1 c. 4.5).
Compte tenu de ce qui précède, c’est avec raison que le tribunal de police n’a pas retenu contre le prévenu une infraction à la LDA, au sens de ses art. 67 al. 1 let. h al. 2 et 69 al. 1 let. g et al. 2.
3.3
Les appelantes font valoir que le prévenu s’est rendu coupable d’infraction à la LDA, au sens de l’art. 69a LDA.
a)
L'art. 69a LDA prévoit que sur plainte du lésé, est puni d’une amende quiconque, intentionnellement et sans droit, contourne des mesures techniques efficaces au sens de l’art. 39a, al. 2, avec l’intention de faire une utilisation illicite d’oeuvres ou d’autres objets protégés (al. 1 let. a); fabrique, importe, propose au public, aliène ou met en circulation de quelqu’autre manière, loue, confie pour usage, fait de la publicité pour ou possède dans un but lucratif des dispositifs, produits ou composants, ou propose ou fournit des services qui font l’objet d’une promotion, d’une publicité ou d’une commercialisation visant le contournement de mesures techniques efficaces (al. 1 let. b ch. 1) ou qui n’ont, le contournement de mesures techniques efficaces mis à part, qu’une finalité ou utilité économique limitée (al. 1 let. b ch. 2) ou qui sont principalement conçus, fabriqués, adaptés ou réalisés dans le but de permettre ou de faciliter le contournement de mesures techniques efficaces (al. 1 let. b ch. 3). Si l’auteur de l’infraction agit par métier, il est poursuivi d’office. La peine est une peine privative de liberté d’un an au plus ou une peine pécuniaire (al. 2). Cette disposition est le pendant pénal en cas de violation de l'art. 39a LDA.
Conformément à l'art. 39a LDA, il est interdit de contourner les mesures techniques efficaces servant à la protection des œuvres et d'autres objets protégés (al. 1). Sont considérés comme des mesures techniques efficaces au sens de
l'al. 1 les technologies et les dispositifs tels que les contrôles d'accès, les protections anticopies, le cryptage, le brouillage et les autres mécanismes de transformation destinés et propres à empêcher ou à limiter les utilisations non autorisées d'œuvres et d'autres objets protégées (al. 2). Il est interdit de fabriquer, d’importer, de proposer au public, d’aliéner ou de mettre en circulation de quelque autre manière, de louer, de confier pour usage, de faire de la publicité pour, de posséder dans un but lucratif des dispositifs, des produits ou des composants ainsi que de fournir des services qui font l’objet d’une promotion, d’une publicité ou d’une commercialisation visant à contourner des mesures techniques efficaces (al. 3 let. a), qui n’ont, le contournement de mesures techniques efficaces mis à part, qu’une finalité ou une utilité commerciale limitée (al. 3 let. b) ou encore qui sont principalement conçus, produits, adaptés ou réalisés dans le but de permettre ou de faciliter le contournement des mesures techniques efficaces (al. 3 let. c).
L’intimé a invoqué à l’audience, à l’appui de ses conclusions en libération, l’avis de Antreasyan et Sakkal (op. cit., p. 135).
Commentant l’arrêt du Tribunal fédéral du 11 octobre 2012 (ATF 139 IV 1 c. 4.5), et se réfèrant à Barrelet/Egloff (op. cit., n. 3 ad art. 39a LDA), ces auteurs considèrent que les mesures techniques ne sont protégées que « en tant que moyens de protection des droits d’auteur et droits voisins ». Ils précisent que le contournement de ces mesures techniques ne sera frappé d’aucune sanction s’il permet une utilisation « licite » de l’œuvre (art. 39a al. 4 LDA). D’après eux, il est rare en pratique que la violation d’une mesure de protection n’entraîne pas à son tour une violation du droit d’auteur au sens de l’art. 10 al. 2 LDA, respectivement d’un droit voisin au sens de l’art. 37 LDA. Sans violation du droit d’auteur, la violation de la mesure de protection ne serait pas punissable. Cet avis est partagé par un autre auteur (cf. Auf der Maur, Urheberrechtsgesetz (URG), 2
e
éd., Berne 2012, n. 9 ad art. 39c LDA, p. 488).
b)
En l’espèce, on a vu plus haut (cf. considérant 3.2) que le comportement du prévenu ne constituait pas une violation de la loi sur le droit d’auteur, faute de retransmission des messages de contrôle des droits. Un des éléments constitutifs de l’infraction prévue à l’art. 69a LDA n’étant pas, au vu de ce qui précède, réalisé, cette contravention ne peut être retenue contre le prévenu.
3.4
Les appelantes estiment que G._ s'est rendu coupable d’infraction à la LCD, en violant son art. 5 let. c.
a)
Selon l’art. 23 al. 1 LCD, quiconque, intentionnellement, se rend coupable de concurrence déloyale au sens des art. 3, 4, 4a et 5 ou 6, est, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Les dispositions précitées, qui ont été jugées trop imprécises pour être conformes au principe de la légalité (ATF 122 IV 33 c. 2b), doivent donc être interprétées restrictivement (ATF 123 IV 211 c. 3b).
Selon l’art. 5 let. c LCD, agit de façon déloyale celui qui, notamment, reprend grâce à des procédés techniques de reproduction et sans sacrifice correspondant le résultat du travail d’un tiers prêt à être mis sur le marché et l’exploite comme tel.
La jurisprudence a constamment affirmé que les prestations ou les résultats du travail qui ne jouissent comme tels d’aucune protection comme biens intellectuels peuvent être exploités par quiconque. Le droit de la concurrence déloyale ne contient aucune interdiction générale de copier les prestations d’autrui, car le principe est que l’on peut librement copier (ATF 131 III 384 c. 5.1).
Pour que l’art. 5 let. c LCD s’applique, il faut un produit qui soit matérialisé. Sont ainsi exclus du champ d’application de cette disposition les idées, les méthodes, les procédés. La notion de « résultat du travail » doit être comprise de manière large. Elle recouvre des choses corporelles, comme un objet en plastique ou un livre, mais également incorporelles, comme des émissions de radio ou de télévision ou des représentations d’œuvres musicales. Le produit doit en outre être prêt à être mis sur le marché, à savoir qu’il peut être exploité de manière industrielle ou commerciale (ATF 139 IV 17 c. 1.4, et les références citées).
L’art. 5 let. c LCD définit le caractère déloyal de l’exploitation des prestations d’autrui en se référant à la manière dont la reprise a lieu. Un procédé sera illicite s’il vise non à copier le produit d’un concurrent ou à le fabriquer en utilisant d’autres connaissances, mais à reprendre le produit sans aucun investissement pour l’adapter (ATF 131 III 384 c. 4.1). Constituent notamment des procédés de reprise le fait de photocopier ou scanner un ouvrage, de surmouler un objet, de presser des disques, de réenregistrer des porteurs de son ou de réemettre des émissions de radio ou de télévision (ATF 139 IV 17 c. 1.5, et les références citées).
Dans la mesure où le droit de la concurrence déloyale prohibant l’exploitation ou la reprise immédiate de la prestation d’autrui ne protège pas la prestation elle-même, il convient toujours de comparer les frais concrets et objectivement nécessaires du demandeur et ceux économisés par le défendeur. Pour juger si un sacrifice approprié a été consenti, il faut examiner si le premier concurrent a déjà amorti ses dépenses au moment de la reprise. Le critère de l’amortissement joue un rôle aussi bien pour la limitation temporelle de la protection découlant de l’art. 5 let. c LCD que pour l’appréciation du sacrifice (ATF 139 IV 17 c. 1.6 ; ATF 134 III 166 c. 4.2 et 4.3 ).
b)
Depuis le jugement du 6 juillet 2011 de la Cour d’appel pénale, le Tribunal fédéral s’est prononcé, sous l’angle de la LCD, dans une autre affaire portant – cela n’est pas remis en cause – sur un système de piratage analogue à celui mis au point par G._ dans la présente cause (ATF 139 IV 17). Il a considéré que le système de codage n’avait pas été repris, mais uniquement décrypté. Il a précisé qu’il y aurait eu reprise de ce système si les prévenus avaient reproduit celui-ci pour disposer d’un tel système qu’ils auraient ensuite proposé à leurs clients, ce qui n’était pas le cas. Ainsi, même si les prévenus avaient pu proposer à des tiers, grâce au système mis en place, de bénéficier de programmes des plaignantes en s’épargnant les coûts de production et de distribution, il n’y avait pas eu reprise par eux des programmes diffusés ou des systèmes de cryptage, par un procédé technique de reproduction au sens de l’art. 5 let. c LCD (ATF 139 IV 17 c. 1.9). Le Tribunal fédéral a toutefois jugé irrecevable, car portant sur un élément nouveau, l’argumentation des plaignantes, selon lesquelles les prévenus avaient repris, à titre de résultat du travail, les messages de contrôle des droits (ibid.).
c)
Les appelantes soutiennent qu’à défaut de parasitage des programmes, un parasitage des messages de contrôle des droits pourrait être retenu. L’utilisation, dans les décodeurs vendus, d’un programme pirate permettant au serveur du prévenu d’envoyer les mots de contrôle à tous ses cliens constituerait une forme de « démultiplication automatique ».
d)
D’après Antreasyan/Sakkal (Le « card sharing » en droit suisse, in sic !2013 p. 131, spéc. p. 136), les messages de contrôle des droits sont assimilables à des produits et entrent dans la notion de résultat du travail. Ainsi, si le système de cryptage n’avait pas été repris dans son intégralité, les messages de contrôle des droits, en revanche, et indépendamment de leur qualification d’œuvre au sens de la loi sur le droit d’auteur, avaient été repris par ceux qui les avaient chargés sur leur propre serveur pour les diffuser aux utilisateurs du système (dans le même sens : avis de droit, sollicité par les plaignantes, du Professeur de Werra du 2 décembre 2011 [P. 76/3]). Sur la question de l’absence de sacrifice correspondant, ces auteurs ont relevé que le critère de l’amortissement retenu par la jurisprudence fédérale n’avait que peu de sens s’agissant d’un flux continu d’émissions de télévision. Il en résultait, selon eux, que des programmes télévisés devraient être protégés sans limite temporelle par l’art. 5 let. c LCD, du moins tant que ceux-ci étaient diffusés en continu. A leurs yeux, le Tribunal fédéral, s’il avait retenu une reprise du système de cryptage ou une reprise des messages de contrôle des droits, aurait dû examiner la question du sacrifice approprié en comparant, d’un côté, les investissements de développement, de commercialisation et de mise à jour du système par M._ et, de l’autre, les dépenses épargnées par les prévenus en reprenant le système, respectivement les mots de contrôle (Antreasyan/Sakkal, op. cit., p. 136).
e)
Le grief n’est pas convaincant. Il importe peu de savoir si les mots de contrôle constituent le résultat d’un travail. Le Tribunal fédéral a en effet estimé que le système des prévenus consistait à déchiffrer les émissions ; le système de codage n’était pas repris, mais seulement décrypté. Il y aurait eu reprise de ce système si les prévenus l’avaient reproduit pour disposer d’un tel système qu’ils auraient ensuite proposé à leurs clients. L’argument du Tribunal fédéral, appliqué au système de cryptage, vaut aussi pour les messages de contrôle des droits.
De même que le système de cryptage n’a pas été repris, mais seulement décrypté, le prévenu ne l’ayant pas reproduit pour le proposer ensuite à ses clients, de même l’intéressé n’a pas reproduit, pour les exploiter à son propre compte, les messages de contrôle des droits.
Il s’ensuit que l’infraction à la LCD n’est pas réalisée.
3.5
Les appelantes demandent à être renvoyées à agir devant le juge civil. Il peut être fait droit à cette conclusion, conformément à l’art. 126 CPP.
3.6
Les appelantes demandent qu’une créance compensatrice de 50'000 fr. soit mise à la charge du prévenu, sous réserve et dans la mesure où l’auteur a réparé le dommage qu’il leur a occasionné.
Dès lors qu’elles sollicitent leur renvoi au juge civil, en ce qui concerne leurs prétentions civiles, une allocation au lésé, en application de l’art. 73 al. 1 let. c CP, est exclue. Dans cette mesure, les plaignantes n’ont pas intérêt à agir, ni, partant, qualité pour recourir sur ce point (art. 382 CPP).
4.1
En définitive, l'appel de S._, K._ SAS, M._ SA et T._ SAS est partiellement admis et le jugement du 11 février 2013 réformé en ce sens que G._ est condamné pour fabrication et mise sur le marché d’équipements servant à décoder frauduleusement des services cryptés, à une amende de 3'000 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement de l’amende étant de trente jours d’une part, et que les plaignantes sont renvoyées à agir par la voie civile d’autre part.
4.2
Une indemnité de défenseur d’office pour la procédure d’appel d’un montant de 1'710 fr. 70, TVA et débours compris, est allouée à Me Aba Neeman.
Les frais d'appel, qui comprennent l’indemnité allouée à Me Aba Neeman, par 4'500 fr. 70 (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1), sont mis à la charge des appelantes S._, K._ SAS, M._ SA et T._ SA pour trois quarts, soit 3'375 fr. 55 et pour un quart, soit 1'125 fr. 15, à la charge de G._.
G._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le quart de l’indemnité allouée à son défenseur d’office, par 427 fr. 70, que lorsque sa situation financière se sera améliorée. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
75f4b58a-9716-4630-9454-da5e890be4aa | En fait :
A.
Par jugement du 21 mars 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Côte a libéré Z._ des chefs d’accusation de lésions corporelles simples, de mise en danger de la vie d’autrui, de dommages à la propriété et de menaces (I), a constaté qu’il s’était rendu coupable d’infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (II), l’a condamné à une peine pécuniaire de 80 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 20 fr., avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu’à une amende de 300 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement de l’amende étant de 15 jours (III), a renoncé à révoquer le sursis accordé le 1
er
juillet 2008 par le Ministère public du canton de Genève (IV), a donné acte à K._ de ses réserves civiles à l’encontre de Z._ (V), a ordonné la confiscation et la dévolution à l’Etat de la somme de 488 fr. 50 séquestrée en mains de Z._ (VI) et a dit qu’une part des frais de procédure, qui s’élèvent à 7'993 fr. 90, y compris l’indemnité d’office allouée à Me Rodolphe Petit, conseil de K._, par 3'050 fr. débours et TVA compris, sont mis à la charge de Z._, par 1'000 francs, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
B.
Par annonce du 22 mars 2013, puis déclaration motivée du 15 avril 2013, le Ministère public a fait appel contre ce jugement. Il a conclu à ce que Z._ soit libéré du chef d’accusation de mise en danger de la vie d’autrui (I), qu’il soit reconnu coupable de lésions corporelles simples, dommages à la propriété, menaces et infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (II), que le sursis accordé le 1
er
juillet 2008 par le Ministère public du canton de Genève soit révoqué (III), qu’il soit condamné à une peine privative de liberté d’ensemble de 7 mois (IV) et que les frais par 6'000 fr. soient mis à la charge du prévenu.
Par annonce du 25 mars 2013, puis déclaration motivée du 16 avril 2013, K._ a également fait appel contre ce jugement. Elle a conclu à ce que Z._ soit reconnu coupable de lésions corporelles simples, mise en danger de la vie d’autrui, dommages à la propriété et menaces et à ce qu’il soit condamné à lui verser une indemnité de 5'000 fr. à titre de réparation morale.
Le 3 juin 2013, les parties ont été informées de la composition de la cour et citées à comparaître.
Le 30 août 2013, Z._ a déposé une demande d’indemnisation, fondée sur les art. 429ss CPP. Il a conclu à l’allocation des montants suivants : 8'972 fr. 95 pour ses frais de défense, 2'000 fr. pour ses frais de voyage pour les audiences de jugement et d’appel et 5'000 fr. pour tort moral.
Z._ ne s’est pas présenté aux débats d’appel du 2 septembre 2013 et s’est fait représenter par son défenseur. K._ a été dispensée de comparution, son mandataire la représentant.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
a) Z._ est né le [...] à Xerxe/Serbie-Monténégro, d’où il est originaire. Il est actuellement titulaire de deux passeports, l’un albanais et l’autre du Kosovo. Selon les renseignements qu’il a fournis tant en cours d’enquête qu’aux débats de première instance, il a vécu jusqu’à 21 ans au Kosovo où il travaillait dans un restaurant comme cuisinier. Le 26 juin 2001, il est venu en Suisse où il a travaillé comme maçon jusqu’en 2008, année au cours de laquelle son permis B lui a été retiré. Il est alors rentré au Kosovo où il a travaillé jusqu’en octobre 2011. Le 27 novembre 2011, il est revenu en Suisse dans l’optique d’y travailler mais, n’ayant pas trouvé de chantier pour l’employer, il est rapidement reparti pour l’Allemagne. Dans le courant du mois de février 2012, il est revenu en Suisse pour y travailler pendant deux mois dans la construction comme ouvrier. De mai à décembre 2012, il a travaillé avec son frère dans son restaurant à l’étranger. Depuis janvier 2013, il habite en Allemagne où il effectue différentes tâches de gérance pour l’entreprise familiale, pour un revenu mensuel de 200 €, sous réserve d’un mois en été où il peut gagner 4'000 € ou 5'000 €. Il n’a ni dettes, ni économies. Il est divorcé de [...] et dit être fiancé au Kosovo depuis trois ans.
Le casier judiciaire suisse de Z._ comporte les condamnations suivantes :
- le 27 avril 2005 par le Tribunal de police Genève, pour lésions corporelles simples (conjoint durant le mariage ou dans l'année qui a suivi le divorce) le 13 juin 2004, à 15 jours d'emprisonnement, sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 3 ans;
- le 1er juillet 2008 par le Ministère public du canton de Genève, pour lésions corporelles simples (partenaire hétérosexuel ou homosexuel) le 2 juin 2008, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 40.- le jour, sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 3 ans, ainsi qu'à une amende de CHF 600.-.
b)
Les appels portant uniquement sur les faits survenus le 7 juin 2009, seul ceux-ci seront examinés.
Le 7 juin 2009, vers 22h30, dans l’appartement de W._ (anciennement [...]), sis route [...], à [...], Z._, alors en couple avec cette dernière, s’est énervé pour le motif que K._ ne voulait pas quitter les lieux. Z._ s’est est pris physiquement à K._ en la saisissant par les bras et en la projetant à plusieurs reprises au sol. Ces gestes ont occasionné des blessures. Z._ a également menacé K._ de la jeter par-dessus le balcon.
Le prévenu a ensuite saisi K._ au niveau du cou avec ses deux mains, en exerçant une pression telle qu’elle ne pouvait plus respirer. K._ a réussi à se libérer et est parvenue à saisir son téléphone. Elle a indiqué à Z._ qu’elle allait appeler la police ou sa famille. Z._ lui a alors arraché le téléphone portable des mains et l’a jeté au sol. Le prévenu l’a à nouveau saisie par les bras et l’a projetée contre le lit puis contre le matelas avant de quitter les lieux.
K._ a appelé sa tante A.B._ et s’est rendue, en sa compagnie, à l’hôpital de Nyon où les médecins ont constaté la présence de pétéchies sur le cou et sur la région rétroauriculaire droite, un hématome de 4 cm de diamètre sur le bras droit, un hématome de 3 cm de diamètre sur le bras gauche, des dermabrasions sur les deux bras, et un hématome de 4 cm de diamètre sur le genou gauche. Elle a également été soumise à un examen clinique auprès du Centre universitaire romand de médecine légale le 9 juin 2009, ainsi qu’à une IRM cervicale le 11 juin 2009, qui a mis en évidence des lésions profondes du cou à gauche touchant le ganglion digastrique, le muscle platysma et probablement le muscle sterno-cléïdo-mastoïdien. | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délais légaux contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (cf. art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
Les appelants contestent la libération de Z._ pour les faits survenus le 7 juin 2009.
3.1
L’appréciation des preuves est l’acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. L’appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin, même prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens qu’à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Jean-Marc Verniory, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP et les références jurisprudentielles citées)
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a).
3.2
Le Tribunal de police a admis qu’il subsistait un doute important sur l’implication du prévenu dans les évènements du 7 juin 2009, de sorte que celui-ci devait être libéré des chefs d’accusation de lésions corporelles simples, mise en danger de la vie d’autrui, dommages à la propriété et menaces. Il s’est appuyé sur le fait que les déclarations de la plaignante comportaient certaines contradictions, que le témoin W._ avait affirmé que le prévenu ne s’en était jamais pris physiquement à K._ et que les déclarations de la tante et de l’oncle de la plaignante, soit A.B._, respectivement B.B._, ne permettaient pas à elles seules d’établir la présence du prévenu en Suisse au mois de juin 2009.
La Cour de céans ne saurait suivre cette appréciation pour les motifs suivants.
3.2.1
La plaignante a été entendue, pour la première fois, le 9 juin 2009, soit deux jours après les faits. Ses premières déclarations sont détaillées, précises et convaincantes (PV aud. 1). De plus, elle n’a, pour l’essentiel, jamais varié dans ses allégations. Certes, lors de l’audience de première instance, elle a affirmé avoir un souvenir trouble et vague de l’évènement et s’est contredite sur un point chronologique; en effet, dans le cadre de sa plainte, elle a exposé que «
après cela, il est parti. J’ai réussi à prendre mon téléphone portable... je me suis souvenue du numéro de ma tante et je l’ai appelée
», alors qu’à l’audience, elle a affirmé que «
je suis allée dans une autre pièce prendre un autre téléphone portable et ai appelé ma tante à son appartement. Quant à Z._, il était parti tout de suite en m’entendant parler au téléphone
». Cette variation dans le récit porte sur des circonstances factuelles secondaires et s’explique par l’écoulement du temps entre les deux auditions qui ont eu lieu à quatre ans d’intervalle. De la même manière, il est normal d’avoir des souvenirs troubles ou vagues après un tel laps de temps, étant encore relevé que la plaignante a également déclaré, devant le Tribunal de police, qu’elle n’arriverait jamais à oublier ce qu’elle avait vécu (jugement attaqué, p. 3). De plus, on ne voit pas pour quels motifs l’appelante aurait inventé cette histoire et l’intimé n’est pas non plus en mesure de l’expliquer.
3.2.2
Les déclarations de K._ sont par ailleurs confirmées par le certificat médical établi le jour même des faits (P. 6). Ce certificat fait état des lésions mentionnées ci-dessus. Il ne fait aucun doute que ces lésions concordent avec le récit de l’intéressée.
3.2.3
La version de la plaignante est encore attestée par les déclarations de sa tante A.B._, qui est venue la récupérer le soir des faits. Celle-ci a en effet affirmé aux débats que sa nièce l’avait appelée le 7 juin 2009, vers 22h00, qu’elle pleurait et criait comme une folle, qu’elle n’arrivait pas à respirer, qu’elle avait expliqué que Z._ l’avait insultée, tapée et qu’elle était choquée. Une fois sur place, A.B._ a pu constater que sa nièce avait le visage et les épaules rouges et griffés (jugement attaqué, p. 10). L’oncle de la plaignante, B.B._, a fait les mêmes constatations (jugement attaqué, p. 14). Il n’existe pas de motifs de mettre en doute ces témoignages.
3.2.4
A cela s’ajoute que les déclarations du prévenu manquent de crédibilité. En effet, d’une part, lors de son audition par le Procureur, il a déclaré qu’il ne s’en prenait jamais aux femmes, alors que son casier judiciaire contient deux condamnations pour lésions corporelles simples sur conjoint ou partenaire. D’autre part, Z._ a affirmé qu’il n’était pas en Suisse, mais au Kosovo au mois de juin 2009; toutefois, les pièces qu’il a produites n’attestent aucunement de ce fait. Au contraire, les extraits des transactions bancaires produits démontrent qu’il n’était au Kosovo que dès le mois de juillet ou le mois de septembre 2009, mais non pas au mois de juin 2009. Les copies de son passeport (pages 6, 7 et 8) permettent de voir qu’il est sorti du Kosovo en 2010. L’intimé n’a toutefois pas produit toutes les pages (pages 4 et 5) de son passeport, malgré la réquisition de la Cour de céans. A cela s’ajoute encore qu’il est tout à fait possible de sortir du pays sans visa
On relève également que les témoignages de M._ (jugement attaqué, p. 12) et V._ (jugement attaqué, p. 13) ne permettent pas d’affirmer que le prévenu était au Kosovo au mois de juin 2009. Enfin, on doit admettre que la version du prévenu et de son ex-amie W._, selon laquelle ce dernier aurait appelé la plaignante depuis le Kosovo pour lui dire qu’elle devait quitter l’appartement, car W._ allait se marier avec une autre personne que le prévenu, est assez irréaliste.
3.2.5
Certes, W._ a affirmé ne jamais avoir vu d’altercation entre son ancienne colocataire et le prévenu. Son témoignage n’est toutefois pas fiable, au regard des constatations des oncle et tante de la plaignante. De plus, il est vraisemblable que ce témoin cherche à protéger son ex-ami ou en a peur.
3.2.6
Sur la base de l’ensemble de ces éléments, il convient de retenir la version de la plaignante.
4.
Il convient d’examiner les infractions qui doivent être retenues à la charge de Z._, qui a tout d’abord
été renvoyé pour lésions corporelles simples et mise en danger de la vie d’autrui.
4.1
Aux termes de l'art. 123 CP, celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (ch. 1).
L’art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Pour qu'il y ait lésions corporelles, il n'est pas nécessaire que la victime ait subi une atteinte à son intégrité physique; une atteinte psychique peut suffire à la réalisation de l'infraction. Pour justifier la qualification de lésions corporelles, l'atteinte doit toutefois revêtir une certaine importance. Afin de déterminer ce qu'il en est, il y a lieu de tenir compte, d'une part, du genre et de l'intensité de l'atteinte et, d'autre part, de son impact sur le psychisme de la victime. Une atteinte de nature et d'intensité bénignes et qui n'engendre qu'un trouble passager et léger du sentiment de bien-être ne suffit pas. En revanche, une atteinte objectivement propre à générer une souffrance psychique et dont les effets sont d'une certaine durée et d'une certaine importance peut être constitutive de lésions corporelles. S'agissant en particulier des effets de l'atteinte, ils ne doivent pas être évalués uniquement en fonction de la sensibilité personnelle de la victime; il faut bien plutôt se fonder sur les effets que l'atteinte peut avoir sur une personne de sensibilité moyenne placée dans la même situation. Les circonstances concrètes doivent néanmoins être prises en considération; l'impact de l'atteinte ne sera pas nécessairement le même suivant l'âge de la victime, son état de santé, le cadre social dans lequel elle vit ou travaille, etc. (ATF 134 IV 189 c. 1.4, p. 192).
Les voies de fait, réprimées par l’art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommages à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 134 IV 189 c. 1.2 ; ATF 119 IV 25 c. 2a, p. 26 ; ATF 117 IV 14 c. 2a, p. 15ss).
Dans les cas limites, il faut tenir compte de l'importance de la douleur provoquée, afin de déterminer s'il s'agit de lésions corporelles simples ou de voies de fait (TF 6B_624/2010 et 6B_625/2010 du 16 novembre 2010 c. 4.3 ; ATF 134 IV 189 c. 1.3). Les contusions, meurtrissures, écorchures ou griffures constituent des lésions corporelles simples si le trouble qu’elles apportent, même passager, équivaut à un état maladif, notamment si viennent s’ajouter au trouble du bien-être de la victime un choc nerveux, des douleurs importantes, des difficultés respiratoires ou une perte de connaissance. En revanche, si les contusions, meurtrissures, écorchures ou griffures en cause ne portent qu’une atteinte inoffensive et passagère au bien-être du lésé, les coups, pressions ou heurts dont elle résultent ne constituent que des voies de fait (ATF 119 IV 25 c. 2a, p. 26 ; ATF 107 IV 40 c. 5c, p. 45 ; ATF 103 IV 65 c. II 2c, p. 70).
Selon l'art. 129 CP, celui qui, sans scrupules, aura mis autrui en danger de mort imminent sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Le danger au sens de l’art. 129 CP suppose un risque concret de lésions, c’est-à-dire un état de fait dans lequel il existe, d’après le cours ordinaire des choses, la probabilité ou un certain degré de possibilité que le bien juridique protégé soit lésé, sans toutefois qu’un degré de probabilité supérieur à 50% soit exigé (ATF 121 IV 67 c. 2b et les arrêts cités). Il doit en outre s’agir d’un danger de mort, et non pas seulement d’un danger pour la santé ou l’intégrité corporelle (ATF 101 IV 154 c. 2a). Enfin, il faut que le danger soit imminent. La notion d’imminence n’est toutefois pas aisée à définir; elle implique en tout cas la probabilité sérieuse de la réalisation du danger concret, un élément d’immédiateté qui se caractérise moins par l’enchaînement chronologique des circonstances que par le lien de connexité direct unissant le danger et le comportement de l’auteur; l’immédiateté disparaît ou s’atténue lorsque s’interpose ou surviennent des actes ou d’autres éléments extérieurs (ATF 106 IV 12 c. 2a, arrêt du 24 novembre 1995 en la cause R. reproduit in Pra 1996 173 638 c. 2). Du point de vue subjectif, il faut que l’auteur ait agi intentionnellement et que l’acte ait été commis sans scrupules. L’auteur doit avoir conscience du danger de mort imminent pour autrui et adopter volontairement un comportement qui le crée (ATF 121 IV 67 c. 2d, p. 75
in
fine
). En revanche, il ne veut pas, même à titre éventuel, la réalisation du risque (ATF 107 IV 163 c. 3, p. 165). Le dol éventuel ne suffit pas (TF 6S.3/2006, du 16 mars 2006 ; TF 6S.426/2003, du 1
er
mars 2004).
4.2
Le prévenu s’en est pris physiquement à K._ en la saisissant par les bras et en la projetant à plusieurs reprises au sol à divers endroit du logement. Il l’a ensuite saisie au niveau du cou avec les deux mains, en exerçant une pression telle qu’elle ne pouvait plus respirer. Finalement, la plaignante a tenté de s’enfermer dans la chambre de W._ sans toutefois y parvenir dès lors que Z._ l’a suivie. A l’intérieur de cette pièce, ce dernier l’a derechef saisie par les bras et l’a projetée d’abord contre le lit puis sur le matelas. Ces gestes ont occasionné des blessures à K._, lesquelles ont été constatées par un médecin (cf.
supra
P. 6). Ces évènements ont également eu une atteinte psychologique sur la victime. En effet, celle-ci a déclaré lors des débats de première instance : «
suite à cette agression j’ai eu beaucoup de douleurs sur le moment. Surtout je souffre parce que cela reste dans ma tête et je n’arrive pas à m’en débarrasser. Chaque fois que j’y pense j’ai un sentiment de honte et d’humiliation. Encore maintenant, je me réveille à cause de cauchemars. J’avais peur et j’ai encore peur de sortir, connaissance quelle personne il est.
[...]
je vais toujours chez un psychologue au Kosovo. Je n’avais jamais eu de problème avant l’évènement de juin 2009
» (jugement attaqué, p. 3).
Au regard de l’ensemble de ces éléments, Z._ s’est rendu coupable de lésions corporelles simples.
4.3
En revanche, le prévenu doit être libéré de l’infraction de mise en danger de la vie d’autrui. En effet, d’une part, on doute que le danger ait été vraiment imminent. En effet, selon les déclarations de la plaignante, W._ a tenté d’empêcher son compagnon d’étrangler la victime. De plus, cette dernière a essayé de raisonner son agresseur et a pu se saisir de son téléphone portable, D’autre part, l’aspect subjectif de l’infraction n’est pas non plus réalisé. En effet, les éléments du dossier ne suffisent pas pour retenir que l’intimé a voulu mettre en danger la vie de sa victime. Par ailleurs, on ne pourrait retenir l’intention de mise en danger uniquement pour les motifs que Z._ savait que les actes de strangulation peuvent être fatals, puisqu’il s’agit d’un fait notoire.
5.
Le prévenu est également renvoyé pour dommages à la propriété et menaces.
5.1
L’art. 144 CP prévoit notamment que celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d’usage une chose appartenant à autrui sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Aux termes de l'art. 180 al. 1 CP, celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Sur le plan objectif, l’infraction suppose que l’auteur ait émis une menace, qu’elle soit grave et qu’elle ait eu pour conséquence que la victime a été alarmée ou effrayée. Par menaces, il faut entendre que l’auteur, par ses paroles ou son comportement, fait volontairement redouter à la victime la survenance d’un préjudice au sens large (ATF 122 IV 97 c. 2b, p. 100 et les références citées). Une menace est qualifiée de grave si elle est objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime. Il faut donc se demander si une personne raisonnable, dotée d’une résistance psychologique normale, aurait ressenti la menace comme grave (ATF 99 IV 212 c. 1a, p. 215 ; TF 6B_435/2011, du 6 octobre 2011 c. 3.1). Pour déterminer si une menace grave a été proférée, il ne faut pas se fonder exclusivement sur les termes utilisés par l’auteur ou un attitude en particulier. Il faut tenir compte de l’ensemble de la situation, parce que la menace peut aussi bien résulter d’un geste que d’une allusion (ATF 99 IV 212 c. 1a, p. 215).
5.2
A un moment donné, K._ est parvenue à saisir son téléphone et à faire comprendre à son agresseur qu’elle allait prévenir la police ou sa famille. Z._ s’est aussitôt emparé de l’appareil pour l’empêcher d’agir de la sorte. Il a ensuite endommagé le téléphone portable en le jetant contre le sol.
Ce faisant, le prévenu s’est rendu coupable de dommages à la propriété.
Z._ a également menacé K._ de la projeter par-dessus le balcon. Il est indéniable que la victime a été effrayée, la tante de cette dernière ayant d’ailleurs précisé que sa nièce avait peur car le prévenu lui avait dit qu’il allait la jeter depuis le balcon et qu’il se foutait d’elle, de sa famille et des policiers (jugement attaqué, p. 10).
Partant, l’intimé s’est également rendu coupable de menaces.
6.
Le Ministère public a conclu à la révocation du sursis octroyé le 1
er
juillet 2008 et au prononcé d’une peine privative de liberté d’ensemble de 7 mois.
6.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 136 IV 55; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1; TF 6B_408/2012 du 1
er
novembre 2012 c. 1.1).
La peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité, les peines privatives de liberté ne devant être prononcées que lorsque l’Etat ne peut garantir d’une autre manière la sécurité publique (ATF 134 IV 97 c. 4.2.1 et 4.2.2, p. 101). Lorsque tant une peine pécuniaire qu’une peine privative de liberté entrent en considération et que toutes les deux apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu, conformément au principe de la proportionnalité, d’accorder la priorité à la première, qui porte atteinte au patrimoine de l’intéressé et constitue donc une sanction plus clémente qu’une peine privative de liberté, qui l’atteint dans sa liberté personnelle (ATF 134 IV 97 c. 4.2.2, p. 101 ; ATF 134 IV 82 c. 4.1, p. 85). Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l’adéquation de la peine, de ses effets sur l’auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention (ATF 134 IV 97 c. 4.2, p. 100 ; ATF 134 IV 82 c. 4.1, p. 84/85).
Selon l’art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits. Sur le plan subjectif, le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l’auteur. Il suffit qu’il n’y ait pas de pronostic défavorable. Le sursis est la règle dont on ne peut s’écarter qu’en présence d’un pronostic défavorable (ATF 134 IV 1 c. 4.2.2, p. 5ss). Pour émettre ce pronostic, le juge doit se livrer à une appréciation d’ensemble, tenant compte des circonstances de l’infraction, des antécédents de l’auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l’état d’esprit qu’il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l’ensemble du caractère de l’accusé et ses chances d’amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d’autres qui sont pertinents (ATF 134 VI 1 c. 4.2.1, p. 5).
En cas de révocation du sursis, il est contraire à la
ratio
legis
de l’art. 46 al. 1 CP de modifier une peine antérieure (exécutoire) au détriment du condamné (ATF 137 IV 249).
6.2
Z._ s’est rendu coupable de lésions corporelles simples, dommages à la propriété, menaces et infraction à la loi fédérale sur les étrangers. Sa culpabilité est lourde. A charge, on doit tenir compte du concours d’infractions. De plus, l’intéressé a des antécédents judiciaires, pour des actes similaires. Il a nié les faits tout au long de la procédure, ce qui atteste d’une absence de toute prise de conscience. Enfin, bien que régulièrement convoqué, il ne s’est pas présenté à l’audience d’appel. Le seul élément retenu à décharge est le temps écoulé depuis les évènements. On ne saurait prononcer une peine pécuniaire, Z._ étant insensible à ce genre de sanction. Il doit être condamné à une peine privative de liberté de six mois. Contrairement aux conclusions du Ministère public, on ne peut pas fixer une peine d’ensemble englobant une peine pécuniaire antérieure.
Le pronostic est défavorable. En effet, le prévenu a porté atteinte à l’intégrité physique d’une jeune femme après avoir été condamné à deux reprises pour des faits de même nature. Il n’a à l’évidence tiré aucune leçon de ses précédentes condamnations. En outre, il nie totalement les faits et n’a, à l’évidence, pas pris conscience de la gravité de ses actes. Partant le sursis ne saurait être accordé. Toutefois, dès lors qu’il va subir pour la première fois une peine ferme, il n’y a pas lieu de révoquer le précédent sursis.
7.
La plaignante réclame 5'000 fr. à titre d’indemnité pour tort moral.
7.1
En vertu de l’art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. Les circonstances particulières à prendre en compte se rapportent à l’importance de l’atteinte à la personnalité du lésé, l’art. 47 CO étant un cas d’application de l’art, 49 CO. Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé. Parmi les circonstances qui peuvent, selon les cas, justifier l’application de l’art. 47 CO figurent une longue période de souffrance et d’incapacité de travail, de même que les préjudices psychiques importants TF 4A_373/2007 du 8 janvier 2008 c. 3.2, non publié in ATF 134 I 97; ATF 132 Il 117 c. 2.2.2; TF 6B_970/2010 du 23 mai 2011 c. 1.1.2).
En raison de sa nature, l’indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d’argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffre ne saurait excéder certaines limites. L’indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 130 III 699 c. 5.1, p. 704/705 et les arrêts citée). Statuant selon les règles du droit et de l’équité (art. 4 CC), le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation (ATF 135 III 121 c. 2, p. 123).
7.2
La plaignante a subi diverses lésions (P. 6). Ses déclarations devant le Tribunal de police confirment qu’elle a souffert et souffre encore psychologiquement des évènements survenus au mois de juin 2009 (jugement attaqué, p. 3).
Au vu de ces éléments, la Cour de céans arrête le montant à allouer à K._ au titre d’indemnité pour tort moral à 3'000 fr.
8.
En conclusion, les appels sont admis dans le sens des considérants.
Les frais de procédure d’appel, par 2’160 fr., sont mis à la charge de Z._ (cf. art. 426 al. 1 CPP). Outre l’émolument, ces frais comprennent l’indemnité allouée au conseil d’office de la victime, par 1'220 fr., plus TVA, par 97 fr. 60. Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de cette indemnité que lorsque sa situation financière le lui permettra (cf. art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP).
La Cour d’appel pénale
vu les articles 129 CP, 115 al. 1 let. a LEtr,
appliquant les articles 40, 41, 47, 49, 50, 51, 70, 106, 123 ch. 1, 144 al. 1,
180 CP; 115 al. 1 let. b et c LEtr; 398 ss CPP
prononce :
I.
Les appels du Ministère public et de K._ sont admis.
II.
Le jugement rendu le 21 mars 2013 par le Tribunal de police de l’arrondissement de la Côte est modifié selon le dispositif suivant :
"
I. Libère Z._ du chef d’accusation de mise en danger de la vie d’autrui;
II. Constate que Z._ s’est rendu coupable de lésions corporelles simples, dommages à la propriété, menaces et infraction à la Loi fédérale sur les étrangers;
III. Condamne Z._ à une peine privative de liberté de six mois;
IV. Renonce à révoquer le sursis accordé le 1
er
juillet 2008 par le Ministère public de Genève;
V. Dit que Z._ est le débiteur de K._ de la somme de 3'000 fr. (trois mille francs), valeur échue, à titre d’indemnité pour tort moral;
VI. Ordonne la confiscation et la dévolution à l’Etat de la somme de 488 fr. 50 séquestrés en main de Z._;
VII. Met les frais de procédure, y compris l’indemnité allouée au conseil d’office de K._, par 3'050 fr. débours et TVA compris, à la charge de Z._.
III.
Une indemnité de conseil d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1'317 fr. 60 (mille trois cent dix-sept francs et soixante centimes), débours et TVA compris, est allouée à Me Rodolphe Petit.
IV.
Les frais d'appel, par 3'477 fr. 60 (trois mille quatre cent septante-sept francs et soixante centimes), y compris l’indemnité versée au conseil d’office de la plaignante, par 1'317 fr. 60 (mille trois cent dix-sept francs et soixante centimes), TVA et débours compris, sont mis à la charge de Z._i. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
75feae6e-dd8f-47b2-afbd-c9d0d4883964 | En fait :
A.
Par jugement du 6 mai 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a condamné X._ pour lésions corporelles simples qualifiées à une peine pécuniaire de 50 jours-amende, le jour-amende étant fixé à 30 fr., avec sursis pendant deux ans, et à une amende de 500 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif étant de 15 jours (I), condamné S._ pour voies de fait qualifiées à une amende de 300 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif étant de 10 jours (II), rejeté les conclusions en dépens pénaux prises par S._ (III), mis les frais de la cause par 3725 fr. 60 à la charge de X._, montant qui comprenait l'indemnité due au défenseur d'office de ce dernier, par 2'235 fr. 60, TVA et débours compris, et par 745 fr. à la charge de S._ (IV) et dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité fixée au défenseur d'office de X._ ne serait exigé que si la situation financière de ce dernier le permettait (V).
B.
Par annonce du 8 mai 2014 suivie d'une déclaration motivée du 2 juin 2014, X._ a formé appel contre ce jugement, concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu'il est libéré des chefs d'accusation de lésions corporelles simples qualifiées et de voies de fait qualifiées, une partie des frais de la cause, inférieure à 3'725 fr. 60, étant mise à sa charge.
Par annonce du 16 mai 2014 suivie d’une déclaration motivée du
10 juin 2014, S._ a également formé appel contre ce jugement, concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu'elle est libérée des chefs d'accusation de voies de fait simples ou qualifiées, les frais tant de première instance que d'appel étant laissés à la charge de l'Etat.
Par déterminations du 6 août 2014, le Ministère public a conclu au rejet de l'appel interjeté par X._.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Le prévenu X._, de nationalité capverdienne, au bénéfice d'un permis d'établissement, né le [...] 1979, et la prévenue S._, de nationalité suisse, née le [...] 1984, sont mariés mais vivent aujourd'hui séparés. Ils sont les parents d'une fille née en 2011, dont la garde a été confiée à la mère. X._ est également le père d'une fille née d'une précédente relation, âgée de onze ans, qui vit auprès de sa mère.
Coiffeur indépendant, X._ gagne 5'000 fr. par mois, brut, douze fois l'an. Il est astreint au paiement d'une pension mensuelle de 200 euros pour l'entretien de sa fille aînée et d'une pension mensuelle de 750 fr. pour l'entretien de son épouse et de leur fille commune. S'agissant de ses charges mensuelles, son loyer s'élève à 1'580 fr., sa prime d'assurance-maladie à 242 fr. et sa charge fiscale à 366 francs.
Assistante médicale, S._ travaille à temps partiel (80 %) pour un salaire mensuel de 3'900 fr., net, part au treizième salaire comprise. Elle perçoit en outre la pension alimentaire précitée, de 750 fr. par mois. S'agissant de ses charges mensuelles, son loyer s'élève à 1'400 fr., les primes d'assurance-maladie pour elle-même et pour l'enfant dont elle a la garde à un total de 200 fr. et sa charge fiscale à 269 francs. Elle a également des frais de garde, de 450 fr. par mois.
1.2
Le casier judiciaire suisse des prévenus est vierge.
2.
2.1
A la fin du mois de février 2012, S._ a giflé X._ après que ce dernier l'eut traitée de "putain". Elle a également lancé un verre dans sa direction, sans le toucher.
2.2
2.2.1
Le 27 mars 2012, peu avant minuit, une dispute a éclaté entre les époux, lors de laquelle des coups ont été échangés. X._ a frappé S._ au visage. Cette dernière a répliqué en griffant son mari au cou et aux bras. Celui-ci l'a alors projetée contre un vase, posé sur le sol, qui s'est brisé, blessant S._ à la main. X._ a également saisi S._ par le bras et lui a tordu l'épaule.
S._ a déposé plainte pénale auprès de la police, qui s'était déplacée au domicile des époux après un appel téléphonique.
2.2.2
Selon rapport médical du 4 avril 2012 faisant suite à un examen médical du 28 mars 2013, S._ présentait notamment des douleurs à la mobilisation de l'épaule droite avec douleurs à l'abduction du bras droit, ainsi qu'une incapacité à faire la rotation interne en raison de la douleur. L'examen a également mis en évidence une griffure de deux millimètres de profondeur au niveau de la lèvre inférieure, des douleurs à la palpation du menton gauche, des douleurs au niveau de la joue à l'ouverture de la bouche, des douleurs à la palpation sous la clavicule gauche, ainsi qu'une plaie de deux millimètres de profondeur au niveau de la face palmaire du pouce de la main gauche.
Selon les constatations de la police, lors de l'intervention de cette dernière, X._, qui n'a pas souhaité faire de constat médical, portait des marques de griffure au cou et aux bras.
3.
La procédure pénale a été provisoirement suspendue le 2 juillet 2013 en application de l'art. 55a CP, puis a été reprise à la suite d'une requête en ce sens de S._ du 12 décembre 2013. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et dans le délai légal par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels de X._ et de sont S._ recevables.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012). L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP).
I. Appel de X._
3.
3.1
X._ soutient tout d'abord que S._ aurait révoqué son accord à la suspension de la procédure de manière abusive. Il fait valoir que cette décision n'a pas été motivée par de nouvelles violences ou menaces de sa part, mais par des menaces de son ancienne amie, la mère de sa première fille, lesquelles avaient en outre été proférées avant que S._ ne donne son accord avec la suspension. Selon X._, il faudrait dès lors considérer que la révocation de l'accord à la suspension est inopérante.
3.2
Selon l'art. 2 al. 2 CC (Code civil suisse du 10 décembre 1907; RS 210), l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. La règle prohibant l'abus de droit permet au juge de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste (ATF 135 III 162 c. 3.3.1 et les références citées). L'existence d'un abus de droit se détermine selon les circonstances concrètes du cas, en s'inspirant des diverses catégories mises en évidence par la jurisprudence et la doctrine (ATF 135 III 162 c. 3.3.1; ATF 129 III 493 c. 5.1). L'emploi dans le texte légal du qualificatif "manifeste" indique que l'abus de droit doit être admis restrictivement (ATF 135 III 162 c. 3.3.1). Les cas typiques sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire (ATF 135 III 162 c. 3.3.1; ATF 129 III 493 c. 5.1; ATF 127 III 357 c. 4c/bb). La règle prohibant l'abus de droit autorise certes le juge à corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste; cependant, son application doit demeurer restrictive et se concilier avec la finalité, telle que le législateur l'a voulue, de la norme matérielle applicable au cas concret (ATF 107 Ia 206 c. 3b). Le devoir d'agir de bonne foi et l'interdiction d'abuser d'un droit sont des principes généraux qui s'appliquent à l'ensemble des domaines du droit, notamment à la procédure pénale (cf. art. 5 al. 3 Cst.; ATF 125 IV 79 c. 1b et les références citées, spéc. ATF 107 Ia 206 c. 3a).
Aux termes de l'art. 55a al. 1 CP, en cas de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 2 al. 3 à 5 CP), de voies de fait réitérées (art. 126 al. 2 let. b, bbis
et c CP), de menace (art. 180 al. 2 CP) ou de contrainte (art. 181 CP), le ministère public et les tribunaux peuvent suspendre la procédure notamment si la victime est le conjoint ou ex-conjoint de l'auteur et que l'atteinte a été commise durant le mariage ou dans l'année qui a suivi le divorce (let. a ch. 1) et si la victime le requiert ou donne son accord à la proposition de suspension (let. b). La procédure est reprise si la victime révoque son accord, par écrit ou par oral, dans les six mois qui suivent la suspension (art. 55a al. 2 CP). En l'absence de révocation de l'accord, le ministère public et les tribunaux ordonnent le classement de la procédure (art. 55a al. 3 CP).
L'art. 55a CP reprend le texte de l'art. 66ter aCP. Selon le message y relatif (FF 2003, p. 1750 ss, spéc. p. 1763), l'exception statuée à l'art. 66ter aCP ne remet pas en cause l'application du principe de la poursuite d'office. Elle vise uniquement à permettre de corriger, dans un certain nombre de cas d'infractions bien déterminées, les incidences négatives que pourrait avoir sur la victime l'exécution de la procédure pénale. En l'occurrence, l'intérêt prépondérant est celui de la victime. Aussi la procédure ne doit-elle être suspendue qu'avec le consentement de celle-ci. L'accord à la suspension est un droit du conjoint (CCASS 30 juin 2008/251). Pour que ce dernier puisse prendre sa décision en toute liberté, un délai de réflexion de six mois lui est accordé. S'agissant de l'examen des conditions permettant une reprise de la procédure, l'art. 55a al. 2 CP ne fait pas usage d'une formulation potestative. A la différence de ce qui vaut pour l'examen des conditions auxquelles est subordonnée la suspension de la procédure, il n'y a en effet pas lieu de laisser à l'autorité compétente une marge d'appréciation pour statuer sur la reprise de la procédure. En d'autres termes, si la victime révoque son accord quant à la suspension de la procédure, celle-ci doit être rouverte d'office (message précité, p. 1769; cf. ég. Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 14 ad art. 55a CP). Il résulte des considérants qui précèdent que la victime n'a pas d'obligation d'accepter une suspension de la procédure; une fois qu'elle l'a fait, elle dispose d'un délai de réflexion; cela signifie qu'elle peut changer d'avis en toute liberté. Elle n'a pas à motiver sa décision ni à justifier un revirement de sa part.
3.3
En l'espèce, S._ a requis la reprise de cause sans expliquer les motifs de sa décision (cf. P. 20). C'est à l'audience de reprise de cause qu'elle a déclaré avoir révoqué son accord en raison de menaces reçues bien avant la suspension (jugement entrepris, p. 7). Le motif invoqué en l'espèce, qui est lié au conflit conjugal au sens large, n'a rien d'abusif, à supposer qu'il y ait place pour un abus de droit.
4.
4.1
X._ conteste également les faits tels que retenus par le Tribunal de police. Il admet avoir "repoussé fortement" S._, qui se serait ensuite très légèrement blessée par accident. Il conteste en particulier l'existence de tout coup de poing. Dans sa déclaration d'appel, X._ ne se détermine pas clairement sur le point de savoir s'il admet ou non avoir tordu le bras de son épouse, mais soutient en tout cas que la plaie et la douleur ressentie à l'épaule seraient de si peu d'importance que l'acte en question serait tout au plus constitutif de voies de fait. Enfin, les déclarations de S._ sur les coups reçus seraient fluctuantes et celles au sujet de l'atteinte durable à sa santé qui résulteraient de la blessure au bras ne seraient pas étayées par des certificats médicaux.
4.2
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011,
n. 19 ad art. 398 CPP).
4.3
Le Tribunal de police a indiqué retenir la version "la plus crédible est la plus convaincante" (p. 16), sans expliquer comment il était parvenu à ce résultat.
Il résulte du dossier que lors de l'intervention de la police, S._ a déclaré que X._ lui avait donné un coup de poing à la lèvre et lui avait tordu l'épaule; elle a ajouté qu'il y avait eu "du sang partout", ce que n'expliquent pas les déclarations qui précèdent. On comprend donc que les explications de l'intéressée sont lacunaires. Quant à X._, il a dit à la police qu'au cours de la bagarre, S._ s'était tapée la main contre le mur, se blessant à un doigt. Trois mois plus tard, S._ a indiqué avoir fait l'objet de diverses violences, parmi lesquelles un coup de poing à la lèvre, qui a enflé, une torsion vers l'arrière du bras et de l'épaule et enfin une poussée vers un vase, qui s'est brisé et l'a blessée à la main (PV aud. 1, lignes 34 à 40). A la même époque, X._ a affirmé s'être seulement défendu contre son épouse, qui lui avait donné une gifle et avait commencé à le frapper "partout sur le corps", en la "repoussant". Elle serait alors tombée par terre et sa tête aurait touché un objet qui se trouvait au sol, ce qui aurait provoqué la blessure à la lèvre (PV aud. 2, lignes 35 à 41). X._ a d'abord contesté avoir frappé son épouse, puis a déclaré "ne plus se rappeler" s'il l'avait fait (même pièce, lignes 48 à 50). Il a en tout cas contesté lui avoir tordu le bras (même pièce, lignes 52 et 53). Le sang serait le sien, car son épouse aurait seulement saigné d'un doigt. Au cours des débats de première instance, S._ a confirmé que son mari l'avait poussée et lui avait tordu le bras (jugement entrepris, p. 7 en haut). On ne peut pas, contrairement à ce que soutient X._ dans sa déclaration d'appel, en déduire une rétractation s'agissant des autres coups. X._ a maintenu avoir repoussé S._, ce qui l'aurait – accidentellement – fait tomber sur un vase en verre et aurait causé les blessures à la lèvre et à la main (jugement entrepris, p. 9, ad 2).
Une voisine a été entendue en cours d'enquête sur les faits de la nuit du 27 mars 2012 (cf. PV aud. 3, lignes 42 à 59). Elle a déclaré avoir entendu des voix et des bruits de pas. Quelque chose s'était ensuite cassé et elle avait entendu des cris d'homme et de femme. La voisine avait décidé d'intervenir et, en sortant de son appartement, qui se trouvait à côté de celui des époux, elle avait entendu S._ appeler au secours. La porte d'entrée de l'appartement des prévenus étant ouverte, la voisine avait vu X._ en train de tenir le bras de S._, dont la nuisette était déchirée, qui se débattait pour se libérer mais n'y parvenait pas. La voisine leur avait demandé si elle devait appeler la police; S._ avait dit oui, tandis que X._ avait intimé à la voisine l'ordre de "se mêler de ses affaires". Celle-ci a néanmoins appelé la police et S._ s'est réfugiée chez elle. Selon cette dernière, S._ est arrivée en pleurs et avait des marques rouges au niveau du visage, de la poitrine et du bras gauche, ainsi qu'un côté du visage plus enflé que l'autre. Lors de son intervention, la police a vu qu'il y avait du sang en différents endroits, que S._ était blessée à la lèvre et aux doigts, qu'elle avait l'épaule luxée et que X._ présentait pour sa part des griffures au cou et aux bras (cf. P. 7, 8/2 et 8/4). Un certificat médical confirme les lésions subies par S._, en faisant notamment état d'une griffure à la lèvre profonde de deux millimètres, d'une plaie au pouce profonde de deux millimètres et de douleurs à l'épaule avec incapacité à faire la rotation interne (P. 9).
Il apparaît ainsi que X._ minimise son rôle et les blessures de son épouse. Les éléments précités démontrent que X._ a bien tenu par le bras S._, qui se débattait en vain, ce qui rend crédibles les douleurs signalées à l'épaule. Il a également poussé S._ contre un vase en verre, alors qu'il ne pouvait ignorer le danger que cet objet se brise et provoque des coupures. On ne saurait dès lors considérer qu'il s'agissait d'un "accident", mais il faut au contraire retenir l'existence de lésions intentionnelles par dol éventuel, l'auteur agissant déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait (art. 12 al. 2 2
e
phrase CP). Enfin, la nature de la lésion à la lèvre et les autres marques rouges observées par la voisine ne peuvent que difficilement s'expliquer par la version du bris de verre soutenue par X._ et conduisent à privilégier celle du coup de poing soutenue par S._. Les faits apparaissent en définitive bien établis.
4.4
Quant à la qualification juridique, c'est à juste titre que le Tribunal de police a retenu que ces diverses coupures, griffure et torsion de l'épaule étaient constitutives de lésions corporelles simples qualifiées (cf. art. 123 ch. 2 al. 5 CP), et non de voies de fait. Indépendamment de la réalité du caractère durable de l'atteinte subie par S._, la gravité des actes reprochés à X._ excède celle de simples atteintes physiques qui ne causeraient ni lésions corporelles ni dommage à la santé (cf. ATF 134 IV 189 c. 1.2). Le moyen soulevé par X._ selon lequel il ne pourrait être condamné pour voies de fait qualifiées car il n'aurait agi qu'à une seule reprise n'a dès lors pas à être examiné, étant rappelé que la condamnation pour lésions corporelles simples qualifiées ne suppose pas de réitération de violences.
5.
5.1
Dans son appel, X._ ne conteste pas la peine en tant que telle. Ce point devant toutefois être examiné d'office, la Cour de céans considère que s'agissant de la peine principale, de 50 jours-amende à 30 fr. avec sursis, l'appréciation du Tribunal de police est conforme à la loi et peut être confirmée.
5.2
En revanche, il en va différemment de l'amende de 500 fr. infligée au titre de sanction immédiate.
Le juge peut prononcer, en plus du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon l'art. 106 CP (art. 42 al. 4 CP). L'amende prononcée à titre de sanction immédiate contribue à accroître le potentiel coercitif relativement faible de la peine principale avec sursis, dans une optique de prévention générale et spéciale. Il s'agit d'une forme d'admonition à l'adresse du condamné, afin d'attirer son attention sur le sérieux de la situation tout en lui démontrant ce qui l'attend s'il ne s'amende pas (ATF 134 IV 60 c. 7.3.1 et les références citées). La combinaison prévue à l'art. 42 al. 4 CP constitue un "sursis qualitativement partiel" (cf. ATF 134 IV 1 c. 4.5.2). Enfin, si une peine combinée est justifiée, les deux sanctions considérées ensemble doivent correspondre à la gravité de la faute au sens de l'art. 47 CP (ATF 134 IV 53 c. 5.2; TF 6B_61/2010 du 27 juillet 2010 c. 5).
En l'espèce, on est en présence d'un épisode isolé, car si l'on sait qu'il y a eu d'autres disputes conjugales (cf. p. ex. P. 8/3), rien de concret n'est prouvé à l'encontre de l'un ou l'autre des intéressés. En l'absence d'antécédents pénaux, le prononcé d'une amende à titre de sanction immédiate, qui porterait matériellement le total de la peine à 65 jours-amende, ne se justifie pas et le jugement entrepris devra être modifié d'office sur ce point.
6.
Enfin, la conclusion de X._ tendant à la réduction de la part des frais de première instance mise à sa charge n'a pas à être examinée, car elle reposait exclusivement sur les moyens qui précèdent, qui se sont avérés mal fondés.
7.
En définitive, l'appel de X._ doit être rejeté, le chiffre I du dispositif du jugement entrepris devant toutefois être modifié en ce sens que l'intéressé n'est condamné qu'à 50 jours-amende de 30 fr. avec sursis pendant deux ans.
Vu l’issue de la cause, il y a lieu de mettre à la charge de X._ l'intégralité de la part des frais de la procédure de deuxième instance qui concerne son appel (cf. art. 428 al. 1 CPP), qui correspond à la moitié de l'émolument de jugement, soit 1'025 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), et à l'intégralité de l'indemnité due à son défenseur d'office pour la procédure d'appel, qui sera arrêtée à 1'296 fr., débours et TVA compris.
X._ ne sera toutefois tenu de rembourser à l’Etat l’indemnité allouée à son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra.
II. Appel de S._
8.
8.1
S._, que le Tribunal de police a reconnue coupable de voies de fait qualifiées au sens de l'art. 126 al. 2 CP, soutient que les conditions d'application de cette disposition ne seraient pas réalisées, car elle n'aurait agi qu'une seule fois, soit dans le cadre des faits de l'épisode de février 2012 (ch. 2.1 supra), qui sont admis, son comportement dans le cadre de l'épisode du 27 mars 2012 (ch. 2.2 supra) étant en revanche constitutif de légitime défense. De toute manière, même si deux épisodes distincts pouvaient lui être reprochés, on ne devrait pas considérer qu'elle a agi à "réitérées reprises" au sens de la loi.
8.2
Selon l'art. 126 CP, celui qui se sera livré sur une personne à des voies de fait qui n'auront causé ni lésion corporelle ni atteinte à la santé sera, sur plainte, puni d'une amende (al. 1). La poursuite aura lieu d'office notamment si l'auteur a agi à réitérées reprises contre son conjoint durant le mariage ou durant l'année qui a suivi le divorce (al. 2 let. b).
L'auteur agit à réitérées reprises lorsque les voies de fait sont perpétrées plusieurs fois sur la même victime et qu'elles dénotent une certaine habitude; de nombreux coups, donnés de manière systématique durant quelques jours ou quelques heures, devraient cependant suffire pour que les conditions de cette disposition soient réalisées (FF 1985 II pp. 1021 ss, spéc. p. 1046; cf. ég. Donatsch, Strafrecht III, Zurich/Bâle/Genève 2013, p. 58). Le Tribunal fédéral a précisé que le but de l'art. 126 al. 2 CP était d'éviter que cela ne dégénère et que les coups ne deviennent habituels (ATF 129 IV 216 c. 3.2; cf. ég. Hurtado Pozo, Droit pénal, partie spéciale, Genève/Zurich/Bâle 2009, n. 552). Certains auteurs exigent que l'auteur agisse souvent, en précisant que deux fois ne suffisent en principe pas (cf. Stratenwerth/Jenny/Bommer, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil I, Berne 2010, n. 53 ad § 3; Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
édition, Berne 2010, n. 22 ad art. 126 CP); d'autres considèrent en revanche que deux fois peuvent suffire (Trechsel/Fingerhuth, in : Trechsel/Pieth [éd.], Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 2
e
édition, Zurich/Saint-Gall 2013, n. 8 ad art. 126 CP).
8.3
8.3.1
En l'espèce, comme X._ n'a pas déposé plainte pénale, une condamnation de S._ n'est envisageable qu'au titre de l'art. 126 al. 2 CP, soit si une hypothèse de poursuite d'office est réalisée.
8.3.2
S'agissant de l'épisode du 27 mars 2012, on ne saurait considérer que S._ a agi dans le strict cadre d'une légitime défense. En effet, quand bien même c'est elle qui a subi les blessures les plus graves, elle ne s'est pas bornée à repousser l'attaque par des moyens proportionnés aux circonstances (cf. art. 15 CP), mais a infligé de profondes griffures à son mari. Elle admet elle-même non seulement avoir tenté de bloquer les coups, mais également avoir "riposté", après que X._ aurait donné les "premiers" coups (cf. PV aud. 1, lignes 61 à 65). Elle ne s'est donc pas contentée de se défendre, mais a activement répliqué. Le déroulement de l'épisode de février 2012 (ch. 2.1 supra), qui n'est pas contesté, démontre qu'il est arrivé à S._ de prendre l'initiative de porter une dispute sur le plan physique.
Cela étant, comme déjà observé plus haut (cf. c. 5.2 supra), rien de concret n'est établi contre S._ au sujet d'autres disputes passées. X._ lui-même, s'il affirme que c'était la troisième fois que son épouse s'en prenait à lui, ne décrit que les deux épisodes litigieux. Dès lors, en présence de seulement deux disputes avec violences avérées, quand bien même elles sont rapprochées dans le temps, il faut, au vu des critères définis par la doctrine et la jurisprudence, considérer qu'on ne se trouve pas dans l'hypothèse d'actes réitérés au sens de l'art. 126 al. 2 CP. En particulier, on ne peut tenir pour établi que le comportement de l'intéressée dénotait une certaine habitude. S._ doit par conséquent être purement et simplement libérée.
9.
Compte tenu de l'acquittement de S._, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens de celle-ci en relation avec les art. 177 al. 3 CP et 64 aCP dans sa teneur en vigueur au 31 décembre 2006.
10.
S._ conclut également à ce que les frais de première et de deuxième instances soient laissés à la charge de l'Etat. En frappant son mari à deux reprises, elle a toutefois eu un comportement illicite d'un point de vue civil, qui est à l'origine de la procédure pénale, ce qui justifie la mise à sa charge d'une partie des frais de première instance, en dépit de l'acquittement prononcé (cf. art. 426 al. 2 CPP). La question des frais de deuxième instance sera examinée plus bas (cf. c. 11 infra).
11.
Au vu de ce qui précède, l'appel de S._ doit être admis, le chiffre II du dispositif du jugement entrepris devant être modifié en ce sens qu'elle est libérée des fins de la poursuite pénale.
Vu l’issue de la cause, la part des frais de la procédure de deuxième instance qui concerne l'appel interjeté par S._, qui correspond à la moitié de l'émolument de jugement, soit 1'025 fr., doivent être laissés à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).
En ce qui concerne les dépenses occasionnées à S._ par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, il n'y a pas matière à indemnisation. S'il est vrai que l'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu à ce titre, elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier (art. 429 al. 2 CPP). Or, en l'espèce, alors qu'elle avait été invitée à déposer une demande écrite chiffrée et justifiée au plus tard à l'ouverture des débats de deuxième instance (cf. citation à comparaître du 24 juillet 2014), S._ s'est bornée à déposer une liste des opérations, qui ne comporte qu'un total d'heures général, mais aucune indication chiffrée sur le montant réclamé, et n'a pas pris de conclusion chiffrée, de sorte qu'aucun montant ne peut lui être alloué à ce titre. Son comportement fautif justifie aussi le refus de toute indemnité (art. 430 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
76089be2-df05-4a70-acae-d3fcdc09364f | En fait :
A.
Par jugement du 20 janvier 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a notamment libéré J._ du chef d’accusation de lésions corporelles simples qualifiées (I), a constaté qu’il s’est rendu coupable de lésions corporelles simples, vol, menaces, infraction et contravention à la LStup (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de 180 jours, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 2 juillet 2013 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, ainsi qu’à une amende de 400 fr., convertible en 10 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement dans le délai qui lui sera imparti (III), a dit que R._ est le débiteur de J._ d’une somme de 2'300 fr., acte étant donné pour le surplus à ce dernier de ses réserves civiles (IV), a dit que J._ est le débiteur de N._ pour le Café Restaurant Q._ des sommes de 1'140 fr. et 300 fr. (VII), a ordonné la restitution à J._ de la somme de 200 fr. séquestrée sous fiche n°57131 (VIII), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièce à conviction du CD séquestré sous fiche n°57111 (IX) et a mis une part des frais, par 4'616 fr. 60, à la charge de J._, montant incluant l’indemnité au conseil d’office par 2'991 fr. 60 dont le remboursement à l’Etat n’est exigible que si la situation financière du débiteur le permet (X), l’autre partie des frais communs, par 1'625 fr., étant mis à la charge de R._ (XI).
B.
Par annonce d’appel du 21 janvier 2015, suivie d’une déclaration d’appel motivée du 24 février 2015, J._ a contesté ce jugement. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est libéré des chefs d’accusation de lésions corporelles simples qualifiées, vol et infraction à la LStup, qu’il est condamné pour lésions corporelles simples, vol d’importance mineure, menaces et contravention à la LStup à une peine privative de liberté de 180 jours, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 2 juillet 2013 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, avec sursis pendant 3 ans, et à une amende de 400 fr. convertible en 10 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement, que les frais de justice mis à sa charge sont ramenés à 3'804 fr. 10 et les conclusions civiles allouées à N._ pour le Café Restaurant Q._ réduites à 200 fr. et que les frais de justice mis à la charge de R._ sont augmentés à 2'437 fr. 50. Comme mesure d’instruction, il a requis la production des pièces mentionnées en première page de son courrier du 3 décembre 2014 (pièce 19), permettant d’établir « à qui appartenait la bourse [contenant les 1'140 fr. dérobés], à quelle heure a commencé le service de la personne détentrice de la bourse et quel fond de caisse elle contenait au début du service, ainsi que les relevés de caisse ».
Par lettre du 5 mars 2015, le Ministère public a annoncé qu’il s’en remettait à justice s’agissant de la recevabilité de l’appel et qu’il renonçait à déclarer un appel joint.
Par courrier du 28 avril 2015, le Président de la Cour de céans a rejeté la réquisition de preuve de J._.
Par lettre du 29 avril 2015, le Parquet a renoncé à déposer des conclusions.
L’appelant a réitéré sa requête de production de pièces par lettre du 1
er
mai 2015.
N._, pour le Café Restaurant Q._, a retiré sa plainte à l’audience d’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né en 1979 au Portugal, pays dont il a la nationalité, J._, qui est au bénéfice d’un permis de séjour C, est venu en Suisse à 12 ans et y a terminé sa scolarité, avant de commencer un apprentissage d’informaticien, sans obtenir de CFC. Il a travaillé comme magasinier, mais aussi comme informaticien. Il est au chômage depuis environ une année et perçoit 2'800 fr. en moyenne par mois d’allocations de chômage. Il n’est pas marié, vit seul et n’a personne à charge. Il aurait, selon ses dires, des dettes pour environ 60'000 francs. Toxicomane, il a expliqué avoir commencé à se droguer à 18 ans. Depuis quelques temps, il serait en cure de désintoxication et aurait cessé toute consommation.
Son casier judiciaire suisse comporte les condamnations suivantes :
- 31.03.2005, Tribunal correctionnel de Lausanne, contravention à la LStup, délit contre la LStup, violation grave des règles de la circulation routière, emprisonnement 12 mois, détention préventive 55 jours ;
- 28.04.2006, Juge d’instruction de Lausanne, violation des règles de la circulation routière, vol d’usage, conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduire, conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait, contravention à la LStup, emprisonnement 2 mois, libération conditionnelle le 22 avril 2007, délai d’épreuve 1 an, peine restante 6 mois 9 jours, assistance de probation, règle de conduite, délai d’épreuve prolongé de 6 mois le 15 mai 2008 ;
- 21.02.2012, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, violation de domicile (délit manqué), délit contre la LStup, contravention à la LStup, peine pécuniaire 45 jours-amende à 50 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 5 ans, amende 900 fr., sursis révoqué le 2 juillet 2013 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne ;
- 02.07.2013, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, vol, contravention à la LStup, peine pécuniaire 30 jours-amende à 40 fr., amende 240 fr., détention préventive 1 jour.
2.
2.1
A Ecublens notamment, entre le 2 juillet 2013, date de sa dernière condamnation, et la fin de mars 2014, J._ a consommé régulièrement de l’héroïne pour laquelle il investissait mensuellement de 200 fr. à 400 francs. A son domicile de [...], le 7 mars 2014, lors d’une visite de police, il a été découvert et saisi deux pacsons contenant au total 10 grammes d’héroïne, drogue qui a été détruite par les forces de l’ordre. Le prévenu s’est notamment ravitaillé auprès d’un ressortissant albanais à Renens, le 4 mars 2014, lui achetant 20 grammes d’héroïne pour la somme de 320 fr. et en recevant 3 grammes en cadeau. Il a en outre vendu de l’héroïne en des quantités indéterminées à R._ durant une période d’environ deux ans, jusqu’au 25 septembre 2013, et en a consommé en sa compagnie.
2.2
D’octobre 2013 au 11 novembre 2013, il a proféré différentes menaces à l’encontre de R._ par téléphone, en l’accusant d’être entré chez lui par effraction, le 25 septembre 2013, et d’y avoir dérobé 2'300 fr., ainsi qu’une chaînette en or et un porte-monnaie (jugt, c. 2.2). Dans ce contexte, à Renens, le 11 novembre 2013, entre 19h30 et 20h30, il a suivi R._ depuis le domicile de ce dernier jusqu’au parking situé près de la piscine de Renens. A cet endroit, il l’a frappé avec les poings, lui occasionnant notamment des plaies nécessitant un point de suture au niveau de la tempe gauche et trois points de suture au niveau de l’arrête du nez, ainsi que plusieurs hématomes sur la tête et le corps.
2.3
Le 16 janvier 2014, vers 22h50, à Renens, à la rue [...], au Café Restaurant Q._, le prévenu a dérobé, derrière le comptoir du bar, deux cylindres métalliques contenant des pièces de 5 fr. d’une valeur de 100 fr. chacun. Le 22 janvier 2014, N._, pour le Café Restaurant Q._, a déposé plainte en annonçant le vol d’un troisième rouleau et d’une bourse de sommelière. Elle a retiré sa plainte à l’audience d’appel. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2
e
éd., Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
J._ ne remet en cause ni les faits décrits sous chiffre 2.3 du jugement attaqué et repris au considérant 2.2 ci-avant, ni leur qualification, ni sa condamnation pour contravention à la LStup en relation avec les faits décrit sous chiffre 2.1 du jugement (c. 2.1
supra
). Invoquant une violation de la présomption d’innocence, il conteste en revanche, dans ce dernier cas, avoir vendu de l’héroïne à R._ et, partant, sa condamnation pour infraction à la LStup au sens de l’art. 19 al. 1 let. c de cette loi. Il soutient que le premier juge l’a condamné en l’absence de toute preuve ou indice. En particulier, les déclarations de R._ n’auraient aucune valeur probante, car il serait démontré que celui-ci avait menti sur plusieurs faits.
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
3.2
En l'espèce, le Tribunal de police a tout d’abord retenu que les déclarations de R._ selon lesquelles J._ lui aurait vendu de l’héroïne pendant deux ans et jusqu’au 25 septembre 2013 étaient plus crédibles que les dénégations de ce dernier à cet égard (jugt, p. 15). Cette appréciation n’est pas critiquable. En effet, l’appelant, qui est apparu agacé par la question de savoir s’il avait fourni de l’héroïne à son coprévenu (PV aud. 3, R. 8), a varié dans ses affirmations concernant sa consommation de drogue dès sa première audition, prétendant dans un premier temps avoir cessé toute consommation depuis janvier 2013, avant de préciser qu’il avait consommé de la drogue encore récemment, pour finalement admettre, juste après avoir été informé qu’une perquisition aurait eu lieu à son domicile, qu’il y avait 15 grammes d’héroïne chez lui et qu’il avait fait « deux sniffées » la veille de l’audition (PV aud. 3, R. 10 et 11). A l’inverse, son coprévenu a été constant dans ses explications tant en ce qui concerne sa consommation que s’agissant de l’origine de la drogue, indiquant avoir, durant la période susmentionnée, acheté occasionnellement de la drogue à J._ au prix de 20 fr. le paquet (PV aud. 2, R. 11 ; PV aud. 4, lignes 162 ss). Or, on ne voit pas quel intérêt avait R._ à charger mensongèrement l’appelant, qu’il a décrit comme un « ami de consommation » (PV aud. 4, ligne 184) ; il n’a d’ailleurs pas exagéré les faits sur ce point, puisqu’il a lui-même précisé que son ami lui avait fourni de la drogue uniquement « de temps en temps » (jugt, p. 6). A cela s’ajoute qu’il a pu donner des détails convaincants notamment quant au prix de la drogue et à l’endroit où la vente avait lieu (PV aud. 2, R. 11). C’est donc à juste titre que le premier juge a retenu que la version donnée par R._ emportait la conviction. Les dénégations de ce dernier par rapport au cambriolage de l’appartement de l’appelant et au vol de son porte-monnaie – relevées dans l’appel (p. 3) – ne changent rien à ce constat, s’agissant d’un litige postérieur à la période de consommation commune.
Par ailleurs, le tribunal de première instance n’a pas seulement pris en considération l’incrimination du coprévenu, mais il a également relevé que c’est dans ce contexte de vente d’héroïne de l’un à l’autre qu’il fallait comprendre l’origine de leurs disputes et les motifs qui avaient poussé R._ à cambrioler l’appartement de l’appelant. Cette appréciation est correcte. Le prénommé, tout en contestant être l’auteur de ce cambriolage, a en effet lui-même admis que J._ avait pu penser qu’il était allé chez lui « pour [s]e servir [lui]-même » sous-entendu de la drogue (PV aud. 4, ligne 151) ; d’ailleurs, ce dernier a indiqué que R._ lui avait volé, en sus de son porte-monnaie, également un sachet contenant 5 grammes d’héroïne (PV aud. 3, R. 7). On peut encore ajouter qu’il est pour le moins curieux que l’appelant, toxicomane sans activité lucrative et dont la situation financière est fortement obérée (jugt, p. 13), conserve à son domicile plusieurs milliers de francs en espèce, alors que le gain effectué à la loterie d’un montant de 4’004 fr., d’où proviendrait cet argent, a été versé sur son compte bancaire le 10 septembre 2013 (piève 19/3). Tout indique donc qu’il utilisait, à une époque où il avait, selon ses dires, cessé toute consommation, d’importantes sommes d’argent pour l’acquisition de stupéfiants qu’il revendait en partie en tout cas, étant précisé encore qu’il a déjà été condamné dans un passé récent pour infraction à la LStup. Enfin, il a clairement reconnu qu’il lui était arrivé de consommer de l’héroïne à son domicile avec le coprévenu (jugt, p. 8), ce que celui-ci a confirmé. Dans ce cas, il est très peu vraisemblable que R._ se soit rendu chez l’appelant avec sa drogue et que chacun ait consommé sa propre dose d’héroïne ; il apparaît plutôt vraisemblable, dans l’hypothèse où, à ces occasions, l’appelant ne lui aurait pas vendu de la drogue, comme il l’a dit, qu’il lui en ait à tout le moins remise pour qu’ils consomment ensemble, ce qui suffirait à retenir l’infraction à l’art. 19 al. 1 let. c LStup (ATF 119 IV 183).
Ainsi, sur la base de ce qui précède, le premier juge n’a pas violé la présomption d’innocence en condamnant J._ pour infraction à la LStup, la mise en cause du coprévenu étant corroborée par d’autres éléments du dossier, comme on l’a vu.
Le moyen est mal fondé et doit donc être rejeté.
4.
J._ conteste également avoir dérobé au Café Restaurant Q._ une partie du butin retenu dans le jugement de première instance, soit une bourse de sommelière et un troisième rouleau de pièces. Il soutient que les images vidéo du vol sont claires et qu’on y voit notamment qu’il n’a pas dérobé une bourse de sommelière. En outre, les déclarations de la plaignante seraient confuses.
Le premier juge a retenu que la bande vidéo de surveillance ne permettait pas de voir exactement ce que l’appelant avait dérobé derrière le bar. Cette affirmation est exacte. En effet, s’il ressort des images de surveillance que le prévenu se sert en deux fois, il n’est toutefois pas possible de dire s’il s’agit de deux rouleaux de pièces. Par contre, il paraît exclu selon les images qu’une bourse de sommelière ait été prise, en raison de la taille de cet objet qui est plus importante que ce que paraît prendre le prévenu. Il reste à déterminer si la version de l’appelant est crédible. Celui-ci prétend avoir dérobé 200 fr. en monnaie (soit deux rouleaux de pièces de 5 fr.) pour se venger d’un différend qu’il aurait eu avec le gérant du Pub dans lequel il a agi. C’est la version qu’il a donnée d’emblée et qu’il a maintenue (dossier B, PV aud. 1 et 2) et les images de surveillance ne permettent pas de le contredire ; les seules déclarations de N._, qui n’a pas été témoin direct des faits (jugt, p. 9), ne sont à cet égard pas probantes, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge. Enfin, on relèvera que les enquêteurs ont également retenu la version de l’appelant (dossier B, pièce 4, p. 5). Partant, J._ doit être mis au bénéfice de ses déclarations, en application du principe
in dubio pro reo
. Il s’ensuit que seule pourrait être retenue contre lui l’infraction de vol d’importance mineure au sens de l’art. 139 al. 1 CP en relation avec l’art. 172ter CP, rien ne permettant par ailleurs de dire que l’intéressé aurait agi avec le dol éventuel d’obtenir un butin supérieur à 300 fr. (ATF 123 IV 155, JT 1998 IV 170 c. 1b). Cependant, dès lors que cette infraction ne se poursuit que sur plainte et que l’intimée a retiré sa plainte (p. 3
supra
), J._ doit être purement et simplement libéré de l’infraction de vol.
Au vu de la somme dérobée finalement retenue et admise, de l’ordre de 200 fr., l’allocation des conclusions civiles devra être limitée à ce montant. On notera à cet égard que le premier juge a ordonné la restitution de la somme de 200 fr. séquestrée alors que ce montant avait été prélevé avec l’accord du prévenu dans le but de rembourser la plaignante (dossier B, PV aud. 1, R. 9). A l’audience d’appel, l’appelant a admis que le chiffre VIII du dispositif du jugement soit rectifié en ce sens que la somme de 200 fr. est restituée à N._ pour le Café Restaurant Q._ et non à J._ (p.
2 supra
). On réformera donc le jugement en ce sens.
5.
L’appelant se plaint encore du rejet de ses conclusions incidentes par le premier juge, mais ce moyen est devenu sans objet en raison de l’admission du précédent grief ; il en va de même des mesures d’instruction sollicitées en appel.
6.
J._ conteste la peine qui lui a été infligée, mais il résulte de ses conclusions (ch. VI) qu’il demande exclusivement l’octroi du sursis. De toute manière, et même à défaut de conclusions tendant à la réduction de la peine, celle-ci doit être revue en raison de l’abandon du chef d’accusation de vol (c. 4
supra
).
6.1
6.1.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_335/2012 du 13 août 2012 c. 1.1 et les références citées).
6.1.2
Aux termes de l'art. 41 al. 1 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42) ne sont pas réunies et s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire, ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés. L'art. 41 al. 1 CP prévoit ainsi deux conditions cumulatives.
Il faut d'abord que les conditions du sursis à l'exécution de la peine ne soient pas réunies. Le droit au sursis s'examine selon les critères posés à l'art. 42 CP qui ont été rappelés dans l'arrêt publié aux ATF 135 IV 180 c. 2.1. Il y est renvoyé. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (ATF 134 IV 5 c. 4.2.2).
La seconde condition reflète la subsidiarité de la peine privative de liberté. En effet, la peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité, les peines privatives de liberté ne devant être prononcées que lorsque l’Etat ne peut garantir d’une autre manière la sécurité publique (ATF 134 IV 97 c. 4.2.1 et 4.2.2). Lorsque tant une peine pécuniaire qu’une peine privative de liberté entrent en considération et que toutes les deux apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu, conformément au principe de la proportionnalité, d’accorder la priorité à la première, qui porte atteinte au patrimoine de l’intéressé et constitue donc une sanction plus clémente qu’une peine privative de liberté, qui l’atteint dans sa liberté personnelle (ATF 134 IV 97 c. 4.2.2; ATF 134 IV 82 c. 4.1). Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l’adéquation de la peine, de ses effets sur l’auteur et sur sa situation sociale, ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention (ATF 134 IV 97 c. 4.2; ATF 134 IV 82 c. 4.1).
6.2
En l’espèce, J._ doit être condamné, en définitive, pour lésions corporelles simples, menaces, infraction et contravention à la LStup, les trois premières infractions étant toutes punissables d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 123 ch. 1, 180 al. 1 CP et 19 al. 1 LStup) et la dernière d’une amende (art. 19a ch. 1 LStup). Le prénommé en est à sa cinquième condamnation en dix ans. Ses précédentes condamnations à deux peines privatives de liberté fermes d’une durée totale de 14 mois et à deux peines pécuniaires avec et sans sursis n’ont eu aucun effet dissuasif sur lui, puisqu’il a continué de commettre des infractions, notamment à la LStup, alors qu’il avait déjà été condamné pour ce motif. Outre ses mauvais antécédents, on tiendra compte, à charge, du concours d’infractions, de la durée des faits incriminés et de son attitude peu collaborante en cours d’enquête. A décharge, on retiendra, à l’instar des premiers juges, ses aveux partiels ainsi que sa situation personnelle, en particulier le fait qu’il est toxicomane. Enfin, il y a lieu de tenir compte du fait que la peine est partiellement complémentaire à celle prononcée le 2 juillet 2013.
En conséquence, a
u vu de ce qui précède, et compte tenu en particulier de l'abandon de l’infraction de vol (c. 4
supra
)
, il convient d'infliger à J._ une peine de 120 jours et de confirmer l'amende de 400 fr. ainsi que la peine privative de liberté de substitution de 10 jours fixées par le premier juge
.
L’appelant ne conteste pas – à juste titre – le prononcé d’une peine privative de liberté. Ses antécédents, rappelés ci-dessus, et la répétition des infractions dans la présente affaire dictent en effet une telle sanction pour des motifs de prévention spéciale. C’est également en vain que l’appelant prétend au sursis. Pour les mêmes motifs, le pronostic est clairement défavorable et l'on ne voit pas qu'une peine pécuniaire, à laquelle l’appelant a déjà été condamné par le passé, ou un travail d'intérêt général puisse détourner le prévenu de la récidive. Le prévenu se complait dans sa toxicomanie et même s’il paraît suivi sur le plan médical (pièce 19/1), l’attestation délivrée par le médecin généraliste ne démontre pas que quelque chose de sérieux a été entrepris. Il en va de même sur le plan professionnel, le prévenu étant durablement au chômage. C’est donc une peine privative de liberté ferme qui doit être prononcée, l’art. 41 CP étant applicable.
7.
L’appelant conteste en dernier lieu la répartition des frais de justice entre lui et le coprévenu.
7.1
Conformément à l'art. 418 al. 1 CPP, lorsque plusieurs personnes sont astreintes au paiement des frais, ceux-ci sont répartis proportionnellement entre elles.
Cette répartition doit rester la règle, mais on peut toutefois, le cas échéant, tenir compte de la gravité de l’infraction imputée à chacun au moment de fixer cette répartition (Crevoisier, in : Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 1 ad art 418 CPP).
Par ailleurs, l’art. 426 al. 2 CPP dispose que, lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
7.2
En l’espèce, on relèvera d’emblée que J._ n’a pas qualité pour conclure à l’augmentation de la part des frais de justice mise à la charge de R._. Il peut en revanche conclure à la réduction de ses propres frais. A cet égard, contrairement à ce qu’il prétend, le fait qu’il ait été libéré de l’infraction de lésions corporelles simples qualifiées et du vol du porte-monnaie du coprévenu en relation avec l’altercation du 11 novembre 2013 (jugt, p. 17
in initio
) n’a aucune influence sur les frais, dès lors qu’aucune opération d’enquête n’a été rendue inutile pour ces motifs, le prénommé ayant de toute manière été reconnu coupable de lésions corporelles simples pour ces faits. Il en va de même de l’abandon du chef d’accusation de vol en rapport avec les faits survenus le 16 janvier 2014 au Café Restaurant Q._, l’intéressé ayant admis avoir dérobé 200 fr. et la libération de l’infraction de vol d’importance mineure n’étant due, en définitive, qu’au retrait de plainte intervenu à l’audience d’appel. En outre, c’est le comportement illicite de l’appelant, interpellé en possession de drogue et faisant l’objet de deux plaintes pénales, qui, conjointement à celui du coprévenu, a provoqué l’ouverture de l’action pénale. Dans ces circonstances, il ne saurait y avoir de réduction des frais de première instance.
Pour le reste, la répartition des frais entre les coprévenus, par moitié chacun, est correcte, compte tenu du nombre de délits qui leur sont imputés.
8.
En conclusion, l'appel est partiellement admis et
le jugement attaqué modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
8.1
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel
seront mis par deux tiers à la charge du prévenu, le solde étant laissé à la charge de l’Etat
(art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office de l’appelant, qui sera fixée à 2'710 fr. 80, TVA et débours compris, selon liste d’opérations communiquée oralement au greffe au terme de l’audience d’appel.
8.2
J._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat les deux tiers de l'indemnité allouée à son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7619275b-4247-4035-8957-b251abea2ad3 | En fait :
A.
Par jugement du 13 novembre 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que A.S._ s'était rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées, de menaces qualifiées et de violation de domicile (I), l'a condamné à 480 heures de travail d'intérêt général (II), a renoncé à révoquer le sursis accordé le 26 novembre 2009 par le Tribunal correctionnel de l'Est vaudois, mais en a prolongé la durée de deux ans (III), a dit qu'il était le débiteur de B.S._ de 3'000 fr., avec intérêt à 5% l'an du 24 octobre 2010 (IV), a arrêté l'indemnité d'office due à Me Nicole Diserens, conseil de la partie civile, à 1'674 fr. (V) et a mis les frais par 10'520 fr. 90, incluant l'indemnité au défenseur d'office par 2'220 fr. 90, à la charge de A.S._, le remboursement à l'Etat de l'indemnité au défenseur d'office n'étant exigible que si la situation financière du débiteur le permettait (VI).
B.
1.
Le 15 novembre 2012, A.S._ a déposé une annonce d'appel. Par courrier du 10 décembre 2012, il a déclaré retirer son appel. Il a été pris acte du retrait de l'appel le 11 décembre 2012.
2.
Les 15 novembre et 10 décembre 2012, le Ministère public a déposé respectivement une annonce puis une déclaration d'appel motivée. Il a conclu à ce que A.S._ soit condamné à une peine privative de liberté de 4 mois et à ce que les frais soient mis à la charge du prévenu.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. a)
A.S._ est né le 3 mars 1967 au Sénégal. Il est réfugié politique. Il a eu une enfance mouvementée. A l'adolescence déjà, il aurait intégré "la rébellion" qui lutterait pour l'indépendance de la Casamance. Alors qu'il avait 17 ans, en 1984, il est devenu père d'une fille qui habite actuellement chez son frère. En 1990, il est devenu père d'une deuxième fille issue d'une nouvelle relation. Il est arrivé en mars 2000 en Suisse. En 2004, il a épousé la plaignante, B.S._, dont il aurait fait la connaissance le jour du mariage en Gambie. B.S._ est arrivée, enceinte, en Suisse en 2005 et a donné naissance à leur fille, [...], née le 3 octobre 2005. A.S._ espérait que son épouse arriverait en Suisse en compagnie de ses deux premières filles, ce qui n'a pas été le cas. A.S._ et B.S._ sont divorcés depuis le 7 janvier 2012.
Entre 2001 et 2009, A.S._ a travaillé dans la maçonnerie. Il a été licencié en 2009. Il est aujourd'hui au bénéfice de l'aide sociale. Il effectue actuellement un travail d'occupation mis en place par le chômage pour une durée de 3 mois.
Le prévenu a été reconnu coupable, le 26 avril 2010, par la Cour de cassation pénale de lésions corporelles simples, voies de fait, dommages à la propriété, violation du devoir d'assistance ou d'éducation par négligence et condamné à une peine privative de liberté d'un an avec sursis pendant 4 ans.
b)
Il ressort d'un rapport d'expertise déposé le 22 mars 2012 par les Drs [...] et [...] du Département de psychiatrique du Centre hospitalier universitaire vaudois que le prévenu souffre d'un trouble de la personnalité de type paranoïaque et d'un syndrome de dépendance au tabac en utilisation continue. Selon les experts, les faits reprochés à A.S._ sont avant tout liés aux difficultés relationnelles avec son épouse et le sentiment persécutoire associé à un vécu d'humiliation dans le cadre de son trouble de la personnalité paranoïaque. Il apparaît que le contexte actuel ne permet pas aux experts de mettre en évidence des facteurs protecteurs du risque de récidive. De surcroît, les experts retiennent que la situation psychosociale paraît se dégrader et le processus de judiciarisation est vécu comme une injustice en elle-même. Dans ce contexte, les experts ne peuvent préconiser que des mesures de mises à distance. Ils retiennent également que sur le plan psychiatrique, la responsabilité pénale du prévenu est entière. Enfin, les experts considèrent qu'une psychothérapie, traitement utile lors de trouble de la personnalité, s'avère impossible en raison de la méfiance du prévenu, de la non-reconnaissance d'une quelconque difficulté et de la tendance à inverser la relation (P. 24).
2.
a)
Dans la soirée du 23 octobre 2010, A.S._ a sonné au domicile de son épouse B.S._, dont il était séparé depuis février 2006. Celle-ci étant absente, sa mère, qui se trouvait dans l’appartement, a entrouvert la porte. Il a alors forcé le passage et pénétré à l’intérieur, déclarant vouloir parler à son épouse.
Quand B.S._ est rentrée du travail et après avoir mis au lit leur fille [...], âgée de 5 ans, elle est allée se coucher. Afin que le prévenu ne la rejoigne pas, la jeune femme a bloqué la porte de sa chambre avec une table. A.S._ a cependant réussi à entrer dans la pièce. La plaignante lui a demandé de sortir, précisant qu’il pouvait rester au salon pour discuter avec sa mère. Sans prêter attention à ce qu’elle disait, le prévenu s’est assis sur le lit et a commencé à enlever ses chaussures. La mère de B.S._ est venue voir ce qu’il se passait et les deux femmes ont enjoint le prévenu de quitter l’appartement. Comme il n’obtempérait pas, la plaignante lui a demandé une ultime fois de partir, faute de quoi elle appellerait la police.
A ces mots, A.S._ s'est violemment énervé. Il a finalement accepté de quitter l’appartement mais a décidé de prendre avec lui le téléphone, avec lequel la plaignante voulait appeler la police, qu’il a mis dans sa poche. B.S._, voulant récupérer le combiné, a mis sa main dans la veste de son mari. Le prévenu lui a alors tordu le bras, puis lui a asséné des coups de poing sur les épaules. Elle a tenté de se défendre en rendant quelques coups. Le prévenu l’a alors fait pivoter et l’a mordue notamment à l’épaule gauche. Afin de le faire lâcher prise, la jeune femme a dû le frapper. Finalement, le prévenu a quitté les lieux et B.S._ a pu reprendre possession du téléphone.
Au cours de l’altercation, la mère de B.S._ a supplié le prévenu d’arrêter de frapper sa fille. A.S._ a répondu que celle-ci lui avait tout fait perdre et qu’il allait la tuer.
b)
Selon le constat médical du 31 octobre 2010, B.S._ a souffert de contusions multiples, de morsures à l’épaule gauche et au majeur gauche ainsi que d’une entorse gléno-humérale gauche (P. 6). Un arrêt de travail lui a été prescrit jusqu’au 1
er
novembre 2010. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.
L'appel est limité à l'examen du genre de la peine (art. 399 al. 3 let. a et al. 4 let. b CPP). Les faits retenus et les infractions constatées par les premiers juges ne sont pas contestés.
3.
Le Procureur est d'avis qu'en l'occurrence un travail d'intérêt général est inadéquat compte tenu de la personnalité et du comportement général du prévenu; une telle peine ne présenterait pas un effet dissuasif suffisant.
3.1
Le législateur a voulu permettre à la juridiction d'appel d'exercer un très large contrôle sur la cause qui lui est soumise. En effet, l'appel, qui est la voie de recours ordinaire contre les jugements des tribunaux de première instance, produit en principe un effet dévolutif complet et confère à la juridiction d'appel un plein pouvoir d'examen lui permettant de revoir la cause librement en fait, en droit et en opportunité (art. 398 al. 2 CPP). La règle de l'interdiction de la
reformatio in pejus
ne s'applique pas en l'espèce puisque c'est le Ministère public, détenteur de l'action publique, qui a formé appel contre le jugement de première instance.
3.2
Aux termes de l'art. 41 al. 1 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire, ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés.
A titre de sanctions, la peine pécuniaire (art. 34 CP) et le travail d'intérêt général (art. 37 CP) sont la règle dans le domaine de la petite criminalité, respectivement la peine pécuniaire et la peine privative de liberté sont la règle pour la criminalité moyenne. Dans la conception de la nouvelle partie générale du Code pénal, la peine pécuniaire constitue la sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Quant au travail d'intérêt général, il suppose l'accord de l'auteur. En vertu du principe de la proportionnalité, il y a en règle générale lieu, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement. La peine pécuniaire et le travail d'intérêt général représentent des atteintes moins importantes et constituent ainsi des peines plus clémentes. Cela résulte également de l'intention essentielle, qui était au coeur de la révision de la partie générale du Code pénal en matière de sanction, d'éviter les courtes peines de prison ou d'arrêt, qui font obstacle à la socialisation de l'auteur, et de leur substituer d'autres sanctions. Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (ATF 134 IV 97 c. 4; TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011, c. 3.1; TF 6B_234/2010 du 4 janvier 2011 c. 4.1.1).
3.3
En l'espèce, il convient préalablement de déterminer si les conditions du sursis sont réunies, point déterminant au regard de l'art. 41 al. 1 CP. Cette question s'examine selon les critères posés par l'art. 42 CP (à cet égard, cf. ATF 135 IV 180 c. 2.1).
Le prévenu a fait l'objet, le 26 avril 2010, d'une condamnation pour lésions corporelles, voies de fait, dommages à la propriété et violation du devoir d'assistance ou d'éducation par négligence, à une peine privative de liberté d'un an avec sursis durant quatre ans. Il apparaît ainsi qu'une première condamnation avec sursis n'a pas dissuadé le prévenu de commettre une nouvelle infraction contre l'intégrité corporelle. En outre, les experts ont souligné qu'un risque de récidive existait. Cela ne peut que conduire à un pronostic défavorable.
3.4
Dès lors que le pronostic est défavorable et que, par conséquent, un sursis est exclu, ce que ne conteste pas le prévenu, la première condition de l'art. 41 al. 1 CP est réalisée. Il convient ensuite d'examiner la seconde condition de la disposition précitée, soit de déterminer si une peine pécuniaire, respectivement un travail d'intérêt général, peuvent être exécutés.
La peine pécuniaire est exclue faute d'avoir le moindre caractère dissuasif pour le prévenu qui n'a pas été arrêté par la perspective d'une peine de prison et qui se trouve en plus à l'aide sociale ce qui ne permet que d'arrêter la peine pécuniaire au minimum de 10 fr. le jour (cf. TF 6B_128/2011, c. 3.4); la défense n'a pas prétendu le contraire en première instance.
Il reste donc l'option entre un travail d'intérêt général et une peine privative de liberté ferme de moins de six mois (cf. arrêt 6B_541/2007 du 13 mai 2008 c. 4.2.2 in fine). Le prévenu a déclaré être disposé à exécuter un travail d'intérêt général. Il a par conséquent donné son accord, condition prévue à l'art. 37 CP.
La situation de A.S._ est particulière. En effet, il est révolté du fait de son statut de réfugié politique et du fait qu'il n'a pas pu faire venir ses deux filles restées au Sénégal en raison, d'après lui, d'histoires de clan familial. Se positionnant en victime, il reporte la responsabilité des évènements sur son épouse. Il a toutefois retiré son propre appel, montrant qu'il accepte la sanction. C'est un début de prise de conscience de l'inadéquation de son comportement. Afin d'éviter que cet individu reste en marge de la société, comme c'est le cas aujourd'hui, il convient de tout mettre en œuvre pour qu'il s'intègre et pour éviter une désocialisation. Une aggravation de la peine, soit une peine privative de liberté, pourrait engendrer une aggravation du sentiment d'injustice et ainsi du risque de récidive. Il semble également que le prévenu n'est pas inapte à la discipline puisqu'il effectue un travail d'occupation mis en place par le chômage dont les tâches peuvent correspondre à ce qui sera exigé de lui en cas de travail d'intérêt général. Par ailleurs, depuis l'épisode précité d'octobre 2010, le prévenu n'a plus commis d'infraction. Enfin, si le prévenu n'exécute pas correctement le travail d'intérêt général dans le délai et selon les conditions qui lui seront fixées, cette peine sera convertie en une peine privative de liberté (art. 39 al. 1 CP).
Au vu de ces éléments, la Cour de céans est d'avis de donner une ultime chance au prévenu en confirmant le travail d'intérêt général infligé par les premiers juges.
4.
En définitive, l’appel du Ministère public est rejeté.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être laissés à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, les frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office de A.S._.
Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la liste des opérations, il convient d'admettre que le défenseur d'office de l'appelant a dû consacrer 5 heures à l'exécution de son mandat. L'indemnité sera dès lors arrêtée à 900 fr., plus la TVA par 72 fr., soit un total de 972 fr., TVA et débours compris. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
762378f1-9247-4aae-9638-bb4603ad32d6 | En fait :
A.
Par jugement du 28 mai 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré T._ du chef de prévention de violation simple des règles de la circulation (I) et a laissé les frais à la charge de l’Etat (II).
B.
Le 31 mai 2013, le Ministère public central, division affaires spéciales, contrôle et mineurs, a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel motivée du 24 juin 2013, il a conclu, à titre principal, à son annulation et au renvoi de la cause au tribunal de première instance pour nouveau jugement dans le sens des considérants. A titre subsidiaire, il a conclu à ce que T._ soit reconnu coupable de violation simple des règles de la circulation, violation des devoirs d’accident et conduite d’un véhicule en état défectueux par négligence, à ce qu’il soit condamné à une amende de 600 fr. et à ce que les frais de la procédure d’appel soient mis à sa charge.
Par déterminations du 16 juillet 2013, T._ a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet de l’appel.
Par avis du 22 août 2013, le Président de céans a informé les parties que l’appel du Ministère public central serait traité en procédure écrite. Il a imparti un délai au 6 septembre 2013 à T._ pour déposer un mémoire écrit.
Par déterminations du 4 septembre 2013, T._ a réitéré les conclusions prises le 16 juillet 2013 en ce sens qu’il concluait sous suite de frais et dépens, principalement, au rejet de l’appel et, subsidiairement, à l’annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause au tribunal de première instance.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
T._ est né le 17 novembre 1953 à [...]. Il est divorcé. Il exerce la profession de conducteur de bus pour les X._ (ci-après : X._).
Son casier judiciaire ne comporte aucune inscription.
2.
Par ordonnance du 6 juin 2012, le Préfet du Gros-de-Vaud a condamné T._ à une amende de 300 fr. pour violation simple à la LCR (Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière; RS 741.01). Il lui est reproché d’avoir circulé, le 14 décembre 2010, à 10h50, à la Route de [...] à [...], au droit de l’arrêt du bus X._, au volant d’un bus X._ avec inattention à la route et à la circulation.
Contestant les faits reprochés, le prévenu a formé opposition à cette ordonnance par courrier du 10 juin 2012. Le Préfet a décidé de maintenir sa décision et a transmis le dossier de la cause à l’autorité de première instance en vue des débats.
Le Tribunal de police a considéré d’entrée de cause que l’état de fait résultant de l’ordonnance pénale préfectorale du 6 juin 2012 ne permettait manifestement pas de vérifier si les éléments constitutifs de l’art. 90 ch. 1 LCR étaient réalisés. Il a dès lors libéré le prévenu du chef de prévention de violation simple des règles de la circulation, sans procéder à l’instruction de la cause. | En droit :
1.
1.1
Selon l’art. 399 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (al. 1). La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (al. 3).
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du Ministère public central est recevable.
1.2
S'agissant d'un appel dirigé contre une contravention, la procédure applicable est écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009; RSV 312.01]).
1.3
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
En l’espèce, seule une contravention à la législation sur la circulation routière a fait l’objet de l’accusation et du jugement de première instance, de sorte que l’appel est retreint.
2.
Le Ministère public central fait grief au premier juge d’avoir violé le principe d’accusation en posant des exigences trop strictes à la précision de l’acte d’accusation, ainsi que d’avoir violé l’art. 329 CPP, en particulier son droit d’être entendu. Au vu de l’absence d’instruction par le Tribunal de police sur les faits reprochés au prévenu, le jugement devait être annulé en application de l’art. 409 al. 1 CPP.
2.1
L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation. Selon ce principe, le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (ATF 126 I 19 c. 2a; ATF 120 IV 348 c. 2b). Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation, mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP). Le principe de l'accusation découle également de l'art. 29 al. 2 Cst. ([Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101] droit d'être entendu), de l'art. 32 al. 2 Cst. (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et de l'art. 6 par. 3 let. a CEDH ([Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950; RS 0.101] droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation; TF 6B_547/2012 du 26 mars 2013 c. 1.2; TF 6B_528/2012 et 6B_572/2012 du 28 février 2013 c. 3.1.2 et les références citées).
Aux termes de l’art. 325 al. 1 CPP, l’acte d’accusation désigne le lieu et la date de son établissement (let. a), le ministère public qui en est l’auteur (let. b), le tribunal auquel il s’adresse (let. c), les noms du prévenu et de son défenseur (let. d), le nom du lésé (let. e), le plus brièvement possible, mais avec précision, les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l’heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l’auteur (let. f) et les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l’avis du ministère public (let. g).
2.2
L'art. 329 CPP règle l'examen de l'accusation auquel doit procéder la direction de la procédure à réception de l'acte d'accusation rédigé par le ministère public. Selon l'art. 329 al. 1 CPP, la direction de la procédure examine si l'acte d'accusation et le dossier sont établis régulièrement (let. a), si les conditions à l'ouverture de l'action publique sont réalisées (let. b) et s'il existe des empêchements de procéder (let. c). Aux termes de l'art. 329 al. 2 CPP, s'il apparaît lors de cet examen ou plus tard durant la procédure qu'un jugement au fond ne peut pas encore être rendu, le tribunal suspend la procédure; au besoin, il renvoie l'accusation au ministère public pour qu'il la complète ou la corrige. Selon l’art. 329 al. 4 CPP, lorsqu’un jugement ne peut définitivement pas être rendu, le tribunal classe la procédure, après avoir accordé le droit d’être entendu aux parties ainsi qu’aux tiers touchés par le décision de classement. L’art. 320 est applicable par analogie.
2.3
En l’espèce, il ressort de l’ordonnance pénale préfectorale que « A [...], route de [...], au droit de l’arrêt de bus X._, le 14.12.2010 à 10h50 », T._ a « circulé au volant du bus X._ (ligne [...]) VD [...] avec inattention à la route et à la circulation ». Sous le libellé « infractions commises », l’art. 3 al. 1 OCR (Ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière; RS 741.11) est mentionné. Comme le relève à juste titre l’appelant, bien que l’état de fait soit sommaire, il était suffisant pour que le prévenu puisse connaître exactement les faits ainsi que les infractions qui lui étaient imputés. L’ordonnance pénale préfectorale remplit dès lors les conditions de l’art. 325 al. 1 CPP.
En outre, lors des débats de première instance, le tribunal a d’emblée estimé que l’ordonnance pénale préfectorale ne renfermait pas les éléments permettant de retenir qu’un acte expressément réprimé par la loi avait été commis par le prévenu et a informé ce dernier, avant l’instruction de la cause, qu’il le libérait du chef de prévention de violation simple des règles de la circulation. Or, conformément à l’art. 329 al. 2 CPP, le Tribunal de police devait ensuite de l’examen préliminaire de l’ordonnance pénale préfectorale et puisqu’il estimait qu'un jugement au fond ne pouvait pas être rendu, soit suspendre la procédure, soit renvoyer l'accusation au Ministère public central pour qu'il la complète ou la corrige, ce qu’il n’a pas fait.
Enfin, avant de décider de libérer le prévenu, le Tribunal de première instance devait donner au Ministère public central la possibilité de se déterminer conformément à l’art. 329 al. 4 CPP.
Le premier juge possédait ainsi les éléments suffisants pour instruire la cause et rendre un jugement, à tout le moins après avoir sollicité le Ministère public central. En procédant de la sorte, le tribunal de première instance a manifestement violé le principe d’accusation et le droit d’être entendu du Ministère public central.
Partant, les griefs soulevés par l’appelant doivent être admis.
3.
Conformément à l’art. 409 al. 1 CPP, si la procédure de première instance présente des vices importants auxquels il est impossible de remédier en procédure d’appel, la juridiction d’appel annule le jugement attaqué et renvoie la cause au tribunal de première instance pour qu’il soit procédé à de nouveaux débats et pour qu’un nouveau jugement soit rendu.
Si la procédure de première instance présente des vices importants, les juges d’appel ne pourront pas y remédier sans porter atteinte aux droits de l’appelant. En effet, les parties doivent bénéficier de deux instances qui, toutes deux, doivent se prononcer régulièrement. Si la juridiction d’appel statue sur le fond malgré des vices importants de procédure, cela revient à supprimer, pour la partie concernée, le bénéfice des deux instances (Kistler Vianin, Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, n. 1 ad. art. 409 CPP).
Comme on l’a vu, le premier juge pouvait se fonder sur l’état de fait de l’ordonnance pénale préfectorale pour rendre son jugement. Dans la mesure où il n’a pas procédé à l’instruction de la cause et que le prévenu n’a dès lors pas été entendu, ni pu produire des pièces et citer un témoin, le Président de la Cour de céans ne peut entrer en matière sur le fond et prononcer une éventuelle condamnation, sans violer le principe de la double instance. Partant, la cause sera renvoyée au Tribunal de police afin qu’il procède à l’instruction de la cause.
4.
En définitive, l’appel du Ministère public central, division affaires spéciales, contrôle et mineurs, doit être admis, le jugement attaqué annulé et la cause renvoyée au Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois pour nouveau jugement dans le sens des considérants.
5.
Aux termes de l'art. 436 al. 3 CPP, si l’autorité de recours annule une décision conformément à l’art. 409, les parties ont droit à une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours et par la partie annulée de la procédure de première instance. Ce cas de figure est donné lorsque la procédure de première instance est annulée pour cause de vices importants auxquels il n'est pas possible de remédier en procédure d'appel, ce qui justifie l'allocation aux parties – et non pas seulement à la seule partie ayant eu gain de cause – d'une juste indemnité pour leurs dépenses occasionnées par les actes de procédure "inutiles" qui en ont résultés (Mizel/Rétornaz, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 7 ad art. 436 CPP).
En l'espèce, cette « juste indemnité » correspond aux frais d'avocat des parties pour la procédure d'appel. Compte tenu des opérations effectuées, il convient à ce titre, d'allouer un montant de 1’296 fr., débours et TVA compris, à T._ qui procède avec l’assistance d’un conseil professionnel, à la charge de l'Etat.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel seront laissés à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7638149a-fdbe-47f3-a9b9-cbcd93a42048 | En fait :
A.
Par jugement du 27 mars 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré N._ du chef d'accusation d'injure (I), a rejeté les conclusions civiles et prétentions en versement d'une indemnité formulées par N._ (II), a rejeté les conclusions civiles de B._ (III), a mis les frais de la cause à la charge de N._ et de B._ par moitié chacune (IV), a dit qu'il n'est pas alloué de dépens (V) et a maintenu au dossier, au titre de pièce à conviction, le DVD séquestré sous fiche n° 53579 (VI).
B.
Le 7 avril 2014, N._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d'appel motivée du 23 juillet 2014, elle a conclu, avec suite de frais et dépens, principalement à la réforme des chiffres II et IV du dispositif en ce sens qu'une indemnité de l'art. 429 CPP de 7'508 fr. 80 lui soit allouée et à ce qu'aucuns frais ne soient mis à sa charge. Subsidiairement, elle a conclu à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour complément de motivation en ce qui concerne le rejet de sa conclusion en versement d'une indemnité de l'art. 429 CPP.
Le 8 septembre 2014, le Président de la Cour de céans a informé les parties que l'appel serait soumis à la procédure écrite (art. 406 al. 1 let. d CPP). Il a imparti à B._ et au Ministère public un délai de déterminations au 29 septembre 2014.
Par déterminations du 29 septembre 2014, B._ a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
N._ est née le 8 décembre 1986 à [...]. Elle est mariée et mère de trois enfants de 6, 4 et 2 ans. Son époux percevait en 2012 un salaire mensuel brut de 4'500 francs. Le loyer de la famille se montait alors à 1'173 fr. par mois. Le couple payait un montant de 350 fr. par mois pour les assurances maladies qui étaient partiellement subsidiées. La prévenue n’avait pas de dettes.
Le casier judiciaire suisse de N._ ne comporte pas d’inscription.
2.
2.1
B._, qui exploitait un kiosque sis [...] à [...], avait envisagé de le remettre à N._ mais la vente ne s’est finalement pas faite. Le 19 décembre 2011, à l’occasion d’un achat de carte SIM, une altercation a opposé les deux femmes à l’intérieur et aux abords de ce commerce.
Le 23 décembre 2011, B._ a déposé plainte pénale pour atteinte à l'honneur à l'encontre de N._.
Ensuite du témoignage de J._ du 5 octobre 2012 dont il ressort que la prévenue avait traité B._ de « pute » lors de l’altercation verbale du 19 décembre 2011 (PV aud. 3, p. 2), cette dernière a déposé une plainte complémentaire le 9 novembre 2012 pour ces faits.
2.2
2.2.1
Par ordonnance pénale du 3 juin 2013, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a condamné N._ pour injure à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à 30 fr., avec sursis pendant deux ans, et a mis les frais de la procédure à sa charge.
Contestant les faits reprochés, N._ a formé opposition à cette ordonnance par courrier du 14 juin 2013. Le Ministère public a décidé de maintenir sa décision et a transmis le dossier de la cause à l’autorité de première instance en vue des débats, en application de l’art. 356 al. 1 CPP.
2.2.2
Par ordonnance du 3 juin 2013, le Ministère public a ordonné le classement de la procédure pénale dirigée contre N._ pour diffamation et injure à la suite du dépôt de la première plainte et a laissé les frais à la charge de l'Etat. La Procureure a considéré que les déclarations des parties étant irrémédiablement contradictoires, la prévenue contestant les injures relevées dans la plainte et les témoignages recueillis n'ayant pas permis de corroborer les propos injurieux dénoncés par la plaignante. Cette ordonnance n’a pas fait l’objet d’un recours.
2.3
Devant le Tribunal de police, la prévenue a contesté avoir traité la plaignante de « pute ». Elle a conclu à l’allocation de conclusions civiles pour un montant de 474 fr. 20 et au versement d’une indemnité de l’art. 429 CPP à hauteur de 5'564 fr. 80. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de N._ est recevable.
L’appel relève de la procédure écrite, dès lors qu’il porte uniquement sur la question des frais et d’une indemnité (art. 406 al. 1 let. d CPP). L’infraction d’injure étant passible de jours-amende, l’appel n’est pas restreint au sens de l’art. 398 al. 4 CPP et la cause n’est pas soumise à un juge unique (art. 14 al. 3 LCVPP a contrario).
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Invoquant une violation de l’art. 426 al. 2 CPP, l’appelante conteste devoir payer la moitié des frais judiciaires, un comportement fautif n’ayant pu être établi.
3.1
Un prévenu libéré ne peut être condamné au paiement des frais d'enquête que si, par un comportement juridiquement critiquable, il a donné lieu à l'ouverture de l'action pénale ou en a compliqué l'instruction. La condamnation aux frais d'un prévenu ou d'un accusé libéré ne résulte pas d'une responsabilité pour une faute pénale, mais d'une responsabilité proche du droit civil, née d'un comportement fautif. Il est compatible avec les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH de mettre les frais à la charge d'un prévenu libéré qui, d'une manière engageant sa responsabilité civile, a manifestement violé une règle de comportement qui peut découler de l'ordre juridique suisse dans son ensemble et a provoqué ainsi l'ouverture d'une enquête pénale ou compliqué celle-ci (ATF 116 Ia 162 c. 2d et c. 2e). Le juge doit fonder son prononcé sur des faits incontestés ou déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371 c. 2a). La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais viole en revanche la présomption d'innocence lorsqu'elle laisse entendre directement ou indirectement que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées ou qu'il aurait commis une faute pénale (TF 1B_21/2012 du 27 mars 2012 c. 2.1; TF 1B_12/2012 du 20 février 2012 c. 2 et les références citées).
Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO (ATF 119 Ia 332 c. 1b; ATF 116 Ia 162 c. 2c). Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 119 Ia 332 c. 1b; ATF 116 Ia 162 c. 2d). L'acte répréhensible ne doit pas nécessairement être commis intentionnellement. La négligence suffit, sans qu'il soit besoin qu'elle soit grossière (ATF 109 Ia 160 c. 4a p. 163 s.). L'acte répréhensible doit en outre se trouver dans une relation de causalité adéquate avec l'ouverture de l'enquête ou les obstacles mis à celle-ci. Tel est notamment le cas lorsque le comportement du prévenu, violant clairement des prescriptions écrites cantonales, était propre à faire naître, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le soupçon d'un comportement punissable justifiant l'ouverture d'une enquête pénale. Enfin, une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation (ATF 116 Ia 162 c. 2c).
3.2
En l’espèce, il est vrai que le premier juge a libéré l’appelante de l’infraction d’injure au bénéfice du doute. Toutefois, cette dernière perd de vue que le tribunal a identifié un autre comportement fautif de sa part, consistant à se laisser entraîner dans l’altercation qui l’a opposée à la plaignante et à s’entêter dans cette attitude (cf. jgt., p. 23).
Le visionnement du DVD de l’altercation du 19 décembre 2011 permet de constater que l’appelante, au lieu de s’en aller après avoir quitté le kiosque une fois la dispute enclenchée, y est revenue à deux reprises pour en découdre verbalement avec B._ en présence de deux clientes de celle-ci. De plus, les images enregistrées montrent que l’appelante, énervée et véhémente, gesticulant et pointant la plaignante du doigt de manière méprisante, a fait preuve d’agressivité gestuelle et verbale. Même si les mots exacts prononcés n’ont pu être établis, ce comportement agressif répété était de nature à blesser autrui et relève d’une atteinte illicite à la personnalité au sens large de l’art. 28 CC, plus précisément d’une atteinte à la dignité humaine et au droit à la considération de ses semblables, l’estime professionnelle, économique et sociale étant civilement protégée (Steinauer/Fountoulakis, Droit des personnes physiques et de la protection de l’adulte, Berne 2014, n. 535, p. 187).
Cette faute civile fonde la condamnation de l’appelante à la moitié des frais de la procédure. L’appel doit par conséquent être rejeté sur ce point.
4.
L’appelante conclut à l’allocation d’une indemnité au titre de l’art. 429 CPP.
4.1
Selon l'art. 429 al. 1 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b), à une réparation du tort moral subi en raison d’une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c). L'autorité pénale peut toutefois réduire ou refuser l'indemnité si le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure (art. 430 al. 1 let. a CPP).
Les principes qui régissent la condamnation aux frais d'un prévenu libéré (art. 426 al. 2 CPP) valent également
, mutatis mutandis,
pour le refus d'une indemnité au sens de l'art. 430 al. 1 let. a CPP. Ainsi, le sort réservé aux frais est en règle générale le même que pour les indemnités (CAPE 21 mars 2014/94 c. 4.1 et réf.).
4.2
En l’espèce, le comportement fautif de l’appelante identifié ci-dessus entraîne, en application de l’art. 430 al. 1 let. a CPP, le refus de toute indemnité de l’art. 429 CPP. Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner si l’assistance d’un conseil et les opérations qui en découlent étaient nécessaires.
Mal fondé, ce grief doit également être rejeté.
5.
En définitive, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de l’appel, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de l’appelante, qui succombe entièrement (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP).
Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée pour la procédure d’appel, celle-ci n'ayant pas chiffré ni justifié ses prétentions (art. 433 al. 2 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
76a854e9-4fe6-4314-b722-3357030160a1 | En fait :
A.
Par jugement du 5 décembre 2014, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a, notamment, condamné E._ pour viol et infraction à la Loi fédérale sur les étrangers à une peine privative de liberté de 4 ans, sous déduction de 208 jours de détention avant jugement (I).
B.
Par annonce du 5 décembre 2014, puis par déclaration motivée postée le 29 janvier 2015, E._ a fait appel de ce jugement. Il a conclu à sa libération de l'infraction de viol, au rejet des prétentions civiles de F._ et à l'allocation d'une indemnité équitable au sens de l'art. 429 CPP et 431 CPP.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
a)
E._, sans profession, est né le 2 janvier 1986 au Nigeria, pays dont il est ressortissant. Il est venu en Suisse au cours de l'année 2011. Il y a déposé une demande d'asile qui a été rejetée. Sans permis valable depuis le 30 avril 2013, le prévenu est resté dans le pays où il travaillé sans droit en vivant chez des connaissances dans les régions de Bienne et de Neuchâtel, puis à Lausanne.
b)
Le casier judiciaire suisse de E._ fait état des inscriptions
suivantes :
- 29 mars 2012, Ministère public de Neuchâtel, peine privative de liberté 6 mois, avec sursis pendant 3 ans (non révoqué), pour délit selon art. 19 al. 1 de la loi sur les stupéfiants,
- 13 septembre 2012, Ministère public de Neuchâtel, 20 jours-amende à 10 fr., avec sursis pendant 3 ans (non révoqué), pour obtention frauduleuse d'une prestation et faux dans les titres,
- 23 octobre 2012, Ministère public de Neuchâtel, 25 jours-amende
à 10 fr. avec sursis pendant 3 ans, peine complémentaire à celle prononcée le 13 septembre 2012 et partiellement complémentaire à celle prononcée le 29 mars 2012 (non révoqué) et 300 fr. d'amende, pour recel,
- 30 août 2013, Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, peine privative de liberté 20 jours, pour séjour illégal.
c)
Dans la présente cause, le prévenu été incarcéré du 27 août 2013 (jour de son arrestation) au 21 novembre 2013, puis dès le 7 août 2014. Il est resté en zone carcérale dans les locaux de police du 27 août au 14 septembre 2013, puis du 7 au 30 août 2014, soit dans des conditions illicites durant 39 jours et non 43 comme retenu dans le jugement de première instance, ce type de détention n'étant admissible que pendant 48 heures.
d)
Entre le 24 avril et le 27 août 2013 – sous réserve de deux semaines passées en Italie durant cette période – E._ est resté en Suisse sans titre de séjour valable. Il en a été de même pour entre 21 novembre 2013 et le 7 août 2014, après que le prévenu est entré illégalement en Suisse en provenance d'Italie.
e)
Dans la nuit du 10 au 11 juillet 2013, à une heure indéterminée, aux environs de 1 heure 30, F._ rentrait à pied du Festival de la Cité, où elle avait passé la soirée avec des amis dont R._ etT._. Elle se rendait à son domicile situé au [...] à Lausanne. Elle était seule. Elle était alcoolisée (PV aud. 6). Arrivée au bas des escaliers de la [...], elle s'est tordue la cheville et a ressenti une vive douleur. Un homme lui a proposé de l'aide. Elle a refusé. Elle marchait péniblement, car elle avait mal. A la hauteur du croisement [...] et de l'avenue de [...], le même homme (PV aud. 3), identifié plus tard comme étant le prévenu (cf. infra. P. 59/1), l'a immobilisée sur le dos, les jambes écartées, et lui a imposé un rapport sexuel complet, tandis qu'elle se débattait (PV aud. 3, PV aud. 7; jugement p. 13).
Choquée, F._ n'a gardé qu'un vague souvenir du trajet emprunté, de l'heure qu'il était et de ce qui s'est passé après l'acte (PV aud. 10; PV aud. 12). Elle se revoit toutefois appuyée à un lampadaire, souffrant de sa cheville et se demandant comment elle allait rentrer chez elle. Elle se souvient qu'une femme l'a accompagnée sur un bout du trajet (PV aud. 7 et PV aud.12).
Arrivée à domicile, F._ a pris une douche pour se laver le bas du corps parce qu'elle se sentait sale et avait peur d'avoir contracté une maladie (PV aud. 7 p. 5). Ne retrouvant pas son téléphone mobile, elle est partie le chercher. Désorientée et en état de choc (PV aud. 7 p. 4), F._ a croisé le dénommé [...] qui lui a prêté son natel pour appeler la police.
F._ a composé le 117. Il était un peu plus de 2 heures 30. Son appel a été enregistré. Elle s'est exprimée comme suit :
"[...] Ecoutez, je me suis faite agresser par un monsieur heu à la [...] (...) apparemment il m'a volé mon natel (...) il y a cinq minutes (...) non, non, non, non, il a juste essayé de me violer, mais (...) là je suis rentrée chez moi et puis je suis revenue parce que je ne trouvais plus mon natel (...). J'étais en train de rentrer chez moi, et puis heu voilà. Non, enfin, il m'a foutue par terre. Oui tout à fait, il m'a levé ma jupe (...).Un black (...).Oh si, il a porté atteinte à ma personne, je me suis heu (...), j'ai réussi à me débattre et je suis rentrée chez moi, et puis là je suis retournée en arrière pour retrouver mon natel et puis heu.(...).Je téléphone avec un natel d'une personne que j'ai rencontrée dans la rue. (....). Je suis à 50 mètres de chez moi (...). Il était Noir (...) d'environ 1m65/1m70 (...) maigre, oui. Non, non pas de lunettes. Non des cheveux courts. Non, aucune idée; je ne peux pas dire ce qu'il avait comme vêtements [...]."
Prise en charge par la police, F._ a été conduite au CHUV, puis entendue pour le dépôt de sa plainte. Elle présentait une alcoolémie estimée entre 1,41 et 2,08 grammes pour mille (P. 35/1). Elle avait ses règles. Le tampon hygiénique qu'elle portait a été retiré par les médecins du CHUV en vue de l'examen gynécologique et des prélèvements médico-légaux. Une importante quantité de sperme a été retrouvée sur ses vêtements et dans son vagin, au niveau de l'endocol (P. 19). L'analyse de l'ADN a permis d'identifier le prévenu comme étant l'auteur de l'acte sexuel subi par la plaignante (P. 59/1).
Dès le 19 juillet 2013, F._ a été suivie par le psychologue L._. Dans son rapport du 16 octobre 2013, ce praticien a constaté que la plaignante était très perturbée par le souvenir encore vif de la pénétration et les risques de contracter une maladie. Il a conclu que cet état de détresse et de questionnement était difficile à simuler et rendait plausible une agression (P. 63).
Interpellé, le prévenu a tout d'abord prétendu qu'il n'était pas à Lausanne de soir des faits. Il a ensuite déclaré ne pas connaître la plaignante. Confondu par son ADN retrouvé sur le string de F._, il admis avoir eu une relation sexuelle avec elle en précisant
qu'elle était consentante (PV aud. 4 et PV aud. 5), version qu'il a maintenue devant les premiers juges (jugement p. 6) et confirmée devant la cour de céans (procès-verbal, p. 3). | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délais légaux contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (cf. art. 398 al. 1 CPP), l’appel de E._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
2.2
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables. Des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective. Une solution n'est pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution eût été possible (CAPE 19 décembre 2013/308 c. 5b et les références citées).
3.
3.1
E._ allègue avoir
rencontré F._ devant le [...]. Ils auraient échangé quelques mots. Il aurait demandé à F._ s'il pouvait l'accompagner. Elle aurait répondu :
"Si tu veux, mais tu ne viens pas chez moi"
. Ils auraient continué à marcher et se seraient trouvés dans le jardin en face du [...] Il aurait avancé sa main. Elle lui aurait pris la main. Il lui aurait dit qu'il l'aimait. Elle lui aurait répondu qu'elle l'aimait bien, mais qu'il ne pourrait pas être son petit ami. Elle lui aurait ensuite dit avoir envie d'avoir une relation sexuelle et lui aurait demandé s'il avait des préservatifs. Il aurait répondu par l'affirmative et lui aurait suggéré de se déplacer, l'endroit étant trop ouvert. Arrivées dans le petit parking sis à côté de la Coop à l'avenue du Théatre, F._ aurait embrassé le prévenu
. Il lui aurait tendu le préservatif, elle le lui aurait mis et aurait commencé à lui faire une fellation. Elle aurait ensuite relevé sa jupe en lui tournant le dos. Il l'aurait prise par derrière sans éjaculer, puis face à face. Entre temps, il aurait enlevé le premier préservatif parce qu'il était sec et en aurait enfilé un deuxième. Il aurait éjaculé dans le deuxième préservatif, puis l'aurait enlevé et jeté sous une voiture en constatant qu'il était plein. Après l'acte, F._ aurait touché le pénis du prévenu en lui disant qu'il était grand. Elle se serait ensuite essuyée les parties intimes avec une lingette. Après cela, la plaignante aurait dit au prévenu de ne pas la suivre chez elle et de ne pas la saluer s'il la voyait dans la rue, puis elle serait descendue le long de la route, tandis que l'intéressé serait retourné au [...]. (PV aud. 2 pp. 2 à 5).
Pour sa défense, E._ plaide en outre qu'à aucun moment, F._ ne se serait retrouvée couchée sur le dos au bas des escaliers de la [...], ce qui serait corroboré par le fait que médecins n'ont constaté aucune trace de violence sur la victime et que les caméras de surveillance n'ont rien filmé d'anormal cette nuit-là au lieu décrit par F._. Il soutient en outre que les symptômes décrits par le psychologue L._ ne prouveraient pas la réalité d'un viol et que les angoisses intérieures de F._ pourraient s'expliquer par son refus d'accepter l'idée de s'être laissée aller à un rapport sexuel irréfléchi en pleine rue avec un inconnu, désinhibée par l'alcool. Etant aviné, il n'aurait en outre pas vu qu'elle boitait et qu'elle était alcoolisée.
3.2
E._ n'est pas crédible lorsqu'il soutient avoir séduit en deux ou trois phrases F._, qui aurait alors accepté d'entretenir une relation sexuelle debout, à la hâte, alors qu'elle ne se trouvait qu'à dix minutes de chez elle. Il ne l'était pas davantage en prétendant, lors des premiers interrogatoires, ne pas être à Lausanne le soir des faits et ne pas connaître la plaignante. Il ne l'est toujours pas lorsqu'il prétend que la plaignante lui aurait demandé de faire semblant de ne pas la connaître, alors qu'elle n'avait pas de petit ami au moment des faits.
En revanche, les propos de la plaignante sont emprunts de sincérité et sont corroborés par les éléments au dossier. On relève tout d'abord que son psychologue, bien que prudent
au sujet à la réalité des faits dénoncés (à juste titre car ce n'est pas son métier), décrit des symptômes de stress post-traumatiques qui ne s'inventent pas. Ensuite, l'entorse dont F._ s'est plainte a été constatée médicalement (P. 66). En outre
, le fait que la plaignante se
soit douchée le bas du corps confirme qu'elle se sentait salie, ce qui corrobore pour autant que de besoin le solde de son récit.
Quant au
sperme retrouvé dans son corps et sur ses sous-vêtements, il appuie la version de la non-utilisation d'un préservatif, ce qui appuie également la thèse de l'acte sexuel non consenti. Enfin, il ressort du procès-verbal des opérations (page 7) que des petits végétaux ont été retrouvés sur la jupe de la plaignante à la hauteur des fesses, ce qui accrédite les déclarations de la victime selon lesquelles le viol a été commis après que l'appelant l'a couchée de force sur le sol.
4.
L'appelant prétend qu'un bon nombre d'éléments auraient dû amener le tribunal à écarter la version des faits de la plaignante. Ces points sont examinés ci-après (cf. infra, c. 4.1 à 4.7).
4.1
E._ ne
s'explique pas pourquoi F._, qui venait, selon elle, de se faire violer, a tant tardé avant de faire le 117. Il relève qu'elle est rentrée vers 1h du matin et qu'elle n'a appelé la police qu'une heure et demie plus tard.
Ce vide chronologique ne permet pas de remettre en cause la crédibilité de la plaignante. D'abord, rien ne permet de retenir qu'elle ait entrepris de rentrer à son domicile à l'heure signalée par les témoins
R._ (PV aud. 11) et T._ (PV aud. 10)
. La plaignante était en réalité Q._ et l'heure tardive de fermeture de cet établissement nocturne ne correspond pas nécessairement à l'heure du dernier spectacle du festival. En outre, le prévenu ne dit pas combien de temps il est resté en compagnie de la plaignante. Enfin, la relative tardiveté de l'appel au 117 pourrait aussi bien s'expliquer par le temps mis par la plaignante – qui venait de se tordre une cheville et n'avait pas les idées claires – pour faire ce qu'elle a décrit dans sa plainte, c'est-à-dire rentrer chez elle, se doucher, constater qu'elle n'avait plus son téléphone mobile et le remonter à la [...] pour le chercher.
4.2
D'après le prévenu, F._ lui aurait parlé avant l'acte incriminé. Cela n'est pas contesté (PV aud. 6 p. 3). Le fait que les parties se soient parlé ne constitue toutefois pas un élément décisif au moment d'apprécier la crédibilité respective du reste de leurs récits.
4.3
Le prévenu soutient ne pas avoir remarqué que la plaignante avait bu. Or, l'alcoolisation de la plaignante était assez nette d'après les pièces médicales au dossier (entre 1,41 et 2,08; P. 35/1). L'allégation du prévenu constitue donc un indice de plus qu'il ne dit pas la vérité s'agissant de la teneur exacte de leurs conversations et, plus particulièrement, du soi-disant accord donné à des relations sexuelles.
4.4
E._ prétend que si F._ avait vraiment été agressée, elle ne serait pas retournée sur les lieux de son agression chercher son natel, car le choc post-traumatique subi aurait entraîné une attitude d'évitement. Ce comportement montre au contraire que F._ était choquée et désorientée, comme cela ressort de ses propos, des témoignages (PV aud. 9, PV aud. 10 et PV. aud. 11) et de son appel au 117. Il ne permet pas d'infirmer les faits dénoncés.
4.5
L'appelant invoque encore les trous de mémoire de la plaignante et les imprécisions de son récit. Certes, on s'explique mal le contenu de l'audition du 18 juillet 2013 (PV aud. 2), au cours de laquelle F._ déclare ne plus savoir si la personne qui l'a agressée était de race noire. Cependant la plaignante devait, à ce stade, être totalement désorientée et il résulte de cette audition prise en son entier qu'elle avait le souci constant de ne pas accuser qui que se soit à la légère. Quoi qu'il en soit, le fait que la victime ait pu hésiter au moment de décrire son agresseur est sans pertinence s'agissant de la seule question litigieuse qui est celle de savoir si la relation sexuelle – établie par la présence du sperme du prévenu et finalement admise par celui-ci – était consentie ou non.
4.6
L'appelant soutient que F._ aurait enlevé elle-même son tampon hygiénique au moment des faits et que celui ôté par les médecins avait été remis par elle après sa douche. Cela n'est pas exclu, mais peu plausible. En effet, la plaignante s'est inquiétée de la présence de ce tampon qui n'aurait pas été retiré de son corps (cf. PV aud. 10 p. 4 et jugement, pp. 4-5) et cette inquiétude n'aurait pas de sens si elle avait procédé comme indiqué par E._. D'éventuelles incertitudes concernant le tampon hygiénique portée par la victime ne seraient toute manière pas de nature à ébranler la conviction résultant des autres éléments cités ci-dessus.
4.7
Enfin, il faut consentir à l'appelant que les lieux décrits par les parties ne sont pas les mêmes et,
prima facie
, celui décrit par le prévenu paraît plus propice pour entretenir une relation sexuelle rapide que la [...] décrite par la plaignante. Au regard des éléments retenus plus haut et qui justifient la conviction de la cour d'appel, cette divergence ne joue toutefois aucun rôle quant à l'appréciation des faits.
4.8
Au vu de l'ensemble des éléments à disposition, la cour de céans retient, avec les premiers juges, que E._ a imposé à F._ une relation sexuelle complète. Le grief tiré de la violation du principe
"in dubio pro reo"
est donc infondé.
5.
Les premiers juges ont condamné l'appelant pour viol. Même si cette qualification n'a pas été remise en cause par l'appelant, on examinera le bien fondé du jugement entrepris sur ce point, car la plaignante était alcoolisée et elle n'a gardé que des souvenirs flous des faits antérieurs à l'agression (art. 404 al. 2 CPP).
5.1
L'art. 190 CP est relatif au viol. Il réprime le comportement de celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel.
L'art. 191 CP punit les personnes qui, en connaissance de l’état d’incapacité de discernement et de résistance de la victime, entendent en profiter pour commettre un acte d’ordre sexuel. A la différence de la contrainte sexuelle ou du viol, la victime est incapable de discernement ou de résistance, non en raison d’une contrainte exercée par l’auteur, mais pour d’autres causes. Est incapable de résistance la personne qui n’est pas apte à s’opposer à des contacts sexuels non désirés. L’incapacité de résistance peut être la conséquence d’une sévère intoxication due à l’alcool ou à la drogue. Cette incapacité doit être totale. Si l’inaptitude n’est que partielle, par exemple en raison d’un simple état d’ivresse, et non d’une intoxication grave, la victime n’est pas incapable de résistance (CAPE 19 décembre 2013, op.cit. c. 6a et réf.).
5.2
En l'espèce, l'alcoolisation de la victime n'était que partielle d'après les examens médicaux (cf. P. 35/1 qui met en évidence une concentration d'éthanol située entre 1,41 et 2,08 gr/kg au moment critique), les témoignages de T._ et R._ (PV aud. 10 et PV aud. 11), et au vu des détails donnés par la plaignante au sujet des circonstances de son agression (cf notamment, PV aud. 3, PV aud. 6, PV aud. 7). L'acte incriminé tombe donc sous le coup de l'art. 190 CP, comme l'a retenu le tribunal.
6.
L’appelant conteste encore la quotité de sa peine. Il fait valoir que sa culpabilité aurait été trop sévèrement appréciée au regard d'autres cas semblables. Il reproche au tribunal d'avoir ignoré les éléments à décharge, à savoir, l'absence d'antécédents en matière de moeurs, le pronostic favorable, l'absence de violence, et les regrets exprimés au sujet
"[...] des conséquences qu'avait eu la rencontre des parties sur le bien-être de la plaignante"
(procès-verbal p. 6; appel p. 19).
6.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; 129 IV 6 c. 6.1 p. 20).
Le Tribunal fédéral considère que la comparaison d’un cas d’espèce avec des affaires qui concernent d’autres accusés ou qui portent sur des faits différents est d'emblée délicate, et qu’il ne suffit pas à l’accusé de citer un ou deux cas pour lesquels une peine particulièrement clémente aurait été fixée pour prétendre avoir droit à une égalité de traitement (ATF 123 IV 49 c. 2 ; ATF 120 IV 136 c. 3a ; TF 6B_334/2009 du 20 juillet 2009 c. 2.3.1). En effet, de nombreux paramètres interviennent dans la fixation de la peine et les disparités de sanction en cette matière s’expliquent normalement par le principe de l’individualisation de la peine, voulue par le législateur. Ce n’est que si le résultat auquel le juge est parvenu apparaît vraiment choquant, compte tenu notamment des arguments invoqués et des cas examinés par la jurisprudence, que l’on peut alors parler d’un véritable abus du pouvoir d’appréciation (ATF 123 IV 49 ; TF 6B_33412 909 du 20 juillet 2007 c. 2.3.2 ; Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 2a ad art. 47 CP ; Favre, Pellet, Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 2011, n. 1.12 ad art. 47 CP).
6.2
La culpabilité de E._ est lourde. A charge, on retiendra qu'il
a multiplié les versions des faits et
qu'il a persisté à nier l'acte dénoncé, ne répondant même pas aux interrogations sincères de la plaignante. Il n'a fait preuve d'aucune prise de conscience. Dès le début de ses interrogatoires, il n'a pas hésité à salir la victime, qu'il décrit comme une femme lui faisant des avances, et dont les angoisses intérieures s'expliqueraient, après l'acte, par son refus d'accepter l'idée de s'être laissée aller à un rapport sexuel irréfléchi en pleine rue avec un inconnu, sous l'effet désinhibant de l'alcool. A charge encore, on relève que les infractions commises par le prévenu sont en concours (art. 49 al. 1 CP). Il n'y a pas d'éléments à décharge. S'il est vrai que le prévenu a des antécédents judiciaires d'un autre ordre, il a fait l'objet de quatre condamnations en moins de deux ans. En outre,
il n'a pas hésité à s'attaquer dans un lieu sombre à une proie facile, une femme blessée et alcoolisée.
Au vu de ces éléments, une peine privative de liberté de quatre ans se justifie, si bien que l'appel doit être rejeté sur ce point.
6.3
Pour le surplus, vérifié d'office (art. 404 al. 2 CPP), le jugement est conforme au droit sur la non révocation des sursis antérieurs (art. 46 al. 2 CP) et sur les conséquences de la détention illicite (art. 431 CPP). Il en va de même du montant alloué à F._ pour ses prétentions civiles, E._ ne le remettant en cause qu'en relation avec une modification en sa faveur du verdict de culpabilité, situation non réalisée en l'espèce.
7.
7.1
En définitive, l'appel de E._ doit être rejeté aux frais de son auteur (art. 428 al.1 CPP). La condamnation du prévenu ayant été confirmée, et ce dernier étant représenté par un avocat d'office, il en va de même de la conclusion tendant à l'allocation d'une indemnité de l'art. 429 CPP. Les frais d'appel mis à la charge du prévenu comprennent les indemnités versées au défenseur d'office et au conseil de la plaignante, mais le remboursement à l'Etat de ces indemnités
ne pourra être exigé que pour autant que la situation de E._ le permette (art. 135 al. 4 CPP).
7.2
D'après la jurisprudence, le tarif horaire de l'avocat d'office est de
180 fr. pour l'avocat breveté et de 110 fr. pour l'avocat-stagiaire, plus les débours et la TVA à 8 % (TF 6B_810/2010 du 25 mai 2011 c. 2.4, et les références citées). Lorsque le juge statue sur la base d'une liste de frais dont il entend s'écarter, il doit avoir au moins brièvement indiqué les raisons pour lesquelles il tient certaines prétentions pour injustifiées, afin que son destinataire puisse attaquer la décision en connaissance de cause (CAPE 12 août 2013/192 et réf.).
Me Nicolas Mattenberger, défenseur d'office de E._, a requis, pour la procédure d'appel, une indemnité de 3'901 fr. 20, audience incluse, plus la TVA. Ce montant tient compte de 16 heures d'avocat breveté et 4 h 11 d'avocat-stagiaire. L'appel portant essentiellement sur des faits déjà étudiés en première instance, où l'avocat prénommé et son stagiaire avaient déjà comparu, le nombre d'heures paraît excessif. En outre, l'avocat prénommé ne justifie pas en quoi, il y aurait lieu de lui allouer, pour ses débours, davantage que le montant forfaitaire de 50 fr. On s'en tiendra donc à ce forfait. Il convient ainsi d'allouer à l'avocat prénommé la somme de 2'428 fr. 20 au titre d'indemnité de défenseur d'office du prévenu pour la procédure de seconde instance. Cela correspond à 10 heures d'avocat breveté (à 180 fr.), deux heures dix de stagiaire (à 110 francs), deux vacations de stagiaire à 80 fr. plus 50 francs de débours et 8 % de TVA.
Il convient d'allouer à Me Angelo Ruggiero, conseil d'office de la plaignante, l'indemnité qu'il réclame pour la procédure de seconde instance, et de lui allouer un montant de 1'893 fr. 45 à ce titre. Cette somme correspond, audience incluse, à 9 heures d'avocat breveté, 133 fr. 20 de débours et 8% de TVA.
8.
Au regard du risque de fuite, évident compte tenu de l'importance de la peine confirmée et du statut de séjour illégal, il est nécessaire de confirmer la détention à titre de sûreté. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
77487acb-95b9-4987-a8ae-b998fb4c59ac | En fait :
A.
Le 16 octobre 2009, C._ a fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse, assortie d'un délai de départ au 11 décembre 2009. Cette décision est entrée en force le 25 novembre 2009. Le 11 décembre 2009, le Service de la population (ci-après: Spop) a averti l'intéressé que s'il ne quittait pas la Suisse dans les plus brefs délais, il serait placé en détention administrative dans le cadre des mesures de contrainte (CREC, 4 mai 2011/41, pp. 5-6).
Par ordonnance du 25 octobre 2010, C._ et K._ ont été renvoyés en jugement devant le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois. Ressortissant du Nigéria, en séjour illégal, détenu préventivement depuis le 1
er
juillet 2010, C._ était accusé de lésions corporelles simples qualifiées, de mise en danger de la vie d'autrui et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (ci-après: LStup). A l'audience de jugement du 22 mars 2011, l'accusation a été élargie aux infractions d'agression et de rixe.
Le Ministère public a requis contre C._ une peine privative de liberté de deux ans assortie d'un sursis de quatre ans. Ce dernier a contesté les faits qui lui étaient reprochés et toute culpabilité en matière d'infractions violentes, mais il n'a toutefois pas conclu au versement d'une indemnité de l'art. 429 CPP.
Par jugement du 24 mars 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a notamment libéré C._ des chefs de prévention de lésions corporelles simples qualifiées, de mise en danger de la vie d'autrui, de rixe et d'agression en raison de doutes sur le déroulement des faits, mais l'a condamné à une amende de 100 fr. convertible en un jour de détention pour contravention à la LStup, ainsi qu'à une partie des frais de la cause par 500 fr., l'indemnité de défenseur d'office d'un montant de 10'394 fr. 85, allouée à Me Piguet, étant entièrement mise à la charge de l'Etat. Le Tribunal a encore ordonné la relaxation immédiate de C._, détenu depuis 267 jours, pour autant qu'il ne doive pas être détenu pour une autre cause.
Le 25 mars 2011, le Juge de Paix de Lausanne a ordonné sa détention administrative. Par arrêt de la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal vaudois du 4 mai 2011, le recours interjeté par l'intéressé contre cette détention a été rejeté. Le 7 juillet 2011, C._ a été refoulé de Suisse dans un vol à destination de Lagos au Nigéria (P. 116/2).
C._ n'a pas formé appel contre le jugement du 24 mars 2011. Le Ministère public a pour sa part fait appel de ce jugement, mais l'a retiré le 29 juin 2011, à l'approche de l'expulsion hors de Suisse de C._ à l'issue de sa détention administrative. Me Cyrille Piguet a renoncé à une indemnité de défenseur d'office pour cette procédure d'appel. Un sceau a été apposé sur la première page du jugement de première instance pour indiquer son caractère définitif et exécutoire.
B.
Le 9 mars 2012, Me Cyrille Piguet, au bénéfice d'une procuration signée par son client le 14 avril 2011, soit alors que celui-ci était détenu à Frambois, a adressé au Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois une requête en allocation d'une indemnité au sens de l'art. 429 CPP. Il a conclu au versement d'un montant de 75'750 fr. 20 avec intérêt à 5% l'an dès le 22 mars 2011, soit
12'582 fr. à titre de solde d'honoraires (79 heures d'avocat à 380 fr. [dont neuf heures pour la rédaction de la requête] plus sept heures d'avocat-stagiaire à 250 fr., plus TVA, moins le montant de l'indemnité d'avocat d'office) et 53'200 fr. en compensation de 266 jours de détention (la conversion de l'amende impayée étant déjà effectuée et le jour de détention ainsi obtenu déduit) à 200 fr. le jour.
Cette requête n'a pas été adressée en copie au Ministère public.
C.
Par décision du 21 mars 2012, approuvée par voie de circulation, le Tribunal correctionnel, dans la même composition que pour rendre le jugement d'acquittement partiel, a alloué à C._, à la charge de l'Etat, une indemnité de 17'053 fr. 20 pour ses frais de défense avec intérêt à 5% l'an dès le
9 mars 2012, ainsi qu'une indemnité pour tort moral de 40'000 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 24 mars 2011.
Le Ministère public n'a pas été appelé à se déterminer dans cette procédure d'indemnisation.
D.
Le 30 mars 2012, le Ministère public a formé appel contre cette décision.
Par arrêt du 3 juillet 2012, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a admis l'appel formé par le Ministère public et a annulé la décision de première instance.
E.
C._ a formé le 20 août 2012 un recours en matière pénale et un recours constitutionnel subsidiaire devant le Tribunal fédéral. Il a invoqué une violation de l'art. 429 CPP, concluant, sous suite de frais et dépens, à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision au sens des considérants.
Par arrêt du 13 novembre 2012, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a admis le recours et annulé l'arrêt rendu le 3 juillet 2012 par la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois. La cause a été renvoyée à l'autorité cantonale pour nouveau jugement.
F.
Par courrier du 27 novembre 2012, les parties ont été invitées à déposer des éventuelles observations ou réquisitions jusqu'au 12 décembre 2012.
Renonçant à déposer de plus amples observations après l'arrêt du Tribunal fédéral, Me Cyrille Piguet a produit une procuration – laquelle était déjà au dossier – signée par C._ le 14 avril 2011 alors qu'il était détenu à Frambois, soit avant la décision d'indemnisation de première instance du 21 mars 2012 dont le Ministère public a fait appel.
Le 12 décembre 2012, le Procureur de l'arrondissement du Nord vaudois a déposé ses observations et réquisitions. Il a notamment demandé la suspension de la cause jusqu'à ce que C._ puisse être entendu et qu'une instruction soit menée afin de déterminer si l'intéressé, s'il n'avait pas été détenu dans la procédure pénale, aurait de toute manière été placé en détention administrative et donc privé de liberté.
Par courrier du 20 décembre 2012, C._, par l'intermédiaire de Me Cyrille Piguet, s'est déterminé sur les observations du Ministère public, en soutenant que la cause était en état d'être jugée. A l'appui de sa prétention en indemnisation, il a produit un document en anglais autorisant Me Cyrille Piguet, pour le cas où sa demande en indemnisation aboutirait, à lui facturer ses prestations à un tarif horaire de 400 fr., et à prélever ses honoraires sur le montant de l'indemnité allouée par l'Etat, y compris la part concernant l'indemnisation de la détention. Le solde devant être versé sur le compte bancaire ainsi désigné:
"Account nr: 00495327772895173681
IBAN: IDANES-85
Mr Stanley Austin AKIM
Spain"
Dans ce même courrier, Me Cyrille Piguet a demandé à être désigné comme avocat d'office.
Le 8 janvier 2013, le président de la Cour d'appel pénale a invité C._ à produire dans un délai de 20 jours toutes pièces permettant d'éclairer ses revenus, charges et conditions de vie.
Par duplique du 11 janvier 2013, le Procureur de l'arrondissement du Nord vaudois a confirmé sa prise de position du 12 décembre 2012.
Par courrier du 16 janvier 2013, Me Cyrille Piguet a informé la Cour de céans que C._ était sans domicile connu depuis son renvoi de Suisse pour le Nigéria. S'agissant de sa situation financière, il s'est référé au contenu du jugement de première instance rendu le 24 mars 2011.
Le 18 janvier 2013, la Cour de céans a transmis aux parties un arrêt rendu par la Chambre des recours civile le 4 mai 2011 dans le cadre d'un recours interjeté par C._ contre une ordonnance rendue par le Juge de paix du district de Lausanne et a informé les intéressés que cette pièce était versée au dossier de la présente cause.
La requête tendant à désignation d'un conseil d'office en la personne de Me Piguet a été rejetée par décision du président de la Cour d'appel pénale du 6 mars 2013. | En droit :
1.
Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Il peut également renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 107 al. 2 LTF [loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral, RS 173.110]). L'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit contenus dans l'arrêt de renvoi. Elle ne peut en aucun cas s'écarter de l'argumentation juridique du Tribunal fédéral, aussi bien en ce qui concerne les points sur lesquels il a approuvé la motivation précédente que ceux sur lesquels il l'a désapprouvée. Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis – même implicitement – par le Tribunal fédéral (B. Corboz, in: Commentaire de la LTF, Berne 2009, ch. 27 ad art. 107 LTF).
2.
Dans son arrêt 13 novembre 2012, le Tribunal fédéral a considéré que la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal avait violé l'art. 429 CPP en retenant que C._, en renonçant à faire appel du jugement d'acquittement partiel qui ne lui accordait aucune réparation, avait renoncé à toute indemnisation. Il a estimé que la situation particulière du cas d'espèce impliquait de reconnaître à l'intéressé de pouvoir faire valoir ses prétentions en indemnisation dans une procédure séparée au sens des art. 363 ss CPP, faute pour celles-ci d'avoir été traitées d'office dans le jugement du 24 mars 2011.
3.
Le Tribunal fédéral a invité la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal à statuer sur les prétentions en indemnisation de C._, soit sur l'appel déposé par le Ministère public à l'encontre de ces dernières.
3.1
N’ayant pas été tenu au courant de la procédure d’indemnisation de première instance et n’ayant jamais eu l’occasion de se déterminer à ce stade sur les prétentions de C._, le Ministère public a fait valoir dans sa déclaration d’appel que la décision du Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois du 21 mars 2012 violait son droit d’être entendu. Il a toutefois admis que ce vice pourrait être réparé en deuxième instance si la possibilité lui était offerte de faire instruire la cause, plus particulièrement la situation financière de l’intimé.
Dans la phase des débats et dans la procédure de recours, le Ministère public a la qualité de partie (art. 104 al. 1 let. a CPP). Comme partie, il est titulaire du droit d’être entendu qui comporte notamment les facultés de consulter le dossier, de participer à des actes de procédure, de se prononcer au sujet de la cause et de la procédure, ainsi que de déposer des propositions relatives aux moyens de preuves (art. 107 al. 1 CPP).
L’intimé, par son conseil, n’a pas transmis au Ministère public une copie de la requête d’indemnisation qu’il a adressée le 9 mars 2012 à l’autorité de jugement de première instance (P. 126). La cause a été jugée par voie de circulation à l'insu du Ministère public qui n’a eu connaissance de l’existence de cette procédure que lorsque la décision lui a été notifiée.
Dès lors que, selon le Tribunal fédéral, cette décision a valablement été rendue à l’issue d’une procédure en cas de décisions judicaires ultérieures indépendantes au sens des articles 363 et suivants CPP, cela signifie que, comme autorité et partie, le Ministère public devait avoir l’occasion de participer à l’instruction, de requérir des preuves et de s’exprimer (art. 364 al. 4 CPP) tant sur le principe que sur les postes et le montant de l’indemnité réclamée. En doctrine
(M. Perrin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 45 ad art. 364 CPP), il est en effet admis que le Ministère public appartient aux autorités visées à l’art. 364 CPP. A l’évidence, son droit d’être entendu a donc été violé.
En principe, l’autorité d’appel rend un nouveau jugement qui se substitue au jugement de première instance (art. 408 CPP). Toutefois, l’annulation et le renvoi sont prévus à l’art. 409 CPP. En effet, si la procédure de première instance présente des vices importants auxquels il est impossible de remédier en procédure d’appel, la juridiction d’appel annule le jugement attaqué et renvoie la cause au tribunal de première instance pour qu’il soit procédé à de nouveaux débats et pour qu’un nouveau jugement soit rendu. La juridiction d’appel détermine alors les actes de procédure qui doivent être répétés ou complétés. Le tribunal de première instance est lié par les considérants de la décision de renvoi et par les instructions visées à l’art. 409 al. 2 CPP.
Il faut donc déterminer si la violation du droit d’être entendu du Ministère public est encore compatible avec une réforme ou si elle impose une annulation.
La violation du droit d’être entendu, soit ici de toutes les facultés qu’il comporte, constitue un vice important devant en principe entraîner l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond, s’agissant de la transgression d’une garantie constitutionnelle de caractère formel (M. Kistler Vianin, in: Commentaire romand, op. cit., n. 5 ad art. 409 CPP). La violation du droit d’être entendu est toutefois réparée – à titre exceptionnel et pour autant qu’elle ne soit pas d’une gravité particulière – lorsque la partie lésée a la possibilité de s’exprimer devant une autorité de recours jouissant du même pouvoir de cognition que l’autorité inférieure qui a méconnu le droit d’être entendu (Y. Bendani, in: Commentaire romand, op. cit., n. 50 ad art. 107 CPP). Le jugement devrait notamment être cassé quand l’administration des preuves est inexistante ou quasi inexistante et que les preuves à administrer se situent au-delà de la limite normale d’un complément de preuves (Kistler Vianin, op. cit., n. 6 ad art. 409 CPP).
En matière de procédure en cas de décisions judiciaires ultérieures indépendantes, le tribunal statue sur la base du dossier, mais il peut aussi ordonner des débats (art. 365 al. 1 CPP). Tel sera le cas lorsque l’audition du « condamné » s’impose en l’état du dossier et au vu des conséquences probables de la procédure pour l’intéressé, tout comme l’administration de preuves s’avère utile à la connaissance de la cause, les dispositions de la procédure pénale traitant des débats et du défaut s’appliquant par analogie (Perrin, op. cit., n. 2 ad art. 365 CPP).
L’appel n’attaquant qu’une indemnité, il a été soumis à la procédure écrite (art. 406 al. 1 let. d CPP) qui, par essence ne permet pas d’entendre et de questionner une partie en audience, mais uniquement par écrit, et qui, faute d’audience, sous réserve des cas envisagés à l’art. 332 al. 3 CPP, ne permet pas d’entendre des témoins.
C’est toutefois surtout à l’aune des griefs développés par l’appelant qu’il convient d’examiner si la violation du droit d’être entendu est réparable en deuxième instance.
3.2
L'appelant estime que c'est à tort que le tribunal de première instance a alloué une indemnité pour les frais de défense de C._.
3.2.1
L'art. 429 al. 1 let. a CPP prévoit que si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'indemnité selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix (ATF 138 IV 205; TF 6B_144/2012 du 16 août 2012 c. 1.2). Celui qui n'a donc pas lui-même supporté de dépenses relatives à un avocat de choix, ne saurait prétendre à une indemnité à ce titre, les conditions de l'art. 429 al. 1 let. a CPP n'étant pas réalisées (
ibidem
).
Les frais imputables à la défense d'office font partie des frais de procédure (cf. art. 422 al. 2 let. a CPP) et le prévenu n'a en principe pas à supporter ces frais (cf. art. 426 al. 1 CPP) (
ibidem
). Toutefois, d'après l'art. 135 al. 4 CPP, lorsque le prévenu est condamné à supporter les frais de procédure, il est tenu de rembourser dès que sa situation financière le permet (a) à la Confédération ou au canton les frais d'honoraires et (b) au défenseur la différence entre son indemnité en tant que défenseur désigné et les honoraires qu'il aurait touchés comme défenseur privé.
La gratuité de l'assistance judiciaire qu'assure l'art. 29 al. 3 Cst (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101) n'a pas une portée absolue. La restitution des montants avancés à titre de l'assistance judiciaire peut être exigée lorsque la situation économique du bénéficiaire s'est améliorée de façon suffisante après la clôture de la procédure, à savoir lorsqu'il est en mesure de s'acquitter des frais concrètement mis à sa charge sans remettre en cause la couverture de ses besoins fondamentaux. L'art. 135 al. 4 CPP autorise la Confédération ou le canton à exiger, après la fin du procès, le remboursement des frais afférents à la défense d'office dès que la situation financière du prévenu le permet. Cette disposition précise également que le remboursement n'est exigé que si le bénéficiaire a été « condamné à supporter les frais de procédure », autrement dit s'il a été condamné sur le fond (art. 426 al. 1 CPP) ou si les frais ont été mis à sa charge en application de l'art. 426 al. 2 CPP. Si les deux conditions de l'art. 135 al. 4 CPP sont réunies, le prévenu est en outre tenu de rembourser à son défenseur d'office la différence entre les honoraires reçus de l'Etat et ceux qu'il aurait pu toucher comme défenseur de choix (art. 135 al. 4 let. b CPP). En dehors de ce cas, le défenseur d'office ne peut réclamer à son client aucune indemnité complémentaire à celle qui lui a été versées par la caisse de l'Etat (M. Harari/T. Aliberti, in: Commentaire romand, op. cit., nn. 17 à 19 CPP).
3.2.2
En l'espèce, C._ a bénéficié d'un défenseur d'office dont l'indemnité d'un montant de 10'394 fr. 85 a été intégralement laissée à la charge de l'Etat. Si une partie des frais, soit un montant de 500 fr., a été mise à la charge de l'intimé, ce dernier n'aura pas à rembourser le montant de l'indemnité de son avocat d'office, et ce, même s'il devait revenir à meilleure fortune.
Dans ces circonstances, l'intimé, partiellement acquitté, ne saurait prétendre à une indemnité pour des frais de défense puisque ceux-ci n'ont pas été concrètement mis à sa charge, mais qu'ils ont au contraire, été entièrement laissés à la charge de l'Etat.
3.2.3
Au vu de ce qui précède, l'appel du Ministère public, bien fondé en ce qui concerne les frais d'avocat, devrait être admis sur ce point, sans qu'une annulation soit imposée par la violation du droit d'être entendu, le pouvoir d'examen de la Cour d'appel s'avérant suffisant même en procédure écrite.
3.3
L'appelant estime ensuite que, faute d'informations suffisantes sur la situation financière de l'intimé, il n'est pas possible de statuer sur l'indemnité à lui allouer pour sa détention injustifiée. Subsidiairement, il soutient que l'indemnité allouée à ce titre par les premiers juges est excessive.
En ce qui concerne l’indemnisation de la détention subie sans motif, le Ministère public a demandé (P. 146, p. 2) qu’une instruction soit effectuée notamment pour déterminer si l’intimé, s’il n’avait pas été détenu provisoirement dans l’enquête pénale, aurait de toute manière été détenu administrativement en vue de son renvoi contraint de Suisse. Il a également requis la suspension de la cause jusqu’à ce que l’intimé puisse être entendu. L’intimé, par son conseil, s’y est opposé en faisant valoir notamment que la détermination de la réparation consistait uniquement à multiplier le nombre de jours de privation de liberté par le montant journalier usuel de 200 francs.
3.3.1
L'art. 429 al. 1 let. c CPP prévoit que le prévenu acquitté partiellement ou totalement a le droit à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté. Demeurent toutefois réservées les exceptions à ce principe prévues à l'art. 430 al. 1 CPP. D'après cette dernière disposition, l'autorité pénale peut réduire ou refuser l'indemnité ou la réparation du tort moral lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
La réparation du dommage au sens de l'art. 429 CPP, avec les réserves de l'art. 430 CPP, est subordonnée à l'existence de quatre conditions cumulatives : l'existence d'un préjudice, une détention ou un autre acte de procédure injustifiés, un rapport de causalité entre le préjudice et l'acte ou la détention injustifiés et l'absence d'un comportement fautif du prévenu qui aurait provoqué ou compliqué l'instruction pénale (J. Pitteloud, Code de procédure pénale suisse, Commentaire à l'usage des praticiens, Zurich/St-Gall 2012, n. 1341; TF 6B_45/2011 du
12 septembre 2011 c. 2.2 et les références citées).
L'art. 429 al. 2 CPP prévoit que l'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu et peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier. Il résulte de cette disposition qu'il incombe à l'autorité pénale, à tout le moins, d'interpeller le prévenu sur cette question et, comme le prévoit la loi, de l'enjoindre au besoin à chiffrer et justifier ses prétentions en indemnisation (cf. arrêt 1B_475/2011 du 11 janvier 2012 c. 2.2 et 2.3).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (TF 6B_745/2009 du 12 novembre 2009 c. 7.1), en matière de détention injustifiée, le montant de l'indemnité doit être fixé en fonction de la gravité de l'atteinte portée à la personnalité (
ATF 113 IV 93
c. 3a). Il faut tenir compte de toutes les circonstances, notamment des effets négatifs de la détention sur l'intégrité physique, psychique ou encore sur la réputation (
ATF 112 Ib 446
c. 5b/aa). L'activité professionnelle du lésé doit également être prise en compte dans cette appréciation (
ATF 113 IV 93
c. 3a). Il appartient au demandeur d'invoquer et de prouver les atteintes subies (
ATF 117 IV 209
c. 4b). Le Tribunal fédéral considère en principe qu'un montant de 200 fr. par jour en cas de détention injustifiée de courte durée constitue une indemnité appropriée, dans la mesure où il n'existe pas de circonstances particulières qui pourraient fonder le versement d'un montant inférieur ou supérieur (TF 8G.12/2001 du 19 septembre 2001 c. 6b/bb). Lorsque la détention injustifiée s'étend sur une longue période, ce qui est notamment le cas lorsque le prévenu libéré a été privé de liberté durant plus de 10 mois, la jurisprudence a précisé qu'une augmentation linéaire du montant accordé dans les cas de détentions plus courtes n'est pas adaptée, car le fait de l'arrestation et de la détention pèse d'un poids en tout cas aussi important que l'élément de durée pour apprécier l'atteinte que subit la personne incarcérée (cf.
ATF 113 Ib 155
c. 3b).
Notamment dans un arrêt 6B_668/2010 du 13 décembre 2010 concernant une indemnité pour détention sous l’empire du Code de procédure pénale vaudoise, le Tribunal fédéral n’a pas remis en cause le calcul du Tribunal d’accusation se fondant sur un tarif de base de 250 fr. par jour de privation de liberté. Cela ne signifie toutefois pas que ces « tarifs de base » ne puissent pas être revus ou adaptés, notamment pour tenir compte de facteurs de réduction ou d’augmentation.
3.3.2
En l'espèce, C._ a été détenu préventivement 267 jours et n'a finalement été condamné que pour contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants à une amende de 100 francs.
Les conditions de détention administrative de l'intimé étaient apparemment réalisées avant son incarcération pénale le 1
er
juillet 2010 (CREC, 4 mai 2011/41). En effet, l'intéressé avait fait l'objet d'une condamnation pénale en février 2010 et refusait de quitter la Suisse pour son pays d'origine.
Cependant, on ne saurait en conclure qu’il aurait nécessairement fait l’objet d’une détention administrative supplémentaire de 267 jours en lieu et place de la détention pénale infondée. En effet, la détention administrative est soumise à des conditions strictes de proportionnalité et ne saurait en principe pas dépasser six mois (art. 79 al. 1 LEtr). Il est vraisemblable que le refoulement de l’intimé serait intervenu plus tôt s’il n’avait pas été placé en détention avant jugement. Le fait que l’intimé ait été en séjour illicite, soit que sa présence en Suisse résultait d’un comportement fautif, n’est pas davantage en rapport de causalité avec le dommage subi. On voit ainsi qu’il n’est pas nécessaire d'instruire d’avantage sur cette question qui n’a pas d’incidence directe sur la réparation du dommage.
En revanche, procéder à une instruction sur les conditions de vie de l’intimé, originaire du Nigéria, résidant actuellement dans un pays étranger, et déterminer son adresse, son activité professionnelle, ses revenus, ses conditions de logement, ses charges et soutien de famille pour fixer le montant de l’indemnité pour tort moral est nécessaire, puisque le coût de la vie du pays où cet argent sera dépensé joue un rôle dans la décision judiciaire. En effet, l’art. 27 al. 1 LAVI (loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions du 23 mars 2007; RS 312.5), auquel on peut se référer par analogie, prévoit que la réparation morale peut être réduite lorsque l’ayant droit a son domicile à l’étranger et que, en raison du coût de la vie à son domicile, la réparation morale serait disproportionnée. Cette disposition consacre une jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 125 II 554 c. 4b, JT 2001 IV 96; TF 1A.299/2000 du 30 mai 2001; TF 1C_106/2008 du 24 septembre 2009) ayant admis une réduction de 50%, voire de 75%, de l’indemnité versée à une victime domiciliée dans une province yougoslave. Ce facteur de réduction s’applique à tous les torts moraux, ainsi la doctrine (Franz Werro, La responsabilité civile, Berne 2011, 2
e
édition, n° 1363 et note 1811, p. 384) ne paraît pas le limiter à l’application de la LAVI.
Dans son appel (p. 4), comme motif justifiant de refuser ou de réduire l’indemnité fondée sur la privation de liberté (art. 430 al. 1 let a CPP), le Ministère public a également invoqué une faute civile de l’intimé auquel il reproche son absence de bonne foi durant l’instruction dans la mesure où il aurait menti, proféré des incohérences, modifié ou changé sa version. Pour sa part, l’intimé a contesté avoir compliqué l’enquête (mémoire du 29 juin 2012, p. 6). Ce grief nécessite lui aussi une instruction, soit à tout le moins d'entendre l'intimé pour qu'il explique précisément les raisons qui l'auraient conduit à donner des explications obscures ou contradictoires le cas échéant et s'il avait conscience d'alimenter ainsi les soupçons des enquêteurs à son égard.
Sous ces aspects, la réquisition de l’appelant tendant à ce qu’une instruction soit menée s’avère donc pertinente.
En définitive, la violation totale du droit d’être entendu du Ministère public apparaissant particulièrement grave et le pouvoir de cognition de la Cour d’appel en procédure écrite ne lui permettant pas d’entendre l’intimé alors que cette audition a été requise par l’appelant, il se justifie d’annuler la décision et de retourner la cause en première instance en invitant le tribunal correctionnel à fixer des débats pour y entendre l’intimé.
Cependant, lorsque C._ a été interpellé par l'intermédiaire de son conseil de choix et enjoint de donner à la Cour de céans des informations sur ses revenus, ses charges et ses conditions actuelles de vie, Me Cyrille Piguet a indiqué que son client était sans domicile connu depuis son renvoi au Nigéria (P. 150). Il faut donc en inférer que son avocat a perdu tout contact avec lui depuis le refoulement du 7 juillet 2011, soit depuis 20 mois et que même l’exploitation diligente des coordonnées bancaires d’un tiers en Espagne qu’il avait transmises à son conseil n’a pas permis de le localiser.
Dans ces circonstances, prolongées et durables, d’impossibilité d’entendre l’intimé en raison de sa disparition, un renvoi en première instance s’impose néanmoins même s’il risque d’aboutir à une procédure par défaut (art. 366 al. 3 CPP), voire à une suspension de la procédure (art. 114 al. 3 et 367 al. 3 CPP). Le cas échéant, il incombera aux premiers juges d’apprécier la portée du défaut de collaboration de l’intimé (art. 429 al. 2
in fine
CPP) ou d’appliquer l’art. 42 al. 2 CO par analogie pour apprécier le préjudice s’il devait s’avérer que cette impossibilité repose sur des motifs objectifs (C. Mizel/V. Rétornaz, in: Commentaire romand, op. cit., n. 59 ad art. 429 CPP).
4.
Au vu de ce qui précède, l'appel du Ministère public doit être entièrement admis, la décision du 21 mars 2012 annulée et la cause renvoyée en première instance.
Vu l'issue de la cause, les frais de la présente procédure doivent être mis à la charge de C._ qui a conclu au rejet de l'appel (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
778939ef-09a4-4457-95be-a29b1604ab64 | En fait :
A.
Par jugement du 23 août 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a condamné V._ pour extorsion et chantage, tentative d'extorsion et chantage qualifiés et menaces à 3 ans de privation de liberté, dont 6 mois à titre ferme et le solde, par 30 mois, avec sursis pendant 4 ans, ainsi qu'au paiement des frais par 3'022 fr. 50 (I), pris acte, pour valoir jugement civil définitif et exécutoire, de la convention passée au procès-verbal d'audience entre V._ et Z._ (II), ordonné la dévolution à l'Etat des objets séquestrés sous fiche n° 46756 (III) et dit que le remboursement à l'Etat des indemnités servies à Me Gilles-Antoine Hofstetter, par CHF 1'800.- plus débours et frais et à Me Olivier Carré, par CHF 1'800.- plus débours et frais, n'interviendra que si la situation financière de V._ le permet (IV).
B.
Le 1
er
septembre 2011, V._ a formé appel contre le jugement précité.
Par déclaration d'appel motivée déposée le 27 septembre 2011, l'appelant a indiqué qu'il contestait le chiffre I du dispositif du jugement. Il conclut à la modification du jugement en ce sens qu'il est prononcé une peine plus clémente à son encontre, assortie du sursis sur l'ensemble, subsidiairement à une peine identique intégralement assortie du sursis. Il a formulé des réquisitions de preuve consistant en l'audition des personnes que les premiers juges avaient refusé d'auditionner en qualité de témoins, à savoir le Dr G._, psychiatre, et H._, directeur de W._. Il a également demandé l'apport à la procédure du dossier du Tribunal des mineurs concernant son comparse, C._.
Par courrier du 30 septembre 2011, le Procureur de l'arrondissement de Lausanne a indiqué qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et qu'il n'entendait pas déposer d'appel joint.
Par courrier du 6 octobre 2011, le Président de la Cour d'appel a rejeté les mesures d'instruction sollicitées par l'appelant, considérant qu'elles n'apparaissaient pas nécessaires pour le traitement de l'appel. Il a indiqué que s'agissant en particulier de l'audition de deux témoins, la Cour disposait de deux rapports complets du Dr G._ et de W._.
La Cour d'appel pénale a tenu une audience publique le 16 novembre 2011. Lors de cette audience, l’appelant a à nouveau sollicité la convocation et l'audition en qualité de témoins du psychiatre G._ et d'H._, directeur de W._, ainsi que l’apport aux débats du dossier du Tribunal des mineurs concernant C._. Le Ministère public s'en est remis à la justice. La Cour de céans a, par décision incidente, rejeté la requête incidente formulée par l'appelant. Par ailleurs, ce dernier a confirmé les conclusions contenues dans sa déclaration d'appel. Le Ministère public a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
V._ est né le [...] au Kosovo, pays dont il est ressortissant. Il a été élevé par ses parents dans son pays jusqu'en 2007. Au mois d'octobre de cette même année, sa famille et lui-même sont venus s'installer en Suisse afin de fuir le Kosovo où des persécutions pesaient sur eux. Après avoir été intégré dans des classes d'accueil post-obligatoires de l'OPTI d'avril 2008 à juin 2009, faute de permis de séjour, le prévenu n'a pas pu commencer un apprentissage. Durant une période de quinze mois, il n'a exercé aucune activité. Après l'octroi d'un permis provisoire pour l'ensemble de la famille en octobre 2010, l'intéressé a trouvé un apprentissage de peintre en bâtiment à Montreux qu'il a débuté le 15 août 2011.
Le casier judiciaire suisse du prévenu est vierge.
2.
En février 2010, à la place de Gare à Lausanne, V._ a exigé de Z._ qu'il lui remette 1'600 fr. en date du 28 février 2010, à défaut de quoi il le tuerait, lui couperait la tête et la placerait sur la table de la cuisine. Le prévenu a prétexté faussement que l'ex-amie du plaignant, N._, avait dû avorter à la suite de leur relation et qu'il avait dû avancer les frais en empruntant la somme exigée à une bande albanaise. Le plaignant s'est présenté au rendez-vous fixé le 28 février 2010 au Flon et a remis 1'000 fr. au prévenu. Ce dernier lui a alors demandé 1'000 fr. supplémentaires.
Au début du mois de mars 2010, le 9 ou 10 mars 2010, Z._ s'est rendu au rendez-vous prévu à Renens dans un café et a remis 1'000 fr. au prévenu qui était accompagné de deux amis, dont l'un d'eux était C._.
V._ a ensuite envoyé plusieurs messages sur le portable du plaignant dans lequel il l'a menacé et a exigé une nouvelle rencontre. Le 13 avril 2010, Z._ a rejoint le prévenu, qui était accompagné de son ex-amie et de C._, à Renens au collège du Léman. Après le départ de l'ex-amie, le prévenu a exigé 2'050 fr. supplémentaires au plaignant qui a refusé. Le prévenu lui a alors asséné deux gifles suivi d'un "coup de boule". Après un faux entretien téléphonique avec un prétendu bailleur de fonds, le prévenu a exigé 3'000 francs du plaignant, en le menaçant de tuer sa mère, sa famille et sa copine. Le prévenu a ensuite sorti un couteau et a posé la lame sur la gorge du plaignant, qui ne pouvait pas bouger, étant assis sur un banc et adossé au dossier de ce banc, tout en l'enjoignant de ne rien dire à personne. Z._ n'a toutefois pas remis la somme exigée au prévenu et a déposé plainte. | En droit :
1.
En vertu de l'art. 3 al. 1 DPMin (Loi fédérale du 20 juin 2003 régissant la condition pénale des mineurs, RS 311.1), cette loi s’applique à quiconque commet un acte punissable entre 10 et 18 ans. Selon l'alinéa 2 de cette disposition, lorsque plusieurs infractions commises avant et après l’âge de 18 ans doivent être jugées en même temps, le Code pénal est seul applicable en ce qui concerne les peines. Il en va de même pour les peines complémentaires (art. 49 al. 2 CP) prononcées pour un acte commis avant l’âge de 18 ans. Lorsqu’une mesure est nécessaire, l’autorité de jugement ordonne celle qui est prévue par le code pénal ou par la présente loi, en fonction des circonstances. Lorsqu’une procédure pénale des mineurs est introduite avant la connaissance d’un acte commis après l’âge de 18 ans, cette procédure reste applicable. Dans les autres cas, la procédure pénale relative aux adultes est applicable.
En l'espèce, l'appelant, né le [...], était mineur au moment des deux premières infractions qui se sont produites les 28 février 2010 et 9 ou 10 mars 2010. Il était majeur lorsqu'il a commis la tentative d'extorsion et de chantage qualifiés le 13 avril 2010. Conformément à l'art. 3 al. 2 DPMin, le Code pénal est seul applicable concernant les peines. S'agissant de la procédure pénale, la connaissance de son comportement répréhensible n'a eu lieu qu'à la majorité de l'appelant, le plaignant n'ayant déposé plainte pénale qu'après les faits qui se sont produits le 13 avril 2010. La procédure pénale a été introduite alors que l'appelant était majeur et le Code de procédure pénale s'applique dès lors et non la Loi fédérale du 20 mars 2009 sur la procédure pénale applicable aux mineurs (PPMin, RS 312.1).
2.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d'un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
3.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
4.
L'appelant conteste uniquement la quotité de la peine et demande principalement que la peine qui lui a été infligée soit plus clémente et assortie d'un sursis total. Subsidiairement, il requiert une peine identique intégralement assortie du sursis. Lors de l'audience devant la Cour du céans, l'appelant a soutenu qu'une peine plus clémente, voire identique, mais dans tous les cas assortie d'un sursis complet, s'imposait dans le cas particulier du fait qu'il avait reconnu les fait, qu'il avait indemnisé le plaignant et compte tenu des rapports du directeur de W._ et du Dr G._ qui n'avaient pas été assez pris en compte par le premier juge dans l'examen de la quotité de la peine.
4.1.
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Les critères énumérés de manière non exhaustive par l'art. 47 CP correspondent à ceux fixés par l'art. 63 aCP et la jurisprudence élaborée en application de cette disposition, qui conserve toute sa valeur. Ainsi, la culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_722/2010 du 17 février 2011 c. 1.2.1 et 1.2.2; ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (TF 6B_327/2011 du 7 juillet 2011 c. 2.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
4.2.
4.2.1.
En matière de sursis, l'art. 42 al. 1 CP prévoit que le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Aux termes de l'art. 43 CP, le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur (al. 1). La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2). En cas de sursis partiel à l'exécution d'une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins. Les règles d'octroi de la libération conditionnelle (art. 86 CP) ne lui sont pas applicables (al. 3).
4.2.2.
Lorsque la peine privative de liberté est d'une durée telle qu'elle permette le choix entre le sursis complet (art. 42 CP) et le sursis partiel (art. 43 CP), soit entre un et deux ans au plus, l'octroi du sursis au sens de l'art. 42 CP est la règle et le sursis partiel l'exception (TF 6B_769/2009 du 19 avril 2010 c. 1.2). Cette dernière ne doit être admise que si, sous l'angle de la prévention spéciale, l'octroi du sursis pour une partie de la peine ne peut se concevoir que moyennant exécution de l'autre partie. La situation est similaire à celle de l'examen des perspectives d'amendement en cas de révocation du sursis (ATF 135 IV 152 c. 3.1.1 non publié; ATF 116 IV 97). Le juge accordera le sursis partiel au lieu du sursis total lorsqu'il existe - notamment en raison de condamnations antérieures - de sérieux doutes sur les perspectives d'amendement de l'auteur, qui ne justifient cependant pas encore, à l'issue de l'appréciation de l'ensemble des circonstances, un pronostic concrètement défavorable (TF 6B_769/2009 du 19 avril 2010 c. 1.2). On évite de la sorte, dans les cas de pronostics très incertains, le dilemme du « tout ou rien ». L'art. 43 CP permet alors que l'effet d'avertissement du sursis partiel autorise, compte tenu de l'exécution partielle ordonnée simultanément, un pronostic largement plus favorable pour l'avenir (ATF 135 IV 152 c. 3.1.1 non publié; ATF 134 IV 1 c. 5.5.2). Toutefois, l'exécution partielle de la peine privative de liberté doit être indispensable pour l'amélioration des perspectives d'amendement, ce qui n'est pas le cas si l'octroi du sursis combiné avec une peine pécuniaire ou une amende (art. 42 al. 4 CP) s'avère suffisant sous l'aspect de la prévention spéciale. Le juge est tenu d'examiner cette possibilité préalablement (ATF 134 IV 53 c. 4.5.1).
4.2.3.
Dans le cas des peines privatives de liberté qui excèdent la limite fixée pour l'octroi du sursis complet (soit entre deux et trois ans), l'art. 43 CP s'applique de manière autonome. En effet exclu dans ces cas (art. 42 al. 1 CP), le sursis complet est alors remplacé par le sursis partiel pour autant que les conditions subjectives en soient remplies. Le but de la prévention spéciale trouve alors ses limites dans les exigences de la loi qui prévoit dans ces cas qu'une partie au moins de la peine doit être exécutée en raison de la gravité de la faute commise. C'est là que se trouve le champ d'application principal de l'art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 5.5.1).
4.3.
En l'espèce, les premiers juges ont considéré que la culpabilité de V._ était extrêmement lourde. Ils ont retenu à charge la gravité des infractions qui lui étaient reprochées, le mobile futile ainsi que l'absence d'aveux francs et de prise de conscience de la gravité de ses actes. A décharge, ils ont pris en compte la situation difficile de la famille du prévenu qui a été victime de violences au Kosovo, le jeune âge de celui-ci, le fait que la troisième infraction était restée au stade de la tentative et le dédommagement du prévenu qui a rendu 2'000 fr. lors de l'audience au plaignant et s'est engagé à lui verser 3'500 fr. à titre d'indemnité pour tort moral ainsi que sa resocialisation. Le Tribunal de première instance a considéré qu'une peine privative de liberté de trois ans, assortie d'un sursis partiel de 30 mois pendant 4 ans, était adéquate.
4.3.1.
S'agissant des éléments à charge, il convient de retenir, comme l'ont fait les premiers juges, que la culpabilité de V._ est très lourde. En effet, il résulte des faits que le prévenu a menacé le plaignant d'un dommage sérieux à plusieurs reprises afin qu'il lui remette des sommes d'argent puis a utilisé la violence physique le 13 avril 2010. Il a asséné des gifles puis donné un coup de boule au plaignant avant de mettre un couteau sous la gorge de ce dernier le mettant ainsi en danger de mort. Il convient donc de tenir compte de la violence et de la répétition des actes commis par le prévenu.
Par ailleurs, le mobile de l'auteur est futile et crapuleux et doit être considéré comme un critère à charge ainsi que l'ont retenu les premiers juges. En effet, le prévenu a prétexté faussement que son amie était enceinte du plaignant à la suite de leur relation passée et qu'elle avait besoin d'argent pour avorter. Il a prétendu qu'il avait dû avancer les frais de l'avortement en empruntant de l'argent à une bande albanaise. Aux débats de première instance, il a persisté à donner cette version des faits alors que son comparse C._ a clairement confirmé que l'avortement était un faux prétexte pour obtenir de l'argent du plaignant. En réalité, il ressort de l'enquête que l'argent extorqué, pour le premier versement de 1'000 fr., avait servi à acheter un ordinateur que le prévenu avait ramené au domicile familial.
Le comportement de V._ lors de la procédure doit également être pris en considération. Ce dernier n'a pas démontré de prise de conscience de la gravité de ses actes et a tenté de minimiser les infractions commises, lors des débats de première instance ainsi que devant la Cour de céans puisqu'il a confirmé les déclarations faites devant le Tribunal de première instance. En effet, il a prétendu qu'il n'avait pas placé la lame sous la gorge du plaignant. Cette version des faits est en totale contradiction avec ses propres déclarations faites devant la police en date du 16 avril 2010, ainsi que celles du plaignant et de son comparse C._. Il a également à nouveau avancé le prétexte de l'avortement de son amie comme motif des infractions ainsi qu'exposé ci-dessus.
Il convient également de prendre en compte, comme circonstance aggravante, le concours d’infractions conformément à l’art. 49 al. 1 CP, le prévenu s’étant rendu coupable d’extorsion et de chantage ainsi que de menaces.
4.3.2.
Concernant les éléments à décharge, il convient de prendre en compte, ainsi que l’ont fait les premiers juges, le contexte familial difficile de V._ suite aux violences subies au Kosovo, le fait qu’une partie des infractions ont eu lieu lorsqu’il était mineur, le dédommagement du prévenu au plaignant ainsi que sa resocialisation. Il est nécessaire de prendre en considération également les rapports du Dr G._, psychiatre du prévenu, et du Directeur de W._. Ces deux éléments n’ont que très partiellement été analysés par le tribunal de première instance alors qu’il était important de s'y référer dans les éléments à décharge.
Il ressort du rapport du Dr G._, établi le 12 août 2011, que ce dernier suit le prévenu en raison de troubles dépressifs liés à la présente procédure depuis le mois de juin 2011, ainsi que celui-ci et l’ensemble de sa famille en psychothérapie familiale depuis le mois d’avril 2008. Il a d’abord exposé les violences et menaces subies par la famille au Kosovo puis leurs difficultés lors de leur arrivée en Suisse. Le psychiatre a ensuite abordé les infractions qui étaient reprochées au prévenu et ses sentiments à cet égard. Il a indiqué que le prévenu avait toujours reconnu les faits qui lui étaient reprochés et leur ampleur et avait tout de suite exprimé le vœu de rendre l’argent extorqué au plaignant. Il a exposé que V._ n’était pas parvenu à comprendre les raisons de ses actes et avait déclaré qu’il traversait alors une très mauvaise période, ayant eu quelques temps auparavant des idées suicidaires. Le psychiatre a expliqué que le prévenu éprouvait surtout d’intenses sentiments de honte et de culpabilité, était conscient de la gravité des faits reprochés et développait des affects dépressifs. Il a encore indiqué que V._ s’était beaucoup investi dans son préapprentissage et apprentissage, qu’il se sentait différent de ce qu’il était un an plus tôt et était absolument convaincu que jamais il ne commettra d’autres actes délictueux. Selon le psychiatre, les risques de récidive sont pratiquement nuls.
Il ressort du rapport d’H._, directeur de W._, établi le 14 août 2011, que V._ a suivi les cours de W._ à Lausanne du 31 mars 2008 au 29 juin 2009. Il a relevé que, tout au long de sa scolarité, le prévenu avait été un étudiant très présent, serviable, attentionné et poli à l’égard de ses professeurs et de ses camarades. Il a en outre été désireux d’apprendre, ayant fait d’énormes progrès en français. Il a exposé que le prévenu souhaitait ardemment s’insérer dans le monde du travail, mais ne le pouvait malheureusement pas en raison de son statut en Suisse. Dès que la famille a obtenu une autorisation de séjour, il a expliqué que le prévenu avait repris avec rigueur et motivation la recherche d’une formation. Les démarches ont abouti et le prévenu a commencé un apprentissage de quatre ans depuis le 15 août 2011 dans une entreprise de plâtrier-peintre. Le directeur de W._ a exposé que le prévenu l’avait informé des infractions qu’il avait commises et que ce dernier lui avait fait de sincères aveux de repentance. Il a finalement exposé que, par son emploi et sa formation actuels, le prévenu avait envie de se racheter et qu’il était très important qu’il puisse continuer son parcours professionnel.
L'autorité de première instance a également retenu, comme circonstance atténuante, le fait que le résultat nécessaire à la consommation de l’infraction d’extorsion et de chantage qualifié ne s'était pas produit, en d'autres termes qu'il s'agissait d'une tentative au sens de l'art. 22 al. 1 CP.
4.3.3.
En vertu de l’art. 156 ch. 3 CP, si l’auteur a exercé des violences sur une personne ou s’il l’a menacée d’un danger imminent pour la vie ou l’intégrité corporelle, la peine sera celle prévue par l’art. 140 CP. Dès lors, celui qui, comme l’appelant, aura mis la victime en danger de mort, encourt une peine privative de liberté de cinq ans au mois en vertu de l'art. 140 ch. 4 CP (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2010, n. 31, p. 405). En effet, le fait de positionner une lame acérée à proximité immédiate de la gorge d'une victime, ou directement sur celle-ci, de telle sorte qu'il en résulte un danger qu'une échauffourée ou un mouvement minime, par exemple un mouvement réflexe involontaire, de la victime ou de l'auteur entraîne une lésion mortelle constitue, selon la jurisprudence, objectivement une mise en danger de sa vie au sens de l'art. 140 ch. 4 CP (ATF 6B_726/2010 du 17 mai 2011 c. 1.5 ; ATF 117 IV 427 c. 3b/aa). Cette circonstance aggravante est réalisée en l'espèce, au vu des circonstances dans lesquelles la victime s’est trouvée en contact avec le couteau utilisé par le prévenu. Par conséquent, sans la circonstance atténuante du degré de réalisation de l'infraction (cf. art. 22 al. 1 CP), la peine aurait dû être de cinq ans au mois conformément aux dispositions précitées. En outre, compte tenu de la mise en danger de mort, il faut admettre la grande proximité du résultat prévu dans l’infraction de l’art. 156 ch. 3 CP, ce qui exclut une atténuation importante de la peine. En effet, la réduction de la peine doit être d'autant plus faible que le résultat de l'infraction est proche et que les conséquences de l'acte commis sont graves (TF 6B_973/2009 du 26 janvier 2010 c. 4.1; ATF 127 IV 101 c. 2b; ATF 121 IV 49 c. 1b).
Ainsi, même en tenant compte plus largement que ne paraissent l'avoir fait les premiers juges des deux rapports précités, la sanction infligée ne procède pas d'un abus du pouvoir d'appréciation. On peut à cet égard observer que la partie de la peine à exécuter aurait pu être plus élevée conformément à l’art. 43 al. 3 CP. Les premiers juges l'ont néanmoins arrêtée à six mois, soit au minimum prévu par la loi. C'est dire qu'il a été tenu compte des efforts de resocialisation de l'appelant. D'une manière générale, les premiers juges ne se sont pas fondés sur des critères étrangers à l'art. 47 CP et ne sont pas sortis du cadre légal en fixant une peine privative de liberté de trois ans, assortie d’un sursis partiel de 30 mois. Au vu des circonstances, la quotité de la peine infligée est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l'appelant et de sa situation personnelle. Elle doit donc être confirmée.
La quotité de la peine, qui dépasse deux ans, exclut un sursis total au sens de l’art. 42 CP.
Au vu de ce qui précède, le grief, mal fondé, doit être rejeté.
5.
En définitive, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé dans son entier.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de V._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 2'130 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP, art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). Ce dernier a indiqué qu'il avait consacré 6 heures 76 au dossier, temps en audience compris. Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, une indemnité de 1'314 fr. 15, TVA et débours inclus (cf. art. 135 al. 1 CPP), se justifie.
L'appelant ne sera tenu de rembourser à l'Etat le montant de l'indemnité en faveur de son conseil d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
77c2ff23-363b-4610-859b-c66b660bee14 | En fait :
A.
Par jugement du 5 octobre 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté par défaut que T._ s'était rendu coupable de violation d'une obligation d'entretien (I), l'a condamné par défaut à une peine pécuniaire de 80 (huitante) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. (trente francs) (II), a donné acte au Service de prévoyance et d'aide sociales de ses réserves civiles à l'encontre de T._ (III), a mis les frais de procédure par 3'683 fr. 80 à la charge de T._, montant comprenant, par 1'000 fr. + TVA, l'indemnité servie à son conseil d'office, Me Fabien Mingard (IV) et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité décrite ci-dessus n'interviendra que si la situation financière de T._ le permet (V).
B.
Le 17 octobre 2011, T._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 9 novembre 2011, il a conclu principalement à son annulation et au renvoi de la cause au premier juge pour qu'il soit procédé à de nouveaux débats et pour qu'un nouveau jugement soit rendu. Subsidiairement, il a conclu à la réforme du jugement attaqué et à son acquittement. A l'appui de son appel, il a produit un bordereau de deux pièces.
Le 14 novembre 2011, le Ministère public a annoncé qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel formé par T._ et qu'il renonçait à déposer un appel joint.
Le 17 novembre 2011, le Service de prévoyance et d'aide sociales a déclaré qu'il s'en remettait à justice s'agissant de l'appel formé par T._.
Le 28 novembre 2011, le Ministère public a déclaré qu'il ne comparaîtrait pas aux débats d'appel.
Par courrier du 9 janvier 2012, T._ a demandé à ce qu'il soit dispensé de comparution personnelle aux débats d'appel. Le même jour, le président de la Cour de céans a donné suite à sa requête et l'a dispensé de comparaître personnellement à l'audience d'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
T._ est né le 13 septembre 1963 à Nancy en France, d'où il est originaire. Il vit actuellement à Evian. A l'issue de sa scolarité, il a accompli une formation dans l'hôtellerie, couronnée par un Certificat d'Aptitude Professionnel (CAP). Après son service militaire, il a travaillé de son métier en Suisse et en France. En 1993, il a repris la gérance d'une pizzeria à Payerne. De mauvaises fréquentations l'ont entraîné dans la délinquance, en particulier en matière de stupéfiants et de vols en bande. Comme on le verra ci-dessous, il a été condamné à une lourde peine de réclusion qu'il a purgée. Une décision d'expulsion administrative et d'interdiction d'entrée en Suisse lui a été notifiée lors de sa libération conditionnelle. L'appelant s'est marié en 1993 avec une Suissesse, W._, avec qui il a eu une fille en 1994. Le divorce a été prononcé en novembre 2004. Selon un rapport d'enquête de personnalité particulièrement détaillé, établi par l'Association d'intervention judiciaire et sociale de Haute Savoie, T._ a été un excellent père; durant le mariage, il s'est occupé aussi bien de son enfant que de celui de son épouse. Sur le plan professionnel, il est décrit comme une personne très active et consciencieuse.
Le casier judiciaire de T._ comporte les inscriptions suivantes:
- 19.02.2003, Juge d'instruction Nord vaudois Yverdon, vol, dommages à la propriété, violation de domicile, délit contre la Loi fédérale sur les stupéfiants, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, concours d'infractions, emprisonnement 4 mois, sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 2 ans, amende 1'000 fr.; détention préventive 9 jours; 13.06.2005, Tribunal de district de Sion, sursis révoqué, traitement ambulatoire;
- 13.06.2005, Tribunal de district de Sion, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, crime contre la Loi fédérale sur les stupéfiants, vol en bande, vol en bande (tentative), dommages à la propriété, violation de domicile, réclusion 4 ans et 6 mois, traitement ambulatoire, détention préventive 789 jours, peine partiellement complémentaire au jugement du 19.02.2003 du Juge d'instruction Nord vaudois Yverdon; 10.04.2005, Service de coordination vostra Valais: jugements des 19.02.2003 et 13.06.2005, libération conditionnelle le 27.06.2006, délai d'épreuve 3 ans, assistance de probation, règle de conduite.
2.
Par acte d'accusation du 6 avril 2011, T._ a été renvoyé devant le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne pour ne s'être pas acquitté de la pension alimentaire due pour l'entretien de sa fille, entre le 1
er
septembre 2009 et le mois de janvier 2011, accumulant ainsi un arriéré pénal de 11'400 fr. au 13 janvier 2011. Le Service de prévoyance et d'aide sociales, auquel W._ a cédé ses droits le 7 septembre 2010, a déposé plainte le 21 avril 2010.
3.
En vue d'une première audience devant le Tribunal de police, appointée au 14 juillet 2011, l'appelant a été cité à comparaître, à son adresse à Evian, par pli du 12 mai 2011, dont on ignore s'il était recommandé et s'il a atteint le prévenu. Le même jour, son défenseur d'office a reçu un avis de fixation des débats.
A l'audience du 14 juillet 2011, le Tribunal de police a constaté que l'appelant, dûment cité, était absent et a fixé de nouveaux débats conformément à l'art. 366 al. 1 CPP.
Le 15 juillet 2011, une nouvelle citation à comparaître pour le 5 octobre 2011 a été envoyée à l'appelant, à son adresse à Evian, sous pli recommandé et sous pli simple. Il n'y a pas de trace au dossier d'un avis de fixation d'audience adressé au défenseur, ni de l'envoi à celui-ci d'une copie de la citation à comparaître de son client.
A l'audience du 15 octobre 2011, l'appelant ne s'est pas présenté, au contraire de son défenseur, lequel a expliqué avoir été informé de la date de l'audience par un téléphone du greffe le 15 juillet 2011. Me Mingard a, d'entrée de cause, contesté la régularité de l'assignation de son client et a conclu au renvoi de l'audience.
Le premier juge s'est procuré le relevé postal "Track and Trace", duquel il ressort que le pli recommandé a quitté la frontière suisse, ne donnant toutefois pas d'autres indications. Après une suspension des débats, le premier juge a indiqué qu'il considérait que le prévenu avait été régulièrement assigné par pli recommandé et pli simple et qu'il faisait en conséquence à nouveau défaut. S'agissant d'un deuxième défaut, le premier juge a décidé de passer au jugement de la cause. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la notification du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit.
La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel interjeté par T._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
T._ invoque premièrement une violation du droit, soit de l'art. 331 al. 4 CPP en relation avec les art. 85 et 87 CPP.
3.1
Selon l'art. 331 al. 4 CPP, la direction de la procédure fixe la date, l'heure et le lieu des débats et cite les parties. La citation à comparaître s'assimile à une communication de l'autorité pénale qui est notifiée par écrit, conformément à l'art. 85 al. 1 CPP (Winzap, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 6 ad art. 331 CPP). L'art. 85 al. 3
i.f.
réserve le cas ne permettant pas de déclarer le prononcé notifié par présomption légale. Ainsi, l'art. 87 al. 4 CPP exige une notification personnelle en cas de comparution personnelle. En outre, si la partie est assistée d'un conseil juridique, ce dernier reçoit systématiquement une copie de la communication (Macaluso/Toffel, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, op. cit., nos 22 et 23 ad art. 87 CPP). Enfin, il existe, entre la Suisse et la France, un accord qui prévoit une notification directe entre ces deux pays (Accord du 28 octobre 1996 entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République française en vue de compléter la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, RS 0.351.934.92; cf. Macaluso/Toffel, op. cit., n. 16 ad art. 87 CPP et note de bas de page).
3.2
En l'espèce, l'appelant, de nationalité française et domicilié en France, devait effectivement être cité à comparaître par une notification personnelle (art. 87 al. 4 CPP), notification possible en application de l'accord franco-suisse précité et son avocat devait recevoir une copie de cette citation (art. 87 al. 4
i.f.
CPP). Or, il ne résulte pas du dossier que les plis recommandé et simple du 15 juillet 2011 aient atteint le prévenu. En particulier, l'extrait "Track and Trace" que le premier juge s'est procuré à l'audience du 5 octobre 2011 ne le prouve pas (P. 22). La notification fictive prévue à l'art. 85 al. 3 CPP, qui se base sur la présomption légale que le destinataire a reçu la communication qui lui est destinée, ne pouvant pas être retenue en matière de citation à comparaître personnellement (art. 87 al. 4 CPP), le premier juge ne pouvait pas considérer que le prévenu avait été valablement assigné. De surcroît, le défenseur de l'appelant n'a pas reçu une copie de la citation, contrairement à ce qu'exige l'art. 87 al. 4
i.f.
CPP.
3.3
Au vu de ce qui précède, l'appelant n'ayant pas été régulièrement assigné, ce qui constitue un vice important auquel il n'est pas possible de remédier en procédure d'appel, le jugement attaqué doit être annulé et la cause renvoyée au Tribunal de première instance pour qu'il soit procédé à de nouveaux débats et pour qu'un nouveau jugement soit rendu (art. 409 al. 1 CPP).
Le grief principal de T._ étant admis, il n'y a pas lieu de se pencher sur son grief subsidiaire, soit la violation de l'art. 217 CP. Il convient toutefois de relever que le jugement attaqué ne contient le résultat d'aucune instruction au sujet de la capacité du prévenu à remplir son obligation d'entretien.
4.
Aux termes de l'art. 436 al. 3 CPP, si l'autorité de recours annule une décision conformément à l'art. 409 CPP, les parties ont droit à une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours et par la partie annulée de la procédure de première instance. Ce cas de figure est donné lorsque la procédure de première instance est annulée pour cause de vices importants auxquels il n'est pas possible de remédier en procédure d'appel, ce qui justifie l'allocation aux parties – et non pas seulement à la seule partie ayant eu gain de cause – d'une juste indemnité pour leurs dépenses occasionnées par les actes de procédure "inutiles" qui en ont résultés (Mizel/Rétornaz, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, op. cit., n. 7 ad art. 436 CPP).
En l'espèce, T._ a droit à l'allocation d'une juste indemnité correspondant à ses frais d'avocat tels qu'ils ressortent de la liste des opérations remise aux débats d'appel.
5.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel sont mis à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
77ec6ebe-9586-46e0-8c71-4a2aaff3e042 | En fait :
A.
Par jugement du 5 octobre 2012, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a libéré A.O._ des chefs d’accusation d’escroquerie et de vol d’usage (I), a constaté qu'il s’est rendu coupable de tentative de meurtre, d'abus de confiance, de violation simple et grave des règles de la circulation routière, de conduite sans autorisation et d'usage abusif de permis (II), a révoqué la libération conditionnelle accordée à A.O._ en date du 14 mai 2009 par l’Amt für Justizvollzug des Kantons Aargau (III), l'a condamné à une peine privative de liberté de cinq ans et dix mois, sous déduction de 454 jours de détention avant jugement, et dit que cette peine est complémentaire à celles qui ont été prononcées contre lui le 12 mai 2009 par l'Untersuchungsrichteramt Freiburg, le 22 décembre 2010 par l'Obergericht des Kantons Obwalden, le 21 février 2011 par le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois et le 27 mai 2011 par la Staatsanwaltschaft Zofingen-Kuml (IV), a dit que la peine prévue au chiffre IV ci-dessus est une peine d’ensemble qui comprend le solde de 143 jours de détention résultant de la condamnation prononcée le 9 novembre 2006 par le Bezirksgericht Bremgarten (V), a ordonné le maintien en détention d'A.O._ pour des motifs de sûreté (VI), l'a condamné à une amende de 900 fr. (neuf cents francs), la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif étant de 30 jours (VII), a levé le séquestre n° 103 concernant un téléphone portable et ordonné sa restitution à A.O._ (VIII), a ordonné le maintien au dossier des deux CD-Rom figurant sous fiches 67 et 104 (IX), a mis les frais de justice par 44'266 fr. 35 à la charge d'A.O._ et dit que ces frais comprennent l'indemnité allouée à son défenseur d'office, Me Raphaël Tatti, par 18'602 fr. 25, dite indemnité devant être remboursée à l'Etat dès que la situation financière du condamné le permettra (X).
B.
Le 22 octobre 2012, A.O._ a annoncé faire appel du jugement du 5 octobre précédent. Par déclaration d’appel du 26 novembre 2012, il a conclu principalement à la modification du jugement en ce sens qu'il est libéré des chefs d'accusation d'escroquerie, de vol d'usage et de tentative de meurtre (ch. I du dispositif), qu'il est reconnu coupable de mise en danger de la vie d'autrui, de lésions corporelles, d'abus de confiance, de violation simple et grave des règles de la circulation routière, de conduite sans autorisation et d'usage abusif de permis (ch. II du dispositif) et qu'il est condamné à une peine privative de liberté n'excédant pas deux ans, sous déduction de la détention subie avant jugement (ch. IV du dispositif). L'appelant a requis l'audition de divers témoins à l'audience d'appel, à savoir son ex-épouse B.O._, B.F._, A.F._ et son frère A.O._. La direction de la procédure a rejeté cette requête.
Donnant suite à une requête de l'appelant, la Direction de la Prison du Bois-Mermet a produit un rapport de détention indiquant que le prévenu avait été incarcéré dans cet établissement du 11 juillet 2011 au 14 décembre 2012, date à laquelle il avait été transféré à la Prison de La Tuilière, à Lonay. Durant sa détention, il avait, en règle générale, fait preuve d'un bon comportement tant envers le personnel de surveillance qu'envers ses codétenus, sous la réserve de sanctions disciplinaires de deux et de quatre jours d'arrêts, prononcées respectivement le 25 juillet et le 22 août 2012, pour inobservation des règlements et directives, refus d’obtempérer et communication irrégulière. Le prévenu avait été occupé au sens de l'atelier de buanderie du 15 novembre 2011 au 13 décembre 2012. Ses prestations professionnelles avaient été satisfaisantes.
Le 10 décembre 2012, le Ministère public a fait savoir qu’il ne présentait ni appel joint, ni requête de non-entrée en matière. A l'audience d'appel, il a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu A.O._, né en 1979, ressortissant du Kosovo, a émigré en Allemagne durant son enfance avec ses parents ainsi que son frère et ses trois sœurs. Il a terminé sa scolarité dans ce pays et est ensuite retourné travailler au Kosovo et en Serbie, avant de s'établir en Suisse alémanique en 1999; son frère et ses parents vivent également dans notre pays.
En 2001, le prévenu a épousé B.O._, née en 1983. Le mariage avait été arrangé par les pères respectifs des époux. Trois enfants, nés en 2003, 2008 et 2009, sont issus de cette union. Le prévenu n'a plus travaillé depuis 2004 ou 2005 et la famille a vécu au bénéfice de l'aide sociale. Il estime ses dettes à 100'000 francs. Il a récemment fait l’objet d’un refus de renouvellement de son autorisation de séjour par regroupement familial et un délai lui a été imparti pour quitter la Suisse (P. 41 à 44).
Le divorce des époux A.O._ a été prononcé par accord complet à la suite des faits de la présente cause.
Le prévenu est détenu dans le cadre de la présente affaire depuis le 10 juillet 2011. Il a été transféré en exécution anticipée de peine le 14 décembre 2012.
A dire d'expert psychiatre, sa responsabilité pénale est entière; aucune mesure n'est indiquée. Quant au risque de récidive, il a été considéré comme élevé si le prévenu devait être confronté au même type de situation (P. 85).
1.2 Le casier judiciaire suisse du prévenu comporte les inscriptions suivantes :
"- 06.08.2003 — Bezirksamt Zofingen, conduire un véhicule défectueux, circuler malgré un retrait ou refus du permis de conduire, circuler sans permis de circulation ou plaques de contrôle, circuler sans assurance-responsabilité civile, usage abusif de permis et de plaques, emprisonnement 15 jours, amende CHF 800.-;
- 28.06.2004 — Gerichtskreis VIII Bern-Laupen, Bern; dénonciation calomnieuse, violation grave des règles de la circulation routière, usage abusif de permis et / ou de plaques de contrôle, circuler malgré un retrait ou refus du permis de conduire, circuler sans permis de conduire, infractions à la LF sur la circulation routière, violation des règles de la circulation routière, contravention à l’Ordonnance sur la vignette routière, concours d’infractions; emprisonnement 100 jours, amende CHF 1’000.-;
- 24.06.2005 — Amt für Freiheitsentzung und Betreuung des Kantons Bern; libération conditionnelle le 13.07.2005, délai d’épreuve 1 an;
- 09.11.2006 — Bezirksgericht Bemgarten; vol en bande (partiellement tenté/partiellement accompli), dommages à la propriété (commis à réitérées reprises), violation de domicile (commis à réitérées reprises), faux dans les certificats, circuler malgré un retrait ou refus du permis de conduire (commis à réitérées reprises), circuler. sans permis de circulation ou plaques de contrôlé (commis à réitérées reprises), usage abusif de permis et/ou de plaques de contrôle (commis à réitérées reprises), concours d’infractions; emprisonnement 14 mois, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 4 ans, amende CHF 1’000.-; détention préventive 12 jours; 29.02.2008 - Juge d’instruction de Lausanne; révoqué; 14.05.2009 - Amt für Justizvollzug des Kantons Aargau, Aarau; libération conditionnelle le 08.06.2009, délai d’épreuve 1 an, peine restante 143 jours; 21.02.2011 - Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois, Yverdon, non révoqué;
- 29.02.2008 — Juge d’instruction de Lausanne; voies de fait (conjoint durant le mariage ou dans l’année qui a suivi le divorce), menaces, délit contre la LE sur les armes, violation grave des règles de la circulation routière, conducteurs se trouvant dans l’incapacité de conduire (véhicule autom., taux alcoolémie qualifié), concours (plusieurs peines de même genre); peine pécuniaire 110 jours-amende à CHF 20.-;
- 12.05.2009 — Untersuchungsrichteramt Freiburg; violation grave des règles de la circulation routière; travail d’intérêt général 60 heures
- 22.10.2010 — Obergericht des Kantons Obwalden; escroquerie (commis à réitérées reprises), conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait (véhicule automobile) (commis à réitérées reprises); peine privative de liberté 9 mois; peine complémentaire au jugement du 09.11.2006 Bezirksgericht Bremgarten, peine complémentaire au jugement du 29.02.2008 Juge d’instruction de Lausanne, peine complémentaire au jugement du 12.05.2009 Untersuchungsrichteramt Freiburg, peine partiellement complémentaire au jugement du 06.08.2003 Bezirksamt Zofingen, peine partiellement complémentaire au jugement du 28.06.2004 Gerichtskreis VIII Bern-Laupen, Bern;
- 21.02.2011 — Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois, Yverdon; conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait (véhicule automobile), courses sous non respect d’une restriction, contravention à l’Ordonnance sur les règles de la circulation routière; peine privative de liberté 60 jours, amende CHF 300.-;
- 27.05.2011 — Staatsanwaltschaft Zofingen-KuIm; violation des règles de la circulation routière, conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait (véhicule automobile), circuler sans assurance-responsabilité civile, usage abusif de permis et / ou de plaques de contrôle, concours (plusieurs peines de même genre) peine privative de liberté 60 jours, amende CHF 40.-; peine complémentaire au jugement du 21.02.2011 Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois, Yverdon".
2.1 Vers la fin du printemps 2011, les époux connaissaient des difficultés conjugales. B.O._ se réfugiait souvent chez ses parents; elle a aussi été hospitalisée à Cery. Les époux étaient séparés de fait; à la mi-juin 2011, l’épouse s’apprêtait à demander des mesures protectrices de l’union conjugale.
2.2 Au cours de la vie conjugale, l'épouse avait alerté à plusieurs reprises la police pour des problèmes de violence domestique, notamment le 25 septembre 2007, le 6 juin 2011 et le 3 juillet de la même année. A cette dernière date, en particulier, elle a déposé plainte pénale en faisant état d’un harcèlement téléphonique (PV aud. 2). Le 6 juillet 2011, son avocat a écrit à la police de sûreté que le prévenu avait formulé de nouvelles menaces, déclarant à son épouse que, "si elle ne revenait pas séance tenante à la maison il la torturerait et la tuerait", et à la cousine de celle-ci qu’elle "ne serait pas vivante avec quelqu’un d’autre qu'avec lui" (P. 13/1).
2.3 Le 10 juillet 2011 vers 14 heures, à Lausanne, B.O._ et son frère [...] ont pris le bus pour se rendre au domicile conjugal. Celui-ci devait en remettre la clé à A.O._, tandis que sa sœur devait attendre à l’arrêt de bus. Au cours du trajet, le prévenu a eu un contact téléphonique avec sa femme qui l’a avisé de l’arrivée de son frère. Lorsque le bus est arrivé avenue des Boveresses, à l’arrêt de bus de Praz-Séchaud, ceux-ci ont constaté que le prévenu se trouvait à proximité. B.O._ a dit à son frère d’aller à l’appartement pour ouvrir la porte à la famille d’A.O._ qui attendait devant l’entrée, puis de revenir. Elle est restée seule avec son mari, qui l’a forcée à s’asseoir sur le banc de l’arrêt de bus en la saisissant par les épaules. Une discussion a commencé, ou plutôt une dispute, car le prévenu a d’emblée reproché à son épouse d’être habillée et maquillée "comme une pute". Il lui a également demandé de reprendre la vie commune, proposition qu’elle a rejetée. Elle a alors constaté que l’expression de son époux était devenue "diabolique". Le prévenu a saisi son épouse à la gorge des deux mains et l’a brutalement couchée par terre. Il a serré "avec toute la force que Dieu lui a donné", selon sa propre expression. B.O._, qui ne s’est pas débattue, a perdu connaissance. Tandis que le prévenu étranglait sa femme, B.F._, sa femme A.F._ et leurs enfants descendaient l’avenue des Boveresses en voiture. B.F._ a croisé le regard d’A.O._. Surpris de voir deux personnes à terre et pensant que l’une avait eu un malaise et que l’autre l’aidait, et qu’elles avaient peut-être besoin de secours, il a fait demi-tour et s’est arrêté près de l’arrêt de bus. Il est sorti de la voiture et s’est approché du couple. Il a vu que la femme avait l’air très mal en point. Il a demandé ce qui se passait au prévenu, qui lui a répondu ce qui suit : "Elle en a besoin, cela lui fait du bien". Après s’être déplacé, il a toutefois constaté qu’A.O._, immobile les mains autour du cou de sa victime, les bras tendus, et pesant de tout son poids sur elle, était en réalité en train de l’étrangler. B.O._ avait le visage rouge et gonflé, les yeux révulsés. Elle a émis des sons gutturaux qui ont ensuite cessé. Elle avait également uriné. B.F._ a dit au prévenu qu’il était en train de l’étrangler et lui a dit à deux reprises d’arrêter. Le prévenu, très calme, n’a pas obtempéré mais poursuivi sa manœuvre en le regardant. Entre-temps, A.F._ s’est aussi approchée et a joint ses injonctions à celle de son mari lorsqu’elle a compris de quoi il retournait. Après quelques secondes, le prévenu a finalement lâché son épouse et quitté les lieux d’un pas rapide. B.O._ a repris conscience. Les époux A.F._ l’ont aidée à s’asseoir et ont fait appel aux services d’urgence. Durant l’intervention de la police, A.O._ est revenu sur place "tout tranquillement", selon les déclarations de B.O._.
2.4 La victime a fait l'objet d'un premier examen médical le jour des faits déjà, environ quatre heures et 30 minutes après l'épisode incriminé. Un examen par imagerie par résonance magnétique (IRM) a en outre été pratiqué le 13 juillet 2011.
Il ressort d'un rapport établi le 2 août 2011 par l'Unité de médecine forensique de Lausanne que l'intéressée a fait état d'une sensation de "poids dans la gorge" lorsqu'elle avalait, de douleurs débutant au niveau de la nuque et d'une sensation de voix plus faible; elle se sentait également sans force, avec la tête lourde et des épisodes de vertige. Ont alors été constatées des ecchymoses au niveau du cou, sur toute la circonférence; des pétéchies palpébrales et conjonctivales; une petite dermabrasion au niveau du cuir chevelu, en frontal gauche; des ecchymoses au niveau de la région scapulaire droite, en regard de l'articulation acromio-claviculaire droite et au niveau sous-claviculaire droit (P. 28).
Les médecins ont considéré que "la présence de pétéchies palpébrales et conjonctivales témoign[aient] d’une intensité et d’une durée [de strangulation] suffisantes pour constituer un risque concret de décès"; de plus, "la perte de connaissance et des urines décrites par (la victime) indiquent (sic) un manque d’oxygène cérébral, ce qui appuie l’hypothèse d’une strangulation ayant engagé le pronostic vital". Les lésions objectivées ont été tenues pour compatibles avec une strangulation pouvant dater du moment indiqué par l'intéressée (P. 28 précitée).
Toujours selon le rapport du 2 août 2011, les lésions objectivées au niveau du cou, associées à la présence de pétéchies palpébrales et aux symptômes d'hypoxie cérébrale, permettent ainsi de conclure que la vie de l'intéressée a concrètement été mise en danger au moment des faits, les principaux critères médico-légaux de gravité que l'on peut observer chez les survivants d'une strangulation étant présents et les lésions étant compatibles avec les renseignements à disposition des médecins (P. 28, p. 7).
Il ressort d'un rapport d'expertise déposé le 17 janvier 2012 par le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) que les pétéchies "ne se forment pas immédiatement, mais uniquement si l’obstruction veineuse persiste de façon ininterrompue pendant un certain temps (...)" (P. 83, p. 4). Toujours à dire d'expert, '"une strangulation est considérée comme particulièrement dangereuse dès l’instant où le cerveau souffre d’un manque d’oxygène (hypoxie). Les manifestations précoces peuvent être des troubles de la vision et des troubles auditifs. Les manifestations plus tardives et plus sévères sont la perte de connaissance, la survenue de convulsions et la perte de continence (perte d'urine ou des selles)" (P. 83 précitée, ibid.).
Les experts ajoutaient que "le fait que la victime ait perdu connaissance ainsi que ses urines (étaient) des éléments indicateurs de l'installation d'une souffrance cérébrale" et que "[c]es éléments (étaient) compatibles et évocateurs d'un geste prolongé" (P. 83, R. ad question 2). Les médecins ont enfin répondu par l'affirmative à la question suivante : "Lorsque le geste incriminé dans le présent cas (étranglement) dure plusieurs minutes, est-il plausible que la victime reprenne connaissance quelques secondes après que l'auteur ait cessé de l'étrangler ?". Ils ont précisé à cet égard qu'une tentative de strangulation pouvait être suivie, après la levée de la compression, soit d'une récupération complète et rapide, soit de séquelles neurologiques de légères à graves, soit du décès de la victime (P. 83, R. ad question 7). Les médecins ont confirmé leur appréciation à l'audience de première instance, s'agissant notamment du fait que la vie de l'intéressée avait été concrètement mise en danger; ils ont précisé qu'il était difficile d'établir la durée de la strangulation car elle dépend de beaucoup de facteurs (jugement, pages 11-12).
3.1 Le 28 avril 2008, le prévenu a signé un contrat de vente portant sur un véhicule Mercedes 230 avec un nommé W._. La possession de la voiture, vendue au prix de 15'000 fr., lui avait toutefois été remise par le vendeur auparavant déjà; ce n'était que le jour de la signature du contrat qu'un acompte, de 3'000 fr., avait été versé. Le 22 avril 2008 déjà, le prévenu avait cependant vendu le véhicule à un garage lausannois pour 13'000 fr., somme qu'il avait encaissée. Il n'a jamais versé le solde dû au vendeur, hormis un montant de 1'000 fr. le 14 février 2012.
En mai 2008, W._ a confié son véhicule Mercedes 300 SL-24 au prévenu afin que celui-ci l'achemine à un ami garagiste en Suisse alémanique pour que la voiture soit remise en état. Le prévenu a circulé avec ce véhicule et l'a vendu à un garagiste pour 6'000 francs. Il a conservé ce montant par-devers lui et n'a rien versé à W._, hormis 600 francs (jugement, p. 21).
W._ a déposé plainte le 30 septembre 2009.
4. Le prévenu a fait l'objet d'une annulation de son permis de conduire depuis le 21 août 2008 et d'une interdiction de conduire valable du 3 mai 2010 au 3 mai 2012. Entre Lausanne et la Suisse alémanique, du 21 août 2008 au 23 mai 2011, il a cependant, de manière récurrente, circulé au volant d'automobiles, ainsi les 6 octobre 2009, 20 janvier 2010, 17 et 18 juin 2010 et 22 et 23 mai 2011.
5. A Olten (SO), le 6 octobre 2009, le prévenu a circulé à une vitesse de 59 km/h sur un tronçon de route où la vitesse était limitée à 50 km/h, soit 9 km/h de plus que la vitesse autorisée, marge de sécurité déduite. A Semsales (FR), le 20 janvier 2010, il a circulé à une vitesse de 165 km/h sur un tronçon d’autoroute où la vitesse était limitée à 120 km/h, soit 45 km/h de plus que la vitesse autorisée, marge de sécurité déduite.
6. A Lausanne, le 20 janvier 2010, puis les 17 et 18 juin de la même année, ainsi que le 23 mai 2011, le prévenu a subtilisé à l'insu de son épouse les clés d'un véhicule appartenant à un tiers et a, à chaque reprise, circulé aux commandes du véhicule en question.
7. Interpellé par la police le 23 mai 2011 au volant d'une voiture, il s'est légitimé au moyen d'un permis de conduire délivré au nom d'un tiers. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
L’appelant invoque d'abord une constatation incomplète et erronée des faits.
D’un point de vue factuel, il conteste avoir poursuivi sa manœuvre d’étranglement sans discontinuer jusqu’à ce qu’il s’éloigne de la scène. Il affirme avoir seulement étranglé sa femme durant quelques secondes, tandis qu’elle était encore assise. Lorsqu’elle était à terre, il lui aurait au contraire "massé" le cou, "certes maladroitement", pour l’aider à revenir à elle. Cela expliquerait son calme et la phrase adressée au témoin "elle en a besoin, ça lui fait du bien". Les époux A.F._, dont les témoignages présenteraient des contradictions sur des points de détail, ne seraient pas crédibles. Ils auraient pu mal interpréter la situation. Aux débats d'appel, il allé jusqu'à prétendre que sa victime aurait jamais vraiment perdu connaissance.
3.2
C’est en vain que l’appelant tente de remettre en cause les faits retenus plus haut. Ses arguments relèvent même de la témérité. Rien ne permet de mettre en doute le témoignage concordant sur l’essentiel des époux A.F._, qui n’ont pas aperçu la scène de loin, mais se sont bel et bien arrêtés pour y voir de plus près, et qui sont affirmatifs : l'appelant n’était pas en train de frictionner son épouse mais de l’étrangler. Il avait les mains serrées autour de son cou, les bras tendus. Il était immobile et muet, sous réserve de la phrase susmentionnée. Cette description est incompatible avec la version fantaisiste du prévenu. Son calme et son adresse au témoin sont la preuve de sa détermination et de son cynisme. Si l'appelant était véritablement inquiet pour son épouse, il aurait appelé au secours, se serait agité autour d’elle, ne l’aurait pas laissée à terre et, surtout, ne serait pas parti en l’abandonnant inconsciente, sans rien dire ni demander.
3.3
L’appelant relève que les récits des époux Matthey divergent sur la durée de l’épisode, ainsi que sur le nombre de leurs injonctions verbales et autres points de détail; il en déduit qu’il y a lieu de retenir la version qui lui est la plus favorable.
Les premiers juges ont expressément mentionné la difficulté pour les témoins d’estimer le temps écoulé (jugement, p. 30) et n'ont au final pas retenu une durée précise pour chaque phase de l’événement. La seule chose qu’il importe de savoir, c’est que la strangulation a duré jusqu’à l’intervention verbale répétée des époux A.F._ (et malgré celle-ci) et pas seulement "quelques secondes", et qu’elle s’est poursuivie après la chute au sol de la victime, sa perte de connaissance, et sa miction involontaire, et malgré ses râles, ses yeux révulsés, et son visage rouge et gonflé.
3.4
A l’appui de sa thèse, l’appelant estime peu concevable, en tout cas invraisemblable, que B.O._ ait réellement été étranglée aussi longtemps et avec la détermination retenue par les premiers juges, dès lors qu’elle a rapidement repris connaissance et n’a gardé aucune séquelle de l'acte incriminé.
Cet argument n’est pas convaincant. Tout d’abord, détermination ne signifie pas efficacité, mais volonté ferme. Ensuite, il ressort des extraits des rapports d’expertise médico-légale que cela est non seulement possible mais plausible.
4
4.1
L’appelant conteste toute intention homicide et, partant, la réalisation de l’infraction de tentative de meurtre; il estime ne s’être rendu coupable que de mise en danger de la vie d’autrui en concours avec des lésions corporelles. Il n’aurait ni désiré ni même envisagé une issue fatale. Il relève que rien ne laissait présager son geste, non prémédité, et qu’il s’est interrompu après la seule intervention verbale des passants. Il aurait simplement eu un accès de rage dû au climat tendu régnant depuis quelques mois entre les époux et aux attaques verbales de sa femme, alors qu’il espérait encore pouvoir la convaincre de reprendre la vie commune. Il estime que les doutes qui subsistent sur la durée exacte de la manœuvre d’étranglement doivent "rejaillir" sur l’appréciation de son intention. Il se prévaut des déclarations de sa victime et du curé [...], entendus comme témoins aux débats de première instance, qui n’envisagent pas une intention homicide.
4.2
L’art. 111 CP dispose que le meurtre consiste à tuer intentionnellement une personne. Il y a tentative si le résultat nécessaire à la consommation de l’infraction ne se produit pas (art. 22 CP). Le meurtre étant une infraction intentionnelle, l’auteur doit adopter le comportement typique avec conscience et volonté; le dol éventuel suffit toutefois. Il y a dol éventuel lorsque l’auteur se rend compte du danger qu’il induit et s’accommode de sa concrétisation potentielle. La négligence consciente se distingue du dol éventuel en ce sens que l’auteur, qui a conscience du risque auquel son comportement expose la victime, tient pour improbable, par imprévoyance coupable, la réalisation du risque. Il faut donc déterminer, sur la base des circonstances, si l’auteur accepte l’éventualité de la mort ou au contraire escompte que le risque ne se réalisera pas. Ces circonstances consistent en le degré de probabilité de la réalisation du risque, la gravité de la violation du devoir de diligence, les mobiles de l’auteur, sa façon d’agir.
La distinction entre tentative de meurtre par dol éventuel et mise en danger de la vie d’autrui est également délicate. Elle dépend avant tout de la maîtrise qu’exerce l’auteur sur le danger qui lui est imputable. Il s’agit de déterminer si l’auteur peut valablement considérer que le comportement adopté n’impliquera pas la lésion du bien juridique et veut donc uniquement créer le risque ou si, au contraire, il y a lieu de retenir qu’il s’accommode de l’éventualité de la lésion, faute d’être à même d’exercer une véritable emprise sur le déroulement des événements. Dans le cas de la mise en danger de la vie d’autrui, l’auteur doit avoir pleine conscience et volonté (dol direct) de créer un danger de mort, tout en étant en mesure d’exclure l’hypothèse d’une issue fatale.
Déterminer ce qu’une personne veut, sait ou ce dont elle s’accommode relève du contenu de la pensée, donc de l’établissement des faits. Le juge peut se fonder sur l’expérience générale de la vie pour déterminer la volonté subjective de l’auteur de l’infraction (TF 6S.3/2006 du 16 mars 2006 c. 10.2). En revanche, la question de savoir si les éléments extérieurs retenus en tant que révélateurs du contenu de la conscience et de la volonté autorisent à admettre que l'auteur a agi par dol éventuel relève du droit (ATF 135 IV 152; ATF 125 IV 242). Parmi les éléments extérieurs permettant de conclure que l'auteur s'est accommodé du résultat dommageable pour le cas où il se produirait figurent notamment la probabilité (connue par l'auteur) de la réalisation du risque et l'importance de la violation du devoir de prudence. Plus celles-ci sont grandes, plus sera fondée la conclusion que l'auteur, malgré d'éventuelles dénégations, avait accepté l'éventualité de la réalisation du résultat dommageable (ATF 135 IV 12; ATF 125 IV 242 précité). Peuvent également constituer des éléments extérieurs révélateurs les mobiles de l'auteur et la manière dont il a agi (TF 6B_275/2011; ATF 133 IV 9; ATF 125 IV 242 précité).
4.3
Se fondant sur ses souvenirs qu’il qualifie d’"altérés", l’appelant soutient avoir agi en "état second". En réalité, on constate que l’intéressé ment manifestement sur certains points. On ne peut donc pas le croire sur parole lorsqu’il prétend que ses souvenirs sont altérés; bien plutôt, il n’a "oublié" que ce qui l’embarrasse. Le calme apparent du prévenu durant la strangulation pourrait être considéré comme un indice d’une telle hypothèse, mais aucune amnésie ne vient la soutenir et l’expertise psychiatrique – dont le prévenu n’a pas contesté les conclusions – ne l’envisage même pas comme une possibilité. Aucune altération de la conscience du prévenu durant les faits n’est donc établie.
Le prévenu était en colère parce que son épouse refusait de reprendre la vie commune. Il n’acceptait pas la séparation, la harcelait téléphoniquement et la menaçait de mort. Malgré la présence de témoins qui l’enjoignaient d’arrêter, il a consciemment et délibérément serré le cou de sa femme assez longtemps pour qu’elle perde connaissance, urine involontairement et présente des pétéchies.
Il est notoire que la strangulation est un geste qui peut tuer. L’appelant ne l’ignore pas : lors de sa première audition (P. 4), il a dit ce qui suit : "je sais qu’en serrant le cou de ma femme, il peut y avoir des conséquences graves". Le fait que, dès sa première audition, il ait minimisé la durée de son attaque en affirmant que les témoins se trompent et qu’il prodiguait un massage à sa femme constitue la preuve qu’il connaissait le risque de mort.
Celui qui étrangle tend en principe à ôter la vie à sa victime, en bloquant la respiration, tout comme celui qui veut faire peur menace ou celui qui veut seulement frapper ou blesser donne un coup. On voit parfois des "étrangleurs" qui affirment avoir voulu faire taire la victime. Ici, le geste du prévenu s’est poursuivi au-delà du temps nécessaire à cette fin. Il ne s’est interrompu que sur l’insistance des témoins.
La strangulation a été précédée d’une dispute verbale, mais pas d’une altercation physique : le prévenu n’a pas d’abord frappé son épouse sous le coup d’une brusque colère; il a immédiatement accompli le geste potentiellement létal.
Cela étant, la question peut être laissée ouverte de savoir si le prévenu avait l’intention pleinement assumée de supprimer son épouse, auquel cas il y aurait dol direct, ou si, bien plutôt, il a agi seulement en se rendant compte du danger induit et en s’accommodant de sa concrétisation potentielle, auquel cas il n'y aurait que dol éventuel. A cet égard, l'opinion de l’épouse n'est pas déterminante. Celle-ci a en effet pris fait et cause pour son agresseur et est revenue sans motif crédible sur ses déclarations faites durant le stade initial de l'enquête. Il en est de même de la déposition du curé [...], qui ne se fonde sur aucun élément factuel.
Quoi qu'il en soit, il s’agissait d’un acte manifestement spontané, commis dans la rue sous le coup de la colère, en réaction à la réponse de la victime, et non d'un crime calculé, soigneusement préparé et exécuté (éventuellement plus discrètement). On ne saurait suivre les premiers juges dans leur conviction que le prévenu a quitté les lieux persuadé que son épouse était morte. En revanche, le dol éventuel ne fait aucun doute. Il y a donc bien eu tentative de meurtre.
4.4
Subsidiairement, l'appelant a plaidé la tentative de meurtre passionnel (art. 113 CP).
Cette infraction suppose que le délinquant ait agi alors qu’il était en proie à une émotion violente que les circonstances rendaient excusable, ou qu’il était au moment de l’acte dans un état de profond désarroi.
En l'occurrence, l'émotion invoquée par l'appelant n'est pas excusable. La vie commune avait pris fin depuis plusieurs semaines. Elle avait été émaillée des violences du prévenu. Son geste n'est pas dû à un amour piétiné, mais à la colère.
5.
L’appelant estime que la peine est excessivement sévère.
5.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (
objektive Tatkomponente
). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (
subjektive Tatkomponente
). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (
Täterkomponente
), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17; ATF 129 IV 6; TF 6B_759/2011; TF 6B_335/2012).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55; ATF 134 IV 17 précité; ATF 129 IV 6 précité).
5.2
L’appelant ne fait valoir aucun moyen à l’appui de son grief. Il a été condamné à cinq ans et dix mois de privation de liberté et à une amende de 900 fr., pour la tentative de meurtre décrite plus haut, deux abus de confiance et diverses infractions à la LCR. Cette peine comprend en sus un solde de 143 jours à exécuter après révocation de libération conditionnelle.
Avec les premiers juges, on peut retenir une culpabilité lourde, due à l’intensité de la détermination criminelle du prévenu, ses mobiles égoïstes, sa froideur affective, l’absence de remise en question, ses dénégations téméraires, la minimisation des violences, la tendance à la victimisation, les mauvais antécédents, l’installation dans la délinquance et l’insensibilité à la sanction.
Les autres infractions sont à l'évidence moins graves, mais n'en témoignent pas moins d'une inquiétante persistance dans la délinquance, notamment en matière de circulation routière, sur une longue période. Les infractions sont en concours.
Il est difficile de trouver à l’appelant la moindre circonstance à décharge. Le prévenu ne travaille pas et n'est donc pas inséré socialement; même son comportement en détention n’est pas irréprochable. On peut tout au plus signaler son immaturité et l’absence de séquelles physiques pour la victime. Les regrets exprimés à l'audience d'appel sont peu convaincants vu la minimisation des violences exprimée par ailleurs. Quant au pardon concédé par l’épouse nonobstant le divorce, il ne doit rien au mérite du prévenu, mais davantage à l'évidente faiblesse psychologique de l’intéressée, ainsi qu'aux pressions de sa famille.
6.
Cela étant, doit être tranchée la question du caractère de la peine sous l'angle de sa complémentarité avec tout ou partie des condamnations précédentes.
6.1
Lorsque le juge est en présence de plusieurs infractions, dont l'une au moins a été commise avant une précédente condamnation et une autre au moins après celle-ci, il y a, d'une part, un concours rétrospectif et, d'autre part, une infraction nouvelle, qui font l'objet du même jugement. La doctrine et la jurisprudence parlent de concours rétrospectif partiel. L'ancien art. 68 CP laissait dans l'ombre la question de la nature de la peine à fixer. Selon la jurisprudence, il convenait de fixer une peine d'ensemble (ATF 127 IV 106; 116 IV 14). Lors de la révision de la partie générale du code pénal, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a proposé de compléter l'art. 49 CP et de réglementer également le concours rétrospectif partiel. Devant la difficulté de fixer la jurisprudence dans la loi, elle a renoncé à cette disposition (Ackermann, Basler Kommentar, Strafrecht I, 2 éd., 2007, art. 49, n. 79). La jurisprudence rendue sous l'ancien art. 68 CP à propos du concours rétrospectif partiel garde son actualité (cf. Ackermann, op. cit., art. 49, n. 76 ss). Lorsque le juge est en présence de deux infractions dont l'une a été commise avant une précédente condamnation et l'autre après celle-ci, il faut donc procéder comme suit pour fixer la peine : d'abord, il faut déterminer l'infraction pour laquelle la loi prévoit la peine la plus grave, puis évaluer la sanction qu'elle mérite dans le cas concret. Il faut ensuite l'augmenter en fonction de la peine évaluée pour l'autre infraction à juger. L'élément de la peine d'ensemble relatif à l'acte en concours rétrospectif sera déterminé comme une peine additionnelle. Cette méthode permet d'appliquer l'art. 49 al. 1 CP sans négliger l'art. 49 al. 2 CP. Sur le plan formel, la sanction est toujours une peine d'ensemble mais, sur celui de sa quotité, il est tenu compte du concours rétrospectif (ATF 127 IV 196 c. 2 p. 107; 116 IV 14 c. 2b p. 17 et les références citées).
Face à plusieurs condamnations antérieures, la démarche est la même. Il faut cependant rattacher chacune des infractions anciennes à la condamnation qui suit la commission de l'acte délictueux; en effet, un jugement pénal doit en principe sanctionner tous les actes répréhensibles commis avant son prononcé; cela est corroboré par l'institution de la peine additionnelle, dont il résulte que le juge qui prononce la seconde condamnation doit toujours tenir compte de la première, si l'acte découvert précédait celle-ci. Le rattachement des actes anciens à la condamnation qui les suit permet de former des groupes d'infractions. Pour fixer la peine d'ensemble, on recherche l'infraction (ou le groupe d'infractions) la plus grave. On en détermine la peine qui servira de base; à celle-ci viennent s'ajouter les peines relatives aux autres groupes; pour celles qui concernent les groupes d'infractions anciennes, on les évalue comme des peines additionnelles (TF 6S.848/1998, 10 septembre 1999 c. 1c/cc; ATF 116 IV 14 c. 2c p. 17 s.). Les peines additionnelles ne sont ensuite pas cumulées, mais «absorbées» (TF 6B_28/2008 du 10 avril 2008; Ackermann, op. cit., art. 49, n. 79; Rehberg/Flachsmann/Kaiser, Tafeln zum Strafrecht, Allgemeiner Teil, 3e éd., Tafel 87, p. 142; Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Bâle 2009, ad art. 49 CP, note 92 et ss).
Il convient à ce propos d’observer que la jurisprudence rappelée au considérant 3.1 ci-dessus a été développée sous l’empire de l’ancien droit, qui, contrairement au nouveau droit, ne connaissait pas la notion de peine d’ensemble, introduite par l’art. 46 al. 1 CP avec renvoi à l'art. 49 CP.
6.2
Dans le cas particulier, la plus ancienne infraction à réprimer dans la présente procédure remonte au mois d'avril 2008. Elle est antérieure à certaines des infractions déjà réprimées, même si elle est postérieure à d'autres de ces infractions. Pour sa part, la dernière infraction, perpétrée le 10 juillet 2011, est postérieure à la plus récente des infractions réprimées par les précédents jugements. Il y a donc concours d’infractions, mais aussi un concours rétrospectif. Les condamnations précédentes, au nombre de quatre, totalisent treize mois de peine privative de liberté, soixante heures de travail d’intérêt général et 340 fr. d’amendes. On se trouve ainsi dans un cas d'application de la jurisprudence précitée. Il y a donc matière à prononcer une peine d'ensemble réprimant l'ensemble des infractions perpétrées depuis avril 2008, étant précisé que cette peine comporte une peine additionnelle, soit complémentaire, afférente aux actes en concours rétrospectif. La peine à prononcer ne peut ainsi être que
partiellement
complémentaire aux quatre peines précédentes, et non simplement complémentaire. Dans cette mesure, le ch. IV du dispositif du jugement doit être rectifié d'office.
6.3
Au vu de ces éléments, la peine privative de liberté d'ensemble de cinq ans et dix mois, partiellement complémentaire aux quatre peines prononcées contre l'appelant le 12 mai 2009, le 22 décembre 2010, le 21 février 2011 et le 27 mai 2011, est adéquate. Il en va de même de l'amende de 900 francs. La détention subie depuis le jugement de première instance doit être déduite.
7.
L'appelant succombant entièrement, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à sa charge (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Ces frais sont limités aux frais d'arrêt selon l'art. 424 CPP. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
784a957c-136d-4401-8d69-aca4f63eeb3f | En fait :
A.
Par jugement du 13 mars 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a libéré R._ du chef d’accusation de contrainte sexuelle (I), constaté qu’il s’était rendu coupable de désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel (II), l’a condamné à une amende de 600 francs convertible en 6 jours de peine privative de liberté en cas de non paiement fautif (III), dit que R._ devait immédiat paiement à W._ de la somme de 800 fr. à titre d’indemnité pour tort moral (IV), arrêté les indemnités d’office des avocats du prévenu et de la plaignante (V et VI), mis une partie des frais de la cause, par 1'128 fr., à la charge de R._, laissant le solde à la charge de l’Etat (VII), dit que R._ ne serait tenu au remboursement des frais de son conseil d’office qu’à raison d’un tiers, soit 797 fr. 80, ce pour autant que sa situation financière le lui permette (VIII) et dit qu’il n’y avait pas lieu à indemnité au sens de l’art. 429 CPP (IX).
B.
Par annonce du 23 mars 2015, suivie d’une déclaration motivée du 9 avril 2015, R._ a formé appel contre ce jugement en concluant, avec dépens, à sa libération de tout chef d’accusation, au rejet de toutes conclusions civiles, en particulier toute réparation pour tort moral, et à l’allocation d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP couvrant l’indemnité d’office de première instance de son conseil, par 2'393 fr. 30, ainsi que celle de la procédure d’appel. Il a requis l’audition de [...] comme témoin.
Le 20 avril 2015, le Ministère public a annoncé s’en remettre à justice s’agissant de la recevabilité de l’appel interjeté par R._ et renoncé à déposer un appel joint.
Par avis du 12 mai 2015, le Président de la Cour d’appel pénale a informé les parties que l’appel serait traité en procédure écrite et qu’il relevait de la compétence du juge unique, tout en refusant l’audition, comme témoin, de [...].
Par mémoire du 22 mai 2015, R._ a confirmé les conclusions prises dans sa déclaration du 9 avril 2015 et conclu à l’allocation d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP non inférieure à 8'060 fr. 05 pour ses opérations de première et de deuxième instance, selon la liste des opérations de son défenseur d’office annexée.
Par lettre du 28 mai 2015, le Ministère public a renoncé à déposer des déterminations.
Dans ses déterminations du 25 juin 2015, W._ a conclu, avec dépens, au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement entrepris. Il a joint la liste des opérations de son conseil d’office.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Le prévenu R._, né le [...] 1970 au Portugal, est arrivé en Suisse en 2006 avec sa famille. Il est en attente d’une décision AI et son épouse subvient à l’entretien de la famille. Il n’a ni dettes ni fortune.
Le casier judiciaire du prévenu est vierge de toute inscription.
2.
Le 10 octobre 2012, alors qu’W._, née le [...] 1943, se trouvait dans le garage souterrain de son immeuble, son voisin R._ a touché son collier en lui disant qu’il était joli, l’a attrapée par le cou avec ses deux mains en se penchant sur elle, l’a embrassée sur la bouche et lui a touché les seins par-dessus ses vêtements, sans son consentement. W._ a alors repoussé le prénommé en lui disant qu’il lui faisait mal. Ce dernier lui a répondu qu’il n’avait pas le temps aujourd’hui, mais que cela serait pour la prochaine fois.
Le 23 octobre 2012, W._ a déposé plainte pénale contre R._ (PV aud. 1).
Dans un certificat médical établi le 25 octobre 2012 (P. 7/2), le Dr [...], médecin généraliste à [...], a attesté qu’W._ lui avait parlé de l’agression de son voisin, que depuis lors, elle avait peur de rentrer chez elle, qu’elle n’osait plus circuler dans l’immeuble, qu’elle se plaignait de troubles du sommeil, qu’elle revoyait les images de l’agression subie et que son entourage avait constaté qu’elle était hypervigilante et qu’elle sursautait très facilement.
Lors de l’audience tenue le 13 mars 2015 par le Tribunal de police, W._ a pris des conclusions civiles et requis un montant de 5'000 fr. à titre d’indemnité pour tort moral. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre un jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 381 al. 1 et 398 al. 1 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.9]), l’appel de R._ est recevable.
S’agissant d’un appel dirigé contre une contravention, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d’un membre de la Cour d’appel statuant comme juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [Loi vaudoise d’introduction au Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009, RSV 312.1]).
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3). L’art. 398 al. 4 CPP limite le pouvoir d’examen de la juridiction d’appel lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance. Le critère déterminant est l’objet des débats et non celui du jugement. Cette disposition suppose que le condamné ait été renvoyé uniquement comme prévenu de contraventions et non pas aussi pour un délit ou un crime pour lequel il aurait été acquitté. Ainsi, lorsque l’appelant, renvoyé pour une contravention et un délit, est acquitté pour ce dernier, la juridiction d’appel jouit d’un libre pouvoir d’examen, même si finalement seule la contravention fait l’objet de l’appel (Kistler Vianin, in : Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 24 ad art. 398 CPP).
En l’espèce, R._ a été renvoyé devant le Tribunal de police pour contrainte sexuelle et désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel, mais il a finalement été acquitté du chef d’accusation de contrainte sexuelle et condamné uniquement pour une contravention, savoir pour désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel. Le Président de la Cour d’appel pénale dispose donc d’un libre pouvoir d’examen et les moyens de preuve nouveaux sont recevables.
3.
Invoquant la violation du principe de la présomption d’innocence, l’appelant conteste les faits retenus à sa charge. Il soutient en substance qu’il ne parle pas français, que son élocution est lourdement entravée par l’accident de voiture qu’il a eu en 1993, que même l’interprète a grand peine à le comprendre, que les « moult tergiversations » dont il est fait état dans la décision entreprise résultent de ses difficultés de compréhension, que le jugement repose sur deux déclarations contradictoires, qu’il a admis de toute bonne foi avoir touché le collier de la plaignante, que ce seul fait n’implique pas qu’il y a eu baiser et attouchements, que l’état de stress post-traumatique de la plaignante n’est pas avéré par un psychologue, que le témoignage du médecin traitant de la plaignante est arbitrairement considéré comme parfaitement fiable et que la plaignante n’a pas changé de comportement depuis le 10 octobre 2012.
3.1
L’art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 32 al. 1 Cst (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; RS 0.101) et 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ; RS 0.103.2), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a ; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s’agit de l’acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], op. cit., n. 34 ad art. 10 CPP; Kistler Vianin, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], op. cit., nn. 19 ss ad art. 398 CPP, et les références jurisprudentielles citées).
Lorsque l'autorité a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (TF 6B_18/2011 du 6 septembre 2011 c. 2.1 ; ATF 127 I 38 c. 2a; cf. aussi, quant à la notion d’arbitraire, ATF 136 III 552 c. 4.2).
3.2
En l’espèce, les différents éléments permettant de fonder la culpabilité du prévenu ont été examinés en détail par le Tribunal de police. En procédant à sa propre appréciation, le Président de la Cour d’appel pénale considère, tout comme le premier juge, qu’il n’y a pas lieu de douter de la crédibilité et de la sincérité de la plaignante, ce malgré les dénégations du prévenu. L’appréciation des faits à laquelle le premier juge a procédé, complète et convaincante, ne prête aucunement le flanc à la critique et peut être reprise, par adoption de motifs. Il a fondé sa conviction sur le fait que la plaignante n’avait jamais varié dans son discours, que ce soit devant la police, le procureur ou lors de son audition par le tribunal, qu’elle n’avait aucune raison d’accuser à tort le prévenu, que le récit de la plaignante présentait des similitudes éloquentes avec la situation vécue en été 2011 et décrite par la témoin [...], ancienne voisine de palier du prévenu, lors de son audition (PV aud. 5), que le médecin traitant de la plaignante, le Dr [...], n’avait jamais émis aucune réserve sur la véracité des propos de sa patiente et que celui-ci avait constaté un stress post-traumatique qui attestait de la réalité des événements relatés par la plaignante. Le tribunal n’a par contre accordé aucun crédit aux déclarations du prévenu qui n’a cessé de minimiser ses actes et qui a tenté, par diverses explications purement fantaisistes et dénuées de tout fondement, de faire admettre que la plaignante était responsable de son expulsion de son appartement et qu’elle avait mis au point un complot contre lui. Si le prévenu a reconnu dans un premier temps avoir touché la plaignante au cou, il a ensuite réfuté de tels gestes déplacés. Compte tenu de tous ces éléments, le premier juge a considéré que le geste du prévenu dépassait la simple accolade sur l’épaule, que celui-ci était bien plus qu’une familiarité amicale, qu’il était convaincu que le prévenu avait agi de la sorte dans l’unique but de se rapprocher de sa victime en détournant son attention afin de l’embrasser et de lui caresser les seins par-dessus ses vêtements, sans son consentement, et que les déclarations détaillées et cohérentes de cette dernière emportaient sa conviction.
Le Président de céans ajoute encore que lors de son audition par le Tribunal de police le 13 mars 2015, le Dr [...], médecin traitant de la plaignante depuis 2011 ou 2012, a précisé que sa patiente avait été totalement choquée par ce qui s’était passé, que son discours était cohérent, que le geste de son voisin était incompréhensible pour elle, qu’elle avait eu une péjoration de son sommeil, de l’attention et de la concentration, qu’elle avait peur de sortir de chez elle, qu’elle était dans un état d’hypervigilance et que son état de stress post-traumatique ne pouvait pas être lié au décès de son mari (Jugement du 13 mars 2015, pp. 6 et 7). La témoin [...] a quant à elle décrit avec précision un comportement analogue du prévenu à son égard, expliquant que celui-ci avait profité du fait qu’il se trouvait très proche d’elle dans un ascenseur pour l’embrasser à une ou deux reprises au niveau de l’épaule (PV aud. 5). Le grief relatif aux difficultés d’élocution du prévenu et à celles de compréhension de l’interprète, sans pertinence, ne change rien au constat du premier juge et doit être écarté, le prévenu ayant lui-même approuvé par sa signature le contenu de ses dépositions après chacune de ses auditions et n’ayant alors évoqué aucun problème en relation avec la traduction de ses déclarations effectuée par l’interprète.
Au vu de ce qui précède, le premier juge a fondé sa conviction sur des éléments pertinents et aucun doute raisonnable ne subsiste quant au fait que l’appelant a touché le collier de sa voisine, l’a embrassée sur la bouche après l’avoir attrapée par le cou et lui a touché les seins par-dessus ses vêtements, sans son consentement. Mal fondé, le moyen tiré d’une violation de la présomption d’innocence doit être rejeté.
4.
L’appelant fait valoir que le tribunal de police a retenu à tort l’infraction de l’art. 198 al. 2 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937, RS 311.0). Il estime que le seul acte qui pourrait lui être reproché serait d’avoir touché le collier de la plaignante, qu’un baiser sur la bouche ou le fait d’enlacer ne sont pas des actes d’ordre sexuel, que la différence culturelle et son handicap de parole excusent son geste totalement neutre par lequel il voulait simplement démontrer de la sympathie et qu’à aucun moment, il n’a eu conscience ou volonté d’importuner la plaignante.
4.1
Aux termes de l’art. 198 al. 2 et 3 CP, celui qui aura importuné une personne par des attouchements d’ordre sexuel ou par des paroles grossières sera, sur plainte, puni de l’amende. L’attouchement d’ordre sexuel est une notion subsidiaire par rapport à l’acte d’ordre sexuel. Le législateur vise un comportement moins grave, savoir un contact rapide, par surprise, avec le corps d’autrui, qui doit avoir objectivement une connotation sexuelle. Cette disposition vise en particulier les « mains baladeuses », par exemple lorsque l’auteur touche les seins ou les fesses d’une femme, même par-dessus ses habits. L’auteur doit agir intentionnellement et sans le consentement de la victime. Il faut en outre tenir compte des circonstances dans lesquelles l’auteur a agi (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, nn. 10 ss ad art. 198 al. 2 CP ; Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd., Berne 2010, nn. 10 à 12).
4.2
En l’espèce, il est constant que la version des faits telle que présentée par le prévenu ne saurait être retenue. En effet, comme exposé sous ch. 3.2 ci-dessus, le Tribunal de police a expliqué de manière complète et convaincante les motifs qui l’ont conduit à admettre que l’appelant avait donné un baiser sur la bouche de la plaignante et qu’il avait touché ses seins par-dessus ses vêtements, sans le consentement de cette dernière.
Cela étant, il apparaît évident qu’un baiser sur la bouche et le fait de toucher les seins d’une femme par-dessus ses vêtements revêtent une connotation sexuelle. C’est sans pertinence que l’appelant se réfère à cet égard à l’ATF 125 IV 58 c. 3b pour affirmer qu’un baiser sur la bouche ou le fait d’enlacer ne sont pas des actes d’ordre sexuel. Ce faisant, il perd de vue que cet arrêt porte sur la notion d’acte d’ordre sexuel au sens de l’art. 187 CP, alors que la condamnation faisant l’objet du présent appel est fondée sur l’art. 198 al. 2 CP qui réprime les « attouchements d’ordre sexuel », une notion subsidiaire à l’acte d’ordre sexuel. De plus, le prévenu est parvenu à proférer ces gestes sur sa victime après l’avoir attrapée par le cou. Il n’a certes pas usé de menaces ni de pressions psychologiques pour y parvenir, mais ses gestes, totalement déplacés, avaient un caractère sexuel. Quand bien même cette atteinte a été de courte durée, elle constitue manifestement une infraction au sens de l’art. 198 al. 2 CP. Le moyen du recourant doit donc être rejeté.
5.
Partant de la fausse prémisse que le seul acte retenu à son encontre serait le fait d’avoir touché le collier de sa victime, l’appelant fait valoir que sa condamnation est inopportune et que l’abandon de toutes poursuites se justifie dès lors que son casier judiciaire est vierge, qu’il a déménagé loin de la victime et que personne d’autre ne se plaint de lui.
5.1
Il sied tout d’abord de relever que, comme exposé ci-dessus, les faits reprochés au prévenu sont avérés et qu’ils constituent une infraction au sens de l’art. 198 al. 2 CP, de sorte que la culpabilité du prévenu est confirmée en appel.
En demandant son acquittement, l’appelant conteste implicitement la peine prononcée. Or l’infraction retenue à sa charge est confirmée. Dans cette mesure, examinant d’office la quotité de la peine infligée au prévenu, le Président de céans considère que la peine pécuniaire prononcée a été fixée en application des critères légaux à charge et à décharge et conformément à la culpabilité de R._ (cf. jugement du 13 mars 2015, n
o
8-9, pp. 19-20). Elle doit ainsi être confirmée.
5.2
Réservant le principe de l’opportunité de la poursuite, l’art. 8 al. 1 CPP renvoie notamment à l’art. 52 CP. Aux termes de cette disposition, si la culpabilité de l’auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l’autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une amende. Le but visé par le législateur est d’éviter l’excès de zèle des autorités pénales, mais non de renoncer de manière généralisée à réprimer des infractions en soi peu graves. La gravité concrète, appréciée en fonction de l’ensemble des éléments entrant en ligne de compte, de la gravité des conséquences de l’acte et de la culpabilité de l’auteur, est déterminante (Killias/Kurth, in : Roth/Moreillon (éd.), Commentaire romand, Code pénale I, Bâle 2009, nn. 1 à 3 ad art. 52 CP).
Lorsque la décision d’exemption de peine est prise dans le cadre d’un jugement, cette décision prend la forme d’un verdict de culpabilité dépourvu de sanction (Dupuis et al., op. cit., n. 7 ad art. 52 CP). Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser que l’exemption de peine suppose que l’infraction soit de peu d’importance, tant au regard de la culpabilité de l’auteur que du résultat de l’acte. L’importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification. Pour apprécier la culpabilité, il faut tenir compte de tous les éléments pertinents pour la fixation de la peine, notamment des circonstances personnelles de l’auteur (ATF 135 IV 130 c. 5.3.2).
5.3
Dans cette mesure, on ne saurait soutenir, dans le cas d’espèce, que la culpabilité et les conséquences des actes du prévenu sont peu importantes et libérer le prévenu de toute sanction, les conditions d’exemption de peine de l’art. 52 CP n’étant pas réalisées. Ce moyen doit donc également être rejeté.
6.
L’appelant conclut au rejet des conclusions civiles de la plaignante.
6.1
Selon l’art. 122 al. 1 CPP, en qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l’infraction par adhésion à la procédure pénale. D’après l’art. 123 al. 1 CPP, dans la mesure du possible, la partie plaignante chiffre ses conclusions civiles dans sa déclaration et les motive par écrit; elle cite les moyens de preuves qu’elle entend invoquer. Le tribunal statue également sur les conclusions civiles présentées lorsqu’il rend un verdict de culpabilité à l’encontre du prévenu (art. 126 al. 1 let. a CPP).
Aux termes de l'art. 49 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. En raison de sa nature, l’indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d’argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites; l’indemnité allouée doit toutefois être équitable. Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l’atteinte subie et évitera que la somme accordée n’apparaisse dérisoire à la victime (ATF 125 III 269 c. 2a; ATF 118 II 410 c. 2a).
Toute comparaison avec d'autres affaires doit intervenir avec prudence, puisque le tort moral touche aux sentiments d'une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment face au malheur qui le frappe. Cela étant, une comparaison n'est pas dépourvue d'intérêt et peut être, suivant les circonstances, un élément utile d'orientation (ATF 138 III 337 c. 6.3.3).
6.2
En l’espèce, l’appelant ne motive pas son appel sur ce point. Tout comme le premier juge, le Président de la Cour d’appel pénale retient que la plaignante a très mal vécu le comportement de son voisin qui est resté incompréhensible pour elle, qu’elle a été choquée par son geste, qu’elle avait peur de sortir de chez elle et qu’elle a souffert d’un état post-traumatique ayant entraîné des troubles du sommeil, de l’attention et de la concentration, état attesté par le Dr [...]. A cela s’ajoute le fait que les faits incriminés se sont déroulés dans le garage souterrain de l’immeuble de la plaignante. Dans ces circonstances, le montant de 800 fr. alloué à la plaignante au titre d’indemnité pour tort moral, conforme au droit, doit être maintenu. Ce moyen doit par conséquent être rejeté.
7.
L’appelant réclame une indemnité fondée sur l’art. 429 CPP pour les opérations effectuées par son défenseur d’office en première et en deuxième instance. La condamnation de l’appelant, assisté d’un défenseur d’office, étant confirmée, il n’y a pas lieu d’allouer une indemnité fondée sur cette disposition au prévenu. Cette conclusion doit ainsi être rejetée.
8.
En définitive, l’appel interjeté par R._ doit être rejeté et le jugement entrepris intégralement confirmé.
Sur la liste de ses opérations (P. 47/2), Me Emmanuel Hoffmann mentionne avoir consacré 9 heures et 50 minutes à la défense des intérêts de R._ et de 52 fr. de débours. Sous réserve du tarif horaire indiqué qui doit être ramené à 180 fr., le temps indiqué est admissible. Il convient par conséquent de fixer l’indemnité à 1'770 francs, montant auquel s’ajoutent les débours, par 52 fr., et la TVA. On obtient ainsi une indemnité de 1'967 fr. 75.
Me Nicolas Perret a produit une liste des opérations faisant état de 5 heures et 20 minutes consacrées à la défense des intérêts de W._ (P. 52/1) et 32 fr. 05 de débours, ce qui est justifié. C’est ainsi un montant de 960 francs d’honoraires qui lui sera alloué, auquel s’ajoutent les débours, par 32 fr. 05, et la TVA, ce qui représente un montant total de 1'071 fr. 35.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, par
4'299 fr. 10, constitués de l’émolument du présent jugement, par 1'260 fr. (art. 21 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), de l’indemnité de défenseur d’office allouée à Me Emmanuel Hoffmann, par 1'967 fr. 75, et de l’indemnité de conseil d’office allouée à Me Nicolas Perret, par 1'071 fr. 35, doivent être mis à la charge de l’appelant qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
Le prévenu appelant ne sera tenu de rembourser à l’Etat les montants des indemnités dues à son défenseur d’office et au conseil d’office de la plaignante que lorsque sa situation financière le permettra.
Le dispositif du jugement du Tribunal de police du 13 mars 2015 fait état du nom de R._ et non de R._ tel qu’il apparaît dans l’ensemble de ce jugement. Dans la mesure où il s’agit manifestement d’une erreur de plume, il convient de la rectifier d’office (cf. art. 83 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7873b843-a10e-4b18-990f-c210c72c46e6 | En fait :
A.
Par jugement du 11 avril 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que H._ s’est rendu coupable d’émeute et de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires au sens de l’art. 285 ch. 2 al. 1 CP (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 6 mois (II), a suspendu l’exécution de la peine et fixé à H._ un délai d’épreuve de 3 ans (III), a constaté que D._ s’est rendu coupable d’émeute et de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires au sens de l’art. 285 ch. 2 al. 1 CP (XIV), l’a condamné à une peine privative de liberté de 6 mois, cette peine étant complémentaire à celle prononcée le 3 septembre 2009 (XV), a suspendu l’exécution de la peine et fixé à D._ un délai d’épreuve de 5 ans (XVI), a constaté qu’E.F._ s’est rendu coupable d’émeute et de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires au sens de l’art. 285 ch. 2 al. 2 CP (XVII), l’a condamné à une peine pécuniaire de 300 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 40 fr., cette peine étant complémentaire à celles prononcées les 29 mars 2012 et 14 janvier 2013 (XVIII), a suspendu l’exécution de la peine et fixé à E.F._ un délai d’épreuve de 5 ans (XIX), a constaté que S._ s’est rendu coupable d’émeute, de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires au sens de l’art. 285 ch. 2 al. 2 CP et de dommages à la propriété qualifiés (XXIV), l’a condamné à une peine pécuniaire de 300 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr., cette peine étant complémentaire à celle prononcée le 11 janvier 2012 (XXV), a suspendu l’exécution de la peine et fixé à S._ un délai d’épreuve de 3 ans (XXVI), a arrêté les indemnités des défenseurs d’office de D._, E.F._ et S._ (XXXI, XXXII et XXXIV), a mis une partie des frais par 2’184 fr. 35 à la charge de H._ (XXXV), a mis une partie des frais par 10’500 fr. 35, y compris l’indemnité allouée sous chiffre XXXI, à la charge de D._ (XXXIX), a mis une partie des frais par 13’869 fr. 95, y compris l’indemnité allouée sous chiffre XXXII ci-dessus, à la charge d’E.F._ (XL), a mis une partie des frais par 14'224 fr. 40, y compris l’indemnité allouée sous chiffre XXXIV, à la charge de S._ (XLII), a laissé le solde des frais par 400 fr. 20 à la charge de l’Etat (XLIII) et a dit que les indemnités de défense allouées aux chiffres XXXI, XXXII et XXXIV, ne seront remboursables à l’Etat de Vaud que si la situation économique des condamnés s’améliore (XLV).
B. a)
Le 11 avril 2014, H._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 12 mai 2014, il a conclu à son acquittement et au versement d’une indemnité fondée sur l’art. 429 CPP.
Par déclaration d’appel joint du 22 mai 2014, le Ministère public a conclu à la condamnation de H._ à une peine privative de liberté ferme de 14 mois.
b)
Le 16 avril 2014, D._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel motivée du 16 mai 2014, il a conclu à son acquittement et au versement d’une indemnité fondée sur l’art. 429 CPP, les frais, y compris l’indemnité d’office allouée à son défenseur, étant laissés à la charge de l’Etat.
Par déclaration d’appel joint du 22 mai 2014, le Ministère public a conclu à la condamnation de D._ pour émeute et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires au sens de l’art. 285 ch. 2 al. 2 CP à une peine privative de liberté de 12 mois, dont 6 mois fermes, le solde étant assorti d’un sursis de 5 ans.
c)
Le 15 avril 2014, E.F._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel motivée du 19 mai 2014, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à son acquittement, les frais de la procédure, y compris l’indemnité d’office allouée à son défenseur, étant laissés à la charge de l’Etat.
d)
Le 14 avril 2014, S._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 16 mai 2014, il a conclu à son acquittement, les frais de la procédure étant laissés à la charge de l’Etat.
Par déclaration d’appel joint du 22 mai 2014, le Ministère public a conclu à la condamnation de S._ à une peine privative de liberté de douze mois.
e)
A l’audience, E.F._ et S._ ont en outre conclu au versement d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
H._ est né le 28 août 1985 à [...] (Kosovo). Deuxième d'une famille de quatre enfants, il a été élevé par ses parents au Kosovo jusqu'en 1991, puis en Suisse, où sa famille est venue demander l'asile. Il a suivi toute sa scolarité dans notre pays, à [...], à [...], puis à [...]. Par la suite, il a commencé une formation d'étancheur qu’il a interrompue après une année et demie en raison d’une mésentente avec son directeur. Il a ensuite effectué divers travaux temporaires (déménagements, étancheur lors de la saison d’été). Dans le cadre d’une précédente enquête pénale ayant conduit à sa condamnation le 19 avril 2006, H._ a été détenu préventivement, puis en exécution de peine, du 8 septembre 2005 au 19 juin 2006. Début 2007, et malgré l’absence d’un CFC, il a commencé à travailler en qualité d’étancheur dans l’entreprise [...]. Il travaille actuellement pour la société [...]. Il est au bénéfice d’un permis B.
H._ a une fille de six ans et un fils d’une année et demie, dont il a épousé la mère en 2013. Son épouse, enceinte de leur troisième enfant, travaille de temps à autres comme extra au restaurant [...] et la famille est au bénéfice des prestations complémentaires cantonales pour familles. Le prévenu réalise un salaire d’environ 5'480 fr. net par mois. De son salaire est déduite une retenue de 2'550 francs, correspondant à 2'050 fr. de loyer et 500 fr. de saisie
pour l’Office des poursuites.
Il s’acquitte d’une prime d’assurance-maladie de 398 fr. 95, partiellement subsidiée à hauteur de 20 francs. Les poursuites du prévenu se montent à environ 80'000 francs.
Son casier judiciaire fait mention des condamnations suivantes :
- 22 juin 2004, Juge d’instruction du Nord vaudois, peine d’emprisonnement de 30 jours avec sursis pendant 3 ans pour lésions corporelles simples et contrainte, sursis révoqué le 19 avril 2006 par le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois, détention préventive de huit jours;
- 8 février 2005, Juge d’instruction du Nord vaudois, peine d’arrêts de 5 jours avec sursis pendant 2 ans pour vol, sursis révoqué le 19 avril 2006 par le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois;
- 19 avril 2006, Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois, peine d’emprisonnement de 16 mois pour tentative de lésions corporelles simples qualifiées, vol, délit manqué de vol, dommages à la propriété, menaces et violation de domicile, peine partiellement complémentaire au jugement du 8 février 2005 du Juge d’instruction du Nord vaudois, détention préventive de 285 jours et peine d’expulsion avec sursis durant 3 ans.
1.2
D._ est né à [...] (Angola) le 17 décembre 1989 et est le deuxième d’une famille de cinq enfants. Il est arrivé en Suisse avec ses parents en 1995-1996, a effectué toute sa scolarité obligatoire à [...] et l’a achevée en 2005. Il a ensuite travaillé comme carreleur, débutant par un stage, puis un apprentissage, qu’il a toutefois cessé en 2007 après une année d’activité, ce travail ne lui convenant pas. Le prévenu a alors commencé un apprentissage d’électricien en 2008, auquel son employeur a mis fin après la deuxième année car ses notes n’étaient pas suffisantes et parce qu’il rencontrait des difficultés avec ses collègues. Depuis le mois de juin 2010, il a retrouvé un emploi auprès de l'entreprise [...] en qualité d’aide monteur-électricien, poste qu’il occupe toujours à l’heure actuelle. Il entend dès cette année terminer les deux années manquantes à son apprentissage, son employeur le soutenant dans cette démarche.
Le prévenu est rémunéré à un tarif de 21 fr. 85 brut de l’heure et réalise un revenu brut moyen de 3'050 fr. par mois, indemnités pour jours fériés comprises. Il habite seul dans un appartement pour lequel il paie un loyer de 1'050 fr. et s’acquitte d’environ 200 fr. de prime d’assurance-maladie par mois. Il a des poursuites à hauteur d’environ 20'000 francs, pour lesquelles il fait l’objet d’une saisie de salaire.
D._ est le père d’une fille âgée de deux ans, dont il vit séparé de la mère et pour laquelle des démarches de reconnaissance de paternité entamées au mois de janvier 2013 sont encore en cours. Il a indiqué avoir une bonne relation avec la mère de son enfant. Il exerce régulièrement son droit de visite mais ne verse aucune contribution d’entretien pour l’enfant.
Le casier judiciaire de D._ fait mention des condamnations suivantes :
- 3 septembre 2009, Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois, peine privative de liberté de 12 mois avec sursis de 4 ans pour vol, tentative de vol, voies de fait, dommages à la propriété, violation de domicile, et opposition aux actes de l’autorité, détention préventive de dix jours;
- 19 octobre 2010, Office régional du Juge d’instruction du Valais central, peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. pour vol, usage abusif de permis et de plaques, circuler sans permis de conduire, circuler sans permis de circulation ou plaques de contrôle.
1.3
Né le 8 mai 1990 à [...], au Kosovo, E.F._ est arrivé en Suisse en 1998, fuyant la guerre avec son frère et sa mère. Ses deux sœurs les ont rejoints en 1999 et son père en 2002, ce dernier repartant toutefois par la suite au Kosovo pour exercer sa profession. Le prévenu a effectué sa scolarité à [...], puis à [...]. En 2007 ou 2008, il a obtenu sa naturalisation suisse. Il a commencé en 2007 un apprentissage de deux ans en qualité de peintre en bâtiment, à l’issue duquel il a obtenu une attestation fédérale professionnelle. Il a travaillé cinq mois comme peintre, puis trois ans chez [...] à [...], où il accomplissait de nombreuses tâches comme s’occuper de la logistique, de banquets ou de repas de soutien. Il a travaillé ensuite durant deux ans et demi comme responsable de la boîte de nuit [...], où il avait déjà été occupé auparavant. Son employeur ayant vendu le commerce, il a perdu son emploi et a émargé au chômage durant six à sept mois. Après un stage et une formation de cariste, il travaille désormais chez [...] dans la logistique.
E.F._ réalise un salaire mensuel brut de 4'600 francs. Il vit avec sa mère, à laquelle il verse une partie du loyer, qui se monte à 1'800 francs. La prime de leasing de sa voiture se monte à 425 fr. par mois et son assurance-maladie à 314 fr. 95. Il n'a pas de poursuites.
Son casier judiciaire fait mention des condamnations suivantes :
- 29 mars 2012, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, peine pécuniaire de 20 jours-amende à 40 fr. avec sursis de 3 ans et amende de 400 fr. pour violation grave des règles de la circulation routière, sursis révoqué le 14 janvier 2013 par le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois;
- 14 janvier 2013, Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois, peine pécuniaire de 160 jours-amende à 40 fr. avec sursis de 3 ans et amende de 1'200 fr. pour lésions corporelles simples, dénonciation calomnieuse, conducteurs se trouvant dans l’incapacité de conduire (véhicule automobile, taux d’alcoolémie qualifié) et conduite d’un véhicule défectueux, peine partiellement complémentaire au jugement du 29 mars 2012 du Ministère public de l’arrondissement de Lausanne.
1.4
S._ est né le 27 avril 1990 à [...] et a une sœur de trois ans son aînée. Il a grandi jusqu’à sa majorité dans le quartier de [...] à [...], commune dans laquelle il a effectué toute sa scolarité. En 2005, il a commencé un apprentissage d’installateur sanitaire, d’une durée de quatre ans, couronné par l’obtention d’un CFC. En août 2009, il a été embauché comme installateur sanitaire chez [...] à [...], où il travaille encore actuellement. Il désire faire un brevet fédéral de contremaître sanitaire. Parallèlement à son emploi, il commencera en 2015 à suivre des cours du soir le vendredi et le samedi. Cette formation, d’une durée de deux ans, sera financée par son employeur pour autant que le prévenu s’engage à rester cinq ans dans la société par la suite. Il a également suivi des cours durant six mois pour former des apprentis.
En 2010, S._ est devenu le père d’une fille, reconnue avant la naissance, dont il est actuellement séparé de la mère. Il verse pour l’enfant une pension alimentaire de 650 fr. par mois, allocations familiales en sus. S._ perçoit un salaire horaire de 30 fr. brut, indemnités vacances en sus, et réalise un revenu mensuel net d’environ 4'450 francs. Depuis 2010, il habite seul dans un appartement au loyer mensuel de 1'390 francs. Sa prime d’assurance-maladie se monte à 293 fr. 80 par mois et son assurance voiture à 2'200 fr. par année. Il n’a pas de poursuites.
Son casier judiciaire fait mention de la condamnation suivante :
- 11 janvier 2012, Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois, peine pécuniaire de 10 jours-amende à 30 fr. avec sursis de 2 ans et amende de 150 fr. pour opposition aux actes de l’autorité.
2.
2.1
A [...], dans la nuit du 17 au 18 janvier 2009, plusieurs patrouilles de la police municipale ont effectué des services préventifs au centre-ville, suite aux troubles récurrents à l’ordre public constatés au sortir des établissements publics, et au sentiment général d’insécurité qui en découlait.
Le dimanche 18 janvier 2009, entre 1h45 et 2h15 environ, les agents de police se sont trouvés en présence d’une bagarre impliquant Y._ et A._. Nombre de jeunes étaient attroupés pour assister à cette bagarre.
La police municipale a dû intervenir après une nouvelle bagarre. La situation devenant critique, des renforts de police ont été demandés par le biais du CET. Plusieurs patrouilles de la gendarmerie vaudoise provenant des CIR-Nord, Est et Ouest ont été dépêchées sur place.
Vers 2h15, une nouvelle bagarre a éclaté et un nouvel attroupement s’est constitué. Alors que les intervenants, appuyés par le personnel de l’entreprise de sécurité [...], séparaient les bagarreurs, le mineur V._ a provoqué les forces de l’ordre en place et, en particulier, a cherché la confrontation avec un sergent de police, qui a dû faire usage de son bâton tactique pour le repousser. Un spray de défense commando a également été employé à plusieurs reprises, incommodant tant les personnes impliquées que les différents corps de police et services de sécurité.
Ensuite de l’intervention de V._, l’hostilité des jeunes gens envers les forces de l’ordre s’est clairement manifestée et un important attroupement d’une cinquantaine de jeunes s’est formé, attroupement auquel se sont joints les prévenus H._, Y._, X._, A._, T._, D._, Q._, E.F._ et S._.
Dès ce moment, certains émeutiers, dont E.F._ et S._, ont lancé des projectiles, notamment des blocs de glace, sur ou en direction des forces de l’ordre et les ont, par leur important mouvement de masse, menacés et contraints à faire ou à ne pas faire plusieurs actes entrant dans leurs fonctions.
La situation n’a pu être calmée qu’après un long moment, alors que plusieurs de ces jeunes émeutiers semblaient attendre de nouvelles bagarres.
Parallèlement, des dommages à la propriété ont été commis sur une vitrine d’un négoce du quartier (voir chiffre 2.2) et sur des véhicules parqués sur la place [...].
En définitive, aucun agent n’a été blessé, si ce n’est, légèrement, un policier, qui a reçu un morceau de glace au visage. Un véhicule de police a été endommagé sur l’aile arrière droite.
2.2
Durant l’émeute, S._ a brisé, vraisemblablement à coups de pied, la vitrine de la bijouterie « [...]» sise à la rue [...]. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux par des parties ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels de H._, D._, E.F._ et S._ sont recevables. Il en va de même des appels joints du Ministère public.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L’immédiateté des preuves ne s’impose toutefois pas en instance d’appel. Selon l’art. 389 al. 1 CPP, la procédure d’appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d’appel administre, d’office ou à la demande d’une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L'appelant H._ conteste toute infraction et demande son acquittement. Il soutient que les déclarations du témoin Z._ auraient été fluctuantes.
3.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2).
L’appréciation des preuves est l’acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. L’appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin, même prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens, qu’à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP et les références citées).
3.2
En l'espèce, pour asseoir sa conviction que l'appelant avait bien participé à l'émeute, le tribunal ne s'est pas seulement fondé sur les déclarations de Z._ (cf. PV aud. 34, p. 2), mais également sur les contradictions révélées par les versions successives du prévenu (PV aud. 40 et 44). Les premiers juges ont considéré à juste titre que les rétractations du témoin à l'audience n'étaient pas crédibles (cf. jgt., p. 18) et que la version de l'appelant selon laquelle il ne serait resté sur les lieux que quelques secondes ne résistait pas à l'examen, compte tenu des observations qu'il avait pu faire (jgt., pp. 112 s.).
En définitive, l'appréciation des premiers juges est adéquate et ne viole pas la présomption d'innocence. Il s’ensuit que la condamnation de H._ pour émeute et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires au sens de l’art. 285 ch. 2 al. 1 CP doit être confirmée.
4.
Dans son appel joint, le Ministère public soutient que la peine infligée à H._ par les premiers juges est trop clémente et que, compte tenu des antécédents de ce prévenu, une peine privative de liberté ferme de 14 mois doit lui être infligée. Subsidiairement, il a conclu à une peine privative de liberté de 14 mois, dont 7 mois fermes.
4.1
4.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 IV 6 c. 6.1).
4.1.2
En vertu du principe de la proportionnalité, il y a en règle générale lieu, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement. La peine pécuniaire et le travail d'intérêt général représentent des atteintes moins importantes et constituent ainsi des peines plus clémentes. Cela résulte également de l'intention essentielle, qui était au coeur de la révision de la partie générale du Code pénal en matière de sanction, d'éviter les courtes peines de prison ou d'arrêt, qui font obstacle à la socialisation de l'auteur, et de leur substituer d'autres sanctions. Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (ATF 134 IV 97 c. 4 ; TF 6B_546/2013 du 23 août 2013 c. 1.1). A ce titre, la peine pécuniaire peut notamment être exclue pour des motifs de prévention spéciale (TF 6B_196/2012 du 24 janvier 2013 c. 3.3 ; TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011 c. 3.4).
4.1.3
Selon l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2). La présomption d’un pronostic favorable, respectivement du défaut d’un pronostic défavorable, ne s’applique en revanche plus si durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, le prévenu a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins. L’octroi du sursis n’entrera alors en considération que si, malgré l’infraction commise, on peut raisonnablement supposer, à l’issue de l’appréciation de l’ensemble des facteurs déterminants, que le condamné s’amendera (ATF 134 IV 1 c. 4.2.3). Ainsi, en cas de récidive au sens de l'art. 42 al. 2 CP, seules deux hypothèses sont envisageables : soit les circonstances sont particulièrement favorables et le sursis total doit être accordé à l'auteur; soit les circonstances sont mitigées ou défavorables et le sursis, respectivement partiel ou total, est alors exclu (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009, c. 3.1.3, non publié aux ATF 135 IV 152).
4.2
En l'espèce, il est vrai que les antécédents de l'appelant sont mauvais et portent sur des infractions de violence notamment. Il est exact aussi qu'il a déjà subi une peine d'emprisonnement d'une certaine durée qui ne l'a pas empêché de récidiver. Toutefois, le tribunal n'a pas ignoré ces condamnations et a motivé la fixation de la peine et l'octroi du sursis en se fondant également, de manière circonstanciée, sur le comportement durant les faits et sur l'évolution favorable du condamné. Il a ainsi considéré que la situation stable du prévenu sur le plan familial et professionnel, son attitude passive durant les faits, son attitude correcte durant l'audience et l'absence de condamnation depuis 2009 permettaient de relativiser sa culpabilité et formuler un pronostic particulièrement favorable. Cette appréciation peut être partagée par la Cour de céans.
Par conséquent, la peine privative de liberté de six mois prononcée par les premiers juges est adéquate. Il s’agit du seul genre de peine pouvant entrer en ligne de compte dans le présent cas, le prononcé d’une peine pécuniaire (art. 34 CP) étant exclu pour des motifs de prévention spéciale (cf. 4.1.2 supra) ; en effet une telle peine ne saurait être suffisamment dissuasive dès lors que l’appelant a récidivé après avoir été condamné par le passé à des peines privatives de liberté.
La peine infligée à H._ ne prête donc aucunement le flanc à la critique et doit dès lors être confirmée.
5.
L'appelant D._ conteste également toute infraction. Il fait valoir que sa condamnation ne reposerait que sur un seul témoignage, au demeurant non probant sur sa participation à l'émeute. Selon lui, les premiers juges auraient dû au contraire constater que les éléments probants n'étaient pas suffisants pour le condamner et faire application de l'adage
in dubio pro reo
.
5.1
Les principes à prendre en considération pour l’appréciation des preuves et la violation de la présomption d’innocence ont été évoqués ci-dessus (cf. 3.1 supra).
5.2
En l'espèce, l'appréciation des preuves effectuée par les premiers juges concernant la participation de l'appelant aux faits incriminés est à nouveau exempte de reproches. Contrairement à ce que soutient l'appelant, la mise en cause du témoin J._ n'est pas dépourvue de toute valeur probante. Comme l'a retenu le tribunal, ce témoin a désigné l'appelant comme étant présent dans le groupe du quartier de [...], qui s'en prenait aux forces de l'ordre (PV aud. 7, p. 2). Il n'existe aucune circonstance permettant de douter de la crédibilité du témoignage, J._ connaissant le prévenu et l'ayant par conséquent désigné en connaissance de cause. De plus, les déclarations de l'appelant, qui admet avoir vu des jeunes lancer des projectiles sur les forces de l'ordre, démontrent qu'il était sur les lieux de l'attroupement au moment des faits incriminés. Comme l'a retenu le tribunal, l'appelant n'est donc pas crédible lorsqu'il affirme être resté à l'écart de l'attroupement et avoir demandé aux personnes présentes ce qui se passait (jgt., p. 119). Par ailleurs, il ressort du dossier que l'appelant s'était déjà opposé à des policiers avec d'autres dans le quartier de [...], faits lui ayant valu d'être condamné le 3 septembre 2009 pour opposition aux actes de l'autorité notamment. En définitive, le fait que D._ soit resté durablement sur les lieux, ses liens avec les jeunes du quartier de [...] et sa condamnation précédemment exposée font que la Cour de céans n'a aucun doute sur le fait qu'il a activement participé à l'émeute du 18 janvier 2009.
Les moyens tirés d’une constatation erronée des faits et d’une violation du principe
in dubio pro reo
sont donc mal fondés et doivent être rejetés.
6.
Dans son appel joint, le Ministère public soutient que D._ doit également être condamné pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires au sens de l'art. 285 ch. 2 al. 2 CP, pour avoir lancé des projectiles sur les policiers. La peine infligée par les premiers juges seraient dès lors insuffisantes et c'est une peine privative de liberté de 12 mois avec un sursis partiel portant sur 6 mois pendant 5 ans qui devrait être infligée à D._.
6.1
6.1.1
Se rend coupable de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires au sens de l’art. 285 al. 1 CP, celui qui, en usant de violence ou de menace, aura empêché une autorité, un membre d'une autorité ou un fonctionnaire de faire un acte entrant dans ses fonctions, les aura contraints à faire un tel acte ou se sera livré à des voies de fait sur eux pendant qu'ils y procédaient. Si l'infraction a été commise par une foule ameutée, tous ceux qui auront pris part à l'attroupement seront punis d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (ch. 2 al. 1). Ceux d'entre eux qui auront commis des violences contre les personnes ou les propriétés seront punis d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire de 30 jours-amende au moins (ch. 2 al. 2).
6.1.2
En l’espèce, l’hypothèse formulée par le Parquet selon laquelle D._ aurait également lancé des projectiles se fonde sur le fait qu’il se trouvait sur les lieux avec Y._. Le tribunal a toutefois retenu que personne n’avait vu l’intimé lancer des projectiles sur la police. En effet, J._, qui a mis en cause l’appelant, a précisé ne l’avoir pas vu lancer des blocs de glace (PV aud. 7, p. 2, et jgt., p. 21). Ainsi, rien ne permet, au stade de l’appel, d’infirmer ce constat.
En conséquence, D._ s’est bien rendu coupable d’émeute et de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires au sens de l’art. 285 ch. 2 al. 1 CP.
6.2
6.2.1
Les principes à prendre en compte pour la fixation de la peine et l’octroi du sursis ont déjà été rappelés ci-dessus (cf. 4.1 supra).
6.2.2
Les infractions commises par D._ sont graves par le fait de s’opposer aux forces de police alors qu’elles tentent de rétablir l’ordre. A charge, on retiendra les dénégations de l’appelant, le concours d’infractions et le fait qu’il a agi malgré l’ouverture d’une procédure pour les mêmes faits. A décharge, il sera tenu compte du jeune âge de l’appelant au moment des faits, de sa situation personnelle et professionnelle ainsi que de l’écoulement du temps.
Compte tenu des éléments qui précèdent, la peine privative de liberté complémentaire de 6 mois prononcée par les premiers juges réprime adéquatement les agissements de D._. Elle doit donc être confirmée. Il en va de même de l’appréciation selon laquelle le pronostic est mitigé, mais pas défavorable, de sorte que l’appelant peut encore bénéficier d’un sursis d’une durée de cinq ans.
L’appel joint doit ainsi être rejeté.
7.
L’appelant E.F._ demande également son acquittement. Il soutient qu’il était malade pendant la nuit de l’émeute et qu’il se trouvait à la maison au moment des faits. H._ aurait fait une erreur dans un premier temps en le désignant sur les lieux de l’émeute. Le tribunal aurait ainsi dû prendre en considération les rétractations ultérieures de ce témoin. En outre, aucun agent de police n’aurait identifié l’appelant et c’est à tort que les premiers juges auraient écarté le témoignage de sa soeur.
7.1
Les principes à prendre en considération pour l’appréciation des preuves et la violation de la présomption d’innocence ont été évoqués ci-dessus (cf. 3.1 supra).
7.2
En l’espèce, il faut souligner en premier lieu que le tribunal correctionnel n’a ignoré aucun des arguments soulevés par l’appelant pour contester sa présence sur les lieux et les a examinés avec soin en motivant de manière précise sa conviction. Il a ainsi d’abord considéré que la version de l’appelant avait varié sur son heure de rentrée et le contenu des différents procès-verbaux d’audition le confirme. Ainsi, le prévenu a affirmé dans un premier temps être rentré vers 22h10 (PV aud. 28, p. 2), avant de rectifier ses déclarations et d’indiquer un retour vers 23h50 (PV aud. 44, p. 1) ou à minuit (PV aud. 58, p. 1). A l’audience de première instance, il est revenu sur ses déclarations faites à la fin de l’instruction, en indiquant avoir quitté les lieux de l’émeute à 22h45 (jgt., p. 10). En outre, le soir des faits, l’appelant a admis être sorti en ville d’[...] et avoir rencontré ses coaccusés Q._ et Y._ au bar « [...]». Son emploi du temps coïncide ainsi avec celui d’autres comparses ayant participé à l’émeute. H._ a d’ailleurs affirmé avoir vu E.F._ lancer des projectiles contre la police (PV aud. 40, p. 2). Ensuite, l’alibi fournit par la soeur de l’appelant, B.F._, est effectivement dépourvu de toute valeur probante, dès lors que celle-ci a déclaré que son frère n’était pas sorti le soir en question (jgt., p. 62), alors qu’il s’est absenté plusieurs heures.
Enfin, la démarche entreprise par l’appelant pour faire signer un document à ses coaccusés certifiant qu’il n’était pas présent lors de l’émeute apparaît comme une démarche discréditant totalement ses dénégations, par la volonté d’exercer sur d’autres participants à la procédure une influence sur le contenu de leurs déclarations.
C’est donc sans violer la présomption d’innocence que le tribunal a retenu que l’appelant n’était pas crédible dans ses dénégations et que l’alibi présenté par sa soeur ne pouvait pas être retenu.
L’appel de E.F._ doit en conséquence être rejeté.
8.
E.F._ ne conteste pas la peine en tant que telle. Examinée d’office par la Cour d’appel selon son propre pouvoir d’appréciation, la peine pécuniaire complémentaire de 300 jours-amende, à 40 fr. le jour-amende, a été fixée en application de critères adéquats à charge et à décharge et conformément à la culpabilité de l’appelant. Elle doit dès lors être confirmée. Il en va de même de l’appréciation selon laquelle le pronostic quant au comportement futur de l’appelant est mitigé, mais pas défavorable, de sorte que ce dernier bénéficiera d’un sursis d’une durée de cinq ans.
9.
9.1
L’appelant S._ conteste toute participation à une infraction. Il soutient qu’il s’est accusé à la place de N._ et invoque une déclaration écrite de ce dernier qui le disculperait.
9.1.1
Les principes à prendre en considération pour l’appréciation des preuves et la violation de la présomption d’innocence ont été évoqués ci-dessus (cf. 3.1 supra).
9.1.2
En l’espèce, entendu à plusieurs reprises durant l’enquête, S._ n’a cessé de varier dans ses déclarations sur les motifs l’ayant conduit à briser la vitrine d’un magasin, sur sa présence sur les lieux et celle de N._. En effet, il a d’abord prétendu avoir quitté les lieux sans avoir participé aux attroupements, mais avoir été sprayé par un agent de police, et qu’il était possible qu’il ait cassé une vitrine (PV aud. 3, p. 2). Puis confronté à d’autres témoignages, il a admis avoir lancé un bloc de glace sur les forces de l’ordre et avoir brisé la vitrine de la boutique « [...] » (PV aud. 6, p. 2, et PV aud. 57). Aux débats de première instance, l’appelant a finalement déclaré avoir fait une fausse déclaration à l’enquête afin de mettre N._ hors de cause et a produit une déclaration de ce dernier, qui expose qu’ils ont inventé cette version pour le disculper (jgt., p. 88 s.). La version soutenue par l’appelant n’est pas crédible et elle doit être écartée, en particulier sa dernière tentative pathétique de se disculper par une déclaration de complaisance de son comparse. En outre, sa présence le soir des faits litigieux a été confirmée par ses coaccusés Q._ et H._ (PV aud. 40, p. 3, et PV aud. 62, p. 2). Il convient ainsi de confirmer la version retenue par les premiers juges, à savoir que S._ était présent lors des émeutes du 18 janvier 2009, qu’il a lancé des blocs de glace contre les forces de l’ordre et qu’il a brisé la vitrine de la boutique « [...]».
Sur la base des éléments qui précèdent, il n’y a aucun doute quant à la culpabilité de S._.
9.2
S._ conteste s’être rendu coupable de dommages à la propriété qualifiés, l’attroupement formé en public ayant eu lieu à 122 mètres de la vitrine endommagée. En l’absence de plainte, il conclut à son acquittement.
9.2.1
Aux termes de l’art. 144 al. 1 CP, celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d'usage une chose appartenant à autrui ou frappée d'un droit d'usage ou d'usufruit au bénéfice d'autrui sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Si l'auteur a commis le dommage à la propriété à l'occasion d'un attroupement formé en public, la poursuite aura lieu d'office (al. 2).
9.2.2
En l’espèce, il a été retenu que S._ a activement participé à l’émeute survenue le 18 janvier 2009 en jetant des blocs de glace sur les forces de l’ordre (cf. 9.1.2 supra). C’est pour cette raison qu’il a été sprayé par un agent de police. Sous l’effet de la colère, l’appelant a remonté la rue [...] et a brisé la vitrine de la boutique « [...]». Ainsi, contrairement à ce que prétend l’appelant, les faits qui lui sont reprochés ont été réalisés dans un même contexte de lieu et dans un même laps de temps. Il est dès lors indéniable que les éléments constitutifs de l’infraction de dommages à la propriété qualifiés au sens de l’art. 144 al. 2 CP sont réalisés et c’est à juste titre que S._ a été condamné pour ce chef d’accusation.
9.3
L’appel de S._ doit par conséquent être rejeté et sa condamnation pour émeute, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires au sens de l’art. 285 ch. 2 al. 2 CP et dommages à la propriété qualifiés doit être confirmée.
10.
Dans son appel joint, le Ministère public requiert une peine privative de liberté de 12 mois, dont 6 mois fermes, avec sursis durant 5 ans à l’encontre de S._.
10.1
Les principes à prendre en compte pour la fixation de la peine et l’octroi du sursis ont été rappelés ci-dessus (cf. 4.1 supra).
10.2
On ne voit pas, en l’espèce, de motifs suffisants pour modifier le genre de peine infligée par les premiers juges. Le casier judiciaire de l’intimé ne contient qu’une condamnation à une peine pécuniaire postérieure aux faits de la présente cause. En outre, la situation personnelle de l’appelant est favorable, sur le plan professionnel à tout le moins. Une peine pécuniaire apparaît dès lors suffisamment dissuasive et adéquate dans le cas d’espèce. Par conséquent, la peine pécuniaire complémentaire de 300 jours-amende, à 30 fr. le jour-amende, prononcée par le tribunal de première instance doit être confirmée. L'octroi du sursis d’une durée de trois ans doit également être confirmé, le pronostic quant au comportement futur de l’appelant étant favorable.
L’appel joint doit par conséquent être rejeté.
11.
Les appels de H._, D._, E.F._ et S._ ainsi que les appels joints du Ministère public doivent en conséquence être rejetés et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Les appelants H._, D._, E.F._ et S._ succombant, les conclusions de l'appel tentant à l'octroi d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP en leur faveur doivent être rejetées.
Les frais d'appel doivent être mis à la charge de H._, D._, E.F._ et S._ par un septième chacun, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 3’340 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent les six septièmes des indemnités allouées aux défenseurs d’office de D._, E.F._ et S._.
S’agissant de l’indemnité d’office de Me Aline Bonard, elle a produit une liste d’opérations faisant état de 18,55 heures d’activité, dont 16,55 heures effectuées par son avocate-stagiaire et le solde par ses soins (P. 239). Compte tenu de la nature de la cause, de la connaissance du dossier acquise en première instance et des opérations nécessaires à la défense des intérêts de son client, le temps consacré à la présente procédure est trop élevé. Tout bien considéré, il sera tenu compte de 15 heures pour l’activité du stagiaire de Me Aline Bonard. C’est donc une indemnité de 1’922 fr. 40, correspondant à 15 heures à 110 fr., une vacation au tarif applicable pour les avocats-stagiaires, soit 80 fr., et 50 fr. de débours, plus la TVA, qui doit être allouée au défenseur d’office de D._ pour la procédure d’appel.
Compte tenu de la nature de la cause, de la connaissance du dossier acquise en première instance et des opérations nécessaires à la défense des intérêts de son client, le temps consacré à la présente procédure par Me Gisèle de Benoit est beaucoup trop élevé (cf. P. 241). Sous la rubrique « prise en charge du dossier », totalisant avec la préparation d’audience 12 heures, il ne sera pris en compte que ce dernier poste à raison de 3 heures, dès lors que le conseil intervenait déjà en première instance. Il en va de même du poste « correspondances, courriels, mémo » à raison de 2 heures. Compte tenu de ce qui précède, le temps nécessaire pour les opérations du mandat doit être fixée à 15 heures. C’est donc une indemnité de 3'099 fr. 60, correspondant à 15 heures à 180 fr., une vacation à 120 fr. et 50 fr. de débours, plus la TVA, qui doit être allouée au défenseur d’office d’E.F._ pour la procédure d’appel.
S’agissant de l’indemnité d’office de Me Véronique Fontana, c’est une indemnité de 3’099 fr. 60, correspondant à 15 heures à 180 fr., une vacation à 120 fr. et 50 fr. de débours, plus la TVA, qui doit être allouée au défenseur d’office de S._ pour la procédure d’appel.
D._, E.F._ et S._ ne seront tenus de
rembourser à l’Etat
les six septièmes
du montant de l’indemnité allouée à leurs défenseurs d’office que lorsque leur situation financière le permettra.
La Cour d’appel pénale
appliquant les articles 12 al. 2, 33 al. 1, 34, 40, 42 al. 1 et 2, 44, 47, 48 let. e, 49, 144 al. 2, 260 al. 1, 285 ch. 2 al. 1 et 2 CP; 398 ss CPP
prononce :
I.
Les appels de H._, D._, E.F._ et S._ sont rejetés.
II.
Les appels joints du Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois sont rejetés.
III.
Le jugement rendu le 11 avril 2014 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois est confirmé selon le dispositif suivant :
"I. constate que H._ s’est rendu coupable d’émeute et de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires au sens de l’art. 285 ch. 2 al. 1 CP ;
II. condamne H._ à une peine privative de liberté de 6 (six) mois;
III. suspend l’exécution de la peine et fixe à H._ un délai d’épreuve de 3 (trois) ans;
IV.-XIII. inchangés;
XIV. constate que D._ s’est rendu coupable d’émeute et de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires au sens de l’art. 285 ch. 2 al. 1 CP;
XV. condamne D._ à une peine privative de liberté de 6 (six) mois, cette peine étant complémentaire à celle prononcée le 3 septembre 2009 ;
XVI. suspend l’exécution de la peine et fixe à D._ un délai d’épreuve de 5 (cinq) ans ;
XVII. constate qu’E.F._ s’est rendu coupable d’émeute et de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires au sens de l’art. 285 ch. 2 al. 2 CP ;
XVIII. condamne E.F._ à une peine pécuniaire de 300 (trois cents) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 40 fr. (quarante francs), cette peine étant complémentaire à celles prononcées les 29 mars 2012 et 14 janvier 2013 ;
XIX. suspend l’exécution de la peine et fixe à E.F._ un délai d’épreuve de 5 (cinq) ans ;
XX.-XXIII. inchangés ;
XXIV. constate que S._ s’est rendu coupable d’émeute, de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires au sens de l’art. 285 ch. 2 al. 2 CP et de dommages à la propriété qualifiés ;
XXV. condamne S._ à une peine pécuniaire de 300 (trois cents) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. (tente francs), cette peine étant complémentaire à celle prononcée le 11 janvier 2012 ;
XXVI. suspend l’exécution de la peine et fixe à S._ un délai d’épreuve de 3 (trois) ans ;
XXVII.-XXX. inchangés ;
XXXI. arrête l’indemnité de Me Aline Bonnard, en sa qualité de défenseur d’office de D._, à 8’316 fr. (huit mille trois cent seize francs), débours et TVA compris ;
XXXII. arrête l’indemnité de Me Gisèle De Benoît, en sa qualité de défenseur d’office d’E.F._, à 11’685 fr. 60 (onze mille six cent huitante-cinq francs et soixante centimes), débours et TVA compris ;
XXXIII. inchangé ;
XXXIV. arrête l’indemnité de Me Véronique Fontana, en sa qualité de défenseur d’office de S._, à 12’040 fr. 05 (douze mille quarante francs et cinq centimes), débours et TVA compris ;
XXXV. met une partie des frais par 2’184 fr. 35 à la charge de H._ ;
XXXVI.-XXXVIII. inchangés ;
XXXIX. met une partie des frais par 10’500 fr. 35, y compris l’indemnité allouée sous chiffre XXXI ci-dessus, à la charge de D._ ;
XL. met une partie des frais par 13’869 fr. 95, y compris l’indemnité allouée sous chiffre XXXII ci-dessus, à la charge d’E.F._;
XLI. inchangé ;
XLII. met une partie des frais par 14’224 fr. 40, y compris l’indemnité allouée sous chiffre XXXIV ci-dessus, à la charge de S._ ;
XLIII. laisse le solde des frais par 400 fr. 20 à la charge de l’Etat ;
XLIV. inchangé ;
XLV. dit que les indemnités de défense allouées aux chiffres XXVII à XXIX et XXXI à XXXIV ci-dessus, ne seront remboursables à l’Etat de Vaud que si la situation économique des condamnés s’améliore".
IV.
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1'922 fr. 60, TVA et débours inclus, est allouée à Me Aline Bonard.
V.
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 3’099 fr. 60, TVA et débours inclus, est allouée à Me Gisèle de Benoit.
VI.
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 3’099 fr. 60, TVA et débours inclus, est allouée à Me Véronique Fontana.
VII.
Les frais d'appel, par 3'340 fr., sont répartis comme il suit :
- à la charge de
H._
, un septième des frais communs, par 477 fr. 15;
- à la charge de D._, un septième des frais communs, plus les six septièmes de l'indemnité de son défenseur d'office, par 2'125 fr. 10;
- à la charge de E.F._, un septième des frais communs, plus les six septièmes de l'indemnité de son défenseur d'office, par 3'133 fr. 95;
- à la charge de S._, un septième des frais communs, plus les six septièmes de l'indemnité de son défenseur d'office, par 3'133 fr. 95;
- le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
VIII.
D._, E.F._ et S._ ne seront tenus de rembourser à l’Etat les six septièmes du montant de l’indemnité allouée à leur défenseur d'office respectif que lorsque leur situation financière le permettra.
IX.
Le présent jugement est exécutoire. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7874c933-28c5-4d56-905b-5d4a64eecb10 | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
avril 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que A.N._ s'est rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées, de diffamation, d'injure, de menaces qualifiées, de contrainte et de remise d'un véhicule à une personne non titulaire du permis de conduire (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de 150 (cent cinquante) jours-amende, à 20 (vingt) francs le jour-amende et à une amende de 500 fr. (cinq cents francs) (II), a suspendu l'exécution de la peine pécuniaire et a fixé à A.N._ un délai d'épreuve de trois ans (III), a dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement de l'amende sera de 10 (dix) jours (IV), a dit que A.N._ est le débiteur d'B.N._ et lui doit immédiat paiement d'une indemnité de 2'000 fr. (deux mille francs), avec intérêt à 5 % l'an dès le 15 février 2007 (V), a mis à la charge de A.N._ les frais de justice par 7'986 fr. 30 (VI), a mis à la charge de l'Etat l'indemnité allouée au défenseur d'office d'B.N._ par 4'314 fr. (VII), et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité allouée à son défenseur d'office sera exigible de A.N._ pour autant que sa situation économique se soit améliorée (VIII).
B.
Le 11 avril 2011, A.N._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 11 mai 2011, l'appelant a conclu à la libération des infractions de lésions corporelles simples qualifiées, de menaces qualifiées et de contrainte, de même qu'à la libération de l'infraction d'injure pour certains faits, la peine étant réduite en conséquence et l'indemnité allouée à la plaignante supprimée. Il a produit un onglet de pièces sous bordereau.
Dans le délai imparti, la plaignante et le Ministère public ont déclaré renoncer à présenter une demande de non-entrée en matière et à déposer un appel-joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.N._ est né le 3 mai 1956 en Slovaquie. Il est venu en Suisse en 1982 en tant que réfugié politique. Il a travaillé en tant que cuisinier, puis comme chauffeur de taxi indépendant. Il a acquis la nationalité suisse. Le 6 mai 2004, il a épousé en secondes noces la plaignante, ressortissante brésilienne. Depuis 2005, il n'exerce plus d'activité lucrative en raison de problèmes de santé. Il perçoit le revenu d'insertion et les services sociaux lausannois prennent en charge son loyer et ses primes d'assurance-maladie. A.N._ dit avoir accumulé un montant d'environ 147'000 fr. de dettes, dont 118'000 fr. d'actes de défaut de biens délivrés à ses créanciers. A.N._ et la plaignante vivent séparément depuis le mois d'août 2008.
2.
Entre le 17 août 2005 et le 2 août 2008, A.N._ a, à plusieurs reprises, frappé, menacé et injurié son épouse, en particulier dans les circonstances suivantes :
2.1.
A Lausanne, au domicile conjugal, à une date indéterminée entre le 17 août 2005 et le 16 août 2006, A.N._ a menacé son épouse au pistolet. Un tiers est intervenu suite à l'appel d'B.N._ pour calmer la situation.
2.2.
A Lausanne, entre le mois de juin et le 2 août 2008, A.N._ a asséné un coup de pied à B.N._.
2.3.
A Lausanne, au domicile conjugal, le 2 août 2008, A.N._ a bousculé son épouse contre le mur du salon et lui a asséné un coup de pied dans le ventre. Il l'a également traitée de
"pute"
, de
"pute de merde"
, de
"connasse"
et de
"pétasse"
.
2.4.
Le 9 juin 2009, A.N._ a notamment adressé à son épouse des messages de type SMS dont le contenu est le suivant :
"- Appel ton portugé, pour rammene chez lui. pica (sic)"
- Tu vas beze avec ton portuge la merd. Ta fille elle a rt.de geneve pour larga (sic)."
3.
B.N._ a confirmé sa plainte du 2 août 2008, expliquant avoir été régulièrement victime de violences de la part de A.N._, qui l'aurait frappée à plusieurs reprises. Au début du mariage, l'entente était bonne puis la relation s'est dégradée si bien qu'elle a dû, à deux reprises, se réfugier au foyer [...], en juin et décembre 2004, peu après le mariage.
A.N._ conteste les faits qui lui sont reprochés. Il a reconnu qu'B.N._ appelait souvent la police, tout en prétendant qu'il en ignorait les raisons.
4.
A une date indéterminée au début du mois de septembre 2008, sur la bande d'arrêt d'urgence de l'autoroute A1, peu avant la sortie Morges-Est, alors qu'il ramenait la fille de son épouse, âgée de dix-sept ans, à bord de la voiture d'une connaissance, A.N._ s'est immobilisé et a ordonné à cette dernière de prendre le volant. L'accusé a fait le tour du véhicule pour s'installer sur le siège passager, ne laissant d'autre choix à l'adolescente – agissant tant par souci de ne pas entraver la circulation que par déférence envers son beau-père – que de le piloter sur quelques centaines de mètres pour rejoindre son nouveau domicile.
5.
A Lausanne, dans les locaux du Service social, le 21 octobre 2008, lors d'un entretien avec l'assistant social [...],A.N._ a notamment qualifié sa femme de
"salope"
. | En droit :
1.
1.1.
L’appel doit être annoncé dans les 10 jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, n° 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d'un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
1.2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation de droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.
L'appelant conteste en premier lieu s'être rendu coupable de lésions corporelles. Il fait valoir qu'aucun constat n’a été établi et se prévaut du cadre factuel de l’ordonnance de renvoi qui ne serait pas compatible avec les faits retenus en première instance.
2.1.
L’infraction de lésions corporelles a été retenue par le premier juge après la procédure prévue à l’art. 344 CPP, les parties ayant été dûment informées et invitées à se prononcer (jgt., p. 17).
L’appelant indique que les lésions que la plaignante aurait subies à la suite des coups de pied entre le mois de juin et le 2 août 2008 ne sont pas établies, faute notamment d'un certificat médical versé au dossier. Le cadre de l'acte d'accusation est toutefois plus large qu’allégué, puisqu’il comporte une description générale des faits au début du ch. 1 permettant au premier juge d’envisager tous les mauvais traitements reprochés au prévenu au préjudice de la plaignante et qui sont intervenus entre le 17 août 2005 et le 2 août 2008 (jgt., p. 24).
C'est donc à tort que l'appelant fait valoir que l'existence de lésions corporelle n'est pas suffisamment établie. En effet, le constat, même s’il n’est pas documenté médicalement, repose sur les témoignages concordants de [...] et [...]. Même s’il ne s’agit que d’hématomes au bras, ils ont été qualifiés d’impressionnants par l’un des témoins, ce que relève le premier juge. Ce dernier dispose à cet égard d’un certain pouvoir d’appréciation en présence d’atteintes limitées à l’intégrité corporelle ne se manifestant que par des contusions (ATF 119 IV 1). Il peut ainsi tenir compte de l’intensité de la douleur ou du fait que les
lésions demeurent visibles plusieurs jours après les faits (ATF 119 IV 25). L’appréciation du premier juge, qui s’est fondé sur de tels éléments, doit ainsi être confirmée.
Ce premier moyen est donc mal fondé.
3.
L’appelant conteste également la réalisation du délit de contrainte. Il se prévaut de l’absence de violence ou de menaces de sa part, de sorte que les éléments constitutifs de l’infraction feraient défaut.
3.1.
Selon l'art. 181 CP, se rend coupable de contrainte celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte. La menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445, c. 2b; 106 IV 125, c. 2a) ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120, c. 2a). Il peut également y avoir contrainte lorsque l'auteur entrave sa victime "de quelque autre manière" dans sa liberté d'action; cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive; n'importe quelle pression de peu d'importance ne suffit pas; il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action; il s'agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 119 IV 301, c. 2a et les références). Selon la jurisprudence, la contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite (ATF 120 IV 17, c. 2a et les arrêts cités). Tel est notamment le cas lorsqu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux moeurs (ATF 120 IV 17, c. 2a/bb; 119 IV 301, c. 2b et les arrêts cités).
3.2.
Dans le cas d'espèce, le prévenu a immobilisé son véhicule sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute A1, peu avant la sortie Morges-Est. Il est sorti de son véhicule en quittant la place conducteur et a ordonné à la fille de son épouse mineure de prendre le volant. La jeune fille a obéi craignant un accident dans un lieu
aussi dangereux. Il est indéniable que, dans ces circonstances, la liberté d’action de la victime était entravée. Le risque d'accident à brève échéance par immobilisation d'un véhicule sur la bande d'arrêt d'urgence est notoire. En outre, la contrainte apparaît illicite, dans son but comme dans son moyen, dès lors qu'une personne dépourvue du permis de conduire devait prendre le volant. Au vu de ces constatations, il sied de relever que tous les éléments constitutifs de l’infraction à l’art. 181 CP sont réunis.
Ce moyen, mal fondé, doit être rejeté.
4.
L'appelant reproche encore au premier juge d'avoir violé la présomption d’innocence en retenant les infractions de menaces qualifiées et d'injure.
4.1.
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge pénal ne peut pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé s'il existe, sur la base d'un examen objectif de la situation, des doutes quant à l'existence de ce fait. La présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent pas à exclure une condamnation. Il doit s'agir au contraire de doutes sérieux et irrépressibles (ATF 124 IV 86 c. 2a; 120 Ia 31 c. 2c).
En matière d’appréciation des preuves et d’établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l’autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu’elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (Kistler Vianin, op. cit., n. 28 ad art. 398 CPP). L’appréciation des preuves est en particulier arbitraire lorsque le juge de répression n’a manifestement pas compris le sens et la portée d’un moyen de preuve, s’il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d’un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 136 III 552 c. 4.2; TF 1C_517/2010 du 7 mars 2011 c. 2.1).
4.2.
S'agissant des menaces qualifiées, il suffit de lire la déposition du témoin [...] pour se convaincre que ce moyen relève de la témérité. En effet, l’appelant qui prétend que la situation était peu inquiétante à tel point que le témoin lui a rendu son arme à feu, feint d’ignorer que les l'arme n'a été restituée que le lendemain, après avoir été déchargée et alors que l'appelant menaçait le témoin d'une plainte pénale pour vol (jgt., p. 15).
4.3.
S'agissant des injures proférées le 2 août 2008, l'appelant fait valoir qu'elles ne reposent en définitive que sur les seules accusations de la plaignante et qu'il doit, partant, être libéré de ce chef d'accusation. Comme l’a retenu le premier juge (jgt., p. 21), les déclarations de la plaignante sont crédibles dans la mesure où elles sont corroborées d'une manière générale par plusieurs témoignages, en particulier celui de [...]. L’appréciation du premier juge est là aussi adéquate et doit être confirmée.
4.4.
S'agissant des injures proférées le 9 juin 2009, ces dernières ont été commises par l’envoi de SMS. L'appelant fait valoir à tort que leur contenu est incompréhensible, obscur. En effet, à la lecture de ces SMS dont certains mots ont d'ailleurs été traduits, on comprend bien leur caractère indiscutablement injurieux. Les activités de prostitution de la
plaignante ne justifient en aucun cas
les termes utilisés, leur honneur étant protégé de la même manière.
Ce moyen, également mal fondé, doit être rejeté.
5.
Enfin, l'appelant s'oppose à l'octroi d'une indemnité pour tort moral à la plaignante.
5.1.
L’art. 49 al. 1 CO dispose que celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d’argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie et que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement.
L’ampleur de la réparation dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques, ou psychiques comme c’est le cas en l’espèce, consécutives à l’atteinte subie par la victime et de la possibilité d’adoucir sensiblement, par le versement d’une somme d’argent, la douleur morale qui en résulte. En raison de sa nature, l’indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d’argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L’indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 130 III 699 c. 5.1 ; ATF 129 IV 22 c. 7.2 ; TF 6B_256/2009 du 24 juillet 2009, c. 1.1). Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l’atteinte subie et évitera que la somme accordée n’apparaisse dérisoire à la victime.
5.2.
En l'occurrence, l'appelant soutient à tort, comme on vient de le voir, que les faits qui pourraient lui être reprochés sont nettement moins graves que ceux retenus par le jugement entrepris. Dans la mesure où tous les autres moyens soulevés par l'appelant ont été rejetés, on ne peut procéder à cette relativisation. Au contraire, compte tenu de la durée et de la multiplicité des atteintes, le montant alloué paraît même particulièrement bas.
6.
En définitive, il découle de ce qui précède que l'appel doit être rejeté dans son intégralité et le jugement attaqué confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de procédure doivent être mis à la charge de l’appelant (art. 424 al. 1 CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent les indemnités allouées au conseil d’office de l'appelant, respectivement à celui de la plaignante (cf. art. 138 et 422 al. 2 let. a CPP ; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP [tarif des frais
judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]). Dans la mesure où l'avocat-stagiaire qui a agi sous la responsabilité du conseil d'office de A.N._ s'est pleinement consacré à la procédure d'appel, l'indemnité sera arrêtée au tarif horaire de 110 fr., soit à 1'297 fr. 40, TVA et débours compris. Elle sera arrêtée à 1'672 fr. 40, TVA et débours compris pour l'avocate d'office de la plaignante (cf. art. 135 al. 1 CPP).
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
78b6351d-8ab7-449d-832d-5c78b4c41d70 | En fait :
A.
Par jugement du 20 août 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a notamment constaté que D._ s’est rendu coupable d’infraction grave à la Loi fédérale sur les stupéfiants et d’infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (V), a révoqué la libération conditionnelle accordée à D._ par le juge d’application des peines le 27 décembre 2011 et ordonné sa réintégration (VI), l’a condamné à une peine privative de liberté d’ensemble de 5 ans, sous déduction de 353 jours de détention avant jugement, peine partiellement complémentaire à celles infligées les 7 juin 2005, 9 novembre et 17 décembre 2009 (VII), a statué sur le sort des séquestres ordonnés (XII à XIV), a mis une partie des frais de la cause, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office, à la charge de D._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (XV), et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité d’office ne pourra être exigé du condamné que dans la mesure où sa situation financière se sera améliorée et le permettra (XVI).
B.
Par annonce du 21 août 2014, puis déclaration motivée du
15 septembre suivant, D._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est condamné, principalement, à une peine privative de liberté d’ensemble équivalant à la durée de sa détention avant jugement, subsidiairement, à une peine privative de liberté de 2 ans, sous déduction de la détention avant jugement subie, peine partiellement complémentaire à celles infligées les 7 juin 2005, 9 novembre et 17 décembre 2009, assortie du sursis partiel et, plus subsidiairement, à cette même peine non assortie du sursis.
Par écriture du 9 octobre 2014, le Ministère public a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
D._ est né le [...] 1982 en Guinée-Bissau. Il soutient toutefois, documents d’identité à l’appui, être [...], né le [...] 1977, ressortissant portugais. Selon ses dires, il a vécu une vingtaine d’années dans son pays d’origine. Il n’y a pas été scolarisé et n’y a jamais travaillé. A l’âge de 20 ans, il s’est rendu au Portugal mais n’a pas pu obtenir immédiatement la nationalité de ce pays. Il est arrivé en Suisse en 2001 où il a déposé une demande d’asile sous l’identité de D._. Le 25 février 2001, sa demande a fait l’objet d’une décision de non-entrée en matière, qui est entrée en force le 4 avril 2002. L’appelant n’a jamais eu d’emploi dans notre pays. Il est marié traditionnellement et est père d’une fille âgée de 10 ans qui vit avec sa mère en Belgique.
Le casier judiciaire du prévenu comporte les inscriptions suivantes :
- 7 juin 2005, Juge d’instruction cantonal Lausanne, délit et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, emprisonnement 1 mois;
- 9 novembre 2009, Juges d’instruction Fribourg, séjour illégal, peine privative de liberté 30 jours;
- 17 décembre 2009, Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois, crime contre la Loi fédérale sur les stupéfiants et séjour illégal, peine privative de liberté 26 mois.
Par décision du 27 décembre 2011, l’appelant a obtenu la libération conditionnelle avec effet au 31 décembre 2011, la peine restante à exécuter en cas de révocation était de 8 mois et 20 jours.
D._ a également été condamné le 27 juin 2001 à 5 jours d’emprisonnement avec sursis durant deux ans pour infraction et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants. Cette inscription ne figure toutefois plus au casier judiciaire.
Pour les besoins de l’enquête, le prévenu a été détenu du 21 mars au 4 mai 2012, puis à compter du 16 octobre 2013. Depuis le 11 avril 2014, il exécute sa peine de manière anticipée. Au total, il a été détenu avant jugement durant 353 jours.
Par ordonnance du 31 décembre 2013, le Tribunal des mesures de contrainte a constaté que les conditions dans lesquelles s’étaient déroulés 21 jours de détention provisoire du prévenu au centre de gendarmerie mobile, soit du 18 octobre au 7 novembre 2013, n’étaient pas conformes aux dispositions légales applicables en la matière.
2.
2.1
A Payerne, entre 2005 et 2009, puis entre début 2012 et octobre 2013, D._ a vendu, à tout le moins, 967 boulettes de cocaïne, soit 790,6 g bruts de marchandise, pour un chiffre d’affaires total de 89'580 fr. au minimum. Compte tenu d’un taux de pureté moyen de 27%, ses ventes ont porté sur une masse de cocaïne pure de 213,46 grammes.
Son activité délictueuse peut être détaillée comme suit :
2.1.1
A Corcelles-près-Payerne et à Payerne, entre 2005 et 2009 ainsi que de mi-février 2013 à fin avril 2013, [...] a acheté au prévenu entre 120 et 130 boulettes de cocaïne de 0,8 g/pièce, soit un total compris entre 96 et 104 g de cocaïne brute, représentant un investissement total de 9'600 à 13'000 francs.
2.1.2
A Payerne, entre mars et avril 2005, puis entre juillet 2013 et début octobre 2013, [...] a acquis auprès de l’appelant entre 16 et 24 boulettes de cocaïne de 0,7 à 0,8 g/pièce, soit un total compris entre 11,2 et 19,2 g de marchandise brute, pour une somme totale de 1'600 à 2'400 francs.
2.1.3
A Corcelles-près-Payerne et à Payerne, entre 2006 et 2009, de novembre 2012 à février 2013 puis entre mai 2013 et septembre 2013, [...] a acheté à D._ 282,5 boulettes de cocaïne de 0,8 à 1 g/pièce, soit un total compris entre 226 et 282,5 g bruts de cocaïne, pour un montant total de 28'250 francs.
2.1.4
A Payerne, entre juin et août 2009, [...] a acheté au prévenu 100 parachutes de cocaïne (d’une contenance de 0,8 à 0,9 g/pièce) équivalant à 80 à 90 g de produit brut, pour un investissement total de 9'000 à 10'000 francs.
2.1.5
A Payerne, dans le courant de l’année 2012, [...] a acheté à l’appelant deux boulettes de cocaïne (d’une contenance de 1g/pièce), soit une masse brute de cocaïne de 2 g, pour un investissement de 200 francs.
2.1.6
A Corcelles-près-Payerne et à Payerne, entre début 2012 et mi-octobre 2013, [...] a acquis, auprès de D._, 78 boulettes de cocaïne d’une contenance de 0,8 g/pièce (correspondant à 62,4 g bruts de marchandise), pour une dépense totale de 6'240 à 7'800 francs.
2.1.7
A Payerne, entre mai et juin 2012, [...] a acquis, auprès du prévenu, 4 parachutes de cocaïne de 0,8 g/pièce, soit 3,2 g de marchandise brute, pour un investissement de 400 francs.
2.1.8
A Payerne, entre juillet 2012 et le 21 août 2012, [...] a acquis, auprès du prévenu, entre 10 et 15 parachutes de cocaïne de 0,8 g/pièce, soit un total compris entre 8 et 12 g de marchandise brute, pour un investissement de 900 à 1'350 francs.
2.1.9
A Payerne, le 12 juillet 2012, D._ a vendu à [...] deux parachutes de cocaïne d’une contenance de 0,7 g/pièce, pour un montant de 150 francs.
2.1.10
A Corcelles-près-Payerne et à Payerne, entre octobre 2012 et octobre 2013, [...] a acheté à l’appelant, pour son propre compte, entre 57 et 66 parachutes de cocaïne, dite marchandise correspondant à une masse brute de 40 g, pour un montant total compris entre 4'560 et 6'600 francs. Durant la même période, cet acheteur a également acquis de la cocaïne auprès de l’appelant pour le compte de [...], à concurrence de 5 boulettes, correspondant à une masse brute de 3 à 3,5 g et à un investissement de 400 à 500 francs.
2.1.11
A Payerne, entre octobre 2012 et octobre 2013, [...] a acheté au prévenu 24 parachutes de cocaïne d’une contenance de 0,7 g/pièce, dite marchandise correspondant à une masse brute de 16,8 g, pour une somme totale de 2'400 francs.
2.1.12
A Corcelles-près-Payerne et à Payerne, entre novembre 2012 et septembre 2013, [...] a acheté à l’appelant entre 153 et 204 boulettes de cocaïne de 1 g/pièce, soit un total compris entre 153 et 204 g bruts de marchandise, pour un montant total de 15'300 à 20'400 francs.
2.1.13
A Payerne, entre début 2013 et la mi-octobre 2013, [...] a acheté à l’appelant entre 10 et 20 boulettes de cocaïne d’une contenance de 0,6 à 0,8 g/pièce, soit un total compris entre 6 et 16 g bruts de cocaïne, pour un montant oscillant entre 800 et 2'000 fancs.
2.1.14
A Corcelles-près-Payerne et à Payerne, entre février et octobre 2013, [...] a acquis, auprès de D._, 15 parachutes de cocaïne d’une contenance de 0,7 à 0,8 g/pièce, soit un total compris entre 10,5 et 12 g bruts de cocaïne, pour un montant de 1'500 francs.
2.1.15
A Payerne, entre début mars et septembre 2013, [...] a acheté au prévenu entre 35 et 42 boulettes de cocaïne de 0.8 à 1 g/pièce, soit un total compris entre 28 et 42 g bruts de cocaïne, pour un montant total oscillant entre 3'500 et 4'200 francs.
2.1.16
A Payerne, entre mai 2013 et début octobre 2013, [...] a acheté au prévenu 5 à 6 boulettes de cocaïne de 0,9 à 1 g/pièce, soit un total de 4,5 à 6 g bruts de marchandise, pour un montant total de 500 à 600 francs.
2.1.17
A Payerne, entre la mi-mai 2013 et la mi-octobre 2013, [...] a acheté à D._ entre 11 et 22 boulettes de cocaïne à 0,8 g/pièce, soit un total compris entre 8,8 et 17,6 g bruts de cocaïne, pour un montant total de 880 à 1'760 francs.
2.1.18
A Cousset, entre août et octobre 2013, [...] a acheté à l’appelant 11 boulettes de cocaïne de 1 g/pièce, soit un total de 11 g bruts de cocaïne, pour un montant total de 1'100 francs.
2.1.19
A Payerne, entre août et octobre 2013, [...] a acheté au prévenu 20 parachutes de cocaïne d’une contenance de 0,7 à 0,8 g/pièce, soit un total de 14 à 16 g bruts de cocaïne, pour un investissement compris entre 1'600 et 2'000 francs.
2.1.20
A Payerne, entre août et octobre 2013, [...] a acheté à D._ 7 à 8 boulettes de cocaïne d’une contenance de 0,7 à 0,8 g/pièce, soit un total de 4,9 à 6,4 g bruts de marchandise, pour un montant total de 700 à 800 francs.
2.2
En sus de cette drogue, 11 boulettes d’une masse brute totale de 7,9 g et 5 fingers d’une masse brute totale de 48,2 g, destinés à la vente, ont été retrouvés les 16 et 23 octobre 2013 à la [...], respectivement à la [...][...] à Payerne. Cette marchandise, correspondant à une masse de cocaïne pure de 15,14 g, appartenait tant à l’appelant qu’à son coprévenu, B._.
2.3
Entre le 17 décembre 2009, date de son dernier jugement, et le 13 octobre 2010, date de son entrée en prison, puis entre le 1
er
janvier 2012 et la mi-octobre 2013, D._ a séjourné en Suisse sans être au bénéfice d’une autorisation. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de D._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant fait grief aux premiers juges d’avoir retenu certains faits de manière erronée et d’avoir violé le principe
in dubio pro reo.
Il conteste en particulier le fait que les toxicomanes aient été entendus comme personnes appelées à fournir des renseignements et non comme prévenus, la valeur probante de leurs déclarations, notamment parce qu’ils auraient été orientés par la police lors de leur audition, et le fait qu’il n’ait pas été tenu compte de son absence au Portugal pendant un an. En définitive, il admet un trafic portant sur 40 boulettes de cocaïne, représentant 10,8 g de drogue pure, et demande que les mises en cause des toxicomanes soient écartées.
3.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, également garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011,
n. 19 ad art. 398 CPP).
Aux termes de l’art. 140 al. 1 CPP, les moyens de contrainte, le recours à la force, les menaces, les promesses, la tromperie et les moyens susceptibles de restreindre les facultés intellectuelles ou le libre arbitre sont interdits dans l'administration des preuves.
3.2
En l’espèce, il résulte de l’ensemble des preuves administrées que l’appelant trafiquait à grande échelle. Il convient en particulier de se référer aux écoutes téléphoniques, à la drogue retrouvée – en quantité non négligeable – dans deux appartements différents et dont l’appelant a finalement admis – après des déclarations évolutives – qu’elle lui appartenait, aux mises en cause de son coprévenu B._ (PV aud. 32; jgt., p. 4), ainsi qu’à sa présence en Suisse – malgré l’intention de quitter notre pays manifestée devant le Juge d’application des peines – alors qu’il a déjà été condamné à plusieurs reprises pour trafic de drogue et qu’il est dénué d’autres moyens de subsistance. Ces éléments suffisent déjà pour établir l’existence d’un trafic d’une grande ampleur.
Quant aux déclarations des toxicomanes, lesquels ont été entendus ensuite de leur identification sur la base des contrôles téléphoniques rétroactifs, elles ont permis dans un deuxième temps de donner des indications plus précises quant à l’ampleur du trafic. Ces déclarations sont fiables pour les mêmes motifs que ceux exposés par les premiers juges, en particulier parce que les toxicomanes entendus par la police n’ont aucun intérêt, quelque soit leur statut procédural, à exagérer leur consommation. Au demeurant, et malgré les nombreuses mises en cause, les témoignages de ces acheteurs – qui ne se connaissaient pourtant pas – concordent, notamment quant au mode opératoire.
De plus, rien ne permet de dire que la police aurait exercé des pressions lors de l’audition de ces personnes. Au contraire, il résulte du rapport de police (P. 130, notamment p. 15) que certaines d’entre elles n’ont finalement pas mis en cause l’appelant. Au demeurant, comme l’a relevé la police de sûreté, les clients de ce type de trafic ne sont jamais tous identifiés ou entendus (notamment parce que nombre d’entre eux utilisent des téléphones publics plutôt que des portables) et la partie identifiée d’un trafic de cette ampleur ne représente par définition pas la totalité de son effectif. Enfin, l’appelant paraît faire fi du fait que son défenseur a assisté à la plupart des auditions de mise en cause opérées par la police, notamment celles d’[...], de [...] et [...] qui représentent à eux trois environ la moitié du trafic retenu, et qu’à ces occasions, aucune pression n’a été évoquée.
En outre, le fait que l’appelant ait fait établir en 2013 des documents d’identité au Portugal ne permet pas d’en déduire qu’il aurait séjourné un an entier dans ce pays. En effet, les mises en cause sont si nombreuses pour des transactions effectuées pendant l’époque considérée que les premiers juges pouvaient raisonnablement écarter la version de l’appelant au bénéfice des déclarations des toxicomanes.
Enfin, le fait que l’utilisation du produit de son trafic n’ait pas été déterminée en cours d’enquête n’est pas pertinent. En effet, le bénéfice tiré d’un tel commerce est généralement utilisé en premier lieu pour couvrir les dépenses courantes des trafiquants et est donc entamé au fur et à mesure.
Sur le vu de ce qui précède, aucune constatation erronée des faits ni violation de l’art. 10 CPP ne peut être reprochée aux premiers juges. La quantité de drogue totale retenue en première instance, soit 818 g de cocaïne brute, représentant 221 g de drogue pure selon un taux de pureté moyen de 27 %, doit ainsi être confirmée.
4.
L’appelant conteste avoir agi en qualité de membre d’une bande au sens de l’art. 19 al. 2 let. b LStup.
Toutefois, le Tribunal correctionnel, considérant que le cas grave était de toute manière réalisé au vu de la quantité de drogue vendue, n’a finalement pas retenu la circonstance aggravante de la bande (jgt., p. 27). Il en a en revanche tenu compte pour déterminer dans quelle proportion la drogue saisie dans les deux appartements de Payerne devait être répartie entre l’appelant et son coprévenu B._ (jgt., pp. 26 in fine et 27).
Le moyen du prévenu est par conséquent sans objet.
5.
L’appelant conteste ensuite sa condamnation pour infraction à la LEtr. Il fait valoir qu’il était au bénéfice d’un titre de séjour valable au moment de son interpellation, l’enquête n’ayant pas démontré que ses documents d’identité portugais étaient faux.
5.1
L’art. 115 al. 1 let. b LEtr (Loi fédérale sur les étrangers, RS 142.20) punit quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l’expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé. Le séjour en Suisse est légal si l’étranger est autorisé à rester en Suisse à titre individuel ou si une prescription légale autorise sa présence en Suisse. L’étranger qui n’exerce pas d’activité lucrative peut séjourner en Suisse sans autorisation pendant trois mois (art. 10 al. 1 LEtr et 9 OASA [Ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative, RS 142.201]).
5.2
En l’occurrence, le fait d’être titulaire, pour une partie de la période litigieuse, d’une carte d’identité portugaise depuis le 3 juillet 2013 n’exclut pas une infraction à LEtr. En effet, le séjour en Suisse au-delà d’une période de trois mois est soumis à autorisation même pour les citoyens Schengen, lesquels doivent donc entreprendre les démarches y relatives.
Mal fondé, le moyen de l’appelant doit donc être rejeté.
6.
Il reste à examiner la peine à infliger au prévenu.
6.1
6.1.1
Les règles générales régissant la fixation de la peine ont été rappelées dans les arrêts publiés aux ATF 136 IV 55 et 134 IV 17 (c. 2.1 et les références citées), auxquels il peut être renvoyé.
En matière de trafic de stupéfiants, il y a lieu de tenir compte plus spécifiquement des éléments suivants. Même si la quantité de drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important. Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave. Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération. Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importera de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation. L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. Enfin, le nombre d'opérations constitue un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux. Celui qui écoule une fois un kilo d'héroïne sera en principe moins sévèrement puni que celui qui vend cent grammes à dix reprises. S'agissant d'apprécier les mobiles qui ont poussé l'auteur à agir, le juge doit distinguer le cas de celui qui est lui-même toxicomane et agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (TF 6B_632/2014 du 27 octobre 2014 c. 1.2 et les références citées; TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; TF 6B_380/2008 du 4 août 2008 c. 6.1.1).
6.1.2
Aux termes de l’art. 49 al. 2 CP, si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement.
En cas de concours rétrospectif partiel, soit lorsque le juge est appelé à sanctionner à la fois des infractions plus anciennes qu’une précédente condamnation et des infractions nouvelles, celui-ci doit prononcer une peine d’ensemble. Il doit pour cela déterminer l’infraction pour laquelle la loi prévoit la peine la plus grave; s’il s’agit de l’infraction ancienne, le juge raisonne à partir de la peine, qui la concerne et y ajoute la peine théorique liée à l’infraction nouvelle. A l’inverse, si c’est l’infraction récente qui est la plus grave, la peine qu’elle mérite sert de base; le juge y ajoute la peine théoriquement complémentaire qui concerne l’infraction ancienne. Cette méthode permet d'appliquer l'art. 49 al. 1 CP sans négliger l'art. 49 al. 2 CP. Sur le plan formel, la sanction est toujours une peine d'ensemble mais, sur celui de sa quotité, il est tenu compte du concours rétrospectif (ATF 116 IV 14 c. 2b et les références citées; TF 6B_28/2008 du 10 avril 2008 c. 3.3.2).
6.1.3
Aux termes de l’art. 89 CP, si, durant le délai d'épreuve, le détenu libéré conditionnellement commet un crime ou un délit, le juge qui connaît de la nouvelle infraction ordonne sa réintégration dans l'établissement (al. 1). Si, malgré le crime ou le délit commis pendant le délai d'épreuve, il n'y a pas lieu de craindre que le condamné ne commette de nouvelles infractions, le juge renonce à la réintégration (al. 2). Si, en raison de la nouvelle infraction, les conditions d'une peine privative de liberté ferme sont réunies et que celle-ci entre en concours avec le solde de la peine devenu exécutoire à la suite de la révocation, le juge prononce, en vertu de l'art. 49, une peine d'ensemble. Celle-ci est régie par les dispositions sur la libération conditionnelle. Si seul le solde de la peine doit être exécuté, l'art. 86, al. 1 à 4, est applicable (al. 6).
6.2
6.2.1
En l’espèce, le pronostic à poser quant au comportement futur de l’intéressé étant on ne peut plus défavorable au vu notamment des nombreuses récidives, c’est à juste titre que la libération conditionnelle a été révoquée, ce qui n’est au demeurant pas contesté. Etant donné que les conditions d’une nouvelle privation de liberté ferme sont réalisées, le solde de la peine à exécuter, soit 8 mois et 20 jours (P. 141), doit être intégrée à la peine qui sera prononcée dans le cadre de la présente procédure (art. 89 al. 6 CP).
6.2.2
Le prévenu a commis une partie des faits avant ses condamnations de 2009. Il convient dès lors de tenir compte du caractère partiellement complémentaire de la peine à lui infliger, étant toutefois précisé que seuls quelques cas du trafic total reproché au prévenu sont antérieurs à cette période (cf. ch. 2.1.1 à 2.1.4, p. 4).
6.2.3
A l’instar des premiers juges, la culpabilité du prévenu doit être qualifiée de très lourde. A charge, il sera tenu compte de l’ampleur et de la durée du trafic, du rôle endossé par le prévenu en sa qualité de grossiste, du fait qu’il s’est associé l’aide d’un tiers pour assurer le suivi régulier de son commerce, de son parcours délictuel, soit de ses antécédents et récidives systématiques (dont une pendant le délai d’épreuve assortissant sa libération conditionnelle), du fait que son activité n’a été motivée que par l’appât du gain et, enfin, du concours d’infractions. A décharge, seule sa situation financière précaire sera prise en considération.
Le tribunal correctionnel a estimé qu’une privation de liberté de 61 mois était adéquate. Si l’on considère que cette peine comprend la période concernée par la révocation de la libération conditionnelle, soit 8 mois et 20 jours, la quotité de la peine nouvelle est de 52 mois et 10 jours, soit près de 4,5 ans, ce qui est trop sévère malgré les nombreux éléments à charge, notamment les récidives, et même en tenant compte du fait que cette peine n’est que partiellement complémentaire à celles infligées en 2009.
Tout bien considéré, une peine privative de liberté d’ensemble de 4 ans réprime adéquatement les agissements du prévenu. En déduisant de cette peine la durée résultant de la révocation de la libération conditionnelle, la privation de liberté sanctionnant les présents faits est de 39 mois et 10 jours, quotité qui est, comme indiqué ci-dessus, seulement partiellement complémentaire à celles de 2009.
Au surplus, les conditions subjective et objective n’étant manifestement pas remplies, cette peine doit être ferme (TF 6B_1082/2010 du 18 juillet 2011).
7.
Enfin, pour réparer le tort moral subi en raison de l’illicéité de ses conditions de détention au centre de la gendarmerie mobile pendant 21 jours,
11 jours supplémentaires doivent être déduits de la peine d’ensemble de 4 ans. Cela correspond à une réduction d'un jour de peine pour deux jours passés en détention dans des conditions illicites, arrondie à l’unité supérieure, conformément à la pratique de la Cour de céans (CAPE 21 octobre 2014/274 c. 5.3; CAPE 10 octobre 2014/300 c. 2.2).
8.
En définitive, l’appel de D._ doit être partiellement admis et le jugement entrepris réformé au chiffre VII de son dispositif, en ce sens que le prévenu est condamné à une peine privative de liberté d’ensemble de 4 ans, sous déduction de 353 jours de détention avant jugement et de 11 jours supplémentaires au titre de réparation des conditions de détention illicites. Le jugement entrepris est pour le surplus confirmé.
9.
Vu l’issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués de l’émolument d’arrêt, par 2’160 fr., et de l’indemnité allouée au défenseur d’office de l’appelant, par 2’332 fr. 80
,
TVA et débours inclus, sont mis par moitié à la charge de D._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l’Etat la moitié de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
78b8e52f-38e8-4bea-92e3-da3504f5534a | En fait :
1.
F._, né en 1958, a obtenu le brevet d'avocat [...] en [...] et est inscrit au registre cantonal des avocats vaudois depuis [...].
Par décision du 9 février 2006, la Chambre des avocats a constaté que Me F._ avait violé ses obligations de diligence et d'indépendance et a en conséquence prononcé à son encontre la peine disciplinaire de l'avertissement. Il était alors reproché à Me F._ d'avoir pratiqué la représentation en justice sans avoir demandé au préalable son inscription au registre cantonal, puis d'avoir continué à agir pour ses clients en justice alors que sa requête d'inscription avait été rejetée pour des problèmes liés à son indépendance. La Chambre avait également retenu que Me F._, alors qu'il travaillait toujours pour le compte de son employeur, avait représenté ses intérêts en tant qu'avocat indépendant.
Le 5 novembre 2013, la Chambre des avocats a sanctionné disciplinairement Me F._ par un blâme pour avoir violé son obligation de soin et diligence (art. 12 let. a LLCA [loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats; RS 935.61]). Me F._, mettant en doute la teneur d'un rapport médical concernant sa cliente, avait exigé la suppression des passages contestés en menaçant les auteurs du rapport de poursuites pénales s'ils n'obtempéraient pas. Il avait ensuite effectivement déposé plainte pénale pour diffamation. Les médecins concernés ayant à leur tour déposé plainte pénale contre Me F._ pour contrainte, celui-ci avait réagi par une nouvelle plainte pénale, contre les médecins et contre leur avocat personnellement pour dénonciation calomnieuse.
2. a)
P._, actuellement résidente d'un EMS, était auparavant locataire d'un appartement sis rue [...], à Lausanne. Elle partageait son appartement avec M._.
Le 20 janvier 2015, la bailleresse a résilié le contrat de bail à loyer d'P._ pour le 30 juin 2015.
P._ a dès lors consulté Me F._ pour examiner les possibilités de contester la résiliation du bail. Elle a finalement accepté le congé et intégré, dès le 17 février 2015, un EMS à la Vallée de Joux.
Le 20 février 2015, Me F._ a adressé à sa cliente une note d'honoraires finale d'un montant de 644 fr. 40.
Interpelé par Me G._, curateur d'P._, Me F._ a écrit le 23 février 2015 qu'il ne comprenait pas les raisons pour lesquelles il devrait faire valoir ses honoraires auprès de M._. Il a précisé qu'P._ l'avait consulté et rencontré le 26 janvier 2015 car elle souhaitait contester la résiliation de son contrat de bail, qu'un dossier avait été ouvert et qu'elle avait ensuite décidé d'accepter la résiliation.
b)
Par courrier du 2 mars 2015, Me G._ a requis M._, au vu de la résiliation du bail d'P._, de libérer l'appartement qu'il occupait rue [...], à Lausanne, dans les meilleurs délais, mais au plus tard le 30 avril 2015.
Le 23 mars 2015, Me F._ a adressé à Me G._ un courrier concernant "Monsieur M._ – contrat de sous-location, appartement sis rue [...], à Lausanne". Il a fait valoir que son client contestait devoir quitter l'appartement pour le 30 avril 2015, car on l'avait autorisé à y rester jusqu'au 30 juin 2015.
Par lettre du lendemain, Me G._ a contesté l'existence d'un contrat de sous-location entre P._ et M._.
Par courrier adressé le 24 avril 2015 à Me G._, Me F._, pour son client M._, a fait valoir qu'un contrat de sous-location avait été conclu et qu'il existait tant qu'aucune résiliation valable ne lui avait été notifiée.
Le 28 avril 2015, Me G._ a fait notifier à M._ une résiliation de bail pour le 30 juin 2015.
Le 28 mai 2015, Me F._, agissant pour M._, a adressé à la Commission de conciliation en matière de baux à loyer du district de Lausanne une requête de conciliation contre P._. Il a conclu à l'inefficacité de la résiliation, à la prolongation du contrat de sous-location, subsidairement au paiement d'une indemnité de 48'000 francs.
Par lettre du 11 juin 2015, Me G._ a requis Me F._ de se dessaisir du mandat de M._ consistant à attaquer en justice sa précédente cliente P._.
3.
Par courrier du 15 juin 2015, F._ a sollicité la Chambre des avocats de bien vouloir se déterminer sur l'existence d'un éventuel conflit d'intérêt qu'il aurait à défendre son client M._ dans la procédure dirigée contre P._, défendue par son curateur G._.
Me G._ s'est déterminé par écriture du 16 juin 2015 et a déclaré dénoncer Me F._ à la Chambre des avocats.
Par courrier du 17 juin 2015, Me F._ a informé la Chambre des avocats qu'il maintenait sa position selon laquelle il n'existait aucun conflit d'intérêt dans la mesure où P._ n'était plus cliente de son étude, mais qu'il se dessaisissait néanmoins du mandat confié par M._.
Par décision du 6 juillet 2015, le Président de la Chambre des avocats a ouvert une enquête disciplinaire contre F._. Le même jour, il a confié l'instruction préliminaire de l'art. 54 al. 1
er
LPAv (loi vaudoise du 24 septembre 2002 sur la profession d'avocat; RSV 177.11) à Me Christine Marti.
Une séance de conciliation s’est tenue le 31 août 2015 devant le membre instructeur, en présence de Mes F._ et G._. Il ressort notamment ce qui suit de cette séance :
"Me F._ explique qu'il a été consulté, dans un premier temps, par Monsieur M._ et Madame P._. La première consultation par les deux a eu lieu en janvier 2015, apparemment pour discuter d'un placement à des fins d'assistance.
Me F._ a toujours considéré qu'il était consulté par les deux parties.
Interpellé sur la question de savoir pourquoi il s'était permis, alors qu'il s'estimait être consulté à la fois par Madame P._ et par Monsieur M._, d'ouvrir action contre Madame P._ au nom de Monsieur M._, il donne des explications confuses et peu convaincantes: il ne s'occupait pas personnellement du dossier, sa stagiaire a préparé les écritures et il les a signées sans se rendre compte de la problématique du conflit d'intérêt.
Me F._ précise qu'il a résilié le mandat immédiatement après avoir pris conscience du conflit d'intérêt. Il explique à plusieurs reprises qu'il n'avait pas une bonne maîtrise du dossier car il ne s'occupe pas personnellement des dossiers de «cas sociaux»."
A l'issue de la séance, Me G._ a expliqué qu'il était satisfait du désistement de Me F._ et qu'il ne se considérait plus comme dénonciateur.
Par décision du 27 août 2015, le Président de la Chambre a renvoyé Me F._ devant la Chambre des avocats en application de l'art. 54 al. 2 LPAv pour violation éventuelle de l'art. 12 lit. c LLCA.
Me F._ a été entendu par la Chambre des avocats le 29 octobre 2015. A cette occasion, Me F._ a produit le time-sheet de ses opérations effectuées pour P._ du 26 janvier au 20 février 2015 et pour M._ du 27 avril au 26 juin 2015.
Il a en outre déposé des déterminations le 16 novembre 2015. | En droit :
1.
La procédure de surveillance des avocats relève de la LLCA et de la LPAv. La LLCA fixe les principes applicables à l'exercice de la profession d'avocat en Suisse (art. 1 LLCA) et, en particulier, les règles professionnelles auxquelles l'avocat est soumis (art. 12 LLCA). Chaque canton désigne une autorité chargée de la surveillance des avocats qui pratiquent la représentation en justice sur son territoire (art. 14 LLCA). Dans le canton de Vaud, c'est la Chambre des avocats qui est l'autorité compétente (art. 9 al. 1 LPAv). Elle se saisit d'office, sur plainte ou sur dénonciation, de toute question concernant l'activité professionnelle d'un avocat (art. 10 al. 1 LPAv).
2.
2.1
Parmi les règles professionnelles que doit respecter l'avocat, l'art. 12 LLCA prévoit que celui-ci doit exercer son activité professionnelle avec soin et diligence (let. a), en toute indépendance, en son nom personnel et sous sa propre responsabilité (let. b) et éviter tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé (let. c).
La clause générale de l'art. 12 let. a LLCA dispose que l'avocat "exerce sa profession avec soin et diligence". Elle permet d'exiger de l'avocat qu'il se comporte correctement dans l'exercice de sa profession afin de préserver la confiance du public (FF 1999 p. 5331, spéc. p. 5368). Il doit, de manière toute générale, assurer et maintenir la dignité de la profession, en s’abstenant notamment de tout ce qui pourrait porter atteinte à la considération et à la confiance dont il doit jouir pour remplir sa mission (TF 2A.151/2003 du 31 juillet 2003; ATF 108 Ia 316 c. 2b/bb, JT 1984 I 183 ; ATF 106 Ia 100 c. 6b, JT 1982 I 579). Selon la jurisprudence, l’avocat doit observer certaines règles non seulement dans ses rapports avec ses clients, mais aussi à l’égard des autorités, de ses confrères et du public en général (ATF 130 II 270 c. 3.2; TF 2C_177/2007 du 19 octobre 2007 c. 5.1; TF 2A.191/2003 du 22 janvier 2004, confirmé in TF 2A.448/2003 du 3 août 2004), voire avec la partie adverse (TF 2A.191/2003 précité; Bohnet/Martenet, Droit de la profession d’avocat, Berne 2009, n. 1161 p. 500).
L'interdiction de plaider en cas de conflit d'intérêt est une règle cardinale de la profession d'avocat, qui découle de l'obligation d'indépendance ainsi que du devoir de diligence de avocat (TF 2C_889/2008 du 21 juillet 2009 précité, c. 3.1.3; Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1395 p. 576). Elle vise à garantir la bonne marche du procès, notamment en s'assurant qu'aucun avocat ne soit restreint dans sa capacité de défendre une partie, respectivement en évitant qu'il puisse utiliser les connaissances d'une partie adverse, acquises lors d'un mandat antérieur, au détriment de celle-ci (ATF 138 II 162 c. 2.5.2). Elle contribue ainsi également au respect par l'avocat de son secret professionnel (Grodecki/Jeandin, Approche critique de l'interdiction de postuler chez l'avocat aux prises avec un conflit d'intérêt, in SJ 2015 II 107, p. 110).
Il y a conflit d'intérêts chaque fois que quelqu'un se charge de représenter ou de défendre les intérêts d'autrui et est amené à ce titre à prendre des décisions qui sont susceptibles d'entrer en conflit avec ses intérêts propres ou avec ceux de tiers dont il assume également la représentation ou la défense (Le Fort, Les conflits d'intérêts, in Défis de l'avocat au XXIe siècle, Mélanges en l'honneur de Madame le Bâtonnier Dominiquer Burger, Genève 2008 p. 180, cité in Grodecki/Jeandin, op. cit., p. 111). Le code suisse de déontologie aborde le conflit d'intérêt en relation avec des mandats simultanés dans la même affaire ou à raison de mandats antérieurs, l'avocat ne devant accepter un nouveau mandat si le secret des informations données par un ancien client risque d'être violé ou lorsque la connaissance des affaires d'un précédent client pourrait porter préjudice à ce dernier (art. 12 et 13 CSD). Un conflit d'intérêts peut ainsi survenir dans trois situations: la double représentation simultanée, les mandats opposés qui se succèdent dans le temps et les intérêts propres de l'avocat (Chappuis, La profession d'avocat, Tome I, 2013, pp. 88-89; Grobecki/Jeandin, op. cit., pp. 113-115).
L'acceptation d'un mandat contre un ancien client pose une double problématique: le devoir de fidélité et le secret professionnel. Avant d'accepter un mandat contre un ancien client, l'avocat devra ainsi apprécier différents critères, tels que la nature, l'importance et la durée de l'ancien mandat, les connaissances acquises par l'avocat sur son ancien client, le temps qui s'est écoulé entre les deux causes ainsi que l'existence d'un lien de connexité entre celles-ci. Plus le nouveau mandat se situe dans un laps de temps relativement proche du précédent et s'inscrit dans un complexe de faits identiques, et plus le client pourra considérer que la constitution de son ancien avocat à son encontre revêt un caractère choquant et qu'il en résulte une situation de conflit d'intérêts. Une prudence particulière s'impose dès lors à l'avocat: il en va de sa crédibilité, de sa fonction et de son rôle vis-à-vis des clients, du public et du pouvoir judiciaire (Valticos, Commentaire Romand de la LLCA, nn. 174-176 ad art. 12 LLCA).
2.2
En l'espèce, Me F._ a été consulté en janvier 2015 par P._ afin d'examiner la possibilité de contester la résiliation de son bail à loyer. Celle-ci a finalement admis la résiliation et emménagé le 17 février 2015 dans un EMS. Le mandat de Me F._ a dès lors pris fin et une note d'honoraires finale a été adressée au curateur de la cliente le 20 février suivant. Le 23 mars 2015, Me F._ a écrit à Me G._ au nom et pour le compte de M._, en soutenant qu'il habitait dans l'appartement d'P._ en vertu d'un contrat de sous-location. Pour son client M._, il a adressé à la Commission de conciliation en matière de baux à loyer une requête dirigée contre P._, représentée par son curateur, afin de contester la résiliation de bail notifiée à son client.
En acceptant de défendre M._ contre son ancienne cliente P._, près d'un mois après la résiliation du mandat et dans le même complexe de faits que celui pour lequel il a été consulté par cette dernière, il est évident que Me F._ s'est mis dans une situation de conflit d'intérêts. L'existence de ce conflit était éminemment reconnaissable et devait amener Me F._ à refuser d'entrée de cause le mandat d'avocat de M._, sans attendre l'éventuelle demande ou réaction de Me G._.
Me F._ fait valoir dans ses déterminations du 16 novembre 2015 que l'existence d'un conflit d'intérêts ne lui est pas apparue dans un premier temps en raison "du caractère très particulier de cette affaire". Il explique qu'il a été consulté en janvier 2015 par P._ et par M._ afin d'obtenir une prolongation du contrat de bail, que des discussions en ce sens avec Me G._ ont échoué et qu'P._ souhaitait que M._ puisse rester dans son appartement au-delà du 30 juin 2015. Il convient d'abord de relever qu'il paraît douteux que Me F._ ait été consulté par P._ et M._. Dans sa lettre du 23 février 2015 à Me G._, Me F._ a d'ailleurs contesté devoir faire valoir ses honoraires auprès de M._. Dans sa requête du 15 juin 2015 à la Chambre des avocats, il a en outre expliqué qu'il avait été consulté en janvier par P._. Quoi qu'il en soit, même si les explications de Me F._ sur ce point sont peu convaincantes, le fait qu'il ait été consulté par P._ seule ou par P._ et M._ ne change rien au fait qu'il a en définitive accepté d'agir contre son ancienne cliente, à raison du même complexe de faits que celui pour lequel celle-ci l'avait consulté. Partant, Me F._ a clairement violé son obligation professionnelle d'éviter tout conflit d'intérêts.
4.
4.1
L'art. 17 LLCA permet de prononcer, en cas de violation de la loi, l'avertissement, le blâme, une amende de 20'000 fr. au plus, l'interdiction de pratiquer pour une durée maximale de deux ans ou l'interdiction définitive de pratiquer.
Le droit disciplinaire a principalement pour but de maintenir l’ordre dans la profession, d’en assurer le fonctionnement correct, d’en sauvegarder le bon renom et la confiance des citoyens envers cette profession, ainsi que de protéger le public contre ceux de ses représentants qui pourraient manquer des qualités nécessaires. Les mesures disciplinaires ne visent pas, au premier plan, à punir le destinataire, mais à l’amener à adopter à l’avenir un comportement conforme aux exigences de la profession et à rétablir le fonctionnement correct de celle-ci (TF 2C_448/2014 du 5 novembre 2014, c. 4.2).
Le droit disciplinaire est soumis au principe de proportionnalité (ATF 108 Ia 230, JT 1984 I 21 ; Bohnet/Martenet, op. cit., n. 2178 p. 888 et les références citées; Montani/Barde, La jurisprudence du Tribunal administratif relative au droit disciplinaire, in RDAF 1996 p. 345, spéc. p. 347, pp. 363 ss ; Grisel, Traité de droit administratif, vol. I, p. 354 ; Muller, Le principe de la proportionnalité, in RDS 1978 II 197, spéc. p. 229) et à celui de l’opportunité (Montani/Barde, ibid.). La mesure prononcée doit tenir compte, de manière appropriée, de la nature et de la gravité de la violation des règles professionnelles. Elle doit se limiter à ce qui est nécessaire pour garantir la protection des justiciables et empêcher les atteintes au bon fonctionnement de l'administration de la justice. Il y a lieu de déterminer le but que la sanction disciplinaire doit atteindre dans le cas particulier et de choisir la mesure qui est apte, nécessaire et proportionnée à cette fin (Bohnet/Martenet, op. cit., nn. 2183-2184 p. 890). L'autorité de surveillance dispose d'une certaine marge d'appréciation (Kann-Vorschrift): elle n'est pas tenue d'ouvrir la procédure, de la continuer et, le cas échéant, de sanctionner les manquements constatés. Elle doit se laisser guider par les intérêts de la profession ainsi que par les exigences de la protection du public et jouit dès lors d'une grande liberté d'appréciation. Mais elle est tenue de respecter l'égalité de traitement, l'interdiction de l'arbitraire, ainsi que le principe de proportionnalité, et doit éviter tout excès ou abus du pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu (Bauer, op. cit., nn. 17-18 pp. 225-226).
4.2
En l'espèce, le comportement de Me F._ était propre à entraver la confiance que le public doit avoir dans la profession d’avocat. Il revêt une certaine gravité, dans la mesure où Me F._ n'a reconnu que tardivement ce que son comportement avait de contraire à ses obligations professionnelles.
En effet, Me F._ fait valoir que, suite au courrier de Me G._ du 11 juin 2015, il a spontanément soumis le cas à la Chambre des avocats. Dans sa requête du 15 juin suivant, Me F._ a toutefois fait valoir que de son point de vue, il n'existait aucun conflit d'intérêt "vu qu'actuellement, notre étude ne traite plus aucun mandat en faveur de Madame P._". A ce stade et malgré l'interpellation de Me G._, Me F._ niait encore l'existence d'un conflit d'intérêt au motif que les deux mandats n'étaient pas concomitants. L'argument démontre une méconnaissance de l'obligation légale et déontologique de l'avocat d'éviter tout conflit d'intérêt. Si la lettre paraît avoir été rédigée par l'avocate-stagiaire de Me F._ au vu du "rapport d'affaire" ou time-sheet produit par celui-ci, il n'en reste pas moins que Me F._ a signé ce courrier rédigé par sa stagiaire, destiné à l'autorité chargée de la surveillance des avocats. La teneur de ce courrier lui est dès lors imputable et il est inquiétant que Me F._, chargé de former sa stagiaire également sur les règles déontologiques de la profession, ait confirmé par sa signature les propos précités.
Me F._ relève également qu'après avoir pris connaissance de la dénonciation de Me G._ du 16 juin 2015, il a immédiatement mis fin à son mandat. Dans son courrier du 17 juin, Me F._ précisait toutefois à la Chambre qu'il maintenait sa position selon laquelle il n'existait aucun conflit d'intérêt, mais se dessaisissait du mandat "afin d'économiser des échanges d'écritures inutiles".
En définitive, ce n'est que lorsqu'il a été entendu par le membre instructeur que Me F._ paraît avoir saisi ce que son comportement avait de contraire à son obligation professionnelle d'éviter tout conflit d'intérêts. Le temps mis par Me F._ pour reconnaître sa faute est inquiétant. Les explications qu'il a données tant au membre instructeur qu'à la Chambre de céans lors de son audition le 29 octobre 2015 le sont également. En effet, Me F._ a déclaré au premier qu'il ne s'occupait pas personnellement des dossiers de "cas sociaux", puis exposé à la Chambre qu'il acceptait des dossiers dans des domaines de compétence qu'il ne maîtrisait pas afin de former ses stagiaires. La manière désinvolte de traiter tant ses clients que ses stagiaires, à qui il n'accorde ni le suivi ni les conseils nécessaires à la formation, est choquante. On relèvera encore, par surabondance, que Me F._ a facturé à son client M._ ses opérations devant la Chambre des avocats, dont il ressort du time-sheet qu'elles ont été effectués par l'avocate-stagiaire, ce qui est doublement inadmissible.
Au vu de ce qui précède, le comportement de Me F._ est inquiétant et grave. A cela s'ajoute qu'il a déjà été puni disciplinairement d'un avertissement en 2006 et d'un blâme en 2013. A sa décharge, la Chambre de céans retient toutefois que Me F._ lui a immédiatement soumis la question de sa capacité de postuler lorsque Me G._ a soulevé le problème. Après hésitation, elle décide dès lors de ne prononcer à son encontre qu'un avertissement pour sanctionner son comportement.
5.
Les frais de la cause, comprenant un émolument ainsi que les frais d'enquête, par 176 fr., sont arrêtés à 700 francs. Ils sont mis à la charge de l’avocat F._ (art. 61 al. 1
er
LPAv). | Public | Public Administration | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_005 | VD | Région lémanique |
78e122ae-13f0-4e40-9d5f-49395c54c6ad | En fait :
A.
Par jugement du 25 juin 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte a constaté que X._ s’était rendu coupable d’abus de confiance, d’escroquerie, de gestion déloyale et de gestion fautive (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 42 (quarante-deux) mois (II), a dit que X._ devait immédiat paiement de la somme de 81'310 fr. 60 (huitante et un mille trois cent dix francs et soixante centimes) à la Banque F._, aux V._, à la Caisse de pension de l’Etat de Vaud, à la Caisse de pensions B._ et à la Caisse de retraite de C._ à titre de participation aux frais de procédure (III), a dit que X._ devait immédiat paiement de la somme de
18'503 fr. 45 (dix huit mille cinq cent trois francs et quarante cinq centimes) à l’[...] (I._) à titre de participation à ses frais de procédure (IV), a ordonné le maintien au dossier du disque optique compact (CD ROM) et d’une disquette informatique répertoriés sous fiche de pièce à conviction n°2065 (V) et a mis les frais de la procédure par 100'613 fr. 65 (cent mille six cent treize mille francs et soixante cinq centimes) à la charge de X._ (VI).
B.
Par annonce d'appel du 26 juin 2014, puis déclaration d'appel motivée du 22 juillet 2014, X._ s'est opposé à ce jugement. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, à son annulation et au renvoi de la cause au tribunal de première instance pour qu’il soit procédé à de nouveaux débats et pour qu’un nouveau jugement soit rendu. Subsidiairement, il a conclu à la réforme dudit jugement, soit à sa libération des fins de la poursuite pénale, au rejet des demandes d’indemnité présentées par la Banque F._, les Z._, la Caisse de pension de l’Etat de Vaud, la Caisse de pensions B._ et la Caisse de retraite de C._, et à ce que les frais soient laissés à la charge de l’Etat, une indemnité fixée à dire de justice lui étant en outre accordée pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure.
Il a en outre requis, à titre de mesures d’instruction, l'audition de huit témoins.
Par courrier du 7 janvier 2015, le Président de la Cour d'appel pénale a rejeté les réquisitions de preuve de l'appelant considérant que celles-ci ne répondaient pas aux conditions de l’art. 389 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0) et qu’elles n’apparaissaient au surplus pas pertinentes.
Un premier jugement par défaut était intervenu le 7 novembre 2008, X._ en ayant obtenu le relief par décision du 6 octobre 2011 de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal.
Au surplus, après le rejet par le tribunal de première instance des réquisitions du prévenu tendant à la reprise d’une expertise financière, à la production de nombreuses pièces et à l’audition de divers témoins, X._ a demandé la récusation du tribunal en corps. La Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté la demande de récusation. L’affaire a été portée devant le Tribunal fédéral qui a également rejeté le recours de X._.
C.
A l’audience d’appel du 16 février 2015, toutes les parties ont été dispensées et représentées par leur conseil, respectivement défenseur. A cette occasion, le défenseur de X._ a renouvelé les réquisitions de preuves faites à l’appui de sa déclaration d’appel et tendant à l’audition de huit témoins. La Cour d’appel pénale, procédant à une appréciation anticipée des preuves, a rejeté les requêtes incidentes de l’appelant, exposant que les conditions strictes liées à la répétition de l’administration de preuves n’étaient pas remplies et que la motivation interviendrait dans le jugement d’appel (cf. c. 2 ci-dessous).
D.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
X._ est né le [...] 1947 à Rotterdam, aux Pays-Bas. Aux termes de sa scolarité obligatoire effectuée dans son pays d’origine, il s’est établi à Hong Kong durant six ans pour s’occuper d’exportation de textiles. Il est ensuite retourné en Hollande où il a poursuivi pendant vingt ans cette activité pour son propre compte. Entre 1992 et 1999, il a également développé un groupe familial d’entreprises avec des activités dans différents domaines tels que les immobilisations, le développement, l’aviation et la production. Pour ce faire, il a énormément voyagé entre les Pays-Bas, le Canada et les Etats-Unis. En 1999, il a démarré une activité en Suisse en acquérant le capital-actions de la G. (nom complet)_ dont le siège est à [...]. Il est devenu président du conseil d’administration de cette société laquelle consistait notamment dans l’exploitation d’un complexe gériatrique de luxe. Cumulant les déplacements professionnels à l’étranger, il vivait alors entre la Hollande, le Canada et la Suisse. A cette période, il a également acquis des biens immobiliers dans la région montreusienne afin, selon ses dires, de venir s’y installer avec sa famille. En 2002, il a fondé les entreprises « [...] » et « [...] », respectivement déclarées en faillite en juillet et septembre 2002. En automne 2003, il a quitté la Suisse pour retourner vivre en Hollande. En mai 2004, il a toutefois acquis par le biais de l’une de ses sociétés hollandaises la totalité du capital-actions de P._. Cette société a été déclarée en faillite le 31 janvier 2006. Marié à [...], il est père de trois enfants aujourd’hui majeurs. Il vit toujours en Hollande auprès de sa famille passant du temps auprès de ses petits enfants. Ses revenus actuels ne sont pas connus. Depuis 2007, il souffre de troubles d’anxiété et du sommeil avec des apnées nocturnes, ainsi que d’un état dépressif. En raison de ces troubles, il a d’ailleurs été dispensé de comparution personnelle tant à l’audience de première instance qu’à l’audience d’appel.
Son casier judiciaire suisse est vierge de toute inscription.
2.
Préambule
Par contrat de bail du 15 décembre 1987, la société M._ SA, bailleresse, a remis en location à la société [...], locataire, un complexe d'habitations sis sur la parcelle n° [...] du Registre foncier de la commune de [...] et composé de 183 appartements, ainsi que de locaux communautaires, l'ensemble étant destiné à l'exploitation d'un établissement médico-social de haut standing à l'enseigne de "Q._".
En date du 17 mars 1992, la société [...] a modifié sa raison sociale en G. (nom complet)_ (ci-après : G._), dont le siège est à Lonay.
Par un nouveau contrat de bail à loyer conclu le 25 mai 1992, la société M._ SA a cédé à la G._ l'usage du complexe immobilier de "Q._". Ce nouveau bail était prévu pour durer du 1
er
janvier 1992 au 31 décembre 2012 ; le loyer mensuel, payable d'avance, a été fixé à 60'000 fr. au minimum.
A partir de 1991, la société M._ SA a été en proie à d'importantes difficultés financières. Dans ce contexte, le 5 octobre 2001, la parcelle susmentionnée n° [...] a été vendue aux enchères forcées et adjugée à la Banque F._, aux V._, à la [...], à la Caisse de pensions B._ et à la Caisse de retraite de C._, qui étaient créancières hypothécaires de la M._ SA. La faillite de la M._ SA a été prononcée le 23 octobre 2001.
En décembre 1999, X._ a acquis le capital-actions de la G._ et est devenu président du conseil d'administration de cette société qui exerçait les activités suivantes :
·
administration et gestion d'entreprises hôtelières ou semi-hôtelières ;
·
exploitation du domaine de Q._.
Le 18 décembre 1999, la M._ SA, dont X._ était devenu administrateur, et la G._ ont conclu un accord prévoyant en substance le paiement par la seconde, en compensation des loyers découlant du contrat de bail du 25 mai 1992, de frais (entretien de l'immeuble "Q._", primes d'assurance, impôts et taxes, frais légaux en relation avec différentes procédures, frais administratifs et honoraires fiduciaires) dus par la première. Il sied de souligner ici que cette convention a été signée par X._ uniquement, une première fois pour le compte de la M._ SA, une seconde fois pour celui de la G._ et enfin, une troisième fois en tant qu'observateur pour le compte de la société A._
Dans ce contexte, la G._ n'a plus payé ses loyers à la M._ SA à compter du 1
er
décembre 1999, situation qui a abouti à la résiliation du bail liant ces sociétés pour le 31 août 2000. Malgré l'absence de bail à loyer au-delà de cette date, X._ a continué à exploiter l'établissement médico-social de "Q._" comme si la G._ était toujours locataire de ce complexe d'habitation.
3.
A. G. (nom complet)_ (gestion déloyale)
A partir du mois de décembre 1999, X._ a porté une atteinte consciente et volontaire au patrimoine de la G._ en considérant de manière unilatérale et abusive que cette société lui appartenait et qu'il pouvait disposer des biens de celle-ci à sa guise alors qu'il lui incombait, en sa qualité de président du conseil d'administration, de veiller à gérer fidèlement les affaires de cette entreprise.
Dans ce contexte de déloyauté, X._ s'est livré à un pillage systématique du patrimoine de la G._ ; l'intéressé a directement profité de ses détournements de fonds dont il a aussi fait bénéficier des membres de sa famille. X._ a par ailleurs régulièrement mélangé ses fonds privés et ceux de la G._ sur ses deux comptes bancaires ouverts auprès du J._ (comptes n° [...]-90 et [...]-91).
Sur ce point, il sied de préciser que la comptabilité de la G._ comportait notamment une douzaine de comptes sur lesquels étaient enregistrées des opérations financières effectuées au profit de X._, de sa famille et/ou de sociétés apparentées, à savoir :
Compte [...] : A._ bilan d'entrée 1999
Compte [...] : Investment dépôt
Compte [...] : Actionnaires compte courant
Compte [...] : O._ (ex-[...])
Compte [...] : O._
Compte [...] : Immeuble Lisbonne
Compte [...] : Cédules hypothécaires
Compte [...] : A._ (ex-prêt KB)
Compte [...] : Prêt [...]
Compte [...] : Avance à l'actionnaire
Compte [...] : Prêt à l'actionnaire
Compte [...] : Immobilisations incorporelles (Sempach)
Lors du bouclement de l'exercice 2001, les soldes débiteurs de ces comptes ont été virés sur le compte [...] "O._" de la G._. Au 31 décembre 2001, ce compte affichait un solde débiteur de 8'415'646 fr. 25 (P. 7/12, extrait de compte 2001, page 1).
Les bilans révisés de la G._ récapitulent comme suit les prêts accordés à des actionnaires :
31.12.1998 : 500'000 fr.
31.12.1999 : 2'489'000 fr.
31.12.2000 : 5'563'281 fr. 80
31.12.2001 : 8'760'646 fr. 25
En 2002, le compte [...] "O._" de la G._ a encore évolué défavorablement puisqu’au 31 décembre 2002, il présentait un solde débiteur de 12'623'881 fr. 10 (P. 7/12, extrait de compte 2002, page 9).
Les prêts les plus importants accordés à des actionnaires de la G._ peuvent être récapitulés comme suit :
- 1'274'000 fr. : achat d’un bien immobilier à Lisbonne (cf. let. B/4 ci-dessous)
- 3'932'540 fr. : approvisionnement des comptes bancaires J._ n° [...]-90 et [...]-91 de X._ (Let. A/1 ci-dessous) ;
- 811'473 fr. 25 : transferts de fonds opérés en faveur de comptes en banque détenus par X._ au Canada ;
- 1'980'188 fr. 90 : virements effectués en faveur de bénéficiaires établis aux Pays-Bas ;
- 60'525 fr. 30 : transferts de fonds opérés en faveur de comptes en banque détenus par X._ aux Etats-Unis ;
- 1'118'565 fr. 00 : prélèvements effectués par X._ sur le compte J._ n° [...]-81 de la G._ (Let. A/2 ci-dessous) ;
- 131'124 fr. 00 : virements en faveur des comptes bancaires J._ n° [...]-50 et [...] n° [...]-0 de S._ (Let. A/4 ci-dessous) ;
- 1'426'626 fr. 35 : financement d’acquisitions immobilières à des fins privées (Let. B/2 ci-dessous) ;
- 275'311 fr. : transferts de fonds opérés au profit de la société L._ SA (Let. A/3 ci-dessous) ;
- 232'684 fr. 90 : frais de déplacement en avion (Let. B/6 ci-dessous)
- 383'106 fr. 30 : frais liés à l’acquisition et à l’utilisation de véhicules automobiles ;
- 227'695 fr. 50 : frais d’hôtel (Let. B/7 ci-dessous) ;
Total
:
11'853'840 fr. 50
Faute d’indices suffisants, ces opérations financières ne revêtent toutefois pas toutes un caractère pénal.
De janvier 2000 à la fin de l'année 2002, X._ a détourné plusieurs millions de francs suisses au préjudice de la G._ pour réaliser des opérations financières privées sans rapport avec le but de cette société.
Les détournements les plus importants et les plus caractérisés peuvent se résumer comme suit :
A.1 Approvisionnement des comptes bancaires J._ n° [...]-90 et [...]-91 de X._
Entre le 19 janvier 2000 et le 5 novembre 2002, X._ a puisé une somme de 3'932'540 fr. dans les comptes de la G._ pour approvisionner ses propres comptes bancaires J._ n° [...]-90 et [...]-91 (P. 95/9) qui ont servi de plaques tournantes pour exécuter les opérations financières abusives suivantes :
A.1.1
P._ SA
X._ a utilisé une partie des fonds avec lesquels il a abusivement alimenté ses comptes bancaires J._ n° [...]-90 et [...]-91 pour créditer une somme totale de 1'513'000 fr.
(P. 95, page 8, P. 95/10) sur le compte J._ n° [...]-1 de la société fribourgeoise P._ SA dont il était devenu président du conseil d'administration en juillet 1999. La documentation produite par le J._ désigne X._ comme ayant droit économique des valeurs patrimoniales déposées sur le compte J._ n° [...]-1 de P._ SA (P. 163 ; Pièces bancaires J._/ compte n° [...]-1 de P._ SA).
L'intéressé a mis cette somme de 1'513'000 fr. en circulation dans cette société.
A.1.2
Financement d'acquisitions immobilières
Entre le mois d'octobre 2000 et le printemps 2003, X._ a utilisé une somme totale d'environ 483'424 fr. 35 (117'351 fr. 65 + 212'670 fr. + 53'402 fr. 70 + 100'000 fr.), qu'il a transférée indûment sur ses comptes bancaires J._ n° [...]90 et [...]-91, pour financer les acquisitions immobilières suivantes (Let. B/2 ci-dessous) :
- 117'351 fr. 65 : appartement de sept pièces (feuillet n° [...]) et deux places de parc (feuillets n° [...] et [...]) sis dans un immeuble aménagé en propriété par étages (PPE) à l'avenue [...] à Montreux (PPE "[...]");
- 212'670 fr. : appartement de six pièces et demie (feuillet n° [...]) et une place de parc (feuillet n° [...]) sis dans un immeuble aménagé en propriété par étages (PPE) à l'avenue [...] à Montreux (PPE "[...]") ;
- 53'402 fr. 70 : villa (feuillet n° [...]) sise au chemin de [...] à Blonay ;
- 100'000 fr. : prêt de 365'000 fr. consenti à K._ et destiné à financer l'achat d'une villa (feuillet n° [...]) sise à la route de [...] à Montreux. Cette maison a été rachetée par X._ le 7 février 2003.
Ces investissements immobiliers revêtent un caractère exclusivement privé et sont incompatibles avec le but social de la G._ (P. 6/6 - extrait RC de la G._ : administration et gestion d'entreprises hôtelières ou semi-hôtelières, exploitation du domaine de "Q._").
A.1.3 Cartes de crédit
X._ a aussi utilisé une partie des fonds de la G._ qu'il a fait transférer sur ses deux comptes J._ n° [...]-90 et [...]-91 pour couvrir des dépenses privées totalisant 163'411 fr. 45 et effectuées entre le 3 mars et la fin du mois de juin 2000 au moyen de deux cartes de crédit Eurocard Gold dont lui et sa femme étaient titulaires (PV aud. 7, rép. 8 ; P. 95, pages 4 et 5, P. 95/4, P. 95/6).
X._ a par ailleurs profité de fonds de la G._ (1'006'251 fr. 20) qu'il a fait virer de ses deux comptes J._ n° [...]-90 et [...]-91 sur le compte J._ n° [...]-1 de P._ SA pour faire face à des dépenses effectuées au moyen de deux cartes de crédit Eurocard Or dont cette société était titulaire. On peut estimer que les achats de biens et de services que X._ a faits à titre privé en utilisant ces cartes de crédit se montent à environ 530'000 fr. dont approximativement 176'000 fr. (un tiers de 530'000 fr.) ont été abusivement financés par la G._ (P. 95, pages 4 et 5, P. 95/7).
A.2
Compte J._ n° [...]-81 de la G._
Dans le courant de l'année 2002, X._ a prélevé abusivement un montant total de 1'118'565 fr. sur le compte J._ n° [...]-81 de la G._. Il a dépensé cet argent pour des besoins privés (P. 95, page 7). Une partie de cette somme, soit 39'915 fr. (5'000 fr., 16'115 fr. et 18'800 fr.) a probablement été utilisée pour alimenter le compte en banque J._
n° [...]-81 de L._ SA (Let. A/3.3 ci-dessous).
A.3
Montants versés en faveur de la société L._ SA (275'311 fr.)
A.3.1
Le 15 mars 2002, X._ a puisé dans les comptes de la G._ pour virer au notaire W._ une somme de 100'000 fr. destinée à libérer la moitié du capital-actions de L._ SA (P. 6/10). Cette entreprise, dominée par S._ (président du conseil d'administration), a été constituée en mars 2002 (but social de L._ SA selon extrait RC : conseils, gestion, marketing et autres services, en particulier dans le domaine fiscal et financier). Le compte en banque J._ n° [...]-81 de L._ SA a été alimenté le 22 mars 2002 par un montant de 99'800 fr. résultant dudit transfert de 100'000 fr. (P. 6/10, P. 201, page 2, P. 201/2 et P. 201/3).
A.3.2
En 2002, X._ a transféré en quatre fois une somme totale de 84'326 fr. des comptes de la G._ au compte bancaire J._ n° [...]-81 de la société L._ SA. Ces opérations ont été exécutées comme suit :
30.05.2002 : 12'000 fr.
25.07.2002 : 28'170 fr.
05.11.2002 : 24'356 fr.
15.11.2002 : 19'800 fr.
Afin de donner une apparence de vérité à ces transferts abusifs, X._ et S._ ont fait établir par le personnel de L._ SA quatre factures de complaisance de 21'081 fr. 50 chacune et faussement datées des 1
er
avril 2002, 1
er
juillet 2002, 1
er
octobre 2002 et 1
er
janvier 2003 ; ces factures antidatées ont été confectionnées en date du 6 février 2003
(PV aud. 8, rép. 7 et 8, PV aud. 9, rép. 3, PV aud. 10, rép. 3 à 6 ; P. 83, P. 95, page 9 et P. 194 : pièce à conviction n° 2065 / disquette de sauvegarde).
A.3.3
D'avril à octobre 2002, X._ a détourné un montant de 90'985 fr. au préjudice de la G._ pour approvisionner abusivement le compte bancaire J._ n° [...]-81 de L._ SA. Cette somme se décompose comme suit (P. 95/17) :
17.04.2002 : 22'990 fr.
30.05.2002 : 28'000 fr.
07.06.2002 : 5'000 fr.
23.09.2002 : 16'115 fr.
04.10.2002 : 18'880 fr.
S'agissant du crédit susmentionné de 22'990 fr. du 17 avril 2002, il sied de préciser que ce montant correspond à une partie du prix de reprise d'un véhicule de marque Mercedes financé par la G._ en juin 2000. A l'époque, le compte J._ n° [...]-81 de la G._ avait été débité de 179'570 fr. 80 pour payer cette voiture. Lors de la revente de cette auto en avril 2002, le montant de sa reprise (81'234 fr. 35) a été crédité sur le compte [...] n° [...]-0 de S._ le 16 avril 2002. Le lendemain, soit le 17 avril 2002, S._ a débité son compte UBS n° [...]-0 de 22'990 fr. et a viré cette somme sur le compte J._ n° [...]-81 de L._ SA.
Une partie de la somme totale de 90'985 fr., soit 39'915 fr. (5'000 fr., 16'115 fr. et 18'800 fr.) provient probablement de débits opérés sur le compte en banque J._ n° [...]-81 de la G._ (Let. A/2 ci-dessus), (P. 79/1 et P. 95, pages 7 et 8 ; Pièces bancaires J._/ compte n° [...]-81 de L._ SA; Pièces bancaires UBS / compte [...]-0 de S._).
A.4 Montants versés en faveur de S._
De 2000 à 2002, X._ a transféré indûment une somme globale de 131'124 fr. des comptes de la G._ aux comptes bancaires J._ n° [...]-50 et UBS n° [...]-0 de S._
(PV aud. 8, rép. 7 et 10 ; P. 95, pages 8 et 9).
A.5 Montant versé en faveur de P._ SA (Let. A/1.1 ci-dessus et let. B/1 ci-dessous)
En date du 16 mai 2000, X._ a abusivement prélevé une somme de 50'000 fr. sur le compte bancaire de la G._ pour approvisionner le compte J._ n° [...]-1 de P._ SA (P. 95/16).
A.6 Financement d'acquisitions immobilières
En plus de la somme totale de 483'424 fr. 35 qui a transité par ses comptes bancaires J._ n° [...]-90 et [...]-91 (Let. A/1 ci-dessus), X._ a encore détourné un montant global d'au moins 943'202 fr. (103'202 fr. + 530'000 fr.+ 45'000 fr. + 265'000 fr.) au préjudice de la G._ pour financer indûment les acquisitions immobilières récapitulées plus bas (Let. B/2 ci-dessous).
A.7. Récapitulatif des malversations imputées à X._
Let. A.1.1 : 1'513'000 fr.
Let. A.1.2 : 483'424 fr. 35
Let. A.1.3 : 163'411 fr. 45
Let. A.1.3 : 176'000 fr.
Let. A.2 : 1'118'565 fr.
Let. A.3 : 275'311 fr. (- 39'915 fr.)
Let. A.4 : 131'124 fr.
Let. A.5 : 50'000 fr.
Let. A.6 : 943'202 fr.
Total : 4'814'122 fr. 70
A.8
La Banque F._, les V._, la [...], la Caisse de pensions B._ et la Caisse de retraite de C._ ont dénoncé X._ et se sont constituées parties civiles par écriture du 26 février 2003 (P. 5 et 16/1).
Par écriture du 26 février 2013, ces institutions ont actualisé leur statut pour l’adapter aux exigences du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP ; RS 312.0) entré en vigueur le 1
er
janvier 2011 (P. 504) ; elles ont porté plainte pénale contre X._.
B. G. (nom complet)_ (infractions dans la faillite)
Comme cela a déjà été mentionné ci-dessus (Let. A), X._ a dès le début gravement négligé l'administration de la G._, en méconnaissant ses devoirs d'administrateur relatifs à une gestion diligente des affaires de cette société. Il a engagé des dépenses ruineuses et s'est lancé dans des investissements étrangers au but social de la G._. Il a par ailleurs poursuivi l'exploitation de la G._ sans procéder aux mesures d'assainissement financier qui s'imposaient, ainsi qu'à l'avis d'insolvabilité prescrit par l'article 725 CO (Code des obligations du 30 mars 1911 ; RS 220). X._ n'a par ailleurs pas soumis les comptes annuels 2000 et 2001 de la G._ à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires.
X._ a par ailleurs négligé de tenir efficacement la comptabilité de la G._. Il s'est ainsi fautivement privé d'un outil de gestion et d'un système d'information de l'entreprise indispensable. Il sied en effet de rappeler ici qu'un des rôles fondamentaux de la comptabilité est de fournir aux dirigeants d'une entreprise une partie importante des informations et des variables essentielles qui les renseignent sur le fonctionnement de celle-ci.
Dans son rapport de révision du 25 octobre 2002 relatif à l'exercice 2000 de la G._, la fiduciaire H._ AG a notamment relevé ceci (P. 27) :
« (...) Malgré notre demande, la société ne nous a pas remis de déclaration d'intégralité, ce qui est contraire à l'art. 728 al. 2 CO. Au cas où les créances et prêts envers l'actionnaire et/ou des personnes proches ne seraient pas honorés, des corrections de valeurs deviendraient nécessaires et pourraient conduire à une perte de capital, voire à un surendettement. Dans cette éventualité, nous attirons l'attention du conseil d'administration sur les dispositions de l'article 725 CO. Par ailleurs, nous constatons que, contrairement aux dispositions de l'article 699 alinéa 2 CO, le conseil d'administration n'a pas convoqué l'assemblée générale pour statuer sur les comptes annuels 2000 dans le délai légal de six mois. En outre, nous relevons que les créances et prêts susmentionnés envers l'actionnaire et/ou des personnes proches pourraient constituer une violation de l'article 680 alinéa 2 CO (interdiction de restitution du capital). (...) ».
Dans son rapport du 15 décembre 2002 concernant l'exercice 2001 de la G._, l'organe de révision (H._ AG) a mentionné ce qui suit (P. 28) :
« (...) Selon notre appréciation, la comptabilité et les comptes annuels ainsi que la proposition relative à l’emploi du bénéfice au bilan sont conformes à la loi suisse et aux statuts, avec les réserves suivantes :
·
Les diverses créances et prêts envers l’actionnaire et/ou des personnes proches représentent, au 31.12.2001, un montant total de
CHF 8'760'646. Les documents qui nous ont été présentés ne nous permettent pas de nous prononcer quant à l’identité du/ou des débiteurs et par conséquent de leur solvabilité. Dès lors, l’appréciation de ces rubriques n’est actuellement pas possible. Par ailleurs, nous vous rendons attentifs à l’importance de la dite rubrique qui représente plus du 65% du total du bilan (risque disproportionné).
·
Certaines créances contestées ont été compensées avec une dette envers la même société et, en cas de litige, le risque pour la société peut être estimé à environ CHF 1.5 million.
·
Le bilan a été établi sur la base des valeurs de continuation de l’exploitation. La société fait actuellement l’objet d’un litige qui pourrait remettre en question la continuation de l’exploitation. Par ailleurs, vu la précarité de la trésorerie, la société, en cas de non-remboursement des créances et prêts envers l’actionnaire sur simple demande de la société, pourrait être dans l’impossibilité de faire face à ses engagements. Dans l’éventualité d’une issue défavorable au litige susmentionné ou du non-remboursement de ces prêts, la continuation de l’entreprise pourrait s’avérer impossible et les comptes devraient être établis sur la base des valeurs de liquidation.
Du fait des réserves susmentionnées, nous recommandons de renvoyer au conseil d’administration les comptes annuels 2001 qui vous sont soumis.
Malgré notre demande, la société ne nous a pas remis de déclaration d'intégralité, ce qui est contraire à l'art. 728 al. 2 CO.
Au cas où les créances et prêts envers l'actionnaire et/ou des personnes proches ne seraient pas honorés, des corrections de valeurs deviendraient nécessaires et pourraient conduire à une perte de capital, voire à un surendettement. Dans cette éventualité, nous attirons l'attention du conseil d'administration sur les dispositions de l'article 725 CO.
Par ailleurs, nous constatons que, contrairement aux dispositions de l'article 699 alinéa 2 CO, le conseil d'administration n'a pas convoqué l'assemblée générale pour statuer sur les comptes annuels 2000 et 2001 dans le délai légal de six mois.
En outre, nous relevons que les créances et prêts susmentionnés envers l'actionnaire et/ou des personnes proches pourraient constituer une violation de l'article 680 alinéa 2 CO (interdiction de restitution du capital). (...) »
En date du 18 décembre 2002, la fiduciaire H._ AG a avisé le juge du cas de surendettement manifeste de la G._. Ce courrier est libellé comme suit (P. 25) :
« (...) Nous vous remettons en annexe notre rapport d’organe de révision relatif aux comptes annuels 2001 de la G. (nom complet)_, à [...] (désignée ci-après « G._ »).
Vous constaterez à sa lecture que nous émettons un certain nombre de réserves et remarques quant aux comptes de la société, raisons pour lesquelles nous proposons leur renvoi au conseil d’administration. Ces réserves et remarques se fondent notamment sur l’impossibilité de nous prononcer sur l’identité du/ou des débiteurs et, par conséquent, sur l’évaluation de la rubrique « prêts » figurant au bilan pour un montant total de CHF 8'760'646. Si ces prêts sont irrécouvrables, soit totalement soit en partie des corrections de valeur s’imposent au point de conduire, à notre avis, la G._ à une situation de surendettement. La société n’a par ailleurs pas considéré, dans ses comptes annuels 2001, un risque lié à la compensation de créances contestées. Ce risque peut être estimé à CHF 1,5 million.
En cas d’issue défavorable du litige et/ou de non-remboursement des prêts actionnaires, la société pourrait se trouver dans l’impossibilité de faire face à ses engagements. Nous avons à de nombreuses reprises vainement cherché à obtenir du conseil d’administration les informations et documents indispensables à l’exercice de notre fonction d’organe de révision, la dernière fois en date du 20 novembre 2002 avec un délai au 15 courant. Cette dernière démarche s’est avérée totalement infructueuse.
Une convocation de l’assemblée générale des actionnaires s’avérerait par ailleurs totalement inutile, le président du conseil d’administration étant le principal concerné.
Au vu des risques de surendettement, et afin de respecter notre obligation de substitution aux devoirs du conseil d’administration selon l’article 729b al. 2 CO, nous nous permettons de porter à votre connaissance la situation financière de la G._.
Par ailleurs compte tenu des circonstances, nous nous voyons contraints de démissionner. Nous communiquons par courrier de ce jour notre décision au conseil d’administration de la société, auquel copie de la présente est également envoyée. (...) ».
La faillite de la G._ a été prononcée le 3 mars 2003 (P. 95/18 et P. 95/21). Les fautes de gestion les plus caractérisées sont récapitulées ci-dessous :
B.1
P._ SA
(Let. A.1.1 et A.5 ci-dessus)
Au total, X._ a détourné une somme globale de 1'563'000 fr. (1'513'000 fr. + 50'000 fr.) de la G._ pour alimenter le compte en banque J._ n° [...]-1 de sa société P._ SA
(P. 95, page 8, P. 95/10 et P. 95/16).
B.2 Financement d'acquisitions immobilières pour un montant total de 1'426'626 fr. 35
X._ a détourné un montant global d'au moins 1'426'626 fr. 35 au préjudice de la G._ pour financer indûment les acquisitions immobilières suivantes :
B.2.1 Octobre 2000 : achat d'un appartement de sept pièces (feuillet n° [...] et de deux places de parc (feuillets n° [...] et [...]) sis dans un immeuble aménagé en propriété par étages (PPE) à l'avenue [...] à Montreux (PPE "[...]").
Après avoir éludé le régime d'autorisation fixé par la LFAIE (Loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger ; RS 211.412.41) en se servant de son fils S._ comme homme de paille, X._ est devenu économiquement propriétaire de cet appartement et de ces deux places de stationnement. Cette acquisition immobilière (prix d'achat : 1'375'000 fr.) a été financée de la manière suivante :
- En date du 8 mars 2000, le compte J._ n° [...]-91 de X._, ouvert le 7 mars 2000, a été alimenté par un virement de 300'000 fr. effectué par la G._ ;
- Le 10 mars 2000, X._ a débité 135'000 fr. sur son compte en banque J._ n° [...]-91 et a viré cette somme en faveur du notaire W._, afin de garantir l'achat de l'appartement et des deux places de parc sis dans l'immeuble PPE "[...]" (P. 51) ;
- Le 13 octobre 2000, jour de la signature de l'acte de vente, le notaire a rétrocédé cette garantie de 135'000 fr. en virant, conformément aux instructions données par X._, 120'000 fr. et 15'000 fr. sur des comptes bancaires dont ce dernier était bénéficiaire à Montréal, au Canada (P. 51) ;
- Le 30 octobre 2000, le prix de vente (1'375'000 fr.) a été payé (P. 102/1, page 7) ;
- Le 8 novembre 2000, une cédule hypothécaire au porteur de 1'350'000 fr. a été constituée et transférée à titre de sûreté au J._, établissement bancaire auprès duquel S._ a obtenu un crédit hypothécaire de
1'332'500 fr. (P. 23, P. 60/1.2, P. 60/1.3 et P. 60/1.4 ; Pièces bancaires J._/ compte n° [...]-8 de S._) ;
- Entre le 1
er
février 2001 et le 8 janvier 2003, des transferts de fonds totalisant 170'119 fr. 65 des comptes J._ n° [...]-90 et [...]2-91 au compte J._ n° [...]-8 de S._ ont permis à ce dernier de régler les intérêts et l'amortissement de son crédit hypothécaire (169'829 fr. 50). Il sied de préciser que, pour pouvoir alimenter le compte en banque de son fils S._, X._ a fait transférer une somme totale de 117'608 fr. 35 des comptes de la G._ sur ses propres comptes en banque. En résumé, il résulte de l'ensemble de ces transferts bancaires qu'une somme totale d'au moins 117'351 fr. 65 a été détournée de la G._ pour payer les dettes hypothécaires de S._ (P. 60, pages 1 et 2 et P. 60/1) ;
- Entre le 2 mai et le 15 octobre 2001, X._ a utilisé abusivement des fonds de la G._, soit 103'202 fr., pour payer des factures relatives à des travaux d'aménagement intérieur exécutés dans l'appartement en question (P. 7/8.23, P. 7/8.47, P. 7/8.48, P. 7/8.52 et P. 64).
Par acte de vente à terme du 6 août 2003, l'appartement de sept pièces (feuillet n° [...]) et les deux places de parc (feuillets n° [...] et [...]) sis dans l'immeuble PPE "[...]" ont été vendus pour la somme de 2'500'000 fr.
(P. 161/4).
B.2.2 Juin 2001 : Achat d'un appartement de six pièces et demie (feuillet n° [...]) et d'une place de parc (feuillet n° [...]) sis dans un immeuble aménagé en propriété par étages (PPE) à l'avenue de la [...] à Montreux (PPE "[...]").
X._ a à nouveau éludé le régime d'autorisation imposé par la LFAIE. Pour parvenir à ses fins, soit devenir économiquement propriétaire des immeubles susmentionnés, il s'est cette fois servi de son fils L._ comme homme de paille.
Cette acquisition immobilière (prix d'achat : 858'000 fr.) a été financée de la manière suivante :
- L._ a obtenu un crédit hypothécaire de 800'000 fr.auprès du J._ dont 720'000 fr. ont été utilisés lors de l'achat de l'appartement de six pièces et demie (feuillet n° [...]) et de la place de parc (feuillet n° [...]) sis dans l'immeuble PPE "[...]". Le 10 juillet 2002, une cédule hypothécaire au porteur en premier rang de 500'000 fr. et une cédule hypothécaire au porteur en deuxième rang de 300'000 fr. ont été constituées et transférées au J._ à titre de sûreté (P. 23, P. 60/2.2 et P. 60/2.3 ; Pièces bancaires J._ / compte n° [...] de L._) ;
- Entre le 18 juin 2001 et le 17 mai 2002, le compte J._ n° [...]-5 de L._ a été alimenté par des virements totalisant 233'081 fr. 70 effectués par X._. Cet argent a été utilisé comme apport de fonds propres et pour payer une somme globale de 28'951 fr. 70 correspondant aux intérêts et à l'amortissement du prêt hypothécaire obtenu par L._.
Pour pouvoir approvisionner le compte en banque de son fils L._, X._ a fait transférer sur ses comptes J._ n° [...]-90 et [...]-91 une somme totale de 212'800 fr. en débitant abusivement les comptes de la G._.
Il résulte de l'ensemble de ces transferts bancaires qu'un montant total d'au moins 212'670 fr. a été détourné de la G._ pour assurer le financement de cette acquisition immobilière (P. 60, pages 2 et 3, P. 60/2.1 ; Pièces bancaires J._/ compte n° [...]-5 de L._).
Par acte de vente du 1
er
juillet 2002, l'appartement de six pièces et demie (feuillet n° [...]) et la place de parc (feuillet n° [...]) sis dans l'immeuble PPE "[...]" ont été vendus à N._ pour la somme de 1'086'000 fr. (P. 161/2 et P. 161/3).
En date du 7 novembre 2002, X._ a prélevé 45'000 fr. dans les comptes de la G._ afin que son fils L._ puisse s'acquitter d'une dette (coût des finitions de l'appartement) envers les acheteurs N._ (PV aud. 6, page 3 ; P. 60, page 4).
B.2.3 Juillet 2002 : Achat de la villa de S._ sise au chemin de [...] à Blonay.
Pour réaliser cette opération immobilière (prix d’achat : 2'525'000 fr.), X._ et/ou S._ ont bénéficié d'un crédit hypothécaire de 1'650'000 fr. accordé par le J._. Deux cédules hypothécaires au porteur, de respectivement 1'000'000 fr. (1
er
rang) et
650'000 fr. (2
ème
rang) ont été transférées à cet établissement bancaire à titre de garantie (P. 60/3.2 ; Pièces bancaires J._/ compte n° [...]-2 de X._ et/ou S._).
Pour financer cette acquisition immobilière, X._ a, entre le 28 février et le 20 août 2002, détourné les sommes suivantes, totalisant 530'000 fr., au préjudice de la G._ (PV aud. 6 ; P. 33, P. 40 et P. 60, pages 4 et 5) :
28.02.2002 : 257'500 fr.
07.03.2002 : 10'000 fr.
01.07.2002 : 22'500 fr.
01.07.2002 : 100'000 fr.
29.07.2002 : 40'000 fr.
20.08.2002 : 100'000 fr.
Entre le 6 novembre 2002 et le 23 janvier 2003, le compte J._ n° [...]-20 de X._ et/ou S._ a été débité de 75'890 fr. 60 au total pour payer les intérêts et l'amortissement de la dette hypothécaire. Pour effectuer une partie de ces paiements, X._ a utilisé abusivement un montant de 53'402 fr. 70 provenant de la G._. X._ a en effet fait virer cette somme sur ses propres comptes J._ n° [...]-90 et [...]2-91. Il a ensuite transféré trois montants totalisant 75'890 fr. 60 de ses comptes J._ n° [...]-90 [...]-91 au compte J._ n° [...]-20 (P. 60, pages 4 et 5 et P. 60/3.1 ; Pièces bancaires J._/ compte n° [...]-2 de X._ et/ou S._).
B.2.4 2001 : Prêt de 365'000 fr. (125'000 fr., 15'000 fr. et 225'000 fr.) accordé par X._ à K._ et destiné à financer l'achat d'une villa à la route de [...] à Montreux.
X._ a utilisé abusivement des fonds de la G._ pour prêter à K._ le montant incriminé. Le prévenu a procédé comme suit pour constituer ce prêt :
- le 19 avril 2001, il a fait transférer un montant de 100'000 fr. d'un compte de la G._ sur son compte J._ n° [...]-91 (P. 60, pages 5 et 6) ;
- le même jour, il a viré cette somme de 100'000 fr. sur son compte J._
n° [...]-90 (P. 60, pages 5 et 6) ;
- le 19 avril 2001 toujours, il a débité son compte J._ n° [...]-90 de 125'000 fr. et a viré cette somme au notaire W._ qui avait été mandaté pour instrumenter l'acte de vente de la villa (P. 51 et P. 51/7) ;
- le 1
er
juin 2001, X._ a prélevé 15'000 fr. sur un compte de la G._. Cette somme a été créditée sur le compte UBS de [...], épouse de K._ (PV aud. 11, rép. 6 ; P. 95, page 3, P. 95/1 et
P. 95/2) ;
- le 13 septembre 2001, X._ a fait transférer 225'000 fr. d'un compte de la G._ au compte du notaire W._ (P. 33/1 et P. 33/2).
En 2002, K._ a partiellement remboursé ce prêt de 365'000 fr. en versant au total 62'000 fr. à S._ (P. 60, page 6, P. 95, page 3 et 4, P. 95/3 ; PV aud. 11; Pièces bancaires UBS / compte n° [...].0 de S._), soit :
- 20'000 fr. en espèces le 05.04.2002 ;
- 34'000 fr. en quatre virements le 19.04.2002 ; cette somme a été créditée sur le compte UBS [...].0 de S._ ; le 22.04.2002, S._ a viré 36'080 fr. sur un compte en banque de X._ au Canada ; le relevé du compte UBS n° [...].0 de S._ mentionne ceci en rapport avec ce transfert de fonds : « E-BANKING PAYMENT ORDER X._ CDN-STE-ADELE QUEBEC K._ 34'000 + (REST ACCOUNT UBS JPMB) 2'080 = TOTAL 36'080 »
- 8'000 fr. en espèces à une date indéterminée.
Par acte de vente du 7 février 2003, X._ a acheté la villa sise à [...] à Montreux à K._ au prix de 1'600'000 francs. Cet instrument mentionne notamment qu'une somme de 370'000 fr. est déduite du prix de vente (compensation de créances existant entre acheteur et vendeur).
Par instrument du 22 avril 2004, X._ a vendu la villa sise à [...] à Montreux à [...] au prix de 1'600'000 fr. (P. 161/7).
B. 3 Dépenses privées totalisant 339'411 fr. 45 et effectuées au moyen de cartes de crédit (Let. A/1.3 ci-dessus)
X._ a aussi utilisé une partie des fonds de la G._ pour couvrir des dépenses privées totalisant 339'411 fr. 45
et effectuées au moyen de cartes de crédit, dépenses qui ont donc été abusivement financées par la G._.
B.4 Achat d'un immeuble à Lisbonne
En date du 16 décembre 1999, X._ a fait débiter des comptes de la G._ un montant de 1'274'000 fr. destiné à financer une acquisition immobilière à Lisbonne. Ce bien-fonds n'a jamais figuré à l'actif des bilans de la G._ (P. 95, page 10).
B.5 Dépenses professionnelles excessives effectuées au moyen de cartes de crédit
De mai à décembre 2002, X._ a fait supporter par la G._, qui était en situation de surendettement, des dépenses totalisant 430'715 fr. 20 effectuées au moyen de cartes de crédit VISA et American Express
(P. 7/12, compte 10699 "O._", P. 95, pages 4 et 5).
B.6 Frais de déplacement en avion exagérés
En 2002, X._ a fait payer par la G._, qui était en situation de surendettement, des frais de déplacement en avion totalisant
232'684 fr. 80 (P. 7/12.10, 14, 34, 53, 58, 64 et 87).
B.7 Frais d'hôtel disproportionnés
De 2001 à janvier 2002, X._ a régulièrement séjourné, parfois avec son épouse, à l'hôtel Royal Plaza Inter-continental à Montreux. X._ a fait payer ses frais hôteliers
(227'695 fr. 50) par la G._, alors que celle-ci était en situation de surendettement
(P. 7/8.6, 8, 13, 15, 16, 17, 32, 41 et 50, P. 7/12.4)
B.8
La Banque F._, les V._, la Caisse de pension de l’Etat de Vaud, la Caisse de pensions B._ et la Caisse de retraite de C._ ont dénoncé X._ et se sont constituées parties civiles par écriture du 26 février 2003 (P. 5 et 16/1).
Par écriture du 26 février 2013, ces institutions ont actualisé leur statut pour l’adapter aux exigences du Code de procédure pénale suisse entré en vigueur le 1er janvier 2011 (P. 504) ; elles ont porté plainte pénale contre X._.
C. Hôtel [...]
A Vevey, X._, dont la situation financière était embarrassée, a séjourné à l'Hôtel [...] du 25 avril au 15 mai 2004 en sachant qu'il serait dans l'impossibilité de payer les prestations offertes par cet établissement (hébergement, nourriture, boissons, taxes téléphoniques, etc.). X._ a caché sa situation obérée à l'hôtelier et a quitté cet établissement sans payer sa note d'un montant de 15'106 fr. 75. (PV aud. 16, lignes 50 à 65 ; P. 108).
L'Hôtel [...], représenté par son directeur général [...], a porté plainte le 18 février 2005
D. I._ (dossier joint PE05.015674-NCT)
En mai 2004, la société hollandaise [...], dominée par X._, a acquis la totalité du capital-actions de la société P._ pour le prix de 1 fr. (P. 14). Il sied de préciser ici qu’à la fin de l’année 2003, le résultat d’exploitation de cette entreprise était déficitaire (- 81'583 fr. 37) et que l’exercice 2003 s’était soldé par une perte de 207'122 fr. 63 (P. 49).
Suite au rachat de P._, S._ est devenu administrateur de cette société et a disposé, dès le 5 mai 2004, d’un droit de signature individuelle sur le compte en banque UBS SA de cette entreprise.
En juin 2004, P._ a quitté les locaux qu’elle occupait à Genève, où elle avait son siège social, et est allée s’établir à Nyon, à l’avenue [...] (P. 9 et 50).
D.1
En décembre 2003, l’I._ (ci-après : I._), représentée par P._, avait conclu un contrat de «sponsoring radio» avec la société M._; cet accord portait sur la diffusion de messages publicitaires.
En mai 2004, toujours par l’intermédiaire de P._, l’I._ a commandé à la société [...] (Schweiz) AG des espaces publicitaires pour un montant total de 56'337 fr. 65.
Avant son rachat par la société hollandaise [...], P._ était administrée par [...]. Ce dernier avait convenu avec l’I._ que P._ était responsable du paiement des factures adressées à cette association par les sociétés M._ et [...] (Schweiz) AG. Sur la base de cet accord, P._ englobait dans sa facturation destinée à l’I._ le montant des factures que M._ et [...] (Schweiz) AG envoyaient à l’I._. Dès réception de l’argent versé par l’I._ à P._, cette société se chargeait de payer les factures de M._ et d’[...] (Schweiz) AG, comme convenu avec l’I._. A la suite du rachat de P._ par la société [...], ce mode de facturation a été porté à la connaissance de X._ et de S._ par [...]. X._ et S._ n’ont ni contesté, ni remis en question cette façon de faire (Cf. dossier joint : PV aud. 1, PV aud. 2, rép. 7, PV aud 3 rép. 10, PV aud. 4, rép. 16, PV aud. 5, lignes 57 à 88, PV aud. 6, lignes 81 à 102, PV aud. 7, lignes 77 à 81 ; P. 11, 18, 19/4, 19/5 et 37/1.1).
D.2
Sur la base de cet accord passé entre l’I._ et P._ relatif à la facturation, la société P._, dirigée par X._ (dirigeant effectif) et S._ (administrateur) à compter du mois de mai 2004, a adressé les factures suivantes à cette association (P. 6, page 2, chiffre 5) :
- facture de 17'684 fr. 05 du 04.06.2004 (payée par l’I._ le 02.07.2004) ;
- facture de 90'980 fr. 35 du 10.0820.04 (payée par l’I._ le 10.09.2004) ;
- facture de 14'145 fr. 60 du 17.09.2004 (payée par l’I._ le 29.09.2004) ;
- facture de 17'977 fr. 10 du 04.10.2004 (payée par l’I._ le 04.11.2004) ;
- facture de 81'705 fr. 25 du 22.12.2004 (payée par l’I._ le 30.12.2004) ;
- facture de 82'736 fr. 60 du 22.12.2004 (payée par l’I._ le 30.12.2004).
Entre le 2 juillet et le 30 décembre 2004, l’I._ a donc versé un montant global de 305'228 fr. 95 à P._. Conformément à la clause d’affectation convenue entre ces deux parties, P._ était tenue d’utiliser une partie de cet argent pour régler immédiatement les factures suivantes des sociétés M._ et [...] (Schweiz) AG qui totalisaient 291'341 fr. 85 :
- facture de M._ du 03.06.2004 de 16'753 fr. 30 (P. 34/1.2) ;
- facture de M._ du 03.08.2004 de 83'603 fr. 60 (P. 34/2.3 et 34/2.4) ;
- facture d'[...] (Schweiz) AG du 30.06.2004 de 14'419 fr. 10 (P. 34/3.2 à 34/3.5) ;
- facture d'[...] (Schweiz) AG du 30.09.2004 de 13'972 fr. 85 (P. 34/4.2 à 34/4.4) ;
- facture de M._ du 03.10.2004 de 80'786 fr. 60 (P. 34/5.3 et 34/5.4) ;
- facture de M._ du 13.12.2004 de 81'806 fr. 40 (P. 34/6.2 et 34/6.3).
Contrairement à l’accord intervenu, X._ et S._ n’ont pas utilisé les fonds reçus de l’I._ pour régler les factures de M._ et d'[...] (Schweiz) AG, mais ils ont investi cet argent dans leur société P._, à l’exception d’un montant de 16'753 fr. 30 qui a été débité le 17 septembre 2004 (P. 6/13 et 34/1.2 : facture de M._
n° 2004463 du 03.06.2004).
Sur la somme totale de 305'228 fr. 95 versée à P._ par l’I._, S._ a utilisé environ 100'000 fr. à des fins privées. Son père X._ a profité d’une partie indéterminée de cet argent, mais d’au moins 6'500 francs.
L’I._ a porté plainte par écriture du 9 février 2005 (P. 6).
D.3
La faillite de P._ a été prononcée le 31 janvier 2006 par jugement du Tribunal de première instance du canton de Genève (P. 50). | En droit :
1.
Recevabilité
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté en temps utile et suffisamment motivé, l'appel est recevable (art. 399 al. 3 CPP).
2.
Des requêtes incidentes de l’appelant
A l’audience d’appel, X._, par son défenseur, a renouvelé ses réquisitions de preuves tendant à l’audition de huit témoins ; celles-ci ont été rejetées par décision incidente (cf. let. B ci-dessus), pour le motif que les conditions strictes liées à la répétition de l’administration de preuves n’étaient pas remplies, la Cour ayant pour le surplus indiqué que sa décision serait motivée dans le jugement au fond
A cet égard, la Cour de céans relève que s’agissant de l’audition des témoins [...] et [...], qui permettraient, selon l’appelant, d’établir la consistance des opérations d’acquisition concernant le projet dit de [...] aux Pays-Bas, en fait d’opérations concrètes, leur investissement dans ledit projet est resté vague (P. 79/2 à 7). On ne voit dès lors pas ce que pourrait apporter l’audition de ces témoins. Il en va de même de l’audition de Me [...], avocat, dès lors qu’avant de l’entendre, il faudrait pouvoir parler d’investissement et que tel n’est toutefois pas le cas. En ce qui concerne les auditions de [...], et de Me [...], notaire, la Cour constate que le prévenu a renoncé aux auditions de ces témoins en cours de procédure, si bien qu’il n’y a pas lieu de les entendre au stade de la procédure d’appel. Au surplus, s’agissant de l’audition de Me [...], on relèvera que celui-ci a été entendu lors de l’audience par défaut qui a eu lieu le
7 novembre 2008, mais qu’il s’était alors retranché derrière le secret professionnel. Il apparaît donc que son témoignage n’apporterait aucune plus value à l’instruction. En ce qui concerne les témoins [...] et [...], qui vivent respectivement au Pays-Bas et au Canada, leurs auditions étaient subordonnées à une avance de 7'000 $ à charge du prévenu, dont celui-ci ne s’est pas acquitté. Par surabondance, encore une fois, l’audition de ces deux témoins n’apparaît pas déterminante à défaut de pouvoir s’appuyer sur des pièces objectives, dès lors que – comme on le verra ci-dessous – les investissements soi-disant consentis par l’appelant pour étayer la thèse du remboursement (et non du détournement) ne reposent sur rien. Enfin, s’agissant de l’audition de Me [...], il y a lieu de relever que le prénommé a déjà été entendu lors des débats par défaut qui se sont tenus le 7 novembre 2008, qu’il avait alors déclaré qu’il n’avait jamais entendu parler d’acquisition d’un bien immobilier au Portugal pour le compte de la G._, ni être au courant de managements fees dus à l’appelant et qu’il ignorait tout des prélèvements effectués par ce dernier. Partant, son témoignage n’est d’aucune utilité pour apporter des éclaircissements quant à la tenue des comptes de G._ SA durant la période litigieuse.
Tout bien considéré, s’estimant suffisamment renseignée sur la base du dossier et des treize ans de procédure dans le cadre de cette affaire, la Cour de céans a rejeté les conclusions incidentes de l’appelant, les mesures d’instruction requises par ce dernier à la veille de la prescription paraissant au demeurant dilatoires.
3.
De l’appel
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
4.
Dans un premier moyen, l’appelant fait valoir qu’il a été privé de la possibilité de faire la démonstration de son innocence ; il conclut à l’annulation du jugement de première instance et au renvoi de la cause conformément à l’art. 409 CPP.
4.1
Selon l'art. 409 CPP, si la procédure de première instance présente des vices importants auxquels il est impossible de remédier en procédure d'appel, la juridiction d'appel annule le jugement attaqué et renvoie la cause au tribunal de première instance pour qu'il soit procédé à de nouveaux débats et pour qu'un nouveau jugement soit rendu (al. 1). La juridiction d'appel détermine les actes de procédure qui doivent être répétés ou complétés (al. 2). Le tribunal de première instance est lié par les considérants de la décision de renvoi et par les instructions visées à l'al. 2 (al. 3). En règle générale, il appartient à la juridiction d'appel de corriger elle-même les erreurs commises par le tribunal de première instance dans l'établissement des faits et l'application du droit (cf. art. 408 CPP). L'annulation et le renvoi doivent rester l'exception (Schmid, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 2
e
éd., Zurich/Saint-Gall 2013, n. 1 ad art. 409 CPP; Hug/Scheidegger, in : Donatsch/Hansjakob/Lieber [éd.], Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, 2
e
éd., Zurich/Bâle/Genève 2014, n. 1 ad art. 409 CPP).
L'art. 409 CPP s'applique lorsque les erreurs affectant la procédure ou le jugement de première instance sont si graves que le renvoi au juge de première instance est la seule solution pour respecter les droits des parties, et notamment pour garantir la double instance. Ce n'est que si le condamné n'a pas pu bénéficier de débats réguliers de première instance que la juridiction d'appel devra casser le jugement de première instance et renvoyer la cause à l'autorité précédente. Le cas visé est principalement celui du non-respect du droit d'être entendu des parties (Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 pp. 1057 ss, spéc. p. 1302; cf. ég. Moreillon/Parein-Reymond, Petit Commentaire du Code de procédure pénale, Bâle 2013, n. 2 ad art. 409 CPP).
4.2
4.2.1
En l’espèce, l’appelant fait grief aux premiers juges d’avoir violé son droit d’être entendu. En particulier, il se plaint du fait que les comptes 2001 et 2002 qui figurent au dossier ne sont pas complets, dès lors qu’il ne s’agirait que de projets non-signés et non-approuvés, et qu’ils ne sont donc pas conformes à la réalité, en particulier lorsqu’il laissent apparaître, à la fin de l’année 2002, l’existence d’une créance actionnaire (P. 539, pp. 3 et 4). Il fait également valoir que l’échec de l’expertise comptable mise en œuvre est le fait des parties plaignantes qui auraient dissipé les pièces comptables. Il ajoute qu’en refusant les auditions de M. [...], expert-comptable du groupe G._ SA durant l’année 2002, ainsi que d’autres témoins – auditions qui lui auraient prétendument permis de prouver l’intensité du travail accompli dans le cadre du développement du projet hollandais – les juges de première instance ne lui auraient pas permis de démontrer que la créance actionnaire litigieuse avait été valablement compensée avant la fin de l’année 2002 au moyen de la cession de participations par l’actionnaire O._ à G._ SA, alors que la preuve de la disparition du compte débiteur actionnaire aurait permis de faire tomber la majorité des charges les plus lourdes pesant sur lui.
4.2.2
L’appelant a exprimé sa position dès sa deuxième audition et il l’a maintenue aux débats par le truchement de son avocat.
En substance, il a notamment affirmé ce qui suit : « Entre 1999 et 2000, j’ai investi environ 10 millions [...] dans des projets similaires à celui du Q._, en Hollande, en Suisse et au Portugal. Tout cet argent a été investi pour le compte du groupe dont la société mère était la G. (nom complet)_ (G._). Tous les détournements de fonds que l’on me reproche correspondent en réalité à des remboursements liés à des investissements que j’ai fait [...] » (PV aud. 16 du 13 mai 2005, lignes 27 à 33). Pour le surplus, le défenseur du recourant a ajouté ce qui suit aux débats : « X._ déclare que dans le courant de l’année 2002, l’actionnaire de G._ SA, la société O._, a cédé à G._ SA les participations d’une valeur largement suffisante pour compenser la créance actionnaire litigieuse. Cette créance actionnaire a donc été valablement compensée à la fin de l’année 2002 ».
La Cour de céans est d’avis que l’on ne peut pas suivre l’appelant lorsqu’il affirme, sans rien démontrer, que l’administration des preuves sollicitées aux débats auraient permis de démontrer qu’il n’avait pas puisé dans les comptes de la G._, dès lors qu’il n’a produit aucune pièces, ni aucun document permettant de soutenir cette thèse durant l’enquête.
En effet, il ressort du dossier que les contrats de cession entre la société O._ et la G._ permettant à l’appelant de soutenir la thèse de la compensation n’ont jamais été produits par celui-ci. En fait, en plus de dix ans de procédure, malgré de multiples relances du magistrat instructeur, l’appelant n’a produit aucune pièce permettant d’attester ses dires au sujet des importants investissements – pour près de 10 millions de francs – qu’il aurait entrepris à l’étranger, par des apports privés, pour le compte de la G._, qui seraient intervenus entre 2000 et 2002 et qui auraient justifié de compenser la créance actionnaire litigieuse. L’appelant soutient qu’il aurait été dans l’impossibilité d’obtenir les contrats de cession, sans vraiment en indiquer les raisons, et il passe sous silence le fait qu’une requête à Interpol la Haye n’a rien donné, pas plus qu’un déplacement de son conseil aux Pays-Bas. Mais, plus important encore, toute la thèse de l’appelant s’effondre lorsque l’on reprend les déclarations de [...] , réviseur auprès de H._ AG (PV aud. 4) – desquelles on comprend que la comptabilité, pour les exercices d’exploitation 2000 et 2001, n’a pas disparu, mais n’a simplement pas été correctement tenue –, de [...], directeur de la G._ depuis le 1
er
septembre 1998 (PV aud. 3, spéc. R 7) – selon lesquelles les comptes pour les années 1999, 2000 et 2001 n’ont pas pu être approuvés par les différents organes de révision qui se sont succédés parce que ces derniers n’avaient pas pu obtenir toutes les informations et documents nécessaires, ainsi que les preuves de couverture du compte actionnaire – de [...], ancien comptable de la G._ entre le 1993 et 2008 (PV aud. 8, spéc. p. 3) – qui a expliqué que X._ lui avait dit qu’il possédait plus de septante sociétés avec lesquelles il « jonglait » et qui a ajouté qu’il n’avait pas connaissance d’un contrat réglant des honoraires de X._ pour son activité au sein de la G._, mais que ce dernier prélevait régulièrement des liquidités sur le compte bancaire J._ de la G._ sans fournir de justificatifs relatifs à l’utilisation de ces fonds – et de [...], délégué au conseil d’administration de la G._ entre 1996 et 1999 (PV aud. 12, spéc. p. 3) – qui a expliqué qu’il avait été fort étonné des nombreux frais personnels que le prévenu faisait passer sur le compte de la G._ (achat d’une Mercedes, règlement de cartes de crédit), qui a ajouté que malgré ses demandes, X._ n’avait jamais produit de justificatifs et qui a confirmé avoir été déchargé de ses activités et de son poste au sein de la G._, le
7 février 2002, par X._, dès que ce dernier avait constaté qu’il refusait d’adhérer à sa manière de travailler et de procéder au sein de dite société . A cela s’ajoute le cheminement de l’argent mis en évidence par l’enquête et l’affectation des fonds qui sont totalement étrangers au but social de la G._ et qui favorisent l’appelant et sa famille. Pour le surplus,
comme déjà dit (cf. c. 2 ci-dessus), à l’instar des juges de première instance, la Cour de céans ne croit pas à l’utilité des témoignages requis par l’appelant.
Quant à l’expertise comptable requise avec véhémence par l’appelant en cours d’instruction – réquisition qu’il n’a par ailleurs décemment pas renouvelée dans le cadre de la procédure d’appel – on relèvera qu’elle a bel et bien été mise en oeuvre mais qu’elle n’a pas pu aboutir car le grand-livre, les comptes détaillés, les états financiers intermédiaires et annuels, les procès-verbaux du conseil d’administration ainsi que tous les contrats ou documents attestant des transferts de fonds faisaient défaut. Bien qu’il s’en défende, tout cela est le fait de l’appelant, le jugement retenant à cet égard, sans que cela soit contesté, que l’appelant n’a plus fourni les comptes pour les années 1999 à 2001 ni, notamment, convoqué d’assemblée générale (voir à ce sujet le rapport de l’organe de révision, fiduciaire H._ AG, du 25 octobre 2002 relatif à l’exercice 2000, P. 27 résumé sous let. B, ci-dessus). Il est ainsi inconcevable que X._ puisse se plaindre, par la voie de l’appel, du fait que les comptes ne sont pas conformes à la réalité (P. 539, p. 3), alors même que l’appelant est, au moins partiellement, à l’origine des difficultés liées à l’établissement de cette réalité. Il est tout aussi insoutenable de prétendre que l’échec de l’expertise comptable est à mettre au compte des parties plaignantes qui auraient dissipé les pièces comptables les plus importantes (P. 539, p. 4), puisque ces affirmations sont notamment contraires aux déclarations du témoin [...], administrateur de la copropriété du domaine de Q._ depuis novembre 2001. En effet, selon ce témoin (PV aud. 1), la G._, par le biais de son administrateur X._, a continué à occuper les locaux sans droit malgré la résiliation du bail avec effet au
31 août 2000 ; ce n’est que le 26 janvier 2003 que les propriétaires ont fait mettre un séquestre sur les comptes de la G._ et ont constaté que les comptes étaient vides. Selon [...] toujours, au départ de la G._, toutes les pièces comptables en sa possession ont été mises en sécurité à Q._. Entre août 2000 et janvier 2003 et alors même qu’il se trouvait dans les locaux où étaient sensés se trouver les documents comptable, le prévenu n’a toutefois pas non plus fourni les comptes de la G._ pour les années 1999 à 2001 comme cela avait pourtant été requis bien avant la décision d’expulsion du Tribunal des Baux intervenue le 24 septembre 2002 (P. 6/1). X._ ne saurait donc aujourd’hui se prévaloir du fait qu’il n’est plus en possession des pièces comptables, dès lors que, même lorsqu’il se trouvait encore dans les locaux et donc en possession de tous les documents comptables, il n’a pas non plus fourni les pièces demandées.
Au demeurant, on soulignera que la garantie de 13 millions émanant de la société [...] – qui n’est autre que l’une des innombrables sociétés de l’appelant alors en cheville avec la G._ via la société O._ – n’a pas été considérée comme suffisante par le juge de la faillite qui a déclaré la faillite de la G._ le 3 mars 2003 (P. 18/1). A cet égard, la Cour de céans relève d’ailleurs que les attestations de garantie pour 2000, 2001 et 2002 produites par l’appelant comportent la seule signature de ce dernier à la fois pour [...], pour A._ et pour O._, ce qui enlève toute crédibilité quant au bien fondé de leur contenu (annexe 8, P. 373).
Enfin, il y a lieu de relever que l’actionnaire unique et administrateur d’une société ne peut pas, à son gré, compenser des prêts consentis par la société à l’actionnaire avec des investissement personnels faits pour le compte de la société (art 680 al. 2 CO).
Au vu de tous ces éléments, la Cour d’appel constate que le tribunal de première instance s’est fondé sur un état de fait complet et suffisant et n’a pas violé le droit d’être entendu de l’appelant. La procédure de première instance n’est donc entachée d’aucun vice de forme qui commanderait l’annulation de la décision en application de l’art. 409 CPP. Mal fondé, ce grief doit donc être rejeté et il y a lieu de rejeter l’appel en tant qu’il conclut à l’annulation du jugement.
5.
Subsidiairement, l’appelant conclut à la réforme du jugement.
5.1
En premier lieu, il fait valoir que l’élément constitutif de l’infraction de gestion déloyale n’est pas réalisé, dès lors qu’en l’état du dossier, il n’est pas possible de déterminer l’état général de la société G._ au cours des années 2001 et 2002.
5.1.1
L'art. 158 CP punit celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés (ch. 1 al. 1). Le cas de la gestion déloyale aggravée est réalisé lorsque l'auteur a agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ch. 1 al. 3).
Pour qu’il y ait gestion déloyale, il ne suffit pas que l’auteur ait été gérant, ni qu’il ait violé une quelconque obligation. Le terme de gestion déloyale et la définition légale de l’infraction exigent que l’obligation violée soit liée à la gestion confiée. Le comportement délictueux consiste à violer le devoir de gestion ou de sauvegarde. Pour dire s’il y a violation, il faut déterminer concrètement le contenu du devoir imposé au gérant. Cette question s’examine au regard des rapports juridiques qui lient le gérant aux titulaires des intérêts pécuniaires qu’il administre, compte tenu des dispositions légales ou contractuelles applicables (cf. arrêt du TF 6B_967/2013 du 21 février 2014). Dans ce contexte, une telle qualité est notamment reconnue à l’égard des organes ou membres d’organes de sociétés commerciales tel le président du conseil d’administration et directeur d’une SA au bénéfice d’une signature individuelle (cf. arrêt du TF 6B_294/2008 du 1er septembre 2008).
Sur le plan subjectif, il faut que l’auteur ait agi intentionnellement. Le dol éventuel suffit, à la condition qu’il soit strictement caractérisé (ATF 123 IV 17). Le dessein d’enrichissement illégitime constitue une circonstance aggravante au sens du chiffre 2 de l’article 158 CP. Il incrimine spécifiquement le fait d’abuser d’un pouvoir de représentation dans l’optique de s’enrichir aux dépens du représenté, en portant atteinte à ses intérêts pécuniaires, en violation des règles internes fixant les limites et les buts du pouvoir conféré (FF 1991 II 1018). Tel est le cas de celui qui use d’une procuration sur un compte bancaire pour détourner à son profit ou au profit d’un tiers les valeurs patrimoniales qui y sont déposées (Dupuis et consorts, Petit Commentaire du Code pénal, éd. Helbing Lichtenhahn 2012, n. 39 ad art. 158 CP, p. 922).
5.1.2
En l’espèce, l’appelant était le président du conseil d’administration de la G._ du 18 décembre 1999 au 3 mars 2003, date de la faillite de dite société. A ce titre, il avait le devoir de gérer cette société avec fidélité et loyauté.
Pour le surplus, comme déjà dit, le dossier est suffisamment complet pour se convaincre que la comptabilité pour les exercices d’exploitation 2000 et 2001 n’a pas disparu, mais n’a simplement pas été correctement tenue, les comptes n’ayant jamais été approuvés ni par les différents organes de révision, ni par l’assemblée générale. Les explications nébuleuses de l’appelant au sujet de ses investissements et d’éventuelles compensations ne sont appuyées par aucune pièce. Si la comptabilité incomplète ne permet pas de retracer les opérations dont se prévaut l’appelant, le cheminement des transferts de fonds des comptes courants de la société opérés en faveur des comptes bancaires du prévenu, de ses fils, ainsi que des sociétés apparentées est éloquent. Les auditions qui figurent au dossier (en particulier celles de [...], [...], [...] et [...]) permettent de se convaincre que le prévenu ne s’est pas contenté d’alimenter ses comptes privés et ceux de ses proches avec l’argent de la G._, mais qu’il a également acquis des biens immobiliers privés n’ayant aucun but social avec la G._, soutenu la société dirigée par son fils et couvert ses dépenses somptuaires et celles de ses proches.
Ces importantes sommes d’argent ne sauraient, comme l’a parfois prétendu l’appelant, être confondues avec les honoraires (« managements fees ») auxquels il aurait eu droit pour l’activité déployée au sein de la G._. En cours d’instruction, X._ a fait valoir que ces honoraires, soit ces «managements fees » et dividendes, totaliseraient un montant de 2'738'000 fr., soit plus d’un million par année. Or, à la lecture des pièces au dossier, en particulier des contrats de management conclus le 30 décembre 1999 entre A._, société appartenant à X._, et la G._, et le
30 décembre 2000 entre O._, société appartenant également à X._, et la G._ (P. 38/10.2 et 3), seul un montant de 396'000 fr. dû pour l’année 2000 – et non pérennisé – et des dividendes à concurrence de
500'000 fr. pour les années 2001 et 2002 paraissent pouvoir être pris en considération, soit un montant largement inférieur aux 2'738'000 fr. articulés par X._. Les témoignages de [...] et [...] abondent dans ce sens puisque aucun n’a eu connaissance de contrat réglant des honoraires de X._ pour son activité au sein de la G._, malgré leur position stratégique dans la société, l’un directeur, l’autre comptable (PV aud. 3, R. 9 et PV aud. 8, R. 4).
La version des faits tels que présentée par le prévenu ne résiste donc pas à l’examen. Celle-ci ne permet en particulier pas d’expliquer de manière convaincante et plausible le fait que le compte courant n° 10699 O._ de la G._ qui affichait un solde débiteur de 500'000 fr. au 31 décembre 1998 soit passé à 12'623'881 fr. au 31 décembre 2001. Au vu de l’ensemble des témoignages recueillis et des pièces bancaires au dossier, l’appelant a passé outre son devoir de gestion diligente et il a volontairement porté atteinte au patrimoine de la G._ en disposant des biens de celle-ci pour plus de quatre millions de francs, de janvier 2000 à la fin de l’année 2002, dans le dessein de réaliser des opérations financières privées sans rapport avec le but de la société. Par ce fait, il a volontairement causé un dommage patrimonial irréparable à la société qu’il dirigeait dans le but de s’enrichir illégitimement et d’enrichir ses proches. Enfin, on rappellera que le préjudice pénal retenu, soit 4,8 millions, ne représente qu’une partie des douze millions qui séparent la situation du compte O._ entre 1998 et 2001, notamment pour tenir compte des « managements fees » auquel l’appelant pouvait prétendre.
Au vu de ces éléments, X._ doit être reconnu coupable de gestion déloyale qualifiée au sens de l’article 158 ch. 1 et 2 CP et l’appel doit être rejeté sur ce point.
5.2
L’appelant conteste également sa condamnation pour gestion fautive, estimant que la créance actionnaire figurant dans le compte n° 10699 O._ de G._ SA a été compensée, ce qui aurait fait disparaître l’éventuelle situation de risque créée par l’appelant. Il ajoute que les causes de l’aggravation du surendettement devraient être recherchées dans la reprise de l’exploitation du Q._ par [...], sans aucune contrepartie financière.
5.2.1
Aux termes de l’article 165 ch. 1 CP, le débiteur qui, de manière autres que celles visées à l’article 164 CP, par des fautes de gestion, notamment par une dotation insuffisante en capital, par des dépenses exagérées, par des spéculations hasardeuses, par l’octroi ou l’utilisation à la légère de crédits, par le bardage de valeurs patrimoniales ou par une négligence coupable dans l’exercice de sa profession ou dans l’administration de ses biens, aura causé ou aggravé son surendettement, aura causé sa propre insolvabilité ou aggravé sa situation alors qu’il se savait insolvable, sera, s’il a été déclaré en faillite ou si un acte de défaut de biens a été dressé contre lui, puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
L’article 165 ch. 1 CP ne décrit pas, de manière précise et exhaustive, en quoi consiste la faute de gestion. C’est d’abord en fonction des dispositions spécifiques qui définissent les devoirs de l’auteur qu’il faut déterminer si celui-ci a usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle. Dans la gestion d’une société anonyme, par exemple, on doit examiner si l’accusé a violé un devoir prévu par le Code des obligations compte tenu du rôle dévolu à chaque organe (Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. 1, éd. Stämplfi 2010, n. 16 et 19 ad art. 165 CP). Il s’agit en définitive de porter un jugement sur le comportement adopté, en fonction des circonstances concrètes, pour dire si l’auteur a fait preuve ou non d’un manque du sens des responsabilités (ATF 115 IV 38). Il ne faut pas réprimer n’importe quel choix inadéquat ou n’importe quelle appréciation malencontreuse, mais seulement un comportement qui dénote une indiscutable légèreté blâmable (Corboz, op. cit., n. 22 ad. art. 165 CP).
Outre la faute de gestion, l’infraction exige que cette faute ait causé ou aggravé le surendettement. On utilise à cet égard le concept de la causalité adéquate (ATF 115 IV 38). Il n’est pas nécessaire que les actes reprochés à l’auteur soient seuls à l’origine du résultat, ni qu’ils en soient la cause directe (ATF 115 IV 38). Peu importe quel est l’acte qui, en définitive, a provoqué le passage à l’état de surendettement. Il suffit que l’acte ait joué un rôle causal dans l’apparition de la situation ou dans son aggravation et qu’il ait été propre, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, à entraîner un tel résultat. En revanche, il n’est pas nécessaire de prouver un rapport de causalité entre le comportement fautif d’une part et la faillite d’autre part (Corboz, op. cit., n. 38 à 40 ad art. 165 CP). En outre, il importe peu que l’acte délictueux ait été commis avant le moment où l’insolvabilité a pu être constatée ou qu’il ait contribué à aggraver cette insolvabilité alors qu’elle était déjà reconnaissable, ou bien encore que l’acte apparaisse finalement comme ayant aggravé une insolvabilité objectivement préexistante, mais ignorée de l’auteur (cf. arrêt du TF du 26 juin 1983, SJ 1984, p. 169).
Sur le plan subjectif, il n’est pas nécessaire que l’auteur ait eu l’intention de causer un préjudice ; il suffit qu’il ait causé ou aggravé l’insolvabilité par une négligence grave (ATF 115 IV 38 ; Corboz, op. cit., n. 49 ad art. 165 CP ). L’auteur doit avoir adopté volontairement un comportement qui, considéré objectivement, doit être qualifié de fautif en fonction des circonstances dont il avait connaissance ou acceptait l’éventualité ; il faut encore que ce comportement, de manière prévisible pour lui, ait causé l’insolvabilité ou le surendettement ou aggravé cette situation. Selon la jurisprudence et la doctrine, la faute de gestion doit être caractérisée, en ce sens qu’elle doit dénoter un manque du sens des responsabilités. L’ouverture de la faillite ou la délivrance d’un acte de défaut de biens est une condition objective de punissabilité (Corboz, op. cit., n. 58 ad art. 165 CP).
5.2.2
En l’espèce, l’organe de révision, H._ AG, a, à deux reprises, dans ses rapports respectifs des 25 octobre 2002 et 15 décembre 2002, attiré l’attention de X._, administrateur de la G._, sur les risques de surendettement si aucune précaution commandée par les circonstances n’était prise. A cette époque, cette société rencontrait déjà d’importants problèmes de liquidités. Or, malgré cela, l’appelant n’a jamais remis de déclaration d’intégralité conformément à l’article 728 al. 2 CO faisant fi des injonctions du réviseur. Il n’a pas non plus entrepris de mesure d’assainissement financier, ni n’a eu recours à un avis d’insolvabilité au sens de l’article 725 CO. Pire encore, il n’a pas tenu à jour la comptabilité pour les années 1999, 2000 et 2001 et il n’a jamais convoqué l’assemblée générale pour statuer sur les comptes annuels des années précitées contrairement à l’article 699 al. 2 CO, privant la G._ d’un outil essentiel pour sa gestion, empêchant de fait tout renseignement sur la situation financière de la société. Bien au contraire, il a procédé à de nombreux virements sur ses comptes privés et sur ceux de ses proches, notamment en vue d’acquérir des biens immobiliers privés, d’investir dans la société dirigée par son fils ou de couvrir des dépenses luxueuses nullement nécessaires à la bonne marche de l’entreprise. Il aurait en outre effectué des investissements hasardeux à l’étranger, sans que ceux-ci ne puissent être démontrés, dans un but qui semble sortir du but social de la G._. Pourtant, X._ ne pouvait ignorer la situation financière de cette société, puisque, outre les avertissements de l’organe de révision, il ressort de l’audition de [...] que X._ recevait un rapport hebdomadaire faisant état des liquidités disponibles et des créances à payer.
Enfin, contrairement à ce que soutient l’appelant, on ne saurait considérer que les causes de l’aggravation du surendettement devraient être recherchées dans la reprise, sans aucune contrepartie financière, de l’exploitation du Q._ par [...] SA. En effet, cette reprise a eu lieu juste avant que la société ne soit déclarée en faillite et, en 2002 déjà, l’organe de révision indiquait que la société pourrait se trouver dans l’impossibilité de faire face à ses engagements si les prêts actionnaires n’étaient pas remboursés. Or, comme déjà dit à de nombreuses reprises, un tel remboursement n’a pas pu être établi par l’appelant. Aussi, doit-on constater que ce n’est pas la reprise de la G._ par [...] qui a aggravé le surendettement de la première nommée, mais bien le comportement outrageusement dépensier de l’appelant entre 2000 et 2002.
Au vu de ce qui précède, la condamnation de l’appelant pour gestion fautive au sens de l’article 165 ch. 1 CP doit être confirmée.
5.3
L’appelant conclut également à la réforme du jugement concernant le cas de l’Hôtel [...]. Il ne conteste pas les faits, mais soutient que l’infraction d’escroquerie ne serait pas réalisée dès lors qu’il n’a fait preuve d’aucune astuce.
5.3.1
En vertu de l’art. 146 CP, se rend coupable d’escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers.
Sur le plan objectif, l’escroquerie suppose d’abord une tromperie, qui peut consister soit à induire la victime en erreur, par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, soit à conforter la victime dans son erreur, en lui montrant, par des paroles ou par des actes, qu’elle est dans le vrai, alors qu’en réalité elle se trompe. Il faut en outre que la tromperie ait été astucieuse.
L’élément constitutif de l’astuce est réalisé lorsque l’auteur, pour tromper autrui, recourt à un édifice de mensonge, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu’il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n’est pas possible, ne l’est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l’auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu’elle renoncera à le faire en raison d’un rapport de confiance particulier (ATF 122 IV 246 c. 3a). De même, la seule tromperie sur la volonté affichée n’est pas astucieuse dans tous les cas, mais seulement lors que l’examen de la solvabilité n’est pas exigible ou est impossible et qu’il ne peut par conséquent être tiré aucune conclusion quant à la volonté de l’auteur de s’exécuter (ATF 118 IV 359 c. 2). Pour répondre à la question de savoir si l’astuce est réalisée, il faut en outre examiner la situation sous l’angle de la faute concurrente de la victime. Pour cela, il faut s’appuyer sur la situation et le besoin de protection respectif de la victime dans le cas particulier et examiner si elle s’est trouvée dans un état d’infériorité que l’auteur a exploité (ATF 120 IV 186 c. la). L’astuce n’est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence que l’on pouvait attendre d’elle. Il n’est pas nécessaire, pour qu’il y ait escroquerie, que la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence et qu’elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles. La question n’est donc pas de savoir si elle a fait tout ce qu’elle pouvait pour éviter d’être trompée. L’astuce n’est exclue que lorsque la dupe est coresponsable du dommage parce qu’elle n’a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s’imposaient (ATF 128 IV 18 c. 3a).
L’infraction d’escroquerie prévaut celle de la filouterie d’auberge au sens de l’article 149 CP qui n’est que subsidiaire. En réservant une chambre d’hôtel, en payant des acomptes et demandant une prolongation de la réservation, le client démontre, par actes concluants, sa volonté et sa capacité de payer le prix dû pour ces prestations. Si celles-ci ne sont qu’apparentes, l’hôtelier est trompé. Le client doit toutefois avoir entrepris des manœuvres particulières pour faire croire à sa capacité et à sa volonté de payer et que l’hôtelier n’ait pas eu la possibilité de vérifier la solvabilité de son hôte (ATF 125 IV 124, traduit au JT 2001 IV 6). On ne saurait attendre de l’hôtelier qu’il exige un paiement d’avance des frais d’hôtel. Le client qui donne tous les signes extérieurs de son aisance financière et de sa volonté de payer sa note tout en cachant sa situation obérée agit de manière astucieuse et se rend coupable d’escroquerie (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
e
éd. 2007,
n. 1.10 ad art. 149 CP).
Du point de vue subjectif, l’auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d’enrichissement illégitime. Cet enrichissement, de l’auteur lui-même ou d’un tiers, est en général le pendant de l’appauvrissement de la victime et peut donc aussi être déduit de l’intention de causer un préjudice à la victime
(ATF 119 IV 210 c. 4b).
5.3.2
En l’espèce, le fait que l’appelant n’ait eu à entreprendre aucune « manœuvre particulière » pour tromper la dupe ne permet pas encore d’exclure l’astuce. En effet, comme l’a a juste titre relevé le tribunal de première instance, X._ avait l’habitude de séjourner dans cet établissement hôtelier et il avait jusqu’alors toujours réglé son dû. Il était par ailleurs connu dans la région pour avoir une aisance financière conséquente et il a lui-même déclaré que, durant les années 2000-2002, il lui arrivait fréquemment de dépenser 1’000 $ par jour sans sourciller. L’hôtelier n’avait donc aucune raison de contrôler la solvabilité de ce client qu’il connaissait et qui donnait tous les signes extérieurs de son aisance financière en menant un train de vie conséquent, notamment en séjournant dans l’établissement un nombre de jours non négligeable (vingt jours), en y consommant des repas, des boissons et en faisant usage du téléphone, pour un montant total de 15'106 fr. 75. Or, l’appelant savait dès le début de son séjour que sa situation financière était obérée, de même que celle de la G._, et qu’il ne pourrait pas s’acquitter du montant de la facture à la fin de son séjour. Il a toutefois caché ce fait à l’hôtelier, profitant de sa bonne réputation au sein de l’établissement pour y séjourner avec son épouse. Ce faisant, il a agi de manière astucieuse.
Au vu de ces éléments, l’appelant doit être reconnu coupable d’escroquerie au sens de l’article 146 al. 1 CP.
5.4
L’appelant conteste la position d’organe de fait de P._ retenue par le tribunal de première instance dans le cas concernant l’I._.
5.4.1
Les organes de fait sont les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation de la société, à savoir celles qui prennent en fait les décisions normalement réservées aux organes ou qui pourvoient à la gestion, concourant ainsi à la formation de la volonté sociale d'une manière déterminante (ATF 132 III 523 c. 4.5 p. 528; 114 V 213 c. 3 p. 214).
5.4.2
En l’espèce, X._ n’était pas l’administrateur de P._. Toutefois, il ressort des déclarations des plaignants au dossier que l’administrateur, soit S._, leur est apparu comme un homme de paille, et que c’était son père qui était le dirigeant effectif de la société ([...] PV aud. 1 dossier joint :« [Il] nous a fait une mauvaise impression en ce sens qu’il ne maîtrisait en rien la situation. Il rejetait la responsabilité sur son père » ; [...], PV aud. 2 dossier joint : « S._ ne maîtrisait pas la situation. C’est son père qui était chaque fois là pour discuter des questions importantes et c’est lui qui prenait les décisions » ; [...], PV aud. 4 dossier joint : « Toutes les décisions importantes étaient prises par X._. [...] C’est toujours X._, lorsqu’il était là, qui a mené les débats. Il prenait également les décisions importantes tout comme pour L._ SA. » ; [...], PV aud. 6 dossier joint : « J’ai rencontré X._ à deux reprises sauf erreur. J’ai compris que c’est lui qui avait le pouvoir de décision. Je précise que j’avais remarqué au fil des séances qui avaient été organisées jusque-là que S._ et son ami [...] n’avaient aucune connaissance en matière de publicité. » ). Quant à S._, il a lui-même déclaré lors de son audition à la police cantonale le 19 octobre 2005 (PV aud. 3 dossier joint) que c’était son père qui s’était occupé de la reprise de la société P._ en analysant notamment les comptes et que c’était toujours lui qui avait le dernier mot. Il a précisé qu’il était au courant que dite société avait besoin de fonds pour continuer son activité. Il a déclaré que son père s’était chargé de trouver un financement qui n’est jamais arrivé. Il a reconnu qu’il était au courant du mode de facturation mis en place, mais qu’il y avait renoncé en accord avec son père en utilisant l’argent pour payer les factures courantes de la société.
En conséquence, on doit admettre, à l’instar des premiers juges, que X._ ne s’est pas cantonné à un rôle accessoire dans cette affaire, mais qu’il avait la maîtrise sur la gestion de la société et que son rôle était indispensable. Déjà au stade des négociations, il a clairement manifesté sa volonté de gérer cette entreprise en étudiant les comptes de dite société, en établissant un business plan et en projetant d’injecter des fonds. Son fils S._ a agi sous sa coupe, ne faisant qu’exécuter ses ordres. X._ était donc le dirigeant effectif de la société P._ et la qualité d’organe de fait doit lui être reconnue. Une coactivité au sens de l’article 24 CP doit donc être retenue à son égard.
5.4.3
Pour le surplus, l’appelant ne conteste pas la qualification juridique des faits. Par adoption de motifs, on retiendra avec les premiers juges (jugement de première instance, pp. 59 à 62) que X._ s’est rendu coupable d’abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP) et de gestion fautive (art. 165 ch. 1 CP) en poursuivant de façon insouciante l’exploitation de la société P._ sans procéder aux mesures d’assainissement financier imposées par les circonstances, en utilisant l’argent versé par l’I._ à d’autres finalités que celle du paiement des factures publicitaires, en ne restituant à aucun moment un montant équivalent et en utilisant à des fins personnelles une somme indéterminée (mais à tout le moins équivalente à un montant de 6'500 fr.) sur les montants importants (de l’ordre de 100'000 fr.) prélevés sans justification par son fils sur le compte bancaire UBS SA de P._.
6.
L’appelant, qui concluait à son acquittement, ne conteste la peine en tant que telle qu’à titre accessoire, considérant que s’il devait être retenu qu’il s’est rendu coupable de gestion déloyale en raison du risque provisoire auquel a été exposé la G._ jusqu’à la compensation de la créance actionnaire, rien ne s’opposerait alors à ce qu’une peine légère compatible avec le sursis soit prononcée à son encontre.
Eu égard aux considérations du présent jugement, qui rejettent tous les griefs de l’appelant, les éléments à charge et à décharge retenus par le tribunal de correctionnel (cf. jugement de première instance, c. V., pp. 62-63) apparaissent adéquats et complets. En effet, la culpabilité de X._ est lourde. En l’espace de quelques mois, il n’a pas hésité à piller la G._ et la société P._ en vidant ces sociétés de leurs liquidités pour ses besoins strictement personnels et ceux de ses proches. Il a agi par appât du gain, au mépris de ses responsabilités de dirigeant. Le montant du préjudice, qui s’élève à plus de quatre millions de francs, a été dépensé sans scrupules par le prévenu afin de s’assurer un train de vie démesuré. A charge, il faut encore retenir le concours d’infractions entre celles protégeant le bien juridique du patrimoine et celles protégeant le droit des créanciers dans la faillite. A décharge, il y a lieu de tenir compte de l’absence d’antécédents judiciaires du prévenu, actuellement diminué psychiquement et physiquement dans sa santé et qui n’a plus inquiété la justice depuis lors, ainsi que de l’écoulement du temps et du fait que les deux tiers du délai de prescription pour les infractions retenues sont atteints (ATF 132 I c. 6. 2). Néanmoins, la réduction de peine à envisager de ce chef doit être mesurée compte tenu de l’absence de collaboration du prévenu dans le cadre de la procédure, notamment lorsqu’il promettait la production de pièces sans finalement s’exécuter, compliquant de fait l’instruction.
En définitive, la peine privative de liberté de quarante-deux mois infligée à X._ est conforme aux exigences de l’art. 47 CP et réprime adéquatement ses agissements. La durée de cette peine est incompatible avec un sursis même partiel.
7.
En définitive, l'appel de X._ doit être rejeté et le jugement attaqué entièrement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, par 5’760 fr. (art. 21 al. 1 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]) doivent être mis à la charge de l'appelant (art. 428 al. 1 CPP).
Il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur la requête d’indemnité au sens de l’art. 433 CPP de l’I._. En effet, même si la partie plaignante obtient gain de cause sur ses conclusions tendant au rejet de l’appel et a agi par un conseil de choix, elle n’a pas chiffré cette indemnité (cf. art. 433 al. 2 CPP). A cet égard, la seule mention de la durée d’activité du conseil juridique ne saurait satisfaire aux exigences légales à cet égard.
Il y a par contre lieu de faire droit à la requête d’indemnité au sens de l’art. 433 CPP déposée par la Banque F._, des V._, de la Caisse de pension de l’Etat de Vaud, de la Caisse de pensions B._ et de la Caisse de retraite de C._ et chiffrée à 1'000 francs. Cette indemnité sera mise à la charge de X._, qui devra paiement de cette somme, solidairement entre les parties plaignantes susmentionnées. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
78e1e3f8-12dc-47fc-ac64-97afe8af5da2 | En fait :
A.
Par jugement du 10 mars 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que Z._ s’est rendu coupable de vol, brigandage, tentative de brigandage, tentative de mise en circulation de fausse monnaie et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 7 mois, sous déduction de 22 jours de détention avant jugement, et à une amende de 300 fr., peine partiellement additionnelle à celle prononcée le 24 août 2010 par le Juge d’instruction de l’arrondissement de La Côte (II), a dit qu’à défaut de paiement de l’amende fixée sous chiffre II ci-dessus, la peine privative de liberté de substitution sera de 3 jours (III), a suspendu l’exécution de la peine privative de liberté prononcée sous chiffre Il ci-dessus et a fixé à Z._ un délai d’épreuve de 5 ans (IV), a révoqué le sursis octroyé le 24 août 2010 par le Juge d’instruction de La Côte et a ordonné l’exécution de la peine pécuniaire de 45 jours-amende à 20 fr. le jour (V), a ordonné la confiscation et la destruction du faux billet de 100 fr. séquestré sous fiche n° 50273 (VI), a renvoyé C._ à agir par la voie civile (VII), a arrêté à 2'802 fr., TVA et débours compris, l’indemnité due à Me Boschetti, défenseur d’office de Z._ (VIII), et a mis les frais, par 7'351 fr. 10, à charge de ce dernier, montant incluant l’indemnité de son défenseur d’office Me Olivier Boschetti, par 2'802 fr.,, ainsi que celle de son précédent conseil Me Pierre-Xavier Luciani par 1'272 fr. 10, TVA et débours compris, le remboursement à I’Etat des dites indemnités n’étant exigible que si la situation financière du prévenu le permet (IX).
B.
Le 20 mars 2014, le Ministère public a déposé une annonce d'appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 10 avril 2014, il a conclu à la réforme du chiffre II du jugement précité en ce sens que Z._ est condamné à une peine privative de liberté de quinze mois, sous déduction de 22 jours de détention avant jugement, et à une amende de 300 fr., peine partiellement additionnelle à celle prononcée le 24 août 2010 par le Juge d’instruction de l’arrondissement de La Côte. Il a produit trois pièces sous bordereau.
Z._ n'a présenté ni demande de non-entrée en matière, ni appel joint. Par écriture de son défenseur d’office du 7 mai 2014, accompagnée d’un bordereau de cinq pièces, il a conclu au rejet de l’appel du Ministère public et a requis la production de l’original d’une lettre (non datée et non signée) que sa compagne, [...], avait adressée au Procureur, ainsi que la production par la Fondation vaudoise de probation (ci-après : FVP) d’un rapport de situation réactualisé le concernant.
Il a été donné suite à ces requêtes. Le 2 juin 2014, le Procureur a produit une copie de l’exemplaire signé de la lettre de [...] et la FVP a, le 12 juin 2014, adressé à la cour de céans un rapport de situation concernant le prévenu.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le 24 avril 1989 à Morges, Z._ est l’aîné d’une fratrie de deux enfants. Après sa scolarité obligatoire, il a travaillé un certain temps comme cuisinier, avant d’entreprendre une formation professionnelle d’agent de voyage qu’il terminera en janvier 2015. Ses parents l’aident à financer sa formation, qui coûte 12'000 francs. Comme cela résulte de ses propos à l’audience (p. 3
supra
), le prévenu séjourne actuellement en Espagne afin d’apprendre des langues étrangères utiles dans sa formation et travaille occasionnellement comme cuisinier.
Le rapport de la FVP du 12 juin 2014 (pièce 69) a indiqué que Z._ était au bénéfice de l’accompagnement professionnel de cette institution depuis la fin de la détention provisoire subie dans le cadre de la présente affaire en octobre 2010, que, depuis cette date, il n’avait pas démontré une véritable motivation à se réinsérer dans la société, au vu des nombreux rendez-vous manqués avec son agent de probation et avec son conseiller ORP, et que l’unique élément en faveur de sa réinsertion consistait en une formation de six mois dans l’hôtellerie qu’il avait suivie entre 2012 et 2013 sans toutefois passer les derniers examens. Le prévenu a été décrit comme une personne intelligente, ayant le potentiel pour se prendre en mains, en très bonne condition physique et bien entouré par sa famille, mais dont les quelques efforts fournis pour se réinsérer ne semblaient être dictés que par la peur de retourner en prison et ne démontrant, par son attitude, qu’une compassion limitée envers ses victimes.
Son casier judiciaire comporte l’inscription suivante :
- 24.08.2010, Juge d’instruction de La Côte à Morges, émeute, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, peine pécuniaire 45 jours-amende à 20 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, amende 300 francs.
2.
2.1
A Montreux, dans le Parc Vernex, lors du Montreux Jazz Festival, le 6 juillet 2010, vers 1h30, Z._ a dérobé l’iPhone de [...], alors que cette dernière l’avait laissé momentanément sans surveillance. Le prévenu a été interpellé peu après et le téléphone a ainsi pu être restitué à la lésée.
2.2
A Nyon, dans le camping du Festival Paléo, le 25 juillet 2010, Z._ a dérobé un appareil photographique Nikon appartenant à [...]. Il a été interpellé peu après et l’appareil photographique a ainsi pu être restitué à la lésée.
2.3
A Lausanne, à la rue du Petit-Chêne, le 1
er
octobre 2010, vers 04h20, C._ a été abordé par Z._ et A._, qui lui ont demandé de vider ses poches. Comme C._ ne s’exécutait pas, Z._ lui a asséné un coup de tête avant de le fouiller pour lui dérober sa carte d’identité française et 50 francs. Durant l’enquête, les deux comparses ont versé 25 fr. chacun au lésé.
2.4
Toujours le 1
er
octobre 2010, au même endroit, Z._ et A._ ont barré le chemin de [...] qui descendait la rue. Z._ a menacé ce dernier de le frapper s’il ne leur donnait pas son porte-monnaie, alors que son comparse lui a asséné un coup de poing sur la pommette gauche et l’a saisi par le cou pour le plaquer contre une vitre. Le lésé a réussi à s’enfuir sans être délesté.
2.5
A Lausanne, le 27 mars 2011, le prévenu a tenté à deux reprises au moins de payer de la marchandise au moyen d’un billet de 100 fr. falsifié afin d’obtenir également de la monnaie en retour.
2.6
A Lausanne, notamment, du 10 mars 2011, les faits antérieurs étant prescrits, au 23 août 2011, date de sa dernière audition, le prévenu a consommé occasionnellement de la cocaïne.
3.
Les lésés (cas 2.1 à 2.4) ont retiré leurs plaintes, à l’exception de C._, qui, n’ayant pas chiffré ses conclusions civiles, a été renvoyé à agir devant le juge civil. | En droit :
1.
Le Ministère public a la qualité pour faire appel, en application de l'art. 381 al. 1 CPP.
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
3.1
Invoquant une fausse application des art. 47 al. 1 et 49 al. 1 CP, l’appelant soutient que dans la mesure où l’infraction la plus grave dont s’est rendu coupable Z._ est le brigandage au sens de l’art. 140 ch. 1 CP, la peine privative de liberté de 7 mois est trop clémente au regard du cadre de la peine prévu par cette disposition.
3.1.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle, ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
3.1.2
Aux termes de l’art. 49 al. 1 CP, si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.
3.2
3.2.1
En l’espèce, après avoir rappelé les chefs d’accusation retenus contre Z._, les premiers juges ont, dans le cadre de la fixation de la peine, retenu, parmi les éléments à charge, l’antécédent judiciaire, une récidive commise durant le délai d’épreuve assortissant la peine prononcée le 24 août 2010 par le Juge d’instruction de La Côte, le fait que cette condamnation n’avait pas eu d’effet dissuasif et le concours d’infractions. A décharge, ils ont mentionné un début de prise de conscience chez l’intimé du caractère répréhensible de ses actes, sa collaboration durant l’enquête et à l’audience, l’admission d’une partie des faits, ainsi que les excuses présentées aux plaignants.
Le Ministère public, en se référant aux pièces produites en annexe à sa déclaration d’appel, conteste la prétendue évolution positive du prévenu. Contrairement à ce que ce dernier a déclaré à l’audience de première instance, il ne se serait pas "tenu à carreau" depuis la détention préventive subie dans le cadre de la présente affaire (jugt, p. 5), puisqu’il aurait, depuis lors, maltraité son amie et donné lieu à de nouvelles enquêtes débouchant sur une détention provisoire à fin 2013 et sa condamnation en juin 2014 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois à 18 mois de privation de liberté avec sursis pendant 5 ans pour lésions corporelles notamment (p. 4
supra
). Sur ce dernier point, l’intimé aurait par ailleurs menti en prétendant en audience avoir été acquitté (jugt, p. 5).
3.2.2
Z._ est coupable d’un brigandage, d’une tentative de brigandage, de deux vols, d’une tentative de mise en circulation de fausse monnaie et d’une contravention à la LStup. Hormis les deux vols (c. 2.1 et 2.2
supra
), toutes les infractions sont postérieures à la condamnation d’août 2010 à 45 jours-amende et 300 fr. d’amende. Les premiers juges ont considéré à juste titre qu’ils n’avaient pas à fixer de peine d’ensemble, ni à convertir à cette fin la peine pécuniaire, dans la mesure où le concours rétrospectif imposant une peine d’ensemble ne vise que des infractions frappées de peines du même genre, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
La culpabilité du prévenu est importante. En effet, agresser les noctambules au petit matin pour les détrousser en les menaçant et en les frappant est objectivement grave. En attaquant ses victimes en supériorité numérique, l’intimé a en outre agi avec lâcheté, manifestant une grande désinvolture dans ses passages à l’acte. De plus, ces deux agressions ont été commises la même nuit, un peu plus d’un mois après la condamnation de 2010.
A cela s’ajoutent, à charge, le concours d’infractions, l’antécédent judiciaire et les récidives (et non "une" rédicive, comme l’a retenu le tribunal) commises durant le délai d’épreuve s’achevant le 23 août 2012. S’agissant du comportement du prévenu en cours d’enquête, on notera que lors de ses auditions le jour même des faits, celui-ci a, concernant le premier brigandage, d’abord prétendu que C._ l’avait abordé pour lui demander s’il avait de la drogue et que ce dernier lui avait "donné" de l’argent dans ce but; ce n’est qu’après que les policiers lui eurent donné lecture de la plainte que l’intimé a reconnu avoir agressé sa victime et lui avoir soutiré de l’argent (PV aud. 3, R. 3 à 5). S’agissant du deuxième brigandage, il a minimisé les faits, en affirmant qu’il ne se souvenait pas d’avoir agressé la victime (PV aud. 3, R. 6), avant de l’admettre (PV aud. 6). Au surplus, s’il est vrai que le prévenu était sous l’influence de l’alcool au moment de son interpellation, comme cela résulte du rapport de police (pièce 19, p. 3), ses explications répétées selon lesquelles il ne se souvenait pas du déroulement exact des faits en raison de cette consommation d’alcool apparaissent comme un prétexte pour ne pas s’assumer et minimiser la gravité des faits.
De plus, il n’exprime aucune véritable empathie pour les victimes dont le traumatisme a été purement et simplement ignoré. Si le deuxième brigandage n’a pas abouti, les victimes ont, dans les deux cas, été frappées, la première d’un coup de tête et la seconde d’un coup de poing au visage. Cette propension à la violence gratuite ressort également de la condamnation de 2010, le prévenu ayant fait partie d’un groupe de jeunes qui avait affronté la police à Morges et jeté des pierres en direction des agents, de leurs véhicules et du poste de police (pièce 34). A cela s’ajoute que si, en janvier de la même année, le prévenu, qui avait admis avoir giflé, en automne 2009, un jeune passant pour s’amuser, tout en contestant avoir voulu lui soutirer de l’argent, avait pu bénéficié d’un non-lieu pour ces faits, c’était uniquement ensuite du retrait de plainte de la victime (pièce 16).
On ne discerne pas d'éléments à décharge proprement dits, si ce n’est l’immaturité liée au jeune âge. Les aveux, retenus par le tribunal, n’en sont pas vraiment. La tendance du prévenu à minimiser, voire à nier les faits, telle que relevée ci-avant, ressort aussi des explications peu crédibles qu’il a données au sujet du vol de l’iPhone et de l’appareil photographique, en prétendant faussement que ces objets étaient, dans les deux cas, posés par terre sans surveillance, contrairement aux déclarations des lésées (cf. dossier joint B, pièces 2 et 3; dossier joint C, pièces 2 et 3). La collaboration durant l’enquête doit également être relativisée; il suffit de rappeler à cet égard que l’intimé n’a admis les infractions les plus graves, soit les agressions du 1
er
octobre 2010, qu’après avoir été confronté aux déclarations des plaignants. Quant aux excuses, elles sont, au vu de la teneur des lettres signées par les lésés (pièces 47 à 49), manifestement dues à l’initiative du défenseur pour obtenir des retraits de plaintes. Enfin, vu les pièces produites par le Procureur en appel, en particulier la plainte pénale déposée par la petite amie du prévenu le 19 août 2013, et compte tenu du rapport de la FVP du 12 juin 2014 (pièce 69), le désoeuvrement et l’usage de la violence qui semblent caractériser la vie du prévenu sont toujours présents, les explications fournies par ce dernier à l’audience d’appel au sujet de sa situation personnelle actuelle (p. 3
supra
) et la lettre, non datée, de sa petite amie (pièce 68) n’étant pas suffisamment déterminantes pour contrebalancer ces éléments.
Au vu de ce qui précède, force est de constater que la peine infligée est trop faible.
Il se justifie de prononcer une peine privative de liberté d’ensemble de douze mois,
le choix de la peine n'étant en soi pas critiquable, dans la mesure où ni la peine pécuniaire prononcée en août 2010, ni la détention préventive subie en octobre de la même année n’ont eu d'effet dissuasif sur l'intéressé, qui a commis, six mois après sa détention, une tentative de mise en circulation de fausse monnaie.
L
'amende de 300 fr. prononcée par les premiers juges pour réprimer la contravention à la LStup et la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l'amende sont adéquates.
4.
En conclusion, l'appel est partiellement admis et
le jugement attaqué modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
4.1
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel,
comprenant l'indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu, arrêtée à 1’641 fr. 60, TVA et débours compris, selon liste d’opérations (pièce 71),
seront mis par moitié à la charge de ce dernier, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
4.2
Z._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat la moitié de l'indemnité allouée à son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
79762c07-e676-4f6c-b873-99700bc4641a | En fait :
A.
Par jugement du 24 mai 2011, le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois a, notamment, condamné E._, pour tentative de vol, violation de domicile, instigation à induction de la justice en erreur, violation simple des règles de la circulation et circulation malgré un retrait de permis de conduire, à une peine privative de liberté de 120 jours (I), l'a condamné à une amende à titre de sanction immédiate de 300 fr. et a dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l'amende est de 10 (dix) jours (II), a dit que W._ et W._ étaient les débiteurs solidaires de [...] et lui devaient immédiat paiement de la somme de 978 fr. 70, valeur échue, la solidarité avec [...] étant réservée (V), a dit que E._ était le débiteur de L._ et lui devait immédiat paiement de la somme de 450 fr., valeur échue (VI), a mis les frais arrêtés à 4'835 fr. 15 à la charge de E._ (VII) et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité servie à son défenseur d'office ne sera dû que si la situation financière de E._ s'améliore (IX).
B.
Le 25 mai 2001, E._ a annoncé faire appel de ce jugement. Dans sa déclaration d'appel du 20 juin 2011, il a conclu à la modification du jugement aux chiffres I, II, V, VI et VII de son dispositif, en ce sens que l'appelant est libéré des infractions de tentative de vol, de violation de domicile et d'instigation à induction de la justice en erreur, la peine prononcée à son encontre étant réduite d'autant et assortie du sursis, l'amende prononcée à titre de sanction immédiate étant annulée, les conclusions civiles prises par les plaignantes étant rejetées et les frais de première instance mis à sa charge en relation avec les infractions dont il doit être libéré étant mis à celle de l'Etat.
L'intimée [...] s'en est remise à justice. Le Ministère public n'a pas présenté de déterminations, mais a annoncé qu'il ne comparaîtra pas aux débats et qu'il concluait au rejet de l'appel.
A l'audience d'appel, l'appelant a confirmé ses conclusions. Il a fait valoir que L._ lui avait donné l'autorisation de prendre des pneus plusieurs années auparavant; cependant, à l'époque des faits, l'appelant a admis ne plus rien
lui avoir redemandé. Il a ajouté qu'il était allé prendre ces pneus de jour, alors que le garage devait encore être ouvert.
L'intimé L._ a conclu à l'allocation de ses prétentions civiles, augmentées de 150 fr. pour tenir compte d'une heure supplémentaire passée ce jour pour suivre la présente procédure. Il a répété qu'il n'avait jamais donné d'autorisation à l'appelant de prélever des pneus dans son garage.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu E._, né en 1971, ressortissant du Kosovo, a été élevé par ses parents dans son pays. Arrivé en Suisse en 1997 après avoir séjourné en Allemagne depuis 1987, il est titulaire d'un permis de séjour F. Marié et père de huit enfants, il émarge aux services sociaux et se dit à la recherche d'un travail. Son casier judiciaire comporte huit inscriptions, relatives à des condamnations prononcées entre le 23 novembre 2001 et le 17 février 2010 à des peines comprises entre trois jours d'arrêt et 100 jours de peine privative de liberté, en particulier pour vol, recel et violation des règles de la circulation routière.
1.2.1 Le 13 mars 2010, les prévenus E._ et W._, accompagnés de la mineure [...], fille du premier nommé, déférée séparément, se sont introduits dans le magasin [...] de Mézières et ont voulu emporter diverses marchandises, pour une valeur de 350 francs. Surpris par les employés du magasin, ils ont pris la fuite à bord de leur véhicule en abandonnant sur la place de parc la marchandise dérobée des rayons. [...] a déposé plainte et a pris des conclusions civiles à hauteur de 978 fr. 70 sur la base d'un décompte du 13 mars 2010. Ces prétentions sont articulées en réparation de deux postes de dommage : la valeur des produits qui, pour avoir été retirés des étalages par les comparses, n'avaient pu être remis en vente, d'une part, et les heures de travail consacrées par le personnel à réagencer les rayons du magasin et à fournir d'autres prestations en relation avec les faits, d'autre part.
1.2.2 A Berne, le 26 mars 2010, E._ a circulé au volant d'une voiture, avec à son bord W._, ce alors que le conducteur faisait l'objet d'un retrait de son permis de conduire. Lors d'un contrôle de circulation, il n'a pas immédiatement obtempéré à l'injonction qui lui était faite par la police de s'arrêter. Poursuivi par une patrouille, il s'est toutefois arrêté. A peine sorti du véhicule, il a formellement contesté, à l'intention de deux policiers, en avoir été le conducteur, pour prétendre que c'était W._ qui était au volant. Ce dernier a initialement confirmé cette assertion, qui figure sur le procès-verbal d'interrogatoire de chacun des deux intéressés, établis le même jour. Par la suite, les deux occupants du véhicule sont revenus sur leurs propos, admettant finalement que c'était bien E._ qui conduisait, mais en contestant désormais avoir jamais soutenu le contraire.
1.2.3 A Vevey, le 7 mai 2010, E._ a tenté de s'emparer d'un stock d'une trentaine de pneus usagés, propriété de L._. Ce dernier, exploitant d'un garage, les avait déposés sur des places de parc privées sises dans un garage souterrain. Alors que le prévenu embarquait la cargaison à l'aide d'une remorque crochée à un vélomoteur, il a été surpris par le propriétaire des lieux, de sorte qu'il n'a pu quitter le garage. L._ a déposé plainte et a pris des conclusions civiles à hauteur de 450 fr. à l'encontre du prévenu, qu'il a maintenues aux débats.
2. Appréciant les faits de la cause, le tribunal de police a considéré que les éléments constitutifs de la tentative de vol (1.2.1 et 1.2.2), de la violation de domicile (1.2.2), de l'instigation à induction de la justice en erreur, de la violation simple des règles de la circulation et de la circulation malgré un retrait de permis de conduire (1.2.3) étaient réalisés. Il n'a pas ajouté foi aux dénégations du prévenu portant sur chacun des chefs d'accusation.
3. Pour ce qui est de la culpabilité du prévenu, le premier juge a considéré qu'elle n'était pas légère. A charge ont été prises en compte la récidive quelques semaines après une huitième condamnation, l'absence de prise de conscience et les dénégations de l'intéressé. En outre, le concours d'infractions a été retenu. A décharge ont été pris en considération la situation personnelle de l'intéressé et les bons renseignements recueillis à son sujet, ainsi que l'atténuation de peine selon l'art. 22 CP pour ce qui est de la tentative de vol. Les conditions du sursis n'ont pas été tenues pour réalisées, pour le motif que les multiples détentions subies à ce jour n'avaient pas réussi à détourner le prévenu de ses activités illicites, de sorte qu'une peine pécuniaire n'aurait, toujours de l'avis du premier juge, aucune pertinence en l'espèce.
Le tribunal de police a enfin considéré que les conclusions civiles étaient justifiées en droit dans leur principe et suffisamment étayées dans leurs quotités respectives. | En droit :
1.1
Suffisamment motivé, l'appel est recevable (art. 399 al. 1 et 3 CPP).
1.2
L'appelant conteste le jugement aussi bien quant à son état de fait (cf. l'art. 398 al. 3 let. b CPP) que pour ce qui est de l'application du droit matériel (cf. l'art. 398 al. 3 let. a CPP).
2.1
Se prévalant de la présomption d'innocence, il conteste d'abord s'être rendu au magasin [...] le 13 mars 2010 (cas 1.2.1). Pour retenir que le prévenu était bien, avec sa fille mineure et son comparse, présent sur les lieux, le tribunal de police s'est d'abord fondé sur les dépositions concordantes de deux employés du magasin, qui avaient assisté aux faits et dont les déclarations (procès-verbaux d'audience 4 et 5) sont claires et sans ambiguïté. Le jugement repose ensuite sur les aveux de l'appelant passés durant sa première audition et sur la présence de marchandises non payées, issues des étalages du commerce, laissées sur la place de parc y attenante. Le premier juge n'a pas ajouté foi à la rétractation ultérieure de l'appelant, renouvelée en plaidoirie d'appel.
2.2
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, également garantie par l'art. 32 al. 1 Cst., l’art. 6 par. 2 CEDH et l’art. 14 al. 2 Pacte ONU II, ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge pénal ne peut pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable au prévenu s'il existe, sur la base d'un examen objectif de la situation, des doutes quant à l'existence de ce fait. La présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent pas à exclure une condamnation. Il doit s'agir au contraire de doutes sérieux et irrépressibles (ATF 124 IV 86 c. 2a; 120 Ia 31 c. 2c).
En matière d’appréciation des preuves et d’établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l’autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu’elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (Kistler Vianin, dans : Kuhn/Jeanneret [éd.], Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, n. 28 ad art. 398 CPP). L’appréciation des preuves est en particulier arbitraire lorsque le juge de répression n’a manifestement pas compris le sens et la portée d’un moyen de preuve, s’il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d’un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 136 III 552 c. 4.2; TF 1C_517/2010 du 7 mars 2011 c. 2.1).
2.3
Au regard des principes rappelés ci-dessus, l’appréciation des preuves à laquelle s’est livré le premier juge n’est pas critiquable. Son analyse est convaincante et résulte d’éléments de preuves au dossier, que n'infirme aucun élément mentionné à l'audience d'appel. Le seul fait d’avoir écarté les dénégations des prévenus au profit des déclarations de témoins objectifs ne suffit pas davantage à constituer une constatation incomplète ou erronée des faits au sens de l'art. 398 al. 3 let. b CPP. Au vu de ces faits, les éléments constitutifs de la tentative de vol (art. 139 ch. 1 et 22 CP) et de la violation de domicile (art. 186 CP) sont bien réalisés.
3.1
A l'appui de sa conclusion tendant à ce qu'il soit libéré du chef d'accusation d'instigation à induction de la justice en erreur (cas 1.2.2), l'appelant persiste ensuite à nier ses dénégations opposées aux deux policiers bernois le 26 mars 2010. Il excipe désormais d'un élément nouveau, à savoir que l'état de santé de son comparse, diabétique, ne lui permettait de toute manière pas de conduire, à telle enseigne qu'il aurait été absurde de sa part de nier avoir été le conducteur du véhicule et d'instiguer son passager à prétendre avoir été au volant à sa place.
3.2
Il est de fait que, lors de leur premier interrogatoire, l'un et l'autre des comparses ont tenté d'échanger leur rôle (cf. les deux documents originaux, intitulés
Befragungsprotokoll
, établis le 26 mars 2010 par la Police cantonale bernoise et dont les traductions figurent au dossier). Entendus par le premier juge, les agents de police [...] et [...], à l'origine de l'interpellation, ont sans réserve confirmé la teneur des procès-verbaux d'interrogatoire. Ils ont précisé qu'ils avaient vu le chauffeur, qui était le prévenu E._, et que les deux occupants de la voiture comprenaient bien l'allemand, à telle enseigne qu'ils avaient refusé l'assistance d'un interprète. Ce dernier élément est confirmé par le fait que les deux prévenus avaient vécu en Allemagne durant plusieurs années avant de venir en Suisse.
Ces éléments de fait sont concordants et établis à entière satisfaction. Le premier juge a ainsi considéré à raison qu’il n’avait pas à s’écarter des dépositions fiables des policiers. L'appelant avait un évident intérêt à soutenir qu'il n'était pas au volant, vu qu'il était sous le coup d'une mesure de retrait de permis de conduire. A défaut de tout intérêt personnel, le comparse n'a donc pu s'accuser qu'à l'instigation de l'appelant, dont les dénégations, non étayées, apparaissent dérisoires. Il n'y a ainsi nulle constatation incomplète ou erronée des faits au sens de l'art. 398 al. 3 let. b CPP à retenir que le prévenu E._ avait, initialement, instigué son comparse à s'auto-incriminer à tort, ce dans le dessein d'échapper aux poursuites pénales.
Au vu de ces faits, les éléments constitutifs de l'instigation à induction de la justice en erreur (art. 304 ch.1 et 24 al. 1 CP) sont bien réalisés.
4.1
L'appelant conteste ensuite toute intention dolosive pour ce qui est du cas 1.2.3. Il fait valoir qu'il était habilité, par L._, à disposer des pneus usagés déposés dans le garage, ce qu'il faisait de manière récurrente depuis plusieurs années. En outre, le fait qu'il les ait entassés dans une remorque au vu et au su de tous, de jour alors que le garage devait encore être ouvert, témoignerait de sa bonne foi.
Lors des débats de première instance et à l'audience de ce jour, le plaignant a expressément relevé que, s'il avait, à bien plaire, pu autoriser le prévenu à se servir dans ce stock de pneus, il était expressément revenu sur cette faveur six à huit ans avant les faits déjà. Il a étayé son propos en ajoutant qu'il était tenu de ne remettre ses pneus usagés qu'à un récupérateur agréé, ce que le prévenu n'est bien entendu pas; à défaut, l'exploitant du garage peut être condamné, ainsi qu'il l'avait été, à une reprise, par un tribunal argovien pour avoir, par mégarde, remis des batteries à un repreneur non autorisé. Certes, le jugement en question n'a pas été produit, mais peu importe. En effet, le fait mentionné est parfaitement vraisemblable, dès lors que la récupération des matières premières usagées est soumise à des normes de droit public souvent contraignantes pour les acteurs économiques.
Il découle de ce complexe de faits que le plaignant avait un intérêt objectif à interdire la récupération de ses vieux pneus, notamment par le prévenu. Ceci rend la version des faits de celui-là d'autant plus vraisemblable, au détriment des dénégations de celui-ci. Au surplus, le plaignant n'avait aucun motif d'accorder quelque privilège que ce soit à un individu avec lequel ses relations étaient conflictuelles. Il n'y a donc nulle constatation incomplète ou erronée des faits au sens de l'art. 398 al. 3 let. b CPP, respectivement nulle violation de la présomption d'innocence (cf. c. 2.2 ci-dessus), à retenir que l'appelant n'était, lors des faits, pas autorisé à disposer des pneus usagés qu'il avait tenté d'emporter, l'autorisation idoine lui en ayant été retirée depuis plusieurs années.
4.2
Ce qui précède suffit à exclure toute erreur sur les faits (art. 13 CP). Pour ce qui est de l'élément subjectif de l'infraction retenue (tentative de vol), le point déterminant est l'intention dolosive d'enrichissement, non menée à terme du fait de l'intervention d'un tiers, à savoir le propriétaire des choses mobilières convoitées par l'auteur. Il s'agissait de biens meubles monnayables, comme l'a expressément exposé l'appelant en relevant avoir eu l'intention d'exporter à dessein d'enrichissement, donc à titre onéreux, ce lot de vieux pneus, comme il l'avait fait précédemment pour d'autres stocks semblables. Il y a ainsi bien eu tentative de sa part de soustraire une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier au sens des art. 22 et 139 ch. 1 CP. Les éléments constitutifs de la tentative de vol sont donc réunis en relation avec ce complexe de faits également.
5.1
L'appelant conteste ensuite la quotité de la peine privative de liberté et le refus du sursis.
5.1.1
Les critères déterminants pour l'examen de la culpabilité sont posés par l'art. 47 CP.
L'art. 47 al. 1 CP confère au juge un large pouvoir d'appréciation pour ce qui est de la prise en compte des différents facteurs déterminants pour la quotité de la peine. Il reprend les critères des antécédents et de la situation personnelle consacrés par l'art. 63 aCP, tout en leur ajoutant la nécessité de prendre en considération l’effet de la peine sur l’avenir du condamné. S’agissant de ce dernier élément, le Message précise que le juge n’est pas contraint d’infliger la peine correspondant à la culpabilité de l’auteur s’il y a lieu de prévoir qu’une peine plus clémente suffira à le détourner de commettre d’autres infractions (FF 1999 II 1866). Cet aspect de prévention spéciale ne permet toutefois que des corrections marginales. Il ne saurait l'emporter sur l’appréciation de la culpabilité du délinquant, l'effet de la peine devant toujours rester proportionné à la faute. L'art. 47 al. 2 CP codifie la jurisprudence rendue en vertu de l’art. 63 aCP (cf. not. ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1; ATF 127 IV 101 c. 2a; ATF 118 IV 21 c. 2b; cf. aussi notamment TF 6B_207/2007 du 6 septembre 2007).
5.1.2
Aux termes de l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (al. 1). Selon l'art. 41 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l’exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s’il y a lieu d’admettre que ni une peine pécuniaire ni un travail d’intérêt général ne peuvent être exécutés (al. 1). Le juge doit motiver le choix de la courte peine privative de liberté ferme de manière circonstanciée (al. 2).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner le prévenu de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère du prévenu et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents (cf. ATF 134 IV 1, c. 4.2.1; TF 6B_648/2007 du 11 avril 2008, c. 3.2).
Parmi les critères essentiels à l'établissement du pronostic, on doit citer les antécédents pénaux, le risque de récidive qui se fonde sur les antécédents, la socialisation ou le comportement au travail de l'auteur; la prise de conscience de la faute par l'auteur est également déterminante (Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Bâle 2009, n. 17 ad art. 42 CP, p. 438). A cet égard, la prise de conscience de sa faute par l'auteur doit permettre d'augurer d'un changement d'attitude face à ses actes (TF 6B_171/2007 du 23 juillet 2007 c. 4).
5.2
L’appelant ne remet en cause la quotité de la peine que dans la mesure où il soutient qu’il doit être partiellement libéré. Or, finalement, tel n’est pas le cas et tous les chefs d’accusation retenus par le premier juge subsistent donc.
Le jugement attaqué prend en compte tous les éléments prévus à l’art 47 CP. A raison, la culpabilité est qualifiée de « pas légère ». Les antécédents sont nombreux et récents. L’attitude de l’intéressé aux débats et ses déclarations à géométrie variable ont été prises en compte à charge, de même que le concours d’infractions (art. 49 CP). Les éléments à décharge sont correctement appréciés. Au surplus, aucun élément déterminant au regard de l'art. 47 CP n'a été omis, respectivement ne s'est vu conférer une portée excessive ou insuffisante. En outre, l'oisiveté dans laquelle se complait l'appelant est un facteur de désocialisation, donc de pronostic défavorable.
La quotité de la peine est ainsi adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle. Elle ne relève ni d’un abus ni d’un excès du pouvoir d’appréciation dont jouit l’autorité de première instance, laquelle n’a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l’art. 47 CP. C'est ainsi, en particulier, qu'il y a lieu de prendre en compte la récidive quelques semaines après une huitième condamnation, l'absence de prise de conscience et les dénégations de l'intéressé, ainsi que le concours d'infractions; à décharge ont été pris en considération la situation personnelle de l'intéressé et les bons renseignements recueillis à son sujet, ainsi que l'atténuation de peine selon l'art. 22 CP pour ce qui est de la tentative de vol. Le quantum de la peine ne procède dès lors pas d'une violation du droit fédéral selon l'art. 398 al. 3 let. a CPP. Il sera donc confirmée.
5.3.1
L'art. 41 CP dispose que le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l’exécution de la peine (art. 42) ne sont pas réunies et s’il y a lieu d’admettre que ni une peine pécuniaire ni un travail d’intérêt général ne peuvent être exécutés (al. 1).
5.3.2
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. Le juge doit par ailleurs motiver sa décision de manière suffisante (art. 50 CP). Sa motivation doit permettre de vérifier s'il a été tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (cf. ATF 134 IV 5 c. 4.2.1; ATF 128 IV 193 c. 3a; ATF 118 IV 97 c. 2b). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (cf. ATF 134 IV 5 c. 4.2.2).
5.3.3
En l'espèce, les lourds antécédents de l’appelant, les huit condamnations à des peines privatives de liberté comprises entre 3 et 100 jours, les infractions commises de manière récurrente y compris après des périodes de détention, l’absence d’introspection et les dénégations démontrent que le pronostic est très défavorable. Outre les récidives spéciales, le prévenu a fait montre - par ses déclarations en cours de procédure - de la méconnaissance du caractère répréhensible de son comportement, ainsi que de son incompréhension face à ses condamnations. Jusqu'à ce jour, aucune sanction (ou menace de sanction) n'a pu le détourner de son comportement délictueux. C’est à juste que le premier juge a considéré que seule une peine ferme paraissait en mesure de détourner le prévenu d’autres crimes ou délits. C’est à juste titre en outre que le premier juge a considéré que ni une peine pécuniaire ni un travail d’intérêt général ne pouvaient être exécutés : il résulte des éléments que l’on de vient de citer que de telles peines doivent être tenues pour inexécutables en raison de leur inadéquation à détourner un prévenu récidiviste de la délinquance; des motifs d’adéquation de la sanction commandent ainsi le prononcé d’une courte peine privative de liberté.
Vu ce qui précède, c'est à juste titre que le premier juge a prononcé une courte peine privative de liberté ferme, les conditions de l’art. 41 al.1 CP étant réalisées.
6.1
L'appelant critique enfin l'allocation de leurs prétentions civiles aux lésés, ainsi que la mise à sa charge des frais.
Le premier juge a fait droit aux conclusions pécuniaires dans leur principe dès lors qu'un préjudice patrimonial avait été causé aux différentes parties civiles, soit [...] et L._, par les actes illicites ici en cause; il a en outre considéré que les dommages allégués avaient été établis à satisfaction dans leur quotité. Quant à la mise à charge de l'entier des frais, elle découle des condamnations prononcées à défaut de toute libération d'un quelconque chef d'accusation.
Dans la mesure où les conclusions de l'appel en libération des différents chefs d'accusation sont rejetées, la perpétration d'actes pénalement illicites est donnée. Il y a aussi illicéité civile dans la mesure où il s'agit d'infractions contre le patrimoine. Ces actes ont été commis au préjudice des plaignants. La condamnation du prévenu E._ implique qu'il est tenu aux frais (art. 426 al. 1 CPP). Outre les conditions posées par l'art. 41 al. 1 CO, les conditions préalables découlant de l'art. 433 al. 1 CPP sont ainsi réunies.
6.2.1
Quant à la quotité des dommages (cf. l'art. 433 al. 2 CPP), [...] a produit un décompte, libellé le 13 mars 2010 (pce 9/2) pour un montant de 978 fr. 70. Ce relevé mentionne quatre haras de bière, quatre "packs" de boisson forte et trois paires de gants
agraro
, ainsi que des prestations supplémentaires effectuées par quatre membres de son personnel salarié, à savoir le directeur, deux employés de vente et une femme de ménage. La cour de céans veut bien admettre que, s'agissant de denrées alimentaires, des marchandises ayant déposées, pour un laps de temps si bref soit-il, sur la voie publique ne peuvent plus être remises en vente, même si les denrées en question sont conditionnées sous des emballages étanches. Pour des raisons d'hygiène également, il peut en aller de même des gans de travail, effets destinés à être portés à même la peau. Pour le reste, s'agissant des prestations de la main-d'œuvre, il peut être tenu pour vraisemblable que les voleurs ont causé du désordre dans les rayons, d'où la durée d'une heure consacrée par un employé pour leur remise en ordre, en sus du poste "Appel, entretien pour dépôt de plainte", aussi pour une heure. La procédure pénale a en outre été de nature à causer un travail administratif d'une heure au directeur de l'établissement, s'agissant d'une partie non assistée. Enfin, le second employé et la femme de ménage ont été sollicités durant plusieurs heures durant l'enquête, pour reconnaître les auteurs des vols, avec frais de transport pour le premier. Le temps consacré par ces travailleurs à remédier aux conséquences des infractions n'a pu être voué à d'autres tâches, alors même qu'il a justifié le versement des salaires par l'employeur, d'où le préjudice subi par celui-ci. Au surplus, les salaires horaires bruts indiqués ne sont pas exorbitants pour les catégories d'employés ici en cause. Le dommage peut ainsi être considéré comme établi à satisfaction au regard des exigences de l'art. 433 al. 2, 1
ère
phrase, CPP, au vu de la marge d'appréciation devant être concédée au premier juge en la matière.
6.2.2
Pour sa part, L._ n'a pas produit de décompte, mais a fait valoir, à l'audience de première instance, avoir perdu trois heures dans cette affaire, à hauteur de 150 fr. l'heure. Pour un indépendant, il s'agit d'un revenu brut. Ce montant n'apparaît pas excessif pour l'exploitant d'un garage, pas plus que ne l'est la durée alléguée. Ce dommage doit donc aussi être considéré comme établi à satisfaction au regard des exigences de l'art. 433 al. 2, 1
ère
phrase, CPP, comme en a statué le premier juge. C'est ce même montant horaire, pour une heure, qui doit être retenu au titre du temps occasionné par l'audience d'appel, à titre de remboursement de frais occasionnés par la procédure de recours
.
7.
L'appelant succombant entièrement sur ses conclusions, les frais de la procédure d'appel selon l'art. 424 CPP doivent être mis à sa charge (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Ces frais comprennent l'indemnité de défenseur d’office pour la procédure d’appel, laquelle doit être arrêtée à 1'333 fr. 80, débours et TVA compris, au vu de l'ampleur des opérations effectuées.
L'appelant ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
797bc4ee-c2e5-44f0-a25e-d7941304d402 | En fait :
A.
Par ordonnance pénale du 4 janvier 2013, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a notamment condamné D._ pour lésions corporelles simples, vol, dommages à la propriété, escroquerie, violation simple des règles de la circulation routière, conduite sous mesure de retrait du permis de conduire et conduite sans permis de circulation et sans assurance responsabilité civile, à cinq mois de peine privative de liberté ferme et à 300 fr. d’amende convertible en trois jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif (I), a renoncé à révoquer le sursis accordé au prénommé le 27 septembre 2006 par le Tribunal correctionnel de Lausanne, mais a prolongé le délai d’épreuve de deux ans (II), a ordonné le maintien au dossier de la pièce à conviction n° 51922 (III), a dit que D._ doit la somme de 9'500 fr. à [...], valeur échue (IV), et a mis les frais d’enquête arrêtés à 1'762 fr. 50 à la charge du condamné (V).
Cette ordonnance n’a pas été contestée par la voie de l’opposition.
B.
Par acte du 19 juillet 2013, D._ a demandé la révision de l’ordonnance pénale précitée. Il a conclu, avec dépens, préalablement à l’octroi de l’effet suspensif; principalement, à l’annulation de l’ordonnance pénale et au renvoi du dossier au Ministère public pour nouvelle instruction et nouvelle décision et, subsidiairement, au prononcé d’une décision tenant compte de sa responsabilité restreinte. Il a en outre requis la désignation d’un défenseur d’office.
Dans ses déterminations du 24 juillet 2013, le Ministère public a déclaré qu’il ne s’opposait pas à la requête d’effet suspensif.
Par courrier du 26 juillet 2013, le Président de céans a rejeté ladite requête.
Dans ses déterminations du 15 août 2013, le Ministère public a conclu au rejet de la demande de révision.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
D._ est né le [...] 1947. Il est divorcé et vit seul à [...]. Retraité, il perçoit une rente AVS ainsi que des prestations complémentaires. Le 7 décembre 2006, une mesure de tutelle a été instituée en sa faveur. Par décision du 20 novembre 2012, le juge de paix, en se fondant sur le rapport d’expertise psychiatrique établi le 11 septembre 2012, a maintenu cette mesure.
2.
À Lausanne, le 26 août 2011, D._ a asséné un coup de poing au visage de B._ suite à une altercation.
A Lausanne notamment, entre les mois d’avril et de juin 2011, D._ a effectué des commandes de marchandise et conclu des abonnements à des journaux au nom de son ancien voisin, A.K._, décédé en octobre 2010, pour un montant de 5'267 fr. 50.
Au cours de la même période, il a obtenu des subventions de la commune de Lausanne d’un montant de 300 fr. en utilisant le nom de famille [...] et en y associant des prénoms fictifs.
A Lausanne, le 27 mai 2011, D._ a dérobé la carte bancaire de G._ dont il connaissait le code et effectué des retraits pour un montant total de 9'500 francs.
A Lausanne entre la mi-mai 2012 et le 3 août 2012, le prévenu a régulièrement circulé au guidon d’un scooter alors que son permis lui avait été retiré. Le 3 juillet 2012, il a circulé dans le sens inverse d’une rue à sens unique. Le 3 août 2012, il a utilisé un motocycle qui n’était pas immatriculé et couvert par une assurance responsabilité civile. | En droit :
1.
Pour être valides en la forme, les demandes de révision doivent être motivées et adressées par écrit à la juridiction d’appel, les motifs de révision devant être exposés et justifiés dans la demande (art. 411 al. 1 CPP [Code de procédure pénale du 5 octobre 2007, RS 312.0]; Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, 3
e
éd., Schulthess § 2011, n. 2092 ad art. 411 CPP et Niggli et Wiprächtiger, Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung Jungenstrafprozessordnung, Bâle 2011, n. 6 ad art. 411 CPP).
En l’occurrence, la requête déposée le 19 juillet 2013 par D._ remplit les exigences de forme de l'art. 411 CPP.
2.
Le requérant fait valoir qu’au vu de sa capacité de discernement limitée, il n’avait ni la capacité pénale, ni la capacité de prendre part aux débats. De ce fait, le Ministère public aurait dû notifier l’ordonnance pénale du 4 janvier 2013 à son tuteur et lui désigner un défenseur d’office. En outre, il aurait dû bénéficier d’une responsabilité restreinte au sens de l’art. 19 CP et la peine aurait dû être atténuée en conséquence.
2.1
L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d’en demander la révision s’il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l’autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l’acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné. Cette disposition reprend la double exigence posée par l’art. 385 CP selon laquelle les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être nouveaux et sérieux (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 Il 1057 ss, spéc. 1303; TF 6B_310/2011 du 20 juin 2011 c. 1.2 et les références citées).
Les faits ou moyens de preuve sont nouveaux lorsque le juge n’en a pas eu connaissance au moment où il s’est prononcé, c’est-à-dire lorsqu’ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Ils sont sérieux lorsqu’ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l’état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (TF 6B_310/2011 op. cit. c. 1.2; ATF 130 IV 72 c. 1).
Une demande de révision dirigée contre une ordonnance pénale doit être qualifiée d'abusive si elle repose sur des faits que le condamné connaissait initialement, qu'il n'avait aucune raison légitime de taire et qu'il aurait pu révéler dans une procédure ordinaire mise en oeuvre par une simple opposition. En revanche, une
révision
peut entrer en considération à l'égard d'une
ordonnance pénale
pour des faits et des moyens de preuve importants que le condamné ne connaissait pas au moment du prononcé de l'ordonnance ou dont il ne pouvait pas se prévaloir ou n'avait pas de raisons de se prévaloir à cette époque (ATF 130 IV 72, précité, c. 2.3; TF 6B_245/2012 du 12 septembre 2012 c. 1.6).
2.2
En l’espèce, il résulte du dossier que l’existence d’un représentant légal, par l’Office du Tuteur général, était connue des autorités de poursuite pénale (cf. P. 4 en page de garde). De surcroît, lors de son audition du 7 juin 2013 à la police, le prévenu a indiqué qu’il faisait l’objet d’une mesure tutélaire (PV aud. 2, p. 3). Dans ces conditions, on ne saurait considérer que cette circonstance était inconnue du Ministère public au moment de rendre son ordonnance pénale.
Par ailleurs, au vu des pièces au dossier, l’autorité d’instruction n’avait pas à éprouver de doute sur la responsabilité du prévenu au sens de l’art. 20 CP. En effet, selon la décision de la justice de paix du 20 novembre 2012, le requérant est capable de gérer ses affaires seul et ses troubles cognitifs ne compromettent que la gestion de situations complexes (P. 23/2 annexe 4, p. 6). Par ailleurs, il ressort de l’expertise psychiatrique établie le 11 septembre 2012 que le trouble affectif bipolaire dont souffre le requérant est actuellement en rémission et la dépendance à l’alcool révolue (P. 23/2 annexe 5, p. 7). L’interdiction civile du requérant n’est donc pas propre à ébranler l’état de fait sur lequel se fonde sa condamnation et à rendre possible un jugement sensiblement plus favorable.
Au surplus, la validité de la notification d’une ordonnance pénale à une personne interdite ne constitue pas un motif de révision, une telle voie étant en effet ouverte pour faire corriger une erreur de fait et non de droit (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
éd., n. 1.2 ad art. 385 CP). Il en va de même de l’absence de défenseur d’office, le prévenu ayant au demeurant déclaré à chaque interrogatoire n’avoir pas besoin de l’assistance d’un avocat (PV aud. 2, p. 2; PV aud. 3, p. 2; PV aud. 5, p. 2).
.
Il résulte de ce qui précède que les arguments avancés par le requérant ne peuvent pas être qualifiés de faits nouveaux et sérieux au sens de l’art. 410 al. 1 let. a CPP. Aucun motif de révision n’est réalisé.
2.3
En définitive, la demande de révision de D._ doit être rejetée, dans la mesure où elle est recevable.
3.
Le requérant requiert la désignation d’un défenseur d’office pour la procédure de révision.
3.1
En dehors des cas de défense obligatoire, – hypothèses non réalisées en l'espèce –, l'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet à deux conditions le droit à l'assistance d'un défenseur d'office : le prévenu doit être indigent et la sauvegarde de ses intérêts doit justifier une telle assistance. Cette seconde condition s'interprète à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP. En tout état de cause, une affaire n’est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible notamment d’une peine privative de liberté de plus de quatre mois (art. 132 al. 3 CPP; TF 1B_74/2013 du 9 avril 2013 c. 2.1).
3.2
En l’occurrence, compte tenu de l’indigence du requérant et de la peine privative de liberté prononcée à son encontre, il se justifie de lui désigner un défenseur d’office en la personne de Me Guy Longchamp pour la procédure de révision.
4.
Vu l'issue de la cause, les frais de révision, arrêtés à 770 fr. (art. 21 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1], par renvoi de l'art. 22 TFJP), ainsi que l’indemnité allouée au défenseur d’office de D._, par 1'166 fr. 40, correspondant à 6 heures d’activité au tarif horaire de 180 fr., TVA et débours compris, sont mis à la charge du requérant (art. 428 al. 1 CPP).
D._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
797d8e80-cfda-4b48-9b40-f6aea6062375 | En fait :
A.
Par jugement du 29 janvier 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté qu’B._, alias [...], s’était rendu coupable d’infraction grave à la Loi fédérale sur les stupéfiants et de séjour illégal (I), a condamné ce dernier à une peine privative de liberté de trois ans et demi, sous déduction de 443 jours de détention avant jugement (II), a révoqué le sursis octroyé le 28 août 2008 par la Préfecture de Lausanne et ordonné l’exécution de la peine pécuniaire de 10 jours-amende à 30 francs (III), a ordonné le maintien en détention d’B._ pour des motifs de sûreté (IV), a ordonné la confiscation et la destruction des objets et produits stupéfiants séquestrés sous fiches n° 54072, 54616, 54807, 54809, 55130 et 55211 (V), a ordonné la confiscation des sommes de 30 fr. séquestrée sous fiche n° 54809, et 1'300 fr., séquestrée sous fiche n° 55130, et leur dévolution à l’Etat (VI), a dit que les CD et DVD ainsi que les protocoles inventoriés sous fiches n° 54806 et 55082 seraient laissés au dossier à titre de pièces à conviction (VII), a mis une part des frais de justice, arrêtée à 41'882 fr. 15, à la charge d’B._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (VIII), a arrêté à 12'666.20 fr. TTC, sous déduction d’une avance de 5'589 fr., l’indemnité allouée à Me Irène Schmidlin, défenseur d’office du prénommé (IX), et a dit que lorsque sa situation financière le permettrait, B._ serait tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité allouée sous chiffre IX ci-dessus (X).
B.
Par annonce du 7 février 2014, puis par déclaration d’appel du 10 mars 2014, B._ a conclu, avec suite de frais et dépens, principalement, à ce que le sursis octroyé le 28 août 2008 par la Préfecture de Lausanne ne soit pas révoqué (II) le chiffre III du jugement rendu par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne le 29 janvier 2014 étant supprimé (III), et, subsidiairement, à ce que le jugement querellé soit annulé, la cause étant renvoyée à l’autorité inférieure pour nouvelle instruction et nouvelle décision (V).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1)
B._, alias [...], ressortissant nigérian, est né le [...] 1980. Il a été élevé par ses parents dans son pays d’origine. L’appelant est arrivé en Suisse le 13 avril 2008, date à laquelle il a déposé une demande d’asile. Hébergé dans un centre pour requérants d’asile à Genève, il a bénéficié de l’aide d’urgence, qui lui a été accordée jusqu’au 10 août 2009. Ayant été débouté il aurait dû quitter le territoire suisse, ce qu’il n’a pas fait. Il a admis avoir vécu à Lausanne, aidé par sa copine de l’époque et des amis. Il a en outre vendu des produits stupéfiants à quelques reprises en novembre 2011.
2)
Le casier judiciaire de B._ mentionne une condamnation pour séjour illégal à une peine de 10 jours-amende à 30 fr., avec sursis pendant deux ans, et 300 fr. d’amende, prononcée le 28 août 2008 par la Préfecture de Lausanne.
3)
Une perquisition opérée le 13 novembre 2012 au domicile d’B._, sis avenue de Valmont 5, à Lausanne, a permis la saisie de 367 grammes de cocaïne bruts, dissimulés dans deux aspirateurs.
Une seconde perquisition effectuée le 19 juin 2013 au domicile du prénommé a conduit à la saisie de 208 grammes de cocaïne bruts supplémentaires.
Entre les mois de février 2011 et septembre 2012, B._ a vendu à [...] une quantité minimale de 80 grammes bruts de cocaïne, sous forme de fingers de 10 grammes chacun.
4)
B._ a résidé illégalement en Suisse du 5 juin 2008, date d’entrée en force de la décision de renvoi le concernant, au 13 novembre 2012, date de son interpellation. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0), l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les forme et délai légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel formé par B._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
L’autorité de céans peut traiter l’appel, qui ne porte que sur une question de droit, en procédure écrite, en application de l’art. 406 al. 1 let. a CPP.
3.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
4.
L’appelant conteste la révocation du sursis accordé le 28 août 2008 par la Préfecture de Lausanne.
4.1
Selon l’art. 46 al. 1 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937; RS 311.0), si, durant le délai d’épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu’il y a dès lors lieu de prévoir qu’il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. En vertu de l’al. 5, la révocation ne peut plus être ordonnée lorsque trois ans se sont écoulés depuis l’expiration du délai d’épreuve. Selon la jurisprudence, le point de départ du délai d’épreuve coïncide avec la communication du jugement exécutoire (ATF 120 IV 172 c. 2a).
4.2
En l’espèce, la condamnation d’B._ à 10 jours-amende à 30 fr. prononcée le 28 août 2008 par la Préfecture de Lausanne est entrée en force le 17 septembre 2008. Cette peine était assortie d’un délai d’épreuve de deux ans, lequel était ainsi échu au 17 septembre 2010. Le délai supplémentaire de trois ans prévu par l’art. 46 al. 5 CP est quant à lui venu à échéance le 17 septembre 2013.
S’il est vrai que l’appelant s’est rendu coupable d’une récidive spéciale, force est toutefois de constater que le jugement de première instance a été rendu le 29 janvier 2014, soit à une date postérieure à l’échéance du délai précité, de sorte que la révocation n’était plus possible. Partant, il y a lieu d’admettre l’appel d’B._ et de réformer le jugement du Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne du 29 janvier 2014 en ce sens que le sursis accordé le 28 août 2008 n’est pas révoqué, le chiffre III du dispositif étant par conséquent supprimé.
5.
L’appelant, par l’intermédiaire de son conseil, a pris des conclusions avec suite de frais et dépens.
5.1
L'art. 429 al. 1 let. a CPP prévoit que si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. Cette disposition s'applique aux voies de recours (y inclus l'appel) en vertu de l'art. 436 al. 1 CPP. L'art. 436 al. 2 CPP spécifie en outre pour la procédure de recours que si ni un acquittement total ou partiel, ni un classement de la procédure ne sont prononcés mais que le prévenu obtient gain de cause sur d'autres points, il a droit à une juste indemnité pour ses dépenses.
Dans un arrêt récent (TF du 14 avril 2012 6B_753/2011), le Tribunal fédéral précise que l'indemnité selon les art. 429 al. 1 let. a CPP et 436 al. 2 CPP concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix. Dans le cas d'un prévenu qui a bénéficié de l'assistance judiciaire par le biais d'un défenseur d'office, les frais imputables à la défense d'office font partie des frais de procédure (art. 422 al. 1 let. a CPP), le prévenu n'ayant en principe pas à supporter les frais afférents à la défense d'office. Il ne saurait donc prétendre à une indemnité pour ses frais de défense, les conditions de l'art. 429 al.1 let a et 436 al. 2 CPP n'étant pas réalisées.
5.2
En l'espèce, l’appelant est assisté d’un conseil d’office. Or, conformément à la jurisprudence citée, une indemnité au sens de l’art. 436 CPP concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix, de sorte que ce droit n'est pas ouvert en faveur de l'appelant.
5.3
Sur la base de la liste des opérations produite, une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 993 fr. 60, TVA et débours compris, est allouée à Me Irène Schmidlin.
6.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, comprenant l'indemnité à allouer au défenseur d'office, seront laissés à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7995ff0a-1619-490f-bf3f-6ac4f61da455 | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
mai 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré I._ du chef d'accusation d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (I), a constaté qu'il s'est rendu coupable de vol, de violation de domicile, de contrainte sexuelle, de vol d'usage, de circulation sans permis de conduire, d'usage abusif de permis ou de plaques, et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (II), l'a condamné à une peine privative de liberté de 18 (dix-huit) mois (III), l'a condamné à une amende de 1'000 fr. (mille francs) et a dit qu'à défaut de paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 10 (dix) jours (IV), a renoncé à révoquer le sursis octroyé par le Juge d'instruction de Lausanne le 9 avril 2010 et a prolongé d'un an le délai d'épreuve concerné (V), a dit qu'il est le débiteur de F.P._, respectivement de son représentant légal, et lui doit immédiat paiement de la somme de 738 fr. 85, avec intérêts à 5% l'an dès le 19 avril 2009, à titre de dommages et intérêts et a donné acte des réserves civiles pour le surplus, ainsi que de la somme de 5'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 19 avril 2009, à titre de réparation du tort moral (VI), a mis les frais de la cause, arrêtés à 11'090 fr., à la charge d'I._ et a dit que ces frais comprennent l'indemnité allouée à son défenseur d'office, Me Campart, par 5'250 fr., indemnité avancée par l'Etat qui devra être remboursée par le condamné dès que sa situation financière le lui permettra (VII) et a dit que l'indemnité allouée au conseil d'office de F.P._, Me Longchamp, par 4'000 fr., est laissée à la charge de l'Etat (VIII).
B.
Le 7 mai 2012, I._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 19 juin 2012, il a conclu à sa libération du chef d'accusation de contrainte sexuelle et à sa condamnation pour les autres infractions à une peine privative de liberté n'excédant pas neuf mois avec sursis.
Le 25 juin 2012, le Ministère public a déclaré s'en remettre à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et ne pas déposer d'appel joint.
Le 11 juillet 2012, F.P._ a annoncé qu'elle n'entendait pas déposer d'appel joint, ni de demande de non-entrée en matière.
Par lettre du 20 septembre 2012, le président de la Cour d'appel pénale a informé le Dr [...] qu'I._ l'avait délié du secret médical et lui a demandé d'indiquer la nature et la fréquence du traitement suivi par l'appelant et l'éventuelle prescription médicamenteuse.
Par courrier du 26 septembre 2012, le Dr [...] a informé le président de la Cour d'appel pénale qu'I._ avait été en traitement au Centre de psychothérapie de la Byronne du 14 novembre 2011 au 23 juillet 2012. Il a indiqué qu'il s'agissait d'un traitement de soutien hebdomadaire ou bimensuel interrompu par le patient suite au départ de sa thérapeute, malgré la proposition du Centre de continuer le suivi avec un autre thérapeute, et que la médication était du Cymbalta, 30 mg par jour.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Deuxième d'une famille de trois enfants, I._ est né le 20 août 1985 à Djakovica au Kosovo. Elevé par ses parents, il a suivi sa scolarité obligatoire dans son pays d'origine avant d'émigrer avec sa famille en Allemagne. L'appelant a effectué un apprentissage de mécanicien sur motos et vélos et a achevé sa formation en 2002 par l'obtention d'un certificat. Par la suite, il a travaillé dans un commerce durant quatre ans. Il est devenu toxicomane et est retourné au Kosovo avec sa sœur durant un an avant de revenir s'installer près de Hambourg. En 2006, il a fait la connaissance de V._ qui vivait en Suisse. Un mariage a été arrangé par les deux familles. L'appelant s'est installé en Suisse après l'obtention d'un visa et s'est marié civilement le 24 février 2007. Le couple a eu un fils en octobre 2008 et s'est séparé en mai 2009, la séparation étant particulièrement conflictuelle. L'appelant a exercé notamment son droit de visite au "Point Rencontre". Entre 2007 et fin 2010, I._ a travaillé dans la construction. Après avoir perdu son emploi, il a bénéficié pendant près d'une année des indemnités versées par l'assurance-chômage, puis du revenu d'insertion pendant quelques mois. Depuis le mois d'avril 2012, l'appelant travaille comme monteur en échafaudages auprès de la société X._. Il a d'abord été employé comme temporaire placé par l'agence [...], puis, depuis le mois d'octobre 2012, comme salarié de X._. Son salaire mensuel brut s'élève à 4'187 francs. Il occupe un appartement à la Tour-de-Peilz. Il ne s'acquitte que très partiellement de la pension mise à sa charge pour l'entretien de sa famille et a accumulé pour plusieurs milliers de francs de dettes auprès de l'Etat qui avance chaque mois le montant de la contribution d'entretien. Il a déclaré avoir donné à sa banque un ordre permanent s'agissant du montant de 100 fr. par mois qu'il s'est engagé à verser à F.P._.
Le casier judiciaire suisse d'I._ comporte les condamnations suivantes:
- 9 avril 2010, Juge d'instruction de Lausanne, lésions corporelles simples (conjoint durant le mariage ou dans l'année qui a suivi le divorce), vol, dommages à la propriété, injure, menaces, contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, concours, peine pécuniaire 60 jours-amende à 60 fr., sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 2 ans, amende 600 francs;
- 16 mars 2012, Ministère public du canton de Fribourg, violation de domicile, dommages à la propriété, tentative de vol, contravention et délit à la loi fédérale sur les stupéfiants, peine pécuniaire 20 jours-amende à 100 fr., sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 3 ans, amende 1'000 francs.
Le 5 novembre 2012, l'appelant a été condamné pour lésions corporelles notamment par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne à une peine privative de liberté ainsi qu'à des jours-amende. Cette condamnation, qui fait l'objet d'un appel, n'est pas encore entrée en force.
2
A la gare de Lausanne, le 19 avril 2009, vers 6h00, I._ a abordé F.P._, née en 1986, qui attendait à un arrêt de bus, et lui a proposé de faire l'amour. La jeune femme, qui présente notamment un retard mental ainsi qu'un trouble du développement psychologique et qui avait bu de l'alcool au cours de la nuit, n'a pas accepté la proposition et a repoussé l'appelant. Ce dernier a alors saisi la jeune femme par le poignet et l'a entraînée vers un véhicule automobile en stationnement, au bord duquel se trouvaient trois de ses amis. F.P._ a refusé de monter dans la voiture. I._ a alors emmené la jeune femme, qui arrivait à peine à marcher, à l'abri des regards, vers des poubelles se trouvant à proximité. A cet endroit, il a descendu le pantalon et le slip de la jeune femme, laquelle a tenté en vain de repousser son agresseur. Ce dernier s'est également dévêtu laissant apparaître son sexe en érection. Ensuite, il a touché les fesses de la jeune femme, lui a introduit un doigt dans le vagin et a tenté de la contraindre à lui prodiguer une fellation, en passant ses mains derrière sa nuque. F.P._ s'est alors mise à crier, alertant deux jeunes femmes et faisant fuir l'appelant.
B.P._ et A.P._, représentants légaux de F.P._, ont déposé plainte le 16 juillet 2009.
3.
En outre, I._ a, le 14 juillet 2010, soustrait le véhicule de son colocataire pour en faire usage et l'a conduit sans être titulaire du permis de conduire. Le 12 janvier 2011, il s'est introduit sans droit dans une épicerie cambriolée par des tiers non identifiés et s'est emparé d'une lampe de poche et de 86 fr. 80 en monnaie. Au surplus, l'intéressé a consommé des joints de marijuana à raison d'une fois par mois pendant la période du 1
er
mai 2009 au 30 avril 2012. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 381 al. 1 et 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d'un tribunal ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel formé par I._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011,
n. 19 ad art. 398 CPP).
3.
I._ conteste s'être rendu coupable de contrainte sexuelle au sens de l'art. 189 CP. Subsidiairement, il soutient ne s'être rendu coupable que de tentative de contrainte sexuelle.
3.1
D'un point de vue factuel d'abord, I._ conteste avoir introduit son doigt dans le vagin de F.P._.
En l'occurrence, c'est en vain que l'appelant tente de modifier les faits qui ont été retenus par les premiers juges. En effet, il a, en cours d'enquête, reconnu avoir introduit un doigt dans le vagin de F.P._, ce qu'il a confirmé devant le Juge d'instruction, près d'un an après les faits, en déclarant à cette occasion que la jeune femme était venue le "chauffer", l'autorisant selon lui à agir comme il l'a fait (PV audition 6). Ce n'est qu'aux débats de première instance qu'il a nié l'attouchement en question en donnant des explications confuses et en cherchant à accuser la plaignante d'avoir eu un comportement provocateur. De toute manière, la version de F.P._, constante et cohérente, contredit les dénégations de l'appelant.
Les faits retenus en première instance doivent en conséquence être confirmés.
3.2
Aux termes de l'art. 189 al. 1 CP celui qui, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant sur elle des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister l’aura contrainte à subir un acte analogue à l’acte sexuel ou un autre acte d’ordre sexuel, sera puni d’une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d’une peine pécuniaire. L'art. 189 CP vise à réprimer de manière générale la contrainte en matière sexuelle. Le viol (art. 190 CP) constitue une
lex specialis
pour le cas où la victime est une femme et qu'il lui est imposé l'acte sexuel proprement dit.
Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'une contrainte sexuelle, il faut procéder à une appréciation globale des circonstances concrètes déterminantes. Une appréciation individualisée est nécessaire, laquelle doit reposer sur des éléments suffisamment typiques (ATF 128 IV 106 c. 3a/bb). L'auteur fait usage de la violence lorsqu'il emploie volontairement la force physique sur la victime afin de la faire céder. Les pressions d'ordre psychique visent le cas où l'auteur provoque chez la victime des effets d'ordre psychique, tels que la surprise, la frayeur ou le sentiment d'une situation sans espoir propres à la faire céder (ATF 128 IV 106 précité c. 3a/bb; ATF 122 IV 97 c. 2b).
L'infraction de contrainte sexuelle est consommée dès que l'acte d'ordre sexuel a eu lieu (Dupuis et al., Petit Commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 33 ad art. 189 CP et la référence citée).
3.3
En l'espèce, F.P._ a opposé une résistance à I._, puisqu'à la teneur des faits, elle a d'abord manifesté son refus verbal au moment des sollicitations sexuelles de l'appelant, puis elle a tenté de le repousser lorsqu'il l'a déshabillée et enfin elle a crié alors qu'il tentait de lui imposer une fellation. L'appelant était donc parfaitement en mesure de percevoir l'absence de consentement de la victime et il a passé outre en connaissance de cause. Il n'a eu aucune difficulté à imposer physiquement les actes d'ordre sexuel à sa victime en raison des difficultés de cette dernière à se déplacer et à rester debout. C'est également à juste titre que les premiers juges ont préféré la qualification de l'art. 189 al. 1 CP à celle de l'art. 191 CP, la capacité de résistance de la victime étant partiellement conservée, malgré son alcoolisation et ses troubles psychiques.
Au surplus, c'est en vain que l'appelant soutient ne s'être rendu coupable que de tentative de contrainte sexuelle puisqu'il y a eu pénétration digitale notamment et donc acte d'ordre sexuel consommé.
3.4
En conséquence, la condamnation d'I._ pour contrainte sexuelle doit être confirmée.
Mal fondé, le moyen de l'appelant doit être rejeté.
4.
L'appelant conclut à une peine n'excédant pas neuf mois.
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1; TF 6B_408/2012 du 1
er
novembre 2012 c. 1.1).
4.2
En l'espèce, I._ s'en est pris à une victime particulièrement faible et qu'il avait identifiée comme telle. Il a abordé F.P._ en lui demandant d'emblée si elle voulait entretenir un rapport sexuel avec lui, sans se préoccuper de l'état dans lequel elle se trouvait et faisant passer la satisfaction de ses pulsions sexuelles avant toute autre considération. Les circonstances dans lesquelles l'agression s'est déroulée sont sordides, en particulier le lieu où se sont finalement déroulés les attouchements sexuels. De plus, seule l'intervention de tiers a mis fin à ses agissements.
Aux débats d'appel, comme en première instance, I._ n'a pas montré une réelle prise de conscience. Il a préféré s'en prendre à la moralité de la victime et la dénigrer, plutôt que d'envisager sa propre responsabilité. Toutefois, à la fin de la première audience d'appel, tout en contestant avoir commis une infraction à l'encontre de F.P._, l'appelant s'est reconnu débiteur du montant du tort moral tel qu'arrêté en première instance, ce qui traduit une évolution positive. Il n'en reste pas moins que l'appelant a déjà été condamné pour des actes de violence. Il est également récidiviste en matière de vols. Les antécédents et le concours d'infractions viennent donc à charge et c'est une peine privative de liberté qui doit lui être infligée.
A décharge, il faut encore lui donner acte de son engagement de rembourser mensuellement à la victime la somme de 100 francs.
Au final, au vu de l'ensemble des éléments précités, la culpabilité de l'appelant est, comme l'ont qualifié à juste titre les premiers juges, lourde.
4.3
Compte tenu de la gravité des actes reprochés à l'appelant, de sa culpabilité et de sa situation personnelle, la sanction prononcée par les premiers juges est conforme à l'art. 47 CP et doit être confirmée. Il est au surplus précisé que cette peine n'est pas complémentaire à celle infligée le 9 avril 2010 par le Juge d'instruction de Lausanne dans la mesure où il s'agit de deux condamnations d'un genre différent, la première condamnation consistant en des jours-amende avec sursis, la deuxième en une peine privative de liberté (ATF 137 IV 249).
Au surplus, la condamnation du 5 novembre 2012 n'étant pas encore entrée en force, l'appelant pourra cas échéant, demander ultérieurement la fixation d'une peine d'ensemble conformément à l'art. 34 al. 3 CPP.
En conséquence, mal fondé, le moyen de l'appelant tendant à la diminution de la peine doit également être rejeté.
5.
L'appelant estime ensuite qu'un sursis doit lui être octroyé.
5.1
D'après l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Il découle de l’art. 42 al. 2 CP que le sursis total est exclu sauf circonstances particulièrement favorables si, durant les cinq ans qui ont précédé l’infraction, l’auteur a été condamné, notamment, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins. Aux termes de l'art. 43 al. 1 CP, le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable et hautement incertain (TF 6B_88/2011 du 18 avril 2011 c. 2.1 et les références citées). En d'autres termes, la loi présume l'existence d'un pronostic favorable et cette présomption doit être renversée par le juge pour exclure le sursis. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste (ATF 135 IV 180 c. 2.1; 135 IV 152 c. 3.2.1 non publié; Kuhn, Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 17 ad art. 42). Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents.
5.2.
Aux termes de l'art. 46 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Il peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d'ensemble conformément à l'art. 49 CP. S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation. Il peut adresser au condamné un avertissement et prolonger le délai d'épreuve de la moitié au plus de la durée fixée dans le jugement.
La révocation du sursis dépend des infractions commises dans le délai d'épreuve, lesquelles permettront d'établir un pronostic favorable ou défavorable (ATF 134 IV 140 c. 4.2). Seul un pronostic défavorable peut justifier la révocation; à défaut, le juge doit renoncer à celle-ci (ATF 134 IV 140 c. 4.3). Lorsqu'il s'agit de fixer le pronostic, le juge doit également tenir compte de l'effet dissuasif que peut exercer la nouvelle peine, si elle doit être exécutée; il en va de même s'agissant de l'effet de l'exécution d'une peine, à la suite de la révocation d'un sursis accordé précédemment (ATF 134 IV 140 c. 4.5).
5.3
Comme on l'a vu, l'appelant a déjà été condamné pour lésions corporelles simples et vols à des peines avec sursis qui ne l'ont pas dissuadé de récidiver. Il ne paraît pas non plus conscient de la gravité de l'infraction de contrainte sexuelle.
Au vu des éléments qui précèdent, le pronostic quant au comportement futur de l'appelant ne peut être que défavorable et il est exclu de lui octroyer le sursis. Toutefois, il n'apparaît pas nécessaire de révoquer le sursis octroyé le 9 avril 2010 dès lors que l'appelant devra subir une peine ferme susceptible d'avoir un effet positif sur son comportement futur, mais il convient de prolonger le délai d'épreuve d'une année.
Mal fondé, le moyen de l'appelant doit être rejeté.
6.
I._ conclut enfin à sa libération du paiement des indemnités allouées à F.P._ à titre de dommages et intérêts et à titre de tort moral.
Il s'est toutefois reconnu débiteur à l'audience du montant du tort moral alloué en première instance. Pour le montant de 738 fr. 85 alloué à titre de dommages-intérêts, il repose sur des factures en lien direct avec l'agression et doit dès lors être confirmé.
Mal fondé, le moyen doit également être rejeté.
7.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement de première instance intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge d'I._ (art. 428 al. 1 CPP).
Au vu des opérations effectuées en appel, il se justifie d'arrêter à
2’332 fr. 80, TVA comprise, l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant et à 1'982 fr. 90, TVA et débours compris, l'indemnité allouée au conseil d'office de l'initmée. L'appelant ne sera tenu de rembourser à l’Etat les montants des indemnités en faveur de son défenseur d'office et du conseil d'office de l'intimée que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
79b73d7d-31dd-44fc-a666-62b40c40f1cd | En fait :
A.
Par jugement du 17 août 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a constaté que F._ s'est rendu coupable de voies de fait qualifiées, d'injure et de menaces qualifiées (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de septante jours-amende, le jour-amende étant fixé à 30 fr. (II), a suspendu l'exécution de la peine pécuniaire et fixé au condamné un délai d'épreuve de deux ans (III), a dit que F._ est le débiteur de B._ de la somme de 1'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an depuis le 29 décembre 2009, à titre d'indemnité pour tort moral (IV), a fixé l'indemnité du défenseur d'office de F._ à 1'620 fr. d'honoraires plus 53 fr. de débours plus 133 fr. 85 de TVA, et celle du conseil d'office de B._ à 1'000 fr. d'honoraires plus 100 fr. de débours, plus 88 fr. de TVA (V), a mis les frais de la cause par 4'694 fr. 85 à la charge de F._ (VI) et a dit que ce dernier ne devra rembourser l'indemnité de son défenseur d'office que si sa situation financière le permet (VII).
B.
Le 18 août 2011, F._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 24 août 2011, l'appelant a contesté le jugement entrepris dans son ensemble, niant l'intégralité des faits qui lui sont reprochés et qui ont été retenus à son encontre. Il a conclu principalement à sa réforme en ce sens qu'il est libéré des infractions de voies de fait qualifiées, d'injure et de menaces qualifiées.
Dans le délai imparti, le Ministère public a indiqué, par courrier du 31 août 2011, s'en remettre à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et a renoncé à déposer un appel joint.
Dans ses déterminations du 7 octobre 2011, le Ministère public a conclu à ce qu'il plaise à la cour de céans de confirmer dans son intégralité le jugement rendu le 17 août 2011 à l'encontre de F._.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
F._, ressortissant kosovar, est né le 4 octobre 1981. Au bénéfice d'un permis B au moment des faits, cette autorisation de séjour lui a toutefois été retirée. Aide-monteur de profession, il a été victime d'un accident en 2009. Il ne bénéficie plus des prestations de la SUVA qui l'estime désormais apte au travail. Il ne perçoit pas d'indemnités de l'assurance chômage et refuse de recourir à l'aide des services sociaux. Il affirme n'avoir aucun revenu. Il est hébergé et nourri par son frère et sa prime d'assurance maladie est entièrement subventionnée. Il a quelques dettes.
Le 20 juin 2008, F._ a épousé B._, née le 3 août 1962, mère de deux enfants nés d'un premier lit, respectivement en 1992 et 1998. Suite à de nombreuses disputes, le couple vit désormais séparé dans le cadre d'une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, F._ s'opposant au principe du divorce.
Le casier judiciaire suisse de F._ est vierge.
2.
2.1.
A Vevey, à l'ancien domicile du couple, entre le mois de janvier 2009 et le 29 décembre 2009, en raison d'un profond désaccord sur une question d'ordre familial, des disputes ont éclaté à plusieurs reprises au sein du couple. A deux occasions, à des dates indéterminées, F._ a frappé son épouse sur tout le corps, à coups de pied et au moyen d'un tabouret ou d'un tuyau d'aspirateur. Il l'a également insultée, la traitant notamment de "salope", "européenne de merde", et de "pute".
2.2.
Le 7 décembre 2009, après avoir lancé une assiette au sol, F._ a saisi B._ fortement par le poignet, lui déclarant qu'il allait la jeter hors du foyer. Il l'a également injuriée, la traitant de "débile".
2.3.
Le 29 décembre 2009, en présence des deux enfants de son épouse, F._ a, une nouvelle fois, injurié cette dernière en levant le majeur et en lui disant qu'il allait recevoir son salaire et qu'à cette occasion il allait "l'enculer". Puis, il a saisi son poignet et a violemment frappé sa main contre la table. Enfin, muni d'un couteau, il l'a menacée, lui déclarant qu'il allait la tuer elle et ses enfants.
Pour ces faits, B._ a déposé une plainte pénale. | En droit :
1.
L’appel doit être annoncé dans les 10 jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d'un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L'appelant conteste l'intégralité des faits qui lui sont reprochés et qui ont été retenus à son encontre. Lors de son audition par le premier juge, il a admis qu'avaient eu lieu des disputes, mais a nié avoir frappé ou insulté son épouse. Il a encore indiqué avoir saisi cette dernière par le poignet le 7 décembre 2009 parce que celle-ci le poussait.
3.1.
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1 ; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme règle d'appréciation des preuves, elle est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 28 ad art. 398 CPP). L'appréciation des preuves est en particulier arbitraire lorsque le juge de répression n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 135 III 552 c. 4.2 ; TF 1C_517/2010 du 7 mars 2011 c. 2.1).
3.2.
En l'espèce, n'étant au bénéfice d'aucune photographie ni d'aucun certificat médical, le premier juge a fondé sa conviction sur les déclarations de la victime, corroborées par celles de sa fille. Il a estimé que cette dernière s'était montrée particulièrement claire et persuasive, qu'il existait certes des petites divergences entre ses déclarations et celles de sa mère mais que cela les rendait d'autant plus crédibles. Il a considéré que les dénégations massives de F._ étaient quant à elles dénuées de crédibilité, celui-ci se posant sans cesse en victime et renversant ainsi les rôles. On ajoutera à cet égard que F._ a notamment indiqué à la police qu'il ne comprenait pas que son épouse fasse appel aux forces de l'ordre, qu'elle n'avait aucun respect pour lui (cf. pièce 4, rapport de violence domestique de la police cantonale du 7 décembre 2009, p. 4). Il a aussi déclaré :
"Je suis choqué. En fait, c'est moi qui aurais dû appeler la police. C'est tous les jours que je me fais insulter ou qu'on me lance des objets"
(cf. pièce 5, rapport de violence domestique de la police cantonale du 29 décembre 2009, p. 4).
La police est intervenue à deux reprises, soit le 7 décembre 2009, à l'initiative de la plaignante après une dispute du couple, et le 29 décembre 2009, à la suite d'une nouvelle dispute du couple en présence des deux enfants de la plaignante et de deux amis de ces derniers. A noter qu'à l'occasion de cette deuxième intervention, la police alertée par l'ami de l'un des deux enfants, est arrivée sur les lieux alors que deux patrouilles de la Police [...] étaient déjà présentes et qu'elle a alors constaté une situation calme.
Cela étant, comme le premier juge, il convient de constater que rien ne permet de mettre en doute la version des faits de la plaignante, qui apparaît sincère, crédible et mesurée, d'autant que ses déclarations sont corroborées par celles de sa fille qui s'est montrée particulièrement claire et convaincante.
4.
Il convient dès lors d'examiner si les conditions des infractions retenues par le tribunal sont réalisées.
4.1.
L’art. 126 al. 1 CP énonce que celui qui se sera livré sur une personne à des voies de fait qui n’auront causé ni lésion corporelle ni atteinte à la santé sera, sur plainte, puni d’une amende (al. 1). La poursuite aura lieu d'office si l'auteur a agi à réitérées reprises contre son conjoint durant le mariage ou dans l'année qui a suivi le divorce (al. 2 let. b).
Les voies de fait, réprimées par l’art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommages à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 134 IV 189 c. 1.2 ; ATF 119 IV 25 c. 2a).
En l'occurrence, il est établi que l'appelant a frappé son épouse à deux reprises en 2009, sur tout le corps, qu'il lui a fortement saisi le poignet le 7 décembre 2009, lui a violemment frappé sa main contre la table le 29 décembre 2009. Les conditions objectives et subjectives de cette infraction sont donc réalisées.
4.2.
En vertu de l'art. 177 al. 1 CP, celui qui, de toute autre manière, aura, par la parole, l’écriture, l’image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur sera, sur plainte, puni d’une peine pécuniaire de 90 jours-amende au plus.
L'honneur que protège l'art. 177 CP est le sentiment et la réputation d'être une personne honnête et respectable, c'est-à-dire le droit de ne pas être méprisé en tant qu'être humain ou entité juridique (TF 6B_602/2009 du 29 septembre 2009 c. 2.2; ATF 128 IV 260 c. 3.1 non publié). Pour déterminer si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut procéder à une interprétation objective selon le sens qu'un auditeur ou un lecteur non prévenu devait, dans les circonstances données, lui attribuer (ATF 128 IV 260 c. 3.1 non publié).
En traitant son épouse de
"salope", "pute"
et d'
"européenne de merde",
l'appelant s'est bien rendu coupable d'injure au sens de l'art. 177 CP.
4.3.
Aux termes de l'art. 180 al. 1 CP, celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. L'art. 180 al. 2 let. a CP précise que la poursuite aura lieu d'office si l'auteur est le conjoint de la victime et que la menace a été commise durant le mariage ou dans l'année qui a suivi le divorce.
La punition de l'auteur dépend de la réalisation de deux conditions. Il faut, d'une part, que l'auteur ait émis une menace grave et, d'autre part, que la victime ait été alarmée ou effrayée (Corboz, Les infractions en droit suisse, Berne 2010, vol. I, n. 1 ss ad art. 180 CP). Une menace est qualifiée de grave si elle est objectivement de nature à alarmer ou effrayer la victime. Il faut donc se demander si une personne raisonnable, dotée d'une résistance psychologique plus ou moins normale, aurait ressenti la menace comme grave (ATF 99 IV 212 c. 1a).
En l'occurrence, l'appelant, muni d'un couteau, a menacé son épouse, lui déclarant qu'il allait la tuer elle et ses enfants. Les conditions objectives et subjectives de cette infraction sont donc également réalisées.
5.
Dans la mesure où l'appelant ne discute pas la peine dès lors qu'il conclut à son acquittement, il convient d'examiner cette question d'office.
5.1.
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
L'art. 34 CP prévoit que le juge fixe le nombre de jours-amende en fonction de la culpabilité de l’auteur (al. 1) et leur montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).
5.2.
5.2.1.
En l'espèce, s'agissant de la peine, le premier juge a considéré que la culpabilité de F._ était relativement lourde. A sa charge, il a tenu compte du concours d'infractions et de ses dénégations. Il n'a rien retenu à sa décharge (jgt., p. 10).
Force est de constater que la peine de jours-amende est conforme aux énoncés des art. 177 et 180 CP. Certes, s'est posée la question de prononcer une amende à titre de sanction immédiate, cette éventualité ayant toutefois été écartée à juste titre par le premier juge, compte tenu de la situation financière du condamné.
Au vu de la lourde culpabilité de l'appelant, le premier juge n'a donc pas outrepassé son pouvoir d'appréciation en lui infligeant une peine de 70 jours-amende.
5.2.2.
Le montant du jour-amende arrêté à 30 fr. par le premier juge doit être confirmé, compte tenu de la situation de l'intéressé. La Cour d'appel ne saurait en effet retenir que le prévenu n'a aucun revenu et qu'il ne vit que de l'aide de son frère, alors qu'il a été vu en tenue de travail à Vevey et photographié en train de travailler sur un chantier en été 2011 (cf. procès-verbal de l'audience du 14 novembre 2011, p. 4) et qu'il s'acquitte des frais liés à son véhicule, une Audi A4.
Par conséquent, la peine de 70 jours-amende à 30 fr. le jour, est adéquate et doit être confirmée.
6.
Se pose encore la question du bien-fondé de l'octroi du sursis.
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
En l'occurrence, compte tenu du fait que l'appelant est un délinquant primaire, c'est à juste titre que le premier juge a suspendu sa peine. En outre, les critères nécessaires à l'octroi du sursis sont réalisés.
7.
Finalement, il convient d'examiner encore la question du tort moral.
7.1.
L’art. 49 al. 1 CO dispose que celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d’argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie et que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement.
L’ampleur de la réparation dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques, ou psychiques comme c’est le cas en l’espèce, consécutives à l’atteinte subie par la victime et de la possibilité d’adoucir sensiblement, par le versement d’une somme d’argent, la douleur morale qui en résulte. En raison de sa nature, l’indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d’argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L’indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 130 III 699 c. 5.1 ; ATF 129 IV 22 c. 7.2 ; TF 6B_256/2009 du 24 juillet 2009, c. 1.1). Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l’atteinte subie et évitera que la somme accordée n’apparaisse dérisoire à la victime.
7.2.
Compte tenu de la multiplicité des atteintes, injures et menaces de mort dirigées à l'encontre de la plaignante, le montant de 1'000 fr., plus intérêts dès le 29 décembre 2009, fixé par le premier juge n'est pas excessif et doit être confirmé.
8.
Le dispositif lu à l'issue de l'audience du 14 novembre 2011 et envoyé aux parties ne mentionne pas que le jugement de la Cour d'appel pénale est exécutoire. Il s'agit d'une inadvertance manifeste qu'il y a lieu de corriger d'office, conformément à l'art. 83 al. 1 CPP, par l'ajout d'un chiffre VII le précisant.
9.
En définitive, il découle de ce qui précède que l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé dans son intégralité.
Vu l'issue de la cause, les frais de procédure sont mis à la charge de l’appelant (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office, par 1'214 fr. (mille deux cent quatorze francs), l'indemnité allouée au conseil d'office de B._, par 979 fr. 80 (neuf cent septante-neuf francs et huitante centimes), TVA et débours compris.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités en faveur de son défenseur d'office et du conseil d’office de la partie plaignante prévues ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
79ba879c-ee0c-49f7-9e97-de37d527e3cf | En fait :
A.
Par jugement du 11 novembre 2011, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte a constaté que L._ s'est rendu coupable d'escroquerie (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de 270 jours-amende, le montant du jour-amende étant arrêté à 20 fr. (II), suspendu l'exécution de la peine et fixé à l'intéressé un délai d'épreuve de 3 ans (III), donné acte de ses réserves civiles contre L._ à K._SA (IV), dit que l'intéressé doit verser à la partie plaignante la somme de 4'000 fr. à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (V), mis les frais de procédure à la charge de L._ (VI) et dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité de défenseur d'office de Mes Killias et Schütz, fixée à 2'800 fr. pour toutes choses, ne sera exigible que pour autant que la situation économique de l'intéressé le permette (VII).
B.
L._ et K._SA ont formé appel contre ce jugement, respectivement les 14 et 24 novembre 2011.
Par déclaration d'appel motivée du 7 février 2012, L._ a conclu, avec suite de frais et dépens, à la modification du jugement entrepris en ce sens qu'il est libéré de l'infraction d'escroquerie, que les prétentions civiles de la partie plaignante sont rejetées, que l'indemnité de 4'000 fr. pour les dépenses obligatoires occasionnées pour K._SA par la procédure est annulée, qu'il est indemnisé en vertu de l'art. 429 al. 1 let. a CPP pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure et que les frais de la cause sont mis à la charge de l'Etat.
Par déclaration d'appel motivée du 7 février 2012, K._SA a conclu, avec suite de frais et dépens, à la modification du jugement attaqué en ce sens que le prévenu est condamné à lui verser la somme de 20'281 fr. 65, avec intérêt à 5% l'an dès le 30 novembre 2008, que le chiffre IV du dispositif du jugement du 11 novembre 2011 est sans objet, que le prévenu est son débiteur d'un montant de 7'000 fr. à titre de dépens de première instance, le jugement entrepris étant maintenu pour le surplus.
Par courrier du 27 février 2012, le Ministère public a indiqué qu'il n'entendait pas présenter une demande de non-entrée en matière ni déclarer d'appel joint.
Par courrier du 23 avril 2012, L._ et K._SA ont été informés de la composition de la Cour d'appel pénale qui statuera sur les appels.
Les débats ont eu lieu le 20 juin 2012. Ainsi qu'il ressort du procès-verbal de l'audience, la composition de la cour a été rappelée lors de l'ouverture des débats. Lors de cette audience, la conciliation a aboutit comme il suit sur les aspects civils de l'affaire:
"I. Sans reconnaissance de responsabilité pénale, L._ se reconnaît débiteur des K._SA, pour solde de tout compte et de toute prétention tant en ce qui concerne le dommage matériel allégué par l'employeur que les dépens de première et deuxième instances auxquels ils prétendent, de la somme de 15'000 fr. (quinze mille francs).
II. L._ s'acquittera de ce montant en versant aux K._SA un acompte de 12'000 fr. (douze mille francs) à fin juillet 2012 et le solde de 3'000 fr. (trois mille francs) à fin août 2012.
III. Au vu de l'engagement qui précède, les K._SA retirent leur plainte pénale à l'encontre de L._ ainsi que leur appel dirigé contre le jugement du 11 novembre 2011 rendu par le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte."
Le jour même, la Cour d'appel a communiqué oralement aux parties son jugement et l'a motivé brièvement. Elle a admis partiellement l'appel formé par L._ et a modifié le jugement de première instance aux chiffres II, III, IV et V de son dispositif en ce sens que le prévenu est condamné, pour escroquerie, à une peine pécuniaire de 150 jours-amende, le montant du jour-amende étant arrêté à 20 fr., avec sursis pendant 2 ans (II et III), que la Cour d'appel pénale prend acte de la transaction signée par les parties à l'audience d'appel (IV) et que le chiffre V est supprimé.
Par lettre du 5 juillet 2012, constatant que l'extrait du registre du commerce relatif à la société K._SA mentionnait B.D._ comme fondé de procuration, le conseil de L._ a requis de la Présidente de la Cour d'appel pénale qu’elle interpelle le juge A.D._ afin de savoir s’il existait un lien de parenté. La Présidente a répondu le 9 juillet 2012 que B.D._ et A.D._ étaient cousins, soit parents en ligne collatérale au 4
ème
degré, mais que leurs liens étaient inexistants.
Par courrier du 11 juillet 2012, le conseil de L._ a requis la récusation du juge A.D._, en se référant à l'art. 56 let. f CPP, et l’annulation des actes de procédure auxquels celui-ci avait participé.
Interpellé selon art. 58 al. 2 CPP, le juge A.D._ a exposé quels étaient ses liens de famille avec B.D._ et s’en est remis à l’appréciation de l’autorité de récusation par courrier du 16 juillet 2012.
Par courrier du 20 juillet 2012, le conseil de l'appelant s'est déterminé sur la lettre du juge A.D._. Il a indiqué que le juge en question aurait dû se récuser spontanément en vertu de l'art. 57 CPP et a implicitement confirmé sa requête de récusation du 11 juillet 2012. | En droit :
1. a)
Aux termes de l'art. 58 CPP, lorsqu'une partie entend demander la récusation d'une personne qui exerce une fonction au sein d'une autorité pénale, elle doit présenter sans délai à la direction de la procédure une demande dans ce sens, dès qu'elle a connaissance du motif de récusation, les faits sur lesquels elle fonde sa demande doivent être rendus plausibles (al. 1). La personne concernée prend position sur la demande (al. 2).
Une requête de récusation doit être déposée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation; cette exigence a pour but d’éviter que les parties n’utilisent la récusation comme "bouée de sauvetage", en ne formulant leur demande qu’après avoir pris connaissance d’une décision négative (Verniory, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 5 ad art. 58 CPP).
En application de l'art. 59 CPP, lorsque – comme en l'espèce – un motif de récusation au sens de l'art. 56 let. f CPP est invoqué à l'encontre d'un des membres de la juridiction d'appel, le litige est tranché sans administration supplémentaire de preuves et définitivement par la juridiction d'appel (al. 1 let. c). La décision est rendue par écrit et doit être motivée (al. 2).
b)
En l’espèce, la requête de récusation se fonde sur la clause générale de l’art. 56 let. f CPP, l’appelant voyant dans les liens de famille des indices de partialité.
Toutefois, B.D._ est mentionné dans une pièce du dossier (P. 4/2) et son rôle était connu, ou pouvait l’être, avant que les débats de la Cour d’appel n’interviennent. S’il avait un doute, le prévenu devait interpeller la Cour d'appel avant les débats ou, au plus tard, lors de ceux-ci. La requête de récusation déposée le 11 juillet 2012 paraît donc tardive, partant irrecevable.
La question peut toutefois rester ouverte, la requête devant de toute façon être rejetée au fond.
2.
En vertu de l'art. 56 let. d CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d’une autorité pénale est tenue de se récuser lorsqu’elle est parente ou alliée avec une partie, en ligne directe ou jusqu’au troisième degré en ligne collatérale.
En l'espèce, la récusation ne se justifie manifestement pas au regard de cette disposition. Le requérant ne l'invoque d'ailleurs pas. En effet, outre qu'un simple fondé de procuration dans une grande société ne constitue pas la "partie" au sens de cette disposition, les cousins sont des parents en ligne collatérale au 4
ème
degré (Deschenaux/Steinhauer, Personnes physiques et tutelle, 4
e
éd., Berne 2001, p. 107), soit un lien de famille qui n'impose pas la récusation au sens de la disposition précitée.
3.
Le requérant se prévaut de la clause générale et indéterminée de l'art. 56 let. f CPP. Il soutient que le lien de parenté entre le juge A.D._ et B.D._, qui occupe un poste au sein des K._SA, est un motif de récusation au sens de cette disposition. Il fait valoir que, lors de l'audience d'appel du 20 juin 2012, le juge A.D._ se serait montré "particulièrement insistant et directif" à son égard afin qu'un accord transactionnel soit trouvé. Le requérant a encore allégué que le juge A.D._ l'aurait convaincu, lors de l'audience d'appel, qu'un accord civil lui serait favorable et lui aurait fait entrevoir que "toute cette histoire pourrait être réglée le jour même, avec une issue plus ou moins positive".
a)
L’art. 56 al. 1 let. f CPP – aux termes duquel toute personne exerçant une fonction au sein d’une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d’autres motifs, notamment un rapport d’amitié étroit ou d’inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention – constitue une clause générale et indéterminée jouant un rôle résiduel: tous les motifs de récusation non compris dans les clauses des let. a à e de l’art. 56 CPP peuvent être invoqués par le biais de l’art. 56 al. 1 let. f CPP (Verniory op. cit., n. 27 ad. art. 56 CPP; Boog, in: Niggli/Heer/Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2011, n. 38 ad art. 56 CPP; TF 1B_243/2011 du 8 juillet 2011 c. 3.1).
Selon la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral, notamment dans le cadre d’une procédure pénale (voir notamment TF 6B_627/2010 du 9 décembre 2010 c. 4; TF 1B_305/2010 du 25 octobre 2010 c. 3.1; TF 6B_75/2007 du 23 juillet 2007 c. 2.1; TF 1P.813/2006 du 13 mars 2007 c. 4.1), la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH – qui ont, de ce point de vue, la même portée (ATF 116 Ia 135 c. 2e) – permet, indépendamment du droit de procédure, de demander la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à faire susciter des doutes quant à son impartialité (TF 1B_629/2011 du 19 décembre 2011 c. 2.1; ATF 134 I 20 c. 4.2; ATF 126 I 68 c. 3a; Verniory, op. cit., n. 6 ad art. 56). Elle vise à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition interne de la part du juge ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence d'une prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Cependant, seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en compte, les impressions purement individuelles n'étant pas décisives (TF 1B_629/2011 du 19 décembre 2011 c. 2.1; ATF 136 III 605 c. 3.2.1; ATF 134 I 20 c. 4.2; ATF 133 I 1 c. 5.2 et les arrêts cités).
Même lorsqu’elles sont établies, des erreurs de procédure ou d’appréciation commises par un juge ne suffisent pas à fonder objectivement un soupçon de prévention, à moins qu’elles ne soient particulièrement lourdes ou répétées (ATF 116 Ia 135 et les références citées).
b)
En l’espèce, L._ fonde sa requête de récusation sur le fait qu’il est "vraisemblable" que le lien de famille existant entre le juge A.D._ et le fondé de procuration B.D._ ait eu une influence lors de l’audience et du jugement; l’insistance du juge précité à faire aboutir les pourparlers transactionnels s'expliquent par le fait qu’il aurait fallu en cas d'échec renvoyer la partie adverse à agir devant le juge civil.
Dans sa détermination, le juge A.D._ admet le lien de parenté mais déclare n’avoir eu aucun contact avec B.D._ "depuis des décennies" au point même qu'il ne se souvenait pas des circonstances de leur dernière rencontre et ignorait au surplus qu’il figurait au registre du commerce comme représentant de la société intimée.
Force est de constater qu’on se trouve ici loin des circonstances justifiant une récusation. En admettant même qu’une récusation soit possible au motif de liens familiaux sortant du cadre défini à l’art. 56 let. d CPP, rien ne permet d’inférer des éléments du dossier, même au stade de la vraisemblance, que le lien de famille aurait pu de quelque manière que ce soit rendre le juge A.D._ suspect de prévention. B.D._ n’est d’ailleurs inscrit au registre du commerce que comme fondé de procuration et les fondés de procuration des grandes sociétés n’ont le plus souvent aucun pouvoir décisionnel. Quant aux pourparlers transactionnels menés sous la direction des juges de la Cour d’appel, outre que l’affirmation selon laquelle ils auraient été entrepris afin d’éviter à la société intimée de devoir agir devant le juge civil est purement gratuite, ils ne sauraient justifier à eux seuls d’indices de prévention du juge A.D._. En outre, à l'audience d'appel, le conseil de L._ ne s'est pas plaint d'une "insistance" déplacée de la part du juge précité. Il ne conteste de surcroît pas le contenu de l'accord et ne prétend pas le remettre en cause. Partant, l'attitude du juge A.D._ ne donne pas l'apparence d'une prévention et ne fait pas redouter une partialité de ce magistrat. Le sentiment que le requérant a pu avoir que "toute cette histoire pourrait être réglée le jour même, avec une issue plus ou moins positive" n'est pas non plus constitutif d'un motif de récusation. En effet, les impressions purement personnelles du requérant ne sont pas pertinentes. Sur le vu de ce qui précède, il convient de rejeter la demande de récusation formulée par L._ à l'encontre du juge A.D._.
4.
En définitive, la requête de récusation, manifestement mal fondée, doit être rejetée dans la mesure où elle est recevable. Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure de récusation doivent être mis à la charge de L._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 880 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l'indemnité d'office allouée au conseil d'office du requérant (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP, art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). L'intervention du conseil s'étant limitée à la rédaction d'une brève demande de récusation et d'une lettre sur les déterminations du juge A.D._, l'indemnité doit être arrêtée à 270 fr., plus TVA, cette indemnité correspondant à une heure et demie d'activité (cf. art. 135 al. 1 CPP).
Le requérant ne sera tenu de rembourser à l'Etat le montant de l'indemnité en faveur de son conseil d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
79d4f1f4-1e18-4f44-a664-ef960d147c25 | En fait :
A.
Par jugement du 15 novembre 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré A.F._ des infractions de gestion déloyale et de faux dans les titres (I), a constaté que A.F._ s’est rendu coupable d’abus de confiance, d’escroquerie, d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur, de banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie et de violations graves des règles de la circulation (II), l’a condamné à 24 mois de peine privative de liberté, peine partiellement complémentaire aux condamnations des 24 janvier et 19 septembre 2006 par le Juge d’instruction de Fribourg, du 18 décembre 2006 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois et des 29 décembre 2006, 5 avril, 31 mai, 16 octobre 2007 et 24 août 2010 par le Juge d’instruction de Fribourg (III), a dit que A.F._ est débiteur d’D._ et de N._ de la somme de 16'000 fr. (IV), a dit que A.F._ est débiteur de M._ de la somme de 208'715 fr. 45, ainsi que d’une indemnité de dépens à hauteur de 6'000 fr. (V), a dit que A.F._ est débiteur de Z._ Ltd représenté par S._ de la somme de 22'406 fr. 60, ainsi que d’une indemnité de dépens à hauteur de 6'000 fr. (VI), a dit que A.F._ est débiteur d’B.F._ de la somme de 5'000 fr. (VI bis), a fixé l’indemnité d’office de Me Pierre Charpié à 21'808 fr. 80, débours, vacations et TVA compris (VII), a fixé l’indemnité d’office de Me Véronique Fontana à 3'628 fr. 80, débours, vacations et TVA compris (VIII), et a mis les frais de justice par 47'175 fr. 60 à la charge de A.F._, le solde par 1'500 fr. étant laissé à la charge de l’Etat (IX).
B.
Par annonce du 24 novembre 2013, puis déclaration motivée du 26 décembre 2013, complétée le 16 janvier 2014, A.F._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est condamné uniquement pour fraude dans la saisie et violation grave des règles de la circulation routière à une peine fixée à dire de justice. Il a en outre conclu à ce qu’il soit pris acte de la reconnaissance de dette d’un montant de 16'000 fr. signée en faveur d’D._ et N._, à ce que M._ soit renvoyé sans dépens à agir par la voie civile, à ce qu’il soit constaté que Z._ Ltd n’existe pas, sans dépens en faveur d’S._ et, enfin, à ce qu’il ne soit pas reconnu débiteur d’B.F._.
Par courrier du 13 mars 2014, M._, S._ et Z._ Ltd ont conclu au rejet de l’appel.
A l’audience d’appel, le prévenu a retiré son appel en tant qu’il était dirigé contre les chiffres IV, V et VI bis du dispositif du jugement entrepris. Il a en outre conclu à la réduction de sa peine et à l’octroi du sursis, ses autres conclusions étant maintenues pour le surplus. Pour sa part, le Ministère public a conclu à la confirmation du jugement de première instance.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.F._ est né le [...] 1944 dans le canton de Berne. Il a effectué son école obligatoire à Berne puis à Fribourg, avant d’obtenir un CFC de vendeur ainsi qu’une maîtrise fédérale en marketing. Il a deux enfants issus d’un premier mariage et une fille, B.F._, née d’une autre relation. Il a également un enfant adoptif. En 2010, il travaillait à plein temps pour le compte de [...] AG et réalisait des revenus de l’ordre de 8'500 fr. par mois en moyenne. Cette situation a perduré jusqu’à fin janvier 2013. Il touche actuellement une rente AVS et une rente complémentaire, mais aucune LPP ni troisième pilier. Il vit avec son amie dans un appartement dont le loyer s’élève à 1'400 francs. Il n’a pas d’autres charges, sa prime d’assurance-maladie étant payée par la complémentaire AVS. Au cours de ce printemps, il a suivi une formation au sein d’une société de communication pour laquelle il souhaite reprendre une activité professionnelle. Ce travail lui rapporterait un salaire mensuel de 3'000 à 3'500 fr. pour un taux d’occupation de 70 à 80%. L’appelant a été victime d’une rupture d’anévrisme. Il prend des médicaments pour lutter contre les hémorragies et se rend tous les deux ou trois mois au CHUV pour effectuer des analyses.
Il ressort du rapport d’expertise psychiatrique du 31 mai 2000 que A.F._ avait une faculté entière d’apprécier le caractère illicite de ses actes mais présentait une diminution légère de sa capacité à se déterminer d’après cette appréciation. Dans le second rapport d’expertise réalisée le 4 janvier 2010, l’expert a posé un diagnostic de troubles affectifs bipolaires, alors en rémission complète. Il a précisé que l’engagement d’une relation de couple apparemment stable avec une bonne insertion familiale ainsi que l’obtention de la garde de son troisième enfant en 2005 avait contribué à stabiliser les paramètres affectifs et comportementaux de l’intéressé. Selon lui, l’appelant ne souffrait d’aucun trouble pouvant porter préjudice à sa capacité de discernement en 2010 et cette situation était stable depuis 2005.
Le casier judiciaire du prévenu contient les inscriptions suivantes :
- 24.01.2006, Juges d’instruction Fribourg, détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, emprisonnement 10 jours;
- 19.09.2006, Juges d’instruction Fribourg, détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, violation d’une obligation d’entretien, emprisonnement 2 mois;
- 18.12.2006, Cour de cassation pénale Lausanne, abus de confiance, escroquerie, faux dans les titres, détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, emprisonnement 5 mois et 20 jours;
- 29.12.2006, Juges d’instruction Fribourg, détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, emprisonnement 20 jours;
- 05.04.2007, Juges d’instruction Fribourg, détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, peine pécuniaire 20 jours-amende à 60 fr.;
- 31.05.2007, Juges d’instruction Fribourg, détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, peine pécuniaire 30 jours-amende à 30 fr.;
- 16.10.2007, Juges d’instruction Fribourg, détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, peine pécuniaire 10 jours-amende à 30 fr.;
- 24.08.2010, Juges d’instruction Fribourg, escroquerie, détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, délit contre la LF sur l’assurance-vieillesse et survivants, travail d’intérêt général de 360 heures.
En outre, A.F._ a également fait l’objet des condamnations suivantes désormais radiées de son casier judiciaire :
- 14.06.1977, Tribunal correctionnel de Lausanne, faux dans les titres, 6 mois d’emprisonnement, sursis pendant 5 ans;
- 25.05.1979, Tribunal correctionnel de Lausanne, escroquerie par métier, abus de confiance, détournement d’objets mis sous main de justice, 2 ans de réclusion et amende de 500 fr.;
- 11.05.1981, Tribunal correctionnel de Lausanne, escroquerie et escroquerie par métier, 20 mois de réclusion et amende de 100 fr.;
- 04.02.1985, Tribunal cantonal du Valais, escroquerie par métier, faux dans les titres, 3 ans et 6 mois de réclusion et amende de 10'000 fr.;
- 05.02.1998, Tribunal correctionnel de Lausanne, escroquerie et faux dans les titres, 9 mois d’emprisonnement, sous déduction de 287 jours de détention préventive;
- 07.11.2000, Tribunal pénal de la Gruyère, abus de confiance, escroquerie, 6 mois d’emprisonnement, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 5 ans;
- 29.03.2001, Tribunal cantonal du Valais Sion, détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, 15 jours d’emprisonnement;
- 18.07.2002, Tribunal de police de Genève, violation d’une obligation d’entretien, 10 jours d’emprisonnement, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans.
2.
2.1
Dans le courant de l’année 2005, A.F._ – qui disposait d’un accord avec la société française O._ relatif notamment à la commercialisation des produits T._ qui comprenait une nouvelle technologie d’hydro-solubilisation – a fait la connaissance de deux médecins, M._ et S._. Affirmant être titulaire de tous les droits sur cette société, l’appelant leur a décrit les avantages tant scientifiques que commerciaux de la gamme T._ et expliqué être à la recherche de partenaires financiers pour le développement et la commercialisation de cette marchandise. Ayant pu constater l’efficacité du produit et son absence d’effets secondaires, les deux hommes ont accepté d’investir des fonds.
Ainsi, entre l’automne 2005 et mars 2007, M._ a versé à l’appelant un montant total de 371'675 francs. Quant à la société Z._ Ltd, elle a versé, par le biais d’S._, 20'000 francs. Après un certain temps, l’appelant a utilisé une partie de ces fonds à d’autres fins que la commercialisation et le développement du produit T._. De l’investissement opéré par M._, le prévenu a, à tout le moins, utilisé 127'716 fr. 30 pour couvrir les charges courantes de sa société W._ SA, notamment son salaire et celui de ses employés, ce qu’il a admis en cours d’enquête. L’appelant n’a tenu aucune comptabilité et les montants ont été prélevés le plus souvent en cash, rendant impossible tout suivi sur la destination de l’argent. Selon l’estimation des deux médecins, un montant de 180'000 fr. a correctement été affecté à la commercialisation du produit T._.
Pour parer aux inquiétudes croissantes des deux investisseurs devant la multiplication de nouvelles demandes d’avances, l’appelant a utilisé divers stratagèmes pour leur cacher la destination de l’argent. Il a notamment signé une reconnaissance de dette et une quittance spécifiant que les fonds avancés avaient respectivement pour but de « permettre d’accélérer le développement de la diffusion du produit T._ » et de « contribuer à la recherche et au développement de gammes de produits destinés au segment de l’ophtalmologie ». Il a établi un tableau récapitulatif censé démontrer qu’une grande partie des montants versés avaient été affectés au paiement des fournisseurs des marchandises intervenant dans la fabrication du produit ainsi qu’au financement d’un test officiel, établissant une reconnaissance de dette pour le solde. Il a préparé une convention dans laquelle il cédait à S._ 20 % du capital-actions qu’il détenait dans la société W._ en remboursement des fonds reçus. En outre, le prévenu a fait parvenir à chacun des deux médecins la copie d’un chèque à l’en-tête de la Banque [...], de 5'000 et 3'000 euros, libellé en leur faveur, alors que son compte n’était pas couvert au moment des faits.
Le 17 mars 2008, M._ et S._, agissant en son nom propre et au nom de Z._ Ltd, ont déposé plainte contre le prévenu. Ils ont pris des conclusions civiles, en tenant compte de frais de poursuite, à hauteur de 208'715 fr. 45, respectivement de 22'406 fr. 60.
2.2
Dans le courant de l’année 2007, A.F._, en tant que diffuseur du produit désodorisant T._ pour la Suisse, a été contacté par U._ Snc (ci-après : A._), active dans le domaine de l’odorisation et la désodorisation. Cette société, gérée par N._ et D._, avait déjà collaboré à quelques reprises avec le prévenu dans le passé.
En novembre 2007, A.F._ a proposé à A._ une affaire portant sur la production de kits de désodorisation. En se prévalant d’une commande passée avec la chaîne de télé-achat allemande [...] portant sur 10'000 kits et en lui promettant un gain de 20'500 euros en sus du remboursement du prêt, l’intéressé a obtenu de la société A._ un montant de 20'000 fr. le 22 novembre 2007, après avoir signé un contrat de partenariat. Prétextant une production supplémentaire de 5'000 kits, le prénommé a demandé à cette firme d’investir 10'000 fr. supplémentaires, ce qu’elle a fait une dizaine de jours plus tard. En contrepartie de cet investissement, à titre de garantie, le prévenu a libellé deux chèques au nom de la société de respectivement 32'405 et 16'700 euros, correspondant au capital investi majoré par les bénéfices de l’opération. Ces chèques se sont révélés dépourvus de couverture.
Le 10 décembre 2007, soit quelques jours après les deux versements précités, W._ SA, société qui commercialisait le produit T._, a fait faillite. Aucune livraison ou même tentative de livraison des 10'000, respectivement 5'000 kits, dont la production a été invoquée pour convaincre D._ et N._ à investir des fonds, n’a eu lieu.
U._, par N._ et D._, a déposé plainte contre l’appelant. Début 2008, ce dernier a remboursé 14'000 fr. à cette firme. Lors de l’audience du 16 novembre 2010, il s’est reconnu débiteur envers les prénommés d’un montant de 16'000 francs. A l’audience de première instance, N._ a pris des conclusions civiles à hauteur de 16'000 francs.
2.3
En 2007, B.F._, alors qu’elle habitait chez son père, A.F._, à [...], a autorisé ce dernier à ouvrir sa correspondance. Entre août et septembre 2007, elle a commandé une nouvelle carte bancaire auprès de la banque [...]. L’adresse du prévenu ayant été mentionnée sur les formulaires d’ouverture de compte, celui-ci a pu entrer en possession de la carte bancaire et du NIP de sa fille.
Le 22 et 29 août 2008, depuis des appareils multimats situés en des lieux indéterminés, l’appelant a utilisé la carte [...] de sa fille pour effectuer, sans le consentement de cette dernière, deux transferts d’un montant total de 32'800 fr. en débitant le compte bancaire n° [...] de l’intéressée, lequel n’était pas couvert. Le prévenu n’avait pas de procuration sur ce compte. Des montants de 7'800 fr. et 25'000 fr. ont été virés sur son propre compte auprès de la Banque [...], respectivement sur le compte postal de son créancier, [...].
Le 7 octobre 2010, Q._ a déposé plainte pour sa fille B.F._ qui a contresigné la dénonciation. Cette dernière a pris des conclusions civiles contre son père à hauteur de 5'000 francs.
2.4
Par convention du 26 janvier 2010, Q._ a mandaté le Service cantonal d’avance et de recouvrement des pensions alimentaires de Genève (ci-après : SCARPA) afin qu’il recouvre la contribution d’entretien due par son ex-époux A.F._ du 1
er
février 2000 au 31 octobre 2005. Des poursuites ont été intentées par le service susmentionné contre le prévenu et des actes de défauts de biens ont été délivrés en date des 6 mai et 28 septembre 2010. Dans le cadre de cette procédure, les 5 mai et 15 septembre 2009, l’Office des poursuites de la Sarine a établi deux procès-verbaux de saisie à l’encontre du prévenu, en se basant sur les dires de celui-ci. Dans ce contexte, l’intéressé a délibérément dissimulé le fait qu’il travaillait pour la société [...] AG depuis 2008 et qu’il avait réalisé un revenu net total de 98'788 fr. 30 du 1
er
avril 2009 au 31 mars 2010, soit en moyenne 8'232 fr. 35 par mois. Il avait en effet déclaré réaliser un revenu mensuel de 1'500 fr. en tant que vendeur indépendant de produits à base d’aloé vera. Sur la base de ces déclarations erronées, l’Office des poursuites a fixé la somme due à 400 fr., puis à 300 fr. par mois. Ces montants ont été versés du 1
er
avril au 12 août 2009, respectivement du 13 août 2009 au 22 mars 2010. Le 16 août 2010, l’Office des poursuites de la Sarine a prononcé une nouvelle décision de saisie de salaire auprès de [...] AG.
Le 27 janvier 2011, le SCARPA a déposé plainte contre A.F._.
2.5
A Mézières, le 6 janvier 2009 vers 17h00, le prénommé a circulé au volant de sa voiture à une vitesse de 76 km/h, marge de sécurité déduite, sur un tronçon limité à 50 km/h, dépassant de 26 km/h la vitesse autorisée à cet endroit.
A Mézières, le 14 janvier 2009 vers 09h50, le prévenu a circulé au volant de sa voiture à une vitesse de 82 km/h, marge de sécurité déduite, sur un tronçon limité à 50 km/h, dépassant de 32 km/h la vitesse autorisée à cet endroit.
A Mézières, le 16 décembre 2011 à 16h25, l’appelant a circulé au volant de sa voiture à une vitesse de 79 km/h, marge de sécurité de 3 km/h déduite, sur ce tronçon est limitée à 50 km/h, dépassant de 26 km/h la vitesse autorisée à cet endroit. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de A.F._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Le prévenu conteste s’être rendu coupable d’abus de confiance au préjudice de M._ et S._. Il soutient notamment que les fonds auraient bien été utilisés dans leur intérêt et qu’il n’aurait bénéficié d’aucun enrichissement illégitime.
3.1
Commet un abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers, des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées.
Sur le plan objectif, cette infraction suppose que l'on soit en présence d'une valeur confiée, ce qui signifie que l'auteur en ait la possession en vertu d'un accord ou d'un autre rapport juridique qui implique qu'il n'en a pas la libre disposition et ne peut se l'approprier (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3ème éd., 2010, n. 4 ad art. 138 CP). L'abus de confiance implique que l'auteur ait utilisé, sans droit, à son profit ou au profit d'un tiers, les valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées. Il y a emploi illicite d'une valeur patrimoniale confiée lorsque l'auteur l'utilise contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée. L'alinéa 2 de l'art. 138 ch. 1 CP ne protège pas la propriété, mais le droit de celui qui a confié la valeur patrimoniale à ce que celle-ci soit utilisée dans le but qu'il a assigné et conformément aux instructions qu'il a données (ATF 129 IV 257 c. 2.2.1; ATF
121 IV 23 c. 1c; ATF 119 IV 127 c. 2).
Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et, même si la loi ne le dit pas expressément, dans un dessein d'enrichissement illégitime. Le dessein d'enrichissement peut être réalisé par dol éventuel (ATF
118 IV 32 c. 2a).
3.2
3.2.1
En l’espèce, il est établi sur la base des pièces au dossier (cf. dossier M._/S._ : PV aud. 1, p. 2; PV aud. 2, p. 3; PV aud. 4, p. 5; P. 5/3, 5/4 et 5/6), notamment des relevés bancaires du prévenu, que M._ et Z._ Ltd, via S._, ont versé à ce dernier les montants de 371'675 fr., respectivement 20'000 francs. Il convient dès lors d’examiner si le prévenu a utilisé la totalité de cet argent pour le développement du produit T._ ou si, comme l’ont en définitive retenu les premiers juges, il en a utilisé une partie pour couvrir les charges courantes de sa société W._ SA, voire d’autres dépenses.
Lors de son audition du 26 août 2008, l’appelant a reconnu avoir utilisé une partie des fonds investis par les plaignants pour couvrir des frais de nourriture, de déplacements, etc. dans le cadre de la commercialisation du produit T._ (PV aud. 4, p. 5). Selon [...], administrateur de la société W._, le prévenu ne remettait jamais les pièces comptables et avait pour habitude de prélever l’argent disponible en cash pour ensuite effectuer lui-même les règlements; la comptabilité de la société n’a par ailleurs jamais été tenue (PV aud. 3, p. 3 et 5). A.F._ a admis n’avoir rien tenu administrativement, de telle sorte qu’il lui était impossible de savoir si les liquidités dont il disposait lui appartenaient ou non; en outre, il a reconnu avoir prélevé des fonds pour régler les factures et les charges de W._ et que le compte [...] de cette société avait notamment servi à payer le loyer de son appartement et les frais de téléphone (PV aud. 4, p. 5 et 6). Enfin, le prénommé a admis avoir utilisé quelques 127’000 fr. de l’investissement de base du plaignant M._ pour régler les charges courantes de sa société et se sentir redevable envers celui-ci « car son utilisation ne correspondait pas à ce qui avait été convenu » (PV aud. 4, p. 7). Interpellé quant aux 100'000 fr. manquants, soit environ 390'000 fr. d’investissements de départ, moins les 180'000 fr. dont les plaignants ont admis qu’ils avaient été correctement investis (PV aud. 2, p. 3) et les 127'000 fr. dont l’usage a été expliqué par le prévenu, A.F._ a indiqué les avoir utilisés pour les frais d’installation d’un poulailler, la déchetterie de Villeneuve, les frais de leasing d’une voiture et les charges de W._ (PV aud. 4, p. 9). Aux débats de première instance, il a finalement déclaré que sa société consacrait l’entier de son activité au développement et à la commercialisation du produit en question. Ces déclarations doivent toutefois être écartées, pour les motifs convaincants évoqués par les premiers juges et auxquels il est renvoyé (jgt., p. 51).
Il convient dès lors d’examiner si ces faits sont constitutifs d’abus de confiance.
3.2.2
En l’espèce, les montants versés par les deux médecins, qui constituent des valeurs patrimoniales, ont été confiés à l’appelant dans le but de servir au développement et à la commercialisation du produit T._. Comme retenu ci-dessus, le prévenu a admis avoir, en toute connaissance de cause, utilisé une partie des fonds investis à d’autres fins que celles convenues, notamment pour les charges de la société W._. Certes, cette société travaillait avec le produit T._. Toutefois, les fonds investis devaient être affectés à ce produit uniquement, et non à la société précitée. Or, c’est bien l’affectation de l’argent qui est déterminante dans le cas d’espèce. Le prévenu a ainsi employé, contrairement à ce qui avait été convenu et donc sans droit, une partie de l’argent confié. La théorie avancée par la défense selon laquelle les trois intéressés formaient en réalité une société simple n’influe pas sur cette constatation. Enfin, A.F._ était conscient de procurer à la société W._ un enrichissement illégitime, dont il a au demeurant lui-même profité par le salaire qu’il s’octroyait notamment.
Reste à déterminer le montant des fonds détournés. A cet égard, les premiers juges ont admis un détournement de l’ordre de 210'000 francs. Pour ce faire, ils ont procédé à « une estimation » en imputant sur les 390'000 fr. d’investissement de base la somme de 180’000 fr., dont les plaignants ont admis qu’elle avait été utilisée conformément à l’accord passé entre parties (cf. jgt., p. 52). Toutefois, le fait que l’appelant ait mélangé les comptes et dépensé comme il souhaitait l’argent investi ne démontre pas encore que tous les montants, dont l’affectation n’est pas établie faute de comptabilité, aient été détournés. Pour affirmer cela, une expertise, coûteuse et disproportionnée, aurait été nécessaire. De plus, le fait que le plaignant M._ soit au bénéfice d’un acte de défaut de biens d’un montant de 208’000 fr. ne permet pas encore de déduire qu’il y ait eu un abus de confiance à concurrence de ce montant, la différence entre les 127'000 fr. admis et les 208’000 fr. s’expliquant pour l’essentiel par la reconnaissance de dette d’un montant de 63'000 fr., dont il sera question ci-dessous, signée par le prévenu au début des relations entre parties (P. 5/3) parce que ce dernier admet, sans que cela ne soit contredit, que ce montant était destiné à financer l’installation d’un poulailler, situation connue de M._ (PV aud. 4, p. 7). Dès lors, en l’absence d’une expertise, il convient de se baser sur les aveux du prévenu et de retenir uniquement un détournement à concurrence d’un montant de 127'716 fr. 30 au préjudice du plaignant M._. Pour le surplus, en particulier en ce qui concerne la société Z._ Ltd, l’appelant doit être mis au bénéfice du doute, l’absence d’une comptabilité sérieuse ne suffisant pas à établir au-delà de la somme de 127'716 fr. l’existence d’un abus de confiance.
S’agissant des 63’000 fr., dont il résulte qu’il s’agirait selon la pièce 5/3 d’un prêt concernant l’opération T._ alors que le prévenu soutient que le produit de ce prêt aurait servi à financer l’installation d’un poulailler et l’acquisition d’un canon (PV aud. 4, p. 7), il s’agit ici d’un prêt, non d’un investissement, et la seule divergence entre la pièce précitée et les déclarations du prévenu est insuffisante pour retenir les éléments constitutifs d’un autre abus de confiance.
En définitive, la condamnation du prévenu pour abus de confiance doit être confirmée dans la mesure ci-dessus.
4.
L’appelant soutient que la société Z._ Ltd n’existerait pas et, partant, qu’elle n’aurait pas la légitimation active pour agir sur le plan civil notamment.
4.1
Selon l’art. 126 al. 1 CPP, le tribunal statue sur les conclusions civiles présentées lorsqu’il rend un verdict de culpabilité à l’encontre du prévenu (let. a) ou lorsqu’il acquitte le prévenu et que l’état de fait est suffisamment établi (let. b).
Ainsi, le juge n’est pas tenu de statuer sur les conclusions civiles dans tous les cas, mais uniquement lorsqu’un verdict de culpabilité ou d’acquittement est rendu et si l’état de fait est suffisamment établi pour le faire. Le juge est tenu de trancher toutes les conclusions civiles dans la mesure où elles trouvent leur fondement dans les faits objets de la procédure pénale (Moreillon/Parein-Reymond, Code de procédure pénale, Petit commentaire, Bâle 2013, n. 3 ad art. 126 CPP; Jeandin/Matz, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 6 ad art. 126 CPP). Lorsque le prévenu est acquitté au bénéfice du doute, l’état de fait est en général lacunaire, de sorte que le juge devra renvoyer la partie plaignante à agir par la voie civile en application de l’art. 126 al. 2 CPP. En revanche, rien n’empêche le juge de statuer sur les prétentions civiles si l’état de fait est complet, ce qui lui permet de statuer sur l’ensemble des conditions de l’art. 41 CO (Jeandin/Matz, op. cit., nn. 10-11 ad art. 126 CPP; Dolge, in : Basler Kommentar, op. cit., n. 21 ad art. 126 CPP).
4.2
En l’espèce, au vu des pièces produites par la défense (P. 95), on ne peut pas affirmer que Z._ Ltd existerait toujours ou que les actifs et passifs de cette société auraient été repris par une autre entité. Par ailleurs, les conditions de l’acte illicite ne sont pas remplies pour cette société. Comme indiqué ci-dessus (cf. c. 3.2.2), aucun élément au dossier ne permet de retenir un abus de confiance à son préjudice, dès lors que seuls 127'000 fr., provenant exclusivement des fonds investis par M._, ont été détournés par le prévenu. Or, les conclusions civiles doivent trouver leur fondement dans la procédure pénale. Il convient donc de donner acte à Z._ Ltd de ses réserves civiles. Par conséquent, il n’y pas lieu de lui allouer des dépens. L’appel est admis sur ce point.
4.
S’agissant de la société A._, l’appelant conteste sa condamnation pour escroquerie.
4.1
Se rend coupable d’escroquerie au sens de l’art. 146 al. 1 CP celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers.
L'escroquerie suppose donc une tromperie astucieuse. Selon la jurisprudence, l'astuce est réalisée non seulement lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il se borne à donner de fausses informations dont la vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire, par exemple en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 133 IV 256 c. 4.4.3; 128 IV 18 c. 3a; 122 II 422 c. 3a;
122 IV 246 c. 3a). Tel est notamment le cas si l'auteur conclut un contrat en ayant d'emblée l'intention de ne pas fournir sa prestation alors que son intention n'était pas décelable (ATF 118 IV 359 c. 2) ou s'il exploite un rapport de confiance préexistant qui dissuade la dupe de vérifier (ATF 122 IV 246 c. 3a). L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait escroquerie, que la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence et qu'elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles. La question n'est donc pas de savoir si elle a fait tout ce qu'elle pouvait pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que lorsque la dupe est coresponsable du dommage parce qu'elle n'a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s'imposaient (ATF 128 IV 18 c. 3a p. 20).
La jurisprudence admet l’astuce dans le cas où la dupe n’a pas la possibilité de vérifier les affirmations transmises ou si leur vérification se révélait très difficile. Ces hypothèses se rencontrent notamment lorsque la tromperie porte sur des faits internes, comme par exemple la volonté d’exécuter un contrat. Une telle volonté n’est cependant pas astucieuse dans tous les cas, mais seulement lorsque l’examen de la solvabilité n’est pas exigible ou est impossible et qu’il ne peut par conséquent être tiré aucune conclusion quant à la volonté de l’auteur de s’exécuter (ATF 125 IV 124 c. 3a p. 127).
Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime, un résultat correspondant n'étant cependant pas une condition de l'infraction (ATF 119 IV 210 c. 4b).
4.2
Les premiers juges ont considéré que tous les éléments constitutifs de l’escroquerie étaient réalisés. Ils ont retenu que l
’intimé avait trompé N._ et D._ en prétextant de fausses livraisons de la chaîne de télé-achat allemande [...] et en promettant à A._ une part de bénéfice (jgt., p. 59 in fine). Ils ont également retenu que la tromperie était astucieuse, dès lors que les prénommés ne disposaient d’aucun moyen pour savoir que l’investissement allait être utilisé à d’autres fins que celles prévues (jgt., p. 61). A cet égard, ils ont relevé que
le prévenu et N._ avaient déjà collaboré ensemble par le passé et que cela s’était bien passé, que
l’appelant était réellement en contact avec le fournisseur du produit T._ et qu’il existait un contrat avec la société allemande. Par ailleurs, la faillite de W._ n’avait pas encore été prononcée à la date où A._ avait versé les fonds et il ne pouvait être exigé de manière systématique que l’investisseur réclame un extrait de poursuites à son futur partenaire. Enfin, les montants du bénéfice annoncé paraissaient plausibles (jgt., pp. 60-61).
La cour de céans reprend à son compte l’argumentation adéquate des premiers juges. S’il est vrai que le prévenu a produit en 2010 plusieurs pièces dont il résulte qu’une opération était effectivement en cours avec la société allemande [...] (cf. dossier A._, P. 25 et ses annexes), on observe toutefois, sur la base du contrat de partenariat (P. 4/2), que l’appelant s’était engagé à rembourser 61 jours après la livraison et que l’un des chèques remis en garantie était daté du 28 décembre 2007. Comme les premiers juges, on constate donc que rien ne permettait de rendre plausible la livraison ou la tentative de livraison (voire même la commande à un tiers) des marchandises que les fonds investis par les plaignants devaient servir à acheter.
L
’appelant conteste l’astuce en soutenant que N._ et D._ auraient facilement pu vérifier auprès de la chaîne allemande [...] l’existence de contacts entre cette chaîne et lui.
Cela est toutefois sans pertinence. En effet, l
’existence de ces contacts aurait été confirmée puisqu’il résulte des pièces au dossier qu’une opération était effectivement en cours, alors que le montage mensonger du prévenu ne relevait pas de l’existence même de tels contacts, mais des promesses de voir une opération juteuse aboutir à très bref délai.
Il résulte de ce qui précède que la condamnation de l’appelant pour escroquerie doit être confirmée.
5.
L’appelant conteste sa condamnation pour utilisation frauduleuse d’un ordinateur. Selon lui, le dommage était dû au fait que la banque avait commis une erreur en débitant le compte de sa fille alors qu’il n’était pas couvert. Il soutient qu’il n’avait eu aucune volonté de porter atteinte au patrimoine de cette dernière.
5.1
Aux termes de l’art. 147 al. 1 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura, en utilisant des données de manière incorrecte, incomplète ou indue ou en recourant à un procédé analogue, influé sur un processus électronique ou similaire de traitement ou de transmission de données et aura, par le biais du résultat inexact ainsi obtenu, provoqué un transfert d’actifs au préjudice d’autrui ou l’aura dissimulé aussitôt après sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Cette infraction s’inspire dans une large mesure des éléments constitutifs classiques de l’escroquerie; les caractéristiques qui les distinguent peuvent en gros se résumer de la façon suivante : une manipulation de données et l’obtention d’un résultat inexact du processus de traitement des données remplacent la tromperie astucieuse et l’erreur inspirée à la victime de l’escroquerie, alors que le transfert d’actifs effectué par l’ordinateur se substitue aux actes préjudiciables à des intérêts pécuniaires qu’entreprend la victime de l’escroquerie. La manipulation doit provoquer un résultat différent de celui qui aurait été obtenu si les données avaient été utilisées en bonne et due forme lors du processus de traitement des données (Message du Conseil fédéral du 24 avril 1991 concernant la modification du code pénal suisse et du code pénal militaire, FF 1991 II 933 ss, spéc. 989-991).
L’élément constitutif de l’utilisation de données de manière indue est ainsi réalisé lorsque l’auteur introduit dans le processus électronique des données certes correctes, mais dont il n’a pas le droit de faire usage, à l’exemple de celui qui dérobe une carte bancaire ou postale et en utilise ensuite le code pour retirer de l’argent. Autrement dit, l’auteur fausse les conditions qui déterminent la réaction de la machine (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
éd. 2007, n. 1.2 ad art. 147 CP et les références citées; ATF 129 IV 315, JT 2005 IV 9 c. 2.1).
D’un point de vue objectif, outre l’intention, l’infraction exige que l’auteur agisse dans un dessein d’enrichissement illégitime.
5.2
En l’espèce, avec les premiers juges, il convient d’admettre qu’e
n utilisant la carte bancaire de sa fille à l’insu de celle-ci pour faire transférer les montants de 25'000 fr. et 7'800 fr. sur le compte bancaire d’une tierce personne, respectivement sur son propre compte, l’appelant a utilisé des données de manière indue, dès lors qu’il n’avait pas le droit de disposer de ce compte. Contrairement à ce qu’il soutient, il a bien, de cette manière, influé sur un processus électronique de traitement de données provoquant un transfert d’actifs au préjudice de sa fille. C’est donc son geste qui a engendré les deux transferts d’argent litigieux et l’erreur de la banque ne change rien à cette utilisation frauduleuse. Enfin, ces transferts lui ont permis de diminuer son passif, de sorte qu’il a agi dans un dessein d’enrichissement illégitime. Il n’est pas pertinent que la banque ait elle-même commis une erreur en débitant un compte insuffisamment approvisionné, ni qu’elle ait accepté par la suite de rembourser la plaignante.
Tous les éléments constitutifs de l’utilisation frauduleuse d’un ordinateur étant réalisés, la condamnation de l’appelant pour ce chef d’accusation doit également être confirmée.
6.
Il reste à examiner la peine à infliger au prévenu.
6.1
6.1.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
6.1.2
Aux termes de l'art. 49 al. 2 CP, si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement.
Cette disposition est applicable lorsque le tribunal doit juger des infractions que l’auteur a commises avant d’être condamné pour d’autres infractions (ATF 138 IV 313 c. 3.4.1, JdT 2013 IV 63; ATF 129 IV 113 c. 1.1, JdT 2005 IV 52). Cette disposition a essentiellement pour but de garantir le respect du principe d’absorption, également en cas de concours rétrospectif. L’auteur qui encourt plusieurs peines privatives de liberté doit être jugé en application d’un principe uniforme d’augmentation de la peine qui lui est relativement favorable, indépendamment du fait que les procédures sont conduites séparément ou non. Nonobstant la séparation des poursuites pénales en plusieurs procédures, l’auteur ne doit ainsi pas être désavantagé par rapport à l’auteur dont les actes sont jugés simultanément (ATF 138 IV 313 ibid.; ATF 132 IV 102 c. 8.2).
En cas de concours rétrospectif partiel, soit lorsque le juge est appelé à sanctionner à la fois des infractions plus anciennes qu’une précédente condamnation et des infractions nouvelles, celui-ci doit prononcer une peine d’ensemble. Il doit pour cela déterminer l’infraction pour laquelle la loi prévoit la peine la plus grave; s’il s’agit de l’infraction ancienne, le juge raisonne à partir de la peine, qui la concerne et y ajoute la peine théorique liée à l’infraction nouvelle. A l’inverse, si c’est l’infraction récente qui est la plus grave, la peine qu’elle mérite sert de base; le juge y ajoute la peine théoriquement complémentaire qui concerne l’infraction ancienne. Cette méthode permet d'appliquer l'art. 49 al. 1 CP sans négliger l'art. 49 al. 2 CP. Sur le plan formel, la sanction est toujours une peine d'ensemble mais, sur celui de sa quotité, il est tenu compte du concours rétrospectif (ATF 116 IV 14 c. 2b et les références citées; TF 6B_28/2008 du 10 avril 2008 c. 3.3.2).
6.2
En l’espèce, la culpabilité de A.F._ est écrasante. Les délits sont nombreux. Outre les infractions d’abus de confiance
, escroquerie et utilisation frauduleuse d’un ordinateur, l’appelant doit répondre de banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie, ainsi que de violations graves des règles de la circulation.
Son passé judiciaire est lourd et ses nombreuses condamnations ne l’ont pas dissuadé de récidiver. Outre ses partenaires d’affaires, il s’en est pris à sa propre fille, qui a profondément été marquée par ses agissements. Son attitude consistant à toujours rejeter la faute sur les autres, notamment ses investisseurs, la banque, sa fille, etc. est détestable et dénote une absence totale de prise de conscience. Enfin, il convient de tenir compte d’une réduction de l’ampleur de l’abus de confiance par rapport à celle retenue par les premiers juges. Toutefois, les montants détournés restent importants.
En application de l'art. 49 al. 2 CP et de la jurisprudence qui s'y réfère (cf. c. 6.1.2 supra), il convient de prononcer une peine partiellement complémentaire aux huit peines prononcées entre janvier 2006 et août 2008 et qui totalisent 410 jours (cf. lettre C chiffre 1 supra). Sur la base des éléments qui précèdent, la peine complémentaire de 24 mois de privation de liberté prononcée par les premiers juges, et qui s’ajoute aux 410 jours précités, est trop élevée. En définitive, une peine globale de 31 mois et 20 jours est adéquate pour sanctionner les agissements de A.F._, de sorte qu’il convient de prononcer une peine complémentaire de 18 mois.
7.
Le prévenu demande à être mis au bénéficie du sursis.
7.1
Selon l’art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits. L’art. 43 al. 1 CP prévoit que le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine pécuniaire d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur.
De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1; cf. aussi TF 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1; TF 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3). Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
7.2
En l’espèce, compte tenu des nombreuses récidives, de son lourd passé judiciaire et de sa persistance dans le déni, seul un pronostic défavorable peut être prononcé quant au comportement futur du prévenu, de sorte qu’il ne saurait bénéficier du sursis.
8.
En définitive, l’appel de A.F._ doit être partiellement admis et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants qui précèdent.
9.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, constitués de l’émolument d’arrêt, par 3'120 fr., et de l’indemnité allouée au défenseur d’office de l’appelant, par 3'040 fr. 20, TVA et débours compris, sont mis par deux tiers à la charge A.F._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat. L’indemnité allouée au conseil d’office de la partie plaignante B.F._, par 1'220 fr. 40, TVA et débours inclus, doit être mise entièrement à la charge du prévenu, qui a retiré son appel sur ce point et est considéré avoir succombé (art. 428 al. 1 2
e
phrase CPP). Ce dernier
ne sera tenu de rembourser à l’Etat la part des indemnités d’office mise à sa charge que lorsque sa situation financière le permettra
.
Me Charpié a produit une liste d’opérations faisant état d’un total de 26,5 heures d’activité (P. 97). Compte tenu du fait, d’une part, que ce défenseur a participé à l’audience de première instance et qu’il connaissait donc le dossier, certes volumineux, de manière approfondie et, d’autre part, qu’il n’y eu aucun élément nouveau en procédure d’appel, c’est une indemnité d’office de 3'040 fr. 20, TVA et 115 fr. de débours compris, correspondant à 15 heures d’activité, au tarif horaire de 180 fr., qui doit être allouée à Me Charpié pour la procédure de deuxième instance.
S’agissant de l’indemnité d’office à allouer à Me Fontana, il est relevé que cette dernière a produit une liste d’opérations faisant état de 8 heures et 44 minutes d’activité (P. 96). Au vu de la connaissance du dossier obtenu en première instance, du fait que les questions soulevés en appel en rapport avec sa mandante étaient moins conséquentes, du nombre très limité d’opérations effectuées et d’une courte participation à l’audience des débats, c’est une indemnité d’office de 1'220 fr. 40, TVA et 50 fr. de débours compris, correspondant à 6 heures d’activité, au tarif horaire de 180 fr., qui doit être allouée à ce conseil pour la procédure d’appel. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
79ec4205-8aca-4dec-90a2-acc2f1203dee | En fait :
A.
En bref, par jugement du 27 novembre 2013 du Tribunal criminel de l'arrondissement de Lausanne, dont les chiffres I à V du dispositif sont exécutoires, Z._, né en 1984, père depuis peu, dont le casier judiciaire suisse fait état de cinq antécédents, a été condamné, notamment, pour tentative de meurtre, brigandage qualifié et tentative de brigandage qualifié à une peine privative de liberté de 6 ans, un traitement psychiatrique et addictologique au sens de
l’art. 63 CP étant ordonné.
Les premiers juges ont pris acte notamment de la reconnaissance de dette de Z._ à l'égard de Q._ pour valoir jugement et lui ont alloué la somme de 2'700 fr. à titre de dépens (chiffre VI du dispositif).
B.
Par annonce du 4 décembre 2013, puis par déclaration motivée du 27 décembre 2013, Q._ a fait appel contre ce jugement, en concluant principalement, avec suite de frais et dépens, à ce que le montant de la note d’honoraires due par Z._ s’élève à 6’010 fr., TVA comprise, subsidiairement au renvoi de l'affaire au Tribunal d’arrondissement pour réexamen de la note d’honoraires de son avocat.
Par courrier du 4 février 2014 auquel était annexée une liste des opérations, Z._ a indiqué qu'il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière ou à déclarer un appel joint.
Le 10 mars 2014, Z._ s’en est remis à justice s’agissant de l’appel interjeté par Q._. Les autres parties ont été informées du dépôt de l'appel (P. 120).
C.
En bref, Z._ a puisé dans la caisse familiale pour satisfaire son besoin de stupéfiants, puis il a décidé de combler le trou laissé par ces prélèvements dans le budget de sa fille en braquant un chauffeur de taxi. C'est ainsi que le 15 mars 2012, il est monté dans le taxi de Q._, puis l'a menacé d'un revolver en plaçant le canon de l'arme à quelques centimètres de sa tempe, avant de lui prendre son argent et son téléphone, non sans l'avoir une nouvelle fois menacé. Q._ a déposé plainte le lendemain. | En droit :
1.
1.1
Selon l'art. 399 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0), l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (al. 1). La déclaration d'appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (al. 3).
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre un jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de Q._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
1.2
Conformément à l'art. 406 al. 1 let. d CPP, la procédure écrite est applicable, l'appel ne portant que sur le montant de l'indemnité de l'art. 433 CPP.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 433 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause (al. 1 let. a). La partie plaignante adresse ses prétentions à l’autorité pénale et doit les chiffrer et les justifier (al. 2 in initio).
La partie plaignante a obtenu gain de cause au sens de cette disposition lorsque le prévenu a été condamné et/ou si les prétentions civiles ont été admises (Schmid, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, Zurich/Saint-Gall 2009, n. 6 ad art. 433 CPP). La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d’appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante, à l’exclusion de toutes démarches inutiles ou superflues (Mizel/Rétornaz, in: Kuhn/Jeanneret Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, n. 8 ad art. 433 CPP; Schmid, op. cit., n. 3 ad art. 433 CPP). Sont prises en considération tant l’activité ayant contribué à la condamnation du prévenu que celle ayant servi à l’obtention et la réparation du dommage, pour autant que la partie plaignante n’ait pas été renvoyée à faire valoir cette dernière devant le juge civil (Mizel/Rétornaz, op.
cit., n. 10 ad art 433 CPP; Schmid, op. cit., n. 23 ad art. 433 CPP). Dans l'hypothèse où la partie plaignante est une victime au sens de l'art. 116 al. 1 CPP, celle-ci devrait être indemnisée à hauteur de l'indemnité des honoraires d'avocat, sous réserve d'honoraires injustifiés (Mizel/Rétornaz, op. cit. n. 10 et 19ss ad art. 433 CPP, Petit Commentaire CPP/Moreillon, Parein-Reymond, Ed. Helbing Lichtenhahn, Bâle 2013, n. 6 ad art. 433 CPP et références).
Selon la jurisprudence lorsque le juge statue sur la base d'une liste de frais dont il entend s'écarter, il doit au moins brièvement indiquer les raisons pour lesquelles il tient certaines prétentions pour injustifiées, afin que son destinataire puisse attaquer la décision en connaissance de cause (CAPE 19 septembre 2013/239 c. 4.1 in fine et les références citées).
2.2.1
En l’espèce, les premiers juges ont alloué à Q._ un montant de 2'700 fr.
"[...] compte tenu du nombre d’heures annoncé [...] et des difficultés de la cause",
(jugement p. 28 in fine et p. 29). Or, Me Waser avait produit à l’audience une demande d’indemnité de 7’522 fr. pour laquelle il avait précisé d’emblée que le nombre d’heures d’audience, soit sept heures, était trop élevé. En appel, il a produit la même note d’honoraires, concluant à l’allocation d’un montant de 6'010 fr., compte tenu de 3 heures d’audience. Ainsi, il a requis une indemnité correspondant à un peu plus de 15 heures et demi à 350 fr. plus 25 francs de débours et la TVA (8 %).
Me Waser a été consulté peu de temps avant l’audience du Tribunal criminel. Il est ainsi intervenu la première fois le 10 octobre 2013 (P. 94). Il a produit une procuration de 24 octobre suivant (P. 96). Le 12 novembre 2013, il a demandé un rapport de police dont il a cité le numéro, expliquant qu’il défendait les intérêts de Q._ à la suite de l’agression dont il a été victime le 15 mars 2012 (P. 105). Le 21 novembre 2013, il a chiffré les conclusions civiles de son client par 13’067 fr., dépens pénaux en sus, représentant 2’000 fr. de perte de salaire, 367 fr. 35 pour la résiliation de son abonnement de natel, 700 fr., pour le vol et 10'000 fr. d'indemnité pour tort moral. Me Waser a redemandé le rapport de police de l’agression dont a été victime son client en 2002 (P. 109). Le rapport de police requis lui a été adressé par le Ministère public le 21 novembre suivant (P. 111).
Me Waser a assisté son client à l’audience du lundi 25 novembre de 9 h à 11 h 40 (Procès-verbal p. 12).
Les prétentions civiles de Q._ ont été intégralement admises par Z._, qui s’est reconnu son débiteur de la somme de 13'067 fr. Me Walser n’a ainsi pas plaidé. A l’issue de l’audience, Me Waser a conclu à l’allocation de dépens, produisant une note d’honoraires (P. 6). Me Waser et son client ont été dispensés de la reprise d’audience. Me Waser était présent à la reprise d’audience le 27 novembre 2013 pour la lecture du jugement. Cette audience a duré environ trente-cinq minutes.
Les faits fondant l’action pénale ayant été admis pour l’essentiel en cours d’enquête, l’activité de Me Waser consistait essentiellement à obtenir réparation du dommage. Z._ a, au demeurant, intégralement reconnu les prétentions civiles formulées. Dans ce cadre, une note d’honoraires couvrant plus de quinze heures et demi d’activité paraît disproportionnée dès lors que la cause ne présentait pas de difficulté juridique particulière. En effet, même si l’activité délictueuse de Z._ est impressionnante, seule une partie des faits concerne Q._. On admettra cependant qu’il n’était pas inutile de requérir la production de la plainte relative à l’agression dont Q._ a été victime en 2002 et qui présente de nombreuses similitudes avec les faits de 2012. Elle était de nature à justifier le montant du tort moral. En outre, les temps d’audience, par trois heures, sont fondés, de même que l’entrevue à l’étude avec le client. D’autres postes paraissent plus discutables comme l’ouverture du dossier par dix minutes, la réception de plusieurs courriels ou fax par cinq, dix ou quinze minutes, ou la consultation sur place au tribunal et le relevé de copies, par deux heures. En effet, des trajets ou le fait de faire des copies n’ont pas à être indemnisés comme du travail d’avocat (cf. infra c. 2.2.2). Tout bien considéré un nombre d’heures total correspondant à dix heures, dont trois heures d’audience paraît correct.
2.2.2
Le tarif horaire demandé est de 350 francs. Conformément à l’art. 26a TFJP (Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1) modifié le 18 février 2014 et entré en vigueur le 1
er
avril 2014 , le tarif déterminant est de 250 fr. au minimum et de 350 fr. au maximum pour l’activité déployée par l’avocat. Dans les causes particulièrement complexes ou nécessitant des connaissances particulières, ce tarif peut être augmenté jusqu’à 400 fr. Il y a lieu de s’inspirer de ce tarif même s'il n'était pas encore en vigueur lors de la première audience, et de considérer qu’un tarif horaire de 300 fr., compte tenu de la simplicité de la cause, s’impose.
En outre, les trois déplacements au tribunal (un pour la consultation du dossier et deux pour les audiences) doivent être indemnisés à raison de 120 fr. chacun, conformément à la pratique vaudoise admise par la jurisprudence fédérale, selon laquelle le Ministère public alloue en accord avec l’Ordre des Avocats Vaudois un montant forfaitaire de 120 fr. aux avocats brevetés pour toute vacation, couvrant ainsi les kilométres parcourus et le temps du déplacement aller et retour (TPF BB.2013.21 du 17 juillet 2013 c. 7.4 et les références citées).
2.2.3
En définitive, il convient d'admettre partiellement l'appel de Q._ de lui allouer – à la charge du prévenu – un montant de 3'655 fr. 80 à titre d'indemnité de l'art. 433 CPP. Ce montant comprend 10 heures d'honoraires à 300 fr. l'heure (pour 1 h 20 de conférence, six courriers, 2 h 45 pour la préparation de l'audience de première instance, incluant 1 heure pour l'étude du dossier et une conférence avec le client, 1 h 30 pour divers téléphones et la rédaction de plusieurs courriels, 3 h d'audience et 30 minutes pour la lecture du jugement), plus 360 fr. de vacations, 25 fr. de débours et 8 % de TVA. Le chiffre VI du dispositif du jugement attaqué doit donc être modifié en ce sens.
3.
Pour Z._, Me Mérinat, avocate d'office, s'en est remise à justice sur le sort de l'appel. Elle a conclu à l'allocation d'une indemnité de 1 h 30 et 127 fr. 50 de frais et débours pour les démarches effectuées postérieurement au jugement entrepris. Seules les opérations liées à l'appel, soit postérieures à l'interpellation du 14 janvier 2014, doivent être indemnisées. Il convient ainsi de réduire à une heure au tarif de l'avocat d'office (180 fr.) cette note. A ce montant d'honoraires, on ajoutera une vacation de 120 fr. pour le déplacement du 31 janvier 2014, 7 fr. 50 de frais et 8 % de TVA (24 fr. 60), ce qui donne un total de 332 fr. 10.
4.
Me Waser, avocat de choix, a conclu à l'octroi de dépens pour la procédure d'appel, mais ne les a pas chiffrés. Il peut être considéré qu'il a consacré trois heures (au tarif précité de 300 fr.; soit 900 fr.) à la présente procédure. Il n'a pas demandé de débours. L'appelant n'obtenant pas l'intégralité de ce qu'il demande, il convient de lui allouer des dépens de seconde instance réduits à 450 francs.
5.
Les frais d’appel, y compris l’indemnité d'office allouée à Me Mérinat et les dépens à Me Waser prévus aux considérants 3 et 4 ci-dessus, doivent être laissés à la charge de l’Etat (art. 423 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
79f34944-fe99-4636-922f-b43397e241db | En fait :
A.
Par jugement du 24 février 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré C._ du chef de prévention d’escroquerie (I), a constaté qu’il s’est rendu coupable d’infraction à la Loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, menaces, violation du devoir d'assistance ou d'éducation et infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (II), l’a condamné à une peine pécuniaire de 200 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. (III), a dit que la peine pécuniaire prononcée sous chiffre III ci-dessus est partiellement complémentaire à celles prononcées le 28 août 2008 par le Tribunal correctionnel de Lausanne et le 15 janvier 2009 par le Juge d’instruction de Lausanne (IV), a pris acte de la reconnaissance de dette du montant de 57'465 fr. signée par C._ en faveur de l’Office de l’assurance-invalidité à Vevey, pour valoir jugement sur les prétentions civiles de ce dernier (V), a mis les frais de justice par 3'925 fr. à la charge de C._ (VI), a ordonné le séquestre et la dévolution à l’Etat à titre de paiement partiel des frais de justice fixés sous chiffre VI ci-dessus, de la somme de 190 fr. saisie en mains de C._ le 17 mai 2014 (VII), a arrêté à 4'471 fr. 20 le montant de l’indemnité allouée à Me Adrien Gutowski, défenseur d’office de C._ (VIII) et a dit que lorsque sa situation financière le permettra, C._ sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité allouée sous chiffre VIII ci-dessus (IX).
B.
Le 5 mars 2015, C._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 7 avril 2015, il a conclu, sous suite de frais et dépens, à sa libération du chef d’accusation de violation du devoir d’assistance ou d’éducation et à l’octroi du sursis.
Par déterminations du 11 mai 2015, le Ministère public a conclu au rejet de l’appel et s’est référé intégralement au jugement attaqué.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
C._ est né le [...] 1966 en Côte d’Ivoire. Elevé par ses parents jusqu’à ce que son père l’expulse avec sa mère et sa sœur, le prévenu a suivi l’école obligatoire jusqu’à la sixième année avant d’entreprendre le brevet d’étude du premier cycle. Par la suite, le prévenu a rejoint la France où il a entrepris une formation d’infirmier. Il est arrivé en Suisse en 2000 et a épousé H._ le 28 juillet 2000. Les époux ont cessé la vie commune en 2007 et sont aujourd’hui divorcés. Le prévenu a fait une demande de permis humanitaire. Il vit sans ressource et loge à [...], à Lausanne, durant ses nuits.
Son casier judiciaire mentionne les inscriptions suivantes :
- 30 mai 2005 : Tribunal de police de l’Est vaudois, faux dans les titres, emprisonnement de 10 jours, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 2 ans, sursis révoqué le 18 septembre 2007;
- 18 septembre 2007 : Juge d’instruction de Lausanne, vol, violation de secrets privés, utilisation frauduleuse d’un ordinateur, violation des règles de la circulation routière, conducteurs se trouvant dans l’incapacité de conduire, vol d’usage, circuler sans permis de conduire, conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait, peine pécuniaire de 150 jours-amende à 30 fr. ;
- 28 août 2008 : Tribunal correctionnel de Lausanne, faux témoignage, faciliter le séjour illégal, peine pécuniaire de 70 jours-amende à 30 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 3 ans ;
- 15 janvier 2009 : Juge d’instruction de Lausanne, abus de confiance, peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr., peine complémentaire au jugement du 28 août 2008 du Tribunal correctionnel de Lausanne.
2.
2.1
A Lausanne, entre 2007 et 2010, C._ a fait venir son neveu, B._, né le [...] 1996, en Suisse en le faisant passer pour son fils biologique. Ils ont vécu ensemble. Durant cette période, C._ n'a pas assuré les éléments essentiels au développement du mineur, tels l'hébergement, la nourriture, l'entretien et la tendresse dont un enfant de cet âge a besoin, mettant en danger son développement. Durant cette période et à plusieurs reprises, C._ a notamment privé l'enfant de nourriture, a fait dormir plusieurs personnes à la fois dans la chambre de l’enfant alors que celui-ci était présent, a découpé les vêtements neufs de l'enfant lorsqu'il était en colère contre lui et a menacé l'enfant avec un couteau, à une occasion. Le prévenu n’a en outre pas entrepris les démarches en vue du renouvellement du permis B de B._, qui s'est ainsi retrouvé en situation illégale.
2.2
Le 19 septembre 2007, C._ a signé une demande de prestations auprès de l'Office de l'assurance-invalidité en indiquant faussement sur le formulaire que la demande concernait son fils B._, né le [...] 1992. Il a produit à l'appui de sa demande une copie d’un permis B frauduleusement obtenu grâce au faux passeport qu'il avait procuré en Côte d'Ivoire à l’enfant. Le prévenu a déposé cette demande le 9 octobre 2007 à l'Office qui l'a traitée.
Entre le 16 avril 2007 et le 31 juillet 2011, C._ a ainsi obtenu indûment pour le compte de son neveu, des prestations telles qu'une formation scolaire spéciale, des stages pratiques, une orientation professionnelle et une formation professionnelle initiale.
2.3
Entre le 26 janvier 2012 et le 17 mai 2014 à tout le moins, dans la région lausannoise notamment, C._ a séjourné illégalement en Suisse. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de C._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L’immédiateté des preuves ne s’impose toutefois pas en instance d’appel. Selon l’art. 389 al. 1 CPP, la procédure d’appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d’appel administre, d’office ou à la demande d’une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L'appelant invoque tout d'abord une motivation insuffisante du jugement attaqué s'agissant des art. 42 et 219 CP.
3.1
Tel que garanti par l’art. 29 al. 2. Cst., le droit d’être entendu donne notamment à l'intéressé le droit de recevoir une décision suffisamment motivée pour qu’il puisse la comprendre et l’attaquer utilement, s’il le souhaite, et pour que l’autorité de recours soit en mesure, le cas échéant, d’exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que l’autorité mentionne, même brièvement, les raisons qui l’ont guidée et sur lesquelles elle a fondé sa décision, de façon que l’intéressé puisse en apprécier la portée et, éventuellement, l’attaquer en connaissance de cause (ATF 122 IV 8 c. 2c; ATF 121 I 54 c. 2c). Il n’est donc pas nécessaire que les motifs portent sur tous les moyens des parties ; ils peuvent être limités aux questions décisives (ATF 133 III 439 c. 3.3).
Le droit d’être entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle dont la violation entraîne en principe l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 135 I 187 c. 2.2; ATF 132 V 387 c. 5.1). Toutefois, la jurisprudence admet qu’une violation de ce droit en instance inférieure puisse être réparée lorsque l’intéressé a eu la faculté de se faire entendre en instance supérieure par une autorité disposant d’un plein pouvoir d’examen en fait et en droit (ATF 134 I 331 c. 3.1; ATF 133 I 201 c. 2.2).
3.2
En l'espèce, le jugement est peut-être succinct mais suffisamment motivé pour permettre à l’appelant de savoir pour quelles raisons il a été condamné pour le chef d’accusation de violation du devoir d’assistance ou d’éducation et pour quelles raisons le sursis lui a été refusé. L’appelant le démontre lui-même à l’appui de sa déclaration d’appel entièrement motivée. Ce moyen se confond en réalité avec les autres griefs contenus dans la déclaration de l’appelant. Au demeurant, la Cour de céans revoit les faits avec un plein pouvoir d’examen et discutera chacun des moyens invoqués par l’appelant, si bien que le vice invoqué est de toute manière réparé.
Infondé, ce grief doit être rejeté.
4.
L'appelant conteste s'être rendu coupable de violation du devoir d’assistance ou d’éducation.
4.1
Selon l’art. 219 CP, celui qui aura violé son devoir d’assistance ou d’élever une personne mineure dont il aura ainsi mis en danger le développement physique ou psychique, ou qui aura manqué à ce devoir, sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 1). S’il a agi par négligence, la peine pourra être une amende au lieu d’une peine privative de liberté ou d’une peine pécuniaire (al. 2).
Cette disposition protège le développement physique et psychique du mineur, soit d’une personne âgée de moins de 18 ans (ATF 126 IV 136 c. 1b; ATF 125 IV 64 c. 1a).
Pour que l’art. 219 CP soit applicable, il faut d’abord que l’auteur ait eu envers une personne mineure un devoir d’assistance, c’est-à-dire d’assurer le développement – sur le plan corporel, spirituel et psychique – du mineur. Ce devoir et, partant, la position de garant de l’auteur peut résulter de la loi, d’une décision de l’autorité ou d’un contrat, voire d’une situation de fait. Revêtent notamment une position de garant les parents naturels ou adoptifs, le tuteur, le maître d’école, etc. (ATF 125 IV 64 c. 1a). Il importe peu que les parents vivent ou non avec l’enfant; même s’ils sont séparés de fait, leur obligation d’éducation et d’assistance subsiste (TF 6B_457/2012 du 29 octobre 2013 c 1.1.2; Moreillon, Quelques réflexions sur la violation du devoir d’assistance ou d’éducation [art. 219 nouveau CP], in: Revue pénale suisse, 1998, p. 435).
Il faut ensuite que l’auteur ait violé son devoir d’assistance ou d’éducation ou qu’il ait manqué à ce devoir. Le comportement délictueux peut donc consister en une action ou une omission. Dans le premier cas, l’auteur viole positivement son devoir, par exemple en maltraitant le mineur ou en l’exploitant par un travail excessif ou épuisant. Dans le second, il manque passivement à son obligation, par exemple en abandonnant l’enfant, en négligeant de lui donner des soins ou l’éducation nécessaire ou encore en ne prenant pas, face à un danger, les mesures de sécurité qui s’imposent (ATF 125 IV 64 c. 1a).
Il faut encore, sur le plan objectif, que la violation du devoir d’assistance ou d’éducation ou le manquement à ce devoir ait eu pour effet de mettre en danger le développement physique ou psychique du mineur. L’infraction réprimée par l’art. 219 CP est un délit de mise en danger concrète. Il n’est donc pas nécessaire que le comportement de l’auteur aboutisse à un résultat, c’est-à-dire à une atteinte au développement physique ou psychique du mineur, la simple possibilité d’une atteinte ne suffit cependant pas. Il faut que cette atteinte apparaisse à tout le moins vraisemblable dans le cas concret (ATF 126 IV 136 c. 1b; ATF 125 IV 64 c. 1a). A titre d’exemple d’une mise en danger concrète du développement psychique d’un mineur, la doctrine mentionne notamment d’empêcher un mineur de fréquenter l’école (Moreillon, op. cit., p. 438).
En pratique, il sera souvent difficile de déterminer quand il y aura un risque pour le développement du mineur. II sera en particulier difficile de distinguer les atteintes qui devront relever de l’art. 219 CP des traumatismes qui font partie de la vie de tout enfant. Vu l’imprécision de la disposition, la doctrine recommande de l’interpréter de manière restrictive et d’en limiter l’application aux cas manifestes. Des séquelles durables, d’ordre physique ou psychique, devront apparaître vraisemblables, de telle sorte que le développement du mineur sera mis en danger. Pour provoquer un tel résultat, il faudra normalement que l’auteur agisse de façon répétée ou viole durablement son devoir; une transgression du droit de punir de peu d’importance ne saurait déjà tomber sous le coup de l’art. 219 CP (cf. TF 6B_457/2013 du 29 octobre 2013 c. 1.2; TF 6S.339/2003 du 12 novembre 2003 c. 2.3).
Du point de vue subjectif, l’auteur peut avoir agi intentionnellement, auquel cas le dol éventuel suffit (ATF 125 IV 64 c. 1a), ou par négligence (art. 219 al. 2 CP). Dans cette dernière hypothèse, le juge a la faculté, mais non l’obligation, de prononcer une amende au lieu d’une peine privative de liberté ou d’une peine pécuniaire. Pour déterminer laquelle de ces sanctions doit être prononcée, la gravité de la faute commise est le critère essentiel à prendre en considération (ATF 125 IV 64 c. 2)
4.2
En l'espèce, la première condition de l'art. 219 CP est réalisée. Il est en effet manifeste que l'appelant avait une position de garant envers son neveu, ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas.
S'agissant de la violation des devoirs d'assistance et d'éducation, l’appelant a fait passer B._, né le [...] 1996, comme étant son fils X._, né le [...] 1992. Il l’a présenté comme tel à son épouse et aux autorités suisses dans le cadre du regroupement familial lors de sa venue en Suisse en 2007. Ce mensonge a notamment eu pour effet de scolariser B._ dans une classe d’adolescents de treize ans alors qu’il était âgé de seulement neuf ans. L’appelant conteste tous les griefs retenus dans l’acte d’accusation (jgt., p. 7). A l'instar du premier juge, la Cour de céans ne voit pas pour quelles raisons B._ qui, visiblement craint les représailles de son oncle (cf. PV aud. 2, p. 2), aurait inventé de telles accusations qui sont corroborées, quand elles le peuvent, par l'ex-épouse de l'appelant, H._ (PV aud. 1 et 6). Le rapport de police établit d’ailleurs que lors d’une visite domiciliaire de l’appartement de l’appelant, deux personnes totalement étrangères à l’appelant occupaient les lieux (P. 14). L'appelant n'a par ailleurs cessé de se contredire durant l'enquête. Il faut ainsi retenir pour crédible la version des faits relatés par B._, qui sont constitutifs d’une violation de l’art. 219 CP.
Au vu des faits décrits par la victime, la mise en danger de son développement est évidente. On peut ici se référer également à la plainte du tuteur général du 4 mars 2011 (P. 4).
Enfin, l'élément intentionnel de cette disposition est réalisé, un risque d’atteinte au développement de son neveu ne pouvant échapper à l’appelant, doué d’une intelligence normale.
Au vu de ce qui précède, les conditions objectives et subjectives de l'infraction de violation du devoir d'assistance ou d'éducation sont réalisées. L'appel doit également être rejeté sur ce point.
5.
L’appelant ne conteste pas la peine en tant que telle. Examinée d’office par la Cour d’appel selon son propre pouvoir d’appréciation, la peine pécuniaire de 200 jours-amende, à 30 fr. le jour, a été fixée en application de critères adéquats à charge et à décharge et conformément à la culpabilité de l’appelant. Elle doit dès lors être confirmée.
6.
L'appelant requiert l’octroi du sursis.
6.1
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
6.2
En l'espèce, C._ a de nombreux antécédents. Ni des peines privatives de liberté, ni des peines pécuniaires n’ont permis de le détourner de la récidive. L’appelant ne fait rien de sa vie et vit dans l’illégalité. Il a ergoté et n’a nullement pris conscience de la gravité de ses agissements à l'égard de son neveu.
Au regard de ces éléments, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que le pronostic était entièrement défavorable, de sorte qu’aucun sursis ne peut être accordé.
7.
En définitive, l'appel de C._ doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de C._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 1'610 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office de l'appelant, par 1’792 fr. 80
,
TVA et débours inclus.
C._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
79fcab90-2ae1-4fd5-8ac6-cd65eff61935 | En fait :
A.
Par jugement du 9 juillet 2015, le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois a condamné X._ pour lésions corporelles simples qualifiées à une peine pécuniaire de 15 jours-amende, avec sursis pendant deux ans, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr., ainsi qu’à une amende de
150 francs. Il a également donné acte à S._ de ses réserves civiles à l’encontre du prévenu et mis les frais de justice à la charge de ce dernier.
B.
Par annonce du 15 juillet 2015, puis par déclaration motivée du 10 août 2015, X._ a formé appelé contre ce jugement, concluant, avec suite de frais et dépens, à son acquittement, subsidiairement à une exemption de toute peine, ainsi qu’à une indemnisation pour son tort moral et ses frais de défense à hauteur de 10'000 francs.
Par courrier du 30 septembre 2015, le Ministère public a indiqué qu’il renonçait à déposer des conclusions et se référait au jugement de première instance.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
X._
est né le [...] 1940 à Morat. Il est marié à [...] et est le père de quatre enfants, à savoir [...] né en 1977, [...] née en 1981, [...] née en 1998 et [...] né le 27 juillet 2002 de sa liaison avec S._. Son dernier fils, [...] né 2011, est décédé en 2012. Le prévenu vit actuellement seul avec son épouse au Sénégal, ses enfants étant soit en Suisse, soit à l’étranger, avec leur mère. Bien qu’ayant atteint l’âge de la retraite, il travaille toujours en qualité d’architecte en Afrique, activité qui lui procurerait, selon ses dires, un revenu de 500 fr. par mois environ. Il percevrait en outre quelque 2'000 fr. de l’AVS et n’aurait pas d’autres sources de revenu. Il a hérité d’un immeuble à Pully, lequel a été estimé à 2.5 millions de francs, qu’il dit ne pas louer mais occuper personnellement lors de ses séjours en Suisse. Il n’aurait pas de loyer, ni d’assurance maladie à payer au Sénégal et n’aurait pas de dettes. Il devrait enfin verser trois pensions alimentaires de 150 fr. chacune à ses enfants [...] et [...], ainsi qu’à une précédente épouse, qui n’est toutefois pas S._.
A son casier judiciaire figurent les trois condamnations suivantes :
- 14 octobre 2005, Tribunal de police de Lausanne, violation d’une obligation d’entretien, 30 jours d’emprisonnement ;
- 6 mai 2010, Tribunal de police de Lausanne, violation d’une obligation d’entretien, peine privative de liberté de 3 mois, peine partiellement complémentaire au jugement du 14 octobre 2005 ;
- 28 janvier 2011, Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, violation grave des règles de la circulation routière, peine pécuniaire de 10 jours-amende à 50 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 2 ans, et amende de 400 francs.
2.
A Pully, le 27 mai 2010, X._ a poussé S._ par derrière, la faisant tomber en avant puis, alors que cette dernière était au sol sur le dos, X._ s’est mis à califourchon sur elle et a posé sa main sur son cou en appuyant fortement avec le pouce. Alors qu’elle tentait d’écarter la main de son agresseur, ce dernier l’a mordue au majeur gauche.
S._ a déposé plainte pénale le 19 août 2010. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du
5 octobre 2007 ; RS 312.0), l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon
l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 consid. 3.1).
3.
L’appelant conteste la crédibilité de la version de la plaignante et expose, en substance, que c’est à tort que le premier juge a retenu cette version. En particulier, il relève que la plaignante aurait menti dans le cadre d’autres procédures.
3.1
La constatation des faits est incomplète au sens de l’art. 398 al. 3, let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n’ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d’administrer la preuve d’un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l’administration d’un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables. Des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective. Une solution n'est pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution eût été possible (CAPE 19 décembre 2013/308 consid. 5b et les références citées).
3.3
Pour asseoir sa conviction, le premier juge s’est fondé sur plusieurs éléments probants et il apparaît à l’examen du dossier que son analyse est adéquate. D’abord, il existe une concordance entre les versions de la plaignante et du prévenu concernant les violences exercées par X._ sur le cou de S._ (voir notamment PV aud. 5, lignes 41 et 42 et jugement du 9 juillet 2015, p. 6). Il doit donc être retenu qu’il y a eu une altercation avec violence entre les deux protagonistes, lors de laquelle le prévenu s’est retrouvé sur la plaignante, une main sur sa gorge. Contrairement à ce que soutient l’appelant, en référence à d’autres faits, la plaignante n’a donc pas inventé de toute pièce cet événement. A cet égard, on relèvera que le premier juge n’a d’ailleurs pas ignoré que S._ s’était rétractée dans le cadre d’une autre procédure pénale (cf. jugement du 9 juillet 2015, p. 19, dernier paragraphe). Les déclarations de la plaignante doivent donc être appréciées avec prudence. Toutefois, le fait que les motifs qui ont conduit à l’altercation litigieuse restent relativement flous n’est pas déterminant, dès lors que les déclarations de la plaignante s’agissant des actes de violence reprochés sont restées constantes tout au long de l’instruction et qu’elles sont corroborées par d’autres éléments de preuve. En effet, il ressort du constat médical établi le 28 mai 2010 par le Centre universitaire de romand de médecine légale (CURML) que la plaignante a bien subi des lésions et que celles-ci sont compatibles avec sa version des faits (P. 5). Contrairement à ce que soutient l’appelant, la valeur probante de ce constat ne saurait être remise en question, dès lors que le légiste a bien distingué les lésions à mettre en relation avec les faits incriminés des cicatrices portant sur d’autres événements. Le récit de la victime est donc corroboré non seulement par la lésion constatée au niveau du cou, mais également par des lésions au thorax, au coude droit et au majeur gauche. En particulier, les trois abrasions cutanées au doigt évoquent la morsure décrite par la plaignante.
Au vu de ce qui précède, le prévenu a donc été condamné sur la base de preuves suffisantes et sans violation de la présomption d’innocence. Les faits retenus n’ont rien d’erroné. La version de l’appelant étant écartée, il n’y a pas de place pour de la légitime défense ou pour l’application de l’art. 177 al. 3 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; RS 311.0).
4.
L’appelant conteste ensuite avoir commis des lésions corporelles. Tout au plus s’agirait-il selon lui de voies de faits prescrites, voire de lésions corporelles de peu de gravité.
4.1
L'art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Il vise en particulier toutes les dégradations du corps humain, externes ou internes, à la suite d'un choc ou de l'emploi d'un objet, telles les fractures, les foulures, les coupures et les hématomes. A titre d’exemples, la jurisprudence cite l’administration d’injections, la tonsure totale et tout acte qui provoque un état maladif, l’aggrave ou en retarde la guérison, comme les blessures, les meurtrissures, les écorchures ou les griffures, sauf si ces lésions n’ont pas d’autres conséquences qu’un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (ATF 119 IV 25 consid. 2a ; ATF 107 IV 40 consid. 5c ; ATF 103 IV 65 consid. 2c). La distinction entre lésions corporelles et voies de fait peut parfois s'avérer délicate. La question peut toutefois être résolue selon les cas de manière satisfaisante par l’application de l’art. 123 ch. 1 al. 2 CP, qui permet une atténuation libre de la peine dans les cas de peu de gravité (cf. ATF 134 IV 189 consid. 1.3 ; ATF 119 IV 25 consid. 2a).
Ainsi, l'art. 123 CP protège non seulement l'intégrité corporelle et la santé physique, mais aussi la santé psychique (ATF 119 IV 25 consid. 2a). Pour qu'il y ait lésions corporelles, il n'est donc pas nécessaire que la victime ait subi une atteinte à son intégrité physique ; une atteinte psychique peut suffire à la réalisation de l'infraction. Pour justifier la qualification de lésions corporelles, l'atteinte doit toutefois revêtir une certaine importance. Afin de déterminer ce qu'il en est, il y a lieu de tenir compte, d'une part, du genre et de l'intensité de l'atteinte et, d'autre part, de son impact sur le psychisme de la victime. Une atteinte de nature et d'intensité bénignes et qui n'engendre qu'un trouble passager et léger du sentiment de bien-être ne suffit pas. En revanche, une atteinte objectivement propre à générer une souffrance psychique et dont les effets sont d'une certaine durée et d'une certaine importance peut être constitutive de lésions corporelles. S'agissant en particulier des effets de l'atteinte, ils ne doivent pas être évalués uniquement en fonction de la sensibilité personnelle de la victime ; il faut bien plutôt se fonder sur les effets que l'atteinte peut avoir sur une personne de sensibilité moyenne placée dans la même situation. Les circonstances concrètes doivent néanmoins être prises en considération ; l'impact de l'atteinte ne sera pas nécessairement le même suivant l'âge de la victime, son état de santé, le cadre social dans lequel elle vit ou travaille, etc. (ATF 134 IV 189 consid. 1.4).
L'art. 126 CP réprime les voies de fait, à savoir les actions physiques sur le corps d'autrui qui excèdent ce qui est socialement toléré, sans causer pour autant de lésions au corps ou d'atteintes à la santé. La gifle, les coups de poing ou de pied, les fortes bourrades avec les mains ou les coudes, les projections d’objets durs et d’un certain poids, l’arrosage de la victime au moyen d’un liquide et le fait d’ébouriffer une coiffure soigneusement élaborée constituent des exemples types de voies de fait (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 5 ad art. 126 CP).
L’importance de la douleur ressentie représente le critère censé permettre de délimiter les voies de fait des lésions corporelles simples dans les cas limites ; la question de savoir si l’atteinte dépasse ce qui est socialement toléré, et parvient en ce sens au seuil des voies de fait, s’apprécie au regard des circonstances propres à chaque cas d’espèce ; un tel critère comporte toutefois une bonne part d'appréciation (ATF 134 IV 189 consid. 1.3 ; ATF 119 IV 1 25 consid. 2a ; ATF 107 IV 40 consid. 5c).
4.2
En l’espèce, en faisant plaider que son comportement serait au plus constitutif de voies de fait, l’appelant perd de vue que ce ne sont pas seulement les traces sur le cou de la victime qui doivent entrer en considération dans l’appréciation de la gravité de l’atteinte, mais l’ensemble des blessures infligées à la plaignante telles que décrites ci-dessus, notamment la morsure, les plaies au thorax ainsi. A la lecture du rapport du CURML, les atteintes causées ne sauraient être assimilées à de simples voies de fait. Non seulement la plaignante a souffert de plusieurs dermabrasions, mais la violence commise lors de la strangulation a provoqué des souffrances dépassant un trouble passager. Le légiste a ainsi constaté des douleurs à la déglutition et à la palpation du cou lors de son examen, le lendemain de l’agression. Au surplus, il ressort du dossier et, en particulier, du rapport du CURML que la plaignante a pleuré à plusieurs reprises pendant l’entretien et il va de soi que le comportement de l’appelant, consistant à agresser sa victime par compression sur le cou, est de nature à effrayer et à provoquer un sentiment de panique. Indépendamment des conséquences psychiques de l’agression – que l’on ne saurait ignorer mais qui ne sauraient suffire pour qualifier la gravité de l’atteinte – la plaignante a donc subi des blessures et des souffrances, en particulier liées à la strangulation et à la morsure intervenue pendant l’altercation, qui doivent être qualifiées de lésions corporelles simples et qui ne sauraient être considérées comme étant de peu de gravité.
En définitive, l’appelant doit bien être reconnu coupable de lésions corporelles simples qualifiées.
5.
L’appelant, qui concluait à son acquittement, subsidiairement à l’exemption de toute peine en raison de la prescription de l’infraction, ne conteste pas la peine en tant que telle. Examinée d’office par la Cour d’appel selon son propre pouvoir d’appréciation, la peine, consistant en une peine pécuniaire de quinze jours-amende à 30 fr. le jour, a été fixée en application de critères adéquats à charge, en particulier les antécédents de l’appelant, bien que différents du cas d’espèce, et à décharge, à savoir notamment la gravité relative des lésions provoquées, ainsi que conformément à la culpabilité de X._ et à sa situation financière. Elle doit dès lors être confirmée.
Il en va de même de l’appréciation selon laquelle le pronostic quant au comportement futur de l’appelant n’est pas défavorable, en particulier au regard de l’ancienneté des faits, ce qui autorise l’octroi d’un sursis dont le délai d’épreuve doit être arrêté à deux ans.
Enfin, l’amende de 150 fr. prononcée à titre de sanction immédiate ne prête elle non plus pas le flanc à la critique et doit être confirmée.
6.
Au vu de ce qui précède, l’appel de X._ doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, constitués du seul émolument d'arrêt, par 1’390 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de X._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7a2048db-34b3-4d48-ab82-95ddc37340ef | En fait :
A.
Par jugement du 15 août 2013, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a pris acte du retrait de plainte pénale de [...] et ordonné la cessation des poursuites pénales contre D._ du chef de prévention de dommages à la propriété (I), constaté que D._ était pénalement irresponsable des faits retenus à son encontre sous chiffre 2 de l’acte d’accusation du 28 mars 2013 (II), libéré en conséquence D._ du chef de prévention de lésions corporelles simples (III), ordonné en faveur de D._ un traitement institutionnel en application de l’art. 59 CP, sous forme d’un encadrement équivalent à celui préexistant institué dans le cadre de la mesure de protection de l’adulte en vigueur (IV), arrêté l’indemnité de défense d’office due à Me Antoine Eigenmann, avocat à Lausanne, à 1’550 fr., à la charge de l’Etat de Vaud sous réserve de l’art. 135 al. 4 et 5 CPP (V) et laissé le solde des frais à la charge de l’Etat de Vaud (VI).
B.
Par son défenseur d’office, D._ a annoncé faire appel de ce jugement le 26 août 2013. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 24 septembre 2013, concluant à la modification du jugement en ce sens que le chiffre IV
de son dispositif soit supprimé.
Le Ministère public s’en est remis à justice quant à la recevabilité de l’appel et a renoncé à déposer un appel joint.
A l’audience d’appel, le Procureur a conclu au rejet de l'appel, aux frais de son auteur.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu D._, né en 1952, rentier de l’assurance-invalidité, a été renvoyé devant le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois par acte d’accusation dressé le 28 mars 2013 par le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois.
Il lui est d’abord reproché d’avoir, le 13 septembre 2011, enfoncé deux portes d’appartement dans l’immeuble où il résidait alors à Sainte-Croix, soit en particulier celle du logement de [...], et d’avoir pénétré dans l’appartement de ce dernier en tenant des propos peu cohérents; le prévenu présentait alors un taux d’alcoolémie de 2,34 g o/oo (ch. 1 de l’acte d’accusation). [...] a déposé plainte et s’est constitué partie civile le 16 septembre 2011. A l’audience de première instance, il a retiré sa plainte et renoncé à toute prétention civile (jugement, p. 3).
Il est ensuite fait grief au prévenu d’avoir, le 18 décembre 2011, également à Sainte-Croix, invectivé et frappé à coups de pied [...], locataire de son immeuble; la victime a présenté un hématome de 3 cm de diamètre sur la face dorsale de la main gauche, un hématome de 2 cm de diamètre sur la face dorsale du bras gauche, ainsi que trois érythèmes à divers endroits du corps (ch. 2 de l’acte d’accusation). [...] a déposé plainte le 18 décembre 2011. Elle l’a maintenue à l’audience de première instance (jugement, p. 4).
1.2 Le prévenu réside à l’EMS [...], à [...], depuis le mois d'octobre 2013, après avoir séjourné à la [...], à [...]. Il fait l’objet de mesures de protection de l’adulte, prononcées par le juge civil, sous la forme d’un placement à des fins d'assistance ou de traitement et d’une curatelle. La curatelle est confiée à l’Office des curatelles et tutelles professionnelles. Entendue à l’audience de première instance, sa curatrice a fait savoir qu’il bénéficiait d’un encadrement dans un appartement protégé et qu’il était toujours suivi à l’Unité de psychiatrie ambulatoire (UPA) (jugement, p. 5). A l'heure actuelle, toutefois, l'appelant est hospitalisé au Centre psychiatrique du Nord vaudois, depuis le mois de novembre 2013. Selon sa curatrice, également entendue à l’audience d’appel, cette hospitalisation est en lien avec son affection psychiatrique, dont il sera fait état plus avant. Toutefois, une procédure en levée du placement à des fins d’assistance a été introduite; le prévenu a été cité à comparaître à l’audience du 3 décembre 2013 de la Justice de paix des districts du Jura-Nord vaudois et du Gros-de-Vaud (P. 52).
1.3 Le prévenu a fait l’objet d’une expertise psychiatrique, confiée au Secteur psychiatrique Nord du Département de psychiatrie du CHUV. Dans leur rapport du 20 février 2013, les experts ont posé les diagnostics de schizophrénie paranoïde continue, de syndrome de dépendance à de multiples substances (opiacés, benzodiazèpines) et d’utilisation nocive pour la santé de substances multiples (alcool, cannabis, cocaïne, LSD, ecstasy, amphétamines) (P. 38, p. 9).
Ils ont ajouté que le trouble mental pouvait être considéré comme une psychose chronique grave influant de manière importante sur le comportement général de l’expertisé, ce plus particulièrement durant la période des faits incriminés, durant laquelle l’intéressé ne faisait pas l’objet d’un traitement neuroleptique et consommait de surcroît de l’alcool en grandes quantités (P. 38, p. 13). Quant à l’anamnèse de l’expertisé, elle a relevé que l’intéressé est dépendant du système social et incapable de gérer seul ses affaires depuis de nombreuses années. Il a à plusieurs reprises rompu l’alliance thérapeutique avec son médecin et «n’a bénéficié d’un traitement adéquat que pendant de courtes durées, si l’on considère qu’il est malade depuis plusieurs décennies» (P. 38, p. 11). Les experts ont ajouté que l’expertisé, après l’interruption d’un traitement psychiatrique remontant « très certainement à 2007», s’était «adressé de façon assez erratique par moments et plus régulière à d’autres à l’UPA d’Yverdon»; les nouveaux médecins consultés n’avaient pas été «en mesure de lui prescrire le traitement neuroleptique dont il avait besoin selon eux» (P. 38, p. 6). Toujours à dires d’expert, la capacité du prévenu d’apprécier le caractère illicite des ses acte était présente. Sa capacité de se déterminer d’après cette appréciation était en revanche inexistante au moment des faits de la cause, ce en raison de l’importance de son délire paranoïaque en particulier, soit du «déterminisme pathologique de sa psychose», l’auteur estimant que certains de ses voisins ourdissaient des complots contre lui (P. 38, pp. 5 s., 7 s., 11 et 14). Considérant que le prévenu, peu conscient de la grave maladie psychiatrique dont il souffre, présente un risque de récidive élevé en l’absence d’encadrement suffisant, les experts ont préconisé l’instauration d’un traitement institutionnel à teneur de l’art. 59 CP, à forme d’un placement en milieu ouvert, en appartement protégé, éventuellement en foyer psychiatrique en cas de besoin, ces mesures étant accompagnées de la poursuite du traitement médicamenteux neuroleptique (P. 38, p. 15). A cet égard, ils ont précisé ce qui suit : «Pour diminuer le risque de récidive d’actes délictueux agressifs en lien avec sa pathologie, l’expertisé doit bénéficier d’un encadrement adéquat et d’un traitement médicamenteux prescrit dans les règles de l’art» (P. 38, p. 10). Pour le reste, il n’y avait, toujours selon les experts, pas lieu de proposer au prévenu un traitement spécifique de ses dépendances, ses consommations d’alcool et de drogue devant être envisagées comme des conséquences de sa grave pathologie psychiatrique et traitées dans ce cadre (P. 38, pp. 15 s.). | 2. En droit, le tribunal de police, faisant siennes les conclusions des experts, a tenu le prévenu pour pénalement irresponsable des faits qui lui étaient reprochés, soit ceux faisant l’objet du chiffre 2 de l’acte d’accusation, qualifiés de lésions corporelles simples au sens de l’art. 123 ch. 1 CP. Dès lors, il l’a exempté de toute culpabilité et de toute peine. Il a cependant ordonné une mesure de traitement institutionnel conformément aux recommandations des experts et aux réquisitions du Parquet, sous la forme de l’encadrement déjà en place dans le cadre de la mesure de protection de l’adulte prononcée à l’endroit du prévenu.
En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
L’appelant fait valoir que les conditions posées à un traitement institutionnel selon l’art. 59 CP ne sont pas remplies. Se prévalant des principes de nécessité et de proportionnalité qu’il déduit de l’art. 56 al. 1 let. b CP, il soutient que les mesures ordonnées par le juge civil lui fournissent à elles seules un encadrement idoine, à savoir de nature à le détourner de commettre de nouvelles infractions (cf. spéc. déclaration d’appel, ch. 4.5).
3.2
D’après l’art. 56 al. 1 CP, une mesure doit être ordonnée (a) si une peine seule ne peut écarter le danger que l'auteur commette d'autres infractions, (b) si l'auteur a besoin d'un traitement ou que la sécurité publique l'exige et (c) si les conditions prévues aux art. 59 à 61, 63 ou 64 CP sont remplies. Selon l’art. 56a CP, si plusieurs mesures s'avèrent appropriées, mais qu'une seule est nécessaire, le juge ordonne celle qui porte à l'auteur les atteintes les moins graves (al. 1); si plusieurs mesures s'avèrent nécessaires, le juge peut les ordonner conjointement (al. 2).
Sous la note marginale
mesures thérapeutiques institutionnelles
, l’art. 59 CP prévoit que, lorsque l'auteur souffre d'un grave trouble mental, le juge peut ordonner un traitement institutionnel aux conditions suivantes : (a) l'auteur a commis un crime ou un délit en relation avec ce trouble et (b) il est à prévoir que cette mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce trouble (al. 1). Le traitement institutionnel s'effectue dans un établissement psychiatrique approprié ou dans un établissement d'exécution des mesures (al. 2). Le traitement s'effectue dans un établissement fermé tant qu'il y a lieu de craindre que l'auteur ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions; il peut aussi être effectué dans un établissement pénitentiaire au sens de l'art. 76, al. 2 CP, dans la mesure où le traitement thérapeutique nécessaire est assuré par du personnel qualifié (al. 3).
3.3
En l’espèce, l’expertise satisfait aux exigences de l’art. 56 al. 3 CP, ce que l’appelant ne conteste du reste pas. Elle établit que l'auteur souffre d'un grave trouble mental au sens de l’art. 59 al. 1, in initio, CP, et qu'il a commis au moins un délit en relation avec ce trouble.
Les conditions prévues par l’art. 56 CP aussi bien que par l’art. 59 CP ne sont du reste pas discutées par l’appelant sous l’angle de l’existence d’un grave trouble mental au sens de la loi et du fait que ce trouble, de par sa gravité, est en relation avec le délit (lésions corporelles simples) commis par l’auteur. L’appelant conteste en revanche que la mesure de traitement institutionnel décidée par le premier juge soit nécessaire et de nature à le détourner de perpétrer de nouvelles infractions. Cela étant, il n’étaye pas plus avant les faits dont il déduit ses conclusions en modification du jugement. Il se limite ainsi à opposer son point de vue aux constatations des experts, qui préconisent on ne peut plus clairement un traitement institutionnel.
La particularité du présent cas est que l’appelant bénéficie déjà d’un encadrement socio-thérapeutique dispensé sous l’autorité du juge civil, soit d’un placement à des fins d'assistance (ou de traitement) au sens des art. 426 ss CC, même si une procédure en levée de cette mesure est pendante devant la Justice de paix (P. 52). Ce fait est mentionné tant par le premier juge que par l’expertise. En dépit de cet encadrement, les experts ont toutefois estimé nécessaire qu’une mesure au sens de l’art. 59 CP soit ordonnée, ce pour juguler le fort risque de récidive, soit de réitération, présenté selon eux par l’auteur. Ils ont en effet mis en exergue que l’appelant, peu conscient de son état, était réfractaire à son traitement, ce qui pourrait alors nécessiter, toujours selon eux, un placement en milieu psychiatrique, et non plus en milieu ouvert; le placement serait facilement mis en place grâce à cette mesure pénale. La Cour d’appel pénale fait sienne cette appréciation. Le risque élevé de réitération de l’appelant découlant de son affection psychiatrique est établi faute de toute amélioration de son état mental. La mesure pénale n’est ainsi pas redondante par rapport à la mesure civile. Bien plutôt, de par le caractère coercitif découlant de sa nature pénale, elle est nécessaire pour l’appelant et pour la sécurité publique au sens de l’art. 56 al. 1 let. b CP. Elle doit donc être ordonnée conjointement à la mesure civile en application de l’art. 56a al. 2 CP, rapproché de l’art. 19 al. 3 CP.
Certes, l’appelant considère que le traitement contesté s’assimilerait dans son cas à une simple administration statique et conservatoire des soins, si bien que la mesure n’atteindrait pas son but, à savoir un impact thérapeutique dynamique limitant le risque de réitération. A l’évidence, et comme le mentionnent les experts, l’appelant a besoin de soins soutenus, à la mesure de la gravité de son trouble mental. Seule une médication lourde permettrait dès lors, toujours à dires d’expert, d’atténuer ce risque de récidive. La médication doit ici être doublée d’un encadrement. En effet, l’appelant, sous curatelle, n’est pas capable de gérer seul ses affaires. En outre, il apparaît réfractaire au traitement médical qui permet de contenir la paranoïa délirante induite par sa schizophrénie paranoïde continue, dont on sait qu’elle est en relation avec les délits commis. Ensuite, il a, par le passé, rompu l’alliance thérapeutique avec son médecin traitant. Enfin, il présente aussi une addiction aux drogues et à l’alcool. Ces facteurs mettent à mal l’idée d’un traitement qui ne serait dispensé qu’en mode conservatoire. On est ainsi très éloigné de la notion de soins palliatifs : la mesure préconisée par les experts est bien plutôt un traitement institutionnel en milieu ouvert avec possibilité d’un placement en milieu psychiatrique en cas de décompensation. S’ajoute à ce traitement médicamenteux un placement en appartement protégé supposant une collaboration étroite entre les encadrants quotidiens de l’appelant et le médecin psychiatre de l’UPA d’Yverdon-les-Bains. L’appréciation et le pronostic relativement pessimistes des experts apparaissent du reste confortés a posteriori par le fait que l'appelant est hospitalisé au Centre psychiatrique du Nord vaudois depuis le mois de novembre 2013. A l’évidence, un traitement ambulatoire ne peut seul garantir la sécurité publique, étant ajouté qu’il impliquerait aussi un risque que l’appelant se mette lui-même en danger. Sous cet angle également, le principe de proportionnalité déduit de l’art. 56a CP est donc respecté.
Les conditions posées par les 56 al. 1 et 59 al. 1 à 3 CP doivent ainsi être tenues pour réunies.
4.
Il s’ensuit que la mesure traitement institutionnel prononcée par le premier juge doit être confirmée et l’appel rejeté.
5
Nonobstant l’issue de la cause, les frais de la procédure d'appel selon l'art. 424 CPP seront laissés à la charge de l’Etat (art. 425, seconde phrase, CPP), pour tenir compte de l’irresponsabilité non fautive de la partie qui succombe. Outre l'émolument (art. 21 al. 1 et 2 TFJP), ces frais comprennent l'indemnité allouée au défenseur d’office du prévenu pour la procédure d’appel (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP).
L’indemnité allouée au défenseur d’office de l’appelant doit être arrêtée sur la base d’une durée d’activité utile de huit heures, au tarif horaire de 180 fr., en sus de 240 fr. de frais de déplacement représentant deux indemnités forfaitaires, soit à 1'814 fr. 40, TVA comprise. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7a7f933a-6839-42d4-9277-1657732db96f | En fait :
A.
Par jugement du 21 février 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que U._ s'était rendu coupable de blanchiment d'argent, d'infraction grave et de contraventions à la loi fédérale sur les stupéfiants, d'infraction à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers et d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers (I); a condamné U._ à une peine privative de liberté de 5 (cinq) ans, sous déduction de 441 (quatre cent quarante et un) jours de détention avant jugement (II); l'a condamné à une peine pécuniaire de 90 (nonante) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10.- fr. (dix francs) (III); l'a condamné à une amende de 300.- fr (trois cents francs) et dit qu'à défaut du paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 3 (trois) jours (IV) et a ordonné son maintien en détention pour des motifs de sûreté (V).
B.
En temps utile, U._ a interjeté appel contre ce jugement. Il a conclu à sa réforme en ce sens que la peine privative de liberté prononcée est réduite, compte tenu de sa culpabilité telle qu'elle résulte des modalités de son infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants et de sa situation personnelle, notamment des "circonstances de sa vie passée".
Le 20 avril 2011, le Ministère public a renoncé à présenter une demande de non-entrée en matière et à déposer un appel joint.
L'appelant a signé le 30 avril 2011 une déclaration acceptant que Me Emmeline Puthod, avocate stagiaire, l'assiste dans la procédure d'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
U._ est né en octobre 1973 au Bangladesh, pays dont il est ressortissant. A l'issue de sa scolarité obligatoire, il a travaillé durant quatre ans dans une boulangerie qui lui appartenait, puis durant trois ans en qualité de chauffeur de minibus. En 2000, il dit avoir été contraint de quitter son pays pour des raisons politiques. Après avoir vu ses demandes d'asile rejetées respectivement par les autorités tchèques, allemandes et françaises, U._ a déposé une demande d'asile en Suisse le 10 avril 2002, sous la fausse identité de [...]. Il a vécu dans le canton de Berne jusqu'en 2006, nonobstant le rejet définitif de sa demande d'asile le 9 décembre 2003. Il a expliqué ne pas avoir travaillé durant les deux premières années de son séjour en Suisse, puis avoir vendu des fleurs pendant deux ans. A la fin de l'année 2006, il a déménagé à Lausanne. Il prétend avoir travaillé six ou sept mois à Bussigny pour un salaire de 2'400 fr. par mois, pendant environ six mois dans un restaurant lausannois pour un salaire mensuel de 2'500 fr., puis entre quatre et cinq mois dans un restaurant à Nyon pour un salaire de 2'600 francs. Il explique ensuite avoir été employé en qualité de temporaire dans le secteur du bâtiment pour un salaire horaire de 25 francs. Il affirme ne plus avoir eu d'activité lucrative durant les cinq à six mois qui ont précédé son arrestation, le 8 décembre 2009. Marié avec une compatriote avec qui il a eu deux enfants, âgés de 15 et 11 ans, restés au Bangladesh, U._ n'a pas de charges fixes de famille. Il a toutefois envoyé de l'argent à son épouse à plusieurs reprises et indique avoir maintenu le contact avec les siens. La seule charge mensuelle qu'il assume en Suisse se résume au loyer de 250 fr. par mois qu'il verse pour un appartement en colocation à Lausanne.
Le casier judiciaire suisse de U._ est vierge de toute inscription. Pour les besoins de la présente cause, il est détenu préventivement depuis le 8 décembre 2009. Il ressort d'un rapport de comportement établi le
14 février 2011 par le directeur de la prison de la Croisée que le comportement de U._ répond aux attentes, ce détenu se montrant discret, poli et correct avec le personnel de surveillance ainsi qu'avec tous les services intervenant dans l'établissement.
Il est reproché à U._ d'avoir déposé une demande d'asile en Suisse le 10 avril 2002 sous une fausse identité, d'avoir séjourné dans notre pays illégalement jusqu'à son interpellation survenue le 8 décembre 2009 et d'avoir tenté d'obtenir un faux permis de séjour officiel en Italie contre paiement d'environ 4'000 Euros. Les premiers juges ont, en outre, retenu que U._ avait consommé occasionnellement du cannabis et de la cocaïne dès août 2008 et jusqu'à son interpellation du 8 décembre 2009, ce que l'intéressé a d'ailleurs admis. Au vu des témoignages de onze clients de l'intéressé et de trois de ses compatriotes, ainsi que des résultats de l'enquête policière débutée en mai 2009, ainsi que du matériel retrouvé à son domicile (séquestres n° 1787 et 1793), les premiers juges ont également considéré comme établi que U._ avait participé à un important trafic de cocaïne, qu'entre 2006 et le moment de son interpellation en décembre 2009, il avait vendu à différents clients identifiés dans la région lausannoise, un minimum de 2'098.83 grammes de cocaïne, ce qui correspondait à 713,61 grammes de cocaïne pure (cf. statistiques de la Société Suisse de Médecine légale pour l'année 2006). Enfin, compte tenu des témoignages apportés par les personnes ayant servi d'intermédiaires aux transferts d'argent, il a été retenu que U._ avait – durant les quatre années où il a poursuivi son trafic – envoyé un total de 15'153 fr. à sa famille restée au Bangladesh, cet argent ayant notamment servi à financer la construction de différents immeubles dans ce pays. L'intéressé a d'ailleurs admis ce montant total durant l'enquête, avant de revenir sur ses déclarations aux cours des débats de première instance.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, les premiers juges ont considérés que la culpabilité de U._ était extrêmement lourde. Ils ont retenu à sa charge qu'il avait agi par métier et réalisé un bénéfice très important qui lui avait permis d'améliorer sensiblement son quotidien, qu'il n'avait pas hésité à s'adonner à un trafic de stupéfiants de grande ampleur, portant sur une importante quantité d'une substance particulièrement dangereuse sans état d'âme pour les consommateurs dont il profitait de la dépendance, qu'il avait agi avec une certaine régularité et sur une durée importante, seule son interpellation mettant fin à ses agissements illicites. A décharge, il a été tenu compte du fait que U._ n'avait pas d'antécédent, qu'il avait adopté un bon comportement en détention et qu'il avait formulé des excuses et des regrets aux débats. Dans un moindre mesure, il a également été tenu compte du fait qu'étant lui-même consommateur de cocaïne, U._ n'avait pas agi uniquement par appât du gain, mais également en partie pour assurer sa consommation personnelle. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, déposé en temps utile et suffisamment motivé, l'appel est recevable (art. 399 al. 1 et 3 CPP). La contestation est limitée à la quotité de la peine prononcée.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L'appelant estime que les premiers juges n'ont pas suffisamment tenu compte du fait qu'il n'a pas agi dans le cadre d'un réseau mais de manière autonome et que son trafic s'est limité à la région lausannoise. Il ajoute également que les premiers juges n'ont pas suffisamment tenu compte de sa situation personnelle de requérant d'asile débouté, coupé de ses racines et ne trouvant de moyens de survie que dans le trafic de stupéfiants. Il se réfère à un arrêt du Tribunal fédéral du
14 juillet 2008 (TF 6B_408/2008 c. 4.2).
a)
Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 IV 6 c. 6.1 et les références citées).
En vertu de l'art. 50 CP, le choix de la sanction, comme la quotité et la durée de celle qui est prononcée, doivent être motivés de manière suffisante. Le juge doit exposer dans sa décision les éléments essentiels relatifs à l'acte et à l'auteur qu'il prend en compte, de manière à ce que l'on puisse vérifier que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou aggravant. La motivation doit justifier la peine prononcée, en permettant de suivre le raisonnement adopté, mais le juge n'est nullement tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentage l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite (ATF 127 IV 101 c. 2c et les arrêts cités). Plus la peine est élevée, plus la motivation doit être complète (ATF 134 IV 17 c. 4.2.1 et les arrêts cités).
b)
Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a rappelé que la culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte (objektive Tatkomponente); du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_722/2010 c. 1.2 du 17 février 2011 et les réf. citées; Nicolas Queloz/Valérie Humbert, in : Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 7 ad art. 47 CP). Cet aspect de prévention spéciale ne permet toutefois que des corrections marginales, la peine devant toujours rester proportionnée à la faute (TF 6B_14/2007 du 17 avril 2007 c. 5.2).
A propos de l'appréciation de la culpabilité propre aux infractions à la LStup, le Tribunal fédéral indique, dans l'arrêt cité par l'appelant, que "même si la quantité de la drogue écoulée ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important. Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup. Il en va de même lorsque plusieurs des circonstances aggravantes prévues à l'art. 19 ch. 2 LStup sont réalisées. Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importera de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation: un simple passeur sera ainsi moins coupable que celui qui joue un rôle décisif dans la mise sur pied des opérations et qui participe de manière importante au bénéfice illicite. L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. Le délinquant qui traverse les frontières (qui sont surveillées) doit en effet déployer une énergie criminelle plus grande que celui qui transporte des drogues à l'intérieur du pays et qui limite son risque à une arrestation fortuite lors d'un contrôle; à cela s'ajoute que l'importation en Suisse de drogues a des répercussions plus graves que le seul transport à l'intérieur des frontières. Enfin, le nombre d'opérations constitue un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux; celui qui écoule une fois un kilo d'héroïne sera en principe moins sévèrement puni que celui qui vend cent grammes à dix reprises. Outre les éléments qui portent sur l'acte lui-même, le juge doit prendre en considération la situation personnelle du délinquant, à savoir sa vulnérabilité face à la peine, ses obligations familiales, sa situation professionnelle, les risques de récidive, etc. Les mobiles, c'est-à-dire les raisons qui ont poussé l'auteur à agir, ont aussi une influence sur la détermination de la peine. Il conviendra ainsi de distinguer le cas de l'auteur qui est lui-même toxicomane et qui agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain. Il faudra enfin tenir compte des antécédents, qui comprennent aussi bien les condamnations antérieures que les circonstances de la vie passée. Enfin, le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d'élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (TF 6B_408/2008 c. 4.2 et les références citées).
On constate dès lors que contrairement à ce que soutient l'appelant, le Tribunal fédéral ne dit pas que le trafic est moins grave lorsqu'il est effectué de manière autonome plutôt que comme membre d'une organisation, mais seulement que dans ce dernier cas, la culpabilité varie en fonction du rôle et de la participation du délinquant.
4.
En l'occurrence, il est établi que l'appelant a œuvré en autonome, en assumant seul tous les rôles : acquisition, conditionnement, distribution, encaissement, blanchiment du butin par son exportation et des investissements immobiliers dans son pays d'origine. Son activité a été particulièrement longue, à savoir quatre années durant lesquelles il a approvisionné de nombreux clients en accomplissant de multiples actes punissables. Non seulement, il a pu en vivre, mais il a pu s'offrir une vie décrite comme festive par les premiers juges, qui ont indiqué qu'il menait grand train de vie, disposant de beaucoup de liquidités, jouant, prêtant de l'argent et sortant dans les cabarets (cf. jgt., p. 19). S'il n'a certes agi qu'en ville de Lausanne, il a néanmoins donné une certaine portée internationale à ses agissements en exportant les valeurs patrimoniales provenant de son trafic pour les investir dans son pays. De plus, il a manifestement fait preuve d'habilité et d'un certain sens de l'organisation puisqu'en dépit de la localisation restreinte de son trafic, il est parvenu à échapper à la police durant des années, usant de nombreux téléphones, d'identités d'emprunt, limitant ses sources d'approvisionnement, tenant une forme de comptabilité et sachant calculer les risques.
Comme éléments à charge, les premiers juges ont retenu la grande ampleur du trafic auquel s'est adonné l'appelant, le fait qu'il a agi avec une certaine régularité et sur une longue durée, l'importante quantité de substance écoulée et enfin le fait qu'il a agi par métier et réalisé un bénéfice très important qui lui a permis d'améliorer sensiblement son quotidien. La cour de céans retient également à charge l'âge mûr de l'appelant et son statut de père de famille, capable de constater et de se représenter avec clarté l'impact sur la santé publique, la déchéance et la destruction que la dépendance aux stupéfiants peut provoquer chez de jeunes consommateurs. Il y a également lieu de tenir compte du concours entre l'infraction grave à la LStup et le blanchiment.
A la décharge de l'appelant, les premiers juges ont retenu son absence d'antécédents, bien que le Tribunal fédéral ait considéré que sauf circonstances exceptionnelles, cet élément a un effet neutre sur la fixation de la peine et n'a donc plus à être pris en considération dans un sens atténuant (TF 6B_722/2010 précité, c. 2.3; ATF 136 IV 1 c. 2.6.4). Ils ont également pris en considération son bon comportement en détention ainsi que les excuses et les regrets formulés aux débats. On relève toutefois l'attitude de l'appelant, tant durant l'enquête qu'aux débats de première instance et d'appel, consistant jusqu'au bout à préserver ses intérêts en minimisant son trafic pour masquer l'importance de sa culpabilité. L'appelant n'a, au surplus, pas offert de rapatrier en Suisse les montants provenant du trafic qu'il a investis dans l'immobilier au Bangladesh pour qu'ils y soient confisqués, ce qui démontre qu'il envisage de jouir après sa peine du produit de ses crimes, qui représentent 300 fois le salaire moyen dans son pays. Compte tenu de ces éléments, la cour de céans considère que le repentir et les regrets affichés par l'appelant paraissent peu investis ou du moins dépourvus de toute intention de réparer ou de se priver de la récompense de ses actes criminels. Dans une moindre mesure, les premiers juges ont également tenu compte du fait que, consommateur de cocaïne, il n'a pas agi uniquement par appât du gain, mais également en partie pour assurer sa consommation personnelle (jgt., p. 24). Sur ce point encore, le tribunal de première instance s'est montré clément vis-à-vis de l'appelant, dont rien n'établit qu'il était toxicodépendant. Le fait qu'il ait été un consommateur occasionnel de cocaïne s'avère en principe insuffisant pour réduire la sanction (Corboz, Les infractions en droit suisse, tome II, 3
ème
éd., Berne 2010, n° 117 ad. art. 19 LStup).
Enfin, l'appelant ne peut se prévaloir des difficultés de sa vie de requérant d'asile en Europe, qui n'ont aucun lien avec son trafic. En effet, durant son parcours, il a surtout démontré des ressources pour prétendre faussement et obstinément mériter une protection étatique, alors que trois pays l'ont successivement éconduit. De plus, comme requérant d'asile débouté, il savait pouvoir prétendre à certaines prestations assurant sa survie, sans devoir se livrer au trafic de stupéfiants. S'il soutient maintenant vouloir retourner au Bangladesh, il a lui-même admis, lors des débats d'appel, qu'il aurait pu réaliser ce souhait depuis plusieurs années. S'il est resté en Suisse, c'est pour poursuivre et déployer son trafic, qui n'a cessé qu'au jour de son interpellation.
5.
En définitive, l'appel s'avère mal fondé, les premiers juges ayant pris en considération tous les éléments pertinents au sens de l'art. 47 CP pour fixer la peine à infliger à l'appelant, au vu de sa culpabilité. Le jugement rendu le 21 février 2011 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne doit donc être intégralement confirmé.
6.
Compte tenu de la liste des opérations effectuées en appel, il se justifie d'arrêter à 1'261 fr, TVA comprise, l'indemnité allouée au conseil d'office de l'appelant (cf. l’art. 135 al. 1 CPP; TF 2P.325/2003 du 6 juin 2006).
Les frais de la procédure d'appel arrêtés en application des art. 21 et 23 TFJP (Tarif des frais judiciaires pénaux, RSV
312.03.1
), doivent être mis à la charge de l'appelant qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
La Cour d’appel pénale
vu les articles 19 ch. 2 let. c LStup, 23 al. 1 LSEE, 115 al. 1 let. b LEtr,
49 ch. 1 CP, 135 al. 2, 405 et 408 CPP
prononce:
I.
L'appel formé le 28 février 2011 par U._ contre le jugement rendu le 21 février 2011 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne est rejeté et le jugement est intégralement confirmé selon le dispositif suivant :
"
I. CONSTATE que U._ s'est rendu coupable de blanchiment d'argent, d'infraction grave et de contraventions à la loi fédérale sur les stupéfiants, d'infraction à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers et d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers.
II. CONDAMNE U._ à une peine privative de liberté de 5 (cinq) ans, sous déduction de 441 (quatre cent quarante et un) jours de détention avant jugement.
III. CONDAMNE U._ à une peine pécuniaire de 90 (nonante) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à CHF 10.- (dix francs).
IV. CONDAMNE U._ à une amende de CHF 300.- (trois cents francs) et DIT QU'à défaut de paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 3 (trois) jours.
V. ORDONNE le maintien en détention pour des motifs de sûreté de U._.
VI. ORDONNE le maintien au dossier à titre de pièces à conviction des objets séquestrés sous fiche n° 1787.
VII. ORDONNE la dévolution à l'Etat des deux téléphones portables et des montants séquestrés sous fiche n° 1793.
VIII. MET les frais de la cause par CHF 31'453.95, y compris l'indemnité allouée à son défenseur d'office par CHF 6'250.80, TVA comprise, à la charge de U._.
IX. DIT QUE le remboursement à l'Etat des montants alloués aux défenseurs d'office de U._ ne sera dû que pour autant que sa situation financière le permette
."
II.
La détention subie depuis le jugement de première instance est déduite.
III.
Le maintien en détention de U._ est ordonné à titre de sûreté.
IV.
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel de 1'261 fr. (mille deux cent soixante-et-un francs), TVA comprise, est allouée à Me Emmeline Puthod.
V.
Les frais de la procédure d'appel, par 3'171 fr. (trois mille cent septante et un francs) y compris l'indemnité allouée à son défenseur d'office, sont mis à la charge de U._.
VI.
U._ ne sera tenu de rembourser à l'Etat le montant de l'indemnité en faveur de son conseil d'office prévue au ch. IV ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7a98d899-bcf2-418e-88e8-dc6f911d0970 | En fait :
A.
Par jugement du 7 mars 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a libéré M._ et V._ des accusations de lésions corporelles graves par négligence et de violation des règles de l’art de construire par négligence (I), constaté qu'M._ s’est rendu coupable de lésions corporelles simples par négligence et d’explosion par négligence (II), condamné M._ à une peine pécuniaire de 15 (quinze) jours-amende, le jour-amende étant fixé à 50 fr. (cinquante francs) (III), suspendu la peine pécuniaire et fixé à M._ un délai d’épreuve de deux ans (IV). Il a par ailleurs constaté que V._ s’est rendu coupable de lésions corporelles simples par négligence et d’explosion par négligence (V), condamné V._ à une peine pécuniaire
de 5 (cinq) jours-amende, le jour-amende étant fixé à 150 fr. (cent cinquante francs) (VI), suspendu la peine pécuniaire et fixé à V._ un délai d’épreuve de deux ans (VII), dit qu'M._ et V._ sont les débiteurs solidaires de K._ de la somme de 6'000 fr. (six mille francs) plus intérêt
à 5% (cinq pour-cent) dès le 22 juin 2009, à titre d’indemnité pour tort moral (VIII), fixé l’indemnité due à Me Tiphanie Chappuis à 5'760 fr. d’honoraires, 464 fr. 50 de débours et 497 fr. 95 de TVA, soit au total 6’722 fr. 45, et celle de Me Jérôme Campart à 4'590 fr. d’honoraires, 100 fr. de débours et 375 fr. 20 de TVA, soit au total 5'065 fr. 20 (IX), mis une partie des frais de justice, par 12'871 fr. 65 à la charge d'M._ et l’autre partie par 6’149 fr. 20 à la charge de V._ (X), et dit que l'indemnité du défenseur d'office d'M._ ne devra être remboursée que pour autant que se situation financière le lui permette (XI).
B.
V._ et M._ ont fait appel de ce jugement, concluant en substance à leur libération des accusations de lésions corporelles simples par négligence et d'explosion par négligence.
.
L'intimé K._ s'en est remis à justice le 7 mai 2012.
Une audience a été tenue le 16 août 2012, au cours de laquelle les prévenus et l'intimé ont été entendus.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1
Ressortissant suisse, V._, né le 29 janvier 1965, a suivi une formation d'installateur agréé gaz au sens du règlement GW 102 de la Société suisse de l'industrie du gaz et des eaux (organe faîtier suisse en matière de gaz; ci-après : la SSIGE; P. 30). Il est installateur concessionnaire. Il est également administrateur et actionnaire principal de la société V._, qui est active dans l’installation de sanitaires et de chauffage. V._ est propriétaire d’une maison valant 1'400'000 fr., grevée d’une hypothèque de 600'000 fr. et générant un revenu locatif de 10'000 fr. par mois. Son revenu net moyen, incluant le revenu locatif précité, est de 12'000 fr. par mois. Marié et père de deux enfants encore à sa charge, le prévenu, dont l'épouse gagne 3'000 fr. par mois, vit dans une maison gratuitement mise à disposition par ses parents.
Le casier judiciaire suisse de V._ est vierge.
1.2
Ressortissant suisse, né le 28 octobre 1940, architecte ETS à la retraite, M._ a toujours travaillé comme architecte et effectue encore à ce jour quelques mandats. Veuf, le prénommé vit de sa rente AVS, ainsi que de son capital LPP (plus de 330'000 fr. à fin 2010). Le prévenu est copropriétaire, pour 4/6, d’un chalet sis en Valais – où il vit – et dont le loyer mensuel se monte à 300 fr. environ. Il possède également l’étage inférieur d'une villa, sise [...], propriété grevée d'une hypothèque de 430'000 fr., et dont les charges totalisent 1'200 francs.
Le casier judiciaire suisse d'M._ ne comporte aucune inscription.
2.1
Entre 2008 et 2009, M._ a entrepris, sous sa propre direction, des travaux de rénovation dans sa propriété [...] [...]. Cet immeuble était relié au réseau de distribution du gaz, ce qu’il savait. Il ignorait toutefois l’emplacement exact des conduites à l’intérieur du bâtiment. Par lettre du 16 mars 2009 (P. 11/2), le distributeur du gaz, soit la Compagnie industrielle et commerciale du gaz SA à Vevey (ci-après : Compagnie du gaz ou la CICG), l’a averti de la présence de conduites contentant du gaz sur la parcelle; elle l’a aussi invité à prendre les précautions nécessaires, avertissement dont M._ dit n'avoir aucun souvenir (PV aud. no 6 du Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois, p. 1).
L’alimentation en gaz de la villa comprenait une conduite de raccordement allant d’une vanne de fermeture générale, située à une centaine de mètres à l'extérieur de la maison sur le [...], et desservant plusieurs bâtiments, jusque dans le sol de la chaufferie, à l'intérieur de la villa où elle était reliée à une deuxième vanne (fermeture pour la villa), puis à un détendeur, et finalement à un compteur.
2.2
M._ a mandaté l'entreprise V._ pour qu'elle effectue la transformation des installations sanitaires et de chauffage dans la villa. Il a demandé au concessionnaire V._ de fermer la vanne qui se trouvait à proximité de la chaufferie, ce qui a été fait (PV aud. no 10, du 3 août 2010, p. 1). Cette opération était toutefois insuffisante dès lors que pour mettre la villa hors gaz, il aurait également fallu couper le gaz au niveau de la vanne générale, située à l’extérieur du bâtiment (rapport d'expertise SSIGE du 26 août 2009, P. 11 p. 4). V._ admet ne pas être intervenu sur la vanne extérieure, dès lors qu'au vu de la réglementation SSIGE, c'était à la Compagnie du Gaz de le faire (PV aud. no 4 du 12 janvier 2010, R 6) et qu'il incombait à l'architecte M._ de contrôler les parties à risque. Il a toutefois demandé à ce dernier de prendre les précautions nécessaires et de contacter la CICG (PV aud. no 10 du 3 août 2010, p. 2). M._ ne se souvient pas d'avoir été mis en garde par V._, et considère qu'une telle mise en garde n'a probablement pas eu lieu puisqu'il s'agissait d'effectuer des travaux mineurs (PV aud. no 11 du 12 août 2010, pp. 1 et 2 haut de la page). Le Ministère public soutient que V._ n'a rien dit à M._. Cela est inexact au regard des déclarations crédibles faites par V._ en cours d'enquête consignées dans le procès-verbal no 10 et rapportées ci-dessus. A défaut d'autres éléments, V._ doit être mis au bénéfice de ses déclarations qui lui sont plus favorables. Sur cette base, la cour de céans retient qu'il a dûment avisé oralement le propriétaire (M._) des précautions à prendre pour que la villa soit mise hors gaz avant le début des travaux et ne s'est pas seulement
"[...] borné à faire quelques recommandations orales dont on ignore la teneur [...]",
comme l'a constaté le premier juge.
2.3
M._ a engagé l'entreprise [...] Constructions à Lutry pour exécuter les travaux de maçonnerie qui incluaient la pose d’une baignoire. Le 19 juin 2009, sur ordre d'M._ et après avoir effectué un sondage préliminaire (PV aud no 6 du 24 février 2010, p. 2), l'entreprise [...] Construction a entrepris des travaux de fouille dans une dalle en vue d’installer la baignoire ainsi que de vérifier l'état d'une canalisation d'eau et d'une gaine d'électricité. Un sondage préliminaire a été effectué par K._ ouvrier employé par l’entreprise [...] Construction. Pour ce faire, ce dernier a piqué la chape avec un marteau piqueur. Si l’entrepreneur et son contremaître savaient ou ne pouvaient ignorer que la maison était alimentée en gaz, l’ouvrier n’en n’avait pas été informé (PV aud. no 2 du 4 juillet 2009, R. 5).
Le 22 juin 2009, sur ordre de l'architecte M._ et du contremaître [...],K._ a poursuivi le piquage de la dalle. Il a ainsi creusé un trou au moyen d’un marteau piqueur à proximité d’une ancienne conduite de gaz noyée dans la dalle. Ce faisant, K._ a accidentellement mis à jour celle-ci et endommagé sa tubulure. Cette conduite de gaz étant demeurée sous pression, une importante fuite de gaz s’est immédiatement créée.
Deux versions s’affrontent sur la suite des événements (jugement p. 24). La cour de céans retiendra, comme le premier juge, celle exposée par les enquêteurs sur la base des déclarations de K._. Les propos de ce dernier sont crédibles : il était le seul à se trouver sur les lieux du sinistre et donc de savoir ce qui s'est réellement passé. On peut donc tenir pour constant qu'il y a eu une fuite de gaz qui a entraîné une déflagration aussitôt que le mélange gaz/air a été suffisamment riche pour détonner, mis à feu sans doute par une étincelle du marteau piqueur électrique. Cette déflagration a causé les brûlures et autres atteintes physiques dont a été victime K._, et qui seront décrites ci-dessous. L'ouvrier prénommé est alors sorti du bâtiment pour alerter les autres maîtres d’état de la présence de gaz avant de retourner dans le bâtiment pour vainement tenter de récupérer du matériel. C’est au moment où il ressortait, qu’une seconde explosion s'est produite, beaucoup plus violente, le gaz s’étant répandu dans la maison.
Au moment de l’accident, K._ portait un masque contre la poussière et des protections auditives. C’est vraisemblablement pourquoi il n’a pas immédiatement identifié l’odeur du gaz, ni perçu l’intensité de la fuite, ce qui explique sans doute qu’il ait tenté de colmater la brèche avec du papier.
L’accident s’est déroulé dans un ancien carnotzet que l’on souhaitait transformer en salle de bain. Cette pièce est adjacente à la chaufferie. Le branchement de gaz sortant de terre à destination du compteur monte le long du mur mitoyen (photo n°8 du cahier photographique figurant sous P. 32).
M._ imaginait que le branchement de gaz suivait un tracé rectiligne dès l’arrivée dans la maison (P. 16) alors qu’en fait le tracé était beaucoup plus tortueux (P.11/4).
2.4
K._ a souffert de troubles respiratoires (syndrome d’inhalation compliqué d’une embolie pulmonaire segmentaire bilatérale et d’une pneumonie à staphylocoques dorés) et de brûlures du 2
ème
degré superficielles du visage et de l’avant-bras droit sur 9% de la surface corporelle totale. Selon le rapport du CHUV (P. 10), si elles avaient été plus étendues, ces brûlures auraient pu être potentiellement mortelles. K._ a été hospitalisé du 22 juin au 4 juillet 2009. Il n’a pas subi de dommages permanents sous la forme de séquelles cicatricielles. K._ a été mis en incapacité de travail jusqu'au 24 juillet 2009, a également souffert de stress post-traumatique. Son état de santé est désormais bon et il ne souffre plus des conséquences de l’accident, quand bien même il doit encore se soumettre à des contrôles annuels de ses voies respiratoires. [...] et [...], qui travaillaient à l’étage supérieur, ont été légèrement blessés.
2.5
Une expertise technique a été confiée par le juge d'instruction de l'Est vaudois au Bureau romand de l'Inspection technique de l'industrie gazière suisse (ITIGS) de la SSIGE. Le rapport d'expertise du 26 août 2009 (P. 11), signé par [...] et [...], mentionne qu'averti par la CICG, le 16 mars 2009, des mesures à prendre pour éviter toute atteinte aux conduites intérieures le propriétaire M._ – informé de la présence de gaz mais n'en connaissant ni le tracé exact , ni la pression – devait mandater un installateur professionnel et lui faire prendre les dispositions nécessaires consistant à
"[...] localiser la conduite de branchement si la localisation était impossible, faire couper l'alimentation par la CICG (séparation de la conduite dans la rue) et couper la conduite de branchement [...]"
(rapport p. 4).
Dans un rapport complémentaire du 7 mai 2010 (P. 41), l'expert a précisé que, selon les directives SSIGE,
"[...] l'installateur concessionnaire est le professionnel qui dispose des compétences nécessaires pour tout ce qui touche aux installations de gaz. Même s'il avait reçu un mandat limité au changement de chaudière, il devait attirer l'attention du maître de l'œuvre sur ce point [...]"
(p. 2).
Entendu aux débats de première instance, l'expert [...] a encore précisé ce qui suit
"[...]l'installateur sanitaire connaît le gaz, ainsi que ce qu'est un branchement. Il doit se préoccuper de savoir d'où vient le gaz et c'est donc à lui de donner conseil à ce sujet [...]"
(jugement p. 15).
2.6
V._ et M._ ont été condamnés pour lésions corporelles simples et d’explosion par négligence. | En droit :
1.
Déposés en temps utile et contenant des conclusions suffisantes, les appels sont recevables (art. 399 al. 1 et 3 CPP; Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0).
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Les prévenus contestent leur condamnation pour lésions corporelles par négligence et explosion par négligence. Il leur est reproché de ne pas avoir pris les précautions nécessaires, soit localiser le tracé inconnu de la conduite d’alimentation en gaz ou fermer la vanne d’alimentation générale située à l'extérieur de la villa (comportement omissif).
3.1
Aux termes de l'art. 125 CP celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 1).
La réalisation de l’infraction de l’art. 125 CP suppose la réunion de plusieurs conditions cumulatives : la violation des devoirs de prudence, des lésions corporelles, un rapport de causalité entre le comportement de l’auteur et les lésions corporelles, ainsi que la négligence (condition subjective).
Pour qu’il y ait lésions corporelles par négligence, il faut tout d’abord que l’auteur ait d’une part violé les règles de la prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible, et que, d’autre part, il n’ait pas déployé l’attention et les efforts que l’on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir. Pour déterminer plus précisément quels étaient les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes édictées par l’ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter les accidents; à défaut de dispositions légales ou réglementaires, on peut se référer à des règles analogues qui émanent d’associations privées ou semi-publiques lorsqu’elles sont généralement reconnues. La violation des devoirs de prudence peut aussi être déduite des principes généraux, si aucune règle de sécurité n’a été violée. Un comportement viole le devoir de prudence lorsque l’auteur, au moment des faits, aurait pu, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger et qu'il a simultanément dépassé les limites du risque admissible. C’est donc en fonction de la situation personnelle de l’auteur que l’on doit apprécier son devoir de diligence. Peu importe toutefois que l’auteur ait pu ou dû prévoir que les choses se passeraient exactement comme elles ont eu lieu. S’il y a eu violation des règles de prudence, encore faut-il que celle-ci puisse être imputée à faute, c’est-à-dire que l’on puisse reprocher à l’auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, d’avoir fait preuve d’un manque d’effort blâmable (Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3ème éd., Berne 2010, n. 2 à 4, 8, ad art. 125 pp. 147s et réf. cit.).
Lorsque les lésions corporelles par négligence résultent d’une omission, la réalisation de l’infraction suppose, en outre, que l’auteur se trouvait dans une position de garant. Il faut, autrement dit, que l’auteur fût à ce point juridiquement tenu d’accomplir un acte qui, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, aurait éviter la survenance du dommage, que son omission apparaît comparable au fait de provoquer le résultat par un comportement actif (ATF 117 IV 130).
La causalité ne se présente pas de la même manière selon que l’auteur a violé son devoir de prudence par action ou par omission. Dans ce dernier cas, il faut procéder par hypothèse et se demander si l’accomplissement de l’acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, évité la survenance du résultat qui s’est produit; pour l’analyse des conséquences de l’acte supposé, il faut appliquer les concepts généraux de la causalité naturelle et de la causalité adéquate. On supposera tout d’abord que l’auteur a adopté le comportement requis (qu’il a en réalité omis) et on se demandera, ce qui constitue l’examen de la causalité naturelle, si cet acte omis aurait empêché la survenance du résultat; en cas de réponse affirmative, on se demandera, ce qui constitue l’examen de la causalité adéquate, si l’acte qui a été omis aurait évité le résultat selon un enchaînement normal et prévisible des évènements; il faut pour cela une haute vraisemblance confinant à la certitude (Corboz, op. cit., n. 51 ad. art. 117 CP, p. 89 et réf. cit.).
3.2
En l'espèce, les appelants ne contestent pas que le plaignant ait été victime de lésions corporelles simples (jugement, p. 27). V._ conteste la violation de règles de prudence, sa qualité de garant et le lien de causalité. M._ ne remet pas en cause sa qualité de garant (jugement, p. 28), mais la violation des règles de prudence et le lien de causalité.
3.3
Il convient d'abord d'examiner si l'on peut leur reprocher une violation des règles de prudence.
3.3.1
Dans le domaine de l’alimentation d’immeubles par le gaz, il existe des Directives G1f et G2f de la SSIGE (annexes P. 11). Ces directives prescrivent pour l’essentiel comment les branchements du gaz doivent être effectués. A dire d’expert, l’ancienne installation était conforme. En particulier, la pose de conduites emmurées était à l’époque autorisée de manière générale (rapport d’expertise complémentaire du 7 mai 2010, P. 41, ch. 1). S’agissant, comme en l’espèce, de travaux dans un immeuble raccordé, le chiffre 12.100 des Directives G1f de la SSIGE prévoit que
"[...]lorsqu’une installation est mise hors service provisoirement, non seulement les robinets d’arrêts de l’appareil, mais également les organes d’arrêt principaux doivent être fermés et assurés contre toute manipulation par des tiers [...]"
(P. 11/3)
Ces Directives indiquent en outre que l’installateur mandaté par le propriétaire, en l’espèce un installateur sanitaire, est le professionnel qui dispose des compétences nécessaires en matière d’installation de gaz (P.11 ch. 4 in fine; P. 41 ch. 4b; et jugement p. 15 rapportant les propos de l'expert [...]). Mais, pour le surplus, ces Directives ne contiennent pas de prescriptions précises en cas de rénovation lourdes dans un immeuble (jugement p. 14 relatant les explications fournies aux débats par l'expert [...]). Ces prescriptions se déduisent des devoirs généraux et des circonstances. Comme le relève l'expert, le propriétaire, qui connaissait l’existence du raccordement au gaz, aurait dû s’inquiéter du cheminement, inconnu, de la conduite, ce d’autant plus qu'il avait été rendu attentif à la question par lettre de la Compagnie du gaz du 16 mars 2009. Il devait ainsi mandater l’installateur concessionnaire (V._) pour localiser la conduite ou, si c’était impossible, faire fermer la vanne extérieure et purger la conduite de branchement, ce qu'il n'a pas fait.
M._ donc violé ses devoirs de prudence par omission.
3.3 2.
Il faut se demander si
l’installateur concessionnaire V._ peut également se voir reprocher une telle violation. Dans son rapport du 7 mai 2010 [...]y répond par l'affirmative. Il reproche à V._ de ne pas avoir attiré l’attention du propriétaire sur les dispositions à prendre pour mettre la maison hors gaz. V._ plaide qu'il n’avait pas à se préoccuper de la situation au-delà des installations intérieures. Il ne peut cependant pas être suivi sur ce point. La responsabilité limitée aux installations intérieures doit se comprendre comme une limitation de compétence d’intervention sur l’installation elle-même. Ainsi, la compétence de fermer la vanne principale appartient à la Compagnie du gaz, mais en tant que spécialiste du gaz, V._a une responsabilité générale en matière de sécurité. Dès lors, il lui appartenait, comme l’expert l’a relevé, d’attirer l’attention du propriétaire. Or, il l’a fait (cf. partie faits ci-dessus, ch. 2. 2). Et un avis oral émanant d’un professionnel suffit, le propriétaire étant lui-même directeur des travaux et architecte.
En définitive, V._ n'a pas violé ses devoirs de prudence par omission. Il ne saurait donc être reconnu coupable de lésions corporelles simples par négligence, contrairement à ce que retient le tribunal. Le jugement attaqué doit donc être réformé sur ce point sans qu'il soit nécessaire d'examiner, pour ce prévenu, si les autres conditions cumulatives de l'art. 125 CP sont réunies.
3.4
L'examen des réquisits de l'art. 125 CP doit se poursuivre pour le deuxième prévenu.
3.4.1
M._ ne conteste pas sa position de garant. A juste titre, dès lors qu’il n’était pas seulement le propriétaire et maître de l’ouvrage, mais aussi le directeur des travaux en sa qualité d’architecte.
3.4.2
Si M._ avait eu le comportement requis, c’est-à-dire s'il avait donné les ordres pour rechercher le tracé de la conduite ou fait fermer la vanne extérieure, la conduite de gaz n’aurait pas été percée accidentellement ou il n’y aurait pas eu de gaz dans la conduite, donc pas de possibilité d’explosion et de lésions corporelles. Partant, le lien de causalité naturelle est donné.
S’agissant, par ailleurs, de la causalité adéquate, si le prévenu avait accompli les actes omis, le résultat, selon un enchaînement normal et prévisible des événements, aurait, pour les mêmes motifs, été évité à coup sûr. On relèvera, en particulier, que le comportement de la victime n’était pas imprévisible. En effet, K._ ignorait qu’une conduite de gaz sous pression circulait à l’endroit où il devait percer la dalle et il est notoire que le percement d’une telle conduite est de nature à provoquer des explosions (P.11, ch. 2 et 4). Il n’y a donc pas de rupture du lien de la causalité adéquate.
3.4.3
Compte tenu de sa connaissance des lieux, de sa fonction de directeur des travaux, de sa formation d’architecte et de l’avertissement de la Compagnie du gaz, M._ était en mesure de se rendre compte des précautions à prendre et des conséquences d’éventuels manquements. Un manque d’effort blâmable doit lui être reproché. Sa négligence est ainsi fautive.
Vu ce qui précède, c'est à juste titre qu'M._ a été reconnu coupable de lésions corporelles par négligence au sens de l'art. 125 CP.
3.5
M._ et V._ contestent également s'être rendus coupables d'explosion par négligence.
A teneur de l'art. 223 CP, celui qui, intentionnellement, aura causé une explosion de gaz, de benzine, de pétrole ou de substances analogues et aura par là sciemment mis en danger la vie ou l’intégrité corporelle des personnes ou la propriété d’autrui sera puni d’une peine privative de liberté d’un an au moins (al.1 première phrase). La sanction sera une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire si le délinquant a agi par négligence (al. 2).
L’infraction suppose une explosion, ce qui est le cas en l’espèce. Cette explosion a mis en danger la vie ou l’intégrité corporelle de K._, de [...] et de [...] Elle a en outre gravement endommagé le bâtiment en travaux. Le lien de causalité est évident. Pour que la négligence soit admise, il suffit que l’on puisse adresser un reproche à l’auteur, aussi bien en ce qui concerne l’explosion que ses conséquences. Les manquements du prévenu M._ exposés ci-dessus sont constitutifs de négligence dans le cadre de ce grief également (Corboz, op. cit., n. 51 ad. art. 117 CP, p. 89 et réf. cit.). On peut à ce propos entièrement renvoyer à ce qui a été exposé ci-dessus pour l'infraction de lésion corporelle par négligence.
Dès lors qu'on ne saurait reprocher à V._ de ne pas avoir rempli les devoirs qui lui incombaient (cf. supra, c. 3.3.2), seul M._ doit être reconnu coupable d’explosion par négligence.
4.
V._ étant libéré de tous les chefs d'accusation retenus contre lui, il reste à examiner, pour M._ les questions de la peine, de l'indemnité pour tort moral et des frais.
4.1
L'art. 47 al. 1 CP prévoit que la peine doit être fixée d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier, ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir. L'al. 2 de cette disposition énumère, de manière non limitative, une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité de l'auteur. Ces critères correspondent à ceux établis par la jurisprudence relative à l'art. 63 aCP (TF 6B_38/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2; ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, lorsqu'il fonde sa décision sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, lorsqu'il omet de prendre en considération des éléments prévus par cette disposition ou lorsqu'il a abusé de son pouvoir d'appréciation en fixant une peine exagérément sévère ou excessivement clémente (TF 6B_327/2011 du 7 juillet 2011 c. 2.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
4.2
En l'espèce, M._ n’a pas hésité à ordonner de creuser une dalle en béton à proximité immédiate du débouché d’une conduite de gaz sous pression dont il ignorait le tracé. Ce faisant, il a pris le risque d’un accident grave. Il y a concours d'infractions. Il n'a toutefois pas d'antécédents et regrette sincèrement sa faute.
Dans ces conditions, une peine pécuniaire se justifie. Compte tenu de la situation financière d'M._ au moment du jugement, la valeur du jour-amende peut être fixée à 50 fr. (ATF 116 IV 4 c. 3a). La quotité de la peine prononcée par le premier juge (15 jours-amende) est en outre adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle. Elle ne relève ni d’un abus, ni d’un excès du pouvoir d’appréciation dont jouit l’autorité de première instance, laquelle n’a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l’art. 47 CP. Elle sera donc confirmée.
Le droit au sursis s'examine selon les critères posés par l'art. 42 CP, qui ont été rappelés dans l'arrêt publié aux ATF 135 IV 180 c. 2.1. Il y est renvoyé. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (cf. ATF 134 IV 5 c. 4.2.2). A juste titre, M._ a été mis au bénéfice d'un sursis, rien ne permettant de fonder un pronostic défavorable. La durée de ce sursis (2 ans) ne prête pas le flanc à la critique.
5.
Il convient de confirmer le montant de 6'000 fr. avec intérêts
à 5 % dès le 22 juin 2009 alloué à K._ pour son tort moral (art. 49 al. 1 CO). Cette indemnité est en effet équitable dès lors qu'elle prend en compte la gravité des blessures provoquées par l'accident, la durée du coma, l'atteinte au système respiratoire par l’ingestion de gaz, la durée de l’hospitalisation et le syndrome post-traumatique. Elle doit être mise à la charge M._ qui n'en a au demeurant critiqué ni le principe ni la quotité.
6.
M._ assumera la part des frais de première instance mise à sa charge par le premier juge (12'871 fr. 65). Le solde restera à la charge de l'Etat (art. 426 al. 1 CPP).
7.
En définitive, l'appel de V._ doit être admis, celui M._ rejeté et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants.
8.
Vu le sort des appels, les frais de seconde instance sont mis par moitié à la charge d'M._ (art. 428 al. 1 CPP), le solde étant laissé à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7ab206e9-fa97-465f-ba55-7f54ae27092c | En fait :
A.
Par jugement du 13 février 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte a libéré C._ des chefs de prévention de viol, de contrainte sexuelle et d’actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (I), a rejeté les conclusions civiles et en allocation de dépens pénaux prises par W._ (II), a alloué à C._ une indemnité au sens de l’art. 429 al. 1 let. a CPP de 8'495 fr., valeur échue, à la charge de l’Etat (III) et a laissé les frais de procédure à la charge de l’Etat (IV).
B.
Le 17 février 2015, le Ministère public a déposé une annonce d’appel.
Le 26 février 2015, W._ a déposé une annonce d’appel.
Par courrier du 4 mars 2015, le Ministère public a retiré son appel.
Par déclaration d’appel motivée du 13 mars 2015, W._ a conclu, avec suite de frais et dépens, à la réforme à titre principal des chiffres I à III en ce sens que C._ s’est rendu coupable de viol, subsidiairement d’abus de la détresse, plus subsidiairement d’actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (I), au prononcé d’une peine privative de liberté fixée à dires de justice (II), et à l’allocation d’un montant de 10'000 fr. à titre de réparation morale. A titre subsidiaire, W._ a conclu à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause devant le Tribunal de première instance pour complément d’instruction.
A l’appui de sa déclaration d’appel, W._ a produit une attestation médicale établie le 9 février 2015 par le Dr [...], médecin généraliste au Centre Médico-Chirurgical de Nyon, indiquant que pour des raisons médicales, l’intéressée ne pourra pas se rendre à l’audience du tribunal du 11 février 2015.
Par déterminations spontanées du 9 avril 2015, C._ a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de l’appel (I), à la confirmation du jugement du Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte du 13 février 2015 (II) et à l’allocation d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP fixée à dires de justice pour la procédure d’appel (III).
Par acte du 22 mai 2015, le Président de la Cour d’appel a informé les parties, que – procédant à une appréciation divergente au sens de l’art. 344 CPP – l’autorité de céans se réservait de qualifier les faits décrits dans l’acte d’accusation d’abus de la détresse (art. 193 al. 1 CP).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né en Sicile le 16 janvier 1943, soit âgé de 70 ans lors des faits, C._, ressortissant italien, est naturalisé suisse. Il est arrivé en Suisse en 1969. Il n’a pas de formation particulière mais a appris sur le tas le métier de manoeuvre plombier. Il a d’abord été embauché par l’entreprise [...] à [...], où il est resté 24 ans. Il a ensuite fait une année de chômage, avant de retrouver un travail à [...] dans le même domaine. Il est désormais retraité et perçoit entre 3'000 fr. et 3'300 fr. de rentes. Ses charges mensuelles essentielles se composent de 819 fr. de loyer charges comprises et de 470 fr. de prime d’assurance maladie. Il a payé 6'200 fr. d’impôts pour l’année 2014. Il a environ 47'000 fr. d’économies qui proviennent du deuxième pilier de feue son épouse, décédée en 2007, et dont il a deux filles aujourd’hui majeures, et n’a pas de dettes. L’extrait du casier judiciaire suisse le concernant ne comporte aucune inscription. Il vit seul et habite le même quartier de [...] que l’appelante. Il a quelques problèmes de santé. Il souffre notamment du cœur, de rhumatisme et de douleurs aux tendons d’Achille. Il prend beaucoup de médicaments qui provoquent – selon ses dires – des troubles érectiles.
2.
Née en Colombie le 23 août 1967, soit âgée de 45 ans lors des faits de la nuit du 4 au 5 mars 2013, accusant donc une différence d’âge de 25 ans avec C._, W._, originaire de Gland, divorcée, mère de deux adolescents confiés à la garde de leur père, ingénieur en alimentation, souffre de longue date de la maladie de Parkinson, soit une maladie neurodégénérative dont les symptômes sont : raideur musculaire, lenteur du mouvement, tremblements, trouble de la marche et de la posture, troubles de l’équilibre, trouble du sommeil et parfois, troubles de la mémoire, de l’élocution et de la déglutition ; elle souffre également d’un état anxio-dépressif. La maladie de Parkinson peut entraîner des pertes d’équilibre ou l’impossibilité de démarrer un mouvement. Ces troubles et les médicaments pouvaient amener W._ à un état de fatigue accentué nécessitant l’aide d’un tiers (P. 24). Selon le rapport du 17 juin 2013 du Dr [...], psychiatre, l’intéressée était déprimée, mais dotée d’une personnalité intelligente avec des traits dépendants, de plus elle était sujette à des crises d’angoisse envahissantes qui l’amenaient à faire appel à des tiers auprès d’elle. Ces troubles étaient soignés par traitement médicamenteux et par une psychothérapie de soutien (P. 27). Son neurologue, le Dr [...], a indiqué que certains troubles psychiques étaient déjà présents lorsque le traitement de la maladie de Parkinson avait débuté ou lorsque cette maladie avait été diagnostiquée. Il a confirmé que cette maladie pouvait provoquer des blocages et un état de raideur musculaire généralisé, états fréquents qui, conjugués avec l’angoisse extrême ressentie, aboutissaient chez la patiente à une incapacité de bouger. Enfin, ce médecin a indiqué que le 5 mars 2013, soit le matin suivant les faits de la présente cause, il avait été confronté à un tel état de souffrances psychique et physique de sa patiente qu’il avait fait en sorte qu’elle bénéficie en urgence d’un soutien psychologique à l’hôpital de Prangins (P. 28). Depuis le 25 mars 2014, W._ a été placée sous curatelle de portée générale (P. 63). A l’audience de jugement, l’intéressée a indiqué avoir pris du Temesta le jour des événements, précisant que ce médicament la plongeait dans un état de somnolence et d’épuisement, allant jusqu’à l’endormissement sitôt après l’avoir absorbé. Elle a en outre ajouté que la maladie de Parkinson provoquait des blocages allant jusqu’à la paralysie intégrale lorsque les médicaments cessaient de faire effet, mais qu’elle arrivait néanmoins à faire usage d’un téléphone.
3.
3.1
Une amie commune, R._, a présenté les parties l’une à l’autre en 2011. Suite à cette première rencontre, celles-ci n’ont pas eu d’autres contacts jusqu’en janvier 2013. A partir de cette période, W._ a fait appel à C._ pour qu’il lui vienne en aide. Dès ce moment, leurs contacts se sont intensifiés jusqu’au 5 mars 2013. En effet, ne pouvant pas toujours compter sur un ami, sur d’autres proches, sur les ambulanciers ou les aides médico-sociales, W._ a décidé de faire appel à C._, puisqu’il vivait dans le même quartier et, de ce fait, pouvait intervenir rapidement. Elle l’a sollicité, aussi bien de jour que de nuit, à une dizaine de reprises, pour l’aider et l’assister lors de crises où son corps se rigidifiait (PV aud. 2 p. 2). Cette assistance impliquait une certaine intimité comme de masser les membres ou le corps de la malade pour lui redonner de la mobilité, ou la dévêtir, la conduire à la douche, lui préparer à manger, lui tenir compagnie, recueillir ses confidences et assister à ses états d’âme. Au fil de ses venues, C._ a exprimé du désir sexuel à l’égard de W._. Il a tenté de l’embrasser sur la bouche, lui a dit qu’il l’aimait, lui a proposé d’emménager chez lui (P. 6 p. 3, PV aud. 1 p. 5). Lors d’une conversation téléphonique, il lui a dit ou, à tout le moins, fait comprendre qu’en contrepartie de l’aide qu’il lui apportait, il voulait avoir un rapport sexuel avec elle. En dépit de son besoin d’aide, W._ a toujours repoussé ces avances et propositions, détournant la tête pour éviter les baisers (aud. 1 p. 5 in fine), rusant en parlant d’offrir une aide ménagère en contrepartie lorsqu’elle irait mieux (P. 6 p. 3) et n’a jamais encouragé son visiteur. Lors de la dernière visite précédant les événements, C._ a embrassé W._ sur la bouche (PV aud. 2 p. 2).
3.2
Le 4 mars 2013, W._ a conduit ses deux enfants chez leur père à [...]. Arrivée à son domicile à [...], elle a ressenti un énorme coup de fatigue et a décidé de s’allonger sur le lit, tout habillée. Elle était complètement crispée, ses membres étaient rigides – allant jusqu’à ne plus les sentir – et se trouvait dans une mauvaise posture (P. 6 p. 1, PV aud. 2 p. 2). Paniquée, elle a décidé de demander de l’aide à son entourage. Son ami, [...], n’a pas répondu à son appel. Elle a donc décidé de faire appel à C._. L’intéressé lui a à nouveau indiqué pouvoir lui venir en aide en échange d’un rapport sexuel, ce que W._ a refusé. Elle lui a néanmoins demandé qu’il vienne l’aider.
L’intéressé s’est présenté à son domicile vers 20h15. Il a aidé W._, qui était toujours crispée, à se remettre dans une position plus confortable dans le lit. Après avoir reçu des remerciements pour l’aide apportée, C._ a embrassé la victime sur la bouche, en lui tenant la tête entre ses mains. W._ a tenté de se retirer, sans toutefois y parvenir. Arrivant à peine à respirer, elle lui a demandé d’arrêter. C._ l’a ensuite serrée dans ses bras et a commencé à toucher ses seins et son ventre par-dessus les habits. A la demande de la victime qui avait faim, il s’est éclipsé quelques instants pour mettre une pizza au four. A son retour, il a recommencé à la toucher par-dessus les habits et lui a suggéré de mettre son pyjama. Gênée par son jeans, W._ a accepté qu’il l’aide à mettre son bas de pyjama. Au moment d’ôter son jeans, elle a senti que sa culotte était également descendue et a demandé à C._ de la remonter. Ce faisant, l’intéressé en a profité pour lui toucher l’entrejambe, par-dessus la culotte. Il a ensuite voulu lui enlever la blouse qu’elle portait, mais elle a refusé. Malgré le refus de la victime, il lui a ôté la blouse ainsi que son soutien-gorge et a embrassé ses seins avec force. Il lui a ensuite enfilé le haut de son pyjama, tout en poursuivant ses attouchements. Peu après, il s’est rendu à la cuisine pour servir le repas à W._.
Durant la suite de soirée, vers 1h du matin, W._ s’est mise à pleurer et a exprimé son souhait de retourner en Colombie, pays dans lequel elle pensait obtenir de l’aide de la part de sa famille. C._ lui a alors dit qu’il voulait lui faire l’amour. Lasse de ses avances malgré ses refus, W._ ne lui a pas répondu. C._ a commencé à lui retirer le bas de pyjama. Elle s’est laissée faire, restant immobile et passive. Il a défait sa ceinture et son pantalon pour l’ôter. Il s’est ensuite positionné à genoux entre les jambes de W._, a baissé son slip et a commencé à la pénétrer sans préservatif, faisant des gestes de va-et-vient jusqu’à éjaculation. L’intéressée n’a pas senti la pénétration et a demandé s’il avait éjaculé. Répondant par l’affirmative, C._ a mis une lingette sur ses parties intimes pour l’essuyer et lui a ensuite remis sa culotte. W._ lui a à ce moment dit qu’il s’agissait d’un viol, ce qu’il a nié, rétorquant qu’il l’aimait.
Le 5 mars 2013, en début de matinée, [...] a informé les forces de l’ordre que son amie, W._, avait été victime d’un viol la veille selon ce qu’elle venait de lui confier. | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délai légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant qualité à recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Invoquant une appréciation erronée des faits, l’appelante reproche aux premiers juges de s’être arbitrairement écartés de sa version des faits, privilégiant celle de C._ et le libérant sur cette base des chefs d’accusation de viol et d’acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de résistance.
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
3.2
La version des protagonistes varie sur la question du consentement au rapport sexuel. L’appelante a allégué n’y avoir jamais consenti, avoir exprimé son refus des baisers et des attouchements préliminaires. Pour sa part, l’intimé a dit s’être assuré à deux reprises du consentement verbal de W._. Il a relevé n’avoir pas obtenu une réponse claire la première fois, puisque l’appelante se trouvait au téléphone avec sa fille. Il a déclaré que l’appelante aurait ôté elle-même sa culotte et qu’elle l’aurait aidé de ses mains lors de la pénétration et que c’est en cours d’exécution qu’elle aurait qualifié ses agissements de viol, ce qui l’aurait amené à se retirer.
Appréciant la crédibilité générale des parties, les premiers juges ont opté pour la version de C._ estimant que la crédibilité de W._ était moindre en raison du fait qu’elle avait omis de parler des deux appels téléphoniques passés durant la soirée litigieuse, ce qui tendait à démontrer qu’elle avait des souvenirs assez peu sûrs des événements. Le Tribunal de première instance a souligné que C._ avait déclaré certaines choses qui n’étaient pas en sa faveur et qu’il était resté constant tout au long de la procédure, ce qui tendait à démontrer une certaine authenticité de sa part.
Contradictoirement, les premiers juges ne se sont pas arrêtés au consentement exprimé pour libérer C._ des différents chefs de prévention. Ils ont écarté le viol pour absence de contrainte et l’acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de résistance en raison de la préservation d’une certaine capacité de résistance de la part de W._.
3.3
L’appelante rappelle les déclarations de l’intimé devant la police : « En gros, ce qu’elle a dit est la vérité et correspond plus ou moins à ce que je vous ai dit moi-même. Elle a exagéré certains passages » (PV aud. 1 p. 6). C._ a, dans un premier temps, soutenu qu’il avait pitié d’elle et qu’il lui avait demandé un rapport sexuel, la première fois vers le mois de février, bizarrement, pour qu’elle ne l’appelle plus (PV aud. 1 p. 7, PV aud. 3 p. 2). A l’audience de jugement, il a admis avoir éprouvé des sentiments amoureux à l’égard de W._.
Bien que l’intimé ait affirmé lors de ces différentes déclarations avoir obtenu le consentement de l’appelante, il a reconnu avoir lourdement insisté pour coucher avec elle, considérant que cela était un dû en raison de sa disponibilité et des nombreux services rendus lors des crises (PV aud. 2 p. 2).
3.4
W._ a souligné que son omission de signaler les appels téléphoniques effectués le 4 mars à 20h43 et à 21h02 à destination de sa fille et de son ami n’était pas un élément décisif quant à la crédibilité de sa version, dès lors que ces appels n’ont pas de relation temporelle étroite avec l’acte sexuel qui a eu lieu bien plus tard dans la nuit, soit vers 1 heure du matin. L’intimé a soutenu le contraire dans ses déterminations spontanées, affirmant que le dernier appel téléphonique avait eu lieu après l’acte sexuel.
Contradictoirement, l’intimé a indiqué lors de ses premières déclarations à la police que l’acte sexuel avait eu lieu vers 1h du matin, précisant encore avoir préparé et apporté à manger à W._ après l’acte, soit vers 1h30 du matin (PV aud. 1 p. 3 s.). Il sied en outre de relever que lors de cette première audition devant la police, C._ n’a, tout comme l’appelante, à aucun moment fait mention de ces communications téléphoniques. Au vu des deux pièces émanant des opérateurs de téléphonie, les deux appels ont bien eu lieu peu après l’arrivée de C._ au domicile de W._ (P. 22 et 38). Dès lors, ces appels téléphoniques ne peuvent être considérés comme un élément pertinent pour dénier toute crédibilité aux déclarations de la plaignante.
Au demeurant, au vu de la relation de dépendance nouée avec le prévenu en raison de sa proximité géographique et de la fréquence des crises dues à la maladie, W._ n’avait aucun intérêt à mentir, ce d’autant plus que la dénonciation des faits impliquait de perdre ce soutien et de supporter un lourd poids psychique venant s’ajouter aux diverses difficultés engendrées par la maladie de Parkinson et la dépression (P. 24). C._ a également indiqué dans ses premières déclarations que W._ l’avait supplié de venir l’aider alors qu’elle était bloquée, ceci alors qu’elle avait déjà connaissance de l’intérêt de ce dernier à entretenir une relation sexuelle avec elle (PV aud. 1 p. 3). On relèvera encore que l’appelante n’a pas alerté la police, mais que c’est son ami, auprès de qui elle s’était confiée le lendemain, qui a dénoncé les faits. En outre, il ressort du dossier pénal que l’état physique et psychique de W._ s’est détérioré à la suite des événements et a dû faire l’objet d’une prise en charge urgente (P. 28). L’ensemble de ces éléments tend à crédibiliser la version de l’appelante qui, à l’exception de la question du consentement, corrobore celle de l’intimé.
La version de l’intimé recèle une incohérence : pourquoi cette femme, qui s’était toujours refusée à lui, aurait-elle soudainement accepté ses avances ? L’intimé est nettement plus âgé qu’elle, il ne l’a par ailleurs certainement pas séduite. Selon sa description de l’acte, elle n’a strictement rien senti, dite absence de sensations n’inclinant certainement pas au commerce sexuel (P. 6 p. 2). Durant l’acte, il n’y a eu aucune interrogation ou exigence sur l’usage d’un préservatif. C._ a indiqué lors de ses premières déclarations avoir demandé à W._ à plusieurs reprises d’avoir une relation sexuelle avec lui. Il s’explique en ces termes : « Je lui ai dit à 3 reprises avant qu’elle ne me dise finalement qu’elle était d’accord. Pour être honnête, je pense qu’elle a peut-être dit oui, car elle voulait absolument que je vienne l’aider parce qu’elle était mal » (PV aud. 1 p. 4). Il ajoute encore « elle a toujours refusé, notamment car elle a une relation avec un autre homme » (PV aud. 1 p. 5). Il a admis en outre avoir essuyé des refus à plusieurs reprises lorsqu’il a tenté de l’embrasser par le passé. En revanche, selon la version de l’appelante, elle n’a pas clairement dit non lorsqu’il lui a proposé l’acte sexuel, mais elle a biaisé verbalement, se contentant de rester passive et l’a laissé s’activer pour lui dire, une fois l’acte achevé et non auparavant, que c’était un viol (P. 6 p. 3).
Partant, il ne sera pas retenu que W._ a consenti à l’acte sexuel en disant clairement « oui », mais qu’elle n’a toutefois pas exprimé clairement son refus le jour en question, se bornant à rester passive et à laisser faire, comportement qui, au bénéfice du doute, a pu être interprété par l’intimé comme un acquiescement ou du moins une tolérance.
4.
L’appelante fait valoir une violation arbitraire de l’art. 190 CP. Elle estime avoir été contrainte psychiquement en raison de la pression à laquelle l’intimé l’a soumise en exigeant une contrepartie sexuelle à l’aide qu’il lui fournissait.
4.1
Commet un viol celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l’acte sexuel (art. 190 al. 1 CP). Pour qu’il y ait contrainte, il faut que la victime ne soit pas consentante, que l’auteur le sache ou accepte cette éventualité et qu’il passe outre en profitant de la situation ou en utilisant un moyen efficace (ATF 122 IV 97 c. 2b).
En introduisant la notion de "pressions psychiques", le législateur a voulu viser les cas où la victime se trouve dans une situation sans espoir, sans pour autant que l'auteur ait recouru à la force physique ou à la violence (ATF 128 IV 106 c. 3a/bb ; ATF 122 IV 97 c. 2b et les références citées). Pour que l'infraction soit réalisée, il faut que la pression psychique visée par l'art. 190 CP soit importante. Certes, la loi n'exige pas que la victime soit totalement hors d'état de résister. L'effet produit sur la victime doit cependant être grave et atteindre l'intensité d'un acte de violence ou d'une menace (ATF 131 IV 167 c. 3.1). L'exploitation de rapports généraux de dépendance ou d'amitié ou même la subordination comme celle de l'enfant à l'adulte ne suffit en règle générale pas pour admettre une pression psychologique au sens des art. 189 al. 1 ou 190 al. 1 CP (ATF 131 IV 107 c. 2.2).
4.2
Dans le cas d’espèce, la réalisation du crime de viol est déjà subjectivement exclue par l’erreur de l’intimé qui a cru que l’appelante consentait à l’acte. Pour le surplus, il n’y a eu ni violence, ni menace. Les premiers juges ont également nié les pressions d’ordre psychiques dans la proposition d’aide en échange de faveurs sexuelles, dans la mesure où cette dépendance n’était pas exclusive. La situation de l’appelante n’était pas sans issue, dans la mesure où il lui était possible de chercher d’autres solutions d’aide auprès de son entourage, notamment son ami [...] ou ses enfants, ceci même si ses demandes étaient contraignantes quant aux horaires, à la disponibilité et à la durée du soutien, dont elle éprouvait le besoin. La contrainte psychique fait donc défaut.
La libération du chef de la prévention de viol doit ainsi être confirmée.
5.
L’appelante fait valoir une violation de l’art. 191 CP.
5.1
Cette disposition punit les personnes qui, en connaissance de l’état d’incapacité de discernement et de résistance de la victime, entendent en profiter pour commettre un acte d’ordre sexuel. A la différence de la contrainte sexuelle ou du viol, la victime est incapable de discernement ou de résistance, non en raison d’une contrainte exercée par l’auteur, mais pour d’autres causes (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 2 ad art. 191 CP et les références citées). Est incapable de résistance la personne qui n’est pas apte à s’opposer à des contacts sexuels non désirés. L’incapacité de résistance peut être la conséquence d’une sévère intoxication due à l’alcool ou à la drogue. Cette incapacité doit être totale. Si l’inaptitude n’est que partielle, par exemple en raison d’un simple état d’ivresse, et non d’une intoxication grave, la victime n’est pas incapable de résistance (Dupuis et al., op. cit., n. 10 ad art. 191 CP et les références citées). L’accomplissement de ce crime sexuel nécessite que l’auteur mette à profit une incapacité préexistante. L’auteur ne doit pas avoir provoqué l’incapacité de la victime ou avoir participé à celle-ci (Dupuis et al., op. cit., n. 12 ad art. 191 CP).
5.2
Dans le cas d’espèce, c’est à juste titre que les premiers juges n’ont pas appliqué l’art. 191 CP considérant que l’appelante n’était pas totalement incapable de résister, puisqu’elle avait été en mesure de manger et de passer des coups de fil dès que C._ est intervenu. En effet, il lui était loisible de montrer une certaine résistance physique en bougeant ses membres, répéter qu’elle ne souhaitait pas de rapport sexuel, mais également hurler pour stopper l’agresseur ou alerter les voisins. L’appelante disposait, de ce fait, d’une certaine capacité de résistance qu’elle n’a pas mise à profit.
La libération du chef de prévention d’acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de résistance doit être confirmée.
6.
Subsidiairement, l’appelante a requis l’application de l’infraction d’abus de la détresse (art. 193 CP).
6.1
Aux termes de l'art. 193 al. 1 CP, celui qui, profitant de la détresse où se trouve la victime ou d'un lien de dépendance fondé sur des rapports de travail ou d'un lien de dépendance de toute autre nature, aura déterminé celle-ci à commettre ou à subir un acte d'ordre sexuel sera puni de l'emprisonnement. Cette disposition, qui correspond à l'art. 197 aCP protège la libre détermination en matière sexuelle. Il résulte de cette disposition que la victime doit être dans une situation de détresse ou de dépendance par rapport à l'auteur. S'agissant de la détresse, elle n'implique pas, au contraire de la dépendance, de relation spécifique entre l'auteur et la victime, comme un rapport de force ou un lien de confiance. La détresse est un état de la victime que l'auteur constate et dont il se sert. L'infraction peut par exemple être réalisée dans le cas d'une prostituée toxicomane, qui a un urgent besoin d'argent pour se procurer de l'héroïne, de sorte que le client a la force à accomplir des actes qu'elle n'accepterait d'ordinaire pas, comme un rapport non protégé (Maier, Basler Kommentar, Strafgesetzbuch II, n. 7 ad art. 193). En revanche, le client ne saurait être condamné sur la base de l'art. 193 CP du seul fait que la personne, compte tenu de sa situation financière, a choisi de s'adonner à la prostitution (Rehberg/Schmid/Donatsch, Strafrecht III, 8ème éd. Zurich 2003, p. 439 ; Stratenwerth/Jenny, Schweizerisches Strafrecht, Bes. Teil I, 6ème éd., § 7 n. 52). La dépendance à l'égard de l'auteur peut résulter d'un rapport de travail, mais aussi de n'importe quel autre lien propre à créer la dépendance. Tel est le cas, par exemple, lorsque la victime dépend de l'auteur pour son approvisionnement en drogue, pour la fourniture de moyens d'existence, etc. (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3e éd, Berne 2010, n. 4 ad art. 193).
La question de savoir s'il existe un état de détresse ou un lien de dépendance au sens de l'art. 193 CP et si la capacité de la victime de se déterminer était gravement limitée doit être examinée à la lumière des circonstances du cas d'espèce (ATF 131 IV 114 c. 1). Un tel lien peut également découler de la détresse économique ou morale, du besoin de stupéfiants ou encore de toute autre situation où une personne assume une position de mentor, notamment pour des occupations de temps libre (Corboz, op. cit., n. 13 ad art. 188 CP). La situation de détresse ou de dépendance doit être appréciée selon la représentation que s'en font les intéressés (ATF 99 IV 161 c. 1).
L'art. 193 CP est réservé aux cas où on discerne un consentement. Il faut que ce consentement apparaisse motivé par la situation de détresse ou de dépendance dans laquelle se trouve sa victime. Il doit exister une certaine entrave au libre arbitre (Corboz, op. cit., n. 10 ad art. 193 CP). L'art. 193 CP envisage donc une situation qui se situe entre l'absence de consentement (art. 189 et 190 CP) et le libre consentement qui exclut toute infraction. Contrairement aux art. 189 et 190 CP, l’auteur ne doit pas faire usage de contrainte, auquel cas seuls ces dispositions sont applicables. La distinction entre la mise à profit du lien de dépendance au sens de l’art. 193 CP et la contrainte exercée au moyen de pressions psychiques au sens des art. 189 ou 190 CP est délicate (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 18 ad 193 CP). L’art. 193 CP vise un consentement altéré par une situation de détresse ou de dépendance dont l'auteur profite. Les limites ne sont pas toujours faciles à tracer. L'infraction doit permettre de réprimer celui qui profite de façon éhontée d'une situation de détresse ou de dépendance, dans un cas où la victime n'aurait manifestement pas consenti sans cette situation particulière (Dupuis et al., op. cit., n. 16 ad art. 193 CP, et les références citées).
D’un point de vue subjectif, cette infraction est intentionnelle. L’intention suppose la conscience de l’auteur que si la victime accomplit l’acte requis, c’est parce qu’elle est dépendante de lui ou qu’elle est dans une situation de détresse. (Dupuis et al., op. cit., n. 19 ad art. 193 CP, et les références citées).
6.2
Dans le cas d’espèce, W._ se trouvait dans une situation de dépendance, en raison de ses problèmes de mobilité dus à la maladie de Parkinson et de ses angoisses qui nécessitaient l’intervention d’un tiers. Entre le mois de janvier et le mois de mars 2015, elle s’est rapidement trouvée dans une relation de dépendance avec C._, puisqu’il est intervenu à plusieurs reprises à son domicile pour l’assister. En effet, contrairement aux autres membres de son entourage, elle pouvait le joindre à toute heure du jour ou de la nuit, ce d’autant plus qu’ils vivaient dans le même quartier, ce qui assurait une intervention rapide de sa part. L’acte d’ordre sexuel n’est pas contesté. Il reste encore à examiner si C._ a exploité le lien de dépendance de l’appelante. En proposant son marché « aide contre sexe », en insistant pour qu’il soit exécuté, puis en passant à l’acte après avoir fourni des soins, l’intimé a manifestement mis à profit le lien de dépendance physique et psychologique de la malade à son égard pour obtenir une satisfaction sexuelle. La capacité de la victime à consentir ou refuser en pleine liberté était altérée par sa maladie et son besoin récurrent d’être secourue physiquement, libérée de ses angoisses et apaisée. Les déclarations de la victime viennent renforcer ce point lorsqu’elle dit : « [...] j’étais tellement paniquée, que mon principal souci était d’avoir quelqu’un à mes côtés pour m’aider. Le fait que C._ puisse passer à l’acte était très secondaire pour moi ». Subjectivement, C._ était en mesure de percevoir ce que sa proposition avait de choquant et en la formulant il avait nécessairement conscience que l’acte sexuel qu’il entendait obtenir dépendait étroitement de la maladie et du grand besoin d’aide de la malade. Ses déclarations à la police sont dépourvues de toute ambiguïté : « Pour être honnête, je pense qu’elle a peut-être dit oui, car elle voulait absolument que je vienne l’aider parce qu’elle était mal » (PV aud. 1 p. 4).
Ainsi, tous les éléments constitutifs étant réunis, C._ s’est rendu coupable d’abus de la détresse au sens de l’art. 193 CP. L’appel est donc admis sur ce point.
7.
Reste à fixer la peine.
7.1
7.1.1
L’infraction d’abus de la détresse est passible d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (art. 193 al. 1 CP).
7.1.2
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
7.1.3
S’agissant de la peine privative de liberté, sa durée est en générale de six mois au moins et de 20 ans au plus (art. 40 CP).
Aux termes de l'art. 41 al. 1 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire (art. 34 CP), ni un travail d'intérêt général (art. 37 CP) ne peuvent être exécutés.
Dans la conception de la nouvelle partie générale du Code pénal, la peine pécuniaire constitue la sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique, partant qu’une autre sanction n’est pas envisageable (Dupuis et al. [éd.], Petit commentaire, Code pénal, Bâle 2012, rem. prél. ad art. 34 ss CP). Quant au travail d'intérêt général, il suppose l'accord de l'auteur. En vertu du principe de la proportionnalité, il y a en règle générale lieu, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement. Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (cf. ATF 134 IV 97 c. 4 ; TF 6B_709/2013 du 27 janvier 2014 c. 2 ; TF 6B_546/2013 du 23 août 2013 c. 1.1).
7.1.4
Selon l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2 ; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
7.2
Dans la présente affaire, l’acte, commis à l’encontre d’une femme gravement malade et manifestement fragile, apparaît d’une part sordide et destructeur. C._ peut néanmoins se prévaloir d’une existence sans condamnation et d’une vie honnête. Sa faute s’inscrit dans un contexte de solitude, de veuvage depuis plusieurs années et de confrontation à une intimité féminine qu’il n’a su maîtriser. La culpabilité de C._ doit toutefois être considérée comme importante au vu des circonstances particulières de l’affaire, justifiant le prononcé d’une peine privative de liberté.
Cette peine sera assortie du sursis complet, dès lors qu’aucun pronostic défavorable n’est retenu (art. 42 al. 1 CP).
Tout bien considéré, une peine privative de liberté de 18 mois avec sursis pendant deux ans doit être prononcée pour sanctionner adéquatement le comportement de l’intimé.
8.
S’agissant des conclusions civiles, l’appelante requiert un montant de 10'000 francs.
8.1
D'après l'art. 41 CO (Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse, RS 220), celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer (al.1). La preuve du dommage incombe au demandeur (art. 42 al. 1 CO).
L’art. 49 al. 1 CO dispose que celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d’argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie et que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement.
Cette indemnité a pour but exclusif de compenser le préjudice que représente une atteinte au bien-être moral. Le principe d’une indemnisation du tort moral et l’ampleur de la réparation dépendent d’une manière décisive de la nature et de la gravité de l’atteinte, de l’intensité et de la durée des effets sur la personnalité de la victime concernée, du degré de la faute de l’auteur de l’atteinte et de la possibilité d’adoucir de façon sensible, par le versement d’une somme d’argent, la douleur physique ou morale (TF 4A_489/2007 du 22 février 2008 c. 8.2; ATF 132 II 117 c. 2.2.2; ATF 125 III 412 c. 2a, JT 2006 IV 118).
En raison de sa nature, l’indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d’argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L’indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 130 III 699 c. 5.1 et les arrêts cités). Le juge en proportionnera le montant à la gravité de l’atteinte subie et évitera que la somme accordée n’apparaisse dérisoire à la victime (ATF 130 III 699 c. 5.1; ATF 129 IV 22 c. 7.2, rés. in JT 20061V 182).
S’agissant du montant de l’indemnité, toute comparaison avec d’autres affaires doit intervenir avec prudence, dès lors que le tort moral touche aux sentiments d’une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment face au malheur qui le frappe. Une comparaison avec d’autres cas similaires peut cependant, suivant les circonstances, constituer un élément d’orientation utile (ATF 138 III 337 c. 6.3.3 et l’arrêt cité).
8.2
Dans le cas d’espèce, l’appelante était déjà gravement atteinte dans sa santé en raison de la maladie de Parkinson et des troubles psychiques dont elle souffre depuis plusieurs années. Il ressort de son dépôt de plainte qu’elle n’a pas eu de séquelles physiques suite aux événements, mais a déclaré se sentir très mal d’un point de vue psychologique. Cela est attesté par le rapport médical du Dr [...] du 1
er
juillet 2013, selon lequel W._ se trouvait le lendemain du drame dans un tel état de souffrance physique et psychique qu’il a été nécessaire d’organiser une prise en charge urgente à l’hôpital de [...] (P. 28).
Au vu de l’ensemble des éléments, il se justifie de lui allouer un montant de 10'000 fr. à titre de réparation du tort moral.
9.
En définitive, l’appel de W._ doit être partiellement admis et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants.
Vu l’issue de la procédure, les frais de première et deuxième instances doivent être mis pour partie à la charge de l’intimé au regard de l’art. 426 al. 1 CPP. La libération des accusations de viol et d’actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de résistance étant confirmée, la moitié des frais sera laissée à la charge de l’Etat.
Les frais d’appel sont constitués de l’émolument de jugement, par 2'900 fr. et de l’indemnité allouée au conseil d’office de W._, par 3'229 fr. 20, TVA et débours compris.
C._ ne sera tenu de rembourser la moitié de l’indemnité allouée au conseil d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).
10.
Le dispositif communiqué après l’audience est entaché d’une erreur manifeste en ce sens qu’il a été omis de faire mention de la clause prévue à l’art. 135 al. 4 CPP mentionnée ci-dessus. En application de l’art. 83 CPP, le dispositif doit être rectifié d’office et un chiffre IV
bis
doit être ajouté dans ce sens. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7ab2d421-5a95-4356-8249-0ebbc65ad799 | En fait :
A.
Par jugement du 16 octobre 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a constaté que V._ s’est rendu coupable de voies de fait, dommages à la propriété, contrainte, conduite en état d'ébriété qualifiée, conduite sans autorisation, contravention à la Loi fédérale sur la circulation routière et contravention à l'Ordonnance sur les règles de la circulation routière (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 50 fr. (II), l’a condamné à une amende de 1'000 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l’amende étant fixé à 12 jours (III), a révoqué le sursis accordé à V._ par le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois le 15 octobre 2012 et ordonné l’exécution de la peine pécuniaire de 150 jours-amende à 80 fr. (IV), a alloué à Me Philippe Oguey, défenseur d’office de V._, une indemnité arrêtée à 890 fr. pour toute chose (V), a mis les frais de la cause par 2'905 fr. 10, y compris l’indemnité allouée sous chiffre V ci-dessus, à la charge de V._ (VI), et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité allouée sous chiffre V ci-dessus ne sera exigé du condamné que dans la mesure où sa situation financière le permettra (VII).
B.
Par annonce du 22 octobre 2014, puis déclaration motivée du 14 novembre suivant, V._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est libéré des chefs d’accusation de voies de fait, dommages à la propriété et contrainte, qu’il est condamné à une peine pécuniaire avec sursis, que la peine privative de liberté de substitution est arrêtée à 100 fr. par jour de privation de liberté et que le sursis qui lui a été accordé le 15 octobre 2012 n’est pas révoqué.
Par écriture du 20 février 2015, le Ministère public a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
V._ est né le [...] 1983 au Kosovo, pays dont il est ressortissant. Il a suivi sa scolarité obligatoire, puis fait le gymnase dans son pays d’origine. Il est arrivé en Suisse en 2004, où il a rapidement été engagé comme cuisinier. Au bénéfice d’un permis C, il exerce toujours cette activité pour le compte du Café [...] géré par son frère. Son revenu net s’élève à 3'500 fr. par mois. Il est marié et son épouse travaille également. Le couple n’a pas d’enfant. Leur loyer s’élève à 1'600 fr. par mois. Le prévenu, qui ne possède pas de voiture, se déplace en transports publics. Il n’a ni dette ni fortune.
Le casier judiciaire de V._ fait état de deux condamnations :
- 7 août 2009, Juge d’instruction Lausanne, lésions corporelles simples, obtention frauduleuse d’une prestation, séjour illégal, activité lucrative sans autorisation, peine pécuniaire 60 jours-amende à 30 fr., sursis deux ans, amende 300 fr.;
- 15 octobre 2012, Ministère public Nord vaudois, violation grave des règles de la circulation routière, opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire, conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduire, violation des obligations en cas d’accident, accomplissement non autorisée d’une course d’apprentissage, peine pécuniaire 150 jours-amende à 80 fr., sursis deux ans, amende 3'200 francs.
Le fichier ADMAS de V._ mentionne quatre inscriptions :
- 16 août 2012, retrait de permis de 8 mois du 24 juillet 2012 au 23 mars 2013;
- 13 juin 2013, refus de délivrer un permis pour une durée indéterminée dès le 13 mai 2013;
- 17 octobre 2013, refus de délivrer un permis, psychologue du trafic pour une durée indéterminée dès le 13 mai 2013; révocation de la décision du 13 juin 2013.
2.
2.1
Le lundi 13 mai 2013 vers 22h20, entre Cheyres et Yverdon-les-Bains, V._, titulaire d’un permis d’élève conducteur, a conduit un véhicule automobile alors qu’il se trouvait sous l’influence de l’alcool (taux d’alcoolémie la plus favorable au moment des faits : 1,57 g 0/00) et qu’il n’était pas régulièrement accompagné. Il n’était en outre pas porteur de son permis d’élève conducteur et son véhicule n’était pas muni du signe « L ».
2.2
Le lundi 12 août 2013 aux alentours de 20h00, à la Place [...] à Yverdon-les-Bains, au [...], V._ s’en est pris physiquement à K._ en lui donnant un coup de pied dans le tibia droit et en la giflant à plusieurs reprises au niveau de la nuque et du visage. Immédiatement après que la victime ait averti la police au moyen de son téléphone portable, le prévenu est revenu vers elle, lui a pris son bien, s’est enfui avec, puis l’a brisé en le projetant au sol.
K._ a déposé plainte pénale et s’est constituée partie civile le 12 août 2013.
D.
Aux débats d’appel, les parties ont passé la convention suivante :
« I. V._ présente à la plaignante ses excuses pour les faits qui se sont déroulés devant la gare d'Yverdon le 12 août 2013.
II. V._ reconnaît devoir payer à K._ un montant de 600 fr., dont 200 fr. payés séance tenante et dont quittance, et 400 fr. qui seront versés d'ici le 31 mars 2015 sur le compte Postfinance IBAN [...].
III. K._ retire les plaintes déposées.
IV. V._ admet devoir payer les frais de première instance. » | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de V._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant a contesté sa condamnation pour voies de fait, dommages à la propriété et contrainte.
Compte tenu de la convention passée entre les parties à l’audience de deuxième instance (cf. supra lettre D) portant notamment sur le retrait des plaintes déposées par l’intimée contre l’appelant, il y a lieu d’ordonner la cessation des poursuites pénales en ce qui concerne les infractions poursuivies sur plainte, à savoir les voies de fait et les dommages à la propriété.
Il reste en conséquence à examiner si le prévenu s’est rendu coupable de contrainte, infraction poursuivie d’office.
3.1
Aux termes de l’art. 181 CP, se rend couple de contrainte celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.
L’art. 181 CP prévoit alternativement trois moyens de contrainte : l’usage de la violence, la menace d’un dommage sérieux ou « tout acte entravant la personne dans sa liberté d’action ». En ce qui concerne ce dernier moyen, il s’agit d’une formule générale qui doit être interprétée de manière restrictive; n’importe quelle pression de peu d’importance ne suffit pas; il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d’un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l’entraver d’une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d’action; il s’agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 119 IV 301 c. 2a et les références citées).
3.2
En l’occurrence, le premier juge a retenu que le prévenu avait emporté de force le téléphone portable de la plaignante pour l’empêcher d’appeler la police (jgt., p. 9).
Toutefois, il ressort des déclarations de l’intimée que celle-ci a pu composer le 117, parler à l’opérateur et lui indiquer son positionnement, avant que le prévenu ne revienne pour lui prendre son téléphone et s’enfuir avec; elle l’a alors poursuivi en lui demandant de lui rendre son bien et c’est à ce moment que l’appelant a lancé l’objet par terre (PV aud. 1). Le témoin [...] a également confirmé que la victime avait couru après son agresseur tout en demandant de l’aide et que celui-ci avait lancé au sol le téléphone portable (PV aud. 3). Dans ces conditions, on ne saurait retenir que l’acte du prévenu était propre à entraver la victime dans sa liberté d’action. L’élément de la contrainte n’étant pas suffisamment caractérisé, l’appelant doit être libéré de cette infraction.
4.
Il convient d’examiner la peine à infliger au prévenu.
4.1
4.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 IV 6 c. 6.1).
4.1.2
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF
134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
4.1.3
En vertu de l'art. 46 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel (al. 1, 1re phr.). S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation (al. 2, 1
re
phr.).
La commission d'un crime ou d'un délit durant le délai d'épreuve n'entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Seul un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné peut justifier la révocation. A défaut d'un pronostic défavorable, le juge doit renoncer à celle-ci. Autrement dit, la révocation ne peut être prononcée que si la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve (ATF
134 IV 140 c. 4.2 et 4.3; TF 6B_163/2011 du 24 novembre 2011 c. 3.2). Dans l'appréciation des perspectives d'amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d'un sursis antérieur, le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l'octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible (ATF 134 IV 140 précité c. 4.5). Ainsi, un critère déterminant pour juger du risque de réitération et, partant, pour poser le pronostic prévu par la loi est celui de l'effet de choc et d'avertissement issu de la condamnation précédente, y compris en ce qui concerne l'aménagement ultérieur de la vie de l'intéressé; s'il est avéré, un tel effet constitue un facteur favorable – même s'il n'est pas déterminant à lui seul – dans l'examen du pronostic (cf. ATF 134 IV 140 c. 5.3).
4.2
4.2.1
En l’espèce, la culpabilité de V._ n’est pas anodine. Il s’est notamment rendu coupable de violations graves des règles de la circulation routière en prenant le volant sans être accompagné et, de surcroît, alors qu’il se trouvait dans un état d'ébriété qualifié. Par son comportement, il a mis gravement en danger la sécurité publique. Les infractions sont en concours. Il faut également tenir compte de ses antécédents et de la récidive commise dans le délai d’épreuve pour le même type d’infractions.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, une peine pécuniaire de 120 jours-amende réprime adéquatement les agissements de V._. Compte tenu de sa situation financière, à savoir d’un revenu net de 3'500 fr. par mois, de ses charges mensuelles estimées à 300 fr. tant pour l’assurance-maladie, les impôts que les frais de transports, et du minimum vital fixé à 1'100 fr., le montant du jour-amende arrêté par le premier juge ne prête pas le flanc à la critique et doit être confirmé.
Il en va de même du montant de l’amende de 1000 fr. sanctionnant les contraventions à la législation sur la circulation routière. La peine privative de liberté de substitution doit toutefois être arrêtée à 100 fr. par jour de privation de liberté, conformément à ce qui est usuellement pratiqué par les autorités pénales en matière de circulation routière. La peine privative de liberté de substitution sera en conséquence ramenée à 10 jours.
4.2.2
L’appelant demande à être mis au bénéfice du sursis. Toutefois, au regard de la gravité des faits qui lui sont reprochés, de la récidive spéciale pour le même type d’infractions, de ses antécédents et des nombreuses sanctions administratives prises à son encontre, le pronostic à poser quant à son comportement futur est manifestement défavorable, de sorte que la peine prononcée ne peut être que ferme.
4.2.3
La cour de céans est toutefois d’avis qu’il n’y a pas lieu de révoquer le sursis précédemment accordé, malgré la récidive commise durant le délai d’épreuve. En effet, la nouvelle peine infligée est la première que le prévenu devra exécuter. Dans ces conditions, il faut admettre que son exécution aura l’effet dissuasif escompté. Le délai d’épreuve sera néanmoins prolongé d’une année (art. 46 al. 2 2
e
phr. CP).
5.
Enfin, compte tenu de son comportement et malgré sa libération de plusieurs chefs d’accusation, l’entier des frais de première instance doit être mis à la charge du prévenu, ce que celui-ci a d’ailleurs admis aux débats d’appel.
6.
En définitive, l’appel de V._ doit être partiellement admis et le jugement entrepris modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
7.
Vu l’issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués de l’émolument d’arrêt, par 1’500 fr., et de l’indemnité allouée au défenseur d’office de l’appelant, par 1'631 fr. 35
,
TVA et débours inclus, sont mis par moitié à la charge de ce dernier, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
V._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat la moitié de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7b1626bf-94dc-4082-a974-3378618bd7ec | En fait :
A.
Par jugement du 28 juillet 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a reconnu Z._ coupable d’emploi d’étrangers sans autorisation (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 50 fr., peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 28 janvier 2013 par la Cour d’appel pénal de Fribourg (II), a renoncé à révoquer le sursis de 4 ans assortissant la peine privative de liberté de 3 mois infligée à Z._ le 28 janvier 2013 par la Cour d’appel pénal de Fribourg, mais adressé un avertissement formel à l’intéressé et prolongé ce sursis d’une année (III) et a mis les frais de procédure, arrêtés à 4'114 fr., à la charge de Z._ (IV).
B.
Par annonce du 31 juillet 2014, puis déclaration motivée du 6 octobre 2014, Z._ a formé appel contre ce jugement, concluant, avec suite de frais et dépens, à sa libération du chef d’accusation d’emploi d’étrangers sans autorisation et au versement d’une indemnité de 5'785 fr. 50 pour les dépenses occasionnées par la procédure pénale, les frais étant laissés à la charge de l’Etat. A titre de mesure d’instruction, l’appelant a requis l’audition de deux témoins.
Par courrier du 30 octobre 2014, la Présidente de la cour de céans a rejeté les réquisitions de preuve de l’appelant considérant que celles-ci ne répondaient pas aux conditions de l’art. 389 CPP et qu’elles n’apparaissaient au surplus pas pertinentes.
A l’audience d’appel du 19 janvier 2015, l’appelant a réitéré ses réquisitions de preuves et requis qu’il soit également procédé à l’audition de O._. La Cour d’appel pénale, procédant à une appréciation anticipée des preuves, a rejeté la requête incidente de l’appelant.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. a)
Ressortissant du Kosovo, Z._ est né le [...] 1975. Il vit en Suisse depuis de nombreuses années au bénéfice d’un permis C. Il est administrateur de deux entreprises actives dans la construction et la peinture, dont la société M._ SA. Il avait à l’époque des faits 10 à 15 ouvriers à son service et engageait sur appel des employés temporaires.
Z._ vit avec sa compagne et leurs deux enfants. Il est également père d’un troisième enfant issu d’une liaison précédente. Sa situation financière est saine. Il perçoit un revenu mensuel de 8'000 francs. Il s’acquitte d’une contribution d’entretien mensuelle de 800 fr. et a contracté une dette hypothécaire.
b)
A son casier judiciaire figurent les condamnation suivantes :
- 5 novembre 2004, Juges d’instruction Fribourg, occupation intentionnelle des étrangers sans autorisation, amende 600 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 1 an, non révoqué le 20 mars 2006, échec de la mise à l’épreuve ;
- 6 avril 2005, Juges d’instruction Fribourg, occuper des étrangers sans autorisation (en cas de récidive), emprisonnement 20 jours, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, amende 2'000 fr., sursis non révoqué le 20 mars 2006, délai d’épreuve prolongé d’un an le 2 avril 2007 ;
- 20 avril 2005, Juges d'instruction Fribourg, occuper des étrangers sans autorisation (en cas de récidive), emprisonnement 15 jours, sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 4 ans, amende 1'500 fr.
,
sursis non révoqué le 20 mars 2006, délai d’épreuve prolongé de 2 ans le 3 avril 2007 ;
- 16 février 2006, Préfecture de Moudon, violation grave des règles de la circulation routière, amende 920 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 1 an, échec de la mise à l’épreuve ;
- 20 mars 2006, Juge de Police de la Sarine, occuper des étrangers sans autorisation (en cas de récidive), récidive, emprisonnement 10 jours, amende 1'000 francs ;
- 3 avril 2007, Juges d’instruction Fribourg, occuper des étrangers sans autorisation (en cas de récidive), céder un véhicule à moteur à un conducteur sans permis de conduire, usage abusif de permis et de plaques, peine pécuniaire 60 jours-amende à 80 fr., peine partiellement complémentaire au jugement du 20 mars 2006 ; - 28 janvier 2013, Cour d’appel pénal Fribourg, crime contre la LStup, peine privative de liberté de 3 mois, sursis 4 ans, peine complémentaire aux jugements des 16 février 2006, 20 mars 2006, 3 avril 2007, partiellement complémentaire aux jugements des 5 novembre 2004, 6 avril 2005 et 20 avril 2005.
2. a)
A [...], rue de [...], au siège de l’entreprise M._ SA, le 24 mars 2011, Z._ a employé A._, alors que ce dernier n’était au bénéfice d’aucune autorisation de travail. Le Service de l’emploi a dénoncé Z._.
b)
Au même endroit, le 5 août 2011, Z._ a employé H._, alors que ce dernier n’était au bénéfice d’aucune autorisation de travail. Le Service de l’emploi a dénoncé Z._.
c)
A [...], route de [...], le 16 mai 2013, Z._, administrateur de la société M._ SA a employé K._, alors que ce dernier n’était pas en possession des autorisations nécessaires. | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délai légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de Z._ est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
La constatation des faits est incomplète au sens de l’art. 398 al. 3 let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n’ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d’administrer la preuve d’un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l’administration d’un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
2.2
A titre de mesures d’instruction, l’appelant a requis l’audition de [...] pour qu’il soit entendu sur les contrats d’entreprise qu’il a conclus avec O._, personnellement ou avec la société [...], et sur le personnel engagé par celui-ci alors qu’il exerçait parallèlement l’activité de contremaître pour la société M._ SA. Z._ a également demandé les auditions de K._ et de O._.
2.2.1
Tel que garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), le droit d'être entendu comprend, notamment, le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 Il 286 c. 5.1; ATF 132 Il 485 c. 3.2; ATF 127 I 54 c. 2b). La jurisprudence admet que le droit d’être entendu n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l‘instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que, ces dernières ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (cf. ATF 134 I 140 c. 5.3 et les références citées).
2.2.2
En l’espèce,
les éléments figurant au dossier sont suffisants pour examiner l’infraction reprochée au prévenu et trancher les questions litigieuses. En effet, les auditions requises ne sont pas de nature à modifier l’appréciation des faits de la Cour de céans. L’appelant indique que
[...]
se serait acquitté des deux factures émises par la société
[...]
, respectivement
O._
, qui sont datées des 6 février 2013 et 14 mars 2013 et qui ont été produites le jour de l’audience. En l’occurrence, ces pièces complémentaires relatives à des travaux effectués dans un appartement à Vevey ne concernent pas les faits qui sont reprochés au prévenu. Force est de constater que l’audition de
[...]
n’apporterait aucun élément utile. Il en va de même s’agissant de l’audition de
K._ dont les déclarations fantaisistes face aux agents de police et la déclaration écrite établie à la demande de l’appelant apparaissent d’emblée dénuées de toute crédibilité. Enfin, O._ a déjà été entendu par le procureur ainsi que par le premier juge. Une nouvelle audition ne s’avère donc pas nécessaire.
Partant, les moyens sollicités doivent être rejetés
.
3.
L’appelant conteste sa condamnation pour emploi d’étrangers sans autorisation.
3.1
L’art. 117 al. 1, 1
re
phrase LEtr (Loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 ; RS 142.20) prescrit que quiconque, intentionnellement, emploie un étranger qui n’est pas autorisé à exercer une activité lucrative en Suisse ou a recours, en Suisse, à une prestation de services transfrontaliers d’une personne qui n’a pas l’autorisation requise, est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire. L’alinéa 2 de cet article prévoit que quiconque, ayant fait l’objet d’une condamnation exécutoire en vertu de l’al. 1, contrevient de nouveau, dans les cinq années suivantes, à l’al. 1, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. En cas de peine privative de liberté, une peine pécuniaire est également prononcée.
Le terme “employer” doit être compris de manière large, comme consistant non seulement à conclure et exécuter un contrat de travail au sens des art. 319 ss CO (Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse; RS 220), mais également à faire exécuter une activité lucrative à quelqu’un, quelle que soit la nature du rapport juridique entre l’auteur et la personne employée. Il doit s’agir d’un comportement actif; une simple permission ou tolérance ne suffit pas. Il n’est en revanche pas nécessaire que l’auteur ait la compétence de donner des instructions à la personne employée. Il suffit qu’il entre dans ses attributions de décider qui peut, ou ne peut pas, participer à l’exécution de la tâche et qu’ainsi sa décision conditionne l’activité lucrative de l’intéressé (ATF 137 IV 153 c. 1.5 et les références citées).
En vertu de l’art. 11 LEtr, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour. Il doit la solliciter auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2). En cas d’activité salariée, la demande d’autorisation est déposée par l’employeur (al. 3).
L’art. 91 LEtr prescrit qu’avant d’engager un étranger, l’employeur doit s’assurer qu’il est autorisé à exercer une activité lucrative en Suisse en examinant son titre de séjour ou en se renseignant auprès des autorités compétentes.
Il appartient à chaque employeur de procéder au contrôle. La simple omission de procéder à l’examen du titre de séjour ou de se renseigner auprès des autorités compétentes constitue déjà une violation du devoir de diligence (TF 2C_1039/2013 du 16 avril 2014 c. 5.1 ; TF 2C_783/2012 du 10 octobre 2012 c. 2.1 ; TF 2C_357/2009 du 16 novembre 2009 c. 5.3).
3.2
L’appelant conteste en premier lieu avoir employé A._. Il fait valoir que, contrairement au contenu du rapport de police du 29 mars 2011, A._ n’aurait jamais été annoncé à I’AVS par M._ SA et qu’il ne figurerait ni dans la liste des employés (pièce 4/7), ni sur l’extrait de compte AVS de la société (pièce 4/14). Il relève que cet employé a déclaré avoir été engagé par son contremaître O._, lequel a également été dénoncé par le Service de l’emploi et que le maître d’ouvrage a confirmé ne pas avoir mandaté l’appelant pour l’exécution de travaux de peinture dans son immeuble. Enfin, Z._ soutient que O._ aurait exercé une activité concurrente à la sienne avec le matériel et le véhicule de l’entreprise M._ SA.
La version de l’appelant doit être écartée. Ce dernier a bel et bien employé A._ alors que celui-ci ne bénéficiait d’aucune autorisation de travail. En effet, les rapports de la police intercommunale des deux Rives attestent que la présence de trois ouvriers, dont A._, été constatée sur un chantier à la place de [...] à [...], tant le 23 mars 2011 que le 24 mars 2011. Le bus de l’entreprise M._ SA se trouvait les deux jours en question directement en bas de l’escalier donnant accès au chantier. De plus, les trois ouvriers ont déclaré, lors du contrôle, qu’ils travaillaient pour l’entreprise M._ SA. Il n’y a aucune raison de douter de la véracité du contenu de ces rapports.
Contrairement à ce que soutient l’appelant, le rapport de la police du 29 mars 2011 n’indique pas que A._ a été annoncé à I’AVS mais uniquement que cela ressort des déclarations de l’intéressé lui-même. Ce constat n’a au demeurant aucune pertinence, tout comme le fait qu’il ne figure pas dans la liste des employés de l’appelant. Quant aux déclarations de T._, maître de l’ouvrage et propriétaire de l’immeuble dans lequel A._ a procédé aux travaux de peinture, celles-ci apparaissent pour le moins sujettes à caution. Ce témoin a déclaré qu’il connaissait l’appelant à titre professionnel et qu’il avait fait sa connaissance dans le cadre d’une affaire immobilière. Il a affirmé qu’il ne l’avait jamais mandaté pour des travaux de peinture et qu’il ignorait le nom de l’entreprise qui avait procédé aux travaux dans son immeuble (jugement p. 12). Il ressort néanmoins du dossier que T._ et l’appelant sont amenés à collaborer dans le cadre de la société [...] SA, le premier en étant l’administrateur et le second le directeur. Cette société, active dans les opérations immobilières, est inscrite depuis 2009 au registre foncier et a son siège à la même adresse que la société M._ SA (pièce 21/3). Ainsi, il s’avère non seulement que les trois ouvriers interpellés le 24 mars 2011 ont déclaré travailler pour M._ SA et qu’une camionnette de dite entreprise était stationnée devant le chantier sur lequel ils travaillaient, mais également que le maître de l’ouvrage était un partenaire professionnel de l’appelant. Z._ n’apporte aucun élément de réponse à ces trop nombreuses coïncidences. Le fait que A._ ait déclaré par la suite aux agents qu’il avait été engagé par O._ n’y change rien. Les déclarations de T._ apparaissent d’autant moins crédibles qu’on n’imagine guère qu’il ait confié des travaux au contremaître de son associé au détriment de ce dernier. On relèvera au demeurant qu’il ressort des déclarations d’une autre locataire du bâtiment dont il est question ici et qui ont été consignées par les agents dans leur rapport du 26 octobre 2012 que Z._ gérait les travaux dans l’immeuble pour le compte de T._ à l’époque du contrôle effectué le 24 mars 2011 (pièce 24).
Enfin, s’agissant de la prétendue activité déloyale de O._, on relèvera encore que si celui-ci avait réellement engagé A._ et effectué lesdits travaux pour son propre compte, il n’a été licencié qu’en septembre 2013 (jugement p. 10), alors que l’appelant aurait dû nourrir des soupçons à son égard à tout le moins depuis avril 2011 (cf. pièce 4/11). On ne conçoit guère qu’un chef d’entreprise comme l’appelant au sens des affaires que n’a pas manqué de souligner le premier juge et à la tête d’une entreprise familiale n’ait pas réagi avant. On s’étonne également qu’il n’ait jamais fait part au procureur ou au premier juge de ses soupçons qu’il n’a évoqués qu’à l’audience d’appel. Certes, l’appelant affirme qu’il n’avait pas de preuve concrète jusque-là. On relèvera cependant qu’après avoir cessé d’employer O._, l’appelant a encore été entendu à deux reprises par le premier juge, soit en avril et en juillet 2014. Quant aux nouvelles pièces qu’il a produites le 19 janvier 2015, elles ne concernent pas les travaux effectués par A._. Enfin et surtout, il apparaît que Z._ aurait été en mesure de lever ses soupçons en interrogeant directement son associé T._ lorsque l’identité du propriétaire de l’immeuble lui a été communiquée en novembre 2012 (cf. pièce 27), à supposer qu’il ne l’eût pas déjà connue.
Compte tenu de ces éléments, auxquels s’ajoutent de surcroît cinq précédentes condamnations pour occupation d’étranger sans autorisation, on ne saurait accorder le moindre crédit aux déclarations de l’appelant. Sa condamnation pour avoir employé A._ alors qu’il n’avait aucune autorisation de travail doit être confirmée.
3.3
Z._ conteste ensuite avoir employé H._. Il fait valoir que ce dernier a déclaré qu’il n’avait jamais été engagé par l’appelant et que c’est O._ qui avait mis à sa disposition un véhicule de M._ SA pour un déménagement. Par ailleurs, M._ SA était fermée du 29 juillet au 15 août 2011.
On ne saurait retenir la version des faits exposée par l’appelant. En effet, lorsque H._ a été arrêté le 5 août 2011, il a déclaré à la police qu’il travaillait en sous-traitance depuis deux jours pour le compte de l’entreprise M._ SA; de plus, il a été intercepté au volant d’un véhicule de cette société et a clairement expliqué avoir pris possession de ce véhicule dans le cadre de son travail, alors que celui-ci était stationné vers l’entreprise de peinture évoquée plus avant (pièce 25). Cette version, claire et précise, doit être préférée aux nombreuses autres déclarations faites par les divers intervenants dans le cadre de cette procédure, puisqu’elle a été faite spontanément directement après l’arrestation et sans aucune influence. Les rétractations ultérieures de l’ouvrier selon lesquelles il aurait été interpellé à la date précitée alors qu’il procédait à un déménagement au volant d’un véhicule de M._ SA mis à sa disposition par O._ (jugement p. 14) sont dénuées de toute crédibilité et d’ailleurs contredites par les déclarations des témoins O._ et [...]. Il en va de même des déclarations des divers intervenants dans le cadre de cette procédure tant elles divergent à ce sujet et tendent à attester que l’appelant ment, ses explications successives démontrant qu’il cherche par tous les moyens à se disculper de l’emploi de clandestins. En effet, dans son courrier du 10 août 2012, l’appelant a tout d’abord expliqué qu’H._ avait travaillé deux ou trois jours en sous traitant pour une autre société et qu’il s’était permis de prendre une camionnette de son entreprise pendant les vacances sans autorisation (pièce 9).
Pour sa défense, l’appelant a également invoqué un rapport de sous-traitance en relevant que H._ avait indiqué qu’il avait été engagé par l’entreprise [...] basée à Marly, laquelle s’était vue adjuger des travaux par M._ SA en sous-traitance. Cet argument doit être écarté. Premièrement, ce rapport n’est pas établi, dans la mesure où les déclarations de H._ ne sont pas crédibles et où l’entreprise [...] SA, soit [...] SA, a elle-même indiqué à la suite d’une précédente interpellation de cet ouvrier déjà au volant d’un véhicule de M._ SA qu’elle ne l’employait plus depuis un mois (pièce 7/2). Ensuite, à l’instar du premier juge, il convient de retenir que les ouvriers que l’appelant qualifie de sous-traitants étaient en réalité, à l’époque des faits tout au moins, des employés temporaires de l’entreprise engagés sur appel par l’intéressé, dès lors que celui-ci leur mettait non seulement un véhicule à disposition mais également du matériel de M._ SA (jugement p. 22). L’appelant n’a au demeurant pas contesté cette appréciation dans le cadre de la présente procédure. Dans cette mesure, la qualification de la nature juridique du rapport de travail entre l’appelant et H._ n’a aucune incidence sur la culpabilité de Z._.
C’est donc à juste titre que le premier juge a considéré que l’appelant avait employé H._ alors qu’il ne bénéficiait d’aucune autorisation de travail en Suisse.
3.4
L’appelant conteste enfin avoir employé K._. Il se prévaut de la déclaration écrite qu’il a déposée à l’audience du 28 juillet 2014 et dans laquelle K._ a déclaré qu’il avait rencontré par hasard un employé de la société M._ SA qui avait accepté de le véhiculer et qu’il n’avait jamais travaillé pour le compte de l’entreprise de l’appelant.
On ne saurait accorder la moindre valeur à ce document qui a été établi pour la cause et à la demande de l’appelant comme l’a relevé le premier juge. En effet, selon le rapport de gendarmerie du 1
er
juin 2013, K._ a fait l’objet d’un contrôle un jeudi à 7h10 alors qu’il se trouvait dans un fourgon de l’entreprise M._ SA en habits de travail (dossier joint, pièce 4). Lors de son interpellation, l’intéressé a tenu d’emblée des propos dénués de toute crédibilité, à savoir qu’il travaillait « juste » ce jour-là sans connaître le nom de son employeur et sans toucher de salaire.
Contrairement à ce qu’a plaidé l’appelant, aucun doute ne subsiste quant à sa culpabilité. Le fait qu’on ignore qui était le conducteur du véhicule contrôlé n’est pas déterminant (il aurait au demeurant pu s’en enquérir auprès de K._ lorsqu’il s’est adressé à lui pour obtenir une déclaration écrite). De façon générale, on relèvera que l’appelant se défend en présentant au gré des mises en cause des versions et des arguments qui ne sont pas crédibles. Dans un laps de temps relativement restreint, plusieurs contrôles ont révélé la présence d’ouvriers sans autorisation de travail à bord de véhicules de M._ SA: il ne peut s’agir de simples coïncidences. La version de l’appelant selon laquelle son ancien contremaître aurait développé une activité concurrente parallèle avec du matériel et des véhicules de M._ SA n’est pas convaincante (cf. c. 3.2 supra), ce d’autant plus que le casier judiciaire de l’appelant comporte déjà plusieurs condamnations pour occupation d’étrangers sans autorisation.
Compte tenu des éléments qui précèdent, la condamnation de Z._ pour avoir employé K._ alors qu’il n’avait aucune autorisation de travail doit être confirmée.
3.5
En définitive, mal fondés, tous les griefs soulevés par Z._ doivent être rejetés.
C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu que l’appelant s’était rendu coupable d'infraction à la LEtr au sens de l'art. 117 al. 1 de cette loi.
4.
L’appelant
ne conteste la peine prononcée à son encontre qu'en lien avec les moyens tendant à obtenir son acquittement. Or, l’infraction retenue à sa charge est confirmée. Examinée d’office, la Cour d’appel considère au demeurant que la peine pécuniaire ferme prononcée a été fixée en application des critères légaux à charge et à décharge et conformément à la culpabilité de Z._ (cf. jugement, p. 24).
5.
En définitive, l’appel formé par Z._ doit être rejeté et le jugement rendu le 28 juillet 2014 par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de Z._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7b2c55db-325e-412c-8c3d-92d55a9c7df3 | En fait :
A.
Par ordonnance du 5 mai 2010, le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a déclaré I._ coupable d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers (I), a révoqué le sursis qui lui avait été octroyé le 20 mars 2009 par la Préfecture de Lausanne (II), a fixé la peine d'ensemble à 90 (nonante) jours de peine privative de liberté (III) et a mis à la charge d'I._ les frais par 540 fr. (cinq cent quarante francs) (IV).
Le condamné a formé opposition contre cette décision le 15 juin 2011.
Par jugement du 11 juillet 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté qu'I._ s'était rendu coupable d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers (I), a révoqué le sursis qui lui avait été accordé le 20 mars 2009 par la préfecture de Lausanne (II), l'a condamné à une peine privative de liberté d'ensemble de 180 (cent huitante) jours, sous déduction de 8 (huit) jours de détention avant jugement, a dit que cette peine est une peine d'ensemble comprenant la condamnation prononcée le 20 mars 2009 par la préfecture de Lausanne (III) et a mis les frais de justice par 1'140 fr. 60 à la charge d'I._ (IV).
B. 1.
Le 20 juillet 2011, I._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 5 septembre 2011, l'appelant a conclu à la réforme des chiffres II à IV du jugement entrepris en ce sens que la peine d'ensemble est fixée à dires de justice, mais n'excède pas trente jours de privation de liberté (I), que le sursis accordé à I._ le 20 mars 2009 par la préfecture de Lausanne n'est pas révoqué (II) et que les frais de justice sont laissés à la charge de l'Etat (III).
Dans le délai imparti, le Ministère public a déclaré renoncer à déposer une demande de non-entrée en matière ou un appel joint ainsi qu'à intervenir.
2.
Par courrier du 26 septembre 2011, I._ a produit une copie d'une décision de suspension de l'exécution de renvoi rendue le 25 juillet 2011 par l'Office fédéral des migrations (ODM).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
I._ est né le 4 avril 1988 à Ikewere-River au Nigeria, pays dont il est ressortissant. Elevé par ses parents, il a été scolarisé jusqu'à l'âge de 12 ans. Par la suite, il a quitté son pays d'origine pour rejoindre l'Europe. Le 23 mars 2008, il a déposé une demande d'asile en Suisse, qui a été rejetée le 29 avril 2008; son renvoi de Suisse a été prononcé. Il est cependant demeuré dans notre pays jusqu'à ce jour. Il a été interpellé le 16 mars 2010 et a passé huit jours en détention préventive.
Le 13 décembre 2010, I._ a appris qu'il était séropositif. Il est également porteur de la tuberculose. Le 18 juillet 2011, il a déposé une demande de reconsidération tendant à l'octroi d'une admission provisoire motivée par son état de santé précaire. Le 25 juillet 2011, l'Office fédéral des migrations (ODM) a suspendu provisoirement son renvoi, à titre de mesure provisionnelle.
Actuellement hébergé dans un centre d'accueil à Vernier dans le canton de Genève, I._ dispose de bons d'un montant de 50 fr. par semaine pour acheter de la nourriture.
Son casier judiciaire suisse comporte une inscription: I._ a été condamné le 20 mars 2009 par la Préfecture de Lausanne pour séjour illégal à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 10 fr. le jour avec sursis pendant deux ans et à une amende de 210 francs.
2.
Entre le 20 mars 2009, date de sa première condamnation pour des faits similaires, et à tout le moins le 16 mars 2010, date à laquelle il a été interpellé dans le cadre de la présente procédure, I._ a séjourné en Suisse alors qu'il n'était au bénéfice d'aucune autorisation et malgré qu'une décision d'interdiction d'entrée en Suisse avait été prononcée à son égard. Il savait qu'une décision de non-entrée en matière avait été rendue sur sa demande d'asile.
D.
À l'audience d'appel du 3 novembre 2011, l'appelant a pris une conclusion d'appel nouvelle, concluant à ce qu'il soit exempté de toute peine. | En droit :
1.1
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011. n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
1.2
Aux termes de l'art. 398 al. 2 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.
Aux débats d'appel, I._ a modifié en plaidoirie les conclusions qu'il avait prises dans sa déclaration d'appel et a conclu à l'exemption de toute peine.
D'après l'art. 399 al. 3 CPP, le délai pour déposer la déclaration d'appel est de vingt jours dès la notification du jugement motivé. La déclaration d'appel fixe de manière définitive l'objet de l'appel, en ce sens que l'appelant ne peut plus élargir sa déclaration à d'autres points au-delà du délai de vingt jours pour déposer la déclaration d'appel (Kistler Vianin, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, op. cit. nos 19 et 21 ad art. 399 CPP).
En conséquence, la conclusion tendant à l'exemption de toute peine prise lors des débats d'appel, tardive, est irrecevable.
3.
I._ conteste d'abord la révocation du sursis. Il estime que le pronostic est favorable.
3.1
En vertu de l'art. 46 al. 1 CP, le juge révoque le sursis si le condamné commet un crime ou un délit durant le délai d'épreuve et qu'il y a lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions.
En l'espèce, I._ a été condamné pour séjour illégal le 20 mars 2009, avec un délai d'épreuve de deux ans. Il n'a pas quitté la Suisse après sa condamnation, de sorte que la récidive est avérée. A ce jour, il est toujours présent sur le territoire suisse et c'est à juste titre que le premier juge a constaté qu'il n'avait effectué aucune démarche pour s'en aller. Par ailleurs, son état de santé ne change rien à ce constat dans la mesure où l'appelant n'a appris sa séropositivité que le 13 décembre 2010, soit un peu moins de deux ans après sa première condamnation. Enfin, s'il est aujourd'hui au bénéfice de mesures provisionnelles qui suspendent l'exécution de son renvoi, un titre de séjour en Suisse ne lui est pas garanti et le risque de récidive est donc présent.
En conséquence, le sursis accordé le 20 mars 2009 doit être révoqué.
4.
I._ soutient que la peine est trop sévère.
4.1
En vertu de l'art. 115 al. 1 let. b LEtr, est passible d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire, quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l’expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé.
4.2
Le Tribunal de police a condamné I._ à 150 jours de peine privative de liberté pour environ un an de séjour illégal, en sus de la peine de 30 jours qui lui avait été infligée le 20 mars 2009. Il a considéré que la culpabilité du prévenu était importante, parce qu'il n'avait jamais quitté la Suisse en dépit des décisions rendues contre lui et n'avait effectué aucune démarche pour retourner dans son pays d'origine. Il a indiqué en outre n'avoir trouvé aucune circonstance atténuante en dehors d'une situation personnelle précaire.
Les éléments retenus par le premier juge sont certes pertinents, mais la peine paraît sévère eu égard aux faits. Partant, il convient de réduire la nouvelle peine à 90 jours, sous déduction de huit jours de détention avant jugement.
5.
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable et hautement incertain
(TF 6B_88/2011 du 18 avril 2011 c. 2.1 et les références citées). En d'autres termes, la loi présume l'existence d'un pronostic favorable et cette présomption doit être renversée par le juge pour exclure le sursis. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste (ATF 135 IV 180 c. 2.1; 135 IV 152 c. 3.2.1 non publié; Kuhn, Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 17 ad art. 42). Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents.
Un autre critère déterminant pour juger du risque de réitération et, partant, pour poser le pronostic prévu par la loi est celui de l'effet de choc et d'avertissement (
Warnungswirkung
) issu de la condamnation précédente, y compris en ce qui concerne l'aménagement ultérieur de la vie de l'intéressé, s'il est avéré, un tel effet constitue un facteur favorable – même s'il n'est pas déterminant à lui seul – dans l'examen du pronostic (ATF 134 IV 140 c. 5.3).
5.1
En l'espèce, on a vu que le pronostic était toujours défavorable, de sorte que le sursis accordé à I._ le 20 mars 2009 a été révoqué parce que ce dernier a récidivé pendant le délai d'épreuve. Il convient de tenir compte de cet élément. En effet, la révocation du sursis précédent est de nature à constituer un choc pour I._, ce qui permet en conséquence de poser un pronostic favorable quant à son comportement futur et de lui octroyer le sursis.
5.2
Le premier sursis étant révoqué et la deuxième condamnation assortie du sursis, il n'y a plus lieu de prononcer une peine d'ensemble. La nouvelle peine, inférieure à six mois, doit être pécuniaire. Le montant du jour-amende doit être fixé à 10 fr. vu la situation financière précaire de l'appelant.
5.3
D'après l'art. 44 al. 1 CP, si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans.
Pour tenir compte des circonstances du cas d'espèce et notamment du fait qu'I._ a déjà été condamné pour des faits similaires, le délai d'épreuve imparti à l'appelant doit être un peu plus long que le minimum légal et fixé à trois ans.
6.
Enfin, I._ conteste la mise à sa charge des frais de justice.
6.1
Le Code de procédure pénale vaudois est applicable à la procédure d'opposition devant le Tribunal de police (art. 453 al. 1 et 455 CPP).
6.2
L'art. 157 CPP-VD prévoit qu'en règle générale, si le prévenu est condamné à une peine, il est astreint au paiement des frais (al. 1). Si l'équité l'exige, le juge peut astreindre le condamné au paiement d'une partie des frais seulement, notamment quand celui-ci a été libéré du chef de certaines des infractions retenues contre lui par l'ordonnance de renvoi (al. 3).
Conformément à cette disposition, c'est à juste titre que le premier juge a mis les frais à la charge du prévenu.
7.
En conclusion, l'appel doit être partiellement admis.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel (428 al. 1 CPP; art. 20 et 21 TFJP, tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.01), y compris l'indemnité allouée au défenseur d'office, sont mis pour moitié à la charge d'I._, le solde étant laissé à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7c234fab-37db-4616-865a-6ff6ef1b0650 | En fait :
A.
Par prononcé du 8 mars 2011, la Présidente du Tribunal de l’arrondissement de l'Est vaudois a pris acte du retrait de plainte et ordonné la cessation des poursuites pénales dirigées contre Q._ pour diffamation et injure (I) et a mis les frais de la cause, par 2'250 fr., à la charge de Q._ (II).
B.
Les faits retenus sont les suivants :
1. Q._, né en 1961, éducateur, est divorcé de [...], née en 1973, employée de commerce. Deux enfants sont issus de ce mariage. Les époux ont vécu séparés depuis le 24 juillet 2003. La garde des enfants a été attribuée à la mère; un droit de visite a été conféré au père, lequel était tenu à des aliments envers eux. Le divorce a été prononcé par jugement du 22 juin 2009, définitif et exécutoire dès le 3 juillet suivant, rendu après une procédure particulièrement longue et difficile.
2. L'ex-épouse a déposé plainte le 22 juin 2007 contre Q._ pour diffamation et menaces, cet acte ayant été complété le 11 juillet suivant pour ce qui est de la diffamation.
Elle a soutenu que,
pendente lite
, de mai à juin 2007, Q._ l'avait, à plusieurs reprises rabaissée devant les enfants du couple et l'avait dénigrée de manière récurrente en s'adressant directement à elle ou à des tiers. De mai à octobre 2007, il l'avait également traitée notamment de "conne" et avait tenu des propos tels que "tu me dégoûtes". Enfin, de janvier à mars 2008, il avait inscrit la mention "racket" sur les ordres de paiement des pensions alimentaire dues en faveur des enfants. Q._ a contesté ces comportements, à l'exception du dernier élément incriminé, soit les mentions manuscrites.
Une ordonnance de refus de suivre rendue le 24 juillet 2007 par le juge d'instruction saisi a été annulée par arrêt rendu le 16 août 2007 par le Tribunal d'accusation, le dossier étant renvoyé au Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois afin qu'il procède dans le sens des considérants, puis rende une nouvelle décision. Q._ a été renvoyé devant le juge pénal par ordonnance du 16 juillet 2009 pour répondre des chefs d'accusation de diffamation et d'injure.
L'audience de jugement de la Présidente du Tribunal de l’arrondissement de l'Est vaudois a été ouverte et suspendue le 29 octobre 2009, après que les parties eussent passé la convention suivante :
"I. Q._ s'engage à faire tout son possible pour adopter à l'avenir à l'égard de son ex-épouse un comportement respectueux, tendant à pacifier les relations.
II. Cela étant, [...] déclare retirer la plainte déposée contre Q._ pour diffamation et injure, ce pour autant qu'il respecte l'engagement pris ci-dessus sous chiffre I, soit qu'il n'adopte pas envers elle un comportement répréhensible du point de vue pénal, pour une durée allant jusqu'au 31 octobre 2010. Si, à cette date, le Tribunal n'a aucune nouvelle de [...] et que Q._ n'a pas eu de comportement répréhensible du point de vue pénal, la plainte sera considérée comme automatiquement retirée".
3. Faute pour [...] d'avoir donné suite aux écritures de la Présidente des 11 novembre et 14 décembre 2010 ou d'avoir procédé de quelque manière que ce soit après l'audience, la plainte a été réputée retirée.
C.
Le 12 mars 2011, en temps utile, Q._ a déposé une annonce d'appel contre le prononcé précité, concluant implicitement à ce qu'aucun frais ne soit mis à sa charge. Le 10 mai 2011, dans le délai imparti à cet effet, il a déposé un mémoire motivé valant déclaration d'appel, par lequel il a confirmé explicitement ses conclusions.
Le 17 mai 2011, le Ministère public a déclaré renoncer à se déterminer. | En droit :
1.
Déposé en temps utile et suffisamment motivé, l'appel est recevable (art. 399 al. 3 CPP). La contestation est limitée à la question du principe de l'imputation des frais à la charge de l'appelant (art. 399 al. 4 let. f CPP).
2.
L'audience de jugement a été ouverte, puis suspendue, sous l'empire de l'ancien droit, soit du Code de procédure pénal cantonal du 12 septembre 1967 (CPP-VD), abrogé au 31 décembre 2010 par l'entrée en vigueur, au 1
er
janvier suivant, du Code de procédure pénale suisse (CPP) du 5 octobre 2007 (art. 34 de la loi cantonale du 19 mai 2009 d'introduction du Code de procédure pénale suisse, RSV 312.01, entrée en vigueur le 1
er
janvier 2011). L'art. 450 CPP prévoit que, lorsque les débats ont été ouverts avant l’entrée en vigueur du présent code, ils se poursuivent selon l’ancien droit devant le tribunal de première instance compétent jusqu’alors.
Il s'ensuit que le premier juge aurait dû appliquer les règles de l'ancien droit, soit l'art. 158 CPP-VD, pour statuer sur le sort des frais de justice. Il n'y a toutefois aucune incidence sur le choix du droit applicable en l'espèce. En effet, le nouvel art. 426 al. 2 CPP, appliqué à tort, ne consacre pas des principes qui s'écarteraient du droit cantonal applicable ratione temporis.
3.1
A teneur de l'art. 158 CPP-VD, lorsque le prévenu est libéré des fins de l'action pénale, il ne peut être astreint au paiement de tout ou partie des frais que si l'équité l'exige, notamment s'il a donné lieu à l'ouverture de l'action pénale ou s'il en a compliqué l'instruction.
3.2
Selon la jurisprudence fédérale (TF 1P.104/2007 du 18 juin 2007, c. 4.2), la condamnation aux frais d'un prévenu acquitté ou mis au bénéfice d'un non-lieu et le refus de lui allouer une indemnité à titre de dépens ne sont admissibles que si l'intéressé a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui, ou s'il en a entravé le cours; à cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, peut être déterminant (ATF 120 Ia 147, c. 3b p. 155; 119 Ia 332, c. 1b p. 334). D'une façon générale, le juge peut prendre en considération toute règle juridique, appartenant au droit fédéral ou cantonal, public, privé ou pénal, écrit ou non écrit, pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais ou le refus d'une indemnité.
Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais ou le refus d'une indemnité, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement. Enfin, la condamnation aux frais, fondée sur la seule commission de l'infraction pénale ne doit pas constituer une sanction pénale déguisée (ATF 6B_387/2009 du 20 octobre 2009, c. 1.1, et les références).
Selon la doctrine (Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, 2ème éd., Zurich 2006, p. 718), est incompatible avec la présomption d’innocence une décision qui condamne un prévenu mis au bénéfice d’un non-lieu à tout ou partie des frais lorsque cette décision est rédigée de telle manière qu’elle crée l’apparence que, dans l’esprit de son auteur, le prévenu s’est rendu coupable d’une infraction pénale ou qu’il en subsiste un soupçon. En revanche, il n’est pas contraire à la règle de la présomption d’innocence de condamner à une partie des frais le prévenu mis au bénéfice d’un non-lieu lorsque cette condamnation est motivée par un comportement condamnable de l’intéressé. La mise des frais à la charge d’une partie exige la violation d’une norme de comportement, d’une manière répréhensible au regard du droit civil.
Pour qu’une condamnation aux frais soit possible, il faut ensuite, comme déjà relevé, qu'il existe un lien de causalité entre le comportement répréhensible reproché à l'intéressé et les frais mis à sa charge (Jomini, La condamnation aux frais de justice du prévenu mis au bénéfice d'un non-lieu ou de l'accusé acquitté, RPS 1990, p. 359; Piquerez, op. cit., n° 1138, p. 717). La relation de causalité est réalisée lorsque, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement de la personne concernée était de nature à provoquer l'ouverture du procès pénal et le dommage ou les frais que celui-ci a lui-même entraînés (cf. notamment TF 1P.449/2002 du 25 novembre 2002, c. 2.1). Le juge doit se référer aux principes généraux de la responsabilité délictuelle (ATF 116 Ia 162, c. 2c p. 169) et fonder son prononcé sur des faits incontestés ou déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371, c. 2a in fine p. 374).
4.
En l’espèce, l'appelant conteste avoir adopté un comportement civilement répréhensible au préjudice de son épouse. Ainsi que cela ressort du procès-verbal d'audition de l'intéressé menée le 11 mars 2008 par le Juge d'instruction de l'Est vaudois, il a toujours nié avoir injurié ou diffamé la plaignante, ajoutant qu'il n'avait "jamais eu l'intention de salir (sa) femme ou de porter atteinte à son honorabilité". En revanche, il est établi que, de janvier à mars 2008, il avait inscrit la mention "racket" sur les ordres de paiement des pensions alimentaire dues en faveur des enfants du couple.
En ce qui concerne les propos attentatoires à l'honneur qu'il aurait tenus, les faits ne sont pas établis. Les dires incriminés se rattachent à une procédure de divorce particulièrement conflictuelle, au cours de laquelle l'appelant s'était du reste également plaint d'avoir été dénigré et même injurié par sa partie adverse. Dans ces conditions, à défaut de tout témoignage ou élément matériel à charge du mari, les seules déclarations de la plaignante ne suffisent pas à incriminer valablement l'appelant.
Pour ce qui est des mentions apposées sur les bulletins de versement, qui sont admises et établies en fait, il doit être relevé que la critique de l'appelant n'était dirigée que contre le montant de la pension, que le débiteur tenait de toute évidence pour excessif. Une telle critique n'est pas de nature à porter atteinte à l'honneur de la créancière d'aliments, la fixation de la contribution d'entretien n'étant évidemment pas du ressort de l'épouse.
Il n'est ainsi pas établi à satisfaction de droit que l'appelant ait adopté un comportement civilement répréhensible, sous la forme par exemple d'une atteinte à la personnalité de la plaignante au sens de l'art. 28 CC. Les conditions posées à la mise, même partielle, de frais de justice à sa charge ne sont donc pas réunies.
5.
Au vu de ce qui précède, l'appel doit être admis. L'appelant doit être libéré de tous frais de première instance.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel selon l'art. 424 CPP doivent être laissés à la charge de l’Etat (cf. l'art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7c324398-389b-4e4f-94d9-d9bf98669e90 | En fait :
A.
Par jugement du 30 septembre 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré H._, R._, D._ et L._ de l'accusation d'homicide par négligence (I), a rejeté les prétentions civiles de A.K._ contre H._, R._, D._ et L._ (II), a ordonné la confiscation et la destruction du casque séquestré sous fiche n° 12226/08 (III), a alloué à H._ un montant de 10'000 fr. à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice de ses droits de procédure, à la charge de l'Etat (IV), a alloué à R._ un montant de 10'000 fr. à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice de ses droits de procédure, à la charge de l'Etat (V), a dit que l'indemnité de défenseur d'office du prévenu L._, l'avocat Charles-Henri de Luze, est de 7'000 fr., TVA et débours compris, à la charge de l'Etat (VI) et a laissé les frais de la cause à la charge de l'Etat (VII).
B.
Le 10 octobre 2011, le Ministère public central a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 3 novembre 2011, il a conclu à la modification du jugement en ce sens que:
- les quatre prévenus sont déclarés coupables d'homicide par négligence;
- H._ est condamné à une peine de 30 jours-amende, le jour-amende étant fixé à 100 fr., avec sursis pendant deux ans et à une amende de 750 francs;
- D._ est condamné à une peine de 45 jours-amende, le jour-amende étant fixé à 30 fr., avec sursis pendant deux ans et à une amende de 350 francs;
- R._ est condamné à une peine de 60 jours-amende, le jour-amende étant fixé à 50 fr., avec sursis pendant deux ans et à une amende de 750 francs;
- L._ est condamné à une peine de 60 jours-amende, le jour-amende étant fixé à 40 fr., avec sursis pendant deux ans et à une amende de 600 francs;
- les demandes d'indemnité des prévenus sont rejetées et la décision sur les conclusions civiles est modifiée à dire de justice;
- les frais de justice de première instance sont mis à la charge des prévenus condamnés, chacun d'entre eux supportant ses frais propres et un quart des frais communs;
- les frais d'appel sont à la charge des prévenus à raison d'un quart chacun;
A titre de mesure d'instruction, le Ministère public central a requis l'inspection dans le dépôt de l'entreprise E._ à Penthaz de la maquette du chantier I._ et de la fourche incriminée, avec démonstration de son utilisation.
Par courrier daté du 12 novembre (recte
octobre) 2011, la partie civile A.K._ a annoncé faire appel du jugement, dont le dispositif lui avait été notifié le 5 octobre 2011. Par déclaration d'appel du 17 octobre 2011, elle a conclu à la condamnation des quatre prévenus et à l'allocation de ses conclusions civiles prises contre les quatre intimés solidairement, soit:
- 30'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 18 octobre 2007 à titre de réparation morale,
- 2'180 fr. 95 avec intérêts à 5% l'an dès le 1
er
décembre 2007 à titre de remboursement de la moitié des frais funéraires,
- 14'288 fr. 55, valeur échue à titre de frais d'avocat.
Par courrier du 6 novembre 2011, la partie civile B.F._ a déposé une déclaration d'appel, par laquelle elle conteste l'acquittement des prévenus et invoque ses prétentions pour tort moral.
Par courrier du 9 novembre 2011, le Président de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal a informé B.F._ que sa déclaration d'appel non précédée d'une annonce d'appel dans le délai légal apparaissait tardive et lui a imparti un délai de cinq jours pour se prononcer sur la recevabilité de son appel.
Par courrier du 10 novembre 2011, le Président de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal a informé A.K._ que son annonce d'appel datée du 12 novembre 2011 apparaissait tardive et lui a imparti un délai de cinq jours pour se prononcer sur la recevabilité de son appel.
Par courrier du 11 novembre 2011, A.K._ s'est déterminée sur l'éventuelle tardiveté de sa déclaration d'appel.
Le 22 novembre 2011, A.K._ a déposé une déclaration d'appel joint.
Par courrier du 29 novembre 2012, le Président de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal a informé A.K._ que son annonce d'appel, bien qu'elle comportait la date erronée du 12 novembre 2011, avait été en réalité adressée au greffe du Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois le 12 octobre 2011, soit dans le délai légal pour ce faire. De plus, il lui a indiqué que son appel principal allait être transmis aux autres parties conformément à l'art. 400 al. 2 CPP et que son appel joint, en tous points identique à son appel principal, ne serait pas traité.
Le 1
er
décembre 2011, H._ a indiqué que, s'agissant de l'appel déposé par le Ministère public (recte A.K._), il n'avait aucune remarque à formuler dans le cadre de l'art. 400 al. 3 CPP.
Le 1
er
décembre 2011, D._ a fait de même.
Par courrier du 19 décembre 2011, D._ a précisé que l'appel déposé le 17 octobre 2011 par A.K._ devait se limiter aux conclusions civiles conformément aux art. 403 al. 1 litt. b et 398 al. 5 CPP.
Le 20 décembre 2011, le Ministère public central a déclaré s'en remettre à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel formé par A.K._ et a renoncé à déposer un appel joint.
Par décision du 11 janvier 2012, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal a refusé d'entrer en matière sur l'appel formé par B.F._.
Le 21 mars 2012, D._ a déposé des déterminations sur l'appel déposé par le Ministère public central, concluant à son rejet et sollicitant l'assignation et l'audition du témoin B._ à l'audience d'appel.
Le 22 mars 2012, H._ a déposé un mémoire d'intimé, concluant au rejet de l'appel interjeté par le Ministère public central et à l'allocation d'une indemnité de l'art. 429 al. 1 litt. a CPP d'un montant à chiffrer ultérieurement.
Le 23 mars 2012, le Président de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal a informé les parties qu'il refusait l'audition du témoin B._, celui-ci ayant déjà été entendu en cours de procédure et la répétition de cette preuve n'étant pas justifiée.
Le 27 avril 2012, R._ s'est déterminé sur l'appel déposé par le Ministère public central, concluant à son rejet.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
H._ est né le 21 mai 1953 à Fribourg. Septième d’une famille de neuf enfants, il a grandi à Siviriez, où il a effectué son école obligatoire. Il a ensuite effectué un apprentissage de maçon, qu'il a terminé avec succès, puis il a suivi une école de contremaître à Lausanne. En 1987, il a obtenu une maîtrise fédérale de maître maçon. En 2003, il est entré au service de l’entreprise E._ SA et occupe aujourd’hui la fonction de chef de chantier. Son salaire s’élève à 10'000 fr. par mois, net, treize fois l’an. En 1980, il a épousé [...], avec laquelle il a eu deux enfants nés en 1980 et 1982, financièrement indépendants. En 2000 ou 2001, il a divorcé et été astreint à verser une pension de 1'100 fr. par mois à son ex-épouse jusqu’à ce que cette dernière atteigne l’âge AVS, soit pendant environ cinq ans encore. Il vit à Ropraz dans un appartement en PPE qu'il a acheté pour 525'000 fr., avec une dette hypothécaire de 410'000 francs. Il partage cet appartement avec son amie. Les charges mensuelles se montent à 2'000 fr. par mois environ. Son amie gagne 3'000 fr. par mois, net, et ne participe pas aux charges de l'appartement. H._ paye 550 fr. par mois pour son assurance maladie et 1'500 fr. pour ses acomptes d’impôts. Il dispose d'économies à hauteur de 15'000 fr. sur un compte épargne. Hormis la dette hypothécaire, il n'a pas de dettes.
Selon B._, patron de la société [...], H._ a de très bonnes connaissances professionnelles et se montre très prudent.
Le casier judiciaire de H._ est vierge.
1.2
Le prévenu R._ est né le 22 mai 1951 à Vérone (Italie). Cadet d'une famille de deux enfants, il a grandi à Thonon-les-Bains (France), où il a suivi sa scolarité obligatoire. A l’issue de celle-ci, il a obtenu le brevet d'études du premier cycle du second degré (BEPC), puis il a travaillé comme maçon dès l’âge de 16 ans et demi. Dans les années 1970, il a été frontalier à Genève. En 1989, il est entré au service de l’entreprise [...], qui est devenue [...]. Pendant les dix dernières années qui ont précédé sa retraite, il a occupé la fonction de contremaître chez [...]. Depuis le 1
er
juin 2011, il est retraité et perçoit une rente de 5'350 fr. net par mois, qui lui sera versée jusqu'à l'âge de 65 ans. En 1992, il a épousé [...]. Il n'a pas d’enfants. Son épouse est également retraitée et reçoit une rente de 1'800 fr. par mois. Il vit à Saint-Germain-du-Bois, en Saône-et-Loire (France), dans une maison dont il est propriétaire avec son épouse et qu'il a payée 180'000 euros. La dette hypothécaire s’élève à 160'000 francs. Les différentes charges se montent à 2'600 fr. par mois. R._ a une assurance maladie privée qui lui coûte 230 euros par mois. Il paie des acomptes mensuels d’impôt de 550 euros. Il n'a pas d'autres biens que sa maison et n'a pas d'autre dette que la dette hypothécaire. Tous les mois, il paye 400 euros pour sa mère qui est dans un établissement médico-social en France.
Le casier judiciaire de R._ est vierge.
1.3
Le prévenu D._ est né le 4 décembre 1968 à Avion, dans le Pas-de-Calais (France). Ressortissant français, il est le deuxième d’une famille de cinq enfants. Après sa scolarité obligatoire, il a tenté d’obtenir un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) et un brevet d'études professionnelles (BEP) de mécanique générale, puis il est parti à Paris, où il a travaillé dans le génie climatique pendant trois ans environ. Il a ensuite déménagé et s'est établi dans le Doubs en 1990. Il a d'abord travaillé comme aide-maçon, puis comme maçon chez [...] à Pontarlier. Entre 2002 et 2003, il a été employé chez [...] à Tolochenaz. En mai 2003, il est entré au service de [...], d’abord comme intérimaire jusqu’en octobre 2004, puis comme maçon au bénéfice d’un contrat fixe. Il travaille toujours dans cette entreprise et a gagné 5'641 fr. par mois, net, en 2010. En 2011, il a eu une augmentation d’une soixantaine de francs, brut. Le 4 décembre 1993, il a épousé [...], avec laquelle il a eu trois enfants nés en 1995, 1999 et 2003. Compte tenu de leur âge, ses enfants sont toujours à sa charge. Son épouse travaille comme maman de jour et gagne en moyenne entre 800 et 900 euros par mois. Il vit à La Cluse-et-Mijoux, dans une maison dont il est propriétaire et qu'il a payée 220'000 euros. Il a une dette hypothécaire de 244'000 francs. Les charges s’élèvent à 1'700 euros environ. D._ n'a pas d'autres biens. Outre la dette hypothécaire, il a une dette de 16'512 euros pour sa voiture et la rembourse par des versements mensuels de 462 euros. Il est au bénéfice d'une assurance maladie frontalière de 150 euros et paie 110 euros par mois à titre d’acompte d’impôts.
Le casier judiciaire de D._ mentionne une condamnation :
- 18 novembre 2004, Juge d'instruction du Nord vaudois, trois jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans et 700 fr. d'amende pour ivresse au volant.
1.4
Le prévenu L._ est né le 12 novembre 1951 à Suzannecourt (Haute-Marne, France). Ressortissant français, il est le dernier d’une famille de neuf enfants. Il a grandi en Haute-Marne et fréquenté l'école primaire jusqu'à l'âge de 14 ans, époque à laquelle il a commencé un apprentissage de peintre. Ensuite, il a travaillé comme vendeur pendant deux ans, puis comme aide-maçon. En 1974, il est venu en Suisse comme maçon non confirmé, car il n’avait pas le diplôme. De 1974 à 1979, il a travaillé chez [...] à Orbe, puis de 1979 à 1996 chez [...] à Baulmes. Pendant cette période, il a obtenu le permis de grutier, soit en 1989, et celui de machiniste. Entre 1996 à 2000, il a travaillé dans l'entreprise [...] à Grandson. De 2000 à 2005, il a été au service de [...], aux Geneveys-sur-Coffrane. En 2005, après une période de chômage de quatre mois, il été engagé comme intérimaire chez [...]. Depuis 2005, il a été placé comme grutier-machiniste intérimaire en "payrolling", c'est-à-dire pour une très longue durée, chez [...] et gagnait entre 4'200 et 4'600 fr. par mois, net, en fonction des heures effectuées. Il est actuellement en pré-retraite et ses revenus n'ont pas changé. En 1976, il a épousé [...], avec laquelle il a eu deux enfants nés en 1975 et 1979, financièrement indépendants. Son épouse n’a pas d’activité lucrative. Le couple vit à Doubs, dans un appartement dont L._ est propriétaire et qu'il a payé 178'000 euros. L'appartement est franc d'hypothèque. Le prévenu n'est pas en mesure de chiffrer les charges mensuelles de ce logement. Il ne connaît pas davantage le montant de son assurance maladie frontalière et celui des acomptes d’impôts, expliquant que les comptes sont tenus par son épouse. Il dispose de quelques économies, qu'il estime à 20'000 euros environ. Il n'a pas de dette.
Au dire de Z._, chef d'équipe de L._, ce dernier effectue un très bon travail. L._ est prudent. Lorsqu'il constate un danger, il le lui signale.
Le casier judiciaire de L._ est vierge.
1.5
Ressortissant français, A.F._ est né le 13 décembre 1953 à Pontarlier. Il est décédé le 18 octobre 2007 au Brassus, dans l'accident de chantier dont il sera question ci-dessous. Il avait perdu son épouse quelques semaines avant l'accident, le 28 août 2007. Lors de l'accident qui lui a coûté la vie, il travaillait comme maçon intérimaire de longue durée pour l'entreprise [...] sur le chantier de la nouvelle usine I._ au Brassus. Selon les témoignages, c'était un très bon maçon. Il avait de grandes compétences et beaucoup d'expérience. Au dire de B._, il aurait pu devenir chef d'équipe. Il avait noué des liens d'amitié avec le prévenu D._, chez lequel il avait encore soupé la veille de l'accident.
1.6
La partie civile A.K._ est la fille de feu A.F._ et l'épouse de [...] depuis 2008. Née le 22 avril 1976, elle est la mère de deux enfants, [...], né le 22 février 2004, et [...], née le 3 septembre 2007. Cinq jours après le mariage, son époux a été victime d'un accident vasculaire cérébral qui a laissé des séquelles importantes au niveau de la mobilité. Après le décès de sa mère le 28 août 2007, A.K._ est tombée en dépression, maladie qui s'est aggravée après le décès de son père le 18 octobre 2007. Elle a suivi un traitement antidépresseur et anxiolytique de fin 2007 à début 2011 sous le contrôle du Dr [...] à Pontarlier. A fin 2007, elle a fait un tentamen. Son fils [...] a lui aussi été très affecté par la mort de son grand-père.
2.
2.1
Le 5 juin 2007, un contrat d'association pour entreprises de construction a été signé sous le nom de Consortium I._ entre l'entreprise E._ SA et l'entreprise [...] SA en vue de la construction de la nouvelle usine I._ au Brassus. Il s'agissait d'une importante commande qui portait sur plus 5 millions de francs. Le maître de l'ouvrage était la Manufacture I._. Chacune des deux entreprises participaient au consortium à raison de 50 %. L'entreprise pilote était E._ SA. La direction technique avait été confiée au prévenu H._, de l'entreprise E._ SA, alors que la direction commerciale avait été confiée à [...], de la société [...]. Le suppléant de [...] était B._. La commande a été confirmée le 23 avril 2007 et les travaux ont débuté dans le courant du printemps 2007.
H._ était donc le chef de chantier et le responsable technique. Son suppléant était J._.
La direction du chantier, quant à elle, était assurée par le contremaître R._, de l'entreprise [...]. Le prévenu avait une cinquantaine de personnes sous ses ordres.
D._ était chef d'équipe d'un groupe constitué de lui-même, du maçon A.F._ et du manœuvre V._. Il arrivait parfois que le centraliste M._ quitte sa centrale à béton pour venir leur donner un coup de main. Le rôle de D._ était d’une part de trier, au sol, les éléments préfabriqués en béton qui devaient être assemblés pour constituer les murs de la future usine, d’autre part de les réceptionner à leur emplacement final, sous la dalle, où ils étaient boulonnés par le haut, après avoir été amenés par la grue. Ils étaient livrés par camions, déchargés et entreposés en désordre verticalement au sol, en principe sur des peignes. Ils étaient de tailles diverses, mais mesuraient pour la plupart 4 mètres 52 de long, 1 mètres 30 de hauteur et 15 centimètres de largeur environ, pour un poids de l'ordre de 2 tonnes.
Le grutier L._ était chargé d'acheminer les éléments préfabriqués de leur lieu d'entreposage à leur emplacement final, ou du lieu d'entreposage au sol à un stock constitué sur la dalle du bâtiment en construction. Il pouvait être appelé à effectuer d'autres transports, au gré des demandes. Il communiquait avec ses collègues par signes ou par talkie-walkie.
2.2
Le chantier I._ était un chantier difficile. La soumission avait été sous-évaluée en ce sens qu'il manquait les quantités effectives pour réaliser l'ouvrage. En raison de cet élément et de la situation géographique du chantier, exposé à 1'000 mètres d'altitude à l'arrivée précoce de l'hiver, une certaine pression s'était exercée et il avait même fallu travailler quelques samedis. Le chantier I._ était particulier également dans la mesure où les éléments préfabriqués en béton, qui constituaient les murs de la future usine, étaient suspendus et fixés sous la dalle après que celle-ci avait été construite. Habituellement, la construction se fait depuis le bas vers le haut et non du haut vers le bas.
Le processus de transport et de mise en place des éléments préfabriqués en béton avait été imaginé par le chef de chantier H._. Pour déplacer les éléments, il avait conçu et fait construire un châssis en métal, appelé fourche de transport. Ce châssis devait venir chercher l'élément préfabriqué au moyen de la grue sur le peigne où il était entreposé. Il devait ensuite l'amener à l'endroit de la pose définitive, sous la dalle à laquelle il devait être suspendu et boulonné, après être descendu entre l'échafaudage et le corps du bâtiment en construction, et après avoir été poussé à l'horizontale à l'intérieur du bâtiment. L'usage d'un châssis de transport était nécessaire, car il n'était pas possible de suspendre l'élément préfabriqué directement au câble de la grue et de le glisser à l'intérieur du bâtiment en vue de le fixer au plafond. Le câble de levage aurait buté contre l'ossature du bâtiment et aurait empêché la manœuvre.
Le châssis métallique conçu par H._ mesurait 2 mètres de longueur et 2 mètres 40 de hauteur. Il reposait sur quatre pieds d'une longueur de 36 centimètres, qui constituaient la fourche destinée à venir soulever les éléments préfabriqués. Son poids était de 500 kilos environ. Sa verticalité en charge était assurée par deux lourds contrepoids disposés de chaque côté. Pour verrouiller l'élément pendant le transport, deux tubes métalliques étaient glissés verticalement dans des trous prévus à cet effet à l'extrémité des pieds de la fourche et maintenaient l'élément plaqué en position verticale contre le châssis. Sous la dalle, deux personnes devaient réceptionner l’élément préfabriqué et le pousser pour le mettre en position d’être fixé. Une troisième personne était sur la dalle et serrait les écrous sur les boulons. Lorsque cet élément était posé, la grue allait en chercher un autre avec le châssis.
Cette méthode de travail visait à la fois un but technique et un but de sécurité. En effet, la fourche présentait un danger manifeste de chute si elle était posée verticalement sans être appuyée contre un élément fixe ou sans être suspendue à une grue et c'est pour cette raison que H._ avait défini une procédure selon laquelle la fourche, suspendue à la grue et donc assurée, devait aller chercher l'élément préfabriqué – jamais l'inverse – pour se glisser sous celui-ci avant que des barres d'assurage ne soient insérées. Le système imaginé par le chef de chantier impliquait aussi que les éléments préfabriqués devaient être suffisamment espacés sur le peigne pour que les tubes destinés à l'assurage puissent être introduits. L'entreprise qui fournissait les éléments préfabriqués avait également fourni lors de sa première livraison les peignes permettant de les stocker verticalement sur le chantier. Ce système de stockage était composé d'un affût triangulaire muni à intervalle de 20 centimètres de barres horizontales en hauteur et d'une poutre indépendante posée au sol. L'élément préfabriqué était posé verticalement à une de ses extrémités sur la base de l'affût et à l'autre sur la poutre (P. 139).
H._ a personnellement testé le système le 19 septembre 2007 sur le chantier, lors de la première livraison d’éléments préfabriqués. Il avait vérifié que la mise en place des tubes de sécurité impliquait que les éléments n'occupent qu'un espace sur deux délimité par les dents du peigne. Deux personnes l'ont assisté à cette occasion. Le grutier alors en service n’était pas L._. Auparavant, H._ avait fait des essais au dépôt avec des éléments qui n’avaient pas la même forme, mais dont le poids était similaire. Ces tests ont été réalisés dans des conditions idéales, forcément non identiques à celles d'un chantier.
Avant de partir en vacances du lundi 24 au samedi 29 septembre 2007, H._ a donné une formation d'environ trois demi-journées au chef d’équipe Q._ sur la façon de procéder pour le transport et la mise en place des éléments préfabriqués au moyen de la fourche. Il a insisté sur le fait que c’est la fourche qui devait aller chercher l’élément, et non l’élément qui devait aller à la fourche. Il a également insisté sur le fait que le châssis devait être couché s’il n’était pas accroché à la grue, pour des raisons évidentes d’instabilité. Il y avait certes deux grues sur le chantier, mais il était impossible de suspendre le châssis à l’une des grues et de transporter les éléments préfabriqués en direction du châssis avec l’autre grue à cause du risque de heurt des câbles et des bras des grues.
Le 20 septembre 2007, avant son départ en vacances, H._ a encore donné ses instructions à son suppléant J._, en présence du contremaître R._, qui était le numéro un sur le chantier après H._.
Pendant les vacances de H._, Q._ a eu un problème de santé et a été remplacé par D._. Celui-ci a commencé son activité le 27 septembre 2007. Il semble qu'il a été instruit par J._. Il a également été instruit par H._ le 10 octobre 2007, après le retour de vacances de ce dernier. Selon le souvenir de D._, la formation que lui a donnée H._ a duré une heure environ, pendant laquelle les questions de sécurité n'ont pas été évoquées.
La date exacte à laquelle le transport des éléments préfabriqués a commencé n'a pas pu être déterminée. Selon H._, la pose des éléments avait débuté une quinzaine de jours avant le 18 octobre 2007, soit au début octobre 2007. Selon V._, elle avait commencé à la mi-octobre 2007. Aux débats de première instance, il a été admis généralement que les travaux de pose duraient déjà depuis quatre jours environ lorsque l'accident du 18 octobre 2007 s'est produit.
2.3
Un ingénieur de sécurité de la SUVA, P._, a fait un contrôle inopiné sur le chantier le 9 octobre 2007. Il a procédé à un contrôle de la sécurité en général, selon son appréciation et son expérience, et ne s'est pas occupé de la manière dont les éléments préfabriqués étaient transportés et mis en place. Selon son souvenir, il n’y avait pas de transport d’éléments le jour de son passage. P._ s'est principalement attaché aux risques de chute à plusieurs endroits sur le chantier. Il avait été frappé par l’espace de 60 cm entre les échafaudages et les bâtiments, qui était certes destiné au passage des éléments préfabriqués suspendus à la grue, mais qui augmentait le risque de chute. Il a constaté quelques lacunes et les a signalées à la direction des travaux. Ce n'est qu'après l’accident qu'il a appris la façon dont l'entreprise procédait pour le transport et la mise en place des éléments préfabriqués.
2.4
Chargé de la mise en place des éléments préfabriqués avec son groupe composé de A.F._ et V._, le chef d'équipe D._ a constaté que la méthode élaborée par H._ ne fonctionnait pas. Après avoir été déchargés par la grue de l'entreprise de construction des camions qui les avaient livrés, les éléments préfabriqués avaient été entreposés de façon trop serrée sur les peignes. Si la fourche suspendue à la grue pouvait venir les chercher, il était en revanche impossible de les assurer au moyen des deux tubes glissés verticalement à l'extrémité des pieds de la fourche. De plus, des préfabriqués livrés avaient été stockés un peu partout, non pas seulement sur les peignes, mais posés aussi sur des carrelets ou sur le sol. Sans en référer au chef de chantier H._, D._ a informé R._ du problème rencontré et, ce dernier lui a demandé de lui proposer une solution. D._ lui a alors fait part de la méthode qu'il avait imaginée avec A.F._ et V._. Il s'agissait de déplacer les éléments préfabriqués au moyen d’élingues et de les mettre à un second endroit, sur la dalle du parking, sur des carrelets. De cet emplacement, l'équipe venait les emporter avec le châssis pour les fixer à leur emplacement définitif. Lorsque les travaux ont commencé au dernier étage du bâtiment C, entre le 14 et le 17 octobre 2007, D._ a décidé de constituer un stock d'éléments directement sur le toit, soit trois ou quatre pièces, dans un souci de simplification, mais surtout parce que les carrelets de dix centimètres de côté sur lesquels certains éléments avaient été disposés ne permettaient pas facilement le passage des dents de la fourche, à tel point qu'il fallait parfois faire usage d'une barre à mine pour la mettre en place. Ensuite D._ montait et aidait les autres ouvriers à poser les éléments sur le châssis, puis à les fixer sous la dalle. Le transport de l'élément devait toujours se faire à deux personnes, plus le grutier. Pour la fixation définitive de l'élément sous la dalle, il fallait trois personnes. Deux hommes se tenaient sous la dalle et guidaient l'élément pour que les écrous pris dans le béton de l'élément préfabriqué s'enfilent dans les trous de la dalle, pendant qu'un homme attendait sur la dalle et boulonnait les écrous lorsqu'ils avaient traversé la dalle.
D._ avait toujours insisté sur le fait qu'il fallait être trois pour poser l'élément. En revanche, il n'avait pas insisté sur le fait que le châssis, lorsqu'il n’était pas utilisé, devait être soit couché, soit posé. D'ailleurs, sa procédure elle-même impliquait que le châssis soit déposé au sol sans être suspendu à la grue et sans être assuré d'une autre manière. Cette façon de faire présentait donc un risque évident de basculement de la fourche.
R._ a confirmé que D._ lui avait parlé du problème de transport des éléments préfabriqués et lui avait exposé la solution imaginée par l'équipe après lui avoir demandé de trouver une solution. R._ savait que D._ avait modifié la méthode de transport. Le contremaître avait bien compris que les éléments étaient amenés sur la dalle, puis posés sur le châssis. Pour lui, cette procédure supposait impérativement la présence de deux personnes pour recevoir et poser l'élément sur le châssis. R._ connaissait les deux méthodes et n'a jamais discuté avec H._ de la méthode proposée par D._, en remplacement de celle prévue initialement ainsi que des questions de sécurité liées à cette nouvelle procédure.
H._ n'a pas été mis au courant du changement de procédure de transport et de mise en place des éléments préfabriqués. Il dit ne l'avoir appris qu'après l'accident. Il a soutenu que s'il avait été mis au courant des difficultés d'enlèvement des éléments rencontrées par l'équipe de montage, il aurait demandé d'espacer les éléments entre eux, opération qui pouvait être faite au moment de la livraison. De plus, s'agissant toujours des difficultés d'enlèvement des éléments, il a également précisé qu'il aurait suffi de déposer les éléments sur des carrelets plus épais. Toutefois, H._ montait trois fois par semaine sur le chantier et sur celui-ci les éléments préfabriqués n'étaient pas entreposés de la manière préconisée. Comme le montrent notamment les photos réalisées le 19 octobre 2007, ils étaient au contraire posés de façon très rapprochée et pas nécessairement sur des peignes, ce qui ne permettait pas d'introduire les barres de sécurité et n'assurait pas non plus forcément l'espacement nécessaire au passage des dents de la fourche. Compte tenu des multiples tâches qui lui incombaient et malgré le fait que ces éléments aient nécessairement occupé son champ de vision, il a expliqué ne pas avoir prêté une attention particulière aux éléments préfabriqués disposés dans le désordre un peu partout, soit dans la cour intérieure, aux abords de l'immeuble à proximité des baraquements de chantier et sur la dalle supérieure.
En définitive, l'équipe dirigée par D._, composée de celui-ci, de la victime A.F._, de l'ouvrier V._ et occasionnellement de M._, avec le concours du grutier L._, a pratiqué la nouvelle procédure qui consistait, au moins dans la majorité des cas, c'est-à-dire deux manœuvres sur trois, à ce que la grue manœuvrée par L._ soulève depuis le sol les éléments préfabriqués pour les amener et les poser directement sur la fourche dressée verticalement – sans aucun assurage – sur la dalle de l'immeuble en construction.
3.
3.1
Le jeudi 18 octobre 2007, à 14 h 40, un accident mortel s'est produit sur le chantier de la nouvelle usine I._ au Brassus.
En début d'après-midi, trois éléments préfabriqués en béton avaient été montés et stockés sur la dalle supérieure en vue de leur fixation définitive à la structure du bâtiment, selon le procédé mis au point par l'équipe de D._ et exposé ci-dessus. D._ se tenait au sol et venait d'arrimer un quatrième élément, le dernier de la journée, aux élingues de la grue. A.F._ se trouvait sur la dalle, prêt à recevoir l'élément. V._ était également sur la dalle, mais il était occupé à trouer des réserves.
Lorsque le quatrième élément est arrivé sur la dalle, suspendu aux élingues de la grue, A.F._ a fait signe au grutier L._ de le déposer directement sur le châssis, qui était debout, au lieu de l'adjoindre au stock qui venait d'être constitué. Le manœuvre V._, qui se trouvait à proximité, a proposé deux fois son aide à A.F._, qui l'a refusée. A.F._ a donc réceptionné seul l'élément préfabriqué. A.F._ se tenait sur l'un des côtés du châssis. Il a entrepris de stabiliser l'élément en béton quand celui-ci s'est trouvé à quelques centimètres du châssis, puis il s'est déplacé derrière le châssis, du côté opposé aux pieds de la fourche. Soudain, le châssis a commencé à basculer du côté de A.F._. Celui-ci a tenté de le retenir. Constatant que c'était impossible, il a cherché à fuir, mais il n'en a pas eu le temps. Continuant à verser, le châssis l'a heurté à la tête et fait tomber à terre, où il l'a écrasé aux membres inférieurs. A.F._ a subi de graves lésions à la tête, sans que l'on puisse dire si elles ont été provoquées par le châssis ou par les écrous d'une dizaine de centimètres dressés sur la dalle, sur lesquels il est tombé. Quoi qu'il en soit, A.F._ est décédé aussitôt. Son casque a été abîmé et éjecté. L'alarme a été donnée par le grutier L._.
3.2
Le corps de A.F._ a été soumis à un examen externe à l'Institut universitaire de médecine légale de Lausanne. Dans un rapport du 14 novembre 2007, les docteurs B. Horisberger et M. Lesta ont constaté de graves lésions traumatiques cranio-cérébrales susceptibles d'avoir causé la mort dans le cadre de l'accident tel qu'il est décrit. Ils n'ont mis en évidence aucun élément parlant en faveur d'une autre hypothèse. Le dosage de l'alcool effectué sur un échantillon de sang a révélé un taux de 0,18 g ‰.
3.3
[...], sœur de A.F._, s'est constituée partie civile le 25 octobre 2007, puis a renoncé à toute conclusion civile.
A.K._ et [...], toutes deux filles de A.F._, se sont constituées parties civiles le 21 novembre 2007. G._ a renoncé à toute conclusion civile.
D.
1.
Au cours des débats d'appel, le 3 mai 2012, la Cour de céans s'est déplacée dans les locaux de l'entreprise E._ SA et a procédé à l'inspection du châssis qui a écrasé la victime ainsi qu'à une démonstration de son utilisation. Les membres de la Cour de céans ont constaté, chacun individuellement, qu'une poussée de l'avant-bras sans raidir l'épaule suffisait à amorcer un mouvement de bascule. Ils ont également testé l'instabilité du châssis soumis à des poussées du bras à des hauteurs de 122, 150 et 170 centimètres et ont constaté que le point de bascule était plus facilement atteint lorsque la poussée s'exerçait à la hauteur maximale.
2.
Aux débats d'appel, D._ a renouvelé sa requête d'instruction relative à l'audition comme témoin de B._ et L._ a requis la suspension de l'instruction pour que soit ordonnée et réalisée une expertise tendant à montrer la force nécessaire pour faire basculer le châssis en fonction de la hauteur du point de poussée.
La Cour a rejeté ces requêtes, le témoin ayant déjà été entendu et l'instabilité de la fourche étant admise par son concepteur au vu du mode d'emploi qu'il avait préconisé, établie par le déroulement de l'accident et vérifiée encore par inspection.
3.
Aux débats d'appel, A.K._ a spontanément réduit les conclusions de son appel, abandonnant irrévocablement les postes du tort moral et des frais funéraires. En revanche, elle a maintenu sa conclusion en remboursement de ses frais d'avocat à hauteur de 14'313 fr. 05. | En droit :
1.
1.1
D'après l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la notification du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit.
La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Aux termes de l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci. S'agissant plus particulièrement de la partie plaignante, sa qualité pour recourir n'existe pas uniquement par rapport à la question civile; au pénal, elle est cependant limitée, la partie plaignante ne pouvant pas recourir sur la question de la peine ou de la mesure (al. 2). La sanction prononcée relève en effet des prérogatives du seul ministère public et elle n'influe généralement pas sur le sort des prétentions civiles. La partie plaignante est ainsi admise à recourir contre un jugement pénal en particulier sur la culpabilité qui peut constituer, le cas échéant, un élément déterminant pour l'appréciation de ses prétentions civiles. La partie plaignante n'est en effet pas tenue de faire valoir ces dernières dans le procès pénal et peut agir dans un procès civil séparé; elle a dès lors un intérêt à pouvoir recourir, au pénal, sur la question de la faute (Calame, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 11 ad art. 382 CPP).
1.2
En l’occurrence, interjetés dans les formes et délais légaux par des parties ayant qualité recourir (art. 381 al. 1 et 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels interjetés par le Ministère public central et par A.K._ sont recevables. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
3.
Le Ministère public soutient que H._, R._, D._ et L._ se sont rendus coupables d'homicide par négligence.
3.1
Celui qui par négligence, aura causé la mort d'une personne sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans ou plus ou d'une peine pécuniaire (art. 117 CP).
L'homicide par négligence suppose la réalisation de trois conditions: le décès d'une personne, une négligence et un lien de causalité naturelle et adéquate entre ces deux éléments (ATF 127 IV 34 c. 2a, ATF 122 IV 145 c. 3).
3.1.1
L'infraction est consommée par la mort de la victime, qui constitue le résultat typique incriminé par l'art. 117 CP (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénale, Bâle 2012, n. 7 ad art. 117 CP et les références citées).
Cette condition est réalisée, A.F._ ayant perdu la vie suite à l'accident survenu sur le chantier I._.
3.1.2
Pour qu'il y ait négligence, au sens de l'art. 12 al. 3 CP, deux conditions doivent être remplies. En premier lieu, il faut que l'auteur ait violé les règles de la prudence, c'est-à-dire le devoir général de diligence institué par la loi pénale, qui interdit de mettre en danger les biens d'autrui pénalement protégés contre les atteintes involontaires (ATF 134 IV 255 c. 4.2.3). L'auteur viole les règles de la prudence s'il omet, alors qu'il occupe une position de garant (art. 11 al. 2 et 3 CP) et que le risque dont il doit empêcher la réalisation vient à dépasser la limite de l'admissible, d'accomplir une action dont il devrait se rendre compte, de par ses connaissances et aptitude personnelles, qu'elle est nécessaire pour éviter un dommage (cf. ATF 136 IV 76 c. 2.3.1, ATF 135 IV 56 c. 2.1). Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut donc se demander si une personne raisonnable dans la même situation et avec les mêmes aptitudes que l'auteur pouvait prévoir, dans les grandes lignes, le déroulement des événements – question qui s'examine suivant la théorie de la causalité adéquate si l'auteur n'est pas un expert dont on pouvait attendre de meilleures prévisions – et, le cas échéant, quelles mesures cette personne pouvait prendre, compte tenu des connaissances qu'elle pouvait avoir au moment des faits, pour éviter la survenance du résultat (
ATF 134 IV 255 c. 4.2.3 et les arrêts cités). Dans les domaines d'activités régis par des dispositions légales, administratives ou associatives reconnues, destinées à assurer la sécurité et à éviter des accidents, le devoir de prudence comprend en particulier le respect de ces dispositions. La violation du devoir de prudence peut toutefois aussi être déduite des principes généraux, si aucune règle spéciale de sécurité n'a été violée (
ATF 135 IV 56 c. 2.1). En second lieu, pour qu'il y ait négligence, il faut que la violation du devoir de prudence soit fautive, c'est-à-dire que l'on puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 134 IV 255 c. 4.2.3).
L'art. 117 CP sanctionne une infraction de résultat qui suppose en général une action qui soit à l'origine du décès de la victime. On admet toutefois qu'il peut être commis par omission à la condition que l'auteur ait une obligation d'agir découlant d'une position de garant (ATF 129 IV 119 c. 2.2 et les références citées). La jurisprudence et la doctrine caractérisent le devoir juridique spécial d'agir comme relevant soit de la protection d'autrui, soit de la surveillance d'une source de danger ou d'une personne. Selon le Tribunal fédéral, on peut distinguer deux types d'obligations d'agir, le devoir de protection, soit celui de garder et de défendre des biens juridiques déterminés contre les dangers inconnus qui peuvent les menacer, et le devoir de contrôle, consistant à empêcher la survenance de risques connus auxquels des biens indéterminés sont exposés (ATF 129 IV 119, c. 2.2; U. Cassani, in: Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 22 ad art. 11 CP et les références citées).
La distinction entre l'omission et la commission n'est cependant pas toujours facile à faire et on peut souvent se demander s'il faut reprocher à l'auteur d'avoir agi comme il ne devait pas le faire ou d'avoir omis d'agir comme il devait le faire (ATF 129 IV 119 c. 2.2 et les références citées). Pour apprécier dans les cas limites si un comportement constitue un acte ou un le défaut d'accomplissement d'un acte, il faut s'inspirer du principe de la subsidiarité et retenir un délit de commission chaque fois que l'on peut imputer à l'auteur un comportement actif (ATF 129 IV 119 c. 2.2 et les références citées).
3.1.3
Enfin, il doit exister un rapport de causalité naturelle et adéquate entre le comportement que l'on reproche à l'auteur et la mort de la victime.
Un comportement est la cause naturelle d'un résultat s'il en constitue l'une des conditions sine qua non. Selon la jurisprudence, il y a causalité adéquate lorsque l'acte incriminé est propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 131 IV 145 c. 5.1; ATF 127 IV 62 c. 2d; ATF 126 IV 13 c. 7a/bb et les arrêts cités).
Face à une infraction de commission par omission où l'on reproche à l'auteur son inaction fautive, la problématique du lien de causalité entre l'omission et le résultat dommageable se pose sous un angle quelque peu différent. Dans ce contexte, il faut être à même de mettre en exergue un lien de causalité hypothétique entre le comportement que l'auteur aurait dû adopter et le résultat typique. Il s'agit d'établir avec un degré de vraisemblance confinant à la certitude, que l'accomplissement de ce que l'auteur a omis d'exécuter contrairement aux devoirs qui lui incombaient aurait permis d'éviter la survenance du résultat, conformément à la théorie de la vraisemblance (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 12 ad art. 117 CP et les références citées).
La causalité adéquate peut cependant être exclue si une autre cause concomitante – par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers – constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Encore faut-il que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement de l'auteur (ATF 127 IV 62 c. 2d; ATF 126 IV 13 c. 7a/bb; ATF 122 IV 17 c. 2c/bb; ATF 121 IV 207 c. 2a).
3.2
En ce qui concerne H._, chef de chantier et concepteur de la fourche, les premiers juges ont considéré qu'il n'avait pas à répondre du fait que la procédure de pose sécurisée qu'il avait élaborée n'avait pas été respectée. A cet égard, ils ont relevé qu'il n'avait pas été informé du changement adopté, qu'il ne pouvait pas se douter et n'avait pas à réaliser que sa propre procédure n'était plus applicable du fait du manque d'intervalle entre les éléments préfabriqués ultérieurement livrés et déposés sur des peignes. Les premiers juges ont également considéré que la nouvelle procédure n'était pas dangereuse si des règles élémentaires de prudence, connues de tous, étaient respectées, faisant ainsi manifestement référence à la manœuvre à deux et au positionnement à l'opposé du côté basculant du châssis.
Dans son appel, le Ministère public reproche à H._ de ne pas avoir immédiatement adapté sa procédure d'utilisation de la fourche alors qu'il a pu constater qu'elle n'était pas applicable en raison de l'entreposage chaotique au sol des éléments préfabriqués. L'appelant soutient également que le chef de chantier devait être d'autant plus vigilant que la manipulation était potentiellement dangereuse et que le chef d'équipe remplaçant n'avait reçu qu'une formation sommaire.
3.2.1
En qualité de cadre représentant de l'employeur, H._ était tenu du devoir de prudence exprimé sous la forme du principe général de l'art. 82 al. 1 LAA (loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'assurance-accidents, RS 832.20), soit prendre, pour prévenir les accidents professionnels, toutes les mesures dont l'expérience a démontré la nécessité, que l'état de la technique permet d'appliquer et qui sont adaptées aux conditions données. Plus précisément, il devait veiller à ce que l'efficacité des mesures et des installations de protection ne soit pas entravée (art. 3 al. 2 OPA [ordonnance du 19 décembre 1983 sur la prévention des accidents et maladie professionnels, RS 832.30]), ce qui impliquait l'adaptation des mesures de protection aux nouvelles conditions induites notamment par de nouveaux procédés ou installations (art. 3 al. 3 OPA). Il devait encore veiller à ce que les travailleurs soient informés des risques auxquels ils étaient exposés dans l'exercice de leur activité et instruits des mesures à prendre pour les prévenir, cette information et cette instruction devant être dispensées lors de l'entrée en service, à chaque modification importante des conditions de travail (art. 6 al. 3 OPA) et ne confier des travaux comportant des dangers particuliers qu'à des travailleurs formés à cet effet (art. 8 al. 1 OPA).
Le règlement vaudois de prévention des accidents dus aux chantiers (RPAC, RSV 819.31.1), applicable en matière de sécurité au travail dès lors qu'il contient des dispositions plus exigeantes ou plus détaillées que celles du droit fédéral (art. 1 al. 4 RPAC), prescrit notamment l'étude des projets, plans d'exécution, moyens de réalisation des ouvrages, installations de chantier et autres aménagements de manière à permettre l'application de toutes les mesures de sécurité (art. 3 al. 1 RPAC), ainsi que la conception et la réalisation des installations de chantier, du transport, du chargement, du déchargement et de l'entreposage des matériaux de manière à ne pas compromettre la sécurité (art. 9 al. 1 RPAC).
En ce qui concerne spécifiquement le transport et l'entreposage, l'art. 41 al. 1 OPA énonce, comme règle de prudence, que les objets et matériaux doivent être transportés et entreposés de façon qu'ils ne puissent pas se renverser, tomber ou glisser et par là constituer un danger.
Comme responsable de chantier, H._ devait aussi veiller au respect de l'art. 6 de l'ordonnance sur les conditions de sécurité régissant l'utilisation des grues (ordonnance sur les grues, RS 832.312.15) qui prévoit à son alinéa 1 que les charges doivent notamment être déposées après le levage de sorte qu'elles ne puissent pas se renverser, tomber ou glisser et par là constituer un danger.
Enfin, de manière générale, au sein d'une entreprise, les dirigeants assument, eu égard à leur position particulière, un devoir de diligence, soit l'obligation d'adopter et de mettre en œuvre les mesures de sécurité nécessaires et raisonnables, afin de prévenir la concrétisation des risques spécifiques inhérents à l'activité commerciale. De plus, selon les modalités requises par les circonstances, il leur incombe de choisir avec soin les collaborateurs, d'assurer leur instruction adéquate et d'assumer leur surveillance (Dupuis et al., op. cit., n. 22 ad art. 117 CP; Corboz, Les infractions en droit suisse, 3
ème
édition, Berne 2010, n. 22 ad art. 117 CP). La délégation de ces devoirs est acceptable dans la mesure où ils sont attribués à une personne compétente et où celle-ci a été dûment informée et surveillée (ATF 104 IV 96 c. 5, JT 1979 IV 138).
3.2.2
H._ est le concepteur de la fourche qui présente la particularité de mesurer 2 mètres 40 de hauteur, 2 mètres de longueur et de peser 500 kilos avec les contrepoids qui l'équipent. Elle repose au sol sur l'extrémité de quatre pieds ou dents perpendiculaires. La procédure d'utilisation formulée d'abord oralement, puis par écrit après l'accident (P. 6), tendait à exclure le risque de basculement induit par ses dimensions, sa masse et sa faible assise au sol, plus particulièrement du côté opposé aux pieds ce qui impliquait qu'elle ne soit détachée du câble de la grue qui la soutenait qu'une fois basculée au sol et qu'elle aille chercher les charges.
Rétrospectivement, au vu du danger particulier induit par ce châssis, on est en droit de penser que les mises en garde et leur diffusion ont été insuffisantes. Des instructions écrites, du type de celles élaborées après l'accident, ou l'installation sur la fourche d'une plaque exposant par pictogrammes les bonnes et les mauvaises manœuvres auraient été utiles et nécessaires. En effet, le personnel de chantier n'a manifestement pas suffisamment intégré que ce châssis n'était pas comparable à un crochet de grue et qu'il constituait en lui-même une charge dangereuse. Un déficit d'instruction est également à déplorer lors du remplacement de chef d'équipe, le remplaçant ne recevant qu'une heure de formation là où le remplacé avait été instruit durant trois demi journées, même si l'on ignore la proportion entre le temps consacré à la sécurité et celui afférant à la technique. De plus, l'attention de D._ n'a pas été spécifiquement attirée sur le danger de basculement dont il n'était pas assez conscient (jgt., p. 25) et qui s'est concrétisé par la suite. Toutefois, dans la mesure où l'acte d'accusation doit contenir la désignation précise des actes reprochés au prévenu (art. 325 al. 1 let. f CPP) et, qu'en l'occurrence, H._ est accusé d'homicide par négligence, d'une part, pour n'avoir pas adapté sa procédure d'utilisation de la fourche lorsqu'elle s'est avérée impraticable et, d'autres part, pour ne pas avoir vérifié comment sa procédure était respectée, mais non pour n'avoir pas suffisamment instruit à son sujet les intervenants sur le chantier, il n'est pas possible, à ce stade de la procédure, de lui reprocher un manque d'instruction.
En ce qui concerne le devoir d'adaptation, la mise en œuvre de la méthode et les essais réalisés par H._ impliquaient un espacement suffisant des éléments préfabriqués sur les peignes. A défaut, toute la procédure était dès le départ mise en échec ce qui imposait des adaptations. Or, manifestement la consigne de veiller durablement à cet espacement lors du déchargement sous peine de compromettre la suite des opérations n'a pas été donnée. Une accumulation du stock d'éléments préfabriqués s'est produite avant l'accident en raison d'une modification de l'ordre de priorité des travaux et H._ a admis qu'il n'avait pas précisément instruit le grutier sur cet aspect (jgt., pp. 11 et 20). Par la suite, le chef de chantier aurait dû réaliser lors de ses visites sur le chantier à raison de trois fois par semaine que sa procédure de travail ne pouvait être suivie en raison du resserrement des éléments sur les peignes. Toutefois, il n'en a rien vu et rien su (jgt., p. 20) faute d'y avoir prêté attention, alors que cet entreposage était bien visible (P. 104/3), de même qu'était perceptible l'insécurité induite par des éléments préfabriqués en béton non amarrés que la SUVA a relevé non dans sa première inspection du chantier en octobre (P. 64), mais lors de sa visite postérieure à l'accident (jgt., p. 7). Par ailleurs, H._ a lui-même admis, aux débats d'appel, ne pas avoir prêté attention aux éléments préfabriqués bien qu'ils entraient forcément dans son champ de vision (cf. p. 7 ci-dessus). Enfin, de façon plus large, le chef de chantier n'a pas vérifié comment sa méthode était respectée par les monteurs, alors qu'elle n'a jamais pu être appliquée par D._ (jgt., p. 25
in fine
).
Comme l'a déclaré H._, dans la méthode qu'il avait élaborée et testée et qui allait du déchargement des éléments de béton selon un entreposage précis à leur fixation dans la façade de l'immeuble, technique de pose et sécurisation des ouvriers se confondaient. Voyant que la première phase, soit le stockage des préfabriqués pour permettre leur enlèvement par la fourche n'était pas conforme à ses prévisions, il lui incombait de réagir. Il lui incombait aussi de surveiller la bonne application de sa méthode ou au moins de vérifier auprès de tiers qu'ils s'en assuraient.
En définitive, H._ a bien violé son devoir de prudence en omettant de s'assurer de la bonne application du processus qu'il avait élaboré de manière à en limiter les risques notamment d'écrasement et alors qu'il disposait d'indications visuelles lui suggérant des difficultés à la respecter rigoureusement et qu'il avait le devoir non seulement d'instruire, mais aussi de surveiller. Cette omission s'avère être fautive, comme manque blâmable d'effort, puisqu'une correction a pu être mise en place sans difficulté après l'accident. Au surplus, au vu des tâches inhérentes à la fonction de chef de chantier, H._ occupait manifestement une position de garant.
3.2.3
S'agissant du rapport de causalité hypothétique entre cette commission par omission et le décès
de A.F._, il est hautement vraisemblable, voire certain, que le basculement fatal ne se serait pas produit, si la procédure de stockage des éléments préfabriqués pour imposer leur enlèvement à partir de leur lieu de dépose avait été modifiée correctement et à temps en donnant de nouvelles instructions.
3.2.4
Enfin, il reste à examiner s'il y a eu interruption du lien de causalité en raison d'une faute commise par la victime. Les premiers juges ont considéré que le problème ne résidait pas dans la position du châssis en position verticale, non sécurisé, debout, non arrimé, mais dans la volonté de A.F._ de faire seul la manœuvre et de se placer à un endroit où il s'exposait à recevoir le châssis en cas de chute. Ils ont exclu la responsabilité pénale de l'un des prévenus, soit L._, en retenant, sans le dire expressément, mais en le qualifiant de complètement extraordinaire et d'imprévisible, que le comportement de la victime rompait le lien de causalité, sa faute ayant consisté à vouloir déposer seul l'élément en béton sur le châssis, malgré les consignes, et à se déplacer du côté basculant du châssis.
La méthode de D._ prévoyant le transport des éléments préfabriqués du sol à la dalle, qui a succédé à la méthode de H._, s'est mise en place sans que des instructions spécifiques ne soient données. Il en va de même de la réception des panneaux préfabriqués sur la dalle. Le partage du travail s'est naturellement improvisé sans que des directives ne soient émises. Ainsi, s'il fallait en principe être deux pour réceptionner ces éléments, ce n'est pas pour des motifs de sécurité, mais pour les guider avec plus de précision, plus particulièrement lors de leur arrimage en façade qui se pratiquait à trois. V._ a indiqué que c'était possible de recevoir l'élément préfabriqué en étant seul, lorsque la grue l'amenait sur la fourche, mais que c'était mieux à deux ou à plusieurs (jgt., p. 4). Toutefois, le même témoin a déclaré, contradictoirement et le cas échéant en confondant l'état d'esprit antérieur et postérieur à l'accident, que tout le monde savait que le transport ne se faisait pas seul parce que c'était dangereux (
ibidem
). Il est toutefois significatif que cet ouvrier ait demandé à la victime s'il devait l'assister lors de l'opération fatale au lieu d'intervenir d'emblée si tel était bien le prétendu automatisme acquis sur le chantier. M._ a dit qu'il fallait être deux ouvriers, disposés de côté, lors de cette manœuvre pour éviter un basculement de la fourche, tant pour guider la pièce que pour retenir la fourche qu'il était impossible de retenir seul (jgt., pp. 13 et 14). Mais, cette déposition paraît nourrie de réflexions nées après le drame, personne n'ayant le souvenir d'une consigne expresse en ce sens avant l'accident. R._ a déclaré que la victime n'aurait pas dû refuser l'aide de V._ (jgt., p. 23). D._ a dit avoir toujours insisté pour être trois lors de la manœuvre, mais a indiqué d'autre part ne pas avoir été conscient du risque de basculement de la fourche (jgt., p. 25). Enfin, L._ a confirmé qu'en principe c'était toujours deux personnes qui réceptionnaient l'élément préfabriqué lors de sa dépose sur la fourche (jgt., p. 28) et qu'on ne se plaçait jamais derrière la fourche (jgt., p. 29).
Il résulte de ces dépositions que la réception s'effectuait en principe par deux personnes placées latéralement, mais que ce mode de faire s'était instauré naturellement, probablement parce que c'est la manière de faire la plus efficace pour assurer une pose précise, plus spécialement dans la phase de fixation en façade, et sans que ce dispositif ne soit associé à la prévention d'un risque de chute et d'écrasement, donc sans qu'il s'agisse véritablement d'une règle de sécurité. Dans ces circonstances, le fait pour la victime, probablement pour gagner du temps dans le déroulement de ce chantier où des initiatives paraissaient tolérées, d'avoir voulu réceptionner à lui seul le panneau et de le guider en occupant une position frontale n'a rien d'extraordinaire, d'insensé, d'imprévisible ou d'extravaguant: travailler à deux n'était pas perçu comme une nécessité sécuritaire, mais comme indiqué techniquement et pratiquement. Se tenir du côté basculant de la fourche n'était pas perçu comme dangereux. En effet, pour ceux qui le côtoyaient, cet engin disposé verticalement n'était pas susceptible de chuter et d'écraser. A cet égard, les premiers juges ont indiqué que sur sol plat, le châssis ne pouvait tomber sans intervention extérieure et ils ont retenu l'hypothèse d'un déséquilibre provoqué par un heurt ou une poussée latérale du panneau préfabriqué. Lors de son inspection, la Cour d'appel a vérifié qu'une poussée latérale d'intensité réduite amenait au basculement. A contempler les photos du cahier photographique (P. 14) et celles produites par Me Buffat (P. 104), la dalle de béton brut présentait des aspérités. Des objets et des débris divers la parsemaient et pouvaient réduire sa planéité et donc accroître les risques d'instabilité des pieds étroits de ce châssis particulièrement élevé. Enfin, il n'est pas imprévisible qu'un ouvrier de chantier, pris par son travail, évolue librement autour des matériaux, structures de construction et engins en oubliant le cas échéant que la proximité unilatérale de l'un de ceux-ci peut être périlleuse, d'autant que le risque ne lui est pas rappelé par des instructions répétées ou des dispositifs techniques, contrairement à la cause ayant donné lieu à l'arrêt rendu le 4 avril 2011 par la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral (6B_852/2010) où la victime s'était comportée de façon imprévisible.
En définitive, contrairement à ce qui est retenu par les premiers juges, le comportement de la victime n'avait rien d'extraordinaire, ni d'exceptionnel, de sorte qu'il ne saurait reléguer à l'arrière-plan le facteur essentiel qui a contribué à l'avènement du résultat, soit le basculement accidentel de la fourche non maintenue par le câble. En conséquence, la libération fondée sur la rupture du rapport de causalité induite par la double faute de la victime ne saurait être confirmée.
3.2.5
Au vu de ce qui précède, H._ s'est rendu coupable d'homicide par négligence et l'appel du Ministère public doit être admis sur ce point en ce qui le concerne.
3.3
Quant au contremaître R._, les premiers juges ont considéré qu'on ne saurait lui être reproché de ne pas avoir pensé au risque de chute du châssis et qu'il ne devait pas non plus compter sur l'imprudence de A.F._ qui a refusé deux fois l'aide que V._ lui avait proposée et qui est allé se mettre derrière le châssis, du côté basculant. Les premiers juges ont également considéré qu'il n'était pas reprochable à R._ de ne pas avoir informé H._ du changement de procédure dans la mesure où la procédure proposée par D._ apparaissait sûre, pour autant qu'il y ait toujours deux hommes au moins pour manipuler le châssis, ce qui était la règle.
Dans son appel, le Ministère public reproche à R._, responsable de la sécurité sur le chantier dans la mesure où H._ ne s'y trouvait pas en permanence, de ne s'être absolument pas inquiété de savoir si la sécurité était garantie dans la procédure modifiée par D._ et consistant à charger sur la fourche les éléments préfabriqués avant de les mettre en place. Il soutient que s'il s'était préoccupé de cette situation, il aurait alors constaté que cette nouvelle procédure impliquait de laisser la fourche en position verticale, sans assurage, avec les risques que cela représentait, ce qui aurait dû l'amener à interdire cette façon de faire, quitte à en référer au besoin à H._.
3.3.1
Pour les personnes actives sur le chantier, les règles de prudence ressortent en particulier du devoir de collaborer à la sécurité en secondant l'employeur (art. 82 al. 3 LAA), du devoir de signaler et d'éliminer immédiatement les défauts qui compromettent la sécurité au travail (art. 11 al. 2 OPA), du devoir de transporter et d'entreposer les objets et matériaux de façon à ce qu'ils ne puissent pas se renverser, tomber ou glisser et par là constituer un danger (art. 41 al. 1 OPA), du devoir général de veiller à la sécurité et de s'abstenir de tout acte manifestement de nature à se mettre en danger soi-même ou une autre personne (art. 12 al. 1 et 2 RPAC), du devoir de signaler immédiatement à son chef toute défectuosité qu'il pourrait découvrir dans les installations ou appareils, ou toute faute, commise par une personnes susceptible de provoquer un accident (art. 13 al. 2 RPAC).
3.3.2
En l'espèce, lorsque D._ a constaté que la méthode mise en place par H._ ne fonctionnait pas, il en a correctement informé son supérieur R._. Ce dernier a demandé au chef d'équipe de lui proposer une solution, mais n'a pas discuté avec H._, concepteur de l'engin, des problèmes soulevés ainsi que des risques inhérents. Il a ensuite avalisé la solution consistant à déposer, à proximité immédiate d'ouvriers, des éléments préfabriqués sur la dalle, plus précisément sur des poutres d'où le châssis devait aller les chercher (jgt., p. 44). R._ a expliqué contradictoirement que la méthode de D._ consistait à déposer les éléments préfabriqués sur la fourche, impliquant que la fourche était debout, non assurée, (PV audition 7, p. 2) et aussi que le châssis allait chercher les éléments préfabriqués stockés sur la dalle (jgt., p. 23). Toutefois, en réalité, comme l'a expliqué le grutier L._, les deux manœuvres étaient pratiquées (jgt., p. 28), celle consistant à poser la charge de béton sur la fourche étant nettement la plus fréquente. Présent sur le chantier, R._ n'a pas émis de directives sur la nécessité impérieuse de ne pas approcher ou utiliser la fourche sans qu'elle ne soit couchée ou soutenue par le câble de la grue. De plus, il a forcément vu et réalisé que, pour gagner du temps, le châssis était, deux fois sur trois, installé debout et que les charges étaient déposées directement sur ses dents.
De manière générale, R._ qui assumait les responsabilités de chef de la sécurité sur le chantier ne s'est pas soucié de ce que la nouvelle méthode ainsi que son dérivé, soit la dépose directe sur la fourche, induisait un risque d'écrasement auquel il fallait parer. Ensuite, contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, le risque de bascule du châssis était non seulement réel, mais aussi élémentaire, car découlant de l'expérience générale en matière d'équilibre et de gravité. La structure massive de l'engin ainsi que son manque d'assise au sol impliquaient à eux seuls déjà qu'il faille prendre toutes les précautions idoines lors de son maniement, le châssis étant déjà tombé à une reprise avant l'accident et devant être stabilisé par un ouvrier lorsque le grutier le posait au sol.
En définitive, R._ a bien violé son devoir de prudence, d'une part, en omettant de veiller à la sécurité des méthodes qui étaient utilisées sur le chantier, le cas échéant en se référant à H._ comme supérieur et concepteur de l'engin et de son utilisation correcte et, d'autre part, en ne les interdisant pas dans la mesure où elles généraient un risque d'écrasement manifeste soit par le châssis, soit par le préfabriqué non assurés. Cette omission s'avère être fautive, comme manque blâmable d'effort. Au surplus, responsable de la sécurité sur le chantier, le contremaître occupait une position de garant.
3.3.3
S'agissant du rapport de causalité hypothétique entre cette commission par omission et le décès de A.F._, il est très vraisemblable, voire certain, que le basculement fatal ne serait pas produit, si R._ avait vérifié que la nouvelle procédure et son dérivé respectaient les règles élémentaires de sécurité et s'il ne les avait pas avalisées sans se référer au chef de chantier H._.
3.3.4
Enfin, il reste à examiner s'il y a eu interruption du lien de causalité en raison d'une faute commise par la victime. A cet égard, il convient de se référer intégralement au développement figurant au chiffre 3.2.4 ci-dessus et de rappeler que le comportement de la victime n'a rien eu d'extraordinaire, ni d'exceptionnel, au point de reléguer à l'arrière-plan le facteur essentiel qui a contribué à l'avènement du résultat, soit le basculement accidentel de la fourche.
3.3.5
Compte tenu de ce qui précède, R._ s'est rendu coupable d'homicide par négligence et l'appel du Ministère public doit être admis sur ce point en ce qui le concerne.
3.4
S'agissant ensuite de D._, chef d'équipe, les premiers juges ont considéré que le risque de chute latérale du châssis n'était pas reconnaissable pour lui avant l'accident et qu'il n'avait pas à compter avec le fait que A.F._ commettrait une faute grave en refusant l'aide de V._ pour placer l'élément préfabriqué sur le châssis debout et non assuré, puis en allant se mettre derrière le châssis du côté où il était le plus susceptible de verser.
Le Ministère public reproche à D._ une action, soit d'avoir mis en place une manœuvre impliquant que le châssis se retrouve en position verticale, sans assurage.
3.4.1
Le chef d'équipe D._ n'a pas respecté la procédure qui lui avait été expliquée par le chef de chantier et a mis en place un mode de faire conduisant à laisser le châssis dressé et détaché de la grue. Sous réserve du risque de basculement des éléments préfabriqués non assurés dont les tranches étaient posées sur des poutres ou au sol, sa méthode de stockage intermédiaire était admissible en ce qui le concerne et n'est pas remise en cause ici. Tel n'est toutefois pas le cas de sa sous-méthode tendant à déposer les éléments préfabriqués directement sur le châssis. Cette méthode a été systématiquement pratiquée le jour de l'accident, voire alternativement ou exclusivement depuis le début du chantier (PV audition 2, pp. 2 et 5, PV audition 3, p. 1 et PV audition 8, p. 2, jgt., pp. 13, 25 et 28). On ne saurait suivre le raisonnement des premiers juges lorsqu'ils soutiennent que le risque de chute latérale du châssis n'était pas reconnaissable pour D._. En effet, la structure même de l'engin, par ses dimensions et son poids, avait un aspect menaçant du côté dépourvu d'assise au sol. Le danger était par ailleurs accru lorsqu'il fallait guider à son contact des éléments préfabriqués de deux tonnes. De plus, les premiers juges se contredisent en affirmant, d'une part, que le risque de basculement n'était pas perceptible et que la prudence imposait, d'autre part, de manœuvrer à deux, de se placer sur les côtés et d'éviter toute présence humaine du côté pouvant chuter (jgt., p. 51 in fine et 52).
En définitive, en inversant l'ordre d'ajustement du support, D._ a créé un état de fait dangereux et a violé son devoir de prudence. Cette commission s'avère être fautive, comme manque blâmable d'effort compte tenu de son niveau d'expérience et de compétence, ainsi que ses responsabilités de chef d'équipe.
3.4.2
S'agissant du rapport de causalité
entre cette commission et le décès de A.F._, il est évident que si D._ n'avait pas mis en place une procédure qui impliquait que le châssis soit laissé en position verticale, non assuré, l'accident ne se serait pas produit. L'état de fait créé par D._ était de nature, selon le cours ordinaire des choses et selon l'expérience générale de la vie, à entraîner l'accident qui s'est produit. Il y a donc bien causalité naturelle et adéquate entre la négligence et le résultat qui s'en est suivi.
3.4.3
Enfin, il reste à examiner s'il y a eu interruption du lien de causalité en raison d'une faute commise par la victime. A cet égard, il convient de se référer intégralement au développement figurant au chiffre 3.2.4 ci-dessus. Le comportement de A.F._, même si lui aussi aurait dû percevoir le risque et s'en prémunir, n'est pas exceptionnel et totalement imprévisible et n'atteint pas l'intensité susceptible d'entraîner la rupture du rapport de causalité adéquate entre l'action de D._ et le décès accidentel.
3.4.4
Compte tenu de ce qui précède, toutes les conditions de réalisation de l'infraction d'homicide par négligence sont réalisées et D._ doit être condamné à ce titre. L'appel du Ministère public doit être admis sur ce point en ce qui le concerne.
3.5
A l'égard de L._, les premiers juges ont considéré que la responsabilité de l'accident incombait exclusivement à A.F._, qui a commis l'erreur fatale de vouloir déposer seul l'élément en béton sur le châssis malgré les consignes et de se déplacer derrière le châssis, du côté où il pouvait tomber. Ils ont considéré que le châssis était stabilisé sur un sol qui n'était certes pas lisse, mais plat et, qu'à moins d'une intervention extérieure, il ne pouvait pas tomber. Ils ont estimé qu'il était possible que l'élément préfabriqué ait heurté le châssis au cours de la manœuvre, mais que c'est parce que A.F._ était seul qu'il n'a pas pu le stabiliser, et, pour cette seule raison, que l'accident s'est produit.
Le Ministère public soutient que L._ avait une responsabilité particulière en relation avec toutes les charges manipulées par lui au moyen de sa grue et qu'il a transgressé le devoir de prudence prévu à l'art. 6 de l'ordonnance sur les grues.
3.5.1
Conformément à l'art. 6 al. 1 de l'ordonnance sur les grues du 27 septembre 1999, entrée en vigueur le 1
er
janvier 2000, les charges doivent être assurées pour le levage, arrimées aux crochets des grues (élinguées) et déposées après le levage, de sorte qu’elles ne puissent pas se renverser, tomber ou glisser et par là constituer un danger.
Certes, L._ a obtenu son permis de grutier en 1989, soit avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance précitée, et si l'ordonnance antérieure du 22 juin 1951 sur les mesures destinées à prévenir des accidents dans l'emploi de grue et d'engins de levage ne comporte pas de règle similaire, cela n'a pas d'incidence. En effet, d'une part, nul n'est sensé ignoré les règles élémentaires de prudence de sa profession et, d'autre part, la règle discutée figure aussi à l'art. 41 OPA en vigueur depuis 1984. En l'occurrence, L._ a accepté de suivre la méthode instaurée par l'équipe de D._ selon laquelle les éléments préfabriqués étaient amenés à la fourche laissée en position verticale et sans aucun assurage. Il a ainsi transgressé le devoir de prudence défini à l'art. 6 al. 1 de l'ordonnance sur les grues et à l'art. 11 OPA en ne s'assurant pas que la charge ou l'objet transporté – la fourche dans le cas particulier – déposé à l'issue de son transport par levage ne puisse pas se renverser et constituer par là un danger pour les ouvriers. L._ savait que le châssis non assuré risquait de tomber à tout moment. A ce propos, il a déclaré pendant l'instruction que la fourche était en principe couchée, parce que tout le monde avait bien remarqué qu'elle pouvait tomber lorsqu'on la posait verticalement et qu'il avait d'ailleurs constaté qu'elle tombait automatiquement si elle n'était pas stabilisée par un ouvrier (PV audition 8, p. 2). Aux débats de première instance, il a indiqué contradictoirement, vraisemblablement dans une optique de défense, ne pas avoir constaté que la fourche était instable, mais il a néanmoins reconnu qu'il était dangereux de la laisser debout (jgt., p. 28).
En définitive, L._ a violé son devoir de prudence en créant un état de fait dangereux. Cette commission s'avère être fautive, comme manque blâmable d'effort, compte tenu de son niveau d'expérience, de formation et de compétence, ainsi que de sa responsabilité particulière à l'égard de toutes les charges qu'il manipulait avec sa grue.
3.5.2
En ce qui concerne le rapport de causalité entre cette commission et le décès de A.F._, il est évident que si L._ n'avait pas posé sur la dalle de l'immeuble en construction la fourche en position verticale et sans assurage, l'accident fatal ne se serait pas produit. De plus, cette commission était propre, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à l'entraîner l'accident qui s'est produit. Il y a donc bien causalité naturelle et adéquate entre la violation du devoir de prudence reprochée et le résultat qui s'en est suivi.
3.5.3
Quant à l'éventuelle interruption du lien de causalité en raison d'une faute commise par la victime, il convient de se référer intégralement au développement figurant sous chiffre 3.2.4 ci-dessus et de rappeler que le comportement de A.F._ n'était pas exceptionnel et totalement imprévisible au point d'interrompre le rapport de causalité adéquate.
3.5.4
Au vu de ce qui précède, L._ doit être condamné pour homicide par négligence et l'appel du Ministère public doit être admis sur ce point en ce qui le concerne.
4.
Au chapitre des sanctions à infliger, le Ministère public a conclu à des jours-amende avec sursis dont la quotité varie entre les quatre intimés. Au surplus, il a conclu à la condamnation de chaque prévenu au paiement d'une amende à titre de sanction immédiate.
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
4.2
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
4.3
En l'espèce, H._ a violé son devoir de prudence en omettant de s'assurer de la bonne application du processus qu'il avait mis en place. A charge, il sera tenu compte de son pouvoir hiérarchique sur le chantier, du niveau de responsabilité qui en découlait, de son expérience et de son niveau de formation, ainsi que de sa responsabilité particulière de concepteur de l'engin meurtrier. A décharge, il sera tenu compte de l'écoulement du temps depuis l'accident, du fait que son attention était aussi captée par d'autres chantiers, ainsi que de son faible degré de proximité avec le drame auquel il n'a pas assisté.
Au vu de ces éléments, le comportement de H._ est constitutif dans son ensemble d'une faute moyenne, qu'il convient de sanctionner par une peine pécuniaire de 30 jours-amende. Compte tenu de sa situation personnelle et financière, le montant du jour-amende doit être arrêté à 100 francs. Cette peine sera assortie du sursis dont les conditions sont réalisées et le délai d'épreuve sera de deux ans. Au surplus, compte tenu de l'ancienneté des faits et du comportement par ailleurs exemplaire de l'intéressé, une sanction immédiate n'est pas justifiée si bien qu'il sera renoncé au prononcé d'une amende.
4.4
En qualité de contremaître et responsable de la sécurité sur le chantier, R._ a violé son devoir de prudence en omettant de vérifier la sécurité des méthodes employées sur le chantier et en ne les interdisant pas dans la mesure où elles constituaient une mise en danger de la vie d'autrui. A charge, il sera tenu compte de son rang hiérarchique sur le chantier, de sa mission particulière de responsable de la sécurité, de son expérience et de son niveau de formation. A décharge, l'écoulement du temps depuis l'accident sera pris en considération, de même que la multiplicité des tâches dont il devait s'acquitter et le contexte stressant de l'avancement du chantier.
Au vu de ces éléments, le comportement de R._ est constitutif dans son ensemble d'une faute moyenne, qu'il convient de sanctionner par une peine pécuniaire de 30 jours-amende. Compte tenu de sa situation personnelle et financière, le montant du jour-amende doit être arrêté à 50 francs. Cette peine sera assortie du sursis dont les conditions sont réalisées et le délai d'épreuve sera de deux ans. Au surplus, au vu de l'ancienneté des faits, une sanction immédiate ne paraît pas justifiée si bien qu'il sera renoncé à la condamnation à une amende.
4.5
D._ était chef d'équipe. Il a créé un état de fait dangereux. A charge, il sera tenu compte de son statut de chef d'équipe, de ses qualifications professionnelles et du rôle moteur qu'il a rempli dans la mise en œuvre de la manœuvre fatale. A décharge, il sera pris en considération le fait que R._ avait avalisé sa nouvelle procédure. Il sera également tenu compte de l'écoulement du temps depuis les faits, ainsi que de la souffrance morale ressentie en raison du décès de la victime avec laquelle il entretenait des rapports d'amitié.
Au vu de ces éléments, le comportement de D._ est constitutif dans son ensemble d'une faute moyenne, qu'il convient de sanctionner par une peine pécuniaire de 30 jours-amende. Compte tenu de sa situation personnelle et financière, le montant du jour-amende doit être arrêté à 30 francs. Cette peine sera assortie du sursis dont les conditions sont réalisées et le délai d'épreuve sera de deux ans. Au vu de l'ancienneté des faits, une peine immédiate ne paraît pas justifiée si bien qu'il sera renoncé au prononcé d'une amende.
4.6
L._ avait une responsabilité particulière en relation avec toutes les charges qu'il manipulait au moyen de sa grue. Il a créé un état de fait dangereux en positionnant le châssis au sol sans assurage. A charge, il sera tenu compte de son haut degré de proximité avec le drame, dont il a été le témoin direct ainsi que de son expérience professionnelle. A décharge, outre l'écoulement du temps, sera pris en considération son statut d'exécutant dans un secteur professionnel fortement hiérarchisé.
Au vu de ces éléments, le comportement de L._ est constitutif dans son ensemble d'une faute moyenne, qu'il convient de sanctionner par une peine pécuniaire de 30 jours-amende. Compte tenu de sa situation personnelle et financière, le montant du jour-amende doit être arrêté à 40 francs. Cette peine sera assortie du sursis dont les conditions sont réalisées et le délai d'épreuve sera de deux ans. Au surplus, au vu de l'ancienneté des faits, une sanction immédiate ne paraît pas justifiée si bien qu'il sera renoncé au prononcé d'une amende.
4.7
Au de ce qui précède, l'appel du Ministère public n'est que partiellement admis en matière de fixation des peines.
5.
La partie civile A.K._ a conclu à l'allocation d'un montant de 14'313 fr. 05 à titre de dépenses occasionnées par la procédure.
5.1
Conformément à l'art. 433 al. 1 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause (a) ou si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP (b).
En ce qui concerne les plaignants particuliers que sont les victimes (au sens de la loi fédérale sur l'aide au victime d'infractions [LAVI], RS 312.5), le Tribunal fédéral a considéré qu'elles devraient obtenir dans le cadre de la procédure pénale la condamnation de l'auteur au paiement de l'intégralité des honoraires d'avocat, sous réserve de leur proportionnalité (Mizel/Rétornaz, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale, op. cit. n. 10 ad art. 433 CPP et les références citées). D'après la doctrine, ce principe doit prévaloir pour la mesure des frais d'avocat de la partie plaignante. Doivent être prises en considération tant l'activité ayant contribué à la condamnation du prévenu que celle ayant servi à l'obtention de la réparation morale, pour autant que la partie plaignante n'ait pas été renvoyée à faire valoir cette dernière devant le juge civil (
ibidem
).
5.2
En l'espèce, A.K._ était assistée jusqu'à la procédure d'appel par un avocat et son stagiaire. Le montant réclamé correspond aux opérations et honoraires de ces derniers. Au vu de l'importance de la cause, de ses difficultés ainsi que des opérations effectuées par les conseils de l'appelante, il convient de lui allouer l'intégralité de ses conclusions, étant rappelé ici qu'elle a généreusement renoncé aux débats d'appel à toute indemnité pour tort moral, ainsi qu'au remboursement de la moitié des frais funéraires.
5.3
Compte tenu de ce qui précède, H._, R._, D._ et L._ doivent être condamnés à verser solidairement à A.K._ la somme de 14'313 fr. 05 à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure.
6.
En définitive, l'appel du Ministère public doit être partiellement admis alors que celui, réduit, de A.K._ doit être entièrement admis.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel (428 al. 1 CPP; art. 20 et 21 TFJP, tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.01), seront mis à la charge de H._, R._, D._ et L._ pour un quart chacun.
Au surplus, une indemnité de 3'196 fr. 80 est allouée à Me Charles-Henri de Luze, conseil d'office de L._ et mise à la charge de ce dernier, qui ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7c78d808-6848-4244-8ee6-7d67318632e8 | En fait :
A.
Par jugement du 3 juillet 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que W._ s'est rendu coupable de vol en bande et par métier, dommages à la propriété, violation de domicile et infractions à la LEtr (I), l'a condamné à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction de 199 jours de détention avant jugement, peine partiellement complémentaire à celle infligée le 14 avril 2011 par le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois (II), a ordonné pour autant que de besoin son maintien en détention pour motifs de sûreté (III), a dit qu'il est le débiteur et doit immédiat paiement des sommes de 1'000 fr. à C._, de 500 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 12 juillet 2011 à l'Association O._, acte étant donné de ses réserves civiles pour le surplus à cette plaignante et 13'130 fr. 55 à V._ SA (IV), a donné acte de leurs réserves civiles à l'encontre de W._ à D._ AG, R._ AG, entreprise B._, U._ SA, G._, N._ AG et A._ SA (V), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièce à conviction du CD qui y figure déjà à ce titre sous n°13586/12 (VI), a mis une partie des frais de la cause par 24'121 fr. 85 à la charge de W._, y compris l'indemnité allouée à son défenseur d'office Me Joëlle Druey par 9'178 fr. 80 (VII) et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité du défenseur d'office allouée sous chiffre VII ci-dessus ne sera exigé de W._ que si sa situation économique vient à s'améliorer (VIII).
B.
Le 12 juillet 2012, W._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel motivée du 30 juillet 2012, il a conclu principalement à ce qu'il soit reconnu coupable de complicité de vol en bande et par métier, dommages à la propriété, violation de domicile et infraction à la LEtr, condamné à une peine privative de liberté n'excédant pas 12 mois et qu'il soit donné acte de leurs réserves civiles aux trois lésés dont il a été reconnu débiteur. Subsidiairement, il a conclu à l'annulation du jugement entrepris, au renvoi de la cause au tribunal de première instance pour qu'il soit procédé à de nouveaux débats et qu'un nouveau jugement soit rendu.
Le 7 août 2012, le Procureur de l'arrondissement du Nord vaudois a déclaré s'en remettre à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et ne pas déposer d'appel joint.
Par courrier du 17 août 2012, l'Association O._ a déclaré s'en remettre à justice sur les conclusions prises par l'appelant. Le 20 septembre 2012, elle a requis sa dispense de comparution personnelle.
Par courrier du 20 septembre 2012, V._ SA a déclaré qu'elle renonçait à se constituer partie civile au cours de la procédure d'appel et désirait être dispensée de comparaître à l'audience.
Le 21 septembre 2012, la Commune d'C._ a demandé d'être dispensée de comparaître à l'audience d'appel.
Le 26 septembre 2012, le Président de la Cour d'appel pénale a dispensé l'Association O._, V._ SA et la commune d'C._ de comparaître à l'audience du 31 octobre 2012.
Par courrier du 2 octobre 2012, W._ a requis la production d'un rapport circonstancié de détention.
Le 15 octobre 2012, le Directeur de la prison de la Croisée a complété le rapport de comportement de l'appelant établi le 4 juin 2012.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
W._ est né le 28 mai 1981 au Kosovo. A un âge indéterminé, il a quitté son pays natal avec ses parents et s'est rendu en Croatie, puis en Allemagne, pays dans lesquels il a été scolarisé durant huit ans au total. Il a ensuite effectué une formation pratique de peintre puis a travaillé dans le milieu de l'automobile, revendant au Kosovo, après réparation, des voitures d'occasion et accidentées acquises dans différents pays européens. Dès 2006, l'appelant a travaillé dans une entreprise zurichoise et était rémunéré 150 fr. par jour. Il n'a toutefois jamais été titulaire d'autorisation de séjour et de travail en Suisse. L'appelant a une fille née le 30 octobre 2010. A ce jour, il n'a entrepris aucune démarche officielle pour que son lien de paternité soit constaté et n'est pas marié à la mère de son enfant. L'appelant a expliqué avoir commis des infractions pour payer les primes d'assurance-maladie de son enfant, ce qui a été confirmé par la mère. A l'audience d'appel, il a déclaré voir sa fille en prison une fois par semaine.
Le casier judiciaire de W._ fait état des condamnations suivantes:
- le 6 septembre 2006, Ministero pubblico del cantone Ticino Lugano, 3 jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans pour faux dans les certificats;
- le 17 août 2007, Juge d'instruction de Lausanne, peine pécuniaire de 5 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant deux ans, révoqué le 6 mai 2009 et à une amende de 500 fr., pour entrée et séjour illégaux;
- le 8 janvier 2009, Juge d'instruction de Lausanne, peine privative de liberté de 90 jours (peine d'ensemble avec le jugement du 17 août 2007), pour entrée et séjour illégaux;
- le 27 août 2009, Juge d'instruction de Lausanne, peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant deux ans, révoqué le 14 avril 2011, pour entrée et séjour illégaux;
- le 3 novembre 2010, Juge d'instruction de la Côte, peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr., pour entrée et séjour illégaux et activité lucrative sans autorisation;
- le 14 avril 2011, Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois, peine privative de liberté de 50 jours (peine d'ensemble avec le jugement du 27 août 2009), pour séjour illégal.
Pour les besoins de la présente cause, W._ est détenu depuis le 18 décembre 2011, étant précisé qu'il est en exécution anticipée de peine depuis le 15 juin 2012.
2.
Acte d'accusation du 3 avril 2012
2.1
W._ a séjourné illégalement en Suisse, après y avoir pénétré de la même manière, de février 2011 au 18 décembre 2011 (date de son interpellation), sous réserve d'une période de détention avant jugement du 8 avril au 14 avril 2011, ce alors qu'il faisait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse valable du 8 février 2011 au 7 février 2013. Entre les mois d'avril et août 2011 à tout le moins, il a travaillé sans autorisation pour une entreprise zurichoise (jgt ch. 2.1).
2.2
Durant le week-end du 15 au 18 avril 2011, W._ a véhiculé R._ et un individu non identifié surnommé S._ depuis Bussigny jusqu'à la zone industrielle de la Rippe, à Penthaz. Les comparses avaient prévu de commettre plusieurs cambriolages, ce que l'appelant savait. Il avait acheté au préalable un pied de biche et des gants pour R._. Six entreprises ont été cambriolées (jgt ch. 2.3). L'appelant a reçu 500 fr. pour sa participation aux faits décrits sous ch. 2.2.1 à 2.2.6 ci-dessous.
2.2.1
Les trois comparses ont dérobé une grosse brouette orange, dans le but de transporter leur butin, à l'arrière des locaux de J._ SA, sis au ch. de la Rippe 7. La brouette a été retrouvée deux mois plus tard, dans une forêt, à proximité de la zone industrielle de la Rippe.
A._, pour J._ SA, a déposé plainte et s'est porté partie civile le 18 avril 2011, puis a renoncé à émettre des prétentions civiles (jgt, p. 27, P. 64).
2.2.2
Les trois comparses ont pénétré dans l'enceinte d'O._ SA, sise ch. de la Rippe 7, par un portail. Ils ont posé une échelle contre la façade, forcé une fenêtre au moyen d'un outil, fouillé les lieux, forcé en vain une autre fenêtre et dérobé une brouette grise qui a été retrouvée dans l'enceinte de l'entreprise U._ SA.
Z._, pour O._ SA, a déposé plainte et s'est constitué partie civile le 18 avril 2011, puis a renoncé à émettre des prétentions civiles (jgt, p. 27, P. 65).
2.2.3
Les trois comparses ont pénétré dans l'entreprise L._, sise ch. de la Rippe 7, en forçant une fenêtre à l'aide d'un outil, puis ont fouillé les locaux, tenté de forcer une porte et quitté les lieux sans rien emporter. Une fenêtre et une porte ont été endommagées.
T._, pour L._, a déposé plainte et s'est constitué partie civile le 18 avril 2011, puis a renoncé à émettre des prétentions civiles (jgt, p. 27, P. 69).
2.2.4
Les trois comparses se sont introduits dans l'entreprise B._, sise ch. de la Rippe 8, en forçant une fenêtre. Ils ont fouillé les lieux et ont emporté une caissette métallique contenant une somme d'argent d'un montant indéterminé. La caissette a été retrouvée à proximité du ch. de la Rippe 7.
M._, pour B._, a déposé plainte et s'est constitué partie civile le 18 avril 2011, sans toutefois chiffrer ses prétentions (jgt, p. 28).
2.2.5
Les trois comparses ont pénétré dans l'entreprise I._ SA en forçant la fenêtre des WC. Ils ont fouillé les lieux et sont partis après avoir déclenché l'alarme sans rien emporter.
F._, pour I._ SA, a déposé plainte et s'est constituée partie civile le 18 avril 2011, puis a renoncé à émettre des prétentions civiles (jgt, p. 27, P. 59).
2.2.6
Les trois comparses ont escaladé la façade de l'entreprise U._ SA, sise ch. de la Rippe 7, forcé avec un outil une fenêtre, fouillé les lieux, descellé un coffre-fort contenant 5'000 fr. qu'ils ont emporté. La brouette grise dérobée chez O._ SA (ch. 2.2.2 ci-dessus) a été retrouvée dans l'enceinte de l'entreprise. Trois fenêtres, divers tiroirs de bureaux, des armoires et deux caissettes ont été endommagée.
V._, pour U._ SA, a déposé plainte et s'est porté partie civile le 18 avril 2011, sans toutefois chiffrer ses prétentions (jgt, p. 28).
2.3
Le 12 juillet 2011, W._ a véhiculé ses deux comparses à Mézières, ch. du Raffort 1, près d'une école qu'ils avaient projeté de cambrioler. Les trois comparses ont pénétré dans les locaux en forçant une porte-fenêtre. Ils ont forcé trois portes, descellé un coffre-fort et l'ont ouvert à l'aide d'une pioche, sur laquelle le profil ADN du prévenu a été retrouvé, et d'un pied de biche, outils qui ont été abandonnés sur place. Ils ont dérobé un montant de 2'700 fr. (jgt ch. 2.3).
Y._, pour l'Association O._, a déposé plainte et s'est constitué partie civile le 11 juillet 2011. L'association a pris des conclusions civiles pour un montant de 930 fr., avec intérêts de 5% l'an dès le 12 juillet 2011 sur 500 fr. (jgt, p. 27, P. 60).
2.4
Dans la nuit du 10 au 11 août 2011, l'appelant a véhiculé ses deux comparses en vue de commettre un cambriolage à Yens. Les trois individus s'en sont pris à une boucherie. Ils ont arraché l'éclairage automatique, forcé une fenêtre, descellé un coffre-fort contenant 14'000 fr., une bourse de sommelière contenant 300 ou 400 fr., un pistolet 6mm, un pistolet à lapin, trois cartouches de mitrailleuse d'avion et divers papiers. Le coffre a été retrouvé éventré dans un champ à 200 mètres avec le pistolet à lapin, les trois cartouches et les papiers, ainsi que trois pioches, le profil ADN de l'appelant figurant sur l'une d'elles (jgt ch. 2.3).
G._ a déposé plainte et s'est constitué partie civile le 11 août 2011. Il a chiffré ses prétentions à 21'209 fr. (jgt, p. 28, P. 62).
2.5
Le 24 août 2011, W._ et I._ ont pénétré dans le commerce N._ AG de Brütten dans le canton de Zürich en forçant les portes coulissantes. Une fois à l'intérieur des locaux, ils ont brisé une vitrine d'exposition et emporté 92 cartouches de cigarettes pour un montant de 6'828 francs. Les dégâts de la porte d'entrée et de la vitrine se sont élevés à 3'000 francs (jgt ch. 2.4).
N._ AG a déposé plainte le 24 août 2011 et n'a pas chiffré ses prétentions civiles (jgt, p. 29).
2.6
Dans la nuit du 29 au 30 novembre 2011, l'appelant et I._ ont pénétré dans le garage P._ Gmbh à Winterthur, en tentant de forcer une fenêtre, puis en passant par une fenêtre ouverte en imposte. Ils ont quitté les lieux après les avoir fouillé en vain (jgt ch.2.4 jgt).
P._ Gmbh a déposé plainte le 30 novembre 2011 et a renoncé à émettre des prétentions civiles (jgt, p. 29, P. 63).
2.7
Dans la nuit du 1
er
au 2 décembre 2011, W._ et I._ ont pénétré dans les locaux du [...] restaurant à [...] en fracturant plusieurs portes. I._ a meulé le coffre-fort qui se trouvait dans la cave du bâtiment au moyen d'une meuleuse que l'appelant avait prise sur un chantier voisin. Les auteurs ont dérobé 3'000 fr. qu'ils se sont partagés à parts égales (jgt ch. 2.4).
C._ a déposé plainte le 2 décembre 2011 et a chiffré ses prétentions civiles à hauteur de 1'000 fr. correspondant à la franchise de son assurance (jgt, p. 29, P. 68).
3.
Acte d'accusation du 25 avril 2012
3.1
A Sursee, Moosgasse 3, dans la nuit du 11 au 12 décembre 2011, W._ a accédé avec une échelle au toit de la patinoire de cette localité depuis un bâtiment voisin. Depuis là, il a atteint des escaliers extérieurs menant à la sortie de secours. Une fois à l'intérieur, il a pénétré dans le Restaurant [...], a forcé la caisse et dérobé le numéraire qu'elle contenait, ainsi qu'un coffre-fort qui a été arraché du mur. Dans les vestiaires du restaurant, de l'argent et une eau de toilette ont été emportés. Le montant total soustrait s'élève à 7'865 fr. 60 (jgt ch. 2.5). L'ADN de l'appelant a été retrouvé sur le détecteur de mouvement de la porte du restaurant dans la cage d'escalier (P. 9, dernier dossier joint).
P._, pour K._ AG, a déposé plainte et s'est constitué partie civile le 12 décembre 2011.
V._ SA s'est constituée partie civile et a chiffré ses conclusions à 13'130 fr. 55, correspondant au montant de l'indemnisation versée à son assuré lésé (jgt, p. 31, P. 66).
3.2
Au même endroit, la même nuit, W._ a pénétré dans le magasin A._ SA en forçant une porte à l'aide d'un outil plat. Il a fouillé les lieux, commis des dégâts et dérobés 1'441 fr. 90 (jgt ch. 2.5).
Q._, pour A._ SA, a déposé plainte le 12 décembre 2011 et s'est constituée partie civile, sans toutefois chiffrer ses prétentions (jgt, p. 31). | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d'un tribunal ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.
W._ reproche aux premiers juges une violation de l'art. 25 CP s'agissant des cas n° 5.1 à 7 de l'acte d'accusation du 3 avril 2012 (ch. 2.1 à 2.4 ci-dessus).
3.2
Les premiers juges ont considéré qu'au vu des faits retenus (ch. 2.1 à 2.4 ci-dessus), W._ s'était rendu coupable de vol en bande et par métier – en qualité de coauteur –, de dommages à la propriété et de violation de domicile. Ils ont ajouté que même si l'on retenait les explications à géométrie variable du prévenu, celui-ci devrait être considéré comme un coauteur et non un complice (cf. jgt, p. 27).
L'appelant estime quant à lui que sa participation relève de la complicité de vol en bande et non de la coaction, la circonstance aggravante du métier n'étant au surplus pas réalisée, et qu'il doit être libéré des chefs d'accusation de dommages à la propriété et violation de domicile.
3.2
Selon la doctrine, l'auteur direct est celui qui réalise lui-même et en sa seule personne tous les éléments constitutifs de l'infraction (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 6 ad remarques préliminaires aux art. 24 à 27 CP et les références citées). Est un coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux; il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas; il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet; il peut y adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Ce qui est déterminant c'est que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 130 IV 58 c. 9.2.1, JT 2004 I 486; ATF 120 IV 136
c. 2b; ATF 120 IV 265 c. 2c/aa et les arrêts cités).
3.3
En l'espèce, W._ a d'abord nié entièrement les faits (PV audition 1), puis les a ensuite admis en partie (PV audition 2), avant de les minimiser aux débats de première instance (jgt, pp. 4 à 8). Les premiers juges ont retenu que l'appelant avait participé, comme ses deux comparses, aux cambriolages exposés sous chiffres 5 à 10 du premier acte d'accusation. Ils ont notamment fondé leur conviction sur les éléments principaux suivants:
- s'agissant du cas 5.2 (ch. 2.2.2 ci-dessus), l'appelant avait durant l'enquête admis avoir déplacé un coffre-fort dans une brouette; son ADN a par ailleurs été prélevé sur cet engin, qui a au surplus été retrouvé dans l'enceinte de l'entreprise. En outre, des pots de Danette ont été retrouvés sur le parking de l'entreprise avec son ADN (P. 14, p. 4);
- s'agissant du cas 7 (ch. 2.4 ci-dessus), le profil ADN du prévenu a été retrouvé sur la pioche (P. 15, p. 6);
- s'agissant du cas 8 (ch. 2.5 ci-dessus), le profil ADN du prévenu a été retrouvé sur le manche d'une des trois pioches (P. 15, p. 7).
Les premiers juges ont fait une appréciation des preuves qui ne prête pas le flanc à la critique. Il n'y a aucune constatation erronée des faits tels que retenus dans le jugement entrepris. Au contraire, pour forger leur conviction, les premiers juges ont tenu compte de la version du prévenu qu'ils ont confrontée aux pièces au dossier, ces dernières ayant été appréciées avec soin. Ils ont expliqué de façon complète et détaillée pourquoi ils ne pouvaient suivre l'appelant dans ses explications et leur raisonnement doit être confirmé (jgt., pp. 24 à 26). En effet, on constate que la version du prévenu consistant à dire qu'il a toujours attendu ses comparses à l'extérieur des entreprises cambriolées ne tient pas puisque son ADN a été retrouvé dans l'enceinte des entreprises en question et sur les pioches qui ont servi à ouvrir les coffres-forts. Enfin, s'ils étaient trois et qu'il y avait trois pioches, dont l'une portait les traces ADN du prévenu, c'est qu'il a participé aux cambriolages comme ses comparses, donc en qualité de coauteur. D'après les faits retenus, la contribution de W._ apparaît comme ayant été essentielle à l'exécution des cambriolages, au point de le considérer comme un auteur principal. La prise de décision commune découle en l'occurrence d'actes concluants, soit de l'implication réelle de l'appelant qui est allé acheté des outils pour commettre les cambriolages et qui a participé activement à leur commission.
Il n'est ainsi pas nécessaire d'examiner s'il pouvait également être considéré comme coauteur si sa version des faits était retenue puisque, justement, elle ne l'est pas. L'appelant doit donc être reconnu coupable de vol en bande. La circonstance aggravante du métier sera examinée au chiffre 5 ci-dessous.
S'agissant des infractions de violation de domicile et dommages à la propriété, elles doivent bien être retenues à la charge de l'appelant, dès lors qu'il a été reconnu coauteur des cambriolages commis.
3.4
Au vu de ce qui précède, mal fondé, le premier moyen de l'appelant doit être rejeté.
4.
L'appelant reproche ensuite aux premiers juges d'avoir abusé de leur pouvoir d'appréciation s'agissant des faits figurant sous chiffre 1 du second acte d'accusation rendu le 25 avril 2012 (ch. 3.1 ci-dessus). Il soutient que la seule présence de son profil ADN sur les lieux de l'infraction n'est pas suffisante pour le condamner pour vol par métier, dommages à la propriété et violation de domicile en ce qui concerne ces faits.
4.1
Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque le tribunal, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, la bonne foi ou le principe de la proportionnalité (Kistler Vianin, op. cit., n. 17 ad art. 398 CPP).
4.2
En l'espèce, les premiers juges ont considéré que l'appelant s'était rendu coupable de vol par métier, dommages à la propriété et violation de domicile. La circonstance aggravante de la bande n'a pas été retenue en l'absence de certitude de la présence d'un comparse. Ils ont fondé leur conviction sur la présence de l'ADN sur place, étant précisé que, géographiquement, les deux commerces cambriolés se trouvent dans le même complexe que la patinoire. L'appelant conteste de façon non pertinente être l'auteur de ces faits. En effet, il a d'abord nié s'être rendu à Sursee, pour ensuite admettre, lorsqu'il a été confronté à la preuve ADN, y être allé patiner. Les premiers juges ne l'ont pas crû notamment parce qu'ils ont considéré qu'il n'est pas crédible de parcourir 80 km, depuis Winterthur, pour aller patiner alors qu'il pouvait se prêter à cette activité sur place. Au surplus, le prévenu a passablement varié dans ses explications (jgt, p. 30).
On peut aussi ajouter à ce qui précède que le mode opératoire est le même que dans les nombreux autres cas retenus (ch. 5.1 à 10 de l'acte d'accusation du 5 avril 2011, ch. 2.2 à 2.7 ci-dessus), à savoir, pour l'essentiel, s'attaquer à des commerces, forcer des portes et des fenêtres avec un outil, agir de nuit, arracher et dévaliser des coffres-forts et dérober du numéraire. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu par l'appelant, ce n'est pas seulement la présence de son ADN qui est déterminant, mais bien plus l'emplacement où il a été retrouvé ainsi que ses nombreuses explications contradictoires et non crédibles.
En conséquence, l'appréciation des preuves faite par les premiers juges n'est pas critiquable et ils n'ont pas abusé de leur pouvoir d'appréciation.
Mal fondé, ce moyen doit être rejeté.
5.
L'appelant invoque également une violation de l'art. 139 ch. 2 CP s'agissant uniquement des cas n° 5.1 à 8 de l'acte d'accusation du 3 avril 2012 (ch. 2.1 à 2.5 ci-dessus).
5.1
La circonstance aggravante du métier constitue une circonstance personnelle, dont la réalisation implique une activité à caractère professionnel. L'auteur agit de manière professionnelle lorsqu'en raison du temps et des moyens consacrés à son activité délictueuse, ainsi que de la fréquence des actes pendant une période donnée et des revenus espérés et obtenus, il ressort qu'il exerce son activité délictueuse à la manière d'une profession, et en retire effectivement des revenus relativement réguliers contribuant de façon non négligeable à la satisfaction de ses besoins (Favre, Pellet, Stoudmann, Code pénal annoté, 3
e
édition, Lausanne 2011, note 1.5 ad art. 27 et les références citées).
5.2
En l'espèce, l'appelant a participé à douze expéditions en moins de huit mois, dont six en une seule nuit. Il a agi à chaque fois qu'il en avait l'occasion. L'objectif était de trouver et vider des coffres-forts. Ces activités illicites lui ont rapporté au moins 500 fr. (ch. 2.2.1 à 2.2.6 ci-dessus), plus 500 fr. (ch. 2.3 ci-dessus), plus 500 fr. (ch. 2.4 ci-dessus), plus la moitié de 6'828 fr. (ch. 2.5 ci-dessus), plus la moitié de 3'000 fr. (ch. 2.6 ci-dessus), plus 7'865 fr. (ch. 3.1 ci-dessus) et 1'441 fr. (ch. 3.2 ci-dessus) correspondant à un montant total de 7'855 fr., soit en chiffres ronds 1'000 fr. par mois. Or, pendant cette période, l'appelant n'a pas travaillé régulièrement et n'a au surplus pas été payé. Il a par ailleurs précisé aux débats que pour lui une somme de 500 fr. était une somme importante. On doit dès lors considérer que ces 1'000 fr. par mois contribuaient de façon non négligeable à son entretien.
5.3
Au vu de ce qui précède, la circonstance aggravante du métier a à juste titre été retenue pour l'ensemble des cas retenus.
Mal fondé, le moyen de l'appelant doit être rejeté.
6.
W._ invoque enfin la violation de l'art. 47 CP.
6.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
6.2
En l'espèce, W._ a commis un nombre élevé de cambriolages sur une période de moins de huit mois, n'hésitant pas à endommager la propriété d'autrui. Il a agi par appât du gain et continue à minimiser son implication dans la plupart des vols qui lui sont reprochés. A charge toujours, il y a lieu de tenir compte du concours d'infractions ainsi que des nombreux antécédents de l'appelant. En effet, il a été condamné à huit reprises en moins de six ans, dont sept fois pour la même infraction. Il a commis des infractions immédiatement après sa libération préventive et seule son interpellation a mis fin à ses agissements. Les premiers juges ont à juste titre relevé que l'appelant paraissait ainsi imperméable aux décisions de justice.
A décharge, il n'existe manifestement aucun élément à prendre en considération. On ne voit pas en quoi, comme le soutient l'appelant, le fait que ce soit la première fois qu'il est condamné pour des infractions au patrimoine constitue un élément à décharge. Au contraire, tel que relevé par les premiers juges, le fait qu'il commette des infractions nouvelles malgré sept condamnations pour infraction à loi fédérale sur les étrangers démontre une absence grave de prise de conscience. Quant au fait qu'il aime sa petite fille et que celle-ci lui manque, on ne voit pas en quoi cela constituerait un élément à décharge. Enfin, l'appelant n'a pas eu un comportement irréprochable en détention (P. 96), contrairement à ce qu'il soutient.
Au vu de l'ensemble de ce qui précède, la culpabilité de l'appelant doit être qualifiée de lourde. La sanction prononcée par les premiers juges, qui ne sont pas sortis du cadre de l'art. 47 CP, de 30 mois de peine privative de liberté, est adéquate et doit être confirmée. Le refus du sursis n'est pas contesté.
Le moyen de l'appelant, mal fondé, doit également être rejeté.
7.
En définitive, l'appel formé par W._ est rejeté.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel sont mis à la charge de l'appelant qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
Au vu des opérations effectuées en appel, il se justifie d'arrêter à
2’106 fr., TVA et débours compris, l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant. Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7c917991-9a08-4a25-85c3-b43f06ca450f | En fait :
A.
Par jugement du 9 avril 2008, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré par défaut L._ du chef d'accusation de brigandage qualifié (I), constaté par défaut qu'elle s'est rendue coupable de brigandage, d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur et d'infraction à la LSEE (Loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers) (II), l'a condamnée par défaut à une peine privative de liberté de 12 mois, sous déduction de 7 jours de détention préventive (III), dit qu'elle est débitrice de M._ de la somme de 5'000 fr. à titre de réparation du tort moral et de 500 fr. à titre de dommages-intérêts (IV) et mis les frais de justice, par 7'095 fr. 45 à la charge de l'intéressée (V).
B.
Il ressort en substance du jugement du Tribunal correctionnel que le 6 août 2006, L._ a offert à M._, une connaissance qui était venue lui rendre visite à son domicile, une bière contenant une forte dose de Rivotril, benzodiazépine aux propriétés calmantes, hypno-inductrices, anxiolytiques, myorelaxantes et anticonvulsivantes. Alors que M._ se trouvait sous l'effet de ce médicament, la prévenue est parvenue à se faire remettre sa Postcard et à se faire transmettre son numéro de code. Elle est ensuite allée retirer 800 fr. au bancomat. Le montant de 699 fr. a été restitué à M._.
Durant l'enquête pénale, la prévenue avait établi son identité par sa carte d'identité française n° [...] délivrée par la Préfecture de la Charente, valable jusqu'au 21 janvier 2014 (P. 17 et PV aud. 2, p. 1). Elle avait donné des explications sur sa biographie (PV aud. 2, p. 2). A Lausanne, elle vivait dans le studio de son frère F._, au chemin [...]. Lorsque sa détention préventive lui avait été signifiée, elle avait demandé que le consulat de son pays, ainsi qu'une tante dénommée P.A._, habitant à Bellevaux, soient avisés de son incarcération (PV aud. 5, p. 1). Par lettre du 10 août 2006, le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a toutefois avisé le Consul du Sénégal à Lausanne et non celui de France (P. 6). Au dossier figure encore une lettre d'un dénommé O.A._ qui se plaignait de manière confuse d'une escroquerie à ses dépens commise par une femme sénégalaise de Dakar l'ayant épousé et la fille de celle-ci, soit X._, mariée L._. Il soutenait avoir découvert que son épouse n'était pas celle qu'elle prétendait être et qu'elle se faisait passer pour une dénommée Z._ qui était en réalité l'ancien nom de sa fille, dont la nouvelle identité était X._, mariée L._.
C.
A la suite de la condamnation par défaut de L._, son signalement a été diffusé au RIPOL à la rubrique mandat d'arrêt. Le 16 juin 2011, L._, née X._ le [...] à Dakar, divorcée, agente immobilière, domiciliée [...] en France, s'est spontanément présentée au poste de police de quartier du Flon, expliquant qu'une connaissance, soit un dénommé [...] domicilié à la Bourdonnette, l'avait informée qu'elle était recherchée par la police, ce que ce tiers aurait constaté en lisant un journal (P. 32). Elle a présenté son passeport français. Elle a été placée en box de fouille. Lorsque L._ a vu la photo de son signalement, elle a déclaré qu'il ne s'agissait pas d'elle et qu'il devait y avoir erreur sur la personne. Une policière a observé de plus près les photos et s'est avisée que la photo du signalement ne correspondait pas au visage de la femme présente. L._ s'est alors souvenue que sa carte d'identité française lui avait été dérobée en 2006. Un contrôle d'empreintes digitales a révélé que cette dernière, contrairement à la personne qui avait été condamnée par défaut le 9 avril 2008, n'avait pas été enregistrée auparavant dans la base de données et elle a été relaxée le jour même.
D.
Par acte du 24 janvier 2012, le Procureur de l'arrondissement de Lausanne a déposé une demande de révision. Il a conclu à l'annulation du jugement du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne du 9 avril 2008, à l'acquittement de L._ des infractions de brigandage, d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur et d'infraction à la LSEE et à sa libération des frais et indemnités mis à sa charge.
Invité à se déterminer, le plaignant M._ n'a pas réagi. Quant au pli adressé à L._ à son domicile d'Angoulème, il est venu en retour avec la mention "boîte non identifiable". Les tentatives de la joindre au numéro de téléphone qu'elle avait donné n'ont pas davantage abouti. Il n'y a pas d'autres éléments au dossier permettant de la localiser. | En droit :
1.
1.1.
En vertu de l'art. 381 al. 1 CPP, le Ministère public peut interjeter recours tant en faveur qu’en défaveur du prévenu ou du condamné. Au vu de la teneur de cette disposition, le Ministère public a qualité pour déposer une demande de révision d'un jugement, même si celui-ci ne le lèse pas (Rémy, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 5 ad art. 410 CPP; Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1303).
Selon l'art. 411 al. 1 CPP, les demandes de révision doivent être motivées et adressées par écrit à la juridiction d'appel. Les motifs de révision doivent être exposés et justifiés dans la demande.
L'art. 412 CPP prévoit que la juridiction d'appel examine préalablement la demande de révision en procédure écrite (al. 1). Elle n'entre pas en matière si la demande est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé (al. 2).
En l'espèce, il convient d'entrer en matière sur la demande de révision du Ministère public, puisque ce dernier a qualité pour déposer une telle demande et que les motifs de révision y sont exposés et justifiés.
1.2.
Le Ministère public intervenant personnellement devant la juridiction d'appel en charge de la révision (cf. art 21 al. 1 let. b CPP), on est en présence d'un cas de défense obligatoire au sens de l'art. 130 let. d CPP. Toutefois, la ratio legis de la défense obligatoire consiste à assurer au prévenu, dans son intérêt, une protection accrue. Dans le cas d'espèce, le Ministère public intervient en faveur du prévenu et il n'y a donc aucune raison d'assurer une égalité des armes entre prévenu et accusateur public (Harari et Aliberti, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 4 et 35 ad art. 130 CPP). Dès lors, il n'est pas nécessaire de désigner un défenseur à l'intimée.
2.
2.1.
L'art. 410 al. 1 CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné (let. a) ou s’il est établi dans une autre procédure pénale que le résultat de la procédure a été influencé par une infraction, une condamnation n’étant pas exigée comme preuve; si la procédure pénale ne peut être exécutée, la preuve peut être apportée d’une autre manière (let. c).
L'art. 410 al. 1 let. a CPP reprend la double exigence posée par l'art. 385 CP selon laquelle les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être nouveaux et sérieux (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1303; TF 6B_683/2011 du 21 novembre 2011 c. 4.2). Les faits ou moyens de preuve sont nouveaux lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Cette condition n'est pas remplie lorsque le juge, les ayant examinés, n'en a pas déduit les conclusions qu'il fallait ou n'a pas pris conscience de ce que le fait ou le moyen de preuve devait démontrer (TF 6B_683/2011 du 21 novembre 2011 c. 4.2; ATF 122 IV 66 c. 2b). Ils sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (TF 6B_310/2011 du 20 juin 2011 c. 1.2; ATF 130 IV 72 c. 1).
L'art. 410 al. 1 let. c CPP traite de la révision pour cause d'acte punissable. Il n’est pas nécessaire que l’infraction ayant influencé le résultat de la procédure ait été constatée par jugement pénal (ex: infraction prescrite, prévenu décédé ou incapable de discernement); il suffit au juge d’être convaincu de la commission de l’infraction. Le fait que le projet ait réglementé séparément l’hypothèse de la let. c de celle de la let. a démontre qu’un lien de causalité entre l’infraction et le jugement attaqué n’est pas une condition indispensable (Rémy, op. cit., n. 12 ad art. 410 CPP; Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1304).
2.2.
En l'espèce, l'usurpation de l'identité de la condamnée L._ par une tierce personne qui s'est faussement légitimée avec sa carte d'identité française perdue ou volée constitue manifestement un fait nouveau. Cette usurpation est en outre prouvée par les comparaisons de photos et d'empreintes digitales auxquelles la police a procédé. Le moyen de révision de l'art. 410 al. 1 let. a CPP est donc avéré. Il en va de même de celui de la lettre c, le résultat de la procédure condamnatoire ayant été influencé par l'infraction pénale de faux dans les certificats, plus précisément l'abus pour tromper autrui, d'une pièce de légitimation, véritable, mais non destinée à l'auteur (art. 252 al. 4 CP). Partant, il convient d'admettre la demande de révision du Ministère public et d'annuler l'entier du jugement par défaut rendu le 9 avril 2008 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne. Par conséquent, L._ sera libérée des accusations de brigandage, d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur et d'infraction à la LSEE (Loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers, RS 142.20), ainsi que de tous frais, indemnité ou réparation civile. Le dossier de la cause sera adressé au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne pour toute suite utile.
3.
En vertu de l'art. 415 al. 2 in fine CPP, les prétentions du prévenu en matière de dommages-intérêts ou de réparation du tort moral sont régies par l’art. 436 al. 4 CPP. Selon cette disposition, le prévenu qui, après révision, est acquitté ou condamné à une peine moins sévère a droit à une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure de révision. S’il a subi une peine ou une mesure privative de liberté, il a également droit à une réparation du tort moral et à une indemnité dans la mesure où la privation de liberté ne peut être imputée sur des sanctions prononcées à raison d’autres infractions.
En l'espèce, L._ ne réclame aucune indemnité au sens des dispositions précitées. Par ailleurs, elle n'a pas supporté de frais de défense, le Ministère public ayant œuvré gratuitement en sa faveur. Sa réputation n'a pas été ternie. Le 15 juin 2011, elle a été retenue au poste de police de 14h10 à une heure indéterminée, le temps d'effectuer quelques contrôles. Dans ce contexte, les inconvénients subis très limités dans le temps, même s'ils comportent un placement en box de fouille (P. 32, p. 1), ne présentent pas une intensité suffisante pour justifier une réparation. De plus, compte tenu de cette incertitude temporelle, le montant d'une réparation serait difficile à calculer sur la base du montant forfaitaire de 200 fr. par jour de détention communément admis. Au vu de ce qui précède, il ne sera pas alloué d'indemnité à L._.
4.
En définitive, la demande de révision présentée par le Ministère public est admise. Le jugement par défaut rendu le 9 avril 2008 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne est intégralement annulé, L._ étant libérée des accusations de brigandage, d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur et d'infraction à la LSEE, ainsi que de tous frais, indemnité ou réparation civile. Vu l'issue de la cause, les frais de révision, par 880 fr. (art. 21 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1], par renvoi de l'art. 22 TFJP) sont laissés à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1 CPP). Le dossier de la cause est adressé au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne pour toute suite utile. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7caa2eaa-2c58-4a00-9faf-ee7481e73797 | En fait :
A.
Par jugement du 4 février 2015, le Tribunal criminel de l’arrondissement de Lausanne a notamment libéré U._ du chef d’accusation de contrainte (I), a constaté que U._ s’est rendu coupable de brigandages qualifiés, tentatives de brigandages qualifiés, contrainte sexuelle, désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel et d’infraction à la loi fédérale sur les armes (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de 7 ans, sous déduction de 359 jours de détention avant jugement, ainsi qu’à une amende de 300 fr. (III), a constaté qu’il a subi 22 jours de détention dans des conditions de détention provisoire illicites et ordonné que 11 jours de détention soient déduits de sa peine à titre de réparation du tort moral (IV), a dit qu’en cas de non paiement fautif de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 3 jours (V), a ordonné le maintien en détention du condamné (VI), a dit qu’il doit à Y._ paiement des sommes de 5'000 fr., plus intérêts à 5% l’an dès le 3 décembre 2013, à titre de réparation du tort moral et de 3'537 fr., plus intérêts à 5% l’an dès le 5 février 2015, à titre de dépens, acte étant donné à Y._ de ses réserves civiles pour le surplus (VII), a dit qu’il doit à P._ paiement de la somme de 5'000 fr., plus intérêts à 5% l’an dès le 4 décembre 2013, à titre de réparation du tort moral (VIII), a dit qu’il doit à B._ paiement de la somme de 10'000 fr., plus intérêts à 5% l’an dès le 25 décembre 2013, à titre de réparation du tort moral, acte étant donné à B._ de ses réserves civiles pour le surplus (IX), a dit qu’il doit à L._ paiement des sommes de 10'000 fr., plus intérêts à 5% l’an dès le 9 février 2014 à titre de réparation du tort moral, et de 1'087 fr. 35 à titre de réparation des paiements des frais médicaux pour l’année 2014, acte étant donné à L._ de ses réserves civiles pour le surplus (X), a mis les frais de la cause à la charge du condamné, ces frais comprenant les indemnités allouées aux conseils d’office (XII et XIII) et a dit que, lorsque la situation financière de U._ le permettra, le remboursement à l’Etat des montants correspondant aux indemnités servies aux conseils d’office sera exigible et que le condamné devra verser à Me Marcel Paris et à Me Coralie Germond la différence entre leurs indemnités de conseils d’office et les honoraires qu’ils auraient perçus comme conseils privés (XIV à XVI).
B.
Par annonce du 13 février 2015, puis déclaration motivée du 17 mars suivant, le Ministère public a interjeté appel à l’encontre de ce jugement en concluant à la réforme de son chiffre III en ce sens que U._ est condamné une peine privative de liberté de 10 ans sous déduction de 359 jours de détention avant jugement, ainsi qu’à une amende de 300 francs.
Par déclaration motivée du 31 mars 2015, U._ a déposé un appel joint en concluant au rejet de l’appel formé par le Ministère public, à la réforme du chiffre II du jugement en ce sens que U._ est reconnu coupable de brigandage, tentative de brigandage et d’infractions à la loi fédérale sur les armes et qu’il est libéré du chef d’accusation de contrainte sexuelle et de désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel. Il a également conclu à la réforme du chiffre III du jugement en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté d’une durée inférieure à sept ans.
A titre de réquisition de preuves, U._ a requis que soient mises en œuvre une nouvelle expertise psychiatrique à son endroit ainsi qu’une expertise sur les types de lésions que pouvait engendrer l’arme dont il s’était servi.
Par avis du 21 avril 2015, le Président de la Cour de céans a rejeté ces réquisitions de preuves.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. a)
Ressortissant portugais, U._ est né le [...] 1988 à [...] (Portugal). Au bénéfice d’une formation de maçon, il a travaillé au sein de l’entreprise de son père, avant de quitter son pays en 2010 pour s’installer en Suisse où il a retrouvé rapidement un travail. Son employeur ne lui ayant plus versé son salaire pendant un certain temps, le prévenu se l’est servi lui-même de manière illicite. En 2013, U._ a changé de profession et a été engagé en qualité de chauffeur poids lourds. Parallèlement à cet emploi, il a exercé d’autres activités professionnelles, notamment en qualité d’employé de nettoyage le soir, en sus de l’aide qu’il a apportée à la conciergerie tenue par sa compagne. Avec cette dernière, il a eu une fille qui née le [...] 2012.
b)
U._ a été détenu avant jugement depuis le 11 février 2014. Il a été détenu en zone carcérale dans des conditions illicites durant 22 jours.
c)
Le casier judiciaire suisse du prévenu comporte l’inscription suivante :
- 03.05.2011 : Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois, Yverdon, vol, utilisation frauduleuse d’un ordinateur, peine pécuniaire 45 jours-amende à 30 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, amende 420 francs.
Le casier judiciaire portugais du prévenu indique qu’il a été condamné à une peine pécuniaire de 75 jours-amende à 4 euros pour conduite sans permis en date du 20 novembre 2006, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 5 euros pour conduite sans permis en date du 7 décembre 2007, ainsi qu’à une peine de 2 ans et 2 mois de privation de liberté, avec sursis pendant 2 ans et 2 mois, pour vol en date du 15 février 2008.
d)
Pour les besoins de la cause,
U._ a été soumis à une expertise psychiatrique. Déposé le 24 juillet 2014, le rapport d’expertise indique que le prévenu ne souffre d’aucun trouble de la personnalité pathologique au sens de la CIM-10, ni de trouble psychiatrique avéré. Sans que cela ne constitue un trouble structuré en tant que tel, il présente une immaturité psycho-affective, un manque d’intégration des interdits, ainsi qu’une intolérance à la frustration. Les experts ont estimé que la responsabilité pénale de U._ était pleine et entière. S’agissant du risque de récidive, les experts ont réévalué leur appréciation après avoir pris connaissance des antécédents pénaux portugais du prévenu et considéré que ce risque était élevé.
2.
Pour commettre les faits retenus ci-dessous, U._ s’est muni d'un pistolet à un coup de type tue-lapin d'un calibre de 6 mm Flobert qu’il avait préalablement essayé en tirant à plusieurs reprises sur une planche et sur le sol. Pleinement conscient de son pouvoir lésionnel, il a chargé cette arme d'une cartouche avant le premier braquage et l’a gardé chargée pour les braquages ultérieurs, acceptant ainsi le danger mortel qu’il allait fait courir à ses victimes.
a)
Le 18 novembre 2013, à 05h10, à la station service [...], sise à proximité du Centre commercial [...] à [...],U._ a attendu que l’employée [...] ouvre les portes de l’établissement et désactive l’alarme pour surgir derrière elle par surprise. Il a posé le canon de son arme sur sa tempe, puis sur sa nuque et l’a sommée de lui remettre de l’argent. Il l’a ensuite poussée dans les locaux jusqu’à une pièce située à l’arrière du magasin où il l’a contrainte, toujours sous la menace de son arme, à ouvrir successivement deux armoires dans lesquelles se trouvait de l’argent. Après s’être emparé de 7'800 fr., U._ a encore sommé l’employée d’ouvrir un petit coffre-fort dont il avait constaté la présence sous l’un des meubles. Cette dernière lui ayant répondu qu’elle n’avait pas le code et que sa collègue allait arriver, U._ a pris la fuite en emportant son butin, par la porte arrière de la station-service.
F._ Gmbh a déposé plainte le 24 mars 2014.
b)
Le 2 décembre 2013, vers 05h02, à la station-service [...], sise [...] à [...],U._ a attendu l’arrivée de l’employée Y._ et tenté de pénétrer dans l’établissement en vain, les portes s’étant refermées et verrouillées automatiquement derrière elle. A travers la porte vitrée, il l’a alors menacée avec son arme en lui indiquant la direction du bouton d’ouverture de la porte. Effrayée, l’employée s’est enfuie à l’arrière du commerce et s’est enfermée dans les toilettes. U._ a quitté les lieux sans avoir pu pénétrer à l’intérieur de l’établissement.
Y._ a déposé plainte le 2 décembre 2013.
c)
Le 3 décembre 2013, vers 05h15, à la station service [...], sise à proximité du Centre commercial [...] à [...], alors que l’employée P._ venait d’entrer dans l’établissement et qu’elle avait refermé et verrouillé la porte, U._ a frappé contre la vitre et dirigé son arme dans sa direction. Il a fait un geste avec sa main gauche qu’il a portée sous sa gorge en lui faisant comprendre qu’il pouvait lui faire du mal. P._ s’est abritée derrière un comptoir et a donné l’alarme. U._ a quitté les lieux sans avoir pu pénétrer à l’intérieur du commerce.
P._ et F._ Gmbh ont déposé plainte, respectivement les 3 décembre 2013 et 24 mars 2014.
d)
Le 24 décembre 2013, vers 05h20, à la station-service [...], sise [...] à [...],U._ a saisi par le bras l’employée B._ qui venait d’arriver sur son lieu de travail en lui disant « l’argent, l’argent » tout en tenant son pistolet à la main droite et lui a ordonné de désactiver l’alarme. En composant volontairement un code erroné, l’employée a enclenché l’alarme agression. Paniqué, U._ s’est déplacé dans le magasin, puis est revenu vers la victime en lui disant « t’es morte ». Il a ensuite fouillé son sac, l’a plaquée contre une porte, a mis sa main sur son visage en serrant et l’a embrassée sur la bouche en y insérant sa langue. Il lui a répété qu’elle était morte et, avec sa main, lui a fait un signe lui indiquant qu’il allait lui trancher la gorge. Finalement, il a quitté les lieux sans être parvenu à s’emparer d’un quelconque butin.
B._ a déposé plainte et s’est constituée partie civile le 3 mars 2014.
e)
Le 8 février 2014, vers 07h10, à la station-service [...], sise [...] à [...],U._ est entré dans ce commerce en braquant immédiatement la caissière L._ au moyen de son pistolet. En faisant le tour du comptoir pour la rejoindre, son arme toujours dirigée dans sa direction, il lui a intimé l’ordre de lui remettre de l’argent. Après avoir lui-même tourné la clé du tiroir-caisse, le prévenu a mis son arme dans sa poche et fait main basse sur les billets de banque, représentant environ 770 francs. Il s’est également emparé de cartouches de cigarettes. lI a ensuite forcé la caissière à l’accompagner à l’étage où il espérait trouver un coffre-fort et, tandis qu’ils montaient les escaliers, lui a mis une main sur les fesses. L._ s'est immédiatement retourné et a crié. Le prévenu lui a alors fait comprendre d'un geste de la main qu'il avait son arme dans la poche de sa veste. Après avoir constaté qu’il n’y avait pas de coffre à l'étage, U._ a quitté les lieux en emportant son butin.
Au même moment, deux clients, dont I._, sont arrivés dans la station-service. Alertés par L._, ils se sont lancés à la poursuite du prévenu. Apercevant qu'il était poursuivi et craignant d’être rattrapé, U._ a sorti son pistolet et tiré un coup de feu en l’air. Après être parvenu à distancer ses poursuivants, il a finalement abandonné son butin, son arme, sa veste et sa cagoule.
L._ et O._ SA ont déposé plainte et se sont constitués partie civile, respectivement les 19 février et 17 mars 2014.
D.
Alors que la présente procédure était en cours et qu’il était détenu pour des motifs de sûreté, U._ a été condamné le 9 juillet 2015 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires à une peine privative de liberté de 150 jours.
Cette ordonnance pénale, qui n’est pas définitive et exécutoire, retient qu’en date du 26 mars 2015, alors qu’il avait été emmené au CHUV, U._ a pris la fuite après avoir détourné l’attention de l’agent de sécurité chargé de sa surveillance et s’être débarrassé de ses entraves aux pieds au moyen d’une clé subtilisée par ses soins à la prison du Bois Mermet. Dans sa course, il a fait usage d’un spray au poivre – également subtilisé en prison – à l’encontre de l’agent de sécurité et de ses autres poursuivants. Finalement acculé, il a enjambé une rambarde, s’est laissé pendre dans le vide, puis tomber d’une hauteur de plus de 13 mètres. Ensuite de cette chute, U._ a souffert de nombreuses fractures, notamment au bassin, au dos et aux jambes. | En droit :
1.
1.1
Interjetés dans les forme et délai légaux (art. 399 CPP) par des parties ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du Ministère public ainsi que l’appel joint formé par U._ sont recevables.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
2.
A titre de mesures d’instruction, l’appelant par voie de jonction a requis que soient mises en œuvre une nouvelle expertise psychiatrique à son endroit, ainsi qu’une expertise sur les types de lésions que pouvait engendrer un tir avec l’arme dont il s’était muni.
2.1
Tel que garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), le droit d'être entendu comprend, notamment, le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 Il 286 c. 5.1; ATF 132 Il 485 c. 3.2; ATF 127 I 54 c. 2b). La jurisprudence admet que le droit d’être entendu n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l‘instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que, ces dernières ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (cf. ATF 134 I 140 c. 5.3 et les références citées).
2.2
2.2.1
En l’espèce, le dossier comporte un rapport d’expertise psychiatrique établi le 24 juillet 2014, signé par le Dr [...], médecin agréé, et par [...], psychologue associée (P. 50). A la requête de la défense (P. 56), un complément d’expertise a été ordonné sur la question du degré de responsabilité pénale du prévenu et, d’office, sur la question du risque de récidive (P. 61). Les experts se sont déterminés sur ces points dans un rapport complémentaire déposé le 11 septembre 2014 (P. 63).
L’appelant par voie de jonction soutient pour la première fois que cette expertise aurait été effectuée en réalité par la psychologue et non par le médecin qui ne l’aurait rencontré qu’à une seule reprise. Il ajoute que cette expertise ne serait pas fiable dès lors qu’il n’aurait pas bénéficié des services d’un interprète. Ces deux griefs sont infondés. D’une part, l’appelant, assisté d’un défenseur durant toute la procédure, fait preuve de mauvaise foi en ne remettant en cause cette expertise qu’en deuxième instance, alors qu’il pouvait et devait le faire auparavant. D’autre part, ses critiques sont dépourvues de consistance. L’expertise résulte d’un travail commun du médecin et de la psychologue qui intègre le résultat de trois entretiens, ainsi que la prise de connaissance d’un dossier médical, du dossier pénal et du rapport d’un examen psychologique réalisé par une autre psychologue, document qui figure également au dossier (P. 103). Par ailleurs, dès sa première audition (PV d’audition n. 3 p.1), l’appelant a déclaré qu’il n’avait pas besoin des services d’un interprète en précisant qu’il fallait lui parler lentement, qu’il comprenait très bien, mais qu’il peinait parfois à trouver les mots. En outre, le rapport d’expertise ne contient aucune trace de malentendu linguistique et l’appelant n’en illustre aucun. Sa requête doit donc être rejetée.
2.2.2
U._ soutient ensuite que l’expertise relative à la dangerosité du pistolet à lapins dont il s’est servi n’indiquerait pas si un tir avec cette arme pouvait engendrer la mort d’une victime, le cas échéant, comment et à quelle probabilité.
Il ressort en l’occurrence de cette expertise que les projectiles d’une munition telle que celle avec laquelle cette arme a été chargée peuvent atteindre à bout portant une profondeur de pénétration dépassant les 20 cm dans les tissus mous d’un être humain. Des cas de décès consécutifs à des perforations du crâne ont en outre été observés. Ces indications sont suffisantes pour admettre un risque de mort lors d’un tir sur la calotte crânienne le cas échéant. Au demeurant, la nuque, la tempe, le haut du cou ou la face sont des emplacements de la tête susceptibles d’être profondément pénétrés par la balle sans qu’il soit nécessaire et utile de se fonder sur une expertise plus approfondie. A nouveau, l’appelant par voie de jonction manque à la bonne foi en ne formulant cette requête qu’au stade de l’appel. Celle-ci doit par conséquent également être rejetée.
3.
Les griefs soulevés par l’appelant par voie de jonction s’agissant de la qualification juridique des faits qui lui sont reprochés seront examinés en premier lieu (cons. 4). Dans la mesure où l’appel principal du Ministère public ne porte que sur la quotité de la peine et que l’appelant par voie de jonction formule également des griefs à cet égard, les deux appels seront examinés simultanément sur cette question (cons. 5).
4.
4.1
L’appelant par voie de jonction conclut à la libération des chefs d’accusation de contrainte sexuelle et de désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel.
Il n’a toutefois motivé cette conclusion ni dans sa déclaration d’appel ni aux débats. Pour le surplus, les conditions objectives et subjectives de ces infractions sont réunies en l’espèce, l’appréciation juridique du Tribunal criminel, à laquelle il est renvoyé en application de l’art. 82 al. 4 CPP, ne portant pas le flanc à la critique.
Partant, cette conclusion doit être rejetée.
4.2
U._ conteste s’être rendu coupable de brigandage qualifié au sens de l’art. 140 al. 4 CP s’agissant des brigandages qu’il a commis les 18 novembre 2013 et 8 février 2014. Il soutient que le danger de mort retenu par les premiers juges n’aurait pas été particulièrement imminent.
4.2.1
Aux termes de l'art. 140 ch. 1 CP, celui qui aura commis un vol en usant de violence à l'égard d'une personne, en la menaçant d'un danger imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle ou en la mettant hors d'état de résister sera puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins. Les ch. 2 à 4 de l'art. 140 CP envisagent les formes qualifiées de brigandage. En vertu de l'art. 140 ch. 2 CP, le brigandage sera puni d'une peine privative de liberté d'un an au moins, si son auteur s'est muni d'une arme à feu ou d'une autre arme dangereuse. L'art. 140 ch. 3 CP prévoit une peine privative de liberté de deux ans au moins, si l'auteur a commis le brigandage en qualité d'affilié à une bande formée pour commettre des brigandages ou des vols ou si de toute autre manière la façon d'agir dénote qu'il est particulièrement dangereux. Enfin, l'art. 140 ch. 4 CP prévoit une peine privative de liberté de cinq ans au moins, si l'auteur a mis la victime en danger de mort, lui a fait subir une lésion corporelle grave ou l'a traitée avec cruauté.
La circonstance aggravante de la mise en danger de mort prévue à l’art. 140 ch. 4 CP doit être interprétée restrictivement en raison de l’importance de la peine, qui est une peine privative de liberté de cinq ans au moins et qui correspond ainsi à la peine du meurtre (art. 111 CP). L’application de l’art. 140 ch. 4 CP implique une mise en danger concrète fortement accrue ou encore un danger de mort particulièrement imminent (ATF 117 IV 419 c. 4,
JT 1993 IV 140
; ATF 121 IV 67 c. 2b/bb; Niggli/Riedo in : Niggli/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Strafrecht I, 3
e
éd., Bâle 2013, nn. 139 et 143 ad art. 140 CP). Les circonstances de fait et le comportement concret de l’auteur sont décisifs pour déterminer si la victime a couru un risque réel de lésions mortelles (ATF 117 IV 427 c. 3b). Cette condition est ainsi réalisée notamment lorsque l’auteur menace la victime avec un pistolet chargé et
désassuré braqué à courte distance sur elle, de telle sorte qu’un coup de feu peut partir à chaque instant, même involontairement, et atteindre mortellement la victime (ATF 117 IV 419 précité c. 4c;
ATF 121 IV 67 c. 2d
).
Enfin, l’intention de l’auteur doit porter sur la mise en danger de mort. Il doit avoir conscience et la volonté de placer sa victime dans une situation telle qu’elle risque sa vie, le dol éventuel étant suffisant (
ATF 117 IV 419 précité c. 4d, JT 1993 IV 140 )
.
4.2.2
Les premiers juges ont considéré que la circonstance aggravante de danger de mort au sens de l’art. 140 ch. 4 CP était réalisée s’agissant des brigandages commis les 18 novembre 2013 et 8 février 2014. Ils ont retenu que U._ avait posé son arme sur la tempe et la nuque de [...], soit à des endroits où une blessure par balle pouvait être fatale, et relevé la dangerosité de l’arme utilisée en se référant à l’expertise balistique. Ils ont également retenu que le prévenu avait braqué L._ au moyen de son pistolet en le tenant chargé et désassuré à proximité immédiate de sa victime, cette circonstance absorbant la dangerosité particulière dont il avait fait preuve lorsqu’il avait été poursuivi par I._.
Cette appréciation ne porte pas le flanc à la critique. Certes, comme l’a relevé l’appelant par voie de jonction, la munition qu’il a utilisée était dépourvue de charge propulsive mais, contrairement à ce qu’il a soutenu, on ne saurait en déduire que la dangerosité du pistolet à lapins dont il s’est servi était moindre. Cette arme dispose en l’occurrence d’un système de percussion. Elle doit à ce titre être considérée comme une arme à feu. La munition avec laquelle elle a été chargée pouvait pénétrer plus de 20 cm dans les tissus mous d’un être humain si l’arme était tenue à bout portant. Par conséquent, son potentiel lésionnel était très élevé.
L’appelant par voie de jonction soutient à cet égard que l’expertise balistique n’indiquerait pas que son arme entraînait la mort de façon certaine et que seul des essais de tirs plus spécifiques permettraient de déterminer le type de dégâts qu’elle pourrait causer, de sorte qu’au bénéfice du doute, on ne saurait retenir à sa charge la réalisation d’un danger de mort particulièrement imminent. C’est toutefois faire abstraction du fait que, comme indiqué précédemment (cons. 2.2.2), des cas de décès des suites d’une perforation du crâne ont déjà été observés. En outre, le projectile d’une arme braquée à bout portant sur sa victime, à plus forte raison posée à même la peau sur la tempe ou la nuque de celle-ci, peut se loger dans des parties du corps qui ne sont pas protégées par la cage thoracique ou la calotte crânienne comme le visage, une pénétration de 20 cm étant largement suffisante pour être fatale.
Le danger de mort était d’autant plus imminent ici que l’arme était chargée d’une munition, qu’elle était dépourvue de pontet et de système de sécurité et qu’elle était par conséquent immédiatement opérationnelle. Une simple pression de 1,1 kg pouvait de surcroît être suffisante pour faire partir le coup. Dans un contexte d’extrême tension tel que celui des brigandages dont il est question ici, où le stress et la panique rendent les réactions des victimes imprévisibles tout autant que celles de leurs auteurs, le risque d’une pression accidentelle sur la détente et d’un départ du coup était donc particulièrement brûlant.
Enfin, U._ a soutenu qu’il n’avait pas eu conscience du danger qu’il avait fait courir à ses victimes. A l’instar des premiers juges, il convient de relever qu’après avoir testé son pistolet sur une planche et sur le sol (PV d’audition n. 4 p. 3), il ne pouvait plus ignorer l’importance de son potentiel lésionnel. Il connaissait en outre son fonctionnement, en particulier le fait qu’elle était dépourvue de système de sécurité et qu’une faible pression était suffisante pour faire partir le coup. Ainsi, force est de considérer qu’en prenant le soin d’y insérer malgré tout une cartouche et en la braquant à bout portant sur les victimes, il avait pleinement accepté le danger mortel qu’il allait leur faire encourir.
Au vu des éléments qui précèdent, c’est à juste titre que U._ a été condamné pour brigandage qualifié au sens de l’art. 140 ch. 4 CP pour les actes qu’il a commis les 18 novembre 2013 et 8 février 2014.
5.
Tant le Ministère public que U._ contestent la quotité de la peine infligée par les premiers juges.
U._ a requis une diminution de peine en partant du principe qu’il serait libéré du chef d’accusation de brigandage qualifié au sens de l’art. 140 ch. 4 CP et en faisant valoir entre autres qu’il n’était pas un délinquant endurci, qu’il n’avait pas frappé ses victimes, qu’il avait tiré en l’air au lieu de viser ses poursuivants, que le risque qu’il récidive était peu élevé et qu’il s’était excusé auprès de ses victimes. Il a en dernier lieu invoqué qu’il avait compris la gravité de ses actes et qu’il avait tenté de suicider et non de s’évader lors de l’épisode du 26 mars 2015.
Le Ministère public estime quant à lui que la peine infligée au prévenu est trop clémente. S’il considère que les éléments sur lesquels les premiers juges se sont fondés sont pertinents, il leur reproche toutefois de ne pas les avoir appréciés correctement et de n’avoir pas suffisamment tenu compte de la gravité des actes commis en insistant notamment sur la peine minimale prévue par l’art. 140 ch. 4 CP et le concours d’infractions. Il ajoute enfin que la tentative d’évasion du prévenu démontre qu’il n’entend pas assumer ses actes.
5.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
5.2
En l’espèce, les griefs soulevés par l’appelant par voie de jonction doivent être écartés. Non seulement l’infraction de brigandage qualifié au sens de l’art. 140 ch. 4 CP a été retenue, mais les éléments à décharge qu’il a plaidés ont déjà été pris en compte par les premiers juges. L’ensemble des éléments que ces derniers ont pris en considération (jugement, pp. 41 et 42) sont par ailleurs pertinents, si ce n’est l’argument selon lequel le prévenu n’aurait jamais tenté de nuire à ses victimes au-delà de ce qu’impliquait la réalisation des brigandages. Cet élément ne doit pas être pris en compte dans la mesure où le baiser lingual et le geste à caractère sexuel qu’il a infligés à deux de ses victimes en étant porteur d’une arme à feu revêtent indubitablement un caractère violent et pervers, l’atteinte psychique ainsi causée n’étant pas négligeable. On relèvera en outre que le tir de semonce que le prévenu a effectué pour dissuader ses poursuivants constitue également une forme de violence.
Le Tribunal criminel a estimé qu’une peine de 10 ans de réclusion ne se justifiait pas, celle-ci n’étant prononcée qu’à l’égard de délinquants endurcis commettant des actes d’une gravité objective plus importante. Cette appréciation remise en cause par le Ministère public ne porte pas le flanc à la critique. A l’instar des premiers juges, il convient de considérer que les actes commis par le prévenu ne revêtent pas la même gravité que les opérations de grand banditisme où les auteurs agissent de façon professionnelle et lourdement armés. La distinction opérée ici est ainsi correcte, le prévenu ne présentant pas le même niveau de dangerosité.
Enfin, il n’y a pas lieu de tenir compte des lésions traumatiques du prévenu consécutives à sa chute au CHUV le 26 mars 2015 et qui constituent un fait nouveau dans le cadre de l’appréciation de la peine s’agissant de sa situation personnelle. D’une part, celles-ci sont peu documentées, l’appelant par voie de jonction ne s’en étant par ailleurs même pas prévalu. D’autre part, si tant est qu’elles aient un impact durable sur son avenir, ces lésions devraient être prises en compte dans le cadre de l’examen de la peine infligée pour les infractions qu’il a commises le 26 mars 2015 et qui relèvent du même complexe de fait. A cet égard, il convient de relever que l’ordonnance pénale rendue le 9 juillet 2015 n’est pas définitive et exécutoire. Il en va de même s’agissant de l’éventuel caractère complémentaire de la peine qui doit être soulevé dans le cadre de cette procédure pénale distincte ou ultérieurement.
Au vu de ce qui précède, tant les griefs soulevés par U._ que par le Ministère public doivent être rejetés. La peine infligée par le Tribunal criminel étant adéquate, elle doit être confirmée.
6.
En définitive, l'appel du Ministère public et l’appel joint de U._ doivent être rejetés et le jugement de première instance intégralement confirmé.
7.
Une indemnité de défenseur d'office d'un montant de 4'613 fr. 75, TVA et débours inclus, sera allouée à Me Olivier Bastian pour la procédure d'appel.
Compte tenu de la complexité de la cause et des opérations nécessaires, une indemnité arrêtée à 505 fr. 45, TVA et débours compris, correspondant à une activité de 2,5 heures, sera allouée à Me Coralie Germond, conseil d’office de L._, ainsi qu’à Me Fabien Mingard, conseil d’office de P._. Les autres conseils d’office concernés n’ont pour leur part pas demandé à être indemnisés dans le cadre de la procédure d’appel.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 8'304 fr. 65, constitués en l’espèce de l'émolument d’arrêt, par 2’680 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), de l’indemnité allouée au défenseur d’office de U._, ainsi que des indemnités allouées à Me Coralie Germond et Me Fabien Mingard, seront mis par moitié à la charge de U._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
U._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat la moitié des montants des indemnités allouées à son défenseur d’office, ainsi qu’à Me Coralie Germond et Me Fabien Mingard, que lorsque sa situation financière le permettra.
L
e dispositif communiqué après l’audience d’appel est
incomplet dès lors qu’il ne statue pas sur la rémunération de Me Coralie Germond et de Me Fabien Mingard. En application de l’art. 83 al. 1 CPP, il sera complété d’office par l’ajout de chiffres V bis et V ter et rectifié à ses chiffres VI et VII. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7d003c50-994c-42ab-bdee-6b56ab5df707 | E n f a i t :
A.
Par jugement du 2 février 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré N._ des infractions de lésions corporelles simples, d'abus de confiance et de vol (I), l'a condamné, pour contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, à une amende de 300 fr. et a dit qu’en cas de non paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 30 (trente) jours (II), a renoncé à révoquer le sursis portant sur une peine privative de liberté de neuf mois octroyé par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne le 6 juin 2007 (III), a pris acte des conventions passées avec K._ et [...] pour valoir jugement (IV), a ordonné la confiscation et la destruction de la drogue séquestrée sous fiche 45172 (V), a mis la moitié des frais de justice, soit 1'716 fr. 65, à la charge de N._, dont 3'103 fr. 70 d’indemnité à son conseil d’office et a laissé le solde à la charge de l’Etat, notamment 1'259 fr. 30 d’indemnité au conseil d’office de [...] (VI) et a dit que l’indemnité due à son conseil d’office ne sera exigible de N._ que pour autant que sa situation financière le permette (VII).
B.
Le 16 février 2011, le Ministère public a déposé une annonce d'appel contre le jugement précité. Dans sa déclaration d'appel du 10 mars 2011, il a conclu à ce que le jugement entrepris soit modifié sur les points suivants :
"I. Déclarer N._ coupable d'abus de confiance, subsidiairement escroquerie, en relation avec les faits évoqués dans la déclaration d'appel;
II. Condamner N._ à une peine de 360 heures de travail d'intérêt général;
III. Révoquer le sursis accordé à N._ le 6 juin 2007 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne;
IV. Renoncer à révoquer le sursis accordé le 14 avril 2005;
V. Mettre à la charge de N._ la part des frais correspondant à sa culpabilité."
L’appelant a expressément déclaré ne pas requérir de mesure d'instruction et ne pas s'opposer à ce que l'appel soit traité en procédure écrite.
Dans le délai qui lui avait été imparti pour se déterminer, l’intimé N._ s'en est remis à justice quant à la recevabilité de l'appel, a renoncé à déposer un appel joint et a requis la tenue de débats publics.
Par écriture du 7 avril 2011, le Président de la Cour d'appel pénale a communiqué aux parties que la cour se réservait, en application de l'art. 344 CPP par renvoi de l'art. 405 al. 1 CPP, de retenir, le cas échéant, l'infraction d'escroquerie au sens de l'art. 146 CP. Il a ajouté que les parties auraient la faculté de se prononcer à ce sujet lors des débats publics.
Les parties, ainsi qu'un témoin amené par l'intimé, ont été entendus à l'audience du 1
er
juin 2011. Le Parquet a réduit ses conclusions (ch. III) en ce sens que le sursis accordé à l'intimé le 6 juin 2007 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne n'est pas révoqué, mais que le délai d'épreuve l'assortissant est prolongé dans telle mesure que justice dira. L'intimé a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. Le prévenu N._, né en 1986, dépourvu de formation professionnelle après avoir abandonné un apprentissage de polymécanicien, a exercé diverses missions temporaires. Son casier judiciaire comporte quatre inscriptions, à savoir : une peine d'amende de 400 fr., avec sursis pendant deux ans, prononcée le 7 janvier 2005 par le Juge d'instruction de Lausanne pour contravention à la LStup et délit contre la loi fédérale sur les armes; une peine de 12 mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans, le délai d'épreuve ayant été prolongé d'un ans et six mois et non révoqué, prononcée le 14 avril 2005 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne pour rixe et agression; une peine privative de liberté de 18 mois avec sursis partiel portant sur la moitié de la peine, soit neuf mois, avec délai d'épreuve de cinq ans, sous déduction de 72 jours de détention préventive, peine partiellement complémentaire au jugement du 14 avril 2005, sursis non révoqué, prononcée le 6 juin 2007 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne pour vol, violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d'un appareil de prises de vues, abus de la détresse, contravention à la LStup et délit contre la loi fédérale sur les armes; une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 10 fr., prononcée le 18 avril 2008 par le Juge d'instruction de Lausanne pour délit contre la loi fédérale sur les armes et contravention à la LStup.
Un témoin entendu à l'audience du tribunal correctionnel a relevé que, depuis sa sortie de prison en mars 2010, le prévenu avait modifié son comportement, en ce sens qu'il a changé de fréquentations et qu'il s'est calmé; en outre, il s'occupe de sa fille, veut se stabiliser et trouver un travail.
S’agissant de sa situation personnelle, le prévenu a indiqué à l'audience du tribunal correctionnel qu'il vivait avec sa fiancée, [...], au domicile des parents de celle-ci. Il a ajouté avoir été incarcéré en août 2009, avant d'être libéré en mars 2010; il donnait un coup de main non rémunéré à l'un de ses frères qui venait d'ouvrir une entreprise de livraison de repas et il espérait pouvoir y travailler. Il touchait 1'100 fr. d'aide sociale par l'intermédiaire de la Fondation vaudoise de probation et bénéficiait du subside pour son assurance-maladie. Il a confirmé ces déclarations devant la cour de céans, mais les a actualisées comme il suit :
« Le projet que j’avais de collaborer avec mon frère n’a pas abouti. Par contre, j’ai un contrat de mission avec [...] comme collaborateur auprès de l’entreprise [...] comme aide-monteur électricien. Je me réfère à la pièce produite ce jour. Dans les faits, cette mission est achevée et je suis dans l’attente imminente d’une nouvelle mission, en principe pour la même entreprise, qui devrait durer six mois, vraisemblablement aux mêmes conditions. J’escompte un revenu mensuel net de 3'800 fr. ces six prochains mois. Ma concubine perçoit 1'700 fr. d’aide sociale et d’allocations familiales. Nous sommes hébergés par ma belle-mère et je contribue aux charges du ménage à raison de 800 fr. par mois. J’honore mon engagement à l’égard de K._ à raison de 200 fr. par mois et à l’égard de [...] à raison de 100 fr. par mois. J’ajoute enfin que je ne suis pas opposé par principe à exécuter cas échéant une sanction sous forme de travail d’intérêt général, mais que je préférerais idéalement une sanction pécuniaire».
Entendue comme témoin par la cour de céans, [...] a déclaré ce qui suit :
« J’ai connu N._ il y a environ quatre ans. Nous vivons effectivement ensemble chez ma mère. Nous avons un enfant, une petite fille, née le 9 mai 2010. Lorsque ses obligations professionnelles le permettent, N._ s’occupe de notre enfant et c’est un très bon père. Quant à moi, j’entame ma formation d’aide-infirmière au CHUV. Je ne suis pas rémunérée et je perçois des services sociaux un montant de 2'100 fr. par mois, allocations familiales comprises. Pour le reste, les informations que vous a communiquées mon fiancé et dont vous venez de me donner lecture sont exactes. Interpellée par Me Schmoker, je confirme que mon fiancé, depuis sa libération, a changé d’attitude et de comportement, ainsi que de fréquentations. Il sort moins et s’occupe de sa famille. Sans être occupé à des missions professionnelles de façon permanente, il en a quand même eues plusieurs cette dernière année. »
2. Entre le 18 avril 2008 et le 14 août 2009, le prévenu a consommé de la marijuana à raison d'un à deux joints par jour; à cette dernière date, il a été interpellé à Lausanne en possession d'un sachet contenant 0,4 g de cette drogue, destinée à sa consommation personnelle. Par ces faits, il a été reconnu coupable de contravention à la LStup.
Le 18 juillet 2009, devant une discothèque lausannoise, le prévenu a asséné deux coups de poing au visage de [...], lui occasionnant ainsi une fracture du nez. La victime a déposé plainte. Peu avant les débats, le prévenu s'est, par convention, reconnu débiteur envers elle d'une indemnité de 5'000 fr., valeur échue, payable par mensualités de 100 fr. En contrepartie, la victime a retiré sa plainte. Partant, le prévenu a été libéré de l'accusation de lésions corporelles simples.
A une date indéterminée, un nommé K._, né en 1984, a demandé à N._ de lui fournir un kg de marijuana. Les deux hommes se connaissaient depuis leur jeunesse et entretenaient des rapports de confiance, sans pour autant être amis. A Lausanne, le 24 mai 2009, le prévenu a conduit K._ au pied d'un immeuble dans lequel, disait-il, se trouvait un fournisseur. K._ a, de son propre gré, confié à son camarade une somme de 8'000 fr. destinée à l'achat de la drogue. Alors que K._ attendait dans sa voiture, le prévenu a conservé l'argent par devers lui et est sorti de l'immeuble par une autre issue, spoliant ainsi sa victime de la somme en question, qu'il a utilisée à son profit. Celle-ci provenait d'un emprunt bancaire souscrit par K._, lequel espérait que la revente de la drogue acquise au moyen de ces fonds lui permettrait de rembourser le prêteur en réalisant un bénéfice de l'ordre de son investissement.
K._ a déposé plainte. Il l'a retirée après avoir, avant l'ouverture des débats, passé une convention avec le prévenu, par laquelle celui-ci se reconnaissait son débiteur de la somme de 8'000 fr., remboursable par mensualités de 200 fr. Il est constant que le prévenu avait versé la première mensualité avant l'audience du tribunal correctionnel et qu'il avait établi un ordre de paiement permanent pour s'acquitter du solde de son obligation aux échéances stipulées.
3. Appréciant les faits de la cause, les premiers juges ont considéré notamment, s'agissant des faits survenus le 24 mai 2009, que les éléments constitutifs du vol n'étaient pas réalisés. En effet, la somme avait été remise par K._ à le prévenu de son propre gré, à telle enseigne qu'il manquait l'élément de la soustraction. Sous l'angle de l'abus de confiance, la chose confiée, soit les espèces, avait été remise à l'auteur à des fins illicites au sens de l'art. 20 CO, soit pour l'acquisition de drogue. Le tribunal correctionnel a considéré que le droit pénal ne protégeait pas des intérêts pécuniaires qui ne le seraient pas selon le droit civil. Partant, l'appropriation de l'argent ne saurait, toujours selon les premiers juges, être sanctionnée pénalement. | En droit :
1.1
Déposé en temps utile et suffisamment motivé, l'appel est recevable (art. 399 al. 1 et 3 CPP). La contestation est limitée à la qualification juridique de l'acte incriminé du 24 mai 2009 et à ses conséquences quant à la peine à prononcer (art. 399 al. 4 CPP).
1.2
Le Ministère public a, de droit, la qualité pour recourir, soit pour interjeter appel, en application de l'art. 381 al. 1 CPP.
1.3
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour (al. 3) : violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié (let. a); constatation incomplète ou erronée des faits (let. b); inopportunité (let. c).
2.
Il est constant que les espèces soustraites par l'intimé lui avaient été remises volontairement par leur propriétaire dans le seul dessein qu'il procure de la drogue au tiers en question. Tendant uniquement à une fin illicite, un tel contrat est à l'évidence nul en vertu de l'art. 20 al. 1 CO (cf. également ci-dessous). Il ne saurait dès lors donner lieu à une action civile du lésé. Partant, la question préalable est celle de savoir si l'atteinte portée au patrimoine du tiers peut, par principe, être réprimée pénalement. A cet égard, la juridiction fédérale a rendu une jurisprudence concernant notamment, comme la présente espèce, le trafic de stupéfiants et à laquelle il y a dès lors lieu de se référer.
3.
Le Tribunal fédéral a exclu que des stupéfiants, à l’exception de ceux objet d’un commerce licite, puissent constituer une chose appartenant à autrui susceptible d’être soustraite à l’occasion d’un vol ou d’un brigandage, dès lors que leur acquisition illicite, s’agissant d’une chose hors commerce, ne peut fonder un droit de propriété juridiquement protégé (ATF 122 IV 179; 124 IV 104; 132 IV 8; Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3e éd. Lausanne 2007, ch. 1.3 ad art. 139; Corboz, Les infractions en droit suisse, 3e éd., Berne 2010, p. 249 n° 1).
Cela étant, il n'en reste pas moins que le droit pénal peut trouver à s'appliquer pour réprimer une atteinte aux intérêts patrimoniaux d'une personne impliquée dans un trafic de stupéfiants. C'est ainsi que, sous l'angle de l'escroquerie (art. 146 CP), sans s’attarder outre mesure sur l’élément constitutif du préjudice patrimonial, le Tribunal fédéral a statué (ATF 111 IV 55, JT 1985 IV 71) que celui qui vend de l’héroïne coupée dans une proportion de 30 % supérieure au coupage usuel, tout en pratiquant le prix de la marchandise de qualité normale, se rend coupable d’escroquerie. Il a confirmé cette jurisprudence (ATF 117 IV 139, JT 1993 IV 144) en analysant la question du dommage patrimonial : il n’y a dommage patrimonial que si le droit civil accorde à la victime astucieusement trompée un droit à la réparation du préjudice. L’acheteur de stupéfiants ne peut invoquer la responsabilité contractuelle du vendeur de stupéfiants puisque le contrat d’acquisition de stupéfiants illicites est nul, dès lors qu’il a un objet illicite (art. 20 al. 1 CO). Il ne peut davantage invoquer l’enrichissement illégitime de son cocontractant au sens des art. 62 et suivants CO, dès lors qu’il n’y a pas lieu à répétition de ce qui a été donné en vue d’atteindre un but illicite (art. 66 CO). En revanche, cet acheteur peut se prévaloir de la responsabilité délictuelle du vendeur, la fraude ou le dol de celui-ci lui causant d’une manière illicite un dommage au sens de l’art. 41 CO. Certes la question de savoir si l’escroquerie peut objectivement consister dans le fait d’amener la personne trompée à conclure un marché illicite est débattue en doctrine (JT 1993 IV 145, note infrapaginale 1). Néanmoins, le Tribunal fédéral n’a pas remis en question sa jurisprudence par la suite. Ainsi dans un arrêt traitant d’une escroquerie dans un jeu télévisé (ATF 126 IV 165, JT 2001 IV 77, c. 3b), il a notamment indiqué ce qui suit : « Selon la jurisprudence, il faut comprendre par « intérêts pécuniaires » au sens de l’art. 146 CP le patrimoine qui est protégé par le droit civil. Le droit pénal en tant qu’ «ultima ratio» ne peut pas protéger le patrimoine qui n’est pas protégé par le droit civil. Un dommage patrimonial au sens de l’art. 146 CP n’existe donc que lorsque la personne trompée astucieusement a un droit protégé juridiquement à la compensation du dommage subi ».
De même, dans l’arrêt dit du «jeu du dada » (TF 6S.279/2003 du 26 septembre 2003, spéc. c. 2.2.3), dont un volet de l’astuce analysée consistait à faire croire à la dupe qu’elle acquérait de l’héroïne au tiers du prix du marché (arnaque des cantines), le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation de l’escroc en exposant ce qui suit :
« Il est établi en fait que l'objet de l'arnaque des cantines était un vase de l'ordre de 40'000 francs et son contenu, soit des sachets de poudre blanche que l'un des coauteurs identifiait comme étant de l'héroïne, ce qui permettait à l'acheteur de le revendre au triple de son prix. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'acquéreur de produits stupéfiants, trompé astucieusement sur la qualité de la marchandise vendue, a un droit à la réparation du préjudice fondé sur l'art. 41 CO, même s'il est empêché par les art. 20 et 66 CO d'exiger le remplacement de la marchandise ou la restitution du prix payé (ATF 117 IV 139, c. 3e p. 150). Partant, c'est à tort que le recourant prétend que le patrimoine de la victime ne saurait être protégé en raison du caractère illicite de la vente des vases remplis d'héroïne. Enfin, il ne peut se prévaloir de l'ATF 122 IV 179, cet arrêt concernant le cas particulier de la soustraction de stupéfiants au sens de l'art. 137 CP, qui est une infraction contre la propriété où la question du dommage ne se pose pas, et non pas l'escroquerie. Infondé, le grief du recourant doit être rejeté. »
Il s'ensuit que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le droit pénal ne protégeait pas par principe des intérêts pécuniaires qui ne le seraient pas selon le droit civil. Partant, la libération de l'intimé à raison des faits en cause pour ce seul motif procède d'une violation du droit fédéral, étant précisé que c'est à juste titre que le vol n'a pas été retenu, s'agissant d'espèces remises volontairement. Cela étant, il reste à qualifier le comportement incriminé.
4.1
S'agissant, comme en l'espèce, de la soustraction de valeurs mobilières remises volontairement par leur propriétaire, la distinction entre l'abus de confiance (art. 138 CP) et l'escroquerie (art. 146 CP) peut s'avérer malaisée. Comme on le verra ci-dessous (c. 4.3), ces infractions s’excluent réciproquement. L'une et l'autre sont poursuivies d'office.
4.2
Il ressort des faits de la cause que l'intimé a trompé K._ sur sa volonté de lui procurer un kilo de marijuana avant que celui-ci ne lui en remette le prix, soit la contre-valeur. Il avait choisi un immeuble doté d’une autre sortie que celle à laquelle la victime l’attendait. K._ s’était vu proposer d’investir son crédit de 8'000 fr., préalablement souscrit auprès d'une banque, dans l’acquisition de drogue dont la revente devait lui permettre de rembourser le prêteur en réalisant un bénéfice de l’ordre de son investissement. Le caractère astucieux de la tromperie réside d'abord dans l'abus de la relation de confiance, soit de camaraderie, entre l'intimé et la victime, étant précisé que celle-ci n'aurait à l'évidence pas confié de l'argent à une personne tenue pour non fiable. Il réside ensuite dans l’impossibilité de procéder à des vérifications en matière d’achat illicite de stupéfiants. A cet égard, il doit être précisé que la volonté de l’intermédiaire de ne pas exécuter le marché prétendument conclu avec l'acquéreur de stupéfiants relève du contenu de sa pensée; il s'agit donc d'un point de fait, et non de droit (ATF 125 IV 49, c. 2d; 122 IV 156).
4.3
Cela étant, la question est de savoir si la remise volontaire préalable des espèces par la victime à l'auteur suffit à elle seule à retenir l'abus de confiance plutôt que l'escroquerie. La réponse est négative. En effet, le critère de distinction réside dans la prise de possession des valeurs patrimoniales provoquée ou non par la tromperie astucieuse au sens de l'art. 146 CP (Favre/Pellet/ Stoudmann, op. cit., ch. 1.27 ad art. 138, p. 358). Le Tribunal fédéral a ainsi statué qu'un bien peut être confié à l'auteur par l'effet d'une tromperie astucieuse au sens de l'art. 146 CP, lors qu'elle a précisément pour dessein que la victime lui confie le bien en question (ATF 117 IV 429, c. 3c, JT 1993 IV 173). Tel est le cas en l'espèce. En effet, l'astuce était
antérieure
à la remise des espèces et ne tendait qu'à cette fin. A cet égard, le fait, pour l'intimé, de s'être ultérieurement enfui par l'autre issue de l'immeuble ne relève pas de l'astuce, mais n'avait d'autre dessein que celui de conserver le butin.
4.4
L'intimé s'est donc rendu coupable d'escroquerie. Par identité de motifs, il doit être libéré de l'accusation d'abus de confiance. Une nouvelle peine doit être fixée pour réprimer cette infraction-là, sanction dont la quotité et le genre devront être déterminés. Il devra également être statué sur la question de la prolongation du délai d'épreuve assortissant le sursis accordé le 6 juin 2007 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne, qui fait l'objet d'une conclusion de l'appel. La quotité de l'amende et celle de la peine privative de liberté de substitution ne sont en revanche pas contestées. Il ne saurait donc être statué sur ces derniers points (art. 404 al. 1 CPP).
Il s'ensuit que, plutôt que de fixer une nouvelle peine réprimant l'
ensemble
des actes incriminés (donc également la contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants), il convient de réprimer
spécifiquement
la nouvelle infraction retenue, soit l'escroquerie. L'art. 146 al. 1 CP réprime l'escroquerie d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
5.
La première question à trancher est celle de la quotité de la sanction (peine privative de liberté ou peine pécuniaire). Une fois le quantum arrêté, il devra être déterminé s'il est possible ex lege, d'abord, et souhaitable, ensuite, de prononcer un travail d'intérêt général, comme requis par l'appelant dans sa déclaration d'appel, étant précisé que, comme il l'a relevé à l'audience, l'intimé n'est pas opposé par principe à exécuter cas échéant une sanction sous cette forme.
S'agissant de la quotité de la peine, il doit être fait droit aux conclusions de l'appel, le quantum requis étant adéquat au regard de l'art. 47 CP. La somme dont la dupe a été spoliée est certes importante, mais l'auteur a reconnu les faits et a commencé à dédommager sa victime. Outre cet élément à décharge, il doit être tenu compte du fait que l'intimé paraît, d'une manière générale, sur la voie de l'amendement depuis sa libération au mois de mars 2010, comme on le verra plus en détail au c. 8 ci-après sous l'angle du genre de la peine. La peine doit donc être fixée à l'équivalent de 90 jours-amende.
6.1
La peine requise et prononcée est compatible avec un travail d’intérêt général (art. 37 al. 1 CP). Elle équivaut à 360 heures d'un tel travail (art. 39 al. 2 CP). L'appelant conclut au prononcé d'un travail d'intérêt général d'un tel quantum. L'appel pose ainsi la question du choix du type de la sanction (peine privative de liberté, peine pécuniaire ou travail d'intérêt général). Cette question doit être examinée d'office dans les limites de l'art. 404 al. 1 CPP. Néanmoins, lorsqu’elle rend sa décision, l’autorité de recours n’est pas liée par les conclusions des parties (art. 391 al. 1, let. b, principio, CPP) et elle peut modifier une décision au détriment du prévenu ou du condamné si le recours a été interjeté en leur défaveur (art. 391 al. 2, a contrario, CPP).
Le Tribunal fédéral s'est penché sur la problématique du choix de la peine dans un arrêt du 17 mars 2008 (6B_341/2007, c. 4.2, publié aux ATF 134 IV 97 et dont les principes sont repris en français par TF 6B_541/2007 du 13 mai 2008, c. 3.1). Il en ressort les considérations évoquées aux chiffres qui suivent.
6.2
La nouvelle partie générale du Code pénal offre une palette étendue de sanctions et de possibilités de combinaisons de celles-ci entre elles. Le choix du type de la sanction doit principalement tenir compte de l'adéquation d'une sanction déterminée, de ses effets sur le condamné et l'environnement social de ce dernier ainsi que de l'efficacité de la sanction dans l'optique de la prévention (ATF 134 IV 82, c. 4.1 et la référence à Riklin, Neue Sanktionen und ihre Stellung im Sanktionensystem, in: Bauhofer/Bolle [Hrsg.], Reform der strafrechtlichen Sanktionen, Zurich 1994, p. 168; le même, Zur Revision des Systems der Hauptstrafen, ZstrR 117/1999, p. 259).
6.3
A titre de sanctions, le nouveau droit fait de la peine pécuniaire (art. 34 CP) et du travail d'intérêt général (art. 37 CP) la règle dans le domaine de la petite criminalité, respectivement de la peine pécuniaire et de la peine privative de liberté la règle pour la criminalité moyenne. Les sanctions de toute nature peuvent dorénavant être assorties du sursis (art. 42 CP) ou d'un sursis partiel (art. 43 CP) lorsque les conditions en sont réalisées, ou encore être prononcées fermes (ATF 134 IV 82, c. 4.2; cf. sur les conditions du sursis total et partiel : ATF 134 IV 1, c. 4 et 5; v. aussi ATF 134 IV 60, c. 7.3).
6.4
Dans la conception de la nouvelle partie générale du Code pénal, la peine pécuniaire constitue la sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Quant au travail d'intérêt général, il suppose l'accord de l'auteur. En vertu du principe de la proportionnalité, il y a en règle générale lieu, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement (ATF 114 IV 82, c. 4.1). La peine pécuniaire et le travail d'intérêt général représentent des atteintes moins importantes et constituent ainsi des peines plus clémentes. Cela résulte également de l'intention essentielle, qui était au cœur de la révision de la partie générale du Code pénal en matière de sanction, d'éviter les courtes peines de prison ou d'arrêt, qui font obstacle à la socialisation de l'auteur, et de leur substituer d'autres sanctions (ATF 134 IV 60, c. 4.3).
7.1
Dans l'arrêt précité (ATF 134 IV 97), le Tribunal fédéral a également dégagé les principes suivants en relation avec les conditions posées au travail d'intérêt général (c. 6.3; cf. aussi TF 6B_541/2007 du 13 mai 2008, précité, c. 4.1 et 4.2).
7.2
Le nouveau droit confère au travail d'intérêt général le statut d'une peine principale à part entière. Il ne s'agit plus d'une simple forme d'exécution d'une courte peine privative de liberté ferme. Il en découle quelques innovations importantes. Le prononcé d'un travail d'intérêt général ressortit tout d'abord au droit fédéral. Il est ordonné par le juge (art. 37 CP) et non plus consenti par l'autorité cantonale d'exécution des peines. Le travail d'intérêt général peut, ensuite, comme toutes les autres peines, sanctionner des crimes et des délits et être ou non assorti d'un sursis total (art. 42 CP) ou partiel (art. 43 CP). Les cantons demeurent compétents pour l'exécution du travail d'intérêt général. Lorsque la peine de travail n'est pas exécutée, elle doit être convertie en une peine pécuniaire ou privative de liberté dans une procédure judiciaire (art. 39 CP). Enfin, et c'est nouveau également, le travail d'intérêt général peut sanctionner même une contravention (art. 107 CP).
7.3
Le travail d'intérêt général est une sanction axée sur la prévention individuelle dans une perspective sociale constructive. Il tend à la privation de loisirs en tenant compte de l'expiation et de la réparation (Brägger, Basler Kommentar, Strafrecht I, 2e éd., Bâle 2007, remarques préliminaires à l'art. 37 CP, n. 21/26 s. et art. 37 CP, n. 6). Avec la peine pécuniaire, il offre une alternative aux peines privatives de liberté de courte durée, dont le contingentement constituait un postulat central de la révision de la loi (Message 1998, p. 1830-1834; v. aussi p. 1790 s.).
7.4
Lorsque le tribunal est confronté à la question du choix de la peine, il doit partir de celle dont la loi sanctionne concrètement l'état de fait incriminé. Dans la règle, les délits sont sanctionnés d'une peine privative de liberté ou d'une peine pécuniaire (cf. art. 10 al. 3 CP). Il est vrai qu'une peine privative de liberté ferme de moins de six mois n'entre qu'exceptionnellement en ligne de compte. Elle n'est possible que si les conditions de l'octroi du sursis au sens de l'art. 42 CP ne sont pas remplies et qu'il faille simultanément admettre qu'une peine pécuniaire ou un travail d'intérêt général ne pourront être exécutés (art. 41 CP). En édictant cette disposition, le législateur a institué un ordre légal de priorité en faveur des sanctions non privatives de liberté (Mazzucchelli, Basler Kommentar, art. 41 CP, n. 11/38). Le tribunal doit ainsi toujours examiner d'abord si une peine pécuniaire ferme peut être prononcée. Celle-ci doit pouvoir être appliquée même aux personnes ayant une faible capacité de revenu. Son exécution doit a priori procéder d'un paiement spontané et non résulter d'une exécution forcée par voie de poursuite. Il s'ensuit que l'exécution de la peine pécuniaire n'est pas rendue impossible du seul fait qu'il apparaît dès l'abord que l'on ne pourra en obtenir le paiement dans une telle procédure (ATF 134 IV 60, c. 6.5.1). Par ailleurs, avec l'accord de l'intéressé, le travail d'intérêt général a la priorité dans tous les cas sur la peine pécuniaire.
On peut toutefois reconnaître de rares exceptions lorsque la condamnation à une peine pécuniaire n'est pas envisageable pour des motifs relevant de la personne de l'auteur (p. ex. lorsque l'intéressé manifeste d'emblée qu'il n'est pas disposé à payer). L'impossibilité d'exécuter une peine pécuniaire ne doit cependant pas être admise à la légère, car la loi exige qu'il soit tenu compte pour fixer la quotité de la peine de la situation personnelle et économique (art. 34 al. 2 CP). Lorsqu'il est exceptionnellement justifié de l'admettre dans le cas d'espèce, le tribunal est appelé à décider si un travail d'intérêt général peut être ordonné à la place d'une courte peine privative de liberté.
7.5
L'exigence d'un accord de l'auteur – avéré en l'espèce - ne confère pas à l'intéressé un droit d'option en faveur de l'une ou l'autre sanction pénale. Le critère pertinent réside dans l'adéquation d'une sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et l'environnement social de ce dernier ainsi que son efficacité préventive. Le tribunal doit donc non seulement juger si l'intéressé est disposé à effectuer un travail d'intérêt général, mais s'il y est apte et en est capable (TF 6B_541/2007 du 13 mai 2008, précité, c. 4.2.2).
Le tribunal doit offrir à l'auteur la possibilité d'un travail d'intérêt général s'il est apte au travail et, en principe, disposé à fournir cette prestation (arrêt précité, ibid.).
8.
En l'espèce, une peine privative de liberté n'est pas la règle lorsqu'il s'agit, comme dans le cas particulier, de réprimer une infraction relevant de la délinquance moyenne (cf. c. 6.3 ci-dessus), s'agissant de surcroît d'une peine de moins de six mois (cf. c. 7.4 ci-dessus). La question est donc de savoir si un travail d'intérêt général peut être prononcé à la place de la peine pécuniaire de 90 jours-amende. L'intimé est apte au travail et s'avère capable d'effectuer un travail d'intérêt général. Conformément à la jurisprudence ci-dessus, l'accord de l'intéressé étant donné, le travail d'intérêt général a la priorité sur la peine pécuniaire. Il n'existe aucun motif de déroger à celui-là en faveur de celle-ci, ce d'autant que l'effet préventif du travail d'intérêt général peut être déduit du début de résipiscence dont, notamment à dire de témoin, fait preuve l'intimé depuis sa libération au mois de mars 2010. Désormais, en effet, l'intéressé n'a plus commis d'infraction, s'occupe de sa fille récemment venue au monde, a changé de fréquentations et commence à s'engager dans l'exercice d'activités lucratives relativement soutenues. En outre, une peine pécuniaire serait, par la péjoration de la situation économique de l'auteur qu'elle implique, de nature à entraver sa réinsertion sociale sensiblement plus que ne le serait un travail d'intérêt général, qui ne restreint que les loisirs du condamné (cf. c. 7.3 ci-dessus). En d'autres termes, il n'existe pas de circonstances défavorables ou particulières à quelqu'égard que ce soit qui justifieraient impérativement une peine pécuniaire. La peine prononcée doit donc revêtir la forme d'un travail d'intérêt général. Les conditions du sursis ne sont pas réunies au vu des lourds antécédents de l'intimé.
9.1
Le Parquet conclut en outre à ce que le délai d'épreuve assortissant le sursis accordé à l'intimé le 6 juin 2007 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne soit prolongé dans telle mesure que justice dira.
9.2
Aux termes de l'art. 46 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Il peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d'ensemble conformément à l'art. 49 CP. Il ne peut toutefois prononcer une peine privative de liberté ferme que si la peine d'ensemble atteint une durée de six mois au moins ou si les conditions prévues à l'art. 41 CP sont remplies (al. 1). S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation du sursis. Il peut adresser au condamné un avertissement et prolonger le délai d'épreuve de la moitié au plus de la durée fixée dans le jugement. Il peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour le délai d'épreuve ainsi prolongé. Si la prolongation intervient après l'expiration du délai d'épreuve, elle court dès le jour où elle est ordonnée (al. 2).
9.3
L'infraction ici en cause, soit l'escroquerie, a été commise durant le délai d'épreuve assortissant le sursis octroyé le 6 juin 2007 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne. Il s'agit d'un crime. La question de la révocation dudit sursis se pose donc. Cependant, comme l'espère le Parquet au bénéfice d'arguments solides, il n'y a pas lieu de prévoir que l'intimé commettra de nouvelles infractions, malgré les contraventions à la LStup perpétrées de manière récurrente jusqu'au 14 août 2009, soit jusqu'à son incarcération. En effet, comme déjà relevé, l'intéressé semble, depuis son élargissement, faire preuve de résipiscence et être relativement bien socialisé. La révocation du sursis doit dès lors céder le pas à la prolongation du délai d'épreuve, ce toutefois pour la durée proportionnelle la plus élevée prévue par la loi, soit pour deux ans et demi, le délai d'épreuve initial étant de cinq ans. Il n'y a pas lieu à autres ou plus amples mesures (assistance de probation ou règles de conduite).
La prolongation du délai d'épreuve prend effet dès le jour du présent jugement (art. 46 al. 2 in fine CPP, précité).
10.
L'appel doit donc être admis dans la mesure décrite ci-dessus.
11.
Vu l'issue de la cause, les frais d'arrêt selon l'art. 424 CPP doivent être laissés à la charge de l’intimé, qui succombe (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité d’office allouée à son conseil (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). L’intervention du conseil et du stagiaire s’est limitée pour l'essentiel à la plaidoirie, en une débattue. Vu l'ampleur et la complexité de la cause, l'indemnité allouée au conseil d'office de l'intimé doit être fixée sur la base d'une durée d'activité de six heures pour l'avocate, par 180 fr. l'heure, TVA en sus, et d'une durée d'un peu moins de trois heures et demie pour l'avocate-stagiaire, par 110 fr. l'heure, TVA en sus également (cf. l'art. 135 al. 1 CPP; TF 2P.325/2003 du 6 juin 2006).
L'intimé ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7dd0c774-75a0-46e9-98d0-d89e13ec8954 | En fait :
A.
Par jugement du 8 juillet 2013, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a condamné C._, pour lésions corporelles simples, vol, brigandage qualifié, dommages à la propriété, extorsion, injure, violation de domicile, infraction et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, infraction et contravention à la loi fédérale sur la protection des animaux, à douze mois de privation de liberté et à 200 fr. d’amende, montant convertible en quatre jours de privation de liberté de substitution en cas de non paiement (I), a donné acte de ses réserves civiles à [...] (II), a dit qu’C._ est débiteur de [...] de la somme de 1'144 fr. (III) et a dit mettre les frais, par 10'273 fr. 75, montant comprenant l’indemnité allouée au défenseur d’office par 2'052 fr., dont le remboursement à l’Etat ne sera exigible que si la situation financière du débiteur le permet (IV).
B.
Le 22 juillet 2013, le Ministère public a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 14 août 2013, il a conclu à la modification du jugement en ce sens qu’C._ est condamné à une peine privative de liberté de 18 mois (I et II), le jugement étant confirmé pour le surplus (III) et les frais mis à la charge de l’intimé (IV).
A l'audience d'appel, le Parquet a produit une ordonnance pénale rendue le 10 octobre 2013 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne condamnant C._ à une peine privative de liberté de 40 jours, pour vol, violation de domicile et infraction à la loi fédérale sur les armes et mettant à sa charge les frais, par 200 francs. L’appelant a confirmé ses conclusions; l’intimé s’en est remis à justice.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. Le prévenu C._, né en 1965, est sans profession. Ancien toxicomane, il est sans domicile fixe. On ne dispose pas d’autres renseignements quant à sa situation personnelle, dès lors qu’il n’a jamais comparu aux audiences de jugement de première d’instance et d’appel.
Son casier judiciaire comporte les inscriptions suivantes :
- une peine d’un an d’emprisonnement, prononcée le 4 mai 1999 par le Tribunal correctionnel du district de Morges, pour vol, escroquerie, faux dans les titres, usurpation de plaques de contrôle et/ou de signe distinctif pour cycle et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants;
- une peine de huit mois d’emprisonnement, prononcée le 30 août 2000 par le Tribunal correctionnel du district de Lausanne, pour vol, tentative de vol, dommages à la propriété, utilisation frauduleuse d’un ordinateur, recel, vol d’importance mineure, violation de domicile et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants;
- une peine privative de liberté de 20 jours, prononcée le 1
er
février 2005 par le Juge d’instruction de l’arrondissement de Lausanne, pour violation grave des règles de la circulation routière;
- une peine pécuniaire de 45 jours-amende à 20 fr. le jour, prononcée le 8 janvier 2010 par le Juge d’instruction de l’arrondissement de Lausanne, pour vol, vol d’importance mineure, injure, menaces et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants;
- une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. le jour, prononcée le 26 mai 2011 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, pour dommages à la propriété et violation de domicile.
2. Le prévenu a été renvoyé en jugement par deux actes d’accusation établis par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne les 6 novembre 2012 et 26 juin 2013.
2.1 A [...], le 21 mai 2010, le prévenu a bloqué son amie avec laquelle il faisait ménage commun depuis plus d’une année, [...], dans l’embrasure d’une fenêtre. Il l’a alors giflée à plusieurs reprises.
2.2 Au même endroit, le 25 mai 2010, le prévenu a traité son amie de «salope» et l’a frappée d’un «coup de boule» au visage. Par la suite, il l’a mise à terre et l’y a maintenue en continuant à l’insulter. Il lui a demandé l’argent qu’elle détenait. [...] lui a remis 100 fr. en espèces et le prévenu l’a laissée partir. Elle a souffert d’un hématome à la base du nez et aux deux yeux, d’une douleur à l’épaule droite et d’un petit hématome sur-rotulien au genou droit. Elle a été en arrêt de travail du 25 mai au 7 juin 2010.
La victime a déposé plainte le 25 mai 2010.
2.3 A [...], dans le parc [...], le 20 juillet 2010, le prévenu a attaché ses deux chiens
Husky
à un arbre. Cela fait, il s’est absenté. Les deux chiens ont réussi à se libérer en cassant l’arbre et ont attaqué un chiot de même race appartenant à [...], lequel a été mordu au sommet de la cuisse gauche et au flanc.
Le lésé n’a pas déposé plainte. Le Service de la consommation et des affaires vétérinaires a dénoncé le prévenu le 16 septembre 2010.
2.4 A [...], à la [...], le 15 septembre 2010, vers 17 h, le prévenu a frappé à plusieurs reprises ses deux chiens qui étaient attachés à un arbre situé au soleil depuis le début de l’après-midi.
Le Service de la consommation et des affaires vétérinaires a dénoncé le prévenu le 16 septembre 2010.
2.5 Dans la même ville, entre le 1
er
janvier et le 29 août 2011, le prévenu a donné à quatre ou cinq reprises à des amis en manque un peu de la méthadone qui lui était prescrite.
2.6 Toujours à [...] et durant la même période, il a consommé très rarement de l’héroïne et de la cocaïne.
2.7 Dans la même ville, [...], le 12 août 2011, vers 3 h, le prévenu et un nommé [...] s’en sont pris à [...] et lui ont demandé son argent. Comme celui-ci refusait, [...] a exhibé un couteau et a appuyé la lame contre un flanc de la victime, alors que le prévenu la tenait. Puis [...] a fouillé la victime et s’est emparé de son sac à dos, qu’il a aussi fouillé pendant que le prévenu frappait [...] à coups de genoux dans les jambes pour l’inciter à ne pas bouger. Pendant les faits, les comparses ont dit à la victime : «Donne ce que tu as – Laisse-nous regarder ce qu’il y a dans sont sac sinon on va te casser la gueule». Ils se sont ainsi emparés d’un couteau suisse, d’un briquet-chalumeau, d’un lecteur MP3, d’un téléphone portable, d’un rasoir et d’un paquet de cigarettes. Peu après, les acolytes ont exigé de [...], qui avait assisté à la scène et qui leur avait demandé de partir, qu’il vide ses poches, ce qu’il a refusé. Les comparses ont alors quitté les lieux, avant d’être interpellés vers 5 heures. [...] a été condamné à raison notamment de ces faits par jugement rendu le 15 mars 2013 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne (PE11.014890/PBR).
[...] a déposé plainte le 12 août 2011.
2.8 Toujours à [...], dans le magasin [...], le 2 février 2012, le prévenu a dérobé un téléviseur d’une valeur de 349 francs. Il a été interpellé après le passage des caisses.
Le lésé a déposé plainte le 2 février 2012.
2.9 Egalement à [...], le 25 octobre 2011, le prévenu et [...] ont dérobé dans un camion une mallette contenant un ordinateur et une imprimante.
Le lésé à déposé plainte le 27 octobre 2011.
2.10 Toujours à [...], entre le 29 mars et le 2 avril 2013, le prévenu et le même comparse ont dormi et entreposé sans droit des affaires personnelles dans la buanderie d’un immeuble. A leur retour sur les lieux, le 2 avril 2013, ils ont constaté que la porte d’entrée du bâtiment était verrouillée. Ils ont alors forcé cette porte et se sont retrouvés devant la buanderie, également verrouillée. Ils ont renoncé à pénétrer dans ce local, mais ont dérobé une valise et des couvertures dans une cave de l’immeuble. Pour ce faire, ils ont arraché des lattes de paroi à claires-voies. Ils ont été interpellés le même jour à 21 h 20.
La régie immobilière [...], à [...], gestionnaire de l’immeuble, a déposé plainte le 3 avril 2013. Elle a pris des conclusions civiles à hauteur de 1’144 fr. 90.
3. Pour les faits ci-dessus, les premiers juges ont considéré qu’C._ s’était rendu coupable de lésions corporelles simples (cas n° 2.2), de vol (cas n° 2.8 et 2.9), de tentative de vol (cas n° 2.10), d’extorsion (cas n° 2.2), de brigandage qualifié (cas n° 2.7), de dommages à la propriété (cas n° 2.10), d’injure (cas n° 2.2), de violation de domicile (cas n° 2.10), d’infraction et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (cas n° 2.5 et 2.6), d’infraction et de contravention à la loi fédérale sur la protection des animaux (cas n° 2.3 et 2.4). Les voies de fait (cas n° 2.1) sont prescrites.
S’agissant du brigandage qualifié, les premiers juges ont retenu que le prévenu s’était associé à un brigandage commis au moyen d’un couteau appuyé sur le flanc de la victime. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
L’appelant soutient que la peine infligée en première instance est trop clémente et viole les art. 47 et 49 al. 1 CP. Il considère que, la peine minimale réprimant le brigandage qualifié au sens de l’art. 140 ch. 2 CP étant d’un an de privation de liberté, la peine prononcée dans le jugement attaqué devrait être augmentée pour tenir compte du concours de ce dernier crime avec d’autres infractions graves, d’une part, et des antécédents judiciaires de l’intimé, d’autre part. Une peine de 18 mois de privation de liberté serait ainsi adéquate pour sanctionner les comportements illicites de l’intimé.
3.2.1
Le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP).
L’art. 49 CP dispose que, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion; il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction et est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (al. 1).
L’art. 140 CP, qui réprime le brigandage, prévoit que celui qui aura commis un vol en usant de violence à l'égard d'une personne, en la menaçant d'un danger imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle ou en la mettant hors d'état de résister sera puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins (ch. 1, 1
re
phrase); le brigandage sera puni d'une peine privative de liberté d'un an au moins, si son auteur s'est muni d'une arme à feu ou d'une autre arme dangereuse (ch. 2).
3.2.2
Le concours est la seule circonstance aggravante de la peine qui figure dans les dispositions générales du Code pénal. La récidive, autrefois retenue comme circonstance aggravante (art. 67 aCP), ne constitue plus un motif d’aggravation obligatoire, mais entre désormais en considération dans la détermination de la culpabilité, selon l’art. 47 al. 1 CP (FF 1999 1787 spéc. 1867).
3.3
C’est à juste titre que l’appelant fait valoir que la peine prononcée procède d’une violation de l’art. 49 al. 1 CP. En fixant la peine au minimum légal de l’art. 140 ch. 2 CP, les premiers juges ont manifestement fait abstraction des effets du concours, alors même qu’ils ont retenu de nombreuses autres infractions d’une certaine gravité. En particulier, outre le brigandage, les infractions de lésions corporelles et d’extorsion dans le cas n° 2.2, de même que les vols retenus dans les cas n° 2.8 et 2.9, devaient conduire à une élévation sensible de la peine dans la proportion prévue à l’art. 49 al. 1 CP.
En outre, les multiples antécédents du prévenu, en particulier les condamnations à des peines privatives de liberté, devaient être pris en considération pour la fixation de la peine selon les critères de l’art. 47 CP. En définitive, le concours d’infractions contre des biens juridiquement protégés différents et les antécédents du prévenu dictent le prononcé d’une peine correspondant aux réquisitions du Ministère public.
3.4
L’appel doit donc être admis et le jugement modifié en ce sens que l’intimé est condamné à une peine privative de liberté d’une quotité de dix-huit mois.
4.
Il y a lieu en outre de corriger d’office une erreur manifeste entachant le chiffre IV du dispositif du jugement. En effet, il ressort clairement des considérants du jugement (c. 5, p. 11) que les premiers juges ont, à bon droit, entendu mettre entièrement les frais à la charge du prévenu. Le dispositif doit être précisé dans ce sens.
5.
Les frais de la procédure d'appel doivent être laissés à la charge de l’Etat, dès lors que l’intimé s’en est remis à justice et n’est donc pas réputé succomber (art. 423 et 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office pour les opérations liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP).
Vu l'ampleur et la complexité de la cause en appel, l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'intimé doit être fixée sur la base d'une durée d'activité d’une heure, à 180 fr. l'heure (s’agissant d’un avocat breveté), TVA en sus (art. 135 al. 1 CPP), soit à 194 fr. 40. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7e1b8d01-3234-44a5-a970-9121b8821d49 | En fait :
A.
Par ordonnance pénale du 6 mai 2015, le Préfet du Gros-de-Vaud a constaté que I._ s’était rendu coupable d’infraction simple à la Loi sur la circulation routière (I), l’a condamné à une amende de 600 fr. (II), a dit qu’à défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution serait de 6 jours (III), et a mis les frais, par 50 fr., à la charge de I._ (IV).
Le 18 mai 2015, à la demande de I._, la Préfecture du Gros-de-Vaud lui a adressé six bulletins de versement pour pouvoir s’acquitter de l’amende précitée. Entre le 2 juin et le 8 octobre 2015, l’intéressé s’est acquitté de 540 fr. en 4 acomptes.
B.
Par courrier du 27 octobre 2015, I._ a contesté être l’auteur de l’infraction sanctionnée par l’ordonnance pénale précitée et en a demandé la révision. A l’appui de sa requête, il a produit une convocation à un entretien avec son conseiller personnel du Service de l’emploi le 6 mars 2015 à 10h30. Il a en outre précisé ne pas avoir pu vérifier les faits à l’époque en raison du fait qu’il était bloqué à l’armée, étant en outre de garde la plupart des week-ends, et que la Préfecture lui aurait par erreur indiqué par téléphone au début du mois de juillet 2015 qu’il n’avait plus la possibilité d’intervenir.
Il n’a pas été ordonné d’échange d’écritures.
Entre le 29 octobre et le 3 novembre 2015, I._ s’est acquitté du dernier acompte de 110 francs.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
A Bournens, sur l’autoroute A1, direction Lausanne – Yverdon, sur la chaussée côté Jura, le 6 mars 2015 à 10h33, I._ a commis un excès de vitesse de 31 km/h, marge de sécurité déduite, alors que la vitesse maximale autorisée était de 120 km/h. | En droit :
1.
1.1
L'art. 410 al. 1 let. a CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0) permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné.
Cette disposition reprend la double exigence posée à l'art. 385 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; RS 311.0) selon laquelle les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être nouveaux et sérieux (Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification de la procédure pénale, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1303; TF 6B_310/2011 consid. 1.2 et les références citées). Les faits ou moyens de preuve sont nouveaux lorsque le juge n’en a pas eu connaissance au moment où il s’est prononcé, c’est-à-dire lorsqu’ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Ils sont sérieux lorsqu’ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l’état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 137 IV 59 consid. 5.1.2; ATF 130 IV 72 consid. 1; TF 6B_310/2011 consid. 1.2).
1.2
Pour être valides en la forme, les demandes de révision doivent être motivées et adressées par écrit à la juridiction d’appel, les motifs de révision devant être exposés et justifiés dans la demande (art. 411 al. 1 CPP; Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, 3e éd., Genève/Zurich/Bâle 2011, n. 2092, p. 679 ;
Heer, in : Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnnung, Jungenstrafprozessordnnung, 2e éd., Bâle 2014, n. 6 ad art. 411 CPP). L’art. 412 al. 2 CPP prescrit que la juridiction d'appel n'entre pas en matière sur la demande de révision si celle-ci est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé. La procédure de non-entrée en matière selon cette disposition est en principe réservée à des vices de nature formelle ; il est toutefois également possible de prononcer une décision de non-entrée en matière lorsque les motifs de révision invoqués apparaissent d'emblée non vraisemblables ou mal fondés (TF 6B_1163/2013 du 7 avril 2014 consid. 1.2 ; TF 6B_293/2013 du 19 juillet 2013 consid. 3.3; TF 6B_415/2012 du 14 décembre 2012 consid. 1.1 et les références citées).
1.3
Une demande de révision dirigée contre une ordonnance de condamnation doit être qualifiée d’abusive si elle repose sur des faits que le condamné connaissait initialement, qu’il n’avait aucune raison légitime de taire et qu’il aurait pu révéler dans une procédure ordinaire mise en œuvre par une simple opposition (ATF 130 IV 72 consid. 2.3). En revanche, une révision peut entrer en considération à l’égard d’une ordonnance de condamnation pour des faits et des moyens de preuve importants que le condamné ne connaissait pas au moment du prononcé de l’ordonnance ou dont il ne pouvait pas se prévaloir ou n’avait pas de raison de se prévaloir à cette époque (ibidem). Cette jurisprudence, rendue avant l’entrée en vigueur du CPP, a été confirmée depuis lors (TF 6B_310/2011 du 20 juin 2011 consid. 1.3 ; CAPE 18 juin 2013/157 ; CAPE 3 mai 2013/131).
2.
En l’espèce, il sied tout d’abord de relever que la signature apposée sur la demande de révision est identique à celle qui figure sur le formulaire remis par la police le 13 avril 2015, dans lequel les faits ont été admis. C’est donc bien I._ qui s’est présenté à la convocation de la police. De ce fait, la présente demande de révision est manifestement abusive, dès lors que les faits allégués par le requérant auraient pu être révélés dans le cadre d’une procédure ordinaire mise en œuvre par la voie d’opposition, voire même auraient dû être signalés à la police lors de l’entretien du 13 avril 2015 au lieu de reconnaître être le conducteur fautif. Au demeurant, la convocation du Service de l’emploi produite par I._ ne prouve pas encore que cet entretien a eu lieu et que l’intéressé s’y est rendu à l’heure fixée.
3.
Au vu de ce qui précède, la demande de révision présentée par I._ doit être déclarée irrecevable, sans autre échange d’écritures, en application de l’art. 412 al. 2 CPP. La demande de désignation d’un défenseur d’office est dès lors sans objet.
Les frais de la procédure de révision doivent être laissés à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7e1f3a28-ca8d-454b-b79c-20c9f26de4bf | En fait :
A.
Par jugement du 10 juillet 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a constaté que T._ s’est rendu coupable de conduite d’un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l’interdiction de l’usage du permis (I), révoqué la libération conditionnelle accordée le 27 juin 2012 par l’Office d’application des peines et mesures de la République et Canton de Neuchâtel (II), condamné T._ à une peine privative de liberté d’ensemble d’une durée de 9 mois (III) et mis les frais de la cause, par 1'000 fr. à la charge de T._, étant précisé qu’une somme de 300 fr. a d’ores et déjà été versée en mains du Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois (IV).
B.
Par annonce du 11 juillet 2013, suivie d’une déclaration d’appel motivée du 6 août suivant, T._ a conclu à la réforme de ce jugement en ce sens que la libération conditionnelle octroyée par l’Office d’application des peines et mesures de la République et Canton de Neuchâtel n’est pas révoquée, qu’un avertissement lui est donné, que le délai d’épreuve est prolongé de six mois, que le mandat de probation est poursuivi pour la durée du nouveau délai d’épreuve et que des règles de conduite lui soient imposées. T._ a en outre requis la production des dossiers officiels de l’AI et de la SUVA.
Par lettre du 23 août 2013, la Présidente de céans a rejeté ces réquisitions de preuve, celles-ci ne répondant pas aux conditions de l’art. 329 CPP.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissant suisse, T._ est né le 6 mars 1967. Célibataire, il est le père d’un enfant âgé de 17 ans pour qui il verse une pension mensuelle de 487 francs. Victime d’un grave accident du travail en 2010, il ne peut plus exercer son métier de serrurier. Il a déposé un dossier auprès de l’Office d’assurance invalidité, qui est en cours d’examen, et perçoit des indemnités mensuelles versées par la SUVA à raison d’environ 3'000 francs. T._ vit en collocation à Genève. Il a déclaré avoir des poursuites pour un montant de 9'000 fr. à 10'000 fr., dont des actes de défaut de bien. Il rembourse en outre, à raison de 200 fr. par mois, des amis qui ont payé à sa place des jours-amende prononcés à son encontre.
Le casier judiciaire suisse de T._ fait état, entre le 28 octobre 2003 et le 29 mai 2012, de quatorze condamnations, dont douze pour des infractions à la LCR. Il s’est ainsi vu sanctionné par des peines de travail d’intérêt général (600 heures le 8 mai 2008, 480 heures le 29 mai 2012), des peines pécuniaires, avec ou sans sursis et des peines privatives de liberté allant de 15 jours à 6 mois.
Par décision du 27 juin 2012, l’Office d’application des peines et mesures de la République et Canton de Neuchâtel a accordé à T._ sa libération conditionnelle dès le 28 juillet 2012, pour un solde de peine privative de liberté de deux mois et 50 jours (I), lui a imparti un délai d’épreuve d’une année (II), a instauré un mandat de probation pour la durée du délai d’épreuve (III), lui a notamment imposé, à titre de règle de conduite, l’interdiction de conduire tout véhicule, au sens des restrictions et conditions émises par le Service des automobiles, tant et aussi longtemps que sous le coup d’un retrait du permis de conduire (IV).
Le fichier ADMAS de T._ indique quatorze mesures de 1995 à 2011, essentiellement de retrait du permis de conduire.
2.
Le 6 octobre 2012, vers 9h40, alors qu’il se trouvait à l’avenue [...], à [...], T._ a circulé au guidon d’un motocycle, nonobstant une mesure de retrait de permis de conduire pour une durée indéterminée.
D.
Aux débats d’appel, T._ a notamment produit un rapport social émis le 18 juillet 2013 par le Service de probation (P. 31/3) ainsi que des témoignages écrits de divers amis (P. 31/1). Il a requis que le rapport social du Service de probation soit soumis à l’Office d’exécution des peines, s’agissant en particulier de la violation de la règle de conduite (ch. IV de la décision du 28 juin 2012). Cette requête a été rejetée par décision incidente. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de T._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
3.
L’appelant soutient que les faits ont été appréciés de manière incomplète en ce sens que le premier juge n’aurait pas pris en compte ses efforts de réinsertion, qui se heurtent aux lenteurs de l’administration s’agissant de ses perspectives professionnelles. Il soutient que la révocation de sa libération conditionnelle est inopportune et se réfère au rapport du Service de probation du
13 juillet 2013 (P. 31/3) ainsi qu’aux témoignages écrits de ses amis (P. 31/1) pour considérer que le pronostic est favorable nonobstant la récidive pour laquelle il est jugé. Il conclut dès lors à la non révocation de sa libération conditionnelle et au prononcé d’un avertissement, avec prolongation du délai d’épreuve de six mois, cet avertissement étant subordonné à des règles de conduite strictes durant le nouveau délai d’épreuve.
3.1
L’art. 89 CP dispose notamment que, si durant le délai d'épreuve, le détenu libéré conditionnellement commet un crime ou un délit, le juge qui connaît de la nouvelle infraction ordonne sa réintégration dans l'établissement (al. 1). Si, malgré le crime ou le délit commis pendant le délai d'épreuve, il n'y a pas lieu de craindre que le condamné ne commette de nouvelles infractions, le juge renonce à la réintégration. Il peut adresser un avertissement au condamné et prolonger le délai d'épreuve de la moitié au plus de la durée fixée à l'origine par l'autorité compétente. Si la prolongation intervient après l’expiration du délai d’épreuve, elle court dès le jour où elle est ordonnée. Les dispositions sur l’assistance de probation et sur les règles de conduite (art. 93 à 95 CP) sont applicables (al. 2). La réintégration ne peut plus être ordonnée lorsque trois ans se sont écoulés depuis l’expiration du délai d’épreuve (al. 4). La détention avant jugement que l’auteur a subie pendant la procédure de réintégration doit être imputée sur le solde de la peine (al. 5). Si, en raison de la nouvelle infraction, les conditions d’une peine privative de liberté ferme sont réunies et que celle-ci entre en concours avec le solde de la peine devenu exécutoire à la suite de la révocation, le juge prononce, en vertu de l’art. 49, une peine d’ensemble. Celle-ci est régie par les dispositions sur la libération conditionnelle. Si seul le solde de la peine doit être exécuté, l’art. 86 al. 1 à 4, est applicable (al. 6).
La raison principale de l'échec de la mise à l'épreuve est la commission d'un crime ou d'un délit pendant le délai d'épreuve (art. 95 al. 3 à 5 CP). La nouvelle infraction doit revêtir une certaine gravité, à savoir être passible d'une peine privative de liberté ou d'une peine pécuniaire (art. 10 CP). En revanche, la perpétration d'une seule contravention ne permet pas la réintégration, à moins qu'elle ne corresponde simultanément à la violation d'une règle de conduite (art. 95 al. 5 CP; ATF 128 IV 3
c. 4b). La quotité de la peine qui frappe le crime ou le délit dans le cas concret est sans pertinence. Le nouveau droit a en effet abandonné la règle selon laquelle le détenu libéré conditionnellement était obligatoirement réintégré en cas de condamnation à une peine privative de liberté ferme de plus de trois mois (art. 38 ch. 4 aCP). La commission d'un crime ou d'un délit n'entraîne toutefois pas obligatoirement la révocation de la libération conditionnelle. Selon l'art. 89 al. 2 CP, le juge renoncera à la réintégration s'il n'y a pas lieu de craindre que le condamné ne commette de nouvelles infractions. Par sa nature même, le pronostic à émettre ne saurait être tout à fait sûr; il doit suffire de pouvoir raisonnablement conjoncturer que le détenu ne commettra pas de nouvelles infractions (ATF 98 Ib 106 c. 1b).
Pour émettre son pronostic, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble de tous les éléments pertinents. Outre les faits relatifs à la nouvelle infraction, il doit tenir compte du passé et de la réputation de l'accusé ainsi que de tous les éléments qui donnent des indices sur le caractère de l'auteur et sur ses perspectives de resocialisation. Pour apprécier le risque de récidive, il est indispensable de se fonder sur une image globale de la personnalité de l'auteur. Les facteurs déterminants sont ainsi les antécédents pénaux, la biographie sociale, les rapports de travail, l'existence de liens sociaux, les risques d'addiction, etc. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. De même qu'en matière de fixation de la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation, la motivation du jugement (art. 50 CP) devant permettre la vérification de la correcte application du droit fédéral
(TF 6B_303/2007 du 6 décembre 2007 c. 6).
3.2
En l’espèce, l’appelant a commis un nouveau délit pendant le délai d’épreuve qui lui avait été imparti, puisqu’il a violé l’art. 95 al. 1 let. b LCR. Par ailleurs, le pronostic sur son comportement futur est défavorable. En effet, il s’est déjà fait condamner onze fois pour conduite sans permis. De plus, il a commis l’infraction à l’origine de la présente condamnation à peine plus de deux mois après être sorti de détention.
Dans sa décision du 27 juin 2012, l’Office d’application des peines et mesures du canton de Neuchâtel a accordé à l’appelant sa libération conditionnelle dès le 28 juin 2012 pour un solde de peine privative de liberté de deux mois et cinquante jours. Il a notamment interdit à l’intéressé de conduire tout véhicule, au sens des restrictions et conditions émises par le Service des automobiles, tant et aussi longtemps que sous le coup d’un retrait de permis de conduire. Or, l’appelant a récidivé le 6 octobre 2012, soit environ 3 mois seulement après cette décision, violant aussi l’une des règles de conduites qui lui avait été imposée et la confiance octroyée. A cela s’ajoute que l’appelant ne semble pas avoir entrepris de nombreuses démarches en vue de respecter la règle de conduite imposée. Ainsi, s’il démontre avoir acquis un abonnement demi-tarif, il a tout de même conservé sa moto. Aux débats d’appel, il a certes précisé avoir retiré le moteur de son engin, produisant des photographies pour confirmer ses déclarations (P. 31/2). Il a cependant admis que la remise en état de sa moto était possible. En outre, l’appelant déclare devoir se réorienter professionnellement en raison de son état de santé et affirme qu’il souhaite se stabiliser. Cette situation - qui était d’ailleurs la même lorsque l’appelant s’est vu octroyer sa libération conditionnelle en juin 2012 - ne suffit absolument pas à considérer qu’il a fait preuve d’une véritable prise de conscience quant à son comportement délictueux. Le pronostic est donc clairement défavorable. La libération conditionnelle accordée le 27 juin 2012 doit dès lors être révoquée et une peine privative d’ensemble prononcée.
4.
L’appelant considère que la peine prononcée à son encontre est disproportionnée au vu des faits qui lui sont reprochés. Il requiert le prononcé d’une sanction réduite et assortie du sursis.
4.1
4.1.1
Aux termes de l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Bien que la récidive ne constitue plus un motif d'aggravation obligatoire de la peine (art. 67 aCP), les antécédents continuent de jouer un rôle très important dans la fixation de celle-ci (Wirprächtiger, in Basler Kommentar, Strafrecht I, 3
e
éd., Bâle 2013, n. 100 ad art. 47 CP). En général, la culpabilité de l'auteur est amplifiée du fait qu'il n'a pas tenu compte de l'avertissement constitué par la précédente condamnation, et sa rechute témoigne d'une énergie criminelle accrue (Queloz/Humbert, in Roth/Moreillon, Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 55 ad art. 47 CP).
Le comportement de l'auteur postérieurement à l'acte constitue un élément à prendre en compte lors de la fixation de la peine, pour autant qu'il permette d'en tirer des déductions sur l'intéressé et son attitude par rapport à ses actes. Une prise de conscience, par l'auteur, du caractère illicite de ses actes et le repentir sont considérés comme des éléments autorisant une diminution de la peine (ATF 121 IV 202 c. 2d/cc; TF 6B_203/2010 du 27 mai 2010 c. 5.3.4).
4.1.2
L’art. 41 al. 1 CP dispose que le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l’exécution de la peine (art. 42) ne sont pas réunies et s’il y a lieu d’admettre que ni une peine pécuniaire ni un travail d’intérêt général ne peuvent être exécutés.
En vertu du principe de la proportionnalité, il y a en règle générale lieu, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement. La peine pécuniaire et le travail d'intérêt général représentent des atteintes moins importantes et constituent ainsi des peines plus clémentes. Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (ATF 134 IV 97 c. 4).
4.1.3
Conformément à l’art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits
(al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit
qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement
(ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude
(TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
La présomption d’un pronostic favorable, respectivement du défaut d’un pronostic défavorable, ne s’applique en revanche plus si - durant les cinq ans qui précèdent l’infraction - le prévenu a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins. L’octroi du sursis n’entrera donc en considération que si, malgré l’infraction commise, on peut raisonnablement supposer, à l’issue de l’appréciation de l’ensemble des facteurs déterminants, que le condamné s’amendera (ATF 134 IV 1 c. 4.2.3).
4.2
En l’espèce, la culpabilité de T._ est lourde. Il a commis
un délit et non pas une simple infraction comme il le sous-entend en faisant référence à la règle de conduite émise par l’Office d’exécution des peines. En effet, l’art. 95 al. 1 let. b de la Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (ci-après : LCR ; RS 741.01) punit d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque conduit un véhicule automobile alors que le permis d’élève conducteur ou le permis de conduire lui a été refusé, retiré ou qu’il lui a été interdit d’en faire usage.
A charge, on retiendra qu’il a occupé les autorités judiciaires à quatorze reprises depuis 2003 et s’est déjà fait condamner onze fois pour conduite sans permis. Dans la présente procédure, il est donc condamné pour la douzième fois pour cette même infraction. Il a de plus commis les faits à l’origine de cette dernière condamnation à peine plus de deux mois après être sorti de détention, uniquement pour braver l’interdit et se sentir « libre », soit pour un motif futile et égoïste. S’écartant de l’appréciation du premier juge (jgt., p. 10), la Cour tiendra compte, à décharge, des regrets exprimés, qu’elle estime sincères et qui semblent confirmés par le rapport social du Service de probation (P. 31/3).
Les faits de la présente cause se sont déroulés le 6 octobre 2012. Dans le délai de cinq ans prescrit par l’art. 42 al. 2 CP, l’appelant a été condamné à dix reprises, dont deux fois à une peine privative de liberté de six mois. En outre, le pronostic est défavorable. Le sursis est dès lors exclu.
Force est, par ailleurs, de constater que l’appelant a persisté dans son activité délictueuse de manière régulière durant toutes ces années, et ce nonobstant les peines en tout genre prononcées à son encontre, l’absence de sursis et la révocation de précédents sursis. Ces condamnations n’ont ainsi absolument pas détourné l’appelant de commettre de nouvelles infractions en matière de circulation routière. Pour des motifs de prévention, une peine privative de liberté ferme doit être prononcée, seule à même de faire comprendre à l’appelant qu’il doit se conformer à la loi.
Compte tenu de la révocation de sa libération conditionnelle, c’est une peine privative de liberté d’ensemble de six mois qui doit être prononcée à l’encontre de T._. Cette quotité est adéquate au regard de l’infraction commise, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle. L’appel doit ainsi être admis sur ce point.
5.
En définitive, l’appel de T._ est partiellement admis en ce sens que la peine privative de liberté d’ensemble prononcée à son encontre est réduite de neuf à six mois. Le jugement entrepris est confirmé pour le surplus.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis par deux tiers à la charge de T._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat
(art. 428 CPP). Ces frais sont constitués uniquement de l'émolument, qui se monte à 1’800 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7e6f9bd9-5771-413a-900a-f1d33800a5aa | En fait :
A.
Par jugement du 2 septembre 2014, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Côte a, notamment, condamné par défaut W._ pour vol en bande et par métier, dommage à la propriété, violation de domicile et recel à une peine privative de liberté de 18 mois sous déduction de 179 jours de détention avant jugement, peine entièrement complémentaire aux condamnations prononcées les 31 octobre 2013 et 7 février 2014 et partiellement complémentaire à celles prononcées les 27 février et 11 mars 2014.
B.
Par déclaration du 3 octobre 2014, W._, par l'intermédiaire de son défenseur d'office, a formé appel contre ce jugement, concluant à son acquittement et au versement d'une indemnité de l'art. 429 CPP d'un montant de 35'800 francs.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
a)
W._ est né le 23 décembre 1972 en Roumanie où il a grandi avec sa famille, a été scolarisé et a travaillé comme ouvrier dans divers secteurs. Il est marié depuis 2006. Sans formation particulière, il a séjourné en Europe et notamment en Espagne, de 2006 à 2011, en tentant vainement de trouver un emploi. Selon les derniers renseignements fournis, il vivrait en Suisse sans travail et sans statut légal.
b)
Le casier judiciaire suisse de W._ comporte les inscriptions suivantes :
- 31 octobre 2013 : Staatsanwaltschaft March Kanton Schwyz, vol, dommages à la propriété et violation de domicile, peine pécuniaire 180 jours-amende à 30 fr., sous déduction de deux jours de détention préventive, avec sursis pendant 2 ans, amende 1'350 fr.;
- 7 février 2014 : Staatsanwaltschaft des Kantons Solothurn, laisser conduire sans assurance-responsabilité civile, peine pécuniaire 10 jours-amende à 30 fr., avec sursis pendant 2 ans, amende 300 francs;
- 27 février 2014 : Tribunal de police de Genève, dommages à la propriété, violation de domicile, vol en bande, entrée illégale, faux dans les certificats, peine privative de liberté de 12 mois, sous déduction de 87 jours de détention préventive, avec sursis pendant 4 ans;
- 11 mars 2014 : Ministère public du canton de Genève, vol, vol en bande, violation de domicile et dommages à la propriété, peine privative de liberté 2 mois, avec sursis pendant 4 ans.
A son casier judicaire roumain figurent les inscriptions suivantes:
- 9 décembre 1992 : Tribunal de Hunedoara-Roumanie, viol, peine privative de liberté 6 ans. Libération conditionnelle le 2 novembre 1994. Solde de peine à exécuter 1'265 jours ;
- 13 mars 2000 : Tribunal de Petrosani-Roumanie, vol par métier, peine privative de liberté 6 mois. Libération conditionnelle le 6 septembre 2000. Solde de peine à exécuter 28 jours ;
- 27 septembre 2001 : Tribunal de Petrosanie-Roumanie, vol par métier, peine privative de liberté 7 ans. Libération conditionnelle le 19 avril 2005. Solde de peine à exécuter 918 jours.
c)
[...] [...] entre le 4 et le 11 juin 2012, P._, [...] et W._ ont pénétré dans le garage de [...], qui n'était pas verrouillé, et y ont dérobé plusieurs mallettes contenant des outils et des couteaux, ainsi qu'une tronçonneuse S
tihl
. Une partie du butin a été abandonnée par les prévenus au bord de la route et a été restituée au lésé. La tronçonneuse a été retrouvée dans la ferme où les prévenus logeaient et a également été restituée à son propriétaire.
[...], le 10 juin 2012, P._, [...] et W._ ont pénétré dans la villa de [...], dont la porte d'entrée n'était pas verrouillée, et y ont dérobé un sac à main contenant un montant de 30 fr. et un pendentif en or en forme de cœur, ainsi qu'un ordinateur portable de marque
Asus
et ses câbles d'alimentation. Les prévenus ont abandonné le sac à main de la plaignante sur la terrasse de sa villa après l'avoir vidé de son contenu. L'ordinateur portable a été retrouvé lors de la perquisition du 12 juin 2012.
P._ [...] et W._ ont pénétré par effraction dans le cabinet médical de [...] en arrachant le cylindre de la porte palière et y ont dérobé notamment une pendule murale, deux montres, une paire de lunettes de soleil, un couteau suisse, deux téléphones portables N
okia
et
SAmsung,
trois sacs à main contenant 2'800 €.,175 $ et 260 fr., ainsi que des cartes bancaires. Les sacs à main et les cartes bancaires ont été retrouvés dans des buissons situés à proximité et ont pu être récupérés par le plaignant. Un des téléphones portables a été retrouvé en possession de P._.
[...], à leur domicile, entre février 2012 et le 12 juin 2012, date de leur interpellation, s'agissant de P._ entre le 28 mars 2012 et le 12 avril 2012, puis entre le 29 mai 2012 et le 12 juin 2012, s'agissant de [...] et W._, les prévenus, ainsi que [...] et [...], déférés séparément, ont conservé et utilisé du matériel provenant de vols, alors qu'ils n'en ignoraient pas la provenance délictueuse. Les perquisitions effectuées les 12 et 14 juin 2012 ont permis de saisir un grand nombre d'appareils et d'objets provenant des cambriolages suivants :
- [...], le 14 mars 2012, la compagne d'[...], qui utilisait le téléphone portable IPhone de ce dernier, s'est fait dérober cet appareil. L'IPhone a été retrouvé au domicile des prévenus et a été restitué à son propriétaire.
- [...], entre le 14 et le 16 mars 2012, un cambriolage a été commis dans la villa de [...] lors duquel un ordinateur portable a été dérobé. L'ordinateur portable a été retrouvé au domicile des prévenus et a été restitué à la lésée le 11 octobre 2012.
- [...], le 29 mars 2012, un cambriolage a été commis dans la villa de [...] lors duquel un ordinateur portable Siemens
Fujitsu
, une télécommande pour un véhicule
Subaru
J. Legacy
et un flacon de parfum
Guerlain
ont été dérobés. L'ordinateur portable a été retrouvé lors de la perquisition du 12 juin 2012 et a été restitué à son propriétaire.
[...] entre le 2 et le 3 avril 2012, un cambriolage a été commis dans la villa de [...] lors duquel un sac à main contenant 500 fr., un ordinateur portable, une paire de lunettes bleues et un agenda en cuir ont été dérobés. L'ordinateur portable a été retrouvé lors de la perquisition du 12 juin 2012 et a été restitué à sa propriétaire le 22 août 2012.
- [...], le 21 avril 2012, un cambriolage a été commis dans la villa de [...] lors duquel deux I-Pod Touch, deux sacs à dos, deux téléphones portables
Sony Ericsson
, une montre N
ike
GPS noir et jaune, un radio-réveil Cube, un appareil photographique et une caméra ont été dérobés. La montre
Nike
a été retrouvée lors de la perquisition du 12 juin 2012 et a été restituée à son propriétaire le 25 août 2012.
- [...], entre le 23 et le 29 avril 2012, un cambriolage a été commis dans la caravane de [...] lors duquel une tronçonneuse D
olmar
144 et une débroussailleuse ont été dérobées. Ces outils ont été retrouvés au domicile des prévenus et ont été restitués à leur propriétaire le 20 novembre 2012.
- [...], entre le 27 et le 28 avril 2012, un cambriolage a été commis dans le dépôt à bois de[...] lors duquel une tronçonneuse STIHL 0146, une ceinture à outils, une sacoche et un jerrycan de 10 litres d'essence ont été dérobés. La tronçonneuse a été retrouvée lors de la perquisition du domicile des prévenus et a été restituée à son propriétaire le 4 octobre 2012.
- [...], entre le 28 et le 29 mai 2012, un cambriolage a été commis dans la villa de [...] lors duquel un ordinateur portable HP, un appareil photographique CANON
Powershot
G11, un téléphone portable
Nokia
C3 et 100 fr. ont été dérobés. L'ordinateur portable a été retrouvé lors de la perquisition du 12 juin 2012 et a été restitué à son propriétaire le 25 août 2012.
- [...] 19, le 31 mai 2012, un cambriolage a été commis dans le magasin d'équitation de [...] lors duquel une caisse enregistreuse d'une valeur de 379 fr. divers bijoux et plusieurs vêtements d'équitation ont été dérobés. La caisse enregistreuse a été abandonnée par les auteurs à [...] et a été restituée à la plaignante. Les vêtements ont été retrouvés lors de la perquisition du 14 juin 2012 et ont été restitués à leur propriétaire.
- [...], entre le 3 et le 4 juin 2012, un cambriolage a été commis dans le magasin de la fromagerie [...] lors duquel le tiroir de la caisse enregistreuse contenant environ 500 fr. et de la monnaie, ainsi que des chocolats pour environ 150 fr. ont été dérobés. Les chocolats ont été retrouvés lors de la perquisition du 12 juin 2012.
- [...], entre le 7 et le 8 juin 2012, un vol par effraction a été commis dans le véhicule de [...] lors duquel un ordinateur portable
Asus
, un appareil photographique
Canon
450d ou 500d ont été dérobés. L'ordinateur portable a été retrouvé lors de la perquisition du domicile des prévenus et a été restitué à son propriétaire le 21 juin 2012.
- [...], sur le chantier de [...], entre le 8 et le 11 juin 2012, un cambriolage a été commis dans le cabanon de chantier de l'entreprise [...] lors duquel une meule à disque, une perceuse B
osch
, une perceuse
Stihl
, une scie sauteuse
Bosch
et un marteau perforateur ont été dérobés. La meule à disque, le marteau perforateur et la scie sauteuse ont été retrouvés au domicile des prévenus et ont été restitués à leur propriétaire le 27 septembre 2012.
De nombreux autres objets de provenance délictueuse ont été retrouvés lors des perquisitions au domicile des prévenus. Toutefois, leurs propriétaires légitimes n'ont pas pu être identifiés. Ces objets ont été saisis et séquestrés sous fiche n° 3891.
[...], le 20 novembre 2013, W._ a pénétré par effraction dans la villa de [...] en brisant la porte-fenêtre à l'aide d'un objet indéterminé et y a dérobé 180 fr. et 160 €, une montre
Tissot
, une montre
Festina,
une chaîne en métal doré, une alliance, divers bijoux fantaisies, un sac à main brun contenant notamment une carte J
umbo
. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP; Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de W._ est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L'appelant conteste sa culpabilité et, partant, sa condamnation. Il invoque une violation de la présomption d'innocence. Il fait valoir qu'il aurait été condamné avant même la tenue des débats, car un jugement de première instance du 5 novembre 2013 concernant [...] (cause PE12.010553-/LA) le déclarait débiteur solidaire de celui-ci d'une indemnité d'un montant de 1'020 fr (ch. IV du dispositif). Il aurait donc été reconnu coupable avant même d'être jugé.
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente. Jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 l 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2. 2. 1). Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2. 2. 2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s'agir de doutes importants et irréductibles, qui s'imposent au vu de la situation objective (ATF 127 l 38 c. 2a; TF 6B_18/2011 du 6 septembre 2011 c. 2. 1).
3.2
Contrairement à ce que soutient l'appelant, il n'a pas été condamné avant d'être jugé. A aucun moment, les premiers juges ne se sont référés à la décision du 5 novembre 2013 pour étayer la condamnation. Ils ont au contraire fondé leur conviction sur un ensemble d'éléments probatoires (soit, en particulier, les témoignages et les preuves techniques) résultant exclusivement de l'instruction menée dans le cadre de la procédure dirigée contre l'appelant et non sur des éléments de celle dirigée contre [...]. Si le jugement entrepris mentionne l'appelant comme débiteur solidaire avec [...] et P._ (jugement en p. 23), c'est manifestement pour régler dans une décision les conséquences civiles résultant des prétentions d'un lésé, sans que cela n'ait influé sur le jugement attaqué, les premiers juges exposant en pages 14 à 21 dudit jugement les motifs de leur conviction.
3.3
L'appelant soutient ensuite qu'il aurait dû être acquitté, à défaut d'éléments techniques l'incriminant, les déclarations de son coaccusé étant par ailleurs peu claires et contradictoires. Il conteste en outre avoir séjourné au domicile de[...] et se prévaut des déclarations de celui-ci. Il justifie l'envoi d'argent à son épouse par la rémunération de son travail accompli en France notamment.
Contrairement à ce que soutient l'appelant, le tribunal ne s'est pas seulement fondé sur les mises en causes du comparse P._, qu'il a considérées comme claires et précises, pour le condamner. Il s'est également référé aux déclarations de [...] qui a exposé avoir surpris à plusieurs reprises des conversations de l'appelant avec [...] et P._ au sujet de projets de cambriolages, de même qu'aux déclarations de [...] qui a observé les allées et venues nocturnes des comparses, qui revenaient parfois au petit matin avec des appareils photographiques et des ordinateurs (jugement p. 15). Le tribunal s'est encore fondé sur les données extraites des téléphones portables saisis permettant la géolocalisation des prévenus dans la région des cambriolages (jugement, p. 16). Enfin, les premiers juges se sont fondés sur les transferts d'argent du prévenu à son épouse (même page).
L'ensemble de ces éléments ne laisse place à aucun doute.
Il en va de même pour l'infraction de recel dans le cas rapporté sous chiffre 5 de l'acte d'accusation du 31 juillet 2013 (cf. supra p. 8), le tribunal se fondant à nouveau sur les déclarations concordantes de P._ et [...], ainsi que sur la perquisition effectuée au domicile de [...] (jugement pp. 19 et 20).
Enfin, pour le cas de cambriolage du 20 novembre 2013, le tribunal s'est basé sur l'ADN du prévenu déposé sur un tournevis retrouvé sur les lieux de l'infraction et l'appelant n'expose aucun grief à ce sujet.
4.
L'appelant conteste encore, à titre subsidiaire, les qualifications de vol par métier (art. 139 ch. 2 CP) et de recel (160 CP), en vain. En effet, il est manifestement un voleur professionnel, comme en attestent ses casiers judiciaires suisse et roumain. Il n'a aucune autre source de revenu que le produit de ses infractions, de sorte que le butin obtenu constitue un apport notable à son train de vie, conformément à la définition jurisprudentielle du métier. A cet égard, le Tribunal fédéral considère que la circonstance aggravante du métier peut être retenue lorsqu'il résulte du temps et des moyens que consacre l'auteur à ses agissements délictueux, de la fréquence des actes pendant une période déterminée, ainsi que des revenus envisagés ou obtenus, que l'auteur exerce son activité coupable à la manière d'une profession, même accessoire. Il faut en ce sens que l'auteur aspire à obtenir des revenus relativement réguliers représentant un apport notable au financement de son genre de vie et qu'il se soit ainsi, d'une certaine façon, installé dans la délinquance (ATF 129 IV 253 c. 2.2; ATF 129 IV 188 = JT 2004 IV 42; ATF 123 IV 113 c.2). Tel est manifestement le cas en l'espèce.
Quant à la contestation juridique du recel, l'appelant ne la motive pas et on ne voit pas, compte tenu des faits retenus, comment il pourrait contester la réalisation des éléments objectifs et subjectifs de cette infraction, tant il est évident qu'il a reçu et dissimulé des objets qu'il savait dérobés, ce qu'il admet d'ailleurs partiellement lors de son audition du 21 juin 2012 (PV aud. 16).
5.
L'appelant s'en prend enfin à la peine, qu'il prétend avoir été fixée uniquement en considération de la prévention générale. Il conteste aussi le refus du sursis, au motif que toutes les condamnations figurant à son casier judiciaire suisse sont postérieures aux faits de la présente cause.
5.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
Le droit au sursis s'examine selon les critères posés à l'art. 42 CP qui ont été rappelés dans l'arrêt publié aux ATF 135 IV 180 c. 2.1. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (ATF 134 IV 5 c. 4.2.2).
5.2
Les premiers juges ont fixé la peine selon des critères conformes
à l'art. 47 CP, au demeurant clairement exposés en page 21 du jugement attaqué. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelant, ils ont avancé en premier lieu des motifs de prévention spéciale pour fixer la sanction, en relevant qu'il est un délinquant d'habitude, que ses récidives démontrent qu'il s'enlise dans cette voie et qu'il ne montre aucun signe de prise de conscience, en persistant à nier l'évidence. Ils ont encore retenu à charge le concours d'infractions et à décharge le fait que l'appelant est issu d'un milieu défavorisé. Cette motivation est adéquate et la cour de céans peut la faire sienne. Comme l'ont considéré les premiers juges, le sursis est exclu au vu de la multiplicité des condamnations prononcées en Suisse, de l'attitude dans la procédure et de l'absence de tout renseignement, en particulier professionnel, permettant d'imaginer que l'appelant fera autre chose que voler. Le pronostic est ainsi clairement défavorable, même si les condamnations prononcées en Suisse sont postérieures aux faits délictueux.
6.
En définitive, l'appel de W._ doit être rejeté.
7.
Me Raphaël Brochellaz, défenseur d'office de W._ a produit une liste d'opérations faisant état d'un montant de 1'939 fr. 65. Compte tenu de l'ampleur de la procédure et de la connaissance du dossier déjà acquise en première instance, il se justifie d'accorder une l'indemnité d'office de 1'907 fr. 30, ce qui correspond, audience incluse, à 9 heures à 180 fr., 120 fr. de déplacement, 26 fr. de débours et
8 % de TVA.
Vu le sort de l'appel, les frais de seconde instance, constitués de l'émolument d'arrêt, par 3'847 fr. 30, y compris l'indemnité due au défenseur d'office, par 1'907 fr. 30, sont mis à la charge de W._, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
W._ ne sera tenu de rembourser à l'Etat l'indemnité d'office accordée à son mandataire que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7e8c0ea9-b5b9-4512-833c-66af70dad71c | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
novembre 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a libéré C._ de l'accusation de désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (I), l'a condamné pour voies de fait qualifiées, injure, menaces, actes d'ordre sexuel avec un enfant, contrainte sexuelle, tentative de contrainte sexuelle, viol et pornographie, à la peine privative de liberté de quatre ans, sous déduction de deux jours de détention avant jugement (II), dit que C._ est le débiteur de B.M._ de 30'000 fr., avec intérêt légal depuis le 1
er
janvier 2008, à titre de réparation du tort moral (III), donné à B.M._ acte de ses réserves civiles envers C._ pour le surplus (IV), levé le séquestre sur le journal intime de B.M._ et ordonné sa restitution à son auteur (V), ordonné la confiscation et la destruction du solde des objets séquestrés (VI), mis les frais, par 20'726 fr. 15, à la charge de C._, incluant l'indemnité à son conseil d'office par 5'681 fr. 70 (VII) et dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité du conseil d'office ne sera exigé que si la situation financière du condamné s'améliore (VIII).
B.
Le 10 novembre 2011 C._ a formé appel contre le jugement précité.
Par déclaration motivée du 2 décembre 2011, l'appelant a conclu à sa réforme en ce sens qu'il est libéré des infractions de viol, contrainte sexuelle, tentative de contrainte sexuelle, actes d'ordre sexuel avec des enfants et désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (I), qu'il est condamné pour voies de fait qualifiées, injure, menaces et pornographie à une peine largement compatible avec un sursis, sous déduction de deux jours de détention avant jugement (II) et qu'il est reconnu le débiteur de B.M._ d'une somme fixée à dire de justice à titre de réparation du tort moral (III). C._ a en outre requis l'audition du Dr X._, en sa qualité d'expert.
Par courrier du 7 décembre 2011 le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois a indiqué qu'il n'entendait pas présenter une demande de non-entrée en matière, ni former un appel joint.
Le 23 décembre 2011, B.M._ a renoncé à présenter une demande de non-entrée en matière et à déposer un appel joint.
Par courrier du 12 janvier 2012, le Président de la Cour d'appel pénale a informé C._ que le Dr X._ ne serait pas cité aux débats à titre de témoin, les conditions de l'art. 389 CPP n'étant pas réalisées.
Le 13 janvier 2012, C._ a réitéré sa requête s'agissant de l'audition du Dr X._ en sa qualité d'expert.
Par courrier du 19 janvier 2012, le Président de la Cour d'appel pénale a réitéré son refus d'entendre le Dr X._ aux débats d'appel, son audition n'étant pas nécessaire dès lors que son rapport est complet et suffisant.
A la demande de la plaignante, le huis clos a été prononcé pour son audition et les mesures ont été prises pour qu'elle ne soit pas confrontée à C._ durant les débats d'appel.
Aux débats d'appel, le Ministère public a conclu à l’admission partiel de l’appel, à la libération des infractions de contrainte sexuelle et de viol et au prononcé d’une peine privative de liberté de 24 mois assortie du sursis durant trois ans, alors que la plaignante a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris dans son intégralité.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
C._ est né le 28 mai 1970 à Lausanne. Après avoir terminé sa scolarité obligatoire, il a obtenu un diplôme en informatique à l'Ecole Lemania. Il a travaillé au service de son beau-père dans une entreprise de démolition de voitures. Actuellement, il exerce l'activité de monteur de stores et de poseur de parquets à titre indépendant, activité qui lui procure un revenu mensuel de l'ordre de 3'000 fr. à 3'500 francs. Il a des dettes et fait l’objet de poursuite pour un montant de près de 50'000 francs. Il vit depuis environ deux ans et demi avec une amie qui est soutenue par les services sociaux.
Le casier judiciaire suisse de C._ est vierge de toute inscription.
Pour les besoins de la présente cause, C._ a été détenu durant deux jours, soit les 21 et 22 décembre 2007.
C._ a fait l'objet d'une expertise psychiatrique confiée au Dr. X._. Dans son rapport du 31 mars 2011, l'expert relève que l'intéressé présente une personnalité psychotique rigide, avec des défenses par le contrôle qui semblent permettre une adaptation à la réalité, mais avec des moments d'inadéquation. Il présente en filigrane des angoisses de morcellement et persécutoires dans des moments où le contrôle lâche, avec une émergence d'une tendance à l'impulsivité désorganisée et incontrôlée. L'expert indique que C._ vit en marge de la société, qu'il connaît les règles et les lois de la vie civile, sans pour autant pouvoir s'y conformer facilement, comme si certaines règles ne s'appliquaient pas tout à fait à lui. Les tests psychologiques ont permis de mettre en évidence un fonctionnement psychique précaire et immature, rendant l'intéressé vulnérable dans des moments de tensions comportant le risque d'une certaine perte de maîtrise de ses réactions. L'expert a indiqué que c'est probablement dans ce type de situations que l'intéressé s'est trouvé débordé en particulier dans un rôle de beau-père, rôle dans lequel il ne pouvait qu'échouer face à la mise en scène conflictuelle des désaccords par une adolescente en révolte. Il a ajouté n'avoir aucun indice d'un quelconque intérêt de l'expertisé pour des jeunes filles. S'agissant de la faculté de C._ d'apprécier le caractère illicite de ses actes, l'expert l'a estimée entière, sa capacité de se déterminer d'après cette appréciation étant toutefois légèrement diminuée au moment des faits. En outre, dans la mesure où l'intéressé avait pris conscience de toutes les conséquences légales découlant des plaintes déposées contre lui, l'expert a considéré comme très faible le risque de récidive.
2.
Au cours de l'année 2007, alors qu'il faisait ménage commun avec A.M._ et ses deux enfants, C.M._ et B.M._, respectivement nés en 1995 et 1992, C._ a imposé à B.M._ divers actes d'ordre sexuels, profitant de l'absence de A.M._.
2.1
C'est ainsi qu'à plusieurs reprises, C._ a envoyé des sms à connotation sexuelle (notamment une photographie de son sexe) sur le natel de B.M._ et lui a tenu des propos à connotation sexuelle, quelques fois en présence d'une amie de la jeune fille, F._. C._ a admis ces faits tout en les minimisant et en expliquant que ces messages ou propos devaient être pris sur le ton de la plaisanterie. Aux débats d'appel, il a ajouté ne pas avoir l'habitude de se censurer dans ses propos car il travaille souvent sur des chantiers et parle de manière crûe à ses collègues.
2.2
C._ a imposé à B.M._ des séances de massages entre juillet et décembre 2007. En décembre 2007, il a ainsi demandé à B.M._ de le retrouver dans la chambre parentale alors qu'il était allongé sur le lit, nu sous la couverture. Après s'être enduit le corps d'huile, il lui a demandé de lui masser le torse, les bras et le dos avant d'en faire de même sur le corps de sa victime, lui caressant les épaules, le ventre, les cuisses, les fesses et les seins par-dessous le soutien-gorge qu'elle avait gardé. Il lui a léché le cou et a promené sa langue entre les seins, sur le ventre et les jambes. C._ a admis des massages réciproques et les a décrits comme des actes thérapeutiques dépourvus de toute connotation sexuelle.
2.3
C._ a imposé à B.M._ à deux reprises de revêtir une robe en latex qu'il avait achetée sur Internet pour A.M._. Il a pris des photos d'elle dans cette tenue en lui demandant de prendre des poses suggestives. Alors qu'elle était dans cette tenue, il lui a caressé et léché les jambes. C._ a admis avoir pris des clichés de B.M._ vêtue de vinyle, affirmant qu'il l'avait fait à la demande de la jeune fille et à contrecoeur. Il a également admis avoir été attiré par la jeune fille soutenant toutefois qu'il ne s'agissait que d'une attirance visuelle et non sexuelle, contestant avoir touché la plaignante lors de ces séances de photo.
2.4
En octobre 2007, alors qu'elle se trouvait seule avec l'appelant, ce dernier a demandé à B.M._ de se photographier avec une banane puis un godemiché noir introduits dans le vagin. Par dépit et face à l'insistance de l'appelant, la plaignante s'est exécutée; elle s'est rendue dans sa chambre où elle a placé une banane recouverte d'un préservatif à l'intérieur de son vagin. Après s'être prise en photo, elle a envoyé l'image par mms à C._, resté dans sa propre chambre. Après avoir reçu le mms en question, l'appelant a exigé de la plaignante qu'elle en fasse de même, cette fois au moyen d'un godemiché noir qu'il lui a remis. B.M._ s'est exécutée. C._ conteste ces faits.
2.5
L'appelant a également obligé B.M._ à prendre une douche avec lui à deux reprises. Elle a dû le laver et lui masser le dos et le torse. A une occasion, il lui a demandé de le masturber, ce qu'elle a fait sous peine d'être battue. C._ conteste ces faits.
2.6
C._ a demandé à sa victime de lui faire une fellation, ce qu'elle a refusé, nonobstant la menace d'être battue qu'il a proféré à son encontre. C._ le conteste.
2.7
A une occasion, C._ a contraint B.M._ à l'acte sexuel. Après avoir refusé dans un premier temps, elle a cédé sous la menace du couteau de cuisine que C._ tenait en main pendant qu'il la pénétrait. Ce dernier conteste cette agression sexuelle.
2.8
C._ a régulièrement donné des coups de poing, des claques et des coups de genou à B.M._ sous le prétexte d'instaurer une certaine discipline à la maison. Le 15 décembre 2007 en particulier, alors qu'il était contrarié par le fait que C.M._ regarde la télévision au lieu de passer à table, C._ s'en est pris à ce dernier. B.M._ s'est interposée pour défendre son frère. L'appelant l'a alors insulté en lui disant "toi la garce, tu te la fermes!" et lui a jeté de l'eau au visage. Il a ensuite empoigné C.M._ et l'a projeté contre le meuble de la télévision, lui causant une bosse à la tête. B.M._ s'étant réfugiée dans sa chambre, C._ a assené un violent coup de pied dans la porte qu'il a cassée, avant de quitter l'appartement pour se calmer à la demande de A.M._. L'appelant a admis les faits, tout en les minimisant.
2.9
Le 27 janvier 2008, soit un mois après que A.M._ ait déposé plainte pénale contre lui, C._ a adressé à cette dernière un sms dans lequel il a écrit "ta fille, quand sa sera fini, je vais lui péter la gueule elle véra comment" (sic). L'appelant a admis les faits, ajoutant qu'il avait écrit ce message sous le coup de la colère. | En droit :
1.
1.1
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les forme et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP), l'appel de C._ est recevable. Il convient donc d'entrer en matière sur le fond.
1.2
La présente affaire ayant fait l'objet de débats avant l'entrée en vigueur du CPP, elle s'est poursuivie selon l'ancien droit devant le tribunal de première instance (art. 450 CPP). Les déclarations de la plaignante et des témoins n'ont dès lors pas été ténorisées mais uniquement résumées dans le jugement entrepris, cela conformément à l'art. 325 al. 1 CPP-VD.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
C._ se plaint de l’appréciation arbitraire des preuves et de l’établissement erroné et incomplet des faits et il invoque une violation de la présomption d’innocence.
3.1
3.1.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in Commentaire romand, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP)
3.1.2
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2; ATF 120 Ia 31 c. 2c). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du
11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
3.2
3.2.1
C._ se plaint de constatation manifestement incomplète et erronée des faits, considérant que les premiers juges ont retenu à tort que le récit de la plaignante serait constant et cohérent. Il reproche aux premiers juges d'avoir abusé de leur pouvoir d'appréciation en matière de preuves, se fondant sur des documents peu nombreux versés au dossier, pour conclure qu'il s'était rendu coupable de viol, de contrainte sexuelle et de tentative de cette infraction.
S'agissant des infractions contre l'intégrité sexuelle, les premiers juges ont d'abord exposé, en résumé, le récit de la plaignante, selon les déclarations de cette dernière au fil de l'enquête. Ce que retient le jugement à ce titre correspond au contenu des auditions de B.M._ et il n'y a à cet égard aucune constatation incomplète ou erronée des faits. Les premiers juges ont ensuite procédé de la même manière s'agissant de la version de l'appelant et, là non plus, il n'y a pas de constatation incomplète ni erronée. Les deux versions ainsi exposées ont été analysées par les premiers juges de manière logique et cohérente. Ils ont ainsi retenu que le récit de B.M._ était constant, qu'il s'est élaboré à l'instruction et s'est répété aux débats, sans contradiction. Dans le cadre de leur large pouvoir d'appréciation, ils ont considéré les émotions exprimées comme fortes et authentiques. Ils ont retenu que les rares documents conservés et versés au dossier confirment les accusations de la plaignante, qu'il s'agisse des images ou des messages électroniques dont elle s'est plainte et du fichier zoophile dont elle a fait état (cf. jgt., p. 10). Les premiers juges ont également tenu compte de l'évolution des aveux et du processus progressif de ces derniers, ainsi que des avis de psychologue et d'expert pour conclure à la culpabilité de l'appelant.
Partant, fondés sur l'ensemble de ces éléments et non pas seulement, comme le prétend l'appelant, sur la base des documents versés au dossier, les premiers juges ont considéré pouvoir retenir que le récit de la plaignante était l'expression de la réalité; ils ont aussi expliqué les raisons pour lesquelles ils écartaient la version de l'appelant. Leur motivation au sujet des thèses respectives de l'appelant et de la plaignante est adéquate et convaincante. Elle n'est ni incomplète, ni erronée. Elle ne procède pas, contrairement à ce que soutient l'appelant, d'un raccourci inadmissible et ne relève pas davantage, d'une façon plus générale d'un abus de pouvoir d'appréciation des preuves. Ce moyen, mal fondé, doit donc être rejeté.
3.2.2
C._ tente ensuite de remettre en cause la crédibilité de la plaignante en relevant qu'elle a mis plus de trois ans après le début de l'enquête pour finalement déclarer les faits les plus graves, à savoir la masturbation, les menaces, les coups, la fellation refusée et la pénétration vaginale. Il rediscute le caractère progressif des déclarations de la plaignante, ainsi que l'intervention et l'avis des psychologues qui ont assisté aux auditions de la plaignante. Il fait valoir également les difficultés de développement de cette dernière, sa jeunesse perturbée, ses problèmes médicaux et le divorce de ses parents.
Les premiers juges n'ont pas omis de discuter et d'analyser l'évolution et le processus progressif des aveux de la plaignante. Ils ont relevé que son récit s'est ouvert par une confession latérale classique, puis s'est développé avec réticence pour culminer avec les aveux des agressions les plus graves durant les débats (cf. jgt., p. 10). Ils ont considéré qu'il s'agissait là d'une évolution naturelle dans ce type de situation d'abus intrafamilial. Ils se sont questionnés sur le fait de savoir si cette progression dans les aveux entachait leur véracité et leur authenticité. Leur réponse, que tel n'est pas le cas, est fondée sur les avis de spécialistes. La lecture des rapports d'audition de B.M._ permet effectivement de considérer qu'elle s'est d'abord montrée très réticente à évoquer les abus et qu'elle a finalement choisi de se confier, pleurant beaucoup et demandant plusieurs pauses afin de prendre l'air. Au travers de ces auditions, elle semble avoir très peur des conséquences de ses révélations sur la famille et des réactions de son beau-père. Elle s'est montrée très angoissée, frappant le mur, les objets puis finalement elle-même, exprimant ainsi son dégoût, sa colère et sa souffrance (cf. Pièces 5, 6, 13/2 et PV d'audit. 7). Ces sentiments ont également été relevés par les médecins de la Fondation de Nant qui ont examiné B.M._ (cf. Pièce 52).
Le Dr N._, qui n'est pas intervenu à titre d'expert mais comme le psychothérapeute de la plaignante, a indiqué dans son rapport du 28 avril 2010 que B.M._ lui avait fait notamment part d'importantes violences, tant physiques que psychologiques, qu'elle a subies de C._. Il a relevé que l'état psychique de la plaignante demeure très fragilisé par la répétition des traumatismes subis, générés par des attitudes incestueuses, des violences verbales, des maltraitances physiques et psychiques (cf. pièce 54). Aux débats de première instance, le thérapeute a en outre expliqué que les aveux ravivaient la honte éprouvée par la victime et que la résurgence des souvenirs honteux l'amenait à des actes d'autopunition (scarifications), de sorte qu'ils ne pouvaient qu'être progressifs (cf. jgt., p. 11).
Les premiers juges ont également tenu compte du fait que les déclarations de l'appelant avaient été contradictoires et fluctuantes au cours des auditions menées par les policiers. Il a ainsi nié avoir une attirance sexuelle pour sa victime, relevant avoir toutefois une attirance "visuelle" devant sa victime vêtue de vinyle; il a nié avoir envoyé des messages à caractère sexuel sur le natel de sa victime – notamment la photo de son sexe – avant de finalement l'admettre en déclarant, s'agissant de la photo, s'être trompé de destinataire; il a nié avoir tenu des propos à caractère sexuel à sa victime et à l'amie de celle-ci pour ensuite l'admettre, tout en indiquant qu'il fallait les prendre sur le ton de la plaisanterie. A ce propos, C._ est allé jusqu'à soutenir aux débats d'appel qu'il avait l'habitude de parler crûment avec ses collègues de chantier et qu'il n'avait pas su adapter son langage face à la plaignante. Il a également nié avoir visité des sites zoophiles, n'admettant ces faits qu'une fois confronté aux preuves techniques que les enquêteurs lui ont soumises après analyse de son ordinateur et expliquant qu'il avait agi de la sorte "pour se tenir au courant des dernières tendances" (sic) . Enfin, il a nié avoir fait preuve de violence à l'encontre de B.M._ ou de son frère notamment le 15 décembre 2007 (cf. supra consid. 2.8), l'admettant finalement après que A.M._ ait confirmé l'incident, tout en le minimisant (cf. pv d'audition n° 11 p. 3).
Sur ces bases et dans le cadre de leur large pouvoir d'appréciation, les premiers juges ont considéré, en prenant la peine d'en expliquer les raisons, que la nature progressive des déclarations de la plaignante n'enlevait rien à leur véracité. La cour de céans relève le contexte malsain que l'appelant a instauré (massages, sms et propos à connotation sexuelle, consultation de sites zoophile ou pédophile en présence de la plaignante) ainsi que l'aggravation des actes qui lui sont reprochés, à savoir d'abord des messages et des paroles, puis des attouchements, une fellation refusée et enfin un viol sous la menace d'un couteau. Cette évolution témoigne des très fortes pulsions sexuelles de l'appelant, qu'il n'a manifestement pas su contrôler. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer que la motivation des premiers juges s'agissant de la crédibilité de la victime est adéquate. Ce moyen, mal fondé, doit donc également être rejeté.
3.2.3
C._ reproche au jugement de première instance son caractère lacunaire s'agissant du récit des circonstances du prétendu viol et des autres actes de contrainte sexuelle.
Les premiers juges n'ont certes pas fourni des détails s'agissant des circonstances du viol évoqué par la plaignante lors des débats de première instance. On rappelle toutefois que les débats se sont déroulés sous l'égide de l'ancien droit, la ténorisation des déclarations des parties et des témoins n'étant ainsi pas nécessaire (cf. supra consid. 1.2). On comprend en outre leur souci de préserver une jeune victime d'abus sexuel, déjà fragilisée par le contexte familiale décrit dans le jugement (cf. jgt., p. 9). La cour de céans relève cependant que les faits constitutifs des infractions retenues sont mentionnés dans le jugement et qu'ils correspondent à la version retenue par les premiers juges. Ils ne sont donc pas lacunaires. Au surplus, les aveux de la plaignante étant crédibles s'agissant des actes de contrainte sexuelle, il n'y a pas lieu de douter de sa crédibilité lorsqu'elle a confié avoir été victime d'un acte sexuel avec pénétration. Par conséquent, les premiers juges étaient fondés à retenir la version de la plaignante, le jugement étant parfaitement convaincant s'agissant de la contrainte sexuelle et du viol. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
3.2.4
L'appelant reproche aux premiers juges de s'être livrés à une appréciation arbitraire du résultat de l'expertise psychiatrique le concernant, procédant à une interprétation des constatations de l'expert qui serait contraire au sens que ce dernier a voulu y donner.
Il convient de relever que l'expertise psychiatrique est succincte (cf. pièce 58). Cela étant, le jugement attaqué relève que l'expert n'a pas décelé d'inclination pédophile dans la personnalité de l'appelant mais une paraphilie consacrée au latex. Cette constatation est correcte et correspond au contenu du rapport. Il n'y a donc pas là de constatation erronée. Les premiers juges expliquent pourquoi ils considèrent qu'on ne saurait déduire de cette absence d'inclination pédophile que l'appelant ne peut être l'auteur d'agressions sexuelles. Les motifs de leur raisonnement sont exposés clairement (cf. jgt., p. 12) et l'appréciation à laquelle ils aboutissent n'est absolument pas en contradiction avec les autres éléments du dossier (goût pour les accessoires érotiques, intérêt pour la zoophilie, contenus des images retrouvées chez C._, messages adressés à la plaignante, etc...). Les premiers juges n'ont dès lors rien déduit de contraire à l'expertise, mais en ont tenu compte pour affirmer leur conviction de la culpabilité de l'intéressé. Il n'y a rien de critiquable dans cette manière de procéder, en particulier pas d'abus de pouvoir d'appréciation au sujet des conclusions de l'expertise. Ce moyen, mal fondé, doit être rejeté.
3.2.5
C._ reproche encore aux premiers juges d'avoir fait abstraction de manière injustifiée de divers éléments contredisant ou affaiblissant la version des faits de la plaignante.
Dans la mesure où le jugement de première instance retient les faits pertinents à l'établissement de la culpabilité de l'appelant et que ces faits ne sont pas en contradiction avec les éléments du dossier, il n'est pas incomplet et le tribunal n'a aucune obligation de reprendre tous les éléments discutés et d'en faire un résumé exhaustif, indiquant pour chacun les raisons pour lesquelles il les retient ou les écarte. Il en va notamment ainsi du contenu du journal intime de la plaignante, dont le caractère probant et dont les passages relevés par l'appelant ne sont pas décisifs eu égard aux faits retenus. Il en va de même s'agissant du jugement de non-lieu dont a bénéficié un cousin de la plaignante ensuite des accusations de cette dernière. Enfin, le fait que la plaignante ait refusé de remettre son téléphone aux policiers ou qu'elle ait effacé certaines photos qui y étaient stockées n'enlève rien à sa crédibilité et au raisonnement tenu par les premiers juges sur ce point. Ce moyen, mal fondé, ne peut qu'être rejeté.
4.
C._ requiert le prononcé d'une peine compatible avec le sursis.
4.1
Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier, ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Ce dernier doit exposer quels éléments il a pris en compte pour fixer la peine, de manière à ce que l'on puisse vérifier que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou aggravant. Il lui appartiendra, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, de déterminer
dans quelle mesure il y a lieu de tenir compte des divers facteurs de la peine
(JT 2010 IV 127). Le juge ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1 et les réf. citées).
En application de l'art. 43 CP, le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur (al. 1). La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2). En cas de sursis partiel à l'exécution d'une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins. Les règles d'octroi à la libération conditionnelle (art. 86) ne lui sont pas applicables (al. 3). Le sursis partiel est exclu si la peine privative de liberté dépasse trente-six mois (ATF 134 IV 1 c. 5.3.2).
4.2
En tant que l'argumentation de l'appelant repose sur la prémisse d'une admission de ses premiers moyens, elle est vouée à l'échec.
Pour le surplus, on relève que les premiers juges ont estimé que la culpabilité de C._ est lourde et qu'il s'est enferré dans le déni. Ainsi, se présentant comme un père de substitution, il a exercé une maîtrise cruelle sur B.M._ qu'il a fait vivre dans la brutalité de ses désirs et de ses actes, ceci alors même qu'il savait sa victime déjà fragilisée par un cancer et des carences affectives. Ils ont également retenu que les infractions reprochées sont graves et en concours.
A décharge, les premiers juges ont tenu compte d'une légère diminution de sa responsabilité pénale (cf. jgt., p. 16).
La cour de céans retient également que B.M._ s'est retrouvée sans défense face à celui en qui elle avait – dans un premier temps - trouvé un confident (cf. pièce 53 p. 2), alors même que C._ savait sa victime particulièrement vulnérable et sans défense, compte tenu de son état physique et psychique.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, la quotité de la peine prononcée est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle. Elle ne relève ni d’un abus ni d’un excès du pouvoir d’appréciation dont jouit l’autorité de première instance, laquelle n’a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l’art. 47 CP. Supérieure à trois ans, cette peine est au surplus incompatible avec l'octroi du sursis. Ce moyen, mal fondé, doit être rejeté.
5.
L'appelant requiert que le montant alloué à la plaignante au titre de réparation du tort moral soit réduit.
5.1
Selon l'art. 49 al. 1 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement.
L'ampleur de la réparation dépend avant tout de la gravité de l'atteinte ou, plus exactement, de l'intensité des souffrances résultant de cette atteinte et de la possibilité d'adoucir de manière sensible la douleur morale du lésé par le
versement d'une somme d'argent (ATF 125 III 269 c. 2a; ATF 118 II 410, c. 2a,
rés. JT 1993 I 742 et les réf. cit.; voir aussi Hütte/Ducksch/Gross, Le tort moral,
3ème éd., Zurich 1996, I/66 a, ch. 7.5.2).
En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites; l'indemnité allouée doit toutefois être équitable. Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l'atteinte subie et évitera que la somme accordée n'apparaisse dérisoire à la victime (ATF 125 III 269 précité; ATF 118 II 410 précité).
5.2
En l'occurrence, les premiers juges ont pris en compte le fait que la plaignante souffre de carences affectives et de troubles psychiques. Fondés sur l'avis du psychologue qui suit B.M._, ils ont cependant retenu que les abus sexuels dont elle a souffert constituent une part importante de son mal être, des problèmes psycho-affectifs et sociaux graves qu'elle rencontre encore (cf. jgt., p. 17).
Au vu de ce qui précède, les premiers juges n'ont pas excédé leur large pouvoir d'appréciation en fixant l'indemnité à 30'000 fr., montant qui paraît proportionné à la gravité de l'atteinte subie par B.M._. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
6.
En définitive, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de C._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, par 2'570 fr., ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office, par 3'071 fr. 50, TVA et débours compris, ainsi que l'indemnité allouée au conseil d'office de B.M._ par 1'175 fr. 05, TVA comprise.
C._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités en faveur de son défenseur d'office et du conseil d’office de la partie plaignante prévues ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7e98b02a-8128-482a-9a18-deaae07ceb29 | En fait :
A.
Par jugement du 24 janvier 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a notamment libéré B._ des chefs de prévention de lésions corporelles simples, lésions corporelles simples qualifiées, tentative de remise de substances nocives à des enfants, vol commis au préjudice d'un proche, dommages à la propriété, injure, menaces, tentative de viol, tentative de contrainte sexuelle et infraction à l'art. 19bis LStup (I), a constaté que B._ s'est rendu coupable de vol, tentative de vol, utilisation frauduleuse d'un ordinateur, ainsi que d'infraction et de contravention à la LStup (II), l'a condamné à une peine privative de liberté de 120 jours, sous déduction de 120 jours de détention préventive déjà subie (III), a dit que cette peine est partiellement complémentaire à celles prononcées le 9 juin 2010 par le Tribunal des mineurs et le 24 septembre 2010 par le Juge d'instruction de Lausanne, et entièrement complémentaire à celle prononcée le 8 février 2011 par le Ministère public de Genève (IV), a arrêté les frais de justice à la charge de B._ à 17'261 fr. 30 (X) et ceux à la charge de la plaignante [...] à 10'687 fr. 50 (XII), a alloué à B._, à la charge de l'Etat, une indemnité pour tort moral de 72'000 fr., avec intérêt à 5% l'an dès le 16 janvier 2012 (XIII) et a laissé le solde des frais à la charge de l'Etat (XIV).
B.
Le Ministère public et B._ ont chacun formé appel contre ce jugement, respectivement les 30 janvier et 3 février 2012.
Par déclaration d'appel du 21 février 2012, suivie d'un mémoire motivé le 23 mai 2012, le Ministère public a conclu à la réforme du chiffre XIII de son dispositif. Le prévenu a, quant à lui, conclu, par déclaration d'appel du 24 février 2012, suivie également d'un mémoire motivé du 7 juin 2012, à la réforme des chiffres X et XIII dudit dispositif (frais et indemnités).
Par courrier du 25 mai 2012, B._ a été informé de la composition de la cour d'appel pénale qui statuerait sur les appels.
Le 31 mai 2012, le prévenu a requis la récusation de la juge X._, en se référant à l'art. 56 let. f CPP.
Par courrier du 1
er
juin 2012, la juge précitée a informé le requérant qu'elle refusait de se récuser spontanément.
Ce dernier a renouvelé sa requête par envoi du 6 juin 2012.
La juge X._ a transmis la demande de récusation à la Cour d'appel pénale comme objet de sa compétence et s'est déterminée par courrier du 20 juin 2012.
Par lettre du 6 juillet 2012, le Président de la cour de céans a rejeté les mesures d'instruction requises par B._ dans son courrier du 2 juillet 2012. | En droit :
1.
1.1
Aux termes de l'art. 58 CPP, lorsqu'une partie entend demander la récusation d'une personne qui exerce une fonction au sein d'une autorité pénale, elle doit présenter sans délai à la direction de la procédure une demande dans ce sens, dès qu'elle a connaissance du motif de récusation, les faits sur lesquels elle fonde sa demande doivent être rendus plausibles (al. 1). La personne concernée prend position sur la demande (al. 2).
En l’occurrence, formulée sans délai, la demande de récusation est recevable.
1.2
En application de l'art. 59 CPP, lorsque – comme en l'espèce - un motif de récusation au sens de l'art. 56 let. f CPP est invoqué à l'encontre d'un des membres de la juridiction d'appel, le litige est tranché sans administration supplémentaire de preuves et définitivement par la juridiction d'appel (al. 1 let. c). La décision est rendue par écrit et doit être motivée (al. 2).
2.
Sitôt avisé de la composition de la cour d'appel pénale qui statuerait sur son appel, Me Bertrand Demierre, conseil de B._, a requis la récusation de la Présidente X._ au motif que le prévenu ne dispose pas de la nationalité suisse, qu’on lui impute notamment un séjour illégal en Suisse, qu'il est "victime d’une erreur judiciaire générée par une volonté répressive et sécuritaire clairement affichée en réponse aux accusations de 'chouchouter' les délinquants", que le durcissement massif du droit pénal dans ce domaine est un axe central de la politique de l’UDC et que la juge X._ a été élue sur les listes de ce parti, ce qui implique que sa liberté d’action ne peut être entière et que son indépendance ne peut être assurée. Le requérant se prévaut de l’art. 56 let. f CPP.
2.1
L’art. 56 al. 1 let. f CPP – aux termes duquel toute personne exerçant une fonction au sein d’une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d’autres motifs, notamment un rapport d’amitié étroit ou d’inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention – constitue une clause générale et indéterminée jouant un rôle résiduel: tous les motifs de récusation non compris dans les clauses des let. a à e de l’art. 56 CPP peuvent être invoqués par le biais de l’art. 56 al. 1 let. f CPP (Verniory in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 27 ad. art. 56 CPP).
Selon la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral, notamment dans le cadre d’une procédure pénale (voir notamment TF 6B_627/2010 du 9 décembre 2010 c. 4; TF 1B_305/2010 du 25 octobre 2010 c. 3.1; TF 6B_75/2007 du 23 juillet 2007 c. 2.1; TF 1P.813/2006 du 13 mars 2007 c. 4.1), la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH – qui ont, de ce point de vue, la même portée (ATF 116 Ia 135 c. 2e) – permet, indépendamment du droit de procédure, de demander la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à faire susciter des doutes quant à son impartialité (ATF 126 I 68 c. 3a). Elle vise à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition interne de la part du juge ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence d'une prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Cependant, seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en compte, les impressions purement individuelles n'étant pas décisives (ATF 134 I 20 c. 4.2; ATF 133 I 1 c. 5.2 et les arrêts cités).
Même lorsqu’elles sont établies, des erreurs de procédure ou d’appréciation commises par un juge ne suffisent pas à fonder objectivement un soupçon de prévention, à moins qu’elles ne soient particulièrement lourdes ou répétées (ATF 116 Ia 135 et les références citées).
2.2
En l’espèce, le refus de la Présidente X._ d’ordonner une expertise ne constitue, au vu de ce qui précède, pas un motif de récusation et le requérant ne le soutient d’ailleurs pas expressément (requête [pièce 192], p. 1). En outre, il ressort de son mémoire motivé (pièce 195/2, p. 2) que l'intéressé a, contrairement à ce qu'il prétend dans sa requête, bel et bien reçu le rapport médical du Pénitencier de Bellechasse, dont la production a été ordonnée par la Présidente X._ (pièce 184).
2.3
Le fait que, selon une pratique en vigueur depuis longtemps tant au Tribunal fédéral qu’au Tribunal pénal fédéral et dans la plupart des cantons, les juges soient élus, par le parlement ou par le peuple, sur la base de propositions faites par les partis politiques, ne crée pas un motif de prévention. Ce système ne vise qu’à garantir une répartition équitable des sensibilités politiques parmi les juges. Dans le canton de Vaud, cette répartition équitable résulte d’ailleurs d’une règle constitutionnelle (art. 131 al. 3, 2
ème
phrase, Cst-VD). Rien ne permet d’inférer de ce mode d’élection que les juges seraient, d’une façon générale, soumis à leur parti après leur élection. Le Tribunal fédéral a toujours admis que la simple affiliation d'un juge à un parti politique, auquel appartient également une partie à la procédure, ne suffit pas à mettre objectivement en doute l'impartialité de ce magistrat si elle ne s'accompagne pas d'autres éléments permettant d'admettre qu'elle puisse exercer une influence négative sur l'issue de la procédure; la personne élue ou nommée à une fonction judiciaire est censée capable de prendre le recul nécessaire par rapport à de tels liens ou affinités et de se prononcer de manière objective sur le litige qui divise les parties (TF 1B_146/2010 et les références citées). La répartition politique au sein d’un tribunal collégial ne fonde normalement pas la récusation non plus (Verniory, op. cit., n. 36 ad art. 56 CPP).
Les critiques formulées par l’UDC à l’encontre des juges dans l’un des documents produits par le requérant (pièce 189/2) ne sont formulées qu’afin de justifier des demandes de modifications constitutionnelles ou légales; loin de rendre plausible une prévention des juges présentés par ce parti, elles attestent au contraire de l’indépendance des juges en général.
Il n’existe enfin aucun indice objectif permettant de considérer, ou même de craindre, que la juge X._ ne soit influencée dans ses décisions par les prises de position politiques du parti qui l’a présentée lors de son élection. L'argumentation du requérant, qui ne fait valoir aucun élément concret qui permettrait de retenir que la magistrate en question soit tentée d'examiner la cause avec un préjugé défavorable à son égard, n'est donc pas objectivement de nature à faire douter de l'impartialité de cette dernière.
2.4
Au vu des motifs exposés ci-dessus, les mesures d'instruction complémentaires requises par B._ dans son courrier du 2 juillet 2012 (pièce 199) sont sans pertinence.
3.
En définitive, la requête de récusation, manifestement mal fondée, doit être rejetée. Vu l'issue de la cause, les frais doivent être mis à la charge du requérant (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Outre l’émolument, ces frais comprennent l’indemnité d’office allouée à son conseil (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). L’intervention du conseil s’étant limitée à la rédaction d'une brève demande de récusation et d'une requête de mesures d'instruction, l’indemnité doit être arrêtée à 270 fr., plus TVA, cette indemnité correspondant à une heure et demie d’activité (cf. l’art. 135 al. 1 CPP).
4.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7ebb79a2-5ea5-4e4d-b9e7-82b4247fc3c7 | En fait :
A.
Par jugement du 17 mars 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a constaté qu'A.X._ s'était rendu coupable de menaces (I); l'a condamné à une peine pécuniaire de 10 (dix) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 (dix) francs (II); a suspendu l'exécution de la peine pécuniaire et fixé au condamné un délai d'épreuve de 2 (deux) ans (III); mis les frais de la cause par 3'875 francs à la charge de A.X._, y compris l'indemnité allouée à son conseil d'office Me Cheseaux par 2'500 francs (IV) et dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité allouée au chiffre IV ci-dessus ne pourra être exigé de A.X._ que dans la mesure où sa situation financière se sera améliorée et le permettra (V).
B.
Par déclaration du 6 avril 2011, A.X._ a fait appel contre ce jugement, concluant principalement à sa réforme en ce sens qu'il est libéré de la prévention de menaces et les frais de la cause sont laissés à la charge de l'Etat, subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause au tribunal d'arrondissement pour nouveaux débats et nouveau jugement.
Le 13 avril 2011, le Ministère public a renoncé à présenter une demande de non-entrée en matière et à déposer un appel joint.
La partie plaignante n'a pas contesté l'entrée en matière, ni n'a déposé d'appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.X._, né en octobre 1955, exerce la profession d'agriculteur. Il est à ce titre copropriétaire d'une société agricole. Par jugement rendu le 24 février 2010 par la justice de Paix du district du Gros-de-Vaud, une mesure d'interdiction civile a été prononcée à son encontre et le tuteur général désigné en qualité de tuteur. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Chambre de tutelle du Tribunal cantonal du 8 juin 2010. Sa tutrice, entendue aux débats de première instance, a indiqué que A.X._ réalise un revenu inférieur à celui nécessaire à la couverture de son minimum vital et qu'en raison de son statut d'indépendant, il ne bénéficie pas du revenu d'insertion (RI). Ses primes d'assurances maladie sont couvertes par le biais du subside et d'autres fonds que la tutrice a pu recueillir. A.X._ doit faire face à des poursuites et actes de défaut de biens pour un montant supérieur à 100'000 francs. Il n'a pas de fortune. Ses papiers sont déposés à Etagnières, mais il vit tantôt dans un mobile home sur l'aire de dépôt d'une entreprise, tantôt dans un chalet aux Mosses.
Le casier judiciaire de A.X._ est vierge, puisque la condamnation prononcée le 4 octobre 2000 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal à une peine de 200 fr. d'amende avec sursis pendant deux ans pour appropriation illégitime n'y figure plus.
2.
Le juge d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois a retenu, dans son ordonnance du 29 juillet 2010, qu'en date du 13 avril 2010, le Préposé agricole F._ avait participé – à la demande de l'Office des poursuites - à une saisie de bétail chez A.X._. Ce dernier avait téléphoné à F._ le même jour pour le menacer de mort, déclarant vouloir mettre le feu à la ferme de ce dernier. Le juge d'instruction indiquait encore que A.X._ avait également émis des menaces à l'endroit de F._ en s'adressant à des tiers.
Nonobstant les dénégations de A.X._, le premier juge a fondé sa conviction de la culpabilité de l'appelant sur les déclarations concordantes de F._ et des témoignages de C._ et de H._. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, déposé en temps utile et suffisamment motivé, l'appel est recevable (art. 399 al. 1 et 3 CPP).
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L'appelant affirme que sa culpabilité n'est pas établie dans la mesure où les déclarations du plaignant auraient varié et que les témoignages de C._ et de H._ seraient, selon lui, contradictoires. Par ce grief, il conteste l'état de fait retenu par le premier juge.
L'appelant ne sollicite aucune mesure d'instruction. Or, il ressort du dossier que les allégations de F._ résultent de sa plainte (pièce n° 4), de son audition devant le juge d'instruction (cf. pv n° 2) et de ses déclarations protocolées aux débats (cf. jgt., p. 3). Il n'y a rien de fluctuant dans les déclarations du plaignant; dans sa plainte, il fait état des menaces de mort de l'appelant, des propos de ce dernier selon lesquels il allait mettre le feu à la ferme du plaignant et s'en prendre à son bétail. Aux débats, le plaignant a utilisé les termes "massacrer mon bétail et anéantir mon travail", ce qui se recoupe parfaitement avec le contenu de la plainte.
Il n'y a pas plus de divergence avec les déclarations des témoins: l'un précise ne pas s'être souvenu exactement des propos de l'appelant mais que c'était quelque chose comme "en tout cas celui-là il aura affaire à moi" (cf. pv n° 3), alors que l'autre se souvient d'une partie des termes, à savoir que "il y aurait du sang"
(cf. pv n° 4). Cela est parfaitement explicite. C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que la version du plaignant était confirmée par deux témoins. Il n'y a aucune constatation erronée des faits et ce grief doit être rejeté.
4.
L'appelant nie s'être rendu coupable de menaces au sens de l'art. 180 CP. Il distingue deux complexes de faits qui lui sont reprochés, à savoir d'une part les menaces de mort qu'il aurait formulées directement à F._ par téléphone le 13 avril 2010 et d'autre part, les menaces de mort qu'il aurait tenues le 14 avril 2010 à C._ et H._. Il estime qu'en l'absence de dépôt formel de plainte pénale pour les menaces indirectes du 14 avril 2010, le premier juge ne pouvait considérer que le plaignant avait étendu sa plainte concernant les incidents du 13 avril 2010 aux faits qui s'étaient produits le lendemain.
a)
Aux termes de l'art. 180 CP, celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Pour que l’infraction de menaces soit réalisée, il faut, d’une part, que l’auteur ait émis une menace grave et, d’autre part, que la victime ait été alarmée ou effrayée (ATF 99 IV 212 c. 1a ; TF 6B_33/2008 du 12 juin 2008, c. 4.1 ; Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2002, n. 1 ss ad art. 180 CP).
S’agissant de la première condition, il y a menace si l’auteur fait volontairement redouter à la victime la survenance d’un préjudice au sens large (ATF 122 IV 97 c. 2b ; Corboz, op. cit, n. 3 ad art. 180 CP). Il doit évoquer la survenance future d’un événement préjudiciable dont la réalisation dépend de sa volonté. C’est l’impression donnée qui est fondamentale (Hurtado Pozo, Droit pénal, Partie spéciale, 3
ème
éd., Zurich 2009, n. 2382 ad art. 180 CP). La menace peut être exprimée par la parole, l’écrit ou par un comportement concluant (Corboz, op. cit, n. 5 ad art. 180 CP).
b)
En l'occurrence, l'argumentation de l'appelant, qui tente de distinguer les propos qu'il aurait tenus le 13 avril de ceux du 14 avril 2010, est spécieuse. En effet, l'acte d'accusation précise que l'appelant a également menacé le plaignant en s'adressant à des tiers. Ces faits se sont produits le lendemain de la saisie du bétail, soit le 14 avril 2010, comme le précise du reste l'appelant. Or, la plainte date du même jour. Elle a été déposée lorsque le plaignant a su que A.X._ s'adressait également à des tiers pour proférer des menaces à son encontre, ce qui l'a précisément effrayé (jgt., p. 10). Déposée le 14 avril 2010, la plainte comprenait donc sans conteste les faits du même jour qui se trouvaient en relation directe avec ceux de la veille qui ont justifié son dépôt (Christian Favre/Marc Pellet/Patrick Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
éd. 2007, n° 1.14 ad. art. 30 CP). Le plaignant a également qualité pour porter plainte s'agissant de menaces dites médiates (Christian Favre/Marc Pellet/Patrick Stoudmann, op. cit. n° 1.1 ad. art. 180 CP). Mal fondé, ce moyen doit être rejeté.
5.
L'appelant soutient enfin que ses propos n'ont pas effrayé le plaignant, de sorte qu'ils ne tombent pas sous le coup de l'art. 180 CP. Aux débats, il a en outre relevé qu'au vu du peu d'importance qu'avait eu son comportement, il devait être mis au bénéfice de l'art. 52 CP.
a) La menace tombant sous le coup de l’art. 180 CP n’est punissable que si elle est grave, c’est-à-dire si elle est objectivement de nature à alarmer ou effrayer la victime (Corboz, op. cit, n. 12 à 14 ad art. 180 CP). Pour déterminer si tel est le cas, il ne faut pas se fonder exclusivement sur les termes que l’auteur a utilisés, mais il faut tenir compte de l’ensemble des circonstances, parce que la menace peut aussi bien résulter d’un geste ou d’une allusion (ATF 99 IV 212 ; Corboz, op. cit, n. 6 et 8 ad art. 180 CP). Lorsque le juge retient la gravité de la menace, il ne doit pas être trop exigeant en ce qui concerne la preuve que la victime a été alarmée ou effrayée. Il n’est ainsi pas nécessaire que la victime soit complètement terrifiée par les menaces, paralysée par la peur, désemparée ou désespérée ; un degré d’inquiétude moyen, soit la perte du sentiment de sécurité, suffit (CCASS, 10 mai 2010, n° 185 et les références).
Sur le plan subjectif, l’auteur doit avoir agi intentionnellement, le dol éventuel étant suffisant. Il doit avoir la volonté d’alarmer ou d’effrayer sa victime et il doit être conscient que ses menaces provoquent cet effet ou à tout le moins s’en accommoder (Delnon/Rüdy, Basler Kommentar, Strafrecht II, 2
ème
éd., Bâle 2007, n. 32 ad art. 180 CP).
b)
En l'occurrence, le bétail de l'appelant a été saisi le 13 avril 2010, en présence des forces de l'ordre, ce qui tend à confirmer que les intervenants craignaient sa réaction. Si F._ n'a pas eu peur dans un premier temps, soit immédiatement après le téléphone menaçant de l'appelant, il a été alarmé lorsqu'il a su, comme on l'a vu, que des tiers avaient recueillis des propos identiques.
Les menaces portent sur la vie et les biens du plaignant ainsi que sur l'éventualité d'un incendie. Elles doivent dès lors être qualifiées de graves au sens de l'art. 180 CP suscitant objectivement la peur chez la personne menacée (Corboz, op. cit, n. 1.2 ad art. 180 CP). Le grief mal fondé doit être rejeté.
6.
L'appelant ne conteste pas, à juste titre, la peine prononcée qui apparaît particulièrement clémente. En définitive, l'appel s'avère mal fondé, le jugement rendu le 17 mars 2011 par le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois est intégralement confirmé.
7.
Compte tenu de la liste des opérations effectuées transmise en audience d'appel, il se justifie d'arrêter à 1'396 fr. 80, TVA comprise, l'indemnité allouée au conseil d'office de l'appelant (cf. l’art. 135 al. 1 CPP; TF 2P.325/2003 du
6 juin 2006).
Les frais de la procédure d'appel arrêtés en application des art. 21 et 23 TFJP (Tarif des frais judiciaires pénaux, RSV
312.03.1
), doivent être mis à la charge de l'appelant qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7f767fa9-9bcc-4a91-997f-fe6b891a4605 | En fait :
A.
Par jugement du 26 février 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que X._ s’est rendu coupable de recel, défaut d’avis en cas de trouvaille, ivresse au volant qualifiée, circulation sans permis de circulation ou plaque de contrôle, circulation sans être porteur du permis de conduire et contravention à la LStup (loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes ; RS 812.121) (I), condamné X._ à 8 mois de peine privative de liberté et 300 fr. d’amende, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 21 mai 2010 par le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois (lI), dit qu’à défaut de paiement de l’amende de 300 fr., la peine privative de liberté sera de trois jours (III), révoqué le sursis accordé le 21 décembre 2006 par le Tribunal de police de Neuchâtel à X._ et prolongé d’un an le 21 mai 2010 par le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois et ordonné l’exécution de la peine de 15 jours d’emprisonnement (IV), révoqué le sursis accordé le 21 mai 2010 par le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois à X._ et ordonné l’exécution de la peine privative de liberté de 20 mois, sous déduction de 186 jours de détention avant jugement (V), mis à la charge de X._ une créance compensatrice de 2'500 fr. en faveur de l’Etat (VI), libéré P._ de l’accusation de circulation malgré un retrait du permis de conduire (VIl), constaté que P._ s’est rendu coupable de vol, tentative de vol, dommages à la propriété, recel, violation de domicile, violation simple des règles de la circulation, violation grave des règles de la circulation et infraction à la LArm (loi fédérale du 20 juin 1997 sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions ; RS 514.54) (VIII), condamné P._ à 12 mois de peine privative de liberté et 100 fr. d’amende, sous déduction de 28 jours de détention avant jugement, peine très partiellement complémentaire à celle prononcée le 7 janvier 2010 par la Cour de cassation de Lugano et partiellement complémentaire à celle prononcée le 9 mai 2011 par le Ministère public de Neuchâtel et entièrement complémentaire à celle prononcée le 28 mai 2013 par le Ministère public du Tessin (IX), dit qu’à défaut de paiement de l’amende de 100 fr., la peine privative de liberté sera d’un jour (X), révoqué le sursis accordé le 7 janvier 2010 à P._ par la Cour de Cassation de Lugano et ordonné l’exécution de la peine privative de liberté de 16 mois, sous déduction de 68 jours de détention avant jugement (XI), mis à la charge de P._ une créance compensatrice de 2'500 fr. en faveur de I’Etat (XII), statué sur les séquestres ordonnés (XIII, XIV et XV), statué sur les indemnités allouées aux défenseurs d’office de X._ et de P._ (XVI et XVII) et statué sur les frais (XVIII, XIX, XX et XXI).
B.
Le 13 mars 2014, X._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel du 8 avril 2014, il a conclu à sa libération de l’infraction de recel, au prononcé d’une peine privative de liberté sensiblement inférieure à celle prononcée en première instance et assortie du sursis, à la non révocation des sursis accordés les 21 décembre 2006 et 21 mai 2010 et à ce qu’aucune créance compensatrice ne soit mise à sa charge. A titre de mesure d’instruction, il a requis l’audition du bijoutier B._.
Le 13 mars 2014, P._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel du 8 avril 2014, il a conclu principalement à sa libération des infractions de recel et à la LArm, au prononcé d’une peine privative de liberté sensiblement inférieure à celle prononcée en première instance et assortie du sursis et à ce qu’aucune créance compensatrice ne soit mise à sa charge. Il a également sollicité l’audition du bijoutier B._.
Le 27 mai 2014, E._ a requis d’être dispensé de comparution personnelle. La dispense lui a été accordée le 30 mai 2014.
Le 8 juillet 2014, le Ministère public du canton de Fribourg a transmis la copie d’un rapport de police du 31 mars 2014 concernant son enquête ouverte à l’encontre de P._.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
X._ est né le [...] 1981 en Serbie. Ses parents ont divorcé quand il avait un an ; il a un demi-frère et une demi-soeur. En 1985, il est allé retrouver sa mère en Allemagne, où il a effectué sa scolarité obligatoire. A l’issue de celle-ci, il a commencé un apprentissage de cuisinier qu’il n’a pas terminé. Sa mère s’est remariée, puis elle a de nouveau divorcé et elle est retournée avec ses enfants en Serbie en 1996. L’intéressé est revenu seul en Allemagne en 1998. Il a obtenu l’asile et travaillé dans des usines. En 2003, il a été expulsé et est retourné dans son pays d’origine, où il a vécu environ deux ans. En 2005, il a rejoint sa mère qui s’était établie entre-temps en Suisse ; il a demandé l’asile, sans l’obtenir. En 2006, il a fait la connaissance de [...] qu’il a épousée le 20 avril 2007, ce qui lui a permis d’obtenir un permis B. Trois filles nées les [...] 2008, [...] 2010 et [...] 2011 sont issues de cette union. Il était prévu que le prévenu commence, en mars 2014, un cours de dix mois en vue de savoir s’il pouvait faire un apprentissage de conseiller de vente de voitures ; pendant ce cours, il devait trouver une place d’apprentissage. Au début du mois de juin 2014, l’intéressé a créé une entreprise de nettoyage de véhicules au sein de laquelle il travaille seul. Cette activité lui rapporte entre 3'000 et 4'000 fr. par mois. Son épouse travaille également pour un salaire mensuel d'environ 1'500 francs. La famille ne bénéfice plus de l'aide sociale depuis cinq mois. Le prévenu dit n’avoir ni dette ni économie. Son permis B n’a pas été renouvelé depuis 2010 et il est toujours dans l’attente d’une décision à ce sujet.
Le casier judiciaire de X._ mentionne deux condamnations :
- le 21 décembre 2006, par le Tribunal de police de Neuchâtel, à 15 jours d’emprisonnement avec sursis pendant 2 ans pour vol et recel. Le délai d’épreuve a été prolongé d’un an le 21 mai 2010 ;
- le 21 mai 2010, par le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois, à 20 mois de peine privative de liberté avec sursis pendant 3 ans et 300 fr. d’amende pour vol en bande, dommages à la propriété, recel, violation de domicile, violation simple des règles de la circulation et ivresse au volant qualifiée.
1.2
P._ est né le [...] 1975 à [...], au Kosovo. Cinquième d’une famille de huit enfants, il a grandi dans sa ville natale jusqu’à l’âge de 16 ans, date à laquelle il est parti en Allemagne avec l’une de ses soeurs. Après avoir obtenu l’asile, il y est resté environ cinq ans et a vécu de l’aide sociale. En 1997, il est venu en Suisse où il a demandé l’asile et obtenu apparemment une admission provisoire. Il a vécu pendant plusieurs années avec [...], avec laquelle il a eu quatre enfants, nés les [...] 1996, [...] 2000, [...] 2002 et [...] 2004. En 2005 ou 2006, l’intéressé a fait la connaissance d’[...] qu’il a épousée en 2008 ou 2009. Celle-ci travaille comme serveuse. Les époux n’ont pas d’enfant commun ; ils se sont séparés en 2010. Depuis lors, P._ vit au Tessin auprès de sa famille. Il ne perçoit pas l’aide sociale et se fait entretenir par sa famille, notamment par l’un de ses frères qui travaille dans le commerce et la réparation de voitures. Le prévenu dit être dans l’attente d’un permis B, ce qui ne lui permet pas de travailler. Il lui arrive d’aider son frère au garage. Auparavant, il avait eu une petite activité dans une station de lavage à [...]. Il n’a pas d’économies, mais des dettes pour environ 20'000 francs. Il ne paie ni assurance maladie, ni impôts, ni loyer, ni pension pour ses enfants. A l’avenir, il souhaiterait travailler dans le domaine des câbles aux CFF ou comme chauffeur-livreur.
Le casier judiciaire de P._ mentionne cinq condamnations :
- le 12 octobre 2007, par le Juge d’instruction de Lausanne, à 3 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant 2 ans et 100 fr. d’amende pour infraction à la LArm. Le sursis a été révoqué le 4 février 2008 ;
- le 4 février 2008, par le Ministère public du Tessin, à 15 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant 3 ans et 200 fr. d’amende pour infraction à la LArm. Le sursis a été révoqué le 7 janvier 2010 ;
- le 7 janvier 2010, par la Cour de cassation de Lugano, à 16 mois de peine privative de liberté, sous déduction de 68 jours de détention avant jugement, avec sursis pendant 4 ans pour lésions corporelles simples, agression, vol et dommages à la propriété ;
- le 9 mai 2011, par le Ministère public de Neuchâtel, à 120 jours amende à 50 fr. pour vol, crime manqué de vol, dommages à la propriété et violation de domicile ;
- le 28 mai 2013, par le Ministère public du Tessin, à 50 jours-amende à 30 fr. pour tentative de vol, dommages à la propriété et violation de domicile.
Le fichier des mesures administratives en matière de circulation routière fait état d’un avertissement et de 9 retraits de permis :
-
avertissement le 4 octobre 2000 pour excès de vitesse ;
-
retrait de permis 1 mois, du 17 septembre au 16 octobre 2001, pour refus de priorité ;
-
retrait de permis de 3 mois, du 5 décembre 2002 au 4 mars 2003, pour excès de vitesse et véhicule défectueux ;
-
retrait de permis de 10 mois, du 6 juillet 2004 au 5 mai 2005, pour excès de vitesse et inattention ;
-
retrait de permis de 2 mois, du 30 octobre au 29 décembre 2006, pour autres fautes de circulation ;
-
retrait de permis 1 mois, du 18 novembre au 17 décembre 2007, pour excès de vitesse ;
-
retrait de permis 1 mois, du 21 mai au 20 juin 2010, pour ivresse au volant ;
-
retrait de permis 1 mois, du 17 février au 16 mars 2012, pour excès de vitesse ;
-
retrait de permis de 6 mois, du 26 août 2012 au 25 février 2013, pour excès de vitesse ;
-
retrait de permis de 15 mois, du 3 novembre 2012 au 3 février 2014, pour conduite sous retrait de permis, excès de vitesse et inobservation de signaux.
Dans la présente affaire, P._ a été détenu préventivement du 8 février au 7 mars 2013, soit pendant 28 jours.
Selon le rapport de police du 31 mars 2014, une nouvelle enquête pénale est ouverte dans le canton de Fribourg à l’encontre de P._ pour tentative de vol par effraction, recel et séjour illégal.
2.
2.1
Entre le mois de décembre 2009 et le mois d’octobre 2010, soit les 9 décembre 2009 (deux fois), 19 janvier 2010, 10 août 2010, 7 septembre 2010 et 19 octobre 2010, X._ et P._ se sont présentés sous de faux noms à B._, exploitant de la bijouterie [...], et lui ont vendu à six reprises des bijoux en or qui leur avaient été remis par des inconnus d’origine arménienne ou géorgienne à [...], à Yverdon-les-Bains, ce pour une valeur totale de 28'382 francs.
A ces occasions, X._ s’est présenté sous le nom de « C._ » et P._ sous celui de « G._ ». Ils ramenaient ensuite l’argent de la vente aux inconnus et touchaient chacun une commission variant entre 400 et 500 fr., voire 600 francs.
2.2
Un bracelet et une paire de boucles d’oreilles de marque Cartier, appartenant à E._, ont été découverts dans la bijouterie [...]. Ce dernier les avait reconnus dans la vitrine, alors que ces bijoux avaient été volés dans le cadre du cambriolage de sa villa à Grandson, le 3 juin 2010.
B._ a expliqué qu’il ignorait que les bijoux Cartier provenaient d’un délit. Il a déclaré que le vendeur était un dénommé « C._ », lequel avait un copain qui venait avec lui et se faisait appeler « G._ ». Il a remis à la police une fiche intitulée « Reprise de métaux précieux de particuliers » en indiquant qu’elle faisait état des dates des venues des deux intéressés et des montants versés à ceux-ci pour les transactions.
3.
Le vendredi 11 mars 2011, à [...], à Yverdon-les Bains, P._ a été interpellé par la police alors qu’il était en possession d’un couteau papillon, arme prohibée.
4.
En juillet 2011, X._ a découvert une clé USB de marque [...] dans une école à Lausanne alors qu’il y effectuait des nettoyages. Il a gardé cet objet au lieu de le restituer.
5.
Le samedi 15 octobre 2011, à 16h46, à Galmiz, dans le canton de Fribourg, sur l’autoroute A1 Berne-Lausanne, chaussée Jura, P._ a circulé au volant d’une voiture de marque [...], immatriculée [...], au nom de [...], à la vitesse de 158 km/h (marge de sécurité déduite), dépassant de 38 km/h la vitesse maximale autorisée de 120 km/h.
6.
Le samedi 3 novembre 2012, vers 23h25, au croisement de la rue [...] et de la rue [...] à Yverdon-les-Bains, P._ a circulé au volant d’une voiture de marque [...], immatriculée [...], alors qu’il était sous le coup d’un retrait du permis de conduire. Il a été interpellé après avoir pénétré dans une zone interdite aux véhicules durant la nuit, malgré la présence d’un panneau de signalisation indiquant « Interdiction générale de circuler aux voitures automobiles, motocycles et cyclomoteur entre 20h00 et 06h00 ».
7.
Le samedi 1
er
septembre 2012, à Yverdon-les-Bains, X._ a circulé au volant d’une voiture de marque [...], immatriculée [...], alors qu’il était sous l’influence de l’alcool. Il a été interpellé à 4h25 à la rue [...]. La prise de sang à laquelle il a été soumis a révélé un taux d’alcoolémie de 2,01 g ‰ (taux le plus favorable au moment des faits). Il n’était pas porteur de son permis de conduire et la plaque arrière du véhicule faisait défaut.
8.
Le samedi 22 décembre 2012 entre 15h30 et 20h30, à Oppens, P._ a brisé un détecteur de lumière se trouvant à l’extérieur de la villa d’M._, puis a forcé une porte-fenêtre à l’aide d’un outil plat. Il a pénétré à l’intérieur, fouillé les lieux et emporté divers bijoux et un appareil photographique.
M._ a déposé plainte le 22 décembre 2012 et s’est constitué partie civile.
L’enquête a permis de découvrir une trace de gant avec l’ADN de P._ sur une porte-fenêtre de la villa. Elle a également révélé que le raccordement [...], dont P._ était le titulaire, avait été localisé à [...] à Yverdon-les-Bains, le 22 décembre 2012 de 14h23 à 23h36. Il était cependant resté inactif entre 16h08 et 21h18, soit pendant la plage horaire du cambriolage.
9.
Le vendredi 8 février 2013, P._, ainsi que trois autres individus, ont quitté le Tessin pour se rendre en Suisse romande dans la voiture de marque [...], immatriculée [...]. En chemin, les quatre hommes se sont arrêtés à Buochs, dans le canton de Nidwald, pour y commettre des cambriolages. Après avoir effectué des repérages et changé de chaussures, P._ et l’un des trois individus ont forcé une fenêtre de la villa de K._, sise à [...]. Ils ont pénétré à l’intérieur de la maison et dérobé une montre de marque Longines et divers bijoux.
K._ a déposé plainte le 8 février 2013 et s’est constitué partie civile.
10.
Le vendredi 8 février 2013, toujours à Buochs, P._ et l’un des trois individus ont encore forcé une fenêtre de la cave de la villa de L._ sise [...]. Ils ont pénétré dans la villa et fouillé les lieux, sans trouver de butin à emporter. Ils ont quitté les lieux en raison de la présence des propriétaires.
L._ ont déposé plainte le 11 février 2013 et se sont constitués partie civile.
11.
Depuis le mois de juin 2010, les faits antérieurs étant prescrits, et jusqu’au 20 décembre 2013, X._ a consommé occasionnellement de la marijuana. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels de X._ et de P._ sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L’immédiateté des preuves ne s’impose toutefois pas en instance d’appel. Selon l’art. 389 al. 1 CPP, la procédure d’appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d’appel administre, d’office ou à la demande d’une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
I. Appel de X._
3.
Invoquant une violation de l’art. 325 CPP, l’appelant soutient que l’acte d’accusation n’est pas suffisamment précis sur les dates de la commission des infractions et sur les infractions préalables au recel, de sorte qu’il doit être libéré de ce dernier chef d’accusation.
3.1
3.1.1
L’art. 9 CPP consacre la maxime d’accusation. Selon cette disposition, une infraction ne peut faire l’objet d’un jugement que si le Ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d’accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. En effet, le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu’il puisse s’expliquer et préparer efficacement sa défense (ATF 126 I 19 c. 2a ; ATF 120 IV 348 c. 2b). Le tribunal est lié par l’état de fait décrit dans l’acte d’accusation, mais peut s’écarter de l’appréciation juridique qu’en fait le Ministère public (art. 350 al. 1 CPP ; Schubarth, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 1 ad art. 350 CPP), à condition d’en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP).
Les art. 324 ss CPP règlent la mise en accusation, en particulier le contenu strict de l’acte d’accusation. Selon l’art. 325 CPP, l’acte d’accusation désigne notamment les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l’heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l’auteur (let. f) et les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l’avis du Ministère public (let. g). En d’autres termes, l’acte d’accusation doit contenir les faits qui, de l’avis du Ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l’infraction reprochée au prévenu (TF 6B_489/2013 du 9 juillet 2013 c. 1.1).
L’art. 5 al. 3 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101) impose aux parties au procès pénal de se comporter conformément aux règles de la bonne foi. Ces règles s’appliquent notamment aux droits procéduraux des parties. Ainsi, la partie qui s’aperçoit qu’une règle de procédure est violée à son détriment ne saurait laisser la procédure suivre son cours sans réagir, dans le but, par exemple, de se réserver un moyen pour le cas où le jugement à intervenir ne la satisferait pas. Les manoeuvres dilatoires de cette sorte sont inadmissibles. Aussi la partie qui renonce sciemment à faire valoir la violation d’une règle de procédure devant un juge qui serait en mesure d’en réparer les conséquences est en principe déchue du droit de se prévaloir de cette violation (cf. ATF 135 III 334 c. 2.2 ; TF 1C_461/2010 du 31 janvier 2011 c. 3.2 ; TF 6B_61/2010 du 27 juillet 2010 c. 1.2).
3.1.2
L’art. 160 ch. 1 CP prévoit que celui qui aura acquis, reçu en don ou en gage, dissimulé ou aidé à négocier une chose dont il savait ou devait présumer qu’un tiers l’avait obtenue au moyen d’une infraction contre le patrimoine sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
3.2
Il ne résulte pas du jugement attaqué que l’appelant aurait invoqué une violation de la maxime d’accusation en première instance. Or le principe de la bonne foi lui commandait de réagir immédiatement en ce sens. Il ne pouvait ainsi s’en abstenir et attendre l’issue de la procédure pour se prévaloir ultérieurement d’une atteinte à son droit d’être entendu. Sa critique est tardive et, par conséquent, irrecevable.
Au demeurant, l’acte d’accusation du 20 juin 2013 a exposé qu’entre le mois de décembre 2009 et le mois d’octobre 2010, l’appelant et son co-prévenu se sont présentés sous de faux noms à B._, exploitant de la bijouterie [...] et lui ont vendu, à cinq reprises, des bijoux en or, qui leur avaient été remis par des inconnus d’origine arménienne ou géorgienne pour une valeur totale de 27'662 francs. Les intéressés ramenaient ensuite l’argent de la vente aux inconnus et touchaient chacun une commission. Ils connaissaient la provenance délictueuse des bijoux revendus. L’acte d’accusation a encore mentionné que parmi ceux-ci se trouvaient des bijoux Cartier qui provenaient du cambriolage de la villa d’E._.
L’acte d’accusation est ainsi suffisamment précis tant sur les dates des infractions commises que sur la nature des crimes préalables envisagés, à savoir des vols. Il ressort d’ailleurs des déclarations faites en cours d’instruction que les prévenus pensaient bien que les bijoux provenaient de ce genre d’infractions contre le patrimoine (cf. notamment PV aud. 4 p. 3 et PV aud. 6 p. 4). Partant, l’appelant connaissait exactement les faits qui lui étaient imputés, points sur lesquels il a pu s’expliquer et préparer efficacement sa défense, de sorte que le principe de la maxime d’accusation au sens des art. 9 CPP et 325 CPP est respecté.
4.
L’appelant conteste la durée retenue de son activité délictueuse et les éléments à charge pour admettre sa participation aux actes de recel. En bref, il relève que le document « Reprise de métaux précieux de particuliers », rempli de manière erronée et incomplète, ne saurait avoir valeur de preuve, que les déclarations de B._ doivent être prises avec circonspection et que les déclarations des deux prévenus concernant les bijoux Cartier sont bel et bien concordantes. Faisant valoir son droit à la confrontation, il requiert également l’audition du bijoutier.
4.1
4.1.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n’ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d’administrer la preuve d’un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l’administration d’un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in Kuhn/Jeanneret, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
4.1.2
Le droit du prévenu d’interroger les témoins à charge est un aspect particulier du droit à un procès équitable au sens de l’art. 6 ch. 1 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101). En fonction de cette garantie, il est exclu qu’un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu’une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoignages en doute et d’interroger les témoins. En tant qu’elle concrétise le droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), cette exigence est également garantie par l’art. 32 al. 2 Cst. (ATF 129 I 151 c. 3.1).
Ce droit est absolu lorsque la déposition du témoin en cause est d’une importance décisive, notamment lorsqu’il est le seul témoin, ou que sa déposition est une preuve essentielle. Ce droit peut être exercé au moment où le témoin fait ses déclarations ou ultérieurement dans le cours de la procédure (ATF 125 I 127 c. 6b).
4.2
Afin de respecter le droit à la confrontation des appelants, le bijoutier B._ a été entendu dans le cadre de la procédure d’appel, son témoignage et la pièce écrite constituant, en sus des propres déclarations de l’appelant et de celles de son co-prévenu, les principaux éléments à charge sur lesquels les premiers juges se sont fondés pour retenir que l’activité délictueuse de l’appelant s’était bien déployée du 9 décembre 2009 jusqu’au 19 octobre 2010.
A cet égard, la Cour d’appel pénale retient que la participation aux actes de recel de l’appelant s’est bel et bien déroulée durant cette période. En effet, il ressort du dossier, en particulier des propres déclarations de l’appelant lors de l’instruction, que celui-ci a admis l’intégralité des faits relatifs à la revente de bijoux, à savoir qu’il était allé six fois en tout à la bijouterie [...] entre décembre 2009 et octobre 2010 (PV aud. 6 p. 3 lignes 80-86). Ses aveux figurent également dans une lettre du 27 décembre 2012 de son défenseur d’office par laquelle il requiert la mise en œuvre d’une procédure simplifiée au sens de l’art. 358 CPP (P. 47) ; dans un courrier du 21 juin 2013, l’appelant a encore une fois admis avoir vendu des bijoux durant la période en question (P. 68). Ses dénégations devant le tribunal correctionnel s’agissant de la vente de bijoux après le 21 mai 2010 apparaissent dès lors inopportunes, ce d’autant plus que le co-prévenu de l’appelant, a déclaré qu’il était allé seul chez le bijoutier le 9 décembre 2009 le matin, précisant que X._ était venu avec lui vers les arméniens et qu’ils avaient partagé la commission, et que les cinq autres fois – dont l’après-midi du 9 décembre 2009 – ils étaient venus les deux ensemble (PV aud. 7 p. 3 lignes 68-75 et 78-80). P._ a par la suite confirmé ses propos durant les débats et n’est pas revenu sur ses précédentes déclarations (jgt attaqué p. 8).
Ensuite, le bijoutier B._ a clairement mis en cause X._, ce que ce dernier ne conteste pas, admettant le faux nom donné au bijoutier. Ce dernier a d’ailleurs pu identifier les deux appelants sur les planches photographiques et confirmé qu’ils étaient tous deux venus plusieurs fois dans sa bijouterie pour lui vendre des objets en or (bijoux ou des pièces de monnaie). S’agissant plus particulièrement de la durée des actes délictueux, B._ a clairement déclaré qu’il avait vu l’appelant dans son magasin pour la dernière fois en octobre 2010 (PV aud. 2 p. 2) ; ses déclarations sont au demeurant corroborées par la fiche intitulée « Reprise de métaux précieux de particuliers ». Devant la Cour d’appel, le témoin a indiqué que ce document était conforme à la réalité. Il a expliqué qu’à chaque passage de ses vendeurs, il inscrivait sur la fiche de reprise de métaux précieux la date, la quantité d'or et le prix qui était fait ; une fiche était en principe remplie par chaque client, mais comme l’appelant et son co-prévenu venaient souvent, le bijoutier avait mis plusieurs informations sur la même fiche. A ce titre, si l’on doit reconnaître, avec l’appelant, que cette fiche a été complétée de manière très peu sérieuse, aucun élément ne permet toutefois de mettre en doute son contenu, qui est suffisamment compréhensible et clair. Ainsi, le document « Reprise de métaux précieux de particuliers » a entière valeur probante et incrimine l’appelant pour l’entier de la durée litigieuse.
Enfin, la question de savoir si l’appelant et son co-prévenu ont vendu les bijoux Cartier à B._ comme l’a déclaré ce dernier (cf. supra c. C 2.2) peut rester indécise dans la mesure où elle ne change rien à la durée de l’activité délictueuse déployée par l’appelant qui doit être retenue, eu égard à l’ensemble des éléments qui viennent d’être exposés, et dont la Cour de céans a acquis la conviction qu’elle s’est déroulée entre le 9 décembre 2009 et le 19 octobre 2010.
5.
L’appelant conteste sa condamnation pour recel (art. 160 CP). Il relève que l’accusation ne démontre aucune infraction préalable contre le patrimoine et que l’aspect subjectif de l’infraction n’est pas davantage réalisé.
5.1
Sous l’angle de l’art. 160 CP, le comportement délictueux consiste à accomplir l’un des trois actes de recel énumérés limitativement par cette disposition, à savoir l’acquisition, dont la réception en don ou en gage ne sont que des variantes, la dissimulation et l’aide à la négociation d’une chose dont l’auteur sait ou doit présumer qu’un tiers l’a obtenue au moyen d’une infraction contre la patrimoine (ATF 128 IV 23 c. 3c). Cette dernière notion s’entend de manière large. Elle ne se limite pas aux seules infractions figurant au titre 2 de la partie spéciale du Code pénal, mais s’étend à toutes celles dirigées contre le patrimoine d’autrui (cf. ATF 127 IV 79 c. 2b ; TF 6B_728/2010 du 1
er
mars 2011 c. 2.2).
Le point de savoir si l’auteur du délit préalable a été poursuivi ou puni est sans pertinence. Il suffit que l’acte initial réalise les conditions objectives d’un comportement pénalement répréhensible (ATF 101 IV 402 c. 2). Comme en matière de blanchiment (art. 305 bis CP), la preuve stricte de l’acte préalable n’est pas exigée. Il suffit que la valeur patrimoniale soit issue avec certitude d’un délit contre le patrimoine. Le recel peut se concevoir même lorsque l’auteur de l’acte préalable est inconnu, si la preuve peut être rapportée que le possesseur actuel d’une chose ne peut l’avoir acquise que d’un voleur inconnu (ATF 120 IV 323 c. 3d ; TF 6B_141/2007 du 24 septembre 2007 c. 3.3.3).
Enfin, le recel est une infraction intentionnelle, mais il suffit que l’auteur sache ou doive présumer, respectivement qu’il accepte l’éventualité que la chose provienne d’une infraction contre le patrimoine. Il en va ainsi lorsque les circonstances suggèrent le soupçon de la provenance délictueuse (ATF 129 IV 230 c. 5.3.2).
5.2
L’appelant et son co-prévenu ont acquis des bijoux auprès d’individus inconnus d’origine géorgienne ou arménienne rencontrés dans la rue, ont ensuite été les vendre au bijoutier B._ en donnant de faux noms et sont retournés vers ces individus pour toucher leur commission. Dans cette mesure, il faut admettre que les circonstances dans lesquelles les transactions se sont faites devaient à l’évidence éveiller les soupçons. La condition objective de l’infraction préalable est bien réalisée.
Sur le plan subjectif, X._ savait ou, alors à tout le moins, devait présumer que les bijoux acquis provenaient de vols. En effet, il a admis en cours d’enquête qu’il pensait que ces objets étaient volés (PV aud. 4 p. 3). Il a par ailleurs donné une fausse identité au bijoutier, ce qui atteste du fait qu’il savait que les bijoux provenaient de vols (cf. art. 139 CP), et, partant, acceptait l’idée que ces objets soient issus d’une infraction contre le patrimoine. Enfin, l’appelant a confirmé devant la Cour de céans qu’avec certains objets vendus, il avait commis une infraction de recel. L’élément subjectif est ainsi également réalisé.
Par conséquent, les conditions de l’art. 160 ch. 1 CP sont remplies. La condamnation de l’appelant pour recel ne viole pas le droit fédéral et doit être confirmée.
6.
Dans la mesure où l’appelant ne conteste la créance compensatrice de 2'500 fr. prononcée à son encontre qu’en lien avec son acquittement de l’infraction de recel, il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur ce grief, la condamnation de X._ pour cette infraction étant confirmée.
7.
L’appelant ne contestant pas la peine par une motivation autre que sa libération de l’infraction de recel, il n’y a pas non plus lieu d’entrer en matière sur ce grief. Par ailleurs, au regard des éléments à charge et à décharge retenus par le tribunal correctionnel (cf. jgt, c. 14), la peine privative de liberté infligée est conforme aux exigences de l’art. 47 CP et réprime adéquatement les agissements du prévenu. Elle doit donc être confirmée. Au surplus, vu l’existence d’un pronostic défavorable, la peine ne saurait être assortie du sursis.
8.
L’appelant conteste la révocation du sursis qui lui a été accordé le 21 décembre 2006.
8.1
Aux termes de l’art. 46 al. 1 CP, si, durant le délai d’épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu’il y a dès lors lieu de prévoir qu’il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. En vertu de l’alinéa 5 de cette disposition, la révocation ne peut plus être ordonnée lorsque trois ans se sont écoulés depuis l’expiration du délai d’épreuve.
Selon la jurisprudence, le point de départ du délai d’épreuve coïncide avec la communication du jugement exécutoire (ATF 120 IV 172 c. 2a). Lorsque la prolongation intervient après l’expiration du délai d’épreuve, elle court dès le jour où elle est ordonnée, et non à partir de l’échéance du premier délai (cf. art. 46 al. 2 in fine CP qui consacre une règle jurisprudentielle ; ATF 110 lV 4 c. 2).
8.2
Par jugement du 2 décembre 2006, le Tribunal de police de Neuchâtel a condamné l’appelant à 15 jours d’emprisonnement avec sursis pendant deux ans pour vol et recel. Par jugement du 21 mai 2010 du Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois, ce délai d’épreuve a été prolongé d’un an. La prolongation est par conséquent arrivée à échéance le 21 mai 2011 en application de l’art. 46 al. 2 CP. Le délai supplémentaire de trois ans prévu à l’art. 46 al. 5 CP est quant à lui venu à échéance le 21 mai 2014. Le jugement de première instance a ainsi été rendu antérieurement, à une date où la révocation du sursis n’était pas exclue par l’art. 46 al. 5 CP. Toutefois, le présent jugement va se substituer à celui de l’autorité de première instance (cf. art. 408 CPP), de sorte que le délai de l’art. 46 al. 5 CP est désormais échu.
Il s’ensuit que l’appel est bien fondé sur ce point.
9.
En conclusion, l’appel de X._ doit être très partiellement admis en ce sens que le sursis accordé le 21 décembre 2006 n’est pas révoqué, ce qui entraîne la modification du chiffre IV du jugement du 26 février 2014.
Il. Appel de P._
10.
L’appelant conteste sa condamnation pour recel (art. 160 CP).
10.1
Il soutient tout d’abord que les éléments le mettant en cause en ce qui concerne la vente des bijoux Cartier sont insuffisants. Il relève en particulier que les déclarations du bijoutier B._ ne seraient pas fiables et qu’il aurait toujours contesté avoir eu de tels bijoux.
Le témoin a expliqué qu’en ce qui concernait les personnes qui lui avaient vendu les bijoux Cartier, il avait fait un recoupement en se basant sur ses fiches et ses souvenirs et en avait déduit qu’il s’agissait de l’appelant et de son co-prévenu, ne voyant pas qui d'autres que ces deux personnes pouvaient les lui avoir vendus ; il avait du reste vérifié dans ses fichiers.
La question de savoir si l’appelant et son co-prévenu ont vendu les bijoux Cartier à B._ comme l’a déclaré ce dernier (cf. supra c. C 2.2) peut toutefois rester ouverte dès lors que l’infraction de recel peut en tout les cas être imputée à l’appelant (cf. infra, c. 10.2), qui a admis avoir vendu à six reprises des bijoux, mais contesté que figuraient parmi les ventes le bracelet et la paire de boucles d’oreilles appartenant à E._. Il existe des éléments suffisamment probants à charge de l’appelant. On relèvera en particulier qu’à l’instar son co-prévenu, P._ avait accepté la proposition de procédure simplifiée (P. 49 et P. 65), refusée en définitive par le Procureur au vu de la nouvelle enquête ouverte contre l’appelant dans le canton de Fribourg. En outre, indépendamment de ses déclarations relatives aux bijoux Cartier, B._ a clairement identifié et mis en cause l’appelant, ce dernier ayant au demeurant admis le faux nom donné au bijoutier. Le témoin a encore confirmé que l’appelant et X._ étaient tous deux venus plusieurs fois dans sa bijouterie pour lui vendre des objets en or ; ses déclarations sont en outre corroborées par la fiche intitulée « Reprise de métaux précieux de particuliers ».
10.2
L’appelant soutient ensuite que les conditions du recel ne seraient pas réalisées.
Pour les motifs exposés au considérant 5 ci-avant, l’élément objectif de l’infraction préalable est réalisé. En effet, les circonstances dans lesquelles les transactions se sont effectuées (dans la rue, auprès d’inconnus, puis en se présentant sous un faux nom en vue de toucher après la vente une commission de la part des individus inconnus) devaient à l’évidence éveiller les soupçons. Il en va de même s’agissant de l’élément subjectif : P._ savait ou, alors à tout le moins, devait présumer que les bijoux acquis provenaient de vols. Au cours de l’enquête, il a d’ailleurs admis que lui et X._ ne s’étaient pas préoccupés de la provenance de ces valeurs, qu’ils n’avaient rien demandé aux vendeurs et que lui-même n’était pas sûr si ces objets avaient été volés ou non (PV aud. 5 p. 3 et PV aud. 7 p. 2 lignes 54). Il a également donné une fausse identité au bijoutier, ce qui atteste du fait qu’il connaissait l’origine délictueuse des valeurs vendues.
Au vu de ce qui précède, les conditions de l’art. 160 ch. 1 CP sont remplies. La condamnation de l’appelant pour recel ne viole pas le droit fédéral et doit être confirmée.
11.
L’appelant conteste sa condamnation pour infraction à la LArm au motif qu’il ne savait pas que le couteau papillon était une arme interdite.
11.1
Aux termes de l’art. 33 al. 1 let. a LArm, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque, intentionnellement : sans droit, offre, aliène, acquiert, possède, fabrique, modifie, transforme, porte, exporte vers un Etat Schengen ou introduit sur le territoire suisse des armes, des éléments essentiels d’armes, des composants d’armes spécialement conçus, des accessoires d’armes, des munitions ou des éléments de munitions, ou en fait le courtage. Selon l’alinéa 2 de cette disposition, la peine est une amende si l’auteur agit par négligence.
11.2
Contrairement aux allégations de l’appelant, il y a lieu de retenir que l’intéressé savait, ou alors à tout le moins acceptait, qu’il s’agisse d’une arme prohibée. En effet, il invoque le contraire pour la première fois dans le cadre de la procédure d’appel. De plus, lors de sa première audition, il a affirmé qu’il avait oublié l’existence de ce couteau dont il n’avait du reste pas contesté connaître la nature prohibée (PV aud. 7 p. 4 lignes 126-128). Par ailleurs, l’appelant vit en Suisse depuis plus d’une quinzaine d’années, de sorte qu’il ne peut se prévaloir à cet effet d’une quelconque ignorance de la loi ou de difficultés de lecture du français. Enfin, son casier judiciaire comporte déjà plusieurs condamnations pour infractions à la LArm.
Compte tenu de ces éléments, la condamnation de l’appelant pour infraction à la LArm doit être confirmée.
12.
L’appelant conteste la peine infligée et le refus du sursis, alors qu’un précédent sursis a été révoqué.
12.1
12.1.1
L’art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité, est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Selon l’art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser un pronostic quant au comportement futur de l’auteur. Il suffit qu’il n’y ait pas de pronostic défavorable. Le sursis est la règle dont on ne peut s’écarter qu’en présence d’un pronostic défavorable. Pour émettre ce pronostic, le juge doit se livrer à une appréciation d’ensemble, tenant compte des circonstances de l’infraction, des antécédents de l’auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l’état d’esprit qu’il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l’ensemble du caractère de l’accusé et ses chances d’amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d’autres qui sont pertinents (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1 et 4.2.2).
En cas de condamnation dans les cinq ans qui précèdent l’infraction à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, le sursis n’est possible qu’en présence de « circonstances particulièrement favorables » (cf. art. 42 al. 2 CP). L’octroi du sursis n’entrera donc en considération que si, malgré l’infraction commise, on peut raisonnablement supposer, à l’issue de l’appréciation de l’ensemble des facteurs déterminants, que le condamné s’amendera (ATF 134 IV 1 c. 4.2.3).
12.1.2
La commission d’un crime ou d’un délit durant le délai d’épreuve n’entraîne pas nécessairement une révocation du sursis (cf. art. 46 al. 1 et 2 CP). Seul un pronostic défavorable peut justifier la révocation. A défaut d’un tel pronostic, le juge doit renoncer à celle-ci. Autrement dit, la révocation ne peut être prononcée que si la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l’épreuve (ATF 134 IV 140 c. 4.2 et 4.3). Lors de l’examen de l’éventuelle révocation du sursis pour une peine privative de liberté, il y a également lieu de tenir compte du fait que la nouvelle peine est prononcée avec ou sans sursis. Le juge peut notamment renoncer à révoquer le sursis si une peine ferme est prononcée et, à l’inverse, lorsque le sursis est révoqué, compte tenu de l’exécution de la peine, cela peut conduire à nier un pronostic défavorable. L’effet préventif de la peine à exécuter doit ainsi être, pris en compte (ATF 134 IV 140 c. 4.5).
12.2
La peine privative de liberté de 12 mois prononcée par les premiers juges correspond à la culpabilité de l’appelant eu égard aux éléments à charge et à décharge pris en compte par les premiers juges. Ces derniers ont en effet ont considéré que la culpabilité de P._ était la plus lourde. A charge, ils ont retenu notamment les infractions en concours, les nombreux antécédents du prévenu en l’espace de sept ans et la récidive non seulement pour des infractions de même genre, mais également en cours d’enquête. A décharge, ils ont retenu ses aveux partiels et les regrets exprimés.
Ainsi, la peine privative de liberté de 12 mois prononcée par les premiers juges est adéquate et ne porte aucunement le flanc à la critique. Elle peut donc être confirmée par adoption de motifs exposés.
Pour ce qui est du sursis à l’exécution de la peine, celui-ci est exclu, le pronostic à poser quant au comportement futur de l’appelant étant incontestablement défavorable. On relèvera que le casier judiciaire de l’appelant comporte déjà cinq condamnations. L’antécédent jugé en janvier 2010, sanctionné d’une peine privative de liberté de 16 mois, n’autorisait l’octroi du sursis qu’en cas de circonstances particulièrement favorables. Or on ne discerne aucune circonstance particulièrement favorable à l’intéressé. P._ est ici condamné pour la sixième fois ; il a récidivé en cours d’enquête, a persisté à nier des faits évidents et fait de nouveau l’objet d’une enquête pénale ouverte dans le canton de Fribourg pour des cambriolages commis au début de l’année 2014. Ces éléments ne dénotent ainsi aucun changement positif dans la situation de l’intéressé, mais plutôt une propension inquiétante à persévérer dans ses activités illicites, ce qui démontre d’ailleurs que l’appelant présente un sentiment d’impunité en lien avec ses précédentes condamnations. Il est par conséquent évident que le sursis doit être refusé, seule une peine ferme étant apte à empêcher le risque de récidive manifeste.
Par ailleurs, l’examen de la condition du sursis pour la révocation au sens de l’art. 46 al. 1 et 2 CP conduit également à établir que le pronostic quant au comportement futur de l’appelant est défavorable. En effet, il n’hésite pas enfreindre la loi pénale lorsque cela l’arrange : il a récidivé, à plusieurs reprises, après sa condamnation du 7 janvier 2010, alors qu’il avait déjà subi soixante-huit jours de détention avant jugement. On peut par conséquent exclure que la seule exécution de la peine dont le sursis a été révoqué suffira à le détourner de commettre de nouvelles infractions.
Dans ces conditions, les juges de première instance n'ont pas violé l'art. 46 CP en révoquant le sursis accordé le 10 janvier 2010 par la Cour de cassation de Lugano. La révocation de ce sursis doit par conséquent être confirmée.
13
. Dans la mesure où l’appelant ne conteste la créance compensatrice de 2'500 fr. prononcée à son encontre qu’en lien avec son acquittement de l’infraction de recel, il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur ce grief, la condamnation de P._ pour cette infraction étant confirmée.
On précisera que cette créance a été arrêtée en équité en raison des six cas de recel retenus à l’encontre de l’appelant. Par conséquent, le fait que la question des bijoux Cartier ait été laissée ouverte ne change rien au montant de ladite créance.
14.
Il résulte de ce précède que l’appel de P._ doit être rejeté et le jugement du 26 février 2014 confirmé.
15.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, par 9'066 fr., doivent être mis par moitié à la charge de P._ et par moitié à la charge de P._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 3'450 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent les indemnités allouées au défenseurs d’office des appelants.
S’agissant de l’indemnité de défenseur d’office de X._, la liste d’opérations produite (cf. P. 112) mentionne une activité de 20 heures et 53 minutes par le défenseur d’office. Ce temps allégué apparaît, compte tenu des caractéristiques de la cause, manifestement excessif, notamment pour trois conférences avec le client (3 heures et 20 minutes), pour l’étude du dossier avec recherches juridiques (4 heures et 45 minutes) et pour l’écriture de la déclaration d’appel (6 heures et 15 minutes). Il convient par conséquent de retenir un total de 15 heures d’activité déployée au tarif horaire de 180 fr., une vacation à 120 fr. ainsi que 50 fr. de débours, auxquels on ajoute la TVA. L’indemnité allouée à Me Alain Sauteur est ainsi arrêtée à 3'099 fr. 60, TVA et débours compris (2'916 + 129.60 + 54 francs).
Sur la base de la liste des opérations produite (cf. P. 113), une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 2'516 fr. 40, TVA et débours compris, est allouée à Me Sébastien Thüler.
Enfin, les appelants ne seront tenus de rembourser à l’Etat les indemnités
en faveur de leur défenseur d’office
que lorsque leur situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7f96253b-ec91-4c17-9981-b4f95c34b737 | En fait :
A.
Par jugement du 27 janvier 2012, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a constaté que Q._ s'est rendu coupable de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de 20 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 francs (II), a mis une partie des frais de justice, arrêtée à 2'643 fr. 45, y compris l'indemnité servie à son défenseur d'office Me Jean-Christophe Oberson par 2'118 fr. 45, à la charge de Q._, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (III) et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité de conseil d'office servie à Me Jean-Christophe Oberson sera exigible de Q._ dès que sa situation économique le permettra (IV).
B.
Le 6 février 2012, Q._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel motivée du 12 mars 2012, il a conclu à sa libération du chef d'accusation de violence et menace contre les autorités et les fonctionnaires, frais à la charge de l'Etat et à ce qu'une indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, à chiffrer sur la base d'une liste de frais, pour les opérations de la procédure d'appel soit allouée à Me Jean-Christophe Oberson.
Par courrier du 16 mars 2012, le Ministère public a déclaré qu'il s'en remettait à justice s'agissant de l'appel formé par Q._ et qu'il n'entendait pas déposer d'appel joint.
Par courrier du 26 mars 2012, le Ministère public a déclaré qu'il n'entendait pas comparaître en personne à l'audience d'appel et que, s'agissant de la cause, il se référait intégralement au jugement rendu le 27 janvier 2012 par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne, concluant à ce que la peine prononcée à l'encontre de Q._ soit confirmée.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Q._ est né le 3 mars 1964 à Riaz, dans le canton de Fribourg. Célibataire, le prévenu présente des troubles psychiques, sous forme de troubles de la personnalité, anxiété, angoisse, dépression, idéation de suicide avec tentative, troubles du sommeil, consommation d'alcool et traumatisme psychologique, en rapport avec son vécu pendant l'enfance, l'adolescence et l'âge adulte. Il est suivi par le Dr B._ depuis de nombreuses années. Il connaît également des problèmes physiques. L'appelant est rentier AI et perçoit une rente de 1'547 fr. par mois, complétée par une prestation complémentaire de 1'140 francs. Il est frappé d'un acte de défaut de biens à hauteur de 686 francs. Sans fortune, le prévenu doit notamment s'acquitter d'un loyer mensuel de 1'150 fr. ainsi que de divers frais de transport et médicaux. Son revenu fiscal est négatif.
A son casier judiciaire figurent les inscriptions suivantes:
- 26.06.2002, Juge d'instruction de Lausanne, vol, dommages à la propriété, contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, 30 jours d'emprisonnement, avec sursis pendant deux ans.
- 11.11.2003, Juge d'instruction de Fribourg, contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, opposition aux actes de l'autorité, dommages à la propriété, 20 jours d'emprisonnement, avec sursis pendant deux ans.
- 07.06.2005, Juge d'instruction de Fribourg, injure, menaces, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, opposition aux actes de l'autorité, 20 jours d'emprisonnement avec sursis pendant 4 ans.
2.
Le 2 juillet 2011, au Flon, à Lausanne, alors qu'il était fortement sous l'influence de l'alcool et à la suite d'une altercation verbale avec N._, chauffeur des transports publics de la région lausannoise (TL), Q._ a fortement frappé le chauffeur au bras droit, lui occasionnant un hématome sur le coude droit. En raison de fortes douleurs au bras, le chauffeur de bus a été incapable de travailler un jour juste après les faits, soit du 2 au 3 juillet 2011. Un certificat médical attestant de cette incapacité a été produit au dossier.
3.
Par ordonnance pénale du 25 août 2011, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a condamné Q._ pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires à 20 jours de peine privative de liberté, frais à sa charge.
Le 9 septembre 2011, l'appelant a formé opposition contre l'ordonnance pénale précitée. | En droit :
1.
D'après l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la notification du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit.
La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel interjeté par Q._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.
Q._ invoque une constatation erronée les faits, une violation du principe
in dubio pro reo
et de l'art. 285 al. 1 CP. Il reproche au premier juge d'avoir écarté sa version des faits au profit des propos relatés par N._, alors que ceux-ci comportent de nombreuses incohérences. Il relève également qu'on ne saurait lui imputer la responsabilité d'une blessure qui n'a aucunement été démontrée.
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, qui est garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c ; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38, c. 2a).
3.2
L'art. 285 al. 1 CP réprime le comportement de celui qui se sera livré à des voies de fait sur un membre d'une autorité ou un fonctionnaire pendant qu'il procédait à un acte entrant dans ses fonctions. L'art. 285 CP n'exige pas que l'auteur essaie d'empêcher l'acte officiel par les voies de fait. Il peut s'agir d'une pure réaction de colère, sans aucun espoir de modifier le cours des événements. Il suffit que le membre de l'autorité ou le fonctionnaire agisse dans le cadre de sa mission officielle et que c'est en raison de cette activité que l'auteur se livre à des voies de fait sur lui (Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. II, Berne 2010, n° 17 p. 512; Trechsel/Vest, in: Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 2008, n° 8 ad. art. 285 CP; Donatsch/Wohlers, Delikte gegen die Allgemeinheit, 3. Aufl. 2004, p. 313 s.).
Selon l'art. 110 al. 3 CP, par fonctionnaires, on entend les fonctionnaires et les employés d'une administration publique à titre provisoire, ou qui sont employés à titre provisoire par une administration publique ou la justice ou encore qui exercent une fonction publique temporaire. Selon la jurisprudence, est encore fonctionnaire au sens de cette disposition celui qui exerce une fonction publique dans l'intérêt de la communauté, même s'il ne se trouve pas dans un rapport de service avec le pouvoir public. Ce qui est déterminant c'est que l'activité en cause est exercée dans l'intérêt de la communauté. Comme la notion pénale de fonctionnaire est entièrement liée à son activité, il importe peu qu'il exerce une fonction publique ou soit engagé à titre privé (ATF 121 IV 216 c. 3a).
Les voies de faits se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 119 IV 25 c.2a; ATF 117 IV 14 c. 2a). L'art. 285 CP n'est pas applicable si l'auteur règle un compte privé avec le fonctionnaire, mais à un moment où celui-ci est en fonction. Les voies de fait doivent être motivées par l'acte officiel (ATF 110 IV 91 c. 2).
Au surplus, l'infraction visée par l'art. 285 CP est intentionnelle (cf. Corboz, op. cit., n° 19 ad. art. 285, p. 513).
3.3
Confronté à deux versions divergentes s'agissant du déroulement précis des événements, le premier juge a relevé qu'il ne pouvait établir avec certitude la chronologie des événements et que les rapports de police des 30 juillet et 11 août 2011 (P. 8 et 9) ne faisaient pas état d'un coup porté par le prévenu au chauffeur du bus, mais d'une bousculade. Il a toutefois constaté que les déclarations des protagonistes permettaient d'admettre, à tout le moins, que, par une bousculade, le prévenu avait blessé le chauffeur de bus au coude du bras droit.
En l'occurrence, on ne saurait suivre ce raisonnement. En effet, si le prévenu a agi dans le cadre d'une bousculade, c'est-à-dire pour fuir les jeunes qui l'agressaient verbalement comme il l'a soutenu devant le premier juge, on ne saurait retenir que le prévenu s'est rendu coupable de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires. En effet, cette infraction ne peut être commise qu'intentionnellement, ce qui ne saurait nécessairement être le cas si l'appelant a agi dans le but de fuir, à savoir dans le cadre d'une bousculade.
En l'espèce, on doit examiner s'il y a vraiment eu bousculade et dans quelles circonstances est intervenu le coup porté au fonctionnaire. S'agissant du déroulement des faits, il convient de retenir la version de N._. En effet, d'une part, ce dernier n'a jamais parlé de bousculade. Selon le rapport d'accident TL (P. 4), il s'agit d'un coup volontaire. Les déclarations de ce témoin sont constantes; elles peuvent être plus ou moins développées, mais ne contiennent en réalité aucune contradiction. De plus, suite aux événements, le témoin a été en incapacité de travail pendant une journée. Par ailleurs, celui-ci n'avait aucune raison de mentir sur les circonstances de sa blessure, cela d'autant plus qu'il n'a pas déposé plainte. D'autre part, la version du prévenu a varié dans le temps. En effet, lors de son audition du 9 août 2011, il a indiqué avoir bousculé le chauffeur au motif qu'il voulait sortir du bus, mais que le chauffeur lui barrait le passage. Lors des débats de première instance, il a en revanche expliqué qu'il avait été agressé verbalement par des jeunes et qu'il avait bousculé le conducteur pour s'enfuir. Au regard de ces contradictions, la version de l'appelant n'est pas crédible, ce d'autant plus qu'il était fortement sous l'influence de l'alcool au moment de l'incident
(cf. rapport de police, P. 8). Enfin, il résulte également du rapport de police (P. 8) que le comportement du prévenu dans son ensemble était fort critiquable. Ainsi, juste après les faits, il a également malmené un autre policier et injurié les gendarmes qui étaient intervenus sur place.
3.4
Au regard de ces éléments, on doit admettre que le prévenu a volontairement frappé le chauffeur de bus, qui a donc été agressé dans le cadre et en raison de ses fonctions, soit pour ne pas s'être arrêté à un arrêt de bus. La condamnation de l'appelant pour infraction à l'art. 285 CP ne viole donc pas le droit fédéral.
Mal fondé, le grief de l'appelant doit être rejeté.
4.
Le premier juge a condamné Q._ à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 10 francs et a refusé de lui octroyer le sursis.
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
4.2
En l'espèce, tel que relevé par le premier juge, l'appelant a eu une attitude inadmissible à l'égard du chauffeur de bus N._. A sa charge, il faut également tenir compte de ses antécédents judiciaires ainsi que du fait qu'il tente de minimiser son acte, ce qui dénote un manque patent de prise de conscience. A décharge, il faut tenir compte de sa situation économique, personnelle et psychique précaire. A cet égard, le Dr B._, entendu comme témoin aux débats de première instance, a confirmé les grandes difficultés de l'appelant. Au regard de l'ensemble de ces éléments, de l'infraction commise et de la situation de l'intéressé, la peine infligée de 20 jours-amende à 10 fr. le jour ne porte pas le flanc à la critique et doit être entièrement confirmée.
Au surplus, au regard des troubles évidents ressortant de l'instruction menée aux débats d'appel, l'appelant n'est pas apte à effectuer un travail d'intérêt général.
4.3
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 134 IV 1 c. 4.2.2). En d'autres termes, la loi présume l'existence d'un pronostic favorable et cette présomption doit être renversée par le juge pour exclure le sursis. Lorsque la peine se situe entre un et deux ans, le sursis total est la règle et le sursis partiel l'exception. Le juge accordera le sursis partiel au lieu du sursis total lorsqu'il existe – notamment en raison de condamnations antérieures – de sérieux doutes sur les perspectives d'amendement de l'auteur, qui ne justifient cependant pas encore, à l'issue de l'appréciation de l'ensemble des circonstances, un pronostic concrètement défavorable.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. Le juge doit motiver sa décision de manière suffisante (art. 50 CP). Sa motivation doit permettre de vérifier s'il a tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (ATF 134 IV 5 c. 4.2.1; ATF 118 IV 97 c. 2b).
4.4
En l'occurrence, si les conditions objectives du sursis sont réalisées, tel n'est manifestement pas le cas des conditions subjectives. En effet, Q._ a déjà été condamné à trois reprises et notamment pour des faits similaires. Les précédentes condamnations n'ont donc eu aucun effet dissuasif sur l'intéressé. Par ailleurs, l'appelant n'a cessé de minimiser sa responsabilité tout au long de la procédure, y compris lors des débats d'appel.
Ainsi, le pronostic est défavorable, de sorte que le sursis ne saurait être octroyé.
5.
En définitive, l'appel de Q._ doit être rejeté.
Vu l'issue de la cause, les frais de procédure d'appel sont mis à la charge de l'appelant qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, par 1'800 fr., ces frais comprennent l'indemnité allouée au défenseur d’office pour la procédure d’appel, par 1'449 fr. 50, TVA et débours compris.
Q._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7fd062e6-c257-4d5b-98fe-efd3fea3066c | En fait :
A.
Par jugement du 13 août 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a libéré Q._ du chef d’accusation de faux dans les titres, subsidiairement ou alternativement de faux dans les certificats (I), constaté que Q._ s’est rendu coupable de vol, d’escroquerie, d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers et de conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduire (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de sept mois (III), dit que cette peine est partiellement complémentaire à celles prononcées le 24 mai 2006 par le Tribunal correctionnel de La Côte, le 29 juin 2007 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois et le 11 mars 2008 par le Tribunal correctionnel de La Côte (IV), donné acte à O._ et P._ de leurs réserves civiles à l’encontre de Q._ (V) et mis les frais de procédure, arrêtés à 2'829 fr. 85, à la charge de Q._ (VI).
B.
Par annonce du 26 août 2013, suivie d’une déclaration d’appel motivée du 17 septembre suivant, Q._ a conclu à la réforme de ce jugement en ce sens qu’il est libéré des chefs d’accusation de vol, d’escroquerie et d’infraction à l’art. 117 LEtr., qu’il est reconnu coupable de l’infraction de conducteur en incapacité de conduire et condamné en conséquence à une peine légère, fixée à dire de justice, assortie du sursis. Il a en outre requis, à titre de mesure d’instruction complémentaire, qu’une expertise du camion transféré à O._ soit ordonnée afin d’en déterminer la valeur avant les travaux de transformation effectués par ce dernier.
Par déclaration d’appel joint du 7 octobre 2013, le Ministère public de l’arrondissement de La Côte a conclu à la réforme du jugement du 13 août 2013, en ce sens que Q._ est reconnu en outre coupable d’escroquerie au préjudice de P._ et de faux dans les titres (I), acte étant donné à P._ de ses conclusions civiles, les frais de la procédure étant mis à la charge de Q._ (II).
Par courrier du 14 novembre 2013, la Présidente de la Cour d’appel civile a rejeté la demande d’expertise faite par Q._, les conditions de l’art. 389 CPP n’étant pas remplies.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né en 1954, Q._ était mécanicien, chauffeur et machiniste indépendant jusqu’à sa faillite prononcée en été 2013. Il a retrouvé un emploi dès le 1
er
décembre 2013 comme mécanicien d’entretien au service de la société [...], à St-Prex. Il perçoit un salaire net de 4'400 fr. par mois. Il est marié mais séparé de son épouse. Il loge chez sa fille majeure, et participe à l’entretien de la maison ainsi qu’aux frais à concurrence de 300 fr. par mois.
Le casier judiciaire de Q._ fait état des cinq condamnations suivantes :
- 24 mai 2006, Tribunal correctionnel de La Côte, escroquerie, faux dans les titres, 9 mois d’emprisonnement avec sursis pendant 3 ans ;
- 10 juillet 2006, Ministère public du canton de Genève, recel, 30 jours d’emprisonnement sous déduction d’un jour de détention préventive, avec sursis pendant 2 ans ;
- 29 juin 2007, Cour de cassation du Tribunal cantonal vaudois, abus de confiance, banqueroute frauduleuse, fraude dans la saisie, détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, faux dans les titres, insoumission à une décision de l’autorité, 2 mois de peine privative de liberté, peine d’ensemble avec celle prononcée le 10 juillet 2006 ;
- 11 mars 2008, Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte, vol, escroquerie, faux dans les titres, 6 mois de peine privative de liberté ;
- 26 juin 2012, Ministère public de l’arrondissement de La Côte, faux dans les titres, 120 jours-amende à 30 fr. le jour.
2.
2.1
En 2005, Q._ s’est emparé d’un camion Renault G 340 ti que son propriétaire, V._, avait parqué sur une place mise à sa disposition par le prévenu.
V._ a déposé plainte le 21 juillet 2005.
2.2
En 2005, à la suite des faits décrits ci-dessus (ch. 2.1), Q._ a convenu avec O._, vice président de l’ONG [...], d’échanger le camion de V._ contre un autre véhicule appartenant à l’ONG, sans signaler qu’il l’avait volé. Par le passé, il avait déjà fait des dons de matériel et fourni des véhicules à cette ONG et opéré des transports pour elle.
Le vice-président de l’ONG, O._, a déposé plainte contre Q._ en 2011, après avoir tenté en vain de faire immatriculer l’engin pour l’exportation, ce dernier étant déclaré comme volé.
2.3
En mars 2011, à [...], dans le cadre de l’activité de son entreprise en raison individuelle [...] Q._ a employé B._ nonobstant le fait que ce dernier était sans autorisation d’exercer une activité lucrative en Suisse.
Le Service de l’emploi a dénoncé le cas en date du 3 mai 2012.
2.4
Le 22 décembre 2011, à [...], Q._ a vendu à P._ « dans l’état comme vu et essayé sans garantie », une voiture Nissan Patriot de 1992 affichant 192'000 km au compteur, pour le prix de 4'900 francs. P._ a demandé si le châssis était en bon état et Q._ lui a répondu par l’affirmative, alors que tel n’était pas le cas. P._ a payé le prix convenu. Le prévenu a établi et signé une quittance sous le nom de « [...] ».
P._ a déposé plainte le 19 mars 2012.
2.5
Le 6 mai 2013, à 20h12, à [...], Q._ a circulé au volant d’une automobile alors qu’il était en état d’ébriété. Un contrôle effectué à 21h15 a révélé une alcoolémie de 1,16 g ‰. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de Q._ est recevable. Il en va de même de l’appel joint déposé par le Ministère public de l’arrondissement de La Côte.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Dans un premier grief, Q._ conteste sa condamnation pour vol, s’agissant de l’échange du camion appartenant à V._. Il ne conteste pas les faits à proprement parler mais soutient qu’il n’a pas volé le véhicule au sens de l’art. 139 CP mais qu’il se le serait approprié de manière illégitime au sens de l’art. 137 CP. L’infraction étant prescrite, l’appelant considère qu’il ne doit pas être sanctionné pour ce fait.
3.1
Aux termes de l’art. 139 al. 1 CP, celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l’approprier sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Pour que la soustraction d'une chose mobilière appartenant à autrui constitue un vol, il faut que l'auteur ait agi intentionnellement, dans le dessein de s'approprier cette chose et dans celui de se procurer ainsi, ou de procurer à autrui, un enrichissement illégitime. L'auteur agit intentionnellement s'il veut soustraire une chose mobilière qu'il sait appartenir à autrui. Il agit dans un dessein d'appropriation s'il a pour but d'incorporer la chose à son patrimoine, que ce soit en vue de la conserver ou de l'aliéner (ATF 85 IV 17 c. 1). Il agit dans un dessein d'enrichissement illégitime s'il a pour but de tirer lui-même de la chose, ou de permettre à un tiers d'en tirer un profit qui devrait normalement revenir au propriétaire ou au possesseur légitime (ATF 111 IV 74 c. 1).
L'infraction suppose l'existence d'une chose mobilière appartenant à autrui. Une autre personne que l'auteur doit avoir un droit de propriété sur la chose volée (ATF 124 IV 102 c. 2). En outre, pour qu'il y ait vol, il faut que l'auteur soustraie la chose à autrui, c'est-à-dire qu'il brise la possession d'autrui pour constituer une nouvelle possession sur la chose (ATF 132 IV 108 c. 2.1 ; Corboz, Les infractions en droit suisse, 3
e
édition, Vol. I, Berne 2010, nn 2 à 7 ad art. 139 CP). La notion comprend donc trois éléments (Dupuis & al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 8 ad. art. 19 CP et les références citées).
En premier lieu, il faut qu’un tiers soit en possession de l’objet de l’infraction, ce qui suppose que le tiers en question exerce une maîtrise effective sur la chose mobilière considérée et ait la volonté de l’exercer. Une telle maîtrise doit être reconnue lorsque le tiers peut exercer une maîtrise physique sur la chose mobilière, fût-ce à distance, mais également aussi longtemps qu’il sait où la chose se trouve et demeure en mesure d’y accéder. Un simple empêchement passager d’exercer la maîtrise sur la chose n’en fait pas perdre la possession. S’agissant de la volonté d’exercer la maîtrise, elle doit en principe être reconnue par rapport à l’ensemble des objets dont la personne concernée a conscience qu’ils se trouvent dans sa sphère d’influence (Dupuis & al., op. cit., n. 9 ad art. 139 CP et les références citées).
La soustraction implique, deuxièmement, la rupture de la possession. Il s‘agit de l’aspect central de la soustraction. Cette rupture de possession suppose un acte contraire à la volonté du lésé, faute de quoi il ne saurait être question de vol. Il peut également s’agir d’un acte qui transgresse les conditions posées par le lésé pour le transfert de la possession ; la rupture de la possession est réalisée avec la mise à néant de la maîtrise qu’exerce l’ayant droit sur la chose mobilière concernée, qui implique en règle générale que l’auteur s’empare de la chose mobilière en question et la déplace hors de la sphère d’influence de l’ayant droit. Il y a ainsi rupture de la possession lorsque l’auteur empêche de toute autre façon l’ayant droit d’exercer sa maîtrise tout en cherchant à s’accaparer la chose mobilière, peu importe les moyens utilisés par l’auteur (la force, la ruse, l’adresse, la simple exploitation d’une occasion favorable) pour parvenir à ses fins (Dupuis & al., op. cit., n. 10 ad art. 139 CP et les références citées).
Le troisième élément de la soustraction se rapport à la création d’une nouvelle possession. En règle générale, c’est l’auteur lui-même qui devient le nouveau possesseur de la chose soustraite, mais il peut aussi éventuellement s’agir d’un tiers. En principe, la rupture de la possession et la création d’une nouvelle possession sont réalisées lorsque l’auteur aura volontairement acquis seul la maîtrise effective de la chose après s’en être saisie, ou, inversement, lorsque l’ayant droit aura perdu la maîtrise de la chose, après s’en être vu dessaisi. A titre d’exemple de soustraction, un véhicule automobile est soustrait dès lorsque l’auteur parvient à le mettre en marche et à quitter l’endroit où il est stationné (Dupuis & al., op. cit., nn 11 et 12 ad art. 19 CP et les références citées).
3.2
En l’espèce, le premier juge a retenu à juste titre que, même si la clé se trouvait à l’intérieur du véhicule, comme l’affirmait le prévenu, cela n’impliquait pas un abandon de la possession par le propriétaire. Dans cette hypothèse, V._ n’a pas confié la clé à l’appelant exclusivement, mais l’a laissée dans le véhicule. Le propriétaire n’a pas non plus déclaré confier à l’appelant le véhicule lui-même. Il n’a donc pas abandonné la maîtrise de fait, mais seulement partagé celle-ci, ni sa volonté de l’exercer. L’appelant ne saurait dès lors être qualifié de possesseur ou de copossesseur. Il ne pouvait obtenir la maîtrise du véhicule qu’en s’emparant d’une clé qui ne lui avait pas été confiée. Par son comportement, l’appelant a empêché le légitime propriétaire du camion de continuer à exercer sa possession, pour se l’approprier à son propre profit. Ce bris de possession et cette appropriation ont été commis contre la volonté de l’ayant droit de sorte que toutes les conditions de l’infraction de vol au sens de l’art. 139 CP sont réalisées.
4.
Q._ conteste sa condamnation pour escroquerie. Il soutient ne pas avoir fait preuve d’astuce en cédant à O._ le camion qu’il avait volé à V._.
4.1
L’art. 146 al. 1 CP dispose que celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
L'escroquerie suppose en particulier que l'auteur ait usé de tromperie et que celle-ci ait été astucieuse (ATF 128 IV 18 c. 3a; ATF 122 II 422 c. 3a; ATF 122 IV 246 c. 3a et les arrêts cités). L'astuce est réalisée lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ibid.). L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle (ATF 128 IV 18 c. 3a; ATF 126 IV 165 c. 2a). Il n’est cependant pas nécessaire qu’elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu’elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d’être trompée. L’astuce n’est exclue que si elle n’a pas procédé aux vérifications élémentaires que l’on pouvait attendre d’elle au vu des circonstances. Une co-responsabilité de la dupe n’exclut toutefois l’astuce que dans des cas exceptionnels (TF 6B_314/2011 du 27 octobre 2011 c. 3.2.1 et les réf. citées). U
n édifice de mensonges, pour être astucieux, ne résulte ainsi pas nécessairement de l'accumulation de plusieurs mensonges. Il n'est bien plutôt réalisé que si les mensonges sont l'expression d'une rouerie particulière et se recoupent de manière si subtile que même une victime faisant preuve d'esprit critique se laisse tromper (ATF 119 IV 28 c. 3c; Dupuis et alii, op. cit., n. 12 ad art. 146 CP).
4.2
En l’espèce, le premier juge a estimé que l’appelant avait agi avec astuce dans la mesure où il n’avait pas dit à O._ que le camion qu’il lui échangeait contre un autre appartenait en réalité à V._, dans un contexte où il savait que O._ lui faisait confiance en raison des relations antérieures et qu’il n’allait pas vérifier l’appartenance du camion en cause (jgt., p. 23).
Cette analyse ne prête pas le flanc à la critique et ne peut qu’être suivie. En effet, il ressort du dossier que l’ONG [...], dont O._ est le vice-président, envoie des camions en Afrique pour les revendre. C’est à cette fin que O._ s’est adressé à l’appelant pour lui échanger un de ses camions contre le camion litigieux. Les parties avaient des relations d’affaires préexistantes, l’appelant avait déjà fait des dons à l’ONG et il préparait lui-même les engins, notamment le Renault en cause, pour l’exportation vers l’Afrique (PV aud. 1, p. 1 ; PV aud. 2, R. 6 ). Cela a naturellement créé une impression de désintérêt, de générosité et donc une relation de confiance particulière s’agissant d’une activité comportant au moins une part de bienfaisance. Par ailleurs, le camion n’étant à l’époque pas immatriculé, il n’était pas possible pour O._ de savoir qui était le légitime propriétaire du véhicule.
Il est vrai que si le véhicule est signalé volé, comme c’était le cas en l’espèce, ce signalement apparaît au moment de la tentative d’immatriculation par l’acheteur. En l’occurrence, toutefois, l’appelant pensait, de son propre aveu, que l’ONG allait utiliser le camion sous forme de pièces détachées et n’a pas imaginé qu’elle allait l’immatriculer (PV aud. 2, R 8). Cette idée n’était d’ailleurs pas sans fondement puisque la tentative d’immatriculation n’a eu lieu que six ans après l’acquisition du camion. Si l’ONG avait effectivement désarticulé le véhicule pour n’en utiliser que quelques pièces, l’auteur du vol aurait pu ne jamais être découvert. Q._ escomptait bel et bien que l’origine délictueuse du camion passerait inaperçue. Il ne saurait, dans ces circonstances, reprocher à l’acheteur, comme il tente de le faire, de ne pas avoir immédiatement demandé le permis de circulation au Service des automobiles. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
5.
Q._ conteste sa condamnation pour infraction à la LEtr. Il a d’abord soutenu, avant d’abandonner cet argument à l’audience d’appel, qu’il y avait contrat de mandat et non de travail. Il soutient n’avoir versé à B._ aucune prestation pour les activités que ce dernier aurait accomplies pour son compte, de sorte qu’il n’y aurait pas d’« emploi » au sens de l’art. 117 LEtr.
5.1
L'entrée en vigueur, le 1
er
janvier 2008, de la Loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (ci-après : LEtr, RS 142.20) a entraîné l'abrogation de la Loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (ci-après : aLSEE ).
L’art. 23 aLSEE sanctionnait celui qui, intentionnellement, aura occupé des étrangers non autorisés à travailler en Suisse.
L'art. 117 al. 1 LEtr dispose que, quiconque, intentionnellement, emploie un étranger qui n'est pas autorisé à exercer une activité lucrative en Suisse ou a recours, en Suisse, à une prestation de services transfrontaliers d'une personne qui n'a pas l'autorisation requise est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire. Dans les cas graves, la peine sera une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire. En cas de peine privative de liberté, une peine pécuniaire est également prononcée.
Nonobstant une formulation différente, l'art. 117 LEtr, qui réprime le fait d'employer un étranger qui n'est pas autorisé à exercer une activité lucrative en Suisse, n'a pas de portée distincte de l'art. 23 al. 4 aLSEE. Dans cette mesure, la jurisprudence relative à cette dernière disposition conserve donc sa valeur. Subséquemment, le terme "employer" doit être compris de manière large, comme consistant non seulement à conclure et exécuter un contrat de travail au sens des art. 319 ss CO (Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse, RS 220), mais également à faire exécuter une activité lucrative à quelqu'un, quelle que soit la nature du rapport juridique entre l'auteur et la personne employée. Il doit s'agir d'un comportement actif; une simple permission ou tolérance ne suffit pas. Il n'est en revanche pas nécessaire que l'auteur ait la compétence de donner des instructions à la personne employée. Il suffit qu'il entre dans ses attributions de décider qui peut, ou ne peut pas, participer à l'exécution de la tâche et qu'ainsi sa décision conditionne l'activité lucrative de l'intéressé (ATF 137 IV 153 c. 1.5 et les références citées).
5.2
En l’espèce, il importe peu que l’occupation confiée par l’appelant à B._ l’ait été sous forme de mandat plutôt que d’un contrat de travail. Il n’est pas non plus déterminant de savoir si une rémunération a déjà été versée, dans la mesure où cette dernière avait été prévue (P. 4 du dossier joint C). Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
6.
Le Ministère public estime que la tromperie commise par Q._ au détriment de P._ le 22 décembre 2011 était bel et bien astucieuse et que l’infraction d’escroquerie doit également être retenue pour ce fait.
6.1
Il y a lieu de se référer aux éléments constitutifs de l’astuce déjà décrits ci-dessus (consid. 4.1).
6.2
En l’espèce, le premier juge a considéré qu’il n’y avait pas d’astuce, malgré le mensonge – contesté par le prévenu – sur l’état du châssis, parce que, dans le cadre d’une vente « sans garantie » d’une vieille voiture, on pouvait raisonnablement attendre de l’acheteur qu’il vérifie l’état de l’objet. En l’occurrence, le plaignant avait payé sans examiner le châssis, alors même qu’il admettait qu’il n’était pas possible de se rendre compte de l’état de cette pièce sans examen par un garagiste, concédant qu’il n’avait pas pris suffisamment de précautions (jgt., p. 24).
La Cour de céans fait sienne cette analyse convaincante. Les parties ne se connaissaient pas avant la transaction. Le plaignant a répondu à une petite annonce parue dans la presse, qui offrait à la vente un vieux véhicule. Il ressort de la plainte que P._ avait l’intention de faire vérifier le véhicule par son garagiste avant de payer le solde du prix de vente. Il a néanmoins, avant cela, versé un acompte au prévenu. Comme le garage en question était fermé au moment de la livraison du véhicule, P._ a renoncé à cet examen et payé le solde du prix. Il a choisi de faire confiance au vendeur. Rien ne permet de dire que le plaignant n’aurait pas pu faire examiner le véhicule ailleurs avant de conclure la vente ; il avait d’ailleurs prévu un tel examen avant paiement du solde. S’il ne l’a pas fait, c’est indépendamment de toute intervention du prévenu. Ce dernier n’a pas dissuadé le plaignant de vérifier l’état de la voiture, par exemple en acceptant de garantir par écrit le bon état du châssis. Compte tenu de ce qui précède, les éléments de faits établis sont insuffisants pour retenir une tromperie astucieuse au sens de l’art. 146 CP.
La remise d’une quittance portant un faux nom n’est pas de nature à modifier ce constat. Cet élément n’a en effet joué aucun rôle dans la conclusion du contrat qui a conduit le plaignant à accomplir un acte préjudiciable à ses intérêts, à savoir payer le prix de la voiture défectueuse. L’appelant a certes raison de dire que cet élément constitue un indice de la volonté du prévenu de tromper P._. Il ne rend toutefois pas la tromperie astucieuse au sens de l’art. 146 CP. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
7.
Le Parquet estime que le prévenu s’est rendu coupable de faux dans les titres en établissant une quittance portant un nom de fantaisie. Le but était, selon lui, d’éviter tout problème ultérieur avec P._, qui avait effectivement eu de la peine à reprendre contact avec le vendeur, ce dernier ne répondant plus à ses sollicitations.
7.1
L'art. 110 ch. 4 CP définit les titres comme des écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique et tous les signes destinés à prouver un tel fait. L'enregistrement sur des supports de données et des supports-images est assimilé à un écrit s'il a la même destination.
Un titre n'est considéré comme tel que s'il fixe et recèle l'expression d'une pensée humaine dont il permet de reconnaître l'auteur (FF 1991 II 959). Il doit prouver un fait ayant une portée juridique, à savoir un fait qui, seul ou en liaison avec d'autres faits, donne naissance à un droit, le modifie, le supprime ou le constate (Dupuis et al., op. cit., n. 23 ad art. 110 CP).
Se rend coupable de faux dans les titres au sens de l'art. 251 ch. 1 CP, celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelle d'autrui pour fabriquer un titre supposé, constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.
L'article 251 CP vise non seulement le faux matériel, qui consiste en la fabrication d'un titre faux ou la falsification d'un titre, mais également le faux intellectuel, soit la constatation d'un fait inexact, en ce sens que la déclaration contenue dans le titre ne correspond pas à la réalité. Constitue un faux matériel un titre dont l'auteur réel ne coïncide pas avec l'auteur apparent. Le faussaire crée un titre qui trompe sur l'identité de celui dont il émane en réalité (ATF 128 IV 265
c. 1.1.1 et les références citées). En principe, il importe peu que le nom utilisé soit connu, appartienne à un tiers, soit fictif, que le faussaire se soit déjà fait connaître, avant la signature du titre, sous son faux nom auprès de la partie adverse ou qu'il le signe en présence de cette dernière (ATF 134 IV 57, c. 5.1 ; G. Gribboh, StGB, Leipziger Kommentar, Grosskementar, 11
ème
éd., § 267 n. 163 et 165; P. Cramer, in A. Schönke/H., Shcröder, Strafgesetzbuch, Kommentar, 26
ème
éd., § 267 n. 49). Il est
également sans importance de savoir si le contenu d'un tel titre est mensonger ou non (ATF 123 IV 17 c. 2). Le Tribunal fédéral a conclu, suivant par là une partie de la doctrine, que les cas où l’identité de l’auteur du titre n’a absolument aucune importance pour les parties ne sauraient tomber sous le coup de la loi pénale (ATF 132 IV 57 c. 5.1.3). Dans un arrêt non publié, il a jugé que la signature apposée à un contrat ou à un titre semblable devait permettre de retrouver sans difficulté les parties en cause au cas où le document en question devait être administré comme moyen de preuve dans le cadre, par exemple, d’une poursuite pour dettes ou d’un procès civil. Il a par conséquent admis qu’il y a faux dans les titres dès qu’il y a tromperie sur le nom et que l’ignorance de l’identité véritable de l’auteur du titre empêche le cocontractant de faire valoir ses droits (TF 6S.193/1988 du 16 juin 1988). Il y a faux lorsqu’un débiteur signe une reconnaissance de dette sous un faux nom, le créancier étant entravé dans sa possibilité de faire valoir ses droits (ATF 132 IV 57 précité).
7.2
En l’occurrence, le premier juge a considéré qu’il était peu probable que la quittance ait été destinée et de nature à tromper l’acheteur, dès lors que, quand bien même l’intitulé de la quittance était fantaisiste, il permettait malgré tout d’identifier, ou à tout le moins de retrouver le prévenu (jgt., pp. 25 et 26).
Ce raisonnement n’est toutefois pas convaincant. En effet, le prévenu, qui affirme d’abord avoir voulu exclure ce document de sa comptabilité (dossier joint D, PV aud. 2, L. 218, p. 7 et L. 233, p. 8), puis ne pas se souvenir du motif de son geste (jgt., p. 8), n’est pas crédible. S’il ne voulait pas faire figurer ce revenu dans ses comptes, il lui suffisait de ne pas l’y mentionner, alors qu’il est plus difficile de justifier une quittance portant un nom qui n’a rien à voir avec le prévenu. Il est plus vraisemblable que le but de la manœuvre du prévenu était d’échapper à une éventuelle réclamation de l’acheteur insatisfait.
L’art. 251 CP n’exige par que le titre soit « de nature » à tromper, c'est-à-dire que la tromperie ne puisse pas être évitée, seulement qu’il soit « de nature » à prouver le fait qui est faux. Il ressort en l’espèce de la plainte de P._ que ce dernier a dû faire une véritable enquête à [...] pour découvrir l’identité de son vendeur qui s’était présenté sous le nom d’[...] (dossier joint D, P. 7, p. 2).
La quittance a pour but de prouver la réalité du paiement ; l’auteur atteste avoir reçu une somme d’argent et celui qu a payé peut s’en servir dans une procédure civile, s’il a des raisons de réclamer un remboursement.
Dans le cas d’espèce, le faux nom porté sur la quittance litigieuse empêchait le plaignant de faire valoir ses droits.
Au vu de ce qui précède, les conditions d’application de l’art. 251 CP sont réalisées et Q._ doit être reconnu coupable de faux dans les titres.
8.
Vu l’admission du grief précité, la Cours de céans doit refixer la peine.
8.1.1
Aux termes de l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
L’art. 48 CP dispose notamment que le juge atténue la peine si l’intérêt à punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l’infraction et que l’auteur s’est bien comporté dans l’intervalle (let. e).
8.1.2
Conformément à l’art. 49 CP, si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (al. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (al. 2).
En cas de concours rétrospectif partiel, soit lorsque, parmi plusieurs infractions à juger, l’une au moins a été commise avant d’autres jugées précédemment (art. 49 al. 2 CP), il faut déterminer d’abord celle pour laquelle la loi prévoit la peine la plus grave. Lorsque l’infraction la plus grave est celle à juger qui a été commise avant le premier jugement, une peine complémentaire (hypothétique) au premier jugement doit être fixée et sa durée augmentée pour tenir compte des actes commis après ce premier jugement. L’élément de la peine d’ensemble relatif à l’acte en concours rétrospectif sera déterminé comme une peine additionnelle à celle déjà prononcée. Cette méthode permet d’appliquer l’art. 49 al. 1 CP sans négliger l’art. 49 al. 2 CP. Sur le plan formel, la sanction est toujours une peine d’ensemble mais, sur celui de sa quotité, il est tenu compte du concours rétrospectif (ATF
116 IV 14 c. 2b et les références citées; ces principes développés sous l’ancien droit demeurent applicables après l’entrée en vigueur de la nouvelle partie générale du Code pénal : TF 6B_28/2008 du 10 avril 2008 c. 3.3.2).
8.2
En l’espèce, outre les infractions retenues par le tribunal de première instance, Q._ doit être reconnu coupable de faux dans les titres.
La culpabilité de Q._ est importante. A charge, il y a lieu de retenir qu’il n’hésite pas à tromper ou voler tous ses partenaires en affaires dans un but de lucre. Le prévenu a déjà été condamné à cinq reprises pour des infractions contre le patrimoine. Ces antécédents démontrent sa malhonnêteté fondamentale et son absence de scrupules en affaires. Il a commis plusieurs faux et est allé en prison pour cela, ce qui ne l’a pas empêché de recommencer. Retors et fuyant, il n’a admis les faits que lorsque ceux-ci ne pouvaient plus être contestés. Il n’a présenté aucune excuse, démontrant son absence de remords. Enfin, les infractions sont en concours.
A décharge, il convient de tenir compte du fait que le vol du camion et l’escroquerie sont relativement anciens, bien qu’il n’y ai pas véritablement de circonstance atténuante au sens de l’art. 48 let. e CP, le délai de prescription étant encore loin d’être échu. On tiendra également compte du fait que Q._ a proposé, bien que tardivement, ses services à O._ en guise de dédommagement sans pour autant reconnaître de dette chiffrée, alors même qu’il a admis les faits. Enfin, s’il est exact que l’appelant s’est dit « désolé de ce qui est arrivé » (jgt., p. 9) et non pas de ce qu’il a fait, s’agissant de son ivresse au volant, l’examen du dossier ne permet pas de constater qu’il aurait présenté des excuses aux victimes ou exprimé des regrets s’agissant du tort qu’il leur avait causé.
La peine est partiellement complémentaire à la peine de deux mois prononcée en 2007 et celle de six mois prononcée en 2008 : le vol et l’escroquerie sont antérieurs à ces antécédents, tandis que le faux dans les titres, l’infraction à la LEtr et celle à la LCR sont postérieurs.
Au vu de la culpabilité du prévenu, de ses antécédents et de sa situation personnelle, c’est une peine privative de liberté de neuf mois qui doit être prononcée à son encontre. La durée de la peine est compatible avec le régime de la semi-liberté, de sorte que le prévenu pourra continuer à travailler.
9.
Le prévenu soutient que la peine prononcée doit être assortie du sursis.
9.1
Conformément à l’art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits
(al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit
qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement
(ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude
(TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
La présomption d’un pronostic favorable, respectivement du défaut d’un pronostic défavorable, ne s’applique en revanche plus si - durant les cinq ans qui précèdent l’infraction - le prévenu a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins. L’octroi du sursis n’entrera donc en considération que si, malgré l’infraction commise, on peut raisonnablement supposer, à l’issue de l’appréciation de l’ensemble des facteurs déterminants, que le condamné s’amendera (ATF 134 IV 1 c. 4.2.3).
9.2
En l’espèce, le sursis paraît objectivement exclu, l’appelant ayant été condamné à six mois de prison en 2008. Quoi qu’il en soit, il est subjectivement exclu. En effet, l’attitude adoptée par l’appelant et ses multiples condamnations, toutes pour des atteintes contre le patrimoine, dénotent une absence de prise conscience de la gravité des faits qui lui sont reprochés. Partant, le pronostic est clairement défavorable et seule une condamnation ferme sera à même de dissuader l’appelant de commettre de nouvelles infractions.
10.
En définitive, l’appel de Q._ est intégralement rejeté. L’appel joint du Ministère public est partiellement admis en ce sens que Q._ est condamné à une peine privative de liberté de neuf mois, pour vol, escroquerie, faux dans les titres, infraction à la loi fédérale sur les étrangers et conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduire. Le jugement rendu le 13 août 2013 par le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte est modifié dans le sens des considérants.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel par 2’790 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), seront mis par quatre cinquièmes, soit 2'232 fr., à la charge du prévenu, qui a conclu au rejet de l’appel joint du Ministère public, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7fd340a8-9b9d-4b6f-8bf9-0efa046d961d | En fait :
A.
Par jugement du 30 mai 2013, le Tribunal de police de l'arrondissement de l’Est vaudois a constaté qu’N._ s'est rendu coupable de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de six mois (II), a donné acte à C._ et à D._ de leurs réserves civiles à l’encontre d’N._ (III), a pris acte de l’acquiescement d’N._ aux conclusions civiles prises par J._ à hauteur de 8'500 fr., avec intérêt à 5 % l’an dès le 15 novembre 2010, et par V._ à hauteur de 5'851 fr. 60, avec intérêt à 5 % l’an dès le 8 mai 2011 (IV), a mis les frais de la cause, arrêtés à 3'466 fr., à la charge d’N._, incluant l’indemnité de son conseil d’office, par 1'566 fr., TVA et débours compris (V), et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité du conseil d’office, Me Venturelli, ne sera exigé que si la situation financière d’N._ le permet (VI).
B.
Le 3 juin 2013, N._ a annoncé faire appel de ce jugement. Le 1
er
juillet 2013, il a déposé une déclaration d'appel motivée à l’encontre de ce jugement. Il a conclu, sous suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est condamné à une peine de travail d’intérêt général de 480 heures.
Le 29 juillet 2013, le Ministère public a fait savoir qu’il renonçait à comparaître à l’audience d’appel ainsi qu’à déposer des conclusions motivées (P. 44).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu N._, né en 1944, marié, travaille depuis près de quarante ans comme courtier spécialisé dans la remise d’établissements publics. Il a continué d’exercer cette activité après avoir atteint l’âge de la retraite. Il perçoit une rente AVS, qui s’élevait à un montant mensuel de 1'991 fr. en 2012, avant d’être portée à 2'010 fr. depuis le 1
er
janvier 2013. Son épouse est artiste peintre. Elle ne parvient pas à vivre de son art et n’a pas encore atteint l’age de la retraite. Les primes d’assurance-maladie des époux sont entièrement subsidiées. Leurs charges fiscales ne sont pas payées. Le prévenu dispose d’une voiture de location qui lui coûte 900 fr par mois, benzine non comprise. Il utilise ce véhicule en particulier pour l’exercice de sa profession.
Le casier judiciaire du prévenu mentionne les condamnations suivantes :
- une peine de deux mois d’emprisonnement, avec sursis pendant deux ans, peine complémentaire à un jugement du 7 avril 2000, prononcée le 14 octobre 2002 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal pour abus de confiance et détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice;
- une peine de cinq mois d’emprisonnement, avec sursis pendant cinq ans, peine partiellement complémentaire à l’arrêt du 14 octobre 2002, prononcée le 28 août 2004 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne pour abus de confiance et détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice;
- une peine de deux mois d’emprisonnement, avec sursis pendant trois ans, prononcée le 27 octobre 2005 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne pour soustraction d’objets mis sous main de justice, sursis révoqué le 30 avril 2007;
- une peine pécuniaire de 150 jours-amende à 50 fr. le jour, peine d’ensemble avec le jugement du 27 octobre 2005, prononcée le 30 avril 2007 par le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne pour soustraction d’objets mis sous main de justice;
- une peine de 600 heures de travail d’intérêt général prononcée par arrêt rendu 5 juillet 2011 par la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal (73/2011) pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice;
- une peine de 480 heures de travail d’intérêt général prononcée le 27 novembre 2012 par le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois pour abus de confiance.
Une inscription aujourd’hui radiée mentionne en outre une peine de trois jours d’emprisonnement, avec sursis pendant deux ans, prononcée le 7 avril 2000 par le Tribunal de l’arrondissement de Lausanne pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice. Depuis le printemps 2013, deux nouvelles enquêtes pénales sont pendantes contre le prévenu pour cette même infraction.
Actuellement, le prévenu exécute la peine de 600 heures de travail d’intérêt général prononcée le 5 juillet 2011 par la Cour d’appel pénale. A ce titre, il travaille tous les jeudis et samedis matins, de 8 h à 12 h, dans les cuisines de l’Hôpital de la Providence, à Vevey. Il a donné son accord à une peine de même genre dans la présente procédure.
1.2 N._ a été déféré selon acte d’accusation du Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois du 15 avril 2013. Il lui est reproché de ne pas avoir obtempéré dans quelque mesure que ce soit à une saisie de gains en main propre de 1'400 fr. par mois, à laquelle il était astreint en faveur des créanciers de diverses séries par décision de l’Office des poursuites du district de Lavaux-Oron, alors même que ses ressources lui auraient permis de désintéresser ses créanciers au moins partiellement.
Le débiteur a ainsi, du 27 janvier au 7 mai 2011, distrait un montant de 3'725 fr. 80 au préjudice des créanciers de la série n° 36, selon le procès-verbal de distraction de biens saisis établi à cette occasion (dossier joint E, P. 5/2/6). Dans les mêmes circonstances, en relation avec la même saisie, du 8 mai au 30 septembre 2011, il a distrait un montant de 5'851 fr. 60 au préjudice des créanciers de la série n° 37 (dossier joint D, P. 5). Il a fait de même, du 1
er
octobre 2011 au 3 janvier 2012, en distrayant un montant de 4'335 fr. 50 au préjudice des créanciers de la série n° 38 (dossier joint B, P. 4/2), puis, du 4 janvier au 16 février 2012, en distrayant un montant de 2'036 fr. 95 au préjudice des créanciers de la série n° 39 (dossier joint C, P. 6/2) et, enfin, du 17 février au 30 mars 2012, en distrayant un montant de 1'982 fr. 45 au préjudice des créanciers de la série n° 40 (dossier principal, P. 4/4).
Or, alors qu’il comparaissait devant le Tribunal de police de l'arrondissement de l’Est vaudois le 27 novembre 2012, le prévenu a pu verser 5'000 fr. à un plaignant qui l’avait dénoncé pour abus de confiance. Il a également pris des engagements pour rembourser sa dette envers ce dernier, en s’obligeant à verser en mains de l’Office des poursuites du district de Lausanne un montant mensuel de 1'000 fr. du 1
er
janvier au 1
er
mai 2013, puis de 500 fr. du 1
er
juin 2013 au 1
er
mars 2014 (jugement du 27 novembre 2012 du Tribunal de police de l'arrondissement de l’Est vaudois, p. 8, sous P. 12). Il ressort en outre du dossier que le prévenu a effectué quelques paiements en faveur de ses créanciers. Il a ainsi procédé à quatre versements de 300 fr. chacun, à un versement de 134 fr. et à un versement de 766 fr., entre le 23 février 2011 et le 13 mars 2012, en mains de l’Office des poursuites du district de Lavaux-Oron (P. 10). En outre, ainsi qu’en fait foi l’une des pièces produites à l’audience d’appel, il a par la suite effectué divers autres versements au crédit de l’office des poursuites, ce à hauteur de 800 fr. et de 200 fr. le 23 juillet 2013, puis de 150 fr. et de 296 fr. 90 le 31 juillet suivant (P. 45/1).
1.3 Tant en cours d’enquête qu’aux débats des deux instances, N._ a prétendu qu’il ne disposait pas de ressources financières suffisantes pour obtempérer à la saisie de gains en mains propres ordonnée par l’office des poursuites. Il a dit souhaiter continuer à travailler pour, notamment, rembourser ses dettes. Il a ajouté qu’il ignorait les voies de droit de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite qui lui auraient permis de contester le montant des saisies.
2. Appréciant les faits de la cause, le tribunal de police a d’abord constaté que le prévenu n’avait pas contesté les calculs de l’office des poursuites relatifs à la saisie de gains et, surtout, au revenu déterminant (quotité insaisissable), tenus pour valides; notamment, le débiteur n’avait pas agi en déposant des plaintes au sens de l’art. 17 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite. Le premier juge a estimé que le prévenu était mal venu d’exciper de son ignorance de ces voies légales alors même qu’il était, depuis l’an 2000, l’objet d’enquêtes pénales et de jugements pénaux pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice. Le tribunal de police a ensuite estimé que le prévenu n’avait fait aucune démarche pour diminuer ses charges, par exemple trouver un logement meilleur marché ou renoncer à utiliser son véhicule, dès lors qu’il pourrait parfaitement se déplacer en transports publics ou louer occasionnellement un véhicule via le système Mobilis proposé par les CFF; qui plus est, l’intéressé continuait à dépenser des sommes importantes pour des repas pris à l’extérieur alors même qu’il rencontrait ses clients aux heures creuses et non aux heures de repas. Sur la base de ces éléments d’appréciation, le tribunal de police a estimé que le prévenu était en mesure de satisfaire, au moins partiellement dans une plus large mesure, aux saisies dirigées contre lui et qu’il avait donc sciemment renoncé à payer des montants qu’il devait, acceptant ce faisant de causer un préjudice à ses créanciers. Les éléments constitutifs de l’infraction de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice ont ainsi été tenus pour réalisés.
Pour ce qui est de la culpabilité du prévenu, le tribunal de police a estimé qu’elle n’était pas négligeable, vu les lourds antécédents de l’auteur (y compris la condamnation radiée) et la gravité des atteintes récurrentes portées aux intérêts patrimoniaux de ses créanciers. Quant au genre de la peine, le premier juge a considéré qu’une peine pécuniaire n’entrait pas en ligne de compte vu l’attitude du débiteur, qui persiste même à ne pas s’acquitter de ses dettes fiscales. Pour ce qui est de la peine de travail d’intérêt général, le tribunal de police a constaté que les deux peines de ce type prononcées en 2011 et en 2012 n’avaient pas eu l’effet attendu, dès lors que le prévenu était sous le coup de deux nouvelles enquêtes pénales précisément pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice. A cela s’ajoutait que l’intéressé refusait de réduire ses charges et n’avait entamé aucune démarche pour désintéresser ses créanciers. Dès lors, toujours de l’avis du premier juge, le prévenu n’avait pas pris conscience de la gravité de ses actes et les sanctions prononcées à son encontre n’avaient pas eu l’effet d’amendement escompté. Une peine privative de liberté a donc été prononcée au détriment d’une peine de travail d’intérêt général.
Pour ce qui est du sursis, le pronostic a été tenu pour clairement défavorable. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant ne conteste pas, à juste titre, que les éléments constitutifs de l’infraction de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, réprimée par l’art. 169 CP, sont réalisés en l’espèce. Il conteste la quotité et le genre de la peine.
3.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (
objektive Tatkomponente
); du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (
subjektive Tatkomponente
). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (
Täterkomponente
), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 129 IV 6 c. 6.1 p. 20, TF 6B_271/2011 du 31 mai 2011 c. 2.2.2, TF 6B_722/2010 du 17 février 2011 c. 1.2.2).
3.2
A charge, il doit d’abord, en l’espèce, être retenu que les antécédents du prévenu (y compris l’inscription radiée, qui doit également être prise en compte; cf. ATF 121 IV 3 c. 1c/dd) sont nombreux et portent tous sur des infractions de même type; il y a donc récidive spéciale. A cela s’ajoute que le débiteur assure de longue date son train de vie au détriment de ses créanciers, mode de vie qu’il refuse de remettre en cause. Ce ne sont pas les quatre versements pour un total de 1'446 fr. 90 effectués au crédit de l’office des poursuites les 23 et 31 juillet 2013, soit dans le mois ayant suivi le dépôt de la déclaration d’appel et, surtout, quelque jours seulement après la notification de la citation à comparaître à l’audience d’appel (datée du 15 juillet 2013), qui sont de nature à convaincre la cour du contraire. Il en va de même de sa déclaration selon laquelle il caresse le projet d’acquérir un véhicule d’occasion lorsque la location de son automobile aura pris fin, le contrat ayant été dénoncé pour le mois de novembre prochain. Cette mesure d’économie à long terme implique tout de même un investissement de départ. De plus, l’intéressé n’a nullement abordé ses charges de logement, également excessives. En d’autres termes, c’est de manière récurrente que le débiteur s’obstine à s’octroyer, au détriment de ses créanciers, un niveau de vie supérieur à la quotité insaisissable fixée par l’office de poursuites. Ce comportement témoigne d’une volonté délictuelle inébranlable. Pour le reste, c’est à tort que l’appelant fait valoir que les nouvelles enquêtes ouvertes contre lui ont été retenues à charge par le premier juge pour la fixation de la
quotité
de la peine (cf. jugement, c. 6, p. 13, dont le silence est qualifié); elles ne l’ont été que pour déterminer le
genre
de la sanction, comme on le verra plus en détail au considérant ci-dessous. Il doit cependant lui être donné acte de ce que cet élément ne saurait contribuer à l’évaluation de la culpabilité, sauf à contrevenir à la présomption d’innocence.
Cela étant, il n’en reste pas moins que le premier juge n’a pas suffisamment tenu compte de certains facteurs à décharge. En effet, outre le fait, mentionné par le jugement, que le débiteur a effectué quelques paiements au profit de ses créanciers avant le dépôt de l’acte d’accusation, soit les versements mentionnés par l’office des poursuites sous P. 10, précitée, pour un total de 2'100 fr. sur une durée d’un peu plus d’un an, il doit être ajouté que son intégration sociale est bonne, ce au bénéfice d’une longue carrière professionnelle, que le prévenu a le mérite de travailler au-delà de l’âge de l’AVS plutôt que de demander l’assistance des services sociaux dans l’espoir de pouvoir, un jour, gagner plus et rembourser ses dettes et qu’il exécute irréprochablement sa première peine de travail d’intérêt général. Ces éléments à décharge sont de nature à réduire la quotité de la peine dans une certaine mesure.
Tout bien pesé, c’est donc une peine d’une quotité de quatre mois qui apparaît adéquate pour réprimer l’infraction ici en cause. L’appel doit donc être admis partiellement dans cette mesure.
4.
4.1
D’après l’art. 37 al. 1 CP, à la place d'une peine privative de liberté de moins de six mois ou d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus, le juge peut ordonner, avec l'accord de l'auteur, un travail d'intérêt général de 720 heures au plus.
Selon l’art. 39 al. 3 CP, une peine privative de liberté ne peut être ordonnée que s'il y a lieu d'admettre qu'une peine pécuniaire ne peut être exécutée.
Aux termes de l'art. 41 al. 1 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire, ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés.
Le juge doit motiver le choix de la courte peine privative de liberté ferme de manière circonstanciée (art. 41 al. 2 CP). Il ne lui suffit pas d'expliquer pourquoi une peine privative de liberté ferme semble adéquate, mais il devra également mentionner clairement en quoi les conditions du sursis ne sont pas réunies, en quoi il y a lieu d'admettre que la peine pécuniaire ne paraît pas exécutable et en quoi un travail d'intérêt général ne semble pas non plus exécutable (
ATF 134 IV 60
c. 8.4 p. 80; TF arrêt 6B_599/2011 du 16 mars 2012 c. 3.1
in fine
et les références citées).
Il s’agit ainsi de déterminer si les conditions du sursis sont réunies, ce point étant déterminant au regard de l'art. 41 al. 1 CP. Cette question doit être tranchée selon les critères posés par l'art. 42 CP (à cet égard, cf. ATF 135 IV 180 c. 2.1).
4.2
En l’espèce, il est incontesté que la situation financière du prévenu rend illusoire toute peine pécuniaire, ce que l’intéressé admet du reste expressément (déclaration d’appel, p. 2, ch. 1, 3
e
par.). En outre, la quotité de la peine autorise le travail d’intérêt général (cf. l’art. 37 al. 1 CP, précité), étant rappelé que l’appelant à donné son accord à une telle peine.
La question déterminante pour le genre de la peine est celle du pronostic. Outre les motifs déjà exposés dans le cadre de la fixation de la quotité de la peine, la cour retient en particulier que le prévenu est en état de récidive et que les peines antérieures ont été vaines, tout comme l’ont été en particulier les admonestations déjà adressées à l’appelant lors de l’audience de la cour de céans du 5 juillet 2011. Le prévenu reste ainsi sourd à toutes les peines prononcées à son encontre; son comportement, tendant à porter atteinte de manière quasi-systématique aux droits de ses créanciers, témoigne de son manque d’amendement. Le débiteur est ainsi incapable de remettre fondamentalement en question sa profession et ses charges. Il ne prétend même pas vouloir le faire.
Cela étant, comme le plaide l’appelant, il n’y a toutefois pas lieu de tenir compte des enquêtes pendantes contre lui pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, sauf à contrevenir au principe général de la présomption d’innocence. Ce qui est déterminant sous l’angle de l'art. 41 al. 1 CP, c’est bien plutôt l’attitude obstinée et peu réaliste du prévenu à l’égard de ses créanciers, ce depuis des années, ainsi que le préjudice économique causé de la sorte à ceux-ci. Ces facteurs sont de fort mauvais pronostic. Il apparaît ainsi qu’une nouvelle peine de travail d’intérêt général n’est pas de nature à détourner l'auteur d'autres délits.
Pour le reste, l’âge du prévenu (69 ans), même relativement avancé, n’est pas un élément en défaveur de la peine privative de liberté. Il apparaît bien plutôt qu’une nouvelle peine de travail d’intérêt général n’apparaît de toute manière guère exécutable, s’agissant d’un homme de cet âge qui doit déjà en purger deux autres, pour une quotité totale de pas moins de 1'080 heures, ce à quoi il est astreint à raison de huit heures par semaine seulement. L’exécution d’une peine supplémentaire de 480 heures de travail d’intérêt général ne pourrait ainsi qu’être reportée au-delà de tout délai raisonnable.
Au vu de ce qui précède, l’impératif de prévention spéciale impose donc une peine privative de liberté plutôt qu’une peine de travail d’intérêt général.
La peine prononcée ne peut qu’être ferme. Le pronostic est manifestement défavorable, ce que l’appelant, qui n’a pas conclu à l’octroi d’un sursis, ne conteste pas.
5.
Vu l'issue de l’appel, la condamnation du prévenu à une peine privative de liberté étant confirmée dans son principe mais réduite dans sa quotité, les frais de la procédure d'appel doivent être mis par moitié à la charge du prévenu, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP).
Outre l'émolument, les frais d’appel comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office du prévenu, pour les opérations liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP).
Vu l'ampleur et la complexité de la cause en appel, l'indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu doit être fixée sur la base d'une durée d'activité de six heures pour l’avocate-stagiaire, à 110 fr. l’heure, ainsi que d’une heure pour l’avocat breveté, à 180 fr. l'heure, plus 50 fr. de débours, et TVA (art. 135 al. 1 CPP), à hauteur de 961 fr. 20.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat la moitié du montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
7fd972fc-201c-4ca6-a3ae-ad9044f17cb0 | En fait :
A.
Par ordonnance pénale du 21 novembre 2011, le Préfet du district de la Riviera-Pays-d'Enhaut a constaté que W._ s'est rendu coupable de violation simple des règles de la circulation routière (I), l'a condamné à une amende de 900 fr. (II), dit qu'à défaut de paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 9 jours (III) et mis les frais, par 50 fr., à sa charge (IV).
Par acte du 2 décembre 2011, W._ a formé opposition contre cette ordonnance, exposant qu'il était titulaire d'un permis de conduire, qu'il se rendait au garage pour changer ses pneus et que son véhicule était autorisé à circuler en Suisse.
B.
Par ordonnance pénale du 23 janvier 2012, le Préfet du district de la Riviera-Pays-d'Enhaut a constaté que W._ s'est rendu coupable de violation simple des règles de la circulation routière (I), l'a condamné à une amende de 500 fr. (II), dit qu'à défaut de paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 5 jours (III) et mis les frais, par 100 fr., à sa charge.
C.
Il ressort de l'ordonnance pénale du 23 janvier 2012 et du rapport de police du 22 octobre 2011 que W._ a été contrôlé au volant de son véhicule, dont les pneus étaient lisses. Il n'a pas pu présenter son permis de conduire. Il a expliqué être titulaire d'un permis de conduire pour la catégorie B depuis le 21 mars 2006, mais que ce document avait été égaré. Il roulait avec ce véhicule en Suisse depuis le 12 août 2011, sans l'avoir fait immatriculer et sans avoir conclu une assurance RC. Le prévenu a en outre reconnu que les quatre pneus de sa voiture étaient lisses.
Lors de l'audience du 23 janvier 2012 devant le Préfet, le prévenu a précisé n'avoir toujours pas reçu son permis de conduire géorgien et reconnu avoir roulé avec des pneus usagés, précisant qu'il se rendait au garage pour les remplacer.
Dans son ordonnance du 23 janvier 2012, le Préfet a considéré que le prévenu avait circulé au volant du véhicule [...] sans être porteur d'un permis de conduire national ou international et que ses pneus ne présentaient plus un profil d'au moins 1,6 mm sur toute la surface de la bande de roulement. Il a ainsi retenu que le prévenu avait violé les art. 10 al. 2 LCR (Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière, RS 741.01) (conduite sans être titulaire d'un permis de conduire), 29 LCR (véhicule ne donnant pas les garanties de sécurité) et 58 al. 4 OETV (Ordonnance du 19 juin 1995 concernant les exigences techniques requises pour les véhicules routiers, RS 741.41) (profil des pneus insuffisant) et qu'il s'était rendu ainsi coupable de conduite d'un véhicule qui ne répondait pas aux prescriptions (art. 93 al. 2 LCR) et de conduite d'un véhicule automobile sans être titulaire du permis de conduire requis (95 al. 1 LCR).
D.
Par acte du 20 mars 2012, W._ a déposé une demande de révision. Il soutient, pièce à l'appui, être titulaire d'un permis de conduire géorgien depuis le 5 décembre 2007 pour les véhicules des catégories B et C et qu'il n'a reçu ce permis, en provenance de Géorgie, qu'après l'ordonnance pénale du 23 janvier 2012. Il fait également valoir, s'agissant du chef de prévention de conduite d'un véhicule ne répondant pas aux prescriptions, qu'il se rendait justement au garage le jour des faits afin d'y faire remplacer les pneus de son véhicule. Il conclut dès lors à sa libération de ces chefs d'accusation. Subsidiairement, il soutient que, si l'infraction relative aux pneus était quand même retenue, il doit être condamné à une amende très faible en raison de sa situation financière très précaire, alléguant qu'il ne reçoit qu'un montant de 437 fr. 10 par mois de l'EVAM et que sa faute est minime. Enfin, il considère que pour des motifs d'opportunité la cause devrait de toute façon être classée. Il requiert en outre une indemnité pour l'exercice de se droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).
Invité à se déterminer, le Procureur du Ministère public central, division affaires spéciales, contrôle et mineurs a conclu à l'admission de la demande de révision, dans la mesure où elle est recevable, à l'annulation de l'ordonnance pénale rendue contre le prévenu le 23 janvier 2012, à la condamnation de ce dernier pour conduite d'un véhicule ne répondant pas aux prescriptions et non port du permis de conduire, à une amende de 400 fr., convertible en 4 jours de peine privative de liberté à défaut de paiement et à la mise de l'entier des frais de procédure à la charge de l'intéressé.
Par courrier du 11 avril 2012, le requérant s'est à nouveau déterminé et a indiqué que, contrairement à ce que soutenait le Ministère public, il ne devait pas être reconnu coupable de non port du permis de conduire, étant donné qu'il avait perdu son permis de conduire avant le 18 octobre 2011 et qu'il ne savait pas qu'il devait annoncer la perte de son permis de conduire auprès d'un poste de police. S'agissant du chef de prévention relatif à la conduite d'un véhicule ne répondant pas aux prescriptions, il s'est référé à son acte du 20 mars 2012. | En droit :
1.
La requête de révision a été déposée le 20 mars 2012 contre une ordonnance pénale rendue en janvier de la même année. Partant, c’est le Code de procédure pénale entré en vigueur le 1
er
janvier 2011 qui s’applique tant à la procédure qu’aux motifs de la révision (TF 6B_310/2011 du 20 juin 2011 c. 1.1).
2.
2.1.
L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné. Cette disposition reprend la double exigence posée par l'art. 385 CP selon laquelle les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être nouveaux et sérieux (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1303; TF 6B_683/2011 du 21 novembre 2011 c. 4.2).
Les faits ou moyens de preuve sont nouveaux lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Ils sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (TF 6B_310/2011 du 20 juin 2011 c. 1.2; ATF 130 IV 72 c. 1).
2.2.
Une demande de révision dirigée contre une ordonnance pénale doit être qualifiée d'abusive si elle repose sur des faits que le condamné connaissait initialement, qu'il n'avait aucune raison légitime de taire et qu'il aurait pu révéler dans une procédure ordinaire mise en oeuvre par une simple opposition. En revanche, une révision peut entrer en considération à l'égard d'une ordonnance pénale pour des faits et des moyens de preuve importants que le condamné ne connaissait pas au moment du prononcé de l'ordonnance ou dont il ne pouvait pas se prévaloir ou n'avait pas de raisons de se prévaloir à cette époque (ATF 130 IV 72 c. 2.3).
2.3.
En l'espèce, dans son audition devant le Préfet, W._ a bien indiqué qu'il était titulaire d'un permis de conduire géorgien, mais qu'il ne l'avait toujours pas reçu. Le fait que le prévenu est titulaire d'un permis de conduire n'est dès lors pas nouveau, mais la preuve est nouvelle au sens de l'art. 410 al. 1 let. a CPP. La demande de révision en ce qu'elle concerne la détention du permis de conduire est donc recevable.
S'agissant du chef de prévention relatif à la conduite d'un véhicule ne répondant pas aux prescriptions, le requérant conteste sa condamnation, alléguant qu'il se rendait justement au garage le jour des faits afin d'y faire remplacer les pneus de son véhicule. Il ne s'agit pas d'un élément de fait inconnu au sens de l'art. 410 al. 1 let. a CPP, lequel serait nouvellement parvenu à la connaissance du requérant. Partant, ce moyen est irrecevable.
3.
3.1.
En vertu de l'art. 413 al. 2 let. b CPP, si la juridiction d’appel constate que les motifs de révision sont fondés, elle annule partiellement ou entièrement la décision attaquée; de plus elle rend elle-même une nouvelle décision si l’état du dossier le permet.
3.2.
En l'espèce, le prévenu a été contrôlé le 18 octobre 2011 au volant de son véhicule, dont les pneus ne présentait plus un profil d'au moins 1,6 mm sur toute la surface de la bande de roulement. Il n'a en outre pas pu présenter son permis de conduire, expliquant être titulaire d'un permis de conduire géorgien mais l'avoir égaré. Par courrier du 11 avril 2012, le requérant a indiqué que, contrairement à ce que soutenait le Ministère public, il ne devait pas être reconnu coupable de non port du permis de conduire étant donné qu'il avait perdu son permis de conduire avant le 18 octobre 2011 et qu'il ne savait pas qu'il devait annoncer la perte de son permis de conduire auprès d'un poste de police.
Le permis de conduire produit par W._ est un moyen de preuve nouveau et de nature à motiver l'acquittement de ce dernier s'agissant du chef d'accusation de circulation sans permis de conduire au sens de l'art. 95 ch. 1 al. 1 LCR. La demande de révision doit donc être admise sur ce point et le prévenu libéré de cette infraction.
Toutefois, il n'en demeure pas moins que le requérant n'était pas porteur de son permis de conduire géorgien, respectivement d'un duplicata de celui-ci lorsqu'il a été interpellé par la police le 18 octobre 2011. Il doit dès lors être reconnu coupable de non port du permis de conduire au sens de l'art. 99 ch. 3 LCR (Jeanneret, Les dispositions pénales de la Loi sur la circulation routière, Berne 2007, n. 40 ad art. 99 LCR, p. 451). L'argument du requérant selon lequel il ne savait pas qu'il devait annoncer la perte de son permis de conduire, ce qui prouverait sa bonne foi, est manifestement mal fondé, voire à la limite de la témérité.
S'agissant de la condamnation du requérant pour conduite d'un véhicule ne répondant pas aux prescriptions (art. 93 ch. 2 al. 1 LCR), le requérant tente également de la remettre en cause, alléguant qu'il se rendait dans un garage pour faire changer les pneus de son véhicule le jour des faits. Ainsi que mentionné plus haut, ce moyen est irrecevable dans le cadre de la procédure de révision. Par surabondance, ce moyen est mal fondé dès lors qu'il roulait depuis plusieurs mois avec quatre pneus lisses.
3.3.
S'agissant de la nouvelle peine à prononcer à l'encontre de W._, l'art. 99 ch. 3 LCR prévoit que le conducteur qui n’aura pas été porteur des permis ou des autorisations nécessaires sera puni d’une amende. Selon l'art. 100.1 de l'annexe 1 de l'OAO (Ordonnance du 4 mars 1996 sur les amendes d'ordre, RS 741.031), le fait de ne pas être porteur du permis de conduire est sanctionné d'une amende d'ordre de 20 francs.
En vertu de l'art. 93 ch. 2 al. 1 LCR, celui qui aura conduit un véhicule dont il savait ou devait savoir en prêtant toute l’attention commandée par les circonstances qu’il ne répondait pas aux prescriptions, sera puni de l’amende. L'art. 58 al. 4 OETV énonce que la toile des pneumatiques ne doit être ni abîmée ni apparente. Les pneumatiques doivent présenter un profil d’au moins 1,6 mm sur toute la surface de la bande de roulement. L'art. 402.1 de l'annexe 1 de l'OAO prévoit que de conduire un véhicule automobile dont un pneu est dans un état insuffisant au sens de l'art. 58 al. 4 OETV est sanctionné par une amende d'ordre de 100 francs.
En vertu de l'art. 3a LAO (Loi du 24 juin 1970 sur les amendes d’ordre, RS 741.03), lorsqu’une personne commet une ou plusieurs infractions réprimées par des amendes d’ordre, celles-ci sont cumulées pour constituer une amende globale. Le Conseil fédéral règle les exceptions. Aux termes de l'art. 2 OAO, lorsqu’une personne commet une infraction réprimée par plusieurs amendes d’ordre, celles-ci sont cumulées pour constituer une amende globale, sauf si ladite personne commet en outre, lors du stationnement ou de l’arrêt de son véhicule automobile à un endroit où l’arrêt est interdit, une autre contravention touchant les véhicules à l’arrêt selon l’annexe 1, chap. 2 (let. a), est responsable des faits, tant en qualité de détenteur que de conducteur du véhicule selon l’annexe 1, chap. 4 et 5 (let. b), ou enfreint deux ou plusieurs règles générales de la circulation, signaux ou marques routières visant le même effet protecteur (let. c).
En l'espèce, il y a bien eu concours d'infractions au sens de l'art. 3a LAO et aucune des exceptions prévues à l'art. 2 OAO n'est réalisée. Partant, et au vu des dispositions précitées, une amende de 400 fr. est adéquate pour sanctionner le comportement du requérant qui a roulé avec quatre pneus ne présentant pas un profil d'au moins 1,6 mm sur toute la surface de la bande de roulement et sans être porteur de son permis de conduire. Par ailleurs, les frais de première instance mis à la charge du requérant, par 100 fr., sont justifiés et peuvent être confirmés.
4.
Le requérant requiert qu'aucun frais ne soient mis à sa charge au motif que ses revenus sont modestes, demandant implicitement qu'il soit fait application de l'art. 425 CPP.
4.1.
L'art. 425 CPP dispose que l'autorité pénale peut accorder un sursis pour le paiement des frais de procédure. Elle peut réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la personne astreinte à les payer.
S'il appartient à l'autorité d'exécution de fixer les modalités de paiement des frais sur demande de la personne astreinte à s'en acquitter (par exemple en fixant des acomptes mensuels en fonction des revenus du débiteur), la décision de réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la partie concernée appartient en premier lieu à l'autorité de jugement en vertu de l'art. 425 CPP (Chapuis, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 1 ad art. 425 CPP; Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2011, n. 2 ad. 425 CPP). Le CPP impose au juge de se poser la question de l’incidence de la mise à la charge du condamné des frais sur sa réinsertion sociale et également du rôle des frais par rapport à la peine, ceux-ci ne devant pas être perçus comme une peine déguisée (Basler Kommentar, op. cit., n. 3 ad. 425 CPP; Schmid, Handbuch des Schweizerischen Strafprozessrechts, Zürich 2009, n. 1781 p. 815). Pour fixer le montant des émoluments ainsi que des débours, l’autorité peut prendre en compte la situation financière de la personne astreinte à les payer (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1310). Cette disposition ne limite toutefois pas les possibilités de réduction ou de remise au seul motif de la situation financière de la personne astreinte au paiement. C'est la situation de la personne en général (personnelle, familiale, comme procédurale) qui peut être à l'origine d'une telle décision de l'autorité de jugement (Chapuis, op. cit., n. 3 ad. art. 425 CPP).
4.2.
En l'espèce, le requérant a produit une décision de l'EVAM du 14 juillet 2011 qui lui octroie l'aide d'urgence sous la forme d'une aide financière de 437 fr. 10 par mois, couvrant son alimentation et ses vêtements, ainsi que sous forme d'aide en nature s'agissant d'un abonnement de transport public, de l'hébergement et des frais médicaux.
Toutefois, le requérant a déclaré s'être acheté un véhicule le 12 août 2011 et a pu finalement se procurer des pneus satisfaisant aux prescriptions légales au mois de novembre 2011. Il a en outre consulté un avocat de choix déjà en première instance, sans que l'on sache comment il a pu le rémunérer.
Dans ces circonstances et face à des renseignements contradictoires, on ne saurait considérer que la situation financière du requérant est obérée. Une réduction des frais pénaux ne s’impose dès lors pas. On ne discerne en outre pas de motif qui imposerait de surseoir au paiement des frais.
5.
Le requérant requiert encore une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP.
5.1.
5.1.1.
Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure.
La base légale fondant un droit à des dommages et intérêts et à une réparation du tort moral a été créée dans le sens d’une responsabilité causale. L’Etat doit réparer la totalité du dommage qui présente un lien de causalité avec la procédure pénale au sens du droit de la responsabilité civile (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1313). Les dépenses à rembourser au sens de l’art. 429 al. 1 let. a CPP sont essentiellement les frais de défense. Selon le Message, cette disposition transpose la jurisprudence selon laquelle l’Etat ne prend en charge ces frais que si l’assistance était nécessaire compte tenu de la complexité de l’affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires de l’avocat étaient ainsi justifiés (ibidem). Le Tribunal fédéral a toutefois souligner qu'il ne fallait pas se montrer trop strict dans l'indemnisation du prévenu pour les honoraires de son mandataire (Mizel/Rétornaz, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 31 ad art. 429 CPP et les références citées). L'indemnisation des frais d'avocat ne se limite pas aux cas de défense obligatoire, ni à ceux où le bénéfice de la défense d'office volontaire eût été envisageable si le prévenu était indigent (Mizel/Rétornaz op. cit., n. 31 ad art. 429 CPP). En principe, toutes les charges autres qu’une contravention justifient l’intervention d’un avocat (Mizel/Rétornaz op. cit., n. 31 ad art. 429 CPP; TC FR, arrêt du 18 septembre 2008, CHP 2006-600, c. 4a; Corboz/Baumann, L’indemnisation des personnes poursuivies à tort (art. 242ss CPP) in RFJ 4 (2007) 355 ss). Le recours aux services d'un avocat peut être indemnisé en matière de contravention lorsque l’enjeu individuel et subjectif présente une certaine importance (Mizel/Rétornaz op. cit., n. 31 ad art. 429 CPP; CAPE, 16 mai 2012, n. 132). Il en est ainsi, par exemple, lorsqu’une mesure est envisagée, ou en cas d’infraction à la circulation routière concernant une personne pour laquelle le droit de conduire, par hypothèse menacé, est indispensable à l’exercice de sa profession (ibidem). De même, le cas d'une contravention à la Loi sur la santé publique pouvant placer le médecin dans une situation délicate pour son autorisation de pratiquer, pourrait justifier qu’il soit défendu par un avocat dans la procédure pénale. Il faut donc examiner de cas en cas s’il existe de tels enjeux.
5.1.2.
En vertu de l'art. 430 al. 1 let. a CPP, l’autorité pénale peut réduire ou refuser l’indemnité ou la réparation du tort moral lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l’ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci. La réduction de l'indemnité pour faute concomitante du prévenu est le pendant de la possibilité de mettre à sa charge les frais de la procédure (Mizel/Rétornaz, op. cit., n. 2 ad art. 430 CPP).
5.2.
Dans le cas particulier, rien ne justifiait le recours aux services d'un avocat s'agissant de la commission d'infractions à la LCR sanctionnées par une amende. Le requérant était tout à fait capable de transmettre son permis de conduire afin d'obtenir la révision de l'ordonnance pénale attaquée sans l'assistance d'un avocat, même s'il est de langue étrangère et peu coutumier de notre système juridique. De plus, il est notoire, partout en Europe et ailleurs dans le monde, que l'on doit être porteur d'un permis de conduire lorsque l'on circule au volant d'une voiture et qu'il convient de circuler avec des pneus présentant un profil suffisant. La question à résoudre n'était que factuelle et ne présentait aucune difficulté nécessitant l'intervention d'un mandataire professionnel. Enfin, en roulant pendant plusieurs mois avec des pneus usagés et sans se préoccuper du fait qu'il n'était pas porteur d'un permis de conduire, le prévenu a à l'évidence provoqué la procédure pénale ouverte à son encontre. Dans ces circonstances, aucune exception à la règle exposée ci-dessus n'est réalisée et il convient de ne pas allouer au requérant une indemnité fondée sur l'art. 429 al. 1 let. a CPP.
6.
En définitive, la demande de révision présentée par W._ est partiellement admise. L'ordonnance pénale rendue le 23 janvier 2012 par le Préfet du district de la Riviera-Pays-d'Enhaut est modifiée en ce sens que W._ est condamné pour conduite d'un véhicule ne répondant pas aux prescriptions et non-port du permis de conduire, à une amende de 400 fr., convertible en quatre jours de peine privative de liberté à défaut de paiement. Les frais, par 100 fr., sont mis à sa charge.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure de révision, par 1'210 fr. (art. 21 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1], par renvoi de l'art. 22 TFJP) sont mis par moitié à la charge de W._, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1 CPP). En effet, la procédure de révision est partiellement admise et la procédure de révision a été rendue nécessaire par la négligence du requérant. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
804a7099-775e-43b5-ae77-a01c71963a62 | En fait :
A.
Par jugement du 3 septembre 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a constaté que D._ s’est rendu coupable de violation grave des règles de la circulation routière (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de dix jours-amende, le jour-amende étant fixé à 500 fr., et à une amende de 1'500 fr. (II), a suspendu l’exécution de la peine pécuniaire et fixé un délai d’épreuve de deux ans (III), a dit qu’à défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de trois jours (IV) et a mis les frais de la cause, par 1'300 fr., à la charge de D._ (V).
B.
Le 3 septembre 2013, D._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 7 octobre 2013, il a conclu principalement à sa réforme en ce sens qu’il est condamné pour contravention à l’art. 90 ch. 1 LCR (Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958, RS 741.01) à une amende fixée à dire de justice, subsidiairement à son annulation, la cause étant retournée à une autre autorité de première instance pour nouvelle instruction et nouveau jugement dans le sens des considérants. Il a produit un bordereau de pièces à l’appui de son appel et a requis une inspection locale.
Dans le délai imparti, le Ministère public a annoncé s'en remettre à justice quant à la question de la recevabilité de la déclaration d'appel et a renoncé à déposer un appel joint.
Par courrier du 24 octobre 2013, le Président de la cour de céans a rejeté la réquisition de preuve de l’appelant et a informé les parties que l'appel serait traité d'office en procédure écrite en application de l’art. 406 al. 1 let. a CPP.
Par courrier du 28 octobre 2013, le Ministère public a renoncé à déposer des déterminations dans le délai imparti à cet effet, se référant au jugement entrepris et concluant au rejet de l’appel. Par lettre du 13 novembre 2013, l'appelant a également renoncé à déposer des déterminations, se référant intégralement à sa déclaration d’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le 23 juin 1954, D._, marié et père de deux enfants adultes, exerce la profession de médecin cardiologue à l’Hôpital [...] et à la [...]. Il est également professeur en cardiologie à l’Université de [...]. Il perçoit un salaire annuel net de 451'366 francs. Sa fortune mobilière s’élève à 2'270'000 fr. et sa fortune immobilière à 2'256'000 francs. Il paie un loyer mensuel net de 3'000 fr. et des primes d’assurance-maladie de 954 francs. Dans le cadre de son parcours professionnel, il a créé plusieurs fondations qui ont pour but l’aide humanitaire.
Son casier judiciaire et l'extrait du fichier ADMAS le concernant ne comportent aucune inscription.
2.
2.1
Le mercredi soir 26 septembre 2012, D._ circulait au volant de son véhicule de Villars-Tiercelin en direction d’Echallens. Il faisait nuit, le ciel était couvert, il n’y avait pas de précipitations et la route était humide. Dans la localité d’Echallens, à la route de Moudon, à la hauteur du Collège des Trois-Sapins, où la vitesse est limitée à 60 km/h, il a fait l’objet, à 23h43, d’un contrôle radar qui a permis d’établir qu’il roulait à la vitesse de 85 km/h (marge de sécurité déduite).
Il ressort du plan des lieux (pièce 14/1) et des photographies produites au dossier (pièce 18/1 à 18/18) qu’après une zone de prés-champs, un panneau indicateur "Echallens" marque l’entrée de la localité et signale la vitesse maximale autorisée de 60 km/h, un deuxième panneau de limitation de vitesse à 60 km/h étant placé sur le côté gauche de la chaussée, dans le sens de marche du prévenu. Ces panneaux sont situés juste avant une première intersection de la route principale avec une route secondaire, cette dernière marquant le début de la zone de constructions, en particulier des établissements scolaires. Après une cinquantaine de mètres, figure, sur la droite de la chaussée, un troisième panneau de limitation de vitesse à 60 km/h. Sur la droite de la route est érigé le collège des Trois-Sapins, qui comprend plusieurs bâtiments et un centre sportif. Après une septantaine de mètres, toujours sur la droite, se trouvent un arrêt de bus et, quelques mètre plus loin, une deuxième intersection avec une route secondaire donnant accès aux établissements scolaires et à un quartier de villas. Le radar est situé en face dudit arrêt de bus, juste après un panneau de danger signalant la présence d’une école, avec signal lumineux. Après l’emplacement du radar, la route longe un quartier de villas situé sur la droite jusqu’au panneau signalant la limitation de vitesse générale de 50 km/h. Sur la gauche, la route est bordée d’une forêt, où se trouve le refuge d’Echallens, puis d’un petit pré. Le tronçon concerné par la limite de vitesse à 60 km/h peut ainsi être scindé en deux parties : la première, avant le radar, bordant les établissements scolaires et le centre sportif précités, et la seconde, après le radar, longeant un quartier de villas compact.
2.2
Pour ces faits, objet du rapport de gendarmerie (Bureau du radar) du 18 octobre 2012, le Procureur, après avoir entendu D._ a, par ordonnance pénale du 25 octobre 2012, reconnu le prénommé coupable de violation grave des règles de la circulation routière, pour avoir enfreint les art. 27 al. 1, 32 al. 1 LCR ainsi que 4a al. 1 let. b OCR (Ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962, RS 741.11), l’a condamné à une peine pécuniaire de dix jours-amende à 200 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu’à une amende de 1’600 fr., convertible en une peine privative de liberté de substitution de huit jours, et a mis les frais, par 200 fr., à sa charge.
D._ a fait opposition. Par jugement du 3 septembre 2013, le Tribunal de police a confirmé l’infraction retenue par le Parquet à l’encontre du prévenu. | En droit :
1.
1.1
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté en temps utile et suffisamment motivé, l'appel est recevable (art. 399 al. 3 CPP). Celui-ci étant limité à des questions juridiques, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. a CPP).
1.2
La juridiction d’appel, qui n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 391 al. 1 let. b CPP), jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (art. 398 al. 2 CPP), l’appel pouvant être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (art. 398 al. 3 CPP).
2.
L’appelant soutient qu’il a commis l’excès de vitesse, dont il ne conteste pas l’ampleur, hors localité et non, comme retenu par le premier juge, à l’intérieur d’une localité. Il en résulterait, selon lui, qu’il n’a commis ainsi qu’une contravention à l’art. 90 ch. 1 LCR.
2.1
Aux termes de l’art. 4a al. 1 OCR, la vitesse maximale générale des véhicules peut atteindre, lorsque les conditions de la route, de la circulation et de visibilité sont favorables :
- 50 km/h dans les localités (let. a);
- 80 km/h hors de localités, à l’exception des semi-autoroutes et des autoroutes (let. b);
- 100 km/h sur les semi-autoroutes (let. c);
- 120 km/h sur les autoroutes (let. d).
L’alinéa 2 précise que la limitation générale de vitesse à 50 km/h (al. 1, let. a) s'applique dans toute la zone bâtie de façon compacte à l'intérieur de la localité; cette limitation commence au signal «Vitesse maximale 50, Limite générale» (2.30.1) et se termine au signal «Fin de la vitesse maximale 50, Limite générale» (2.53.1). Pour les conducteurs qui entrent dans une localité par des routes secondaires peu importantes (telles que routes qui ne relient pas directement entre eux des localités ou des quartiers extérieurs, routes agricoles de desserte, chemins forestiers, etc.), la limitation est aussi valable en l'absence de signalisation, dès qu'il existe une zone bâtie de façon compacte.
Les alinéas 3, 3
bis
et 4 concernent les limitations de vitesse à 80, 100 et 120 km/h.
L’alinéa 5 prescrit que lorsque des signaux indiquent d'autres vitesses maximales, celles-ci sont applicables en lieu et place des limitations générales de vitesse (al. 1); il en va de même des vitesses inférieures imposées à certains genres de véhicules par l'art. 5 ou à certains véhicules par décision de l'autorité compétente.
Selon l’art. 1 al. 4 OSR (Ordonnance sur la signalisation routière du 5 septembre 1979; 741.21), l'expression «à l'intérieur des localités» ou «dans les localités» désigne une zone qui commence au signal «Début de localité sur route principale» (4.27) ou «Début de localité sur route secondaire» (4.29) et se termine au signal «Fin de localité sur route principale» (4.28) ou «Fin de localité sur route secondaire» (4.30). L'expression «à l'extérieur des localités» ou «hors des localités» désigne une zone qui commence au signal «Fin de localité sur route principale» ou «Fin de localité sur route secondaire» et se termine au signal «Début de localité sur route principale» ou «Début de localité sur route secondaire».
Dans le domaine des
excès de vitesse
, la jurisprudence, afin d’assurer l’égalité de traitement, a été amenée à fixer des règles précises. Ainsi, lorsque l’
excès de vitesse
a été commis hors
localité
, le cas est objectivement grave, c’est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes, si la vitesse maximale autorisée de 80km/h est dépassée de 30 km/h ou plus (ATF 128 II 131; ATF 124 II 259) et à l’intérieure d’une localité, lorsque la vitesse maximale autorisée est dépassée de 25 km/h ou plus (ATF 126 II 196). Même en deçà de cette limite, voire si le conducteur a circulé à une vitesse égale ou même inférieure à celle autorisée sur le tronçon litigieux, le cas peut néanmoins être objectivement grave pour d’autres motifs, par exemple à raison d’une vitesse inadaptée aux circonstances, au sens de l’art. 32 al. 1 LCR, ayant entraîné une perte de maîtrise du véhicule. Ainsi, une mise en danger grave de la sécurité du trafic a-t-elle été retenue dans le cas d’un automobiliste qui, malgré une forte pluie, avait circulé sur une autoroute à quelque 120 km/h et était parti en dérapage à cause de l’aquaplaning (ATF 120 lb 312 c. 4c pp. 315 et 316). Il a été relevé qu’il en irait de même dans le cas de celui qui, à l’intérieur d’une
localité
, circulerait à 50 km/h à proximité d’un jardin d’enfants au moment où des enfants se trouvent à cet endroit (ATF 121 II 127 c. 4a p. 132).
2.2
En l’espèce, l’appelant ne conteste pas que l’excès de vitesse a été commis, alors qu’il avait déjà franchi le panneau annonçant l’entrée dans la localité "Echallens" et après plusieurs signalisations annonçant la limitation de vitesse à 60 km/h. Il se trouvait donc à l’intérieur de la localité au sens de l’art. 1 al. 4 OSR et c’est en vain qu’il se fonde sur l’art. 4a al. 2 OCR pour contester la gravité objective de l’infraction. En effet, point n’est besoin d’examiner la densité de construction à l’endroit de l’infraction, dès lors qu’il ne s’agit pas de savoir si l’appelant devait respecter la limitation générale de vitesse à 50 km/h, en l’absence de signalisation, mais de respecter une autre limitation de vitesse au sens de l’art. 4a al. 5 OCR. Or, l’appelant ne conteste pas que celle-ci était limitée à 60 km/h et que cette limitation s’imposait à lui. A supposer qu’il n’ait pas vu les panneaux de limitation, cette carence serait fautive de la même manière pour une inattention durable.
Ainsi, l’appelant se trouvait à l’intérieur d’une localité et a dépassé la vitesse maximale de 25 km/h, ce qui justifie, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral rappelée ci-dessus, une condamnation pour violation grave des règles de la circulation.
3.
L’appelant plaide subsidiairement l’erreur sur les faits.
3.1
L’art. 13 al. 1 CP dispose que quiconque agit sous l’influence d’une appréciation erronée des faits est jugé d’après cette appréciation si elle lui est favorable.
L’erreur sur les faits peut porter non seulement sur les éléments descriptifs, mais également sur un élément constitutif objectif de l’infraction. Agit ainsi sous l'emprise d’une erreur sur les faits, celui qui n'a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d'un élément constitutif d'une infraction pénale. L'intention délictuelle fait défaut. L'auteur doit être jugé selon son appréciation erronée, si celle-ci lui est favorable (art. 19 al. 1 aCP et 13 al. 1 CP). La punissabilité de la négligence entre éventuellement en considération lorsque l'erreur aurait pu être évitée en usant des précautions voulues et que la négligence est réprimée par la loi (art. 19 al. 2 aCP et 13 al. 2 CP).
3.2
En l’occurrence, l’appelant affirme avoir cru qu’il était hors localité, compte tenu de la configuration des lieux et de la limitation de vitesse à 60 km/h. On ne saurait suivre cet argument. La présence du panneau annonçant l’entrée dans la localité "Echallens", que l’intéressé admet avoir vu, suffit à exclure toute erreur sur les faits. Dans ces circonstances, la signalisation limitant la vitesse à 60 km/h, qui n’a pas non plus échappé au prévenu, ne pouvait l’amener à croire qu’il était hors localité, comme il le prétend.
Mal fondé, ce moyen doit donc également être rejeté.
4.
Quant à l’argument tiré d’une prétendue violation du principe de la proportionnalité (appel, pp. 14 et 15), on ne saurait faire grief au premier juge de ne pas l’avoir examiné, tant le moyen est dépourvu de toute pertinence.
Au demeurant, il est faux de prétendre qu’un dépassement de la vitesse autorisée en localité de 25 km/h ou plus tombe sous le coup de l’art. 90 ch. 2 LCR uniquement si la vitesse est limitée à 50 km/h. Le Tribunal a en effet eu l’occasion de préciser à cet égard que les limites fixées par la jurisprudence pour distinguer le cas grave de ceux de gravité moyenne ou de peu de gravité ne sont pas directement et exclusivement fonction de la limitation de vitesse en vigueur au lieu de l'infraction et a ainsi jugé, à propos des dérogations à la limite générale de vitesse en
localité
, qu'une limitation à
60 km/h
au lieu de 50 km/h ne justifiait pas de s'écarter du seuil habituel (TF 6B_1028/2008 du 16 avril 2009 c. 3.2 et la référence citée).
5.
Enfin, la peine privative de liberté de dix jours-amende à 500 fr. le jour
, ainsi que l’amende de 1'500 fr. et la peine privative de liberté de substitution de trois jours, qui ne sont pas contestées en tant que telles, doivent être confirmées. Cette sanction, qui apparaît modérée, compte tenu de la fourchette des peines prévues aux art. 34 et 106 CP, auxquels renvoient les art. 90 ch. 2 LCR et 42 al. 4 CP, est adaptée aux fautes commises par l’appelant, ainsi qu’à sa situation économique (c. 1, p. 3
supra
).
6.
En conclusion, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de D._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
805b7320-ae71-4a60-97f0-071234bde843 | En fait :
A.
Par jugement du 22 octobre 2014, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté qu’W._ s’est rendu coupable d’infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (I), l’a condamné à trente mois de peine privative de liberté, sous déduction de 422 jours de détention avant jugement (II), a ordonné le maintien d’W._ en détention pour des motifs de sûreté (III), a fixé l’indemnité du défenseur d’office d’W._, l’avocat Michel Dupuis, à 7'093 fr., TVA et débours compris, pour la période du 17 octobre 2013 au 22 octobre 2014 (IV), a mis les frais, par 19'725 fr. 85, à la charge d’W._, y compris l’indemnité de 2'581 fr. 20 allouée à l’avocat Julien Rouvinez et celle de 7'093 fr. allouée à l’avocat Michel Dupuis (V) et a dit que le remboursement à l’Etat par W._ de l’indemnité de 2'581 fr. 20 allouée à son premier défenseur d’office, l’avocat Julien Rouvinez, et celle de 7'093 fr. allouée à son second défenseur d’office, l’avocat Michel Dupuis, sera exigible pour autant que la situation financière d’W._ s’améliore (VI).
B.
W._ a annoncé faire appel de ce jugement le 27 octobre 2014. Le 13 novembre 2014, il a déposé une déclaration d’appel motivée concluant, avec suite de frais et dépens, au prononcé d’une peine privative de liberté très inférieure à celle infligée par le tribunal correctionnel, sous déduction de la détention préventive subie, l’exécution de cette nouvelle peine étant en outre suspendue en application de l’art. 42 CP. Subsidiairement, il a conclu au prononcé d’une semblable peine privative de liberté, mais assortie d’un sursis seulement partiel, en application de l’art. 43 CP, pour la part de la peine que la Cour d’appel dira, mais d’au moins 15 mois.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. Né en 1980 en Guinée Conakry, le prévenu W._ a été élevé par ses parents. Il a suivi l’école pendant trois ans, puis il a travaillé dans la construction de bâtiments. En 2003, il est venu en Suisse et a demandé l’asile sous la fausse identité d'Ousmane Toure. Sa demande a été rejetée. Il s’est alors rendu au Portugal, Etat dont il a obtenu la nationalité. De 2003 à 2009, il a travaillé comme ferrailleur dans différentes villes portugaises, avant de revenir en Suisse en 2010. Il a travaillé comme nettoyeur à Zurich du 1
er
avril 2010 au 28 février 2011, puis comme aide de cuisine à Avenches de juillet à septembre 2011. Entre le 5 juin et le 15 juin 2012, il a été placé par Manpower chez [...], à Dintikon (AG). Il a ensuite travaillé au service de [...] AG, à Aarau, de fin juin 2012 à novembre 2012. Il a d'abord habité à Zurich, puis il a été annoncé au contrôle des habitants de Rupperswil (AG) du 12 mai 2012 au 24 juillet 2013. En réalité, il était fréquemment à Payerne, où il logeait chez des trafiquants de stupéfiants, comme on le verra plus en détail ci-dessous. Au début juillet 2013, il s'est établi à Payerne avec son amie [...], avec laquelle il avait noué une relation intime en 2011. Les partenaires sont aujourd'hui séparés. Le 26 juillet 2012, il a obtenu un permis de conduire suisse, délivré par les autorités argoviennes.
Lors de son arrestation en relation avec les faits ici en cause, le 29 août 2013, le prévenu était sans travail ni revenus. Il n’a pas d’économies, mais a des dettes pour un montant de l’ordre de 1'000 à 1'500 francs. Il est père d’un fils et d’une fille, tous deux mineurs, nés de deux mères différentes. Son fils vit en Guinée et sa fille au Portugal, l’un et l’autre avec leur mère respective. Le prévenu dit nourrir le projet de chercher du travail en Suisse une fois libéré.
Le prévenu a été détenu provisoirement du 21 au 23 mars 2012, puis à nouveau dès le 29 août 2013. A la date du jugement de première instance, la détention provisoire totalisait 422 jours.
Le casier judiciaire du prévenu mentionne deux condamnations, savoir :
- une peine de vingt jours d'emprisonnement, sous déduction de deux jours de détention préventive, avec sursis pendant trois ans, et 500 fr. d'amende, prononcée le 8 décembre 2003 par le Strafbefehlsrichter de Bâle-Ville, pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants;
- une peine de quatorze jours d'emprisonnement, avec sursis pendant deux ans, prononcée le 23 août 2004 par le Bezirksamt d'Aarau, pour entrée illégale en Suisse.
2. A Payerne, entre avril et août 2012, W._ a livré en plusieurs fois entre 100 et 180 grammes de cocaïne au total au dénommé [...], dit "Black", sous la forme d’œufs de dix grammes. Le prévenu conteste les faits.
2.1 W._ est d’abord mis en cause par [...], ancien toxicomane, résidant à Payerne. Dans le cadre de l'opération "FIDEL", [...] a été interpellé le 4 septembre 2012 au cours d'une perquisition menée chez [...], dont il était le colocataire et complice. Il a reconnu W._ sur des planche-photos et l’a mis en cause pour avoir vendu entre 100 et 180 g de cocaïne sous forme d'œufs de dix grammes à [...]. Il a expliqué qu'W._ venait principalement les fins de semaine. Il l'a vu à plusieurs reprises. Il a précisé d'une part qu'W._ venait de Zurich, raison pour laquelle il venait essentiellement en fin de semaine. Il a ajouté d'autre part que le prévenu avait obtenu son permis de conduire quelques semaines avant la date de son audition, tenue le 4 septembre 2012. Lors d'une confrontation avec le défenseur du prévenu, [...] a maintenu ses mises en cause (PV aud. 7, 8 et 15).
2.2 W._ est également mis en cause par une autre toxicomane, [...]. Dans le cadre de l'opération "BENTEN", cette dernière a révélé que le prévenu lui avait vendu deux parachutes de cocaïne pour un total de 180 francs et pour un poids total de deux grammes. Cette transaction avait eu lieu parce que son fournisseur habituel, [...], était absent. [...] a précisé que le prévenu logeait chez [...] et [...] à Payerne, détail que l'enquête a confirmé (PV aud. 9).
2.3 Les contrôles techniques rétroactifs ont montré qu'W._ avait été en relation téléphonique avec [...] à 302 reprises entre le 5 mai et le 3 septembre 2012 (P. 44/1 p. 2), alors qu'il avait prétendu dans un premier temps qu'il ne connaissait pas [...] (PV aud. 12 p. 2). Dans ces conversations téléphoniques, le prévenu et [...] ont parlé de la livraison de quelque chose de "
dur
" et qui n'avait
"pas d'odeur
" (P. 44/1 p. 5).
Dans une autre conversation enregistrée, [...] a appelé le prévenu et lui a dit qu'il avait un problème avec quelqu'un qui se trouve avec lui. Il a ainsi déclaré à W._ ce qui suit : "S
on nez, c'est détruit à l'intérieur. Il a dit, ce qui a été mélangé avec est agressif. Ça ne lui a pas détruit la tête, mais le nez. C'est ce qui l'a énervé le plus. C'est pas quelqu'un qui prend le truc et il a beaucoup d'argent, grand
". Le prévenu, qui se fait appeler "grand", lui a répondu : "
ça suffit !
". [...] lui a rétorqué alors : "
non, je veux juste t'expliquer. Il est dans mon salon, là. Il ne m'a rien demandé, pas d'argent, rien
". W._ lui a répondu : "
hé, je vais appeler les autres
". [...] a terminé la conversation en disant : "
ok, grand
". A cette époque, la police a relevé que plusieurs consommateurs de cocaïne s'étaient plaints du même problème. En effet, la drogue était coupée avec du lévamisole, puissant vermifuge pour le bétail, qui peut provoquer de graves lésions cutanées sur l'homme, telles que des nécroses (P. 44/1 p. 5).
Dans une autre conversation, [...] a dit au prévenu que les gens l'appelaient et lui demandaient si c'était leur "
anniversaire
", puis raccrochaient lorsqu'il répondait négativement (P. 44/1 p. 4).
Pour sa défense, W._ a soutenu qu'il parlait de voiture avec [...]. Ce dernier était à la recherche d'un véhicule. Le prévenu lui avait trouvé une Alfa Romeo à Aarau, mais le prix demandé par le propriétaire était trop élevé et [...] n'en avait pas voulu.
2.4 Les contrôles techniques ont également montré qu’W._ avait été en contact à vingt reprises entre le 17 mai et le 9 juin 2012 avec [...], complice de [...], alors même qu'il a prétendu qu'il ne connaissait pas [...] (PV aud. 13 p. 6).
2.5 W._ est apparu dans six enquêtes instruites contre des trafiquants de stupéfiants :
- le 8 juin 2011, dans le cadre de l'opération "CAMDEN", une perquisition a été effectuée à la [...], à Payerne. Lors de l'intervention, le prévenu s'est présenté à la porte du logement. A cette occasion, la police a saisi 54,5 g de cocaïne (P. 12 p. 2);
- le 10 juin 2011, lors de l'opération "STAMPEL 2", une perquisition a été menée à la rue [...], à Payerne. La police a trouvé 215 g de cocaïne. Le prévenu a été interpellé une nouvelle fois. Il a prétendu qu'il se trouvait par hasard dans l'appartement. Une conversation téléphonique du 9 juin 2011 à 23 h 24 entre le prévenu et le dénommé [...] a toutefois montré que celui-là était le complice de celui-ci. En effet, il ne pouvait pas quitter l'appartement car un certain [...] était seul pour accueillir "
les gens
", qui "
continuent de venir
" (P. 12 p. 2);
- le 21 mars 2012, dans le cadre de l'opération "STILTON", 340 g de cocaïne ont été découverts dans l'appartement de la [...], à Payerne. Pour la troisième fois, le prévenu a été interpellé. Il était en compagnie de [...], personne cible de l'enquête (P. 12 p. 3);
- le 3 septembre 2012, lors de l'opération "FIDEL", 53,7 g de cocaïne ont été trouvés dans un appartement de [...], à Payerne. La perquisition était l'aboutissement d'une enquête construite sur des mises en cause de consommateurs, ainsi que sur des contrôles actifs de raccordements téléphoniques. L'instigateur du trafic, [...], n'a pas pu être appréhendé à cette occasion. Il est cependant apparu que le numéro 077 [...] était utilisé par un certain Ousmane, qui était son fournisseur dans la région zurichoise. Or, le numéro en question était celui du raccordement du prévenu et Ousmane le faux prénom sous lequel il avait déposé une demande d'asile en 2003 (P. 12 p. 3);
- dans l'enquête "OUI OUI", instruite par les autorités neuchâteloises contre un dénommé [...], il est apparu que ce dernier avait vendu 337 g de cocaïne à des compatriotes et des toxicomanes de la région neuchâteloise, entre mai 2012 et juin 2013, et qu'il était en contact régulier avec W._, avec lequel il avait des projets en matière de stupéfiants. [...] a ainsi expliqué que le prévenu et lui-même avaient prévu d'encaisser 2'000 fr. auprès de [...] à la suite d'une transaction (opération "FIDEL") et de les réinvestir dans un achat groupé de cocaïne d'une valeur de 4'000 fr. auprès d'un trafiquant biennois. L'idée était de payer la moitié de la drogue à l'avance et de disparaître ensuite. L'arnaque n'a toutefois jamais été réalisée (P. 12 p. 3);
- dans le cadre de l'opération "BENTEN", une perquisition a été effectuée au domicile d'un certain [...], né le 13 août 1979, à [...], à Payerne. Cette mesure a permis la découverte de 49,8 g de cocaïne et de 10'000 francs en espèces. L'extraction de ses raccordements téléphoniques a révélé que trois des quatre numéros attribués au prévenu étaient enregistrés dans son répertoire sous les pseudonymes de "
Ousman Zuric
", "
Ousmane
" et "
Fatima Zic
" (P. 12 p. 3-4). | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
Sans mettre en cause l’incrimination pénale, l’appelant conteste d’abord certains faits retenus par le tribunal correctionnel. Comme on le verra plus en détail ci-dessous, il se prévaut tant de l’art. 9 CPP que de la présomption d’innocence selon l’art. 10 CPP et d’une constatation inexacte des faits au sens de l’art. 398 CPP.
3.2.1
La constatation des faits est erronée au sens de l’art. 398 al. 3 CPP, précité, lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin,
in
: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2.2
L’art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation (al. 3).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s’agit de l’acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory,
in
: Kuhn/Jeanneret [éd.], op. cit., n. 34 ad art. 10 CPP; Kistler Vianin, op. cit., nn. 19 ss ad art. 398 CPP, et les références jurisprudentielles citées).
Lorsque l'autorité a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a; cf. aussi, quant à la notion d’arbitraire, ATF 136 III 552 c. 4.2).
3.2.3
C’est en vain que l’appelant se prévaut de l’art. 10 CPP en faisant valoir que le tribunal correctionnel n’a pas retenu l’état de fait le plus favorable à la défense. En effet, après avoir relevé que le prévenu s’était livré à un trafic de cocaïne de 100 à 180 g à Payerne, entre avril et août 2012, les premiers juges ont expressément indiqué (jugement, p. 13) qu’il y avait lieu de retenir l’hypothèse la plus favorable à la défense en se fondant sur une quantité de drogue pure de 41 g sur la base du taux de pureté moyen de la cocaïne en 2012, soit 41 %. La quantité brute de 100 g ainsi prise en compte correspond au bas de la fourchette figurant dans l’acte d’accusation. Cette appréciation est ainsi conforme au principe
in dubio pro reo.
Pour le reste, les éléments recueillis durant l’enquête suffisent amplement à l’incrimination pénale.
Les premiers juges ont donc retenu les faits incriminés sur la base de preuves suffisantes.
4.
4.1
L’appelant voit ensuite une violation de l’art. 9 CPP dans la mesure où, selon lui, « l’acte d’accusation expose dans un préambule la description de différentes enquêtes de police, sans rapport aucun avec les faits incriminés, qui doivent seuls fonder la responsabilité de l’appelant et sa faute, à l’exclusion de considérations sans rapport avec l’enquête » (déclaration d’appel, ch. 3, p. 4 in initio).
4.2.1
Selon l’art. 9 al. 1 CPP, une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. L’art. 325 al. 1 CPP énonce les mentions que doit impérativement comporter l’acte d’accusation.
4.2.2
L’acte d’accusation déposé par le Ministère public le 23 juin 2014 remplit les exigences légales. En effet, il indique l’identité du prévenu, les faits incriminés et les dispositions pénales paraissant applicables. Si l’acte d’accusation comporte en préambule un exposé général de l’activité délictueuse dans laquelle a été impliqué l’appelant, il n’en reste pas moins qu’il ne retient, finalement, que les ventes de cocaïne que l’enquête a mises en évidence. On ne voit pas en quoi ce procédé contreviendrait à l’art. 9 CPP.
Certes, les premiers juges ont repris à leur compte ce préambule (jugement, p. 11). Mais cet élément n’est pas repris comme élément à charge au moment de fixer la peine (jugement, p. 13, c. 6). On ne peut donc pas soutenir, comme le fait l’appelant, que la peine a été fixée en fonction de faits qui n’étaient pas reprochés à l’appelant. Ce n’est d’ailleurs pas le préambule de l’acte d’accusation qui permet de dire que l’appelant tenait un rôle de grossiste dans la chaîne reliant le producteur de drogue au revendeur de rue. Cette position de grossiste est, au contraire, prouvée par les déclarations du témoin [...] (cf. jugement, p. 9, c. 4a) et par le fait que la police n’a recueilli que très peu de dépositions de toxicomanes impliquant directement l’appelant, la vente directe de drogue à [...] étant à cet égard l’exception (jugement, p. 10, c. 4b, et p. 13, c. 6). En définitive, on ne discerne aucune appréciation incomplète ou erronée des faits, ni violation de la présomption d’innocence, de sorte que l’appel doit être rejeté en tant qu’il porte sur l’établissement des faits et sur la fixation de la peine.
5.
5.1
Se prévalant de l’art. 47 CP, l’appelant fait ensuite valoir que la peine prononcée serait totalement disproportionnée au regard de sa faute.
5.2
L'art. 47 al. 1 CP, applicable en matière d’infractions à la LStup par renvoi de l’art. 26 LStup, prévoit que la peine doit être fixée d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir. L'al. 2 de cette disposition énumère, de manière non limitative, une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité de l'auteur.
Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, lorsqu'il fonde sa décision sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, lorsqu'il omet de prendre en considération des éléments prévus par cette disposition ou lorsqu'il abuse de son pouvoir d'appréciation en fixant une peine exagérément sévère ou excessivement clémente (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.).
S'agissant en particulier des infractions à la législation sur les stupéfiants, outre les motifs, la situation personnelle et les antécédents de l’auteur, doivent être prises en considération les circonstances telles que son rôle dans la distribution de la drogue, l’intensité de sa volonté délictueuse, l’absence de scrupules, les méthodes utilisées, la durée et la répétition des actes prohibés, ainsi que celles dont l’auteur n’a pas forcément la maîtrise, telles que, pour celui qui ne fait que transporter la drogue, la capacité d’honorer les commandes du distributeur et les ressources financières du client (Favre, Pellet et Stoudmann, Code pénal annoté, 3
e
éd., Lausanne 2007, n. 1.29 ad art. 47 CP et les réf. cit.).
La quantité de drogue est un élément d’appréciation important mais toutefois pas prépondérant (ATF 122 IV 299, c. 2c, JT 1998 IV 38; ATF 121 IV 193, c. 2d/cc, JT 1997 IV 108; ATF 118 IV 342, c. 2c, JT 1994 IV 67; CCASS, 5 décembre 2005, n° 418). Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup (TF 6B_380/2008 du 4 août 2008). Ainsi, lorsque le prévenu est un trafiquant qui n'est pas dépendant de la drogue, il s'agit de se baser en premier lieu non pas sur la quantité de drogue vendue, mais sur la position de l'individu dans le réseau de distribution (Dupuis/Geller/Monnier/Moreillon/Piguet/ Bettex/Stoll [éd.], Petit commentaire CP, Bâle 2012, n. 17 ad art. 47 CP, p. 298). Il en va de même lorsque plusieurs des circonstances aggravantes prévues à l'art. 19 ch. 2 LStup sont réalisées. Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération. Si l'auteur sait que la drogue est particulièrement pure, sa culpabilité sera plus grande; en revanche, sa culpabilité sera moindre s'il sait que la drogue est diluée plus que normalement (TF 6S.21/2002 du 17 avril 2002, c. 2c et les réf. cit.).
5.3
Dans le cas particulier, le cas est grave au sens de l’art. 19 ch. 2 let. a et b LStup. Le premier élément à charge est l’importance de la quantité de cocaïne éculée. L’appelant n’en disconvient du reste pas, puisqu’il qu’il admet lui-même que son trafic a porté « sur une quantité non négligeable de produits stupéfiants » (déclaration d’appel, ch. 7 in initio, p. 6). A cela s’ajoute que, n’étant pas toxicomane, l’auteur a agi par pur appât du gain, qui plus est sans discontinuer durant une période prolongée. En outre, il ne présente aucune prise de conscience quant à la gravité de ses actes, comme en témoignent ses dénégations, formulées à l’audience d’appel encore, portant sur des faits pourtant établis matériellement. Sa position dans le réseau était celle d’un grossiste. Sa culpabilité est ainsi supérieure à celle d’un simple revendeur de rue. L’appelant a choisi de vivre dans l’illégalité, dès lors que, ressortissant portugais, il était en droit de vivre et de travailler dans son pays et avait du reste exercé diverses activités lucratives licites dans le nôtre. Enfin, il a agi en récidive spéciale. On ne discerne aucun élément à décharge.
Au vu de ces circonstances, la peine prononcée par le tribunal correctionnel procède d’une correcte application de l’art. 47 CP. Une peine privative de liberté de trente mois est adéquate. L’appel doit donc être rejeté sur ce point.
6.
6.1
L’appelant conclut enfin au sursis, principalement total, subsidiairement partiel.
L'art. 42 al. 1 CP prévoit que le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Aux termes de l'art. 43 CP, le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute (al. 1); la partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2); en cas de sursis partiel à l’exécution d’une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins; les règles d’octroi de la libération conditionnelle ne lui sont pas applicables (al. 3).
6.2
De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1; cf. aussi TF 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3; TF 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1). Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
Pour statuer sur la suspension partielle de l’exécution d’une peine, le juge doit tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, cette notion de faute correspond à la culpabilité telle que définie à l’art. 47 al. 2 CP (ATF 134 IV 1 précité c. 4.2.3).
6.3
En l'espèce, la quotité de la peine privative de liberté exclut le sursis ordinaire de l’art. 42 al. 1 CP. Sous l’angle de l’art. 43 CP, la question déterminante est celle du pronostic à poser. Celui-ci ne peut qu’être tenu pour défavorable. En effet, l’appelant a déjà été condamné, pour infraction à la LStup, à une peine privative de liberté incisive, qui lui a valu deux jours de détention préventive. L’année suivante, une nouvelle peine privative de liberté a été prononcée à son encontre, cette fois pour entrée illégale en Suisse. Ces condamnations ne l’ont pas dissuadé de perpétrer de nouvelles infractions graves en matière de stupéfiants. Comme déjà relevé, il ressort de l’attitude du prévenu aux audiences de première instance et d’appel qu’il ne prend pas conscience de ses fautes. Il choisit délibérément l’illicéité plutôt que la licéité en vivant du seul produit de ses crimes, ce alors même qu’il avait auparavant exercé diverses activités lucratives licites. L’appelant n’est donc pas socialement inséré. Son avenir est précaire. Ces facteurs infirment les projets professionnels qu’il dit nourrir. Il s’ensuit que seule une peine ferme apparaît susceptible de le détourner d'autres crimes ou délits, de sorte que le sursis (partiel) est exclu.
En définitive, l’appel doit être rejeté.
7.
La détention subie depuis le jugement de première instance sera déduite (art. 51 CP). Le maintien en détention de l’appelant pour des motifs de sûreté sera ordonné afin de garantir l’exécution du jugement, vu l’évident risque de fuite présenté par un étranger n’ayant pas d’attaches suffisantes avec la Suisse (art. 221 al. 1 let. a CPP).
8.
Les frais d'appel seront mis à la charge de l’appelant, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d'office (art. 422 al. 1 et 2 let. a CPP).
L’indemnité du défenseur d’office sera fixée à 2'257 fr. 20, débours et TVA compris, compte tenu d’une durée d’activité totale de dix heures à 180 fr. l’heure, plus deux indemnités de déplacement à 120 fr. chacune et 50 fr. de débours, TVA en plus.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser l’indemnité ci-dessus mise à sa charge que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
80871667-0d6b-4d13-b0d3-15f439fd7011 | En fait :
A.
Par jugement du 30 mai 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté qu'A._ s'est rendue coupable de dénonciation calomnieuse (I), l'a condamnée à une peine pécuniaire de 15 (quinze) jours-amende, le montant du jour amende étant fixé à 50 fr. (cinquante francs) (II), a suspendu l'exécution de la peine précitée et fixé à A._ un délai d'épreuve de 2 (deux) ans (III), a mis les frais de la cause par 5'465 fr. 45, lesquels comprennent l'indemnité allouée à son défenseur d'office, Me Sofia Arsenio, par 2'060 fr. 45, à la charge d'A._ (IV) et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité au conseil d'office allouée au chiffre IV ci-dessus ne sera exigible que pour autant que la situation financière d'A._ le permette (V).
B.
Par jugement du 30 septembre 2011, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal a rejeté l'appel formé par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, estimant que la culpabilité d'A._ n'était pas lourde et que la sanction infligée en première instance pas arbitrairement clémente.
C.
Le 21 novembre 2011, le Ministère public central a formé un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre le jugement de la Cour d'appel du Tribunal cantonal. Il a conclu à la réforme de la décision attaquée et à la condamnation d'A._ à une peine de 150 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 50 fr., subsidiairement, au renvoi de la cause à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois.
D.
Par arrêt du 19 avril 2012, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a admis le recours et annulé l'arrêt rendu le 30 septembre 2011 par la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. La cause a été renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants.
E.
Le 4 mai 2012, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal a invité les parties à se déterminer.
Par courrier du 7 mai 2012, le Ministère public central s'est référé à ses précédentes écritures et a conclu à la condamnation d'A._ à 150 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 50 francs, avec sursis pendant deux ans.
Le 21 mai 2012, Me Arsenio, au nom d'A._, a déclaré que cette dernière n'avait pas de déterminations à déposer et qu'elle s'en remettait à justice.
F.
Les faits retenus sont les suivants :
A._, de nationalité française, est née le 28 mars 1986 à Debila, en Algérie. Troisième d'une fratrie de cinq sœurs, elle a été élevée par sa mère en France, où elle est arrivée à l'âge d'un an et demi et où elle a suivi toute sa scolarité obligatoire. Ses parents ont divorcé quand elle avait huit ans. Elle n'a plus de contact avec son père qui la battait quand elle était enfant. Dès l'âge de quatre ans, A._ a passé ses vacances d'été et d'hiver en Suisse chez I._, compagne de R._, par l'intermédiaire de différentes associations. A l'âge de 18 ans et avec l'accord de sa mère, l'intimée s'est installée définitivement à Lausanne, chez I._, qu'elle considérait comme sa tante, et R._. Elle y a effectué un apprentissage de sommelière et a obtenu son diplôme. Par la suite, l'intimée a travaillé pendant deux ans dans un hôtel à Zermatt, soit jusqu'au printemps 2008. Depuis lors, et après une période de chômage, elle a alterné différents emplois, notamment comme vendeuse en boulangerie. Depuis le 11 mai 2011, elle travaille à 50% au Tea-Room [...] à Ecublens. Pour cette activité, son revenu mensuel s'élève à environ 1'800 francs. En complément, elle bénéficie de prestations de l'assurance-chômage. Célibataire, mais en ménage avec son ami K._, elle partage par moitié avec celui-ci leur loyer mensuel qui s'élève à 1'536 francs. Sa prime d'assurance maladie est de
323 fr. par mois. Ses impôts sont retenus à la source et elle n'a ni dette, ni poursuite, ni acte de défaut de biens. Actuellement, elle est au bénéfice d'un permis B. Son casier judiciaire est vierge de toute inscription.
Le 23 septembre 2009, A._ a déposé plainte contre R._ pour viol et contrainte sexuelle pour le motif que ce dernier l'aurait régulièrement forcée à subir divers actes d'ordre sexuel, ainsi que plusieurs relations sexuelles complètes depuis cinq ans, soit alors qu'elle était âgée de 18 à 23 ans, la dernière fois au mois de juillet 2009. Dans un courrier du 13 octobre 2009, l'intimée a toutefois déclaré retirer sa plainte. Les infractions se poursuivant d'office, le juge d'instruction a continué son enquête et a, en date du 7 décembre 2010, prononcé un non-lieu, devenu définitif faute de recours, en faveur de R._, et renvoyé en jugement A._ pour dénonciation calomnieuse. Lors des débats de première instance, celle-ci a déclaré – nonobstant le non-lieu rendu en faveur de R._ – avoir dit la vérité.
Compte tenu des déclarations imprécises et contradictoires d'A._, tant durant l'enquête qu'aux débats de première instance, du témoignage crédible et cohérent de R._, corroboré par le témoignage tout aussi crédible d'I._, ainsi que des témoins entendus aux débats de première instance, le Tribunal de police n'a pas acquis l'intime conviction que R._ avait contraint l'intimée d'entretenir avec lui des relations sexuelles et des actes analogues pendant plusieurs années. Aux yeux du Tribunal de police, il est apparu en outre que les deux protagonistes avaient entretenu une relation consentie bien qu'ambiguë, voire perverse, dans le cadre de laquelle A._ – de 20 ans plus jeune et probablement à la recherche d'une figure paternelle – se trouvait certainement sous l'influence affective de R._, dont elle n'a pu se libérer qu'en déposant plainte à l'égard de ce dernier. Compte tenu de la dépendance économique et affective de l'intimée au couple I._ - R._, il incombait à ce dernier de mettre les limites adéquates à leurs relations, ce qu'il n'a pas su faire vu sa propre immaturité.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, le Tribunal de police a considéré qu'A._ s'était rendue coupable de dénonciation calomnieuse, mais que sa culpabilité était relativement légère. | En droit :
1.
Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Il peut également renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 107 al. 2 LTF [loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral, RS 173.110]). L'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit contenus dans l'arrêt de renvoi. Elle ne peut en aucun cas s'écarter de l'argumentation juridique du Tribunal fédéral, aussi bien en ce qui concerne les points sur lesquels il a approuvé la motivation précédente que ceux sur lesquels il l'a désapprouvée. Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis – même implicitement – par le Tribunal fédéral (B. Corboz, in: Commentaire de la LTF, Berne 2009, ch. 27 ad art. 107 LTF).
2.
Dans son arrêt du 19 avril 2012, le Tribunal fédéral a estimé que la peine prononcée à l'encontre d'A._ apparaissait exagérément légère, au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation. A cet égard, il a considéré que le jugement attaqué ne prenait pas en considération le comportement postérieurement à l'acte et au cours de la procédure pénale et notamment l'existence ou l'absence de repentir après l'acte et la volonté de s'amender.
Au surplus, le Tribunal fédéral a reproché à la cour cantonale d'avoir retenu à décharge de l'intimée sa volonté d'interrompre le processus pénal alors que le retrait de plainte ne comportait aucune rectification des faits dénoncés. Il a considéré qu'à la lecture du document le retrait de plainte n'était pas motivé par le fait que l'intimée avait faussement accusé R._, mais que celui-ci avait commis les actes reprochés en étant alcoolisé et qu'elle supportait mal la situation, ces motifs n'étant pas de nature à interrompre le processus. Le Tribunal fédéral a également reproché à la cour cantonale d'avoir retenu, comme élément à décharge de l'intimée, que celle-ci avait déposé plainte pénale contre R._ pour se libérer de son influence affective. Sur ce point, la Haute cour a considéré que la situation personnelle de l'intimée avait évolué par la suite puisqu'elle vit désormais avec son compagnon, et que le maintien de ses accusations ne pouvait donc pas s'expliquer par sa situation de dépendance à l'égard du précité.
3.
Le Tribunal fédéral a invité la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonale à fixer une nouvelle peine sur la base de l'ensemble des éléments qui doivent être retenus.
3.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente); du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 129 IV 6 c. 6.1 p. 20, TF 6B_271/2011 du 31 mai 2011 c. 2.2.2, TF 6B_722/2010 du 17 février 2011 c. 1.2.2).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1, ATF 129 IV 6 c. 6.1 et les références citées).
3.2
Selon l'art. 303 ch. 1 CP, celui qui aura dénoncé à l'autorité, comme auteur d'un crime ou d'un délit, une personne qu'il savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale, sera puni d'une peine privative de liberté maximale de vingt ans ou d'une peine pécuniaire maximale de 365 jours-amende, à moins que la dénonciation ne porte sur une contravention (ch. 2). Cette disposition protège en premier lieu l'administration de la justice. Une telle dénonciation entraîne la mobilisation inutile de ressources publiques. Elle protège toutefois également les droits de la personnalité de celui qui est accusé faussement, notamment son honneur, sa liberté, sa sphère privée, ses biens (ATF 136 IV 170 c. 2.1; ATF 132 IV 20 c. 4.1 p. 25).
3.3
En l'espèce, A._ a accusé faussement R._ d'avoir abusé d'elle sexuellement. La dénonciation portait sur plusieurs infractions à l'intégrité sexuelle, commises à réitérées reprises sur une longue période et exposait la personne accusée à tort à une peine privative de liberté susceptible d'aller jusqu'à dix ans, si la seule infraction de viol était retenue. Eu égard à la gravité des accusations proférées par l'intimée, la culpabilité de cette dernière est importante.
A charge d'A._, il faut tenir compte du fait qu'elle a persisté dans ses accusations malgré son inefficace retrait de plainte. A décharge, l'intimée était une jeune adulte au moment des faits. Elle a été battue par son père alors qu'elle était une enfant, a vécu le divorce de ses parents à l'âge de huit ans et a été abandonnée par son père avec lequel elle n'a plus de contact (jgt., p. 10). Au surplus, sans dénigrement, on peut légitimement présumer qu'elle a éprouvé de grandes difficultés dans l'acquisition des connaissances de base au vu du libellé chaotique de la lettre de deux lignes qu'elle a adressée le 13 octobre 2009 au Juge d'instruction (P. 6), ainsi que des difficultés de formation et d'emploi, l'intimée ayant obtenu un diplôme de sommelière, mais ayant connu le chômage et travaillé comme vendeuse en boulangerie.
3.4
En définitive, au regard de l'infraction commise, de la culpabilité d'A._, de sa persistance à accuser R._, de son parcours de vie et de sa situation personnelle, une peine de 75 jours-amende à 50 fr. le jour-amende – montant non contesté par les parties – est adéquate. Au surplus, cette peine doit être assortie du sursis dans la mesure où l'intimée en remplit les conditions (art. 42 CP). Le délai d'épreuve sera de deux ans.
Au vu de ce qui précède, l'appel du Ministère public est partiellement admis.
4.
D'après l'art. 428 al. 1 CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. Selon la doctrine, la partie qui n'a pris aucune conclusion ne peut être considérée comme avoir obtenu gain de cause ou succombé et ne peut donc être condamnée aux frais (T. Domeisen, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Bâle 2011, n°6 ad art. 428 CPP).
En l'espèce, A._ a renoncé à se déterminer sur l'appel déposé par le Ministère public et s'en est remise à justice. En conséquence, elle n'a ni obtenu gain de cause, ni succombé, de sorte que les frais d'appel seront laissés à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
80a6569b-bf45-4470-a48d-78502ff7ac0e | En fait :
A.
Par jugement du 3 avril 2012, rectifié par prononcé du même jour, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois a, notamment, condamné P._ pour mise en danger de la vie d’autrui, induction de la justice en erreur, violation simple des règles de la circulation, conduite d’un véhicule défectueux, conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait et contravention à l’ordonnance sur la circulation routière à une peine privative de liberté de neuf mois et à une amende de 300 fr. (l), révoqué le sursis accordé à P._ le 19 février 2008 par le Tribunal correctionnel de l’Est vaudois (Ibis), condamné G._ pour vol, utilisation frauduleuse d’un ordinateur, induction de la justice en erreur et faux témoignage à une peine privative de liberté de trois mois, peine complémentaire à celle prononcée le 30 septembre 2011 par le Ministère public du Valais, office régional du Bas-Valais (III), a pris acte de la reconnaissance de dette signée par G._ en faveur de [...] pour valoir jugement définitif et exécutoire (IV), mis les frais de la cause arrêtés à 1'232 fr. à la charge de P._ (V), mis les frais de la cause arrêtés à 4'510 fr. 60 à la charge de G._, y compris l'indemnité servie à son défenseur d'office Me Dubuis, arrêtée à 2'580 fr. 40, TVA comprise (VIII) et dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité servie à son défenseur d'office ne sera exigé que si la situation de G._ s'améliore (IX).
B.
Le 5 avril 2012 P._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 7 mai 2012, il a conclu, avec suite de frais et dépens des deux instances, à son annulation et à son acquittement des chefs d'accusation de mise en danger de la vie d’autrui, d'induction de la justice en erreur, de violation simple des règles de la circulation, de conduite d’un véhicule défectueux, de conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait et de contravention à l’ordonnance sur la circulation routière.
Le 12 avril 2012, G._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 7 mai 2012, il a conclu, avec suite de frais, à sa modification en ce sens qu'il est condamné, pour vol, utilisation frauduleuse d'un ordinateur et faux témoignage, à une peine fixée à dire de justice mais d'au maximum un mois, peine complémentaire à celle prononcée le 30 septembre 2011 par le Ministère public du Valais, office régional du Bas-Valais.
Le 14 mai 2012, le Ministère public s'en est remis à justice quant à la recevabilité de l'appel et a indiqué qu'il n'entendait pas déposer d'appel joint.
A l'audience d'appel, les appelants ont chacun confirmé leurs conclusions. Le Procureur a conclu au rejet de chacun des appels.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu P._, né en 1985, ressortissant portugais, travaille comme maçon auprès d'[...] pour un revenu mensuel net de 4'200 francs. Père d'un enfant né en 2007, il verse une contribution de 725 fr. par mois en sa faveur. Il habite chez ses parents et leur verse une participation au loyer. Quatre inscriptions figurent à son casier judiciaire, à savoir :
- une condamnation à 500 fr. d'amende, avec sursis pendant deux ans, prononcée le 31 mars 2005 par l'Office régional du Juge d'instruction du Bas-Valais pour violation grave des règles de la circulation routière et contravention à la loi fédérale sur le transport public;
- une condamnation à 30 jours d'emprisonnement, avec sursis pendant deux ans, et à 700 fr. d'amende, prononcée le 10 janvier 2006 par l'Office régional du Juge d'instruction du Bas-Valais pour conducteur pris de boisson, circuler malgré un retrait ou un refus du permis de conduire et contravention à la LStup;
- une condamnation à 45 jours d'emprisonnement et à 700 fr. d'amende prononcée le 17 octobre 2006 par l'Office régional du Juge d'instruction du Bas-Valais pour violation des règles de la circulation routière et conducteur se trouvant dans l'incapacité de conduire;
- une condamnation à huit mois de privation de liberté, avec sursis durant quatre ans, et à 200 fr. d'amende, prononcée le 19 février 2008 par le Tribunal correctionnel de l'Est vaudois pour vol, dommages à la propriété, violation de domicile et contravention à la LStup, le sursis accordé le 10 janvier 2006 étant révoqué.
Une nouvelle enquête a été ouverte contre lui le 30 mars 2011 pour des infractions en matière de circulation routière.
1.2 Le prévenu G._, né en 1980, ressortissant cambodgien, est père d'un enfant né en 1999; sa compagne est dans l'attente d'une nouvelle naissance imminente. Sans formation professionnelle, G._ travaille temporairement dans les vignes pour 14 fr de l'heure. Il est à la recherche d'un emploi depuis la fin des vendanges.
L'extrait de son casier judiciaire établi au 7 septembre 2010 comporte six inscriptions, à savoir :
- une condamnation à 400 fr. d'amende, avec sursis pendant deux ans, prononcée le 5 décembre 2000 par le Tribunal d'instruction pénale du Bas-Valais pour violation grave des règles de la circulation routière et conduite d'un véhicule défectueux;
- une condamnation à quatre mois d'emprisonnement, avec sursis pendant deux ans, prononcée le 14 mai 2001 par le Tribunal d'instruction pénale du Bas-Valais pour vol, abus de confiance et dommages à la propriété, les infractions étant en concours;
- une condamnation à douze mois d'emprisonnement, avec traitement ambulatoire selon l'art. 43 al. 1 CP, prononcée le 5 décembre 2002 par le Tribunal de district de Martigny/St-Maurice pour vol, vol d'importance mineure, vol d'usage, tentative de vol, dommages à la propriété, violation de domicile et circulation sans permis de conduire;
- une condamnation à un mois d'emprisonnement et à 50 fr. d'amende, prononcée le 31 octobre 2005 par le Juge d'instruction de l'Est vaudois pour conduite d'un véhicule défectueux, conduite sans permis de conduite ou malgré un retrait et infractions à la LCR, les infractions étant en concours;
- une condamnation à dix jours-amende à 80 fr. le jour-amende, prononcée le 4 novembre 2009 par l'Office régional du Juge d'instruction du Bas-Valais pour circulation sans assurance-responsabilité civile;
- une condamnation à 15 jours-amende à 80 fr. le jour-amende et à 400 fr. d'amende, prononcée le 2 juillet 2010 par l'Office régional du Juge d'instruction du Bas-Valais pour violation grave des règles de la circulation routière, conducteur se trouvant dans l'incapacité de conduire et violation des devoirs en cas d'accident.
En outre, il a récemment purgé une peine privative de liberté de 100 jours, prononcée le 30 septembre 2011 par le Ministère public du canton du Valais, office régional du Bas-Valais, pour abus de confiance et vol; il est sorti de détention au printemps de l'année 2012.
Dans le cadre d'une affaire pénale antérieure, G._ a été soumis à une expertise psychiatrique, établie les 7 et 16 juillet 2002 par le Dr [...] (P. 31). L'expert a estimé que la responsabilité pénale de ce prévenu était légèrement diminuée. Un traitement psychothérapeutique a été mis en œuvre en 2002 conformément aux recommandations de l'expert.
2.1 Il est d'abord reproché au prévenu P._ d'avoir, le dimanche 25 juillet 2010 vers 10 h 20, à Villeneuve, circulé sur la rue des Remparts au volant d'un véhicule BMW 525i sans être porteur de la ceinture de sécurité et alors même que son permis de conduire lui avait été retiré; en outre, le véhicule en question était défectueux et ne répondait pas aux normes.
Il lui est ensuite fait grief de ne pas avoir obtempéré aux signes que lui adressait un agent de police, le caporal [...], du CIR [...], lui intimant l'ordre de s'arrêter. Bien au contraire, il a accéléré à une vitesse proche de 40 km/h et a foncé sur cet agent, le forçant à s'écarter d'un bond pour éviter d'être touché. Entendu en qualité de témoin à l'audience du tribunal correctionnel, le caporal [...] a indiqué qu'il se trouvait alors au milieu de la chaussée et qu'il a crié au conducteur de s'arrêter; en s'écartant, il a pris le risque d'être heurté par un véhicule venant en sens inverse. Il a affirmé qu'à défaut de faire un mouvement de côté, il aurait été heurté par la BMW, dont le conducteur n'a eu aucune réaction, qu'elle soit d'évitement ou de freinage.
Après avoir dû sauter de côté pour éviter le véhicule qui continuait à se diriger vers lui, l'agent a regardé le chauffeur, lequel en a fait de même. Il se trouvait alors à une distance d'un mètre à un mètre cinquante de la BMW et avait un angle de vision clair sur le conducteur. Ce dernier avait pour passager un individu de "type gitan", dont le signalement n'a pu être établi avec plus de précision (rapport de police, P. 4, p. 3). Alors que la voiture, décrite comme de couleur noire, poursuivait sa route, il a eu le temps de relever son numéro de plaques, soit [...], qu'il a diffusé sur les ondes de la police. Il a alors reçu un appel de la gendarmerie valaisanne lui indiquant que P._ avait annoncé le vol de ses plaques d'immatriculation. L'agent s'est rendu à Monthey (VS) en compagnie de la collègue avec laquelle il était alors en mission. Il a constaté que le véhicule BMW 525i de couleur noire que lui montraient ses collègues valaisans sur la place de parc du magasin à grande surface Manor était celui qui lui avait foncé dessus peu auparavant. Le moteur était bouillant. P._ se trouvait sur les lieux (P. 4, p. 3 in fine). A son souvenir, ce prévenu était seul.
A l'audience, l'agent a dit avoir alors été à 90-95 % sûr de le reconnaître comme étant le conducteur qu'il avait dû éviter peu auparavant; cependant, l'intéressé s'était changé dans l'intervalle. En effet, il portait un chandail ou une veste, et plus uniquement un débardeur. Confronté au prévenu à l'audience, le témoin a précisé qu'il ne le connaissait pas. Il a en outre indiqué ce qui suit : "Deux ans après, je dirais que c'est lui. Au moment des faits, j'étais certain lorsque j'ai désigné la personne qui conduisait le véhicule au moment du contrôle". Durant ces faits, il a distinctement entendu ce prévenu parler au téléphone pour dire à son interlocuteur qu'il devait confirmer avoir été en sa compagnie au moment des faits survenus à Villeneuve.
Egalement entendue comme témoin, [...], collègue du dénonciateur, a exposé qu'elle se trouvait en sa compagnie lors des faits. Elle a relevé avoir vu le conducteur de la BMW de profil à une distance d'environ 15 mètres. Plus tard, lors de son intervention sur la place de parc Manor de Monthey, elle a constaté que le profil de P._ correspondait à celui du conducteur. A son souvenir, ce prévenu était alors seul. Elle a en outre dit se remémorer l'avoir entendu téléphoner à un tiers auquel il avait expliqué qu'il n'était pas à Villeneuve lors des faits. Quant à la voiture, elle a relevé que, le 25 juillet 2010, pour elle, la BMW de Monthey correspondait à celle qu'elle avait vue à Villeneuve. Le moteur était alors chaud. Le propriétaire a d'abord tenté de justifier cet état en soutenant que le véhicule était resté au soleil toute la matinée; par la suite, il a prétendu avoir, deux heures avant l'arrivée des gendarmes, fait tourner le moteur durant un quart d'heure pour recharger la batterie de la voiture.
Le caporal [...] n'a pas déposé plainte. Il a procédé lui-même à l'audition des prévenus avec l'assistance de la même collègue officiant comme greffière (PV aud. 1, 2 et 3). Il a en outre, le 29 juillet 2010, établi le rapport de police relatif aux faits en question (P. 4 précitée). Enfin, il a été entendu par le Juge d'instruction en qualité de témoin (PV aud. 7).
2.2 X._ a été atteinte par les gendarmes vers 11 h 25 le jour en question. Il ressort de ses propos qu'elle ignorait l'emplacement exact de la BMW de son ami intime d'alors, ce qui ne l'a cependant pas empêchée de déclarer que les plaques du véhicule avaient été dérobées.
Pour sa part, P._ soutient avoir stationné son véhicule BMW le 24 juillet 2010 sur la place de parc Manor de Monthey et s'être fait voler ses plaques d'immatriculation peu après, en tout cas avant le milieu de la matinée du lendemain. Il a en outre prétendu qu'il se trouvait avec X._ lors de l'intervention des agents vaudois sur la place de parc en question.
En cours d'enquête et durant les débats de première instance, G._ et X._ ont confirmé les dires de leur ami, notamment pour ce qui est du prétendu vol des plaques d'immatriculation. G._ a en particulier relevé que son ami lui avait dit par téléphone, le 25 juillet 2010 vers 10 h, que ses plaques lui avaient été volées (PV aud. 2, p. 2 in initio; PV aud. 6, l. 19-20).
Ils ont prétendu que G._, sitôt venu de Martigny sur appel de P._, avait conduit son ami à Villeneuve dans le véhicule Mazda 323 gris du père de ce dernier prévenu, pour lui permettre de chercher son fils chez son ex-compagne; en effet, il ne pouvait conduire lui-même, vu le retrait de permis dont il faisait l'objet (PV aud. 2, p. 2; PV aud. 1, p. 2, respectivement). Ils ont unanimement précisé avoir emprunté un itinéraire traversant le pont du Paquay depuis Monthey (ibid.). Une fois leur attention attirée durant l'enquête sur le fait que cette route était fermée à la circulation ce dimanche 25 juillet 2010 pour cause de réfection, tous les prévenus ont modifié leurs déclarations pour indiquer avoir passé derrière le McDonad's, respectivement le centre commercial Waro (PV aud. 5, l. 28-29 et PV aud. 6, l. 26-27).
Le 25 juillet 2010, alors qu'il était entendu comme témoin durant la partie initiale de l'interrogatoire après qu'il ait été rendu attentif aux conséquences d'un faux témoignage (PV aud. 2, D. 1, p. 1, et D. 4, p. 2), G._ a en particulier déclaré aux enquêteurs avoir été en compagnie de P._ au même moment de la matinée du 25 juillet 2010 dans un autre véhicule que la BMW au volant de laquelle la présence de ce prévenu avait pourtant été constatée par le caporal [...] vers 10 h 20 (PV aud. 2, p. 2 in initio). Il a répété ses propos sans réserve devant le magistrat instructeur le 29 octobre 2010 (PV aud. 6), les premiers juges (jugement, p. 7) et la cour de céans, étant toutefois précisé qu'il était alors entendu en qualité de prévenu, et non plus de témoin.
3. A Aubonne, durant les fins de semaine du mois de septembre 2010, en particulier à la date du samedi 18, mais également du jeudi 16, G._ a pénétré à au moins trois reprises dans les locaux de son ex-employeur, [...], au moyen d'une clef d'accès conservée sans droit après son licenciement. Il a dérobé les cartes de carburant de deux véhicules de livraison. Il a utilisé ces cartes à de nombreuses occasions pour faire le plein de sa voiture, respectivement pour fournir, à titre onéreux, de la benzine à des tiers. Il a ainsi effectué une quinzaine de pleins d'essence du 17 au 23 septembre 2010 pour un montant de 1'398 fr. 79. Pour ne pas éveiller l'attention, il a ramené les cartes au terme de chaque fin de semaine. Il a admis ces faits.
[...] a déposé plainte et a pris des conclusions civiles à l'encontre de G._ à hauteur de 5'000 francs. La plainte a été retirée après que ce prévenu se soit reconnu débiteur du montant soustrait, remboursable par mensualités de 150 francs.
4. Appréciant les faits de la cause, le tribunal correctionnel a acquis la conviction que c'était le prévenu P._ qui était au volant de sa BMW 525i le 25 juillet 2010 lors des faits incriminés. Il a assis sa conviction sur les éléments suivants : la concordance du numéro des plaques; le fait que le véhicule stationné à Monthey et ce prévenu aient été reconnus par les agents vaudois appelés sur les lieux; le fait que ce prévenu avait été entendu par les deux agents alors qu'il téléphonait à une correspondante identifiée par la suite comme étant X._, laquelle ignorait cependant l'emplacement exact de la BMW de son ami; les variations des déclarations du prévenu quant à la température du moteur; l'unanimité des déclarations successives des trois prévenu, qui permet de considérer qu'il s'agissait de versions des faits concertées; le fait que le caporal [...] ait déposé de manière crédible à l'audience et que ses déclarations aient été corroborées par sa collègue de mission.
Par identité de motifs, les premiers juges ont considéré que les témoignages de X._ et de G._ étaient mensongers. Ce dernier a en outre été reconnu coupable de vol et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur en relation avec l'usage indu des cartes de carburant de son ex-employeur, les infractions étant en concours.
5. Appréciant la culpabilité du prévenu P._, le tribunal correctionnel a considéré qu'elle était lourde. Il a retenu à charge que le comportement de ce prévenu, qui occupe la justice pénale pour la cinquième fois, dénotait une absence totale de prise de conscience de la gravité de ses actes. Il a ainsi, toujours de l'avis des premiers juges, fait fi de la vie d'autrui uniquement pour se soustraire à un contrôle à l'issue duquel il savait qu'il lui serait reproché de conduire sans permis. A décharge a été prise en compte sa situation personnelle. Pour ce qui est du sursis, le pronostic a été tenu pour défavorable.
Appréciant la culpabilité du prévenu G._, le tribunal correctionnel l'a également tenue pour lourde. Il a retenu à charge les antécédents récents de l'intéressé en matière d'infractions contre le patrimoine et le fait que, lors de sa sixième comparution devant la justice, ce prévenu n'avait pas semblé saisir toute la gravité d'un comportement délictueux. Le concours d'infraction a aussi été retenu en défaveur du prévenu. A décharge ont été prises en compte la situation personnelle de ce prévenu et la reconnaissance de dette signée en faveur de la plaignante. Une légère diminution de responsabilité a en outre été prise en compte conformément à l'art. 19 CP. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), chacun des appels est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
3.
Il convient de statuer en premier lieu sur l’appel de P._.
3.1
L’appelant reproche d’abord aux premiers juges un excès dans leur pouvoir d’appréciation et une constatation erronée des faits. Il reprend sa version des faits présentée en première instance, selon laquelle il n’était pas au volant du véhicule qui avait foncé sur le caporal [...] pour forcer le passage, lors du contrôle de police qui s’est déroulé le 25 juillet 2010 à Villeneuve, rue des Remparts.
Les premiers juges ne se sont pas seulement fondés sur la déposition du caporal [...] pour asseoir leur conviction, mais aussi sur un faisceau d'indices matériels convergents ayant valeur probante. Ils ont ainsi relevé les modifications unanimes et simultanées des déclarations des prévenus au sujet de leur version, après qu’ils aient été informés que l’itinéraire qu’ils prétendaient avoir emprunté était fermé le jour en question (jugement en p. 21), les variations des explications données au sujet de la température du moteur et le fait que la déposition du caporal [...] a en outre été confirmée par sa collègue [...]. Enfin, les policiers ont clairement entendu l’appelant mettre au point sa version par téléphone au moment de son interpellation et le tribunal a considéré que les déclarations des policiers étaient également probantes à cet égard.
De toute manière, le scénario élaboré par l’appelant au sujet du prétendu vol de ses plaques est absurde : c’est le même modèle de véhicule, de même couleur, soit une BMW 525 i noire, qui a été repéré par l'agent de police lors du contrôle routier peu avant que la présence du prévenu P._ auprès de sa voiture ait été constatée à Monthey. Dès lors, il faudrait que les plaques volées aient été apposées par un tiers sur un véhicule identique à celui de l’appelant, ce qui constituerait une coïncidence invraisemblable. Au surplus, le fait que le caporal [...] et la gendarme [...] aient été entendus comme témoins alors qu'ils auraient dû l'être comme dénonciateurs (le premier en particulier), sachant qu'ils agissaient alors dans l'exercice de leurs fonctions, n'est pas de nature à entamer la force probante de leurs dépositions. Il en va du même du fait que le premier agent nommé ait en outre été victime de l'une des infractions ici en cause. En effet, il n'a pas la qualité de partie au procès faute d'avoir déposé plainte.
Il est dès lors établi que l’appelant est bien l’auteur des faits qui lui sont reprochés. Partant, le jugement ne procède pas d'une appréciation abusive, pas plus qu'il ne contient de fait erroné.
3.2
L’appelant invoque ensuite une violation de la présomption d’innocence.
La présomption d'innocence, qui est garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe in
dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme règle d'appréciation des preuves, elle est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme on l’a vu, le tribunal de première instance s’est fondé sur des éléments probatoires précis pour étayer sa conviction. Tels qu’ils ont été rappelés ci-dessus, ces éléments ne laissent aucune place à un doute raisonnable en faveur du prévenu. Il suffit à cet égard de renvoyer au considérant qui précède. Il n’y a donc eu aucune violation de la présomption d’innocence.
3.3
Pour le reste, l'appelant ne conteste pas que les éléments constitutifs des différentes infractions à la LCR retenues à sa charge soient réunis, puisqu'il se limite à nier avoir été au volant lors des faits. La révocation du sursis ne fait l'objet d'aucune conclusion ni moyen de la déclaration d’appel. Il n'y a donc pas lieu d’entrer en matière à ce sujet (art. 404 al. 1 CPP). Il en va de même de la quotité de la peine. De toute manière, vérifiée d'office, la peine est adéquate et a été fixée en conformité avec les critères de l'art. 47 CP.
L’appel de P._ doit par conséquent être rejeté.
4.
L’appelant G._ conteste sa condamnation pour induction de la justice en erreur. Il soutient qu’il n’a jamais dénoncé à la police le vol des plaques de P._, mais qu'il s'est borné à rapporter de bonne foi, sans autre vérification, ce que son ami lui avait dit.
L'infraction de faux témoignage n'est pas contestée. Elle porte cependant en partie au moins sur le même complexe de faits que celle d'induction de la justice en erreur. Il doit ainsi être relevé que les confirmations successives sans réserve, comme prévenu, par G._ de ses propos tenus comme témoin établissent que sa déposition initiale, dont il sera question plus en détail ci-dessous, ne correspondait pas à la réalité des faits.
4.1
Entendu par la police le 25 juillet 2010, l’appelant a déclaré ce qui suit :
«(...) il (P._,
réd
.) avait un soucis (sic) avec sa voiture, en fait, il n’avait plus de plaques d’immatriculation. (...) Je lui ai dit qu’il devait déposer plainte pour le vol de ses plaques. Je suis alors allé chercher la voiture de son père puis je suis aller chercher P._ et X._ sur le parking Jumbo à Monthey. Là, je lui ai dit qu'il devait déposer plainte pour le vol de ses plaques. Comme il était pressé, il n'a pas voulu le faire. En effet, il devait aller chercher son fils à Villeneuve. Par la suite, je les y ai conduits. (...). P._ est allé chercher son fils pendant que moi et X._ attendions dans la voiture. Par la suite, nous avons regagné Monthey, où j'ai déposé P._ à sa voiture, j'ignore quelle heure il était. Après, j'ai poursuivi vers Martigny, où j'ai déposé X._ et [...] (le fils du prévenu P._,
réd
.), chez les parents à P._, vers 1130. J’ai laissé P._ à sa voiture, car il voulait faire appel à la police» (PV aud. 2, p. 2, R. 2).
4.2.1
Le délit d’induction de la justice en erreur est réprimé par l'art. 304 CP, dont le ch. 1 prévoit que celui qui aura dénoncé à l’autorité une infraction qu’il savait n’avoir pas été commise ou qui se sera faussement accusé auprès de l’autorité d’avoir commis une infraction, sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Le premier comportement punissable est ainsi la dénonciation d'une infraction inexistante; les faits décrits doivent correspondre à une infraction (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3
e
éd, Berne 2010, n. 3 ad art. 304 CP, p. 595).
4.2.2
L'appelant fait d'abord valoir qu'il n'a pas dénoncé d'infraction à l'autorité, aucune instruction pénale n'ayant du reste été ouverte sur la foi de ses indications. Le délit d’induction de la justice en erreur peut être réalisé par de fausses indications données à la police lors d’un interrogatoire (ATF 132 IV 20 c. 4.2; ATF 111 IV 162 c. 1b; ATF 75 IV 175 c. 2; Favre, Pellet et Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 3
ème
éd. 2007, n. 1.1 ad art. 123 CP, p. 689; Corboz, op. cit., ibid.). L'art. 304 CP est également applicable à l'auteur qui allègue mensongèrement une infraction inexistante pour se soustraire à la répression pénale (ATF 75 IV 175 c. 2 précité). L'appelant a donc bien dénoncé à l’autorité une infraction au sens de l'art. 304 ch. 1 CP.
Il résulte en effet clairement de la déposition de G._ que P._ avait été victime d'un vol de plaques. Du reste, selon ses propres termes, il a indiqué à son comparse qu'il devait déposer plainte pour ce motif. Les propos tenus constituent donc bien la dénonciation d'une infraction inexistante.
4.3.1
Pour ce qui est des éléments subjectifs de l'infraction, l'art. 304 CP réprime une infraction intentionnelle. L'auteur doit connaître la fausseté de sa communication, le dol éventuel ne suffisant pas. Il doit en outre accepter l'idée que les faits soient constitutifs d'une infraction (Corboz, op. cit., n. 9 ad art. 304 CP, p. 596).
4.3.2
En l'espèce, l’intention de G._ porte sur tous les éléments constitutifs de l’induction de la justice en erreur. Selon l'état de fait retenu au sujet de la mise en danger de la vie d'autrui et du faux témoignage, G._ savait que P._ n'avait pas été victime d'un vol de plaques et l'a néanmoins invité à déposer plainte, dans le but évident de donner consistance à la version mensongère. Dans ces circonstances, l'appelant a agi avec la conscience que l'infraction dénoncée n'existait pas.
Il s'ensuit que l’élément subjectif de l’infraction est aussi réalisé. Partant, le moyen de l'appelant selon lequel il se serait borné à répéter en toute bonne foi les propos que lui aurait tenus son ami tombe à faux puisqu'infirmé par les faits.
C’est donc à juste titre que l’appelant a été condamné pour induction de la justice en erreur.
5.
Pour le surplus, l’appelant G._ ne conteste la quotité de la peine qu'en relation avec sa conclusion portant sur sa libération du chef d’accusation d'induction de la justice en erreur.
Il suffit de relever à cet égard que, vérifiée d’office, la quotité de la peine échappe à toute critique à l'aune de l'art. 47 CP pour l'ensemble des infractions retenues. En effet, les circonstances personnelles du prévenu ont été prises en compte à satisfaction. En particulier, la quotité de la peine tient compte du concours d'infractions (art. 49 al. 1 CP) et de l'élément à décharge que constitue la reconnaissance de dette signée en faveur de son ex-employeur lésé. Enfin, le tribunal correctionnel n'a pas omis la légère diminution de capacité pénale de ce prévenu.
L'appel de G._ doit donc également être rejeté.
6.
Vu l'issue de chacun des appels, les frais d'arrêt selon l'art. 424 CPP doivent être mis à la charge des appelants, qui succombent (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP), et répartis à parts égales entre eux. Pour ce qui est de l'appelant G._, ces frais comprennent en outre l’indemnité allouée à son défenseur d’office, pour les opérations liées à la procédure d'appel (art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; TF 6B_150/2012 du 14 mai 2012).
Vu les opérations nécessaires à l'accomplissement du mandat, l'indemnité allouée au défenseur d'office de cet appelant doit être fixée à 766 fr. 80, débours et TVA compris.
Le prévenu G._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son conseil d’office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
80deb532-2493-4595-aa20-7937533430cf | En fait :
A.
Par jugement rendu le 1
er
février 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que P._ s’est rendu coupable de contravention au règlement intercommunal sur le service des taxis de l’arrondissement de Lausanne (I), l’a condamné à une amende de 700 fr., la peine privative de liberté du substitution en cas de non paiement étant de 7 jours (Il) et a mis à sa charge les frais de la procédure municipale et de la procédure d’opposition (III et IV).
B.
Par annonce du 11 février 2013, puis par déclaration du 17 mai 2013, complétée le 13 juin suivant, P._ a formé appel contre ce jugement, concluant à sa libération de la contravention au règlement intercommunal sur le service des taxis et à l’annulation des amendes prononcées, les frais étant laissés à la charge de l’Etat.
C. 1.
P._ est né le 12 avril 1947 en Italie, pays dont il est ressortissant. Il est marié et titulaire d’un permis C. Rentier AVS à raison de 1'250 fr. par mois, l’intéressé exerce une activité de chauffeur de taxi au service de son épouse, [...] – au bénéfice d’une autorisation B –, qui met une voiture à sa disposition et lui verse un salaire mensuel de 1'500 francs.
2.
Le prévenu a été dénoncé à une vingtaine de reprises pour des cas de maraudage et a écopé de plusieurs amendes.
Par ordonnance pénale du 13 septembre 2012
de la Commission de police de la Ville de Lausanne (P. 11/Dossier PE12.019331), P._ a été condamné pour contravention aux articles 46 et 63 al. 1 et 2 RIT (règlement intercommunal sur le service des taxis du 1
er
novembre 1964, mis à jour le 1
er
janvier 1993) à une amende de 400 francs, convertible en trois jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement dans le délai imparti, ainsi qu’aux frais, par 50 francs.
Par ordonnance pénale du 10 octobre 2012
(P. 16/Dossier PE12.020805), la Commission de police de la Ville de Lausanne a condamné l’intéressé pour contravention aux articles 46 et 63 al. 1 et 2 RIT et lui a infligé une amende de 150 francs, convertible en deux jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement dans le délai imparti, ainsi qu’aux frais, par 60 francs.
Le prévenu s’est opposé à ces deux ordonnances.
Les causes PE12.020805 et PE12.019331 ont été jointes.
Devant le premier juge, P._ a admis les faits. Le tribunal de police a rejeté ses oppositions. | En droit :
1.
Interjeté en temps utile, l’appel de P._ satisfait en outre aux exigences de motivation prévues à l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, de sorte qu’il est recevable en la forme.
2.
S’agissant d’un appel dirigé contre une contravention, la procédure applicable est écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressortit à la compétence du juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise du 19 mai 2009 d’introduction du Code de procédure pénale suisse ; RSV 312.01]).
Aux termes de l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l’état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Les pièces nouvelles produites en appel qui ne figurent pas déjà au dossier (à savoir, les P. 3 et 4 du bordereau) sont donc irrecevables.
3.
3.1
L’appelant ne conteste pas les faits retenus, en particulier celui de circuler au volant d’un taxi au bénéfice d’une autorisation de type B accordée à son épouse et non pas de type A. Il admet les actes de maraudages reprochés, mais fait valoir que les taxis A font de même, et critique l’attitude du Service intercommunal de taxis de Lausanne (SIT) qui favoriseraient ces derniers et créerait en définitive une situation de concurrence déloyale.
C’est en vain que l’appelant s’écarte de l’état de fait du premier juge, sans même entreprendre de démontrer en quoi il aurait été établi de façon manifestement inexacte au sens de l’art. 398 al. 4 CPP. Le tribunal de première instance a en effet retenu, sur la base des déclarations du dénonciateur, qu’aucune différence n’était faite entre les chauffeurs au bénéfice d’une autorisation A et ceux au bénéfice d’une autorisation B (jugement en p. 9). De toute manière, le principe de la légalité des poursuites, tel que consacré à l’art. 7 CPP, applicable par le renvoi de l’art. 10 LContr (loi sur les contraventions du 19 mai 2009; RSV 312.11), a pour conséquence qu’il n’y a pas d’égalité dans l’illégalité et que l’appelant ne peut donc pas invoquer l’absence éventuelle de poursuite pénale à l’encontre des chauffeurs de taxi A.
3.2
Quant à l’argument tiré de l’iniquité du RIT, il tombe également à faux. Comme l’a relevé le premier juge, il n’appartient pas aux autorités judiciaires de se prononcer au sujet des modifications que souhaiterait l’appelant de la législation communale.
3.3
Dans sa déclaration d’appel et dans son mémoire complémentaire, P._ sollicite la désignation d’un avocat d’office
« si cette affaire devait être reconsidérée »,
ce qu’il faut comprendre comme étant l’hypothèse où le jugement serait annulé et la cause reprise en première instance, hypothèse qui n’est pas réalisée en l’espèce.
Compte tenu de ce qui précède et du cadre restreint de l’appel dirigé contre une contravention tel que rappelé plus haut, on doit aboutir à la conclusion que le jugement attaqué n’est pas juridiquement erroné et que l’état de fait n’a pas été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit.
4.
Il s’ensuit que l’appel doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé, la requête de défenseur d’office étant dès lors sans objet.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, par 450 francs (art. 21 al. 1 du Tarif des frais judiciaires pénaux, TFJP [312.03.1]), doivent être mis à la charge de l’appelant, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
80def1ac-de84-49fc-8bc6-6a5354432fd4 | En fait :
A.
Par jugement du 23 février 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a constaté que G._ s’est rendu coupable d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. le jour (II), a révoqué le sursis octroyé à G._ le 25 août 2011 par le Ministère public du Valais central et ordonné l’exécution de cette peine (III), l’entier des frais de justice étant mis, par 1'525 fr., à la charge de G._ (IV).
B.
Le 2 mars 2015, G._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d’appel motivée du 30 mars 2015, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à la réforme du jugement en ce sens qu’il est libéré de l’accusation d’infraction à la LEtr (Loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 ; RS 142.20) et qu’il lui est alloué une indemnité, à titre de frais de défense nécessaire, de 2'435 fr. 65 pour toutes choses, le chiffre III du dispositif querellé étant supprimé et les frais de justice laissés à la charge de l’Etat.
Le 9 avril 2015, le Ministère public a annoncé qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et qu'il renonçait à déclarer un appel joint.
Par courrier du 23 avril 2015, le Ministère public a annoncé qu’il renonçait à se présenter à l’audience d’appel fixée le 27 mai 2015. Il a renvoyé aux considérants du jugement entrepris et conclu au rejet de l’appel.
A l'audience de ce jour, G._ s'est référé expressément aux moyens développés dans son écriture et a confirmé ses conclusions.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
G._ est né le [...] 1981 à [...], en République du Kosovo. Il est au bénéfice d’un permis d’établissement C. Arrivé en Suisse en 1990, il a travaillé comme pêcheur à [...] puis s’est formé aux métiers de maçon et de ferrailleur. Il a crée la société [...] Sàrl devenue D._ SA, active notamment dans les travaux de coffrage, de ferraillage et de démolition de bâtiment. Le 14 avril 2010, il a cédé la société D._ SA à son épouse, secrétaire de formation, qui l’a cédée à son tour le 4 juillet 2013 à S._. G._ détient en outre une entreprise de lavage express, Y._. En décembre 2012, il a créé la société J._ SA ayant pour but toutes activités dans le domaine de la construction, principalement la direction et l’exécution de travaux.
Le couple a trois enfants à charge, âgés respectivement de 10, 9 et
4 ans et demi. Actuellement, le revenu mensuel brut de G._ s’élève à
4'500 fr. pour son activité au sein d’Y._, et à 850 fr. pour son activité au sein de J._ SA. Son épouse ne travaille pas. Le couple touche une rente AI de 700 fr. pour l’un de leurs enfants et n’a pas d’autre source de revenus. Le loyer du logement familial se monte à 2'300 francs. Les époux sont au bénéfice de subsides à l’assurance-maladie pour toute la famille, la part restant à leur charge à ce titre étant de l’ordre de 240 francs. Le couple n’a pas dette ni de fortune particulière.
2.
Le casier judiciaire de G._ fait mention des cinq condamnations suivantes :
-
02.03.2005
: Untersuchungsamt Altstätten : faux dans les certificats, circuler sans permis de conduire (permis d’élève conducteur), emprisonnement 2 semaines, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, amende 1'000 francs ;
-
24.03.2005
: Juge d’instruction de Lausanne : circuler sans permis de conduire (permis d’élève conducteur), conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait (véhicule automobile), amende 500 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans ;
-
09.01.2006
: Juge d’instruction de Lausanne : conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait (véhicule automobile), emprisonnement 15 jours ;
-
26.05.2008
: Préfecture du district de Lavaux-Oron, emploi d’étrangers sans autorisation, peine pécuniaire 10 jours-amende à 70 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, amende 700 francs ;
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25 août 2011
: Ministère public du canton du Valais, Office régional du Valais central Sion, emploi d’étrangers sans autorisation, peine pécuniaire 20 jours-amende à 145 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 3 ans, amende
1'500 francs.
3.
En novembre 2013, G._ a indiqué à S._ qu’il recherchait des ouvriers. Celui-ci lui a alors proposé les services d’R._.
R._, né le [...] 1982 au Kosovo et en situation irrégulière sur le territoire suisse, a été interpellé le vendredi 29 novembre 2013 vers 6h45 au numéro 84 de la route [...] à [...], alors qu’il était au volant la voiture de tourisme Opel Astra VD [...], propriété de J._ SA.
Lors de son audition du même jour, R._ a reconnu se trouver illégalement en Suisse. Il a également admis qu’il travaillait depuis environ trois semaines au sein de l’entreprise J._ SA à [...] pour un montant de 30 fr. de l’heure. Il a précisé que, lors de son engagement, il avait eu contact avec le patron de l’entreprise qui lui avait uniquement demandé s’il était titulaire d’un permis de conduire (PV aud. 1, pp. 2 et 3).
4.
Le 13 mars 2014, le Service de l’emploi a dénoncé le cas de la société J._ SA pour occupation sans autorisation d’R._ et G._ en qualité d’employeur de fait (P. 7/1). Une procédure distincte a été engagée contre S._ en qualité d’employeur contractuel d’R._.
G._ a été entendu le 20 août 2014 dans le cadre de l’enquête menée par le Ministère public. A cette occasion, il n’a pu répondre à la question posée, relative aux vérifications de l’existence d’un permis de travailler qu’il aurait faites avant d’employer R._ (PV aud. 4, p. 3).
Par ordonnance pénale du 10 septembre 2014, remplaçant celle rendue le 21 mai 2014, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a condamné G._ pour infraction à la LEtr à 60 jours-amende, la valeur du jour-amende étant fixée à 40 fr. (I), révoqué le sursis octroyé à G._ par le Ministère public du Valais central et ordonné l’exécution de cette peine (II) et mis une partie des frais de procédure, arrêtée à 725 fr., à la charge de G._ (III).
Le 2 juin 2014, G._ a fait opposition à cette ordonnance.
5.
Entendu le 16 février 2015 par la vice-présidente du Tribunal d’arrondissement de La Côte, G._ a admis n’avoir fait aucune vérification auprès d’R._ s’agissant d’une éventuelle autorisation de travailler, précisant qu’il s’était contenté de vérifier que celui-ci était titulaire d’un permis de conduire car il devait lui confier une voiture (jgt. p. 3). | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Dans un premier grief, l’appelant invoque une violation de son droit d’être entendu. Il critique le caractère succinct de la motivation du jugement quant à l’aspect intentionnel de l’infraction, le premier juge se limitant, selon lui, à affirmer que « les conditions subjectives, à tout le moins par dol éventuel, sont également réalisées. » (jgt., p. 13, c. 8).
3.1
Tel que garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101), le droit d'être entendu donne notamment à l'intéressé le droit de recevoir une décision suffisamment motivée pour qu'il puisse la comprendre et l'attaquer utilement, s'il le souhaite, et pour que l'autorité de recours soit en mesure, le cas échéant, d'exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que l'autorité mentionne, même brièvement, les raisons qui l'ont guidée et sur lesquelles elle a fondé sa décision, de façon que l'intéressé puisse en apprécier la portée et, éventuellement, l'attaquer en connaissance de cause (ATF 122 IV 8 c. 2c; ATF 121 I 54 c. 2c). Il n'est donc pas nécessaire que les motifs portent sur tous les moyens des parties; ils peuvent être limités aux questions décisives (ATF 133 III 439 c. 3.3).
3.2
En l’espèce, le grief de l’appelant ne résiste pas à l’examen. En effet, le premier juge a tout d’abord examiné minutieusement l’étendue des obligations qui s’imposaient à celui qui engage un travailleur étranger (jgt., pp. 11 à 12, c. 7). Il a ensuite relevé que l’appelant n’avait procédé à aucune vérification, en précisant qu’il se fondait sur les propres déclarations de ce dernier, et que la simple question posée à l’employeur contractuel d’R._ était une mesure insuffisante. Le magistrat a enfin expliqué que l’appelant devait connaître ses obligations légales de procéder aux vérifications de la situation administrative du travailleur, puisqu’il avait déjà été condamné à deux reprises pour ce motif. Ces deux antécédents permettaient aussi d’établir que l’appelant était conscient du risque que certains travailleurs étrangers ne soient pas au bénéfice des autorisations requises. Le jugement retient ainsi tous les éléments permettant d’affirmer que l’appelant connaissait ses devoirs, qu’il était conscient des risques et qu’il n’a procédé à aucune vérification. La motivation est ainsi satisfaisante sur ce point. L’appelant a d’ailleurs été en mesure de motiver son appel de manière complète et en connaissance de cause. A l’appui de sa thèse, l’appelant invoque encore un passage de l’ATF 130 IV 58 c. 8.3 (JT 2004 I 486, cité par Dupuis & al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 18 ad art. 12 CP). Cette citation n’est cependant d’aucun secours à l’appelant, puisque le jugement entrepris indique clairement les éléments permettant de retenir que l’absence de vérification entraînait inévitablement un risque de réalisation de l’état de fait légal de l’infraction à la LEtr. Ce premier moyen, mal fondé, doit être rejeté.
4.
En deuxième lieu, l’appelant soutient que sa condamnation ne serait fondée que sur les déclarations jugées crédibles d’R._, alors qu’il n’avait jamais eu l’occasion, au cours de la procédure, d’être confronté ou de pouvoir faire interroger celui qui l’avait mis en cause. Admettant n’avoir jamais sollicité l’audition d’R._ durant la procédure de première instance, l’appelant soutient que celui-ci serait introuvable. Il se prévaut de l’arrêt rendu par la Cour EDH dans l’affaire Kostovski c/ Pays-Bas, du 20 novembre 1989 (Série A, n° 166), pour demander le retranchement de cet élément de preuve du dossier afin de garantir son droit à un procès équitable.
4.1
Conformément à l'art. 6 § 3 let. d CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; RS 0.101), tout accusé a le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge. Ce droit ne s'applique pas seulement s'agissant de témoins au sens strict du terme, mais à l'encontre de toute personne qui fait des déclarations à charge. Il s'agit d'un des aspects du droit à un procès équitable institué à l'art. 6 § 1 CEDH. Cette garantie exclut qu'un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoignages en doute et d'interroger les témoins (ATF 131 I 476 c. 2.2; ATF 129 I 151 c. 3.1 et les références citées; TF 6B_691/2010 du 30 mars 2011 c. 1). Ce droit n'est toutefois absolu que lorsque le témoignage litigieux est déterminant, savoir lorsqu'il constitue la seule preuve ou pour le moins une preuve essentielle (ATF 131 I 476 c. 2.2; ATF 129 I 151 c. 3.1; ATF 125 I 127 c. 6c/dd; TF 6B_691/2010 du 30 mars 2011 c. 1). Plus précisément, il peut être renoncé à l'exigence d'une confrontation du prévenu avec le témoin à charge ou à l'aménagement de la possibilité d'un interrogatoire complémentaire dans des circonstances particulières, par exemple lorsque le témoin est décédé dans l'intervalle ou qu'il demeure introuvable malgré des recherches appropriées (TF 6B_60/2011 du 27 juin 2011 c. 2.2). Dans de tels cas, les art. 6 ch. 1 et 3 let. d CEDH imposent que le prévenu puisse suffisamment se déterminer sur le témoignage concerné, que les déclarations soient soigneusement vérifiées et que le verdict ne repose pas uniquement sur celles-ci, soit qu'il n'accorde pas une importance déterminante au témoignage à charge en question, respectivement qu'il ne le fasse pas apparaître comme la preuve unique ou essentielle (ibidem; cf. ég. Schmid, Praxiskommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2
e
éd., Zurich/St-Gall 2013, n. 14 ad art. 147 CPP; Piquerez, Traité de procédure pénale suisse,
2
e
éd., Schulthess, n° 488, p. 312).
4.2
En l’espèce, l’appelant perd de vue que le premier juge s’est effectivement fondé sur les déclarations crédibles d’R._, mais en précisant dans la même phrase que celles-ci étaient corroborées par les déclarations du prévenu en cours de procédure. De telles déclarations figurent du reste au procès-verbal de l’audience (jgt., p. 3). Dans ces circonstances, il est inexact d’affirmer que les déclarations d’R._ auraient constitué le seul élément de preuve sur lequel se fonde le jugement entrepris. Le premier juge serait parvenu à la même conclusion en se fondant exclusivement sur les déclarations de l’appelant.
Il convient en outre de relever que, comme l’appelant le mentionne du reste lui-même, l’audition d’R._ n’a jamais été requise formellement, ni durant l’instruction devant le Ministère public, ni devant l’autorité de première instance ; elle ne l’est d’ailleurs pas d’avantage dans le cadre de la présente procédure d’appel. A cet égard, l’appelant fait valoir que, selon lui, l’intéressé serait désormais devenu introuvable et qu’une réquisition tendant à l’audition de celui-ci aurait été inefficace. Or, la jurisprudence dont l’appelant se prévaut à l’appui de son moyen rappelle que l’accusé doit avoir invoqué le droit à une confrontation, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Compte tenu de la jurisprudence rappelée ci-dessus, il y a lieu de retenir que toutes les conditions permettant de renoncer à l'exigence d'une confrontation du prévenu avec le témoin à charge sont réalisées en l’occurrence. Par conséquent, le deuxième moyen de l’appelant, mal fondé, doit également être rejeté.
5.
Dans un dernier moyen, l’appelant se plaint d’une mauvaise application de l’art. 12 CP, en ce sens que le premier juge aurait retenu le dol éventuel en lieu et place de la négligence consciente.
5.1
Aux termes de l’art. 12 CP, sauf disposition expresse et contraire de la loi, est seul punissable l’auteur d’un crime ou d’un délit qui agit intentionnellement (al. 1). Agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L’auteur agit déjà intentionnellement lorsqu’il tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas où celle-ci se produirait (al. 2). Agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L’imprévoyance est coupable quand l’auteur n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle (al. 3).
La doctrine et la jurisprudence distinguent le dessein (ou dol direct de premier degré), le dol simple (ou dol direct de deuxième degré) et le dol éventuel (cf. p. ex. Dupuis et al., op. cit., n. 10 ad art. 12 CP et les références citées). Ces trois formes correspondent à un comportement intentionnel au sens de l’art. 12 al. 2 CP (ibidem). Il y a dessein lorsque l’auteur prévoit les conséquences de son acte et cherche précisément à les produire (Dupuis et al., op. cit., n. 11 ad art. 12 CP). Le dol simple qualifie la situation où l’auteur ne s’est pas fixé pour but de commettre l’infraction et considère le résultat comme indifférent ou indésirable, mais s’en accommode car il s’agit du moyen de parvenir au but recherché (Dupuis et al., op. cit., n. 14 ad art 12 CP). Enfin, le dol éventuel, qui correspond à l’hypothèse visée à l’art 12 al. 2 CP, 2
e
phrase, implique l’indifférence de l’auteur quant à la réalisation de l’infraction, de telle sorte qu’il doit dans son for intérieur approuver celle-ci ou y consentir (cf. Dupuis et al., op. cit., n. 15 ad art. 12 CP). L’auteur envisage le résultat dommageable et s’en accommode, voire l’accepte comme tel (ibidem).
5.2
En l’espèce, le moyen de l’appelant recouvre dans une large mesure le premier moyen soulevé et déjà examiné ci-dessus (c. 3).
L’appelant rappelle à juste titre que plus la probabilité de réaliser l’infraction est grande et plus grave est la violation des devoirs de prudence, plus on peut en déduire que l’auteur s’est accommodé de la survenance du résultat prohibé (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. l, 3
e
éd., Berne 2010, n. 80 ad
art. 12 CP). Pour les motifs déjà exposés précédemment (c. 3), notamment l’absence de toute vérification alors même que l’appelant avait déjà été condamné pour avoir employé des travailleurs sans permis en 2008 et en 2011, il faut constater que le jugement mentionne tous les éléments suffisants pour retenir que l’appelant s’est accommodé de la survenance du résultat délictueux. Le premier juge a dès lors correctement appliqué l’art. 12 CP en concluant que les conditions du dol éventuel étaient réalisées. Ce moyen, mal fondé, doit également être rejeté.
6.
En définitive, mal fondés, tous les griefs soulevés par G._ doivent être rejetés.
C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu que le prénommé a agi avec conscience et volonté et qu’il a été reconnu coupable d'infraction à la LEtr au sens de l'art. 117 al. 1 et 2 de cette loi.
7.
L’appelant ne discute pas la peine dès lors qu’il a conclu à son acquittement.
Il suffit de constater, sur ce point, que ni le choix du genre de peine, ni l'appréciation de la quotité de la peine par le premier juge ne sont critiquables, de sorte que tant la peine pécuniaire ferme de soixante jours-amende que le montant du jour-amende, fixé à 30 fr., peuvent être confirmés.
Enfin, l’appelant persiste – encore à l’audience d’appel – à nier les faits et à minimiser sa responsabilité, alors même qu’il a déjà été sanctionné à deux reprises par le passé pour la même infraction et qu’il connaissait ainsi ses obligations s’agissant de l’engagement d’étrangers. C’est ainsi à raison que le premier juge a considéré que le pronostic était défavorable, ce qui justifiait la révocation du sursis précédemment accordé à l’appelant.
8.
En définitive, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, constitués du seul émolument d’arrêt par 1'500 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), seront mis à la charge de G._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8170c76a-2fe8-4129-8126-3dd8cc87b78f | En fait :
A.
Par jugement du 28 avril 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a notamment constaté que A.P._ s’est rendue coupable de lésions corporelles simples qualifiées, ainsi que d’injure qualifiée (I), a constaté que B.P._ s’est rendu coupable de voies de fait qualifiées, de lésions corporelles simples qualifiées, ainsi que d’injure qualifiée (II), a renoncé à sanctionner l’infraction d’injure qualifiée (IIbis), a condamné A.P._ à une peine pécuniaire de 45 jours-amende à 20 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu’à une amende à titre de sanction immédiate de 200 fr. convertible en 10 jours de peine privative de liberté de substitution à défaut de paiement (III), a condamné B.P._ à une peine pécuniaire de 45 jours-amende à 10 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu’à une amende à titre de sanction immédiate de 100 fr. convertible en 10 jours de peine privative de liberté de substitution à défaut de paiement (IV) et a mis une partie des frais de la cause comprenant les indemnités allouées aux défenseurs d’office à la charge de A.P._ à hauteur de 3'797 fr. et à la charge de B.P._ à hauteur de 3'352 fr. 60, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (VII).
B.
Par annonce du 11 mai 2015, puis déclaration motivée du 19 juin suivant, A.P._ a formé appel contre ce jugement, en concluant avec suite de frais, principalement à sa réforme en ce sens qu’elle est libérée de l’accusation de lésions corporelles simples qualifiée à raison des faits du 24 octobre 2013, que le jugement est confirmé en tant qu’il renonce à prononcer une sanction à raison des faits survenus le 24 novembre 2013 et qu’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP fixée à dire de justice lui est allouée. Subsidiairement, elle a conclu à l’annulation du jugement, la cause étant renvoyée au tribunal de première instance pour complément d’instruction et nouvelle décision.
Par courrier du 30 juillet 2015, le Ministère public a conclu au rejet de l’appel formé par A.P._ et au maintien du jugement attaqué, aux considérants duquel il s’est référé intégralement.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissante suisse, A.P._ est née le [...] 1962 à [...] (Cameroun). Elle a épousé B.P._ le 1
er
avril 2010. Elle a deux fils, issus d’une précédente union, qui sont désormais majeurs et indépendants. Elle travaille en qualité d’accompagnante en soins et perçoit un revenu mensuel net de 3'200 fr., versé treize fois l’an. Son loyer s’élève à 1'410 fr. par mois, charges comprises, et sa prime d’assurance maladie mensuelle est de 343 francs. A ces charges s’ajoutent un abonnement de bus mensuel de 72 fr., ainsi que les frais liés aux repas qu’elle prend sur sa place de travail.
Les époux [...] se sont séparés en juillet 2014. Entrecoupée de plusieurs précédentes séparations, leur vie commune a été conflictuelle et ternie de violence verbale et physique. Une première procédure pénale a été ouverte à la suite d’un épisode de violence conjugale survenu peu après leur mariage. Tous deux prévenus, les époux ont bénéficié d’un classement, compte tenu du retrait réciproque de leurs plaintes et du fait que cet événement paraissait encore isolé.
Le casier judiciaire de A.P._ est vierge.
2.
a)
Le 24 octobre 2013, vers 06h30, au domicile conjugal sis à Lausanne, [...],A.P._ a poussé des deux mains son époux, qui s’est cogné l’arrière de la tête contre la porte de la salle de bains et le dos contre la poignée de celle-ci.
Suite à ces faits, B.P._ a présenté une éraflure de 5 mm en regard du rebord orbitaire inférieur gauche et des ecchymoses pectorales. Il a également souffert de céphalées et de douleurs nucales. Il n’a pas déposé plainte.
b)
Le 24 novembre 2013, à 04h00, au domicile conjugal sis à Lausanne, [...],B.P._ a insulté son épouse en la traitant de « trou du cul », et l’a serrée au cou plusieurs minutes, sans toutefois l’empêcher de respirer ni la blesser. Peu après, alors qu’elle se dirigeait vers le salon, il l’a poussée des deux mains, la faisant tomber contre une porte vitrée du salon qui s’est brisée sous le choc. Suite à ces faits, A.P._ a souffert d’un hématome à l’avant-bras droit, de cinq plaies très superficielles de la face antérieure de l’avant-bras droit et plusieurs hématomes. Elle a déposé plainte contre son mari le même jour.
De son côté, A.P._ a insulté son époux en le traitant de «profiteur» et l’a frappé au visage et au dos avec une chaussure. B.P._ a présenté une abrasion sous l’œil droit et d’une discoloration dans la haut du dos. Il a déposé plainte le même jour.
3.
Par ordonnance pénale du 23 octobre 2014, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a condamné B.P._ pour lésions corporelles simples qualifiées et voies de fait qualifiées, à une peine pécuniaire de 45 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu’à une amende de 600 fr., convertible en 20 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif. Il a également condamné A.P._ pour lésions corporelles simples qualifiées et voies de fait qualifiées, à une peine pécuniaire de 45 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu’à une amende de 300 fr., convertible en 10 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif.
A.P._ et B.P._ ont formé opposition à cette ordonnance pénale. Le Ministère public ayant maintenu sa décision, le dossier de la cause a été transmis au Tribunal de police de Lausanne.
Appréciant les faits de la cause, le premier juge a retenu qu’ils étaient suffisamment établis, les actes de violence étant documentés par des certificats médicaux. Il a toutefois renoncé à sanctionner le comportement reproché à A.P._ à raison des faits survenus le 24 novembre 2013 en application de l’art. 177 al. 3 CP. Il a également appliqué cet article aux injures que les époux avaient échangées. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les forme et délai légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de A.P._ est recevable.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 consid. 3.1).
2.
2.1
Se prévalant d’une constatation erronée des faits, l’appelante conteste avoir poussé son époux le 24 octobre 2013 et être à l’origine des lésions qu’il a subies.
2.2
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
2.3
Se fondant sur les certificats médicaux produits, le premier juge a considéré que la violence conjugale n’avait pas été le seul fait de l’époux, mais également de l’épouse. Il a ainsi retenu que l’appelante avait commis les faits du 24 octobre 2013 sur la base en particulier du certificat établi le 9 novembre 2013 par l'infirmière V. [...] et contresigné par le Dr. [...] du Centre Universitaire Romand de Médecine Légale (ci-après : CURML). Ce document indique notamment ce qui suit (P. 12) :
« Selon les déclarations de M. [...], le jeudi 24 octobre 2013 entre 6h30 et 07h00, à leur domicile à Lausanne, il a été victime d’une agression par son épouse. Suite à une dispute autour de l’achat d’une télévision, l’épouse de M. [...] s’est mise à crier après ce dernier, disant qu’elle n’avait pas d’argent. Tous les deux se trouvaient alors à la salle de bains et les enfants de M. [...] ( [...], née le [...]2006 et [...], né le [...]1998) dormaient encore. L’épouse de M. [...] a traité ce dernier de « profiteur, sale bandit » et a ajouté : « tu vas partir d’ici avec tes enfants, vous allez foutre le camp. A partir d’aujourd’hui, il faut que tu fasses attention ». M. [...] a demandé à son épouse de se calmer et a fermé la porte de la salle de bains « pour ne pas réveiller les enfants ». Son épouse l’a alors poussé des deux mains au visage, de part et d’autre du nez, le faisant se heurter l’arrière du crâne contre la porte. Il a alors ouvert la port
e, qu’il n’a pu qu’ouvrir à demi, celle-ci restant bloquée contre son dos car il se trouvait dos à la porte, la poignée derrière lui à sa droite. Son épouse l’a saisi par le sweat-shirt au niveau du thorax ainsi que par la chaine qu’il portait autour du cou, la brisant. Elle l’a ainsi poussé le faisant à nouveau se heurter l’arrière du crâne contre la porte et la région lombaire droite contre la poignée de la porte. M. [...] a saisi les mains de son épouse, la faisant lâcher, puis il est sorti de l’appartement. Il est allé s’asseoir dans sa voiture jusqu’à ce que son épouse soit partie à son travail. Au cours des faits susmentionnés, [...] s’était réveillée et avait rejoint la salle de bains, sans pouvoir y entrer. Elle avait entendu les cris et les propos de M. [...] et de son épouse. Lorsque M. [...] est allé travailler, son collègue lui a fait remarquer qu’il avait une « blessure »sous l’œil gauche (griffure). Le lendemain, M. [...] a consulté les Urgences du CHUV en raison de céphalées et de douleurs nucales. Les 28 octobre et 1
er
novembre 2013, M. [...] a consulté son médecin traitant qui lui a prescrit un traitement anti-inflammatoire non stéroïdien (Ibuprofen®) jusqu’au 10 novembre 2013. [...] A l’examen physique, nous avons constaté la présence, au niveau du rebord orbitaire inférieur gauche d’une discrète abrasion cutanée rose brunâtre, en voie de cicatrisation, filiforme, pratiquement linéaire, à disposition oblique vers le bas et le dehors, mesurant 0,9 cm de long (en rapport avec les faits susmentionnés, selon les dires de l’intéressé) [photo 03 ].»
Le récit de B.P._ à l’infirmière est précis quant aux lieux, circonstances et motifs de la dispute. Les gestes lésionnels décrits comportent une poussée des deux mains au visage, de part et d'autre du nez, provoquant un heurt de l'arrière du crâne contre la porte de la salle de bains et une poussée distincte au niveau du thorax provoquant un second heurt de l'arrière du crâne contre la porte et un heurt de la région lombaire contre la poignée de la porte. De plus, le Dr. [...], interniste à Lausanne, a délivré au plaignant un certificat médical le 1
er
novembre 2013 portant sur une incapacité de travail à 100 % (partiellement rétroactive) du 24 octobre au 10 novembre 2013 (P. 37/1).
L'appelante critique ces éléments de conviction en faisant valoir que les certificats produits seraient dépourvus de force probante dès lors qu’ils ne reposeraient que sur les déclarations de son époux au corps médical. Cet argument doit être écarté. En effet, il existe en réalité une concordance entre le récit du patient et, d'une part, les lésions constatées lors des examens, notamment celle située sous l’œil, d'autre part, les examens et traitements prescrits et, de troisième part, l'ajustement de la chronologie des soins sur celle de l'épisode dénoncé. Cette triple corrélation emporte la conviction quant à la véracité du récit du plaignant.
L'appelante fait également valoir que son époux aurait donné des versions différentes à ses divers interlocuteurs. Elle évoque un passage du certificat établi par le CURML le 9 novembre 2013 qui restitue le récit qu’il a fait lors d'une consultation au service des urgences du CHUV le 25 octobre 2013. A cette occasion, B.P._ a entre autres déclaré que la veille au matin, son épouse l’avait griffé et frappé à coups de poing, ainsi qu’avec un peigne, au niveau de la face antérieure de la région thoracique et au-dessus du crâne (P. 12 p. 3). L’appelante soutient que cette version des faits ne correspondrait pas à la version que B.P._ a donnée en cours d’instruction, ni à celle qui a été retenue dans l’acte d’accusation et par le premier juge. En réalité, les déclarations qu’a faites B.P._ devant le procureur le 11 février 2014 (PV d’audition 2, p. 2), bien que résumées et moins détaillées, ne contredisent pas la version qu’il a donnée aux urgences. Il n'y a pas davantage de contradiction avec le contenu de l'acte d'accusation et celui du jugement, lequel retient précisément que si les faits communiqués par le plaignant aux urgences sont plus larges que ceux faisant l’objet de l’enquête et de l’acte d’accusation, ils comprennent néanmoins l’épisode au cours duquel A.P._ l’a poussé au niveau du visage au point qu’il a heurté la porte derrière lui (jugement p. 13).
En revanche, c’est à raison que l'appelante soutient que le premier juge s'est trompé en mettant en relation l'épisode de violence du 24 octobre 2013 et les soins qu’a reçus B.P._ à l'hôpital ophtalmique (jugement p. 14). La facture hospitalière fait en effet état d'un traitement prodigué en novembre 2010 et non en 2013. Cette erreur n'a toutefois pas de portée sur l'établissement des faits.
Il résulte de ce qui précède que le moyen pris d'une constatation erronée des faits doit être rejeté.
3.
3.1
L'appelante invoque une violation du principe in dubio pro reo. Elle soutient qu’en l’absence d’éléments matériels probants, les versions des parties seraient irrémédiablement contradictoires, de sorte qu’elle devrait être libérée au bénéfice du doute.
3.2
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3). La présomption d’innocence ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 consid. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 consid. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 consid. 2c; TF 6B_831/2009 précité consid. 2.2.2).
3.3
En l’espèce, contrairement à ce que soutient l’appelante, on dispose des certificats médicaux comme éléments distincts des versions des parties. Ce sont eux qui permettent de les départager en les déclarant toutes deux coupables, sans qu’un doute subsiste. Le grief formulé par A.P._ doit par conséquent être rejeté.
4.
4.1
L'appelante conteste que les atteintes corporelles retenues à raison des faits survenus le 24 octobre 2013 puissent être qualifiées de lésions corporelles simples. Selon elle, il s'agirait tout au plus de voies de fait.
4.2
L'art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Cette disposition protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique. Elle implique une atteinte importante aux biens juridiques ainsi protégés. A titre d’exemples, la jurisprudence cite l’administration d’injections, la tonsure totale et tout acte qui provoque un état maladif, l’aggrave ou en retarde la guérison, comme les blessures, les meurtrissures, les écorchures ou les griffures, sauf si ces lésions n’ont pas d’autres conséquences qu’un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 26 ; 107 IV 40 consid. 5c p. 42 ; 103 IV 65 consid. 2c p. 70).
Les voies de fait, réprimées par l’art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n’a causé aucune douleur physique (ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 26 ; 117 IV 14 consid. 2a p. 15 ss).
La distinction entre lésions corporelles et voies de fait peut se révéler délicate, notamment lorsque l’atteinte est limitée à des meurtrissures, des écorchures, des griffures ou des contusions. Ainsi, une éraflure au nez avec contusion a été considérée comme une voie de fait ; de même une meurtrissure au bras et une douleur à la mâchoire sans contusion. En revanche, un coup de poing au visage donné avec une violence brutale propre à provoquer d’importantes meurtrissures, voire une fracture de la mâchoire, des dents ou de l’os nasal, a été qualifié de lésion corporelle ; de même de nombreux coups de poing et de pied provoquant chez l’une des victimes des marques dans la région de l’œil et une meurtrissure de la lèvre inférieures et chez l’autre une meurtrissure de la mâchoire inférieure, une contusion des côtes, des écorchures de l’avant-bras et de la main (ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 26/27). La question peut parfois être résolue de manière satisfaisante par l’application de l’art. 123 ch. 1 al. 2 CP, qui permet une atténuation libre de la peine dans les cas de peu de gravité (cf. ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 27).
Dans les cas limites, il faut tenir compte de l’importance de la douleur provoquée, afin de déterminer s’il s’agit de lésions corporelles simples ou de voies de fait. Comme les notions de voies de fait et d’atteinte à l’intégrité corporelle, qui sont décisives pour l’application des art. 123 et 126 CP, sont des notions juridiques indéterminées, la jurisprudence reconnaît, dans ces cas, une certaine marge d’appréciation au juge du fait car l’établissement des faits et l’interprétation de la notion juridique indéterminée sont étroitement liés. Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral s’impose une certaine réserve dans la critique de l’interprétation faite par l’autorité cantonale, dont il ne s’écarte que si cela s’avère nécessaire (ATF 119 IV 25 consid. 2a p. 27 et les arrêts cités).
4.3
Le premier juge a retenu que B.P._ avait souffert d’une éraflure sous orbitaire qui avait nécessité des soins à l’hôpital ophtalmique, qu’il avait présenté en outre des ecchymoses pectorales des deux côtés et qu’il s’était plaint de diverses douleurs, ce tableau lésionnel ne permettant pas une qualification de voies de fait. Certes, comme retenu précédemment (cf. supra consid. 2.2), les soins prodigués à B.P._ à l’hôpital ophtalmique n’ont aucun lien avec l’éraflure qu’il a présentée sous l’œil à la suite des faits survenus le 24 octobre 2013. Il n’en demeure pas moins que le certificat médical du 9 novembre 2013 (P. 12 p. 2) évoque également des douleurs nucales et des céphalées, une limitation dans la mobilité, ainsi que divers symptômes psychiques. Les observations faites par le Service des urgences et rapportées par le CURML dans son certificat sont plus détaillées dans la description des lésions et des douleurs et indiquent qu’un contrôle auprès du médecin traitant en cas de douleurs cervicales ou autres persistantes avait été conseillé au patient. Un tel contrôle a eu lieu le 1
er
novembre 2013 au terme duquel le Dr. [...][...] a délivré un arrêt de travail au plaignant pour une quinzaine de jours.
Au regard des critères jurisprudentiels s’agissant de la douleur, de l'emplacement des lésions, notamment au visage, de la visibilité de celles-ci plusieurs jours après les faits et de l’incapacité de travail qui en est résultée, il ne fait pas de doute qu'il s'agit bien de lésions et non pas seulement de voies de fait.
4.4
Compte tenu de ce qui précède, c’est donc à juste titre que A.P._ a été condamnée pour lésions corporelles simples qualifiées au sens de l’art. 123 ch. 2 al. 3 CP à raison des faits survenus le 24 octobre 2013.
5.
5.1
Relevant que son époux n’avait pas déposé plainte pénale et que les faits s’étaient produits dans le cadre d’une dispute conjugale, l’appelante fait valoir que sa culpabilité serait peu importante et justifierait l’application de l'art. 52 CP.
5.2
L'art. 52 CP prévoit que l'autorité compétente renonce à poursuivre l'auteur, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine si sa culpabilité et les conséquences de son acte sont peu importantes. L'importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification (ATF 135 IV 130 consid. 5.3.3 p. 135 s.). La culpabilité de l'auteur se détermine selon les règles générales de l'art. 47 CP (ATF 135 IV 130 consid. 5.2.1 p. 133 s.), mais aussi selon d'autres critères, comme le principe de célérité ou d'autres motifs d'atténuation de la peine indépendants de la faute (tels que l'écoulement du temps depuis la commission de l'infraction; ATF 135 IV 130 consid. 5.4 p. 137).
5.3
En l'espèce, les conditions de l'art. 52 CP ne sont pas réunies. En effet, la culpabilité de l'appelante n'est pas minime. Les violences consistant dans des coups ou des chocs au visage à proximité des yeux ne sauraient être banalisées. Il ne s’agit en outre pas d’un épisode isolé de violence domestique, l’un d’entre eux ayant nécessité l’intervention de la police et de la justice pénale, sans que cela n'amène de prise de conscience. Quant à l'absence de dépôt de plainte, elle est sans portée. La facilité du recours à la violence au sein d’un couple est un fléau et ne constitue en aucun cas une circonstance atténuante.
6.
6.1
Se prévalant d’une violation de la maxime d’accusation, respectivement du principe d’immutabilité de l’accusation, l’appelante soutient qu’elle a été jugée coupable d’injure qualifiée, alors que cette infraction n’a pas été retenue dans l’acte d’accusation.
6.2
L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation. Selon cette disposition, une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits.
Le prévenu doit ainsi connaître exactement les faits qui lui sont imputés et les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (ATF 126 I 19 consid. 2a; ATF 120 IV 348 consid. 2b). Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation, mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP). Le principe de l'accusation découle également de l'art. 29 al. 2 Cst. (droit d'être entendu), de l'art. 32 al. 2 Cst. (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et de l'art. 6 par. 3 let. a CEDH (droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation). Les art. 324 ss CPP règlent la mise en accusation, en particulier le contenu strict de l'acte d'accusation. Selon l'art. 325 CPP, l'acte d'accusation désigne notamment les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur (let. f) ; les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public (let. g). En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée à l'accusé (TF 6B_489/2013 du 9 juillet 2013 consid. 1.1).
La saisine de la juridiction de jugement est ainsi limitée aux infractions énoncées dans l’acte d’accusation et cet acte ne peut plus être modifié, sous réserve des exceptions énoncées à l’art. 333 CPP. L’accusation ne peut donc, en principe, plus être modifiée dans le cadre de la procédure judiciaire, en vertu du principe de l’immutabilité, sous réserve des art. 329, 333 et 344 CPP (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire, Code de procédure pénale, Bâle 2013, n. 2 ad art. 9 CPP).
6.3
En l’espèce, bien que les considérants de l’ordonnance pénale rendue le 23 octobre 2014 devenue acte d’accusation fassent état de l’infraction d’injure réprimée par l’art. 177 CP, celle-ci ne figure pas dans la liste des infractions dont la commission est finalement reprochée aux époux [...] et pour lesquelles ils ont été renvoyés devant le tribunal. Le grief de l’appelante est donc fondé.
En conséquence et en application de l’art. 404 al. 2 CPP qui permet à la juridiction d’appel d’examiner en faveur du prévenu des points du jugement qui ne sont pas attaqués afin de prévenir des décisions illégales ou inéquitables, le dispositif du jugement du 28 avril 2015 doit être réformé à ses chiffres I, II et IIbis, tant en faveur de A.P._ que de B.P._, qui ne peuvent pas être reconnus coupables d’injure qualifiée, faute d’avoir été renvoyés en jugement pour ce chef d’accusation.
7.
7.1
L'appelante critique la quotité de la peine prononcée par le premier juge. Elle fait valoir qu'il s'agit de la même sanction que celle infligée dans l'ordonnance pénale du 23 octobre 2014, alors que, par rapport au contenu de celle-ci, les lésions corporelles simples qualifiées qui lui sont reprochées en raison des faits survenus le 24 novembre 2013 ont fait l'objet d'une exemption de peine en application de l’art. 177 al. 3 CP.
7.2
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 consid. 3.1; ATF 134 IV 17 consid. 2.1; ATF 129 IV 6 consid. 6.1).
7.3
Le grief de l’appelante est en l’occurrence dépourvu de pertinence. L'opposition qu’elle a formée à l’encontre de l’ordonnance pénale a eu pour effet de transformer celle-ci en acte d'accusation (art. 356 al. 1 in fine CPP), la sanction énoncée constituant alors une simple proposition du ministère public (art. 326 al. 1 let. f CPP). Il va de soi que l'autorité de jugement est indépendante dans la fixation de la peine selon le principe général de l'art. 4 CPP.
Pour le surplus, les critères appliqués par le premier juge pour arrêter la sanction, qui ne sont pas critiqués en tant que tel, sont adéquats (jugement, pp. 15-16), de sorte qu’en définitive, la peine doit être confirmée.
8.
La conclusion de l’appelante s’agissant des dépens repose sur la prémisse de l’admission de son appel. En l’occurrence, sa condamnation pour lésions corporelles simples qualifiées à raison des faits survenus le 24 octobre 2013 est confirmée et elle n’obtient gain de cause que sur une question de principe s’agissant de l’infraction d’injure qualifiée retenue à tort à sa charge, mais pour laquelle elle avait été exemptée de toute peine. Dans ces circonstances et dans la mesure également où c’est l’illicéité civile de son comportement qui est à l’origine de l’instruction ouverte à son encontre, il n’y a pas lieu de lui allouer une indemnité au sens de l’art. 429 CPP (art. 430 al. 1 let. a CPP).
9.
On relèvera en dernier lieu que le jugement attaqué contient une erreur au chiffre IV de son dispositif, celui-ci mentionnant que l’amende infligée à B.P._ à titre de sanction immédiate est arrêtée 100 fr., mais indiquant en toutes lettres deux cents francs.
En l’occurrence, dans ses considérants, le premier juge a arrêté l’amende infligée à A.P._ à 400 fr. et celle infligée à B.P._ à 200 fr., après avoir arrêté la quotité du jour-amende concernant la première nommée à 20 fr. et celle pour le second à 10 fr., estimant que la capacité financière de ce dernier était alourdie par ses charges familiales. Or, dans le dispositif, l’amende infligée à A.P._ est finalement réduite à 200 francs. Ces éléments permettent de considérer que l’amende mise à la charge de B.P._ s’élève bien à 100 fr., ce d’autant plus qu’elle est convertible en 10 jours de peine privative de liberté de substitution à défaut de paiement. Le dispositif du jugement attaqué sera en conséquence rectifié d’office.
10.
En définitive, l'appel de A.P._ doit être très partiellement admis et le jugement de première instance modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
11.
Une indemnité de défenseur d'office d'un montant de 1'738 fr. 80, TVA et débours inclus, sera allouée à Me Michel Dupuis pour la procédure d'appel.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 3'898 fr. 80, constitués en l’espèce de l'émolument d’arrêt, par 2’160 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]) et de l’indemnité allouée au défenseur d’office de l’appelante, seront mis par trois quarts à la charge de A.P._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
A.P._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat les trois quarts de l’indemnité allouée à son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
820e58e9-991d-41e6-8ecd-4ac30836c2bb | En fait :
A.
Par jugement du 13 avril 2015, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est-vaudois a, notamment, condamné A.L._, pour infraction grave à la LStup (Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951; RS 812.121), complicité d'infraction à la LStup, contravention à la LStup et infraction à la LEtr (Loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005; RS 142. 20), à une peine privative de liberté de 2 ans, avec sursis durant 5 ans, ainsi qu'à une amende de 100 fr., la peine privative de liberté de substitution étant de 1 jour, sous déduction de 195 jours de détention provisoire et de 66 jours d'exécution anticipée de peine (I), constaté qu'A.L._ a subi 27 jours de détention dans des conditions de détention provisoire illicites et dit que l'Etat de Vaud lui doit immédiat paiement d'un montant de 1'350 fr. à titre de réparation du tort moral (II), révoqué le sursis accordé à A.L._ le 12 décembre 2013 par le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois et ordonné l'exécution de la peine pécuniaire de 15 jours-amende à 30 fr. le jour (III).
B.
Par annonce du 23 avril 2015, puis par déclaration motivée postée le 19 mai 2015, A.L._ a formé appel contre ce jugement, concluant à sa réforme en ce sens qu'il est condamné, pour infraction simple à la LStup, à une peine privative de liberté réduite à six mois avec sursis durant cinq ans et que l'Etat de Vaud lui doit immédiat paiement d'un montant de 2'700 fr. à titre de tort moral pour les 27 jours passés dans des conditions de détention provisoire illicites.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1
. A.L._ est né le 1
er
janvier 1995 en Gambie, pays dont il est ressortissant. Il a un frère prénommé B.L._ Le prévenu est arrivé pour la première fois en Suisse en juin 2013. Il y a déposé une demande d'asile qui a été rejetée en août 2013. Il a déclaré avoir quitté notre pays en septembre 2013, s'être rendu au Portugal où sa famille serait établie, être revenu en Suisse en
décembre 2013 et avoir pu y vivre grâce à la générosité de ses amis (P. 68 p. 7).
2.
Le casier judiciaire suisse de A.L._ mentionne que, le 12 décembre 2013, il a été condamné par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois à 15 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis durant deux ans, ainsi qu'à une amende de 120 fr. pour vol d'usage d'un véhicule automobile.
3.1
Le 5 septembre 2013 à Bex, A.L._ a été interpellé alors qu'il se trouvait en Suisse sans droit.
3.2
Pour le moins entre le mois de décembre 2013 et le 16 janvier 2014, A.L._ est revenu illégalement en Suisse pour y demeurer sans droit.
3.3
Pour le moins entre le mois de décembre 2013 et le 16 janvier 2014, A.L._ a consommé de la marijuana dans une quantité indéterminée.
3.4
Durant la même période, dans la région de Bex et d'Aigle, A.L._ a vendu 4.5 grammes de cocaïne pure, compte tenu d'un taux de pureté moyen de 17 % s'agissant de boulettes de cocaïne estimée à 0.71 gr., cela pour un chiffre d'affaire compris entre 3'620 fr. et 3'800 francs.
3.5
Pour le moins en décembre 2013 et en janvier 2014, dans la région de Bex, A.L._ a participé à de nombreuses reprises aux transactions effectuées par J._ avec K._ portant sur une quantité globale comprise entre 26 et 52 boulettes de cocaïne, cela en faisant le guet. La quantité de stupéfiant pure pour ce cas est d'environ 7.8 grammes.
3.6
Le 16 janvier 2014, vers 22h00, un individu identifié par la suite comme étant F._ surnommé le [...] (déféré séparément) s'est rendu brièvement dans l'appartement occupé à ce moment-là par N._, J._ et A.L._ à [...] endroit où il a livré une centaine de grammes de cocaïne. A.L._ a été interpellé ce jour-là vers 22h15, alors qu’il sortait de cet appartement, duquel un autre prévenu s’est ensuite enfui en emportant un sachet contenant 106 grammes de cocaïne. La fouille de l'appartement a permis de découvrir 1 gramme brut de marijuana propriété de N._ (P.4, pt 5.1) ainsi qu'une boulette de cocaïne d'un poids de 1.2 gramme. La livraison de cocaïne effectuée dans le logement que les trois prévenus précités occupaient au moment de la venue de la police était destinée à les ravitailler tous les trois. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007] RS 312.0) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel d' A.L._ est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
2.3
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011,
n. 19 ad art. 398 CPP).
3.
3.1
Les premiers juges ont retenu qu'entre octobre 2013 et janvier 2014, l'appelant avait participé, en faisant le guet, à toutes les transactions effectuées par J._ avec K._, portant sur une quantité globale de 26 boulettes de cocaïne (quantité la plus favorable), la quantité de drogue pure étant de 7.8 grammes (26 X 1.2 x 25%). Pour ces faits, ils ont reconnu A.L._ coupable de complicité d'infraction à la LStup.
3.2
L'appelant critique le jugement sur ces points. Il soutient qu'il n'était pas en Suisse avant le mois de décembre 2013, de sorte qu'il ne pouvait pas avoir assisté à toutes les transactions d'J._ et qu'on ne peut pas lui imputer l'entier de la quantité de drogue vendue par ce dernier. Il ajoute que le jugement entrepris ne décrirait pas de manière suffisamment motivée le point de savoir comment il aurait fait le guet et
"[...] en quoi cette attitude aurait été causale dans la transaction"
(mémoire, p. 4). Il nie avoir été le complice d'J._, dès lors qu'il n'aurait pas tenu de
"[...] rôle actif"
et se serait limité à l'accompagner.
3.3
L'appréciation du tribunal, qui se fonde sur les mises en cause de A.L._, les déclarations des consommateurs et le résultat des contrôles téléphoniques, n'est pas critiquable. En effet, les dires de K._ sont sans équivoque. Il indique :
"[...] Je reconnais un copain de N._ qui était très souvent avec lui et qui faisait le guet pendant les transactions. [...]. Vous me dites qu'il s'appelle A.L._"
(PV aud. 16, p. 3). Il ressort en outre des déclarations de B._ que le prévenu et J._ se remplaçaient, qu'ils utilisaient les mêmes téléphones (PV aud. 8 pp. 3-4). Les contrôles téléphoniques corroborent ce qui précède; ils révèlent que certains natels étaient utilisés indifféremment par l'appelant et J._. Enfin, le rapport final de la police de sûreté précise que l'intéressé prenait part à la livraison de cocaïne (P. 68, p. 22). L'implication de l'appelant dans les transactions de son comparse est donc manifeste.
A ce sujet, l'expression
"faire le guet"
décrit avec suffisamment de précision le comportement de celui qui surveille les environs d'une transaction, sans qu'il soit nécessaire d'être plus précis dans la description (CAPE 9 janvier 2014/8,
c. 3.1 et réf.). On comprend que le prévenu jouait notamment le rôle du guetteur.
D'après les règles en vigueur, le comportement du complice consiste à apporter une assistance qui facilite la commission de l'infraction fraction (art. 25 CP; ATF 121 IV 109; JT 1996 IV 95), ce qui est évident pour le guetteur. En outre, l'augmentation des chances de réussite s'analyse
ex ante
. Peu importe donc que l'apport du complice s'avère superflu
a posteriori
, l'absence d'un quelconque gêneur dispensant le guetteur placé de manière profitable mais stratégiquement non déterminante de se manifester (Straüli, in : Roth/ Moreillon [éd.], Commentaire romand, Code pénal I, Art. 1-110 CP, Bâle 2009, n. 23 ad. art. 25 CP). L'autorité de première instance retient à juste titre qu'A.L._ s'est rendu complice des transactions d'J._.
Pour le reste, on peut concéder à l'appelant que l'acte d'accusation et la déposition de K._ le mettent en cause pour avoir guetté
"très souvent"
et non pas à chaque fois, et qu'ainsi, la quantité concernée par les actes de complicité pourrait être légèrement inférieure aux 7.8 grammes de cocaïne pure retenus par le tribunal. Cette nouvelle appréciation ne revêt cependant pas une importance suffisante pour justifier une nouvelle fixation de la peine, étant rappelé que seule la complicité est retenue pour ces faits.
3.4
L'appel s'avère donc mal fondé sur ces points.
4.
4.1
L'appelant reproche ensuite aux premiers juges d'avoir retenu que la une centaine de grammes de cocaïne livrée le 16 janvier 2014 dans l'appartement qu'il occupait à moment-là avec N._ et J._ [...], lui était également destinée, dans une proportion indéterminée. Il ne peut être suivi. En effet, il ressort des contrôles téléphoniques rétroactifs qu'A.L._ était à la recherche de cocaïne depuis un certain temps. En outre, comme le relève le rapport de final de la police de sûreté (P. 68, p. 20), les trafiquants de drogue étant de nature discrète et méfiante, il est invraisemblable qu'une transaction portant sur une centaine de grammes ait pu se dérouler en présence de personnes qui ne sont pas impliquées et qui constituent autant de témoins potentiels. Enfin, l'interaction déjà relevée entre l'appelant et J._ (partage de natels, ventes réalisées ensemble) conforte cette appréciation.
5.
En définitive, les faits retenus en première instance doivent être confirmés, l'appelant ne les remettant d'ailleurs pas en cause sur d'autres aspects que ceux examinés ci-dessus.
Pour les actes reprochés à A.L._, et dès lors que la quantité de cocaïne pure qu'il a trafiquée réalise plusieurs fois le cas grave (ATF 119 IV 180 c. 2d), on retient, comme les premiers juges, qu'il doit être reconnu coupable d'infraction grave à la LStup, de complicité d'infraction à la Lstup et contravention à la Lstup. Les infractions à la LEtr ne sont pas contestées et sont manifestes.
La peine infligée à A.L._ est adéquate et conforme au droit. L'appelant ne la remet d'ailleurs en cause qu'en lien avec une modification en sa faveur du verdict de culpabilité, situation non réalisée en l'espèce.
6.
6.1
L'appelant fait enfin grief au tribunal de l'avoir indemnisé à hauteur de 50 fr. par jour de détention provisoire dans des conditions illicites. Il juge ce montant trop bas compte tenu de l'importance de l'atteinte portée à sa dignité humaine et à sa personnalité (mémoire pp. 8 et 9). Il estime que la jurisprudence fédérale n'empêcherait pas l'octroi un montant supérieur à 50 fr.
par jour et cite un arrêt publié aux ATF 140 l 246 (TF 6B_17/2014 du 1
er
juillet 2014 c. 2.6.1), dans lequel le Tribunal Fédéral a alloué un montant de 50 fr. par jour en considérant que cela n'était pas exagéré et qu'il était lié par les conclusions du recourant.
6.2
Dans ledit arrêt, la Haute Cour constate que le maintien du recourant dans une cellule sans fenêtre et éclairée 24h/24 constitue, même pour une période limitée à une dizaine de jours, un traitement dégradant contraire à
l'art. 3 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101).
En l'espèce, l'appelant n'explique pas en quoi, outre la durée, sa détention aurait été davantage attentatoire à sa dignité humaine
que dans le cas examiné par le Tribunal Fédéral. De plus, admettre qu'un montant de 50 fr. par jour n'est pas exagéré ne signifie pas encore qu'il est insuffisant et la motivation sommaire de l'appelant ne démontre pas le contraire. Partant, le montant alloué en première instance échappe à la critique et doit être confirmé.
7.
En définitive, l'appel d'A.L._ doit être rejeté, frais à son auteur, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
7.1
Il convient d'accorder à Me Katrin Gruber, défenseur d'office d'A.L._ l'indemnité d'office qu'elle demande pour la procédure de seconde instance, et de lui allouer montant de 1'555 fr. 20 à ce titre Cette somme tient compte, audience incluse, de 8 heures de travail au tarif horaire des avocats d'office (180 fr.) et 8 % de TVA.
7.2
Les frais d'appel, par 2'945 fr. 20, y compris l'indemnité allouée au défenseur d'office, sont mis à la charge d' A.L._.
L'appelant ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
82337668-16f2-4f2e-b8da-fbfa51dbfc03 | En fait :
A.
Par jugement du 6 juin 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a constaté que A.Q._ s’est rendu coupable d’accès indu à un système informatique, de détérioration de données et de faux dans les titres (I), a condamné A.Q._ à une peine pécuniaire de 150 (cent cinquante) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. (trente francs) avec sursis pendant deux ans (II), a condamné en outre A.Q._ à une amende de 900 fr. (neuf cents francs) convertible en 30 (trente) jours de peine privative de liberté de substitution (III), a dit que les peines prononcées ci-dessus sont partiellement complémentaires à celle prononcée le 10 février 2011 par le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte (IV), a mis les frais judiciaires, par 2'490 fr. (deux mille quatre cent nonante francs), à la charge de A.Q._ (V), a dit que A.Q._ doit à B.Q._ la somme de 5'000 fr. à titre d'indemnité de procédure (VI) et a rejeté les conclusions en tort moral prises par B.Q._ (VII).
B.
Par annonce du 17 juin 2014, puis déclaration motivée du 4 juillet 2014, A.Q._ a formé appel, avec suite de frais et dépens, contre le jugement précité et conclu principalement à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté et qu'une indemnité selon l'art. 429 CPP lui est allouée. Il a conclu subsidiairement à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause au tribunal de première instance, pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Par avis du 29 août 2014, le Ministère public a renoncé à déposer des déterminations.
Aux débats de ce jour, B.Q._ a conclu, avec dépens, au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement de première instance.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissant suisse né en 1961 à Madrid, A.Q._ a une formation d'ingénieur. Il a épousé B.Q._ le 15 décembre 1989, avec laquelle il a eu trois enfants. Les époux sont en instance de divorce, A.Q._ ayant ouvert action dans ce sens le 1
er
mai 2009. Le prévenu a travaillé notamment comme responsable des achats à Y._ jusqu’en 2005. Il occupe actuellement un poste de chef de bureau au Service de logistique et stock de la Ville de [...], pour un revenu mensuel net de l’ordre de 6'400 francs. Il est propriétaire d’une villa, laquelle est grevée d’une hypothèque de 520'000 francs. Sa charge hypothécaire est de 2'300 fr. par mois. Son assurance-maladie s’élève à 300 fr. par mois et sa charge d’impôts à 600 fr. mensuels. Il verse, pour l’entretien de chacun de ses deux enfants majeurs encore en formation, une contribution mensuelle de 500 fr. par mois. Outre son bien immobilier, il détient deux placements de 25'000 euros chacun.
Le casier judiciaire de A.Q._ comporte une inscription concernant une condamnation prononcée le 10 février 2011 par le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte pour violation des règles de la circulation routière, violation grave des règles de la circulation routière, conduite d’un véhicule défectueux, contravention à l’ordonnance sur les règles de la circulation routière à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu'à une amende de 300 francs.
2.
Le 1
er
mai 2009, dans le cadre de la demande unilatérale en divorce qu'il a déposée auprès du Tribunal d'arrondissement de La Côte, A.Q._ a produit un faux contrat d'achat-vente signé le 16 avril 1987 devant G._, notaire à Novelda, concernant l'acquisition du terrain "Don Jaime" de 9'637 m2 situé dans la région de Moralet, province d'Alicante, en Espagne, pour un montant de ESP 8'995'000 (cf. P. 5/2/5 et sa traduction en P. 5/3/5a).
B.Q._ a déposé plainte le 21 juillet 2009.
A l'appui de celle-ci, la plaignante a notamment produit un courrier non daté qui lui avait été adressé le 30 avril 2009 par la notaire G._, qui lui faisait savoir qu’elle n’était pas l’auteur de cet acte et qu’à cette époque, elle exerçait sa pratique non pas à Novelda, mais à Orba, une autre localité de la province d’Alicante. Elle en déduisait que cet acte était un faux et indiquait à la plaignante qu’elle avait dénoncé l’existence de ce faux à la Direction générale de la police de son domicile, à Las Palmas de Gran Canaria (P. 5/4 et 5/5 et leur traduction en P. 10/2 et 10/3). Dans sa plainte aux autorités policières espagnoles, la notaire G._ a indiqué que le document susmentionné ne figurait pas dans le protocole de l’étude de notaire de Novelda, ce qui lui avait été confirmé téléphoniquement par le titulaire de l'étude de notaire de cette localité (P. 5/5 et sa traduction 10/3). Les démarches entreprises par la plaignante en Espagne ont révélé par ailleurs qu’un exemplaire de l’acte d’achat par le prévenu du terrain "Don Jaime" se trouvait en mains du notaire D._, à Alicante, successeur du notaire K._, dont il avait conservé les dossiers lorsque ce dernier avait cessé sa pratique. Dans une attestation adressée le 9 avril 2012 à la plaignante, le notaire D._ a indiqué que les documents produits par le prévenu à l’appui de sa demande en divorce ne correspondaient pas aux actes originaux établis par le notaire K._ dès lors qu’ils indiquaient un numéro de référence différent et que le prix d’achat ne correspondait pas puisque, dans l’acte produit par le prévenu, le prix indiqué était de ESP 8'950'000 alors que dans l’acte original, ce prix était de ESP 481'850 (P. 28/2/8 et sa traduction P. 28/2/12). Un extrait du Registre foncier d'Alicante 3, relatif à la parcelle 49'174 dans son état au 12 mars 2012, a également été produite par le notaire à la plaignante (P. 28/2/10). Cet extrait fait non seulement état de la revente du bien immobilier en 2003 mais aussi de son achat par A.Q._ des mains de H._, par acte signé le 16 avril 1987 devant le notaire K._, pour le montant de ESP 481'850.
Dans le cadre d’une commission rogatoire conduite par les autorités espagnoles sur requête du Ministère public, le notaire D._ a confirmé le contenu de son courrier du 9 avril 2012 à la plaignante en indiquant en substance ceci (traduction libre) : "1.- L’écriture d’achat/vente accordée le 16 avril 1987 devant le notaire qui était d’Alicante, Don K._, était mon prédécesseur, s’agissant d’une écriture de plus de vingt années d’ancienneté, se trouve maintenant déposée dans les Archives de Protocoles du Secteur Notarial d’Alicante, laquelle cependant j’ai obtenue et la joins à la présente, copie simple de cette dernière. En relation avec ladite propriété, et dans le but de compléter l’information pour faciliter votre tâche, je joins également une note simple informative du Registre de la Propriété, qui est d’accès public, dans laquelle figure qu’elle a été vendue à plusieurs personnes dans l’écriture accordée devant moi, le 11 juillet 2003, déclarant en elle le vendeur Don A.Q._, dont l’état civil était celui de marié, bien qu’on ait pas requis le consentement de son épouse pour figurer dans le Registre de la Propriété qu’il avait acquise en tant que célibataire et d’être, par conséquent, à caractère privatif." (P. 52 et sa traduction P. 53). En annexe à sa déclaration, le notaire D._ a versé au dossier de la commission rogatoire la copie tirée des Archives de Protocoles du Secteur Notarial d’Alicante de cet acte, daté du 16 avril 1987, et portant sur la vente du terrain litigieux par le dénommé H._ au prévenu, pour le prix de ESP 481'850.
3.
Le 13 avril 2012 à son domicile, A.Q._, qui possédait les codes d’accès de la messagerie Outlook professionnelle de son épouse, dont il vit séparé depuis mars 2007, a accédé sans droit à ce compte et effacé six courriels relatifs à la procédure de divorce.
Avec l'aide du service informatique de son employeur, B.Q._ a pu récupérer les courriels qui avaient été détruits. Elle a déposé plainte le 2 mai 2012.
Les inspecteurs de la police cantonale spécialisés en informatique ont pu déterminer l’adresse IP de la personne ayant accédé au compte "Outlook" de la plaignante le jour en question. Il s'agissait de celle du prévenu (cf. P. 36/1). | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel formé par A.Q._ est recevable.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2
e
éd. Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
2.
2.1
L’appelant conteste en premier lieu sa condamnation pour faux dans les titres en raison de la production d’un faux contrat de vente notarié dans le cadre de sa procédure de divorce. Il réaffirme avoir produit un document authentique et être incapable de fabriquer un acte notarié de toutes pièces. En outre, il fait valoir que le prix de vente indiqué sur l’acte prétendument authentique (ESP 481’850) paraît douteux, alors que celui indiqué dans le contrat qu’il a produit (ESP 8’950’000) semble beaucoup plus conforme à la réalité économique. Il se fonde à cet égard sur des décisions de taxation faisant état de valeurs fiscales de la parcelle comprises entre ESP 2’659’798 et ESP 3’823’780 pour une période allant de 1993 à 2001. L’appelant soutient encore que le notaire K._, dont le successeur a produit les actes notariés authentiques dans le cadre de la commission rogatoire décernée en Espagne, aurait cherché à lui nuire en le dépossédant de son bien immobilier, que seules les interventions de la mère de l’appelant auraient permis d’empêcher, se référant en cela à plusieurs pièces versées au dossier et qu’il a produit à nouveau en appel. Le premier juge aurait omis d’analyser ces documents. Ce magistrat aurait selon lui également dû s’interroger sur le fait que la copie de l’acte extrait des archives ne comportait ni le timbre fiscal ni le sceau du notaire ayant réalisé la transaction. A l'audience de ce jour, l'appelant a produit trois pièces relatives à la taxation de son bien immobilier, documents qu'il a affirmés avoir retrouvés récemment, à la suite du décès de son père. Enfin, l’appelant fait valoir qu’il n’avait aucun intérêt à modifier la valeur de son bien immobilier, dès lors que l'achat était intervenu avant le mariage et, partant, qu'il s'agit d'un bien propre. Il invoque dès lors une appréciation arbitraire des preuves ainsi qu’une constatation incomplète et erronée des faits.
2.2
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, également garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
2.3
En l'espèce, il résulte de la comparaison des deux actes notariés incriminés que si la date de la transaction, l’indication de la parcelle et du nom des parties sont identiques, ils divergent sur le montant du prix de vente, sur le nom du notaire qui a instrumenté l’acte, sur la mise en page et sur la police des caractères dactylographiés.
Dans ces circonstances, il ne fait pas de doute que l'un ou l'autre des deux actes notariés figurant au dossier est un faux, puisqu’il est exclu que la même transaction intervienne le même jour avec les mêmes parties devant deux notaires différents. Il convient de relever en outre que non seulement le notaire D._ a extrait des archives de son prédécesseur un acte notarié correspondant, par la date et les parties, à la vente de la parcelle incriminée, mais que le notaire qui aurait prétendument instrumenté l’acte invoqué par l’appelant conteste formellement l’avoir fait et a dénoncé pour ce motif un faux aux autorités espagnoles.
Cela étant, la thèse de l’appelant selon laquelle le notaire K._ aurait voulu lui nuire ne résiste pas à l’examen. En premier lieu, les recherches de l’acte véridique ont été accomplies par son successeur, dont il n’existe aucune raison de douter de la probité et qui a transmis les informations par voie de commission rogatoire dans le cadre de l’enquête pénale pour faux. Il s’agit d’ailleurs du notaire à qui l’appelant s’est adressé au moment de revendre sa parcelle, en 2003 (P. 53). Comme l’a relevé le premier juge, on ne voit pas d’ailleurs pas quel intérêt aurait eu le notaire dépositaire de l’acte à conserver un faux dans ses archives. L’analyse des documents invoqués par l’appelant, dont seule une partie a été traduite (P. 1003 et 1004 produites en appel), ne met aucunement en évidence un comportement dolosif du notaire K._, tout au plus des rectifications foncières qui sont usuelles dans ce domaine. Mais, surtout, la version avancée par l’appelant selon laquelle il aurait disposé du véritable acte authentique se heurte aux dénégations formelles du notaire qui aurait soi-disant instrumenté ce contrat, à savoir G._. Cette dernière a non seulement dénoncé les faits à la justice dès qu’elle a eu connaissance du contrat qu’elle était censée avoir rédigé, mais elle a aussi relevé des inexactitudes objectives concernant le lieu d’établissement de l’acte, précisant avoir exercé sa charge dans une autre localité que celle figurant dans l’acte, à savoir à Orba et non à Ovelda comme mentionné à tort. A cela s'ajoute encore le fait que l'extrait du registre foncier produit par le notaire D._ – qui fait non seulement état de la revente du bien-fonds en 2003 mais aussi de son achat en 1987 – se réfère expressément à un acte notarié établi par le notaire K._, à Alicante, le 16 avril 1987, pour une vente ayant pour acteurs H._ et A.Q._ et concernant une parcelle d'une valeur de ESP 481'850 (P. 28/2/10). L'appelant a lui aussi produit un extrait de registre foncier relatif à cette parcelle (P13/2). Il est toutefois curieux de constater que cette pièce, état au 18 mai 2010, voit précisément les mentions du prix et du notaire qui a instrumenté l'acte caviardées. Enfin, le prévenu n'emporte pas la conviction lorsqu'il produit, à l'audience de ce jour, des documents qu'il dit avoir retrouvés à la suite du décès de son père (P. 77) et qui attesteraient en particulier d'un prix de vente, pour la parcelle litigieuse, de ESP 8'995'0000. En effet, l'étude des diverses pièces figurant au dossier permet de constater que des pièces similaires, éditées par les mêmes autorités, comportant les mêmes noms de parties, les mêmes dates et faisant mention de la même transaction, ont déjà été produites en septembre 2009 par le prévenu lui-même, tout en faisant état de montants différents (P. 8/2/1 et 8/2/4). Il appartiendra au Ministère public, destinataire du présent jugement, de déterminer si la production de ces pièces en audience d'appel doit le cas échéant entraîner de nouvelles poursuites pénales.
Dans ces circonstances, les éléments relevés par l’appelant pour douter que l’acte qu'il a produit dans sa procédure de divorce serait un faux et que celui produit dans le cadre de la commission rogatoire serait authentique, sont totalement dépourvus de pertinence, eu égard à l’appréciation des preuves qui précède. Ainsi, même s’il fallait s’en tenir aux relevés fiscaux invoqués par l’appelant, il n’y a rien d’anormal à payer l’équivalent d’environ 6’000 fr. un terrain en 1987 et que sa valeur fiscale s’élève à 23’000 Euros en 2003. Pour le surplus, l'absence de sceau notarial sur l’acte produit dans le cadre de la commission rogatoire s’explique par le fait qu’il s’agit d’un extrait des archives notariales et le sceau du notaire qui a délivré cet extrait figure bien sur le document. Quant à l’intérêt de l’appelant à faire usage du faux, il n’est pas nécessaire de déterminer les conséquences que pourrait avoir le document incriminé dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial et il suffit de constater à cet égard, comme l'a souligné le premier juge, que l’appelant l’a produit à l’appui de sa demande de divorce, ce qui, en soi, démontre un intérêt suffisant.
Les doutes soulevés par l’appelant ne sont donc pas de nature à remettre en cause l’appréciation adéquate des preuves effectuée par le premier juge. Le jugement ne comporte aucun fait incomplet ou erroné en lien avec la production de cet acte immobilier et la condamnation pour faux dans les titres doit être confirmée dans ce cas.
3.
3.1
L’appelant conteste également avoir produit dans le cadre de la procédure de divorce un faux contrat de prêt daté du 16 octobre 1996, aux termes duquel son cousin, J._, lui aurait prêté la somme de ESP 10'500'000 (P. 5/2/7). Il fait valoir qu’il a produit des pièces démontrant qu’il était bien le débiteur de J._ et qu'il s'est expliqué sur le motif de cet emprunt, savoir l’acquisition d’un bien immobilier à Aubonne en 1997, faits corroborés par le témoignage de son frère et par l’indication, dans ses déclarations d’impôts du prêt et des intérêts débiteurs y relatifs. Le 7 juillet 2014, l’appelant a encore produit une attestation de transfert bancaire opérée 10 septembre 2008 en faveur de J._ et portant sur la somme de 7’750 euros, débités du compte de son père [...] (P. 1010).
3.2
Dans ce cas, le premier juge a considéré que les affirmations du notaire D._, selon lesquelles il n'aurait découvert dans les archives de son prédécesseur aucun acte instrumenté entre le 15 et le 17 octobre 1996 (la reconnaissance de dettes notariée produite par l'appelant étant datée du 15 octobre 1996), avaient une valeur probante bien supérieure à la déclaration écrite attribuée à J._, datée du 16 septembre 2009, dans laquelle ce dernier confirmait l'existence du ce prêt (P 35/2/102).
En l'occurrence, le notaire qui a instrumenté l’acte est le même que celui à qui est imputé l’acte véridique dans le cadre de la vente immobilière. Il n’existe donc aucune suspicion de faux quant à l’auteur du document, puisque l’appelant s’était déjà adressé au même officier public. On ne peut au demeurant pas totalement exclure une omission ou une erreur dans les recherches de cet acte: il est possible que le premier notaire ait omis de l’archiver ou l’ait mal archivé, comme il n'est pas exclu que les recherches du successeur n’aient pas été exhaustives. Un doute à cet égard est d’autant plus raisonnable que l’appelant a rendu vraisemblable, pièces à l’appui (P. 5/2/7), qu’il était bien le débiteur de J._. Même en faisant abstraction du témoignage écrit de ce dernier (P. 35/2/102), qui n’a pu être vérifié, on peine à concevoir que, année après année, l’appelant ait fait état d’une dette inexistante dans sa déclaration d’impôts (P. 1011). La pièce produite le 7 juillet 2014, qui atteste d'un versement de 7'750 Euros le 9 juillet 2008 en faveur de J._ (P.1010), accrédite également sa version. Enfin, le contenu de l’acte ainsi que sa présentation formelle n’éveillent pas de soupçon particulier.
Dans ces circonstances, le moyen doit être admis et l’appelant libéré au bénéfice du doute de l’accusation de faux dans les titres concernant l’acte notarié du 15 octobre 1996.
4.
L'appelant conteste enfin s'être introduit dans la messagerie de son épouse et y avoir effacé six courriels de son avocate relatifs à la procédure de divorce. Il prétend que les preuves retenues à son encontre sont insuffisantes et que des tiers auraient pu accéder au compte de la plaignante en utilisant son adresse IP pour lui nuire.
En l'occurrence, les preuves retenues à l'encontre de l'appelant en relation avec ce complexe de faits sont accablantes : les inspecteurs de la police cantonale ont effectué des recherches, qui ont permis de déterminer que c'était son adresse IP qui avait été utilisée pour accéder au compte de la plaignante (P 36/1). Les courriels effacés concernaient tous la procédure de divorce l'opposant à la plaignante, de sorte que l'hypothèse d'un tiers qui aurait usurpé son identité informatique ne saurait entrer en ligne de compte.
L'appelant ne soulevant par ailleurs aucun moyen de droit, la condamnation pour infractions aux art. 143bis et 144bis CP doit être confirmée.
5.
Vu l'abandon d'un chef d'accusation, il appartient à la Cour de céans de déterminer quelle peine doit être infligée au prévenu.
5.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; 129 IV 6 c. 6.1 p. 20).
Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (art. 49 al. 2 CP). Le cas (normal) de concours réel rétrospectif se présente lorsque l’accusé, qui a déjà été condamné pour une infraction, doit être jugé pour une autre infraction commise avant le premier jugement, mais que le tribunal ignorait. L’art. 49 al. 2 CP enjoint au juge de prononcer une peine complémentaire ou additionnelle (Zusatzstrafe), de telle sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement. Concrètement, le juge doit se demander comment il aurait fixé la peine en cas de concours simultané, puis déduire de cette peine d’ensemble hypothétique la peine de base, soit celle qui a déjà été prononcée (cf. 6B_ 455/2013 du 29 juillet 2013, c. 2.4.1; TF 6B_2812008 du 10 avril 2008 c. 3.3.1).
5.2
En l'occurrence, la culpabilité de A.Q._ ne saurait être relativisée. Comme l'a souligné le premier juge, en créant de toutes pièces un faux acte notarié pour l'utiliser à son profit dans le cadre de la procédure de divorce et en s'introduisant sournoisement dans la messagerie de la plaignante pour y détruire des courriels qui lui étaient adressés par son avocate, le prévenu a fait preuve d'une bassesse de caractère crasse. Niant toujours les faits, malgré l'évidence, il n'a à ce jour manifesté aucune prise de conscience. Les infractions commises entrent en concours mais il faut aussi tenir compte du fait que la peine à prononcer doit être complémentaire à celle infligée le 10 février 2011 par le Tribunal de police de La Côte. Au vu de l'ensemble des circonstances, une peine pécuniaire de 120 jours-amende, à 30 fr. le jour, avec sursis, ainsi qu'une amende de 600 fr. à titre de sanction immédiate, sont adéquates à réprimer le comportement coupable de A.Q._.
6.
En définitive, l'appel doit être partiellement admis et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants. La part de frais de première instance mise à la charge du prévenu sera réduite d'un cinquième, pour tenir compte du fait qu'il a été libéré de l'accusation de faux dans les titres dans le cas du prêt octroyé par son cousin.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, constitués en l'espèce du seul émolument de jugement, par 2'240 fr. (art. 422 al. 1 CPP; 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), doivent être mis pour deux tiers, à la charge de A.Q._, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1 CPP).
Dans la mesure où il a été partiellement libéré des infractions pour lesquelles il avait été renvoyé devant le tribunal de police, A.Q._ a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées pour l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, en lien avec les opérations d'instruction effectuées en ce qui concerne les faits examinés sous chiffre 3 ci-dessus (art. 429 al. 1 let. a CPP). Au vu de l'ensemble des circonstances, il convient d'arrêter cette indemnité à 2'034 fr. pour toutes choses, pour la première et la deuxième instance. Cette indemnité sera compensée avec les frais de justice, de première et deuxième instance, mis à la charge de A.Q._, en application de l'art. 442 al. 4 CPP. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
828df789-326d-4884-8f20-210d17f5e494 | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
mai 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a admis l'opposition formée par L._ à l'ordonnance pénale rendue le 17 juillet 2013 par le Préfet du district du Gros-de-Vaud (I), a libéré L._ des charges de violation de l'art. 190 aRLS (II), a alloué à L._ une indemnité au sens de l'art. 429 CPP d'un montant de 3'000 fr. (III) et a laissé les frais à la charge de l'Etat (IV).
B.
Le 9 mai 2014, le Ministère public central a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 27 mai 2014, il a conclu principalement à sa réforme en ce sens que L._ est reconnu coupable de contravention au Règlement d'application de la loi scolaire du 12 juin 1984, qu'il est condamné à une amende de 200 fr. convertible en deux jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif, que la demande d'indemnité au sens de l'art. 429 CPP formée par L._ est rejetée et que les frais de procédure sont mis à la charge de ce dernier. Subsidiairement, il a conclu à la réforme des chiffres III et IV du jugement entrepris en ce sens que la demande d'indemnité formée par L._ est rejetée et que les frais de procédure sont mis à la charge de ce dernier.
Le 17 juin 2014, L._ a indiqué qu'il n'entendait pas déclarer un appel joint. Il a en revanche précisé que la procédure de première instance portant exclusivement sur une contravention, seuls les griefs relatifs à l'application du droit pourraient être examinés en procédure d'appel. Il a requis l'audition de plusieurs témoins et la nomination de Me Charlotte Iselin en qualité de conseil d'office.
Par avis du 26 juin 2014, le Président de céans a informé les parties que l’appel sera traité en procédure écrite et par un juge unique. Il a refusé d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées par l'intimé et a désigné Me Charlotte Iselin comme conseil d'office de ce dernier.
Par déterminations du 8 juillet 2014, L._ a conclu au rejet de l'appel du Ministère public et à la confirmation du jugement attaqué.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
L._ est né le 18 décembre 1940. Il est marié et père de deux enfants aujourd'hui majeurs. Il perçoit 2'175 fr. par mois de la part de l'AVS et son travail de photographe lui rapporte entre 10'000 et 15'000 fr. par année. Il possède un immeuble pour lequel il ne paie plus d'hypothèque. Sa fortune atteint 400'000 fr. au total. Sa prime d'assurance-maladie s'élève à environ 500 fr. par mois.
2.
A fin mai 2013, L._ a pénétré sans autorisation dans les classes [...] du bâtiment scolaire de [...], malgré la mise en garde à deux reprises du directeur de l’établissement G._.
Par ordonnance du 17 juillet 2013, le Préfet du district du Gros-de-Vaud a constaté que L._ s'est rendu coupable d'infraction à la loi scolaire et à son règlement d'application (I), l'a condamné à une amende de 200 fr. (II), a dit qu'à défaut de paiement de l'amende le peine privative de liberté de substitution sera de deux jours (III) et a mis les frais à la charge de L._ (IV).
Par courrier du 25 juillet 2013, le prévenu a formé opposition à cette ordonnance. Le Préfet a décidé de maintenir sa décision et le Ministère public a transmis le dossier de la cause à l’autorité de première instance en vue des débats, en application de l’art. 356 al. 1 CPP.
Devant le Tribunal de police, L._ n'a pas contesté s'être rendu à l'école pour prendre des rendez-vous avec les enseignants, mais estime n'avoir pas dérangé les classes. Il a précisé pratiquer de cette manière depuis 1974. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du Ministère public est recevable.
1.2
S'agissant d'un appel concernant une contravention, la procédure applicable est écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009; RSV 312.01]).
1.3
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
En l’espèce, seule une contravention a fait l’objet de l’accusation et du jugement de première instance, de sorte que l’appel est retreint. On peut se demander si la brièveté de l'état de fait du jugement attaqué ne commanderait pas son annulation en vertu de l'art. 409 CPP. Toutefois, il apparaît que les éléments de fait sont suffisants pour statuer, d'autant plus qu'aucune des parties n'a conclu à l'annulation de ce jugement.
2.
Le Ministère public soutient que l'art. 190 du Règlement d'application de la loi scolaire du 12 juin 1984 (aRLS; RSV 400.01.1), en vigueur jusqu'au 1
er
août 2013, constituait une base légale suffisante pour justifier la condamnation de L._.
2.1
Aux termes de l'art. 7 al. 2 aLS (Loi scolaire du 12 juin 1984; RSV 400.01), en vigueur jusqu’au 1
er
août 2013, les contrevenants sont passibles d'une amende d'un montant maximum de 2'000 fr. et sont poursuivis conformément à la loi sur les contraventions.
L'art. 110 al. 1 aLS précise que les locaux et installations scolaires sont destinés en priorité à l'enseignement.
Selon l'art. 190 aRLS, il est interdit à toute personne, y compris aux parents, de s'introduire dans les bâtiments de l'école ou dans ses dépendances pour retirer sans autorisation un enfant de la classe, pour interrompre l'enseignant dans l'exercice de ses fonctions ou pour perturber la vie scolaire (al. 1). Les contrevenants à cet article seront dénoncés au préfet et au département par le directeur (al. 2).
Selon l'art. 145 al. 1 let. b LEO (Loi sur l'enseignement obligatoire du 1
er
août 2013; RSV 400.02), toute personne qui aura troublé l’enseignement ou la bonne marche de l’établissement, notamment en pénétrant sans droit dans un bâtiment ou une installation scolaire, sera punie d’une amende d’un montant maximum de 5'000 francs. La poursuite a lieu conformément à la législation sur les contraventions (al. 2).
2.2
L’art. 1 CP concerne à la fois les incriminations et les sanctions. Ces deux volets sont exprimés d’une part dans le corps de l’article, qui reflète le principe « pas de crime sans loi » (nullem crimen sine lege), et dans le titre marginal de l’article, qui énonce « pas de sanction sans loi » (nulla poena sine lege). Ainsi le juge n’est-il tenu de prononcer une peine qu’à la condition que l’acte qui la justifie soit érigé en infraction par la loi et que les règles légales concernant la fixation de la peine soient respectées (Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 10 ad art. 1 CP). Ce principe, qui découle du droit constitutionnel, est aussi applicable en droit cantonal et communal (Favre, Pellet et Stoudmann, Code pénal annoté, 3
e
éd. révisée, Lausanne 2011, nn. 1.2 et 1.4 ad art. 1 CP et les références citées).
Le Tribunal fédéral a estimé qu’un règlement ou une ordonnance émanant d’une autorité exécutive ou administrative constituaient un fondement légal suffisant lorsqu’ils respectaient le cadre tracé par la Constitution et par la loi (ATF 124 IV 23 c. 1; également ATF 96 I 24 c. 4a, JT 1970 IV 116) et qu’ils ne prévoyaient pas une peine privative de liberté (ATF 123 IV 29 c. 4, JT 1998 IV 124; ATF 118 Ia 305 c. 7, JT 1994 I 630).
2.3
En l'espèce, l'art. 145 LEO, entré en vigueur peu après les faits, aurait à l'évidence constitué une base légale suffisante tant sur la question de la violation des obligations scolaires qu'à l'égard de celui qui trouble l'enseignement, notamment en pénétrant sans droit dans un établissement scolaire. Néanmoins, le droit plus favorable en vigueur au moment des faits n'est pas aussi clair. L'art. 7 al. 2 aLS prévoit en effet une poursuite contraventionnelle et l'art. 110 aLS précise que les locaux scolaires sont destinés en priorité à l'enseignement. Il n'existait donc dans la loi scolaire en vigueur à l'époque des faits aucune disposition prévoyant des poursuites pénales à l'encontre de celui qui pénétrait sans droit dans un bâtiment scolaire ou dans une classe. Certes, il existait l'art. 190 aRLS, lequel a manifestement été violé par le prévenu. Cependant, on ne peut admettre que cette disposition constitue une base légale suffisante pour permettre une poursuite pénale, d'une part parce que cette disposition réglementaire repose elle-même sur une base légale insuffisante, et d'autre part parce qu'elle ne prévoit aucune sanction – contrairement aux art. 7 aLS et 145 LEO – et que la phrase « dénoncés au préfet et au département » ne peut suffire à créer une base légale suffisante à la poursuite pénale, faute de mentionner les peines encourues en cas de violation. Ces termes relèvent d'ailleurs plus d'une volonté d'informer les organes de l'Etat, lesquels pourront cas échant décider de déposer une plainte pour violation de domicile – comme cela a apparemment déjà été fait dans d’autres cas –, que de prévoir une sanction.
Partant, c'est à juste titre que le premier juge a libéré L._ de l'infraction de l'art. 190 aRLS, en l’absence d’une base légale suffisante, et l'appel du Ministère public doit être rejeté sur ce point.
3.
Le Ministère public soutient également que les frais de procédure aurait dû être mise à la charge du prévenu, de sorte qu'aucune indemnité n'aurait dû être allouée à ce dernier pour ses frais de défense.
3.1
Selon l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s’il est condamné. Font exception les frais afférents à la défense d’office ; l’art. 135 al. 4, est réservé. L’art. 426 al. 2 dispose que lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
Aux termes de l’art. 429 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a) ; une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) ; une réparation du tort moral subi en raison d’une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c).
Un prévenu libéré ne peut être condamné au paiement des frais d'enquête que si, par un comportement juridiquement critiquable, il a donné lieu à l'ouverture de l'action pénale ou en a compliqué l'instruction. La condamnation aux frais d'un prévenu ou d'un accusé libéré ne résulte pas d'une responsabilité pour une faute pénale, mais d'une responsabilité proche du droit civil, née d'un comportement fautif. Il est compatible avec les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH de mettre les frais à la charge d'un prévenu libéré qui, d'une manière engageant sa responsabilité civile, a manifestement violé une règle de comportement qui peut découler de l'ordre juridique suisse dans son ensemble et a provoqué ainsi l'ouverture d'une enquête pénale ou compliqué celle-ci (ATF 116 Ia 162 c. 2d p. 171 et c. 2e p. 175). Le juge doit fonder son prononcé sur des faits incontestés ou déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371 c. 2a in fine p. 374). La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais viole en revanche la présomption d'innocence lorsqu'elle laisse entendre directement ou indirectement que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées ou qu'il aurait commis une faute pénale (TF 1B_21/2012 du 27 mars 2012 c. 2.1; TF 1B_12/2012 du 20 février 2012 c. 2 et les références citées).
Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO (ATF 119 Ia 332 c. 1b p. 334; ATF 116 Ia 162 c. 2c p. 169). Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 119 Ia 332 c. 1b p. 334; ATF 116 Ia 162 c. 2d p. 171). L'acte répréhensible ne doit pas nécessairement être commis intentionnellement. La négligence suffit, sans qu'il soit besoin qu'elle soit grossière (ATF 109 Ia 160 c. 4a p. 163 s.). L'acte répréhensible doit en outre se trouver dans une relation de causalité adéquate avec l'ouverture de l'enquête ou les obstacles mis à celle-ci. Tel est notamment le cas lorsque le comportement du prévenu, violant clairement des prescriptions écrites cantonales, était propre à faire naître, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le soupçon d'un comportement punissable justifiant l'ouverture d'une enquête pénale. Enfin, une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation (ATF 116 Ia 162 c. 2c p. 171).
3.2
En l'espèce, non seulement le prévenu a violé l'interdiction formulée à l'art. 190 al. 1 aRLS et partant commis un acte illicite, mais il a également refusé de tenir compte des injonctions claires et formulées à deux reprises par le directeur de l’établissement scolaire G._. Il n’est pas déterminant que d'autres directeurs d'établissements scolaires aient renoncé à de telles injonctions, une telle renonciation ne pouvant emporter une autorisation implicite pour l’appelant de se comporter comme il l’entend dans d’autres établissements du canton. En effet, contrairement à ce que soutient l’intimé, il ne s’agit pas, en présence d’une disposition réglementaire claire, d’une question de cohérence entre les pratiques des établissements scolaires. Pour ce motif, les mesures d’instruction requises sont sans pertinence. Par son comportement, L._ a dérangé les enseignants ainsi que les élèves de l’école de [...], malgré les deux avertissements explicites formulés par le directeur, et a par conséquent entraîné l’ouverture de la procédure pénale.
Dans ces circonstances, il se justifie de faire supporter à l’appelant les frais de procédure, lesquels seront réduits à 200 fr. compte tenu du fait que le tribunal de première instance, statuant sur opposition, a donné gain de cause au prévenu. La mise à la charge des frais de la procédure conduit au refus de toute indemnité de l’art. 429 CPP.
4.
En définitive, l'appel du Ministère public doit être partiellement admis et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, comprenant l'émolument d’arrêt, par 990 fr. (art. 21 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ainsi que l’indemnité allouée au défenseur d’office, doivent être mis par un quart à la charge de L._, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1 CPP).
Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, il convient d'allouer au défenseur d’office de l’appelant une indemnité arrêtée à 583 fr. 20, TVA et débours inclus.
L._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat
le quart du montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office
que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
83b35273-0912-42f7-a5fd-7882fcbb8cb4 | En fait :
A.
Par ordonnance du 26 août 2010, le Juge d'instruction de l'arrondissement de La Côte a notamment déclaré K._ coupable d'injure, l'a exemptée de toute peine et mis un tiers des frais à sa charge.
Par arrêt du 10 décembre 2010, le Tribunal d'accusation a notamment pris acte de l'opposition de K._ et renvoyé celle-ci devant le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte comme accusée d'injure.
Par jugement du 25 février 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a constaté que K._ s'était rendue coupable d'injure (I), l'a exemptée de toute peine (II) et mis les frais de la cause, par 1'705 fr., à la charge de cette dernière (III).
B.
Le 4 mars 2011, K._ a formé appel contre le jugement précité.
Par déclaration d'appel motivée du 18 mars 2011, l'appelante, contestant la version des faits retenue par le premier juge, a indiqué en substance qu'elle n'avait commis aucune faute pénale et que les frais de première instance devaient dès lors être laissés à la charge de l'Etat.
Par courrier déposé le 13 mai 2011, l'intéressée a à nouveau déclaré implicitement qu'elle n'avait pas commis une infraction pénale.
Par courrier déposé le 19 mai 2011, la Procureure de l'arrondissement de La Côte a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement rendu le 25 février 2011 par le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte.
La Cour d'appel pénale a tenu une audience publique le 15 juin 2011. L'intimé G._, bien que dûment cité, ne s'est pas présenté. Le Ministère public de l'arrondissement de La Côte a, quant à lui, renoncé à être présent à ladite audience. Lors de cette audience, l'appelante a confirmé les conclusions contenues dans son appel ainsi que ses déclarations faites devant le tribunal de première instance.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
K._ est née le 25 janvier 1937 à Lausanne. Elle et son époux sont actuellement à la retraite et perçoivent une rente AVS et LPP. Le casier judiciaire de cette dernière est vierge. L'intéressée est la mère de [...], propriétaire d'un bâtiment à [...] qui abrite notamment une station service et un magasin [...], un temps exploité par C._, alors compagne et aujourd'hui épouse du plaignant, G._.
Le 19 mai 2009, K._, alors que G._ débarrassait des cartons vides, en a profité pour mettre devant le shop un thermos que celui-ci aurait abusivement rangé dans la remise des [...], derrière l'immeuble, objet que G._ a à son tour remis à sa place. Voyant cela, la prévenue a à nouveau déplacé le thermos et il s'en est suivi un va-et-vient. Finalement, le thermos a été lancé au sol par le plaignant et a été ramassé par la prévenue qui l'a déposé dans la poubelle où le plaignant mettait ses déchets. A ce moment-là, K._ a dit à G._ "J'ai pas peur de la merde comme vous". | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d'un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
La constatation des faits est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
3.
L'appelante conteste la version des faits retenue par le premier juge et soutient n'avoir commis aucune faute pénale. Elle explique avoir simplement répondu à une insulte du plaignant, celui-ci lui ayant dit : "elle n'a pas l'air de comprendre cette vieille salope", en lui disant: "j'ai pas peur de la merde comme vous", ceci tant il y avait de saleté. Elle conteste avoir traité le plaignant de "connard" ou de "con" ainsi que la présence sur les lieux au moment de l'échange des insultes, d'T._ et du fils du plaignant. L'appelante demande, en outre, à être exemptée des frais de la procédure de première instance.
3.1.
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3). La présomption d'innocence, également garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU, 6 par. 2 CEDH et 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge pénal ne peut pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé s'il existe, sur la base d'un examen objectif de la situation, des doutes quant à l'existence de ce fait. La présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent pas à exclure une condamnation. Il doit s'agir au contraire de doutes sérieux et irrépressibles (ATF 124 IV 86 c. 2a; 120 Ia 31 c. 2c).
3.2.
En vertu de l'art. 177 al. 1 CP, celui qui, de toute autre manière, aura, par la parole, l’écriture, l’image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur sera, sur plainte, puni d’une peine pécuniaire de 90 jours-amende au plus.
L'honneur que protège l'art. 177 CP est le sentiment et la réputation d'être une personne honnête et respectable, c'est-à-dire le droit de ne pas être méprisé en tant qu'être humain ou entité juridique (TF 6B_602/2009 du 29 septembre 2009 c. 2.2; ATF 128 IV 260 c. 3.1 non publié). Les déclarations qui sont propres seulement à ternir de quelque autre manière la réputation dont jouit quelqu'un dans son entourage ou à ébranler sa confiance en lui-même échappent à cette disposition. Ainsi en va-t-il des critiques qui visent comme tel l'homme de métier, l'artiste ou le politicien (Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. I, Berne 2010, p. 621). Pour déterminer si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut procéder à une interprétation objective selon le sens qu'un auditeur ou un lecteur non prévenu devait, dans les circonstances données, lui attribuer (ATF 128 IV 260 c. 3.1 non publié). L'injure suppose l'intention; l'auteur doit vouloir ou accepter que son message soit attentatoire à l'honneur et qu'il soit communiqué à autrui, à savoir la victime ou un tiers (Corboz, op. cit., p. 624).
3.3.
Le premier juge a relevé que les versions entre la prévenue et le plaignant divergeaient (jgt, pp. 6-7). Selon la prévenue, le plaignant lui a dit: "elle n'a pas l'air de comprendre cette vieille salope", puis a jeté le thermos qu'elle a ramassé pour le mettre à la poubelle et c'est à ce moment-là qu'elle lui a dit: "J'ai pas peur de la merde comme vous". Selon le plaignant, la prévenue lui a dit: "tu ne me fais pas peur petit connard", puis a projeté le couvercle du thermos dans sa direction. T._, entendue en qualité de témoin dans le cadre de l'enquête, était présente avec le fils du plaignant sur les lieux le 19 mai 2009. Selon elle, K._ a traité le plaignant de "petit con" puis le témoin a entendu le bruit du thermos qui tombait.
Le premier juge a retenu que la prévenue avait insulté le plaignant, que ce soit en le traitant de "con", "connard" ou "merde". Il a revanche nié que G._ ait insulté préalablement K._, cette insulte n'ayant pas été établie par le témoignage d'T._.
3.4.
L'appréciation précitée ne saurait être retenue. En effet, d'une part, la version des faits donnée par le plaignant ne coïncide pas avec celle donnée par le témoin. Celui-ci a affirmé que la prévenue lui avait dit: "tu ne me fais pas peur petit connard" (P. 5 et PV aud. 2), alors qu'T._ a déclaré que K._ avait traité le plaignant de "petit con" (PV aud. 1). Il ne s'agit manifestement pas de versions concordantes. Les liens du plaignant avec le témoin font de surcroît douter de l'objectivité de ce dernier. D'autre part, les déclarations de la prévenue ont toujours été constantes (cf. PV aud. 3, P. 47 ainsi que lors de l'audience devant la Cour d'appel le 15 juin 2011). Elle a toujours affirmé que le plaignant lui avait ramené le thermos en lui disant: "elle a pas l'air de comprendre cette vieille salope", puis avait jeté le thermos qu'elle avait ensuite ramassé pour le mettre dans la poubelle où le plaignant mettait ses déchets. C'est à ce moment-là qu'elle lui aurait dit: "J'ai pas peur de la merde comme vous". Elle a également constamment nié avoir traité le plaignant de "con" ou de "connard" et avoir jeté le thermos dans sa direction.
Au vu de ce qui précède, il convient de retenir la version des faits donnée par K._ qui lui est plus favorable conformément au principe in dubio pro reo. Il existe en effet des doutes sérieux et qui ne peuvent être écartés sur le sens de la phrase dite par la prévenue ainsi que sur le fait qu'elle aurait traité le plaignant de "connard" ou de "con", les déclarations à ce sujet étant divergentes. "J'ai pas peur de la merde comme vous" pouvant signifier qu'elle n'avait pas peur des déchets en ramassant le thermos et en le mettant dans la poubelle, contrairement au plaignant qui ne voulait pas ramasser ses déchets et laissait traîner des poubelles. On retiendra dès lors que K._ a dit au plaignant: "J'ai pas peur de la merde comme vous" en ce sens qu'elle n'avait pas peur des déchets, contrairement au plaignant qui lui ne les ramassait pas. Pour le reste, il importe peu de savoir si le plaignant a injurié la prévenue et si T._ était présente ou non au moment des faits.
Dans ces conditions, on doit admettre que l'infraction d'injure au sens de l'art. 177 CP n'est pas réalisée. En effet, K._ n'a pas, par la parole, attaqué G._ dans son honneur au sens de la doctrine et de la jurisprudence précitées. L'appelante doit dès lors être acquittée et les frais de première instance laissés à la charge de l'Etat en vertu de l'art. 426 CPP.
4.
En définitive, l'appel de K._ doit être admis et le jugement attaqué réformé en ce sens que cette dernière est libérée des fins de la poursuite pénale et que les frais de la procédure de première instance sont laissés à la charge de l'Etat.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 1'170 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), doivent être laissés à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
83b48cd0-6d49-43e6-b875-774645074a2f | En fait :
A.
Par jugement du 12 septembre 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que A.B._ s'était rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées, voies de fait qualifiées, injure, menaces qualifiées, contrainte, viol, tentative de viol et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (I), l'a condamné à une peine privative de liberté de 18 mois, à une peine pécuniaire de 10 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr., sous déduction de 93 jours de détention avant jugement (II), a suspendu l'exécution des peines ci-dessus et lui a fixé un délai d'épreuve de 4 ans (III), l'a condamné à une amende de 1'000 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l'amende étant de 10 jours (IV), a subordonné l'octroi et le maintien du sursis à l'obligation pour A.B._ de poursuivre le traitement psychothérapeutique entrepris auprès des Boréales et le contrôle d'abstinence à l'alcool auprès de l'USE aussi longtemps que le jugera nécessaire le Dr G._ (V), a homologué pour valoir jugement la reconnaissance de dette de 5'000 fr. souscrite par A.B._ en faveur de P._ (VI), a ordonné la confiscation et la destruction du couteau à lame ondulée séquestré sous fiche n° 13298/11 (VII), a fixé à 10'965 fr. 80, débours et taxes compris, dont à déduire 6'690 fr. 95 déjà payés, le montant de l'indemnité de Me Tiphanie Chappuis, défenseur d'office de A.B._ (VIII), a fixé à 7'021 fr. 30, débours et taxes compris, le montant de l'indemnité de Me Matthieu Genillod, conseil d'office de P._ (IX), a mis à la charge de A.B._ les frais de la cause par 24'741 fr. 90 (X), a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité du défenseur d'office Me Tiphanie Chappuis, et comprise dans les frais mentionnés sous chiffre X ci-dessus, ne sera exigé que dans la mesure où la situation économique de A.B._ le permettra (XI), a laissé le solde des frais, dont l'indemnité du conseil d'office de P._, à la charge de l'Etat (XII).
B.
Le 20 septembre 2012, A.B._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 17 octobre 2012, il a conclu à ce que le jugement du 12 septembre 2012 soit modifié en ce sens qu'il est libéré des accusations de viol et de tentative de viol, qu'il est condamné à une peine privative de liberté qui n'excède pas douze mois, sous déduction de nonante-trois jours de détention avant jugement et à une amende de 300 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l'amende étant de dix jours. A l'audience d'appel, il a complété ses conclusions en ce sens qu'il soit également libéré du chef d'accusation d'injure.
Par courrier du 19 octobre 2012, le Ministère public s'en est remis à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et n'a pas déposé d'appel joint.
Par courrier du 8 novembre 2012, P._ s'en est également remise à justice quant à la recevabilité de l'appel et n'a pas formé d'appel joint.
A l'audience de ce jour, tant le Ministère public que P._ ont conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. a)
A.B._ est né le 23 août 1962 à Renens. Il est le deuxième d'une famille de trois enfants et a été élevé par ses parents dans sa ville natale. Après sa scolarité obligatoire, il a accompli un apprentissage d'électricien sur automobiles, couronné en 1982 par un CFC. A l'âge de vingt ans, il a quitté le domicile de ses parents et s'est mis en ménage. Il s’est marié en 1991 et de cette union sont issus deux enfants, âgés actuellement de vingt et seize ans. En 1999, le couple s’est séparé et le divorce a été prononcé en 2003.
A.B._ a travaillé de son métier pendant une année et a ensuite œuvré dans différents domaines. Entre 1999 et 2001, à la suite de la suggestion d’un ami, il a vécu en Equateur. Cet ami l’a nommé directeur de son entreprise, non sans l'avoir persuadé d’investir toutes ses économies et son deuxième pilier dans cette affaire. Rapidement, le prévenu s’est aperçu que tous les papiers faits par cet ami étaient faux et que l’argent investi était perdu.
Durant son séjour en Equateur, A.B._ s'est mis en ménage avec P._ avec laquelle il est revenu en Suisse en 2001. En décembre 2001, sa compagne a donné naissance à leur fille, B.B._. Le couple s’est marié le 2 juillet 2004. A la suite des faits de la présente procédure, P._ a saisi le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne qui a prononcé le 5 avril 2011 des mesures protectrices de l’union conjugale d'extrême urgence. Les époux vivent aujourd'hui séparés mais ont toujours des contacts. La fille du couple, après avoir été placée au Foyer de Meillerie, puis de la Cigale, est retournée vivre chez sa mère. A.B._ exerce son droit de visite par l’intermédiaire du Point rencontre.
Actuellement, A.B._ est pensionné AI. Il perçoit 1'800 fr. par mois de rente et 3'400 fr. par année de sa caisse de pension. Pour compléter ses revenus, il travaille chez son ancien maître d’apprentissage, M._, en qualité d’homme à tout faire et, de manière sporadique, comme chauffeur-livreur pour un fleuriste.
Pour les besoins de la présente cause, A.B._ a été détenu avant jugement du 20 mars au 20 juin 2011, soit pendant 93 jours, puis a obtenu des mesures de substitution en lieu et place de la détention provisoire.
b)
D'après l'extrait de son casier judiciaire, A.B._ a été condamné le 2 décembre 2004 par le Juge d’instruction de Lausanne pour lésions corporelles simples, voies de fait et injure à une peine d'emprisonnement de 20 jours avec sursis pendant 2 ans et le 28 juin 2005 par le Juge d’instruction de Lausanne pour voies de fait et injure à une peine d'emprisonnement de 10 jours avec sursis pendant 2 ans.
c)
A.B._ a été soumis à une expertise psychiatrique. D'après le rapport d'expert du 5 août 2011, A.B._ souffre de troubles mixtes de la personnalité à traits borderlines, passifs-agressifs, masochiques et immatures, ainsi qu'une utilisation de l'alcool nocive pour la santé. Ces troubles se traduisent notamment par une impulsivité importante, une instabilité de l'humeur, une intolérance à la frustration, une difficulté à gérer ses émotions et une tendance aux passages à l'acte. La consommation d'alcool dans les moments de crises émotionnelles agit comme un facilitateur des passages à l'acte violents. Selon les experts, ces troubles étaient présents au moment des faits reprochés. Les experts ont retenu une responsabilité pénale du prévenu au moment des faits comme étant légèrement à moyennement diminuée en raison de son trouble de la personnalité et de la consommation d'alcool et de médicaments. Le risque de récidive a été évalué comme élevé, voire très élevé en cas de consommation d'alcool et en situation de conflit conjugal, ce risque est toutefois diminué en cas d'abstinence. Afin de diminuer le risque de récidive, les experts ont préconisé une reprise d'un suivi psychothérapeutique spécialisé qui permettrait au prévenu de continuer à travailler sur la gestion de ses impulsions et de ses émotions et de maintenir une abstinence. Ainsi, compte tenu de la personnalité du prévenu, d'après les experts, la prononciation d'une mesure de traitement accompagnée de contrôles d'abstinence chez le médecin généraliste pourrait avoir un effet cadrant aidant (P. 63).
2.
a)
Les époux entretiennent une relation amoureuse fusionnelle. Selon son épouse, le prévenu a des besoins sexuels très importants, ce qui constitue une source de problèmes dans le couple. La plaignante, bien qu'elle n'en ait pas toujours eu envie, n’a pas opposé de résistance à son mari. Si elle refusait d'avoir une relation sexuelle avec lui, il lui reprochait alors d'avoir quelqu'un d'autre et lui faisait la tête pendant plusieurs jours. Lorsque le prévenu était sous l'effet de l'alcool, la plaignante consentait à l'acte pour éviter qu’il ne se fâche; elle avait peur qu'il ne boive davantage et la frappe. A l'audience de première instance, la plaignante a expliqué que sur les nombreux rapports sexuels entretenus avec son mari depuis le début de leur relation en 1999, A.B._ l'aurait forcée à trois reprises. Sous l'influence de l'alcool, il lui arrachait ses vêtements. D'après les déclarations de la plaignante, ces faits se sont produits quand elle s'est rendue à Malley-Prairie, soit en 2002 et en 2008 (PV aud 3, ll. 92-94; jugement entrepris, p. 5).
b)
D'août 2010 au 19 mars 2011, A.B._ a également régulièrement frappé et menacé son épouse en déclarant « je te tuerai même si je dois payer pour ça » et ajoutait « si tu me fais de la merde, tu retourneras dans ton pays de merde ».
c)
Le 20 mars 2011, A.B._, imprégné d’alcool, a réveillé son épouse en disant qu’il s’était « fait sucer par une pute » parce qu'il savait qu'elle ne voudrait pas avoir une relation sexuelle avec lui. Vers 7h30, désirant un rapport sexuel, le prévenu a dit à son épouse qu’il allait la « baiser » et qu’elle pourrait dire à la police qu’il l’avait violée. Il a essayé de baisser le pantalon et le slip de celle-ci. Après quelques instants, il a renoncé.
d)
Le même jour, un peu plus tard, une dispute a éclaté entre A.B._ et P._ notamment au sujet de leur fille B.B._. Alors que la plaignante s'apprêtait à sortir du domicile, le prévenu lui a d’abord lancé le contenu d'un verre de vin rouge. Il a ensuite asséné à son épouse plusieurs coups de poing au visage. La plaignante a tenté de le repousser mais il est revenu à la charge. Le prévenu lui a alors donné plusieurs coups de pied sur le corps.
A un moment donné, A.B._ a maintenu P._ dans l’appartement pour l’empêcher de partir en lui plaquant la main fermement sur la partie supérieure du thorax, juste sous le cou, ce qui lui a provoqué des difficultés respiratoires. Dans l’intervalle, il a continué de la frapper avec sa main libre.
Durant l’altercation, A.B._ a répété à son épouse qu'il allait lui casser la gueule et qu'il la tuerait même s'il devait payer ses actes tout en ajoutant que la police le prendrait pour quelque chose qu'il aurait fait. Il a encore averti son épouse qu’il allait « lui envoyer des Noirs pour la violer et la rosser ». Dans ce cadre, il a également lancé divers objets sur son épouse, soit un haut-parleur, un réveil, une bouteille d'eau en plastique, pleine. P._ a finalement pu sortir de l’appartement, à moitié nue, et aller se réfugier chez une voisine.
A la suite de ces violences, P._ a souffert notamment de tuméfactions, de plusieurs ecchymoses et dermabrasions (P. 16).
e)
Le 20 mars 2011, lors de l'arrivée de la patrouille de police au domicile conjugal, vers 9h30, A.B._ s’est emparé d’un couteau et a menacé de mort à plusieurs reprises les policiers en brandissant le couteau par la trappe de la porte tout en clamant qu’il tuerait un policier avant de se donner la mort en cas de tentative de la police d’entrer dans l’appartement. A l’arrivée des renforts, et malgré des tentatives de négociations, il a persisté à sortir à de multiples reprises le couteau par la trappe de la porte de son appartement tout en répétant qu’il ferait tout pour tuer un policier s’ils entraient. Il a encore déclaré qu’il n’attendait qu’une seule chose : qu’un policier lui tire une balle dans la tête. Finalement, il a ouvert la porte de l’appartement pour se rendre. Il avait au préalable déposé son couteau sur un meuble. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.
L'appelant a conclu à sa libération des accusations d'injure, de viol et de tentative de viol. Il n'y a donc pas lieu d'examiner les infractions de lésions corporelles simples qualifiées, de voies de fait qualifiées, de menaces qualifiée, de contrainte et de menace contre les autorités et les fonctionnaires. Il requiert également que la peine infligée par les premiers juges soit réduite. Il ne conteste en revanche pas les points V à XII du dispositif.
3.
A.B._ conteste s'être rendu coupable de viol. Il soutient n'avoir pas intentionnellement exercé de contrainte sur son épouse. Il n'aurait pas eu conscience du fait que sa femme ne souhaitait pas de relations sexuelles. Il fait valoir que les faits retenus ne sont pas suffisamment détaillés pour que la contrainte soit caractérisée. Il rappelle qu'il a entretenu de nombreux rapports consentis avec son épouse au fil des ans et qu'on ne peut sans autre détail considérer que dans ce nombre il y a eu trois rapports imposés par la contrainte.
3.1
Aux termes de l'art. 190 CP, se rend coupable de viol celui qui notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel (al. 1).
3.2
Le crime réprimé par l'art. 190 CP (comme celui sanctionné par l'art. 189 CP) est une infraction de violence, qui suppose, en règle générale, une agression physique. La violence désigne l'emploi volontaire de la force physique sur la personne de la victime dans le but de la faire céder (ATF 122 IV 97 c. 2b; TF 6B_267/2007 du 3 décembre 2007 c. 6.3; TF 6S.688/1997 du 17 décembre 1997 c. 2b, cité in Wiprächtiger, Aktuelle Praxis des Bundesgerichtes zum Sexualstrafrecht, RPS 1999 p. 121 ss, spéc. p. 133). Il n'est pas nécessaire que la victime soit mise hors d'état de résister ou que l'auteur la maltraite physiquement. Une certaine intensité est néanmoins requise. La violence suppose non pas n'importe quel emploi de la force physique, mais une application de cette force plus intense que ne l'exige l'accomplissement de l'acte dans les circonstances ordinaires de la vie (ATF 87 IV 68). Selon les circonstances, un déploiement de force relativement faible peut suffire. Ainsi, peut déjà suffire le fait de maintenir la victime avec la force de son corps, de la renverser à terre, de lui arracher ses habits ou de lui tordre un bras derrière le dos (TF 6B_570/2012 du 26 novembre 2012 c. 1.2; TF 6S.126/2007 du 7 juin 2007 c. 6.2).
En introduisant la notion de "pressions psychiques", le législateur a cependant aussi voulu viser les cas où la victime se trouve dans une situation sans espoir, sans pour autant que l'auteur ait recouru à la force physique ou à la violence. Ainsi, l'infériorité cognitive et la dépendance émotionnelle et sociale peuvent induire une pression psychique extraordinaire et, partant, une soumission comparable à la contrainte physique, rendant la victime incapable de s'opposer à des atteintes sexuelles. La jurisprudence parle de "violence structurelle", pour désigner cette forme de contrainte d'ordre psychique commise par l'instrumentalisation de liens sociaux (TF 6P.200/2006 et 6S.450/2006 du 20 février 2007 c. 7.1).
Pour que l'infraction soit réalisée, il faut que la pression psychique visée par l'art. 190 CP soit importante. Certes, la loi n'exige pas que la victime soit totalement hors d'état de résister. L'effet produit sur la victime doit cependant être grave et atteindre l'intensité d'un acte de violence ou d'une menace (ATF 131 IV 167 c. 3.1). L'exploitation de rapports généraux de dépendance ou d'amitié ou même la subordination comme celle de l'enfant à l'adulte ne suffisent en règle générale pas pour admettre une pression psychologique au sens de l'art. 190 al. 1 CP (ATF 131 IV 107 c. 2.2; ATF 128 IV 97 c. 2b/aa et cc).
En outre, l'auteur doit utiliser les relations sociales comme moyen de pression pour obtenir des faveurs sexuelles. Ainsi, la considération selon laquelle la subordination cognitive et la dépendance émotionnelle et sociale peuvent produire une pression psychique doit être vue sous l'angle du délinquant sexuel, qui transforme cette pression en un moyen de contrainte pour parvenir à ses fins. Il ne suffit pas que l'auteur exploite une relation de pouvoir, privée ou sociale, préexistante. Il doit créer concrètement une situation de contrainte (tatsituative Zwangssituation). Il suffit, lorsque la victime résiste dans la mesure de ses possibilités, que l'auteur actualise sa pression pour qu'il puisse être admis que chacun des actes sexuels n'a pu être commis qu'en raison de cette violence structurelle réactualisée (ATF 131 IV 107 c. 2.2 et 2.4).
Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'un viol, il faut procéder à une appréciation globale des circonstances concrètes déterminantes. Une appréciation individualisée est nécessaire, laquelle doit reposer sur des éléments suffisamment typiques (ATF 128 IV 97 c. 2b; ATF 128 IV 106 c. 3a/bb; ATF 124 IV 154 c. 3b). La mesure de l'influence qui doit avoir été exercée sur la victime pour qu'il y ait pression d'ordre psychique n'est pas aisément déterminable, de sorte qu'il y a lieu de se montrer prudent dans l'application des dispositions réprimant le viol et la contrainte sexuelle (ATF 128 IV 97 c. 2b; ATF 128 IV 106 c. 3b/aa; TF 6B_570/2012 du 26 novembre 2012 c. 1.3).
3.3
L'infraction de viol est intentionnelle. Comme dans le cas de la contrainte sexuelle, le dol éventuel suffit. L'auteur doit savoir que la victime n'est pas consentante ou en accepter l'éventualité. Il doit vouloir accepter que la victime soit contrainte par le moyen qu'il met en œuvre ou la situation qu'il exploite. Il doit enfin vouloir ou accepter que la femme se soumette à l'acte sexuel sous l'effet de la contrainte (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd., Berne 2010, n. 11 ad art. 190 CP).
3.4
En l'espèce, les premiers juges se sont fondés sur les déclarations de la victime pour retenir implicitement un climat de psycho-terreur permanent. Ils ont rappelé les déclarations faites en cours d’enquête par la plaignante, selon lesquelles elle cédait pour que son mari ne se fâche pas. Ils ont également retenu que le prévenu avait de la peine à se souvenir de ce qu’il faisait quand il buvait et sombrait dans la violence, qu’il avait admis avoir des besoins sexuels très forts. Ils se sont dit convaincus qu'à au moins trois reprises avant le 20 mars 2011, le prévenu, frustré et éméché, n’avait pas voulu comprendre les réticences de sa femme, qu’il s’était comporté en parfait égoïste, sans se préoccuper de l’avis de sa victime dont il pouvait pourtant se douter qu’elle n’allait pas partager ses envies alors qu’il se montrait si souvent violent. Ils ont estimé que son attitude de matamore était amplement suffisante pour que sa femme préfère subir l’acte sexuel auquel elle n’avait pas consenti plutôt que de subir les représailles à venir.
La motivation des premiers juges ne peut pas être suivie sur ce point. Le dossier ne contient pas d'éléments suffisants permettant de retenir un climat de terreur psychologique permanent. Il est admis que A.B._ a un comportement violent et profère des menaces, lorsqu'il est sous l'influence de l'alcool. Toutefois, cet élément n'est pas suffisant pour retenir que le prévenu est un tyran domestique. Au contraire, les époux entretiennent une relation fusionnelle (P. 86/5). L'instruction aux débats d'appel a démontré que la plaignante était toujours attachée à son époux, qu'elle a gardé des contacts avec lui, et qu'elle n'exclut pas définitivement une reprise de la vie commune. Leur fille entretient une relation chaleureuse avec son père. Par ailleurs, la plaignante ne se trouve ni dans une situation d'isolement social, ni dans un rapport de dépendance avec son mari.
Si la plaignante avait peur que son mari se fâche, il n'est pas établi que celui-ci avait conscience de ses réticences et aurait, à une seule occasion, passé outre un refus exprimé par celle-ci. Le fait qu'elle craigne qu'il lui fasse la tête si elle refusait démontre plutôt que l’épouse pouvait refuser mais qu’elle préférait se plier aux envies de l’appelant plutôt que de subir sa mauvaise humeur. Sans détails concrets, il est difficile d’affirmer que le prévenu était conscient de l’état d’esprit de sa femme, notamment du fait qu’elle avait peur de ses réactions. Si les relations sexuelles étaient quotidiennes et consenties dans la quasi-totalité des cas, les déclarations de la plaignante, qui n’est au demeurant pas très sûre (« à mon souvenir »), sont insuffisantes pour caractériser une contrainte intentionnelle dans trois circonstances sur lesquelles peu, voire pas, de détails ont été donnés. On peut s’étonner que la plaignante n’ait pas cru bon de décrire ces trois autres épisodes lorsqu’elle a été interrogée à ce sujet en cours d’enquête; ce n'est que devant les premiers juges qu'elle a mentionné trois autres cas au cours desquels A.B._ l'aurait forcée à l'acte sexuel. Il ne s'agit pas de douter des déclarations de la victime au sujet de ses réticences et de ses craintes. Il est fort possible et même vraisemblable que le prévenu ait perçu celles-ci. Les preuves d'une contrainte exercée délibérément sont toutefois insuffisantes.
Par ailleurs, selon la plaignante, ces épisodes se sont passées « dès 2003 », lorsqu’elle est « allée au Foyer de Malley », c’est-à-dire en 2002 et en 2008 (cf. PV aud. 3, ll. 92 à 94). Or, avant le 1
er
avril 2004, le viol entre conjoints mariés ou faisant ménage commun n'était poursuivi que sur plainte contrairement à aujourd'hui où il est poursuivi d'office (art. 190 CP; FF du 4 mars 2003 pp. 1750 ss). En vertu du principe de non-rétroactivité de la loi (art. 2 al. 1 CP), les actes s'étant produits avant 2004 ne peuvent plus faire l'objet d'une poursuite pénale. Ensuite, concernant le viol qui se serait produit en 2008, il faut rappeler que l'acte d'accusation se limite à la période d'août 2010 à mars 2011. En tout état de cause, ces faits ne peuvent pas être pris en compte.
L’appelant doit dès lors être libéré du chef de prévention de viol.
4.
L’appelant conteste sa condamnation pour tentative de viol s'agissant des événements du 20 mars 2011. Il fait valoir que le fait qu’il n’y a finalement pas eu de rapport sexuel serait la preuve qu’il n’avait pas la volonté de passer outre le refus de sa femme. Il estime que le seul fait de tirer sur les leggings de celle-ci ne serait pas constitutif d’une tentative de contrainte.
4.1
Selon l'art. 22 al. 1 CP, le juge peut atténuer la peine si l'exécution d'un crime ou d'un délit n'est pas poursuivie jusqu'à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire.
4.2
Se fondant sur les déclarations de la victime, les premiers juges ont retenu que l’intéressé avait bien l’intention de faire subir l’acte sexuel à son épouse malgré son désaccord et qu’il en avait commencé l’exécution en essayant de lui baisser son pantalon.
En déposant plainte (P. 4), la victime a déclaré que « Après quelques instants, il m’a laissée tranquille. » Sa plainte ne visait au demeurant pas cet aspect des événements mais seulement les coups, la rubrique « violence sexuelle » du formulaire n'étant pas cochée.
Au vu de ces déclarations, on peut effectivement s’interroger sur la volonté de l’appelant de passer outre le refus de son épouse. Il ne fait pas de doute qu’il voulait entretenir une relation sexuelle avec sa femme, malgré les dénégations maladroites proférées à ce sujet en première instance. Toutefois, après avoir réalisé que son épouse ne voulait pas de rapport sexuel, il a renoncé à son projet «après quelques instants », et a laissé la plaignante tranquille. Ainsi, au bénéfice du doute, il convient d'admettre en définitive que A.B._, certes lourdement insistant, n'entendait exercer aucune contrainte.
A.B._ doit donc être libéré du chef d'accusation de tentative de viol.
5.
A.B._ conteste également s'être rendu coupable d'injure. Il fait valoir que le fait d'avoir lancé le contenu d'un verre de vin à son épouse est constitutif de voies de fait et non d'injure.
5.1
Selon l'art. 126 CP, se rend coupable de voies de fait celui qui se sera livré sur une personne à des voies de fait qui n'auront causé ni lésion corporelle, ni atteinte à la santé (al. 1). La poursuite aura lieu d'office si l'auteur a agi à réitérées reprises contre son conjoint durant le mariage ou dans l'année qui a suivi le divorce (al. 2 let. b). Les voies de fait selon l'art. 126 CP répriment les actions physiques sur le corps d'autrui qui excèdent ce qui est socialement toléré, sans causer pour autant de lésions au corps ou d'atteintes à la santé.
Aux termes de l'art. 177 CP, se rend coupable d'injure celui qui, de toute autre manière, aura, par la parole, l'écriture, l'image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur (al. 1).
L'honneur que protège l'art. 177 CP est le sentiment et la réputation d'être une personne honnête et respectable, c'est-à-dire le droit de ne pas être méprisé en tant qu'être humain ou entité juridique (TF 6B_602/2009 du 29 septembre 2009 c. 2.2; ATF 128 IV 260 c. 3.1 non publié).
L’injure peut prendre la forme de voies de fait. Sur ce point, l’intention de l’auteur au moment d'agir est déterminante. Ainsi, si l'auteur a souhaité s’attaquer à l’intégrité physique de la victime, l’art. 126 CP est applicable. Dans le cas où l’honneur de la victime était visé par l’auteur de l'atteinte, l’art. 177 CP trouve son application (Dupuis/Geller/Monnier/Moreillon/Piguet/Bettex/Stoll, Code Pénal, Petit Commentaire, Bâle 2012, n. 8 ad art. 177 CP).
5.2
En l’occurrence, l'intention du prévenu n'est pas clairement établie. Dans sa plainte, l’épouse du prévenu décrit ainsi la dispute qui est intervenue le 20 mars 2011 : « Alors que je me préparais pour sortir, il est arrivé avec son verre de vin rouge et me l’a versé dessus ». Après cela, son mari est revenu vers elle et lui a assené des coups. Aucune injure verbale n’a été proférée. Les autres actes reprochés au prévenu sont violents et non humiliants. Au moment de verser le verre de vin sur son épouse, le prévenu était en train de boire (cf. jugement entrepris, p. 5); ainsi, il paraît vraisemblable qu’il s’est agi d’un geste de colère plutôt que de mépris.
Il convient par conséquent d'admettre, au bénéfice du doute, que l’appelant s’est rendu coupable de voies de fait et non d'injure, comme retenu par les premiers juges sans explication, et donc de le libérer de cette dernière infraction. L'appel doit donc être admis sur ce point également.
6.
L’appelant estime excessive l’amende mise à sa charge. Il conclut également à la suppression de la peine pécuniaire et à la réduction de la quotité de la peine privative de liberté dès lors qu’il conteste certaines infractions.
6.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_335/2012 du 13 août 2012 c. 1.1 et les références citées).
6.2
En l'espèce, l’admission des moyens qui précèdent implique de réexaminer de façon globale la fixation de la peine, le prévenu étant libéré des accusations de viol, de tentative de viol et d’injure. Ainsi, A.B._ est reconnu coupable de lésions corporelles simples qualifiées, voies de fait qualifiées, menaces qualifiées, contrainte et violence ou menaces contre les autorités et les fonctionnaires.
6.2.1
Le jugement du Tribunal correctionnel a précisé que la peine pécuniaire a été infligée pour sanctionner l’injure. Cette peine doit donc être supprimée.
6.2.2
La culpabilité de A.B._ est importante mais allégée par une responsabilité pénale légèrement à moyennement diminuée. A charge, il convient de tenir compte du concours d'infractions. Ses antécédents judiciaires doivent également être pris en compte.
A décharge, on retiendra que A.B._ a présenté à plusieurs reprises des regrets qui paraissent sincères. Il s'est reconnu débiteur de 5'000 fr. à titre de réparation du tort moral causé à son épouse. En outre, depuis sa sortie de détention provisoire, A.B._ s'est bien comporté. Il continue à se soumettre aux traitements qu'il suit volontairement. Ses problèmes d'alcool font l'objet d'une thérapie auprès du Dr G._, chez lequel il se rend régulièrement, à raison d'une fois par mois. Le prévenu a poursuivi le programme de Vifa Jeunesse et Famille au-delà des exigences posées par le Tribunal des mesures de contrainte comme mesure de substitution à la détention provisoire. Il est en outre suivi à la consultation Maltraitance familiale aux Boréales.
6.2.3
Selon l'art. 106 al. 3 CP, le juge fixe l'amende ainsi que
la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise.
L'épisode du verre de vin versé sur la plaignante, requalifié en voies de fait, doit être sanctionné d'une amende. Il s’ajoute aux multiples violences de ce type exercées entre août 2010 et le 20 mars 2011.
Au vu des infractions commises, de la réitération des actes et des antécédents de l'appelant, une amende de 1'000 fr. se justifie, bien que la situation financière de A.B._ soit modeste. Une peine de substitution de dix jours de peine privative de liberté est également adéquate au vu du cas d'espèce. Contrairement à ce que semble soutenir l'appelant, la peine de substitution (art. 106 al. 2 CP) calculée sur un montant journalier plus élevé que celui qui pourrait être retenu pour une peine pécuniaire est une solution qui le favorise.
6.2.4
S'agissant de la peine privative de liberté, sa durée est en générale de six mois au moins et de 20 ans au plus (art. 40 CP). Ainsi, la peine privative de liberté de plus de six mois constitue le principe.
Au vu des éléments qui précèdent, c'est à juste titre que l’appelant n'a pas contesté le choix du genre de peine. Une peine de 12 mois, telle que requise en appel, paraît propre à sanctionner les infractions – hors contraventions – commises par A.B._ et tenir compte de sa situation personnelle.
L'octroi du sursis n'est pas contesté et peut être confirmé.
7.
Vu l'issue de la cause, l'appel étant partiellement admis, les frais de la procédure d'appel doivent être laissés à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1 CPP).
Outre l'émolument, qui se monte à 2'570 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ces frais comprennent les indemnités allouées aux conseils d'office de A.B._ et P._.
Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la liste des opérations, il convient d'admettre que le défenseur d'office de l'appelant, Me Tiphanie Chappuis, a dû consacrer 11 heures et 25 minutes à l'exécution de son mandat. L'indemnité sera dès lors arrêtée à 2'053 fr. 80 et 50 fr. de débours, plus la TVA par 168 fr. 30, soit un total de 2'272 fr. 10, TVA et débours compris. Il convient également d'admettre que le conseil d'office de l'intimée, Me Matthieu Genillod, a dû consacrer 8 heures et 30 minutes à l'exécution de son mandat Son indemnité sera dès lors arrêtée à 1'530 fr. et 13 fr. de débours, plus la TVA par 123 fr. 45, soit un total de 1'666 fr. 45, TVA et débours compris. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
83ca2f52-3b60-4913-ac67-89c3d5d9eebd | En fait :
A.
Par jugement du 7 octobre 2014, le Tribunal criminel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a pris acte du retrait de plainte d’P._ contre X._ (I), a libéré X._ des chefs d’accusation de vol, lésions corporelles simples qualifiées, contrainte et violation de domicile (II), a constaté que X._ s’était rendu coupable de tentative de lésions corporelles graves, abus de confiance, tentative d’extorsion et chantage qualifiés, escroquerie, tentative de contrainte, violation simple des règles de la circulation routière, conduite d’un véhicule défectueux, conduite d'un véhicule automobile malgré le retrait du permis de conduire, accompagnement d'un élève-conducteur sans remplir les conditions exigées, défaut de restitution de plaques de contrôle retirées, délit contre la Loi fédérale sur la protection des eaux et délit contre la Loi fédérale sur les armes (III), a condamné X._
à une peine privative de liberté de 5 (cinq) ans, sous déduction de 357 (trois cent cinquante-sept) jours de détention préventive subis au jour du jugement (IV), a dit que cette peine était partiellement complémentaire à celles prononcées le 6 novembre 2006 par le Juge d'instruction I du Jura bernois-Seeland, le 18 février 2011 par la Cour d’appel pénale de Fribourg et le 21 juin 2012 par l’Amtsgerichtspräsident Bucheggberg-Wasseramt (V), a ordonné le maintien en détention pour des motifs de sûreté de X._ (VI), a révoqué le sursis accordé à X._ le 18 février 2011 par la Cour d’appel pénale de Fribourg et ordonné
l’exécution de la peine privative de liberté de 15 (quinze) mois (VII), a révoqué le sursis accordé à X._ le 30 septembre 2011 par le Ministère public du canton de Fribourg et ordonné l’exécution de la peine pécuniaire de 30 (trente) jours amende à 10 (dix) francs le jour (VIII), a révoqué le sursis accordé à X._ le
4 avril 2012 par le Tribunal de police de la Broye et du Nord vaudois et ordonné
l’exécution de la peine pécuniaire de 100 (cent) jours amende à 30 (trente) francs le jour (IX), a révoqué le sursis accordé à X._ le 21 juin 2012 par l'Amtsgerichtspräsident Bucheggberg-Wasseramt et ordonné l’exécution de la peine privative de liberté de 10 (dix) mois (X), a donné acte à D._ SA de ses prétentions civiles à l’encontre de X._ et l’a renvoyée à agir devant la justice civile (XI), a dit que X._ était le débiteur de V._ d’un montant de 5'000 fr. (cinq mille francs) plus intérêt à 5% dès le 16 octobre 2013, à titre de réparation du tort moral et a renvoyé V._ à agir devant la justice civile pour le surplus (XII), a dit que X._ était le débiteur de V._ de la somme de 5'000 fr. (cinq mille francs), à titre de dépens pénaux (XIII), a ordonné la confiscation et la destruction du gilet tactique noir (cf. fiche no 14327/13 ; P. 17), de la batte de baseball, du poing américain et de la paire d’attaches (cf. fiche 14351/13 ; P. 36) séquestrés en cours d’instruction (XIV), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièces à conviction du CD remis par la police de sûreté contenant les images du test de tir du revolver Smith & Wesson (cf. fiche no 14421/14 ; P. 53) (XV), a confié le soin au Bureau des armes du Canton de Vaud de statuer sur le sort administratif des autres armes saisies dans le cadre de la présente affaire
(P. 15) (XVI), a fixé l'indemnité du défenseur d'office de X._, l'avocat Rodolphe Petit, à 1'290 fr. 60 (mille deux cent nonante francs et soixante centimes), débours et TVA compris, l’indemnité ayant déjà été versée au conseil (XVII), a fixé l'indemnité du défenseur d'office de X._, l'avocat Sébastien Pedroli, à 12'374 fr. 40 (douze mille trois cent septante-quatre francs et quarante centimes), débours et TVA compris, l’indemnité ayant déjà été versée au conseil (XVIII), a fixé l'indemnité du défenseur d'office de X._, l'avocat Nicolas Marthe, à 10'360 fr. (dix mille trois cent soixante francs), débours et TVA compris (XIX), a mis les frais de la cause par 58'200 fr. 25 (cinquante huit mille deux cent francs et vingt-cinq centimes), comprenant les indemnités prévues sous chiffres XVII à XIX ci-dessus, à la charge de X._ et a laissé le solde à la charge de l'Etat (XX) et a dit que le remboursement à l'Etat des indemnités prévues sous chiffres XVII à XIX ci-dessus allouées aux défenseurs d'office de X._ serait exigible pour autant que la situation économique de X._ se soit améliorée (XXI).
B.
Par annonce du 9 octobre 2014, puis déclaration motivée du
19 novembre 2014, complétée ensuite de la demande de la Cour de céans du
25 novembre 2014 par courrier reçu au greffe de la Cour d’appel le 8 décembre 2014, X._ a interjeté un appel contre le jugement précité. II a conclu à sa réforme en ce sens qu’il est acquitté des infractions de tentative de lésions corporelles graves, d’abus de confiance, de violation simple des règle de la circulation routière, de tentative d’extorsion et chantage qualifiés, d’escroquerie, de tentative de contrainte, de conduite d’un véhicule automobile malgré le retrait du permis de conduire (sauf pour le chiffre 7 de l’acte d’accusation), d’accompagnement d’un élève-conducteur sans remplir les conditions exigées et de délit contre la Loi fédérale sur les eaux (LEaux du 24 janvier 1991 ; RS 814.20) (ch. III du dispositif), qu’il est condamné à une peine privative de liberté n’excédant pas dix-huit mois, sous déduction de la détention préventive subie (ch. IV du dispositif), que sa mise en liberté immédiate est ordonnée (ch. VI du dispositif), qu’il est renoncé à la révocation des sursis en cause, au besoin en prolongeant les délais d’épreuve et/ou en les assortissant de conditions (ch. VII à X du dispositif), que les prétentions civiles du plaignant sont rejetées, y compris l’indemnité pour tort moral, très subsidiairement à ce que cette indemnité soit réduite dans une large mesure (ch. XI et XII du dispositif), qu’il soit renoncé aux dépens pénaux, très subsidiairement que les frais de justice mis à la charge du prévenu soient « sensiblement réduits dans une large mesure » (ch. XIII et XX du dispositif).
A l’audience d’appel, X._ a confirmé les conclusions de sa déclaration d’appel. Le Ministère public, V._ et la société D._ SA ont conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
X._
est né le 11 mars 1964 à Neuchâtel. Elevé par ses parents, il a grandi à Peseux. Il a deux demi-sœurs. Après avoir suivi ses écoles dans ce village, il a fait un apprentissage de dessinateur en béton armé, mais il n'a pas obtenu de certificat. Il a ensuite travaillé dans le transport et la démolition. Il a vécu avec [...] de 1986 à 2003 ou 2004, par intermittence. Le couple a eu deux enfants nés en 1988 et 1990 et donc aujourd’hui majeurs. A l’audience de première instance, X._ a indiqué qu’il ne voyait plus ses enfants depuis une dizaine d’années, malgré quelques tentatives pour se rapprocher d'eux.
Après avoir oeuvré un certain nombre d'années comme indépendant dans son domaine d’activité, le prévenu a fondé la société D._ SA, dont il sera question ci-dessous et dont il a été administrateur pendant un certain temps, puis employé. Après son départ de cette société en mai 2006, il a créé et travaillé pour le compte de la société [...], puis à nouveau comme indépendant exerçant son activité à [...] et à [...]. S’agissant de ses revenus, il ressort du dossier que le prévenu ne se versait pas de salaire, mais couvrait simplement, avec les revenus de son activité, ses besoins essentiels à hauteur de 1'000 à 1'500 fr. par mois. Avant son interpellation, X._ vivait à Vallorbe dans un studio dont le loyer s’élevait à 450 fr. par mois. Il ne payerait pas de primes d’assurance maladie ou d’impôts. Il n’aurait pas d’économies, mais des dettes qui s’élèveraient à 300'000 fr. L'extrait des poursuites figurant au dossier fait état d'actes de défaut de biens pour un montant total de 392'510 fr. 45 (P. 141). Selon les déclarations du prévenu à l'Office des poursuites d'Yverdon-les-Bains (P. 148), son entreprise avait très peu d'activités depuis le début de l'année 2013. Elle ne possédait aucun actif, ni immeuble, ni véhicule.
Le casier judiciaire de X._ fait état des huit condamnations suivantes :
-
06.11.2006 : Untersuchungsrichteramt I Berner Jura-Seeland, Biel, violation grave des règles de la circulation routière, 30 jours d'emprisonnement ;
-
24.07.2008 : Untersuchungsrichteramt Ill Bern-Mittelland, Bern, atteinte intentionnelle à l'état de sécurité d'un véhicule, atteinte à l'état de sécurité d'un véhicule par négligence, violation grave des règles de la circulation routière et contravention à l'Ordonnance sur la construction et l'équipement des véhicules routiers, peine pécuniaire de 10 jours-amende à 80 fr. et 1'500 fr. d'amende ;
-
18.02.2011 : Cour d’appel pénale Fribourg, lésions corporelles graves (délit manqué), contamination d'eau potable, peine privative de liberté de 15 mois, sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 5 ans ;
-
08.08.2011 ; Ministère public central, division entraide, criminalité économique et informatique, contrainte (délit manqué), injure, diffamation, peine pécuniaire de 75 jours-amende à 30 francs ;
-
30.09.2011 : Ministère public du canton de Fribourg, délit contre la Loi fédérale sur la protection des eaux, contravention à la Loi fédérale sur la protection de l'environnement, peine pécuniaire de 30 jours-amende à
10 fr., sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 5 ans, amende
500 francs ;
-
04.04.2012 : Tribunal de police de la Broye et du Nord vaudois, contrainte, délit contre la Loi fédérale sur la protection des eaux, peine pécuniaire de 100 jours-amende à 30 fr., sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 4 ans, amende 600 francs ;
-
21.06.2012 : Amtsgerichtspräsident Bucheggberg-Wasseramt, lésions corporelles simples (avec du poison, une arme ou un objet dangereux), menaces, peine privative de liberté de 10 mois, sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 4 ans ;
-
14.12.2012 : Ministère public du canton de Fribourg, incendie par négligence, menaces, dommages à la propriété, peine pécuniaire de
50 jours-amende à 30 francs.
L'extrait du fichier ADMAS concernant le prévenu fait état des décisions suivantes :
-
17.10.1979 : 3 mois de refus de délivrer un permis pour conduite sans permis ;
-
11.12.1981 : 1 mois de retrait de permis pour modification du véhicule non autorisée ;
-
03.02.1982 : 2 mois de retrait de permis pour modification du véhicule non autorisée ;
-
06.08.1985 : 1 mois de retrait de permis pour autres fautes de circulation ;
-
21.01.1991 : 1 mois de retrait de permis pour vitesse et autres fautes de circulation ;
-
29.04.1991 : 1 mois de retrait différencié pour vitesse et autres fautes de circulation ;
-
29.04.1991 : 4 mois de retrait différencié pour vitesse et autres fautes de circulation ;
-
05.04.1994 : 1 mois de retrait du permis pour vitesse et autres fautes de circulation ;
-
27.05.1994 : 6 mois de retrait du permis pour conduite malgré retrait et une interdiction ;
-
24.07.1998 : 1 mois de retrait du permis pour vitesse ;
-
11.11.1998 : avertissement pour autres motifs ;
-
04.04.2000 : avertissement pour refus de la priorité ;
-
04.05.2000 : avertissement pour autres fautes de circulation ;
-
15.11.2001 : avertissement + cours d'éducation routière pour refus de la priorité ;
-
18.01.2002 : 1 mois de retrait du permis pour refus de la priorité ;
-
27.11.2003 : avertissement pour véhicule défectueux et autres motifs ;
-
21.03.2007 : 3 mois de retrait du permis pour vitesse ;
-
23.09.2009 : 6 mois de retrait du permis pour vitesse et distance insuffisante ;
-
21.07.2010 : 12 mois de retrait du permis pour conduite malgré retrait ;
-
03.05.2012 : retrait indéterminé pour course d’apprentissage sans accompagnement et inobservation des conditions ;
-
01.6.2012 : révocation d’une décision pour refus de priorité ;
-
09.10.2012 : retrait du permis 1 mois pour inobservation des conditions, inattention et autres motifs ;
-
09.10.2012 : retrait du permis 1 mois pour inobservation des conditions, inattention et autres motifs ;
-
04.02.2013 : 4 mois de retrait de permis pour autres motifs ;
-
08.01.2014 : retrait de durée indéterminée pour conduite malgré retrait et une interdiction.
Dans le cadre de la présente cause, le prévenu a été arrêté et placé en détention provisoire le 16 octobre 2013. Il est détenu depuis lors.
En cours d’instruction, X._ a été soumis à une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du 18 février 2014 (P. 63), les experts ont posé le diagnostic de trouble mixte de la personnalité avec traits paranoïaques et dyssociaux. Ils ont qualifié le trouble de la personnalité de grave. En substance, ils ont relevé que les traits paranoïaques se caractérisaient chez le prévenu par sa représentation mégalomaniaque de lui-même comme un homme tout puissant, mais qui doit se méfier de tout le monde, en conflit avec ses anciens associés, avec les autres professionnels de la branche du recyclage, les gens de son village, les autorités et même les membres de sa famille. Selon les experts, le prévenu n'arrive pas à se remettre en question et persiste dans son fonctionnement pathologique, tout en interprétant les conséquences de ses actes avec un vécu persécutoire. Il s'estime ainsi victime de l'administrateur de la société D._ SA, de la justice, et s'autorise de manière mégalomaniaque à rendre lui-même cette justice que les magistrats éviteraient de rendre selon lui. Les traits dyssociaux se caractérisent par un mépris du prévenu des normes légales et des obligations sociales, des transgressions multiples en contradiction avec le discours de l’expertisé sur les lois et une absence de modification de ses comportements transgressifs malgré les expériences vécues et les sanctions pénales. Les experts ont par ailleurs observé une indifférence pour autrui et une faible tolérance à la frustration, une agressivité et une impulsivité.
S’agissant de la responsabilité pénale de X._ au moment des faits, les experts l’ont qualifiée de pleine et entière, estimant que le prénommé avait décidé en toute connaissance de cause qu’il voulait faire justice lui-même, qu’il avait donc les capacités volitives pour renoncer à son acte et qu’il n’était pas sous le coup d’un débordement émotionnel impulsif incontrôlable.
Invités à se déterminer sur le risque de récidive, les experts ont relevé qu’au vu du nombre élevé des infractions, des récidives malgré de multiples condamnations, du trouble de la personnalité avec l’association de traits paranoïaques et antisociaux, du profond sentiment de l’expertisé d’être abandonné par la justice et d’être ainsi légitimé à rendre sa propre justice, de l’absence d’empathie pour ses victimes et de l’absence de sentiment de culpabilité, X._ était susceptible de commettre de nouvelles infractions. Ce risque est qualifié d’élevé pour des infractions à la loi sur la circulation routière, à la loi sur l’environnement, concernant le droit des personnes et dans le cadre de son activité professionnelle.
Enfin, les experts ont relevé qu’un traitement institutionnel n’était pas nécessaire et que si un traitement psychothérapeutique ambulatoire était indiqué, une telle mesure n’était toutefois pas appropriée dès lors que le prénommé n’était en l'état pas disposé à s’y soumettre. Ils relevaient également que, dans le genre de pathologie décrite chez l’expertisé, la contrainte était vécue comme si intrusive que le fait d’imposer un traitement pourrait entraîner beaucoup de résistance et entraverait notablement les chances de succès.
Dans un complément d'expertise du 19 juin 2014 (P. 110), les experts ont évoqué l’utilité de mettre en œuvre un traitement psychothérapeutique, cette mesure étant susceptible de diminuer le risque de récidive, tout en précisant qu’une telle mesure n’aurait de sens qu’à la condition que l'expertisé soit authentiquement motivé par ce traitement, qu'il ait pris conscience des conséquences néfastes de son trouble de la personnalité, qu'il en souffre et qu'il ait la volonté de changer. Selon les experts X._ aurait les facultés nécessaires pour s'inscrire dans un processus de soin si telle était sa volonté. Pour le surplus, les experts n’ont pas mis en évidence un grave trouble mental chronique ou récurrent chez le prévenu et ils ont relevé que l’intéressé ne présentait pas de pathologie psychiatrique nécessitant une contrainte au traitement.
2.
2.1
La société anonyme D._ SA a été fondée en date du
28 octobre 1999. Son siège est à Lausanne depuis décembre 2005 (précédemment à Belfaux/FR) et ses buts sont : acquisition, à titre gratuit ou onéreux, vente et mise à disposition de matériel industriel, de loisirs ou autres biens mobiliers ou immobiliers, construction de biens industriels et de loisirs, commerce de matières premières et de matériaux divers bruts, façonnés ou déclassés, services y relatifs.
Le patrimoine de cette société comprend des biens mobiliers, sous la forme de véhicules en particulier, ainsi que des parcelles à [...] où sont érigés des locaux (dépôts-garages), loués à des tiers ou utilisés pour abriter ses propres véhicules. Ces immeubles sont grevés de quatre cédules hypothécaires au porteur, d’un montant respectif de 150'000 fr., 200'000 fr., 200'000 fr. et
300'000 francs.
Dans un premier temps, X._ a été l’administrateur de cette société. En novembre 2003, une assemblée générale a confié le siège d'administrateur avec signature individuelle à V._. L’idée de cette nomination était d’assurer une meilleure gestion de la société et d’éviter que le prévenu n'apparaisse comme administrateur auprès des autorités cantonales et communales dans la mesure où, depuis de nombreuses années, il rencontrait des difficultés avec ces autorités dans la gestion de son activité. Il semble que X._ ait depuis lors travaillé de façon indépendante pour la société, au bénéfice d’une procuration lui permettant de gérer les affaires courantes, puis, durant un certain temps, comme salarié, jusqu’au 19 mai 2006, date à laquelle il a démissionné. Après la nomination de V._ comme administrateur unique, les assemblées générales n’ont plus été convoquées. Hormis une lettre de Me [...] pour le compte de la [...] – qui se prétendait détentrice de 11'999 actions – pour exiger la tenue d'une assemblée générale, il ne semble pas que des démarches judiciaires aient été introduites afin de requérir du juge compétent la convocation d'une assemblée générale des actionnaires. V._ a justifié l'absence d’assemblées générales par le fait que les actions d’Z._, troisième ou principale actionnaire, avaient été un certain temps « séquestrées » par le prévenu, le certificat d'action correspondant ayant disparu. Des démarches judiciaires seraient en cours pour l’annuler.
Au fil du temps, les relations entre X._ et V._ se sont détériorées et leurs rapports sont devenus conflictuels. Des procédures civiles et pénales ont été initiées de part et d’autre. Le 19 mai 2006, X._ a démissionné avec effet immédiat de toutes ses fonctions auprès de la société D._ SA.
Le 30 mai 2006, X._ a fondé une société concurrente, la « [...]», à [...], dont il est devenu gérant avec signature individuelle et dont le but était « l’acquisition à titre gratuit ou onéreux, vente et mise à disposition de matériel industriel, de loisirs ou d'autres biens mobiliers ; construction de biens industriels et de loisirs ; commerce de matières premières et de matériaux divers bruts, façonnés ou déclassés, notamment dans le domaine du recyclage de matériaux ferreux et non ferreux; services et transports y relatifs ».
2.2
Malgré sa démission de D._ SA en mai 2006 et jusqu’à son interpellation le 16 octobre 2013, X._ s’est comporté comme si les actifs de cette société lui appartenaient et comme s’il en était l’actionnaire majoritaire. Il a par ailleurs nourri une animosité grandissante à l’égard de V._.
2.2.1
Les véhicules
a)
Au mois de mai 2006, X._ a fait transférer sans droit treize véhicules appartenant à la société D._ SA au nom de [...] et s’est ainsi approprié lesdits véhicules.
La société D._ SA a déposé plainte le 11 décembre 2007.
b)
Le 25 août 2006, la société D._ SA, par V._, a dénoncé pour fin septembre 2006 un contrat de prêt à usage conclu entre la société D._ SA, représentée en son temps par X._, et [...], sur un véhicule de marque VW JETTA portant de la publicité.
A Yverdon-les-Bains, à une date indéterminée entre septembre et octobre 2006, X._ est allé récupérer ce véhicule qui appartenait à la société D._ SA chez [...], ce sans la prévenir. Il a par la suite caché ce véhicule, qui n’a jamais été retrouvé, tout en restituant au Service des automobiles les plaques d’immatriculation qui étaient au nom de D._ SA.
La société D._ SA a déposé plainte le 13 décembre 2006.
2.2.2
Les cédules hypothécaires
Au mois de mai 2006, après sa démission, X._ s'est approprié et a conservé par devers lui quatre cédules hypothécaires au porteur détenues jusque là par D._ SA et sur lesquelles il ne disposait d'aucun droit. Il a toujours refusé de les restituer.
La société D._ SA a déposé plainte le 11 décembre 2007.
2.2.3.
Les halles d’[...]
Après sa démission, en mai 2006 et jusqu’au 16 octobre 2013, X._ a conservé la mainmise sur les halles appartenant à D._ SA sises à [...].
Il a notamment occupé sans droit l’une de ces halles, sans verser le moindre loyer à D._ SA. Il s’est par ailleurs approprié les loyers et garanties de loyer qui ont été versés par les différentes locataires, au détriment de D._ SA, qui a chiffré ses prétentions à 159'600 fr. (pièce 59), et a empêché D._ SA pendant toute la période en cause de jouir de ses locaux, notamment en changeant les serrures des halles.
Plus particulièrement, le prévenu X._ a conservé par devers lui la garantie de loyer de 2'100 fr. versée le 1
er
décembre 2005 par [...] et [...], garantie qui n'a du reste pas été versée sur un compte bancaire comme l’exige la loi et que la société D._ SA a dû par la suite rembourser au locataire.
Le 28 avril 2007, X._ a conclu un contrat de bail portant sur l’une des halles avec [...] et [...] alors que l’immeuble abritant la halle appartenait à D._ SA, en faisant faussement croire aux locataires qu’il avait des droits sur cette halle. X._ a encaissé la garantie de loyer par 2'190 fr. et le premier loyer de 730 fr. sans jamais restituer ces montants à D._ SA. Il a par la suite encaissé le loyer mensuel de 730 fr. jusqu’au mois de février 2008 sans jamais rétrocéder quoi que ce soit à D._ SA. Lorsque V._ s’est adressé aux locataires pour leur expliquer que X._ n’avait aucun droit sur ces immeubles, X._ a écrit aux locataires pour leur affirmer que leur bail était valable puisqu’il disposait des cédules hypothécaires (cf. lettre Cas 2.2.2 ci-dessus). [...] et [...] ont fait l’objet de poursuites de la part de D._ SA en paiement des loyers.
La société D._ SA a déposé plainte le 11 décembre 2007.
2.3
Au mois d’octobre 2013, X._ a appris que V._, qu’il n’avait pas revu depuis trois ans, devait se rendre le 16 octobre 2013 à [...], sur les parcelles de D._ SA, pour un contrôle des installations électriques. X._ a décidé de saisir cette occasion pour forcer V._ à lui remettre toutes les actions de la société D._ SA.
Pour parvenir à ses fins, X._ s’est rendu à [...] en date du 16 octobre 2013, muni d’un revolver Smith & Wesson de calibre 38 chargé de 5 cartouches qu’il avait pris à son domicile et d’une batte de baseball. En vue de cette « rencontre », il avait pris le soin de rédiger une « convention de cession de parts sociales » déjà datée du 16 octobre 2013 et munie de sa signature. Aux termes de cette convention, conçue comme une pièce justificative pour le registre du commerce, V._ cédait à X._ l’entier du capital action qu’il détenait « abusivement » dans la société D._ SA, tous les titres étaient annulés et remplacés par de nouvelles actions en mains de X._, nouvel administrateur se substituant à V._, révoqué. Il n’était pas prévu de contre-prestation dans la convention de X._ au motif que V._ avait acquis « malhonnêtement » les titres « en semant la discorde au sein de la famille formée par X._ et Z._».
Arrivé sur place peu avant V._, X._ a patienté dans son véhicule [...] stationné devant les locaux de D._ SA. Dès l’arrivée de V._, il est sorti de son véhicule et s’est précipité sur lui muni de sa batte de baseball en vociférant et en lui reprochant d’être responsable de tout. Il l’a roué de coups sur tout le corps et à la tête au moyen de la batte, ce alors même qu’un moment donné, V._ s’est trouvé à terre. X._ lui ensuite a attaché le poignet avec des attaches Colson, l’a soulevé et l’a fait asseoir à l’arrière de son véhicule de livraison. X._ a ensuite sorti son revolver Smith & Wesson de calibre 38 chargé et en a posé le canon sur la gorge de sa victime, tout en réclamant la restitution des actions de la société.
Dérangé par l’arrivée de l’électricien, vers 16h15, X._ a laissé V._ à l’intérieur du véhicule [...] en lui disant : « ferme ta gueule ou je te bute », alors qu’il tenait toujours son arme à la main. Puis il a caché le revolver dans son pantalon et est allé à la rencontre de l’électricien en le priant de revenir le lendemain. X._ est revenu auprès de V._. En constatant les blessures de sa victime, il lui a demandé les clés de sa voiture pour l’emmener à l’hôpital. V._ a accepté de se rendre à l’hôpital mais a demandé à pouvoir prendre le volant. X._ a quant à lui jeté ses armes dans un container avant de monter dans le véhicule de V._.
Alertée par l’ex-compagne de V._, qui l’avait croisé sur la route, la police a pu intercepter le véhicule à l’entrée d’Yverdon-les-Bains, à la route de Lausanne, à 16h50. V._, qui saignait passablement à la tête, a été acheminé aux Etablissements hospitaliers du Nord vaudois, site d’Yverdon-les-Bains.
Le rapport médical du Centre universitaire romand de médecine légale du 29 octobre 2013 (P. 20) fait état des blessures suivantes s’agissant de V._:
- des hématomes au niveau basi-thoracique gauche, à la face dorso-latérale gauche de l’abdomen ainsi qu’à la face latérale de la cuisse et de la jambe gauches ;
- une tuméfaction importante à la main gauche ;
- des plaies au niveau du cuir chevelu, du front et d’un doigt de la main gauche ;
- une dermabrasion à la jambe gauche ;
- une fracture de la tête du 5
ème
métacarpe gauche ainsi que de la phalange proximale du 4
ème
et du 5
ème
doigt gauches ;
- des tuméfactions et des ecchymoses au niveau du visage, du cou, du dos, des membres supérieurs et du membre inférieur gauche, dont certaines en forme de « rails de chemin de fer » ;
- des plaies à bords finement irréguliers au niveau du cuir chevelu et du front ;
- des dermabrasions croûteuses au niveau de la joue gauche et du pavillon auriculaire droit, du dos, du thorax et de l’abdomen ainsi que du poignet droit.
V._ a déposé plainte pénale et s’est constitué partie civile le 16 octobre 2013.
2.4
Le 18 octobre 2013, une perquisition a été effectuée à Vallorbe, au domicile de X._, qui ne possède aucun permis d’acquisition ou de port d’armes. Il a été retrouvé :
-
un pistolet Glock 17, 9 para, FEE 953, avec visée laser et chargeur ;
-
deux magasins 17 coups, Glock vide ;
-
une trousse de transport Glock avec mode d’emploi ;
-
deux magasins métalliques pour 9 mm ;
-
un silencieux ;
-
une boîte de munition Fiocchi 9 mm ;
-
une boîte de munition 9 mm Luger ;
-
un sachet contenant 41 balles de munitions diverses.
2.5
Infractions à la Loi fédérale sur la circulation routière (LCR du
19 décembre 1958 ; RS 741.01)
2.5.1
Le 25 février 2010, au Lieu-dit [...] à [...], X._ a été interpellé au volant d’un poids lourd de marque Saurer immatriculé [...], alors qu’il faisait l’objet d’une mesure de retrait de son permis de conduire valable entre le 26 janvier 2010 et le 25 juillet 2010.
2.5.2
Le 5 mars 2010 à [...]/VS, X._ a à nouveau été interpellé au volant d’un véhicule immatriculé FR [...] alors qu’il faisait toujours l’objet de la mesure de retrait de son permis de conduire portant sur la période allant du
26 janvier 2010 au 25 juillet 2010.
2.5.3
Entre le 29 décembre 2011 et le 13 janvier 2012, dans la zone industrielle sud 1 à [...]/FR, X._ a refusé, malgré sommation, de déposer les plaques d’immatriculation d’un véhicule SCANIA (immatriculé FR [...]) auprès de l’office compétent, dites plaques ayant été retirées pour non-paiement des redevances sur le trafic des poids lourds.
2.5.4
Entre le 15 mars 2012 et le 5 avril 2012, dans la zone industrielle sud 1 à [...]FR, X._ a à nouveau refusé, malgré sommation, de déposer les plaques d’immatriculation du véhicule SCANIA (immatriculé FR [...]) auprès de l’office compétent, dites plaques ayant été retirées pour non-paiement des redevances sur le trafic des poids lourds.
2.5.5
Le 24 mai 2012, X._ qui faisait l’objet d’une mesure de retrait de permis de conduire portant sur les véhicules du deuxième groupe pour une durée indéterminée, mesure entrée en force depuis le 11 mai 2012, a confié à un élève-conducteur qu’il accompagnait la conduite d’un semi-remorque immatriculé FR [...] sur l'autoroute. X._ avait caché à l'élève-conducteur qu'il était privé de son permis. Le convoi a été interpellé par la police lors d’un contrôle sur l’aire de repos [...]/BE. X._ a alors pris la place de l'élève-conducteur derrière le volant, puis a piloté le véhicule jusqu’à [...]/BE pour des contrôles.
Les contrôles ont montré que le convoi pesait en tout 40'235 kg (marge de tolérance des appareils de mesure déduite) pour un poids total autorisé de
40'000 kg. Le poids total du tracteur à sellette atteignait 19'691 kg (marge de tolérance des appareils de mesure déduite) pour un poids total autorisé de 18'000 kg ce qui représente donc une surcharge de 1'691 kg (9,39% d'excès). La largeur du convoi était également excessive selon les contrôles. Par ailleurs le poids reposant sur l'essieu moteur du tracteur à sellette était de 13'502 kg (marge de tolérance des appareils de mesure déduite) alors que le poids maximum autorisé sur cet essieu était de 11'500 kg, soit une surcharge de 2'002 kg (17,41% d'excès). Enfin, diverses défectuosités liées à un accident précédent du camion ont été relevées lors des contrôles effectués par la police bernoise.
2.5.6
Le 28 août 2013 à [...]/VS, X._, qui venait de [...], a été interpellé au volant d’un tracteur à sellette Iveco immatriculé VS [...], alors qu’il était sous le coup d’une mesure de retrait de son permis de conduire pour la période du 3 août 2013 au 3 décembre 2013.
2.6
Le 20 mars 2010, rue [...] à [...], X._, dans le cadre de ses activités pour son entreprise « [...]», a procédé à l’écrasement de deux épaves de véhicules au moyen d’une pelle mécanique à chenilles alors que le site n'offrait pas une protection suffisante contre les écoulements, ne répondait pas aux exigences cantonales et fédérales et que X._ n’avait aucune autorisation pour pratiquer de la sorte.
2.7
En date du 5 octobre 2011, X._ a fait notifier un commandement de payer pour un montant total de 13'245'000 fr. à P._, juriste au sein du Service des eaux, sols et assainissement (ci-après : SESA), pour les motifs suivants : « atteinte au (sic) droits du débiteur droits constitutionnels d’établissement et d’entreprise par abus de pouvoir de représentation, complicité active de concurrence déloyale par attribution d’avantages illicites à [...] SA, position de juge et parti (sic) par participation financière dans capitaux mixte de sociétés concurrente (sic). Atteinte à l’honneur, destruction du noyau familial et perte de successeurs. Entrave à la justice par interdiction de temoinger (sic) faite au subordonné M. [...]. M. [...] étant cité par le débiteur comme témoin dans la plainte contre le SESA pour accusation calomnieuse et gestion déloyale des intérêts publics. Loyer [...] 1994-2011 ; perte de gain prison préventive, perte tonnage ferraille 1994-2011 ; dommages intérêts violation des droits constitutionnels et conséquences sur la famille ».
P._ a fait opposition totale à ce commandement de payer.
Malgré différentes interventions, dont celle du Service juridique et législatif du canton de Vaud qui avait avisé X._ que s'il estimait avoir subi un dommage du fait d'un acte illicite commis par un agent de l'Etat dans l'exercice de ses fonctions, il devait actionner l'Etat et non son agent, X._ n’a pas retiré le commandement de payer en question.
P._ a déposé plainte le 27 août 2013 et l’a retirée le
1
er
octobre 2014. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de X._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
Griefs de l’appelant s’agissant des faits
3.1
Appropriation de véhicules
(cf. lettre C. C.2.2.1)
3.1.1
L’appelant conteste les éléments objectifs et subjectif de l’infraction d’abus de confiance. Il soutient qu’il a laissé bon nombre des véhicules litigieux au même endroit, à savoir dans les halles d’[...], et qu’il entendait simplement exercer un droit de rétention en garantie d’un dédommagement pour ses apports en nature à la société.
3.1.2
Aux termes de l'art. 138 ch. 1 CP, se rend coupable
d'abus de confiance celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui avait été confiée (al. 1), de même que celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées (al. 2).
L'abus de confiance suppose qu'une chose mobilière appartenant à autrui ait été confiée à l'auteur. Il doit exister un rapport avec autrui (rapport de confiance) qui permet à l'auteur d'entrer en possession de la chose, mais qui détermine l'usage qu'il doit en faire. L'auteur, qui a reçu la chose pour en faire un certain usage dans l'intérêt d'autrui, s'approprie cependant cette chose, en violation de ce rapport de confiance, c'est-à-dire dispose de la chose comme si elle lui appartenait. Le rapport de confiance est une circonstance personnelle spéciale, de sorte que seul celui auquel la chose ou la valeur patrimoniale a été confiée peut être auteur ou coauteur d'un abus de confiance (ATF 98 IV 147 c. 4 p. 150). Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et, même si la loi ne le dit pas expressément, dans un dessein d'enrichissement illégitime. Le dessein d'enrichissement peut être réalisé par dol éventuel (ATF 118 IV 32 c. 2a).
3.1.3
Il existe des incertitudes sur la manière dont a été constitué le patrimoine de la société D._ SA, en particulier s’agissant des apports effectués. Toutefois, l’appelant n’a pas contesté avoir notamment amené « dans D._ SA » les treize véhicules litigieux, puis avoir repris « ses apports » (PV aud. 7, lignes 49 à 51) en vue de les transférer dans une Sàrl sur laquelle V._ n'aurait aucun contrôle (PV aud. 1, dossier B, spéc. R. 2, p. 2) Il a toutefois ajouté que la plupart de ces véhicules n'avaient pas de valeur, dès lors qu’ils avaient souvent été laissés par des clients qui souhaitaient s’en débarrasser. Il ressort du dossier que les plaques d’immatriculation de ces véhicules ont été pendant longtemps au nom de D._ SA (P. 11, dossier B) En cours d’instruction, V._ a confirmé que ces véhicules avaient été apportés à la société par X._, mais que, selon lui, c'est Z._ qui les aurait payés. V._ a encore ajouté que les véhicules étaient immatriculés au nom de la société et étaient intégrés au bilan.
En ce qui concerne en particulier la VW Jetta reprise chez [...], X._ a expliqué que son expertise datait de plus d'une année, ce qui l'aurait obligé à l'expertiser à nouveau pour la passer dans la nouvelle Sàrl. Il ne l’a pas fait, car sa valeur, au vu de son âge et de son kilométrage, était selon lui nulle. Il dit avoir obtenu cette voiture d'un client qui avait payé 150 fr. pour qu’elle soit évacuée (PV aud. 1, dossier B). Il aurait prêté cette voiture, avec la publicité de l'entreprise, à [...] afin qu'elle « promène » la publicité. Lorsqu’il a été informé par cette dernière que V._ lui réclamait la voiture, il serait allé chercher le véhicule sans la prévenir afin « de mettre cet objet hors de portée des escrocs V._ et [...]» (PV aud. 1, dossier B). Interrogé par la police, il a refusé de dévoiler l’emplacement du véhicule. Il a toutefois restitué les plaques d’immatriculation aux enquêteurs afin qu'elles soient transmises au Service des Autos et de la Navigation, indiquant ne pas en être propriétaire. Entendue en cours d’enquête (PV aud. 2, dossier B), [...] a corroboré les explications de X._. Elle a dit avoir utilisé ce véhicule pendant une année et en avoir été dessaisie sans préavis. Dans l’attestation qu’il a rédigée en faveur de [...] (P. 7, dossier B), le prévenu admet lui-même avoir soustrait ce véhicule en utilisant un double des clés qu’il avait conservé.
3.1.4
En l’espèce, il ressort de toutes les déclarations au dossier que les véhicules litigieux appartenaient à la société D._ SA. X._ lui-même admet que ces véhicules constituaient des apports. Ils étaient par ailleurs immatriculés au nom de la société (P. 11, dossier B) ou assurés par elle. Matériellement, ces biens avaient donc été valablement confiés par leur propriétaire, la société D._ SA, à X._ pour qu'il les utilise dans l'intérêt de la société, sur la base, dans un premier temps, d’un rapport de fait entre lui et la société puis, alors qu'il est devenu l’employé de celle-ci, sur la base d'un rapport contractuel de travail. X._ a ainsi conservé la maîtrise sur ces biens qui avaient été laissés à sa disposition après la constitution de la société anonyme pour qu'il exerce son activité, mais il savait qu’il n’en était plus le propriétaire. En quittant la société, il n'était pas légitimé à s’approprier ces véhicules et à les transférer au nom d'une autre société. Certes, il semble que, physiquement, les véhicules – ou à tout le moins une partie d’entre eux – aient été laissés dans les locaux de la société à [...], lieu où X._ a continué d’exercer son activité, même après la fin de ses rapports avec D._ SA. Néanmoins, en « reprenant » ces biens, l’appelant avait clairement l’intention de déposséder durablement la propriétaire légitime des véhicules et de se les attribuer en les incorporant à son propre patrimoine ou à celui de sa nouvelle société. L’appelant s’est donc indiscutablement approprié des choses qui lui avaient été confiées, en violation du rapport de confiance existant entre lui-même et la plaignante, laquelle n’a jamais consenti à lui laisser ces véhicules sans réserve. C’est donc en vain que l’appelant soutient qu’il se croyait en droit d’exercer un droit de rétention sur les véhicules en vertu d’une prétendue créance envers la société anonyme.
L’appelant ne peut pas non plus être suivi lorsqu’il invoque un droit de rétention puisque le droit de rétention du créancier, tel que défini à l’art. 895 CC (Code civil suisse du 10 décembre 1907, RS 210), suppose un transfert de la possession de la chose par le débiteur au créancier pour conférer à celui-ci soit un droit réel, soit un droit personnel. De plus la créance de celui qui opère la rétention doit être exigible et un rapport naturel de connexité doit exister entre la créance et l’objet retenu. En l’espèce, la prétendue créance de l’actionnaire X._ en cas de liquidation n’était pas exigible, faute de liquidation en cours. Le prévenu n’invoque aucune autre créance.
La société plaignante a subi un préjudice du fait des agissements de l’appelant, dès lors qu’elle n'avait plus la jouissance de ces voitures. Dans la même mesure, il y a également eu un enrichissement illégitime du prévenu ou de la société tierce dans laquelle les véhicules ont été transférés sans droit.
X._ doit dès lors être déclaré coupable d'abus de confiance pour ce cas.
3.2
Non restitution des cédules hypothécaire
(cf. lettre C. C.2.2.2)
3.2.1
Une cédule hypothécaire au porteur a été constituée le 11 mai 1965 (P. 10/2, dossier B). Les trois autres cédules hypothécaires au porteur (soit initialement D._ SA) de 200'000 fr. de 150'000 fr. et de CHF 300'000 fr. ont été inscrites au Registre foncier le 26 juin 2001 (P. 11/3 et 4, dossier B).
X._ a expliqué avoir amené, à titre d’apports, les quatre cédules hypothécaires au porteur lors de la constitution de la société D._ SA. Concrètement, il aurait reçu ces cédules hypothécaires au moment de l’achat des terrains, acquis en partie avec ses fonds et en partie avec ceux d’Z._ (jugement du 7 octobre 2014 p. 26). Il a admis avoir conservé ces quatre cédules hypothécaires après sa cessation d’activité au sein de la société. Lors des débats de première instance, il a ajouté qu’il était toujours « le gardien de ces titres » et qu’il refusait de les restituer et « de laisser V._ piller la société » (jugement du 7 octobre 2014, p. 28). Dans ce cas également, il invoque un droit de rétention en garantie d’un dédommagement pour les apports faits à la société et qui ne lui auraient jamais été restitués (PV aud. 7, lignes 55 à 61) et il conteste la réalisation de l’abus de confiance, faute d’intention.
3.2.2
Sur les quatre cédules hypothécaires litigieuses, trois ont été établies alors que X._ était administrateur de la société. Le prévenu est devenu possesseur de ces titres appartenant à la société sur la base du rapport de confiance qui, en qualité d’organe, l'unissait avec cette dernière. Après la cessation de ses rapports avec la société, le prévenu a refusé de rendre ces cédules et il le refuse encore aujourd’hui. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus concernant les véhicules, X._ n’était pas en droit d’exercer un quelconque droit de rétention sur ces titres. Par exemple, le fait que X._ ne se serait pas octroyé de salaire pendant une période ne lui donnait pas le droit d’exercer un droit de rétention sur ces cédules constituant une partie des actifs de la SA, ce d’autant que l’appelant admet lui-même qu’une partie des fonds qui ont permis l’acquisition du terrain dont la valeur est incorporée dans les cédules a été fournie par Z._. Il ressort par ailleurs des déclarations du prévenu en cours d’instruction qu’il est parfaitement conscient que ces titres ne lui appartiennent pas.
Le droit de rétention est au demeurant exclu en l’absence de connexité naturelle entre les cédules hypothécaires et la créance de l’actionnaire en répartition de l’actif (art. 745 CO [Code des obligations du 30 mars 1911 ; RS 220]).
En définitive, en refusant de restituer les cédules hypothécaires et en se comportant comme leur propriétaire, ce qu’il sait ne pas être, X._ s’est rendu coupable d’abus de confiance dans ce cas également.
3.3
Les Halles d’[...]
(cf. lettre C.2.2.3)
3.3.1
Appropriation d’une garantie de loyer de 2'100 fr.
Il ressort de l'instruction qu’après avoir quitté la société D._ SA en 2006, X._ est resté concrètement dans les halles propriété de celle-ci et a continué à les occuper sans payer de loyer. Il a également été établi, et non contesté, que le prévenu a encaissé directement certains loyers ou garanties de loyer qui lui avaient été versés par des locataires.
En particulier, X._ a conservé la garantie de loyer de 2'100 fr. versée le 1
er
décembre 2005 par [...] – ce montant n'ayant du reste pas été versé sur un compte bancaire comme l’exige la loi – que la société D._ SA a dû par la suite rembourser au locataire (P. 11/10 et 11/11, dossier B). En cours d’instruction, X._ a admis avoir négocié les contrats de bail avec les locataires. Il a aussi expliqué qu’à chaque fois qu’il avait conclu un bail, il avait perçu une garantie de loyer correspondant à deux ou trois mois de loyer, suivant l'activité déployée. Il n’a jamais fait aucun dépôt de garantie sur un compte de dépôt et aurait toujours restitué les fonds de garantie en espèces en fin de bail, avec un taux d'intérêt de 3%, de façon « à contrebalancer l'entorse juridique » qu’il se permettait en ne déposant pas ces montants sur un compte de consignation (PV aud. 4, dossier B, lignes 22 à 31). Il a encore indiqué avoir perçu les loyers quand il administrait D._ SA, ces loyers arrivant dans la caisse de la société. Dès qu’il n’a plus été l'administrateur de cette société, il les aurait encaissés personnellement, « ceci afin de couper les ressources à V._ (PV aud. 4, dossier B, lignes 32 à 38).
Les premiers juges ont qualifié ces faits d’abus de confiance. L’appelant conteste cette infraction en soutenant que le montant en question a été utilisé par lui pour entretenir les halles de la société.
Le contrat de bail [...] a été conclu le 1
er
décembre 2005, soit à une période où X._ était encore actif dans la société et était au bénéfice d’une procuration pour la gestion courante de la société, alors que V._ était son administrateur. La garantie encaissée en décembre 2005 doit ainsi être considérée comme une valeur confiée, ce qui signifie que X._ en a eu la possession en vertu d'un accord ou d'un autre rapport juridique qui implique qu'il n'en avait pas la libre disposition et ne pouvait pas se l'approprier. A partir du moment où il a quitté la société en mai 2006, il avait ainsi le devoir de restituer ce montant. En le conservant, il l’a utilisé, sans droit, à son profit ou au profit d'un tiers, en s'écartant de la destination fixée pour cette somme. L'alinéa 2 de l'art. 138 ch. 1 CP ne protège pas la propriété, mais le droit de celui qui a confié la valeur patrimoniale à ce que celle-ci soit utilisée dans le but qu'il a assigné et conformément aux instructions qu'il a données (ATF 129 IV 257 c. 2.2.1; ATF 121 IV 23 c. 1c; ATF 119 IV 127 c. 2). Le prévenu a agi en toute connaissance de la situation juridique et à dessein, ce qu’il ne conteste pas.
Au demeurant, les frais d’entretien invoqués par l’appelant à des fins compensatoires ne sont pas documentés, ni rendus vraisemblables par des descriptions de travaux ou des listes de fournitures. La valeur patrimoniale a été confiée par les locataires à l’appelant, comme représentant de la bailleresse, pour qu’il la transmette à celle-ci à fin de garantir les éventuelles prétentions du bailleur. En s’appropriant cet argent, X._ a donc commis un abus de confiance au détriment des locataires à l’égard desquels il ne peut invoquer l’absence d’un dessein d’enrichissement illégitime. La réalisation de cette infraction n’est pas davantage empêchée par le fait que la bailleresse a décidé d’indemniser les locataires en les remboursant de leur dépôt.
La condamnation pour abus de confiance doit donc être confirmée dans ce cas.
3.3.2
Conclusion d’un bail avec les locataires [...]y et [...] et encaissement de garanties de loyers
[...] et [...] ont occupé des locaux situés dans les halles d’[...], propriété de D._ SA, alors qu’ils n’étaient au bénéfice d’aucun contrat de bail écrit avec cette société, mais d'un contrat de bail signé le 28 avril 2007 par eux-mêmes et par X._ (P. 75). Ils ont expliqué qu'ils réglaient directement le loyer en mains de X._. En ce qui concerne la garantie de loyer, il n’a pas été fait usage d’un compte de consignation, mais elle a été remise de la main à la main par les occupants des halles d'[...] à X._.
X._ a admis les faits en question expliquant qu'il avait trouvé lui-même les locataires, qu’au départ, il avait conclu les baux en sa qualité d’administrateur et qu’ensuite, il avait fait des contrats à son nom (jugement du
7 octobre 2014, p. 29). Il a déclaré qu’il était conscient que les immeubles en question étaient formellement propriété de la société mais qu’il considérait être dans « la même problématique que pour le reste », à savoir que la rentrée de ces loyers lui permettait d’entretenir les halles. De son côté, V._ a expliqué avoir découvert la location d’une des halles par hasard. Il a interpellé les locataires, [...] et [...] et les a informés, par courrier du 26 décembre 2007, que la société était propriétaire des halles, ce qu'ils ignoraient (jugement du
7 octobre 2014, p. 21). Le plaignant a encore expliqué qu’il n’avait pu accéder aux locaux que depuis l'incarcération de X._ et que ceux-ci étaient pleins de matériel.
Les premiers juges ont qualifié ces faits d’escroquerie, la tromperie ayant consisté pour X._ à faire croire faussement aux locataires qu’il avait le droit de leur attribuer la jouissance des locaux, donc qu’il en était propriétaire, l’astuce ayant consisté à occuper les lieux avec assurance et aplomb, d’avoir proposé un contrat écrit de bail en partant de l’idée que les locataires ne vérifieraient pas la propriété de l’immeuble au Registre foncier, une telle vérification n’étant pas usuelle. L’appelant conteste cette infraction en soutenant notamment que les montants des loyers encaissés ont été utilisés pour entretenir les halles de la société et il conteste au surplus l’existence d’une astuce.
Au départ, l’appelant a occupé lui-même une ou plusieurs des halles de la société, ce qui était admis. Malgré sa cessation d’activité pour le compte de la société D._ SA en mai 2006, il est néanmoins demeuré dans les locaux sis à [...]. Toutefois, la société n’a jamais agi formellement à son encontre pour interrompre son occupation illicite des locaux. En particulier, il n’y a jamais eu de procédure d’expulsion engagée à l’encontre de l’intéressé et la société D._ SA a dans les faits consenti à la présence de X._. La conclusion du contrat de bail avec [...] et [...] est donc intervenue après la cessation d’activités de X._.
S’il devait y avoir une escroquerie, il s’agirait d’une escroquerie triangulaire : l’auteur trompe le tiers locataire pour le déterminer à des actes préjudiciables aux intérêts pécuniaires du propriétaire dont les locaux sont occupés sans droit et donc sans encaissement de loyer. Dans une telle configuration, la réalité de la tromperie implique que la personne trompée assume une forme de responsabilité à l’égard du patrimoine de la victime et puisse en disposer dans les faits. Il n’est en revanche pas nécessaire que l’acte de disposition soit juridiquement fondé (ATF 1261V 113 c. 3a traduit au JT 2001 IV 48 ; ATF 133 IV 75 ;
TF 6B_54312009 c. 2 du 9 mars 2010). Pour constater dans l’escroquerie triangulaire un acte préjudiciable aux intérêts pécuniaires, il faut que la dupe ait eu un pouvoir de disposition (au moins en fait) sur le patrimoine du lésé.
Dans le cas d’espèce, la tromperie aboutissant au paiement du loyer n’est de toute manière plus envisageable dès que les locataires ont été informés par que la propriété des lieux était disputée et revendiquée par D._ SA, soit au plus tard dès le courrier adressé aux locataires par V._ le 26 décembre 2007. Dès ce moment en effet, les locataires n’étaient plus trompés et avaient la possibilité de consigner en justice le loyer pour se libérer efficacement de cette créance litigieuse (art. 168 al. 1 CO). S’agissant de la période de location antérieure, les locataires n’assumaient pas de responsabilité à l’égard du patrimoine de la propriétaire et ne pouvaient, ne serait-ce qu’en fait, disposer de son patrimoine. Il en résulte que, sous l’angle de la causalité, en étant amenés à signer le contrat de bail ils n’ont pas pu être déterminés à des actes préjudiciables à ses intérêts. Il n’y donc pas d’escroquerie et l’appel doit être admis sur ce point.
A l’origine la jouissance de ces halles avait été confiée à X._ pour le compte de la propriétaire. En les louant à son profit après sa rupture avec D._ SA, il s’est approprié sans droit ces valeurs patrimoniales. Ainsi, comme dans le cas précédent (cf. 3.3.1) et pour les mêmes motifs que ceux exposés sous considérant 3.3.1, X._ ne peut invoquer l’absence d’un dessein d’enrichissement illégitime et il doit être reconnu coupable d’abus de confiance dans ce cas également.
3.4
Agression du 16 octobre 2013
(cf. lettre C.2.3)
3.4.1
Constatation des faits
Sans en énoncer les motifs, l’appelant soutient que sa version des faits devrait être préférée à celle de V._, reprise par l’acte d’accusation (jugement du 7 octobre 2014, pp. 49 et 50), que les premiers juges ont retenue comme conforme à la vérité. En particulier, il conteste la réalisation d’une tentative de lésions corporelles graves, faute d’intention, ainsi que la réalisation d’une tentative d’extorsion dès lors qu’il n’aurait à aucun moment montré au plaignant le document intitulé « cession de part » et que celui-là ne disposait de toute manière pas des parts en cause, de sorte que la consommation d’une telle infraction aurait été impossible.
3.4.1.1
L’art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation (al. 3).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s’agit de l’acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP; Kistler Vianin, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], op. cit., nn. 19 ss ad art. 398 CPP, et les références jurisprudentielles citées).
Lorsque l'autorité a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c ; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a ; cf. aussi, quant à la notion d’arbitraire,
ATF 136 III 552 c. 4.2).
3.4.1.2 Les versions des parties
Lors de sa première audition, X._ a expliqué qu’il était venu sur les lieux suite à un rendez-vous que V._ aurait donné à tous les locataires en raison de la visite périodique des installations électriques. Il avait l’intention de lui faire signer une convention de cession de parts sociales. Lorsque V._ est arrivé à [...], il serait sorti de son véhicule « [...] » où il l’attendait. La situation se serait rapidement envenimée et les hommes en seraient venus aux mains. Comme V._ l’aurait frappé avec sa canne, il aurait fait « ce qu’il pouvait pour éviter ses coups », puis il aurait attrapé la batte de baseball qui se trouvait dans son véhicule et il lui aurait « mis dessus ». Les hommes seraient tombés à terre, puis X._ aurait pris V._ par le col et l’aurait porté pour le poser assis dans sa voiture. Il aurait alors demandé les clés de la voiture au plaignant afin de l’emmener à l’hôpital. En réponse aux questions des inspecteurs, il a expliqué qu’il avait pris un petit revolver à barillet calibre 38 avec l’intention de faire peur à V._ et de lui montrer qu’il était armé pour qu’il signe le papier. Il aurait agité l’arme sous le nez du plaignant pendant la dispute (PV aud. 3, pp. 3 à 5). Devant le Procureur, il a confirmé ses déclarations, précisant que l’électricien était arrivé à un moment donné, alors qu’ils avaient déjà arrêté de se battre ; il aurait alors intimé à V._ l’ordre de rester assis dans le véhicule « [...] », mais ne l’aurait jamais menacé avec son arme, qu’il se serait contenté d’agiter devant lui. Interrogé par le Procureur, il a expliqué qu’il avait passé une attache colson à la main de son opposant lorsque celui-ci se trouvait à terre pour éviter qu’il ne reprenne sa canne. Interpellé sur les lésions constatées le prévenu a déclaré ceci : « C'est le résultat des coups que je lui ai donnés. Il n'a pas eu de fracture du crâne. Cela démontre bien que j'ai été mesuré dans la force des coups donnés » (PV aud. 4, spéc. p. 3 et 4).
Aux débats, le prévenu a dans l’ensemble confirmé les déclarations faites en cours d’instruction. Il a toutefois précisé avoir pris l’arme depuis chez lui pour « lui foutre la trouille ». Quant à la batte, elle se serait trouvée sur place. Il a admis avoir frappé « un peu partout ». Il aurait arrêté de le frapper avant que l’électricien n’arrive sur les lieux. Il a tenté de contester l’avoir ligoté à l’aide de colson, avant de revenir sur ses déclarations en admettant avoir mis une colson, soit une boucle, mais sans serrer autour des poignets. Il a également précisé qu’il avait certes agité l’arme devant le nez de son opposant, mais que le plaignant l’aurait également prise plusieurs fois en mains. Il a ajouté que s’il s’était muni d’une arme en plus de la batte de baseball, c’était pour l’impressionner, « puisqu’il ne craint ni les tribunaux, ni la justice ». X._ a encore ajouté que le document qu’il avait préparé était resté dans ses affaires et il a cette fois-ci indiqué qu’il n’entendait pas le lui faire signer ce jour là sous la contrainte et que les deux hommes n’auraient pratiquement pas abordé la question du rachat des actions (jugement du 7 octobre 2014, pp. 31 à 34).
Selon V._, dès son arrivée sur place à [...], X._, qui manifestement l'attendait dans sa voiture, serait sorti de son véhicule. Il tenait une batte de baseball dans une main et, en l'injuriant, il aurait immédiatement commencé à le frapper à plusieurs reprises avec cet objet. Il aurait essayé de se défendre en agitant sa canne. A un moment donné, alors qu’il se trouvait au sol, X._ aurait mis une attache colson à son poignet droit et il aurait serré. Avec cette attache, il l'aurait soulevé et l'aurait assis à l'arrière du « [...] » dont l'une des portes était ouverte. Puis, il aurait sorti un pistolet ou un revolver en appuyant le canon sur la gorge de sa victime en réclamant la restitution des actions. V._ a expliqué que son agresseur lui aurait parlé de signer un document, mais qu’il n’aurait jamais vu ce document. L'électricien serait arrivé à ce moment-là. Toujours selon le plaignant, X._ l’aurait alors poussé à l'intérieur de son véhicule, le menaçant de mort s’il faisait du bruit. Après le départ de l’électricien, il se serait ressaisi et lui aurait proposé de se rendre à l’hôpital (PV aud. 1 et PV aud. 6).
Devant le tribunal de première instance, V._ a confirmé ses déclarations. Il a précisé que X._ lui avait placé le pistolet sous la gorge juste avant d’aller voir l’électricien en lui demandant de se taire. Il a ajouté : « si l’électricien n’était pas arrivé, je ne sais pas ce qui se serait passé » (jugement du
7 octobre 2014, pp. 22 à 24).
3.4.1.3
En l’espèce, en présence de versions partiellement contradictoires, les premiers juges ont considéré qu’au vu, d’une part, de la crédibilité générale de la victime qui est apparue nuancée, constante, précise et non vindicative, et, d’autre part, des contradictions du prévenu, des invraisemblances de son récit, du tableau et des photos des lésions de la victime, des comportements similaires de violence à fin d’extorsion adoptés antérieurement par le prévenu et de l’insertion du passage à l’acte dans le profil psychologique mis en évidence par les experts psychiatres, il y avait lieu de donner du crédit à la version de la partie plaignante.
La Cour d’appel partage la conviction des premiers juges, malgré les dénégations de l’appelant. Les premiers juges ont donc retenu les faits incriminés sur la base de preuves suffisantes et sans violation de la présomption d’innocence. En effet, il apparaît que X._ s’est armé, a élaboré un plan en vue de reprendre le contrôle sur la société qu’il avait créée, qu’il s’est à cette fin muni d’une convention de cession de parts sociales qu’il envisageait – à tout le moins au moment où il a élaboré son plan et en a débuté l’exécution – de faire signer à V._ sous la contrainte et lui a tendu une embuscade. Au premier contact, il l’a passé à tabac à coups de batte de baseball. A cet égard, on ne voit pas pour quelle raison le plaignant aurait commencé à lui donner des coups de canne – comme l’a parfois prétendu l’appelant –, étant au surplus rappelé que le plaignant est un homme âgé de 70 ans qui, selon ses déclarations, a subi un pontage coronarien il y a environ trois ans et qui, de ce fait, évite toute agitation extrême. Au surplus, la violence des coups donnés par l’appelant est sans proportion avec ceux qu’il aurait pu recevoir, lesquels s’apparentent bien plutôt à des gestes de défense, et qui, selon les aveux mêmes du prévenu, ne lui ont laissé aucune marque visible (PV aud. 3, p. 4). Les rapports du CURML, qui a examiné V._ et X._ respectivement le lendemain et le surlendemain des faits (PP. 19 et 20), objectivent la version du plaignant. En effet, les médecins n’ont pas constaté de lésions significatives chez X._ qui n’a souffert que de légères ecchymoses peu prononcées et de dermabrasions au niveau des jambes qui pourraient avoir été provoquées par le mécanisme proposé (coups de canne). Elles n’attestent en tout cas pas de coups violents. S’agissant du plaignant, la liste des lésions constatées par le CURML est impressionnante. On soulignera que les médecins ont constaté des tuméfactions et des ecchymoses au niveau du cou, compatibles avec la pression d’une arme à cet endroit, ainsi que des lésions en forme de « rails de chemin de fer » fortement évocateur d’un objet allongé (la batte de baseball). Au vu de ces éléments, le récit de la victime s’avère objectivé par les lésions constatées médicalement. Enfin, les photos des plaies de V._ (P. 30) sont également parlantes. Les éventuels coups de canne qu’a pu donner le plaignant doivent donc bien être interprétés comme des gestes de défense et non d’attaque.
Pour le surplus, on ne croit pas davantage à une lutte consentie par deux adversaires telle qu’alléguée par l’appelant. Il n’est en effet pas concevable que V._, vu son âge et sont état médical, se soit engagé dans une bagarre imprévue avec un homme de vingt ans son cadet, quant à lui préparé à la confrontation et dopé par la colère et la haine, qui plus armé d’une batte de baseball. De surcroît, le scénario exposé par le plaignant correspond parfaitement aux antécédents du prévenu et en particulier à l'agression dont il a été reconnu coupable dans le cadre du jugement de la Cour d’appel pénal du canton de Fribourg du
23 janvier 2012 (P. 5), notamment le choix de l’arme, l’envie de « corriger » quelqu’un qui s’occupe de ses affaires et les coups portés à la tête et aux jambes. Ces agissements s’inscrivent parfaitement dans le profil psychologique du prévenu tel qu'il a été dressé par les experts psychiatres (P. 63 et 103). Leur mobile correspond à son mode de fonctionner : il s'autorise de manière mégalomaniaque à rendre lui-même cette justice que les magistrats éviteraient selon lui de rendre. Ses actes sont caractérisés par une indifférence pour autrui, une faible tolérance à la frustration, une agressivité et une impulsivité.
X._ a ensuite attaché V._ par un poignet – ce que l’appelant a d’ailleurs finalement admis –, puis l’a traîné dans un véhicule et menacé de mort en lui pressant sur le cou l’extrémité du canon d’un révolver chargé de cartouches de grenaille de petits plombs (P. 51). Sur ce point, on ne peut donner aucun crédit à la version de l’appelant selon laquelle il se serait contenté d’agiter l’arme devant le plaignant qui aurait même eu l’arme entre les mains à quelques reprises. En effet, vu l’intensité de la correction administrée à ce moment-là, la colère et l’excitation de l’appelant – ce qu’il a lui-même admis (« ça m’a énervé » PV aud. 3, p. 3 ; « Je lui ai explosé la gueule » jugement du 7 octobre 2014, p. 32) – il n’est pas vraisemblable qu’il se soit contenté de montrer son arme à son opposant et la version de V._ selon laquelle le prévenu lui a posé le canon sur la gorge dans un geste-menace de mort explicite est plus crédible. Cette scène est par ailleurs conforme aux lésions constatées par le CURML (P. 20).
Pour le surplus, il paraît établi qu’au cours de l’altercation, le prévenu a exigé que le plaignant lui remette les actions de D._ SA, sans toutefois exhiber la convention qu’il avait préparée à cette fin. On ne peut donc pas suivre le prévenu lorsqu'il conteste avoir cherché à obtenir par la force la restitution de ces actions et n’avoir fait que réagir aux coups de canne portés par la victime.
Finalement, il sera donné acte à l’appelant qu’il a mis un terme à ses agissements et a pris place dans le véhicule de la victime pour l’accompagner à l’hôpital.
3.4.2
Qualifications juridiques
3.4.2.1
Tentative d’extorsion qualifiée
Se rend coupable d'extorsion, au sens de l’art. 156 al. 1 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura déterminé une personne à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers, en usant de violence ou en la menaçant d’un dommage sérieux.
Sur le plan objectif, les éléments constitutifs de l'art. 156 CP sont l'usage d'un moyen de contrainte, soit l'usage de la violence ou la menace d'un dommage sérieux, la réalisation d'un acte de disposition préjudiciable par le lésé, un dommage et un lien de causalité entre les éléments précités (cf ATF 129 IV 22 c.4.1). Sur le plan subjectif, l'art. 156 CP suppose l'intention et un dessein d'enrichissement illégitime.
L'extorsion suppose que l'auteur soit dans l'incapacité de se passer du concours de sa victime pour réaliser son dessein. On cite volontiers l'exemple de l'auteur qui doit obtenir de sa victime qu'elle lui donne son code de carte bancaire ou qu'elle lui signe un chèque (Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. I, 3
e
éd., Berne 2010, n. 22 ad art. 140 CP et n. 30 ad art. 156 CP, ainsi que les références citées; Dupuis/Geller/Monnier/Moreillon/Piguet/Bettex/Stoll, Petit commentaire, Code pénal, Bâle 2012, n. 41 ad art. 156 CP).
L’art. 156 al. 3 CP précise que si l'auteur a exercé des violences sur une personne ou s'il l'a menacée d'un danger imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle, la peine sera celle prévue à l'art. 140. Ce renvoi à l’art. 140 CP englobe l’ensemble des circonstances aggravantes du brigandage prévues à l’art. 140 ch. 2 à 4 CP (Dupuis et alii, op. cit, n. 24 ad art. 140 CP). En particulier, l’art. 140 CP prévoit que constituent des circonstances aggravantes le fait de se munir d’une arme à feu ou d’une autre arme dangereuse (ch. 2) et le fait d’agir d’une façon qui dénote que l’auteur est particulièrement dangereux (ch. 3,
in fine
).
En l’espèce, X._ a incontestablement usé de violence et menacé sa victime d’un dommage sérieux dans le but que celle-ci lui rétrocède les parts de ce que l’appelant considère aujourd’hui encore comme « sa » société. A cet égard, comme déjà dit, les déclarations de X._ sont sans équivoque : « Je me suis rendu à [...] cet après midi à l'heure indiquée dans ces avis dans le but de lui faire signer le document qui est joint en annexe. C'est une convention de cession de parts sociales. J'avais l'intention de lui faire signer ce document comme déjà dit. » (PV aud. 3, p. 3) ou « J’ai pris [le revolver] avec l'intention de lui montrer que je l'avais dans la ceinture pour qu'il signe le papier qui est annexé » (PV aud. 3, p. 5). Le fait qu’il n’ait finalement pas présenté le document de cession de parts à sa victime pour qu’elle le signe n’est donc pas décisif. En effet, d’une part, la demande de restituer les actions a été exprimée oralement et appuyée par la pression du canon de l’arme à feu chargée sur le cou de la victime. D’autre part, il y a lieu de constater que si l’interruption de l’extorsion est intervenue avant que le document ne soit présenté à la victime pour lui extorquer une signature, il n’en demeure pas moins que toute l’embuscade et l’attaque tendaient à obtenir par la force et la menace la maîtrise de la société et, partant, de ses actifs.
L’appelant fait encore valoir que la réalisation de l’extorsion était impossible dès lors que V._ ne détenait pas ces actions. A cet égard, on relèvera que la question n’est pas celle de savoir si le document aurait pu être exécuté une fois signé, mais de savoir si, par la violence, X._ était en mesure d’obtenir la signature de ce document par sa victime. Tel est manifestement le cas, si bien qu’il ne s’agissait pas d’un délit impossible au sens de l’art. 22 al. 2 CP. Au demeurant, on rappellera que la victime détient tout de même une action de la société comme administrateur unique avec signature individuelle, que la société avait trois actionnaires et qu’une procuration pour représenter les actions de Z._ existait. Ce document était dès lors susceptible d’être préjudiciable aux intérêts de la victime et à ceux d’Z._.
Pour le surplus, les circonstances aggravantes prévues à l’art. 140 ch. 2 et 3 CP sont réalisées dès lors que l’appelant s’est muni d’une arme à feu chargée, dont il a appuyé le canon sur le cou de sa victime, et a démontré sa dangerosité particulière par ses agissements, notamment en frappant violemment et à réitérées reprises sa victime âgée, avec une massue, en particulier à la tête, et qu’il a continué à la frapper alors qu’elle était au sol.
Demeure la question du degré de réalisation. En effet, il est patent que le prévenu n’est pas parvenu à ses fins, puisqu’il n’a pas obtenu la signature de sa victime. L’échec de l’embuscade doit toutefois être mis en lien avec l’arrivée de l’électricien sur les lieux. En effet, l’appelant a été interrompu alors qu’il malmenait sa victime. Il est revenu auprès d’elle après avoir renvoyé l’électricien et c’est à ce moment, à la vue des blessures de la victime, qu’il a décidé de l’emmener à l’hôpital. L’arrivée de l’électricien a manifestement enrayé le déchaînement dans lequel X._ se trouvait alors. En définitive, on retiendra que l’appelant a été amené à cesser son activité en raison de circonstances étrangères à sa volonté. Il ne s’est donc pas désisté au sens de l’art. 23 CP, étant rappelé que le désistement au sens de cette disposition n’est pas admis s’il est dû à l’intervention d’un facteur extérieur étranger à l’auteur (Dupuis et alii, op. cit, n. 4 ad art. 23 CP). Le crime est donc réalisé sous la forme de la tentative simple.
3.4.3
Tentative de lésions corporelles graves qualifiées
Le tribunal de première instance a retenu que X._ s’était rendu coupable de tentative de lésions corporelles graves. Selon la systématique du code, l’art. 156 al. 3 CP renvoie à l’art. 140 CP dont le chiffre 4 prévoit une peine minimale 5 ans pour sanctionner l’auteur qui fait subir à la victime une lésion corporelle grave. Quant aux lésions corporelles simples, la doctrine considère que le brigandage les absorbe (Dupuis et alii, op. cit, n. 38 ad art. 140 CP et les auteurs cités).
Dans le cas d’espèce, l’extorsion a débuté par un passage à tabac pour conditionner la victime, saper sa résistance de manière à pouvoir l’attacher, puis lui présenter des exigences en la menaçant de mort. Toute cette action s’est déroulée dans le même espace-temps et relevait de la même intention. Toutefois, les lésions infligées à la victime ne peuvent pas être qualifiées de « lésions corporelles graves ». En effet, selon les constatations médicales, V._ a présenté des hématomes, des tuméfactions, des plaies, des dermabrasions et deux fractures des doigts. Il ne s’agit pas de lésions graves, en ce sens qu’elles n’ont pas mis en danger la vie de la victime, ni causé de lésions graves et permanentes, V._ ayant lui-même admis à l’audience d’appel qu’il se sentait encore diminué, mais qu’il était médicalement apte au travail et qu’il ne pouvait affirmer que la persistance de cet état devait être mis en relation avec l’agression subie. Il est vrai que l’appelant, à tout le moins par dol éventuel, a pris le risque de faire subir à sa victime des lésions corporelles graves. En effet, on ne saurait admettre qu’en frappant un tiers avec une batte de baseball, en particulier au niveau de la tête, l’appelant n’ait pas eu l’intention – à tout le moins accepté le risque – de lui causer des lésions irréversibles. Néanmoins, en l’absence de lésions corporelles graves constatées, cette infraction demeure au stade de la tentative. Or, la tentative de lésions corporelles graves, comme les lésions corporelles simples, est absorbée par l’infraction d’extorsion aggravée par la mise en danger de mort de la victime (art. 156 al. 3 ad art. 140 al. 4 CP), telle que retenue en l’espèce.
L’appelant doit donc être libéré de l’accusation de tentative de lésions corporelles graves.
3.4.4
Infraction à la LArm (Loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions du 20 juin 1997, RS 514.45)
Dans le cadre de l’agression relatée sous lettre C.2.3, X._ s’est rendu coupable d’infraction à la loi sur les armes (art. 33 al. 1 Larm), ce qu’il ne conteste pas.
3.5
Possession d’armes
(cf. lettre C.2.4)
Au vu des faits relatés sous lettre C.2.4, qui ont été établis lors de l’instruction et qui ne sont au demeurant pas contestés par l’appelant, X._ doit être reconnu coupable d’infraction à la LArm.
3.6
Les infractions à la LCR (Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958, RS 741.01)
(cf. lettre C.2.5)
3.6.1
Conduite d’un poids lourd le 25 février 2010 en dépit du retrait du permis de conduire
(cf. lettre C.2.5.1)
Aux termes de l’art. 95 ch. 2 aLCR, en vigueur au moment des faits, quiconque a conduit un véhicule automobile alors que le permis d’élève conducteur ou le permis de conduire lui a été refusé, retiré ou interdit d’utilisation sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
L’appelant conteste l’infraction pour le motif qu’il croyait, de bonne foi, que son avocat avait obtenu un report de la date du dépôt de son permis (jugement du 7 octobre 2014, p. 30) ou qu’il avait obtenu un effet suspensif dans le cadre d’un recours (PV aud. 7, p. 4). En réalité, la décision de retrait du permis de conduite a été notifiée à son avocat par courrier du 30 juillet 2009 (P. 21, dossier B) avec avis des sanctions de l’art. 95 aLCR en cas de conduite pendant la durée comprise du
26 janvier 2010 au 25 juillet 2010 (y compris) et aucune procédure d’effet suspensif ou de report n’a été engagée.
A l’instar du tribunal de première instance, il y a lieu de constater que l’appelant est conducteur de poids lourds professionnel et qu’il a été très souvent confronté à des décisions administratives, puisqu’il avait alors déjà fait l’objet d’une dizaine de décisions semblables depuis 1979. Il savait donc pertinemment qu’un mandat donné à un avocat ne se confond pas avec le succès de sa mission, soit l’obtention de la décision souhaitée. De plus, un report aurait impliqué qu’il lui soit signifié une nouvelle date du dépôt de permis. Enfin, l’appelant ne pouvait ignorer qu’une décision administrative écrite de retrait ne pouvait être reportée que par une autre décision écrite de l’autorité.
En définitive, l’appelant ne peut se prévaloir d’aucune erreur sur les faits au sens de l’art. 13 CP et la condamnation pour conduite d'un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l'interdiction de l'usage du permis au sens de l’article art. 95 ch. 2 aLCR – étant souligné que, comme l’a a juste titre relevé le tribunal de première instance, la nouvelle disposition (art. 95 al. 1 let. b LCR), en vigueur depuis le 1
er
janvier 2012, n’est pas plus favorable à l’intéressé – doit être confirmée.
3.6.2
Les infractions des 5 mars 2010, du 29 décembre 2011 au 13 janvier 2012 et du 15 mars 2012 au 5 avril 2012
(cf. lettre C.2.5.2 à 2.5.4)
Ces infractions ne sont pas contestées par l’appelant. Les faits ont été établis par l’instruction et ne sont pas contestés. La Cour de céans fait siens, par adoption de motifs, les considérants du tribunal de première instance s’agissant de ces cas (jugement du 7 octobre 2014, pp. 85 à 87) et l’appelant doit être déclaré coupable de conduite d'un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l'interdiction de l'usage du permis (art. 95 ch. 2 aLCR) pour le cas cité sous lettre C.2.5.2 et d'usage abusif de permis et de plaques (art. 97 ch. 1 al. 2 aLCR) pour les cas cités sous lettre C.2.5.3 et C.2.5.4, la nouvelle teneur des art. 95 ch. 2 et 97 al. 1 let. b LCR, en vigueur depuis le 1
er
janvier 2012, n’étant pas plus favorable à l’intéressé.
3.6.3
Conduite sous retrait de permis du 24 mai 2012
(cf. lettre C.2.5.5)
Dans ce cas également, l’appelant soutient qu’il ne savait pas qu’il faisait l’objet d’un retrait de son permis depuis le 11 mai 2012 et qu’il ne pouvait donc pas accompagner un élève conducteur. La décision de retrait du permis du 3 mai 2012 figure au dossier (P. 4, dossier E), de même que son enveloppe de notification dont il résulte que l’appelant n’a pas retiré ce pli, alors qu’il savait qu’une procédure était pendante et qu’il devait se soumettre à un examen médical dans ce cadre. Dès lors qu’il devait s’attendre à recevoir un pli du Service des automobiles, il est censé avoir reçu ce pli à l’échéance du délai de garde postal (Benoît Bovay, Procédure administrative, Staempfli 2000, p. 274 et 275). De plus, le prévenu devait se douter du contenu de ce pli après le contrôle de police qu’il avait subi. C’est à tort que l’appelant a invoqué l’erreur de droit.
Le grief doit être écarté et l’appelant doit être reconnu coupable de conduite malgré le retrait (art. 95 al. 1 let. b LCR) et d’accompagnement d'un élève-conducteur sans remplir les conditions exigées (art. 95 al. 3 let. b LCR).
Pour le surplus, au stade de l’appel, l’appelant ne conteste pas sa condamnation pour violation simple des règles de la circulation (art. 90 ch. 1 aLCR) et conduite d’un véhicule automobile ne répondant pas aux prescriptions (art. 93 ch. 2 aLCR). Les faits ayant été établis à satisfaction de droit durant l’instruction, X._ doit être reconnu coupable de ces infractions, étant par ailleurs précisé que les nouvelles dispositions (art. 90 al. 1 LCR et 93 al. 2 let. a et b LCR), en vigueur depuis le 1
er
janvier 2012, ne lui sont pas plus favorables.
3.6.4
Conduite sous retrait du 28 août 2013
(cf. lettre C.2.5.6)
Dans ce cas également, l’appelant soutient qu’il ne savait pas qu’il était sous le coup d’une mesure de retrait depuis le 3 août 2013. Il avait dit la même chose lors de son interpellation par la police valaisanne (dossier F). Aux débats, il a prétendu « avoir loupé » le courrier du Service des automobiles (jugement du
7 octobre 2014, p. 31).
Dans ce cas, la preuve d’un envoi de la décision de retrait sous pli recommandé n’existe pas au dossier, si bien qu’au bénéfice d’un léger doute, on ne peut pas opposer à l’appelant la fiction d’une notification à l’issue du délai de garde postal.
Il y a donc lieu de libérer l’appelant dans ce cas, en considérant que la notification régulière de la décision de retrait du permis de conduire n’est pas établie.
3.7
Infraction à la LEaux
(Loi fédérale sur la protection des eaux du
24 janvier 1991, RS 814.20) (cf. lettre C.2.6)
Aux débats, l’appelant a admis avoir écrasé deux véhicules avec une pelle mécanique (jugement du 7 octobre 2014, p. 31), mais il a soutenu qu’il n’y avait pas de risque de pollution des eaux parce que le terrain était imperméable. De plus, il a dit avoir uniquement aplati les toits et non pas concassé les voitures. Dans son appel, il se contente d’indiquer contester « la réalisation des éléments objectifs et subjectifs de l’infraction ».
Selon son article 2, la LEaux s’applique aux eaux superficielles et aux eaux souterraines. L’art. 70 al. 1 let. a LEaux dispose que sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui, intentionnellement aura de manière illicite introduit dans les eaux, directement ou indirectement, des substances de nature à les polluer, aura laissé s’infiltrer de telles substances ou en aura déposées ou épandues hors des eaux, créant ainsi un risque (concret) de pollution pour les eaux (art. 6).
Le rapport de gendarmerie (P. 4, p. 2, dossier B2) relève que le samedi 20 mars 2010 les policiers ont constaté au sol la légère présence de produits pouvant être des hydrocarbures provenant de l’écrasement des voitures, tout en soulignant qu’aucune pollution n’a été constatée. Les photos du site produites par la défense (P. 158) ne permettent pas de localiser précisément le lieu de cet écrasement, ni les écoulements constatés par la police et l’on ignore quand ces photos ont été prises. L’appelant a été condamné à plusieurs reprises
(cf condamnations des 18 février 2011, 30 septembre 2011 et 4 avril 2012). Malgré ces condamnations, il a continué son activité délictueuse et a écrasé des véhicules susceptibles de laisser s'écouler des hydrocarbures dans un lieu qui ne présente manifestement pas les protections nécessaires pour éviter tout risque d'écoulement vers les eaux souterraines. L’infraction à l’art. 70 LEaux est donc réalisée, par le risque concret, même faible au vu des constatations des gendarmes, de pollution induit par l’écrasement sur la terre d’épaves automobiles susceptibles de contenir des huiles minérales, des carburants, des acides ou d’autres liquides (antigel, liquides de nettoyage, etc...) pouvant s’infiltrer dans le sol et contaminer la nappe ou ruisseler sur le sol en se mélangeant à de l’eau de pluie par exemple, étant précisé que l’infraction réprimée à l’art. 70 al. 1 let. a LEaux n’ést pas une infraction de résultat, mais que le simple risque de pollution suffit à la réaliser.
L’appelant doit ainsi être reconnu coupable d'infraction à la loi fédérale sur la protection des eaux (art. 70 al. 1 let. a LEaux).
3.8
Commandement de payer abusif
(cf. lettre C.2.7)
3.8.1
Le recourant conteste sa condamnation pour tentative de contrainte, au motif qu’il n’aurait pas voulu contraindre P._ à un quelconque comportement en sa faveur par ce moyen, arguant que le commandement de payer ne représentait qu’un « geste d’humeur ».
3.8.2
Se rend coupable de contrainte selon l'art. 181 CP celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.
Alors que la violence consiste dans l'emploi d'une force physique d'une certaine intensité à l'encontre de la victime (ATF 101 IV 42 c. 3a), la menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 c. 2b ;
ATF 106 IV 125 c. 2a) ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 c. 2a). La loi exige un dommage sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient présenté comme dépendant de la volonté de l'auteur soit propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d'action (ATF 120 IV 17 c. 2a/aa). La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, en se plaçant du point de vue d'une personne de sensibilité moyenne
(ATF 122 IV 322 c. 1a ; ATF 120 IV 17 c. 2a/aa).
Il peut également y avoir contrainte lorsque l'auteur entrave sa victime "de quelque autre manière" dans sa liberté d'action. Cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive. N'importe quelle pression de peu d'importance ne suffit pas. Il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action. Il s'agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 137 IV 326 c. 3.3 ; ATF 134 IV 216 c. 4.2 ; ATF 119 IV 301 c. 2a).
Selon la jurisprudence, la contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite (ATF 120 IV 17 c. 2a et les arrêts cités), soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux moeurs (ATF 137 IV 326 c. 3.3.1 ; ATF 134 IV 216 c. 4.1 ; ATF 120 IV 17 c. 2a/bb). Ainsi, menacer d'une plainte pénale pour une infraction que rien ne permet sérieusement de soupçonner est un moyen en soi inadmissible (ATF 120 IV 17 c. 2a/bb). En revanche, réclamer le paiement d'une créance ou menacer de déposer une plainte pénale (lorsque l'on est victime d'une infraction) constituent en principe des actes licites ; ils ne le sont plus lorsque le moyen utilisé n'est pas dans un rapport raisonnable avec le but visé et constitue un moyen de pression abusif, notamment lorsque l'objet de la plainte pénale est sans rapport avec la prestation demandée ou si la menace doit permettre d'obtenir un avantage indu (ATF 120 IV 17 c. 2a/bb et les arrêts cités; en particulier au sujet de la contrainte susceptible d'être réalisée par un commandement de payer : cf. arrêt 6S.853/2000 du 9 mai 2001 et 6S.874/1996 du 26 février 1997).
Sur le plan subjectif, il faut que l'auteur ait agi intentionnellement, c'est-à-dire qu'il ait voulu contraindre la victime à adopter le comportement visé en étant conscient de l'illicéité de son comportement; le dol éventuel suffit (ATF 120 IV 17
c. 2c).
Lorsque la victime ne se laisse pas intimider et n'adopte pas le comportement voulu par l'auteur, ce dernier est punissable de tentative de contrainte (art. 22 al. 1 CP; ATF 129 IV 262 ; ATF 106 IV 125 c. 2b).
3.8.3
En l’espèce, l’appelant a notifié un commandement de payer d’un montant de plus de 13 millions de francs à P._ en sa qualité de fonctionnaire au sein de la SESA. Les motifs invoqués à l’appui de ce commandement de payer sont multiples, variés et manifestement dictés par l’état de colère caractéristique à l’appelant lorsqu’il se sent persécuté. Il est évident, et non contesté, que ce commandement était dépourvu de tout fondement dès lors que l’appelant n’était aucunement le créancier d’P._. Or, faire notifier un commandement de payer à une personne lorsqu'on n'est pas fondé à lui réclamer une somme d'argent est sans conteste illicite (TF 6B_281/2013 c. 1.2). Par ce moyen, le recourant voulait manifestement intimider le fonctionnaire et l’entraver dans sa liberté d’action.
L'entrave à la liberté que constitue le procédé utilisé est loin d'être légère. Une telle procédure est une source de tourments et de poids psychologique, qui sont de nature à inciter le destinataire à céder à la pression dont il fait l'objet (cf. TF 6B_281/2013 c. 1.2 et les références citées) ce qu’un homme rompu aux affaires comme l’appelant ne pouvait ignorer. Au surplus, malgré les explications qui lui ont été fournies par le Service juridique et législatif du canton de Vaud, l’appelant n’a pas retiré son commandement de payer. Il a d’ailleurs admis plus de trois ans après, lors de son audition devant le procureur, qu’il voulait « emmerder » P._
(PV aud. 7, lignes 222 et suivantes) et qu’il n’entendait toujours pas retirer ce commandement de payer.
En définitive, le recourant a fait notifier un commandement de payer sans fondement, avec conscience et volonté, dans le but d’intimider le destinataire de cet acte et de l’entraver dans sa mission publique de protection des eaux.
P._ ne s'est toutefois pas laissé intimider, puisqu'il a fait opposition totale au commandement de payer et qu’il n'apparaît pas que son comportement ou sa façon de traiter le dossier de l’appelant – dont il avait la charge – ait été modifiée par ce commandement de payer. Il y a donc lieu de retenir une tentative de contrainte.
4.
La peine
4.1
Quotité de la peine
L’appelant fait valoir que la peine prononcée serait arbitrairement trop sévère compte tenu des circonstances d’espèce et de sa situation personnelle.
4.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 IV 6 c. 6.1).
4.1.2
Aux termes de l'art. 49 CP, si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (al. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (al. 2).
Le cas (normal) de concours réel rétrospectif se présente lorsque l'accusé, qui a déjà été condamné pour une infraction, doit être jugé pour une autre infraction commise avant le premier jugement, mais que le tribunal ignorait.
L'art. 49 al. 2 CP enjoint au juge de prononcer une peine complémentaire ou additionnelle (Zusatzstrafe), de telle sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement. Concrètement, le juge doit se demander comment il aurait fixé la peine en cas de concours simultané, puis déduire de cette peine d'ensemble hypothétique la peine de base, soit celle qui a déjà été prononcée (TF 6B_455/2013 du 29 juillet 2013 c. 2.4.1 et les références citées). Le prononcé d'une peine complémentaire suppose que les conditions d'une peine d'ensemble au sens de l'art. 49 al. 1 CP sont réunies. Une peine additionnelle ne peut ainsi être infligée que lorsque la nouvelle peine et celle qui a déjà été prononcée sont du même genre. Des peines d'un genre différent doivent en revanche être infligées cumulativement car le principe d'absorption n'est alors pas applicable (TF 6B_1082/2010 du 18 juillet 2011 c. 2.2 et les références citées).
4.1.3
En l’espèce, la culpabilité de X._ est extrêmement lourde. Ses antécédents judiciaires sont accablants et l’intéressé n’a absolument rien appris de ses condamnations antérieures, en particulier celles à une peine privative de liberté de 10 mois, avec sursis pendant 4 ans, prononcée le 21 juin 2012 pour lésions corporelles simples (avec objet dangereux), et de 15 mois, avec sursis pendant
5 ans, prononcée le 23 janvier 2012 pour lésions corporelles graves (délit manqué). Les sursis dont il a bénéficié jusque-là n’ont en effet été d’aucune utilité puisque moins d’une année après la dernière condamnation, il a réitéré dans le même schéma de violence, s’autorisant de manière mégalomaniaque à rendre sa propre justice en n’hésitant pas à s’en prendre violemment à l’intégrité physique d’un homme de septante ans, en le battant à coups de batte de baseball portés notamment au niveau de la tête et en le menaçant de mort, en pointant une arme sur son cou. Il a fait preuve d’une grande détermination en préméditant son agression et en n’y mettant finalement un terme que grâce à l’arrivée, inopinée, d’un tiers. Par ailleurs, l’appelant est également en état de récidive concernant la possession d’armes et on ne compte plus le nombre de délits à la LCR dont il a été reconnu coupable. Non seulement il est incapable de se soumettre aux normes établies, mais il n’exprime aucuns regrets et persiste à considérer son comportement comme « normal dans sa situation ». A l’audience d’appel encore, il n’est pas parvenu à prendre de la distance par rapport à ses actes, estimant qu’il ne pouvait pas exprimer de regrets vu « l’attitude des personnes qu[’il avait] en face de [lui] ». Les courriers, souvent virulents, méprisants, voire violents, qui figurent au dossier trahissent également le refus de l’appelant de se raisonner et de faire la part des choses. Il est incapable de la moindre introspection et il n’a aucune limite lorsqu’il s’agit d’imposer ce qu’il considère comme juste. Comme son parcours pénal le démontre, le risque de récidive est élevé, notamment dans les atteintes à l’intégrité corporelle. Sa responsabilité pénale est pleine et entière. Enfin, il faut évidemment retenir la circonstance aggravante du concours d'infractions.
A décharge, l’appelant s’est finalement ravisé à la vue des blessures de sa victime après la brève interruption due à l’arrivée de l’électricien et il n’a pas repris le passage à tabac auquel il s’était livré quelques minutes auparavant puisqu’il a accompagné sa victime à l’hôpital. Sans qu’il s’agisse d’un désistement au sens de la loi (cf. c 3.4.2), on tiendra compte de ce sursaut de conscience.
L'ensemble de ces éléments justifie le prononcé d'une sévère peine privative de liberté. L’appelant étant libéré des infractions d’escroquerie, de tentative de lésions corporelles graves et d’un cas de conduite sous retrait du permis de conduire, il y a lieu de réduire la peine prononcée par les premiers juges. Cette peine est partiellement complémentaire (art. 49 al. 2 CP) à celles prononcées le
6 novembre 2006 par le Juge d'instruction I du Jura bernois-Seeland, le 18 février 2011 par la Cour d’appel pénale de Fribourg, et le 21 juin 2012 par l’Amtsgerichtspräsident Bucheggberg-Wasseramt, les peines prononcées pour ces condamnations étant du même genre. En revanche, le principe d'absorption n'est pas applicable s'agissant des condamnations du 24 juillet 2008 par le Juge d'instruction III de Berne-Mittelland, du 14 décembre 2012 par le Ministère public du canton de Fribourg, du 8 août 2011 par le Ministère public central du canton de Vaud, du
30 septembre 2011 par le Ministère public du canton de Fribourg, et du 4 avril 2012 par le Tribunal de police de la Broye et du Nord vaudois.
Tout bien considéré, la peine doit être arrêtée à 4,5 ans. Compte tenu de cette peine et de la situation financière du prévenu, il sera renoncé à infliger une amende s'agissant des contraventions.
La détention préventive subie sera déduite en application de l’art.
51 CP.
Outre le fait que le pronostic est clairement défavorable, la quotité de la peine exclut l’octroi du sursis.
Le maintien en détention pour des motifs de sûreté de l’appelant sera ordonné (art. 220 al. 2 et 221 al. 1 CPP) et la détention subie depuis le jugement de première instance sera déduite (art. 51 CP).
4.2
Révocation des sursis
4.2.1
L’appelant conteste également la révocation des quatre sursis respectivement octroyés les 18 février 2011 par la Cour d’appel pénale de Fribourg, 30 septembre 2011 par le Ministère public du canton de Fribourg, 4 avril 2012 par le Tribunal de police de la Broye et du Nord vaudois et 21 juin 2012 par l'Amtsgerichtspräsident Bucheggberg-Wasseramt. Il soutient que la longue détention préventive subie et les circonstances du cas d’espèce permettent d’y renoncer, au besoin en prolongeant les délais d’épreuve et/ou en les assortissant de conditions.
4.2.2
Lorsque le juge est appelé à connaître d'un crime ou d'un délit que l'auteur a commis après une précédente condamnation à une peine assortie du sursis, il est également compétent pour statuer sur la révocation de ce dernier (cf. art. 46 al. 3 CP). Il doit donc examiner si les conditions d'une révocation sont réunies, laquelle postule que le crime ou le délit dont il est appelé à connaître ait été commis pendant le délai d'épreuve du sursis antérieur et qu'il y ait dès lors lieu de prévoir que l'auteur commettra de nouvelles infractions (cf. art. 46 al. 1 CP). Cette dernière condition implique l'existence d'un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné (ATF 134 IV 140 c. 4.3 p. 143). Elle correspond donc à l'une des conditions de l'octroi du sursis, de sorte que, comme dans ce dernier cas, le pronostic à émettre doit reposer sur une appréciation d'ensemble de tous les éléments pertinents (arrêt précité c. 4.4 pp. 143-144 et les arrêts cités).
Dans l'appréciation des perspectives d'amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d'un sursis antérieur, le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l'octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible: si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (ATF 134 IV 140 précité c. 4.5 p. 144). Ainsi, un critère déterminant pour juger du risque de réitération et, partant, pour poser le pronostic prévu par la loi est celui de l'effet de choc et d'avertissement (
Warnungswirkung
) issu de la condamnation précédente, y compris en ce qui concerne l'aménagement ultérieur de la vie de l'intéressé; s'il est avéré, un tel effet constitue un facteur favorable – même s'il n'est pas déterminant à lui seul – dans l'examen du pronostic (cf. ATF 134 IV 140 c. 5.3).
4.2.3
Dans le cas particulier, compte tenu de la personnalité de l’appelant, de son attitude en cours d’instruction, du défaut de toute introspection et de prise de conscience, de l’absence de perspective d’amendement qui en découle, de sa culpabilité, du risque de réitération élevé – d’ailleurs relevé par les experts psychiatres –, des antécédents lourds et nombreux – que ce soit dans le domaine des infractions contre l’intégrité corporelle, contre la loi sur la circulation routière ou contre la loi sur les eaux – et de son incapacité à se conformer à l’ordre établi, le pronostic est manifestement très défavorable et l’exécution de la nouvelle peine ne suffit pas renverser ce pronostic, pas plus d’ailleurs que la seule prolongation des délais d’épreuve.
La révocation des quatre sursis doit donc être ordonnée et l’appel rejeté sur ce point.
4.3
Principe et quotité de la réparation morale et des dépens pénaux
L’appelant conteste l’allocation d’une indemnité pour tort moral et de dépens en faveur du plaignant dans son principe. Très subsidiairement, il conclut à ce que cette indemnité et les dépens soient sensiblement réduits.
L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l'atteinte subie par la victime et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. Sa détermination relève du pouvoir d'appréciation du juge. En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites; l'indemnité allouée doit toutefois être équitable. Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l'atteinte subie et il évitera que la somme accordée n'apparaisse dérisoire à la victime (cf. ATF 118 II 410 consid. 2a p. 413 et les arrêts cités).
En l'espèce, le principe de l’allocation d’une réparation morale ne saurait être remis en question. A supposer même que le comportement de V._ dans la gestion de D._ SA ait été fautif ou abusif, cette faute n’a pas contribué à créer le dommage ou à l’augmenter au sens de l’art. 47 CO puisque ce dommage résulte des lésions corporelles et des atteintes à la personnalité que l’appelant a froidement décidé d’infliger pour faire aboutir son extorsion en le rouant de coups et en brisant par là sa résistance. V._, homme âgé, a non seulement eu physiquement mal, mais il a craint pour sa vie. Le tort moral fixé à 5'000 fr. doit être confirmé.
Il en va de même des dépens pénaux alloués au plaignant en application de l’art. 433 CPP en dépit du fait que Me de Luze ne les pas chiffrés, ni expressément justifiés au-delà de ses correspondances et écrits figurant au dossier – ce qui permettait de les évaluer –, dès lors qu’il s’en est expressément remis à justice.
5.
Frais et indemnité
5.1
En définitive, l’appel est partiellement admis et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants qui précèdent.
5.2
Vu la mesure dans laquelle l’appelant obtient gain de cause sur ses conclusions, les frais de la procédure d'appel seront mis à sa charge à hauteur de quatre cinquièmes, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP).
Outre l'émolument, les frais d’appel comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office du prévenu, pour les opérations liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFIP).
Vu l'ampleur et la complexité de la cause en appel, cette indemnité doit être fixée sur la base d'une durée d'activité de 16h15 d’avocat breveté, à 180 fr. l'heure, plus quatre unités de débours à 120 fr. au titre des frais de vacation (y compris pour l’audience d’appel), TVA en sus (art. 135 al. 1 CPP), et 50 fr. de débours, à un total de 3'731 fr. 40.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat
les quatre cinquièmes du montant
de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office mis à sa charge que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).
Enfin, il n’y a pas lieu d’allouer d’indemnité aux parties plaignantes, celles-ci n’ayant pas chiffré le montant de leurs prétentions (art. 433 al. 2 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
83f13e57-094f-4855-bc90-f5ad04e84b0c | En fait :
A.
Par jugement du 31 août 2015, dont le dispositif a été notifié à A.N._ le 8 septembre 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que A.N._ s’était rendu coupable de tentative de contrainte (I), l’a condamné à 60 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr., et à une amende de 100 fr. à titre de sanction immédiate (II), a suspendu l’exécution de la peine pécuniaire et a fixé au condamné un délai d’épreuve de deux ans (III), a dit qu’à défaut fautif de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de dix jours (IV) et a mis l’entier des frais de la cause, par 1'450 fr., à la charge du prévenu (V).
B.
Par annonce motivée du 14 septembre 2015, a interjeté appel contre ce jugement, en concluant implicitement à son acquittement.
Le 2 novembre 2015, le Ministère public a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.N._ est né le [...] 1964 au Maroc, Etat dont il est ressortissant. Titulaire d’un permis C, il exerce la profession d’éducateur auprès de la [...], à [...].
Marié à C._, avec laquelle il a trois enfants, le prévenu est également le père de B.N._, née le [...] 1999 de son mariage avec H._, dont il a divorcé en 2008.
Endetté, le prévenu fait l’objet, selon le procès-verbal de saisie établi le 15 avril 2015 par l’Office des poursuites du Jura-Nord vaudois, d’une saisie de salaire à hauteur de 1'500 fr. par mois. Selon ce même procès-verbal, il réalise, avant saisie, un revenu mensuel net de 6'958 fr. 65 et doit s’acquitter mensuellement de charges incompressibles s’élevant à 5'333 fr. 45 et comprenant notamment la contribution d’entretien de 700 fr. qu’il est astreint à verser chaque mois à H._ pour l’entretien de leur fille B.N._.
Son casier judiciaire fait état de la condamnation suivante :
- 7 juillet 2006, Juge d’instruction du Nord vaudois, 15 jours d’emprisonnement avec sursis, pour faux dans les certificats.
2.
2.1
Le 28 février 2015, A.N._ a appris par ses amis que sa fille
B.N._, qui vivait chez sa mère H._ et qui lui rendait visite deux à trois fois
par semaine, fréquentait depuis quelques semaines un garçon prénommé [...]. Contrarié par cette situation, A.N._ a cessé d’adresser la parole à sa fille.
2.2
Le mardi 31 mars 2015, vers 12h30, alors qu’il avait vu quelque temps auparavant sa fille embrasser son petit ami à l’occasion d’une vente de pâtisseries qui se tenait dans un magasin Migros, le prévenu s’est rendu devant l’école de sa fille pour venir la chercher, celle-ci prenant habituellement tous les mardis son repas au domicile de son père, avec ses demi-frères. Lorsqu’il l’a vue, il s’est dirigé vers elle ; une fois à sa hauteur, il s’est adressé à elle en criant et en lui disant ce qui suit :
« C’est quoi ces histoires, c’est qui lui, si je vous vois ensemble je te tue toi et ensuite lui, heureusement que je ne l’ai pas vu, c’est la honte, on est peut-être en Suisse mais nous sommes Arabes. »
Lors du trajet menant à son domicile, A.N._ a encore dit à sa fille B.N._ que lui et ses amis allaient la surveiller, précisant qu’il allait laisser les choses se passer et qu’il agirait ensuite. B.N._ a par la suite pris le repas de midi avec la famille d’A.N._, comme si de rien n’était, retournant à l’école une fois le repas terminé.
2.3
Le 1
er
avril 2015, B.N._ a dénoncé les faits et s’est constituée partie plaignante.
2.4
Par la suite, A.N._ a adressé des SMS à sa fille pour tenter de la faire raisonner dans son sens, utilisant dans un premier temps un ton inhabituellement très ferme et se montrant par la suite manipulateur, en évoquant notamment la pension qu’il versait chaque mois à sa mère. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP (Code de procédure pénale du 5 octobre 2007 ; RS 312.0), l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, l'appel a été formé en temps utile, par le dépôt d'une annonce d'appel motivée. Il est ainsi recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
3.1
L’appelant conteste sa condamnation pour tentative de contrainte, affirmant que celle-ci ne reposerait sur aucune preuve suffisante.
3.2
3.2.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3). La présomption d’innocence ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 consid. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 consid. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 consid. 2c; TF 6B_831/2009 précité consid. 2.2.2).
3.2.2
Se rend coupable de contrainte au sens de l'art. 181 CP, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte. La tentative est réprimée par l’art. 22 CP.
Alors que la violence consiste dans l'emploi d'une force physique d'une certaine intensité à l'encontre de la victime (ATF 101 IV 42 consid. 3a), la menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 consid. 2b, 106 IV 125 consid. 2a) ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 consid. 2a). La loi exige un dommage sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient présenté comme dépendant de la volonté de l'auteur soit propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d'action (ATF 120 IV 17 consid. 2a/aa). La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, en se plaçant du point de vue d'une personne de sensibilité moyenne (ATF 122 IV 322 consid. la; 120 IV 17 consid. 2a/aa).
Il peut également y avoir contrainte lorsque l'auteur entrave sa victime « de quelque autre manière » dans sa liberté d'action. Cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive. N'importe quelle pression de peu d'importance ne suffit pas. Il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action. Il s'agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 137 IV 326 consid. 3.3.1; 134 IV 216 consid. 4.2; 119 IV 301 consid. 2a).
3.3
En l’espèce, l’appelant n’a pas contesté avoir été en contact avec sa fille le jour où les menaces ont été proférées à son encontre. Il a en outre partiellement corroboré, dans ses déclarations, la version des faits présentée par la plaignante, en admettant qu’il ne pouvait pas tolérer le fait qu’elle embrasse un garçon de son âge en public et que, par référence à la tradition musulmane, un tel acte était « honteux ».
A l’examen du dossier, on constate par ailleurs que l’appelant, qui régit sa famille sur un mode patriarcal et qui s’était livré à des violences domestiques lors de son précédent mariage, était réellement fâché de la situation, en démontrant, au détour des SMS adressés à sa fille après le 31 mars 2015, une attitude particulièrement ferme et manipulatrice à l’égard de cette dernière. On relève enfin que l’appelant a même expressément admis en cours d’instruction avoir « engueulé » sa fille avant toutefois de nuancer cette affirmation lors des débats de première instance.
Au vu de ces éléments, on ne saurait concevoir le fait que la plaignante ait inventé les accusations portées à l’encontre de son père. Ses affirmations détaillées sont au surplus crédibles et cohérentes, de sorte qu’il n’existe pas de doutes raisonnables quant à l’existence et à la teneur des menaces proférées par l’appelant à l’encontre de sa fille.
Il s’ensuit, dès lors que l’appelant a, intentionnellement et de manière illicite, menacé sa fille d’un dommage sérieux dans le but de l’empêcher de fréquenter son petit ami, que les éléments constitutifs de l’infraction réprimée à l’art. 181 CP sont remplis. Seule la tentative sera toutefois retenue dès lors que la menace n’a pas eu l’effet escompté par le prévenu.
Au regard des considérations qui précèdent, la peine pécuniaire de 60 jours-amende à 10 fr., suspendue durant un délai d’épreuve de deux ans, ainsi que l’amende de 100 fr. à titre de sanction immédiate, sont adéquates. Elles peuvent dès lors être confirmées.
4.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, constitués du seul émolument d'arrêt (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), par 1'060 fr., seront mis à la charge de l’appelant (art. 428 al. 1 CPP).
La Cour d’appel pénale,
appliquant les articles 34, 42, 47, 22 ad 181 CP et 398 ss CPP,
prononce :
I.
L’appel est rejeté.
II.
Le jugement rendu le 31 août 2015 par le Tribunal de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois est confirmé selon le dispositif suivant :
«
I. constate que A.N._ s’est rendu coupable de tentative de contrainte ;
II. condamne A.N._ à 60 (soixante) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 (dix) francs, et à une amende de 100 (cent) francs à titre de sanction immédiate,
III. suspend l’exécution de la peine pécuniaire et fixe au condamné un délai d’épreuve de 2 (deux) ans ;
IV. dit qu’à défaut fautif de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 10 (dix) jours ;
V. met l’entier des frais de la cause par 1'450 (mille quatre cent cinquante) francs à la charge du prévenu. »
III.
Les frais d'appel, par 1'060 fr., sont mis à la charge d’A.N._.
IV.
Le jugement motivé est exécutoire. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8400af5c-e5e8-4c24-b966-90b168ab521a | En fait :
A.
Par jugement du 12 février 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que Y._ s’est rendu coupable d’infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants, de blanchiment d’argent et de séjour illégal (I), l'a condamné à une peine privative de liberté de 54 mois, sous déduction de 466 jours de détention provisoire, dont 10 jours à titre de compensation pour détention durant 19 jours dans des conditions illicites (II), a ordonné son maintien en détention pour des motifs de sûreté pour une durée de 6 mois (III), a ordonné la confiscation et la destruction des objets séquestrés (IV), a ordonné la confiscation et la dévolution à l’Etat des sommes d'argent séquestrées (V), a arrêté à 9'755 fr. 65 TTC le montant de l’indemnité allouée à Me Raphaël Brochellaz, défenseur d’office de Y._ (VI), a dit que lorsque sa situation financière le permettra, Y._ sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité allouée à son défenseur d’office (VII) et a mis les frais de justice, par 7'702 fr. 40, à la charge de Y._ (VIII).
B.
Le 12 février 2015, Y._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d'appel du 23 mars 2015, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à sa modification en ce sens qu’il est libéré de l’accusation de blanchiment d’argent et de séjour illégal et condamné à une peine sensiblement inférieure, compatible avec l’octroi du sursis, à tout le moins du sursis partiel, sa mise en liberté immédiate étant ainsi ordonnée.
A l'audience, le Ministère public a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Y._ est né le 29 décembre 1974 au Nigéria. Il a trois sœurs, un frère et une demi-sœur. Il a grandi dans son pays d’origine, où il a suivi l’école obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ou 17 ans. Par la suite, le prévenu a travaillé dans la vente de pièces détachées de voitures jusqu’à l’âge de 25 ou 26 ans, avant de venir en Europe. Il s’est en premier lieu rendu en Espagne où il s’est marié et a obtenu des papiers. Il y a travaillé, notamment en tant qu’ouvrier agricole jusqu’à la fin de l’année 2011 puis à nouveau dans la vente de pièces détachées de voitures. Sans travail, il est alors venu en Suisse.
Son casier judiciaire ne comporte aucune inscription.
Y._ est détenu avant jugement depuis le 14 novembre 2013 dans le cadre de la présente cause.
2.
A [...], principalement, entre le mois de décembre 2012 et le 14 novembre 2013, date de son interpellation, Y._ s’est livré à un trafic de cocaïne portant sur des quantités importantes. En contact avec des fournisseurs basés en Espagne et aux Pays-Bas, il leur passait régulièrement des commandes de cocaïne, variant entre 50 et 500 grammes et écoulait cette marchandise dans la région [...]. Les cas suivants ont pu être établis :
2.1
En janvier 2013, Y._ a reçu de O._ (déféré séparément) une quantité minimale de 500 grammes de cocaïne brute qu’il avait préalablement commandée.
2.2
Entre le 21 et le 23 août 2013, une mule non identifiée est venue livrer plus de 4 kilos de cocaïne brute à W._ (déféré séparément), à son domicile clandestin de [...]. Sur la quantité initialement livrée, la police a pu saisir 3 kilos et 100 grammes de cocaïne brute. Sur cette dernière quantité, 100 grammes de cocaïne brute devaient revenir à Y._, lequel les avait préalablement commandés.
2.3
Le 15 septembre 2013, à [...], A._ a livré à L._ (tous deux déférés séparément) 81 fingers de cocaïne brute. Sur cette quantité, 50 grammes de cocaïne brute devaient revenir à Y._, lequel les avait préalablement commandés.
2.4
A la fin du mois de septembre 2013, Y._ a commandé à l’un de ses fournisseurs basé en Espagne une quantité de 70 grammes de cocaïne brute.
2.5
A [...], à la fin du mois d’octobre 2013, une personne non identifiée est venue remettre à Y._ entre 300 et 400 grammes de cocaïne brute que ce dernier avait préalablement commandés.
2.6
A Genève, le 3 novembre 2013, U._ et R._ (tous deux déférés séparément) ont été interpellés alors qu’ils étaient porteurs de 205 grammes de cocaïne brute qu’ils venaient livrer à Y._, lequel les avait préalablement commandés.
3.
A [...], principalement, entre le 27 décembre 2012 et le 5 octobre 2013, Y._ a envoyé en Espagne et au Nigeria, par le biais de sociétés de transfert d’argent, un montant total de 15'600 fr. provenant de son trafic de cocaïne.
4.
A [...], principalement, entre le mois de décembre 2012 et le 14 novembre 2013, Y._ a séjourné en Suisse sans être au bénéfice d’une autorisation de séjour. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de Y._ est recevable
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L’immédiateté des preuves ne s’impose toutefois pas en instance d’appel. Selon l’art. 389 al. 1 CPP, la procédure d’appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d’appel administre, d’office ou à la demande d’une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L’appelant invoque tout d’abord une violation de la présomption d’innocence. Les premiers juges auraient motivé sa condamnation pour infraction grave à la loi sur les stupéfiants de manière insuffisante, en se fondant sur la condamnation de O._ et sur un rapport de police, éléments qui ne démontreraient pas son implication dans un trafic de stupéfiants allant au-delà de ce qu’il a admis. Une modification de la date concernant la livraison d’une autre quantité de drogue par U._ et R._ constituerait en outre une violation de la maxime d’accusation.
3.1
3.1.1
L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation. Selon cette disposition, une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits.
Le prévenu doit ainsi connaître exactement les faits qui lui sont imputés et les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (ATF 126 I 19 c. 2a; ATF 120 IV 348 c. 2b). Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation, mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP). Le principe de l'accusation découle également de l'art. 29 al. 2 Cst. (droit d'être entendu), de l'art. 32 al. 2 Cst. (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et de l'art. 6 par. 3 let. a CEDH (droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation). Les art. 324 ss CPP règlent la mise en accusation, en particulier le contenu strict de l'acte d'accusation. Selon l'art. 325 CPP, l'acte d'accusation désigne notamment les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur (let. f) ; les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public (let. g). En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée à l'accusé (TF 6B_489/2013 du 9 juillet 2013 c. 1.1).
3.1.2
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966; RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950; RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
3.2
En l’espèce, s’il est vrai que la motivation des premiers juges concernant l’infraction grave à la loi sur les stupéfiants retenue à la charge de l’appelant est lapidaire, elle ne repose pas seulement sur les éléments exposés dans la déclaration d’appel. Les premiers juges ont en effet également relevé les nombreuses conversations téléphoniques avec les fournisseurs, les récipiendaires et les revendeurs de cocaïne, ainsi que la nature des conversations (jgt., p. 13). L’examen du rapport d’investigation le confirme (P. 56/1). lI faut donc observer, à titre de motivation complémentaire, que l’exploitation des écoutes téléphoniques sur les numéros de portables attribués à l’appelant permet de retenir qu’il a été régulièrement en contact avec plusieurs fournisseurs de cocaïne agissant en Suisse et à l’étranger (P. 56/1, pp. 6 à 37). Ces conversations démontrent que l’appelant recevait soit des livraisons spécifiques qui lui étaient destinées, soit profitait de l’arrivage en Suisse d’une quantité plus importante de drogue, dont il en acquérait une partie. En outre, une partie des conversations interceptées permet de déterminer des transactions spécifiques avec les trafiquants W._, L._, U._ et R._. De plus, et contrairement aux dénégations du fournisseur dont se prévaut l’appelant, il est établi que ce dernier était en relation avec le trafiquant O._. Les enquêteurs ont ainsi découvert que l’appelant avait envoyé de l’argent à plusieurs reprises à celui-ci par le biais de sociétés de transfert d’argent entre janvier et juin 2013, soit à la période des transactions de drogue entre eux (P. 36/3, 46 et 47). Enfin, les aveux très partiels de l’appelant démontrent que les liens mis en exergue par les écoutes téléphoniques correspondent bien à des contacts dans le domaine du trafic de drogue.
L’ensemble de ces preuves emporte la conviction que les faits à l’origine de la condamnation de l’appelant pour infraction grave à la loi sur les stupéfiants sont établis à satisfaction et on ne discerne dès lors aucune violation de la présomption d’innocence.
Par ailleurs, il est sans importance, s’agissant du contenu formel de l’acte d’accusation, de savoir si la transaction de drogue intervenue avec U._ et R._ a eu lieu le 3 ou le 13 novembre 2013, l’appelant ne prétendant pas, et pour cause, ne pas avoir su précisément ce qui lui était reproché à cet égard. La date exacte de la transaction de drogue n’a dès lors aucune incidence et il n’y a aucune violation de la maxime d’accusation.
4.
L’appelant conteste également sa condamnation pour blanchiment d’argent, invoquant à nouveau une violation de la présomption d’innocence.
En l'espèce, la condamnation de l’appelant repose ici sur de nombreuses preuves. D’abord les enquêteurs ont découvert plusieurs intermédiaires financiers qui ont assuré des transferts d’argent remis par l’appelant (P. 33, 36/3, 38, 46 et 47). Ensuite et quoi qu’il en dise, il a été incapable d’indiquer de quelle manière il aurait obtenu licitement des montants aussi importants. L’origine délictueuse de l’argent est ainsi établie et repose à l’évidence sur le trafic de stupéfiants. C’est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que les sommes récoltées étaient parfaitement compatibles avec les bénéfices issus du trafic de cocaïne. La condamnation de Y._ pour blanchiment d’argent doit par conséquent être confirmée.
5.
L’appelant soutient encore qu’il n’a pas commis d’infraction à la loi sur les étrangers, dès lors que durant la période de sa présence en Suisse, soit entre décembre 2012 et octobre 2013, il serait rentré régulièrement en Espagne.
5.1
L’art. 115 al. 1 LEtr (Loi fédérale sur les étrangers; RS 142.20) punit d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque contrevient aux dispositions sur l'entrée en Suisse (art. 5) (let. a) ou séjourne illégalement en Suisse, notamment après l’expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé (let. b).
Le séjour en Suisse est légal si l’étranger est autorisé à rester en Suisse à titre individuel ou si une prescription légale autorise sa présence en Suisse. L’étranger qui n’exerce pas d’activité lucrative peut séjourner en Suisse sans autorisation pendant trois mois (art. 10 al. 1 LEtr et 9 OASA [Ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative; RS 142.201]).
5.2
En l'espèce, les premiers juges ont retenu que, compte tenu de la durée totale du séjour, l’appelant avait résidé en Suisse au-delà de la durée autorisée. Entendu à l’audience sur cette question, l’appelant a indiqué qu’il était venu en Suisse chercher du travail (jgt., p. 3). Cette seule circonstance rend l’entrée dans le pays illicite en vertu de l’art. 115 al. 1 let. a LEtr qui renvoie à l’art. 5 de cette loi. En outre, interrogé le 15 novembre 2013, le témoin [...] a formellement identifié l’appelant comme étant la personne qui vivait dans son appartement depuis le mois de juillet 2013 (PV aud. 2, p. 2 s.). La chronologie des écoutes téléphoniques montre du reste une activité en matière de trafic de stupéfiants ininterrompue entre les 20 juillet et 11 novembre 2013 (P. 56/1, pp. 6 à 37).
Partant, c’est à juste à juste titre que les premiers juges ont retenu que le séjour de l’intéressé excédait la durée autorisée et violait la loi fédérale sur les étrangers.
6.
L’appelant conteste la peine qui lui a été infligée, en faisant valoir qu’elle est trop sévère. Selon lui, les premiers juges auraient retenu une activité délictueuse plus importante que celle établie judiciairement, n’auraient pas suffisamment tenu compte de l’absence d’antécédents et des regrets exprimés, alors qu’ils auraient pris en compte à tort les dénégations.
6.1
6.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 IV 6 c. 6.1).
6.1.2
En matière de trafic de stupéfiants, même si elle ne joue pas un rôle prépondérant, la quantité de drogue – à l’instar du degré de pureté de celle-ci – constitue un élément important pour la fixation de la peine, qui perd cependant de l’importance au fur et à mesure que s’éloigne la limite à partir de laquelle le cas est grave au sens de l’art. 19 ch. 2 let. a LStup (cf. ATF 122 IV 299 c. 2c). Le type et la nature du trafic en cause sont déterminants. Aussi l’appréciation sera-t-elle différente selon que l’auteur a agi de manière autonome ou comme membre d’une organisation. Dans ce dernier cas, tant la nature de sa participation que sa position au sein de l’organisation doivent être prises en compte. L’étendue géographique du trafic entre également en considération : l’importation en Suisse de drogue a des répercussions plus graves que le seul transport à l’intérieur des frontières. S’agissant d’apprécier les mobiles qui ont poussé l’auteur à agir, le juge doit distinguer le cas de celui qui est lui-même toxicomane et agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l’appât du gain (TF 6B_2912011 du 30 mai 2011 c. 3.1 ; TF 6B_265/2010 du 13 août 2010 c. 2.3). Enfin, le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l’aveu ou de la bonne coopération de l’auteur de l’infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d’élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (ATF 121 IV 202 c. 2d/aa ; ATF 118 IV 342 c. 2d ; TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1 et les références citées).
6.2
Au moment de fixer la peine, les premiers juges ont d’abord pris en considération le rôle prépondérant qu’a joué l’appelant dans le trafic de cocaïne. Ses activités de grossiste à l’échelon régional et international traduisent une lourde culpabilité. Contrairement à ce que soutient l’appelant, le tribunal de première instance a tenu compte de sa collaboration, qualifiée à juste titre d’extrêmement limitée. L’essentiel des accusations demeure en effet contesté et la version présentée à l’autorité judiciaire traduit également une prise de conscience très limitée. Les premiers juges ont donc retenu à juste titre à charge les dénégations de l’appelant. L’absence de condamnation antérieure a un effet neutre. Quant à l’indication que seule une partie de l’activité délictuelle a été mise à jour (jgt., p. 13), elle ne signifie pas encore que l’appelant a été condamné pour d’autres faits, mais confirme simplement l’intensité de l’activité délictueuse, les enquêteurs ayant constaté que de nombreuses écoutes révélant des contacts avec d’autres trafiquants n’avaient pas pu être mis en corrélation avec une transaction de drogue déterminée.
Au vu des éléments qui précédent, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle, la peine privative de liberté de 54 mois prononcée par les premiers juges est adéquate et doit être confirmée, ce qui exclu l’octroi d’un sursis, même partiel (art. 42 et 43 CP).
7.
En définitive, l'appel de Y._ doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de Y._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 1’720 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office de Y._, par 2’114 fr. 65, TVA et débours inclus.
Y._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
842e436c-f8ed-40c2-a709-b4dd31c33eb7 | En fait :
A.
Par jugement du 21 juin 2012, le Tribunal criminel de l’arrondissement de Lausanne a, notamment, constaté que P._ s’est rendu coupable de vol, tentative de brigandage qualifié, brigandage qualifié, dommages à la propriété, violation de domicile, tentative d’instigation à faux témoignage, faux rapport, fausse traduction en justice, infraction et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (I), condamné P._ à une peine privative de liberté de 4 ans, sous déduction de 468 jours de détention avant jugement (II), condamné P._ à une amende de 200 fr., et dit qu’en cas de non paiement fautif de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 2 jours (III), ordonné le maintien en détention pour des motifs de sûreté de P._ (IV), libéré X._ des chefs d’accusation de lésions corporelles simples, voies de fait et menaces (V), constaté que X._ s’est rendu coupable de tentative de brigandage qualifié, brigandage qualifié, dommages à la propriété, circulation sans permis de conduire et infraction à la loi fédérale sur les étrangers (VI), condamné X._ à une peine privative de liberté de 5 ans, sous déduction de 468 jours de détention avant jugement (VII), condamné X._ à une amende de 500 fr. et dit qu'en cas de non paiement fautif de l'amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 5 jours (VIII), et ordonné le maintien en détention pour des motifs de sûreté de X._ (IX).
B.
Par annonce d'appel du 22 juin 2012, puis déclaration d'appel du 2 août 2012, le Ministère public a attaqué ce jugement, en concluant à la réforme des chiffres Il et VII du dispositif précité en ce sens que P._est condamné à une peine privative de liberté de 7 ans, sous déduction de la détention avant jugement, et X._ à une peine privative de liberté
de 8 ans, sous déduction de la détention avant jugement.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
P._, ressortissant portugais né le 14 octobre 1984 à Lisbonne, est arrivé en Suisse à l'âge de trois ans. Après sa scolarité, le prévenu a travaillé comme magasinier avant d'enchaîner plusieurs emplois temporaires tout en émargeant à l’aide sociale. Avec l’aide d’un ami, il a décidé de développer une société active dans le domaine musical. Un local loué [...] servait de studio et aux répétitions. L'intéressé s’occupait du domaine technique et musical; son ami assurait la direction, les relations publiques et le marketing. Cette activité a peu rapporté à P._.
Célibataire, P._ a un fils, [...], né le 30 octobre 2006, qu’il a eu avec son ex-amie [...]. Après la séparation, il a dormi soit dans son local de musique, soit dans un foyer où il pouvait également manger et qui lui versait 100 fr. par semaine. Le prévenu a de bonnes relations avec son fils. Il a donné de temps en temps un peu d’argent pour son entretien, mais n'a en revanche pas payé la pension alimentaire mensuelle de 400 fr. à laquelle il est astreint. A sa sortie de prison, P._ souhaite trouver un emploi comme magasinier, pour gagner l'argent nécessaire à l'acquisition de matériel de musique, son rêve étant toujours de composer pour le domaine du multimédia.
1.2
Le casier judiciaire suisse de P._ fait état d’une condamnation :
- 30 mars 2006, Juges d’instruction Fribourg, 400 fr. d’amende, avec sursis durant 2 ans, pour délit contre la LF sur les armes.
Pour les besoins de la présente cause, le prévenu est détenu depuis le 12 mars 2011.
2.
2.1
De nationalité capverdienne, X._ est né le 23 mars 1985. Arrivé en Suisse à l’âge de huit ans, le prévenu a connu dès son jeune âge des difficultés familiales et a été placé dans plusieurs foyers. A l'issue de sa scolarité, il a commencé une formation de constructeur métallique qu’il n’a pas achevée, puis a enchaîné plusieurs emplois temporaires. Au début de l'année 2008, il a été engagé pour une durée indéterminée par la société " [...]" tout en exerçant une activité accessoire pour le compte de l’entreprise [...]. Son salaire était de 5'000 fr. par mois environ. Ses supérieurs étaient satisfaits de son travail et il avait la possibilité de monter en grade. C'est toutefois à cette époque que, par pur appât du gain selon lui, il a commis un brigandage qui a conduit à son arrestation le 22 mars 2009. S'étant évadé de prison le 15 août 2010, X._ est parti en France, dans la région de Lyon. Ne parvenant pas à trouver un emploi dans ce pays, il est revenu en Suisse en janvier 2011 où, sans domicile et sans autorisation de travail, il a œuvré sur des chantiers pendant deux semaines pour un salaire horaire de 25 francs. Il n'a pas eu d'autres activités dans notre pays. Au sujet de ses projets d'avenir, le prévenu souhaite suivre une formation de coach sportif par correspondance pendant son incarcération, travailler dans ce domaine par la suite, et retourner Portugal.
X._ a été détenu du 12 mars 2011 au 26 mars 2012. Il est incarcéré sous le régime de l’exécution anticipée de peine depuis le 27 mars 2012.
2.2
Le casier judiciaire de X._ fait état des condamnations suivantes :
- 12 novembre 2003, Juge d’instruction de Lausanne, 15 jours d’emprisonnement, avec sursis durant 2 ans, pour délit et contravention à la LF sur les stupéfiants ; sursis révoqué le 28 août 2008 par le Tribunal correctionnel de l’Est vaudois ;
- 27 mai 2005, Juge d’instruction de Lausanne, 10 jours d’emprisonnement, avec sursis durant 2 ans, et amende de 300 fr., pour violation des règles de la circulation routière, conduite d’un véhicule défectueux, circulation sans permis de conduire, sans permis de circulation ou plaques de contrôle et sans assurance-responsabilité civile et contravention à l'OCR (ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière; RS 741.11.0) ; sursis révoqué le 25 septembre 2006 par le Juge d’instruction de Lausanne ;
- 30 septembre 2005, Juge d’instruction de Lausanne, 5 jours d’emprisonnement, avec sursis durant 2 ans, pour vol d’usage, circulation sans permis de conduire et contravention à la LF sur les stupéfiants, peine partiellement complémentaire au jugement du 27 mai 2005 du Juge d’instruction de Lausanne ; sursis révoqué le 28 août 2008 par le Tribunal correctionnel de l’Est vaudois ;
- 25 septembre 2006, Juge d’instruction de Lausanne, 20 jours d’arrêt, pour circulation sans permis de conduire, peine complémentaire au jugement du 30 septembre 2005 du Juge d’instruction de Lausanne ;
- 28 août 2008, Tribunal correctionnel de l’Est vaudois, 18 mois de peine privative de liberté, avec sursis durant 3 ans, pour agression, délit contre la LF sur les stupéfiants et brigandage, sursis révoqué le 6 septembre 2010 par la Cour de cassation pénale Lausanne ;
- 4 septembre 2008, Juges d’instruction Fribourg, 30 jours-amende à 70 fr. et 800 fr. d’amende, pour opposition aux actes de l’autorité, conduite d’un véhicule défectueux et contravention à l’OCR ;
- 6 septembre 2010, Cour de cassation pénale Lausanne, 20 mois de peine privative de liberté et amende de 1'000 fr. pour brigandage, défaut d’avis en cas de trouvaille, violation des règles de la circulation routière, circulation sans permis de conduire, sans permis de circulation et plaques de contrôle et sans assurance-responsabilité civile.
Le fichier ADMAS de ce prévenu fait état d’un refus de délivrer un permis pour une durée de six mois, du 17 septembre 2005 au 16 mars 2006, pour conduite sans permis, de deux retraits de permis d’un mois, du 23 avril au 22 mai 2007, pour inattention, et du 11 février au 10 mars 2009, pour véhicule défectueux, et enfin d’un retrait de permis d’une durée de quatre mois, du 20 décembre 2009 au 19 avril 2010, assorti d’une prolongation de la période probatoire, pour conduite sans permis, inattention et vitesse.
3.
P._ et X._ ont été renvoyés devant les premiers juges selon acte d’accusation du Procureur de l’arrondissement de la Côte du 23 février 2012. La cour de céans se réfère dans son intégralité à l'état de fait établi par les premiers juges, celui-ci n'étant pas contesté par les parties. Elle retient pour l'essentiel les éléments suivants :
3.1
En Suisse et notamment à Renens, entre le 23 février 2009, les faits antérieurs étant prescrits, et le 12 mars 2011, date de son interpellation, P._ a consommé du cannabis à raison d'au moins deux joints par semaine, achetant de la drogue tous les quatre jours pour un montant compris entre 40 et 50 francs.
Pour ces faits, P._ a été reconnu coupable de contravention à l'ancienne loi fédérale sur les stupéfiants (art. 2 al. 1 CP).
3.2
A Lausanne, Avenue de Tivoli 18, dans le magasin [...], entre le 8 septembre et le 9 septembre 2009, P._ a pénétré dans le commerce précité en forçant la porte d'entrée à l'aide d'un outil plat. Il a également fracturé une seconde porte à l'intérieur du studio et a emporté du matériel de musique, soit en tout cas un synthétiseur et un ampli, avant de quitter les lieux en abandonnant une paire de gants en plastique dans laquelle son ADN a été retrouvé.
Pour ces faits, le Tribunal l'a reconnu coupable de vol, dommages à la propriété et violation de domicile.
3.3
Entre la mi-janvier 2011 et le 12 mars 2011, date de son interpellation, X._ a pénétré et séjourné en Suisse alors qu'il n'est au bénéfice d'aucune autorisation de séjour, son permis B, échu depuis le 27 août 2008, n'ayant pas été renouvelé. Durant cette période, X._ a travaillé quelques semaines sur des chantiers en tant qu'ouvrier pour un salaire indéterminé.
Pour ces faits, X._ a été reconnu coupable d’infraction à la loi fédérale sur les étrangers (art. 115 al. 1 litt. a, b et c.).
3.4
A Crissier, dans le parking du [...] le 4 février 2011,
vers 20 h 00, P._ et X._, qui dissimulaient leur visage le premier avec un pull à capuchon et du "tissu grillagé noir" ressemblant à des "bas résilles" et le second avec un casque intégral, ont attendu que le propriétaire d'une moto stationnée à cet endroit, soit [...], ait mis le moteur en marche pour l'agresser avec un couteau au manche vert afin qu'il leur laisse son engin. Puis, ils ont quitté les lieux au guidon de cette moto, X._ la conduisant, en ayant pris soin au préalable de taillader le pneu avant de la moto de [...], qui accompagnait [...], afin qu'il ne puisse pas les suivre.
En cours d'enquête, des objets et vêtements, reconnus par certains des plaignants, ont été retrouvés en possession des prévenus. Sur plusieurs de ces pièces, l'ADN de ces derniers a été découvert.
Après avoir contesté son implication dans ce brigandage et ceux dont il sera question ci-dessous en cours d’enquête, X._ a finalement reconnu en début d’audience de première instance avoir volé la moto de [...] selon les circonstances décrites dans l’acte d’accusation. Il a expliqué qu’il l’avait fait avec un comparse dont il ne souhaitait pas donner le nom et ce dans l’intention de commettre les brigandages relatés ci-dessous. Il a encore ajouté que ce n’était pas lui qui avait agressé le propriétaire de la moto avec le couteau mais admis qu’il avait bien tailladé le pneu avant de la moto de [...]. Enfin, il a reconnu que le couteau utilisé à cette occasion était bien celui qui avait été retrouvé au studio de musique de P._. Ce prévenu a en outre exprimé ses regrets et présenté ses excuses aux victimes.
Quant à P._, il a tout d’abord contesté formellement toute implication dans ce brigandage ainsi que dans les suivants, soit en inventant des personnages fictifs en cours d’enquête, soit en indiquant durant une grande partie des débats qu’il connaissait l’auteur des délits mais qu’il ne souhaitait pas le dénoncer pour ne pas avoir d’ennuis. Finalement, accablé par le témoignage de l’une des victimes d'un des brigandages. P._ a tout de même reconnu avoir participé à l’ensemble des cas qui lui sont reprochés dans l’acte d’accusation. Il a expliqué qu’il se trouvait alors dans une mauvaise période de sa vie et qu’il voulait prouver à son fils qu’il était un bon père en pouvant lui offrir tout ce qu’il voulait. Il a exprimé ses regrets et présenté des excuses. Il a expliqué que s’il n’avait fait ses aveux que très tardivement c’était car il avait énormément honte de ce qu’il avait fait, ce d’autant plus que sa mère, qui travaille dans une station service, a une collègue qui s’est faite agressée dans les mêmes circonstances.
Le Tribunal a retenu que les prévenus ont agi comme coauteurs, le délit ayant été planifié entre eux, qu'ils avaient agi avec une arme dangereuse (soit, un couteau à lame de 4 cm de large et 20 cm de long), et en tant qu'affiliés à une bande. Il les a reconnus coupables de dommages à la propriété et de brigandage qualifié au sens de l’art. 140 ch. 1, 2 et 3 al. 2 CP.
3.5
En Suisse et notamment à [...], à tout le moins entre le 4 février 2011 et le 11 mars 2011, X._ a circulé au guidon d'un motocycle alors qu'il n'est titulaire d'aucun permis de conduire.
Par ces faits, le prénommé s'est rendu coupable de circulation sans permis de conduire au sens de l’ancienne version de la loi sur la circulation routière applicable conformément au principe de la
lex mitior.
3.6
A Morges, rue de Lausanne 15, dans la station-service [...], le 7 février 2011, vers 21 h 25, P._ a pénétré dans le commerce précité armé d'un couteau, le capuchon de sa veste relevé sur sa tête et le visage masqué par un "filet noir". Après avoir contourné le comptoir, il s'est dirigé vers le caissier, [...]. Sous la menace de son arme qu'il a appuyée contre le flanc de ce dernier, il a contraint [...] en lui disant
"[...] ouvre la caisse, dépêche, tu veux que je te plante [...]"
à vider sa caisse et à placer le contenu, soit un montant de 2'200 fr., dans un sac qu'il tenait en bandoulière. Puis, il a pris la fuite à pied en direction de la gare [...] où il est monté dans un train et a été perdu de vue.
Pour ces faits, recoP._ a été reconnu coupable de brigandage qualifié au sens de l’art. 140 ch. 1 et 2 CP.
3.7
[...], dans la station-service [...] le 8 février 2011, vers 19 h 15, l'un des prévenus, vraisemblablement P._, a pénétré dans la station-service précitée pendant que son comparse, X._, faisait le guet à l'extérieur, sur une moto de couleur foncée. P._, vêtu d'une veste de type "doudoune", coiffé d'un casque intégral de moto noir et armé d'un long couteau de cuisine au manche vert, s'est avancé vers la caissière du commerce, [...] l'a menacée avec le couteau afin qu'elle lui remette l'argent de la caisse et le place dans son sac qu'il portait en bandoulière. Puis, il a pris la fuite, a rejoint X._ à l'extérieur, a pris place à l'arrière de la moto et tous deux sont partis à vive allure. Les prévenus ont réussi à dérober un montant de 5'981 fr. 55.
Les deux prévenus ont finalement reconnu leur implication dans ce cas également. X._ a expliqué au Tribunal qu’en général, il attendait sur la moto afin de pouvoir repartir le plus rapidement possible tandis que son comparse entrait à l’intérieur des magasins ou des stations-service. Selon lui, il était convenu entre eux qu’aucune violence ne serait jamais utilisée mais il a concédé qu’il savait que son comparse allait menacer les caissiers d’une arme. Leurs actes n’étaient pas prémédités et ils agissaient complètement au hasard sans avoir jamais effectué de repérages au préalable. Ils se partageaient le butin par moitié. P._ a de son côté confirmé qu’en général, son comparse faisait le guet alors que lui-même menaçait les vendeurs d’une arme pour se faire remettre l’argent. Ils choisissaient leur cible au hasard et décidaient où ils iraient sur un coup de tête, le jour même. Il a également confirmé qu’ils s’étaient à chaque fois partagés le butin par moitié entre eux. Enfin, il a assuré que leur but était de ne blesser et de ne faire de mal à personne. Selon lui, c’est pour cette raison que le pistolet qu’il avait fait acheter en vue des brigandages était factice. Il avait en outre, selon ses dires, toujours été prévu que si les caissiers n’obtempéraient pas, ils partiraient.
La vendeuse qui travaillait à la caisse le jour en question, [...] a expliqué aux débats qu’elle avait senti la pointe du couteau alors que le prévenu la menaçait.
Pour ces faits les prévenus ont été reconnus coupables de brigandage qualifié au sens de l’art. 140 ch. 1, 2 et 3 al. 2 CP.
3.8
[...] dans le magasin [...], le 18 février 2011, vers 14 h 50, P._ et X._, tous deux portant un casque de moto intégral, ont pénétré dans le magasin précité. P._, s'est dirigé vers la caisse n° 2 et a menacé la vendeuse, [...], avec un grand couteau de cuisine au manche vert afin qu'elle lui remette la recette de sa caisse. Pendant ce temps, X._ faisait le guet à l'intérieur du magasin, vers la porte donnant accès à la cuisine. Comme la caissière ne réagissait pas, P._ a appuyé la pointe du couteau contre ses côtes et lui a légèrement entaillé le coude droit. [...] a alors ouvert sa caisse et a placé les billets qu'elle contenait dans le sac noir que lui tendait le prévenu. Ce dernier a lui-même pris les pièces de monnaie et les bons d'achats d'une valeur de 10 fr. qui se trouvaient dans cette caisse. Puis, il a pris la fuite dans la direction de la sortie du magasin où X._ faisait le guet. Deux clients ont tenté de retenir P._ qui les a alors menacés avec son couteau et a ainsi pu poursuivre sa fuite. Arrivé dans le sas du magasin, il s'y est retrouvé bloqué. En effet, une employée avait activé la commande de blocage des portes coulissantes du magasin une fois que P._ avait pénétré dans le sas. Ce dernier a tenté de pousser la porte coulissante et a donné des coups de pied dedans pour essayer de l'ouvrir, en vain. Il a même essayé d'écarter les portes à l'aide de son couteau, sans succès. X._, qui avait réussi à quitter le magasin et qui se trouvait déjà sur la moto, a foncé avec son engin dans les portes coulissantes et a ainsi réussi à créer un passage entre les deux panneaux par lequel P._ a pu s'échapper. Puis, les prévenus ont quitté les lieux sur la moto, à vive allure. Le montant ainsi dérobé est de l'ordre de 1'500 à 2'000 francs.
Pour ces faits, qu'ils ont admis, P._ et X._ ont été reconnus coupables de brigandage qualifié au sens de
l’art. 140 ch. 1, 2 et 3 al. 2 CP.
3.9
A [...], dans le supermarché [...], le 23 février 2011 vers 18 h 30, P._ et X._, portant tous deux un casque de moto intégral, ont pénétré dans le supermarché précité. L'un des prévenus, vraisemblablement P._, s'est dirigé vers les caisses et a menacé les vendeuses avec un grand couteau de cuisine. Pendant ce temps, l'autre prévenu, soit X._ s'est placé à l'entrée du magasin et tenait en joue les personnes présentes dans le commerce avec un pistolet. La première caissière vers qui il s'était rendu, soit [...] n'arrivant pas à ouvrir son tiroir-caisse, P._ est allé vers la seconde vendeuse, [...], qui lui a remis le contenu de son tiroir-caisse, soit 4'495 fr., en le plaçant dans le sac qu'il lui tendait. A ce moment, le gérant du magasin, alerté par les cris des prévenus qui exigeaient l'argent, est arrivé vers les caisses, muni d'un tabouret, et s'est dirigé contre les prévenus avec cet objet tout en criant. P._ et X._ ont alors pris la fuite et ont quitté les lieux sur leur moto.
Les deux prévenus ont finalement admis les faits. X._ a indiqué que c’était la seule fois qu’il s’était muni d’un pistolet et ce tant pour avoir un effet dissuasif que pour encourager les victimes à obtempérer aux menaces de son comparse. Ce pistolet était toutefois factice, le but étant de ne blesser personne. Selon lui, ils sont partis dès que le gérant est intervenu. P._ a pour sa part précisé s’agissant du pistolet qu’il l’avait fait acheter à Lausanne et ce dans le but de commettre les délits qui nous occupent.
[...] entendue en qualité de témoin par les premiers juges, a expliqué que le pistolet tenu par l’un des prévenus avait l’air vrai. Aujourd’hui, elle pense toujours aux événements même si elle n’est pas terrorisée de continuer à travailler dans un magasin. Le lendemain des faits, son patron lui a donné congé, car elle était encore choquée mais par la suite, elle a pu reprendre son travail. Elle a eu de la peine à dormir quelques nuits, mais n’a pas eu besoin d’un suivi psychologique. [...], également entendue en qualité de témoin aux débats, a expliqué que son agresseur lui avait montré son couteau sans toutefois la toucher. Elle a eu très peur et a été en arrêt de travail à 100 % pendant un mois puis à 50 % pendant environ deux semaines. Elle a également été suivie psychologiquement et a dû prendre des médicaments relativement longtemps. Aujourd’hui, elle va mieux mais elle a parfois peur lorsqu’elle travaille, notamment quand elle voit des motards. Enfin, [...] a déclaré aux débats que lorsque les prévenus étaient entrés dans le magasin, il y avait du monde, notamment des enfants. Il a crié pour tenter de les intimider. Immédiatement après les faits, les événements lui revenaient assez souvent en mémoire, mais il va mieux.
Pour ces faits P._ et X._
ont été reconnus coupables de brigandage qualifié au sens de
l’art. 140 ch. 1, 2 et 3 al. 2 CP.
3.10
A [...] dans la [...]
le 11 mars 2011, vers 19 h 45, l'un des deux prévenus, vraisemblablement P._, qui portait un casque de moto intégral, a pénétré dans la station-service précitée, alors que son comparse, X._ attendait à l'extérieur au guidon d'une moto, le moteur enclenché. P._ a sorti un pistolet de son sac, a contourné le comptoir et a menacé la vendeuse, soit [...] avec son arme pour qu'elle ouvre sa caisse et lui en remette le contenu. Cette dernière a refusé et, malgré le fait que son agresseur pointe son arme sur elle, l'a repoussé et a réussi à actionner le bouton d'alarme. Le prévenu a alors pris la fuite sans rien avoir pu dérober, a rejoint son comparse sur la moto et tous deux sont partis à vive allure en direction de Lausanne.
Les prévenus ont admis les faits reprochés après avoir servi diverses versions contradictoires.
Pour ces faits, P._ et X._ ont été reconnus coupables de tentative de brigandage qualifié au sens
de l’art. 140 ch. 1 et 3 al. 2 CP. Le chiffre 2 de cette disposition n'a pas été retenu pour ce cas, le pistolet factice et non chargé utilisé par les prévenu ne constituant pas une arme dangereuse au sens de la jurisprudence.
3.11
[...] [...], dans la [...], le 11 mars 2011, vers 20h00, l'un des deux prévenus, vraisemblablement P._, a pénétré dans la station-service précitée en gardant son casque de moto sur sa tête avec la visière abaissée alors que son comparse, X._ attendait à l'extérieur, sur sa moto. P._ a contourné le comptoir du commerce, a sorti une arme à feu et l'a braquée dans la direction de la vendeuse, [...], tout en lui ordonnant
"[...] Donne-moi le fric sinon je te bute!". [...]"
. [...] s'est penchée pour tenter d'appuyer sur le bouton d'alarme. P._ lui a alors répété "[...]
"Grouille-toi ou je te bute".[...]".
[...] a donc ouvert la caisse et a tendu au prévenu les billets d'argent qu'elle contenait, soit un montant d'un peu moins de 3'000 francs. Le prévenu a insisté pour qu'elle lui donne plus d'argent. La vendeuse lui a assuré qu'il n'y avait rien d'autre et P._ a pris la fuite alors que cette dernière lui tendait le bac à monnaie de sa caisse. Puis, les deux comparses sont partis à vive allure sur leur moto.
Pour ces faits, P._ et X._ ont été reconnus coupables de brigandage qualifié au sens de l’art. 140 ch. 1 et 3 al. 2 CP. Le chiffre 2 de cette disposition n'a pas été retenu, le pistolet utilisé ne constituant pas une arme dangereuse au sens de la jurisprudence.
3.12
A [...], au domicile de [...], l'ancienne amie de P._, le 12 mars 2011, lors de la perquisition de cet appartement, un sac de sport contenant environ 700 g de cannabis conditionnés pour la vente a été retrouvé sur le balcon. D'après [...] ce sac appartient à P._ qui logeait chez elle depuis le 8 mars 2011.
Après avoir contesté les faits durant l’enquête, P._ a finalement admis que le sac de sport lui appartenait et qu’il avait l’intention de vendre la drogue qu’il contenait.
Pour ces faits, P._ a été reconnu coupable d’infraction à l'ancienne loi fédérale sur les stupéfiants au sens de son art. 19 al. 1 litt. b et d. (art. 2 al. 1 CP).
3.13
[...] le 5 août 2011, le détenu P._ a remis à [...], qui était libéré définitivement, un courrier adressé à [...] Renens, ainsi qu'un billet où figurait l'inscription [...] Ce dernier était chargé de faire sortir clandestinement ces deux documents et de les remettre à leur destinataire, [...] dont le véritable nom est [...], soit le signataire du bail pour le local de P._ à Crissier. Dans ce courrier, P._ a demandé à [...] de faire un faux témoignage afin de corroborer sa version des faits en affirmant qu'il connaissait un certain [...], que ce dernier était le propriétaire de la moto dérobée le 4 février 2011 et retrouvée devant le local de P._, qu'il possédait un casque noir et qu'il avait laissé des affaires à lui, notamment des baskets blanches, des chaussures noires et une veste doudoune bleue brillante dans le local, car il dormait souvent à cet endroit.
P._ a toujours reconnu avoir écrit le courrier en question. Il a toutefois expliqué dans un premier temps que le contenu de celui-ci était exact, tout en admettant que sa démarche avait pour but de lui faciliter la tâche puisqu’un témoin corroborerait sa version des faits. Il a également concédé que le destinataire de la lettre n’était pas au courant des faits qui s’y trouvaient. Par la suite, ce prévenu a finalement reconnu les faits qu’on lui reprochait et par là même le fait que le contenu du courrier était inexact.
Pour ces faits, P._ a été reconnu coupable de tentative d’instigation à faux témoignage. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) contre le jugement d'un tribunal ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel du Ministère public est recevable. Il y a lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Le Ministère public conteste les peines infligées, estimant que celles-ci sont trop clémentes au regard du nombre de brigandages commis, du concours d’infractions et de la culpabilité écrasante des prévenus.
3.1
L’art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale. Pour fixer la peine, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, se fonde sur des critères étrangers à l’art. 47 CP, omet de prendre en considération des éléments d’appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu’il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d’appréciation (ATF 134 IV 17 c 2.1; 129 IV 6 c. 6.1 et les références citées).
3.2.
A charge de P._ les premiers juges ont retenu que sa culpabilité était très lourde. Celui-ci avait agi par seul appât du gain, sans scrupule et par pur égoïsme. Il n'avait pas hésité à menacer ses victimes avec une arme aussi dangereuse qu’un couteau de cuisine muni d’une lame de plus de 20 centimètres. Joignant la parole à ses gestes, il avait également menacé verbalement de tuer certaines d'entre elles; il avait aussi menacé les personnes qui se dressaient sur son passage, blessant légèrement l’une d’entre elles. P._ avait agi sans se préoccuper des conséquences de ses actes sur ses victimes. A charge toujours, il a été retenu que les brigandages et les autres infractions commises par ce prévenu dont la responsabilité est pleine et entière, étaient en concours.
A décharge, le Tribunal a pris en compte le fait que, malgré une précédente condamnation P._ ne semblait pas s'êtP._e, qu'il n'était pas prêt à tout pour obtenir l’argent convoité et que traversant un phase de vie difficile, c’était probablement son association avec un comparse plus rompu que lui aux infractions qui l’avait déterminé à passer à l’acte. Il a également retenu les excuses sincères et les aveux faits aux débats. Enfin, la peine infligée tenait compte de la jeunesse du prévenu dont il ne fallait pas prétériter l'avenir.
Au vu des éléments à charge et à décharge à prendre en considération, il sied d'admettre que l'autorité de première instance a infligé à P._ une peine trop clémente. A cet égard, on relèvera tout d'abord que les antécédents de P._ – déjà condamné à une reprise pour délit à la LF sur les armes – constituent un élément neutre qu’on ne saurait récompenser (ATF 136 IV 1). En outre, l’absence de violence physique ne saurait être retenue à décharge, car elle est, au contraire, le constat que la culpabilité de l'intéressé aurait encore pu être plus élevée. On ne saurait, non plus, accorder un poids trop important aux aveux du prévenu, dès lors que ceux-ci sont intervenus tardivement, à un moment où il ne pouvait décemment plus faire autrement au regard des éléments à charge et des aveux de son comparse. Au demeurant, la phase de vie difficile traversée par P._ après sa séparation et l'association avec un comparse au passé judiciaire plus lourd que le sien n'expliquent pas son passage à l'acte. Il ressort en effet des dires du prévenu que ses actes étaient dictés par un désir de gagner de l'argent rapidement. De plus, il n'était pas dans le besoin puisqu'il avait un logement et une activité. S'agissant enfin de la situation personnelle du prévenu et des effets de la peine sur son avenir, il convient certes de relever que P._ est jeune et qu'il est le père d'un petit enfant avec lequel il a de bonnes relations. Cette circonstance ne peut cependant pas conduire à une réduction de la peine dès lors qu'elle n'a pas empêché ce prévenu de commettre les faits incriminés. Par ailleurs, il est inévitable qu'une peine d'une certaine durée ait des répercussions sur les membres de la famille du condamné. Il reste toutefois vrai qu'il ne s'agit pas d'hypothéquer complètement l'avenir de l'intéressé. Partant, compte tenu du nombre et de la nature des infractions perpétrées (des brigandages qualifiés en concours avec d'autres infractions) durant une brève période et des éléments à charge et à décharge à prendre en considération, la peine privative de liberté à infliger à P._ doit être augmentée d'une année et portée à cinq ans. La détention préventive subie doit être déduite.
3.3
A la charge de X._, on retiendra que sa faute est grave, qu'étant en cavale sur notre territoire, il s'est livré sur un court laps de temps à une intense activité délictueuse, à laquelle seule son arrestation a pu mettre un terme. L'intéressé n'en est d'ailleurs pas à son coup d'essai, puisqu'il a été condamné sept fois entre 2003 et 2010, dont à deux reprises à des peines de prison pour des infractions du même genre, la seconde fois, en 2010, à une peine ferme. X._ montre, par ses nombreuses récidives, qu'il n'est pas prêt à assumer les conséquences de ses actes, dont il ne mesure au demeurant pas la gravité. Son mépris des règles en vigueur et des gens qui l'entourent se manifeste également en matière de circulation routière, où il a fait l'objet de nombreuses sanctions administratives pour avoir circulé sans permis, au volant d'un véhicule défectueux, en excès de vitesse, et sans prêter une attention suffisante à la circulation. A cela, on ajoutera que les infractions présentement jugées sont en concours au sens de l'art. 49 al.1 CP, ce qui est une circonstance aggravante. Le cas de X._ est donc grave, davantage encore que ne l'est celui de P._. Au vu de ce qui précède, et quand bien même il faut retenir, à la décharge de ce prévenu, les aveux et les excuses faits en cours de procédure, la peine de cinq ans infligée par l'autorité de première instance est trop clémente. C'est, partant, une peine privative de liberté arrêtée à six ans – soit encore d'une année supérieure à celle infligée à P._ – qui est adéquate pour sanctionner les agissements de X._ La détention préventive subie en sera déduite.
4.
En définitive, l'appel du Ministère public doit être partiellement admis. Le jugement entrepris doit être réformé dans le sens des considérants et maintenu pour le surplus.
5.
Il reste à statuer sur les frais de seconde instance et les indemnités.
5.1
Compte tenu de l'ampleur de la procédure, il se justifie d'accorder à Me Elisabeth Chappuis une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1'663 fr. 20, débours et TVA compris, soit 8 heures à 180 fr., débours (100 fr.) et TVA (8%) compris. Une indemnité de défenseur d'office de
1'166 fr. 40 est allouée à Me Pierre-Yves Court pour la procédure d'appel, ce qui correspond à 6 heures d'honoraires à 180 fr. plus 8 % de TVA, le mandataire prénommé ayant renoncé à réclamer des débours.
5.2
Les frais de la présente procédure d'appel sont fixés à 3'120 fr. (savoir, 22 pages à 110 fr. P._ en assumera le quart (780 fr.) plus la moitié de l'indemnité due à son défenseur d'office, Me Elisabeth Chappuis (1'663 fr. 20 : 2 = 831 fr. 60), soit un total 1'611 fr. 60. X._ assumera aussi le quart des frais d'appel (780 fr.), ainsi que la moitié de l'indemnité due à son défenseur d'office, Me Pierre-Yves Court
(1'166 fr. 40 : 2 = 583 fr. 20), soit un total de 1'363 fr. 20. Le solde des frais d'appel, par 1'560 fr. (3'120 fr. : 2), est laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP).
P._ et X._ ne seront tenus de rembourser à l’Etat la moitié de l'indemnité en faveur de leur conseil d’office que lorsque leur situation financière le permettra (art. 135 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
843b1e7c-4db7-4ab7-b58a-b308720edab1 | En fait :
A.
Par jugement du 28 novembre 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a constaté que D._ s’est rendu coupable de brigandage qualifié, dommages à la propriété, violation de domicile, infraction à la loi fédérale sur les armes et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (I), l’a condamné à vingt-huit mois de peine privative de liberté et 100 fr. d'amende, sous déduction de vingt-quatre jours de détention avant jugement (II), a suspendu l’exécution d’une partie de la peine privative de liberté portant sur vingt-deux mois et a fixé à D._ un délai d’épreuve de trois ans (III), a dit qu'à défaut de paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution serait de deux jours (IV), a pris acte, pour valoir jugement, de la reconnaissance de dette signée le 28 novembre 2012 par D._ en faveur de M._, par laquelle le prévenu a reconnu lui devoir 200 fr. en remboursement des frais de psychothérapie, 6'000 fr. à titre de dépens pénaux et 6'000 fr. en réparation du tort moral (V), a ordonné la confiscation et la dévolution à l’Etat d’une veste en cuir noir, un masque noir brillant, un bonnet noir, deux chaussettes blanches, quatre piles, un sac à dos noir, un paquet de cigarettes Winston, une chaîne argentée, une clé avec porte-clés "A", un Ipod 8 GB, un sachet minigrip contenant de la marijuana, un short blanc-bleu, un couteau baïonnette armée suisse, un pistolet Carl Walther Arnsberg A 104591344, un canif en cois, un aérosol spécial neutralisant instantané Gel, un déodorant Axe, deux briquets et une boîte plastique avec papier King Size, séquestrés sous fiche n° 13394/11 (VI), a arrêté l'indemnité du défenseur d'office de D._, l'avocat Cyrille Piguet, à 7’020 fr., TVA par 520 fr. comprise (VII), a mis les frais par 12'795 fr. à la charge de D._, indemnité de défenseur d’office comprise (VIII), et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité de 7'020 fr. allouée au défenseur d'office de D._ serait exigible pour autant que la situation économique de ce dernier se soit améliorée (IX).
B.
Le 4 décembre 2012, D._ a annoncé faire appel. Par déclaration d'appel motivée du 27 décembre 2012, il a conclu principalement à la réforme du jugement entrepris en ce sens que la peine qui lui a été infligée est assortie du sursis et que la veste en cuir noir, la chaînette argentée, le porte-clés "A" et l’IPod 8 GB séquestrés lui sont restitués, subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause au tribunal de première instance pour nouveau jugement. Il a requis l’audition de deux témoins et la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique le concernant.
Par courrier du 10 janvier 2013, le Ministère public a annoncé qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel déposé par D._ et qu'il renonçait à déposer un appel joint.
Par décision du 18 janvier 2013, la Présidente de la cour de céans a ordonné une expertise psychiatrique de D._ et, par courrier du 22 janvier 2013, a rejeté les autres réquisitions de preuve du prévenu. Le rapport d’expertise a été déposé le 21 mai 2013 (pièce 55) et aucun complément d’expertise n’a été requis par les parties dans le délai qui leur avait été accordé à cet effet.
Aux débats d'appel, l’appelant, qui a produit un bordereau de pièce (pièce 61), a confirmé ses conclusions. Le Ministère public a conclu au rejet de l'appel concernant la question de la peine et du sursis.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le 1
er
août 1992 à Morges, cadet d'une famille de deux enfants, D._ a été élevé par ses parents dans sa ville natale. En 2009, ceux-ci ont divorcé. Le prévenu a mal vécu ce divorce. Il a été confié à sa mère, mais il est rapidement allé vivre chez son père, avec lequel il a un bon contact. A l'issue de sa scolarité en classe VSG, il a commencé un apprentissage de mécanicien sur automobiles à Renens, formation qu’il a interrompue après avoir échoué aux examens de première année. Son père lui a alors proposé de travailler dans le même domaine, mais dans la région de Morges. Après trois ou quatre mois, D._ s'est rendu compte que le métier ne lui plaisait pas et qu'il désirait effectuer une formation plus active. Au printemps 2011, il a commencé à aider son parrain, propriétaire d’une entreprise de plâtrerie-peinture, tout en cherchant du travail comme ouvrier sur des chantiers. En juillet 2011, il a été engagé comme apprenti par son parrain. Actuellement en troisième année, il perçoit un salaire d’apprenti de 650 fr. par mois. Vivant toujours chez son père, il ne participe pas financièrement aux charges du ménage. Sa prime d’assurance-maladie, qui s’élève à 80 fr. par mois, est, selon ses dires, en partie payée par son employeur. Il n’a ni dettes, ni économies. Son casier judiciaire est vierge.
Dans le cadre de la présente affaire, D._ a été détenu préventivement du 31 mai au 23 juin 2011.
2.
Le lundi 30 mai 2011, à la piscine de Morges, D._ a rencontré W._ et S._, tous deux mineurs. W._ a proposé d’aller commettre "un casse" dans la maison de M._, sise rue de [...], à [...], lieu qu'il connaissait pour y avoir logé pendant quelque temps. Il savait qu’un coffre contenant de l’argent s’y trouvait. Les trois hommes sont allés acheter des masques au bazar de Morges, puis des bandes autocollantes et des ligatures, avant de se rendre en train à [...].D._ s’était en outre muni d’une baïonnette qu’il avait prise chez lui au préalable. Quant à W._, il s’était équipé d’un spray au poivre et d’un pistolet à plomb, qu’il avait acquis cinq jours auparavant.
Arrivés à [...] peu après minuit, les comparses ont attendu jusqu’au matin. D._ a consommé un joint de cannabis avant de s’endormir, puis un autre au réveil. W._ lui a remis le pistolet à plomb et le spray au poivre.
Le 31 mai, vers 9h50, les trois comparses sont entrés masqués dans la villa de M._, après que W._ eut forcé et brisé la vitre de la porte-fenêtre à coups de pied. Une fois à l'intérieur, D._ est directement monté à l’étage avec S._. Il a menacé M._ avec le pistolet à plomb, puis, comme elle criait, l’a aspergée avec le spray au poivre. Avec l'aide de S._, il lui a ensuite attaché les poignets et les pieds. La victime s’étant plainte d’avoir mal aux yeux, le prévenu est allé chercher de l’eau et la lui a versé sur le visage. Pendant ce temps, W._ fouillait la villa. Les acolytes ont ainsi amassé un butin comportant de l’argent, des bijoux et divers autres objets, dont des pistolets soft-air et une dague. Ils ont ensuite exigé la clé du coffre-fort de la maison, mais M._ leur a expliqué qu'elle était déposée à la banque.
Dérangés par l’arrivée de la police, que M._ avait pu alerter avant d'être immobilisée, ils se sont enfuis en laissant leur victime attachée et se sont retrouvés dans la forêt pour examiner le butin.
D._ et S._ ont été interpellés peu après, en possession du butin et de leur attirail. Quant à W._, il a été arrêté à Lausanne le même jour, vers 21h20.
L'ensemble du butin a été restitué à M._, qui a déposé plainte et s'est portée partie civile. Ensuite de ces faits, la victime, qui a suivi une psychothérapie pendant plusieurs mois, a souffert de stress post-traumatique aigu, avec flash-back, troubles du sommeil, hypervigilance, anxiété permanente et détresse psychologique. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les forme et délai légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
3.1
D._ invoque tout d’abord une violation de l’art. 19 CP, en se prévalant d’éléments nouveaux dont son conseil n’aurait eu connaissance que postérieurement à l’audience de première instance, soit sa profonde immaturité et ses problèmes de concentration ayant nécessité la prise de Ritaline pendant quelques années. Sur ce dernier point, l’appelant a produit à l’appui de son appel un certificat médical daté du 16 décembre 2012 (pièce 49/5).
3.2
Ce grief est mal fondé. En effet, au vu du dossier dans son état au 28 novembre 2012, le tribunal correctionnel n’avait aucune raison sérieuse de douter de la responsabilité du prévenu (art. 20 CP). Quoi qu’il en soit, l’expertise psychiatrique ordonnée en deuxième instance conclut à une pleine responsabilité de D._ au moment des faits, relevant que son immaturité affective n’est pas du registre de la pathologie psychiatrique et que le trouble de déficit de l’attention n’est plus présent depuis la fin de sa scolarité, soit depuis bien avant les faits litigieux.
4.
D._ conclut à ce que la peine privative de liberté de vingt-huit mois soit "assortie du sursis", par quoi l’on comprend qu’il demande un sursis entier et, par conséquent, une réduction de la peine. Il invoque à cet égard une violation des art. 47 et 50 CP. Selon lui, "la simple énumération des éléments à charge et à décharge" serait insuffisante. Par ailleurs, les premiers juges n’auraient pas tenu compte d’un certain nombre d’éléments anciens et nouveaux. L’appelant invoque divers éléments à décharge, à savoir ses excuses à la victime, son engagement à l’indemniser, son comportement irréprochable depuis sa sortie de détention préventive et l’absence d’antécédents.
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_335/2012 du 13 août 2012 c. 1.1 et les références citées).
En vertu de l'art. 50 CP, le choix de la sanction, comme la quotité et la durée de celle qui est prononcée, doivent être motivés de manière suffisante. Le juge doit exposer dans sa décision les éléments essentiels relatifs à l'acte et à l'auteur qu'il prend en compte, de manière à ce que l'on puisse vérifier que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou aggravant. La motivation doit justifier la peine prononcée, en permettant de suivre le raisonnement adopté, mais le juge n'est nullement tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentage l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite (ATF 127 IV 101 c. 2c et les arrêts cités). Plus la peine est élevée, plus la motivation doit être complète (ATF 134 IV 17 c. 4.2.1 et les arrêts cités).
4.2
En l’espèce, les premiers juges ont estimé que la culpabilité de D._ était lourde, parce qu’il avait participé de façon prépondérante – même s’il n’en était pas l’initiateur et avait probablement été entraîné par l’effet de groupe – à un brigandage au domicile de la victime, événement profondément traumatisant pour la celle-ci. Par les préparatifs, l’attente du moment favorable et la détermination affichée durant l’action, le prévenu avait fait preuve d’une volonté délictueuse intense, n’étant par ailleurs mû que par l’appât du gain. En outre, le mode opératoire avait été violent, la victime malmenée, sprayée, ligotée puis dépouillée. Le tribunal a aussi mentionné, à charge, le concours d’infractions. A décharge, il a retenu le casier judiciaire vierge, l’immaturité due au jeune âge, les excuses présentées, la reconnaissance de dette signée et la situation personnelle du prévenu, sans apprentissage et affecté par le divorce de ses parents.
Les éléments à charge dont les premiers juges ont tenu compte sont parfaitement corrects. Les faits sont très graves. Il est intolérable que des bandes de voyous masqués et armés pénètrent chez les gens pour les terroriser, les maltraiter et les dépouiller. A cela s’ajoute que les comparses étaient très bien organisés et qu’ils ont sans vergogne exploité la connaissance des lieux de l’un d’entre eux qui avait été généreusement hébergé par la victime (pièce 12). Ils ont en outre eu l’intelligence de se répartir les rôles de façon à ce que celle-ci ne voie pas W._ qu’elle connaissait. Ils ont mûrement réfléchi à leur projet et même le fait d’avoir attendu toute la nuit en face du domicile de la plaignante ne les a pas amenés à renoncer. Certes, comme l’a fait plaider le prévenu à l’audience d’appel, ce n’est pas lui qui a eu l’idée du brigandage; cependant, une fois celle-ci adoptée, il a été un élément central de l’action, dès lors que c’est lui qui a affronté la victime et l’a immobilisée, avec S._, pendant que W._ fouillait la maison. Enfin, s’il a été "entraîné par l’effet de groupe" (jugt, p. 15, c. 6) – ce que les experts ont également relevé (pièce 55, p. 9, par. 2
in fine
) –, il était toutefois plus âgé de deux ans que les autres, ce qui aurait dû le rendre d’autant plus attentif aux conséquences de ses actes.
Parmi les éléments à décharge, on retiendra l’immaturité de D._ et ses excuses sincères présentées à M._ (jugt, p. 5), dont on peut conclure qu’il y a une prise de conscience de la gravité des faits. A cela s’ajoutent le fait que le prévenu a pris l’initiative d’un contact avec la victime (
ibidem
), faisant ainsi preuve d’un certain courage pour assumer ses actes, sa bonne collaboration durant l’enquête, l’intéressé s’étant expliqué sur son rôle exact dès sa deuxième audition (PV aud. 4), et une certaine compassion envers la lésée durant les faits, puisque lorsque celle-ci s’est plainte d’avoir mal aux yeux, il est allé chercher de l’eau et la lui a versée sur le visage (PV aud. 5, p. 2
in fine
). Les autres éléments à décharge doivent être relativisés. Premièrement, selon la jurisprudence, l’absence d’antécédents a un effet neutre sur la fixation de la peine, sauf circonstances exceptionnelles, inexistantes en l’espèce, et n’a donc plus à être prise en considération dans un sens atténuant (ATF 136 IV 1 c. 2.6.4). Deuxièmement, l’engagement souscrit aux débats de première instance consistant à verser à la victime 50 fr. par mois dès le 1
er
décembre 2012 à concurrence du montant de 6'000 fr. à titre de réparation du tort moral, en sus de la somme de 200 fr. en remboursement des frais de psychothérapie et de 6'000 fr. à titre de dépens pénaux – ce dernier paiement étant "subordonné à la condition que l’assurance de protection juridique de M._ ne prenne pas les frais d’intervention du conseil de cette dernière à sa charge" –, est moindre, si l’on tient compte du salaire de l’intéressé, soit 650 fr. par mois, du fait que son père assure entièrement son entretien (jugt, p. 12 p. 3
supra
) et que le premier versement en faveur de la victime est intervenu dix-huit mois après les faits. Troisièmement, la situation personnelle de D._ au moment des faits n’était pas aussi difficile que le premier juge l’a retenu. Tout d’abord, le prévenu, certes sans place d’apprentissage, travaillait déjà à l’époque dans l’entreprise de son parrain, qui plus est à son entière satisfaction (jugt, p. 3). Ensuite, si le divorce de ses parents en 2009 a été "pénible" pour lui (pièce 55, p. 5), son père a déclaré aux débats que son fils avait "toujours été agréable et joyeux" (jugt, p. 4), ce qui permet de relativiser l’impact de cet événement.
Au vu de ces éléments, la peine de vingt-huit mois de privation de liberté prononcée par les premiers juges se justifie.
Mal fondé, le moyen tiré d'une violation de l'art. 47 CP doit donc être rejeté.
4.3
Il en va de même du grief de violation de l’art. 50 CP. Le jugement est en effet suffisamment motivé pour permettre de comprendre quels éléments, à charge et à décharge, les premiers juges ont pris en considération dans la fixation de la peine. Le mémoire d’appel motivé de D._ démontre en effet que celui-ci était en mesure de se rendre compte de la portée de la décision sur ce point et de l’attaquer en toute connaissance de cause. Au surplus, comme on vient de le voir (c. 4.1
supra
), le juge n'est nullement tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentage l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite, contrairement à ce que semble prétendre l’appelant. Enfin, la peine est librement revue par la Cour de céans.
5.
Invoquant une violation de l’art. 42 CP, D._ réclame un sursis entier. Il fait valoir que l’exécution d’une partie de la peine est de nature à nuire à sa réinsertion, que ses parents se sont réconciliés et l’encadrent étroitement et qu’il a changé de fréquentations.
5.1
La peine privative de liberté de vingt-huit mois est incompatible avec l’octroi d’un sursis entier (art. 42 al. 1 CP), seul un sursis partiel pouvant être prononcé (art. 43 CP).
La peine prononcée étant toutefois proche de la peine maximale compatible avec un sursis complet, il se pose la question de savoir s’il se justifie de la réduire à vingt-quatre mois pour que le prévenu puisse bénéficier d’un sursis entier, comme celui-ci semble le demander.
5.2
Sous l’ancien droit pénal général, le Tribunal fédéral avait considéré que la limite de la quotité de la peine au-delà de laquelle le sursis ne pouvait pas être accordé devait être pris en considération lors de la fixation de la peine, lorsque la durée de la peine envisagée n’était pas nettement supérieure à cette limite et que les conditions du sursis étaient réalisées (ATF 118 IV 337, JT 1995 IV 37).
Selon la jurisprudence, cette pratique n’a plus sa place dans le nouveau droit. Toutefois, lorsque la fixation de la peine conduit au prononcé d'une peine privative de liberté qui se situe dans les limites légales du sursis ou du sursis partiel, le juge doit se demander si, en prononçant une sanction inférieure ou égale à cette limite, il demeure dans son pouvoir d'appréciation. Dans l'affirmative, il doit s'en tenir à cette quotité. Dans la négative, il peut prononcer une peine privative de liberté dépassant même légèrement la limite légale. Il n'est plus possible de relativiser la nouvelle limite légale par une interprétation de la loi (ATF 134 IV 17 c. 3).
Selon l’art. 47 al. 1
in fine
CP, le juge doit aussi tenir compte de l’effet de la peine sur l’avenir du condamné. Il s’agit d’éviter les sanctions susceptibles de compromettre l’évolution favorable de ce dernier. Cet aspect de prévention spéciale ne saurait toutefois conduire à prononcer une peine qui ne correspondrait plus à la culpabilité du condamné (ATF 134 IV 17 précité; TF 6B_706/2008 du 3 décembre 2008 c. 2.4; TF 6B_237/2007 du 5 octobre 2007 c. 4.2; TF 6B_14/2007 du 17 avril 2007 c. 5.2).
5.3
En l’espèce, compte tenu de l’ensemble des éléments à charge et à décharge mentionnés ci-avant (c. 4.2) et du cadre légal des différentes infractions entrant en concours, dont la plus grave, soit le brigandage aggravé, est passible d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de dix ans au plus (art. 140 ch. 2), une peine de vingt-quatre mois de privation de liberté n’est pas adaptée à la culpabilité de D._.
Par ailleurs, la sanction de vingt-huit mois de privative de liberté, dont vingt-deux suspendus, n’affecte pas l’avenir professionnel du prévenu, dès lors que celui-ci semble remplir les conditions d’une exécution sous forme de semi-détention (art. 77b CP), ce qui lui permettra de continuer sans interruption son apprentissage, comme l’a d’ailleurs également recommandé le Dr. [...] (pièce 49/5).
Mal fondé, le moyen tiré d’une violation de l’art. 42 CP doit donc être rejeté.
6.
Enfin, l’appelant demande la levée du séquestre sur un certain nombre d’objets lui appartenant.
6.1
Aux termes de l’art. 69 CP, le juge prononce la confiscation d’objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d’une infraction, si ces objets compromettent la sécurité de personnes, la morale ou l’ordre public.
6.2
En l’occurrence, les premiers juges ont prononcé la confiscation des objets séquestrés sous fiche n° 133941/11 pour le motif inadéquat que les objets séquestrés n’avaient "pas été réclamés" par le prévenu (jugt, p. 15).
Les objets séquestrés sont ceux qui se trouvaient dans un sac à dos en possession du prévenu le jour des faits (pièces 8 et 16; PV aud. 1). Comme le butin a été restitué, on peut admettre que les objets séquestrés ne sont pas le produit de l’infraction mais appartiennent légitimement à l’appelant, ce que le Procureur avait d’ailleurs admis en restituant à l’intéressé une partie de ces objets au terme de l’audition du 17 juin 2011 (PV aud. 8, lignes 56 et 57). Le dossier ne permet pas de dire que la veste de cuir noir, la chaîne argentée, le porte-clé "A" et l’IPod 8 GB, dont le prévenu réclame la restitution, auraient eu un rôle dans le brigandage, si ce n’est que celui-ci en était "porteur" au moment des faits litigieux. Par ailleurs, ces objets ne compromettent ni la sécurité, ni la morale, ni l’ordre public. Le séquestre portant sur ces objets peut donc être levé.
Dès lors, le moyen est bien fondé et droit être admis.
7.
En conclusion, l’appel est partiellement admis en ce sens qu’il est ordonné la restitution à D._ de la veste de cuir noir, de la chaîne argentée, du porte-clé "A" et de l’IPod 8 GB séquestrés sous fiche n° 133941/11. Il est rejeté pour le surplus.
7.1
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, comprenant
les frais de l’ordonnance d’expertise du 18 janvier 2013, par 200 fr., et ceux de d’expertise, par 5'100 fr., ainsi que
l'indemnité allouée au défenseur d'office de D._, seront
mis par quatre cinquièmes à la charge du prévenu, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
7.2
Le défenseur d’office du prévenu a produit une liste détaillée des opérations effectuées en deuxième instance, pour un montant total de 18 heures (pièce 62). Ce total est trop élevé. Vu l’ampleur et la complexité de la cause, l’appel étant limité aux questions de la peine et du séquestre, l’indemnité allouée au défenseur d’office de D._ doit être arrêtée à 1'576 fr. 80, TVA et débours compris, correspondant à huit heures au tarif horaire de 180 francs.
7.3
D._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat la part de l'indemnité allouée à son défenseur d'office mise à sa charge que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
84490ed8-02fe-4a9e-bcf3-e51d1d574e48 | En fait :
A.
Par jugement du 18 janvier 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a libéré F._ des chefs d'accusation de violation grave des règles de la circulation et d'ivresse au volant qualifiée (I), constaté que F._ s'est rendu coupable de violation simple des règles de la circulation, ivresse au volant, opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, violation des devoirs en cas d'accident et conduite malgré un retrait du permis de conduire (II), condamné F._ à une peine privative de liberté de 4,5 (quatre et demi) mois et à une amende de 500 (cinq cents) francs (III), dit qu'à défaut de paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 5 (cinq) jours (IV), ordonné la mise en œuvre d'un traitement aversif pour la problématique de la dépendance à l'alcool et la poursuite des traitements médicaux actuellement en cours auprès du Centre de traitement pour l'alcool (CTA), de l'Unité socio-éducative du CHUV et du médecin traitant de F._ (V), mis l'entier des frais de la cause par 11'461 fr. 85 à la charge de F._, y compris l'indemnité allouée à son conseil d'office Me Feldmann par 5'260 fr. 75 (VI), dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité allouée sous chiffre VI ci-dessus ne pourra être exigé de F._ que dans la mesure où sa situation financière se sera améliorée et le permettra (VII).
B.
Le 23 janvier 2012 F._ a formé appel contre ce jugement. Dans sa déclaration d'appel motivée du 15 février 2012, il conclut à la réforme du jugement en ce sens qu'il est libéré des chefs d'accusation de violation simple des règles de la circulation, d'opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire et de violation des devoirs en cas d'accident et qu'il est condamné pour conduite malgré un retrait de permis de conduire et ivresse simple au volant à une peine assortie du sursis.
Le Ministère public n'a présenté ni demande de non-entrée en matière ni appel joint. Il a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
F._ est né le 14 novembre 1966 au Portugal où il a grandi et a suivi sa scolarité obligatoire jusqu’à l’âge de 15 ans. Sans titre de formation professionnelle, il a ensuite travaillé comme serveur dans son pays d’origine. A l’âge de 21 ans, il est arrivé en Suisse et a exercé différentes professions pour divers employeurs, notamment en qualité d’ouvrier agricole, dans le domaine de l’hôtellerie, puis comme manœuvre, magasinier et cariste. Il a occupé son dernier emploi chez THE à Yvonand, emploi qu’il a quitté à la suite des faits de la présente cause. Ayant épuisé son droit aux indemnités de l’assurance-chômage, il bénéficie actuellement du revenu d’insertion et d’une rente de la SUVA, rente qui lui est versée à la suite d’un accident de voiture survenu en 2005. Il est donc réduit à son minimum vital, ses frais de logement étant pris en charge par le CSR. Ses primes d’assurance maladie sont subsidiées. Il a fait état de dettes à hauteur de 12'000 à 13’000 francs, relatives à des créances fiscales et à des emprunts à des connaissances. Divorcé et titulaire d’une autorisation d’établissement de type C, le prévenu vit seul à Yverdon-les-Bains. Père d’une enfant majeure, il a expliqué que sa situation actuelle ne lui permettait pas d’honorer la contribution d’entretien de 350 francs par mois qu’il était censé verser à cette enfant.
2.
En cours d’enquête, F._ a été soumis à une expertise psychiatrique qui a débouché sur un rapport du Département de psychiatrie du 29 juillet 2011. Les experts retiennent les diagnostics de dépendance à l’alcool, de type utilisation épisodique, actuellement sans consommation chronique sous-jacente et de trouble de la personnalité paranoïaque. Dans leur discussion, les experts précisent notamment que, quand il se sent traité injustement, F._ a tendance à croire que les règles du système ne s’appliquent pas à lui. S'agissant de sa consommation d'alcool, le rapport d’expertise la met clairement en lien avec le trouble de la personnalité, notant qu’il n’y a plus de consommation chronique depuis 2008. Il n’en demeure pas moins que le prévenu consommait encore, au moment de l’expertise, ponctuellement dans des contextes de frustration, mais aussi probablement de manière festive et qu’il banalisait cette consommation en se disant abstinent.
Les experts relèvent encore qu’un traitement pour le trouble de la personnalité sous-jacent serait souhaitable, mais que ses chances de succès restent de toute façon faibles et que de plus, au cas où une mesure thérapeutique serait imposée, celle-ci serait vécue comme une injustice supplémentaire, si bien qu’il semble plus utile de maintenir le contrôle de l’abstinence et d’introduire en plus une substance aversive, telle que l’Antabus. Aux questions qui leur étaient posées, les experts ont indiqué que le trouble de la personnalité mis en évidence chez F._ pouvait être considéré comme grave du fait qu’il avait tendance à lui nuire, ainsi qu’à son entourage, dans plusieurs domaines de sa vie (professionnelle, sociale), qu’il engendrait des éthylisations régulières, mais sans pour autant créer une dépendance chronifiée, et qui pouvait engendrer des mouvements thymiques de type dépressif. Quant à l’influence de ce trouble sur le comportement général du prévenu, il était précisé que ce dernier allait, dans des circonstances contrariantes, se voir comme victime des circonstances et par ce biais légitimer son comportement non conforme avec les règles sociales. Le rapport d’expertise précisait ensuite que F._ était tout à fait apte à comprendre et apprécier le caractère illicite de son acte mais que, sous l’influence de l’alcool, sa capacité de se déterminer était légèrement restreinte. A propos du risque de récidive, les experts ont relevé que le risque de consommer de l’alcool était grand, même de manière épisodique et que, dans ces conditions, reprendre le volant d’une voiture était l’infraction la plus probable qui pouvait survenir. En ce qui concerne les traitements à disposition, il est mentionné, s’agissant du trouble de la personnalité paranoïaque, qu’il n’existe pas d’approche susceptible de modifier de façon permanente la structure de la personnalité, si bien qu’aucun traitement ne devait être ordonné. Pour la problématique de l’addiction à l’alcool, les experts indiquaient que F._ ne souffrait plus de dépendance chronique, probablement grâce au cadre déjà mis en place et que le maintien de ce cadre pouvait réduire le risque de récidive, comme il diminuait la probabilité d’une rechute éthylique avec le développement d’une dépendance chronique. Il y avait lieu pour les experts d’ordonner un traitement ambulatoire, à savoir de confirmer le traitement auprès de l’Unité socio-éducative du CHUV et auprès du CTA par un mandat selon l’article 63 CP et d’ajouter un traitement aversif par de l’Antabus. Les experts relevaient en outre à ce propos que le prévenu était d’accord de poursuivre le suivi précité et que le traitement aversif conservait ses chances de succès, même s’il devait être ordonné contre sa volonté. De plus, ces traitements ne seraient pas entravés ni leur chance de succès notablement amoindrie par l’exécution d’une peine privative de liberté.
3.
Le casier judiciaire de F._ fait état des condamnations suivantes :
- 5 janvier 2005, Juge d’instruction du Nord vaudois, 20 jours d’emprisonnement avec sursis pendant 4 ans et amende de 800 francs pour conduite en état d’ébriété. Ce sursis a été révoqué le 6 mars 2006 ;
- 6 mars 2006, Juge d’instruction de Lausanne, 3 mois d’emprisonnement pour lésions corporelles simples qualifiées, mise en danger de la vie d’autrui, menaces qualifiées, violation des règles de la circulation routière, conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduire (taux d’alcoolémie qualifié) et contravention à l’Ordonnance sur les règles de la circulation routière. A la suite de cette condamnation, F._ a bénéficié de la libération conditionnelle dès le 27 août 2007 avec délai d’épreuve de 1 an ;
- 28 juillet 2009, Juge d’instruction du Nord vaudois, peine pécuniaire de 90 jours-amende à 40 francs le jour et amende de 800 francs pour violation grave des règles de la circulation et conduite en état d’ébriété qualifié. S’agissant du règlement de cette peine pécuniaire, une poursuite a dû être introduite et une saisie de salaire a été ordonnée à compter du 1
er
octobre 2010 (P. 22, 22/1 et 23/2).
L’extrait du fichier fédéral des mesures administratives en matière de circulation routière du prévenu comporte huit inscriptions pour des sanctions prononcées entre le 15 septembre 1997 et le 2 février 2010, dont cinq pour des problèmes d’ébriété. En outre, F._ est actuellement sous le coup d’un retrait de son permis de conduire prononcé pour une durée indéterminée, mais d’au minimum 24 mois, la restitution de ce document étant subordonnée à une abstinence contrôlée. Le Service des automobiles et de la navigation a confirmé, par courrier du 26 mars 2012, que l'abstinence d'alcool de F._ était établie à satisfaction de sorte que son permis de conduire lui sera restitué le 14 mai 2012 (P. 55).
4.
a)
Le 14 mai 2010 vers 15h50, F._ a circulé au volant du véhicule automobile de marque Seat Ibiza, portant les plaques d'immatriculation VD- [...], de l'avenue [...] en direction de la [...] à [...]. Peu avant le passage à niveau de cette [...], il a perdu la maîtrise de son engin qui a heurté le trottoir nord-ouest avec sa roue avant droite, laissant dans sa course son enjoliveur. Malgré ce premier accrochage,
F._
a poursuivi sa route et a franchi la ligne de sécurité centrale, empiétant sur la voie de circulation inverse. Peu avant le giratoire de " [...]", il est encore monté sur l'îlot central, a heurté avec l'avant gauche de sa voiture une balise réfléchissante qu'il a pliée, puis a grimpé sur le second îlot et s'est engagé à faible allure dans ledit giratoire, qu'il a franchi avant d'aller stationner son véhicule sur la rue [...]. Il est ensuite revenu à pied sur les lieux du dernier accident et a récupéré une partie des pièces de son pare-chocs qu'il avait perdues. Il est finalement rentré chez lui en dépit des dégâts occasionnés et bien qu'il devait s'attendre à un contrôle de son état physique au vu de sa consommation d'alcool avant de prendre le volant. Alertés par des témoins de la scène, les policiers se sont immédiatement rendus au domicile du prévenu et, constatant qu'il était sous l'influence de l'alcool, l'ont conduit au poste pour le soumettre à l'éthylomètre qui a révélé des taux de 2.55 grammes pour mille à 16h10 et 2.36 grammes pour mille à 16h20. Une seconde batterie de contrôles a établi des taux de 2.48 grammes pour mille à 16h45 et 2.34 grammes pour mille à 16h47. F._ a refusé la suite de la procédure, notamment la prise de sang.
b)
Le 15 juillet 2010, malgré que son permis de conduire lui avait été retiré ensuite des événements du 14 mai 2010, F._ a pris le volant d'une Renault Mégane Scénic, portant les plaques d'immatriculation VD- [...], et a effectué deux trajets en ville d'Yverdon-les-Bains. Lors du second, il a été intercepté par une patrouille de police qui a contrôlé son état physique, ce qui a révélé qu'il présentait un taux d'alcoolémie de 0.7 gramme pour mille (taux le plus favorable au moment critique). F._ a admis ces derniers faits. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP). L'appel joint doit être interjeté dans un délai de vingt jours dès la réception de la déclaration d'appel (art. 400 al. 3 CPP).
Toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation ou à la modification d’une décision a qualité pour recourir contre celle-ci (art. 382 al. 1 CPP).
Interjeté dans les forme et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de F._ suffisamment motivé au sens de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, est recevable. Il convient donc d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
3.
F._ a admis les faits s'agissant des infractions commises le 15 juillet 2010 et ne conteste pas leur qualification juridique. En revanche, s'agissant des faits survenus le 14 mai 2010, il considère que le premier juge a apprécié de manière erronée les témoignages et les pièces du dossier l'incriminant pour écarter ses dénégations constantes. L'appelant a en effet toujours contesté avoir conduit le véhicule incriminé dans l'accident, soutenant n'en avoir été que le passager.
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble
de la procédure (al. 2). La présomption d'innocence, également garantie par
les art. 14 par. 2 Pacte ONU, 6 par. 2 CEDH et 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (TF 6B_91/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2; ATF 120 Ia 31 c. 2c;
TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38, c. 2a). Un faisceau d'indices peut toutefois suffire (Piquerez/Macaluso, Procédure pénale suisse, 3
ème
éd., 2011, n. 574).
3.2
En l'occurrence, le premier juge a relevé que l'appelant avait toujours contesté avoir conduit le véhicule au moment des faits reprochés, donnant des explications qu'il a qualifiées, à raison, d'aussi fantaisistes que variables (jgt., p. 20), indiquant dans un premier temps que c'était son frère qui conduisait la voiture – alors qu'il est établi qu'il n'a pas de frère - pour revenir ensuite sur ce point en déclarant que c'était un ami dont il ignorait le nom et l'adresse qui était au volant du véhicule. Ces dénégations ont été contredites par les déclarations des trois témoins entendus en cours d'enquête et aux débats de première instance. Le témoin R._ n'a certes pas été en mesure de certifier que le prévenu était la personne au volant du véhicule lors de l'accident, notamment parce que le conducteur portait une barbe au moment des faits. Tous comme les deux autres témoins entendus en première instance, elle a toutefois confirmé qu'il n'y avait qu'un seul individu dans le véhicule. F._ a admis qu'il se trouvait dans le véhicule au moment des faits et qu'il en est sorti pour récupérer les pièces perdues lors de l'accident. Le témoin S._ a notamment confirmé que F._ portait une barbichette au moment des faits (jgt., p. 21). Les témoignages de D._, J._ et X._ permettent de confirmer la version retenue par le premier juge selon laquelle le prévenu était au volant du véhicule incriminé le 14 mai 2011 (jgt., p. 22).
Les développements que l'appelant tente pour soutenir que les déclarations des témoins ne seraient pas probantes ne sont pas pertinents. La cour de céans retient que l'appréciation des témoignages par le premier juge est adéquate, que ces témoignages sont particulièrement probants et que la culpabilité de l'appelant est indiscutable. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté. Les faits et les qualifications juridiques retenus par le premier juge doivent être intégralement confirmés.
4.
F._ fait encore grief au premier juge de lui avoir infligé une peine privative de liberté ferme de 4,5 mois, qu'il estime trop sévère au vu des faits qui lui sont reprochés. Il y voit un abus du pouvoir d'appréciation dans l'application des art. 42 et 47 CP, soutenant, en particulier, qu'un pronostic favorable peut être posé, en dépit de ses antécédents et compte tenu de son comportement qu'il estime "irréprochable" depuis les faits, ce qui justifierait d'assortir la peine du sursis.
4.1
Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier, ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Ce dernier doit exposer quels éléments il a pris en compte pour fixer la peine, de manière à ce que l'on puisse vérifier que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou aggravant. Il lui appartiendra, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, de déterminer
dans quelle mesure il y a lieu de tenir compte des divers facteurs de la peine
(JT 2010 IV 127). Le juge ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1 et les réf. citées).
Conformément à l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
4.2
En l'occurrence, le premier juge a retenu que la culpabilité de F._ est relativement lourde. Il a retenu à charge les antécédents, le concours d'infractions et le fait que l'appelant avait récidivé en cours d'enquête, ce qui démontrait le mépris qu’il avait pour la législation en matière de circulation routière. Il a également relevé le fait que l'intéressé a continué nier l’évidence, soutenant qu’il n’avait pas conduit le 14 mai 2010 (jgt., p. 25).
A décharge, la situation personnelle du prévenu au moment des faits ainsi que son trouble mental, entraînant une diminution légère de sa responsabilité, ont été pris en considération. Le premier juge a également relevé la volonté de l'appelant de s’en sortir et le fait qu’il semblait tenter de juguler son problème d’alcool, même si le suivi dont il bénéficie actuellement paraît plus lié aux exigences imposées par l’autorité administrative dans le cadre d’une restitution du permis de conduire que motivé par une réel projet d’abstinence sur le long terme (jgt., pp. 25 et 26).
La cour de céans constate que le casier judiciaire de F._ comporte trois condamnations, notamment à des peines privatives de liberté. Dans chaque cas, il s'agissait d'infractions en matière de circulation routière, dont trois conduites en état d'ébriété. Ces peines n'ont pas empêché l'appelant de récidiver y compris en cours d'enquête et de continuer, en appel, à nier obstinément avoir conduit le véhicule au moment des faits incriminés.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la quotité de la peine prononcée, à savoir 4,5 mois, ne relève ni d’un abus ni d’un excès du pouvoir d’appréciation dont jouit l’autorité de première instance, laquelle n’a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l’art. 47 CP, notamment la légère diminution de responsabilité du prévenu telle qu'attestée par les experts. Elle sera donc confirmée.
S'agissant du pronostic à poser, si l'appelant semble avoir pris conscience de son addiction et tenter de la maîtriser, on relève que cette évolution n'est cependant pas aussi favorable qu'il le soutient et qu'il continue à nier l'évidence s'agissant du fait qu'il conduisait le véhicule incriminé le 14 mai 2010. F._ a, en outre, de lourds antécédents en matière d'infraction à la LCR, n'hésitant pas à récidiver en cour d'enquête, soit moins de deux mois après s'être fait retirer son permis pour la troisième fois.
Au vu de ce qui précède, le premier juge n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en posant un pronostic défavorable, excluant ainsi d'assortir la peine du sursis. Ce grief, mal fondé, doit également être rejeté.
5.
F._ conteste la nature de la peine prononcée à son encontre.
5.1
Aux termes de l'art. 41 al. 1 CP,
le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l’exécution de la peine (art. 42) ne sont pas réunies et s’il y a lieu d’admettre que ni une peine pécuniaire ni un travail d’intérêt général ne peuvent être exécutés.
Dans la conception de la nouvelle partie générale du Code pénal, la peine pécuniaire constitue la sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière
la sécurité publique (Mazzucchelli, Strafrecht I, 2
ème
éd., Bâle 2007, n. 11 ad
art. 41 CP). Cela résulte du principe de la proportionnalité, mais également de l'intention essentielle, qui était au cœur de la révision de la partie générale du Code pénal en matière de sanction, d'éviter les courtes peines de prison ou d'arrêts, qui font obstacle à la socialisation de l'auteur, et de leur substituer d'autres sanctions (ATF 134 IV 82 c. 4.1; ATF 134 IV 60 c. 4.3).
Le choix du type de peine doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation d'une sanction déterminée, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention
(TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011 c. 3.1; ATF 134 IV 97 c. 4.2). Si, de jurisprudence constante (notamment ATF 134 IV 60 c. 5), une situation financière précaire, voire même une situation d'indigence, ne constitue pas un motif justifiant le refus d'une peine pécuniaire, des motifs de prévention spéciale permettent de considérer qu'une peine pécuniaire ou qu'un travail d'intérêt général sont inexécutables, en particulier lorsque le prévenu a démontré l'inutilité de telles peines et/ou une volonté de ne pas tenir compte des sanctions prononcées contre lui (TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011 c. 3.4).
5.2
En l'occurrence, l'appelant a été condamné à quatre reprises pour des infractions à la LCR, dont trois condamnations à des peines privatives de liberté pour conduite en état d'ébriété figurent encore au casier judiciaire. Le premier juge a relevé que ces peines n'ont pas empêché l'appelant de récidiver, y compris en cours d'enquête dans la présente cause. Dans de telles circonstances, et comme on l'a déjà vu plus haut (consid. 4.2), poser un pronostic défavorable, comme l'a fait le premier juge, n'a rien d'abusif ou d'arbitraire. Dès lors que le pronostic est défavorable, la première condition de l'art. 41 al. 1 CP est réalisée.
Au surplus, une peine pécuniaire et un travail d'intérêt général doivent être exclus pour des motifs de prévention spéciale s'agissant d'un condamné qui présente une insensibilité à toute forme de sanction et qui doit par conséquent réaliser que ses récidives sont sanctionnées par des peines privatives de liberté.
Au vu de ce qui précède, le premier juge était fondé à prononcer une courte peine privative de liberté ferme, les conditions de l'art. 41 al. 1 CP étant réalisées. Le grief, mal fondé, doit être rejeté.
6.
F._ paraît enfin reprocher au premier juge d'avoir tardé à fixer l'audience de jugement, invoquant de manière implicite une violation du principe de célérité.
6.1
Concrétisant le principe de célérité, l'art. 5 CPP impose aux autorités pénales d'engager les procédures pénales sans délai et de les mener à terme sans retard injustifié (al. 1), la procédure devant être conduite en priorité lorsqu'un prévenu est placé en détention (al. 2). Le principe de célérité impose aux autorités de mener la procédure pénale sans désemparer, dès le moment où l'accusé est informé des soupçons qui pèsent sur lui, afin de ne pas le maintenir inutilement dans les angoisses qu'elle suscite. Comme les retards dans la procédure pénale ne peuvent être guéris, le Tribunal fédéral a fait découler de la violation du principe de célérité des conséquences sur le plan de la peine. Le plus souvent, la violation de ce principe conduira ainsi à une réduction de la peine, parfois même à la renonciation à toute peine ou encore, en tant qu'ultima ratio dans des cas extrêmes, à une ordonnance de non-lieu (
TF
6S.66/2005 du 14 avril 2005 c. 3.2 et les références citées). L'autorité viole cette garantie lorsqu'elle ne rend pas une décision qu'il lui incombe
de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans le délai que la nature de l'affaire
et les circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 135 I 265 c. 4.4;
ATF 130 I 312 c. 5.1; TF 1B_219/2011, du 6 juillet 2011, c. 2.1).
Selon la jurisprudence, pour déterminer la durée du délai raisonnable, il y a lieu de se fonder sur des éléments objectifs. Doivent notamment être pris en compte le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et des autorités compétentes. L'attitude de l'intéressé s'apprécie avec moins de rigueur en procédure pénale et administrative qu'en procédure civile. Celui-ci doit néanmoins entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, notamment en incitant celle-ci à accélérer la procédure ou en recourant pour retard injustifié. Par ailleurs, on ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure. Lorsque aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut. Des périodes d'activité intense peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires. Si la durée de l’ensemble de la procédure n’apparaît prima facie pas excessive, il peut cependant arriver que le principe de célérité soit violé du fait que l’autorité est restée trop longtemps inactive pendant l’une de ses phases (Summers, in Niggli/Heer/Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2011, n. 8 ad art. 5 CPP, pp. 69 s.). A cet égard, le Tribunal fédéral n’a pas jugé excessive la durée de dix neuf mois qui a séparé la lecture orale du jugement – dans une affaire de meurtre – d’avec la reddition des motifs écrits (TF 6S.74/2007 du 6 février 2008, c. 3.2).
6.2
Dans le cas d'espèce, il ne résulte pas du procès-verbal des opérations que le premier juge aurait fait preuve d'une longue période d'inactivité durant l'une des phases de l'instruction. Les experts ont été désignés le 28 février 2011 et ils ont rendu leur rapport le 29 juillet suivant. L'appelant ne peut faire grief de ce délai, l'expertise ayant été mise en place afin d'établir sa responsabilité au moment des faits reprochés, pour fixer une peine adéquate au vu notamment de sa situation personnelle. Enfin, le 17 août 2011, le tribunal de première instance a fixé les débats au 18 janvier 2012, soit dans un délai de cinq mois.
La Cour d'appel pénale est d'avis que cette période n'est pas choquante, au regard de la jurisprudence précitée, au point qu'elle fasse admettre à elle seule une violation du principe de célérité. C
e moyen, mal fondé, ne peut qu'être rejeté.
7.
En définitive, l'appel, manifestement mal fondé, est rejeté et le jugement de première instance intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de F._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 2'350 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant, par 2'386 fr. 80, TVA et débours inclus (cf. art. 135 al. 2, 422 al. 2 let. a et art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP).
F._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant alloué à son conseil d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
84b614b4-682a-4134-b963-badd81f121a3 | En fait :
A.
Par jugement du 26 juin 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a notamment libéré Z._ du chef d’accusation de diffamation (I), dit que T._ doit lui verser la somme de 5'000 fr. à titre d’indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure (II) et mis les frais de justice à la charge de T._ (III).
B
. Le 30 juin 2015, T._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 22 juillet 2015, elle a conclu avec dépens à sa réforme, en ce sens que Z._ est reconnue coupable de diffamation et déclarée débitrice de T._ de la somme de 10'000 fr., valeur échue à titre de dépens pénaux de première instance. Elle a également conclu à la mise à la charge de la prévenue des frais de première et deuxième instances.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Z._ est née le [...] 1955 en France. Elle a effectué sa scolarité obligatoire et a obtenu son certificat de secrétariat à l’issue de son apprentissage. Elle est venue vivre en Suisse avec son mari en 1982 dans un appartement à [...], où elle vit encore. Elle a divorcé en [...]. Elle souffre d’une sclérose en plaque et bénéficie de ce fait d’une rente AI à 100% depuis 1999. Cette rente s’élève à 1'737 fr. par mois à laquelle s’ajoute également une rente mensuelle LPP de 1'056 francs. Son loyer s’élève à 1'311 fr. 90 par mois et son assurance maladie à 118 fr. après subsides. Elle n’a ni fortune, ni dettes. Sa maladie l’astreint à de régulières visites chez son médecin et elle bénéficie de l’aide d’une assistante sociale Pro Infirmis à Lausanne.
Son casier judiciaire ne comporte aucune inscription.
2.
La présente procédure s’inscrit dans un conflit de voisinage entre T._ et Z._, ensuite d’une altercation survenue entre elles le 7 novembre 2012 dans le hall de leur immeuble, sis chemin de [...], à [...]. Selon l’acte d’accusation du 3 septembre 2014, il est fait grief à Z._ d’avoir propagé des rumeurs selon lesquelles T._ l’aurait violentée – notamment en lui saisissant fortement le bras droit – lors de l’altercation susmentionnée. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et les délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de T._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves.
3.
L’appelante fait d’abord valoir que la prévenue ne devait pas être autorisée à apporter les preuves libératoires de l’art. 173 ch. 2 CP. Cette dernière n’aurait tenu les propos incriminés que dans le but de porter atteinte à la réputation de l’appelante et donc sans motif suffisant.
3.1
Selon l’art. 173 ch. 1 CP, celui qui, en s’adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l’honneur, ou de toute autre fait propre à porter atteinte à sa considération, celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon, sera sur plainte, puni d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus.
L’art. 173 ch. 2 CP dispose que l’inculpé n’encourra aucune peine s’il prouve que les allégations qu’il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu’il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies. Aux termes de l’art. 173 ch. 3 CP, l’inculpé ne sera pas admis à apporter ces preuves et sera punissable si ses allégations ont été articulées ou propagées sans égard à l’intérêt public ou sans autre motif suffisant, principalement dans le dessein de dire du mal d’autrui, notamment lorsqu’elles ont trait à la vie privée ou à la vie de famille. Le juge examine d’office si ces conditions sont remplies (TF 6B_143/2011 du 16 septembre 2011 c. 2.4.2). Il s’agit de conditions cumulatives (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 26 ad art. 173 CP).
C’est toutefois à l’auteur du comportement attentatoire à l’honneur de décider s’il veut apporter des preuves libératoires. Il s’agit en effet d’une possibilité offerte à l’accusé (TF 6B_143/2011 précité). L’auteur n’est pas punissable en vertu de l’art. 173 ch. 2 CP s’il prouve que ce qu’il a allégué, soupçonné ou propagé est vrai. La preuve porte sur les faits et peut être apportée par tout moyen de preuve admis par la loi de procédure. L’auteur peut aussi énoncer des éléments qui lui étaient inconnus lors de son allégation (ATF 124 IV 149 c. 3a ; ATF 122 IV 311, JT 1998 IV 70 ; ATF 106 IV 115 c. 2a, JT 1981 IV 104). Si l’auteur établit la vérité, il doit être acquitté (Dupuis et al., op. cit., nn. 30 ss ad art. 173 CP).
L’auteur qui avait des raisons sérieuses de croire à ce qu’il disait peut apporter la preuve de sa bonne foi. Dans ce cas-là, il faut se fonder sur les éléments dont l’auteur avait connaissance lors de son allégation et se demander s’il avait des raisons sérieuses de tenir de bonne foi pour vrai ce qu’il a affirmé. L’auteur ne peut pas prouver sa bonne foi en alléguant des moyens de preuve découverts par la suite ou des faits qui se sont produits ultérieurement (contrairement à ce qui prévaut à propos de la preuve de la vérité) (Dupuis et al., op. cit., n. 36 ad art. 173 CP).
3.2
En l’espèce, le premier juge a retenu que la prévenue avait fait la preuve de la vérité. L’une des deux conditions cumulatives de l’art. 173 ch. 3 CP pour refuser le droit à la preuve n’est donc pas réalisée, puisqu’en faisant part d’une agression avérée, la prévenue n’a pas agi sans motif suffisant, ce d’autant qu’elle avait même déposé plainte, plainte retirée par gain de paix lors d’une audience de conciliation du 6 mars 2013. Si l’appelante entend démontrer que la prévenue doit être condamnée pour diffamation, il lui appartient par conséquent de démontrer que c’est à tort que le premier juge a considéré que cette dernière avait apporté la preuve de la vérité, selon des moyens qu’elle fait d’ailleurs valoir et qui seront examinés ci-après.
L’appel doit être rejeté sur ce point.
4.
L’appelante soutient ensuite que la prévenue n’a pas apporté la preuve de ses affirmations selon lesquelles elle aurait saisi la prévenue au bras et aurait serré celui-ci fortement, lui occasionnant une lésion. Les certificats médicaux produits par la prévenue seraient insuffisants, l’origine de l’hématome étant inconnue.
4.1
La constatation des faits est incomplète au sens de l’art. 398 al. 3, let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n’ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d’administrer la preuve d’un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l’administration d’un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
4.2
A l’évidence, c’est à bon droit que le premier juge a considéré que la preuve de la vérité était apportée, car les certificats médicaux corroboraient les déclarations de la prévenue et cette appréciation des preuves doit être confirmée. On peut en outre relever, que la plainte de la prévenue ayant été retirée et l’infraction de lésions corporelles ne se poursuivant que sur plainte, elle ne disposait pas d’autre voie pour prouver ses allégations que d’apporter la preuve libératoire dans la présente procédure, la plaignante ne pouvant plus faire l’objet de poursuites pénales. Il ne pouvait donc être exigé de la prévenue de produire un jugement condamnatoire de l’appelante.
L’appel doit également être rejeté sur ce point.
5.
L’appelante fait encore valoir que la prévenue l’aurait accusée non seulement de lui avoir serré le bras, mais également de l’avoir frappée et de l’avoir injuriée. Elle se prévaut des témoignages d’E._ et de N._. La prévenue n’aurait donc, quoi qu’il en soit, pas fait la preuve de la vérité pour ces faits-là.
En l’espèce, l’acte d’accusation du 3 septembre 2014 précise qu’une altercation a éclaté le 7 novembre 2012 dans le hall de l’immeuble des parties à la suite d’un conflit de voisinage. Il précise ensuite que la prévenue a déposé plainte pour lésions corporelles contre l’appelante, lui reprochant de l’avoir saisie par le bras et d’avoir serré fortement de manière à provoquer un hématome. L’acte d’accusation relate encore que la prévenue a indiqué ultérieurement au concierge de l’immeuble que la plaignante l’avait bousculée et que la rumeur avait circulé dans le voisinage que T._ s’en était prise physiquement à Z._. L’acte d’accusation n’indique donc pas que la prévenue aurait accusé la plaignante de l’avoir frappée et insultée, de sorte que ces faits, faute de figurer dans cet acte comme étant éventuellement constitutifs de diffamation, n’ont pas à être examinés dans le cadre de la procédure.
6.
L’appelante conteste encore que l’intimée ait fait en outre la preuve de sa bonne foi en s’adressant à des tiers. Cette question n’a toutefois pas besoin d’être examinée, puisqu’il est de toute manière établi que la prévenue a fait la preuve de la vérité, la preuve de la bonne foi étant, comme on l’a vu, l’autre alternative prévue à l’art. 173 ch. 2 CP.
7.
L’appelante allègue encore que des dépens à hauteur de 10'000 fr. doivent lui être alloués et les frais de justice mis à la charge de l’intimée si cette dernière devait être condamnée pour diffamation. Cette hypothèse n’étant pas réalisée en l’espèce, il ne sera pas donné suite à cette conclusion.
8.
En définitive, l’appel de T._ doit être rejeté et le jugement du Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte du 26 juin 2015 intégralement confirmé.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, par 1'170 fr. (art. 21 al. 1 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]) doivent être mis à la charge de T._ qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
Au vu de ce qui précède, il est équitable d’allouer une indemnité de 3’000 fr. à l’intimée pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure (cf. art. 429 al. 1 let. a CPP). Les conclusions en tort moral sont irrecevables, car le jugement de première instance précise au chiffre IV de son dispositif que les autres prétentions de l’intimée sont rejetées et celle-ci n’a pas fait appel du jugement.
L’indemnité allouée à l’intimée ainsi que les frais de la présente procédure seront prélevés sur la somme de 5'000 fr. versée le 10 août 2015 par l’appelante à titre de sûretés. Le solde de 830 fr. devra lui être restitué. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
84cf6ba1-dc8f-461e-892c-50d13cde8d70 | En fait :
A.
Par jugement du 24 mai 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a constaté que C.J._ s'est rendue coupable de violation par négligence de son devoir d'assistance et d'éducation ainsi que d'enlèvement de mineur (I), l'a condamnée à une peine pécuniaire de septante-cinq jours-amende à 20 fr. le jour, sous déduction de quarante-deux jours de détention préventive subie (II), a donné acte de ses réserves civiles à B.J._ (III), a arrêté l'indemnité de Me Christian Favre, défenseur d'office, à 18'711 fr. 40 (IV), a dit que C.J._ ne sera tenue de rembourser à l'Etat de Vaud l'indemnité versée à Me Christian Favre que pour autant que sa situation financière le permette (V) et a mis les frais de la cause, par 34'388 fr. 10, à la charge de C.J._, y compris l'indemnité de défense d'office visée sous chiffre IV ci- dessus, le solde étant laissé à la charge de l'Etat.
B.
Le 25 mai 2012, C.J._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 12 octobre 2012, elle a conclu principalement à la réforme du jugement précité en ce sens qu'elle est libérée de l'infraction de violation du devoir d'assistance et d'éducation et que, pour ce qui concerne l'art. 220 CP, il est renoncé à toute peine en application de l'art. 54 CP et subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause au tribunal de première instance pour nouveaux débats et nouveau jugement. Elle a produit à l'appui de son appel un bordereau de pièces (pièce 199/2), dont la plupart figurent déjà au dossier, et a requis une nouvelle expertise psychiatrique la concernant.
Le 29 octobre 2012, le Ministère public a annoncé qu’il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière et à déclarer un appel joint.
B.J._, par sa curatrice de l'époque Me Camille Perrier, et L._, par son conseil Me Charles Joye, en ont fait de même, par courriers respectifs des 6 et 13 novembre 2012.
Par lettre du 18 décembre 2012, la Présidente de la cour de céans a rejeté la réquisition de preuve de l'appelante.
A l'audience d'appel, à laquelle B.J._ a été dispensé de comparaître, C.J._ a renouvelé sa réquisition, que la cour de céans a rejetée par décision incidente du même jour, rendue sans frais. Me Rodigari a produit un bordereau de pièces concernant la situation personnelle de sa cliente (pièce 212) et a confirmé les conclusions de sa déclaration d'appel. Me Laurence Paschoud, nouvelle curatrice de B.J._ (pièce 213), et L._, qui n'était pas assisté (pièce 209), ont chacun conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Née le 18 mai 1965 à Lowicz, en Pologne, C.J._ est l'aînée de deux enfants. Elle a vécu la majeure partie de sa vie en Suède avec sa famille, pays dont elle est ressortissante. Au terme de sa scolarité obligatoire, elle a effectué une formation d’aide infirmière. A l'issue de sa formation, elle a travaillé quelque temps en Suisse dans sa profession, puis elle est retournée en Suède pour entreprendre et achever une formation d'ébéniste, domaine dans lequel elle s’est révélée douée. Elle est ensuite revenue en Suisse pour y exercer sa nouvelle profession. A cette même époque, elle s'est mariée avec un ressortissant suisse, mais le couple, qui n'a pas eu d'enfants, a divorcé deux ans plus tard. La prévenue est restée en Suisse et a tenté de vivre de son métier d’ébéniste comme indépendante. Rencontrant des problèmes financiers liés à des difficultés d’encaissement, elle est repartie en Suède, où elle a complété sa formation par une maîtrise lui ouvrant les portes de l’enseignement, avant de revenir en Suisse et d’oeuvrer comme maîtresse socio-professionnelle auprès d’adolescents en difficulté.
La prévenue, qui affirme avoir des économies mais pas de revenus, vit actuellement dans sa maison en Suède avec son compagnon, qui assume ses dépenses. Elle a entrepris une reconversion professionnelle comme éducatrice de la petite enfance et envisage de transformer son habitation en crèche, projet pour lequel elle aurait obtenu un crédit de 200'000 fr. et qui est financé en grande partie par son ami (pièce 212/23bis).
1.2
Au début des années 2000, la prévenue a rencontré le plaignant L._, avec lequel elle s’est rapidement installée dans le canton de Genève. Elle est tombée enceinte en 2003 et a donné naissance à B.J._ le 9 août 2004, ce qui l'a semble-t-il amenée à mettre un terme à la formation qu'elle avait entreprise environ une année auparavant en vue de faire valider en Suisse sa maîtrise en ébénisterie.
En raison de difficultés dans le cadre, notamment, de l'éducation de leur enfant, le couple s'est séparé au début de l'année 2005. L._ a saisi l'autorité tutélaire genevoise afin d'obtenir un droit de visite sur son fils, exposant que la prévenue refusait de lui laisser leur enfant hors de sa présence. Par ordonnance du 11 janvier 2006, le Tribunal tutélaire de Genève a instauré un droit de visite progressif en faveur du père de B.J._ ainsi qu'une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles. Sur recours de C.J._, l'Autorité de surveillance des tutelles de Genève a, en date du 8 mars 2006, confirmé cette décision, se fondant, d'une part, sur les rapports du Service de protection de la jeunesse (ci-après : SPJ) de Genève des 19 décembre 2005 et 1
er
mars 2006 relevant l'omniprésence de la mère et, d'autre part, sur l'attitude surprotectrice et parfois intrusive de cette dernière constatée par les intervenants de la Clinique de pédiatrie durant l'hospitalisation pour observation de l'enfant du 18 janvier au 2 ou 3 février 2006 et dénoncée au Tribunal tutélaire; cette hospitalisation avait été recommandée par la pédiatre de l'époque, la Dresse [...], ensuite d'un problème pondéral sous forme de stagnation du poids de l'enfant qui, aux dires de ce médecin, entendue par le Tribunal tutélaire, inquiétait la prévenue.
Le 11 mai 2006, après avoir appris que C.J._ avait résilié son bail, la Présidente du Tribunal tutélaire de Genève l'a informée de l’ouverture d’une enquête en limitation de son autorité parentale et lui a signifié une interdiction de quitter la Suisse avec l’enfant.
La prévenue est toutefois partie avec son fils quelques jours avant l’audience et s’est installée en Suède, à proximité de la frontière norvégienne, semble-t-il, dans une maison acquise avec ses économies.
En juin 2007, L._ a obtenu, par voie de mesures provisoires, de pouvoir voir son fils un week-end par mois. Les autorités suédoises ont ensuite retiré la garde de B.J._ à la mère et placé l'enfant en institution, puis dans une famille d'accueil de mai à août 2008, date à laquelle B.J._ est arrivé en Suisse sous la garde de son père, dont le domicile avait été désigné comme lieu de résidence de l'enfant.
De retour en Suisse, ce dernier, âgé de quatre ans, présentait d'importants problèmes de comportement : il criait beaucoup, refusait toute contrainte, ne s'alimentait qu'au biberon, dormait mal et n'était pas propre.
Chargé de vérifier les conditions d'accueil de l'enfant auprès de son père sur mandat de l'Office fédéral de la justice, le SPJ vaudois a, dans son rapport du 17 juin 2008, estimé que l'accueil était possible dans les meilleurs délais et a préconisé l’instauration d’une curatelle d’assistance éducative pour assister le père dans ses démarches thérapeutiques et pour protéger l’enfant dans les relations personnelles avec la mère. Le comportement de l'enfant s'est très rapidement amélioré.
Par jugement du 6 novembre 2008, le Tribunal de première instance du Värmland (Suède) a attribué la garde exclusive de B.J._ à son père (le droit suédois ne distinguant pas droit de garde et autorité parentale) et instauré un droit de visite en faveur de la mère, à raison d'une semaine par mois, soit du premier lundi du mois jusqu'au lundi suivant, assorti de contacts téléphoniques réguliers.
2.
2.1
A la fin du mois de novembre 2008, L._ a, par e-mail, manifesté son intention d'annuler le droit de visite de C.J._ censé s'exercer dès le lundi 1
er
décembre suivant, au motif que celle-ci n'avait pas fourni de garanties suffisantes quant au bon déroulement du droit de visite.
Face au refus de L._ de lui confier l'enfant, C.J._ s'est rendue le mardi 2 décembre 2008 à [...], à la sortie de la crèche fréquentée par son fils, en s'adjoignant les services de [...], mercenaire résidant en France dont l'activité principale consiste à rechercher et rapatrier des enfants. Vers 13h30, pendant que [...], épouse de L._, qui était allée chercher B.J._ à la crèche, installait sa propre fille, âgée de trois mois, dans sa voiture et que B.J._ attendait d'être pris en charge de l'autre côté du véhicule, la prévenue, profitant de la situation, a appelé son fils, l'a pris dans ses bras et s'est enfuie en courant, avant de monter dans l'automobile de [...]. Ce dernier a aussitôt conduit l'appelante et son fils jusqu'à un embranchement autoroutier et s'est fait remettre quelques centaines d'euros comme rétribution pour sa participation. La prévenue a alors pris le volant d'un véhicule et a rejoint son ami, [...], en France, avant d'entreprendre, avec lui et son enfant, le voyage jusqu'à son domicile en Suède, voyage qu'ils ont effectué en deux jours, en partie en voiture et en partie en bateau, et au cours duquel ils se sont arrêtés à plusieurs reprises pour se ressourcer et s'amuser.
L._ a déposé plainte le 2 décembre 2008.
Le 9 décembre 2008, il est allé rechercher B.J._ en Suède, qui lui a été remis par les services sociaux de Strömstad, après que ceux-ci eurent pris contact avec la prévenue par le biais de l'Autorité centrale en matière d'enlèvement international d'enfants de l'Office fédéral de la justice.
2.2
Par ordonnance de mesures provisionnelles du 11 mars 2009, le Juge de paix du district du Gros-de-Vaud a limité l'exercice du droit de visite de C.J._ à un week-end par mois, a imposé son exercice en Suisse exclusivement et a ordonné la remise, à cette occasion, des papiers d'identité de la prénommée au plaignant.
Le 25 avril 2009, vers 10h00, L._, son épouse et leur fille se sont rendus au collège de [...] avec B.J._ pour que C.J._ puisse le prendre en charge jusqu'au lendemain à 18h00. Cette dernière avait au préalable déclaré qu'elle s'installerait à l'Hôtel [...], à [...], dans le canton de Genève, où elle avait réservé une chambre à son nom. Elle s'est donc présentée au rendez-vous en compagnie de [...], a recueilli son enfant, qu'elle a installé dans une poussette, et s'en est allée.
La prévenue ne s'est toutefois pas rendue à l'hôtel précité, mais a franchi la frontière pour s'établir à Rumilly, en France voisine, où elle avait planifié de vivre dans la clandestinité afin de ne pas se voir retirer son enfant. Elle a notamment éteint son téléphone portable pour éviter d'être localisée et n'a pas répondu aux appels de L._, qui, s'inquiétant du sort de B.J._, a porté plainte le 26 avril 2009. En outre, pour communiquer avec un cercle restreint de connaissances, elle a envoyé des courriels en utilisant plusieurs adresses Internet afin de brouiller les pistes.
Durant son séjour en France, la prévenue a privé son fils de l'autonomie dont il aurait dû bénéficier de façon croissante en fonction de son âge : elle lui a donné le biberon, l'a déplacé en poussette et l'a suralimenté, voyant dans la prise de poids une garantie absolue de bonne santé. Elle s'est en outre rendue à l'Hôpital Beauregard du Val d'Aoste, en Italie, dans le but de soumettre l'enfant à des examens médicaux destinés à confirmer le pronostic de trouble autistique posé par les médecins suédois et obtenir ainsi des certificats médicaux qu'elle envisageait d'utiliser sur le plan juridique pour démontrer que l'éducation prodiguée par le plaignant à l'enfant était inadéquate et ainsi récupérer la garde sur ce dernier. De retour en Suisse, B.J._, qui avait pris plus de deux kilos en un mois, ne savait plus manger seul et avait régressé dans son comportement.
Le 10 juin 2009, C.J._ a été interpellée par la police française dans un parc public de la ville d'Annecy. L._ s'est rendu sur place quelques heures plus tard et a pu récupérer l'enfant.
La prévenue, dont le casier judiciaire est vierge, a été détenue à titre extraditionnel du 10 juin au 2 juillet 2009, puis à titre préventif du 3 au 21 juillet 2009, soit pendant 42 jours au total.
A la suite de ces faits, la Chambre des tutelles du Tribunal cantonal vaudois, statuant sur recours contre l'ordonnance de mesures provisionnelles du Juge de paix du 11 mars 2009, a, par arrêt du 26 juin 2009, limité l'exercice du droit de visite de C.J._ dans les locaux du Point Rencontre, à raison de deux heures par mois au maximum, et a dit que le plaignant restait tenu des modalités téléphoniques prévues par le jugement suédois du 6 novembre 2008.
Par décision du 21 décembre 2009, le Länsstyrelsen Värmland a constaté que l'enquête sociale suédoise ayant abouti au retrait du droit de garde de l'appelante et à son attribution au plaignant avait été inadéquatement menée, les qualités de la mère n'ayant notamment pas été instruites. Malgré ces irrégularités, le jugement du 6 novembre 2008 précité a été confirmé par arrêt sur appel des tribunaux suédois d'août 2010.
3.
En cours d'instruction, C.J._ a été soumise à une expertise psychiatrique. Dans son rapport du 29 janvier 2010 (pièce 101), confirmé et précisé lors de son audition par le premier juge, le Dr [...], médecin associé du Secteur psychiatrique Nord, a posé le diagnostic de trouble de la personnalité de type paranoïaque, pathologie psychiatrique qu'il a qualifiée de grave, chronique et probablement en voie de péjoration. Il a précisé que le trouble se manifeste sous forme d’un caractère soupçonneux et une tendance envahissante à déformer les événements pour leur donner une coloration hostile ou méprisante, d’un sens tenace et combatif de ses propres droits, hors de proportion avec la réalité, d’une tendance à surévaluer sa propre importance se traduisant par des attitudes de perpétuelle référence à soi-même et d’une préoccupation par des explications à type de conspiration concernant les événements extérieurs. Selon l'expert, cette pathologie s’installe à la fin de l’adolescence ou au début de l’âge adulte et peut échapper, durant les premières années, à un œil profane. Le trouble altère l’organisation de la pensée comme le fonctionnement des personnes qui en sont atteintes. L’expert a estimé que l’expertisée était en proie à un tel délire probablement depuis son accouchement et a émis l’hypothèse d’une psychose post-partum qui se serait chronifiée.
Selon l'expert, chez la prénommée, ce délire organise son existence autour de deux ou trois idées interdépendantes, à savoir la malveillance de son ex-compagnon, la maladie de son fils et l’exclusivité des aptitudes à s’occuper de son fils malade, qu’elle détient. Le fait que C.J._ ne reconnaisse pas sa maladie (anosognosie) est constitutif de sa pathologie. En outre, la prénommée présente une alexithymie, soit l’incapacité à accéder à ses propres émotions et aux émotions d’autrui.
L’expert a dit imaginer que C.J._ avait dû se trouver fort empruntée face à un nourrisson dont elle ne pouvait interpréter correctement le comportement, la conduisant à projeter sur lui ses incompétences communicationnelles. C’est ce mécanisme qui serait à la base de la conviction délirante d’une maladie chez l’enfant. L’expert a encore souligné que les enlèvements (au sens commun du terme) reprochés à l’expertisée s’apparentaient à des attitudes masochiques qui anéantissent ses efforts pour récupérer la garde de son fils. Il a relevé en outre qu’il était possible que ce soit l'attitude de l’expertisée qui engendre chez l’enfant des troubles du comportement et a émis l’hypothèse que dans la représentation psychotique du monde par l’expertisée, la relation fusionnelle avec l’enfant devait lui paraître préférable à toute autre.
S'agissant de sa responsabilité pénale, l’expert a retenu une diminution moyenne de la faculté de la prénommée d’agir par rapport à son appréciation – conservée – de la situation.
Il a indiqué que le risque de récidive était élevé, la substitution de son propre système de valeurs par C.J._ empêchant que celle-ci reconnaisse toute décision de justice qui n’irait pas dans son sens. Selon lui, même si, compte tenu de l’anosognosie de l’expertisée, il n’y a pas lieu d’ordonner une quelconque mesure, il faut toutefois protéger le mineur contre le risque de récidive par un encadrement adéquat du droit de visite (lieu de rencontre neutre et présence d’un tiers pour veiller à la sécurité de l’enfant).
Entendu à l'audience du 23 mai 2012, le Dr [...], en réponse aux questions du conseil de l'appelante, a confirmé le diagnostic posé, précisant que la maladie était déjà assez active en 2004, mais que le retrait de la garde de l’enfant en 2008 avait certainement induit une péjoration de l’état de santé de C.J._. Interpellé sur la question du degré d'intention de la prénommée quant à un éventuel manquement de ses devoirs éducatifs, l’expert a expliqué que C.J._, si elle n’avait pas délibérément voulu nuire à son fils, n’avait pas moins eu conscience que certains comportements pouvaient porter préjudice à ce dernier et qu’elle avait néanmoins opté pour une autre priorité, à savoir démontrer la malveillance ou l’incompétence du père de l’enfant. Il a motivé cette appréciation par le fait que la prénommée n’était pas dénuée de sens commun ni de connaissances, notamment en lien avec son ancienne profession d’aide soignante et de maître socio-éducatif pour adolescents en difficulté. Il a encore précisé que durant les premières années de la vie de B.J._, l'expertisée ne disposait pas des ressources qui lui auraient permis de reconnaître les besoins de l’enfant, ni de reconnaître cette lacune et rechercher l’aide de tiers, mais que lorsque l'enfant avait grandi et que des tiers avaient mis l'accent sur le besoin d'une autonomie accrue de ce dernier, elle aurait pu douter au moins un peu de ses propres convictions puisqu'il restait, malgré certains avis médicaux allant dans le sens de ses idées, une toute petite place pour l'autodétermination.
4.
Enfin, le dossier comporte un certain nombre de pièces produites par les parties; on relèvera notamment :
- le certificat suédois (non daté) de l'assistante sociale [...] et du psychologue [...], qui, se rapportant au comportement de C.J._ et de B.J._ lorsque ce dernier a fréquenté l'école maternelle en fin 2006, indique que la prévenue "est conséquente dans [son] éducation et elle est une bonne mère pour B.J._" et qu'elle "le traite [de manière] approprié[e] au niveau de son développement" (pièce 199/2.3);
- le certificat médical de l'hôpital suédois de Strömstad du 18 juin 2008, confirmé par celui du même établissement du 5 septembre 2008 (pièce 199/2.7), posant le diagnostic de trouble du spectre autistique et faisant état "des difficultés évidentes" chez B.J._, difficultés auxquelles sa mère tente "aussi bien que possible" de faire face "pour aider B.J._ dans son développement (pièce 139/1.6);
- l'attestation du Dr [...] du 24 juillet 2008 décrivant la prévenue comme une mère "très soucieuse quant à la santé de son fils et à son bon développement" et "très impliquée et très concernée par les problèmes de santé physiques et psychologiques de son fils" (pièce 139/1.3);
- le certificat médical de la Dresse [...] du 17 septembre 2008 retenant une baisse de poids chez l'enfant et une croissance de sa taille qui "ne suit pas la courbe espérée" (pièce 139/1.8);
- le rapport médical de la Dresse [...] du 1
er
octobre 2008 faisant état de troubles de sommeil et de l'alimentation de B.J._, "suspects d'une origine neuropsychiatrique" (pièce 139/1.4);
- le rapport médical de ce même médecin du 24 novembre 2008 qui, se rapportant aux notes de la Dresse [...] du 9 septembre 2008, indique, en sus des troubles précités, une suspicion d'autisme et propose une prise en charge spécifique de l'enfant (pièce 139/1.5);
- le rapport médical du Prof. [...] du 3 mars 2009 attestant d'une évolution favorable de B.J._ qui doit être associée non pas à un autisme dit du développement, tel que diagnostiqué par les médecins suédois, mais à des symptômes autistiques liés à une condition environnementale particulière, avec syndrome de Münchhausen by proxy (pièces 143/1B et 182/2);
- le certificat médical de la Dresse [...] du 10 août 2009 évoquant un trouble autistique avec un niveau cognitif dans la norme et des retards du langage (pièce 139/1.7);
- le rapport de ce même médecin du 22 décembre 2009 (pièce 178, annexe) faisant état d'un trouble du développement, sans toutefois le qualifier de trouble autistique;
- le certificat médical de la Dresse [...] du 12 mai 2011 qualifiant la prévenue de mère en parfaite santé et soucieuse du bien-être de son enfant (pièce 139/1.2);
- le rapport médical du Dr [...] du 20 septembre 2011 faisant état de symptômes pseudo-autistiques chez l'enfant, d'un très probable syndrôme de Münchhausen by Proxy, lié par définition à la relation de la mère avec son fils, et du progrès rapide de ce dernier tant au niveau du langage que sur le plan relationnel (pièce 143/1D);
- le rapport d'évaluation (non daté) de la psychologue [...] fondé sur des examens effectués les 20 octobre et 17 novembre 2011 et concluant à un trouble de l'attachement plutôt qu'un trouble d'ordre autistique (pièce 174/1);
- les divers témoignages des voisins et connaissances de C.J._ la décrivant notamment comme "la meilleurs maman que B.J._ puisse avoir", "aimante et pleine de sollicitude pour son enfant", "très à l'écoute" de ce dernier et qui fait "un travail formidable" (pièces 139/1.10, 178 [annexes], 199/2.13 à 199/2.19).
5.
Le premier juge a reconnu C.J._ coupable de violation par négligence de son devoir d'assistance ou d'éducation au sens de l'art. 219 al. 2 CP en relation avec les événements survenus en décembre 2008, à l'occasion de l'exercice de son droit de visite, et en raison de l'enlèvement de l'enfant au printemps 2009. L'infraction d'enlèvement de mineur réprimée par l'art. 220 CP n'a été retenue qu'en ce qui concerne les faits de 2009. Le tribunal a relevé que les conditions d'application de cette disposition n'étaient pas réalisées s'agissant des événements de décembre 2008, parce que l'intéressée, même si elle avait fui avec son fils en Suède, avait respecté les modalités d'exercice du droit de visite imposées dans le jugement suédois du 6 novembre 2008, l'enfant ayant pu être restitué dans le délai fixé par ce jugement; il a ajouté que le plaignant n'était pas fondé à se prévaloir de la violation des droits que lui confère la garde de B.J._ puisqu'il avait lui-même violé de façon répétée le droit de visite accordé à la prévenue.
6.
A l'audience d'appel, le père a indiqué que désormais B.J._ fréquente une école spécialisée. Il est en 2
ème
primaire et paraît bien progresser. Sa mère, qui a confirmé que son fils allait mieux, a admis qu'elle était soulagée de savoir qu'il était chez son père et sa belle-mère (p. 6 ci-avant). | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les forme et délai légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
C.J._ invoque une constatation incomplète ou erronée des faits au sens de l'art. 398 al. 3 let. a CPP et soutient que le tribunal a mal apprécié les preuves en faisant abstraction des divers éléments et témoignages qui lui sont favorables.
3.1
Selon l'art. 10 CPP, le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
L’appréciation des preuves est l’acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. L’appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin, même prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens qu’à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Jean-Marc Verniory, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP et les références jurisprudentielles citées).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
3.2.1
C.J._ reproche tout d'abord au premier juge de n'avoir pas tenu compte du fait que l'enquête sociale menée par les autorités suédoises dans le cadre de la procédure ayant abouti au retrait de son droit de garde avait violé ses droits de la personnalité.
En page 34 du jugement entrepris, le tribunal, se référant à ladite procédure suédoise, a relevé que "selon C.J._, l'assistante sociale en charge de l'enquête aurait commis des erreurs, se rendant même coupable de violations d'ordre déontologique". Or, l'usage du conditionnel par le premier juge est inadéquat, dès lors qu'il ressort clairement de la pièce 161/1, produite par l'appelante le 21 novembre 2011, soit bien avant la décision attaquée (cf. ég. pièce 178, annexe), que des irrégularités ont effectivement été commises par les autorités suédoises dans l'instruction de l'enquête sociale concernant l'appelante, irrégularités constatées par le Länsstyrelsen Värmland dans sa décision du 21 décembre 2009. Il convient dès lors de compléter l'état de fait du jugement en retenant que l'enquête sociale suédoise n'a pas été adéquatement menée, les qualités de la prévenue n'ayant notamment pas été instruites. Toutefois, on insistera, avec le premier juge (jugt, p. 34), sur le fait que malgré ces irrégularités, les tribunaux suédois ont, par arrêt d'août 2010, confirmé le retrait du droit de garde de la mère, ce qui rend sans pertinence l'argument soulevé. Autre est la question, soulevée par l'appelante, de savoir si et dans quelle mesure le constat des autorités suédoises relatif aux erreurs commises lors de l'enquête sociale "aurait dû être soumis à l'expert psychiatre" afin que ce dernier en tienne compte dans son rapport (appel, ch. 4, p. 5); cette question sera examinée ci-dessous (cons. 4.2, pp. 29 et 30).
3.2.2
S'agissant de la privation d'autonomie et/ou de la suralimentation de l'enfant, retenue par le premier juge à l'encontre de l'appelante en relation avec l'exercice de son droit de visite en décembre 2008 puis l'enlèvement de 2009 (jugt, p. 49), cette dernière reproche au tribunal d'avoir écarté tous les certificats et témoignages la décrivant comme une mère aimante, attentive et adéquate.
Le premier juge a en effet retenu les faits litigieux sans jamais faire référence aux éléments favorables à la prévenue. Or, on ne saurait simplement ignorer les certificats et attestations de trois médecins et de deux intervenants sociaux décrivant C.J._ comme "une bonne mère pour B.J._", "très soucieuse quant à la santé de son fils et à son bon développement" (pièces 139/1.2 et 139/1.3), qui traite son enfant de manière "approprié[e] au niveau de son développement" (pièce 199/2.3) et faisant face "aussi bien que possible" aux "besoins spéciaux de ce dernier" (pièce 139/1.6). A cela s'ajoutent les témoignages, allant dans le même sens, des voisins et connaissances de la prévenue (pièces 139/1.10, 178 [annexes] et 199/2.13 à 199/2.19).
Il faut donc également compléter l'état de fait par ces déclarations, dans la mesure où elles contiennent des avis sur les capacités et compétences de l'intéressée dans l'éducation de son fils (cons. 4, pp. 20 à 22 ci-avant).
Cela étant, les témoignages positifs précités sont largement contrebalancés par les avis de spécialistes qui ont vu l'enfant et la mère et qui ont pu constater l'attitude intrusive et surprotectrice de cette dernière. Il suffit de se référer à cet égard aux rapports du SPJ de Genève des 19 décembre 2005 et 1
er
mars 2006 relevant l'omniprésence de la prévenue et à celui des intervenants de la Clinique de pédiatrie ensuite de l'hospitalisation pour observation de l'enfant en début 2006, qui ont décrit le lien entre la mère et son enfant comme une "relation fusionnelle" et ont indiqué que les troubles d'alimentation et de sommeil de B.J._ n'étaient pas de nature organique mais étaient vraisemblablement liés au comportement de la prévenue, comportement qui a ensuite été dénoncé au Tribunal tutélaire (pièces 57 et 58). D'ailleurs, le même certificat suédois auquel se réfère l'appelante (pièce 199/2.3), tout en relevant que celle-ci est "une bonne mère", qualifie l'attachement entre elle et son fils d'"infectieux" et décrit ce dernier comme un enfant "qui s'isole de l'environnement" et qui vit dans "sa bulle", toujours à la recherche du contact avec sa mère.
3.2.3
C.J._ soutient encore que le tribunal a retenu à tort qu'à l'occasion de l'exercice de son droit de visite en 2008, elle avait fait le voyage jusqu'en Suède "d'une traite".
Ce grief est fondé. En effet, on ignore sur quelle base le premier juge a retenu cet élément (jugt, p. 49). L'intéressée a expliqué en cours d'enquête qu'elle s'était arrêtée à plusieurs reprises pendant le voyage pour se ressourcer et s'amuser avec son fils (PV aud. 4, lignes 51 à 54), ce qu'elle a confirmé à l'audience d'appel, ajoutant qu'elle était accompagnée de son ami et que ce dernier avait conduit pendant une bonne partie du trajet (p. 5 ci-avant). Faute d'éléments contraires, on tiendra pour avérées les déclarations de la prévenue sur ce point. Il y a donc lieu de rectifier l'état de fait dans ce sens.
3.2.4
Enfin, l'appelante se plaint de ce que le tribunal a fait abstraction des nombreux certificats médicaux attestant l'existence de troubles chez B.J._.
Elle a raison, dans la mesure où le premier juge s'est référé uniquement aux rapports médicaux du Prof. [...] du 3 mars 2009 (pièce 143/1B) et du Dr [...] du 20 septembre 2011 (pièce 143/1D), dont il a résumé le contenu en page 50 du jugement entrepris. Il convient donc de compléter l'état de fait par les divers autres certificats et rapports médicaux au dossier se rapportant à l'état de santé de B.J._ (pièces 139/1.4 à 139/1.8, 174/1, 178 [annexe : rapport de la Dresse [...] du 22 décembre 2009] et 199/2.7; cf. cons. 4, pp. 20 à 22 ci-avant).
Cela étant, contrairement à ce que fait valoir la prévenue, le tribunal n'a pas retenu qu'elle "délirait" au sujet des troubles rencontrés par son enfant (appel, ch. 13, p. 15), laissant supposer qu'elle aurait tout inventé, mais il a simplement relevé que sa thèse "selon laquelle son fils B.J._ serait atteint d'un trouble du spectre autistique (...) est peu vraisemblable, au vu de l'évolution de l'enfant" (jugt, p. 50). La constatation du tribunal n'est pas critiquable. En effet, si les rapports médicaux suédois ont posé le diagnostic "fini" de "trouble du spectre autistique" (pièce 139/1.6) ou "syndrome autistique" (pièce 199/2.7), ce diagnostic a ensuite été nuancé par tous les autres spécialistes, qui ont fait état de "troubles de sommeil et de l'alimentation de B.J._" et d'une "suspicion d'autisme" (pièces 139/1.4 et 139/1.5), sans toutefois jamais confirmer le diagnostic suédois; c'est le cas également de la Dresse [...], qui, dans son rapport du 22 décembre 2009 (pièce 178, annexe), est revenue sur son certificat médical du 10 août 2009 invoqué par l'appelante (pièce 139/1.7), en précisant qu'un diagnostic ne pouvait, en l'état, pas être posé. Enfin, les derniers documents médicaux, soit le certificat du Dr [...], pédopsychiatre, du 20 septembre 2011 (pièce 143/1D) et celui (non daté) de la psychologue [...], du cabinet de ce même médecin, vont jusqu'à marquer un recul par rapport aux précédents documents au dossier, en relevant que le progrès rapide de l'enfant et son "potentiel de rattrapage cognitif et surtout émotionnel" permettaient de croire qu'il y avait un trouble de l'attachement plutôt qu'un trouble du développement, comme cela avait d'ailleurs déjà été évoqué par le Prof. [...] (pièce 143/1B). Il n'en demeure pas moins que des troubles autistiques ont été suspectés par certains médecins, comme on vient de le voir; il n'y a donc pas lieu de dire ou sous-entendre que l'enfant allait bien et que tous les examens médicaux étaient injustifiés.
3.2.5
Dans le même moyen, C.J._ fait valoir que les infractions qui lui sont reprochées n'ont pas été établies à satisfaction de droit, dans la mesure où on ignore sur quels éléments factuels se fonde l'appréciation juridique du tribunal. Ces critiques émises par l'appelante seront examinées ci-dessous (cons. 6), en relation avec les griefs relatifs à l'application du droit matériel qu'elle formule également.
4.
La prévenue s'en prend à l'expertise psychiatrique (pièce 101). En cours d'instruction, elle a déposé, respectivement les 9 et 15 février 2010, une demande de complément d'expertise et une requête de seconde expertise (pièces 108 et 109), qui ont été rejetées par ordonnance du Juge d'instruction du 9 juin 2010, confirmée par arrêt du Tribunal d'accusation du 19 juillet 2010. Le 8 août 2011, elle déposé une requête de nouvelle expertise, que la Présidente du tribunal de police a rejetée par prononcé du 2 septembre 2011. Dans son appel, elle a derechef requis la mise en œuvre d'une nouvelle expertise. Aux débats d'appel, elle a renouvelé sa réquisition, que la cour de céans a rejetée par décision incidente du même jour.
4.1
Selon l'art. 189 CPP, une nouvelle expertise doit être ordonnée si l'expertise est incomplète ou peu claire (let. a), si plusieurs experts divergent notablement dans leurs conclusions (let. b) ou si l'exactitude de l'expertise est mise en doute (let. c).
4.2
C.J._ prétend que l'expert a tenu pour avérés des faits qui ne l'étaient pas, voire même qui ont été démentis dans la décision entreprise.
Ce grief tombe à faux. De manière générale, les faits qui figurent dans une expertise psychiatrique ressortent du dossier de la cause, des déclarations des parties et en particulier de l'expertisé, autant d'éléments sur lesquels l'expert s'est fondé en l'occurrence. Les faits ainsi relatés ne peuvent à l'évidence coïncider avec l'état de fait du jugement qui résulte de l'administration des preuves. Qu'il y ait des différences entre les deux n'est pas significatif.
En outre, les divergences alléguées en l'espèce ne sont pas déterminantes et n'ont aucune incidence sur le résultat de l'expertise psychiatrique.
L'expert s'est longuement exprimé en audience sur les reproches qui lui sont adressés en relation avec l'anamnèse (jugt, pp. 9 ss). Il a expliqué que l'expression "grande vacuité", utilisée pour décrire la plupart des certificats médicaux produits par l'expertisée (pièce 101, p. 11, par. 3), devait se comprendre en ce sens que ces documents ne pesaient pas lourd par rapport au résultat de l'investigation menée par les autorités suédoises ayant abouti à l'attribution de la garde de l'enfant à son père; cette appréciation est correcte, dans la mesure où le jugement du 6 novembre 2008 a été confirmé par arrêt sur appel des tribunaux suédois. Il en va de même de l'appréciation sur l'environnement socioprofessionnel de l'intéressée émise par l'expert; si celui-ci a parlé de "désinsertion professionnelle", de "renoncement progressif à toute vie affective", de "vie d'errance" et d'"appauvrissement pécuniaire" (pièce 101, p. 14), c'est sur la base des éléments de l'époque figurant au dossier et des informations communiquées par l'appelante, qui est restée très évasive sur sa vie; d'ailleurs, ce n'est que lors de l'examen de sa situation personnelle par le premier juge que la prévenue, se référant à des pièces produites postérieurement au rapport d'expertise, a fait clairement état de son intention d'ouvrir une crèche et du fait qu'elle vivait en concubinage (jugt, p. 27).
Contrairement à ce que soutient l'appelante, qui cite
pro parte
l'expert (appel, p. 31
in fine
), celui-ci n'a pas prétendu que B.J._ n'avait aucun trouble ni n'a remis en cause la nécessité d'une prise en charge adaptée de l'enfant, mais il a uniquement affirmé que l'expertisée croyait être le seul remède aux difficultés de son fils. Cela étant, l'intéressée tronque la fin de la phrase de l'expert (il s'agit de la phrase "dont elle seule a la maîtrise" figurant en page 7, première ligne, de l'expertise) et prive sa conclusion de son véritable sens. La prévenue fait aussi grief à l'expert d'avoir émis un diagnostic sur l'enfant (appel, p. 34); elle a tort, puisque l'expert a précisément refusé de le faire, se limitant à relever les différents diagnostics émis par les divers médecins.
Par ailleurs, reprocher à l'expert de parler d'enlèvement est spécieux, car celui-ci n'emploie pas ce terme dans son sens juridique, ce qu'il précise d'ailleurs dans son rapport.
Reprocher ensuite à un psychiatre d'émettre des hypothèses (appel, p. 33), c'est méconnaître ce qu'est une expertise psychiatrique.
Enfin, on ne saurait faire grief (appel, pp. 5 et 33
in fine
) à l'expert de n'avoir pas tenu compte de la violation des droits de l'appelante constatée dans l'enquête sociale ayant abouti au premier jugement suédois, confirmé par la suite, dès lors que, comme il l'a expliqué à l'audience du 23 mai 2012 (jugt, p. 15), "le dossier en [sa] possession ne [lui] donnait pas d'argument en faveur d'un vice de cette procédure suédoise". L'intéressée est d'ailleurs mal venue de s'en plaindre, puisqu'il ressort du dossier qu'elle n'a produit la décision du 21 décembre 2009 du Länsstyrelsen Värmland faisant état de ces irrégularités que le 21 novembre 2011 (pièce 161/1), soit après le dépôt du rapport d'expertise. Au demeurant, le fait que l'enquête suédoise soit entachée d'erreurs n'a, contrairement à ce que fait valoir la prévenue, aucun influence sur la validité de l'expertise. Cela explique le sentiment d'injustice ressenti par C.J._, mais cela ne signifie pas qu'elle n'est pas atteinte de troubles paranoïaques. La prénommée soutient à tort que sa méfiance vis-à-vis des institutions étatiques s'explique aisément eu égard aux erreurs commises dans la procédure suédoise (appel, p. 5, par. 1, et p. 6, par. 1), dans la mesure où, comme l'a clairement mis en évidence l'expert, les troubles délirants dont elle est atteinte sont indépendants de cette procédure, étant apparus en 2004 (jugt, p. 11
in fine
).
4.3
Selon la jurisprudence, le juge apprécie en principe librement une expertise et n'est pas lié par les conclusions de l'expert (TF 6B_354/2012 du 2 novembre 2012 c. 1.2 et les références citées). Il est libre d'appliquer l'art. 19 CP, même si cela contredit l'avis de l'expert, ou de ne pas appliquer cette disposition alors que celui-ci la considère comme indiquée (ATF 136 IV 55 c. 5.6). Le juge peut s'écarter de l'expertise lorsqu'elle contient des contradictions ou si sur des points importants, une détermination de son auteur vient la contredire; il doit alors motiver sa décision (Dupuis et al., Petit Commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 16 ad art. 20 CP et les références citées).
En l'occurrence, il n'y a aucun motif de s'écarter de l'expertise qui conclut que C.J._ a une pleine capacité à apprécier le caractère illicite de ses actes, malgré son trouble, mais que la capacité de se déterminer d'après cette appréciation est moyennement diminuée (pièce 101, p. 15).
Le moyen, mal fondé, doit donc être rejeté.
5.
C.J._ soutient, en droit, que les tribunaux suisses ne sont pas compétents, dès lors que les faits se sont déroulés en Suède et en France.
5.1
Selon le principe de territorialité prévu à l'art. 3 al. 1 CP, le Code pénal suisse est applicable à quiconque commet un crime ou un délit en Suisse. L'art. 8 CP dispose qu'un crime ou un délit est réputé commis tant au lieu où l'auteur a agi ou aurait dû agir qu'au lieu où le résultat s'est produit.
5.2
S'agissant de l'infraction d'enlèvement de mineur (art. 220 CP), le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser, dans le cas d'un père qui avait légitimement emmené son enfant à l'étranger, mais ne l'avait pas restitué à sa mère en Suisse, que le refus de remettre un mineur au titulaire de l'autorité parentale constitue un délit d'omission réalisé, en vertu de l'art. 8 al. 1 CP, au lieu où l'auteur aurait dû ramener l'enfant (ATF 125 IV 14, JT 2000 IV 29).
En l'espèce, la compétence des tribunaux suisses est acquise puisque, concernant les faits survenus au printemps 2009, il est admis qu'alors que le Juge de paix avait imposé l'exercice de son droit de visite en Suisse exclusivement, la prévenue a emmené l'enfant en France et ne l'a pas remis à son père, titulaire de l'autorité parentale, au terme de son droit de visite.
5.3
L'art. 219 CP réprime une mise en danger concrète du développement physique et psychique de l'enfant, aucune lésion n'étant exigée. Il s'agit d'une infraction de résultat et il doit exister un rapport de causalité entre la violation du devoir et la mise en danger du développement du mineur (Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. I, Berne 2010, n. 1 et et ad art. 219 CP).
On peut s'inspirer, en l'espèce, de la jurisprudence récente rendue en application de l'art. 8 CP (TF 6B_178/2011 du 20 juin 2011 c. 3.1.2 et les références citées), selon laquelle en présence de plusieurs infractions, il convient d'examiner pour chacune d'elles si l'auteur a agi ou si le résultat s'est produit en Suisse. Cette solution s'impose lorsque les infractions sont distinctes. En revanche, lorsque des actes reprochés à une personne ne sont pas isolés et indépendants les uns des autres, mais sont de même nature et ont été commis au détriment de la même victime, ils doivent être appréhendés comme formant une entité. C'est en considération de cette entité qu'il y a alors lieu d'examiner s'il existe un lien suffisant avec la Suisse.
En l'occurrence, le tribunal a retenu que la mise en danger de B.J._ était liée à la fuite de la mère avec son fils à l'occasion de l'exercice de son droit de visite en décembre 2008 et lors de l'enlèvement de l'enfant au printemps 2009. Or, ces actes sont à considérer comme un ensemble, dans la mesure où se pose la question de savoir s'ils sont constitutifs de mauvais traitements et tombent sous le coup de l'art. 219 CP, ce qui suffit pour créer le lieu de résultat de l'infraction en Suisse. Par ailleurs, compte tenu du rattachement clair de l'infraction de l'art. 220 CP avec la Suisse, comme on vient de le voir (cons. 5.2 ci-avant), la compétence des tribunaux suisses est établie pour ce motif également.
6.
L'appelante, qui ne remet pas en cause sa condamnation pour enlèvement de mineur au sens de l'art. 220 CP en relation avec les faits survenus en avril 2009, conteste en revanche avoir violé son devoir d'assistance ou d'éducation au sens de l'art. 219 CP. Selon elle, ni les conditions objectives, ni les conditions subjectives de cette disposition ne seraient réalisées.
6.1
Selon l'art. 219 CP, celui qui aura violé son devoir d'assistance ou d'élever une personne mineure dont il aura ainsi mis en danger le développement physique ou psychique, ou qui aura manqué à ce devoir, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 1). S'il a agi par négligence, la peine pourra être une amende a lieu d'une peine privative de liberté ou d'une peine pécuniaire (al. 2).
Cette disposition protège le développement physique et psychique du mineur, soit d'une personne âgée de moins de 18 ans (ATF 126 IV 136 c. 1b; ATF 125 IV 64 c. 1a).
Pour que l'art. 219 CP soit applicable, il faut d'abord que l'auteur ait eu envers une personne mineure un devoir d'assistance, c'est-à-dire d'assurer le développement – sur le plan corporel, spirituel et psychique – du mineur. Ce devoir et, partant, la position de garant de l'auteur peut résulter de la loi, d'une décision de l'autorité ou d'un contrat, voire d'une situation de fait. Revêtent notamment une position de garant les parents naturels ou adoptifs, le tuteur, le maître d'école, etc. (ATF 125 IV 64 c. 1a).
Il faut ensuite que l'auteur ait violé son devoir d'assistance ou d'éducation ou qu'il ait manqué à ce devoir. Le comportement délictueux peut donc consister en une action ou une omission. Dans le premier cas, l'auteur viole positivement son devoir, par exemple en maltraitant le mineur ou en l'exploitant par un travail excessif ou épuisant. Dans le second, il manque passivement à son obligation, par exemple en abandonnant l'enfant, en négligeant de lui donner des soins ou l'éducation nécessaire ou encore en ne prenant pas, face à un danger, les mesures de sécurité qui s'imposent (ATF 125 IV 64 c. 1a).
Il faut encore, sur le plan objectif, que la violation du devoir d'assistance ou d'éducation ou le manquement à ce devoir ait eu pour effet de mettre en danger le développement physique ou psychique du mineur. L'infraction réprimée par l'art.
219 CP est un délit de mise en danger concrète. Il n'est donc pas nécessaire que le comportement de l'auteur aboutisse à un résultat, c'est-à-dire à une atteinte au développement physique ou psychique du mineur. La simple possibilité d'une atteinte ne suffit cependant pas. Il faut que cette atteinte apparaisse à tout le moins vraisemblable dans le cas concret (ATF 126 IV 136 c. 1b; ATF 125 IV 64 c. 1a). A titre d'exemple d'une mise en danger concrète du développement psychique d'un mineur, la doctrine mentionne notamment le fait d'empêcher un mineur de fréquenter l'école (Laurent Moreillon, Quelques réflexions sur la violation du devoir d'assistance ou d'éducation [article 219 nouveau CP], in: Revue pénale suisse 1998 pp. 431 ss,
p. 438).
Du point de vue subjectif, l'auteur peut avoir agi intentionnellement, auquel cas le dol éventuel suffit (ATF 125 IV 64 c. 1a), ou par négligence
(art. 219 al. 2 CP). Dans cette dernière hypothèse, le juge a la faculté, mais non l'obligation, de prononcer une amende au lieu d'une peine privative de liberté ou d'une peine pécuniaire. Pour déterminer laquelle de ces sanctions doit être prononcée, la gravité de la faute commise est le critère essentiel à prendre en considération (ATF 125 IV 64 c. 2).
6.2
En l'espèce, il convient de déterminer si, sur la base de l'état de fait retenu par la Cour de céans tel que complété et rectifié ci-avant (cons. 3.2, pp. 24 ss), C.J._ a violé son devoir d'assistance ou d'éducation.
6.2.1
En sa qualité de mère de l'enfant, âgé de 4 ans et demi et donc mineur au moment des faits, et titulaire du droit de visite, C.J._ avait incontestablement, de par la loi, une position de garante envers son fils. La première condition objective de l'art. 219 CP est donc réalisée.
6.2.2
Le premier juge a reconnu C.J._ coupable de violation du devoir d'assistance ou d'éducation au sens de l'art. 219 CP en relation avec les événements survenus en 2008, à l'occasion de l'exercice de son droit de visite, et en raison de l'enlèvement de l'enfant au printemps 2009.
6.2.2.1
S'agissant du premier épisode de décembre 2008, à l'évidence réactionnel au jugement suédois du 6 novembre 2008, l'appelante fait valoir qu'aucun élément ne permet de retenir que le trajet en voiture jusqu'en Suède aurait constitué, d'une quelconque manière, une violation du devoir d'assistance ou d'éducation. C'est exact. En effet, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal et comme on l'a vu ci-dessus (cons. 3.2.3, p. 26), le voyage jusqu'en Suède ne s'est pas fait "d'une traite" (jugt, p. 49). Cependant, ce n'est pas tant la longueur du trajet en soi qui est déterminant que le contexte dans lequel il a eu lieu. On se référera sur ce point au rapport médical de la Dresse [...] du 24 novembre 2008, établi à la demande de l'intéressée (pièce 139/1.5). Ce rapport indique que l'aggravation des troubles chez B.J._ était liée à "un changement de milieu brusque", faisant vraisemblablement référence au retour de l'enfant en Suisse quelques semaines auparavant, après son séjour en Suède pendant plus d'un an et demi. Or, quelques jours après l'établissement de ce document, C.J._ a pris son fils et l'a emmené en Suède, modifiant son cadre de vie de manière brutale.
La Dresse [...], qui affirme se fonder sur les notes manuscrites de la Dresse [...] du 9 septembre 2008, relève que l'enfant avait "impérativement besoin de se trouver dans un milieu stable et connu avec sa personne de référence qui est sa mère" et qu'il était "nécessaire de débuter dans les plus brefs délais" la prise en charge de B.J._ mise en place par les pédopsychiatres suédois et adaptée à son problème. Toutefois, la Dresse [...] a indiqué qu'elle contestait la teneur de ce rapport et que les données anamnestiques de son dossier médical avaient été déformées (cf. sur ce point l'arrêt de la Chambre des Tutelles du 16 décembre 2009, partie "en fait", let. A, p. 5). Ensuite, le rapport en question ne tient nullement compte du fait que le jugement suédois du 6 novembre 2008 avait attribué la garde exclusive de B.J._ à son père et qu'il prévoyait expressément que les dispositions relatives à la garde s'appliquaient "immédiatement même si le jugement n'a[vait] pas encore pu entrer en vigueur" (pièce 5). En outre, il ressort du rapport médical du 3 mars 2009 du Prof. [...], médecin chef de l'unité de neuropédiatrie du CHUV qui, au contraire de la Dresse [...], avait préalablement examiné l'enfant, que malgré ses "problèmes de comportement importants" constatés dès son retour en Suisse, l'enfant avait fait "assez rapidement", soit "au fil des mois", de grands progrès (pièce 143/1B). Si ces progrès n'étaient à l'évidence pas visibles lors de la consultation de l'enfant par la Dresse [...] au début septembre 2008, les indications fournies par le Prof. [...] permettent de retenir qu'ils l'étaient au moment des faits litigieux. C'est donc un enfant qui évoluait favorablement tant sur le plan physique que psychique que C.J._ a décidé de soustraire à son environnement.
Il importe peu à cet égard que la prévenue ait respecté les modalités d'exercice de son droit de visite fixées dans le jugement suédois précité, qui ne posait aucune condition concernant le lieu de séjour de l'enfant, dès lors que le bien juridique protégé par l'art. 219 CP n'est pas l'exercice des droits et devoirs conféré au titulaire de l'autorité parentale, ce qui est le cas pour l'art. 220 CP, mais le développement physique et psychique de l'enfant. Dans le souci d'être complet sur ce point, on relèvera que si B.J._ a été restitué à son père dans le délai imparti, excluant ainsi l'application de l'art. 220 CP (jugt, p. 45
in initio
), cela n'a toutefois été possible qu'avec l'intervention des services sociaux suédois et l'Autorité centrale en matière d'enlèvement international d'enfants de l'Office fédéral de la justice; les explications – peu crédibles – que l'appelante a données à l'audience d'appel (p. 5 ci-avant) selon lesquelles elle pensait que L._ enverrait les papiers d'identité de B.J._ en Suède pour que ce dernier puisse rentrer en avion ou qu'il irait chercher l'enfant directement en Suède laissent la cour de céans songeuse quant à la véritable intention de la prévenue lors de l'exercice de son droit de visite, d'autant plus que cette dernière a elle-même admis, lors de son audition par le Juge de paix le 11 mars 2009, qu'elle n'aurait pas dû quitter la Suisse sans l'accord du père et sans la carte d'identité de l'enfant (pièce 60, p. 5
in medio
). Ces éléments, s'ils ne sont pas constitutifs d'une infraction pénale, permettent néanmoins de mieux comprendre le contexte de fuite dans lequel l'intéressée a agi.
6.2.2.2
En ce qui concerne le second épisode survenu au printemps 2009, force est de constater que malgré les progrès évidents qu'avait faits B.J._ depuis son retour en Suisse en août 2008 (pièce 143/1B), confirmés par la garderie fréquentée par l'enfant dans son bilan du 24 avril 2009 (pièce 61), qui parle de "progrès considérables (...) ces derniers mois", C.J._ a derechef décidé d'enlever son fils à son environnement, afin de lui faire subir différents examens médicaux et ainsi "démontrer qu'il (ndlr : B.J._) était négligé par son père" (PV aud. 4, ligne 59; cf. ég. PV aud. 6, R. 3).
A cela s'ajoute le comportement inadéquat que C.J._ a eu à l'égard de B.J._ pendant leur séjour en France. Interrogé juste après le retour de l'enfant en Suisse en juin 2009, le témoin [...], qui a affirmé avoir vu l'appelante et son fils régulièrement pendant qu'ils étaient en France, a expliqué que la prévenue promenait B.J._ en poussette, que ce dernier buvait au biberon et qu'elle lui donnait constamment à manger "n'importe quoi, soit des frites, des hamburgers, des sucreries" (PV aud. 3, p. 4). Or, on ne voit pas pourquoi le témoin aurait menti, comme le soutient l'appelante (appel, ch. 8, p. 8); celle-ci a d'ailleurs spontanément admis, lors de son audition du 8 juillet 2009, que [...] et elle étaient restés amis (PV aud. 5, R. 9). L'épouse du plaignant a également déclaré à l'audience de première instance (jugt, p. 6) que lorsque l'appelante avait recueilli son fils, le 25 avril 2009, elle l'avait immédiatement installé dans une poussette. Ces témoignages contredisent les explications – peu claires – de la prévenue sur ce point, celle-ci ayant affirmé dans un premier temps qu'elle utilisait la poussette "comme accessoire servant à transporter du matériel plutôt que pour transporter B.J._" (jugt, p. 27), avant de préciser qu'elle s'en servait pour véhiculer son fils, ses jouets et le pic-nic "notamment en fin de journée quand il était fatigué", pour des raisons de commodité (p. 5 ci-avant).
Les problèmes de poids et d'alimentation de l'enfant sont également attestés et rendent d'autant plus crédibles les déclarations du témoin [...]. En effet, il ressort d'une annexe (non numérotée et non datée) à la pièce 178, produite par l'appelante, que l'enfant, alors qu'il était avec sa mère en France, a pris deux kilos en un mois, dont un au cours de la première semaine. Une telle prise de poids en un laps de temps si court – inhabituelle et inquiétante pour un enfant de moins de cinq ans – vient appuyer l'explication dudit témoin quant aux habitudes alimentaires de B.J._ durant son séjour en France et corrobore l'appréciation du Juge d'instruction dans son ordonnance de renvoi du 10 novembre 2010 selon laquelle la prévenue voyait dans la prise de poids de son fils une garantie absolue de bonne santé. L'indication de la Dresse [...] du 17 septembre 2008 (pièce 139/1.8) selon laquelle le "manque de croissance" constaté chez l'enfant "coïncide avec le fait qu'on l'a séparé de sa mère" n'a pu que conforter cette dernière dans sa conduite. Or, cette constatation est non seulement approximative, puisqu'elle se fonde sur des précédentes analyses et des données transmises par l'appelante qui ne sont pas toutes documentées, mais elle est également inexacte. Il suffit à ce sujet de lire le rapport précité du Prof. [...] faisant état d'un poids et d'une croissance chez B.J._ normaux (pièce 143/1B, p. 1
in fine
: "examen neurologique général sp."). En outre, le certificat de la Dresse [...] est sujet à caution, dans la mesure où il conclut à ce qu'il soit tenu compte de son contenu "dans le jugement de garde de B.J._", appréciation qui s'écarte de ce qui est objectivement attendu d'un médecin.
Le rapport du Prof. [...] ajoute qu'à son arrivée en Suisse en août 2008, après son séjour en Suède, B.J._, qui avait neuf caries (jugt, p. 21; cf. ég. pièce 199/2.7 qui parle d'"hygiène dentaire insuffisante"), "était dans une poussette, criait beaucoup, refusait toute contrainte, ne s'alimentait pas autrement qu'avec des biberons et des bouillies, ne se mettait pas à table (...), n'était pas propre, n'acceptait pas d'être interrompu dans son activité, 'faisait le mort' dès qu'il était contrarié, etc". Certes, ces éléments sont antérieurs à l'enlèvement de 2009, comme l'indique à juste titre l'appelante (appel, ch. 9, p. 11); ils constituent néanmoins des indices d'une attitude surprotectrice et infantilisante de C.J._ à l'égard de son fils pendant leur séjour en France au printemps 2009, dans la mesure où l'enfant présentait, au terme de ce séjour, un comportement similaire à celui manifesté à son retour de Suède en août 2008, comme l'atteste le rapport de l'éducatrice de la garderie (pièce 61) selon lequel "après son enlèvement, B.J._ ne savait plus manger seul et a[vait] quelque peu régressé dans son comportement". D'ailleurs, C.J._ a donné des explications contradictoires à propos de l'usage du biberon en Suède, en parlant d'abord d'un gobelet (jugt, p. 27), puis d'"un grand verre muni d'un bec verseur" (p. 5 ci-avant).
Il est donc faux de prétendre, sur la seule base du témoignage d'une voisine et des photographies au dossier (pièces 199/2.19 et 199/2.20), que l'enfant était "en parfaite santé physique et psychique auprès de sa mère, y compris au printemps 2011 (recte: 2009)" (appel, ch. 7, p. 10, par. 2).
L'attitude surprotectrice et infantilisante de l'appelante avait du reste déjà été constatée dans les rapports des intervenants sociaux et des médecins genevois de 2006. Ceux-ci avaient qualifié le lien entre la mère et son enfant de "relation fusionnelle" et avaient relevé que c'étaient les comportements de la prévenue qui entraînaient vraisemblablement chez B.J._ les troubles d'alimentation et de sommeil qui inquiétaient sa mère (pièces 57, 58 et 143/1A). Or, malgré le besoin d'une autonomie accrue de l'enfant mise en évidence par les intervenants genevois et l'interdiction de quitter la Suisse avec son fils qui lui avait été notifiée par courrier de la Présidente du Tribunal tutélaire de Genève du 11 mai 2006, la prévenue, menacée d'une limitation de son autorité parentale et insatisfaite des résultats obtenus dans le cadre de la procédure tutélaire, au cours de laquelle il avait été constaté qu'"aucun renseignement défavorable n'a[vait] été recueilli au sujet du plaignant" (pièce 58, p. 6), est partie avec son fils et s’est installée en Suède. Si ces éléments ne permettent pas de déterminer leur "impact sur le développement du mineur" (jugt, p. 49
in initio
), il donnent toutefois une idée de l'attitude de C.J._ et de son acharnement à vouloir récupérer la garde de son fils et prouver que l'éducation prodiguée par L._ à l'enfant était inadéquate.
C'est d'ailleurs dans ce but que la prénommée s'est rendue en Italie (PV aud. 4, ligne 59; PV aud. 6, R. 3), où elle a soumis B.J._ à des examens médicaux destinés à confirmer le pronostic de trouble autistique posé par les médecins suédois et obtenir ainsi des certificats médicaux qu'elle envisageait d'utiliser sur le plan juridique à l'encontre du père de l'enfant. Or, il n'est pas déterminant de savoir si elle parcouru à plusieurs reprises avec son fils la distance de 170 km séparant Beauregard (Italie) de Rumilly (France), ce qui, contrairement à ce qu'a retenu le jugement (p. 49), n'est au demeurant pas établi et il suffit de se référer sur ce point aux explications de l'intéressée à l'audience d'appel – que rien ne permet d'infirmer – selon lesquelles elle aurait fait le trajet une seule fois et aurait séjourné quelques jours en Italie (p. 5 ci-avant). Ce qui importe, c'est qu'elle ait fait subir à son enfant des tests médicaux, ce qu'elle admet (cf. appel, ch. 19, p. 20
in fine
, où il est fait mention de plusieurs "visites médicales"). Ces examens, que l'appelante qualifie d"investigations approfondies" (jugt, p. 26), étaient non seulement inquiétants pour B.J._, alors âgé de presque cinq ans, mais également inutiles à ce stade, au vu des grands progrès que celui-ci avait faits dans les mois précédents son enlèvement, comme on l'a vu ci-avant.
C.J._ fait valoir que les problèmes comportementaux de B.J._ seraient dus au retrait du droit de garde, au placement de l'enfant en foyer en Suède, à l'attribution de la garde au père, à son retour en Suisse, à la naissance d'un nouvel enfant dans la famille du plaignant et à l'absence de contacts entre elle et son fils. Elle a expliqué qu'elle n'avait pas ramené B.J._ au terme de l'exercice de son droit de visite parce qu'elle l'avait trouvé maigre, sale, vêtu de manière inappropriée pour la saison et qu'il se plaignait de maux de ventre (PV aud. 4, lignes 56 à 58), faisant ainsi valoir que L._ ne faisait pas tout ce qu'il pouvait pour garantir un bon développement de B.J._. Cet argument tombe à faux. En effet, à l'exception du rapport de la Dresse [...] du 24 novembre 2008, dont l'appréciation est discutable, comme on l'a relevé ci-dessus (cons. 6.2.2.1, p. 34), les rapports susmentionnés du Prof. [...] et de l'éducatrice [...] font état de la bonne évolution de l'enfant auprès de son père (pièce 143/1B) et du "cadre sécurisant dans un environnement familial sain et stable dans lequel B.J._ peut grandir et évoluer de manière satisfaisante" (pièce 61). Le rapport du Dr [...] va dans le même sens, puisqu'il relève que l'enfant "est capable de commencer normalement une scolarité en primaire, avec soutien d'enseignants spécialisés", ce qui s'est révélé exact, comme l'a indiqué L._ à l'audience d'appel (p. 7 ci-avant). D'ailleurs, la prévenue a finalement elle-même admis qu'elle était soulagée de savoir que l'enfant était chez son père et sa belle-mère (
ibidem
).
6.2.2.3
En définitive, le fait d'avoir soustrait à deux reprises et en l'espace de quatre mois seulement un enfant, âgé de presque cinq ans, à son lieu de vie et à son entourage, enfant qui avait particulièrement besoin de stabilité en raison des changements d'environnement qu'il avait déjà connus, de l'avoir privé sans aucune justification de tout contact avec son père pendant plusieurs semaines, de l'avoir promené en poussette, de lui avoir donné à boire au biberon, de l'avoir suralimenté et de lui avoir fait subir une série de tests médicaux dans le seul but de prouver que son père le maltraitait (PV aud. 6, R. 3), alors que l'enfant était en phase de nette progression, sont des comportements constitutifs de maltraitance. Si chaque acte pris isolément ne peut pas être assimilé à lui seul à des mauvais traitements, tous ces actes pris ensemble en constituent manifestement. Ainsi, par son comportement, l'appelante a clairement manqué à son devoir d'assistance ou d'éducation. La seconde condition objective de l'art. 219 CP est donc également réalisée.
6.2.3
Tous ces actes, pris ensemble, sont de nature à entraîner des troubles, difficultés et traumatismes chez un mineur. Ils le sont encore plus lorsque celui-ci présente des difficultés et a besoin de stabilité, comme c'est le cas de B.J._. Tant en décembre 2008 qu'en avril 2009, celui-ci a été soustrait de façon brutale à son cadre de vie alors qu'il bénéficiait d'un contexte familial stable et rassurant et qu'il faisait des progrès évidents aux niveaux relationnel, affectif et du langage. Il a été mis en évidence (pièces 143/1A et 143/1B) que l'attitude infantilisante et surprotectrice de la prévenue pouvait causer des troubles de sommeil et d'alimentation. Or, l'éducatrice [...] a relevé que dès son retour en Suisse en juin 2009, après avoir passé plus d'un mois et demi avec sa mère, l'enfant "ne savait plus manger seul" et avait "régressé dans son comportement" (pièce 61). Au vu de ces éléments et compte tenu des derniers rapports médicaux au dossier (pièces 143/1D et 174/1) confirmant les suspicions de troubles de l'attachement relevées en mars 2009 par le Prof. [...], on peut admettre que l'attitude de C.J._ a eu pour effet de mettre en danger le développement psychique de B.J._ et a même, dans une certaine mesure, effectivement porté atteinte à ce développement. La troisième condition objective de l'art. 219 CP est donc elle aussi réalisée.
6.2.4
L'appelante soutient qu'elle ne disposait pas de l'autodétermination suffisante, de sorte qu'elle n'a pas pu commettre une infraction par négligence (appel, pp. 24 ss).
6.2.4.1
L'infraction de l'art. 219 CP peut être commise intentionnellement, le dol éventuel étant à cet égard suffisant, ou par négligence. Il y a dol éventuel lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait, même s'il ne le souhaite pas (ATF 135 IV 152 c. 2.3.2; 133 IV 9 c. 4.1; 131 IV 1 c. 2.2 et les arrêts cités). Il y a en revanche négligence lorsque l'auteur, par une imprévoyance coupable, c'est-à-dire pour n'avoir pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle, a agi sans se rendre compte (négligence inconsciente) ou sans tenir compte (négligence consciente) des conséquences de son acte (art. 12 al. 3 CP). La négligence consciente se distingue du dol éventuel par l'élément volitif; alors que celui-ci qui agit par dol éventuel s'accommode du résultat dommageable pour le cas où il se produirait, celui qui agit par négligence consciente escompte – ensuite d'une imprévoyance coupable – que ce résultat, qu'il envisage aussi comme possible, ne se produira pas (ATF 133 IV 1 c. 4.1).
6.2.4.2
En l'espèce, le premier juge a retenu (jugt, p. 51) que C.J._ aurait dû et pu prendre en compte les conséquences néfastes de ses actes sur le développement de son fils et qu'en ne le faisant pas, elle avait violé par une grave négligence ses devoirs parentaux. Il a précisé que la violation intentionnelle était exclue dans le contexte du trouble psychiatrique diagnostiqué chez la prénommée.
Le jugement entrepris ne dit pas s'il s'agit de négligence consciente ou inconsciente. Cette distinction n'a aucune portée pratique et on peut admettre avec l'appelante que celle-ci a agi par négligence inconsciente, soit qu'elle n'a pas envisagé les conséquences illicites de ses actes alors qu'elle pouvait et devait les prévoir, compte tenu de ses connaissances en matière d'éducation, que son état mental n'annihilait pas complètement.
Se réfèrant aux indications de l'expert telles que résumées aux pages 38 et 39 de la décision attaquée, l'intéressée soutient que le tribunal aurait dû s'écarter de l'avis de l'expert sur ce point au motif que les avis médicaux censés lui permettre de se remettre en question sont, pour une majeure partie, intervenus après les faits litigieux (appel, p. 26).
On ne saurait suivre cet argument. L'appelante admet elle-même que c'est sur la base de l'expertise psychiatrique qu'il convient de trancher la question de l'autodétermination (appel, p. 25
in initio
). Or, selon l'expert, qui a tenu compte dans son évaluation des différents avis médicaux, la "toute petite place pour la libre détermination de C.J._" existe depuis que "des tiers ont mis l'accent sur le besoin d'une autonomie accrue de B.J._", soit, comme cela ressort clairement du dossier, depuis les premiers rapports des intervenants sociaux et des médecins genevois de 2006, qualifiés à juste titre par le tribunal de police de "premiers signaux d'alarme en limitation de l'autorité parentale" de la prévenue (jugt, p. 48). C'est donc à partir de ce moment-là que cette dernière était en mesure de prendre en compte les besoins de l'enfant et d'agir en conséquence, "nonobstant (...) les intervenants médicaux qui dans une certaine mesure ont pu la conforter dans ses convictions" (jugt, p. 13).
Au surplus, le fait que certains des avis médicaux auxquels se réfère – sans plus amples explications – l'appelante décrivent celle-ci comme une mère soucieuse de la santé de son enfant et impliquée dans son développement ne suffit pas à infirmer l'appréciation de l'expert. A cela s'ajoute que parmi les nombreux rapports médicaux au dossier, seul le Prof. [...] – dont le rapport est critiqué à tort par la prévenue – s'est penché sur la question de savoir "si au début il y avait une vulnérabilité de l'enfant propre qui aurait permis à la maman d'acquérir ses convictions" et a objectivement reconnu qu'il "serait bien sûr utile pour cela d'avoir les documents initiaux établis à Genève" (pièce 143/1B), ce dont l'expert a justement tenu compte dans son analyse (jugt, p. 9).
Partant, c'est à juste titre que le tribunal, se fondant sur les conclusions de l'expert, a retenu que l'appelante avait agi par négligence.
6.2.5
Les conditions de l'art. 219 CP étant donc toutes réunies, la condamnation de C.J._, en application de cette disposition, doit être confirmée.
7.
7.1
L'appelante conclut à ce qu'elle soit exemptée de toute peine en application de l'art. 54 CP. Elle part du principe qu'elle est libérée de l'infraction de l'art. 219 CP, ce qui n'est pas le cas, comme on vient de le voir, de sorte que ce grief est mal fondé et doit être rejeté.
Pour le surplus, contrairement à ce qu'elle affirme, si elle "s'est vue priver de la possibilité de voir son fils dans un autre environnement qu'une structure fermée, à raison de quelques heures par mois" (appel, ch. 26, p. 27), c'est à la suite des faits commis en avril 2009, et non consécutivement aux événements de décembre 2008. Cela ressort clairement de l'arrêt de la Chambre des tutelles du 26 juin 2009, qui a limité l'exercice du droit de visite de la prévenue au Point Rencontre ensuite de l'enlèvement de 2009 (pièce 60 c. 4b, p. 14
in fine
). Par ailleurs, il résulte de cet arrêt que l'intéressée a admis elle-même, lors de son audition par le Juge de paix le 11 mars 2009, qu'elle n'aurait pas dû quitter la Suisse sans l'accord du père et sans la carte d'identité de l'enfant (pièce 60, p. 5
in medio
), de sorte qu'elle est mal venue de se plaindre aujourd'hui de la limitation de son droit de visite dans ce sens (cf. ordonnance de mesures provisionnelle du Juge de paix du district de Gros-de-Vaud du 11 mars 2009).
Partant, la circonstance invoquée par l'appelante ne constitue ni un motif d'exemption ni un motif d'atténuation de la peine.
7.2
C.J._ soutient encore que la peine de septante-cinq jours-amende qui lui a été infligée n'est pas justifiée, la sanction devant, selon elle, être réduite pour tenir compte de la diminution de sa responsabilité.
Ce raisonnement tombe à faux, dans le mesure où la diminution de responsabilité se répercute non pas sur la peine, mais sur l'appréciation de la faute (TF 6B_356/2012 du 1
er
octobre 2012 c. 3.2).
Par ailleurs, lorsque l'expert a retenu qu'il existait "une toute petite place pour la libre détermination de C.J._", il se référait à la période précédant les faits litigieux (jugt, p. 13), de sorte que c'est à tort que le tribunal, se basant sur la constatation de l'expert, a dit que l'intéressée devait être mise au bénéfice d'une "atténuation moyenne à importante de sa responsabilité pénale". L'argumentation du tribunal procède d'une mauvaise appréciation des constatations de l'expert. Seule une diminution moyenne de responsabilité doit en définitive être retenue, comme l'a souligné l'expert (pièce 101, p. 15), et il n'y a aucune raison de s'écarter de cette conclusion (cons. 4.3, p. 30 ci-avant).
7.3
7.3.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_335/2012 du 13 août 2012 c. 1.1 et les références citées).
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (
ATF 134 IV 1
c. 4.2.2 p. 5).
7.3.2
En l'espèce, le tribunal, qui a qualifié la culpabilité de C.J._ de moyenne, a retenu, à charge, outre le concours d'infractions, le fait que celle-ci avait mis en danger le bon développement de son fils, en s'érigeant au-dessus des lois et des autorités judiciaires, au mépris des injonctions qui lui avaient été signifiées, qu'elle avait agi uniquement afin de faire prévaloir ses compétences parentales sur celles de L._ et qu'elle n'avait pas pris conscience de la gravité de ses actes. Il a également tenu compte du fait que le risque de récidive était élevé mais que cet élément devait être fortement relativisé car en lien avec la pathologie et en particulier l'anosognosie de la prénommée. A décharge, il a retenu la situation personnelle dramatique de cette dernière et l'atténuation de sa responsabilité pénale.
La cour de céans est d'avis que si, aux yeux du premier juge, la prise de conscience de C.J._ était inexistante aux débats, vu la propension de la prénommée, soulignée par l'expert, à rejeter la faute sur autrui, le fait que l'intéressée ait finalement reconnu à l'audience d'appel que son fils allait mieux et qu'elle était soulagée de savoir qu'il était chez son père et sa belle-mère (p. 6 ci-avant) peut être interprété dans le sens d'un début de prise de conscience, malgré l'absence de regrets ou d'excuses.
Ensuite, c'est à tort que le tribunal a retenu, parmi les éléments à charge, le fait que l'intéressée ait imposé à son fils "des trajets d'une durée et/ou d'une fréquence incompatibles avec ses besoins" (jugt, p. 51
in fine
), dans la mesure où, comme on l'a vu ci-dessus, il n'est pas établi à satisfaction de droit que l'appelante ait fait le voyage jusqu'en Suède d'une traite (cons. 3.2.3, p. 26), ni qu'elle se soit rendue à plusieurs reprises en Italie (cons. 6.2.2.2, p. 38).
Ainsi, compte tenu de tous les éléments à charge et à décharge examinés ci-dessus, des précisions que l'on vient d'apporter et de la diminution moyenne de responsabilité, la cour de céans est d'avis que la peine prononcée par le premier juge est trop sévère et qu'elle doit être réduite à soixante jours-amende, le montant du jour-amende étant ramené à 10 fr., vu la situation financière précaire de l'appelante, qui a entamé une reconversion professionnelle (pièce 212/21bis à 23bis), ne perçoit aucun revenu et est entièrement entretenue par son ami actuel (jugt, pp. 27 et 28).
Compte tenu de l'absence d'antécédents de la prévenue, du début de prise de conscience chez elle et du fait que l'exercice de son droit de visite a lieu désormais au Point Rencontre, à raison de deux heures par mois, ce qui n'était pas le cas au moment des faits litigieux, le risque de récidive, s'il n'est pas nul, peut être considéré comme faible. Il convient dès lors d'assortir la peine pécuniaire du sursis. Le délai d'épreuve sera fixé à trois ans, au vu de la tardiveté de la prise de conscience et de la fragilité psychologique de l'appelante.
8.
En conclusion, l'appel est partiellement admis et le jugement attaqué modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
8.1
Vu l'issue de la cause, l
e tribunal était fondé à mettre les frais de la cause à la charge de C.J._, ce que celle-ci ne conteste pas.
Les frais de la procédure d'appel seront, quant à eux, mis par deux tiers à la charge de l'appelante, le solde étant laissé à la charge de l'Etat. Ils comprennent l'indemnité allouée au défenseur d'office pour la procédure d'appel.
8.2
Le défenseur de la prévenue, Me Virginie Rodigari, a produit une liste détaillée des opérations effectuées en deuxième instance, pour un total de 28 heures 06. Le nombre déclaré est trop élevé. En particulier, il est injustifié de se prévaloir d'avoir consacré presque 3 heures à la préparation de l'audience d'appel, alors que tous les arguments exposés aux débats l'ont été dans la déclaration d'appel motivée, dont la rédaction aurait nécessité plus de 12 heures de travail. De même, il est injustifié de se réclamer de près de 6 heures pour les entretiens avec la cliente, alors que la plupart de ces entretiens ont eu lieu pendant le délai de notification du jugement motivé que l'appelante qualifie d'"extrêmement long" et dont elle se plaint d'ailleurs (appel, p. 6
in initio
). Vu l'ampleur et la complexité de la cause et compte tenu du fait que Me Rodigari a été mandatée après l'audience de première instance, il convient d'admettre qu'elle a dû consacrer 20 heures à l'exécution de son mandat, correspondant à une indemnité (au tarif horaire de 180 fr.) de 3'996 fr., TVA et débours compris.
La prévenue ne sera tenue de rembourser à l’Etat l'indemnité allouée à son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
84dabb23-d46a-408d-b5e2-1fce427937e2 | En fait :
A.
Par jugement du 26 janvier 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que A.D._ s’est rendue coupable de faux dans les titres et tentative d’escroquerie (I), condamné A.D._ à une peine de 300 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 25 fr. (II), suspendu l’exécution de la peine pécuniaire et fixé à A.D._ un délai d’épreuve de 2 ans (III), constaté que B.D._ s’est rendu coupable de faux dans les titres et tentative d’escroquerie (IV), condamné B.D._ à une peine pécuniaire de 300 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 70 fr. (V), suspendu l’exécution de la peine pécuniaire et fixé à B.D._ un délai d’épreuve de 2 ans (VI), dit que A.D._ et B.D._ sont les débiteurs solidaires C.R._, solidairement entre eux, du montant de 6'407 fr. 10 débours et TVA compris, à titre d’indemnité équitable pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (VII), et mis les frais de la cause par 1'527 fr. 50 à la charge de A.D._ et par 1'527 fr. 50 à la charge de B.D._ (VIII).
B.
Par annonce du 12 février 2015 puis déclaration motivée du 10 mars suivant, A.D._ et B.D._ ont interjeté appel contre ce jugement. Ils ont demandé, avec suite de frais, à être libérés des chefs d'accusation de faux dans les titres et tentative d'escroquerie, ainsi que de l'obligation de payer une indemnité équitable à A.R._ et B.R._. A titre subsidiaire, ils ont conclu à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour complément d'instruction et nouvelle décision. A titre de mesures d'instruction complémentaire, ils ont requis l'audition de trois témoins censés démontrer que les relations entre les prévenus et les plaignants étaient très mauvaises, et que ceux-ci entendaient nuire activement à ceux-là.
Interpellés, les plaignants A.R._ et B.R._ ont renoncé à déposer un appel joint et à présenter une demande de non-entrée en matière. Ils ont en outre conclu au rejet des conclusions des appelants, aux frais de leurs auteurs.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
La prévenue A.D._ est née en 1974 à [...]. Coiffeuse indépendante, elle s'est lancée, aux alentours de 2010-2011, dans le domaine de la construction en créant sa raison individuelle, C.D._ (ci-après l'C.D._). Le 30 mai 2011, elle a créé N._, inscrite au Registre du commerce le 3 juin 2011 qui a repris les activités de la précédente, soit l'exploitation d’une entreprise générale, le courtage immobilier, les ventes, les ventes sur plan, les constructions architecturales et la gestion de chantier, la direction de travaux, la rénovation et la transformation d’immeubles, la gestion hypothécaire et des crédit de construction, ainsi que la gestion immobilière et des assurances qui s'y rapportent. En 2014, A.D._ a déclaré un revenu de 35'178 fr. pour ses différentes activités. Elle fait l’objet de poursuites qu'elle conteste.
Le prévenu B.D._ est né en 1971 en Italie. Il y a suivi avec succès un apprentissage de maçon qu’il a complété par une formation de coupeur de marbre et de granit. En 1995, il a rejoint son épouse en Suisse. Il a tout d’abord travaillé au service d’une entreprise de marbrerie, puis comme cariste. En 2009, il s’est mis à son compte dans le domaine de la construction en créant sa raison individuelle [...]. Le 20 novembre 2012, il a créé [...], dont il est l'associé gérant unique. Cette société a repris les activités de la première, soit l'exploitation d'une entreprise générale comprenant la gestion de chantier et la direction de travaux, la gestion des hypothèques et des crédits de construction, l'achat et la vente de matériel de construction tels que granit et carrelage, la vente, la fabrication et le montage de cuisines, le courtage immobilier, les ventes, les ventes sur plan, les constructions architecturales, la rénovation et la transformation d’immeubles, ainsi que la gestion immobilière et celle des assurances qui s'y rapportent. En 2014, B.D._ a déclaré un revenu de 72'841 fr. Il fait lui aussi l'objet de poursuites.
C.D._, actuellement N._ et [...] sont toutes deux domiciliées à [...], au domicile des prévenus. Les époux B.D._ travaillent dans le même bureau (PV aud. 4 du 20 août 2013, p. 3). Le mari crée des projets et l'épouse se charge de les réaliser.
Les époux B.D._ se sont mariés en 1995. Ils ont trois enfants. La famille vit dans une villa, dont le mari est propriétaire. La charge hypothécaire mensuelle du couple se monte à environ 2'100 francs. Les primes d’assurance-maladie de la famille sont de l'ordre de 770 fr. par mois.
Le casier judiciaire de A.D._ est vierge de toute inscription, de même que celui de B.D._.
2
.
2.1
Au printemps 2011, B.D._ a présenté aux époux C.R._ une offre d'achat clé en mains d'une villa individuelle à [...]
Le 22 juillet 2011, l'C.D._, en qualité d'entrepreneur général d'une part, et les époux C.R._ en qualité de maîtres de l'ouvrage d'autre part, ont signé un
"contrat d'entreprise générale"
daté du 3 juin 2011 portant sur la construction d'une villa familiale pour un montant de 622'500 francs. Ce montant devait être bonifié comme suit :
- 210'000 fr. le jour de la signature, au plus tard cinq jours après la signature;
- 210'000 fr. le jour du bétonnage de la dalle, au plus tard cinq jours après le bétonnage;
- 190'000 fr. le jour de la pose des chapes, au plus tard cinq jours après la pose des chapes;
- 12'000 fr. le jour de la reconnaissance des travaux.
C.R._ ont payé les deux premiers acomptes de 210'000 fr. les 27 juillet 2011 et 11 octobre 2011.
Par courriel du 11 juin 2011, l'architecte [...] a adressé à [...] des plans de la villa datés du 16 avril 2011, dont il ressort que la réalisation d'un studio était prévue au sous-sol de la villa.
Les travaux de construction de la villa ont démarré au début de l'été 2011. Ils ont été interrompus en septembre 2011, sur ordre de la Municipalité d'[...], car ils ne correspondaient pas au permis de construire délivré en avril 2011, la maison ayant été construite cinquante centimètres trop haut et le sous-sol n'ayant pas fait l'objet de la mise à l'enquête ouverte du 25 février 2011 au 28 mars 2011.
Le 21 novembre 2011, au terme d'une procédure de mise à l'enquête complémentaire ouverte du 14 octobre 2011 au 14 novembre 2011, la commune d'[...] a délivré aux époux C.R._ un permis de construire autorisant la modification de la hauteur de la villa et la création d'un studio au sous-sol.
Par courrier du 10 janvier 2012, les épouxC.R._ ont résilié le contrat d'entreprise du 3 juin 2011 en invoquant un défaut de planning des travaux, un retard dans l'avancement du chantier, un désaccord sur la prise en charge des "frais supplémentaires" liés à la création d'un studio au rez inférieur, – seuls ceux concernant l'aménagement intérieur du studio étant à leur charge, selon les discussions intervenues –, un désaccord sur les frais de la mise l'enquête complémentaire, le non paiement de certaines factures et des difficultés de communication.
A la suite de cette résiliation, l'C.D._ a établi une facture finale réclamant aux époux C.R._ un solde de 101'184 fr. 32, selon le calcul suivant :
Travaux effectués au 10 janvier 2012 :
selon contrat d'entreprise générale : fr. 419'043.00
Travaux de plus-value : fr. 102'141.32
./. acompte versé le 27 juillet 2011 : fr. 210'000.00
./. acompte versé le 10 octobre 2011 : fr. 210'000.00
solde : fr. 101'184.32
2.2
Afin d’améliorer leur position dans le procès et de faire croire que les époux C.R._ avaient demandé à C.D._ de procéder à divers travaux supplémentaires à leurs frais, A.D._ et B.D._ ont confectionné le courrier suivant (annexe 11 à la pièce 4/1) censé être daté du 3 juin 2011 et censé émaner des époux C.R._ :
"Par la présente nous autorisons l'C.D._ à commencer les travaux de constructions selon le plan actuel et le permis de construire délivré par la [...] le 04 avril 2011 et signé par nous le contrat d'entreprise générale en date d'aujourd'hui.
Par la suite nous prenons contact avec le notaire pour aller signer l'acte de vente et la constitution d'une cédule hypothécaire.
La maison sera surélevée de 50 cm selon notre plaisir pour pouvoir mettre le 13 cm supplémentaire d'hauteur du sous-sol vue que un studio sera mis à l'enquête supplémentaire selon les plans modifiés comme nous sommes en train de voir avec l'architecte.
Tous prévalue découlent de modification des plans seront prise en charge par nous.
Les prévalues sont :
- Modification des plans par l'ingénieur civile plus la préparation des plans pour le studio à créer au sous-sol, les murs de soutènement de la terre pour l'appartement, le mur de soutènement entre notre propriété et celle de la [...] devisé à environ à environ CHF 3'000.-
- Le calcule thermique supplémentaire pour la création d'un appartement devisé à environ CHF 1'700.-
- La création d'un nouveau plan pour l'appartement de la part du [...]z devisé à environ CHF 4'000.-
- La somme pour l'augmentation de 13 cm des murs de sous-sol devisé à environ CHF 20'000.-
- La création d'un mur de soutènement du terrain entre notre propriété et la propriété de la [...] devisé à environ CHF 20'000.-
- Les aménagements extérieurs devisé à environ à CHF 24'000.-
- La création d'une cuisine au sous-sol devisé à environ CHF 10'000.-
- La création d'une salle de bain plus chauffage au sous-sol y compris l'installation sanitaires qui devisé à environ 12'000.-
- La pose d'une chape au sous-sol devisé à environ CHF 3'000.-
- L'installation électrique au sous-sol devisé environ CHF 5'000.-
- Les portes fenêtre extérieures y compris les stores au sous-sol devisé à environ CHF 10'000.-
- La peinture au sous-sol à l'intérieure devisé à environ CHF 7'000.-
- Les portes intérieures devisé à environ CHF 2'000.-
- Le carrelage au sous-sol devisé à environ CHF 5'000.-
- Les frais concernent la mise à l'enquête supplémentaire devisé à environ CHF 5'000.-
- L'isolation périphérique au sous-sol devisé environ à CHF 4'000.-
- Les canalisations pour la récolte des eaux de pluie et des eaux usées devisé à environ CHF 2'000.-
- Tous les frais concernent le studio supplémentaire qui ne sont pas encore devisé peuvent être pris en considération.
- Tous autres documents ne sont pas officiels.
FamilleC.R._
[deux signatures manuscrites]"
A Yverdon-les-Bains, le 23 avril 2012, A.D._ a, par le biais de son avocat, déposé une
"requête en inscription provisoire et superprovisoire d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs"
devant le Président de la Chambre patrimoniale cantonale pour un montant de 101'184 fr. 32, plus intérêts à 5% l’an dès le 10 janvier 2012. A l’appui de cette requête, elle a produit le contrat d'entreprise générale
"[...] signé le 3 juin 2011 par les parties",
un extrait de registre foncier de la parcelle des intimés, la lettre de résiliation du contrat d'entreprise du 10 janvier 2012, la facture finale du même jour et le courrier du 3 juin 2011 (cf. P. 4/1 annexe 10 et annexe 11). Sur la base de cette requête, A.D._ a obtenu de l'autorité civile susmentionnée l’inscription d'une l’hypothèque légale en sa faveur (ordonnance de mesures superprovisionnelles du 24 avril 2012, immédiatement exécutoire).
A.R._ et B.R._ ont déposé plainte le 11 mai 2012 (P. 4).
L’ordonnance du 24 avril 2012 a été révoquée par ordonnance de mesures provisionnelles du 24 juillet 2012. Puis, sur appel de A.D._, le Juge délégué de la Cour d’appel civile a confirmé l’ordonnance de mesures superprovisionnelles du 24 avril 2012 et ordonné l’inscription provisoire au registre foncier de l’hypothèque légale (CACI 3 janvier 2013/9). L'autorité civile de recours a considéré comme vraisemblable l’existence de plus-values sur la base du dossier, mais n'a pas évoqué le courrier incriminé.
3.
En cours d'instruction, un mandat d’investigation a été confié à l’inspectrice P._ de l’Identité judiciaire de la Police de sûreté. Il s'agissait d’examiner les photocopies du contrat d’entreprise générale et du courrier du 3 juin 2011 et de dire si les signatures présentes sur ce dernier document résultaient d’un photomontage réalisé à partir celles figurant sur le contrat d'entreprise. Dans son rapport du 14 mai 2013, l'inspectrice prénommée a conclu que les signatures des époux B.R._ présentes sur le courrier et sur le contrat d’entreprise avaient été reproduites par photomontage, sans qu'il soit possible de déterminer quel en avait été le document source. | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délais légaux contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (cf. art. 398 al. 1 CPP), l'appel de A.D._ et B.D._ est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
Les appelants demandent à être libérés de l'infraction de faux dans les titres.
3.1
L’art. 251 CP prévoit que celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre, sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 1).
L’art. 251 CP vise non seulement un titre faux ou la falsification d'un titre (faux matériel), mais aussi un titre mensonger (faux intellectuel). Il y a faux matériel lorsque l'auteur réel ne coïncide pas avec l'auteur apparent, alors que le faux intellectuel vise un titre qui émane de son auteur apparent, mais qui est mensonger dans la mesure où son contenu ne correspond pas à la réalité (ATF 126 IV 65 c. 2a; TF 6B_223/2012 du 14 décembre 2012 c. 2.2).
Sur le plan subjectif, l'art. 251 CP exige un comportement intentionnel, le dol éventuel étant toutefois suffisant, ainsi qu'un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite. L'avantage est une notion très large; il suffit que l'auteur veuille améliorer sa situation. Son illicéité peut résulter de la loi, du but poursuivi ou du moyen utilisé; elle peut donc être déduite du seul fait que l'auteur recourt à un faux (TF 6B_1001/2009 du 23 avril 2010 c. 2.2.1 et les références citées).
Est coauteur celui qui collabore intentionnellement et de manière déterminante avec d'autres personnes dans la décision de commettre une infraction, dans son organisation ou son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux. La coactivité suppose donc une décision commune soit expresse, soit résultant d'actes concluants. Le coauteur doit réellement s'associer soit à la décision, soit à la réalisation, dans des conditions et dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal. Il faut que le coauteur ait une certaine maîtrise des opérations et que son rôle soit plus ou moins indispensable (CAPE 21 avril 2015/158 c. 3.3.1 et réf.)
3.2
Il est reproché à A.D._ et B.D._ d'avoir fabriqué une fausse lettre signée des époux B.R._ et d'avoir produit ce faux document en procédure afin d'obtenir l'inscription provisoire d'une hypothèque légale. En définitive, l'inscription provisoire a été accordée pour d'autres motifs que les engagements pris dans la lettre du 3 juin 2011 (cf. supra, p. 13). En outre,
la qualité de faux n'est pas contestée par les appelant et on peut tenir pour avéré que la signature des époux C.R._ a été reproduite par photomontage (P. 20).
3.3
Les époux B.D._ prétendent que le faux incriminé aurait été confectionné par le couple C.R._, que les plaignants le leur auraient remis pour les piéger, dans le but de leur nuire. On peine à comprendre pourquoi les intimés auraient remis aux prévenus en juin 2011 – soit avant même la signature, le 22 juillet 2011, du contrat d'entreprise – une lettre destinée à les faire accuser de faux dans les titres lorsqu'ils demanderaient le paiement des travaux à plus-value, alors que leurs rapports n'étaient pas encore litigieux à cette époque-là. L'argument ne convainc donc pas.
A cela s'ajoute que les prévenus n'ont pas pu expliquer dans quelles circonstances la lettre du 3 juin 2011 leur aurait été remise. A ce sujet, leurs déclarations sont confuses et contradictoires (PV aud. 1 et PV aud. 2). Elles ne sont pas corroborées par les autres éléments au dossier (PV aud. 3).
En outre, contrairement à ce qu'ils plaident, les prévenus avaient un intérêt à confectionner le faux litigieux. Il suffit, pour s'en convaincre, d'examiner la requête en inscription d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs déposée, par C.D._, via A.D._, requête qui ne repose que sur le courrier du 3 juin 2011 et n'expose pas d'autres arguments pertinents, comme les mises à l'enquête publique retenues par le juge civil.
Dans ces circonstances, les plaignants sont crédibles lorsqu'ils nient avoir remis la lettre du 3 juin 2011 aux prévenus (P. 4) et indiquent n'en avoir eu connaissance que
"lors de la procédure de l'inscription provisoire d'une hypothèque légale"
(procès-verbal pp. 4 et 5).
3.4
A.D._ et B.D._ soutiennent que le contrat d'entreprise daté du 3 juin 2011 aurait été signé après le 22 juillet 2011 et s'étonnent que les plaignants n'aient pas fait attention à cette différence de date. Ils n'en tirent toutefois aucune conclusion. Cet argument est dénué de pertinence puisqu'il ressort du considérant qui précède que la lettre du 3 juin 2011 est un faux qui a pu être fabriqué plus tard, pour les besoins de la procédure civile intentée (en avril 2012) contre les plaignants.
3.5
Les appelants font valoir que A.D._ aurait tout ignoré du caractère faux du document incriminé, et ce même si l'on devait admettre que son mari avait connaissance de la falsification, car elle n'aurait pas été impliquée dans le projet.
Cet argument se heurte aux éléments du dossier. L'organisation des sociétés montre que les prévenus agissaient conjointement dans leur activité professionnelle respective. Entendu le 5 mars 2013, B.D._ a exposé que le suivi du projet litigieux se faisait par leur couple, qu'il n'y avait pas de différence entre la société [...], qui a repris les activités de son épouse, et l'entreprise individuelle [...], qui a repris la sienne, que les deux entreprises avaient à peu près les mêmes buts et qu'elles avaient le même siège à leur domicile de [...] On relève en outre que c'est A.D._ qui a signé le contrat d'entreprise générale et qui apparaît comme requérante dans la requête d'inscription d'une hypothèque légale. Enfin, A.D._ s'est toujours exprimée en son nom et en celui de son mari, ce qui montre leur volonté commune. Elle a dit que le courrier du 3 juin 2011 "nous" a été remis par les époux C.R._; que "nous" n’avons reçu qu’une copie; que dans le cadre de la procédure civile, il "nous" a été demandé de produire l’original; que "nous" n’avons pas encore reçu la motivation de la décision de la Chambre patrimoniale et que "nous" prétendons que les plus-values ne sont pas inclues dans le contrat d’entreprise.
3.6
Il sied donc de retenir que les prévenus ont confectionné le courrier censé être daté du 3 juin 2011 afin de consolider et de faire valoir leurs prétentions dans le cadre de la requête en inscription d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs et qu'ils sont coauteurs de l'infraction de faux dans les titres au sens de l'art. 251 al. 1 CP, étant précisé que le courrier du 3 juin 2011 est un titre devant prouver un fait juridique.
4.
Les appelants demandent encore à être libérés de l'infraction d'escroquerie.
4.1
Aux termes de l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, a astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l'a astucieusement confortée dans son erreur et a de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.
D’après la jurisprudence fédérale (ATF 122 IV 197 ; JT 1997 IV 145), ce que l’on appelle escroquerie au procès est compris sans autre dans la définition générale de l’escroquerie. Se rend coupable d’escroquerie, celui qui, par tromperie, amène le Tribunal à trancher en défaveur de la partie adverse. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral pose que le fait d’établir de manière systématique et planifiée des preuves mensongères en les faisant correspondre les unes aux autres est une machination particulière «qui réalise l’élément constitutif de l’astuce» (JT 1997 IV 145 c. 3.c). S’agissant de l’astuce, la doctrine précise que «le degré de turpitude qu’il faudra développer pour que l’on retienne l’astuce dépendra notamment des règles de procédure applicables dans la cause jugée. Plus la procédure est sommaire, plus l’astuce sera admise facilement. Si la procédure prévoit des vérifications minutieuses, il faudra être plus sévère dans l’admission de l’astuce. Ainsi par exemple, ce qui constituera une astuce devant le juge de la mainlevée en droit des poursuites n’en constituera pas forcément une dans une cause identique mais avec un procès au fond » (Daniel Stoll in : JT 1997 IV pp. 155 et 156). En définitive, un simple mensonge ne suffit pas. Il est au contraire nécessaire que le juge se soit trompé astucieusement par la production de moyens de preuve falsifiés ou obtenus de manière illicite (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3e éd., Lausanne 2007, n. 1.7 ad art.146 CP).
4.2
A.D._ et B.D._ soutiennent il n'y aurait pas d'astuce, si bien que les éléments constitutifs objectifs de l'escroquerie ne seraient pas réunis. Cet argument ne peut être que rejeté. On rappelle qu'il y a astuce notamment lorsque l'auteur recourt à des manœuvres frauduleuses telles que par exemple l'emploi d'un document faux (cf. supra c. 4.1 et Corboz, les infractions, éd 2002, vol. 1 p. 304/305, note 18 ad art. 146 CP).
4.3
Les appelants ajoutent que la personne trompée, en l'occurrence le juge, doit être déterminée à un acte préjudiciable aux intérêts pécuniaires d'autrui. Or la production de ce document n'aurait pas nui aux intérêts pécuniaires des intimés dès lors que la décision du juge n'aurait pas
in fine
été différente sans ce document.
Selon l'art. 22 CP, y a tentative achevée (délit manqué) lorsque le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire. Il y a tentative au sens large d'escroquerie lorsque l'auteur agissant intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement a commencé l'exécution de cette infraction manifestant ainsi l'intention de la commettre, même si les éléments objectifs font défaut en tout ou en partie (ATF 122 p. 246 c. 3a).
En l'espèce, cette hypothèse est réalisée et c'est à juste titre que la première juge a retenu l'infraction de tentative d'escroquerie. Le cas pourrait même relever purement et simplement l'escroquerie dès lors que les mesures superprovisoires ont été accordées sur la base du contrat d'entreprise et de la lettre du 3 juin 2011, ce qui a certainement permis de sauvegarder le délai légal pour faire inscrire une hypothèque légale sur les biens des plaignants. Peu importe que par la suite dans le cadre d'un appel, le juge se soit fondé sur d'autres éléments pour admettre l'inscription provisoire d'une hypothèque légale.
4.4
Vu ce qui précède, c'est à bon droit que les deux prévenus ont été reconnus coupables de tentative d'escroquerie au sens de l'art. 22 al. 1 ad. 146 al. 1 CP pour avoir produit le courrier du 3 juin 2011 devant le juge civil. Il n'y a dès lors pas lieu de revenir sur l'octroi d'une indemnité équitable aux intimés (art. 433 CPP), et sur la mise à leur charge des frais de première instance. Les autres points du jugement sont également conformes au droit et doivent être confirmés. Ils n'ont d'ailleurs pas été contestés (art. 404 al. 1 CPP).
5.
Partant, l'appel doit être rejeté. La thèse de vengeance plaidée par les appelants n'étant pas retenue, il convient de rejeter également la requête d'audition de témoins qu'ils avaient déposée pour étayer cette version des faits. Au demeurant l'audition de ces témoins sur des points ne concernant pas directement les infractions en cause n'était pas susceptible d'apporter des éléments concrets.
6.
Il reste à statuer sur les frais et les indemnités.
6.1
Me Alexandre Reil, conseil de choix des parties plaignantes B.R._ et A.R._ demande une indemnité de 2'330 fr. Vu le sort de l'appel, il doit être fait droit à cette requête (art. 433 al. 1 let. a CPP). Compte tenu de l'ampleur du dossier, de la connaissance de l'affaire déjà acquise en première instance et du fait que la défense des intérêts des prévenus a été largement confiée à son avocate stagiaire, Me Adrienne Favre, un montant de 1'825 fr. 20 lui sera alloué à titre. Cela représente une heure au tarif de d'avocat breveté au tarif horaire moyen de 250 fr., 9 heures au tarif de l'avocat-stagiaire de 160 fr. et 8 % de TVA. Ce montant sera mis à la charge des prévenus A.D._ et B.D._ (art. 433 al. 1 let. b CPP) solidairement entre eux (art. 418 al. 2 CPP).
6.2
Les frais d'appel, par 1'940 fr., sont mis à la charge de A.D._ et B.D._ qui succombent (art. 428 al. 1 CPP), solidairement entre eux
(art. 418 al. 2 CPP).
7.
Enfin, il y a lieu de préciser que le dispositif envoyé aux parties à l'issue de l'audience contient une erreur qu'il y a lieu de rectifier d'office. C'est en effet Madame le Juge Favrod et non Bendani qui faisait partie de la cour qui a statué le 28 mai 2015. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
850c2fe7-68cf-4c51-b7ee-405f756741ee | En fait :
A.
Par jugement du 8 février 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a pris acte du retrait de la plainte de N._ et G._ et ordonné la cessation des poursuites dirigées contre B.D._ pour lésions corporelles simples et dommages à la propriété (I), pris acte du retrait de la plainte de N._ et G._ et ordonné la cessation des poursuites dirigées contre A.D._ pour voies de fait (II), libéré A.D._ des chefs d’accusation de violation grave des règles de la circulation routière, contrainte et entrave à la circulation publique (III), alloué à Me Bacon, défenseur d’office d’B.D._, une indemnité de 1'630 fr. débours et TVA compris (IV), alloué à Me Dal Col, défenseur d'office d’A.D._, une indemnité de 3'030 fr., débours et TVA compris (V) et laissé les frais de la cause, arrêtés à 9'166 fr. 40, à la charge de l’Etat (VI).
B.
Le 15 février 2012, le Ministère public a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d'appel du 28 février suivant, il a conclu à la modification du jugement en ce sens qu'A.D._ est condamné, pour violation grave des règles de la circulation, contrainte et entrave à la circulation publique, à la peine de 18 jours-amende, la valeur du jour-amende étant fixée à 40 fr., et que les frais de la cause, par 9'166 fr. 40, sont mis à la charge d'A.D._ et d'B.D._ à raison d'une moitié chacun, les frais de la procédure d'appel étant laissés à la charge de l'Etat.
L'appelant a modifié ses conclusions à l'audience d'appel du 15 juin 2012, en ce sens qu’il a abandonné l’accusation de violation grave des règles de la circulation, tenue pour absorbée par la contrainte et l'entrave à la circulation publique.
Les intimés ont chacun conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Les frères jumeaux A.D._ et B.D._ sont nés en 1973.
Le dimanche 22 juin 2008, vers 16 h 50, le premier nommé circulait au volant de son véhicule
Smart
en compagnie du second sur la route cantonale du Col des Mosses. Dans la montée entre les Devants-de-l'Etivaz et l'Etivaz, il a entrepris de dépasser le cabriolet
Mercedes
conduit par N._. Cet usager, né en 1958, est handicapé d'une jambe et marche difficilement. Il circulait alors en compagnie d'G._, née en 1947, en suivant lui-même une autre voiture roulant à quelque 50 ou 60 km/h. Alors qu'A.D._ avait commencé sa manœuvre, N._ a déboîté pour dépasser le véhicule qui le précédait, obligeant A.D._ à se déporter à l'extrême gauche de la chaussée, puis à freiner fortement. N._ a pu terminer son dépassement, mais A.D._ a dû se rabattre derrière le véhicule déjà mentionné. A.D._ a ensuite eu l'occasion de dépasser ce dernier véhicule et a rattrapé la voiture de N._. Arrivé derrière celle-ci, A.D._ a klaxonné et fait des appels de phares, tandis que son frère manifestait son mécontentement par des gestes impolis, auxquels G._ a répondu à l'avenant. N._ s'est rangé sur une petite place de stationnement à droite de la route pour laisser passer A.D._.
Selon A.D._ toutefois, N._ l'aurait ensuite rapidement rejoint pour lui faire des appels de phares et des gestes impolis, avant de le dépasser et de réduire son allure. A.D._ l'aurait alors à nouveau doublé. Quoi qu'il en soit, il est établi qu'A.D._ a fini par s'arrêter et que N._ en a fait de même à une quinzaine de mètres derrière lui.
Il ressort de plusieurs des photographies figurant au dossier (P. 28, clichés n° 5a, 5b et 5c), dont il est incontesté qu'elles représentent les lieux des faits, que le tronçon de route sur lequel A.D._ s'était arrêté est dégagé et bordé d'un accotement herbeux; le dépassement y est autorisé. Le tronçon est situé en forêt, mais celle-ci est déboisée de part et d'autre de la voie sur une largeur significative.
A.D._ s'est limité à indiquer durant l'enquête qu'il avait arrêté son véhicule sur la route devant celui de N._ (PV 4, p. 2), précisant même qu'"(...) il n'y avait pas de place sur le bas côté" (PV 7, lignes 19 et 20). Il a toutefois fait valoir à l'audience d'appel qu'en arrêtant son automobile, il avait placé ses roues droites sur l’accotement herbeux bordant le bitume, rebord dont l'existence est confirmée par les clichés. Selon lui, la chaussée présentait à cet endroit une largeur de 6 m 60. Il a fait plaider à l'audience que la largeur d’une
Smart
est de 1 m 50.
En cours d'enquête (PV 1), N._ a indiqué que la "petite voiture noire (d'A.D._, réd.) était arrêtée sur la route". Cette mention, même corroborée par les dires d'A.D._ lui-même durant l'enquête, n’est pas en contradiction avec les précisions apportées à l'audience de ce jour par ce prévenu, s’agissant de la position de ses roues droites sur l’accotement herbeux. En effet, la majeure partie de la voiture se trouvait sur la route en tout état de cause et on ne saurait faire grief ni au plaignant ni au prévenu de ne pas avoir mentionné séparément le bitume et l'accotement bordant le revêtement de la chaussée alors qu'il décrivait les faits incriminés. Cette précision est favorable à cet intimé et sera donc retenue en sa faveur, faute de preuve du contraire.
Les frères A.D._ sont alors descendus de voiture pour se diriger vers la voiture de N._, les deux portières de la
Smart
restant ouvertes. D’autres véhicules se sont arrêtés derrière la voiture de N._.
B.D._ a empoigné celui-ci par l'extérieur de la voiture en déchirant son chandail et a agressé physiquement G._. Celle-ci a souffert de griffures au visage et à la tête, ainsi que de douleurs dorsales et d'insomnie. Sa capacité de travail en a été réduite à 30 % du 22 juin au 14 juillet 2008. A noter que la cour ne retient pas qu'A.D._ s'en soit aussi pris à l'un au moins des occupants du véhicule de N._, contrairement à la description des faits donnée par ce dernier, qui a incriminé les deux occupants de la
Smart
(PV 1, p. 1), puis le conducteur uniquement (PV 5, lignes 28 à 30).
1.2 N._ et G._ ont déposé plainte. A.D._ a été renvoyé devant le tribunal de police pour répondre des chefs d'accusation de voies de fait, de contrainte, d'entrave à la circulation publique et de violation grave des règles de la circulation routière. Pour sa part, B.D._ a été déféré pour lésions corporelles simples et dommages à la propriété. Les plaintes et les conclusions civiles ont été retirées le 1
er
février 2012.
2. Appréciant les faits de la cause, le tribunal de police a considéré qu'il n'était pas établi, eu égard notamment à la largeur de la
Smart
d'A.D._, qu'il aurait été impossible à N._ de poursuivre sa route lorsque le prévenu s'était arrêté, pas plus qu'il ne pouvait être retenu que celui-là avait été contraint de s'arrêter par la présence des frères A.D._ sur la chaussée. A.D._ a donc été libéré de l'accusation de contrainte au bénéfice du doute. En outre, sachant qu'il s'était arrêté au bord de la route à un endroit où la visibilité permettait aux autres usagers de s'arrêter à temps si nécessaire, le premier juge a considéré que ce prévenu n'avait pas créé de danger abstrait accru, à savoir une très grand probabilité d'une mise en danger concrète, voire d'une lésion en raison de circonstances particulières. Partant, A.D._ a été libéré de l'accusation de violation grave des règles de la circulation routière. Pour les mêmes motifs, il a aussi été libéré de l'accusation d'entrave à la circulation publique.
Vu la libération de ce prévenu de toutes les infractions poursuivies d'office, les frais de la cause ont été laissés à la charge de l'Etat en ce qui le concerne.
Quant à B.D._, il a été entièrement libéré des fins de la poursuite pénale par l'effet des retraits de plainte. Partant, il a également été libéré de tous frais de justice. | En droit :
1. 1
Interjeté dans les formes et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable tant contre l'un que contre l'autre des intimés.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
1.3
L'intimé B.D._ ne s'est pas présenté à l'audience d'appel, mais son conseil a accepté de l'y représenter.
2.
L’accusation de violation grave des règles de la circulation ayant été abandonnée par l'appelant à l'encontre de l'intimé A.D._, seules restent en cause la contrainte et l'entrave à la circulation publique (art. 404 al. 1 CPP). Il doit donc être déterminé si les éléments constitutifs d'au moins l'une de ces deux infractions sont réunis en l'espèce.
3.1
Parmi les éléments objectifs cumulatifs de la contrainte, réprimée par l'art. 181 CP, figure l'usage intentionnel d'un moyen de cœrcition illicite obligeant ainsi une personne à un comportement déterminé, la ratio legis étant de protéger la liberté d'action et de décision (Corboz, Les infractions en droit suisse, 3
e
éd., vol. I, Berne 2010, ch. 1 ad art. 181 CP, p. 702). Par les moyens utilisés et par son intensité, l'usage de la violence doit être de nature à entraver la victime dans sa liberté d'action. L'usage de la violence doit donc revêtir une certaine gravité (Corboz, op. cit., ch. 4 in initio ad art. 181 CP, p. 702). Ainsi, l'auteur de la contrainte veut entraver autrui dans sa liberté (Corboz, op. cit., ch. 10 in fine ad art. 181 CP, p. 704).
3.2
Il a été jugé que l'automobiliste irascible qui se place devant un autobus pour l'empêcher de quitter l'arrêt public parce qu'il veut discuter avec son conducteur à propos d'une manœuvre qu'il vient d'effectuer ne se rend pas coupable de contrainte, même au stade de la tentative, faute d'une intensité suffisante. En effet, le conducteur du bus a pu contourner l'obstacle en reculant son véhicule, l'entrave n'excédant pas une minute et demie, ce qui est un retard fréquemment causé par des circonstances anodines dans les transports publics. L'élément subjectif n'est pas non plus réalisé car rien n'indique que l'auteur voulait retenir le chauffeur plus longtemps que ce qu'a effectivement duré l'incident (RSJ 2007 p. 47, cité par Favre, Pellet et Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 3
ème
éd. 2007, ch. 1.18 ad art. 181 CP, p. 500).
4.
Dans le cas particulier, A.D._ a arrêté son véhicule sur la voie publique, qui plus est en laissant les portières ouvertes. Cette manœuvre a été effectuée sans nécessité aucune. Elle ne découlait que du rodéo routier auquel ce conducteur venait de se livrer et de la volonté des intimés d’en découdre avec les occupants de la
Mercedes
. Ce faisant, A.D._ a accaparé une partie significative de la largeur de la chaussée. Il a de surcroît effectué sa manœuvre dans une période durant laquelle il devait compter sur une affluence élevée, s'agissant d'un dimanche estival en fin d'après-midi. De fait, il s’agit d’un élément objectif d’entrave à la circulation, en particulier au préjudice de N._ et de tout automobiliste qui suivait alors le véhicule de ce dernier, situé à une quinzaine de mètres derrière celui d'A.D._.
Cela étant, la question à trancher sous l'angle de l'art. 181 CP est celle de la privation de choix, donc de l’atteinte à la liberté de décision d'au moins un usager, s'agissant notamment de N._. L’élément déterminant est, comme l'a relevé le tribunal de police, que les véhicules arrivant par la suite pouvaient contourner l’obstacle qui se dressait devant eux. En particulier, ni N._ ni G._ n'ont prétendu que leur véhicule avait été contraint de s'arrêter du fait de la manœuvre incriminée. En effet, d'une part, la
Smart
est notoirement une voiture de petite taille, notamment en largeur et même portières ouvertes, et l'intimé avait arrêté sa voiture en plaçant ses roues droites sur l'accotement bordant la chaussée. D'autre part, aucun élément du dossier ne permet de retenir qu'il y avait, à ce moment précis, un flux continu de trafic dans l'autre sens. Le fait notoire d'une affluence générale sur la route du Col des Mosses en fin d'après-midi par un dimanche estival n'est pas de nature à mener à une appréciation contraire en ce qui concerne un incident isolé d'une durée aussi brève. Or, toute atteinte à la fluidité du trafic ne constitue pas une contrainte au sens légal, laquelle nécessite bien plutôt une atteinte qualifiée à la liberté de choix de la victime (RSJ 2007 p. 47 précité). Cette condition faisant défaut, l'intimé ne s'est dès lors pas rendu coupable de contrainte.
5.
L'intérêt juridiquement protégé par l'art. 237 CP, qui réprime l'entrave à la circulation publique, est la vie et l'intégrité corporelle des personnes qui se trouvent dans la circulation publique (Corboz, op. cit., vol. II, ch. 2 ad art. 237 CP, p. 152). Outre la circulation publique, les éléments objectifs constitutifs de l'infraction sont une entrave et une mise en danger (Corboz, op. cit., ch. 12 ss et 16 ss ad art. 237 CP, pp. 154 s.). Quant à la première, le comportement punissable consiste à empêcher, troubler ou mettre en danger la circulation publique (Corboz, op. cit., ch. 12 ad art. 237 CP, p. 154). Pour ce qui est de la seconde, l'entrave à la circulation publique doit causer une mise en danger pour la vie ou l'intégrité corporelle des personnes; la mise en danger d'une seule personne suffit (Corboz, op. cit, ch. 16 ad. art. 237 CP, p. 155). Il faut cependant que la mise en danger apparaisse concrète, c'est-à-dire qu'une lésion soit sérieusement vraisemblable (Corboz, op. cit., ch. 19 ad art. 237 CP, p. 155).
6.
Dans le cas particulier, il ressort des photographies figurant au dossier (P. 28, clichés n° 5a, 5b et 5c), décrites dans les faits, que le tronçon de route sur lequel l'intimé A.D._ s'était arrêté était doté d'une bonne visibilité. Appréciant les faits, la cour considère que cette vision étendue sur une route suffisamment large et dégagée permettait aux autres usagers, notamment ceux qui suivaient le véhicule de N._, de s'arrêter à temps. Indépendamment de savoir si ces usagers avaient à s'arrêter ou pas, on ne discerne aucune mise en danger pour la vie ou l'intégrité corporelle de quiconque. Les mêmes considérations s'appliquent aux éventuels usagers circulant en sens inverse. Enfin, rien n'indique qu'après être sorti de la voiture, A.D._ ait, comme piéton cette fois, créé un danger pour autrui par sa présence.
Les éléments constitutifs cumulatifs de l'infraction réprimée par l'art. 237 CP ne sont ainsi pas davantage réalisés. L'appel doit donc être rejeté en tant qu'il tend à la condamnation pénale de l'intimé A.D._.
7.1
L'appelant conteste ensuite la répartition des frais de première instance, dont il demande la mise à la charge des intimés par moitié chacun, nonobstant le retrait des plaintes qui avaient été déposées à leur encontre.
La présente procédure ayant été introduite sous l'empire du code de procédure cantonal, les frais en question sont, pour partie, antérieurs et, pour partie, postérieurs à l'entrée en vigueur du Code de procédure pénale suisse, le 1
er
janvier 2011. L'art. 448 al. 2 CPP prévoit que les actes de procédure ordonnés ou accomplis avant l’entrée en vigueur du code fédéral conservent leur validité.
7.2
D'après l'art. 90 al. 2 CPP-VD, en cas de retrait de plainte, les frais sont mis à la charge des parties ou de l'une d'elles, à moins que l'équité n'exige de les laisser totalement ou partiellement à la charge de l'Etat. En vertu de l'art. 158 CPP-VD, interprété à la lumière de l'art. 6 par. 2 CEDH, le prévenu libéré des fins de l'action pénale peut être condamné aux frais lorsque l'équité l'exige, notamment s'il a donné lieu à l'enquête ou l'a compliquée par un comportement critiquable au regard du droit civil. Le nouveau droit consacre les mêmes principes (cf. l'art 426 al. 2 CPP).
7.3
Selon la jurisprudence fédérale (TF 1P.104/2007 du 18 juin 2007 c. 4.2), la condamnation aux frais d'un prévenu acquitté ou mis au bénéfice d'un non-lieu et le refus de lui allouer une indemnité à titre de dépens ne sont admissibles que si l'intéressé a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui, ou s'il en a entravé le cours; à cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, peut être déterminant (ATF 120 Ia 147 c. 3b p. 155; 119 Ia 332 c. 1b p. 334). D'une façon générale, le juge peut prendre en considération toute règle juridique, appartenant au droit fédéral ou cantonal, public, privé ou pénal, écrit ou non écrit, pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais ou le refus d'une indemnité (ATF 116 Ia 162 c. 2d p. 171 et c. 2e p. 175; TF 6B_87/2012 du 27 avril 2012 c. 1.2).
Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais ou le refus d'une indemnité, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement. Enfin, la condamnation aux frais, fondée sur la seule commission de l'infraction pénale ne doit pas constituer une sanction pénale déguisée (ATF 6B_387/2009 du 20 octobre 2009 c. 1.1, et les références).
Pour qu’une condamnation aux frais soit possible, il faut ensuite, comme déjà relevé, qu'il existe un lien de causalité entre le comportement répréhensible reproché à l'intéressé et les frais mis à sa charge (ATF 109 Ia 160, JT 1984 IV 85, sp. 86; Jomini, La condamnation aux frais de justice du prévenu mis au bénéfice d'un non-lieu ou de l'accusé acquitté, RPS 1990, p. 359). La relation de causalité est réalisée lorsque, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement de la personne concernée était de nature à provoquer l'ouverture du procès pénal et le dommage ou les frais que celui-ci a lui-même entraînés (cf. notamment TF 1P.449/2002 du 25 novembre 2002 c. 2.1). Le juge doit se référer aux principes généraux de la responsabilité délictuelle (ATF 116 Ia 162 c. 2c p. 169) et fonder son prononcé sur des faits incontestés ou déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371 c. 2a in fine p. 374).
8.1
Dans le cas particulier, c'est en vain que l'intimé comparant a fait plaider que, loin d'avoir prolongé l'enquête, il l'avait abrégée en prenant à sa charge la quasi-totalité du dédommagement promis par son frère pour le retrait de la plainte déposée contre ce dernier. En effet, l'élément déterminant est de savoir si l'un au moins des intimés a donné lieu à l'enquête par des actes illicites au regard du droit civil, indépendamment de savoir s'il l'a compliquée au sens de l'art. 90 al. 2 CPP-VD. Le comportement des deux intimés doit être examiné séparément.
8.2
Il est établi qu'B.D._ a agressé physiquement des personnes sans défense, dont une sexagénaire, pour un motif futile. Ainsi, il a empoigné N._ par l'extérieur de la voiture en déchirant son chandail. Il a en outre causé des lésions à G._, laquelle a souffert de griffures au visage et à la tête, ainsi que de douleurs dorsales et d'insomnie, ce dans une mesure telle que sa capacité de travail en a été réduite à 30 % jusqu'au 14 juillet 2008. Ce comportement est à l'origine de l'ouverture de la procédure. Même s'il a échappé à toute poursuite pénale du fait des retraits de plainte, l'auteur n'en a pas moins violé de manière crasse les normes civiles les plus élémentaires. Son comportement est donc répréhensible au regard du droit cantonal en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010, précisé par la jurisprudence fédérale rendue sous l'empire des codes cantonaux. Il l'est de même sous l'angle de l'art. 426 al. 2 CPP. Il justifie dès lors que cet intimé supporte les frais de première instance par moitié des frais communs et de l’indemnité allouée à son défenseur d’office.
8.3
Quant à A.D._, il s'est limité à arrêter la voiture qu'il pilotait, ce dans le dessein évident de demander des explications à N._ pour en découdre avec lui. Il a en outre quitté son véhicule pour se diriger vers celui-ci. Il ne s'est néanmoins livré à des voies de fait au préjudice d'aucun des occupants de cette automobile; en particulier, le jugement ne le mentionne pas et l'instruction menée en appel n'a établi aucun fait déterminant à cet égard. Il n'est donc pas établi qu'il aurait commis un acte illicite au sens du droit civil justifiant la mise à sa charge de tout ou même d'une partie des frais de première instance. L'appel portant sur ce point sera donc rejeté en ce qui le concerne. Partant, le solde des frais de première instance sera laissé à la charge de l’Etat.
9.
L'intimé B.D._ succombe ainsi à l'appel. Nonobstant l'issue de la cause, il n'y a pas lieu de laisser une part des frais d'arrêt selon l'art. 424 CPP à la charge de cet intimé. En effet, même si cette partie a conclu au rejet de l'appel, le Ministère public a conclu à ce que les frais de la procédure d'appel soient laissés à la charge de l'Etat. L'ensemble des frais d'appel doit ainsi être laissé à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1 CPP).
Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité d’office allouée au conseil de chacun des intimés (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). L’intervention des conseils s’est limitée pour l'essentiel à de menus procédés écrits et à la plaidoirie, en une débattue, dans une cause peu complexe. L'indemnité allouée au défenseur d'office de l'intimé B.D._ doit être fixée à 432 fr., débours et TVA compris, pour deux heures d'activité en plus de 40 fr. de débours. Pour sa part, celle en faveur du défenseur d'office de l'intimé A.D._ doit être fixée à 1’123 fr. 20, débours et TVA compris également, pour un peu plus de cinq heures et demie d'activité, soit selon la lise d'opération produite compte tenu en outre de la durée de l'audience. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8531dcbf-233b-4501-a604-46048ea43096 | En fait :
A.
Par prononcé du 20 janvier 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a ordonné l’arrestation immédiate de X._ et sa mise en détention pour des motifs de sûreté.
Par jugement du 21 janvier 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que X._ s’est rendu coupable d’actes d’ordre sexuel avec des enfants, de contrainte sexuelle, de viol et de violation grave des règles de la circulation routière (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de quatre ans, sous déduction de deux jours de détention avant jugement (II), a ordonné son maintien en détention pour des motifs de sûreté pour une durée de six mois (III), a dit que X._ doit immédiat paiement à N._ de la somme de 15'000 fr., avec intérêt à 5 % l’an dès l’échéance moyenne du 1
er
mars 2004 (IV), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièces à conviction des DVD séquestrés sous fiches nos 55288, 55289, 55290 et 55291 (V), a arrêté à 13'222 fr. 20, TTC, le montant de l’indemnité allouée à Me Coralie Devaud, conseil d’office de N._ (VI), a arrête à 4'222 fr. 40 le montant de l’indemnité allouée à Me Julien Rouvinez, défenseur d’office de X._ (VII), a dit que, lorsque sa situation financière le permettra, X._ sera tenu de rembourser à l’Etat les montants des indemnités allouées sous chiffres VI et VII ci-dessus (VIII) et a mis les frais de la cause par 16'872 fr. 90 à la charge de X._ (IX).
B.
X._ a déclaré recourir le 20 janvier 2015 contre le prononcé du même jour ordonnant sa détention pour des motifs de sûreté. Le 22 janvier 2015, il a annoncé faire appel du jugement, demandant sa mise en liberté immédiate. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 24 février 2015, concluant à sa libération des chefs d’accusation d’actes d’ordre sexuel avec des enfants, de contrainte sexuelle et de viol, à sa remise en liberté immédiate et à l’allocation en sa faveur d’une indemnité pour le dommage économique et le tort moral subis du fait de la détention, réparation dont le montant devra être déterminé en cours de procédure.
Par décision du 22 janvier 2015 (n° 46), la direction de la procédure a, notamment, rejeté le recours contre le prononcé du 20 janvier 2015, considéré comme une demande de mise en liberté (I), et a dit que les frais suivent le sort de la cause (II).
Par arrêt du 17 mars 2015 (1B_64/2015), la I
re
Cour de droit public du Tribunal fédéral a rejeté le recours du prévenu contre cette décision.
Le 5 mars 2015, le prévenu a adressé à la Cour d’appel pénale une « requête en constatation du caractère illicite des conditions de détention ».
Par courrier du 24 mars 2015, la direction de la procédure a avisé le prévenu que sa requête serait examinée avec l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. Le prévenu X._, né en 1975 en Bosnie Herzégovine, vit en Suisse depuis 1995. Il est désormais ressortissant suisse. Il travaille comme aide-monteur pour un salaire mensuel brut de 3'800 francs. Marié en secondes noces, le prévenu est père de trois enfants, dont deux nés de sa première union et le troisième d’une relation extra-maritale. Son casier judiciaire suisse est vierge. L’extrait du fichier ADMAS le concernant mentionne deux retraits de permis pour excès de vitesse.
2.1 A l’été 2003, à son domicile de Lausanne-Blécherette, X._ a fait voir un film pornographique à sa cousine N._, née le 26 mars 1989. Il a ouvert son pantalon, s’est touché, a embrassé la jeune fille puis l’a caressée d’une main sur tout le corps, y compris sur le sexe, par-dessous les habits, tout en lui tenant le bras de son autre main. A partir de cet événement, le prévenu a régulièrement crédité la « carte Easy » du téléphone portable de la jeune fille.
2.2 Un mercredi après-midi de la fin 2003, au domicile de la famille N._, au Lieu, le prévenu a rendu visite à N._ et, après s’être arrangé pour rester seul avec elle, l’a embrassée, l’a touchée notamment sur le sexe puis l’a tenue par le bras et l’a déshabillée avant de la forcer à lui prodiguer une fellation, en lui tenant l’arrière de la tête. Il a ensuite caressé le sexe de la jeune fille et l’a pénétrée vaginalement. N._ a tenté de le repousser.
2.3 Entre fin 2003 et septembre 2005, également au domicile de la famille de la jeune fille, à une vingtaine de reprises au moins, le prévenu a rendu visite à N._ les mercredis après-midi alors qu’elle était seule dans l’appartement, l’a forcée à lui prodiguer une fellation en la prenant par l’arrière de la tête, l’a pénétrée vaginalement et, à deux reprises, a éjaculé dans la bouche de celle-ci. Pendant cette période, il a continué à recharger la « carte Easy » du téléphone portable de la jeune fille, lui a passé de nombreux appels et envoyé de nombreux messages, et lui a dit que « si elle ne parlait pas, elle obtiendrait tout ce qu’elle voulait ». N._ a expliqué à plusieurs reprises à X._ qu’elle ne voulait pas avoir de relations avec lui et a souvent essayé de se défendre durant l’acte, y compris physiquement, mais sans y parvenir.
2.4 En mars 2005, soit autour du 16ème anniversaire de la jeune fille, dans une forêt près du Mont d’Orzeires, le prévenu a contraint N._ à le masturber jusqu’à l’éjaculation puis l’a pénétrée vaginalement.
2.5 A l’été 2005, dans une forêt près de Lausanne, le prévenu a tiré N._ par la main hors de sa voiture, l’a obligée à le suivre, a baissé son pantalon et l’a pénétrée vaginalement.
2.6 A l’été 2005, au domicile d’[...], à Lausanne, le prévenu a embrassé N._, l’a touchée et l’a pénétrée vaginalement.
2.7 N._ a déposé plainte à raison de l’ensemble de ces faits le 8 mai 2012.
2.8 Le 23 mars 2013 à 20h12, à Echallens, sur la route de Moudon, au volant du véhicule automobile immatriculé VD [...], le prévenu a commis un dépassement de vitesse de 25 km/h (88 km/h au lieu de 60 km/h, sous déduction de la marge de sécurité de 3 km/h). | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
Se prévalant de la présomption d’innocence et d’une constatation incomplète ou erronée des faits, l’appelant conteste les faits incriminés.
3.2.1
L’art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation (al. 3).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s’agit de l’acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory,
in
: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP; Kistler Vianin, op. cit., nn. 19 ss ad art. 398 CPP, et les références jurisprudentielles citées).
Lorsque l'autorité a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a; cf. aussi, quant à la notion d’arbitraire, ATF 136 III 552 c. 4.2).
3.2.2
La constatation des faits est erronée au sens de l’art. 398 al. 3 CPP, précité, lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin,
in
: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
4.
4.1
Appréciant les faits de la cause, le Tribunal correctionnel a, s’agissant des faits dénoncés par la plaignante, assis sa conviction sur les éléments suivants :
- les déclarations de la victime, à ses proches et aux enquêteurs, étaient constantes;
- la plaignante n’avait aucune raison de mentir;
- elle présentait des symptômes et des comportements compatibles avec une agression sexuelle, confirmés par des médecins pour les premiers et des proches pour les seconds;
- la mère et le frère de la plaignante confirmaient des éléments circonstanciels que le prévenu contestait;
- le prévenu avait tenté de s’en prendre à deux autres adolescentes;
- il avait un rapport inadéquat à la sexualité, ayant voulu apprendre à son fils de 4 ans à se masturber et demandé à sa fille de 11 ans de « se raser le maillot »;
- il n’avait pas, comme il le prétendait, un travail dont les horaires l’auraient empêché, matériellement, de commettre les actes qui lui étaient reprochés;
- d’une façon générale, il s’était confondu en contradictions, imprécisions et réponses évasives, niant même l’évidence, comme sa présence à des réunions de famille où elle était attestée par des photographies.
4.2
Le prévenu tire l’essentiel de son argumentation du moyen selon lequel il avait un travail à 100 % en région lausannoise durant la période incriminée et qu’il ne pouvait donc pas abuser de la plaignante à la Vallée de Joux les mercredis après-midi de manière récurrente. Il se fonde sur diverses attestations d’employeurs, déjà versées au dossier (P. 48, 57/1 à 57/5). Il conteste les « calculs insensés » des premiers juges au sujet de ses horaires qu’il nie avoir été variables. Pour le même motif, les déclarations de la victime selon lesquelles, à une occasion, il aurait passé toute une semaine à la maison en été 2003 ou un mercredi de mars 2005 à Yverdon-les-Bains ne seraient pas crédibles. Le témoignage d’[...] contredirait aussi le récit de la victime d’un épisode d’abus de l’été 2005.
L’acte d’accusation retient notamment des actes d’ordre sexuel perpétrés les mercredis après-midi « entre fin 2003 et septembre 2005 ». Le tribunal correctionnel n’a pas retenu que des abus se seraient produits tous les mercredis durant cette période, mais « à plus d’une vingtaine de reprises au moins » durant cette même période; pour arriver à cette appréciation, il a pondéré les périodes et le type d’activité du prévenu (jugement, p. 18) et les déclarations de la victime et les témoignages de ses mère et frère (jugement, p. 19). Ce résultat n’est pas critiquable. En effet, des pièces invoquées par l’appelant, il résulte que l’intéressé avait un travail à 100 % jusqu’au 31 décembre 2003 et à partir du 7 février 2005; en revanche tel n’était pas le cas durant la période du 1
er
janvier 2004 au 6 février 2005. On peut parfaitement en conclure que les actes d’ordre sexuel ont été les plus fréquents en 2004, alors qu’à la fin 2003 et en 2005, ils se sont limités à des épisodes plus isolés correspondant à des vacances ou autres congés spéciaux, sans qu’il soit nécessaire de se pencher sur le détail des horaires du prévenu. Ces variations sont du reste assez cohérentes avec le contexte de vie de l’appelant : en effet, lors du premier épisode isolé en été 2003, il vivait encore avec sa femme; par la suite, le couple a rompu et l’épouse a été remplacée par la maîtresse. Néanmoins, à l’automne suivant, le couple a continué à rendre visite à la famille de la plaignante, la maîtresse du prévenu étant enceinte durant le premier semestre 2004, puis jeune mère. Le nombre d’épisodes « du mercredi » retenus par les premiers juges n’est ainsi pas critiquable. Par identité de motifs, l’argumentation de l’appelant déduite de la durée du trajet entre la région lausannoise et la Vallée de Joux tombe à faux.
4.3
Pour ce qui est des autres épisodes, le prévenu, en 2003, avait droit à quatre semaines de vacances (P. 57 et art. 329a CO). Son emploi ne l’aurait donc pas empêché de rester une semaine à la maison à cette époque. De même, rien ne l’empêchait de prendre congé un mercredi de mars 2005; son employeur a indiqué n’avoir pas conservé de données à ce sujet (P. 48); au demeurant, la sortie à Yverdon-les-Bains n’a pas eu lieu à l’insu de la mère de la victime, mais sous un faux prétexte; la plaignante et sa mère ne précisent ni à quelle heure, ni combien de temps a duré cet épisode, qui a pu avoir lieu en fin de journée (PV aud. 1 et 2).
Le témoignage d’[...], ex-compagne du prévenu, concerne un épisode censé avoir eu lieu à l’été 2005. La plaignante, alors en stage à Lausanne, avait dormi chez ce témoin. Le prévenu est d’avis qu’en disant que le fait de dormir avec la fille d’[...] lui permettait de ne jamais être seule avec son cousin, la plaignante laissait entendre qu’il vivait dans cet appartement; or, il fait valoir qu’à cette époque, il ne vivait précisément pas avec [...], ce que l’intéressée confirmait, et que l’abus allégué ne serait donc pas plausible. Toutefois, la plaignante n’a jamais affirmé que le prévenu avait séjourné chez elle lors des faits, ni qu’un abus avait eu lieu à cet endroit ou durant son séjour. Elle a seulement indiqué que le prévenu l’avait une fois emmenée en forêt, « sauf erreur » après ce stage, en la ramenant chez elle, et avait abusé d’elle à cette occasion (PV aud. 1, p. 3). Le témoignage d’[...], qui ne se souvient pas comment la jeune fille est rentrée (PV aud. 7, p. 5), ne contredit pas la version de la victime. La phrase mise en exergue signifie seulement que la victime pensait ne prendre aucun risque en acceptant de séjourner chez la nouvelle amie de son cousin. Enfin, contrairement à ce que plaide l’appelant, [...] n’a pas affirmé que le prévenu ignorait la présence de sa cousine, mais seulement qu’elle ne l’en avait pas prévenu. La relation du couple était mouvementée, avec des disputes et des réconciliations; si le prévenu avait gardé son propre appartement, il n’est pas exclu qu’il ait passé des moments au logement de son amie ou appris par un tiers la présence à Lausanne de sa cousine.
En conclusion, contrairement à ce que soutient l’appelant, il n’y avait aucune « impossibilité matérielle » pour le prévenu de commettre les abus en cause, qui devrait faire douter des déclarations de la plaignante.
4.4
L’appelant fait valoir qu’un gynécologue consulté après le premier abus n’avait constaté aucune lésion compatible avec une agression sexuelle.
On sait d’expérience que les agressions sexuelles ne causent pas systématiquement de lésions physiques. De plus, il ne ressort pas du dossier que la consultation aurait, temporellement, suivi de près l’un des épisodes d’abus. L’absence de lésions constatées ne peut donc pas être considérée comme un indice d’innocence.
4.5
L’appelant conteste que les déclarations de la plaignante aient été constantes. Au contraire, elles auraient varié au gré de l’enquête, s’adaptant aux résultats de celle-ci, en particulier sur la question des dates des abus allégués. Le prévenu signale par exemple que la consultation du gynécologue censée suivre le premier abus situé à l’été 2003 avait eu lieu en octobre 2004.
Les événements décrits par la plaignante n’ont pas varié, si ce n’est sur un point unique : le premier épisode, daté initialement de l’été 2004, a été replacé à l’été 2003. Cela ne suffit pas à mettre en doute la crédibilité de la victime, qui a été entendue par la police environ dix ans après les faits et qui a pu, de bonne foi, se tromper d’année en replaçant un événement aussi ancien. D’ailleurs, une des premières choses signalées par la plaignante lors du dépôt de sa plainte, c’est précisément qu’elle avait quatorze ans au début de ces événements, ce qui les situe bien en 2003.
Pour le surplus, la plaignante n’a jamais déclaré avoir immédiatement consulté un gynécologue après le premier abus. Elle a bien plutôt rapporté qu’après la première pénétration – située vers la fin 2003 – elle avait eu un « gros problème gynécologique » en ce sens qu’elle « saignait constamment » et que sa mère l’avait emmenée chez un médecin (PV aud. 1, p. 2). Il n’est pas exclu que du temps ait passé entre la pénétration et le début du problème, puis entre le début du problème et la consultation, tant il est vrai qu’une jeune patiente ne consulte pas nécessairement aux premières règles trop abondantes. D’ailleurs, lors de sa deuxième audition, la plaignante a confirmé que quelques mois s’étaient passés entre l’agression sexuelle et les premiers saignements problématiques (PV aud. 10, p. 4).
4.6
L’appelant fait en outre valoir que le frère de la plaignante a été influencé par celle-ci et que son témoignage, trop précis, n’est pas crédible.
La lecture du procès-verbal d’audition permet de constater que ce témoin distingue clairement ce qui lui a été rapporté par sa sœur, et ce dont il se souvient personnellement. Cela permet de faire la part des choses.
4.7
Le prévenu conteste enfin les faits périphériques retenus selon lui « sans preuves » à son sujet, à savoir qu’il aurait tenté de s’en prendre à d’autres adolescentes ou aurait eu un comportement inadéquat vis-à-vis de ses enfants, relevant que ces actes, seraient-ils même établis, ne constitueraient en tout état de cause pas une preuve de sa culpabilité dans la présente affaire.
Les témoignages d’[...], [...], [...] et [...] concordent sur le fait que le prévenu est un séducteur insistant, y compris avec les adolescentes, et un menteur, et qu’il a des comportements inadéquats, entre autres dans ses relations avec les enfants. Ces témoignages constituent autant de preuves. Rien ne permet de penser que toutes ces personnes mentiraient. On peut constater que le prévenu a jeté son dévolu à la fois sur la fille de sa compagne ([...]) et sur une autre cousine ([...]), mais aussi sur une jeune nounou de 16 ou 17 ans (PV aud. 15, p. 15). Il ressort également d’un de ces témoignages que l’épouse actuelle du prévenu est encore une de ses cousines, ce qui serait « grave » dans sa culture (PV aud. 15, p. 5).
Effectivement, ces comportements inadéquats qu’a pu avoir le prévenu ne constituent pas une preuve qu’il est coupable des faits qui lui sont reprochés dans la présente affaire. Ils doivent en revanche être considérés comme des indices révélateurs de sa mentalité, l’appelant pouvant être tenu pour capable de commettre les actes en cause. Il est d’ailleurs frappant de constater qu’à aucun moment ses ex-compagnes, mères de ses enfants, ne se sont étonnées des accusations qui le visaient, ni n’ont exclu sa possible culpabilité. Il s’agit donc d’éléments à prendre en compte dans le faisceau d’indices.
4.8
La déclaration d’appel ne contient pas d’autre argument. On peut ainsi constater que l’appelant n’a rien à opposer au motif des premiers juges selon lequel la plaignante – et donc ses proches – n’avait aucune raison de mentir.
Il ressort du dossier que la plaignante, qui allait mal au point de tenter de se taillader les veines (cf. not. PV aud. 10, p. 4, lignes 117 s.), s’est confiée une première fois en 2006 à sa mère et en 2007 à son mari (PV aud. 1 à 3). A l’époque, elle n’avait pas eu le courage d’affronter une procédure pénale. Sa mère avait alors dit au prévenu qu’elle ne voulait plus qu’il vienne à leur domicile. La plaignante n’avait plus revu son cousin depuis lors. En 2012 toutefois, elle avait développé des problèmes de santé qui pouvaient, selon son médecin, être dus à un choc émotionnel. Elle a alors estimé qu’il était nécessaire, pour aller mieux, que son secret soit « évacué ».
Le prévenu, sur la suggestion de son avocat, a émis l’hypothèse que la plaignante mentirait pour, en bref, lui « faire payer » le divorce de ses parents (PV aud. 4, p. 9). Il est d’avis que sa tante – la mère de la plaignante – refusait de « laisser partir » son mari. Rien ne vient étayer cette thèse d’une vengeance à retardement, qui plus est dirigée non contre le coupable désigné mais contre un tiers innocent. Le prévenu dit du reste lui-même ne voir aucune autre raison possible à la dénonciation (ibidem).
On peut enfin rappeler, avec les premiers juges, que la plaignante présente des symptômes et des comportements compatibles avec une agression sexuelle, confirmés par des médecins pour les premiers et des proches pour les seconds.
En définitive, ce faisceau d’indices convergents exclut tout doute sur les faits de la cause. C’est à tort que l’appelant soutient que la condamnation repose sur les seuls dires de la plaignante. Partant, le jugement ne procède ni d’une constatation incomplète ou erronée des faits, ni d’une violation de la présomption d’innocence.
5.
Le prévenu ne conteste pas les qualifications d’actes d’ordre sexuel avec des enfants, de contrainte sexuelle et de viol, qui sont correctes. La victime avait moins de seize ans pour l’essentiel des faits. Elle a subi l’acte sexuel proprement dit mais aussi d’autres pratiques comme la fellation. Elle a été parfois contrainte par la force physique, étant rappelé que le prévenu faisait de la boxe et du full contact (P. 11 p. 13) et avait travaillé comme agent de sécurité (PV aud. 4, p. 7, R. 26, et PV aud. 11, p. 4, lignes 116 s.). La contrainte exercée par l’auteur ressort de diverses déclarations de la plaignante à ce sujet, à savoir : « Quasiment à chaque fois, avant de me pénétrer, Rahiz me prenait la tête et me forçait à lui faire une fellation (...) »; « Vous me demandez si j’ai essayé de le repousser. J’essayais constamment, mais il me tenait les bras »; « J’ai essayé de nombreuses fois de me défendre, y compris physiquement, de partir ou de l’éviter, mais il n’y avait pas d’issue. (...). Il m’est arrivé d’essayer de lui donner des coups ou de le repousser, mais rien ne l’arrêtait. (...). Si j’essayais de me dégager, il me retenait. Parfois donc je le laissais faire, parce que si je gigotais, cela allait être pire » (PV aud. 1, pp. 3 et 4).
6.
L’appelant ne conteste pas non plus la quotité de la peine. D’office, la cour se limitera à reprendre à son compte les éléments mentionnés à charge et à décharge par les premiers juges sous l’angle de l’art. 47 CP, hormis toutefois le « défaut de collaboration » retenu à charge par le tribunal correctionnel, le prévenu ayant le droit de nier les faits incriminés (art. 113 al. 1 CPP). A charge doit notamment être retenu le mépris affiché de l’auteur pour la victime, à qui il avait déclaré à l’époque des faits que « c’était normal, pas grave et qu’elle allait en voir d’autres » (PV aud. 1, p. 2). Malgré l’écoulement du temps, la peine est adéquate, la culpabilité de l’appelant étant lourde, objectivement et subjectivement.
7.
Le montant de la réparation morale allouée à la victime, de 15'000 fr. en capital, n’est pas non plus discuté. Il est correct, eu égard aux souffrances endurées par la plaignante, qui a notamment tenté de se suicider au printemps 2006 en se tailladant les veines (PV aud. 1 et 2; PV aud. 10, p. 4, lignes 117 s.).
8.
8.1
Le prévenu a été détenu à l’Hôtel de police du 20 janvier au 10 février 2015, soit durant 20 jours de plus que le délai maximal de 48 heures prévu par l'art. 27 LVCPP.
Si le prévenu a, de manière illicite, fait l’objet de mesures de contrainte, l’autorité pénale lui alloue une juste indemnité et réparation du tort moral (art. 431 al. 1 CPP).
8.2
En l’espèce, le prévenu ayant subi des conditions illicites de détention durant 20 jours, une réparation se justifie, qui prendra la forme d'une réduction de peine, la liberté ayant une valeur bien plus importante qu'une quelconque somme d'argent (CAPE 21 octobre 2014/274 c. 5.3).
S'agissant du rapport entre le temps passé en détention dans des conditions illicites et la réduction de la peine, il convient de rappeler que la détention n’était pas illicite en soi, seules les conditions de celle-ci l’étant. La détention a en effet été ordonnée dans les formes et aux conditions légales, par l’autorité compétente, en application des art. 224 ss CPP. Il y a dès lors lieu de réparer le tort subi en raison de la pénibilité accrue de la détention en tant qu’elle résulte de la différence des conditions de vie entre un séjour en établissement de détention avant jugement et un maintien au-delà de 48 heures dans une zone carcérale, mais non celui subi en raison de la pénibilité inhérente à toute détention. Compte tenu de la jurisprudence de la Cour de céans, il y a lieu de retenir que la pénibilité accrue de la détention justifie en l’espèce une réduction d’un jour de peine pour deux jours passés dans ces conditions illicites (CAPE 21 octobre 2014/274 c. 5.3; CAPE 10 octobre 2014/300 c. 2.2).
Il conviendra par conséquent de déduire de la peine 10 jours correspondant à la moitié des 20 jours passés par l’appelant en détention provisoire dans des conditions illicites, en sus de la détention provisoire subie depuis le jugement de première instance.
9.
L’appelant conclut enfin à sa mise en liberté immédiate. Les conditions d’une détention pour des motifs de sûreté (art. 221 al. 1 let. a CPP) restent données vu le risque que l’intéressé tente de se soustraire à sa condamnation en prenant la fuite dans son pays natal, l’état de fait déterminant à cet égard ne s’étant pas modifié depuis la décision du 22 janvier 2015 de la direction de la procédure. Au demeurant, cette conclusion était liée à l’acquittement demandé pour les infractions contre l’intégrité sexuelle et n’est pas motivée par une autre argumentation.
10.
En définitive, l’appel de X._ doit être rejeté.
Vu l'issue de la cause déférée en appel, les frais d'appel seront entièrement mis à la charge du prévenu (art. 428 al. 1 CPP), malgré l’admission de la requête en indemnisation de la détention illicite qui constitue un point de détail.
Outre l'émolument du présent arrêt et celui de la décision du 22 janvier 2015 (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu et celle octroyée au conseil d'office de l’intimée.
L’indemnité au défenseur d’office sera fixée à 6'372 fr. sur la base d’un tarif horaire de 180 fr., y compris quatre unités de vacation à 120 fr. et 20 fr. d’autres débours, TVA en plus. Le nombre d’heures indiqué sur la liste d’opérations, de presque soixante heures, est manifestement excessif au vu de la taille et de la difficulté modérées du dossier déjà traité en première instance. Trente heures seront admises, vu le recours contre l’arrestation et la requête d’indemnisation des conditions illicites de détention. L’indemnité au conseil d’office sera arrêtée à 1'707 fr. 50 sur la base du même tarif horaire, y compris une unité de vacation à 120 fr. et 30 fr. d’autres débours, TVA en plus.
L’appelant ne sera tenu de rembourser les indemnités ci-dessus mises à sa charge que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
85355fac-5b5b-4986-8a4a-e26e48b163a8 | En fait :
A.
Par jugement du 31 mai 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que X._ s'est rendu coupable d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (I), a condamné ce dernier à une peine privative de liberté de 16 (seize) mois, sous déduction de 191 (cent nonante et un) jours de détention avant jugement (II), a ordonné la confiscation et la destruction d'un natel noir et d'une carte SIM séquestrés sous fiche no 48592 ainsi que de 25 fingers de cocaïne séquestrés sous fiche no 48539 (III), a ordonné la restitution à X._ de 2'095 Neira nigérien et de 446 fr. 95 séquestrés sous fiche no 48592 (IV), a ordonné la confiscation et la dévolution à l'Etat du montant de 347.21 euros séquestrés sous fiche no 48592 (V), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièce à conviction d'un lot de radiographies séquestré sous fiche no 48792 (VI), a mis les frais de la cause, par 20'549 fr. 55, y compris l'indemnité allouée à son défenseur d'office, arrêtée à 2'116 fr. 80, TVA comprise, à la charge de X._ (VII), et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité allouée au chiffre VII ci-dessus ainsi que de celle allouée à son précédent défenseur d'office sera exigible pour autant que la situation économique de X._ se soit améliorée (VIII).
Par prononcé du 1
er
juin 2011, le Tribunal correctionnel de Lausanne a complété son jugement en ce sens qu'il a ordonné le maintien en détention, à titre de sûreté, de X._.
B.
Le 1
er
juin 2011, X._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 5 juillet 2011, l'appelant a contesté la quotité de la peine infligée et a sollicité l'octroi du sursis.
Dans le délai imparti, le Ministère public a renoncé à présenter une demande de non-entrée en matière ou un appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
X._, ressortissant du Nigéria, est né le 25 décembre 1978. Selon ses dires, il est venu pour la première fois en Europe en 2001 ou 2002. Il a trouvé du travail dans des fermes ou des vignobles situés en Espagne, pour un salaire qu'il estime à environ 600 euros par mois. Depuis cette époque, il voyage régulièrement entre le Nigéria et l'Europe. Père de deux enfants vivant au Nigéria, il subvient à leurs besoins lorsqu'il en a la possibilité.
En 2006, le prévenu s'est installé en Autriche où il s'est marié avec une ressortissante de ce pays. Il a travaillé dans une fabrique de paprika, réalisant un revenu de 900 à 1'000 euros par mois. Il a été impliqué dans une affaire de stupéfiants, a été arrêté dans ce cadre en 2008 et a purgé 18 mois de détention avant d'être libéré conditionnellement le 12 novembre 2009.
X._ et son épouse sont installés à Barcelone (E) depuis environ une année. Le prévenu n'a plus travaillé depuis 2009 en tout cas et ne perçoit ni indemnité de l'assurance chômage ni aide des services sociaux. Il est par contre titulaire d'un permis de séjour dans ce pays grâce à son mariage. Le loyer de l'appartement du couple s'élève à 500 euros par mois. Le prévenu dit n'avoir aucune dette et avoir même pu constituer des économies en Afrique. Selon ses affirmations, grâce à son salaire en Autriche ou en Espagne, il pouvait, quand il lui restait de l'argent, acheter des voitures d'occasion qu'il envoyait en Afrique pour les vendre. Ainsi, à son retour du Nigéria en août 2010, il soutient qu'il avait sur lui 2'800 euros d'économies.
Le casier judiciaire suisse du prévenu comporte une condamnation :
- 23 janvier 2003, Bezirksamt Aarau, 10 jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans pour entrée illégale.
Il ressort de l'extrait du casier judiciaire autrichien du prévenu que X._ a été condamné le 23 octobre 2009 par un tribunal de Vienne (A) à la peine de deux ans et demi d'emprisonnement. Il ressort du rapport de police du 14 février 2011 que le prévenu a été interpellé à Vienne (A) le 12 mars 2008 à la suite de la découverte d'un kilo de cocaïne à son domicile. Il a été libéré conditionnellement le 12 novembre 2009.
2.
Le 22 novembre 2010, le prévenu a été interpellé par les gardes-frontière dans le TGV Paris-Lausanne alors qu’il transportait, dans son estomac, 239.60 g de cocaïne, d’un taux de pureté moyen de 23 %, sous forme de 25 fingers. Il devait remettre cette drogue à une personne à Neuchâtel en échange d’une somme d’argent indéterminée.
Pour les besoins de la cause, X._ est détenu avant jugement depuis le 22 novembre 2010. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L'appel porte sur la question de la quotité de la peine.
3.1.
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (TF 6B_1029/2010 du 18 avril 2011 c. 2.1 et les arrêts cités).
3.2.
La juridiction d'appel revoit librement les questions d'appréciation (art. 398 al. 3 let. c CPP). Ce faisant, elle vérifie si la décision prise est la meilleure que l'on pouvait prendre et non si celle-ci a violé une norme juridique. Elle devrait toutefois s'imposer une certaine retenue afin de respecter la marge d'appréciation dont jouissent les juges de première instance. Elle ne saurait intervenir simplement pour substituer sa propre appréciation à celle des premiers juges. En particulier, elle ne devrait revoir la quotité de la peine qu'avec une grande réserve, la tâche de déterminer la sanction incombant d'abord au premier juge (Commentaire romand, n. 21 ad. art. 398, p. 1776).
3.3.
Dans le domaine spécifique des infractions à la LStup, le Tribunal fédéral a, en outre, dégagé les principes suivants (cf. TF 6B_969/2010 du 31 mars 2011 c. 3.1 ; TF 6B_922/2010 du 25 janvier 2011 c. 3.3) :
Même si la quantité de drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important. Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup. Il en va de même lorsque plusieurs des circonstances aggravantes prévues à l'art. 19 ch. 2 LStup sont réalisées. Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération. Si l'auteur sait que la drogue est particulièrement pure, sa culpabilité sera plus grande ; en revanche, sa culpabilité sera moindre s’il sait que la drogue est diluée plus que normalement.
Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importe de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation: un simple passeur est ainsi moins coupable que celui qui joue un rôle décisif dans la mise sur pied des opérations et qui participe de manière importante au bénéfice illicite (ATF 121 IV 202 c. 2d/cc).
L'étendue géographique du trafic entre également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu’un trafic avec des ramifications internationales. En effet, l’importation en Suisse de drogues a des répercussions plus graves que le seul transport à l’intérieur des frontières. Le nombre d'opérations constitue également un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux ; celui qui écoule une fois un kilo d’héroïne sera en principe moins sévèrement puni que celui qui vend cent grammes à dix reprises (TF 6S.21/2002 du 17 avril 2002).
Outre les éléments qui portent sur l'acte lui-même, le juge doit prendre en considération la situation personnelle du délinquant, à savoir sa vulnérabilité face à la peine, ses obligations familiales, sa situation professionnelle, les risques de récidive, etc. Les mobiles, c'est-à-dire les raisons qui ont poussé l'auteur à agir, ont aussi une influence sur la détermination de la peine. Il conviendra ainsi de distinguer le cas de l'auteur qui est lui-même toxicomane et qui agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (ATF 122 IV 299, c. 2b). Il faudra enfin tenir compte des antécédents, qui comprennent aussi bien les condamnations antérieures que les circonstances de la vie passée. Enfin, le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l’aveu ou de la bonne coopération de l’auteur de l’infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d’élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (TF 6B_380/2008 du 4 août 2008 c. 6.1.2 ; ATF 121 IV 202 précité, c. 2d/aa ; ATF 118 IV 342 c. 2d).
3.4.
En l'occurrence, l'appelant admet avoir été inquiété en Autriche dans une affaire portant sur un trafic de produits stupéfiants mais conteste le bien-fondé de ces accusations et soutient ignorer quel est le jugement qui a été rendu contre lui et si ce jugement a fait l'objet d'un appel. Devant le juge d'instruction le 23 décembre 2010, il avait pourtant admis que la police autrichienne avait trouvé chez lui 1 kg de cocaïne qu'il avait réceptionné à la demande d'un ami africain, qu'il avait effectué 18 mois de détention préventive et qu'il avait été libéré le 12 novembre 2009, affirmation sur laquelle il était toutefois revenue en audience le 31 mai 2011, indiquant alors qu'il avait reçu un paquet DHL d'un ami dont ignorait le contenu (jgt., p. 4). Le prévenu déduit donc de ces éléments que le seul antécédent qui peut être retenu à son encontre est sa condamnation en 2003 pour entrée illégale en Suisse.
Le prévenu avait requis la production du jugement autrichien par courrier du 11 mai 2011 et le Président du Tribunal d'arrondissement a donné suite à cette requête le 12 mai suivant. Ce jugement ne figure toutefois pas au dossier dans la mesure où la demande avait été adressée à Vienne en Isère (F) et non à Vienne en Autriche. Peu importe en l'espèce, puisque l'extrait du casier judiciaire autrichien du 17 décembre 2010, produit au dossier, suffit à lui seul pour constater l'existence d'un antécédent. Les affirmations de l'appelant selon lesquelles il ignore quel jugement a été rendu contre lui ne sont donc pas crédibles, dès lors qu'il était détenu lorsqu'il a été condamné en Autriche, et qu'il n'a de ce fait que pu prendre connaissance de cette condamnation. Au demeurant et contrairement à ce que paraît penser l'appelant, on ne saurait dénier toute force probante aux rapports de police, sur lesquels il est usuel de se fonder s'agissant notamment d'établir les antécédents pénaux d'un délinquant (TF 6B_685/2010 du 4 avril 2011 ; 6B_26/2010 du 3 mai 2010).
C'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont tenu compte de cet antécédent, l'appelant ayant récidivé pour des faits similaires une année seulement après avoir été libéré conditionnellement.
3.5.
L'appelant fait ensuite valoir que la peine privative infligée est excessive dès lors qu'il a fonctionné comme une "mule", qu'il n'était pas intégré dans un réseau de trafiquants et qu'il n'a pas pris l'initiative ou la décision de ce transport.
Le tribunal a considéré que la culpabilité de X._ était importante. A charge, les premiers juges ont retenu qu'il avait agi par appât d'un gain facile, rapide et sans état d'âme. Dans la discussion, ces derniers ont également fait référence au fait que le prévenu n'était pas toxicomane et que sa responsabilité était donc pleine et entière. Finalement, ils ont relevé qu'aux débats, le prévenu n'avait pas fait preuve d'une réelle introspection puisqu'il avait continué à minimiser les faits, se contentant d'admettre les points qu'il ne pouvait pas contester (jgt., p. 10). A décharge, le tribunal a tenu compte des regrets exprimés ainsi que de la situation personnelle difficile du prévenu.
Cette appréciation n'est en rien arbitraire dans la mesure où, de plus, il est établi que si le prévenu n'a pas transporté une quantité plus importante de cocaïne, c'est parce qu'il n'a pas réussi à avaler plus de fingers. Il convient de relever en outre que les affirmations du prévenu selon lesquelles il ignorait que les fingers contenaient de la cocaïne sont absurdes compte tenu de sa précédente condamnation qui le mettait justement en cause pour un trafic de cocaïne. Par ailleurs, s'il s'avère que le prévenu a certes eu une activité de "mule", qu'il n'a pas lui-même organisé le trafic et qu'il n'a pas eu un rôle décisif dans celui-ci, il n'en demeure pas moins que ce trafic était international et que la quantité de stupéfiants transportée était importante.
Compte tenu de ces circonstances, la peine de 16 mois infligée par le tribunal est adéquate.
4.
L'appelant sollicite finalement l'octroi du sursis.
4.1.
En matière de sursis, l'art. 42 al. 1 CP prévoit que le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Conformément à l’art. 42 al. 2 CP, si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain
(TF 6B_88/2011 du 18 avril 2011 c. 2.1 et les références citées). En d'autres termes, la loi présume l'existence d'un pronostic favorable et cette présomption doit être renversée par le juge pour exclure le sursis. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste (ATF 135 IV 180 c. 2.1; 135 IV 152 c. 3.1.2 non publié; Kuhn, Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 17 ad art. 42, p. 438). Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger
d'autres qui sont pertinents. Le juge doit motiver sa décision de manière suffisante (cf. art. 50 CP). Sa motivation doit permettre de vérifier s'il a tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (ATF 135 I 191 c. 1.1 non publié ; ATF 134 IV 1 c. 4.2.1 ; ATF 128 IV 193 c. 3a).
Selon la jurisprudence, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1). Par conditions subjectives, il faut entendre notamment la condition posée à l'art. 42 al. 2 CP (ATF 134 IV 1 c. 4.2 et 4.2.3). Il s'ensuit que l'octroi du sursis partiel est exclu si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de cent huitante jours-amende au moins, sauf s'il justifie de circonstances particulièrement favorables, c'est-à-dire de circonstances propres à renverser la présomption de pronostic négatif attachée à un tel antécédent (TF 6B_510/2010 du 4 octobre 2010 c. 1.1 et les références). Enfin, la doctrine a précisé que les antécédents visés par l’art. 42 al. 2 CP étaient les condamnations définitives et exécutoires (cf. Schneider/Garré, in : Basler Kommentar, Strafrecht I, 2
ème
éd., Bâle 2007, n. 83 ad art. 42 CP).
4.2.
L’appelant a été condamné à une peine de détention de plus de six mois prononcée par le tribunal viennois, de sorte que l'art. 42 al. 2 CP s'applique. Or, il n’y a aucune circonstance particulièrement favorable réalisée en l'espèce qui justifierait l’octroi du sursis, même partiel. L’appelant n’ayant fait que peu de cas du long séjour en détention déjà subi, et n'ayant pas hésité en toute connaissance de cause à transporter une quantité importante de cocaïne, qui aurait d’ailleurs pu être plus importante si sa capacité d’ingérer était plus grande, c’est au contraire un pronostic défavorable qui doit être posé.
5.
Au vu de ce qui précède, l'appel doit être intégralement rejeté et le jugement attaqué confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de procédure doivent être mis à la charge de l’appelant (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité allouée à défenseur d’office (cf. art. 138 et 422 al. 2 let. a CPP ; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP), arrêtée à 1'193 fr. 40 (mille cent nonante-trois francs et quarante centimes), TVA et débours compris.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8576e1f9-bf62-4d54-9d06-32b8ff1a0341 | En fait :
A.
Par jugement du 26 novembre 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a notamment constaté que T._ s'est rendu coupable d'injure et X._ de lésions corporelles simples et menaces (I), condamné T._ à cinq jours-amende avec sursis pendant deux ans, le montant du jour-amende étant fixé à 20 francs (II), fixé à 2'118 fr. 60, débours et TVA compris, l'indemnité du défenseur de T._, Me Alexandre Lehmann (IV), dit que X._ est débiteur de T._ de la somme de 278 fr., au titre de dommages-intérêts et rejeté toutes autres conclusions (VI) et mis à la charge de T._ sa part des frais de la cause par 1'075 fr., et par 5'762 fr. 80, à la charge de X._, le remboursement à l'Etat de l'indemnité prévue au chiffre IV ci-dessus et comprise dans le total des frais mis à sa charge ne sera exigé que dans la mesure où sa situation économique le permet (VII).
B.
Par annonce d'appel du 29 novembre 2012, puis déclaration d'appel motivée du 4 janvier 2013, T._ s'est opposé à ce jugement. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, à son acquittement, subsidiairement à son exemption de toute peine en relation avec l'infraction d'injure qui lui est reprochée. Il a également conclu à la condamnation de X._ à une peine à dire de justice pour lésions corporelles simples, menaces, dénonciation calomnieuse et/ou pour avoir induit la justice en erreur, de condamner X._ à lui verser un montant de 5'000 fr. en réparation du tort moral qu'il lui a causé, de condamner X._ à verser un montant de 9'030 fr. 10 à T._ à titre d'indemnité pour les dépenses obligatoires entraînées par la procédure au sens de l'art. 433 CPP, de confirmer la condamnation de X._ à verser la somme de 278 fr. à T._ à titre de dommages-intérêts et de mettre T._ au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite. Il a en outre requis, à titre de réquisition de preuves, l'audition de son père, [...].
Par courrier du 15 février 2013, le Président de la Cour d'appel pénale a rejeté la réquisition de preuve de l'appelant considérant que le témoin ayant déjà été entendu en première instance.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1
T._ est né le 12 janvier 1988. Il est étudiant en dernière année à l'Ecole hôtelière de Lausanne et vit chez ses parents qui subviennent à ses besoins. Son père, entrepreneur indépendant, lui donne 500 fr. d'argent de poche par mois. A la suite des faits objet de la présente cause, T._ a débuté un suivi thérapeutique qu'il poursuit encore à ce jour. Il a en outre précisé être susceptible de présenter un syndrome de bipolarité et prendre des médicaments pour traiter cette maladie.
Le casier judiciaire de T._ est vierge.
1.2
X._ est né le 28 juillet 1964. Il est ingénieur en électronique. Au moments des faits, il enseignait les mathématiques au collège [...] à [...] pour un salaire mensuel brut de 5'000 francs. A ce jour, il travaille à mi-temps et jusqu'au mois de juin 2013, auprès du Service de la population, pour un salaire mensuel de l'ordre de 2'500 francs.
Le casier judiciaire de X._ ne comporte aucune inscription.
2.1
Le 12 avril 2012 vers 14h00, T._ et X._ se trouvaient tous les deux dans les locaux du fitness [...], à [...]. L'appelant, muni d'écouteurs, s'entraînait sur deux appareils de musculation. X._ a, pendant plusieurs minutes, insisté pour pouvoir utiliser l'un des appareils sur lequel l'appelant s'entraînait, sans que ce dernier ne réagisse. Manifestement furieux de l'absence de réaction de T._, X._ s'est approché de lui pour exiger qu'il libère l'appareil. L'appelant l'a alors traité de "bouffon". X._ a déposé plainte.
2.2
Le 13 avril 2012, vers 16h00, alors que les deux protagonistes se trouvaient dans le vestiaire du fitness, X._ a saisi d'une main T._ au cou. Ce dernier est parvenu à repousser son agresseur, lequel est revenu à la charge en le saisissant par son t-shirt. A un moment donné, X._ a menacé T._ en ces termes : "je n'ai aucune peur de toi, je vais t'égorger, je vais te manger avec ma bouche". Une fois l'altercation terminée, X._ a quitté le fitness alors que T._ s'est rendu dans la salle de musculation pour s'y entraîner. T._ a souffert d'abrasions cutanées, d'ecchymoses au niveau du cou, ainsi que de troubles anxieux ayant nécessité un suivi psychologique. Il a déposé plainte.
D.
Aux débats d'appel, T._ a confirmé ses conclusions et a requis une indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP à hauteur de 11'298 fr. 10. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (al. 1). La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (al. 3).
Interjeté dans les forme et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de T._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du
27 août 2012 c. 3.1).
3.
L'appelant reproche aux premiers juges une appréciation incomplète des faits et une mauvaise application du droit. Il conteste sa condamnation pour injure, soutenant que le terme "bouffon" qu'il a employé ne doit pas être considéré comme une insulte. Il estime, par ailleurs, devoir être exempté de toute peine au sens de l'art. 177 al. 2 CP, soutenant avoir agi en réaction aux provocations de X._.
3.1
Aux termes de l'art. 177 CP, celui qui, de toute autre manière, aura, par la parole, l’écriture, l’image, le geste ou par des voies de fait, attaqué autrui dans son honneur sera, sur plainte, puni d’une peine pécuniaire de 90 jours-amende au plus (al. 1). Le juge pourra exempter le délinquant de toute peine si l’injurié a directement provoqué l’injure par une conduite répréhensible (al. 2). Si l’injurié a riposté immédiatement par une injure ou par des voies de fait, le juge pourra exempter de toute peine les deux délinquants ou l’un d’eux (al. 3).
L'honneur que protège l'art. 177 CP est le sentiment et la réputation d'être une personne honnête et respectable, c'est-à-dire le droit de ne pas être méprisé en tant qu'être humain ou entité juridique (TF 6B_602/2009 du 29 septembre 2009 c. 2.2; ATF 128 IV 260 c. 3.1 non publié).
L'exemption de peine telle que prévue à l'art. 177 al. 2 CP s'applique lorsque l'injure constitue une réaction immédiate à un comportement répréhensible, qui a provoqué chez l'auteur un sentiment de révolte. C'est le cas notamment lorsque l'auteur réagit sous l'emprise de l'émotion causée par le comportement blâmable de la personne insultée (ATF 117 IV 270 c, 2c et les références citées).
Le terme "bouffon" peut être défini de la manière suivante : "terme de mépris général, dépréciatif: idiot, nul, minable, perdant; insulte; imbécile, qui n'est pas du clan" (cf. Bob, dictionnaire d'argot, l'autre trésor). "Un mot anodin peut devenir injurieux simplement en y mettant la prosodie adéquate ("bouffon" est d'ailleurs l'insulte suprême!)" (cf. La violence verbale – Académie de Rouen, 26 mars 2002).
3.2
En l'espèce, comme l'a fait à juste titre le premier juge (jgt., p. 11), la Cour de céans considère que le terme "bouffon" est injurieux, les définitions données ci-dessus démontrant qu'il s'agit d'un terme méprisant. C'est évidemment dans ce sens que l'appelant a proféré ce mot à l'encontre de X._.
Au surplus, rien ne permet de dire que X._ a provoqué l'appelant. On voit sur les images de la vidéo que X._ est assez excédé de ne pas pouvoir utiliser l'appareil de l'appelant et qu'à un moment donné, il lui prend le bras. Il est certes insistant, non pas tant dans la parole, mais par le fait de tourner autour de l'appelant. Ce dernier ne semble toutefois nullement perturbé et continue à faire ses exercices, écouteurs sur les oreilles, comme si de rien n'était. On ne peut dès lors parler ni d'attitude provocatrice de la part de X._, ni d'état d'émotion violente chez l'appelant.
Compte tenu de ce qui précède, la condamnation de T._ pour injure s'avère conforme au droit et doit être confirmée. L'application de l'art. 177 al. 2 CP est exclue dans cette situation. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
4.
T._ considère que le premier juge aurait dû faire application de l'art. 52 CP pour le dispenser de toute peine. Il fait référence à ses projets professionnels qu'une inscription à son casier judiciaire pourrait compromettre.
4.1
L'art. 52 CP dispose que si la culpabilité de l’auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l’autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.
Lorsque la décision d’exemption de peine est prise dans le cadre d’un jugement, cette décision prend la forme d’un verdict de culpabilité dépourvu de sanction (Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 7 ad
art. 52 CP).
Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser que l'exemption de peine suppose que l'infraction soit de peu d'importance, tant au regard de la culpabilité de l'auteur que du résultat de l'acte. L'importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification. Pour apprécier la culpabilité, il faut tenir compte de tous les éléments pertinents pour la fixation de la peine, notamment des circonstances personnelles de l'auteur (ATF 135 IV 130 c. 5.3.2).
4.2
L'appelant, qui n'entendait pas partager ses engins a insulté X._. Cette insulte, qui est un délit, n'avait pas lieu d'être et a été mal ressentie par l'injurié. Il n'y a dès lors aucune raison de faire application de l'art. 52 CP. Au surplus, s'agissant d'infractions ne se poursuivant que sur plainte, les protagonistes ont la maîtrise de l'action pénale. Ils avaient ainsi la possibilité de retirer leurs plaintes respectives pour faire cesser l'action pénale. Alors que X._ s'est déclaré prêt à retirer sa plainte lors des débats de première instance, l'appelant a refusé de le faire tout au long de la procédure, tant en première instance qu'en appel. On ne voit dès lors pas où se situe le caractère disproportionné de la condamnation. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
5.
L'appelant reproche au premier juge d'avoir écarté ses conclusions civiles, faute de n'avoir ni déposé de telles conclusions, ni apporté la preuve du dommage moral subi en première instance. Il indique avoir pris des conclusions civiles à hauteur de 5'000 fr., par courrier du 29 mai 2012, adressé au Ministère public. Il ajoute en outre avoir prouvé le dommage subi du fait de son agression au moyen des pièces jointes à son courrier du 22 octobre 2012 adressé au Tribunal de première instance.
5.1
Au pénal, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l’infraction (art. 119 al. 2 let. b et 122 al. 1 CPP). Ceci signifie qu’au moment de la déclaration de partie civile les prétentions civiles doivent se rattacher à une cause juridique résultant d’un ensemble de faits en eux-mêmes constitutifs d’une infraction pénale (Jeandin/Matz, in Kuhn/Jeanneret [éd.], Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, n° 9 ad art. 118 CPP et n° 16 ad art. 122 CPP).
L’art. 47 CO prévoit que le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. En vertu de l’art. 49 al. 1 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d’argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie et que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement.
L'art. 47 CO est un cas d’application de l’action générale en réparation du tort moral prévue par l’art. 49 CO : cela signifie que la victime de lésions corporelles n’a droit à une réparation morale que pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie (ATF 128 II 49, c. 4.2; ATF 123 III 204, c. 2e, JT 1999 I 9; Tercier, Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1984, n. 2047 ss, pp. 270 s.; Deschenaux et Tercier, La responsabilité civile, 2
ème
éd., Berne 1982, n. 24 s., p. 93). On définit le tort moral comme les souffrances physiques ou psychiques que ressent la personne lésée à la suite d’une atteinte à la personnalité (Tercier, op. cit., n. 2029, p. 267). L’art. 49 al. 1 CO exige que cette atteinte dépasse la mesure de ce qu’une personne doit normalement supporter, que ce soit sur le plan de la durée des souffrances ou de leur intensité (Bucher, Personnes physiques et protection de la personnalité, 4
ème
éd., Bâle, Genève, Munich 1999, n. 603, p. 141; Tercier, op. cit., n. 2047 ss, pp. 270 s.; Deschenaux et Tercier, op. cit., n. 24 s., p. 93). L’ampleur de la réparation dépend avant tout de la gravité de l’atteinte – ou, plus exactement, de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à cette atteinte – et de la possibilité d’adoucir sensiblement, par le versement d’une somme d’argent, la douleur morale qui en résulte (ATF 125 III 269, c. 2a; ATF 118 II 410, c. 2a).
En raison de sa nature, l’indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d’argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites; l’indemnité allouée doit toutefois être équitable. Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l’atteinte subie et évitera que la somme accordée n’apparaisse dérisoire à la victime (ATF 125 III 269, précité; ATF 118 II 410, précité).
5.2
A l'examen des pièces du dossier, la Cour de céans constate que l'appelant a fait valoir pour la première fois son droit à une indemnisation pour le tort moral subi par courrier du 6 septembre 2012 adressé au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne (P. 25), ne plaidant toutefois ce point qu'en première instance (jgt., p. 7). L'appelant a également transmis au Ministère public un constat médical établi le 16 avril 2012, attestant qu'il avait subi diverses lésions au niveau du cou, du thorax et du membre supérieur droit (P. 9), ainsi qu'une attestation médicale, confirmant qu'il bénéficiait d'un suivi psychologique depuis le 16 avril 2012 (P. 15/2). Le 22 octobre 2012, il a transmis au Tribunal de première instance une attestation médicale confirmant le suivi psychologique dont il bénéficie ((P. 31/1), ainsi qu'un certificat médical attestant qu'il avait subi une incapacité de travail à 100% du
24 août au 9 septembre 2012 (P. 31/2). Ces deux documents ont été établis par le Service de psychiatrie de liaison du CHUV, respectivement les 3 octobre et
24 août 2012.
Ces pièces démontrent que, bien qu'elle ait été modeste, l'agression dont l'appelant a fait l'objet le 13 avril 2012 a eu des répercussions sur sa santé. Il convient cependant de relativiser ces répercussions, l'appelant ayant indiqué aux débats d'appel être susceptible de souffrir de troubles bipolaires, nécessitant un traitement médicamenteux. Ainsi, les troubles psychiques et le suivi psychothérapeutique dont l'appelant bénéficie n'ont vraisemblablement pas pour unique origine les faits de la présente cause. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient d'allouer à l'appelant un montant de 500 fr. à titre d'indemnité pour tort moral.
6.
L'appelant reproche au Tribunal d'arrondissement de n'avoir pas retenu les infractions de dénonciation calomnieuse (art. 303 CP) et d'induction de la justice en erreur (art. 304 CP) à l'encontre de X._.
L'ordonnance pénale du 24 août 2012 mentionne que X._ a fait l'objet d'une enquête pour lésions corporelles simples et menaces. Le premier juge n'avait dès lors pas à retenir d'autres infractions à l'encontre de l'intimé. Ce grief, mal fondé, ne peut qu'être rejeté.
7.
T._ requiert, pour son avocat, qu'une indemnité au sens de l'art. 433 CPP soit mise à la charge de X._, pour un montant total de 9'030 fr. 10, correspondant à un tarif horaire de 350 fr. et non, comme retenu par le premier juge, à un tarif horaire de 180 francs.
7.1
Conformément à l'art. 433 CPP la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause (al. 1 let. a) ou si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’art. 426, al. 2 (al. 1 let. b). La partie plaignante adresse ses prétentions à l’autorité pénale; elle doit les chiffrer et les justifier. Si elle ne s’acquitte pas de cette obligation, l’autorité pénale n’entre pas en matière sur la demande (al. 2).
L'art. 135 al. 3 CPP dispose que le défenseur d'office peut recourir devant l'autorité de recours contre la décision du ministère public et du tribunal de première instance fixant l'indemnité (let. a) ou devant le Tribunal pénal fédéral, contre la décision de l'autorité de recours ou de la juridiction d'appel du canton fixant l'indemnité (let. b).
Dans la mesure où le défenseur d'office est touché dans ses propres droits, il est seul légitimé à se plaindre du montant des honoraires qui lui sont alloués, et non pas le condamné (Niklaus Schmid, Schweizerische Prozessordnung, Praxiskommentar, 2009, n. 5 ad art. 135 CPP; Viktor Lieber, Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 2010, n. 16 ad art. 135 CPP).
7.2
Le plaignant a bénéficié de l'assistance judiciaire, soit d'un défenseur d'office. C'est en outre l'intimé, X._, qui est le débiteur de l'indemnité du conseil d'office de l'appelant. Partant, T._ n'a aucun intérêt juridique à recourir sur ce point, son conseil ne lui coûtant rien. Il appartenait au mandataire de déposer un appel pour lui-même pour se plaindre du fait que le montant de l'indemnité qui lui a été allouée par le premier juge serait trop faible. Le grief est irrecevable.
8.
L'appelant a requis d'être maintenu au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure d'appel. La défense d'office ne prenant toutefois fin qu'à l'épuisement des instances cantonales, il n'y a pas matière à nouvelle désignation durant la procédure d'appel (art. 134 CPP).
9.
L'appelant a conclu à l'allocation d'une indemnité au sens de
l'art. 429 al. 1 let. a CPP.
9.1
Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure.
Le Tribunal fédéral a toutefois retenu que la défense d’office exclut l’application de l'art. 429 CPP, les frais imputables à la défense d’office faisant partie des frais de procédure au sens de l’art. 422 al. 2 let. a CPP (TF 6B_753/2011 du
14 août 2102).
9.2
En l'occurrence, l'appelant voit sa condamnation pour injure confirmée, de sorte qu'il ne peut prétendre à une indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP. Par surabondance, et conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral citée plus haut, il ne pouvait – même en cas d'acquittement – prétendre à une telle indemnité dans la mesure où il est défendu par un avocat d'office.
10.
En définitive, l'appel de T._ est très partiellement admis et le jugement de première instance est modifié au chiffre VI de son dispositif en ce sens que X._ est débiteur de T._ de la somme de 278 fr. au titre de dommages-intérêts et de la somme de 500 fr., au titre de réparation du tort moral.
11.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis par trois quarts à la charge de T._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat. Outre l'émolument, qui se monte à 2'130 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), les frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office.
Lorsque le juge statue sur la base d'une liste de frais; s'il entend s'en écarter, il doit alors au moins brièvement indiquer les raisons pour lesquelles il tient certaines prétentions pour injustifiées, afin que son destinataire puisse attaquer la décision en connaissance de cause (TF 5D_45/2009 du 26 juin 2009 consid. 3.1;
TF 1P.85/2005 du 15 mars 2005 consid. 2 et les réf. cit.).
Le conseil de T._ a produit une liste d'opérations dont il ressort qu'il a consacré près de 17 heures à l'exécution de son mandat en procédure d'appel, soit du 29 novembre 2012 au 25 mars 2013. Ce total est trop élevé. En particulier, il paraît exagéré de se prévaloir d'avoir consacré trois heures trente à des recherches juridiques et cinq heures à la rédaction d'un mémoire d'appel motivé qui reprend des arguments qui ont déjà été plaidés et examinés en première instance.
Au vu de la nature de la cause, l'exécution correcte de la mission de défenseur d'office de l'appelant n'aurait pas dû excéder cinq heures, la durée de l'audience d'appel comprise. Un montant forfaitaire de 120 fr., doit en outre être alloué à titre de remboursement des frais de déplacements (arrêt CREP 151/2013 du 25 février 2013, consid. 3 et les références citées). L'indemnité sera dès lors arrêtée à 1'101 fr. 60, TVA et débours inclus (cf. art. 135 al. 1 CPP).
T._ ne sera tenu de rembourser le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
857dd2e1-73d8-43d6-885f-61779b7fae68 | En fait :
A.
Par jugement du 19 décembre 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a condamné F._ pour remise à des enfants de substances pouvant mettre en danger leur santé, actes d’ordre sexuel avec des enfants, actes d’ordre sexuel avec des personnes dépendantes et contrainte sexuelle à 5 ans de privation de liberté, sous déduction de 370 jours de détention avant jugement, et a ordonné un traitement psychiatrique ambulatoire en détention (I), a pris acte, pour valoir jugements civils définitifs et exécutoires des conventions passées entre F._ et, respectivement, S._, B._ et K._, respectivement les 13/16 décembre 2013 et au procès-verbal de l’audience du 16 décembre 2013 (II), a dit qu’F._ était débiteur de S._ de 30'000 fr. à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (III), a ordonné la confiscation des objets séquestrés sous fiche 22 et le maintien au dossier à titre de pièces à conviction des DVD et objets inventoriés sous fiches 1909, 104, 23 et 404 (IV), et a mis les frais, par 42'112 fr. 45, à la charge d’F._ (V).
Par prononcé du même jour, il a ordonné la mise en détention d’F._ avec effet immédiat (VI).
B.
Par annonce d’appel du 20 décembre 2013, suivie d’une déclaration motivée du 30 janvier 2014, F._ a conclu, avec suite de frais et dépens, sur le fond, à ce que le chiffre I du dispositif du jugement rendu le 19 décembre 2013 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne soit réformé en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté compatible avec le prononcé d’un sursis partiel, soit au plus de trois ans (VI. a), qu’un sursis partiel à l’exécution de cette peine portant sur au moins deux ans de celle-ci, assortie d’un délai d’épreuve fixé par Justice, est prononcé (VI. b), le solde de la peine ferme à effectuer étant nul au regard de la détention déjà effectuée (VI. c), qu’un traitement psychiatrique hors détention est prononcé (VI. d), et, que la libération immédiate d’F._ est ordonnée, pour autant qu’elle ne soit pas intervenue antérieurement (VII).
F._ a en outre requis diverses mesures d’instruction, notamment un complément d’expertise psychiatrique (IV. c), mais également l’audition de son épouse, du psychiatre de celle-ci, de son propre psychiatre, de son employeur, et, éventuellement des experts psychiatres (IV. f).
Par courrier du 10 mars 2014, la Présidente du tribunal de céans a rejeté ces réquisitions de preuve formées par l’appelant, les conditions de l'art. 389 CPP n'étant pas réunies.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1
Né en 1969, F._ a obtenu en 1995 une licence en lettres de l’Université de Lausanne ; il avait choisi comme branches : histoire du cinéma, français et philosophie. Parallèlement à la préparation de sa thèse, il a travaillé comme assistant à l’université. Après la fin de ses études, il a été co-responsable du théâtre de [...], [...], jusqu’en 1998. Il a ensuite enseigné à l’école préparatoire et à l’école [...] jusqu’en 2006-2007. En 1999-2000, à raison de deux heures par semaine, il a travaillé comme professeur d’analyse d’images à l’école de photographie de [...]. En 2000 et jusqu’en juin 2001, il a dispensé des cours de théâtre [...] à [...].
En 2000, F._ a fondé le théâtre [...] à [...]. Il en a été le directeur jusqu’à son arrestation en septembre 2010. Il y oeuvrait comme metteur en scène et professeur de théâtre. Il logeait dans un appartement sis au-dessus du théâtre. En 2009, il a acheté un autre bâtiment, un ancien cinéma, où le théâtre a déménagé au début de 2010 après des travaux. Là aussi, il était logé sur place, occupant le logement du projectionniste.
En septembre 2011, le prévenu est sorti de prison. Il a emménagé avec son amie depuis 2006, [...], costumière et comme lui professeur de théâtre. Il a retrouvé un travail comme dramaturge et administrateur d’une compagnie de théâtre [...], gagnant environ 1'000 francs par mois ; il était donc pour le surplus à la charge de son amie. Le couple s’est marié en septembre 2012.
Le prévenu a vendu son immeuble ; avec le bénéfice de 50'000 francs, il a, juste avant ou à l’audience de première instance, convenu d’indemniser les plaignantes S._ à raison de 40'000 francs, B._ à raison de 5'000 francs et K._ à raison de 5'000 francs également.
Depuis le 19 décembre 2013, il est à nouveau détenu.
Son casier judiciaire est vierge.
1.2
Le prévenu a été soumis à une expertise psychiatrique confiée à la Fondation de Nant, Secteur psychiatrique de l’Est vaudois (P. 114).
Selon le rapport du 4 avril 2011, le diagnostic posé est celui de « sado-masochisme ; personnalité dyssociale ». Il s’agit d’un type de fonctionnement social particulier entraînant une souffrance personnelle, une souffrance à autrui, ainsi que des difficultés interrelationnelles. Lors de l’examen psychologique, le prévenu se place dans une relation fort-faible, ou bourreau-victime ; il montre face à l’autorité une attitude passive, soumise, mais tente d’inverser la relation et de prendre le contrôle de la situation ; son attitude s’inverse dans les circonstances où, de par son statut, il prend le contrôle de la situation. Dans la discussion, l’expert note que le prévenu reconnaît ses actes délinquants mais les banalise. Il reconnaît aimer transgresser les règles et les contraintes sociales. L’expert note par moment une froideur envers les sentiments de ses victimes. Le côté séducteur-manipulateur qui prédomine masque des problèmes d’identité graves. Dans son langage, les femmes sont souvent perçues comme des objets sexuels. La responsabilité pénale du prévenu est entière. Le risque de récidive ne peut pas être exclu ; il reste important en raison de sa tendance à la banalisation. Un traitement psychothérapeutique pourrait diminuer ce risque, si le prévenu reste suffisamment motivé à le suivre et y opère une prise de conscience.
2.1
Le théâtre du [...] proposait aux enfants dès sept ans un cours d’initiation qui n’était pas dispensé par le prévenu. Il proposait aux adolescents un cours avec réalisation de spectacles, donné par le prévenu. Ce dernier s’occupait aussi d’une troupe amateur nommée « la compagnie théâtre du [...] » puis « [...] », qui donnait la possibilité aux élèves les plus motivés de participer à la création de plusieurs spectacles par année, et d’une troupe professionnelle appelée « [...] ». Le théâtre avait du succès ; il a obtenu des subventions. En 2009, le prévenu a obtenu un prix décerné par la Fondation vaudoise pour la culture.
Les adolescents et jeunes adultes appartenant à la troupe amateur étaient des élèves qui venaient faire du théâtre sous la direction du prévenu, qui leur prodiguait un enseignement et les sélectionnait selon leurs compétences pour répartir les rôles de chacun dans les spectacles. Ils constituaient un petit groupe particulièrement motivé et soudé autour du théâtre qui, pour la plupart, devenait à la fois une seconde maison et une seconde famille. Ils s’associaient à la vie du théâtre non seulement au travers des pièces mais aussi en contribuant aux travaux d’aménagements et d’entretien, ou en servant au bar. Après les répétitions et les spectacles, ils y restaient pour des soirées privées, certains même pour dormir ; d’autres y passaient leurs vacances.
Le prévenu était perçu comme un metteur en scène dévoué à son art. Intellectuel cultivé, il était non seulement respecté mais admiré. Charismatique, il était pour ses élèves une référence, un mentor, un véritable maître à penser, voire un « gourou » - (PV audition 22, p. 5 ; P. 172/2/102) -, ce qu’il n’ignorait pas. Dans le cadre du [...], il exigeait des membres de la troupe une présence et un engagement constants ainsi qu’une loyauté sans faille. Il utilisait tantôt la flatterie tantôt une cruelle moquerie, pour rallier les adolescents à ses vues. Il les mettait en concurrence pour obtenir son intérêt. Il provoquait le départ de ceux qui ne s’étonnaient de son comportement, comme son ancien associé [...] (PV auditions 20 et 26), ou ne s’impliquaient pas assez à son goût, soit par des remarques acerbes, soit en les cantonnant à des rôles secondaires. Il a ainsi poussé dehors [...] (PV audition 17). Il a qualifié [...] de « grosse, sale et dégueulasse » (PV audition 4, p. 4 ; PV audition 6 ; jgt, p. 5). Il critiquait aussi les rares parents réticents, comme [...], qui s’est toujours méfiée de lui ; il a même fait un montage photographique montrant celle-ci dans une posture sado-masochiste, pour se moquer d’elle (P. 70, p. 22 ; PV audition 39, p. 7). En effet, de l’extérieur, les personnes qui n’étaient pas intimement liées à la vie du théâtre pensaient qu’il n’y avait que de la provocation dans l’attitude du prévenu (PV audition 32). Cela a contribué à isoler les adolescents, déjà par définition en quête de repères, dans leurs familles.
Ayant un goût prononcé pour la sexualité et plus spécifiquement le sado-masochisme, il a sans relâche tiré avantage de sa position de professeur et de modèle et de la situation pour satisfaire ses appétits sexuels. Pour cela, il cultivait au sein du théâtre une atmosphère malsaine empreinte de sexualité, au travers, d’une part, d’une vision très orientée des œuvres qu’il mettait en scène, inadaptée pour d’aussi jeunes comédiens (avec des mimes de fellations ou relations sexuelles, par exemple, PV audition 20 ; un phallus géant comme décor, P. 113 photo 37), ce qui a choqué quelques spectateurs, sans qu’il y ait d’autres réactions ; au travers, d’autre part, en coulisse, de constants propos provocateurs et banalisants, voire de jeux, systématiquement orientés sur le sujet de la sexualité, et en particulier du sado-masochisme. A titre d’exemple, il demandait aux jeunes filles si elles étaient encore vierges ; il se moquait d’elles si tel était le cas, disant qu’à 15 ans ce n’était pas normal. Il ne respectait pas la pudeur des jeunes ; lorsque l’un d’entre eux se rebiffait contre ce qu’il devait jouer, il lui demandait s’il était « coincé du cul » (PV audition 20). Un jour il s’est mis debout devant un poteau et a demandé à H._ de le frapper avec une chanvrière devant les membres de la troupe (PV audition 4). A une autre occasion, il a « mis en scène » deux élèves en les faisant attacher nus à tour de rôle et en leur demandant d’embrasser les parties intimes de l’autre (PV audition 17). Sur le chantier du théâtre, il portait, sans sous-vêtements, un vieux pantalon avec un gros trou au niveau du sexe, qu’il sortait et montrait à tous (PV audition 6). Ce comportement déplacé n’est pas apparu dans le cadre du théâtre ; le prévenu avait en effet déjà eu un problème avec une élève pour ce motif (PV audition 33).
Par ailleurs, grand buveur de vin, le prévenu se faisait aussi le chantre de sa consommation, sans égard à l’âge des consommateurs (cf. par exemple PV audition 4, 16 et 28, témoignages de [...], [...] et [...]). Il laissait les adolescents s’adonner à des beuveries, quand il ne les organisait pas ; il offrait généralement la première bouteille lors des réunions privées. Cela contribuait évidemment à désinhiber les adolescents. Le prévenu se présentait comme un artiste « provocateur », un « initiateur ». Les élèves ainsi conditionnés, voire envoûtés, en arrivaient à trouver tout cela normal. Ils avaient l’impression d’être traités comme des adultes et en étaient flattés. Progressivement, le prévenu a, de la sorte, séduit tout un vivier d’adolescentes inexpérimentées et les a amenées à la sexualité. Par la mise en concurrence, le chantage affectif, en soufflant alternativement le chaud et le froid, il a réussi à les convaincre de subir des pratiques sado-masochistes lors desquelles il était quasiment toujours le dominant, et ce alors qu’elle n’étaient pas masochistes. Il avait préparé tout un arsenal : crochet aux plafonds et sur les murs dans plusieurs pièces, panoplies en vinyle, godemichés de toutes tailles et formes, « tapette » munie d’épingles, chaise « percée », chevalets et autres engins de fabrication artisanale (P. 113). Il filmait et/ou photographiait souvent les séances. Il s’est débarrassé de toutes ces images et de la plupart des objets de « torture » lorsqu’il a su qu’une enquête allait être ouverte ; s’il affirme que c’était à la demande des jeunes filles ainsi filmées ou photographiées, son amie désormais épouse [...] a admis que c’était, « entre autres », pour détruire des preuves (PV audition 30, p. 4). Ces jeunes filles, sans expérience sexuelle, soucieuses de plaire et d’obtenir la reconnaissance du maître, ont facilement cédé aux avances de celui-ci sans déceler le caractère étrange, déplacé, voire extrême, de ses propositions et pratiques sado-masochistes.
2.2.
2.2.1
Dès 1999, le prévenu a eu G._, née le [...] 1985, comme élève du cours qu’il donnait au théâtre de [...] ( [...]). Par la suite, l’adolescente a aidé aux travaux de rénovation des premiers locaux du théâtre du [...]. Elle a en outre fait partie de la première volée d’élèves et intégré la troupe de la [...]. Dès août 2000, soit alors qu’elle était âgée de quinze ans, ce qu’il savait, le prévenu, la première fois à son domicile à Renens, a eu des rapports sexuels complets avec elle, d’abord « classiques ». Après que la jeune fille a eu son seizième anniversaire, en février 2001, ces rapports ont inclus des pratiques sado-masochistes. La relation a duré jusqu’à l’automne 2001. G._
n’avait jamais eu de relation intime avant cela (PV audition 21, p. 2 ; jgt pp. 9 et 12). Elle ne buvait pas non plus d’alcool avant de rencontrer le prévenu (PV audition 21, p. 2). Avec le recul, la jeune fille, qui se présente comme étant à l’époque naïve, torturée et malléable, a le sentiment d’avoir été manipulée. Elle a eu de la peine à retrouver une vie sexuelle normale. L’ambiance glauque du [...] l’a dégoûtée du théâtre qui était auparavant une passion (PV audition 21, pp. 2 et 3).
2.2.2
Le prévenu a connu M._, née le [...] 1987, à la même époque et dans les mêmes circonstances que G._. Dans le cadre du [...], M._ a fait partie des premiers élèves, aidé aux travaux de rénovation mais également au bar. Elle a joué dans les troupes amateur et professionnelle du prévenu jusqu’en automne 2006, époque à laquelle elle est partie en Belgique. A [...] au théâtre, à [...] au chalet du prévenu, ou chez lui à [...], dès juin 2003, soit peu après ses seize ans, et jusqu’en septembre ou octobre 2006, le prévenu a entretenu avec elle des rapports sexuels complets, essentiellement orientés vers des pratiques sado-masochistes. Le prévenu a été son premier partenaire sexuel. Au début il mettait des préservatifs, puis il y a renoncé lorsqu’elle a commencé à prendre la pilule.
Les séances – filmées – avaient lieu en moyenne une fois par semaine. La violence allait crescendo. La jeune fille n’avait pas envie de sado-masochisme mais l’a toléré, craignant de perdre l’amour du prévenu. Elle avait mal et a parfois souffert de marques sur le corps. A plusieurs reprises elle a pleuré de douleur. Elle avait un code « rouge » pour interrompre la séance mais n’osait pas lui dire d’arrêter de peur de le décevoir. Le prévenu était « calme et concentré sur ses gestes » ; il restait le même et continuait lorsqu’elle pleurait. Le prévenu l’attachait. Il a mis des pinces à linge munies de poids sur son sexe et ses seins. Il la fouettait et la cravachait sur tout le corps. Il la pénétrait vaginalement et analement. Il lui faisait également subir des décharges électriques au moyen de pinces apposées sur les seins et le sexe. Il a uriné sur elle. Il lui a proposé de la scatologie, ce qu’elle a refusé ; il a respecté ce refus. Elle a aussi accepté de participer à une partie de triolisme avec [...] au cours de laquelle celle-ci, attachée, s’est évanouie ; M._ a paniqué mais le prévenu lui a affirmé que c’était de plaisir. En 2010, elle a appris qu’elle avait un papillomavirus de stade 3 pour lequel elle a dû être opérée, sans être sûre à 100 % qu’il lui a été transmis par le prévenu, ayant eu un – seul – autre partenaire. Aujourd’hui elle en veut beaucoup à son ancien professeur ; elle n’est pas remise de cette relation malsaine (PV audition 15, 27, 29 ; jgt pp. 7, 8 et 12).
2.2.3
H._, née le [...] 1993, a été l’élève du prévenu au théâtre du [...] depuis 2005, soit depuis ses douze ans. Jusqu’en 2010, elle a participé à des spectacles des troupes amateur et professionnelle. En janvier 2007, le groupe de « [...] » a fêté le quatorzième anniversaire de la jeune fille au sein du théâtre. H._ était ivre. Par jeu, le prévenu a mis en scène l’adolescente et [...], né en 1989 ; il a ordonné qu’ils soient attachés à tour de rôle, nus et les yeux bandés ; il a invité H._ à faire des « bisous » sur le torse et le gland du jeune homme puis [...] à en faire de même sur les seins et la vulve de la jeune fille, ce qu’ils ont fait, tandis que le reste du groupe assistait à la scène. Vers fin 2007 début 2008, il a pratiqué des attouchements et du « bondage » sur H._ qui avait alors « environ 15 ans ». Durant l’année 2008, c’est-à-dire alors qu’elle n’avait pas encore 16 ans révolus, il a entretenu avec elle un rapport sexuel complet.
Lors des séances de bondage, le prévenu utilisait des cordes ; il a aussi pratiqué des actes sado-masochistes : pinces sur les seins, cire sur les seins et le ventre, coups de fouets. Les attouchements ont notamment consisté en masturbations, fellations et cunnilingus et usage de godemichés. Il y a eu plus d’un rapport sexuel. H._ déclare ne pas avoir été traumatisée par ces événements (PV audition 4, 9, 14, 15 ; jgt pp. 10 et 12).
2.2.4
S._, née le [...] 1992, a intégré la troupe de « [...] » en 2006, l’année de ses quatorze ans, et y est restée jusqu’en 2010. Le 20 juillet 2008, le prévenu l’a invitée à manger avec lui dans son appartement du théâtre. Il lui a proposé un strip poker ce qu’elle a accepté. Une fois que tous deux furent nus, il lui a donné pour gage de faire le tour de l’appartement à quatre pattes et les yeux bandés, en suivant ses indications. Le 8 novembre 2008, au même endroit, il a entretenu un premier rapport sexuel complet avec la jeune fille. La relation s’est poursuivie jusqu’en septembre 2010 ; elle consistait essentiellement en séances de sado-masochisme dont la violence allait croissant.
Lors de ces séances parfois filmées ou photographiées, S._ a subi gifles, fessées, usage de crochets, cordes, fouet, pinces avec poids, orties, sauce au piment ou cire chaude appliqués sur les seins et les parties génitales, aiguilles et punaises plantées aux mêmes endroits, agrafes plantées dans les fesses au moyen d’une grosse agrafeuse de bricolage, pénétrations vaginales et anales au moyen d’objets divers, solides ou gonflables, décharges électriques infligées au moyen de pinces appliquées sur les seins et les parties génitales et introduites dans l’anus, lavements avec le tuyau de la douche, dont le pommeau avait été enlevé, introduit dans l’anus, emballement du corps (sauf trous au niveau des seins et sexe) et d’une partie du visage dans le cellophane puis simulation de noyade par immersion dans une baignoire, yeux bandés, notamment avec du scotch.
A une occasion, en mars 2010, le prévenu a attaché la jeune fille, debout, au plafond par les poignets ; il lui a placé des pinces électriques sur les grandes lèvres du sexe. Il lui a infligé des décharges de plus en plus longues, en commençant par une seconde, puis deux, et ainsi de suite, et en lui demandant de compter. A un moment donné, la jeune fille lui a demandé d’arrêter. Le prévenu n’en a pas tenu compte et a continué, ne s’arrêtant qu’en la voyant à bout de forces.
L’adolescente était timide et sans aucune expérience sexuelle avant d’avoir affaire au prévenu. Lors des soirées privées elle a, dès le début, pris l’habitude de consommer du vin servi par le prévenu. Après la première invitation et le strip poker, il y a eu d’autres soirées avec des jeux de nature sexuelle et des caresses. Le premier rapport sexuel a été « classique ». Il a utilisé une seule fois un préservatif puis a fait pression sur elle pour qu’elle prenne la pilule. S._ a contracté un papillomavirus.
Les séances sado-masochistes avaient lieu au moins une fois par semaine durant les deux ans de leur relation. Elles servaient de « préliminaires » mais certaines fois, la jeune fille n’était « plus en état de faire l’amour » (jgt, p. 15). Contrairement à M._, S._ n’avait pas de mot servant de code pour faire cesser la torture. Elle admirait son professeur, puis en est tombée amoureuse, raison pour laquelle elle a accepté ces séances, alors qu’elle les craignait. Il a aussi proposé les choses progressivement et chaque pas en avant rendait le retour en arrière plus difficile. Le prévenu lui disait toujours qu’elle n’était « pas obligée » mais il insistait et lui faisait clairement comprendre qu’il serait déçu et se désintéresserait d’elle si elle refusait. Il lui faisait aussi comprendre qu’il pratiquait avec d’autres, et les comparait. Comme il parlait sans cesse de cela et banalisait ces pratiques, elle croyait que c’était « normal ». Il est arrivé à la jeune fille d’avoir des bleus, de saigner sous les coups de fouet, de saigner après des pénétrations vaginales et anales ou à cause d’une épingle plantée « vers le clitoris » (PV audition 2, p. 9). Elle souffre en outre d’un petit prolapsus de la muqueuse anale (P. 205).
Lorsqu’elle était fâchée après une séance qui lui avait fait trop de peur ou de mal, il se moquait d’elle et lui faisait comprendre qu’elle était ridicule. S._ n’a réussi à rompre que lorsque sa mère a découvert cette liaison et a entrepris de dénoncer la situation aux autorités pénales. Elle a l’impression d’avoir été abusée, manipulée.
2.2.5
B._, née le [...] 1991, a suivi les cours du théâtre du [...] dès 2002 et intégré « [...] » dès septembre 2006. Au printemps 2006, alors qu’elle avait quatorze ans, elle a pris sa première « cuite » (jgt p. 4). Avec la troupe, elle a ensuite régulièrement consommé du vin, poussée par F._. Comme les autres, cette jeune fille a changé de comportement une fois intégrée dans la troupe : non seulement elle s’est mise à boire, mais elle en est venue à presque détester ses parents, à cause des critiques constantes dont faisaient l’objet tous les parents qui ne soutenaient pas le théâtre (jgt, p. 4). En 2010, le prévenu lui a aussi proposé un souper, puis un strip poker, selon la méthode éprouvée avec S._. Par la suite, la jeune femme en a parlé autour d’elle et c’est ainsi que le pot aux roses a finalement été découvert.
2.2.6
K._, née le [...] 1994, a suivi les cours du théâtre du [...] dès 2004 ou 2005. Elle a participé à des spectacles de « [...] » en 2008 et 2010. En mai 2007 ou 2008, soit alors qu’elle avait treize ou quatorze ans, elle a consommé de l’alcool pour la première fois, soit plusieurs verres de vin blanc servis par le prévenu. Cette consommation est ensuite devenue habituelle. En août 2010, dans l’appartement du prévenu, celui-ci, son amie [...], et les membres de la troupe S._, [...], [...], [...] et K._, alors âgée de seize ans, regardaient sur un ordinateur des extraits du film « Les Valseuses » où il est question du dépucelage d’une adolescente rebelle et fugueuse. Sur proposition des garçons, tout le monde s’est dénudé. Le prévenu a touché la poitrine d’K._ et lui a décroisé les jambes afin qu’elle les garde écartées à la vue de tous (PV audition 6, 34 ; jgt, pp. 5 et 6).
2.3
S._, B._ et K._ ont déposé plainte, de même que [...], père de H._, et [...]. La procédure, en ce qui concerne [...], a fait l’objet d’un classement par ordonnance du 18 février 2013. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du
5 octobre 2007 ; RS 312.0), l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour agir (art. 382 al. 1 CPP) et dirigé contre un jugement d'un tribunal ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel formé par F._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. L’administration des preuves n’est répétée qu’à des conditions strictes, définies à l’art. 389 al. 2 CPP, à savoir si les dispositions en matière de preuves ont été enfreintes (let. a), si l’administration des preuves était incomplète (let. b), ou si les pièces relatives à l’administration des preuves ne semblent pas fiables (let. c). La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant a sollicité diverses mesures d’instruction qui lui ont été refusées par la direction de la procédure. Il reproche aux premiers juges d’avoir retenu un certain nombre d’éléments à charge « de manière totalement imprévisible », sans que ces éléments n’aient fait l’objet d’une instruction.
3.1
En premier lieu, l’appelant reproche au tribunal correctionnel – et à la direction de la procédure d’appel – d’avoir mis en doute la solidité du couple qu’il forme avec [...], qu’il a épousée en 2012. Il a ainsi requis l’audition de cette dernière tendant à établir la solidité de leur relation, mais également son investissement en thérapie, sa prise de conscience, sa repentance, sa sincérité, et les démarches entreprises pour indemniser les victimes.
Il sied de rappeler que l’épouse du prévenu a d’ores et déjà été entendue en cours d’enquête sur les faits et par le tribunal de première instance sur la personne du prévenu. L’appelant souhaite que ce témoin soit réentendu sur des points examinés aux débats du tribunal correctionnel, estimant que son témoignage n’avait pas suffi à convaincre les premiers juges. Or, il s’agit là d’une question d’appréciation des faits qui ne saurait justifier la répétition de la mesure.
A toutes fins utiles, on relèvera que la solidité de la relation du couple n’a été remise en cause ni par les premiers juges ni par la direction de la procédure, qui se sont bornés à relever que cette relation n’avait pas empêché le prévenu de commettre les infractions en cause par le passé, ce qui n’est du reste pas contesté.
En tout état, [...], qui n’est pas psychiatre, ne peut évaluer la réelle prise de conscience de son époux, sa repentance ou sa sincérité, son rôle partisan devant au demeurant relativiser la portée de son témoignage.
Pour tous ces motifs, une nouvelle audition d’ [...] n’est pas justifiée en l’espèce.
3.2
L’appelant a également sollicité l’audition du thérapeute de son épouse, le Dr [...], sur les mêmes faits précités.
Toutefois, le témoignage du psychiatre d’ [...] aurait pour vocation de relayer le discours de sa patiente, ce qui constituerait une preuve doublement indirecte de l’état d’esprit du prévenu. Comme exposé ci-dessus, dans la mesure où une seconde audition d’ [...] ne se justifie pas au stade de l’appel, il n’existe,
a fortiori
, aucun motif justifiant d’entendre son psychiatre.
3.3
L’appelant a en outre requis l’audition de son employeur sur la nature du travail qu’il a effectué en qualité de dramaturge et d’administrateur pour le compte de la compagnie « [...] » depuis sa libération provisoire, la qualité de son travail, son investissement et ses perspectives. Cette requête est liée au fait que, dans une décision de refus de mise en liberté, la direction de la procédure d’appel a retenu que le prévenu travaillait « dans un théâtre ». L’appelant suppose qu’il en a été déduit qu’il avait toujours des contacts avec des jeunes filles. Or, il n’en est rien. Il s’agissait simplement de dire qu’F._ oeuvrait toujours dans le même milieu. En tout état, cette décision qui n’est pas l’objet de la présente procédure et qui est postérieure au jugement entrepris, n’a joué aucun rôle dans la condamnation du prévenu.
Au surplus, l’appelant a produit des pièces dont notamment un certificat de travail intermédiaire du 11 décembre 2013, qui décrit ses tâches, la qualité de son travail, et mentionne qu’il n’a entretenu aucune relation directe avec les comédiens et les autres participants engagés sur les projets de la compagnie. Ainsi, l’audition de l’employeur du prévenu, tendant à confirmer la teneur des pièces figurant au dossier, paraît superfétatoire et n’est, partant, pas nécessaire au traitement de l’appel.
3.4
L’appelant a également sollicité la mise en œuvre d’un complément d’expertise psychiatrique, pour mettre à jour le diagnostic de sa dangerosité. Il souhaiterait que les experts se prononcent sur cette question en tenant compte de son parcours thérapeutique et de l’évolution de sa prise de conscience. Il est d’avis que les juges ne pouvaient pas décider de sa « dangerosité ».
Selon l'art. 189 CPP, un complément d’expertise doit être ordonné si l'expertise est incomplète ou peu claire (let. a), si plusieurs experts divergent notablement dans leurs conclusions (let. b) ou si l'exactitude de l'expertise est mise en doute (let. c). Ainsi, le complément d’expertise a pour but, non d’actualiser les conclusions de l’expert, mais d’éclaircir un point obscur du rapport.
Contrairement à ce que voudrait croire l’appelant, les premiers juges n’ont pas posé un diagnostic médical sur sa dangerosité, mais bien une appréciation juridique fondée sur divers éléments au dossier cités dans le jugement, à savoir les faits de la cause, l’expertise, le rapport du thérapeute et l’attitude du prévenu durant la procédure. Ainsi, un complément d’expertise tendant à actualiser les conclusions de l’expert sur le risque de récidive ou la dangerosité du prévenu ne répond pas aux conditions posées par l’art. 189 CPP. Cette mesure d’instruction paraît d’autant moins utile que la Cour de céans est à même d’apprécier l’évolution du prévenu, notamment au regard du rapport actualisé du 31 octobre 2013, établi par la thérapeute d’F._, la Dresse [...], du Service de médecine et psychiatrie pénitentiaires (SMPP).
3.5
L’appelant a également requis l’audition de sa thérapeute, tendant à établir ses progrès en thérapie, son investissement, sa prise de conscience, sa dangerosité, mais aussi sur la « réelle portée et signification de tout rapport au dossier ».
Là encore, une telle audition paraît inutile. En effet, comme susmentionné, un rapport récent, établi le 31 octobre 2013, par la thérapeute d’F._ figure au dossier. Le prévenu ne prétend pas qu’il y aurait un élément nouveau, mais que ce rapport aurait été mal compris. Il s’agit une fois encore d’une question d’appréciation des preuves, qui ne justifie pas une nouvelle mesure d’instruction. La signification à donner audit rapport fera l’objet d’une appréciation par la Cour de céans.
3.6
Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu de rejeter les réquisitions de preuve de l’appelant.
4.
L’appelant a requis le retranchement de deux éléments de fait figurant dans le jugement querellé.
4.1
Il conteste, en premier lieu, le fait selon lequel « G._ aurait, après sa comparution, posté sur un réseau social un message amer relativisant la portée des excuses du prévenu » (cf. jgt p. 35), qui n’aurait fait l’objet d’aucune instruction.
Il y a lieu de relever que la phrase en question est libellée au conditionnel et précise expressément qu’il s’agit d’une affirmation du conseil de la plaignante S._ qui n’a pas été vérifiée (jgt p. 35). Cet élément n’est plus évoqué par le tribunal par la suite, en particulier au moment de fixer la peine, lorsqu’il est question des excuses du prévenu. Ce fait n’a par conséquent pas été retenu comme véridique, et n’a joué aucun rôle dans la fixation de la peine. Il n’en sera donc pas tenu compte par la Cour de céans, qui établit son propre état de fait, sans qu’il soit nécessaire de retrancher formellement cet élément du jugement entrepris.
4.2
L’appelant reproche ensuite aux premiers juges d’avoir retenu qu’il aurait transmis le papillomavirus à certaines victimes. Il relève qu’il n’était « nullement renvoyé pour ce fait », qui n’aurait au demeurant fait l’objet d’aucune instruction.
Certes, le jugement mentionne que deux victimes, à savoir M._ et S._, ont contracté le papillomavirus (cf. jgt pp. 35 et 38). Il n’a toutefois pas été retenu que le prévenu aurait transmis cette maladie, que ce soit comme infraction pénale ou comme élément à charge dans la fixation de la peine. Les premiers juges pouvaient à tout le moins retenir – ce qu’ils n’ont même pas fait expressément – que le prévenu a choisi d’avoir des rapports non protégés, alors qu’il avait simultanément des partenaires multiples, ce qu’il n’annonçait pas à toutes en toute transparence, leur faisant ainsi courir le risque d’attraper n’importe quelle maladie sexuellement transmissible. Eu égard à ce qui précède et dans la mesure où la Cour d’appel réapprécie entièrement les faits de la cause et dresse son propre état de fait, le retranchement de cet élément de fait n’est pas justifié en l’espèce.
5.
Sur le fond, l’appelant conteste la quotité de la peine qui lui a été infligée, soit cinq ans, qu’il estime arbitrairement excessive. Il ne remet en revanche pas en cause la qualification juridique des faits retenus à son endroit. Il estime devoir être condamné au plus à une peine compatible avec un sursis partiel, soit trois ans, et demande que cette peine soit assortie du sursis pour une part de deux ans, de façon à ce que, vu la détention provisoire subie, il n’ait pas à retourner en prison.
5.1.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente); du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 129 IV 6 c. 6.1 p. 20, TF 6B_271/2011 du 31 mai 2011 c. 2.2.2, TF 6B_722/2010 du 17 février 2011 c. 1.2.2).
Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1 et les références citées; TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1).
5.1.2
Aux termes de l'art. 48 let. d CP, le juge atténue la peine si l'auteur a manifesté par des actes un repentir sincère, notamment s'il a réparé le dommage autant qu'on pouvait l'attendre de lui. Le repentir sincère n'est réalisé que si l'auteur a adopté un comportement désintéressé et méritoire, qui constitue la preuve concrète d'un repentir sincère. L'auteur doit avoir agi de son propre mouvement dans un esprit de repentir, dont il doit avoir fait la preuve en tentant, au prix de sacrifices, de réparer le tort qu'il a causé (TF 6B_283/2010 du 16 juillet 2010 c. 4.1; ATF 107 IV 98 c. 1). La seule réparation du dommage ne témoigne pas nécessairement d'un repentir sincère ; un geste isolé ou dicté par l'approche du procès pénal ne suffit pas ; l'effort particulier exigé implique qu'il soit fourni librement et durablement (TF 6B_841/2008 du 26 décembre 2008 c. 10.2; ATF 107 IV 98 c. 1).
Le comportement de l’auteur postérieurement à l’acte constitue un élément à prendre en compte lors de la fixation de la peine, pour autant qu’il permette d’en tirer des déductions, sur l’intéressé et son attitude par rapport à ses actes (TF 6B_203/ 2010 du 27 mai 2010 c. 5.3.4). Une prise de conscience, par l’auteur, du caractère illicite de ses actes et le repentir sont considérés comme des éléments autorisant une diminution de la peine (TF 6B_335_2012 du 13 août 2012 et les références).
5.1.3
En cas de concours d’infractions, l’art. 49 al. 1 CP prévoit que si l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine, à savoir 360 jours-amende, 720 heures de travail d’intérêt général et 20 ans de privation de liberté. Par infraction la plus grave, il faut comprendre celle pour laquelle la loi fixe la peine la plus grave, et non de l’infraction qui, dans l’espèce considérée, apparaît la plus grave du point de vue de la culpabilité (Dupuis et al., Petit Commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 13 ad art. 49 CP ; ATF 93 IV 7). Le concours est la seule circonstance aggravante de la peine qui figure dans les dispositions générales du Code pénal. La récidive, autrefois retenue comme circonstance aggravante (art. 67 aCP), ne constitue plus un motif d’aggravation obligatoire, mais entre désormais en considération dans la détermination de la culpabilité, selon l’art. 47 al. 1 CP (FF 1999 1787 spéc. 1867).
5.2
5.2.1
L’appelant fait grief aux premiers juges d’avoir prononcé une peine de cinq ans alors que le Ministère public avait requis une peine de deux ans et demi. En substance, il considère que le tribunal de première instance s’est laissé guider par des préjugés et des considérations morales, en lieu et place de considérations juridiques, ce en raison du contexte très émotionnel du procès, d’une part, et de l’ambiance générale qui règne depuis la survenance des affaires récentes qui ont bouleversé la Suisse Romande, d’autre part.
5.2.2
En l’occurrence, le fait que les juges aient une appréciation de la gravité des faits plus sévère que celle du Ministère public n’est pas en soi la preuve que la peine prononcée est excessive ; il est tout aussi possible que le Parquet ait été trop clément.
Au surplus, rien dans le jugement ne permet d’affirmer que le Tribunal correctionnel a fait prévaloir la morale sur la loi. Au contraire, le tribunal a pris la peine de rappeler qu’il fallait se garder « de confondre l’amoralité absolue de l’individu avec les faits pénalement répréhensibles » (jgt, p. 45). Si les termes du jugement de première instance à l’égard du prévenu sont sévères, ils ne résultent toutefois pas d’une fausse appréciation de sa personnalité et de ses actes.
Ce grief doit être rejeté.
5.3
5.3.1
L’appelant soutient ensuite que les premiers juges auraient minimisé, voire retourné contre lui, la portée des éléments à décharge, qui auraient dû donner lieu à une atténuation de la peine. En particulier, il conteste une quelconque stratégie dans le désintéressement des victimes, ce qui aurait été retenu à tort dans le jugement entrepris. Bien au contraire, il est d’avis que les démarches entreprises en faveur des plaignantes devraient le mettre au bénéfice de la circonstance atténuante du repentir sincère, au sens de l’art. 48 let. d CP.
5.3.2
En l’espèce, les premiers juges ont mentionné, parmi les éléments à décharge, le geste ayant consisté à désintéresser « à la veille et au jour de l’audience » les trois plaignantes présentes avec le bénéfice de la vente du théâtre (jgt p. 46). Ils ont cependant estimé que cet élément devait être relativisé, tout portant à croire que cette vente était inévitable. L’on ignore toutefois si les premiers juges entendaient relativiser la portée du geste en raison de sa survenance tardive ou parce que la vente leur paraissait inévitable.
Selon l’appelant, le jugement querellé fait fi du fait que jusqu’au mois de novembre, s’agissant de S._, et jusqu’à l’audience s’agissant d’K._, les victimes avaient omis de chiffrer leurs conclusions civiles. Cela permettrait de constater qu’il entendait bien leur verser ce à quoi elles estimaient avoir droit, pour régler les prétentions civiles.
Force est toutefois de constater que la bonne volonté de l’appelant a des limites. En effet, ce dernier s’en est remis à justice sur les dépens réclamés par S._. Quant à K._, c’est « sans reconnaissance des faits retenus dans l’acte d’accusation » qu’il s’est reconnu débiteur d’une somme d’argent, contestant encore aux débats avoir écarté les jambes de l’intéressée (jgt, p. 11). Enfin, le prévenu s’est bien gardé de proposer une indemnisation aux plaignants [...] et [...], ou aux victimes n’ayant pas déposé plainte comme M._ ou G._, alors même qu’il s’est excusé auprès de celles-ci aux débats.
Dans ces circonstances, l’on ne saurait considérer que le désintéressement d’une partie des victimes constitue un geste spontané témoignant d’un repentir sincère au sens de l’art. 48 let. d CP ; la seule prise en compte de ce geste dans le cadre général de l’art. 47 CP apparaît dès lors justifiée.
Ce moyen doit également être écarté.
5.4
L’appelant considère qu’il n’a pas été tenu compte, dans la fixation de la peine, de plusieurs éléments à décharge, qu’il convient d’examiner successivement.
5.4.1
L’appelant invoque, en premier lieu, l’absence d’antécédent judiciaire.
L'absence d'antécédents a, sauf circonstances exceptionnelles, un effet neutre sur la fixation de la peine et n'a donc pas à être prise en considération dans un sens atténuant (ATF 136 IV 1 c. 2.6.4). Par circonstances exceptionnelles, il faut comprendre que le comportement conforme à la loi de l’auteur soit extraordinaire.
En l’occurrence, le prévenu a commencé à enfreindre la loi en 2000, alors qu’il avait une trentaine d’années, et n’a cessé qu’en 2010 avec l’ouverture de l’enquête pénale et son incarcération. C’est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que cet élément n’était pas un élément pertinent à décharge.
5.4.2
L’appelant allègue ensuite son bon comportement en prison et durant les débats, ainsi que sa bonne collaboration à l’instruction.
Toutefois, le bon comportement en prison du prévenu ne ressort pas du dossier, qui ne contient aucun rapport de détention ; quant au bon comportement « aux débats », celui-ci n’a jamais constitué un élément à décharge, la norme étant de bien se comporter.
Avec les premiers juges, force est de constater que le prévenu n’a pas apporté une « bonne collaboration globale » à l’instruction. En effet, durant toute l’enquête, y compris après une année de détention provisoire, il n’a eu de cesse de minimiser les faits qui lui étaient reprochés ou d’ergoter, bien qu’il ait finalement admis, aux débats de première instance, la quasi-totalité des faits, face aux nombreux témoignages l’incriminant. Il y a lieu de rappeler qu’à ce stade, il contestait encore certains éléments, par exemple avoir écarté les jambes d’K._, ce qu’il ne conteste plus en appel. Ainsi, le prévenu n’a, à aucun moment, spontanément avoué des faits qui n’avaient pas été évoqués préalablement par les témoins. Par ailleurs, faut-il rappeler qu’à l’ouverture de l’enquête, F._ s’est délesté de nombreux objets, notamment les photographies ou films pouvant l’incriminer, entre autres dans le but de détruire les preuves (PV audition 30, p. 4).
Dans ces circonstances, l’on ne peut considérer que l’appelant a fait montre d’une bonne collaboration, cet élément ne pouvant être mis à son bénéfice.
5.4.3
L’appelant invoque encore les excuses qu’il a présentées aux victimes, ainsi que le versement d’indemnités à celles-ci, à titre de dédommagement. Il fait grief aux premiers juges d’avoir considéré que ses excuses avaient été « laborieusement bafouillées » et ne seraient pas sincères.
Les excuses présentées aux victimes et le versement d’indemnités constituent des éléments à décharge, s’ils résultent de remords réels. De ce point de vue, les premiers juges n’ont pas été convaincus de la sincérité du prévenu ; cela peut se comprendre notamment dans la mesure où l’engagement d’un versement pris en faveur d’K._ l’a été « sans reconnaissance des faits ». Quoi qu’il en soit, les excuses présentées par l’appelant seront mises à son bénéfice, bien que leur portée ne doive pas être exagérée : l’on ne saurait en effet effacer dix ans de comportement délinquant avec quelques mots de regret. Pour le surplus, il y a lieu de se référer à ce qui figure plus haut s’agissant du dédommagement des victimes (chiffre 5.3.1).
5.4.4
L’appelant invoque encore les leçons qu’il a tirées de sa détention, son parcours thérapeutique et son investissement, le respect des règles posées à la libération provisoire, le parcours sans tache après cette libération et les efforts entrepris pour retrouver un travail et une vie de famille.
Tous ces éléments désignent la même problématique, à savoir celle de la prise de conscience et de l’évolution du prévenu.
D’une manière générale, il sied de rappeler que le fait de respecter la loi et les injonctions des autorités ne témoigne pas d’un mérite particulier, à plus fortes raisons lorsqu’une enquête est en cours et qu’il s’agit pour l’intéressé d’éviter de retourner en prison.
Selon le rapport d’expertise du 4 avril 2011, F._ reste banalisant vis-à-vis de ses actes délinquants, bien que les reconnaissant (P. 114, p. 9). Les experts relèvent en outre le côté séducteur-manipulateur, qui masque des problèmes d’identité graves et posent le double diagnostic de personnalité dyssociale et sado-masochisme. Ils exposent l’importance du risque de récidive en raison de la tendance de l’intéressé à la banalisation de ses actes (P. 114, p. 9).
Dans l’intervalle, F._ a débuté un traitement auprès du Service de médecine et de psychiatrie pénitentiaire (SMPP). Selon un rapport du 31 octobre 2013, sa psychologue traitante mentionne ce qui suit : « il nous
semble
que le travail thérapeutique permet à M. [...] une réelle remise en question qui ne demeure pas simplement à un niveau intellectuel mais qui a des implications et des effets sur le plan psychoaffectif et sur le plan relationnel. Dès lors, il nous
paraît
que le patient évolue positivement » (P. 204, p. 1). La thérapeute se limite ensuite à rapporter les impressions subjectives de l’appelant, à savoir le sentiment d’un changement personnel et les commentaires de ses proches qui confirmeraient cette évolution. Le rapport précise qu’F._ est « conscient que les thérapies d’auteurs d’infractions à caractère sexuel sont des thérapies à très long terme, ce qui est confirmé par toute la littérature » (P. 204, p. 2).
Ainsi, à l’instar des premiers juges, l’on ne peut déceler de progrès significatifs au regard du rapport précité. En effet, si la thérapeute de l’intéressé semble voir une réelle remise en question et une évolution favorable, elle n’est pas affirmative à cet égard, et précise que la thérapie ne peut être concluante qu’à très long terme. Le double diagnostic posé, qui fait partie de la construction identitaire de l’appelant, ne peut avoir disparu ou être réduit dans une mesure significative, depuis son incarcération. Si les deux années de bon comportement depuis la libération provisoire sont à mettre au crédit du prévenu, il faut néanmoins relever qu’il était alors encadré par un avocat, une famille, des conditions de libération provisoire, la perspective du jugement à venir, et un emploi dont on sait par le prévenu qu’il s’agissait d’une solution provisoire. Ces éléments ne sauraient constituer preuve faite qu’il n’y a définitivement plus de danger, leur portée devant ainsi être limitée sous l’angle des éléments à décharge.
5.4.5
L’appelant relève que les premiers juges auraient considéré à tort que la prescription constituait le « seul véritable élément à décharge » devant être mis à son bénéfice.
Il est vrai que, dans une formulation maladroite, le jugement mentionne la prescription des infractions commises à l’égard de M._ comme un élément à décharge (jgt, pp. 46 et 47). Toutefois, il précise également que sans cela, il aurait prononcé une peine correspondant au maximum de la compétence d’un tribunal correctionnel, soit six ans. Avant d’énumérer les éléments à charge et à décharge, il récapitule les infractions commises : il mentionne notamment que le prévenu s’est rendu coupable « d’actes d’ordre sexuel avec des personnes dépendantes, désormais prescrits en ce qui concerne M._, vis-à-vis de S._, pendant deux ans » (jgt, p. 44). Il faut ainsi comprendre qu’il n’a pas condamné le prévenu pour ces faits, mais que s’il avait dû en tenir compte, la peine prononcée aurait été de six ans.
5.5
En définitive, la culpabilité d’F._ est extrêmement lourde. Il a été reconnu coupable de remise à des enfants de substance pouvant mettre en danger leur santé (art. 136 CP), d’actes d’ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP), d’actes d’ordre sexuel avec des personnes dépendantes (art. 188 CP) et de contrainte sexuelle (art. 189 CP). La circonstance aggravante du concours d’infractions porte le cadre de la peine à un maximum théorique de quinze ans. Il n’y a en revanche aucune circonstance atténuante au sens de l’art. 48 CP.
En l’occurrence, les faits qui ressortent de l’acte d’accusation et qui restent au final punissables le 19 décembre 2013 sont les suivants :
Le prévenu a enfreint l’art. 136 CP en faisant boire du vin à ses élèves âgées de moins de seize ans, à savoir H._ en janvier 2007, S._ du 19 décembre 2006 (les faits antérieurs étant prescrits) au 19 mai 2008 (veille de son seizième anniversaire), B._ du 19 décembre 2006 (les faits antérieurs étant prescrits) au 17 novembre 2007 (veille de son seizième anniversaire), et K._, de mai 2008 au moins au 24 mai 2010 (veille de son seizième anniversaire).
Le prévenu a violé l’art. 187 CP en ayant des relations sexuelles « normales » avec son élève G._, âgée de 15 ans, durant un an, en 2000-2001. Il a également violé cette disposition en 2007, en impliquant H._, âgée de 14 ans, dans un jeu sexuel avec [...], puis en ayant une relation sexuelle comprenant du bondage, mais sans sado-masochisme, avec cette jeune fille, alors qu’elle était âgée de 15 ans, durant quelques mois à fin 2007-début 2008.
Il a enfreint l’art. 188 CP en ayant une relation sexuelle avec pratiques sado-masochistes de plus en plus violentes avec son élève S._, âgée au début de 16 ans, entre juillet 2008 et le 19 mai 2010 : si la relation a duré jusqu’en septembre, la jeune fille est devenue majeure le 20 mai 2010, ce qui exclut l’application de l’art. 188 CP pour la période postérieure.
Le prévenu a en outre enfreint cette disposition en août 2010 en touchant la poitrine et en décroisant les jambes de son élève K._, âgée de 16 ans.
Enfin, le prévenu a violé l’art. 189 CP en continuant à infliger à S._ des décharges électriques sur le sexe en mars 2010, alors qu’elle lui avait expressément demandé d’arrêter.
Force est de constater que les infractions reprochées à F._ sont d’une extrême gravité, tant par leur nombre, qu’en raison de la durée pendant laquelle il les a perpétrées. En effet, sur une dizaine d’années, il a exploité une situation de supériorité sur des élèves confiés à sa garde, pour les manipuler mentalement, leur faire boire de l’alcool, et leur faire accepter des relations sexuelles, correspondant souvent à ses fantasmes violents, mais pas à ceux de ses victimes. Tel est en particulier le cas de S._, qui a subi de véritables séances de torture, manifestées par des séquelles physiques : hématomes, saignements et prolapsus de la muqueuse anale. Il est même arrivé au prévenu de ne pas tenir compte d’un refus pour une fois expressément manifesté. Les victimes ont pour la plupart été traumatisées par ce qu’elles ont vécu. Entre les premiers et les derniers faits, il s’est ainsi passé une dizaine d’années, sans que le prévenu ne se remette jamais en question, seule l’ouverture de l’enquête et son arrestation ayant mis fin à ses agissements. Les quelques interpellations de parents, qui auraient dû constituer des mises en garde, se sont heurtées à des réponses méprisantes et cruelles. Le prévenu s’en est pris à la sphère intime et à la liberté sexuelle de jeunes filles naïves. Il a trompé leur légitime confiance, profitant de la position dominante que lui offrait sa qualité d’enseignant. Intelligent et cultivé, n’éprouvant manifestement aucune difficulté à séduire, il aurait pu trouver des partenaires réellement consentantes. Il a préféré nourrir son narcissisme et ses préférences sexuelles sadiques en piochant dans le vivier de ses adeptes jeunes et malléables, sans se préoccuper du fait que celles-ci ne partageaient pas ses penchants sexuels, ce qui traduit une intense volonté délictuelle. Après un an de détention préventive, il tergiversait encore dans la reconnaissance des faits. Ce n’est qu’à l’audience de première instance, soit trois ans après son arrestation, qu’il a consenti à indemniser une partie des plaignants et reconnu la quasi-totalité des faits.
La remise régulière d’alcool à plusieurs élèves, sur une période de trois ans et demie, mérite déjà une sanction sérieuse. Les relations sexuelles sans sadisme entretenues avec G._ et H._, adolescentes de quinze ans, ne doivent pas non plus être minimisées : il ne s’agit pas d’histoires d’amour entre égaux, mais bien d’une relation d’emprise d’un professeur sur ses élèves, le premier ayant une vingtaine d’années de plus que les secondes. Les relations n’étaient pas protégées, alors que le prévenu multipliait les partenaires. Les actes commis au détriment de S._ dénotent un égoïsme et une cruauté rares. Les gestes inadéquats vis-à-vis d’K._ sont également humiliants et destructeurs.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, une peine privative de liberté de cinq ans apparaît justifiée. Elle sera dès lors confirmée.
5.6
Compte tenu de la quotité de la peine prononcée, il n’y a pas lieu d’examiner l’opportunité du sursis partiel, qui est exclu en l’espèce (art. 43 CP).
6.
En conclusion, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé
.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, comprenant l'émolument du présent jugement, par 4’280 fr. (art. 21 al. 1 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de l’appelant qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
85943b1d-0212-4e03-8be5-0b7cbaff9a2f | En fait :
A.
Par jugement du 10 juillet 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que H._ s’est rendu coupable de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (I), l’a condamné à une amende de 200 fr., convertible en 2 jours de peine privative de liberté de substitution (II) et a mis à sa charge les frais du préfet, par 150 fr., ainsi que les frais de la procédure d’opposition, par 712 fr. (III et IV).
B.
Par annonce du 1
er
septembre 2014, puis déclaration motivée du 24 septembre 2014, H._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est libéré de toute peine et de tous frais. A titre de mesures d’instruction, l’appelant a requis qu’une expertise graphologique soit mise en œuvre, qu’il soit procédé à l’audition de deux témoins et que le rapport établi suite à l’interpellation de Y._ soit versé au dossier.
Après avoir requis et obtenu le rapport d’interpellation précité, le Président de céans a, par avis du 14 octobre 2014, informé l’appelant qu’il rejetait les autres mesures d’instruction qu’il sollicitait.
Par courrier du 20 octobre 2014, le Ministère public a indiqué qu’il n’entendait pas intervenir en personne et qu’il renonçait à déposer des conclusions.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissant italien, H._ est né le [...] 1971 à [...].
A son casier judiciaire figurent les deux inscriptions suivantes :
- 23.11.2007, Tribunal correctionnel de Lausanne, délit et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, travail d’intérêt général 240 heures, sursis et délai d’épreuve 3 ans, amende 300 francs ;
- 18.02.2013, Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois, violation grave des règles de la circulation routière, 96 jours-amende à 40 fr., sursis et délai d’épreuve 2 ans, amende 960 francs.
2.
A Lausanne, le 25 septembre 2013, H._ a acquis une boulette de cocaïne auprès de Y._ pour la somme de 23 fr., avant de la consommer. Afin d’effectuer cette transaction, l’appelant a pris en charge Y._ dans sa voiture sur la place du Tunnel pour le déposer plus loin sur le chemin des Bégonias (cf. rapport de dénonciation du 25 septembre 2013 et P. 17).
3.
a)
Par ordonnance pénale du 6 février 2014, le Préfet du district de Lausanne a condamné H._ pour « infraction » à la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup ; RS 812.121) à une amende de 200 fr., convertible en 2 jours de peine privative de liberté de substitution à défaut de paiement, et a mis les frais de la cause, par 150 fr., à sa charge.
Par courrier posté le 19 février 2014, le prévenu a formé opposition à cette ordonnance.
b)
Appréciant les faits de la cause, le Tribunal de police a confirmé la condamnation de H._ pour contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de H._ est recevable.
1.2
S'agissant d'un appel dirigé contre une contravention, la cause ressort de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [Loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009; RSV 312.01]).
1.3
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
En l’espèce, l’appelant a requis qu’une expertise graphologique de la signature figurant au pied la dénonciation qui l’accable soit mise en œuvre et qu’il soit procédé à l’audition de la mère de sa fille, Madame [...], ainsi que de Y._. Toutefois, seule une contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants fait l’objet de la procédure de première instance. L’appel est donc restreint. Pour ce motif, les mesures d’instruction requises doivent être rejetées. Elles n’apparaissent au demeurant pas déterminantes pour les raisons qui seront développées ci-dessous.
2.
L’appelant invoque une constatation manifestement inexacte des faits.
2.1
Comme indiqué précédemment, en cas d’appel restreint, le pouvoir d’examen de l’autorité d’appel est limité dans l’appréciation des faits à ce qui a été établi de manière arbitraire, la formulation de l’art. 398 al. 4 CPP correspondant à celle de l’art. 97 al. 1 LTF (Loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 ; RS 173.110) (TF 6B_1247/2013 du 13 mars 2014 c. 1.2 ; TF 6B_362/2012 du 29 octobre 2012 c. 5.2 et les références citées). En revanche, la juridiction d’appel peut revoir librement le droit (Kistler Vianin, op. cit., n. 25 ad art. 398 CPP).
Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 138 III 378 c. 6.1 et les références citées ; TF 6B_678/2014 du 2 octobre 2014 c. 4.1).
L’appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Il n'y a pas d'arbitraire si l'état de fait retenu pouvait être déduit de manière soutenable du rapprochement de divers éléments ou indices. De même, il n'y a pas d'arbitraire du seul fait qu'un ou plusieurs arguments corroboratifs sont fragiles, si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (TF 6B_678/2014 du 2 octobre 2014 c. 4.1 et les références citées ; TF 6B_367/2014 du 8 septembre 2014).
2.2
2.2.1
L’appelant soutient que c’est à tort que le premier juge aurait retenu la version des faits présentée par ses dénonciateurs, les inspecteurs P._ et W._. Il affirme, en substance, que ce ne serait pas lui qui aurait pris en charge Y._ dans son véhicule, ni lui qui aurait ouvert la porte aux policiers et encore moins lui qui aurait signé le formulaire de dénonciation simplifiée, dès lors qu’il gardait sa fille lourdement handicapée le jour en question. L’appelant ajoute que l’inspecteur P._ n’aurait pas dit la vérité au premier juge en déclarant qu’il avait rempli le formulaire de dénonciation sur la base de son permis de séjour, puisque les indications qui y figurent ne permettent pas de le faire.
2.2.2
Confronté à deux versions irrémédiablement contradictoires, le premier juge a considéré qu’il n’était pas concevable que deux policiers assermentés aient comploté contre le prévenu, ce d’autant plus que l’affaire portait sur une simple contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants. Il a relevé également que la version des agents n’avait pas varié, qu’ils ne connaissaient pas le prévenu jusque là et qu’ils l’avaient clairement reconnu comme étant la personne qu’ils avaient interpellée.
2.2.3
Cette appréciation des faits est en l’occurrence conforme aux pièces du dossier et ne prête pas le flanc à la critique. Elle est confortée par le rapport établi le 25 septembre 2013 à la suite de l’interpellation de Y._. L’appelant, qui s’évertue à affirmer de manière appellatoire que ce n’est pas lui qui aurait été interpellé, ne démontre pas en quoi le raisonnement du premier juge serait entaché d’arbitraire. Les témoignages des agents sont concordants, constants et précis. Tous deux ont reconnu le prévenu et affirmé qu’il s’était légitimé en produisant son permis d’établissement. S’il est correct que la filiation du prévenu et le nom de son épouse ne figurent pas sur ce document, il n’en demeure pas moins que ces deux informations ont été correctement communiquées à l’inspecteur P._ pour compléter le formulaire de dénonciation litigieux, ce qui tend à exclure qu’il y ait eu erreur sur la personne et à confirmer – comme l’agent l’a expliqué – que le prévenu lui a prêté son concours pour le faire (cf. jugement p. 3, ligne 13). Contrairement à ce que soutient l’appelant, le témoignage de cet agent, déposé presque une année après les faits, ne remet pas en cause le raisonnement du premier juge. Le fait que l’adresse indiquée sur la dénonciation simplifiée soit celle de son entreprise et non celle figurant sur son permis d’établissement n’est également pas pertinent.
Cela étant, l’appelant n’apporte aucun élément de réponse sur les trop nombreuses coïncidences qui auraient conduit des agents du groupe CELTUS – spécialisés dans la lutte contre le trafic de rue – à observer un trafiquant de drogue monter à bord de son véhicule, à suivre cette voiture dans les rues de Lausanne jusqu’à la porte de son domicile professionnel, avant de l’identifier sur la base d’un document établi à son nom et de retranscrire correctement sa filiation sur un formulaire. L’appelant a déclaré qu’il n’avait pas d’employé et qu’il ne donnait pas les clés de son bureau lorsqu’il prêtait sa voiture, ce qui est incompatible avec les faits qui précèdent (cf. jugement p. 3, ligne 10). A cela s’ajoutent ses antécédents en matière de consommation de stupéfiants, soit la condamnation qui figure dans son casier judiciaire et les huit dénonciations dont il a fait l’objet entre 1994 et 2011 (cf. rapport de dénonciation du 25 septembre 2013
in fine
). On relèvera au passage que l’appelant fait l’objet d’une procédure administrative pour avoir été interpellé alors qu’il était sous le coup d’un retrait de permis de conduire, procédure qui est suspendue dans l’attente de l’issue de la présente affaire (cf. rapport de dénonciation du 25 septembre 2013 et P. 6).
Dans ses circonstances, c’est à juste titre que le premier juge n’a accordé aucun crédit aux déclarations du prévenu. Les mesures d’instruction requises n’auraient pas permis de renverser cette appréciation. En effet, une expertise graphologique de la signature litigieuse n’aurait pas été déterminante puisque qu’elle aurait porté sur un élément qui n’a aucune pertinence dans le cas d’espèce. L’audition de Y._, à supposer qu’elle eût été encore possible dans la mesure où il est sans domicile fixe et qu’il fait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse, n’aurait apporté aucun élément qui ne figurerait pas déjà dans le rapport d’intervention versé au dossier en procédure d’appel. En outre, sa confrontation avec l’appelant n’aurait pas été de nature à ébranler la conviction du juge de céans. Enfin, Madame [...] n’aurait pas pu confirmer que l’appelant s’occupait bien lui-même de leur fille au moment des faits, puisqu’elle n’était pas présente.
Au vu de ce qui précède, la condamnation de l’appelant pour contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants doit être confirmée.
3.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement du 10 juillet 2014 intégralement confirmé.
4.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, constitués en l’espèce de l’émolument d’arrêt, par 1'030 fr., doivent être mis à la charge de H._, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
85ac2f0d-a824-41be-8fe1-78a3b2239645 | En fait :
A.
Par jugement du 9 août 2012, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a libéré Q._ du chef d'accusation de vol (I), constaté qu'il s'est rendu coupable d'abus de confiance et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (II), l'a condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr., sous déduction de deux jours de détention avant jugement (III), l'a condamné à une amende de 600 fr., la peine privative de liberté de substitution étant fixée à six jours (IV), suspendu l'exécution de la peine pécuniaire prévue sous chiffre III ci-dessus pour une durée de deux ans (V), dit que Q._ est le débiteur de la Banque [...] et lui doit immédiat paiement d'un montant de 25'000 fr., avec intérêt à 5 % l'an dès le 28 décembre 2010 (VI), ordonné la confiscation et la destruction des stupéfiants ainsi que du DVD séquestrés sous fiche N° 48548 et la restitution à Q._ des deux documents séquestrés sous fiche N° 48548 (VII) et mis les frais de la cause, arrêtés à 6'450 fr., à la charge de Q._ (VIII).
B.
Le 13 août 2012, Q._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 10 septembre 2012, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à l'admission de l'appel (I) et à la modification du jugement attaqué en ce sens qu’il est libéré des chefs d’accusation de vol et d’abus de confiance, qu'il est constaté qu'il s'est rendu coupable de contravention à la LStup, qu'il est condamné à une amende de 600 fr, la peine privative de liberté de substitution étant fixée à six jours, et que l’indemnité suivante, au sens de l’art. 429 CPP, doit lui être versée, à la charge de l’Etat : 9'500 fr. à titre de frais de défense, 6'545 fr. 95 à titre de perte économique, 2'000 fr. à titre de tort moral et 400 fr. à titre d’indemnisation pour les deux jours de détention subis (II).
Le 3 octobre 2012, le Ministère public a indiqué qu'il renonçait à déposer un appel joint et qu'il s'en remettait à justice quant à la recevabilité de l'appel. Dans ses déterminations du 26 octobre 2012, il a conclu au rejet de l'appel par adoption des motifs du tribunal de police.
C.
Les faits retenus par la cour de céans sont les suivants :
1.1 Le prévenu Q._, né en 1983, a été élevé par ses parents et a effectué toute sa scolarité obligatoire à [...]. Titulaire d'un CFC d'employé de commerce, il a commencé à travailler dans le domaine bancaire en 2005, d'abord auprès du [...], puis d'[...]. Il a toutefois dû abandonner son activité au service de cette dernière banque du fait des restructurations entreprises au printemps de l'année 2009. Il s'est ensuite vu confier une mission d'une durée déterminée auprès de la Banque [...] du 31 mai 2010 au 31 janvier 2011, en remplacement d'une collaboratrice en congé maternité. Cette activité a pris fin le 27/28 décembre 2010 en relation avec les faits décrits plus loin. Depuis lors, le prévenu travaille comme courtier en assurances et en immeubles. Il n'a aucune fortune et évalue ses dettes à quelques milliers de francs actuellement. Il a dû retourner vivre chez ses parents, qui l'aident à désintéresser ses créanciers. Son casier judiciaire est vierge. Dans le cadre de la présente enquête, il a été détenu du 2 au 3 janvier 2011, soit durant deux jours.
1.2 Le prévenu a été déféré par acte d'accusation établi le 19 avril 2012 par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne pour répondre de l'infraction de vol. Il lui est reproché d'avoir, le 27 décembre 2010, indûment prélevé 25'000 fr. dans le coffre de l'agence lausannoise de son employeur. Aucune trace des fonds en question n'a été retrouvée.
La gestion du coffre était confiée à trois collaborateurs de la Banque [...], à savoir le prévenu, sa collègue T._, née en 1968, assistante de gestion et fondée de pouvoir, ainsi qu'une tierce personne qui était alors en vacances (PV aud. 6, p. 5, R. 1; PV aud. 7, p. 5, R. 6 in fine). Au sein de l'agence, seuls les trois employés en question avaient connaissance du code permettant d'ouvrir le coffre et de l'emplacement de la clé. Il incombait le plus souvent au prévenu d'attester de l'état de ce coffre à l'issue de chaque journée de travail, même si l'intéressé était également chargé de tâches administratives et du service à la clientèle au guichet. Il s'agissait de dresser l'inventaire de l'argent se trouvant dans la caisse du guichet et de celui demeuré dans le coffre à titre de réserve. Son dernier jour de travail effectif a été le lundi 27 décembre 2010. Le matin de ce même jour, le prévenu a tenté de justifier son retard par le fait qu'il devait accompagner son amie à l'aéroport de Genève-Cointrin. Or, il a été établi durant l'enquête qu'il ne s'était pas rendu à l'aéroport, mais que c'était ses parents qui y avaient acheminé la femme en question.
Il ressort des déclarations de T._ et de son collègue [...], recueillies durant l'enquête, que c’est le prévenu qui s’était chargé des opérations de fermeture du coffre et de contrôle de caisse le 27 décembre 2010 en fin de journée (PV aud. 7, p. 3 et PV aud. 8, p. 3).
Le mardi 28 décembre 2010, à 8 h 34, le prévenu a envoyé un sms à sa collègue T._ pour lui indiquer qu'il était malade et qu'il ne viendrait que l'après-midi (P. 33/2). A 9 h 30, le 28 décembre 2010 encore, il a en outre averti par téléphone le directeur adjoint de la banque, L._, du fait qu'il ne viendrait pas travailler ce matin (PV aud. 1, p. 1). Il a adressé un nouveau sms à sa collègue ce même jour à 15 h 59 pour lui signaler qu'il serait au travail le lendemain et qu'il se soignait (P. 33/2). Enfin, à 8 h 06 le lendemain 29 décembre 2010, le prévenu a envoyé un dernier message à T._ pour lui indiquer qu'il allait se rendre chez le médecin, auprès duquel il avait rendez-vous à 9 h 30 (P. 33/2). A compter de ce moment, il a rompu tout contact avec son employeur et avec sa famille, tous essayant vainement de le joindre.
L._ et T._ ont constaté la différence de caisse de 25'000 fr. déjà mentionnée le 28 décembre 2010, au plus tard dans l'après-midi, lors du contrôle de caisse usuel de fin de journée.
Le téléphone portable du prévenu a été momentanément saisi par les enquêteurs et examiné avec l'accord de son propriétaire; sa calculette affichait le chiffre de 25'000. Interrogé à ce sujet, il a affirmé qu'il s'agissait d'une coïncidence (PV aud. 2, p. 7, 2
e
et 3
e
lignes).
1.3 La Banque [...] a déposé plainte le 31 décembre 2010. Elle a pris, à l'encontre du prévenu, des conclusions civiles à hauteur de 25'000 fr., avec intérêt à 5 % l'an dès le 28 décembre 2010 (P. 46).
Durant l'enquête, T._ a affirmé n'avoir découvert la disparition des 25'000 fr. que lors du contrôle usuel de caisse effectué en fin de journée, à partir de 16 h 30, le 28 décembre 2010; elle a ajouté qu'elle avait cherché les espèces manquantes dans tous les lieux possibles des locaux de la banque et qu'aucune des écritures passées durant la journée ne portait sur le montant en question (PV aud. 7, p. 4). Pour sa part, L._ a également indiqué, dans la plainte déposée au nom de la banque, que le découvert de 25'000 fr. avait été décelé le 28 décembre 2010 dans l'après-midi (PV aud. 1 p. 2) et a confirmé cette version des faits lors de son audition en cours d'enquête (PV aud. 6 p. 4, 8
e
ligne). Il a cependant déclaré aux débats de première instance que cette disparition avait été constatée par T._ en fin de matinée le même jour déjà (jugement, p. 9, 2
e
par.).
Interrogée durant l'enquête, T._ a, le 25 janvier 2011, indiqué travailler au service de la banque depuis dix ans. Elle a ajouté n'avoir aucune dette et jouir de l'entière confiance de sa hiérarchie (PV aud. 7, p. 5, R. 7). L._ a précisé durant l'enquête que, dès lors que seuls le prévenu et T._ avaient accès à la caisse et au coffre au moment en question, seule cette dernière en disposait durant la journée du 28 décembre 2010, vu l'absence du prévenu à son poste (PV aud. 6, p. 5 in fine). L._ a ajouté que ses soupçons étaient dirigés uniquement contre le prévenu et qu'il faisait "une entière confiance chez les (sic) autres employés de la banque, notamment Madame T._ qui est visée par Monsieur Q._", celle-là étant employée de la banque depuis plus de dix ans et disposant du titre de fondée de pouvoir (PV aud. 6, p. 5, R. 11).
1.4 Tant durant l'enquête qu'aux débats des deux instances, le prévenu a contesté être impliqué dans la disparition des 25'000 francs. Il a notamment mis en cause la gestion des transferts de fonds de son employeur d'alors, qualifiée par lui d'archaïque. Selon lui, le coffre situé dans les locaux de la plaignante n'était plus verrouillé par une combinaison durant la journée du 27 décembre 2010 et pouvait être aisément ouvert au moyen d'une clé, dont quiconque travaillant à cet endroit était à même de deviner l'emplacement. Il a affirmé que l'état de caisse était correct au soir du 27 décembre 2010, en soutenant que la soustraction des 25'000 fr. n'avait pu intervenir que le lendemain, que ce soit dans les locaux de la banque ou durant le transfert de fonds auprès de la [...] effectué le 28 décembre 2010 également. Il a enfin prétendu que son implication serait exclue dès lors qu'il n'était plus jamais revenu sur son lieu de travail à compter du 27 décembre 2010 au soir. Il a ajouté avoir enlevé la carte SIM de son téléphone cellulaire jusqu'au 31 décembre 2010 et n'avoir appris la disparition des 25'000 fr. qu'à l'occasion de son interpellation le 2 janvier 2011.
Quant à son attitude à l'égard de son employeur les 28 et 29 décembre 2010, le prévenu a admis avoir invoqué une maladie inexistante. Il a dit avoir été mû par la déception de ne pas voir son contrat de durée déterminée déboucher sur un engagement ferme, ce qui lui aurait été confirmé par L._ la semaine précédente.
Le prévenu a gardé par-devers lui une clé de la banque, qui a été retrouvée à son domicile, comme l'a été un joint de marijuana entamé (P. 13). Lors de son interpellation, de la cocaïne a été retrouvée sur sa personne (P. 17/1). Un relevé de son compte auprès de PostFinance établi le 18 janvier 2011 révélait un débit de 1'081 fr. 80 (P. 21/2).
Le prévenu a tenté d'imputer la responsabilité du découvert de 25'000 fr. à l'un des employés de la banque, [...], déjà mentionné. Ce dernier avait, quelques jours avant les faits litigieux, passé une écriture d'un montant de 25'000 fr. également. Le prévenu a déduit de cette coïncidence que le découvert en espèces avait été affecté au financement de l'opération en question (PV aud. 4, p. 3, lignes 99 à 104; PV aud. 6, p. 3, R. 6 in fine). Interrogé en cours d'enquête sur les faits invoqués par le prévenu, L._ a fait savoir que, le jeudi 23 décembre 2010 au matin, [...] avait passé un ordre d'achat sur un produit structuré émis par une banque suisse, mais portant sur des actions étrangères. Or, le statut des analystes financiers sur le marché suisse selon les directives de l'Association suisse des banquiers (ASB), applicable notamment aux gérants de fonds de placement, limite leur faculté de faire des opérations sur des actions suisses pour leur propre compte. A la suite d'une confusion entre la banque (suisse) émettrice du produit et les actions (allemandes) sur lesquelles il portait, des doutes ont surgi quant à la conformité de cette opération avec les directives de l'ASB. Ces doutes ont toutefois été dissipés dans l'après-midi du 23 décembre 2010 déjà, sitôt qu'il était apparu qu'aucune action suisse n'était en cause dans l'opération. L'écriture a dès lors été passée sans autre (PV aud. 6, p. 3), à telle enseigne que le relevé des avoirs de ce collègue au 12 janvier 2011 comporte les positions en question, pour une valeur nominale de 25'000 fr. (P. 26/1). Pour le reste, il a précisé que ce collègue avait son bureau à trois mètres de distance du coffre (ibid., R. 6 in fine).
1.4 Le prévenu a avoué diverses infractions en matière de stupéfiants, la consommation de tels produits antérieure au 9 août 2009 étant prescrite.
2. Appréciant les faits de la cause pour ce qui est de l'infraction incriminée, tenue pour perpétrée le 27 décembre 2010, le tribunal de police a acquis la conviction que le prévenu était l'auteur des actes qui lui étaient reprochés. Il s'est fondé en particulier sur l'attitude de l'intéressé juste après les faits, en considérant que la déception que celui-ci disait avoir ressentie pour justifier sa disparition subite ne se fondait sur aucun élément concret. En effet, il avait d'emblée été convenu d'un engagement de durée déterminée, pour un remplacement momentané; jamais son employeur ne lui avait fait miroiter de quelconques perspectives au-delà du terme prévu. Bien plutôt, il était apparu que les rapports professionnels se dégradaient et que le prévenu avait fait l'objet de remises à l'ordre relatives à sa fiabilité et à sa ponctualité notamment. Qui plus est, la justification donnée par l'intéressé quant à son retard le matin de son dernier jour de travail était aussi mensongère que celle relative à sa prétendue maladie. A titre secondaire, le premier juge a retenu un autre indice, qualifié de troublant, à savoir que la calculette du prévenu affichait le nombre de 25'000, étant ajouté que l'intéressé était alors aux abois financièrement, ses dettes s'élevant à 45'000 fr. au moins.
Le fait qu'aucune trace des fonds dérobés n'ait été retrouvée, notamment sur les comptes du prévenu, n'a pas ébranlé la conviction du tribunal de police. Le premier juge a en effet considéré qu'il était aisé de dissimuler une telle somme, ce d'autant que les lieux de vie de l'intéressé n'avaient fait l'objet d'une perquisition que près d'une semaine après les faits. Au surplus, aucune autre hypothèse que celle de l'implication du prévenu n'apparaissant plausible au tribunal de police, étant ajouté que les incohérences entre les déclarations de L._ à l'audience de première instance et celles de T._ n'ont pas été tenues pour déterminantes.
3. A l'audience de première instance, l'accusation a été étendue à l'infraction d'abus de confiance en application de l'art. 344 CPP, les espèces dérobées étant tenues pour des valeurs patrimoniales confiées au sens de l'art. 138 ch. 1 CP. Les parties ont eu la faculté de se déterminer à ce sujet.
4. Quant à la culpabilité du prévenu, le tribunal de police a retenu, à charge, que l'intéressé avait contesté les faits en n'hésitant pas à faire porter le soupçon sur ses collègues, employés de longue date au service de la plaignante, qu'il avait trompé la confiance de son employeur et qu'il ne manifestait aucune volonté de s'amender ni de réparer le dommage. A décharge a été pris en compte, et encore avec retenue, le fait que le prévenu avait connu des déconvenues dans sa carrière professionnelle sans qu'il n'en parût entièrement responsable.
La peine a été assortie du sursis à défaut de pronostic défavorable, ce nonobstant les dénégations du prévenu. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L'appel est limité à la contestation des faits fondant la condamnation pour abus de confiance. Les infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et l'amende qui les réprime séparément ne constituent pas l'objet de la présente procédure d'appel, le prévenu ayant expressément renoncé à contester sa condamnation à raison de ce chef d'accusation (conclusion II de l'appel). Il en va de même des conclusions civiles allouées à la plaignante, que l'appelant renonce à contester nonobstant sa conclusion portant sur sa libération des fins de l'action pénale du chef d'accusation d'abus de confiance.
4.
4.1
L’appelant invoque conjointement une violation du principe
in dubio pro reo
et, implicitement, une constatation erronée des faits par le tribunal de police au sens de l'art. 398 al. 3 let. b CPP. Réunissant les deux moyens, il fait grief au premier juge de s'être déclaré convaincu de sa culpabilité avant même d'avoir établi les faits déterminants et alors qu'il a toujours clamé son innocence. Selon lui, c'est sans raison légitime que le premier juge a écarté, respectivement a omis d'examiner l’hypothèse de la disparition de la somme litigieuse le 28 décembre 2010, hypothèse qui, dans la chronologie des faits, l’aurait disculpé.
4.2
La présomption d'innocence, qui est garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe in
dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme règle d'appréciation des preuves, elle est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a).
4.3
Les moyens de l'appelant étant formulés comme un unique grief, il y a lieu de les examiner conjointement.
Contrairement à ce que soutient l'appelant, le jugement attaqué ne se limite pas à énoncer des éléments matériels en faveur de l'accusation. Bien plutôt, il mentionne les explications données par le prévenu quant à son silence jusqu’à son interpellation le 2 janvier 2011, ainsi que celles concernant le fait que le coffre n’aurait pas été verrouillé par une combinaison durant la journée du 27 décembre 2010 et qu’il aurait ainsi aisément pu être ouvert au moyen de la seule clé, dont quiconque travaillait à cet endroit pouvait deviner l’emplacement.
Le premier juge a fondé sa conviction de la culpabilité du prévenu principalement sur l’attitude de ce dernier juste après les faits, à savoir l'abandon de poste, à la faveur du prétexte d'une maladie dont l’intéressé a admis aux débats de première instance qu’elle était inexistante et le fait que l'intéressé n'a fourni aucune explication de son silence ni de son absence à son employeur et à sa famille. Le juge s'est aussi fondé sur les explications, jugées non convaincantes, données par le prévenu au sujet de la déception prétendument ressentie en raison de la fin de sa mission, pourtant de durée déterminée. En définitive, pour le premier juge, l’attitude du prévenu, qui a accumulé les affirmations mensongères durant cette période, ne trouve qu’une explication, à savoir qu’il est l'auteur des faits qui lui sont reprochés. Pour le premier juge, deux indices s’ajoutent encore à ce qui précède : le fait que le nombre de 25'000 fr., qualifié de montant, ait été trouvé par les enquêteurs affiché sur la calculette du prévenu, et le fait que ce dernier était aux abois financièrement à l’époque, ses dettes s’élevant alors à 45'000 francs.
4.4
Le comportement et l’attitude du prévenu dès le 28 décembre 2010 au matin sont indiscutablement des éléments factuels qui peuvent qu'être retenus à sa charge. Il est en particulier établi que le motif tiré de sa maladie était mensonger. Les explications données au sujet de son silence, y compris à l’égard de sa famille, durant cette période de fêtes, ne sont non plus guère convaincantes. Sa situation professionnelle, en fin de contrat de durée déterminée, et sa situation financière obérée ont été correctement rapportées par le premier juge et peuvent, dans le contexte de l’espèce, constituer des indices en faveur de l'accusation. On ne voit ainsi pas en quoi la prise en compte de ces faits, dûment établis, violerait la présomption d'innocence.
Pour le surplus, les déclarations de L._ et de T._ émises durant l'enquête au sujet de la chronologie des faits, en particulier du moment où la disparition de l’argent a été constatée (cf. respectivement PV aud. 1, p. 2 et PV aud. 7, p. 4), sont convergentes, même si L._ a modifié sa version des faits à l'audience de première instance. Cette variation peut toutefois aisément s'expliquer par l'écoulement du temps. Elle ne porte cependant pas sur les faits dans leur principe. En effet, l'un et l'autre des susnommés ont précisé que le nombre d'écritures passé durant la journée avait été très limité et, surtout, ces divergences ne sauraient avoir pour portée d'étayer une disparition qui serait survenue à un autre moment que le 27 décembre 2010, soit lors du dernier jour de travail effectif du prévenu.
A cela, on peut ajouter, d’une part, que, si L._ a indiqué que, le 27 décembre 2010 en fin de journée, aucune différence de caisse n’était apparue dans le dernier état de caisse, il n'en a pas moins précisé qu’il s’agissait de l’état effectué par le prévenu (PV. aud 1, p. 2); d’autre part, il résulte des dépositions de T._ et de [...] que c’est le prévenu qui s’était chargé des opérations de fermeture du coffre et de contrôle de caisse le 27 décembre 2010 en fin de journée.
S’agissant de l’hypothèse selon laquelle la disparition des espèces serait imputable à [...], collègue sur lequel le prévenu a jeté des soupçons, il résulte cependant des déclarations crédibles de L._ (PV aud. 6, p. 3) que cet employé peut être mis hors de cause et cette piste écartée. Il est en effet établi que l'opération faite pour son propre compte par ce gérant de fonds de placement avait été effectuée, au moyen de monnaie scripturale, le 23 décembre 2010 au matin déjà. Le relevé des avoirs de ce collègue au 12 janvier 2011 auprès de la banque comporte du reste les positions en question, pour une valeur nominale de 25'000 francs. Les doutes ayant très momentanément entaché cette opération n'avaient aucun caractère pénal. Ils ne se référaient qu'au devoir de réserve du gérant selon les directives de l'ASB, les analystes financiers du marché interne faisant l'objet d'étroites limitations pour ce qui est des opérations portant sur des actions suisses effectuées pour leur propre compte.
Cela étant, c'est à juste titre que l'appelant fait grief au premier juge d'avoir retenu qu'un
montant
de 25'000 fr. avait été retrouvé affiché sur la calculatrice du portable du prévenu, alors qu'il s'agissait uniquement du
nombre
de 25'000. Il n’en demeure pas moins que, dans le contexte de l'affaire, il n’y a rien d’arbitraire à retenir cet élément comme un indice supplémentaire à charge, même s'il ne s'agit pas d'un élément décisif. La condamnation du prévenu n'est en effet pas fondée sur cet élément considéré isolément.
Enfin, il découle de l'organisation du travail au sein de l'agence que la seule autre personne pouvant théoriquement être soupçonnée de l'infraction est T._. Si l'on oppose le profil et la situation personnelle de l'appelant à ceux de sa collègue, il est manifeste que cette comparaison est défavorable au prévenu. En effet, celle-ci n'a pas de dettes, est employée de longue date de l'établissement, en dernier lieu en position de fondée de pouvoir, et bénéficie de toute la confiance de sa hiérarchie. Au contraire, celui-là était lourdement endetté, consommateur occasionnel de drogues et affabulateur de son propre aveu; en outre, il ne disposait pas de l'entière confiance de son employeur d'alors.
4.5
En définitive, procédant à ses propres administration et appréciation des preuves, la cour de céans aboutit à la conviction qu'il existe des indices convergents sérieux en faveur de l'accusation comme énoncés ci-dessus. Elle considère dès lors que l’appelant est bien à l’origine de la disparition des 25'000 fr. litigieux au-delà de tout doute raisonnable. En d'autres termes, il n’y a aucun doute suffisamment sérieux qui permettrait d’envisager une autre solution, respectivement d’accorder à l’intéressé le bénéfice du doute.
Au vu de ce qui précède, le premier juge était donc fondé à retenir que le prévenu s’est bien rendu coupable d’abus de confiance pour les faits décrits dans le jugement attaqué. Les moyens d'appel soulevés sont donc mal fondés.
5.
Il découle de ce qui précède que la conclusion de l'appel en allocation d’une indemnité selon l'art. 429 CPP est sans objet, la partie appelante n'obtenant pas gain de cause, même partiellement.
6.
Vu l'issue de l'appel, les frais de la cause doivent être mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). La partie ayant été représentée par un avocat de choix, les frais sont limités aux frais d'arrêt selon l'art. 424 CPP. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
85b73a18-e799-4adf-9e30-561458bb7dd7 | En fait :
A.
Par jugement du 29 août 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois a, notamment, condamné par défaut S._ pour abus de confiance à une peine privative de liberté de 30 mois (I), a dit qu’il est le débiteur de l’Etat d’un montant de 690'000 fr. à titre de créance compensatrice (II) et de C.J._ et B.J._ des montants de 776'981 fr. 80, valeur échue, à titre de dommages-intérêts et de 144'695 fr., TVA et débours compris, avec intérêts à 5% l’an dès le 27 août 2014, à titre de dépens pénaux (III) et a ordonné la confiscation et la dévolution à l’Etat des valeurs séquestrées sous fiche 2275 (IV).
B.
Le 5 septembre 2014, C.J._ et B.J._ ont formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 7 octobre 2014, ils ont conclu, principalement, à la réforme du chiffre IV du dispositif en ce sens que le séquestre des valeurs sous fiche 2275 est levé, les valeurs séquestrées leur étant restituées, et, subsidiairement, à l’annulation du chiffre IV du dispositif et au renvoi de la cause à l'autorité de première instance pour nouvelle décision.
Par déterminations du 6 novembre 2014, le Ministère public s’en est remis à justice sur le sort de l’appel.
Les appelants ont encore déposé des déterminations complémentaires le 10 novembre 2014.
Le 21 novembre 2014, les parties ont été informées que l’appel serait traité en procédure écrite (art. 406 let. b CPP). Le prévenu n’a pu être avisé, faute d’adresse de notification connue (art. 87 al. 1 CPP).
Par lettre du 8 décembre 2014, B._ a renoncé à déposer des déterminations et s’en est remise à justice s'agissant de l'entrée en matière et du bien-fondé de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
S._ est né le 17 octobre 1936 à Paris. Ressortissant australien, il est divorcé de B._.
Son casier judiciaire est vierge. Il ressort cependant du dossier (pièce 164) que le prévenu a déjà utilisé des procédés similaires aux faits de la cause aux Etats-Unis.
2.
2.1
A Montreux, en 1983, les époux C.J._ et B.J._ ont fait l'acquisition d'un appartement sis au premier étage de la PPE "Résidence [...]" à la Route de [...] en vue d'y passer leur retraite et d'aménager un lieu de rassemblement pour leur famille, notamment lors des fêtes de fin d'année. Cet appartement devait également servir de domicile pour leurs deux filles lors de l'accomplissement de leurs études en Suisse.
Les époux J._, considérant l'appartement de Montreux comme un endroit sûr, y ont déposé de nombreux objets dont ils ont estimé la valeur globale à environ 1'500'000 francs. Parmi ceux-ci, selon les époux J._, figuraient notamment des bijoux, une collection de montres de luxe, de nombreuses lithographies et gravures antiques anglaises, ainsi que quatre volumes en cuir relié des gravures d'origine de David Roberts représentant la Terre Sainte, l'Egypte et la Mésopotamie.
En juin 1999, les époux J._ ont quitté l'appartement de Montreux pour retourner vivre aux Philippines et ne sont plus revenus en Suisse depuis lors en raison de leur état de santé. En leur absence, les frais et les taxes impayés relatifs à l'appartement de Montreux ainsi qu'aux deux autres propriétés qu'ils possédaient à New York et en Caroline du Sud se sont accumulés.
Cette même année, ils ont fait la connaissance de S._, avec qui ils ont entretenu des relations amicales et d'affaires basées sur la confiance jusqu'à la fin de l'année 2007. A partir d'une date indéterminée, S._ leur a notamment proposé à plusieurs reprises d'investir leur argent dans divers programmes à rendements élevés. Après avoir effectué, en février 2007, des recherches sur Internet et avoir découvert plusieurs articles de presse américains relatifs aux activités illégales passées du prévenu, ils ont renoncé à participer à de tels programmes.
Le 11 janvier 2007, avant de prendre connaissance du passé judiciaire américain de S._, les époux J._ ont accepté l'aide que le prévenu leur a spontanément proposée afin d'organiser le financement leur permettant de régler les charges échues liées à l'appartement de Montreux notamment. A cet effet, ils ont envoyé au prévenu, sur requête de ce dernier et rédigée par lui, une procuration du 11 janvier 2007 lui donnant plein pouvoir de représentation pour accomplir toute transaction ainsi que pour exécuter et signer tout contrat, convention ou autre document relatif à l'appartement de Montreux. Ils acceptaient notamment la vente de cet appartement.
En date du 31 juillet 2007, par devant Me [...], notaire à Montreux, S._, au bénéfice de la procuration susmentionnée, a conclu avec [...] et son épouse [...], représentés par [...], un contrat de vente à terme de la propriété des époux J._ à Montreux, pour un montant de 940'000 francs. Ce contrat stipulait sous chiffre 2 : "le lot de propriété par étage sera transféré dans son état actuel tel que visité par les acquéreurs, avec ses parties intégrantes et accessoires quelconques". Le 10 octobre 2007, le transfert de propriété de l'appartement a été inscrit au Registre foncier.
Le 11 octobre 2007, l'Association des notaires vaudois a versé, en faveur des époux J._, le disponible sur le prix de vente, soit un montant de 678'896 fr. 80, sur le compte [...] de Me [...], lequel avait été mandaté le 3 août 2007 par le prévenu pour régler les aspects juridiques liés à l'exécution de la vente.
Le 15 octobre 2007, Me [...] a notifié la "minute 4560 et le transfert immobilier signé" à Me [...] pour les époux J._. Le lendemain, Me [...] en a envoyé copie par courriel à S._, qui ne les a jamais fait suivre aux époux J._.
Le 15 octobre 2007, Me [...] a versé le montant de 678'896 fr. 80 sur le compte n° [...] du prévenu auprès de la banque [...], à New York. Le 29 novembre 2007, ce compte a été débité de 79'554.92 USD en faveur de B._ sur le compte n° [...] auprès du [...], bonifié en date du 4 décembre 2007 de la valeur correspondante de 86'992 fr. 80. Ce compte a été séquestré en date du 29 octobre 2009 avec un solde au 22 octobre 2009 de 56'565 fr. 95.
Le 5 décembre 2007, l'Association des notaires vaudois a versé, en faveur des époux J._, le disponible sur le prix de vente, soit le montant de 60'000 fr., sur le compte [...] de Me [...].
Le 18 décembre 2007, ce dernier a payé à [...], agent d'affaire en charge du règlement du contentieux financier opposant la Communauté des copropriétaires de la PPE aux époux J._, le montant de 47'514 fr. 10, permettant la radiation de l'hypothèque légale et la levée du séquestre.
Le 20 décembre 2007, après avoir produit la liste de ses opérations à S._ et retenu le montant de 11'840 fr. à titre d'honoraires sur le solde du produit de la vente, Me [...] a versé le montant de 114'432 fr. 35 sur le compte du prévenu à la banque [...].
Le 31 janvier 2008, les époux J._ ont appris que leur appartement de Montreux avait été vendu en consultant un extrait du Registre foncier. Le 6 février 2008, ils ont expressément révoqué la procuration du 11 janvier 2007, établie en faveur de S._ et relative à l'appartement de Montreux. Le 20 février 2008, ils ont écrit un courriel au prévenu le mettant en demeure de rembourser le montant intégral du prix de vente de leur appartement de Montreux sur le compte bancaire de l'Etude [...].
Ils ont déposé plainte pénale le 29 avril 2008. Le 30 juillet 2008, ils ont déposé une requête en conciliation à la Justice de paix du district de la Riviera-Pays-d'Enhaut, laquelle a rendu, le 18 décembre 2008, un acte de non-conciliation en raison de l'absence non excusée du prévenu.
2.2
Il est ainsi reproché à S._ d'avoir conservé par-devers lui le produit de la vente de l'appartement de C.J._ et B.J._ à Montreux, soit le montant de 776'981 fr. 20 correspondant au prix de vente de 940'000 fr., dont à déduire les montants suivants :
-
46'203 fr. 55 remboursés auprès de l’Office d’impôt de Vevey ;
-
47'514 fr. 10 remboursés à la Communauté des copropriétaires de la PPE ;
-
4'440 fr. avancés par B._ à titre de remboursement au Service des finances de la commune de Montreux ;
-
11'917 fr. 35 avancés par B._ à titre de remboursement de l’Office des poursuites ;
-
41'103 fr. 20 versés à [...] à titre de commission de courtage ;
-
11'840 fr. retenus par Me [...] à titre d’honoraires sur le prix de vente.
2.3
Dans son jugement du 29 août 2014, le tribunal a reconnu S._ coupable d'abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 CP et l'a condamné à une peine privative de liberté de 30 mois. S'agissant des effets accessoires du jugement, les premiers juges ont considéré que la somme de 56'565 fr. 95 séquestrée sur le compte [...] n° [...] au nom de B._ devait être confisquée et dévolue à l'Etat, faute pour les plaignants d'avoir cédé leur créance à l'Etat conformément à l'art. 73 al. 2 CP. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté en temps utile et suffisamment motivé, l'appel est recevable (art. 399 al. 3 CPP). Celui-ci portant uniquement sur les conclusions civiles des parties plaignantes, celles-ci ont manifestement un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision (art. 382 al. 1 CPP). La procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. b CPP).
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Les appelants soutiennent que les premiers juges ont mal appliqué l’art. 73 al. 2 CP, en refusant de leur allouer la somme de 56'565 fr. 95 séquestrée sur le compte [...] n° [...] au nom de B._. Dès lors que l’origine des fonds est clairement déterminée, les valeurs patrimoniales séquestrées devraient leur être restituées en application de l’art. 70 al. 1 CP, l’art. 73 CP n’étant ainsi pas applicable. En outre, selon les plaignants, la restitution au lésé prime sur la confiscation, lorsque, comme en l’espèce, un lien direct peut être établi entre l’infraction et les valeurs patrimoniales séquestrées.
Dans ses déterminations, le Ministère public central observe que les plaignants n’ont pas pris de conclusions en restitution des avoirs séquestrés et qu’ils se sont bornés à conclure à l’audience de première instance à l’allocation d’un montant de 829'925 francs. En outre, faute de cession au sens de l’art. 73 al. 2 CP, une allocation ne pouvait intervenir en faveur des lésés.
3.1
3.1.1
L'art. 70 al. 1 CP
autorise le juge à confisquer des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits. Inspirée de l'adage selon lequel « le crime ne paie
pas », cette mesure a pour but d'éviter qu'une personne puisse tirer avantage d'une infraction (ATF 132 II 178 c. 4.1; ATF 129 IV 322 c. 2.2.4; ATF 117 IV 107 c. 2a). Lorsque les valeurs à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne, selon l'art. 71 CP, leur remplacement par une créance compensatrice de l'Etat d'un montant équivalent dont le but est d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés (ATF 124 I 6 c. 4b/bb; ATF 123 IV 70 c. 3); cette créance ne joue qu’un rôle de substitution de la confiscation en
nature et ne doit donc, par rapport à celle-ci, engendrer ni avantage ni inconvénient (ATF 126 IV 70 c. 3).
Aux termes de l’art. 73 al. 1 let. c CP, si un crime ou un délit a causé à une personne un dommage qui n’est couvert par aucune assurance et s’il y a lieu de craindre que l’auteur ne réparera pas le dommage ou le tort moral, le juge alloue au lésé, à sa demande, jusqu’à concurrence des dommages-intérêts ou de la réparation morale fixés par un jugement ou par une transaction, les créances compensatrices notamment. Le juge ne peut toutefois ordonner cette mesure que si le lésé cède à l’Etat une part correspondante de sa créance (art. 73 al. 2 CP). L’allocation au lésé ne relève pas d’une faculté, mais d’une obligation : lorsque les conditions de l’allocation sont réunies, celle-ci doit être ordonnée (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, n. 1.3 ad art. 73 CP et les références citées). Il ne peut cependant y avoir d’allocation que sur la base d’une demande expresse du lésé (Niggli/Wiprächtiger, Basler Kommentar, Strafrecht I, n. 19 ad art. 73 CP).
3.1.2
La restitution doit porter sur des valeurs patrimoniales qui sont le produit d'une infraction dont le lésé a été lui-même victime; les valeurs patrimoniales doivent être la conséquence directe et immédiate de l'infraction (ATF 122 IV 365 c. III/2b; TF 6S.709/2000 du 26 mai 2003). Selon la jurisprudence, le lésé ne doit pas forcément se fonder sur un droit de propriété ou un autre droit réel sur les valeurs patrimoniales; la restitution peut aussi porter sur d'autres valeurs patrimoniales, telles que des billets de banque, des devises, des effets de change, des chèques ou des avoirs en compte, qui ont été transformés à une ou plusieurs reprises en des supports de même nature, dans la mesure où leur origine et leurs mouvements peuvent être clairement établis (TF 1P.152/2004 du 19 mai 2004,c. 2.3 et les références citées).
L'infraction doit être la cause essentielle et adéquate de l'obtention des valeurs patrimoniales et celles-ci doivent typiquement provenir de l'infraction en question. Il doit donc exister, entre l'infraction et l'obtention des valeurs patrimoniales, un lien de causalité tel que la seconde apparaît comme la conséquence directe et immédiate de la première. C'est en particulier le cas lorsque l'obtention des valeurs patrimoniales est un élément objectif ou subjectif de l'infraction ou lorsqu'elle constitue un avantage direct découlant de la commission de l'infraction. En revanche, les valeurs patrimoniales ne peuvent pas être considérées comme le résultat de l'infraction lorsque celle-ci n'a que facilité leur obtention ultérieure par un acte subséquent sans lien de connexité immédiat avec elle. Ainsi, lorsqu'une infraction contre le patrimoine, telle qu'une escroquerie, est rendue possible par un faux dans les titres (art. 251 CP), les valeurs patrimoniales obtenues ne sont que la conséquence indirecte de cette seconde infraction (SJ 1999 I 417; TF 6S.667/2000 du 19 février 2001 c. 3a et les références citées).
3.2
En l’espèce, le jugement attaqué retient (p. 18, par. 1
in fine
) que le solde du compte séquestré, par
56'565 fr. 95, constitue directement une partie du produit de la vente de l’appartement des plaignants et ce constat n’est aucunement remis en question dans le cadre de la procédure d’appel. Le lien direct entre l’infraction, soit l’appropriation abusive, et les valeurs séquestrées est ainsi établi. Partant, dès lors que les valeurs patrimoniales en cause sont le résultat d’une infraction et non une valeur de remplacement au sens de l’art. 73 CP et dans la mesure où les lésés sont connus, les montants séquestrés devraient être restitués à ces derniers en application de l'art. 70 al. 1 CP. C’est donc à tort que les premiers juges ont considéré que les valeurs séquestrées ne pouvaient pas être dévolues aux plaignants à défaut de cession conforme à l’art. 73 al. 2 CP.
Il reste à déterminer si les conclusions prises par les plaignants dans la procédure permettent la restitution des valeurs patrimoniales. A teneur du procès-verbal du jugement (p. 7), les plaignants ont conclu exclusivement à l’allocation d’un montant correspondant à leur préjudice et à des dépens. Comme l’ont interprété les premiers juges en page 17 du jugement, ces conclusions civiles ne comportaient pas la demande de restitution des montants séquestrés. Dans leur appel, les plaignants affirment, par leur conseil, avoir conclu, aux débats de première instance, à ce que le séquestre soit levé et la somme de 56'565 fr. 95 leur soit restituée intégralement. Il n’est toutefois pas nécessaire de déterminer les conclusions exactes formulées en première instance. En effet, dès lors que le sort des biens saisis n'est décidé définitivement qu'à l'issue de la procédure pénale (ATF 128 I 129) et que l’appel a un effet dévolutif complet sur les points du jugement contestés, il faut admettre que les conclusions prises en appel suffisent à ordonner la restitution des montants séquestrés aux lésés. On peut même considérer que le juge doit ordonner d'office le rétablissement des droits du lésé au sens de l'art. 70 al. 1 CP si, comme en l'espèce, il est établi que les valeurs patrimoniales séquestrées sont le produit de l'infraction commise au préjudice du lésé, les prétentions de ce dernier prévalant sur l'intérêt de l'Etat à confisquer (Hirsig-Vouilloz, Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 24 ad art. 70 CP).
4.
4.1
En conclusion, l'appel doit être admis et le chiffre IV du dispositif de première instance réformé en ce sens que les valeurs patrimoniales séquestrées sous fiche 2275 sont restituées aux plaignants C.J._ et B.J._.
4.2
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel seront laissés à la charge de l’Etat.
4.3
Les appelants n'ayant pas chiffré les dépens d'appel qu'ils réclament, il n'y a pas matière à les allouer (art. 433 al. 2 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
85bbf7a2-cdad-4445-a46c-36beab1bd0cb | En fait :
A.
Par jugement du 18 novembre 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois a libéré P._ du chef d’accusation de vol (I), l’a condamnée pour abus de confiance à une peine privative de liberté de 6 mois (II), a révoqué le sursis accordé à P._ le 18 janvier 2010 par les Assise correzionali de Lugano et ordonné l'exécution de la peine de 2 ans d'emprisonnement prononcée par cette autorité (III), a dit que P._ est la débitrice de la Fondation R._ et lui doit immédiat paiement de la somme de 22'307 fr. 50 avec intérêts à 5% l’an à compter du 1
er
décembre 2011 (IV), a dit que P._ est la débitrice de la Fondation R._ et lui doit immédiat paiement de la somme de 11'852 fr. 15, TVA et débours inclus, à titre d’indemnité de l’art. 433 CPP (V), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièce à conviction d’un CD Rom d’extraits de compte séquestré sous fiche no 128 (VI), a levé le séquestre sur la caissette métallique bleue séquestrée sous fiche no 171 et ordonné sa restitution à la Fondation R._ une fois le présent jugement définitif et exécutoire (VII), a fixé l’indemnité du conseil d’office de P._, Me Elisabeth Chappuis, à 10'348 fr., débours et TVA inclus, dont 5'360 fr. ont déjà été versés (VIII), a mis les frais, par 15'073 fr., à la charge de P._, montant incluant l’indemnité de son conseil d’office arrêtée au chiffre VIII ci-dessus (IX) et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité de son défenseur d’office ne sera exigé que si la situation financière de la condamnée le permet (X).
B.
Le 24 novembre 2014, P._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 22 décembre 2014, elle a conclu, avec suite de frais et dépens, à son acquittement, à la non-révocation du sursis, au rejet des conclusions civiles et de l’indemnité allouée à la partie plaignante, ainsi qu’à la mise à la charge de l’Etat des frais de procédure. Subsidiairement, elle a conclu à l’annulation du jugement attaqué et au renvoi du dossier de la cause au Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois. Elle a en outre produit sept pièces et requis un complément d’expertise psychiatrique, la production par la plaignante d’un décompte, de pièces établissant la prise de mesures anti vol, de procès-verbaux de colloques et réunions, ainsi que d’écrits relatifs à son emploi du temps.
Par avis du 22 janvier 2015, le Président de la Cour de céans a rejeté les réquisitions de preuve de l’appelante, l’administration de ces preuves complémentaires n’étant pas nécessaires au traitement de l’appel sur la base, notamment, de leur appréciation anticipée.
A l’audience d’appel, P._ a d’entrée de cause réitéré ses réquisitions de preuve, lesquelles ont été, une nouvelle fois, rejetées par décision incidente de la Cour de céans. On y reviendra ci-après.
Le Ministère public a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
D’origine suisse, P._ est née le 10 février 1970 à Milan, Italie. Ses parents se sont séparés avant sa naissance et elle a passé les trois premières années de sa vie chez ses grands-parents maternels, sa mère devant travailler en raison de la séparation. Elle est ensuite retournée vivre chez sa mère et a passé son enfance au Tessin, hormis quelques années en Italie, où sa mère a suivi son compagnon. Après avoir échoué le gymnase, elle a entrepris un apprentissage comme employée de commerce, puis s’est inscrite à l’Ecole Hôtelière de Genève. Elle y a rencontré son futur mari, a terminé ses études et a travaillé à l’Hôtel [...] comme comptable, puis responsable administrative. En 1999, le couple a décidé de retourner au Tessin pour y gérer un restaurant, mais s’est séparé en 2000. La prévenue a alors trouvé un emploi, durant lequel elle a commis diverses infractions patrimoniales au préjudice de son employeur pour plus d’un million de francs, qui entraîneront une condamnation pénale. Après avoir été détenue préventivement durant 196 jours dans le cadre de cette affaire, elle a retrouvé un autre emploi au service d’une fondation, à laquelle elle a dérobé, par des prélèvements indus, un montant de 10'400 francs. Après avoir purgé sa peine, P._ a trouvé du travail en Suisse romande, d’abord auprès de connaissances, puis au sein de la Fondation R._. Après son licenciement et une période de chômage, la prévenue a retrouvé un nouvel emploi depuis le 23 mars 2015 comme assistante administrative pour une durée indéterminée. Elle perçoit un salaire mensuel brut de 5'200 fr., versé douze fois l’an. Elle a une saisie de salaire de 850 francs. Ses primes d’assurance maladie se montent à 457 fr. et son loyer à 1’060 francs. Elle a déclaré ne plus avoir que 13'000 fr. de dettes, ces dernières n’incluant toutefois manifestement pas les montants induits par sa condamnation pénale.
Son casier judiciaire mentionne l’inscription suivante, en relation avec les infractions mentionnées ci-dessus :
18.01.2010 : Assise correzionali de Lugano : escroquerie par métier, faux dans les titres et abus de confiance, peine privative de liberté de 2 ans et 6 mois, dont sursis à l’exécution de la peine portant sur deux ans, avec délai d’épreuve de 5 ans et traitement ambulatoire 63 CP.
P._ n’a pas été détenue dans le cadre de la présente affaire.
1.2
Dans le cadre de la cause jugée en 2010, elle a été soumise à une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du 6 février 2008, les experts avaient mis en évidence une pathologie psychique, associée à un syndrome dépressif récurent avec des aspects compulsifs, présents depuis au moins une dizaine d’année. Durant la période de commission des délits, il existait en outre un trouble d’inadaptation avec trouble des émotions et des conduites. Les experts ont alors retenu une responsabilité légèrement diminuée au moment des faits. Ils ont estimé qu’elle présentait une diminution « à évaluer le caractère illicite de ses actes (dans le sens d’une « bagatellisation » « partiellement justifiée » comme compensation pour le mauvais climat de travail qu’elle « aurait été contrainte » de supporter) et d’agir selon cette estimation ». Le risque de récidive était considéré comme étant bas, car lié avec une période de grand stress (rupture, difficultés familiales et financières, jeu). Un traitement ambulatoire psychiatrique était selon eux de nature à stabiliser la situation et éviter que l’accusée ne se retrouve à nouveau dans une telle situation (P. 19/3).
Depuis son arrestation en septembre 2009 pour l’affaire tessinoise et jusqu’à ce jour, P._ a été régulièrement suivie par le Dr. J._, psychiatre, et la psychologue H._. Entendue comme témoin aux débats de première instance, cette dernière a confirmé que la prévenue s’était investie dans son traitement, quand bien même il avait été ordonné par la justice, et qu’elle le continuerait sans injonction eu égard au travail personnel entrepris par rapport à sa famille notamment. Selon la thérapeute, l’intéressée a été régulièrement suivie une fois par semaine par téléphone, ainsi qu’une fois par mois en consultation, voire plus durant ses vacances au Tessin. En 2013, il a été préavisé en faveur d’une levée du traitement ambulatoire ordonné. Au courant des nouvelles infractions reprochées à sa patiente, H._ a déclaré ne pas imaginer que P._ ait pu commettre ces actes. Elle a indiqué ne pas avoir été surprise que sa patiente ne lui ait pas parlé des disparitions d’argent qu’elle avait constatées à l’été 2011 chez son employeur, probablement parce qu’elle avait peur de son jugement personnel à son égard. Elle avait par contre fait part d’une certaine surcharge de travail et d’une difficulté à mettre des limites. Selon la thérapeute, la prévenue a évolué positivement, même si elle présente toujours des traits dépressifs, mais moindres. Pour elle, il n’y avait plus de raison de maintenir le traitement ordonné lors du jugement tessinois.
2.
2.1
Le 1
er
juillet 2010, P._ a été engagée par la Fondation R._, sise à [...], comme assistante d’exploitation hôtelière pour une durée déterminée de 6 mois. Par contrat signé les 26 novembre 2010 et 1
er
décembre 2010, elle a été engagée pour une durée indéterminée en qualité de responsable des services hôteliers dès le 1
er
janvier 2011 (P. 51).
Dans le cadre de ses fonctions, la prévenue devait notamment gérer le restaurant B._ se trouvant dans la Fondation et superviser la gestion des caisses du restaurant, dont elle était responsable. Elle avait comme subordonnée directe la responsable de service, soit T._. Au restaurant B._, les employés de service déposait chaque fin d’après-midi la recette du jour avec les tickets s’y rapportant dans leurs caissettes individuelles fermées à clé et plaçaient ces caissettes dans un coffre sécurisé par un code. P._ et sa collègue T._ contrôlaient en alternance ces montants, vérifiaient qu’ils correspondaient aux justificatifs, paraphaient une fiche de contrôle remplie par le serveur et déposaient l’argent dans une agence de la banque [...] située à proximité de leurs bureaux en principe le jour même, le lendemain ou le premier jour ouvrable ou remettaient l’argent dans le coffre en attendant de le déposer dans cette banque. Lors de ces mises au coffre, les recettes journalières des serveurs étaient alors mélangées pour former une recette journalière du restaurant et T._ mettait ces sommes dans une caissette verrouillée dont elle détenait la clé, au contraire de P._. Celle-ci devait en outre tenir un journal de caisse qu’elle devait transmettre avec les pièces justificatives à la comptabilité. La combinaison du coffre était connue de nombreuses personnes (une dizaine), notamment des serveurs. Les doubles des clés des caissettes des serveurs étaient placés dans un tiroir à disposition des deux responsables qui en avaient besoin pour accéder à leur contenu.
2.2
Entre le 28 juin 2011 et le 30 novembre 2011, P._ a soustrait et s’est appropriée les recettes journalières des caisses du restaurant pour un montant total de 22'307 fr. 50. La Fondation R._ a constaté ce manco sur le compte du restaurant B._, soit dans le détail :
Date de la recette
Montant
28.06.2011 2'270 fr. 60
29.06.2011 1'906 fr. 00
04.07.2011 2'432 fr. 30
05.07.2011 2'137 fr. 20
11.07.2011 1'846 fr. 70
12.07.2011 1'576 fr. 20
25.08.2011 1'918 fr. 60
26.08.2011 1'680 fr. 80
27.08.2011 1'293 fr. 20
20.10.2011 2'062 fr. 80
29.11.2011 1'278 fr. 20
30.11.2011 1'904 fr. 90
Ces pertes ont été constatées par la direction de l’établissement le 1
er
décembre 2011. La Fondation R._ a alors remarqué que les montants manquants correspondaient à des jours où P._ avait procédé au contrôle des caisses et que l’argent y relatif n’avait pas été amené à la banque. C._, le directeur, a alors eu deux discussions avec P._, qui lui a déclaré avoir contrôlé les caisses et placé l’argent dans une enveloppe, dans le coffre, en attendant d’aller le porter à la banque [...]. Ce n’est que plus tard qu’elle se serait rendue compte que des enveloppes avaient dû disparaître, ce qu’elle n’avait jamais constaté de visu toutefois, puisque, dès lors qu’elle avait du retard pour amener les recettes à la banque, plusieurs enveloppes se trouvaient parfois dans le coffre, sans qu’elle ne puisse alors voir s’il en manquait l’une ou l’autre. Confrontée au fait que la première disparition avait eu lieu en été 2011, sans qu’elle n’en dise rien à sa direction, la prévenue a rétorqué qu’elle avait eu peur, au vu de ses antécédents pénaux, de perdre son travail. Elle n’a toutefois pas changé son mode de faire et a continué, selon elle, à laisser parfois des enveloppes pleines d’argent jusqu’à un mois dans le coffre avant d’aller à la banque.
2.3
P._ a été licenciée le 5 décembre 2011 avec effet au 31 mars 2012, avec libération de l’obligation de travailler. Par courrier du 6 décembre 2011, la Fondation R._ a déposé plainte. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de P._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L’immédiateté des preuves ne s’impose toutefois pas en instance d’appel. Selon l’art. 389 al. 1 CPP, la procédure d’appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d’appel administre, d’office ou à la demande d’une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Il convient en premier lieu de revenir sur les réquisitions de preuve sollicitées à nouveau par l’appelante à l’audience d’appel.
3.1
L’appelante sollicite la mise en œuvre d’un complément d’expertise.
Bien que l’état de santé de P._ se soit amélioré selon son médecin traitant (P. 21/2) et que les autorités tessinoises aient levé le traitement ambulatoire, les premiers juges lui ont reconnu une responsabilité légèrement diminuée, ce qu’elle ne conteste pas. L’expertise requise ne saurait donc porter sur son degré de responsabilité pénale. Quant à la tendance compulsive, elle ne sera pas retenue comme indice de culpabilité, comme on le verra ci-dessous (cf. consid. 4.6), si bien qu’il est inutile de la faire vérifier à nouveau par expertise. Quant au risque de récidive, il n’est pas non plus indispensable de le faire à nouveau mesurer par expertise si les faits de la présente cause devaient établir une récidive. Un complément d’expertise n’est par conséquent pas nécessaire au traitement de l’appel.
3.2
L’appelante requiert la production par la Fondation R._ de toute pièce permettant de déterminer le total des montants et autres gratifications retenus sur son salaire ayant pour effet d’éteindre par compensation la créance de la plaignante en réparation du dommage.
A l’audience d’appel, la partie plaignante a produit trois pièces, dont il ressort, s’agissant de ses prétentions salariales, qu’avec l’accord de l’appelante seul un montant de 2'169 fr. devait être versé au Centre social régional et que le solde (non mentionné dans les courriers produits) devait lui être directement versé (P. 84).
Si l’appelante estime avoir encore des prétentions salariales envers la Fondation R._, c’est en premier lieu à elle de les chiffrer et d’en faire la preuve en les justifiant (art. 8 CC). Au demeurant, dans la présente cause, l’action civile couplée à l’action pénale au sens de l’art. 122 CPP ne porte pas sur un procès relatif au contrat de travail entre les parties, mais sur les conclusions civiles déduites de l’infraction par la lésée. Cette réquisition doit par conséquent être rejetée.
3.3
L’appelante sollicite la production par la Fondation R._ de toute pièce permettant de déterminer les mesures prises pour parer aux vols de l’argent provenant du restaurant B._ depuis le 1
er
décembre 2011.
Cette réquisition n’est pas nécessaire au traitement de l’appel dans la mesure où les faits litigieux se sont déroulés entre juin et novembre 2011 et que l’appelante elle-même soutient que des enveloppes contenant de l’argent auraient uniquement été dérobées dans le coffre.
3.4
L’appelante requiert la production par la partie plaignante des procès-verbaux de tous les colloques opérationnels, de toutes le réunions hebdomadaires, de toutes les réunions de cadres et de tous les colloques du personnel entre le 1
er
juillet 2010 et le 30 juin 2012.
Il n’est pas utile d’alourdir le dossier de procès-verbaux de séances au cours desquels des vols auraient été évoqués, seules les disparitions des recettes du restaurant intéressant la présente cause et l’enquête n’ayant pas mis à jour d’autres vols de ces espèces.
3.5
L’appelante sollicite encore la production par la Fondation R._ de tout pièce permettant d’établir son emploi du temps.
Cette production d’écrits, censés permettre de vérifier que l’appelante avait beaucoup de travail, n’est pas davantage nécessaire. D’une part, de tels documents s’ils peuvent montrer un emploi du temps fragmenté ne restituent pas forcément l’intensité effective de l’activité professionnelle, d’autre part, la charge professionnelle n’est en soi pas contestée, l’appelante s’en étant plainte à son médecin tout en lui indiquant qu’elle était parvenue à gérer son temps de travail.
3.6
Partant, les réquisitions de preuve doivent toutes être rejetées.
4.
Invoquant une appréciation erronée des preuves, l’appelante reproche aux premiers juges de s’être arbitrairement écartés de sa version exculpatoire et de l’avoir condamnée à tort.
4.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966; RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950; RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
4.2
En l’espèce, les premiers juges ont acquis la conviction de la culpabilité de P._ sur la base d'un faisceau d'indices. Ils ont tout d’abord retenu que seules les recettes vérifiées en dernier lieu par l’appelante avaient disparu et que la Fondation R._ n’avait pas connu de vol (d’espèces) avant l’engagement de P._ et après son licenciement (jgt., p. 12). En outre, cette dernière avait déjà été condamnée au Tessin pour des détournements importants commis au préjudice de deux employeurs successifs (PV aud. 2, p. 3 ; P. 19/2). Confrontée à des saisies de salaire, la situation financière de la prévenue était difficile et ses dettes dont certaines en poursuite ou ayant abouti à la délivrance d’actes de défaut de bien avoisinaient le montant de 60'000 fr., sans compter le préjudice pénal tessinois de 1'111'405 fr. (P. 19/2 et 44). Elle faisait par ailleurs l’objet d’une interdiction de casino en Suisse depuis 2007 (P. 38/1 p. 10 ; P. 72/2). A cela s’ajoutait que sa collègue T._ n’avait jamais vu d’enveloppes libres déposées par sa collègue dans le coffre, alors que cette dernière disait le faire plusieurs fois par semaine (PV aud. 5). Selon un relevé établi par l’enquêteur, les délais entre les dates des recettes réceptionnées par l'intéressée et leurs dépôts en banque allaient de 5 jours à un mois et 8 jours, le plus souvent plus de 10 jours (P. 45/2). Alors que tous les dépôts de numéraires au coffre étaient sécurisés dans des caissettes verrouillées, la prévenue n’avait pas pris la précaution de faire de même, quand bien même ses antécédents la désignaient forcément comme suspecte en cas de vol d’argent. Les premiers juges ont ensuite relevé que la version des faits de P._ était incohérente dans la mesure où elle avait reconnu avoir constaté des disparitions d’argent au mois de juillet 2011 et compris qu’il s’agissait de vols à la fin du mois d’août 2011 (PV aud. 3, p. 3 ; jgt., p. 5), mais qu’elle n’avait pris aucune précaution élémentaire pour les empêcher. Elle n’avait en effet pas verser immédiatement l’argent à la banque, dissimuler l’argent ailleurs ou sécuriser ses dépôts dans le coffre en les enfermant dans une caissette. Elle n’avait pas non plus avisé son employeur des prétendus vols ni durant le mois d’août 2011, ni par la suite lorsqu’elle avait constaté que les vols se poursuivaient, ni enfin lorsque la comptable lui avait adressé aux mois d’octobre et novembre 2011 des mails successifs pour comprendre l’origine des mancos et lui enjoindre de rétablir la situation, soit disant par peur d’en être elle-même accusée et de perdre son emploi, alors que la Fondation R._ ignorait tout de ses antécédents (PV aud. 1 et annexes). Selon les premiers juges, la prévenue n’était pas crédible lorsqu’elle soutenait ne pas savoir combien il y avait d’enveloppes en dépôt dans le coffre tout en les accumulant ainsi durant des semaines, voire plus d’un mois, sans se soucier de remettre l’argent à la banque, alors que dans ces intervalles d’autres dépôts bancaires avaient été régulièrement exécutés par elle (P. 38/1 p. 10, P. 31/3 et P. 45/2). Il n'était d’ailleurs pas vraisemblable que des enveloppes glissées par l’appelante dans le coffre lui auraient parfois échappé lorsqu’elle se rendait à la banque. Enfin, les premiers juges ont pris en compte le fait que P._ n’avait pas parlé des disparitions d’argent, pourtant génératrices d’angoisse dans sa situation de condamnée en sursis, à ses thérapeutes au Tessin.
Sans que cela ne constitue à proprement parler un indice, les premiers juges ont émis l’hypothèse que l'appelante ne mettait pas ou que très rarement des enveloppes dans le coffre, mais qu’elle opérait régulièrement des prélèvements à son profit et que, pour les cacher, elle remettait avec du retard une recette journalière à la banque en la faisant passer la recette d’un autre jour, puis qu’elle commettait de nouveaux vols pour camoufler les précédents (jgt., p. 21), le procédé de cavalerie ayant été mis à jour lorsque la comptable lui avait enjoint de déposer à la banque les liquidités censées être au coffre (jgt., p. 22).
4.3
S’agissant des enveloppes entreposées au coffre, l’appelante soutient que sa prétendue pratique consistant à déposer des enveloppes dans le coffre n’était pas insolite, mais sûre. Cette affirmation est sans fondement dès lors que tous les autres utilisateurs du coffre qui y mettaient de l’argent, en particulier les serveurs et T._, utilisaient des caissettes fermées à clé déposées dans le coffre.
En outre, contrairement à ce que soutient l’appelante, il est certain qu’elle s’est rendue compte de la disparition de six enveloppes sur neuf durant ses vacances au mois de juillet 2011. Un tel manque, d’une proportion de deux tiers, devait manifestement la heurter. De plus, il est suspect que cette explication ne soit fournie qu’au stade de l’appel.
L’appelante prétend qu’elle a changé son mode de faire à partir du mois d’août 2011 en effectuant désormais des dépôts bancaires quasi immédiats. Toutefois, il est incompréhensible de prétendre lutter contre les vols en effectuant des dépôts plus rapides tout en continuant à favoriser les mêmes vols en laissant des enveloppes libres dans le coffre à disposition de tiers ne serait-ce que pour quelques minutes ou heures. Au demeurant, il apparaît que des dépôts à la banque ont eu lieu à plusieurs reprises après plus de 5 jours, et cela après le mois d’août 2011 (cf. P. 45/2).
Elle affirme que les fameuses enveloppes pouvaient très bien être provisoirement occultées par d’autres objets. Quel que soit le type de coffre, il n’est pas crédible que l’appelante, comme responsable de la caisse et disposant de documents de référence, n’ait pas su combien de dépôts bancaires, sous forme d’enveloppes d’un nombre inférieur à dix, devaient être effectués par elle. Au demeurant, aux débats de première instance, elle a indiqué que le coffre contenait les caissettes des serveurs (soit 3), les bons du restaurant B._, les clés et les enveloppes contrôlées (jgt., p. 5). Au vu de la nature et du nombre réduit de ces objets, les allégations consistant à soutenir n’avoir pas pu se souvenir du nombre d’enveloppes, d’en avoir oublié lors des départs pour la banque et de ne pas s’être rendue immédiatement compte d’une disparition, sont dépourvues de toute vraisemblance.
Mal fondés, les griefs de l’appelante doivent être rejetés.
4.4
L’appelante estime que le témoignage de T._ devrait être relativisé parce que d’autres utilisateurs du coffre, les serveurs en particulier, n’auraient pas été interrogés en bonne et due forme.
Ce témoignage est clair, précis et dépourvu de vindicte. Il n’y a aucun motif de douter de son exactitude, d’autant plus que T._ vouait une grande estime professionnelle à l’appelante. Si cette dernière entendait faire entendre d’autres personnes pour étayer ses prétendus dépôts d’enveloppes au coffre, elle avait tout le loisir de le faire ; or elle s’en est abstenu.
Ce grief est infondé.
4.5
L’appelante conteste le procédé qu’elle aurait prétendument adopté.
En l’espèce, le prétendu dépôt prolongé d’enveloppes dans le coffre sécurisé, qui repose sur les seules allégations de l’appelante, n’est pas confirmé par le témoin T._. De plus, ce procédé paraît insolite, puisque l’appelante pouvait parfaitement utilisé une caissette personnelle ou la caissette de sa collègue. Considérer ce dépôt – fait nécessaire à l’appelante pour bâtir l’hypothèse de vols commis par un tiers – comme douteux ou peu vraisemblable est donc parfaitement justifié.
L’appelante soutient que si elle avait été malhonnête elle aurait eu recours à des procédés beaucoup plus élaborés comme ceux qu’elle avait adoptés auparavant au Tessin. Précisément, la finesse de son mode opératoire ne l’avait pas protégée d’une arrestation et d’une condamnation. Adopter un procédé à la fois plus simple et plus efficace, car laissant moins de traces, consistant à imputer à un voleur inconnu la disparition de l’argent, n’était pas facile à déjouer pour l’employeur.
Mal fondé, ce grief doit également être rejeté.
4.6
L’appelante conteste le mobile retenu à l’appui de sa culpabilité.
En l’espèce, les chiffres que P._ a donnés lors de ses auditions par la police des 31 janvier et 18 juillet 2012 montrent que sa situation financière était serrée, peu importe qu’elle ait été réduite au minimum vital ou qu’elle disposait d’un peu plus d’argent (cf. PV aud. 2 p. 3 et PV aud. 6 p. 6). Le procès-verbal de saisie n’est au demeurant pas au dossier. Sa situation financière difficile constitue bel et bien un indice de culpabilité.
Par ailleurs, il est exact qu’au vu du temps écoulé depuis la réalisation de l’expertise psychiatrique tessinoise qui comportait notamment le diagnostic de syndrome dépressif récurrent avec des aspects compulsifs manifestés sous forme de boulimie et de jeux d’argent comme réactions inadéquates aux frustrations (P. 19/3, p. 11, et P. 19/5), des manifestations de cette tendance non vérifiées actuellement et du suivi médical, les premiers juges n’auraient pas dû retenir que la tendance compulsive participait au mobile de l’appelante. Cet aspect ne sera dès lors pas intégré au faisceau des indices de culpabilité.
4.7
L’appelante soutient qu’elle aurait réagi aux messages de la comptable en discutant avec elle après l’avoir croisée dans un couloir. En réalité, ce qui est déterminant dans le cas d’espèce, c’est qu’à l’occasion de cette rencontre inopinée elle n’a pas parlé des vols dont elle était convaincue selon sa version, mais uniquement de recettes non versées sous fournir d’explications à ce sujet.
Se rapportant à une explication avancée par sa psychologue traitante, H._, l’appelante estime que le fait de n’avoir pas parlé à celle-ci des prétendues disparitions d’argent serait dû à sa peur des préjugés et que dès lors les premiers juges ne pouvaient incorporer ce fait dans les indices de culpabilité. Durant l’enquête, l’appelante a toutefois exprimé l’inverse, soit qu’elle avait une relation de confiance avec sa thérapeute et qu’elle lui faisait part de ses joies comme de ses soucis (PV aud. 3, p. 4). Il est dès lors surprenant qu’innocente et angoissée, car réalisant qu’elle risquait fort d’être accusée, elle se soit tue lors des entretiens de soutien, disant avoir été bloquée (jgt. p. 7). La justification de son silence par la peur des préjugés à l’égard d’une soignante et confidente de confiance n’est pas plausible.
Ces moyens doivent par conséquent être rejetés.
4.8
L’appelante critique les lacunes et manquements de l’enquête.
En l’espèce, n’ayant elle-même pas requis l’audition d’autres personnes, l’appelante ne saurait de bonne foi se plaindre de l’absence d’autres mesures d’instruction, alors que la conviction des enquêteurs était faite sur la base des indices réunis.
Ce grief doit également être rejeté.
4.9
L’appelante soutient que d’autres vols auraient été commis au préjudice de la Fondation R._.
En l’espèce, entendu aux débats de première instance (jgt., p. 12), C._, directeur de la Fondation R._, a déclaré en se référant aux caisses qu’il n’y avait « jamais eu de vol avant et après », ce qui se comprend comme en dehors des disparitions de recettes imputées à l’appelante. Cette affirmation reprise comme indice par le jugement attaqué étant limitée aux caisses n’est pas infirmée par un vol d’un collier et d’une montre d’un résident en février 2011 (P. 2 du bordereau produit à l’appui de l’appel) ou de l’existence dans le fonctionnement de la Fondation d’une formule, révisée le 15 février 2011, à remplir en cas de suspicion de vol (P. 3 du bordereau produit à l’appui de l’appel).
Infondé, ce grief doit dès lors être rejeté.
4.10
En définitive, dans sa globalité, le faisceau d’indices retenu par les premiers juges, qui a été rappelé ci-dessus (cf. consid. 4.2 supra), emporte la conviction de la Cour de céans que l’appelante a bien détourné des montants pour un total de 22'307 fr. 50.
5.
L’appelante conteste être la débitrice du montant de 22'307 fr. 50 alloué à la partie plaignante, dans la mesure où celle-ci aurait compensé une partie de cette somme avec son salaire.
5.1
Aux termes de l’art. 120 al. 1 CO, lorsque deux personnes sont débitrices l'une envers l'autre de sommes d'argent ou d'autres prestations de même espèce, chacune des parties peut compenser sa dette avec sa créance, si les deux dettes sont exigibles. La compensation n'a lieu qu'autant que le débiteur fait connaître au créancier son intention de l'invoquer (art. 124 al. 1 CO). Les deux dettes sont alors réputées éteintes, jusqu'à concurrence du montant de la plus faible, depuis le moment où elles pouvaient être compensées (art. 124 al. 2 CO).
5.2
En l’espèce, la Fondation R._ avait invoqué la compensation entre sa créance en réparation du dommage et les éventuelles créances salariales de l’appelante, mais ne l’a pas exercé concrètement comme cela semble ressortir des pièces produites à l’audience de ce jour (P. 84). Quoi qu’il en soit, pour que la compensation, mode d’extinction des créances, soit efficace, il faut que les créances de part et d’autre soient chiffrées (art. 124 al. 2 CO), exigibles et reconnues ou établies. Tel n’est pas le cas des prétentions salariales de l’appelante. Au demeurant, l’art. 125 ch. 1 CO exclut la compensation, contre la volonté du créancier, des créances ayant notamment pour objet la restitution ou la contre-valeur d’une chose soustraite sans droit (Jeandin, in : Thévenoz/Werro [éd.], Commentaire romand, Code des obligations I, 2
e
éd., Bâle 2012, n. 4 et 5 ad art. 125 CO).
Partant, les conclusions civiles allouées doivent être confirmées.
6.
L’appelante ne conteste expressément ni le genre, ni la quotité de la peine. Il y a cependant lieu de statuer d'office sur ces points dans la mesure où elle a conclu à son acquittement.
6.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 IV 6 c. 6.1).
6.2
En l’espèce, P._ s’est rendue coupable d’abus de confiance. A charge, il sera retenu que l’appelante a agi au préjudice de son employeur pour un butin d’environ 22'000 francs. Malgré une lourde condamnation prononcée en 2010 sanctionnant des prélèvements importants au préjudice de deux employeurs successifs, elle a récidivé dans les mêmes circonstances. Il s’agit donc d’une récidive spéciale. Ses dénégations au cours de la procédure et jusqu’à l’audience d’appel dénotent une absence de prise de conscience.
A décharge, il sera tenu compte d’une légère diminution de responsabilité et d’un parcours de vie difficile.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la peine privative de liberté de 6 mois prononcée par les premiers juges est adéquate et doit être confirmée.
7.
L’appelante conteste la révocation du sursis antérieur.
7.1
Selon l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2). La présomption d’un pronostic favorable, respectivement du défaut d’un pronostic défavorable, ne s’applique en revanche plus si durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, le prévenu a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins. L’octroi du sursis n’entrera alors en considération que si, malgré l’infraction commise, on peut raisonnablement supposer, à l’issue de l’appréciation de l’ensemble des facteurs déterminants, que le condamné s’amendera (ATF 134 IV 1 c. 4.2.3). Ainsi, en cas de récidive au sens de l'art. 42 al. 2 CP, seules deux hypothèses sont envisageables : soit les circonstances sont particulièrement favorables et le sursis total doit être accordé à l'auteur; soit les circonstances sont mitigées ou défavorables et le sursis, respectivement partiel ou total, est alors exclu (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009, c. 3.1.3, non publié aux ATF 135 IV 152).
7.2
En vertu de l'art. 46 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel (al. 1, 1re phr.). S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation (al. 2, 1
re
phr.).
La commission d'un crime ou d'un délit durant le délai d'épreuve n'entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Seul un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné peut justifier la révocation. A défaut d'un pronostic défavorable, le juge doit renoncer à celle-ci. Autrement dit, la révocation ne peut être prononcée que si la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve (ATF 134 IV 140 c. 4.2 et 4.3; TF 6B_163/2011 du 24 novembre 2011 c. 3.2). Dans l'appréciation des perspectives d'amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d'un sursis antérieur, le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l'octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible (ATF 134 IV 140 précité c. 4.5). Ainsi, un critère déterminant pour juger du risque de réitération et, partant, pour poser le pronostic prévu par la loi est celui de l'effet de choc et d'avertissement issu de la condamnation précédente, y compris en ce qui concerne l'aménagement ultérieur de la vie de l'intéressé; s'il est avéré, un tel effet constitue un facteur favorable – même s'il n'est pas déterminant à lui seul – dans l'examen du pronostic (cf. ATF 134 IV 140 c. 5.3).
7.3
En l’espèce, au regard de la gravité des faits qui sont reprochés à l’appelante, de la récidive spéciale pour le même type d’infractions et de ses dénégations, le pronostic à poser quant à son comportement futur est manifestement défavorable, de sorte que la peine prononcée ne peut être que ferme (art. 42 al. 2 CP). L’appelante ayant récidivé durant le délai d’épreuve et le pronostic étant défavorable, la révocation du sursis antérieur doit être confirmée. Compte tenu de ses dénégations constantes, l’exécution d’une seule des peines privatives de liberté ne paraît pas suffisante pour concevoir un effet d’avertissement suffisant.
8.
Au vu de ce qui précède, l’appel de P._ est rejeté et le jugement du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l’Est vaudois du 18 novembre 2014 confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de P._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 2’710 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office, par 2'062 fr. 80, TVA et débours inclus.
P._ ne sera tenue de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 CPP).
L’intimée demande l’allocation de dépens pour la procédure d’appel. Elle n’a toutefois ni chiffré ni motivé ses prétentions (art. 433 al. 2 in fine CPP), ce qui impose de ne pas entrer en matière sur cette prétention. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
86233ea9-8c9d-46aa-8581-3502391f1e18 | En fait :
A.
Par jugement du 5 février 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a constaté qu’O.I._ s’est rendu coupable d’infraction à la Loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions (ci-après: LArm) (I), a condamné O.I._ à une amende de 300 fr., peine convertible en dix jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif (II), a ordonné la confiscation et la destruction du nunchaku télescopique transmis au Bureau des Armes (III) et a mis les frais de la cause, arrêtés à 1'125 fr., à la charge d’O.I._ (IV).
B.
Le 14 février 2014, O.I._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel du 2 avril 2014, il a conclu à son acquittement et à ce que les frais soient mis à la charge de l’Etat.
Par avis du 11 avril 2014, le Président de céans a informé les parties que l’appel serait traité en procédure écrite. Il a imparti un délai au 28 avril 2014, prolongé au 19 mai 2014, à O.I._ pour déposer un mémoire motivé.
Par mémoire motivé du 19 mai 2014, O.I._ a maintenu les conclusions prises dans sa déclaration d’appel du 2 avril 2014 et a conclu au versement d’une indemnité fondée sur l’art. 429 CPP selon la note d’honoraires annexée de son avocat.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
O.I._, né le 5 septembre 1965 à [...], veuf, est ressortissant d’Italie. Il travaille comme chauffeur-livreur depuis 25 ans pour l’entreprise [...] à [...]. Son revenu mensuel net est de 4’200 francs. Ses charges mensuelles s’élèvent à 3’700 francs. Il a un fils à charge en apprentissage.
Son casier judiciaire suisse ne mentionne aucune condamnation.
2.
2.1
O.I._ a pratiqué les arts martiaux depuis le début des années 1980. Passionné de full-contact, il a obtenu une ceinture verte dans cette discipline en 1987, année durant laquelle il a obtenu une licence. Il est resté membre de l’association suisse de full-contact jusqu’en 1989. Depuis lors, il pratique de manière régulière ce sport. Il a acheté un nunchaku télescopique dans les années 1990, avant l’entrée en vigueur de la Loi fédérale sur les armes du 20 juin 1997.
2.2
A [...] notamment, entre le 15 août 2006, les faits antérieurs étant prescrits, et le 27 janvier 2012, O.I._ a détenu un nunchaku télescopique alors qu’il n’était au bénéfice d’aucun permis pour cette arme.
Le nunchaku télescopique a été retrouvé le 27 janvier 2012 dans le véhicule de son fils, B.I._, qui a fait l’objet d’une décision distincte, et a été transmis au Bureau des armes, lequel a dénoncé les faits par courrier du 26 avril 2012.
2.3
Par ordonnance pénale du 15 août 2013, le Ministère public de l'arrondissement de La Côte a condamné O.I._ à une peine pécuniaire de trente jours-amende, le jour-amende étant fixé à 30 fr., ainsi qu'à une amende de 300 fr., la peine privative de liberté de substitution étant fixée à dix jours, pour infraction à la LArm.
Contestant les faits qui lui étaient reprochés, le prévenu a formé opposition à cette ordonnance. Le Ministère public a maintenu sa décision et transmis le dossier de la cause au Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte en vue des débats.
Devant le Tribunal de police, O.I._ a expliqué qu'il n'avait pas eu besoin d'obtenir de permis à l'époque où il avait acheté son nunchaku et qu'il ne savait pas que cette arme nécessitait un permis depuis fin 2008. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d’O.I._ est recevable.
1.2
S'agissant d'un appel dirigé contre une contravention, la procédure applicable est écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009; RSV 312.01]).
1.3
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
En l’espèce, seule une contravention à la LArm a fait l’objet du jugement de première instance, de sorte que l’appel est retreint.
2.
L’appelant invoque l'erreur sur l'illicéité. Il soutient qu'il pensait agir en toute légalité.
2.1
Aux termes de l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l'erreur était évitable.
Pour qu'il y ait erreur sur l'illicéité, il faut que l'auteur ne sache ni ne puisse savoir que son comportement est illicite. L'auteur doit agir alors qu'il se croyait en droit de le faire (cf. ATF 129 IV 238 c. 3.1). Il pense, à tort, que l'acte concret qu'il commet est conforme au droit. Déterminer ce que l'auteur d'une infraction a su, cru ou voulu et, en particulier, l'existence d'une erreur relève de l'établissement des faits (cf. ATF 135 IV 152 c. 2.3.2; TF 6B_403/2013 du 27 juin 2013 c. 1.1; TF 6B_139/2010 du 24 septembre 2010 c. 4.1, in JT 2010 I 576).
Les conséquences pénales d'une erreur sur l'illicéité dépendent de son caractère évitable ou inévitable. L'auteur qui commet une erreur inévitable est non coupable et doit être acquitté (art. 21, 1
re
phrase, CP). Tel est le cas s'il a des raisons suffisantes de se croire en droit d'agir (ATF 128 IV 201 c. 2). Une raison de se croire en droit d'agir est « suffisante » lorsqu'aucun reproche ne peut lui être adressé parce que son erreur provient de circonstances qui auraient pu induire en erreur tout homme consciencieux (ATF 98 IV 293 c. 4a; cf. FF 1999 p. 1814). En revanche, celui dont l'erreur sur l'illicéité est évitable commet une faute, mais sa culpabilité est diminuée. Il restera punissable, mais verra sa peine obligatoirement atténuée (art. 21, 2
e
phrase, CP; FF 1999 p. 1814). L'erreur sera notamment considérée comme évitable lorsque l'auteur avait ou aurait dû avoir des doutes quant à l'illicéité de son comportement (ATF 121 IV 109 c. 5) ou s'il a négligé de s'informer suffisamment alors qu'il savait qu'une réglementation juridique existait (ATF 120 IV 208 c. 5b). Savoir si une erreur était évitable ou non est une question de droit (cf. ATF 75 IV 150 c. 3; TF 6B_403/2013 du 27 juin 2013 c. 1.1; TF 6B_139/2010 du 24 septembre 2010).
2.2
En l’espèce, l'appelant a acheté un nunchaku télescopique dans les années 1990, soit avant l'entrée en vigueur de la LArm. A cette époque, il n'avait pas eu besoin d'un permis pour acquérir cet objet qui n'était pas considéré comme une arme. Or, depuis le 12 décembre 2008, le nunchaku télescopique entre dans la définition de l'art. 4 al. 1 let. d LArm et est dès lors assimilé à une arme soumise à autorisation (art. 5 al. 1 let. d LArm). En pratiquant les arts martiaux depuis une vingtaine d'années de temps en temps dans une salle de gymnastique en compagnie de quelques amis et non au sein d'un club de full-contact, l'appelant n’avait aucune raison de penser que l'utilisation d'un nunchaku télescopique était devenue interdite par une modification législative et qu’elle nécessitait depuis lors une autorisation. En ignorant le caractère illicite de la possession d'un tel objet, l'erreur d'O.I._ était inévitable (art. 21, 1
re
phrase, CP).
Partant, l'appelant doit être reconnu non coupable d'infraction à la LArm.
3.
L'appelant conclut à l’octroi d’une indemnité au sens de l'art. 429 CPP.
3.1
Dans les cas où les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe, il ne lui est, en règle générale, pas accordé de dépens; à l’inverse, lorsque les frais sont supportés par l’Etat, le prévenu a droit à des dépens (ATF 137 IV 352 c. 2.4.2).
L’indemnisation des frais de défense est régie par l’art. 429 al. 1 let. a CPP, qui prévoit que le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure s’il est acquitté totalement ou en partie. Selon le Message du Conseil fédéral, l’Etat ne prend en charge les frais de défense que si l’assistance d’un avocat était nécessaire compte tenu de la complexité de l’affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires étaient ainsi justifiés. La base légale fondant un droit à des dommages et intérêts et à une réparation du tort moral a été créée dans le sens d’une responsabilité causale. L’Etat doit réparer la totalité du dommage qui présente un lien de causalité avec la procédure pénale au sens du droit de la responsabilité civile (FF 2006 II 1313; TF 6B_392/2013 du 4 novembre 2013).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’allocation d’une indemnité pour frais de défense selon l’art. 429 al. 1 let. a CPP n’est pas limitée aux cas de défense obligatoire visés à l’art. 130 CPP. Elle peut être accordée dans les cas où le recours à un avocat apparaît tout simplement raisonnable. Cela ne dépend pas forcément de la gravité de l’infraction en cause. On ne peut pas partir du principe qu’en matière de contravention, le prévenu doit supporter en général seul ses frais de défense. Autrement dit, dans le cadre de l’examen du caractère raisonnable du recours à un avocat, il doit être tenu compte, outre de la gravité de l’infraction et de la complexité de l’affaire en fait ou en droit, de la durée de la procédure et de son impact sur la vie personnelle professionnelle du prévenu (ATF 138 IV 197 c. 2.3.5).
3.2
En l'espèce, la présente affaire porte sur une contravention objective à la LArm. La cause ne revêtait ainsi aucune difficulté en fait ou en droit qui nécessitait l’assistance d’un avocat. Aucune indemnité au sens de l’art. 429 CPP ne sera dès lors allouée à l’appelant pour ses frais d’avocat.
4.
En définitive, l'appel doit être partiellement admis et le jugement attaqué modifié en ce sens qu'O.I._ doit être libéré de l'infraction à la LArm.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, par 630 fr. (art. 21 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), seront laissés à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
86325e9c-ab2b-4367-967c-f113be53484d | En fait :
A.
Par jugement du 10 mars 2015 et prononcé rectificatif du 24 avril 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a notamment libéré E._ des chefs d’accusation de vol et d’extorsion et chantage qualifiés (I), a constaté qu’E._ s’était rendu coupable de tentative de vol, de brigandage, de dommages à la propriété, de recel, de violation de domicile, de conduite d’un véhicule automobile sans permis de conduire et d’infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de 3 ans, sous déduction de 362 jours de détention avant jugement, peine partiellement complémentaire à celle qui a été prononcée contre lui le 11 décembre 2013 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne (III), a ordonné la mise en œuvre, en détention, d’un traitement ambulatoire au sens de l’art. 63 CP (IV), a renoncé à révoquer le sursis accordé à E._ le 11 novembre 2010 par le Juge d’instruction de l’arrondissement de Lausanne (V), a dit qu’E._ était le débiteur de [...], Compagnie d’assurance SA, d’un montant de 5'545 fr. (XI) et a mis une part des frais de justice par 35’543 fr. 40, à la charge d’E._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat et a dit que ces frais comprenaient l’indemnité allouée à son défenseur d’office, Me Robert Ayrton, par 14'904 fr., débours et TVA compris, dite indemnité devant être remboursée à l’Etat par le condamné dès que sa situation financière le permettrait.
B.
Par annonce du 16 mars 2015, puis déclaration motivée du 13 avril 2015, E._ a interjeté appel contre ce jugement.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le [...] 1990 à [...] en Somalie, pays dont il est ressortissant, E._ est le troisième d’une fratrie de huit enfants. Le prévenu a été élevé par ses parents en Somalie, avant d’émigrer en Suisse avec sa famille pour y demander l’asile en 1992. Par la suite, le prévenu a obtenu le permis B. Le père d’E._ travaille comme professeur au sein d’une fondation culturelle islamique et sa mère est femme au foyer. La scolarisation du prévenu a connu de très importantes difficultés en raison de comportements inadaptés, en classe notamment. Le père du prévenu a retiré son fils du milieu scolaire pour lui prodiguer lui-même un enseignement, démarche qui s’est révélée contre-productive, E._ réintégrant finalement le circuit officiel dans une classe à effectif réduit. Il semble que les espoirs fondés sur le prévenu par son père, au niveau scolaire et professionnel, aient très largement dépassé la réalité des capacités d’E._. Le Service de protection de la jeunesse (SPJ) a recommandé un soutien psychologique qui s’est heurté à l’opposition ferme du père du prévenu, laissant impuissant les différents intervenants scolaires et sociaux en charge de la situation. Selon les éléments figurant au dossier, il n’est du reste pas exclu que le père du prévenu soit lui-même en proie à des difficultés psychologiques. Dans son jugement du 12 juin 2006, le Tribunal des Mineurs a relevé qu’E._ évoluait avec un sentiment de toute-puissance, ne respectant aucune règle et ne parvenant dès lors pas à se responsabiliser, en particulier par rapport à ses comportements illicites. De fait, le prévenu s’est retrouvé à plusieurs reprises devant le Tribunal des Mineurs et son parcours judiciaire s’est poursuivi devant les autorités pénales à sa majorité. E._ n’a finalement accompli aucune formation professionnelle. Il semble que son quotidien ait été essentiellement rythmé par les cinq prières journalières prescrites par sa religion musulmane, pratique à laquelle il s’astreint toujours en prison. Le prévenu a pratiqué la boxe. Son père l’aurait envoyé en Syrie entre 2005 et 2007 afin qu’il y apprenne l’arabe et pour le changer d’environnement en espérant qu’il cesse ses comportements violents. En 2010, le prévenu a perdu son permis de séjour et a quitté la Suisse pour les Pays-Bas en 2011. Dans ce pays, le prévenu a été hospitalisé durant six mois en raison d’un traumatisme crânio-cérébral résultant d’un accident de la circulation. Le prévenu est ensuite revenu en Suisse, sans être au bénéfice d’un permis de séjour valable.
Le rapport d’expertise psychiatrique ordonnée sur la personne d’E._ dans le cadre de l’enquête, et déposé le 17 décembre 2014, a relevé les importantes difficultés du prévenu à gérer ses affaires administratives et financières, le Dr Delacrausaz, entendu aux débats de première instance, recommandant d’examiner l’opportunité de mettre une mesure de curatelle en faveur d’E._, afin de l’aider à se stabiliser dans ce domaine. Le prévenu estime ses dettes à 20'000 francs. Il n’a personne à charge.
Ce rapport retient par ailleurs sur le plan du diagnostic, un retard mental léger, un trouble mixte de la personnalité et des séquelles de traumatisme crânio-cérébral. Les experts ont considéré que la responsabilité pénale du prévenu était légèrement diminuée au moment des faits qui lui sont reprochés. Ils ont évalué le risque de récidive comme élevé et recommandé la mise en œuvre d’un accompagnement psychothérapeutique de type psycho-éducatif sous la forme d’un traitement ambulatoire au sens de l’art. 63 CP, lequel ne serait pas entravé dans son application ou ses chances de succès par l’exécution d’une peine privative de liberté. Les experts ont relevé que ce suivi leur apparaissait nécessaire, malgré le risque d’absence de collaboration d’E._ au traitement psychothérapeutique envisagé ̈, en raison de l’importante opposition de la famille du prévenu, laquelle refuse d’admettre les carences de ce dernier.
Le casier judiciaire suisse d’E._ comporte les inscriptions suivantes :
-
01.07.2008, Juge d’instruction de Lausanne : vol, escroquerie (délit manqué), violation de domicile, peine pécuniaire de 30 jours-amende à 10 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans ;
-
06.10.2008, Tribunal des mineurs de Lausanne : lésions corporelles simples, vol, infractions d’importance mineure (vol), vol (délit manqué), brigandage, brigandage (actes de contrainte) (délit manqué), dommages à la propriété, extorsion et chantage, menaces, violation de domicile, faux dans les certificats, émeute, utilisation sans droit d’un cycle ou cyclomoteur, privation de liberté DPMin de 3 mois, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans ;
-
11.11.2010, Juge d’instruction de Lausanne : violation des règles de la circulation routière, conduite sans permis de conduire malgré un retrait (véhicule automobile), concours, peine pécuniaire de 20 jours-amende à 20 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 3 ans, amende de 200 francs ;
-
11.12.2013, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne : vol d’usage d’un véhicule automobile, conduite d’un véhicule sans permis de conduire, concours, peine pécuniaire de 50 jours-amende à 100 francs.
Dans le cadre de la présente affaire, E._ a été détenu avant jugement dès le 22 janvier 2014. Le prévenu est en exécution anticipée de peine depuis le 24 septembre 2014. Il a subi 52 jours de détention dans des conditions illicites, ce qui a été constaté dans deux décisions rendues par le Tribunal des mesures de contrainte. Le comportement en détention d’E._ a justifié à plusieurs reprises le prononcé de sanctions disciplinaires (P. 56, 83, 84 et 87), la dernière portant sur 10 jours d’arrêt dont 7 avec sursis pendant 2 mois en raison de propos menaçants (menaces de mort répétées) et insultants à l’encontre d’un agent de détention.
2.
Par souci de simplification, la Cour de céans se bornera à faire état ici des seuls éléments utiles au traitement de l’appel, rappelant uniquement les cas contestés ou concernés par l’appel et se référant pour le surplus à l’état de fait tel qu’arrêté dans le jugement de première instance.
2.1
A [...], route de [...], le 8 janvier 2014, entre 00h30 et 04h30, une personne non identifiée s’est introduite dans la maison de G._ et y a dérobé divers biens. Elle a en outre pris les clés de voiture et elle est repartie avec le véhicule de marque Toyota Yaris noir, immatriculé VD [...], stationné devant la maison. E._ a acheté ce véhicule dans des conditions que l’instruction n’a pas permis d’établir. Le prévenu a été interpellé au volant du véhicule le 23 janvier 2014 (jgt., cas n° 3).
G._ a déposé plainte le 8 janvier 2014 et s’est constituée partie civile. Elle a complété sa plainte le 28 juillet 2014. L’assurance [...], assureur de G._ a déposé plainte le 24 octobre 2014. Elle a pris des conclusions à hauteur de 9'582 francs.
2.2
A Vidy, près du Stade de Coubertin, le 11 janvier 2014, vers 15h45, E._ a menacé A._ en lui indiquant posséder une arme, afin que celui-ci vide ses poches. La victime lui a alors donné son iPhone 5 noir, ainsi que le code de son natel. Puis, le prévenu a dit à sa victime de partir dans un sens opposé au sien. Avant de partir, il a prévenu A._ qu’il lui casserait les dents, s’il allait voir la police, précisant qu’il avait pratiqué la boxe durant plusieurs années (jgt., cas n° 4).
A._ a déposé plainte le 11 janvier 2014 et s’est constitué partie civile.
2.3
A Lausanne, à la route de Chavannes, le 17 janvier 2014, vers 15h30, E._ a contraint W._ à le suivre jusqu’à un parking situé après la station Shell, derrière un immeuble. Pour l’effrayer, le prévenu a notamment indiqué à sa victime qu’il pratiquait la boxe. Arrivé au parking, il a demandé à W._ de vider ses poches et s’est emparé de son iPod. Peu après, une personne est passée près d’eux, E._ a alors menacé le lésé de le tuer s’il criait. Ce dernier n’ayant pas d’argent sur lui mais seulement une carte de crédit, le prévenu l’a accompagné jusqu’au bancomat situé à côté de la Migros d’Ouchy, afin qu’il retire les 110 fr. placés sur son compte. Il a ensuite donné l’argent à son agresseur. Celui-ci l’a alors serré dans ses bras et lui a proposé de le ramener chez lui. W._ a refusé. Le prévenu lui a demandé de noter son numéro de téléphone sur l’iPod qu’il lui avait dérobé, ce que le lésé a fait (jgt., cas n° 6).
W._ a déposé plainte le 17 janvier 2014 et s’est constitué partie civile.
2.4
A Lausanne, place de [...], à l’hôtel [...], le 4 mars 2014 entre 20h30 et 21h00, E._, accompagné d’un complice non identifié, s’est introduit dans les locaux réservés au personnel et a forcé plusieurs casiers (jgt., cas n° 11).
[...], représentant de l’hôtel [...], a déposé plainte le 5 mars 2014 et s’est constitué partie civile.
2.5
A Lausanne, au terrain de basket de l’établissement scolaire du Belvédère, le 21 mars 2014, vers 17h00, E._ s’est emparé de l’iPhone 5S de Q._ que celui-ci tenait dans sa main afin de composer un numéro pour le prévenu qui lui avait dit avoir besoin d’appeler quelqu’un. Il a refusé de rendre l’appareil et a menacé le lésé de lui tirer une balle dans la jambe s’il tentait de récupérer son bien. Q._ a ensuite proposé au prévenu de le suivre à son domicile pour lui donner un second téléphone. E._ a accepté et l’a suivi. Pendant que ce dernier attendait devant l’immeuble, Q._ est remonté chez lui. Lorsqu’il est redescendu, E._ avait quitté les lieux (jgt., cas n° 12).
Q._ a déposé plainte le 21 mars 2014 et s’est constitué partie civile. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d’E._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant conteste sa condamnation pour les cas 4, 6, 11 et 12 de l’acte d’accusation (cf. supra c. 2.2 à 2.5).
3.1
L’art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation (al. 3).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s’agit de l’acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory,
in
: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP; Kistler Vianin,
in
: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, nn. 19 ss ad art. 398 CPP, et les références jurisprudentielles citées).
Lorsque l'autorité a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a; cf. aussi, quant à la notion d’arbitraire,
ATF 136 III 552 c. 4.2).
3.2
En l’espèce, le prévenu conteste avoir commis les brigandages répertoriés sous points 4, 6 et 12 de l’acte d’accusation (cf. supra c. 2.2 à 2.5).
3.2.1
Aux termes de l'art. 140 CP, celui qui aura commis un vol en usant de violence à l'égard d'une personne, en la menaçant d'un danger imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle ou en la mettant hors d'état de résister sera puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins (ch. 1 al. 1). Le brigandage est une forme aggravée du vol qui se caractérise par les moyens que l'auteur a employés (TF 6B_356/2012 du 1
er
octobre 2012 c. 1.2.2; ATF 133 IV 207 c. 4.2; ATF 124 IV 102 c. 2). Comme dans le cas du vol, l'auteur soustrait la chose, c'est-à-dire, qu'il en prend la maîtrise sans le consentement de celui qui l'avait précédemment. A la différence du voleur, qui agit clandestinement ou par surprise, l'auteur recourt à la contrainte pour soustraire la chose d'autrui. La violence est toute action physique immédiate sur le corps de la personne, qui doit défendre la possession de la chose. Il importe peu que la victime ait été mise dans l'incapacité de se défendre; il suffit que l'auteur ait recouru aux moyens indiqués et que le vol ait été consommé (TF 6B_356/2012 op. cit. c. 1.2.1; ATF 133 IV 207 c. 4.3.1). La menace, qui peut être formulée explicitement ou par acte concluant (par exemple en manipulant ostensiblement une arme) doit être sérieuse et être objectivement propre à faire plier une personne moyenne placée dans la même situation que la victime.
Aux termes de l’art. 140 ch. 1 al. 2, celui qui, pris en flagrant délit de vol, aura commis un des actes de contrainte mentionnés à l’al. 1 dans le but de garder la chose volée encourra la même peine.
Ainsi, cette disposition permet également de qualifier le vol comme brigandage lorsqu’un acte de contrainte qualifié est commis dans le dessein de garder la chose volée, soit postérieurement à la soustraction (Niggli/Riedo,
in
: Niggli/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Strafrecht II, Art. 111-392 StGB, 3
e
éd., Bâle 2013, n. 14 ad art. 140 CP).
3.2.2
S’agissant des faits relatés sous considérant 2.2, le prévenu ne conteste pas les faits commis à l’égard d’A._, à l’exception de la menace proférée à son égard pour le dissuader de faire appel à la police.
Le plaignant a toujours affirmé qu’il avait été menacé par le prévenu qui lui aurait dit qu’il était armé. Il a fait référence au passé de boxeur du prévenu et l’a reconnu sur une planche photographique (PV aud. 9 et 18). Enfin, la description de l’agression correspond parfaitement au
modus operandi
du prévenu, qui sans agresser physiquement ses victimes, entame un dialogue avec celles-ci.
Les déclarations d’A._ sont claires et crédibles.
Il n’y a aucune raison de les remettre en question et c’est en vain que l’appelant conteste les faits ayant motivé sa condamnation sur ce point.
3.2.3
Le prévenu conteste avoir commis un brigandage au préjudice de W._ (cf. supra c. 2.3). La thèse soutenue par le prévenu sur l’absence de contrainte pour obtenir l’argent du plaignant ne trouve aucune réalité concrète et se heurte aux déclarations de la victime, qui fait état des menaces suivantes : « si tu cries, je te butte », « si tu es gentil avec moi, je serai gentil avec toi, si tu es méchant, je serai méchant ». Par ailleurs, selon la victime, le prévenu a fait référence à son passé de boxeur (PV aud. 8 et 17). Le mode opératoire d’E._ est constant et ne laisse aucune place au doute quant à la réalisation de l’infraction de brigandage. Les faits sont établis à satisfaction et seront retenus à son encontre.
3.2.4
Enfin, le prévenu conteste avoir commis un brigandage au préjudice de Q._ (cf. supra c. 2.5).
La victime a déclaré que le prévenu lui avait pris des mains son téléphone portable. C’est au moment où il aurait voulu le récupérer, que le prévenu l’aurait menacé en lui disant qu’il était armé et qu’il n’hésiterait pas à lui tirer une balle dans la jambe s’il tentait de le récupérer (PV aud. 31 et 35).
En l’espèce, les déclarations constantes de la victime sont parfaitement claires et crédibles. La victime s’est ainsi retrouvée dessaisie de son téléphone portable contre sa volonté en raison de l’intervention physique du prévenu qui le lui a pris des mains. Le prévenu a ensuite menacé sa victime d’un danger imminent pour son intégrité corporelle, s’il tentait de récupérer son bien. Les conditions du brigandage sont ainsi réalisées.
3.3
Le prévenu conteste avoir commis une tentative de vol au préjudice de l’hôtel [...].
Le témoin entendu durant l’enquête, apprenti cuisinier à l’hôtel en question, a reconnu le prévenu sur planche photographique et derrière une vitre sans teint (PV aud. 34). Son témoignage est d’autant plus crédible que le prévenu habite dans le quartier du témoin et qu’il a ainsi pu le reconnaître plus aisément. Son témoignage peut être qualifié d’authentique, tant il est spontané. Les dénégations de l’appelant ne valent ainsi pas grand-chose en ce sens qu’elles ne font pas naître un doute raisonnable lorsqu’on les compare à la mise en cause.
Les faits sont établis à satisfaction de droit.
3.4
En définitive, il n’y a aucune appréciation erronée des preuves. Le premier moyen de l’appelant doit être rejeté.
4.
L’appelant fait appel de sa condamnation au paiement d’un montant de 5'545 fr. à [...] Compagnie d’Assurances SA (cf. supra c. 2.1).
Le tribunal de première instance a considéré qu’il subsistait un léger doute quant à la participation du prévenu au cambriolage de la maison. Au bénéfice du doute, seul le recel a été retenu.
Le 12 février 2014, l’assurance a versé la somme de 18'489 fr. à G._ - 16'489 fr. pour la voiture et 2'000 fr. pour les autres objets volés -. Au pénal, ses prétentions s’élèvent à 9'582 fr, qui correspondent à la valeur de base du véhicule, soit 11'737 fr., sous déduction de la revente du véhicule, additionnés aux autres frais réclamés par l’assurance (P. 78/1 et 78/2).
Les premiers juges ont considéré que la valeur vénale du véhicule au moment du vol s’élevait à 9'700 francs. Le montant de 5'545 fr. alloué à [...] Compagnie d’Assurances SA représente la différence entre la valeur vénale du véhicule et la valeur de revente de 4'865 fr., ce à quoi il faut ajouter les frais de gardiennage et de dépannage par 710 francs.
4.1
Aux termes de l’art. 50 al. 3 CO, le receleur n'est tenu du dommage qu'autant qu'il a reçu une part du gain ou causé un préjudice par le fait de sa coopération.
4.2
En l’espèce, l’appelant n’a pas perçu de gain et l’instruction n’a pas permis d’établir quel préjudice a concrètement pu causer le prévenu, ni même s’il en a commis un. Dans ces circonstances, il convient de donner acte des réserves civiles à la Compagnie d’assurance, l’appel étant admis sur ce point.
5.
L’appelant soutient que les premiers juges auraient prononcé une peine trop sévère, compte tenu notamment des conclusions du rapport d’expertise psychiatrique du 17 décembre 2014. Selon lui, le sursis partiel devrait lui être accordé.
5.1
L’art. 47 CP dispose que le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
Aux termes de l’art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d’agir, l’auteur ne possédait que partiellement la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après cette appréciation. Le Tribunal fédéral a eu l'occasion d'exposer les principes qui président à la fixation de la peine en cas de diminution de la responsabilité (ATF 136 IV 55 c. 5, JT 2000 IV 127; cf. ég. TF 6B_356/2012 du 1
er
octobre 2012 c. 3.2; TF 6B_1092/2009 du 22 juin 2010 c. 2.2.2). Partant de la gravité objective de l'acte (
objektive Tatschwere
), le juge doit apprécier la faute (subjective;
subjektives Tatverschulden
). Il doit mentionner, dans le jugement, les éléments qui augmentent ou diminuent la faute dans le cas concret et qui permettent d'apprécier la faute en relation avec l'acte.
Selon l’art. 43 al. 1 CP, le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine pécuniaire d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur. De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1; cf. aussi TF 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1; TF 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
5.2.1
E._ n’a manifestement pas tiré les leçons des précédentes condamnations prononcées contre lui par les autorités pénales. Il n’a pas hésité à commettre un grand nombre d’infractions, notamment en cours d’enquête, faisant fi de la procédure dirigée contre lui et d’une première période d’incarcération. Cela révèle l’incapacité du prévenu à se sortir de la délinquance, qu’il côtoie depuis de nombreuses années. Le nombre de victimes est important et les infractions perpétrées sont en concours, ce qui justifie une augmentation proportionnée de la peine à prononcer. Par ailleurs, le prévenu s’en est systématiquement pris à des personnes plus faibles que lui, choisissant systématiquement de jeunes victimes. Il n’a à l’évidence pas pris conscience de la gravité des faits qui lui sont reprochés, persistant à penser que les victimes agissaient sur un mode volontaire. Le mauvais comportement du prévenu en détention (P. 54, 56, 83, 84, 87 et 95) révèle également une absence totale de prise de conscience.
A décharge, il sera tenu compte de la légère diminution de responsabilité pénale d’E._, telle qu’établie par l’expertise psychiatrique. Le prévenu présente par ailleurs un retard mental léger avec un quotient intellectuel de 61 et des « difficultés psychiques, en grande partie responsables de ses difficultés sociales et économiques. Dépourvu de compétences sociales suffisantes, issu d’un milieu familial qui dénie, semble-t-il, ses carences, E._ multiplie la commission d’actes illicites, confronté à son incapacité à s’inscrire dans un parcours professionnel ou affectif stable » (P. 40 p. 12). On retiendra également à décharge la reconnaissance de dettes signée à l’audience de jugement. Enfin, il y a lieu de tenir compte du fait qu’il s’agit de prononcer une peine partiellement complémentaire à celle qui a été infligée à E._ le 11 décembre 2013 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne.
Au regard de la culpabilité de l’intéressé et de l’ensemble des éléments précités, la Cour d’appel fixe la peine privative de liberté à deux ans et demi.
5.2.2
En ce qui concerne le sursis, au vu des nombreux antécédents du prévenu, notamment pour des faits de même nature, des récidives en cours d’enquête, de l’inefficacité d’une première période de détention, de la gravité et du nombre de faits reprochés, de l’absence de prise de conscience, du manque de ressources sociales, matérielles et psychiques du prévenu en cas de libération et de son mauvais comportement en milieu carcéral, le risque de récidive est très élevé et le pronostic clairement défavorable. C’est également ce qui ressort de l’expertise psychiatrique du 17 décembre 2014 (P. 80, pp. 12 à 14). Seule une peine ferme est de nature à détourner l'accusé de la commission de nouvelles infractions. Partant, ce moyen doit être rejeté.
6.
L’appelant conteste enfin la mise à sa charge des frais de procédure par l’autorité de première instance.
6.1
Selon l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s’il est condamné. Font exception les frais afférents à la défense d’office, l’art. 135 al. 4, étant réservé.
6.2
En l’espèce, l’appelant a été acquitté d’un cas de vol d’un véhicule décrit sous le chiffre 1 de l’acte d’accusation. Aucune déduction n’a toutefois été portée au montant des frais supportés par l’intéressé. Tout bien considéré, il y a lieu d’arrêter la part des frais de première instance mise à la charge de E._ à neuf dixièmes.
7.
En définitive, l’appel du prévenu doit être partiellement admis et le jugement entrepris modifié aux chiffres III, XI et XII de son dispositif, en ce sens que le prévenu est condamné à une peine privative de liberté de deux ans et demi, qu’il est donné acte à l’assurance de ses réserves civiles et que les frais de première instance sont mis à sa charge par neuf dixièmes, soit 35’543 fr. 40. Le jugement entrepris sera confirmé pour le surplus.
8.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, constitués de l’émolument d’arrêt, par 2’270 fr. (art. 395 let. a CPP; art. 20 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312. 03.1]), sont mis par la moitié à la charge d’E._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat. Ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office du prévenu (art. 422 al. 1 et 2 let. a CPP).
8.1
Vu l’ampleur et la complexité de la cause, l’indemnité allouée au défenseur d’office d’E._ pour la procédure d’appel doit être arrêtée à 2'872 fr. 80
,
TVA et débours inclus, compte tenu d’une durée d’activité de 12 heures et 30 minutes à 180 fr. de l’heure, de deux conférences en prison sur les quatre requises et de deux déplacements sur les quatre requis qui excèdent l’exercice raisonnable du défenseur pour cette affaire, ainsi qu’un montant de 50 fr. de débours, TVA en plus.
L’appelant ne sera tenu de rembourser à l’Etat la moitié de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office mis à sa charge que lorsque sa situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8633c1d4-05bf-40cc-82b1-8af2137211ee | En fait :
A.
Par jugement du 28 mai 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté qu’U._ s’est rendu coupable de vol en bande et par métier, dommages à la propriété, recel, violation de domicile et infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (LEtr du 16 décembre 2005 ; RS 142.20) (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction de 267 jours de détention avant jugement (II), a constaté qu’il a subi 14 jours de détention dans des conditions de détention provisoire illicites et ordonné que 7 jours de détention soient déduits de la peine fixée au chiffre II ci-dessus, à titre de réparation du tort moral (III), a ordonné son maintien en détention (IV), a donné acte à N._, V._, X._ et P._ de leurs réserves civiles (V), a statué sur les séquestres (VI et VII), a arrêté à 8'980 fr. TTC l’indemnité allouée à Me Cinzia Petito, défenseur d’office d’U._ (VIII) et a mis les frais de la cause, par 19'764 fr. 65, à la charge d’U._, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office ci-dessus, cette dernière devant être remboursée à l’Etat par U._ lorsque sa situation financière le permettra (IX).
B.
Le 5 juin 2015, U._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel du 30 juin 2015, il a conclu, avec suite de frais et dépens, principalement à son acquittement des accusations de vol en bande et par métier, dommages à la propriété, violation de domicile et recel, à sa condamnation pour infraction à la LEtr à une peine pécuniaire fixée à dire de justice, à sa libération immédiate et à la condamnation de l’Etat aux frais, sous réserve de ceux justifiés par l’infraction à la LEtr. Subsidiairement, il a conclu à la réduction de sa peine privative de liberté de 30 mois à 12 mois sous déduction de la détention avant jugement et des jours réparant les conditions illicites de sa privation de liberté. Plus subsidiairement, il a conclu à la réduction, sans la chiffrer, de sa peine privative de liberté. Enfin, plus subsidiairement encore, il a conclu à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause au tribunal de première instance.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
U._ est né le 31 décembre 1970 à Gaza, en Palestine, pays dont il est ressortissant. Il est marié et a une fille, âgée de 10 ans. Sa famille vit en Italie. Le prévenu est sans profession et ne bénéficie d’aucun titre de séjour en Suisse.
Son casier judiciaire suisse comporte les condamnations suivantes :
- 15 octobre 2012, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, séjour illégal, peine pécuniaire de 90 jours-amende à 20 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 2 ans, amende de 200 fr. ;
- 27 février 2013, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, vol par métier, dommages à la propriété, recel, violation de domicile, violation de domicile (tentative), séjour illégal, contravention à la LStup (Loi fédérale sur les stupéfiants du 3 octobre 1951 ; RS 812.121), peine privative de liberté de 6 mois, amende de 300 fr., peine d’ensemble, révocation du sursis octroyé le 15 octobre 2012 ;
- 16 mai 2013, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, vol, utilisation frauduleuse d’un ordinateur (tentative), concours, peine privative de liberté de 20 jours, peine complémentaire ;
- 21 mai 2013, Ministère public du canton de Fribourg, vol, contravention à la LStup, concours, peine privative de liberté de 90 jours ;
- 13 décembre 2013, Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois, séjour illégal, peine privative de liberté de 35 jours ;
- 11 juillet 2014, Ministère public du canton de Fribourg, vol par métier, dommages à la propriété, violation de domicile, séjour illégal, concours, peine privative de liberté de 6 mois.
Pour les besoins de la cause, U._ est détenu depuis le 4 septembre 2014 à la prison du Bois-Mermet.
2.
2.1
En mars 2014, H._ a hébergé U._ dans son appartement. Lors d’une perquisition effectuée le 10 mars 2014 au domicile de H._, déféré séparément, plusieurs objets et bijoux acquis par U._ et remis à H._ provenant des cambriolages suivants ont été découverts :
2.1.1
A Orbe, [...], au domicile de G._, entre le 1
er
et le 3 novembre 2013, un cambriolage a été commis, lors duquel cette dernière s’est fait voler des bijoux. Une partie de ces bijoux a été retrouvée au domicile de H._ et a été restituée à la plaignante.
2.1.2
A Lausanne, [...], au domicile de T._, entre le 7 et le 9 mars 2014, un cambriolage a été commis, lors duquel ce dernier s’est fait voler un appareil photo et une bague. Ces objets ont été retrouvés au domicile de H._ et ont été restitués au plaignant.
2.1.3
A Prilly, [...], au domicile de N._, le 8 mars 2014, un cambriolage a été commis, lors duquel ce dernier s’est fait notamment voler une montre ainsi qu’un téléphone portable. Ces objets ont été retrouvés au domicile de H._ et ont été restitués au plaignant.
2.2
A Lausanne, [...], au domicile de I._, entre le 2 mai 2014 à 19h20 et le 3 mai 2014 à 00h55, U._ a pénétré par effraction en escaladant la façade du bâtiment à l’aide de la chéneau et a forcé la fenêtre de la salle de bain restée ouverte en imposte. Il a emporté un ordinateur portable Apple McBook Pro dans une sacoche Freitag blanche, ainsi que sept montres, avant de quitter les lieux par la porte palière.
2.3
A Romanel-sur-Lausanne, [...], au domicile de L._, le 29 août 2014, U._, accompagné de D._, a pénétré par effraction en forçant la porte-fenêtre du salon, ainsi que la porte d’une chambre fermée à clé. Il a emporté des bijoux, des montres, ainsi que des raquettes de tennis de marque Wilson, avant de quitter les lieux par la voie d’introduction.
2.4
A Lausanne, notamment, entre le 24 janvier 2014 et le 5 septembre 2014, alors qu’il faisait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse valable du 19 juin 2013 au 18 juin 2018.
2.5
A Neuchâtel, [...], le 8 août 2014 aux alentours de 23h00, U._, D._ et E._ ont pénétré par effraction dans l’appartement de Z._, en forçant la fenêtre de la cuisine laissée ouverte en imposte. Des bijoux pour un montant de 3'550 fr. ont été emportés.
2.6
A Neuchâtel, [...], le 9 août 2014, aux alentours de 23h00, U._, D._ et E._ ont pénétré par effraction dans l’appartement de C._, en forçant la fenêtre de la chambre à coucher laissée ouverte en imposte. Ils ont fouillé l’appartement avant de prendre la fuite par la voie d’introduction, dérangés par l’arrivée du plaignant. Un enregistreur vocal et diverses pièces de monnaie d’un montant de 30 euros ont été emportés.
2.7
A Neuchâtel, [...], le 9 août 2014, vers 21h40, U._, D._ et E._ ont pénétré par effraction dans l’appartement de W._, en forçant une fenêtre laissée ouverte en imposte. Ils ont fouillé l’appartement avant de quitter les lieux par la porte d’entrée ou par la fenêtre. Un ordinateur portable Acer modèle Aspira 5740G et une paire de lunettes de marque Oakley ont été emportés.
2.8
A Neuchâtel, [...], le 9 août 2014, vers 21h40, U._, D._ et E._ ont pénétré par effraction dans l’appartement d’A._, en forçant la fenêtre du salon laissée ouverte en imposte. Ils ont fouillé l’appartement avant de quitter les lieux par la voie d’introduction. Des parfums, des bijoux, du matériel informatique, deux téléphones portables et un appareil photographique ont été emportés.
2.9
A Lausanne, [...], le 14 août 2014, entre 22h00 et 23h00, U._, D._ et E._ ont pénétré par effraction, de manière indéterminée, dans l’appartement de V._. Ils ont fouillé l’appartement, avant de quitter les lieux. Des bijoux ont été emportés.
2.10
A Lausanne, [...], le 16 août 2014, vers 22h00, U._, D._ et E._ ont pénétré par effraction dans l’appartement de X._ en brisant la fenêtre des toilettes. Ils ont fouillé les lieux, avant d’être mis en fuite par l’alarme. Rien n’a été emporté.
2.11
A Lausanne, [...], le 16 août 2014, entre 20h30 et 22h53, U._, D._ et E._ ont pénétré par effraction dans le domicile de J._, en forçant la fenêtre de la cuisine laissée ouverte en imposte. Ils ont fouillé l’appartement avant de quitter les lieux par la voie d’introduction. Une tablette Samsung, un ordinateur portable MacBook Pro et un Smartphone Samsung Galaxy S2 ont été emportés.
2.12
A Lausanne, [...], le 21 août 2014, entre 22h00 et 23h40, U._, D._ et E._ ont pénétré par effraction dans l’appartement de P._, en s’introduisant par la porte-fenêtre du balcon restée ouverte. Un Smartphone Huwei Y300 et une tablette tactile MP Man Mid 801 ont été emportés. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d’U._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L’immédiateté des preuves ne s’impose toutefois pas en instance d’appel. Selon l’art. 389 al. 1 CPP, la procédure d’appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d’appel administre, d’office ou à la demande d’une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L’appelant invoque une constatation incomplète et erronée des faits sur plusieurs points.
3.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
L’appelant fait valoir que le témoin H._ s’est rétracté aux débats de première instance et que les cas de recel décrits sous chiffre 2.1 ne peuvent ainsi lui être imputés.
En l’espèce, dans son audition du 14 mars 2014 (dossier B, PV aud. 7, pp. 1 et 2), H._ a mis en cause l’appelant qu’il hébergeait dans son appartement à [...] pour lui avoir remis divers objets provenant de cambriolages, soit six montres, une paire de lunettes, un appareil photo, une bague et un téléphone. Il a précisé que « U._ », soit U._, lui avait donné tous ces objets entre le dimanche et le lundi précédent.
Entendu à nouveau à l’audience de jugement, en présence de l’appelant, H._ a déclaré que les objets volés en question n’étaient pas en possession d’U._ et qu’il avait uniquement hébergé celui-ci. Il a mis ses déclarations accusatoires antérieures sur le compte de la pression que les enquêteurs auraient exercée sur lui, expliquant « j’ai eu peur, j’ai donc dit n’importe quoi », puis par la suite « l’inspecteur m’a forcé à dire oui » (jgt., p. 4).
Toutefois, à la lecture de procès-verbal du 14 mars 2014 dont H._ a signé chaque page, aucune pression n’est perceptible. Au contraire, l’intéressé a immédiatement parlé d’« U._ », identifié sur photo le matin même et à nouveau sur photo en cours d’audition, confirmant ainsi qu’il s’agissait bien de l’appelant, puis les objets volés et remis par lui ont été énumérés. A l’inverse, la rétraction de ces déclarations aux débats de première instance n’est pas cohérente. L’intéressé ne dit pas quelle autre personne lui aurait remis les objets volés et soutient de manière contradictoire, d’une part, qu’il a dit n’importe quoi par peur – mais alors pourquoi ne pas inventer une quelconque fable n’accusant aucun tiers déterminé – et, d’autre part, qu’il aurait été forcé par la police à dénoncer l’appelant. Ainsi, à l’instar des premiers juges, la Cour de céans considère la rétractation du témoin comme non crédible.
L’appelant soutient ensuite que les mises en cause du témoin ne le désignent pas de manière univoque, mais que celui-ci, au fil de ces auditions, a donné plusieurs noms. Il est vrai que le témoin avait la réputation d’être en affaires avec des voleurs et qu’il a donné plusieurs noms, le cas échéant fantaisistes. En revanche, il a été parfaitement clair et affirmatif s’agissant des objets volés qu’il a désignés comme remis par l’appelant.
Enfin, comme élément à charge, il faut également retenir la proximité physique entre l’appelant, qui a été hébergé, puis arrêté, dans l’appartement de H._, et la présence dans ce même appartement du butin provenant de divers cambriolages.
En définitive, on ne discerne aucune constatation erronée des faits s’agissant de ces épisodes de recel.
3.3
L’appelant reproche aux premiers juges d’avoir retenu sa participation au vol décrit sous chiffre 2.2.
Les premiers juges ont retenu que l’ADN de l’appelant avait été retrouvé sur un sachet utilisé par les cambrioleurs.
Plus précisément, l’ADN de l’appelant a été retrouvé sur les anses d’un sac en plastique « Voegele shoes » oublié sur les lieux du vol et contenant un ticket de caisse relatif à un achat effectué environ deux heures avant le cambriolage (dossier A, P. 5 et 31). En dépit de cette preuve irréfutable le mettant en cause, l’appelant a nié toute implication dans ce délit, affirmant « quand je fais un cambriolage, je n’oublie rien du tout » (PV aud. 1, p. 2). Ses déclarations ne sont pas crédibles et on ne discerne pas en quoi l’état de fait serait erroné.
3.4
L’appelant conteste avoir perpétré le vol décrit sous chiffre 2.3. Il fait valoir que les éléments retenus par les premiers juges seraient insuffisants pour l’impliquer dans le cambriolage.
En l’espèce, les premiers juges ont retenu que l’implication de l’appelant dans ce vol tenait aux échanges téléphoniques qu’il avait eus avec les cambrioleurs aux environs de l’immeuble visité.
Plus précisément, l’appelant était en compagnie de D._ lorsqu’ils ont été tous deux interpellés le 4 septembre 2014 (P. 8 ; P. 31, p. 2). L’analyse du rétroactif de leurs téléphones portables a établi qu’ils ont été en contact une quinzaine de fois par jour durant les 35 jours précédents leur interpellation. Tous deux ont été localisés le 29 août 2014 dans le secteur du cambriolage entre 20h38 et 20h54 et ils sont brièvement entrés en contact à cinq reprises (P. 20, p. 2).
Le prévenu a d’ailleurs soutenu ne pas connaître D._, alors qu’il a été condamné le 11 juillet 2014 par le Ministère public fribourgeois notamment pour trois cambriolages commis avec celui-là en octobre et novembre 2013 (PV aud. 3, p. 2 ; P. 37). De plus, comme on le verra ci-dessous (cf. consid. 3.5), la géolocalisation des téléphones des deux comparses les incriminent dans une série de cambriolages commis à Neuchâtel et à Lausanne. Ces proximités répétées de temps et de lieux des mêmes équipiers qui communiquent entre eux sur des sites de différents cambriolages exclut qu’il s’agisse de simples hasards, leur présence étant manifestement en rapport avec la commission des délits.
Ces preuves, suffisantes et irréfutables, établissent la culpabilité de l’appelant.
3.5
L’appelant conteste avoir participé aux cas de vol décrits sous chiffres 2.5 à 2.12 (cf. acte d’accusation du 22 avril 2015).
Commis à Neuchâtel et à Lausanne du 9 au 16 août 2014, ces huit cambriolages sont liés entre eux à cinq reprises par le mode d’entrée par effraction, soit le forcement d’une fenêtre dont l’imposte avait été laissée ouverte.
L’enquête neuchâteloise a permis d’identifier E._ comme étant l’un des voleurs par l’exploitation de son ADN et de ses traces de semelles dans les cas décrits sous chiffres 2.5, 2.6 et 2.8 (P. 8). De plus, le cambriolage exposé sous chiffre 2.7 a été commis la même nuit que celui décrit sous chiffre 2.6, dans la même rue, à une distance de 300 mètres, et une trace de semelle identique lie ces deux cas (P. 7).
L’exploitation des contrôles téléphoniques effectués sur les téléphones portables de l’appelant et de D._ a permis d’établir qu’ils étaient en communication avec E._ lors des huit cambriolages précités. Le tableau
ci-dessous résume ces résultats (cf. P. 8) :
Cas 2.5
- communication avec E._
- localisation à 23h12 à 160 mètres du lieu du vol
Cas 2.6
- communication avec E._
- localisation à 23h22 et 23h23 à 450 mètres du lieu du vol
Cas 2.7
- communication avec E._
- localisation entre 21h41 et 21h48 à 375 mètres du lieu du vol
Cas 2.8
- communication avec E._
- localisation entre 21h41 et 21h48 à 500 mètres du lieu du vol
Cas 2.9
- communication avec E._
- localisation à 22h11 à 800 mètres du lieu du vol en ce qui concerne l’appelant, d’autres communications entre les deux autres auteurs ont été localisées entre 400 et 450 mètres plus tard dans la nuit
Cas 2.10
- communication avec E._
- localisation à 22h55 à 1200 mètres du lieu du vol
Cas 2.11
- communication avec E._
- localisation de l’appelant à 20h35 et 22h53 à 190 mètres du lieu du vol
Cas 2.12
- communication avec E._
- localisation de l’appelant entre 22h01 et 22h06 à 380 mètres du lieu du vol
L’appelant fait valoir trois moyens à l’encontre de son implication dans ces délits :
Dans un premier moyen, il fait valoir une erreur figurant dans le rapport de police du 26 février 2015 (P. 8, p. 2) où la désignation du boîtier téléphonique analysé s’effectue à la fois par le n° IMEI 351652069961301 et le même numéro sous réserve du dernier chiffre, le 1 étant remplacé par un 0, cette variation générant, selon lui, un doute sur toutes les indications rétroactives tirées de ce boîtier. En réalité, il s’agit là d’une simple erreur de plume, le numéro exact étant celui se terminant par 0, soit le n° IMEI 351652069961300, comme la pièce 11 le démontre. Cette erreur, aisément rectifiable, ne génère aucun doute.
L’appelant se prévaut ensuite de l’absence de l’évocation de son nom lors de l’audition d’E._ du 13 novembre 2014 (PV aud. 4), alors que ce dernier a usé de nombreux numéros de téléphones et a été en contact par téléphone avec de nombreuses personnes. Ce moyen n’est pas compréhensible. On ne discerne pas en quoi l’évocation de l’appelant devait nécessairement ressortir de cette audition, ni en quoi cette absence serait synonyme de doute sur sa culpabilité.
Enfin, l’appelant invoque le fait qu’entendu comme témoin à l’audience de jugement, E._ a nié le connaître. Or, au vu de leur collaboration telle qu’elle découle de leurs communications sur les lieux et aux heures des cambriolages, il ne fait aucun doute qu’E._ a menti en déclarant ne pas le connaître. Le moyen, qui repose sur une fausse déposition, est donc sans valeur.
4.
L’appelant se plaint d’une violation de la présomption d’innocence.
4.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2).
L’appréciation des preuves est l’acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. L’appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin, même prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens, qu’à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP et les références citées).
4.2
Certes le jugement est peu développé, mais le détail des preuves qui forment un faisceau convergent résulte du dossier. Appréhendées globalement, les preuves ne laissent subsister aucun doute raisonnable quant à la culpabilité de l’intéressé. En particulier, les géolocalisations à proximité temporelle et spatiale des délits et des deux mêmes comparses écartent toute possibilité de coïncidence malheureuse.
C’est donc à juste titre que les premiers juges ont reconnu U._ coupable de vol en bande et par métier, dommages à la propriété, violation de domicile et recel.
5.
Vu l’issue de l’appel, la conclusion d’U._ relative aux frais de première instance devient sans objet.
6.
L’appelant critique subsidiairement sa peine, qu’il estime trop sévère.
6.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 IV 6 c. 6.1).
6.2
En l’espèce, la culpabilité d’U._ est lourde. Il s’est rendu coupable de vol en bande et par métier, dommages à la propriété, recel, violation de domicile et infraction à la LEtr. A charge, on retiendra qu’il a uniquement agi par appât du gain et qu’il est profondément ancré dans la délinquance, comme le montrent notamment son défaut de collaboration, son attitude durant l’enquête et aux débats de première instance, ainsi que son absence de prise de conscience et de regrets, en niant obstinément les faits. Enfin, il sera tenu compte de l’aggravante du métier et de la bande, du concours d’infractions et des lourds antécédents du prévenu, qui a été condamné à six reprises pour le même genre d’infractions en l’espace de trois années.
Au vu des éléments qui précédent, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle, la peine privative de liberté de 30 mois prononcée par les premiers juges est adéquate et doit être confirmée.
7.
En définitive, l’appel d’U._ doit être rejeté et le jugement du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne du 28 mai 2015 intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge d’U._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 2’050 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office de l'appelant.
S’agissant de l’indemnité d’office, Me Cinzia Petito a produit une liste d’opérations faisant état de 19 heures et 55 minutes d’activité (P. 65). Compte tenu de la nature de la cause, de la connaissance du dossier acquise en première instance et des opérations nécessaires à la défense des intérêts de son client, le temps consacré à la présente procédure est trop élevé. Tout bien considéré, il sera tenu compte de 14 heures d’activité. C’est donc une indemnité de 3'157 fr. 90, correspondant à 14 heures à 180 fr., trois vacations de 120 fr. et 44 fr. de débours, plus la TVA, qui doit être allouée au défenseur d’office de l’appelant pour la procédure d’appel.
U._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
866b1afa-d1a7-40aa-9c7d-f0c677689e92 | En fait :
A.
Par jugement du 12 octobre 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a notamment libéré J._ des chefs d'accusation de violation grave des règles de la circulation, subsidiairement violation simple des règles de la circulation, et d'opposition ou de dérobade aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire (II), a constaté qu'il s'est rendu coupable d'ivresse au volant qualifiée, de tentative d'opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire et de violation des devoirs en cas d'accident (IV), l'a condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 50 fr. (V), a suspendu l'exécution d'une partie de la peine pécuniaire portant sur 60 jours-amende et a fixé à J._ un délai d'épreuve de quatre ans (VI), a révoqué le sursis qui lui a été accordé le 31 juillet 2008 par la Préfecture de Lausanne et a ordonné l'exécution de la peine pécuniaire de 16 jours-amende à 20 fr. (VII), a pris acte pour valoir jugement de la convention passée entre J._, Y._ et Q._ le 12 octobre 2011 (XII) et a mis une partie des frais de la cause à la charge de Y._ par 6'021 fr. 25, y compris l'indemnité allouée à son conseil Me Ammann par 4'244 fr. 40 et J._ par 2'840 fr. 75, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (XIII).
B.
Par courrier du 18 octobre 2011, se référant au dispositif reçu, Me Rossy, défenseur de choix de J._, a invité le Président du Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois à allouer à son client une indemnité de l'art. 429 al. 1 let. a CPP en la fixant sur la base des 53 heures de travail consacrées au mandat, heures justifiées par la production de trois listes d'opérations.
Par courrier du 24 octobre 2011, le Président du Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a imparti, en application de
l'art. 429 al. 2 CPP, à J._ un délai au 4 novembre 2011 pour chiffrer et justifier ses prétentions.
Par courrier du 27 octobre 2011, Me Rossy a justifié les prétentions de son client par le fait que 50 heures de travail avaient été consacrées exclusivement au chef d'accusation dont son client avait été libéré et seulement 3 heures aux autres questions.
C.
Par ordonnance du 11 novembre 2011, susceptible de recours dans les 10 jours à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a refusé d'allouer à J._ une indemnité pour les frais occasionnés par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (I) et a dit que les frais de la présente décision, par 200 fr., sont mis à la charge de J._ (II).
En substance, le Tribunal de police a considéré que l'appelant avait violé une norme de comportement en prenant le volant en état d'ébriété avancée, puis en quittant les lieux de l'accident pour tenter de se soustraire à un contrôle de son alcoolémie et, qu'en conséquence, une indemnité de l'art. 429 CPP, même partielle, ne se justifiait pas en faveur d'une partie condamnée à l'entier de sa part de frais et qui n'avait pas fait appel du jugement.
D.
Le 24 novembre 2011, J._ a formé recours contre l'ordonnance du 11 novembre 2011 concluant, sous suite de frais et dépens de première et de seconde instance, à la réforme de l'ordonnance en ce sens qu'une indemnité correspondant à 90% de 22'811 fr., subsidiairement à un pourcentage inférieur à cette somme, lui soit allouée en application de l'art. 429 CPP.
Le 3 janvier 2012, le Président de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal a remis le dossier de la cause à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal à la suite d'un échange de vues entre ces deux cours et nonobstant la voie de recours mentionnée au pied de la décision querellée.
Par courrier du 9 janvier 2012, le Président de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal a informé l'appelant que son écriture complète serait considérée comme une déclaration d'appel. Au surplus, il l'a informé qu'en application de
l'art. 406 al. 1 let. d CPP l'appel, s'il n'était manifestement pas irrecevable ou mal fondé, serait vraisemblablement traité en procédure écrite, ce qui se traduirait par la fixation d'un délai pour déposer un mémoire d'appel motivé.
Par courrier du 27 janvier 2012, le Ministère public a déclaré s'en remettre à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et n'a pas déposé d'appel joint.
Par courrier du 1
er
février 2012, le Président de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal a informé l'appelant qu'en application de l'art. 406 al. 1 let. d CPP l'appel sera d'office traité en procédure écrite et lui a imparti un délai au
16 février 2012 pour déposer un mémoire motivé au sens de l'art. 406 al. 3 CPP.
Par courrier du 2 février 2012, l'appelant a déclaré renoncer à se déterminer complémentairement et s'est référé à son écriture de recours du 24 novembre 2011. | En droit :
1.
Suivant l'art. 398 al. 1 CPP, l'appel est recevable contre les jugements des tribunaux de première instance qui ont clos tout ou partie de la procédure. Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la notification du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit.
La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, c'est dans le cadre du jugement au fond que le premier juge aurait dû examiner d'office les prétentions du prévenu partiellement libéré
(art. 429 al. 2 CPP). De son côté, J._ aurait dû faire appel du jugement l'acquittant partiellement s'il estimait qu'il aurait dû être indemnisé d'office du chef de ses frais de défense au remboursement desquels il n'a pas conclu. Cela étant, comme le premier juge est entré en matière sur les prétentions formulées après le jugement et qu'il a rendu une ordonnance susceptible de recours, le principe de la bonne foi (art. 3 al. 2 let. a CPP) impose de traiter cet appel.
Par ailleurs, dans la mesure où la décision attaquée a implicitement la portée d'un prononcé rectificatif (art. 83 al. 1 CPP), faisant suite à un jugement par hypothèse incomplet, elle n'apparaît pas d'emblée nulle. Interjeté dans le délai légal (art. 399 al. 1 CPP)
et par une partie ayant qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP), l'appel interjeté par J._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
J._ estime avoir droit au versement d'une indemnité au sens de l'art. 429 CPP.
2.1
Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a notamment droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier (al. 2).
En l'occurrence, assisté d'un avocat, J._ devait présenter et motiver sa proposition d'indemnisation au terme de la procédure probatoire de première instance (art. 346 al. 1 CPP). Le juge n'avait pas à attirer son attention sur ses droits compte tenu de la présence de son défenseur (art. 102 al. 2 CPP). Toutefois, on laissera en l'état ouverte la question de savoir si la passivité de la partie la prive de toute réparation, alors que l'art. 429 al. 2 CPP réserve un examen d'office des prétentions du prévenu.
2.2
La base légale fondant un droit à des dommages et intérêts et à une réparation du tort moral a été créée dans le sens d'une responsabilité causale. L'Etat doit réparer la totalité du dommage qui présente un lien de causalité avec la procédure pénale au sens du droit de la responsabilité civile (Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1313). Les dépenses à rembourser au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP sont essentiellement les frais de défense. Cette disposition transpose la jurisprudence selon laquelle l'Etat ne prend en charge ces frais que si l'assistance était nécessaire compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires de l'avocat étaient ainsi justifiés (ibidem). L'indemnisation des frais d'avocat ne se limite pas aux cas de défense obligatoire, ni à ceux où le bénéfice de la défense d'office volontaire eût été envisageable si le prévenu était indigent (Mizel/Rétornaz, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 31 ad art. 429 CPP). Les frais de défense couvrent également les débours, tels que photocopies et frais de port (Mizel/Rétornaz,
op. cit., n. 36 ad art. 429 CPP).
Il y a notamment acquittement partiel ouvrant la voie à l'indemnisation lorsqu'une charge est abandonnée en concours réel avec d'autres donnant lieu à condamnation (Mizel/Rétornaz, op. cit., n. 15 ad art. 429 CPP).
2.3
En l'espèce, l'accusation du délit de violation grave aux règles de la circulation, subsidiairement l'accusation de contravention de violation simple des mêmes règles, a été abandonnée, alors que trois autres délits, soit ivresse au volant qualifiée, opposition ou dérobade aux mesures de contrôle et violation des devoirs en cas d'accident, ont fondé la condamnation. L'acquittement partiel n'a donc porté que sur une proportion réduite, soit sur le quart, des charges initiales.
L'appelant soutient toutefois avoir consacré le 90%, voire même 50 heures sur 53, des frais de défense engagés à obtenir cet acquittement partiel. On peut se dispenser d'examiner à ce stade la question de savoir si le temps de travail allégué correspond à un exercice raisonnable des droits de procédure, même si à première vue le nombre d'heures de travail annoncé paraît disproportionné par rapport à celui annoncé par le défenseur d'office de Q._ de 25 heures hors audience (cf. jgt., p. 39 et liste d'opération au dossier). A en juger par le contenu des écritures du conseil de l'appelant figurant au dossier, la question du déroulement de l'accident a effectivement constitué un cheval de bataille, notamment sous la forme d'un recours au Tribunal d'accusation et de réquisitions de preuves. Toutefois, les autres aspects de la défense de l'appelant qui revêtaient une importance certaine et qui ne se réduisaient pas, à moins d'insuffisance non établie, à contester certains faits n'ont en effet, sauf déraison, pas été relégués à une portion aussi congrue que celle alléguée.
2.4
L'art. 430 al. 1 let. a CPP prévoit la possibilité de réduire ou de refuser l'indemnité lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure ou en a rendu plus difficile la conduite. Selon le message du Conseil fédéral relatif au Code de procédure pénale suisse (FF 2005 1313), en règle générale, l'obligation de supporter les frais et l'allocation d'une indemnité vont s'exclure mutuellement, la question de l'acquittement partiel étant toutefois réservée. Ainsi, le Tribunal fédéral a considéré que si les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe, il ne lui est en règle générale pas alloué de dépens
(ATF 137 IV 352 c. 2.4.2). La réduction de l'indemnité pour faute concomitante du prévenu est le pendant de la mise à sa charge des frais de procédure (Mizel/Rétornaz, op. cit., n. 2 ad art. 430 CPP). A cet égard, la doctrine souligne que les frais d'une procédure classée ou ayant donné lieu à un acquittement peuvent être supportés par le prévenu, s'il a, de manière illicite ou fautive, provoqué l'ouverture de celle-ci. Il faut, pour cela, que le prévenu ait adopté un comportement fautif et reprochable, non sous l'angle pénal du terme, mais au regard du droit civil. Le comportement fautif du prévenu doit être à l'origine de l'ouverture de l'enquête pénale. Il faut que le prévenu ait clairement violé une norme de comportement, écrite ou non écrite, résultant de l'ordre juridique suisse dans son ensemble pour permettre une application analogique de l'art. 41 CO (Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse, RS 220). La faute exigée s'apprécie selon des critères objectifs (Chapuis, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, op. cit., n. 2 ad art. 426 CPP).
2.5
Dans le cas particulier, l'appelant a été définitivement condamné à la totalité des frais lui revenant, y compris donc ceux directement liés à l'action pénale portant sur l'accident, ce qu'il n'a pas contesté en faisant appel. Comme comportement fautif, le premier juge a retenu la mise en danger d'autrui et le risque accru d'accident induit par la conduite d'un véhicule automobile en étant pris de boisson, ainsi que le départ précipité des lieux de l'accident ayant impliqué un choc violent entre véhicules. Il s'agit en effet là de violation de normes comportementales fondamentales imposant les devoirs civils élémentaires, premièrement, de ne pas exposer les autres à un danger, ici concret, deuxièmement, de prêter secours lorsqu'on est impliqué dans un accident et, troisièmement, de ne pas se soustraire à ses responsabilités au détriment d'éventuels lésés. Dans le contexte de cet accident, l'alcoolisation et la fuite d'un des deux conducteurs impliqués imposaient objectivement de vérifier par une enquête pénale son rôle dans l'accident, ce qui impliquaient donc l'ouverture et l'aboutissement de la procédure pénale. Il se justifie donc de se rallier à la position du premier juge et, en application de l'art. 430 al. 1 let. a CPP, d'exclure toute indemnisation des frais de défense engagés pour aboutir à la libération d'un chef d'accusation sur quatre, l'ouverture de la procédure ayant été provoquée illicitement et fautivement sans qu'on puisse en isoler artificiellement les faits relatifs au déroulement de l'accident proprement dit.
2.6
Au vu de ce qui précède, le grief, mal fondé, doit être rejeté.
3.
En conclusion, l'appel doit être rejeté et l'ordonnance attaquée confirmée.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de J._ (art. 428 al. 1 CPP) et il n'y a pas lieu de lui allouer une indemnité pour ses frais de défense en appel. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
86bea915-9227-4d9a-a44f-923182ac452b | En fait :
A.
Par jugement du 15 octobre 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré E._ de l’accusation de violation grave des règles de la circulation routière (I), refusé de lui allouer une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice de ses droits de procédure (Il) et mis les frais, par 1'550 francs, à sa charge (III).
B.
Par déclaration d’appel du 7 novembre 2012, le Ministère public a attaqué ce jugement en concluant à sa réforme ce sens que E._ est reconnu coupable de violation grave des règles de la circulation, le sursis octroyé le 15 septembre 2009 est révoqué, et une peine d’ensemble de 360 jours de travail d'intérêt général (TIG) est prononcée.
Le 14 décembre 2012, E._ a conclu au rejet de l'appel du Ministère public, à l'allocation d'une équitable indemnité de dépens, et à ce que les frais et dépens de la cause soient mis à la charge de l'Etat.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né en 1989 et titulaire d'un CFC en gestion de commerce de
détail/conseil à la clientèle, E._ a travaillé comme livreur, puis avec son père dans le domaine de la vente de films. Il émarge à ce jour à l'aide sociale qui lui verse 1'950 fr. par mois.
E._ est célibataire et n’a personne à charge. Il vit dans un appartement dont le loyer brut s’élève à 710 fr. par mois. Il paie mensuellement
210 fr. pour ses primes d'assurance-maladie et 125 fr. pour ses impôts. Il n'a pas d'économies mais des dettes, à hauteur de 5'000 fr. environ, et fait l'objet de poursuites.
2.
Le casier judiciaire de E._ mentionne une condamnation à une peine pécuniaire de 45 jours-amende à 15 fr. avec sursis durant deux ans et à une amende de 800 francs, prononcée le 15 septembre 2009 par le Ministère public du canton de Neuchâtel, pour violation grave des règles de la circulation routière.
L’extrait de son fichier ADMAS fait état d’un retrait du permis et de la prolongation de la période probatoire pour une durée de quatre mois, du 26 octobre 2009 au 25 février 2010, pour vitesse.
3.
3.1
Au cours du mois de mai 2012, E._ a perdu son Natel en ville de Neuchâtel. Il n'a pas annoncé cette perte à la police. Le téléphone portable a été retrouvé par un agent de sécurité qui l'a amené au poste de police de Neuchâtel. Les policiers ont contrôlé, à l'aide du code IMEI, si l'appareil avait été signalé volé. Ce n'était pas le cas. Ils ont ensuite examiné le contenu de la carte mémoire du téléphone pour tenter d'en retrouver le propriétaire. Cette opération a révélé que l'appareil appartenait à E._, ainsi que la présence de deux vidéos qui ont été visionnées. Le visionnage du film nommé "Vidéo025.mp4" a permis de constater que, le 12 mai 2010 à 8 h 16, une personne commettait des infractions à la loi sur la circulation routière en roulant à plus de 200 km/h (au lieu des 120 km/h autorisés) sur l'autoroute A5 entre Yverdon et Grandson en direction de Neuchâtel.
Interpellé, E._ a indiqué, lors de son audition du 12 août 2010 par la police neuchâteloise, que le Natel retrouvé était le sien et qu'il était
"[...] la personne (...) au volant de cette voiture à plus de 200 km/h [...]"
. Il a encore précisé qu'il s'agissait de son véhicule de marque BMW 3201 cabrio, immatriculée à l'époque NE124587 (PV aud. 1, p. 2). Après avoir consulté son avocat, il a cependant refusé de signer le procès-verbal de cette audition. Ce film dure une minute et quarante-trois secondes. E._ filme tour à tour le compteur de son véhicule, les voitures qui le précèdent et son visage. Il roule à 130 km/h alors que la vitesse est limitée à 80 km/h, suivant le véhicule de couleur bleue de sa mère. Il s'exclame qu'il va lui montrer ce qu'est un excès de vitesse et accélère passant en 37 secondes de 130 à 200 km/h. Il roule environ 200 mètres à cette vitesse avant de ralentir et de rejoindre à 130 km/h une camionnette blanche.
Par ordonnance pénale du 29 novembre 2011, le Procureur de l'arrondissement du Nord vaudois a déclaré E._ coupable de violation grave des règles de la circulation routière (I), l'a condamné à 60 jours-amende à
15 fr. le jour (II), a révoqué le sursis accordé à l'intéressé le 15 septembre 2009 (III), et a mis les frais de procédure, par 450 francs, à la charge de ce dernier (IV).
3.2
Renvoyé devant le premier juge à la suite de son opposition à cette ordonnance pénale, E._ a refusé de répondre aux questions sur les faits de la cause en se prévalant, en bref, du caractère non exploitable des preuves retenues pour fonder sa culpabilité. Il a été suivi par le tribunal qui l'a libéré. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP; Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0) contre le jugement d'un tribunal ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel du Ministère public est recevable. Il y a lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon
l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Le premier juge considère que les preuves retenues à la charge du prévenu ont été obtenues illégalement et ne sont pas exploitables, que ce soit selon la jurisprudence du Tribunal fédéral applicable avant l'entrée en vigueur, le 1
er
janvier 2011, du code de procédure pénale suisse que sous l'égide dudit code. Ce point de vue est contesté par le Ministère public, qui en outre soutient dans son appel que la question de l'exploitabilité de l'enregistrement vidéo établissant la culpabilité du prévenu doit être tranchée à la lumière de l’art. 141 al. 2 CPP.
4.
4.1
Conformément à l’art. 448 al. 1 CPP, les procédures pendantes au moment de l’entrée en vigueur du présent code se poursuivent selon le nouveau droit, à moins que les dispositions qui suivent en disposent autrement. Cette règle générale de droit transitoire exprime la volonté du législateur d'appliquer le plus rapidement possible – sous réserve des normes dérogatoires expresses et des exceptions exigées par la continuité de l'application du droit matériel – les nouvelles règles de procédure, soit du droit formel (Message relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, ch. 2.12.2.1, FF 2006 p. 1334; ATF 115 Il 97 c. 2c, p. 101; TF 6B_428/2011 du 21 novembre 2011 c. 2.2.2 et la doctrine citée).
Ainsi, les preuves réunies précédemment en conformité avec le droit cantonal, la Constitution et les engagement internationaux de la Suisse demeureront exploitables même si leur obtention est contraire au nouveau droit
(Renate Pfister-Liechti in Kuhn/Jeanneret Ed., Commentaire Romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011 n. 4 ad art 139-141 CPP, p. 1952, Hanspeter Uster, in Basler Kommentar, Basel 2011, n. 4 ad art. 448 al. 2 CPP p. 2914; TF 6B_337/2011 du 10 janvier 2012; TF 6B_141/2011 du 23 août 2011). En revanche, la non-conformité préexistante du moyen ordonné sous l’ancien droit perdure, même si le nouveau droit admet ce moyen. Ainsi, une preuve illégale et inexploitable sous l’ancien droit ne devient pas licite même si le nouveau droit admet son exploitabilité (Joe Pitteloud, Code de procédure pénale suisse, Zurich/St-Gall 2012 n. 1417, p. 932 et réf. cit.).
4.2
Dès lors que l'excès de vitesse et la découverte de la vidéo du Natel du prévenu ont eu lieu en 2010, soit avant l'entrée en vigueur – au 1
er
janvier 2011 – du CPP, il n'y a pas lieu d'appliquer le nouveau droit de procédure pénale.
5.
5.1
Avant le 1
er
janvier 2011, la question de l’exploitation des moyens de preuve obtenus illégalement n’était pas codifiée. Elle était réglée par la jurisprudence, notamment, dans un arrêt paru aux ATF 137 I 218 et traduit au
JT 2011 I 354. Le Tribunal fédéral y a examiné la condamnation d’un automobiliste qui avait commis de nombreuses infractions graves et simples aux règles de la circulation routière (excès de vitesse, dépassement des véhicules par la droite, distance insuffisante des véhicules, franchissement des surfaces interdites au trafic ainsi que d’une ligne de sécurité). Cet automobiliste avait été filmé au moyen d’une caméra durant toute la course par son passager avant. La caméra avait été perdue puis remise à la police municipale qui avait visionné les données enregistrées pour identifier son propriétaire. La police était alors tombée sur deux films qui montraient la course reprochée au recourant. Interpellé, le prévenu avait commencé par nier les faits, mais avait avoué après avoir vu la vidéo retrouvée dans la caméra, aucun autre moyen de preuve ne lui ayant été présenté. Cela avait conduit à l’ouverture d’une procédure pénale, puis à la condamnation du chauffard. Ce dernier a recouru au Tribunal fédéral qui a admis son recours.
Dans ses motifs, la Haute Cour rappelle
que les mesures de contrainte destinées à découvrir la vérité matérielle nécessitent une base légale, qu'elles doivent reposer sur un intérêt public et être proportionnées à l’infraction à élucider
(cf. c. 2.3.2.3.1). Dans l'affaire examinée, c'est en cherchant à retrouver le propriétaire de caméra que la police était tombée par hasard sur la vidéo compromettante; il n'y avait alors aucune enquête ouverte, aucun soupçon d'infraction contre le recourant ou contre un tiers. Dans ces conditions, cette découverte ne découlait pas de l'utilisation licite de mesures de contrainte du droit de la procédure pénale, qui présupposent un soupçon initial suffisant (c.2.3.2). Le visionnage de la vidéo avait en outre eu lieu sans la permission de l'ayant droit et sans autorisation légale. Cette preuve avait donc été obtenue illicitement.
Le droit constitutionnel exclut l'utilisation de preuves obtenues illicitement, mais une exception à ce principe est possible lorsqu'il s'agit d'élucider des infractions graves (c. 2.3.4), à savoir des cas de criminalité dure. Ce sont avant tout les crimes qui entrent dans cette catégorie (c. 2.3.5.2). En cas d'infraction grave donc, l'intérêt public à la manifestation de la vérité l'emporte sur l'intérêt privé à ce que la preuve ne soit pas obtenue. Dans l'affaire examinée, on reprochait au recourant d'avoir violé plusieurs règles de la circulation routière et créé un danger sérieux pour la sécurité du trafic, soit d'avoir commis des infractions passibles d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire, lesquelles étaient relativement graves et ne relevaient pas de la criminalité dure (c. 2.3.5.2). L’intérêt privé du recourant à ce que la preuve litigieuse ne soit pas exploitée devait donc l'emporter. Le fait de se fonder sur des prises de vue obtenues illégalement ne résistait ainsi pas au droit à un procès équitable et l'utilisation de cette preuve était interdite (c. 2.3.5.5). Ce caractère inexploitable s'étendait également aux aveux obtenus sur la base de cette preuve originelle illégale, et qui n'auraient pas pu être faits sans elle (c. 2.4.2). En définitive, les enregistrements litigieux (le film) et les moyens de preuve obtenus grâce à ceux-ci (les aveux) n'auraient pas dû être utilisés dans le cadre de l'établissement des faits de la cause et la condamnation du recourant violait le droit fédéral (c. 2.5).
5.2
Le cas d'espèce n'est guère différent de celui qui vient d'être évoqué. Les investigations faites par la police neuchâteloise au début du mois de mai 2010 étaient sans lien avec une infraction à élucider. Il était question de retrouver le propriétaire d'un téléphone portable perdu puis ramené au poste de police par un agent de sécurité. Cette information aurait pu être trouvée à l'aide du numéro figurant sur la carte SIM de l'appareil (P. 31/2), sans plus ample investigation. C'est donc en violation des normes protégeant la sphère privée du prévenu que les policiers neuchâtelois ont fouillé la mémoire du téléphone, puis procédé au visionnage et à la copie de la vidéo compromettante. Dès lors que les agissements de E._ – que celui-ci a admis (PV aud. 1 p. 2) – n'auraient jamais pu être connus par un autre moyen, le film et les aveux faits grâce à lui, obtenus illicitement, n'étaient, en principe, pas exploitables (cf. supra, ATF 137 I 218/JT 2011 I 354, op. cit. c. 2.3.5.5 et 2.4.2). La référence à l'art. 720 CC dont se prévaut le Ministère public en audience ne change rien à ce qui précède. Cette disposition ne saurait, en effet, fonder d'autres démarches que celles strictement indispensables et utiles à la recherche du propriétaire d'un objet trouvé (cf. al.1).
En outre, on ne saurait s'écarter de la jurisprudence précitée
(ATF 137 I 218 c 2.3.5.2) selon laquelle des infractions graves de la circulation routière ne sont pas suffisantes pour que l'intérêt public à la manifestation de la vérité l'emporte sur l'intérêt privé de l'intéressé à ce qu'une preuve obtenue illégalement soit exploitée. On précisera néanmoins que les dispositions de la loi sur la circulation routière modifiées au 1
er
janvier 2013, qui sont plus sévères et qui ne s'appliquent pas au cas d'espèce, n'impliqueraient peut-être pas la même balance des intérêts. En l'absence d'autres éléments à charge, la condamnation pénale de E._ était infondée, et c'est à bon droit que l'autorité de première instance l'a libéré du chef d'accusation de violation grave des règles de la circulation routière.
En définitive, l'appel du Ministère public est mal fondé et doit être rejeté.
5.3
E._ fait l'objet d'une procédure administrative auprès du Service des automobiles du Canton de Neuchâtel, laquelle est suspendue jusqu'à droit connu dans la présente cause.
Selon la jurisprudence fédérale rendue en matière de retrait de sécurité du permis de conduire (TF 1C_201/2012 du 12 décembre 2012), une preuve illicite peut être prise en considération à titre d'indice fondant la mise en œuvre d'un examen de l'aptitude à conduire avec sécurité un véhicule à moteur pour des raisons caractérielles.
Il appartiendra ainsi au Service des automobiles du canton de Neuchâtel de déterminer si un tel examen s'impose compte tenu des antécédents de E._ et de l'important excès de vitesse qu'il a fait, selon ses propres déclarations, pour montrer à sa mère de quoi il était capable.
5.4
On relèvera encore que si les preuves litigieuses ne peuvent fonder une condamnation pénale, elles révèlent un comportement illicite et fautif du prévenu qui est à l'origine de la présente procédure. C'est dès lors à bon droit que le tribunal l'a condamné aux frais nonobstant son acquittement, et a refusé de lui allouer une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits au sens de l'art. 429 al. 1 let. 1 CPP (art. 426 al. 2 CPP et ATF 137 IV 352 c. 2.4.2).
Vu le sort de l'appel du Ministère public, une telle indemnité
doit lui être accordée, à la charge de l'Etat, pour ses frais de seconde instance (TF 6B_753/2011 du 14 août 2011 c. 1 et CAPE 30 juillet 2012/190 c. 4.2). Son conseil a produit une liste des opérations faisant état de 9 h 15 d'activité à 285 fr. l'heure, 30 fr. de frais et débours, plus 8 % de TVA, soit un total de 2'847 francs. Compte tenu de l'ampleur de la procédure, cette indemnité doit être fixée à
1'365 francs, ce qui correspond à 1 h 30 de conférence avec le client, 1 h 30 de préparation d'audience, et 1 h 30 d'audience à 270 francs l'heure, TVA comprise. Il ne se justifie, en effet, pas de rétribuer 2 h 30 de conférence avec un client dont la ligne de défense consiste à garder le silence et 2 h 30 de recherches juridiques qui ont déjà été faites en première instance. Les frais de 30 fr. doivent être alloués, ainsi qu'une indemnité forfaitaire de déplacement de 120 francs (CAPE 5 février 2013/43 c. 3.3 et réf. cit).
5.5
L'appel du Ministère public ayant été rejeté, les frais de seconde instance doivent être également mis à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
86c318b2-6a4c-4f3f-8a1b-ca8f9d785923 | En fait :
1.
A.S._, né en [...], a obtenu le brevet d'avocat en [...] 1960. Il est inscrit au registre cantonal des avocats vaudois depuis cette date sans avoir fait l'objet d'une sanction ou d'une mesure disciplinaire.
2.
B.S._, épouse de A.S._, a été transférée à l’Hôpital B._ le 27 mars 2012. Ayant une blessure à la jambe, plâtrée suite à deux fractures, elle devait faire l'objet d'un changement de pansement le 31 mars 2012. Ce jour-là, l'infirmière P._ a avisé la patiente que le médecin ne voulait pas se déplacer pour effectuer le changement de pansement, n’ayant pas le temps, et qu’il invitait l’infirmière à s'en charger, ce qu'elle a dès lors fait.
Lorsque A.S._ est venu rendre visite à son épouse le même jour, il a rencontré l'infirmière P._, venue s'enquérir de l'état de la patiente. Il lui a alors demandé si elle trouvait normal que le médecin ne soit pas venu procéder au changement de pansement. Selon A.S._, l'infirmière aurait alors déclaré qu’elle considérait le comportement du médecin, au vu du dossier de la patiente, comme un manque d’éthique, pour ne pas dire une négligence.
Par lettre rédigée le 2 avril 2012 sur du papier à l’en-tête de son étude, A.S._ a signalé les faits précités à l'Hôpital B._ en ces termes (ndr : le nom de la patiente a été remplacé dans la reproduction de cette correspondance par la lettre « P ») :
« Monsieur le Président,
Je me permets de vous exposer ce qui suit :
1) Sur ordre du Dr. [...] intervenant à la Clinique [...], « P » a été transférée à votre hôpital le mardi 27 mars écoulé.
2) Des instructions ont été données par le prénommé au médecin de votre établissement chargé de suivre le cas.
3) « P » ayant une blessure à la jambe plâtrée suite à deux fractures, devait faire l’objet d’un changement de pansement sous l’autorité du médecin samedi 31.03.2012.
4) L’infirmière en charge de « P » ce jour-là, Mme P._, a avisé « P » que le médecin Dr R._ ne voulait pas se déplacer, n’ayant point le temps, et qu’il invitait ainsi à faire le travail elle-même, ce qu’elle a fait.
5) La prénommée a fait part à « P » ainsi qu’à moi-même de ce comportement, qu’au vu du dossier de la patiente elle considère comme un manque d’éthique, pour ne pas dire une négligence.
Je tenais expressément à vous informer de ce qui précède, puisque l’infirmière a été choquée de l’attitude de votre médecin, tout comme « P » et moi-même. Je vous saurais donc gré de veiller pour que cela ne se reproduise pas, toutes réserves étant faites.
... »
Par courriel du 4 avril 2012, P._ a adressé un rapport circonstancié à sa supérieure sur les événements du 31 mars précédent. Elle a notamment indiqué avoir répondu à Me A.S._ qu'elle ne trouvait "pas éthique" que le médecin ne se soit pas déplacé pour le changement de pansement. Elle a en revanche contesté avoir parlé de négligence,
« car je ne me permettrais pas de porter un jugement sur un médecin »
. P._ a été remerciée "pour ce rapport précis".
L'Hôpital B._ a répondu à Me A.S._ par lettre du 5 avril 2012. Il a expliqué que le médecin avait examiné la plaie de B.S._ le 28 mars 2012 et que le changement de pansement du week-end avait été planifié selon une procédure de routine, chaque infirmière étant formée et habilitée à effectuer un tel pansement. En conséquence, l'Hôpital ne relevait aucune négligence ni aucun manquement à l'éthique médicale. Tout au plus retenait-il "une situation déstabilisante pour l'infirmière en charge qui, mise devant des reproches infondés, n'a[vait] pas su s'exprimer avec le recul nécessaire dans les réponses qu'elle a[vait] pu apporter à [ses] demandes et à celles de [son] épouse".
Par courrier du 23 octobre 2012, l'Hôpital B._, sous la signature de son directeur général D._, a licencié l’infirmière P._ avec effet immédiat en invoquant de justes motifs, soit notamment des événements survenus après le licenciement de sa partenaire enregistrée Z._. Il lui a également reproché, en se référant à la lettre de A.S._ du 2 avril 2012, son "manque de loyauté flagrant, ainsi que le non-respect du devoir de discrétion" dont elle avait fait preuve lors d’un incident survenu au mois de mars 2012, lorsqu’elle avait publiquement, en présence de la patiente B.S._ et de son mari A.S._, désavoué le corps médical et les instructions reçues de celui-ci. Enfin, il a évoqué un avertissement donné le 20 juillet 2011.
Suite à son licenciement, P._ a consulté Me A.S._ et ouvert action contre la Fondation B._ devant le Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois par demande du 18 avril 2013, soutenant que son licenciement immédiat était injustifié et qu’elle avait droit à son salaire et à diverses indemnités.
Durant la procédure, la Fondation B._, dont le conseil est l’avocat N._, a requis l’audition de A.S._ et de son épouse en qualité de témoins, sur les questions de savoir si celui-ci avait exercé une pression insurmontable sur P._ pour obtenir son avis à propos du choix du médecin ou si l’infirmière s’était au contraire exprimée spontanément à ce sujet, et pour savoir si elle avait uniquement parlé d’un manque d’éthique ou également d’une négligence du médecin.
Le 11 avril 2014, le Président du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois a ordonné l’assignation et l’audition à l’audience de jugement du 20 août 2014 de A.S._ et de son épouse en qualité de témoins.
Par courrier du 21 mai 2014, Me A.S._ a invoqué le secret professionnel absolu de l’avocat et annoncé qu’il refuserait de témoigner. Il a notamment écrit ce qui suit:
« Il est exact que la lettre recommandée de licenciement abrupt du 23.10.2012 (pièce 23) fait état de l'incident survenu le 31.3.2012 se rapportant aux protestations de Mme B.S._ pour qui j'étais intervenu en ma qualité de conseil. Cet événement est invoqué dans la réponse à l'appui de la décision de renvoi. Il s'en suit que les dites circonstances et les allégués qui en ont découlé dans la réplique et dans la duplique font partie des informations dont l'avocat prend connaissance et qui sont en rapport direct avec l'exécution du mandat qui m'a été confié par la demanderesse. Toutes ces informations sont couvertes par le secret professionnel. »
Me A.S._ a dès lors sollicité sa dispense de comparution, qui lui a été accordée par courrier du tribunal du 28 mai 2014.
3.
Le 13 janvier 2014, Me N._ a saisi le Bâtonnier de l'Ordre des avocats vaudois, faisant valoir que sa cliente entendait faire entendre Me A.S._ mais que cette audition était incompatible avec le fait qu'il demeure le conseil d'P._. Il a également allégué que Me A.S._ pourrait avoir un intérêt personnel au litige.
Le 3 avril 2014, le Bâtonnier de l'Ordre des avocats a invité Me A.S._ à se démettre sans tarder de son mandat. Il a considéré que cet avocat n'était certes pas en conflit d'intérêts au sens de l'art. 12 let. c de loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (RS 935.61; ci-après: LLCA), mais qu'il avait perdu son indépendance au sens de l'art. 12 let. b LLCA du fait que, pour une raison justifiée, lui et son épouse seraient appelés à témoigner dans un procès où sa cliente était partie. Me A.S._ a refusé de renoncer à son mandat.
4.
Par lettre du 26 mai 2014, Me N._ a dénoncé à la Chambre des avocats le cas de l’avocat A.S._ et requis qu'il soit sommé de se démettre de ses mandats en faveur d'P._ et Z._, avec effet immédiat. En effet, Me A.S._ est également le conseil de Z._, partenaire enregistrée d'P._, dans le cadre d'un procès l'opposant à la Fondation B._ et portant lui aussi sur son licenciement avec effet immédiat. Me N._ a fait valoir que Me A.S._ violait son devoir d'indépendance, voire se trouvait en conflit d'intérêts. Il a expliqué que sa mandante avait licencié avec effet immédiat P._ en invoquant non seulement des événements dont elle avait eu connaissance immédiatement avant le licenciement, valant à eux seuls juste motif de licenciement avec effet immédiat, mais également un avertissement formel daté du 20 juillet 2011 et une faute professionnelle commise en avril 2012, dans une situation impliquant B.S._ et son mari. Il a ajouté que dans le cadre de la procédure, P._ admettait avoir déclaré à A.S._ que le médecin avait manqué d'éthique professionnelle en refusant de se déplacer pour examiner la plaie au moment du changement de pansement ; elle faisait valoir qu'elle avait formulé cette appréciation à la suite de l'insistance avec laquelle A.S._ lui avait demandé de prendre position à ce sujet ; elle contestait en revanche avoir parlé d'une négligence du médecin. La Fondation B._ entendait donc faire porter l'instruction sur les questions de savoir si A.S._ avait exercé une pression insurmontable sur P._ pour obtenir son avis et si elle avait parlé ou non d'une négligence du médecin. Me A.S._ se retranchait toutefois derrière le secret professionnel de l’avocat pour ne pas témoigner.
Par déterminations du 13 juin 2014, Me A.S._, représenté par Me Dominique Brandt, a conclu au rejet des conclusions prises par Me N._. Invoquant le fait qu’il ne se trouvait pas en situation de conflits d’intérêts ni de manque d’indépendance, il a également contesté la compétence de la CAVO de prononcer une interdiction de postuler.
Les parties ont répliqué et dupliqué les 22 et 29 juillet 2014.
Par décision du 7 août 2014, sur requête de Me N._, le Président du Tribunal de l'arrondissement de l'Est vaudois a suspendu le procès en conflit du travail opposant P._ à la Fondation jusqu'à droit connu sur la décision de la Chambre des avocats. Me A.S._, au nom d’P._ a recouru contre cette décision devant la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal vaudois.
P._ a déclaré s'opposer à ce que Me A.S._ soit dessaisi de son mandat par courrier du 25 août 2014.
Le 29 août 2014, Me A.S._, invoquant le dépôt de son recours, a requis la suspension de la procédure devant la Chambre des avocats.
Par courrier du 1
er
septembre 2014, Me N._ a déclaré s'opposer à la suspension de cause requise par Me A.S._.
Le 24 septembre 2014, le Président de la Chambre des avocats a ouvert une enquête contre Me A.S._ et indiqué qu'il n'y avait en l'état pas lieu de suspendre la procédure ouverte devant la Chambre des avocats. Il a confié le soin de procéder à l'audition préliminaire des parties et de tenter la conciliation à Me Philippe-Edouard Journot.
Entendu par le membre instructeur le 27 octobre 2014, Me A.S._ a expliqué avoir été mandaté par P._ après son licenciement, vraisemblablement en octobre 2012. Il a précisé considérer que le licenciement abrupt de sa cliente n'était pas fondé sur l'incident du 31 mars 2012, lequel était irrelevant pour un tel congé, que la motivation du licenciement était autre et que cet événement n'avait fait l'objet d'aucune réprimande pour sa cliente. Cette dernière estimait d'ailleurs elle-même que la lettre du 2 avril 2012 ne pouvait avoir eu une incidence sur son licenciement abrupt. Pour le surplus, Me A.S._ a ajouté qu'il refuserait de témoigner quelles que soient les circonstances, en se prévalant du secret professionnel, et que sa cliente souhaitait qu'il poursuive le mandat.
Me N._ a pour sa part été entendu le 3 novembre 2014. Il a indiqué que la lettre de sa mandante du 5 avril 2012 contenait des éléments ayant contribué au licenciement d'P._, soit le reproche qui lui avait été fait d'avoir manqué de recul dans les réponses qu'elle avaient apportées aux demandes des époux [...] s'agissant du traitement dispensé par le Dr R._ à B.S._. Pour le surplus, Me N._ a déclaré qu'il n'y avait pas de conciliation possible.
Par décision du 21 novembre 2014, le Président de la Chambre des avocats a renvoyé Me A.S._ devant dite Chambre en application de l'art. 54 al. 2 LPAv, pour violation éventuelle de l’art. 12 let. b LLCA.
Par arrêt du 13 novembre 2014, la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal a rejeté le recours formé par P._ contre la décision de suspension de la procédure rendue le 7 août 2014 par le Président du Tribunal civil d’arrondissement de l’Est vaudois.
Un second recours contre une décision du Président du Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois a été déposé par Me A.S._ devant la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal. Le 24 novembre 2014, le Président de cette cour a décidé de suspendre l’instruction du recours jusqu’à droit connu dans la procédure pendante devant la Chambre des avocats.
Me A.S._ a été entendu le 17 décembre 2014 par la Chambre des avocats, assisté de son conseil Me Dominique Brandt. Me N._ a aussi été entendu. Les parties ont persisté dans leurs conclusions. | En droit :
I.
La Chambre des avocats est saisie d'une requête visant à sommer Me A.S._ de se démettre de ses mandats en faveur d'P._ et Z._, avec effet immédiat, au motif qu'il violerait son devoir d'indépendance, voire se trouverait en conflit d'intérêts.
a)
La surveillance des avocats se fonde sur la LLCA et sur la loi vaudoise du 24 septembre 2002 sur la profession d'avocat (RSV 177.11; ci-après: LPAv). La LLCA fixe les principes applicables à l'exercice de la profession d'avocat en Suisse (art. 1 LLCA) et, en particulier, les règles professionnelles auxquelles l'avocat est soumis (art. 12 LLCA). Chaque canton désigne une autorité chargée de la surveillance des avocats qui pratiquent la représentation en justice sur son territoire (art. 14 LLCA). Dans le canton de Vaud, c'est la Chambre des avocats qui est l'autorité compétente (art. 9 al. 1 LPAv). Elle se saisit d'office, sur plainte ou sur dénonciation, de toute question concernant l'activité professionnelle d'un avocat (art. 10 al. 1 LPAv).
b)
En l'espèce, il convient d'examiner si le dénoncé a violé ses obligations professionnelles et, dans un tel cas, si la Chambre des avocats est compétente pour lui enjoindre de cesser de représenter ses clientes, comme le requiert Me N._.
II.
Parmi les règles professionnelles que doit respecter l'avocat, l'art. 12 LLCA prévoit que celui-ci doit exercer son activité professionnelle en toute indépendance, en son nom personnel et sous sa propre responsabilité (let. b) et éviter tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé (let. c). L'avocat est en outre soumis au secret professionnel pour toutes les affaires qui lui sont confiées par ses clients dans l'exercice de sa profession (art. 13 al. 1 LLCA).
a)
L'indépendance est un principe essentiel de la profession d'avocat. Celui-ci doit être en tout temps libre à l’égard des autorités et des tribunaux, de l’opinion et des tiers, ainsi que de ses clients (Matile, L'indépendance de l'avocat, in: L'avocat moderne, Mélanges publiés par l'ordre des avocats vaudois à l'occasion de son centenaire, Bâle 1998, pp. 207 ss). S’il vient à perdre cette indépendance, on ne peut plus être sûr qu’il exercera convenablement son activité et qu’il n’utilisera pas sa position à des fins étrangères à la procédure. C’est le rôle de garant de l’Etat de droit de l’avocat qui justifie le principe (Bohnet/Martenet, Droit de la profession d’avocat, Berne 2009, n. 1366 p. 566). Le client qui s'adresse à un avocat doit ainsi pouvoir admettre que celui-ci est libre de tout lien, de quelque nature que ce soit et à l'égard de qui que soit, qui pourrait restreindre sa capacité de défendre ses intérêts, dans l'accomplissement du mandat qu'il lui confie. L'avocat ne doit notamment pas se trouver dans la dépendance économique de son client. Il peut en aller ainsi, dans certaines situations, lorsqu'il est le débiteur ou le créancier de son client. En effet, spécialement dans le premier de ces cas, l'avocat risque de perdre sa position d'interlocuteur critique de son client, qui lui est indispensable pour se garder de procédés inutiles, dommageables ou sans objet (TF 2C_889/2008 du 21 juillet 2009 c. 3.1.2).
L'interdiction de plaider en cas de conflit d'intérêt est une règle tout aussi importante, qui découle de l'obligation d'indépendance ainsi que du devoir de diligence de avocat (TF 2C_889/2008 du 21 juillet 2009 précité, c. 3.1.3; Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1395 p. 576). L'avocat a le devoir d'éviter la double représentation, c'est-à-dire le cas où il serait amené à défendre les intérêts opposés de deux parties à la fois, car il n'est alors plus en mesure de respecter pleinement son obligation de fidélité et son devoir de diligence envers chacun de ses clients (TF 1B_376/2013 du 18 novembre 2013 c. 3; Chappuis, La profession d'avocat, Tome I, 2013, p. 71). Même si cela ne ressort pas explicitement du texte de l'art. 12 let. c LLCA, il est incontesté que cette disposition doit aussi éviter les conflits entre les propres intérêts de l'avocat et ceux de son client (TF 2C_889/2008 du 21 juillet 2009 précité, c. 3.1.3; TF 2P.318/2006 du 27 juillet 2007 c. 11.1). Devant défendre les intérêts de ce dernier, l'avocat doit en particulier veiller à ne pas se laisser influencer par ses intérêts personnels: il doit refuser une cause dans laquelle ses intérêts propres sont en jeu (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1449 p. 592). Un risque théorique et abstrait de conflit d'intérêt ne suffit pas: le risque doit être concret (ATF 135 II 145 c. 9.1; ATF 134 II 108 c. 4.2).
Enfin, l'avocat est tenu au secret professionnel. Compte tenu de son importance primordiale, le secret professionnel est protégé par le droit conventionnel et constitutionnel et sa violation est sanctionnée par le droit professionnel, le droit pénal et le droit privé (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1789 p. 739). Le justiciable doit pouvoir compter sur la discrétion de son mandataire: s'il ne lui fait pas confiance, il ne pourra l'informer de tout ce qui a de l'importance et il sera difficile voire impossible pour l'avocat de bien conseiller son client et de l'assister efficacement. Toute tâche de l'avocat accomplie en sa qualité de mandataire est ainsi soumise au secret (Bohnet/Martenet, op. cit., nn. 1805 et 1818). Est secret ce que l'avocat apprend dans l'exercice de son mandat et qui présente un certain rapport avec sa profession, même s'il est fort ténu. Le secret porte sur les faits révélés par le client ou par tout tiers, fût-ce la partie adverse. Il concerne ainsi non seulement les faits confiés à l’avocat mais aussi ceux surpris par lui dans l’exercice de sa profession, y compris à l’insu de son client (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1841). Le secret professionnel ne porte pas sur les faits dont l’avocat a eu connaissance à titre privé, à moins qu’ils ne lui aient manifestement été communiqués en sa qualité d’avocat (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1846).
b)
S'agissant du conflit d'intérêt invoqué par le requérant, il ne paraît pas suffisamment concret pour dénier à Me A.S._ sa capacité de postuler. En acceptant de défendre P._ dans le cadre de la procédure l'opposant à la Fondation B._, Me A.S._ ne poursuit à l'évidence pas un intérêt personnel opposé à celui de sa cliente, laquelle a choisi librement son mandataire. L'art. 12 let. c LLCA vise à protéger les intérêts du client de l'avocat concerné, voire de l'ancien client, mais non les intérêts de la partie adverse, si celle-ci n'est pas un ancien client (TF 1B_420/2011 du 21 novembre 2011 c. 1.2.1). En l'espèce, on ne saurait dès lors admettre l'existence d'une violation de cette disposition.
c)
On doit en revanche admettre que Me A.S._ n'exerce plus son activité professionnelle en tout indépendance dans le cadre de son mandat de conseil d'P._.
En premier lieu, il convient de constater que c'est en qualité de mari que Me A.S._ se trouvait dans la chambre d'hôpital de son épouse le 31 mars 2012 et qu'il s'est adressé à l'infirmière P._. Les déclarations de celle-ci lui ont été transmises à titre personnel, en tant qu'époux de B.S._, patiente de l'hôpital, et non dans le cadre d'un mandat d'avocat soumis au secret professionnel. Me A.S._ n'était pas l'avocat de son épouse et il n'a pas agi en tant que tel lors de la rédaction de son courrier du 2 avril 2012 à l'Hôpital B._. Peu importe à cet égard que cet avocat ait rédigé sa missive sur du papier à l’en-tête de son Etude. Après réception de la réponse de l'hôpital, Me A.S._ n'a d'ailleurs pas donné suite aux événements survenus en mars/avril 2012. Les allégations de Me A.S._ figurant dans son courrier du 21 mai 2014, selon lesquelles il était le conseil de son épouse, paraissent donc clairement avoir été élaborées dans le but de faire échec à sa demande d'audition en qualité de témoin. Un tel procédé est déjà de nature à faire douter de l'indépendance de l'avocat qui y recourt.
Mais ce n’est pas tout. Le 2 avril 2012 donc, Me A.S._ est intervenu personnellement auprès de l'Hôpital B._, en qualité de mari de B.S._, pour se plaindre du comportement d'un médecin, sur la base de propos qui auraient été tenus par l'infirmière de son épouse P._ le 31 mars précédent. Celle-ci a été licenciée avec effet immédiat le 23 octobre 2012, en rapport avec des événements survenus juste avant le licenciement, ainsi qu'en référence à un avertissement donné en juillet 2011 et à l'incident survenu le 31 mars 2012. P._ a ensuite consulté Me A.S._. Dans la procédure en cours contre la Fondation, le témoignage des époux [...] a été requis. Me A.S._ estime, avec sa cliente, que son courrier du 2 avril 2012 en référence à l'événement du 31 mars précédent n'a pas fondé le licenciement immédiat et qu'il est totalement irrelevant pour un tel congé abrupt. Me A.S._ soutient que le témoignage de son épouse en qualité de témoin ne se justifie dès lors pas. Pour ce qui le concerne, il invoque le secret professionnel absolu de l'avocat.
Il n'appartient pas à la Chambre des avocats de préjuger le fond du litige qui oppose la cliente de Me A.S._ à la Fondation pour déterminer si l'incident du 31 mars 2012 et le courrier du 2 avril 2012 sont pertinents ou pas pour fonder le licenciement immédiat d'P._. Lorsqu'il statue sur l'existence de justes motifs pour examiner si un licenciement immédiat est justifié, le juge se prononce à la lumière de toutes les circonstances (ATF 127 III 153 c. 1c). La cour de céans n'a dès lors pas à trancher la question de savoir si le témoignage des époux [...] est pertinent, hors le cas d'un abus de droit qui serait manifeste et qui viserait à requérir leur audition dans l’unique but de pousser Me A.S._ à renoncer à son mandat, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Si B.S._ est entendue en qualité de témoin, dans une procédure dans laquelle son mari est conseil d'une partie, il en résulte manifestement un certain malaise, lequel peut être préjudiciable aux intérêts de la cliente dans le cadre de l'appréciation des preuves. Quant au secret professionnel invoqué par Me A.S._, comme il a été relevé ci-dessus, il ne vaut pas s'agissant de faits dont l'avocat a eu connaissance à titre privé, dans la chambre d'hôpital de son épouse. Le fait que Me A.S._ se retranche derrière le secret professionnel absolu de l'avocat alors que les faits en question ne relèvent clairement pas d'un tel secret permet déjà d'émettre des doutes sur son objectivité. Son audition en qualité de témoin n'apparaît au demeurant pas possible tant qu'il continue à assurer la défense d'P._. On ne voit en effet pas que l'avocat qui entend les différents témoins aux côtés de sa cliente quitte sa place pour témoigner lui-même.
Pour le surplus, P._ s'est vu reprocher dans sa lettre de licenciement immédiat son "manque de loyauté flagrant, ainsi que le non-respect du devoir de discrétion" dont elle a fait preuve lorsqu’elle a publiquement, en présence de la patiente B.S._ et de son mari A.S._, "désavoué le corps médical et les instructions reçues de celui-ci". Me A.S._ est ainsi appelé, dans le cadre de la défense de sa cliente, soit à refuser de se prononcer sur les événements du 31 mars 2012, soit à invoquer que sa cliente n'a pas tenu les propos que lui-même lui a imputés dans son courrier privé du 2 avril 2012 et sur lesquels il refuse de témoigner. Dans le premier cas, s'il n'appartient pas à la cour de céans de déterminer si Me A.S._ aurait tort ou raison de refuser de plaider le déroulement des événements de mars/avril 2012 au motif qu'ils seraient irrelevants pour le licenciement immédiat en cause, un doute subsisterait néanmoins sur la raison qui pousserait Me A.S._ à ne pas plaider ces événements: stratégie de défense ou motif personnel. Dans le second cas, il y aurait manifestement un malaise à entendre Me A.S._ plaider que sa cliente conteste les propos qu'il lui a imputés non pas comme mandataire mais à titre personnel le 2 avril 2012. L'appréciation des preuves et, partant, la défense de sa cliente, pourrait manifestement en pâtir.
Par surabondance, on notera que le ressentiment personnel de Me A.S._ contre la partie adverse, qui ressort de son courrier du 2 avril 2012, pourrait avoir des conséquences dans une éventuelle tentative de conciliation entre les parties. Il en résulte également un manque d'indépendance préjudiciable aux intérêts de sa mandante.
Au vu de ce qui précède, Me A.S._ n'a manifestement plus la distance nécessaire pour conduire la procédure aux côtés de sa cliente ; une violation de son devoir d'indépendance doit être constatée.
III.
Me N._ a requis la Chambre des avocats d'enjoindre Me A.S._ de se démettre de son mandat. Me A.S._ quant à lui ne conteste pas que l'obligation de renoncer à représenter un mandant en cas de conflit d'intérêt ou de perte d'indépendance constitue une règle cardinale de la profession d'avocat et que l'avocat qui enfreindrait une telle règle devrait se voir dénier la capacité de postuler. Il nie toutefois – outre la violation des règles professionnelles en cause – la compétence de la Chambre pour prononcer une interdiction de postuler. Le président du tribunal d'arrondissement a pour sa part suspendu le procès au fond jusqu'à droit connu sur la décision de la Chambre des avocats.
a)
Lorsqu'un avocat viole ses obligations professionnelles, il peut se voir sanctionner sur le plan disciplinaire (art. 12 et 17 LLCA). Il est généralement admis qu'en cas de conflit d'intérêts avéré ou de violation du devoir d'indépendance, l'avocat doit en outre se voir interdire de représenter son client. Cette injonction ne relève pas du droit disciplinaire, mais du contrôle de la capacité de postuler de l'avocat (ATF 138 II 162 c. 2.5.1; Chappuis, op. cit., pp. 111-113 et 121; Chappuis/ Pellaton, Conflits d'intérêts: autorité compétente pour en juger et voies de recours, in Revue de l'avocat 6-7/2012 p. 316, sp. p. 317; Bauer/Bauer, Commentaire romand, Loi sur les avocats, n. 16 ad art. 17 LLCA; Bohnet/Martenet, op. cit., nn. 1389-1390 p. 572 et 1465-1466 p. 596). L'interdiction vise à assurer la bonne marche du procès, notamment en s'assurant qu'aucun avocat ne soit restreint dans sa capacité de défendre son client (ATF 138 II 162 c. 2.5.2)
La LLCA ne désignant pas l'autorité compétente habilitée à empêcher de plaider l'avocat dans un tel cas, les cantons sont compétents pour la désigner. Ainsi, l'injonction consistant en l'interdiction de représenter une personne dans une procédure peut être prononcée, selon les cantons, par l'autorité de surveillance des avocats ou par l'autorité judiciaire saisie de la cause (ATF 138 II 162 c. 2.5.1; Bohnet/Martenet, op. cit., n. 2201 p. 897; Chappuis/Pellaton, op. cit., p. 321). Selon la plupart des auteurs, la compétence de prononcer une interdiction de postuler appartient à l'autorité saisie de la cause en l'absence de base légale expresse (Bohnet/Martenet, op. cit., nn. 1389 p. 572 et 1465 p. 596; Chappuis/Pellaton, op. cit., n. 3.1 p. 317; Bauer/Bauer, op. cit., n. 16 ad art. 17 LLCA).
Le Tribunal fédéral admet également qu'en l’absence d’une disposition expresse, il appartient au juge qui conduit le dossier et qui constate un conflit d’intérêts ou un défaut d’indépendance d’en tirer d’office les conséquences et de dénier à l’avocat la capacité de postuler en l’obligeant à renoncer à la défense en cause (ATF 138 II 162 c. 2.5.1). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a reconnu que la Commission du barreau genevoise était compétente pour prononcer l'interdiction de représenter une personne dans une procédure donnée. L'art. 14 LPAv-GE confie à la Commission du barreau les compétences dévolues à l’autorité de surveillance des avocats par la LLCA, ainsi que les compétences qui lui sont attribuées par la loi genevoise. L'art. 43 LPAv-GE en particulier prévoit que cette autorité statue sur tout manquement aux devoirs professionnels (al. 1) et peut prononcer des injonctions propres à imposer à l'avocat le respect des règles professionnelles (al. 3).
b)
Dans le canton de Vaud, la LPAv prévoit une compétence générale de la Chambre des avocats, "qui se saisit d'office, sur plainte ou sur dénonciation, de toute question concernant l'activité professionnelle d'un avocat" (art. 10 al. 1 LPAv). L’alinéa 2 de cette disposition réserve les compétences que la LPAv attribue à d’autres autorités. Selon l'exposé des motifs de la LPAv, la Chambre des avocats est compétente pour toute question qui concerne l’activité professionnelle d’un avocat et bénéficie ainsi d’une compétence générale pour toute question qui n’est pas dévolue à une autre autorité (EMPL de la profession d'avocat, in BGC 2002 3A p. 2511, sp. p. 2520). A cet égard, par exemple, les art. 5 al. 3 et 17 al. 1 LLCA confèrent à l'autorité de surveillance des compétences autres que simplement disciplinaires, soit en l’occurrence celle de tenir le registre cantonal des avocats et, partant, de vérifier que l'avocat remplit les conditions d'inscription au registre. Quant à la capacité de postuler d'un avocat dans une affaire donnée, elle concerne à l’évidence « l’activité professionnelle d’un avocat » ; elle est donc une "question" qui, en l’absence de compétence en la matière attribuée à une autre autorité par la LPAv, peut être soumise à l'examen de la Chambre des avocats et celle-ci peut, au terme de son examen et si elle estime que l'avocat ne respecte plus ses obligations professionnelles, lui enjoindre de les respecter en se dessaisissant de son mandat. D’ailleurs, l'art. 10 LPAv serait lettre morte si l'autorité de surveillance avait une compétence exclusivement disciplinaire en sus de la tenue du registre.
c)
En l'espèce, dès lors que la Chambre des avocats considère que Me A.S._ n'exerce plus son mandat en toute indépendance dans le cadre de la défense d'P._, elle est compétente pour lui enjoindre de cesser de la représenter.
S'agissant en revanche du mandat concernant Z._, la Chambre des avocats ignore tout de cette affaire. Le fait que l'intéressée soit la partenaire enregistrée d'P._ ne permet pas à ce stade d'admettre que Me A.S._ manque également d'indépendance à son égard. La cour de céans refuse dès lors de dénier à Me A.S._ sa capacité de postuler concernant ce mandat, faute d’éléments plus précis.
IV.
L'interdiction de représentation ordonnée dans un cas particulier ne relevant pas du droit disciplinaire, elle n'empêche pas le prononcé d'une sanction disciplinaire.
a)
L'art. 17 LLCA permet de prononcer, en cas de violation de la loi, l'avertissement, le blâme, une amende de 20'000 fr. au plus, l'interdiction de pratiquer pour une durée maximale de deux ans ou l'interdiction définitive de pratiquer.
Le droit disciplinaire a principalement pour but de maintenir l’ordre dans la profession, d’en assurer le fonctionnement correct, d’en sauvegarder le bon renom et la confiance des citoyens envers cette profession, ainsi que de protéger le public contre ceux de ses représentants qui pourraient manquer des qualités nécessaires. Les mesures disciplinaires ne visent pas, au premier plan, à punir le destinataire, mais à l’amener à adopter à l’avenir un comportement conforme aux exigences de la profession et à rétablir le fonctionnement correct de celle-ci (TF 2C_448/2014 du 5 novembre 2014, c. 4.2).
Le droit disciplinaire est soumis au principe de proportionnalité (ATF 108 Ia 230, JT 1984 I 21 ; Bohnet/Martenet, op. cit., n. 2178 p. 888 et les références citées; Montani/Barde, La jurisprudence du Tribunal administratif relative au droit disciplinaire, in RDAF 1996 p. 345, spéc. p. 347, pp. 363 ss ; Grisel, Traité de droit administratif, vol. I, p. 354 ; Muller, Le principe de la proportionnalité, in RDS 1978 II 197, spéc. p. 229) et à celui de l’opportunité (Montani/Barde, ibid.). La mesure prononcée doit tenir compte, de manière appropriée, de la nature et de la gravité de la violation des règles professionnelles. Elle doit se limiter à ce qui est nécessaire pour garantir la protection des justiciables et empêcher les atteintes au bon fonctionnement de l'administration de la justice. Il y a lieu de déterminer le but que la sanction disciplinaire doit atteindre dans le cas particulier et de choisir la mesure qui est apte, nécessaire et proportionnée à cette fin (Bohnet/Martenet, op. cit., nn. 2183-2184 p. 890). L'autorité de surveillance dispose d'une certaine marge d'appréciation (Kann-Vorschrift): elle n'est pas tenue d'ouvrir la procédure, de la continuer et, le cas échéant, de sanctionner les manquements constatés. Elle doit se laisser guider par les intérêts de la profession ainsi que par les exigences de la protection du public et jouit dès lors d'une grande liberté d'appréciation. Mais elle est tenue de respecter l'égalité de traitement, l'interdiction de l'arbitraire, ainsi que le principe de proportionnalité, et doit éviter tout excès ou abus du pouvoir d'appréciation qui lui est reconnu (Bauer, op. cit., nn. 17-18 pp. 225-226).
b)
En l’espèce, Me A.S._ a manqué à son devoir d'exercer ses activités professionnelles en toute indépendance. Lorsqu'il a été cité à comparaître pour témoigner des faits survenus le 31 mars 2012, Me A.S._ a fait valoir qu'il était intervenu en qualité de conseil de son épouse B.S._ (cf. sa lettre du 21 mai 2014) et a invoqué le secret professionnel absolu de l'avocat. Or, c'est à l'évidence en qualité de mari que Me A.S._ se trouvait auprès de son épouse le 31 mars 2012, et c'est également en cette qualité qu'il a écrit à l'Hôpital B._ le 2 avril 2012. Prétendre le contraire pour obtenir une dispense de comparution tend à démontrer que Me A.S._ avait déjà perdu son indépendance à ce moment-là. Un tel comportement est en effet de nature à entraver la confiance que le public doit avoir dans la profession d’avocat. Dès le moment où son audition et celle de son épouse ont été requises, Me A.S._ aurait donc dû s'interroger sur la possibilité de poursuivre son mandat en toute indépendance et y répondre par la négative. Par la suite, le Bâtonnier de l'ordre des avocats a constaté que Me A.S._ avait perdu son indépendance et l'a invité à se démettre de son mandat. L'intéressé a toutefois persisté et refusé de renoncer à son mandat. L'ouverture d'une enquête par la Chambre des avocats et le renvoi pour violation éventuelle de l’art. 12 let. b LLCA ne paraissent pas davantage avoir ébranlé Me A.S._ dans sa conviction qu'il est totalement indépendant, ce qui ne laisse pas d'inquiéter la Chambre de céans.
On doit toutefois relever que Me A.S._ ne poursuit à l'évidence pas un intérêt économique ni, à ce stade, un intérêt contraire à celui de sa cliente. Dès le moment où il a refusé de témoigner, la procédure au fond a été bloquée et la poursuite de son mandat n'a dès lors pas provoqué de dommage à sa cliente, hormis un retard dont celle-ci paraît s'accommoder puisqu'elle souhaite pour sa part que Me A.S._ poursuive son mandat. L'interdiction de poursuivre le mandat prononcée par la Chambre permet au demeurant de rétablir la situation et d'assurer un fonctionnement correct de la justice. Enfin, la Chambre des avocats reconnaît la longue pratique de Me A.S._, qui a poursuivi son activité professionnelle plus de cinquante ans sans jamais avoir été sanctionné disciplinairement. Au vu de ce qui précède, la Chambre de céans admet que l'injonction de se démettre de son mandat et l'existence même de la procédure constituent une sanction suffisante, un avertissement formel au sens de l'art. 17 al. 1 let. a LLCA n'apparaissant pas nécessaire.
V.
En définitive, la Chambre des avocats constate que Me A.S._ a violé son devoir d'indépendance en poursuivant son mandat de conseil d'P._ dans la procédure en droit du travail l'opposant à la Fondation B._. Elle l'enjoint dès lors, avec effet immédiat, de cesser de représenter les intérêts d'P._ dans cette procédure. La Chambre refuse en revanche de lui interdire de défendre Z._. Elle renonce également en l'état à prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de Me A.S._.
Les frais de la cause, comprenant un émolument par 1'000 fr. ainsi que les frais d'enquête, par 680, sont arrêtés à 1'680 francs. Il se justifie de mettre ces frais à la charge de l'avocat A.S._, dont on doit retenir qu'il a provoqué l'ouverture de l'enquête par son comportement (art. 61 al. 1
er
LPAv). | Public | Public Administration | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_005 | VD | Région lémanique |
86c499a6-078c-44dc-b9d8-76d9eea76103 | En fait :
A.
Par jugement du 12 février 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que F._ s'était rendu coupable d'infraction à la LEtr (loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers; RS 142.20) (I), condamné F._ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr. (II), suspendu l'exécution de la peine et fixé à F._ un délai d'épreuve de 2 ans (III) et mis les frais de la procédure, par 1'900 fr., à la charge de F._ (IV).
B.
Par annonce du 21 février 2014 suivie d’une déclaration motivée du
24 mars 2014, F._ a formé appel contre ce jugement, concluant en substance à son acquittement.
Par courrier du 6 mai 2014, le Ministère public a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Le prévenu F._ est né le [...] 1970 à Lomé, au Togo, Etat dont il est ressortissant. Il est entré en Suisse en janvier 2012. Par décision du
30 mars 2012, l'Office fédéral des migrations a rejeté la demande d'asile que le prévenu avait déposée et a prononcé son renvoi. Cette décision a été confirmée par arrêt du Tribunal administratif fédéral du 13 juillet 2012, exécutoire dès le 17 juillet 2012, et un délai de départ au 14 août 2012 a été imparti au prévenu. Par requête du 10 décembre 2012, le prévenu a demandé le réexamen de la décision de rejet de sa demande d'asile. L'Office fédéral des migrations a rejeté cette demande par décision du 9 octobre 2013. Le prévenu ne semble plus s'opposer, sur le principe, à son renvoi (déclaration d'appel, p. 3).
Depuis le 18 août 2012, le prévenu a été mis de façon continue au bénéfice de l'aide d'urgence. Célibataire et sans profession, il ne bénéficie d'aucune autorisation de travailler en Suisse, mais il œuvre comme nettoyeur au centre EVAM où il réside, dans le cadre d'un programme d'occupation, activité qui lui procure un revenu mensuel net de 300 francs.
1.2
Le casier judiciaire suisse du prévenu est vierge.
2.
Entre le 17 juillet 2012 et le 11 novembre 2013, date de sa dernière audition par le Ministère public dans le cadre de la présente procédure, le prévenu a séjourné sur le territoire suisse sans autorisation et n'a entrepris aucune démarche sérieuse en vue de mettre à exécution la décision de renvoi dont il fait l'objet. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et dans le délai légal par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de F._ est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012). L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP).
3.
L'appelant conteste sa condamnation pour séjour illégal. Il admet séjourner en Suisse sans autorisation, mais fait valoir qu'il ne dispose d'aucun document d'identité, de sorte qu'il ne peut quitter légalement la Suisse, ni se rendre légalement dans un autre pays. Il invoque également une violation de la Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (Directive sur le retour 2008/115/CE). Se référant à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêts du 28 avril 2011 C-61/11 El Dridi et du 6 décembre 2012 C-430/11 Sagor), il soutient que le recours à des condamnations pénales comme moyen de contrainte pour faire exécuter des décisions de police des étrangers serait prohibé.
3.1
3.1.1
L'art. 115 al. 1 let. b LEtr punit quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l'expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé. Le séjour en Suisse est légal si l'étranger est autorisé à rester en Suisse à titre individuel ou si une prescription légale autorise sa présence en Suisse. L'étranger qui n'exerce pas d'activité lucrative peut séjourner en Suisse sans autorisation pendant trois mois (art. 10 al. 1 LEtr), alors qu'il doit solliciter une autorisation en cas d'activité lucrative, quelle que soit la durée de son séjour (art. 11 al. 1 LEtr). La durée du séjour soumis à autorisation résulte de l'autorisation. Son écoulement conduit à l'illicéité du séjour, à moins que l'étranger en demande la prolongation.
La punissabilité du séjour irrégulier selon l'art. 115 al. 1 let. b LEtr suppose que l'étranger ne se trouve pas dans l'impossibilité – par exemple en raison d'un refus du pays d'origine d'admettre le retour de leurs ressortissants ou de délivrer des papiers d'identité – de quitter la Suisse et de rentrer légalement dans son pays d'origine. Le principe de la faute suppose en effet la liberté de pouvoir agir autrement (TF 6B_320/2013 du 29 août 2013 c. 2.1; TF 6B_783/2011 du 2 mars 2012 c. 1.3; TF 6B_482/2010 du 7 octobre 2010 c. 3.2.2; TF 6B_85/2007 du 3 juillet 2007 c. 2.3).
3.1.2
Le 1
er
mars 2008 est entré en vigueur l'accord entre la Confédération suisse, l'Union européenne et la Communauté européenne sur l'association de la Confédération suisse à la mise en œuvre, à l'application et au développement de l'acquis de Schengen, conclu le 26 octobre 2004 (RS 0.362.31; ci-après : AAS). La Suisse s'est engagée à reprendre dans son droit national tous les actes juridiques de l'Union européenne auxquels il est fait référence dans l'accord d'association à Schengen (acquis de Schengen). En outre, elle s'est dite prête à reprendre, en principe, tous les actes juridiques ultérieurs concernant Schengen adoptés après le 26 octobre 2004 par l'Union européenne et à les transposer, si nécessaire, dans le droit suisse (développement de l'acquis de Schengen).
Le 16 décembre 2008, le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne ont adopté la Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (directive sur le retour, 2008/115/CE), qui vise une harmonisation minimale des procédures d'éloignement et de rapatriement pour les ressortissants de pays non-membres de Schengen (pays tiers) en séjour irrégulier, afin que les personnes concernées soient rapatriées de façon humaine et dans le respect de leurs droits fondamentaux. Par arrêté du 18 juin 2010, la Suisse a repris le contenu de cette directive en tant que développement de l'acquis de Schengen (cf. Message du
18 novembre 2009 sur l'approbation et la mise en œuvre de l'échange de notes entre la Suisse et la CE concernant la reprise de la directive CE sur le retour et sur une modification de la LEtr, FF 2009 p. 8043; échange de notes, FF 2009 p. 8085; arrêté fédéral portant approbation et mise en œuvre de l'échange de notes entre la Suisse et la CE concernant la reprise de la directive CE sur le retour, FF 2009 p. 8077). La mise en œuvre de cette directive a requis une adaptation de la LEtr et de la LAsi (loi fédérale du 26 juin 1998 sur l'asile;RS 142.31); l'art. 115 LEtr n'a toutefois pas été modifié.
La Cour de justice de l'Union européenne (ci-après CJUE) a été amenée à se prononcer sur la conformité avec la directive sur le retour de législations nationales prévoyant des sanctions au seul motif de l'irrégularité de l'entrée ou du séjour d'un ressortissant d'un pays tiers. Elle a conclu qu'une peine d'emprisonnement pour séjour illégal ne pouvait être infligée à un ressortissant étranger que si la procédure administrative de renvoi avait été menée à son terme sans succès et que le ressortissant étranger demeurait sur le territoire sans motif justifié de non-retour (arrêts du 28 avril 2011 C-61/11 PPU El Dridi ch. 63, du 6 décembre 2011 C-329/11 Achughbabian ch. 50 et du 6 décembre 2012 C-430/11 Sagor). La CJUE a précisé que la Directive sur le retour ne s'opposait pas à une poursuite pénale et à une condamnation à une peine pécuniaire réprimant le séjour irrégulier d'un ressortissant d'un Etat tiers, dès lors qu'une telle peine n'était pas de nature à retarder ou entraver la procédure de retour (arrêt du 6 décembre 2012 C-430/11 Sagor, spéc. ch. 35 ss; cf. TF 6B_196/2012 c. 2.1.2).
La reprise de la jurisprudence européenne est réglée aux art. 8
et 9 AAS. Il ressort de ces dispositions que la Suisse doit faire son possible pour assurer une application et une interprétation aussi uniformes que possible des règles instaurées par Schengen. Si elle ne tient pas compte de la jurisprudence de la CJUE en relation avec la directive sur le retour et qu'aucune solution n'est trouvée au sein du comité mixte – composé des représentants du gouvernement suisse, des membres du Conseil de l'Union européenne et de la Commission des Communautés européennes (cf. art. 3 AAS), la participation suisse à Schengen risque d'être menacée (cf. Hugi Yar, Das Urteil El Dridi, die EU-Rückführungsrichtlinie und der Schengen-Besitzstand, in jusletter du 11 juillet 2011, n. 13 in fine; Amarelle, La jurisprudence du Tribunal fédéral en droit de étrangers et de la nationalité, in Annuaire du droit de la migration 2010/2011, Bâle 2011, pp. 145 ss, spéc. p. 148; Progin-Theuerkauf, Zur Auslegung der Bergriffe "Massnahmen" und "Zwangsmassnahmen" in Art. 8 Abs. 1 und 4 der EU-Rückführungsrichtlinie, in Revue Suisse pour la pratique et le droit d'asile, Asyl 2/12, pp. 36 ss). La doctrine suisse propose ainsi d'interpréter l'art. 115 LEtr conformément à la jurisprudence européenne et de faire précéder la procédure pénale par la procédure de retour avec toutes ses étapes; le principe d'opportunité posé à l'art. 115 al. 4 LEtr se transforme ainsi en un véritable obstacle à la poursuite pénale (Hugi Yar, op. cit., note 16; Zünd, in Migrationsrecht, 3
e
éd., Zurich 2012, n. 10 ad art. 81 et 12 ad art. 115 LEtr). Selon le Tribunal fédéral, la directive sur le retour n'exclut pas l'application des dispositions pénales nationales lorsque les autorités administratives ont entrepris toutes les mesures raisonnables pour l'exécution de la décision de retour mais que la procédure de retour a échoué en raison du comportement de l'intéressé (TF 6B_196/2012 du 24 janvier 2013 c. 2.1.3 et 2.2; cf. ég. TF 6B_617/2008 du 11 mars 2013 c. 1.3; TF 6B_618/2012 du 11 mars 2013 c. 1.3; TF 6B_188/2012 du 17 avril 2012 c. 5).
3.2
Lors des débats de deuxième instance, l'appelant a admis qu'il savait qu'il devait obtenir certains documents pour pouvoir exécuter la décision de renvoi et quitter la Suisse. Il a déclaré avoir demandé à un ami résidant à Lomé, au Togo, de lui envoyer l'original de sa carte d'identité, étant précisé qu'il déclare avoir pu obtenir une copie à l'automne 2013. Il aurait fait cette demande il y a six mois, mais n'aurait jamais reçu sa carte d'identité et ne parviendrait aujourd'hui plus à contacter l'ami en question. L'appelant a pour le surplus admis n'avoir entrepris aucune autre démarche en vue d'obtenir des documents d'identité. En particulier, il a confirmé n'avoir jamais contacté l'ambassade du Togo, à Genève. Il a prétendu "ne pas avoir confiance" en celle-ci, sans expliquer les motifs de cette défiance.
Au vu de ce qui précède, la Cour de céans considère que l'appelant n'a entrepris aucune démarche sérieuse en vue d'obtenir les documents nécessaires à son départ. Elle relève tout d'abord qu'en janvier 2012 déjà, soit à l'époque de son entrée en Suisse, les autorités administratives ont interpellé l'appelant sur la problématique des documents d'identité (annexe à la P. 31 : point 4.07 du procès-verbal d'audition du 20 janvier 2012). Par la suite, l'attention de l'appelant a été attirée à plusieurs reprises sur le fait qu'il devait entreprendre des démarches pour obtenir des documents d'identité en vue de permettre son renvoi (annexes à la P. 30 : arrêt du Tribunal fédéral administratif du 13 juillet 2012, p. 7; courrier adressé à l'appelant par l'Office fédéral des migrations en date du 18 juillet 2012). Or l'appelant admet n'avoir jamais entrepris la démarche élémentaire que constitue une prise de contact avec la représentation de son Etat d'origine en Suisse. Par ailleurs, on ne discerne aucun élément objectif qui pourrait fonder la prétendue défiance de l'intéressé au sujet de l'ambassade du Togo. En particulier, dans le cadre des procédures administratives relatives à son statut en Suisse, le risque de persécution qu'impliquerait selon l'appelant un retour dans son Etat d'origine n'a jamais été reconnu (cf. annexes aux P. 30 et 31 : décision de l'Office fédéral des migrations du 30 mars 2012; arrêt du Tribunal fédéral administratif du 13 juillet 2012, spéc. pp. 3
à 5; décision de l'Office fédéral des migrations du 9 octobre 2013 rejetant une demande de reconsidération). En définitive, la Cour de céans retient que si l'appelant entreprenait les démarches utiles, il pourrait sans difficulté particulière obtenir les documents d'identité nécessaires pour rentrer au Togo et mettre à exécution la décision de renvoi qui lui a été signifiée.
Pour le surplus, la condamnation ne porte que sur la période qui a suivi la date à laquelle la décision de renvoi dont l'appelant fait l'objet est devenue définitive et c'est en raison de l'absence de collaboration de l'appelant que cette décision ne peut pas être exécutée, si bien que la limitation de la portée de
l'art. 115 LEtr qui résulte de son interprétation conforme à la jurisprudence européenne est sans pertinence dans le cas d'espèce. Enfin, comme il est question d'une peine pécuniaire, quand bien même celle-ci pourrait être convertie en peine privative de liberté en cas de non paiement, la condamnation de l'appelant paraît de toute manière compatible avec la directive sur le retour telle qu'interprétée par la CJUE.
Au vu de ce qui précède, les conditions d'une condamnation pour infraction à la LEtr sont réalisées.
4.
L’appelant ne conteste pas la peine en tant que telle. Ce point devant toutefois être examiné d'office, la Cour de céans considère que l'appréciation du Tribunal de police est conforme à la loi et peut être confirmée.
5.
En définitive, l’appel du prévenu doit être rejeté et le jugement entrepris intégralement confirmé.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 1'280 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
874936dd-5e8b-4e61-a59a-d3a58f9e82bf | En fait :
A.
Par jugement du 20 février 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré H._ des chefs d’accusation de voies de fait, brigandage, dommages à la propriété et obtention frauduleuse d’une prestation (I), a constaté qu’il s’est rendu coupable de lésions corporelles simples, vol, vol d’importance mineure, injure, menaces, violation de domicile, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, infraction à la LEtr et contravention à la LStup (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction de 268 jours de détention avant jugement, à savoir 142 jours de détention provisoire et 126 jours d’exécution anticipée de peine (III.a), à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr., peine complémentaire à celles prononcées par l’Untersuchungsamt St. Gallen le 18 janvier 2013 et par l’Untersuchungsamt Alstätten le 17 décembre 2013 (III.b), et à une amende de 500 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement de l’amende étant de 5 jours, peine partiellement complémentaire à celle prononcée par l’Untersuchungsamt St. Gallen le 18 janvier 2013 (III.c), a révoqué le sursis octroyé à H._ par l’Untersuchungsamt St. Gallen le 18 janvier 2013 et a ordonné l’exécution de la peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr. le jour (IV), a ordonné le maintien en détention de H._ (V), a rejeté les conclusions civiles prises par W._ en date du 2 janvier 2014 (VI.a), a dit que H._ doit immédiat paiement de la somme de 2 fr. 50, valeur échue, à Z._, à titre de dommages-intérêts (VI.b), a rejeté les conclusions civiles prises par Z._ en date du 6 décembre 2013 (VI.c), a ordonné la confiscation et la destruction du couteau et de l’aimant séquestrés respectivement sous fiches N°54698 et N° 54664 (VII), a dit que les deux CD de vidéosurveillance inventoriés sous fiche N°54396 seront maintenus au dossier à titre de pièces à conviction (VIII), a arrêté à 6912 fr. l’indemnité allouée à Me Aude Bichovsky et à 475 fr. 20, sous déduction d’une avance du même montant déjà versée en cours de procédure, l’indemnité allouée à Me Gisèle De Benoît, défenseurs d’office de H._, et a dit que ces indemnités ne devront être remboursées à l’Etat par le prévenu que lorsque la situation économique de ce dernier le permettra (IX), a rejeté la requête de H._ tendant à l’allocation d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP (X) et a mis les frais de la cause, qui incluent les indemnités d’office fixées sous chiffre IX ci-dessus, par 18'362 fr. 75, à sa charge (XI).
B.
Le 26 février 2014, H._ a déposé une annonce d’appel contre ce jugement.
Par déclaration d’appel motivée du 21 mars 2014, il a conclu à sa réforme en ce sens qu’il est libéré des chefs d’accusation de voies de fait, brigandage, dommages à la propriété, obtention frauduleuse d’une prestation, menaces, lésions corporelles simples, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et violation de domicile, qu’il est condamné, pour vol, vol d’importance mineure, violation de domicile, infraction à la LEtr et contravention à la LStup, à une peine privative de liberté de 9 mois, sous déduction de la détention avant jugement, qu’il est exempté de toute peine en relation avec l’infraction d’injure, subsidiairement que le montant du jour-amende est réduit à 10 fr., qu’il est condamné à une amende de 200 fr., que les frais de procédure mis à sa charge sont réduits pour tenir compte de l’allègement des charges retenues contre lui et qu’une indemnité de l’art. 429 CPP fixée à dire de justice lui est allouée.
Le 26 mars 2014, le Ministère public a annoncé qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et qu'il renonçait à déclarer un appel joint.
A l’audience du 5 juin 2014, H._ a confirmé les conclusions de sa déclaration d’appel. Le Ministère public a, quant à lui, conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Célibataire et sans enfant, H._ est né le 22 avril 1992 à Casablanca, au Maroc, pays dont il est ressortissant. Il a quitté le Maroc à l’âge de 7 ans avec sa famille pour l’Espagne et dit être au bénéfice d’un permis de séjour dans ce pays, où ses deux frères vivent encore. Son père est décédé et sa mère est retournée au Maroc, où ses deux sœurs résident également. N’aimant pas les études, il n’aurait suivi aucune scolarité, ni au Maroc ni en Espagne. Il aurait quitté l’Espagne à l’âge de 19 ans pour se rendre en Belgique, puis en France et en Italie. Il est arrivé en Suisse le 11 décembre 2012, passant par la frontière à Chiasso, où il a déposé une demande d’asile, qui a été rejetée. Il a ensuite été transféré dans une région de suisse alémanique, avant d’être attribué au canton de Vaud. Pour subvenir à ses besoins, il déclare avoir essayé de se débrouiller en achetant et en vendant de la drogue, sans toutefois avoir été inquiété pour cette activité. Il admet cependant avoir été condamné en France à une peine privative de liberté pour séjour illégal, avec sursis. Concernant ses projets à sa sortie de prison, il a expliqué, en première instance, vouloir retourner en Espagne afin de trouver un travail en rapport avec la moto, domaine dans lequel il aurait certaines compétences; à l’audience d’appel, il a confirmé qu’il envisageait de quitter la Suisse, sans toutefois savoir où il se rendrait.
A son casier judiciaire figurent deux inscriptions :
- 18.01.2013, Untersuchungsamt St. Gallen, vol, dommages à la propriété, peine pécuniaire 60 jours-amende à 30 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, amende 450 francs;
- 17.12.2013, Untersuchungsamt Altstätten, voies de fait, injure, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, peine pécuniaire 100 jours-amende à 30 fr., dont sursis à l’exécution de la peine 50 jours, délai d’épreuve 2 ans, peine complémentaire au jugement du 18.01.2013 de l’Untersuchungsamt St. Gallen.
Dans le cadre de la présente affaire, H._ a été détenu provisoirement du 29 mai au 17 octobre 2013, à savoir pendant 142 jours. Il est détenu en exécution anticipée de peine depuis le 18 octobre 2013.
Selon le rapport du 19 décembre 2013 de la Direction de la prison de la Croisée, où le prévenu a été détenu du 2 juin au 19 juillet 2013, ce dernier a entamé une grève de la faim dans les premiers jours de son incarcération. Après une période plus calme, pendant laquelle l’intéressé s’est montré correct et poli tant avec le personnel de surveillance qu’avec tous les services intervenant au sein de la prison, son comportement s’est dégradé à l’égard des collaborateurs dès que ses demandes n’ont pas été prises en considération immédiatement. Ainsi, il a dû être sanctionné de huit jours d’arrêts disciplinaires, le 15 juillet 2013, pour menaces, insulte et atteinte à l’intégrité physique.
Selon le rapport du 17 février 2014 de la Direction de la prison du Bois-Mermet, où le prévenu a été transféré dès le 19 juillet 2013, celui-ci a montré dès le départ de grandes difficultés à respecter le cadre et le règlement de l’institution. Incapable de gérer ses émotions de même que ses frustrations, provocateur et parfois manipulateur, il a rapidement épuisé les collaborateurs intervenant dans le cadre de sa prise en charge. Ainsi, il a entretenu de nombreux conflits avec ses interlocuteurs et son comportement a été sanctionné à plusieurs reprises, à savoir, le 22 novembre 2013, à 5 jours d’arrêts pour atteintes à l’intégrité physique, atteintes à l’honneur, inobservation des règlements et directives et refus d’obtempérer, le 26 novembre 2013, à 5 jours d’arrêts également, pour mise en danger, atteintes à l’honneur, atteintes à la liberté, inobservation des règlements et directives et refus d’obtempérer, le 3 janvier 2014 à 6 jours d’arrêts pour atteintes à l’intégrité physique et dommages à la propriété, et le 13 février 2014 à 10 jours d’arrêts pour atteintes à l’honneur.
2.
2.1
Le 29 décembre 2012, H._, accompagné de [...], a circulé dans le train Coire – Saint-Gall sans titre de transport. Ils se sont enfermés dans les toilettes pour tenter d’éviter le contrôle des billets. La contrôleuse M._ a ouvert la porte des toilettes et les a découverts. Elle a ordonné au prévenu de descendre du train à l’arrêt de St-Margarethen (SG), ce qu’il n’a fait qu’après que l’ordre lui eut été répété plusieurs fois. Alors que la contrôleuse remontait dans le train, H._ lui a asséné un coup de pied dans le tibia droit, lui occasionnant un hématome, et lui a craché dessus.
2.2
A Lausanne, le 17 janvier 2013, H._ a été interpellé à la sortie du magasin [...] par l’agent de sécurité W._ qui, le suspectant d’avoir volé des marchandises, lui a demandé de pouvoir contrôler son sac à dos, ce que le prévenu a refusé. L’agent de sécurité a alors contacté la police. Alors qu’ils étaient dans l’attente des forces de l’ordre, H._ a insulté W._ en italien et en portugais notamment, lui disant, entre autre, « fils de pute, connard, con, je pisse sur toi et sur la Suisse ». Puis, il lui a dit qu’il allait le « planter », tout en mimant le geste de le faire avec un couteau. Il a également mimé le geste de lui tirer une balle dans la tête et lui a dit qu’il le retrouverait puisqu’il savait où il travaillait.
2.3
A Allaman, le 31 janvier 2013, H._ s’est placé derrière [...], née en 1938, pendant que celle-ci attendait le train. Il lui a dérobé son porte-monnaie qui se trouvait dans son sac à main.
2.4
A Lausanne, le 9 février 2013, V._, agent de sécurité du bar « [...] », est intervenu auprès de H._ qui tentait de commettre des vols. Ce dernier a alors menacé V._ avec un couteau, lame ouverte. L’agent de sécurité a réagi en le sprayant au moyen d’un spray au poivre. Lorsque la police est arrivée, elle a ordonné au prévenu de lâcher son arme, ce qu’il a refusé de faire. Il a fallu lui asséner un coup sur l’avant-bras au moyen d’un bâton tactique pour que l’intéressé lâche son arme.
2.5
A Lausanne, le 23 février 2013, H._ a dérobé le téléphone portable de P._, qui se trouvait dans la veste de ce dernier. P._ s’en est rendu compte et a entrepris de reprendre son bien avec l’aide de deux de ses amis. Le prévenu a alors asséné un coup de coude au visage de l’un d’eux, soit R._, ce qui l’a fait saigner du nez. Les agents de sécurité des établissement "[...]" et "[...]" se sont alors interposés et ont exigé de H._ qu’il quitte les lieux. Un peu plus tard, ce dernier s’est à nouveau approché du groupe dont faisait partie P._ avec une bouteille de verre vide à la main et en mimant des gestes d’égorgement.
2.6
A Coire (GR), le 18 mars 2013, H._ a pénétré sans droit à l’intérieur d’une caravane appartenant à la société [...] dans l’intention d’y dormir.
2.7
A Lausanne, le 2 avril 2013, H._ a passé les caisses du magasin [...] sans avoir payé un rouleau d’aluminium qu’il avait dissimulé sous sa veste, ni trois chocolats qu’il avait consommés à l’intérieur du commerce.
2.8
A Neuchâtel, le 4 avril 2013, H._ a passé les caisses du magasin [...] sans avoir payé trois parfums et un sac plastique, pour un montant total de 88 fr. 70, et alors qu’une interdiction d’entrée dans tous les commerces du groupe Z._ lui avait été signifiée le 31 décembre 2012. Les objets dérobés ont pu être immédiatement restitués à la lésée Z._.
2.9
A Lausanne, le 11 mai 2013, H._ est entré dans le Centre commercial [...], alors qu’une interdiction d’entrée lui avait été signifiée le 2 avril 2013.
2.10
A [...] (NE), le 17 mai 2013, au Centre commercial [...], H._ a volé une montre M-watch classic d’une valeur de 69 fr. à l’enseigne D._, une camera de surveillance d’une valeur de 159 fr. 95 à l’enseigne F._ SA et une paire de baskets de marque "Adidas" d’une valeur de 69 fr. 90 à l’enseigne L._.
2.11
Du 3 au 29 mai 2013, date de son placement en détention provisoire, H._ a séjourné illégalement en Suisse.
2.12
A Lausanne notamment, du 11 décembre 2012, date de son arrivée en Suisse, au 29 mai 2013, H._ a consommé régulièrement des Dormicum, du Rivotril et de la marijuana.
3.
Chacun des lésés a déposé plainte en temps utile et l'a maintenue, à l'exception de [...], qui l’a retirée. Le tribunal de première instance a alloué à Z._, à charge du prévenu, ses conclusions civiles à concurrence de 2 fr. 50, valeur échue, à titre de dommages-intérêts, les rejetant pour le surplus. Il a en outre rejeté les conclusions civiles prises par W._ en date du 2 janvier 2014. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
H._ conteste les faits exposés sous chiffres 2.1, 2.2, 2.4, 2.5 et 2.8 ci-avant (pp. 13 ss) correspondant aux cas n° 1, 2, 4, 5 et 8 de l’acte d’accusation (cf. jugt, pp. 15 ss). Il fait valoir qu’il existe pour chacun de ces cas un doute raisonnable qui aurait dû conduire le tribunal à sa libération des chefs d’accusation de violence ou menace contres les autorités et les fonctionnaires (cas 1), injure (cas 2), menaces (cas 2, 4 et 5), lésions corporelles simples (cas 5) et violation de domicile (cas 8).
3.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
3.2.1
Dans le cas 1 de l’acte d’accusation (c. 2.1 ci-avant), l’appelant nie avoir asséné un coup de pied au tibia de la contrôleuse CFF et lui avoir craché dessus. Par conséquent, il conteste s’être rendu coupable de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires.
La cour de céans fait sienne par adoption de motifs l’analyse, convaincante et pertinente, à laquelle se sont livrés les premiers juges au sujet de ce cas (jugt, p.19). Les déclarations de la plaignante, qui, entendue le 30 décembre 2012, a su donner une description détaillée des faits survenus la veille et de ses agresseurs, sont précises et cohérentes (Dossier D, PV aud. du 30 décembre 2012). Au contraire, les déclarations du prévenu, qui a tenté de minimiser les faits, ont varié. En effet, après avoir admis, lors de son audition du 30 mai 2013, qu’il avait craché sur la contrôleuse (PV aud. 4, ligne 48), il est revenu sur ses aveux en audience de première instance, affirmant qu’il avait craché par terre et qu’il était "furieux" (jugt, p. 6), ce qui dénote
a fortiori
l’état d’esprit agressif et récalcitrant décrit par la lésée quand il a été abordé par cette dernière. Quant au coup de pied au tibia de la plaignante, qu’il conteste, il a déclaré que celle-ci avait menti (
ibidem
). On ne voit toutefois pas pour quel motif la contrôleuse aurait inventé les faits dont elle s’est plainte. Elle n’avait en effet aucun intérêt à charger mensongèrement le prévenu et elle n’a pas non plus exagéré les faits, puisqu’elle a affirmé que le coup de pied reçu au tibia était "de genre moyen" et lui avait provoqué un "petit hématome", qu’elle n’avait pas été menacée verbalement et qu’elle n’avait "pas vu d’arme" (Dossier D, PV aud. du 30 décembre 2012, R. 4, 6 et 7). Au vu de ces éléments, c’est à juste titre que le tribunal a retenu la version de la plaignante, qui est seule crédible.
Sur la base de ces faits, il ne fait aucun doute que l’infraction de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 CP) est réalisée. En effet, toute atteinte physique, qui excède ce qui est socialement toléré et qui ne cause ni lésions corporelles, ni dommage à la santé, voire même aucune douleur physique, représente une voie de fait et tombe sous le coup de l'art. 285 ch. 1 CP (Dupuis et alii, Petit commentaire, Code pénal, Bâle 2012, n. 4 ad art. 126 CP et n. 13 ad art. 285 CP), si elle a été commise à l'encontre d'un fonctionnaire pendant que celui-ci procédait à un acte entrant dans ses fonctions. Il n'est même pas nécessaire qu'il y ait un contact physique direct entre l'auteur et la victime; ainsi, il a été jugé que l'arrosage d'une personne au moyen d'un liquide, les projections d'objets durs et d'un certain poids et le fait d'ébouriffer une coiffure soigneusement élaborée constituent des exemples types de voies de fait (Dupuis et alii, op. cit., n. 5 ad art. 126 CP; ég. CCASS 3 août 2005/387; CCASS 25 juillet 1988 cité in Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 2007, n. 1.3 ad art. 126 CP).
Il faut en outre que la violence ou les menaces aient empêché une autorité ou un fonctionnaire d'effectuer un acte entrant dans ses fonctions. L'acte peut être une décision ou un comportement matériel. Il suffit par exemple d'empêcher un contrôle d'identité. Il importe peu que la résistance soit couronnée de succès et que l'empêchement soit absolu. Entraver, retarder ou compliquer l'accomplissement d'une tâche que les autorités doivent accomplir suffit déjà à réaliser l'élément objectif de l'empêchement (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. 2, 3
ème
éd., nn. 7 ss ad art. 285 CP; Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3e éd., Lausanne 2007, n. 1.1 ad art. 285 CP et les références citées).
En l’occurrence, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que H._ s'était rendu coupable de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires au sens de l'art. 285 ch. 1 CP pour avoir donné un coup de pied au tibia de l’agente CFF et lui avoir craché dessus pendant que celle-ci – en contact téléphonique avec la centrale de la police ferroviaire – procédait au contrôle d’identité du prévenu sans titre de transport valable (Dossier D, PV aud. du 30 décembre 2012, R. 2
in fine
), ce qui entre dans le cadre de ses fonctions, le travail d’un contrôleur n’étant pas suspendu lorsque le train se trouve arrêté en gare, dans la mesure où l’agent CFF peut
notamment être chargé de la prise en charge des passagers, du contrôle des portes, etc. (CCASS 27 mai 2002/97 c. 5b).
Enfin, il importe peu que la contrôleuse n’ait en définitive pas été empêchée d’accomplir sa mission; le comportement incriminé tendait à entraver ou retarder l'exercice de la mission légitimement dévolue à la contrôleuse, ce qui est suffisant, comme on l’a vu.
Le moyen est donc mal fondé et doit être rejeté.
3.2.2
S’agissant du cas 2 de l’acte d’accusation (c. 2.2 ci-avant), l’appelant, qui ne conteste finalement pas les injures proférées à l’encontre de l’agent de sécurité W._, contrairement à ce qu’il a fait pendant l’enquête (Dossier C, PV aud. du 17 janvier 2013, R. 7), soutient qu’il a été provoqué par l’attitude de ce plaignant, qui voulait contrôler son sac à dos alors qu’il n’avait rien volé, attitude qu’il a ressentie comme offensante et humiliante. Il estime qu’on se trouverait dans un cas d’application de l’art. 177 al. 2 CP et que l’attitude répréhensible de l’agent justifierait une exemption de peine au sens de cette disposition.
L'honneur que protège l'art. 177 CP est le sentiment et la réputation d'être une personne honnête et respectable, c'est-à-dire le droit de ne pas être méprisé en tant qu'être humain ou entité juridique (TF 6B_602/2009 du 29 septembre 2009 c. 2.2; ATF 128 IV 260 c. 3.1 non publié). L'exemption de peine telle que prévue à l'art. 177 al. 2 CP s'applique lorsque l'injure constitue une réaction immédiate à un comportement répréhensible, qui a provoqué chez l'auteur un sentiment de révolte. C'est le cas notamment lorsque l'auteur réagit sous l'emprise de l'émotion causée par le comportement blâmable de la personne insultée (ATF 117 IV 270 c. 2c et les références citées).
En l’espèce, rien au dossier ne va dans le sens de la thèse d’une attitude incorrecte et répréhensible de l’agent de sécurité. L’appelant, qui, lors de son audition le jour même des faits, a affirmé que l’agent lui avait "demandé" de contrôler son sac, sans faire état d’une quelconque contrainte (Dossier C, PV aud. 2, R. 7), n’est pas crédible lorsqu’il affirme ensuite que celui-ci aurait tenté de fouiller son sac "par la force" (jugt, p. 6; recours, p. 4), d’autant plus qu’il a varié dans ses déclarations en contestant avoir injurié l’agent de sécurité, avant de l’admettre à l’audience de première instance. Il ressort au contraire de la déposition du contrôleur (dossier C, PV aud. 1), seul crédible, que celui-ci a agi conformément aux usages en la matière. Il ne s’est à aucun moment montré offensant. Même si, comme cela s’est avéré le cas finalement, le prévenu, suspecté de vol, n’a rien dérobé (Dossier C, pièce 5, p. 3), le contrôle de routine de l’agent était justifié et a été mené correctement. Le prévenu s’est excité sans raison et s’est mis à injurier le plaignant sans avoir été provoqué. Sa condamnation pour injure s'avère donc conforme au droit et doit être confirmée, l’application de l'art. 177 al. 2 CP étant exclue dans cette situation.
S’agissant ensuite des menaces, l’appelant soutient que les premiers juges ont mal apprécié les preuves au dossier et que rien, ni même la bande vidéo de surveillance, ne permet de fonder les faits dont il est accusé à ce sujet, soit d’avoir mimé un geste d’usage d’un couteau ou d’avoir laissé entendre qu’il pourrait tirer une balle dans la tête de l’agent de sécurité. Ces arguments ne sont pas pertinents. Le fait qu’il ait d’emblée nié les menaces n’est pas déterminant; d’ailleurs, l’intéressé a également contesté les insultes, avant de les admettre. Le fait qu’aucune arme n’ait été trouvée sur lui est également sans effet, puisqu’on lui reproche d’avoir mimé un geste agressif et non pas d’avoir fait usage d’un couteau. La bande vidéo n’est pas davantage utile. Il résulte en effet du rapport de police à ce sujet (dossier C, pièce 4, p. 3 in fine) que les caméras ne filment que l’intérieur et qu’il est donc difficile de voir clairement ce qui se passe à l’extérieur, derrière les vitres; en outre, l’appelant est quasiment tout le temps de dos, de sorte que ce qu’il mime ou dit n’est pas visible. En définitive, il convient, sur ce point également, d’écarter la version du prévenu au profit de celle, précise, cohérente et convaincante, du plaignant.
L'appelant soutient que ses propos et gestes n'ont pas effrayé le plaignant, de sorte qu'ils ne tombent pas sous le coup de l'art. 180 CP.
La menace tombant sous le coup de l’art. 180 CP n’est punissable que si elle est grave, c’est-à-dire si elle est objectivement de nature à alarmer ou effrayer la victime (Corboz, op. cit., n. 12 à 14 ad art. 180 CP). Pour déterminer si tel est le cas, il ne faut pas se fonder exclusivement sur les termes que l’auteur a utilisés, mais il faut tenir compte de l’ensemble des circonstances, parce que la menace peut aussi bien résulter d’un geste ou d’une allusion (Corboz, op. cit, n. 6 et 8 ad art. 180 CP). Lorsque le juge retient la gravité de la menace, il ne doit pas être trop exigeant en ce qui concerne la preuve que la victime a été alarmée ou effrayée. Il n’est ainsi pas nécessaire que la victime soit complètement terrifiée par les menaces, paralysée par la peur, désemparée ou désespérée; un degré d’inquiétude moyen, soit la perte du sentiment de sécurité, suffit (CAPE 30 juin 2011/40). Sur le plan subjectif, l’auteur doit avoir agi intentionnellement, le dol éventuel étant suffisant. Il doit avoir la volonté d’alarmer ou d’effrayer sa victime et il doit être conscient que ses menaces provoquent cet effet ou à tout le moins s’en accommoder (Delnon/Rüdy, Basler Kommentar, Strafrecht II, 2
ème
éd., Bâle 2007, n. 32 ad art. 180 CP).
En l’espèce, les propos tenus et les gestes mimés par l’appelant, qui au moment des faits était sous l’effet de l’alcool (Dossier C, pièce 5, p. 3), constituent des menaces au sens de l’art. 180 CP. Compte tenu de
l'agressivité manifestée par l’appelant à l'encontre de l’intimé dans ses mots et dans son attitude, au moment où celui-ci, face au refus du prévenu de laisser fouiller son sac, faisait appel aux forces de l’ordre, les menaces proférées étaient objectivement de nature à effrayer sa victime. En outre, vu les termes choisis, les gestes et la répétition de ces menaces, il y a lieu d'admettre que le prévenu avait la conscience et la volonté d'effrayer l’intimé.
Il s'ensuit que l'infraction de menaces est également réalisée, de sorte que le recours doit être rejeté sur ce point.
3.2.3
Dans le cas 4 de l’acte d’accusation (c. 2.4 ci-avant), l
’appelant soutient qu’un élément constitutif de la menace au sens de l’art. 180 CP, soit le caractère grave et objectivement alarmant de la menace, ferait défaut.
Comme on l’a relevé ci-dessus (c. 3.2.2), une menace est qualifiée de grave si elle est objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime. Il faut donc se demander si une personne raisonnable, dotée d’une résistance psychologique plus ou moins normale, aurait ressenti la menace comme grave (TF 6B_234/2010 du 4 janvier 2011 c. 3.1; ATF 99 IV 212 c. 1a).
En l’espèce, après avoir refusé de s’expliquer, tout en adoptant, selon les policiers, un comportement odieux et insultant (dossier F, PV aud. 2; pièce 6/1, p. 4), l’appelant a admis avoir sorti son couteau mais uniquement pour se protéger et après avoir reçu un coup de poing à l’œil de la part de V._ qui, selon lui, était accompagné de deux autres agents de sécurité (jugt, pp. 6 et 7). Ces explications sont invraisemblables et farfelues, comme l’ont relevé les premiers juges (jugt, p. 21). Au contraire, il suffit de relire les déclarations du plaignant (dossier F, PV aud. 1) et le rapport de police du 9 février 2013, dont il ressort que le prévenu n’a lâché son arme que lorsqu’un des policiers intervenus sur place lui a asséné un coup sur l’avant-bras au moyen d’un bâton tactique (Dossier F, pièce 6/1, p. 3), pour se convaincre que les faits se sont bien déroulés comme retenus dans le jugement attaqué et que la menace était suffisamment grave pour être objectivement alarmante : tenir un couteau en main en disant à un agent de sécurité « viens » alors qu’on s’est vu refuser l’entrée d’un bar est indiscutablement un comportement qui constitue une menace grave au sens de l’art. 180 CP. D’ailleurs, l’agent a bien dit qu’il s’était senti en danger, ce qui est attesté par le recours qu’il a dû faire au spray au poivre.
Partant, le moyen, qui frise la témérité, est infondé et doit être rejeté.
3.2.4
S’agissant du cas 5 de l’acte d’accusation (c. 2.5 ci-avant), l’appelant ne conteste pas avoir asséné un coup de coude au visage de R._ et l’avoir ainsi fait saigner du nez, mais il soutient avoir agi en état de légitime défense, après avoir été plaqué contre un mur puis maintenu au sol par trois adversaires. C’est en se débattant et en se défendant que le coup serait parti.
Ses explications sont en contradiction avec les déclarations concordantes et convaincantes des plaignants selon lesquelles il aurait d’abord frappé R._, avant d’être maintenu au sol, comme les premiers juges l’ont à raison relevé. P._ a en effet expliqué (dossier principal, PV aud. 1; jugt, p. 5) que lui et ses amis étaient parvenus à plaquer le prévenu contre le mur, uniquement pour lui reprendre le téléphone portable que ce dernier lui avait volé; c’est dans cette phase que le prévenu a volontairement frappé l’un d’eux. Quant à R._, il a confirmé que le coup lui avait volontairement et d’emblée été asséné alors qu’il réclamait la restitution du téléphone (PV aud. 3). Contrairement a ce que prétend l’appelant, le coup n’est pas parti alors qu’il aurait été assailli par ses adversaires, mais pour résister aux demandes de restitution du téléphone portable qu’il venait de dérober et pour faciliter sa fuite. Il n’y a, dans cette description crédible du déroulement des faits, pas de place pour la légitime défense. D’ailleurs, le fait que le prévenu, qui n’a quitté les lieux qu’après l’intervention des agents de sécurité, soit revenu un peu plus tard dans la soirée et se soit approché du même groupe de jeunes en tapant une bouteille en verre vide dans sa main (jugt, p. 4; recours, p. 6), témoigne de son état d’esprit au moment des faits.
Ce moyen est donc également infondé et doit être rejeté, de sorte que c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu l’infraction de lésions corporelles simples.
L’appelant conteste par ailleurs les menaces pour ce cas. Il admet s’être approché du groupe en tapant une bouteille de verre vide dans sa main, mais considère que ce geste n’était qu’un moyen d’intimidation et conteste avoir mimé le geste d’égorgement. Il résulte toutefois du dossier que les faits retenus par les premiers juges sont établis, notamment par les déclarations cohérentes du plaignant, qui a confirmé à l’audience de jugement que l’appelant avait mimé de l’égorger (jugt, p. 5; PV aud. 1). Le plaignant, dont la déposition est corroborée, comme on vient de le voir, par celle de R._ s’agissant de la première partie des événements, est donc crédible, au contraire du prévenu, qui persiste à minimiser ses agissements. Or, tenir une bouteilles à la main en mimant le geste de l’égorgement constitue une menace grave au sens de l’art. 180 CP. Vu l’attitude de l’appelant, qui avait en vain tenté, peu avant, de dérober le téléphone portable de P._, avait frappé un de ses amis et avait été éloigné de l’établissement par les agents de sécurité, le plaignant avait toutes les raisons de prendre les menaces au sérieux. Il a d’ailleurs expressément dit qu’il avait pris peur, raison pour laquelle il avait fait appel à la police (PV aud. 1).
Mal fondé, le moyen doit donc être rejeté et l’infraction de menaces également confirmée pour ce cas.
3.2.5
Enfin, l’appelant conteste la violation de domicile pour le cas 8 (c. 2.8 ci-avant). Il soutient, comme il l’a fait en première instance (jugt, p. 8), que ce n’est pas lui qui a signé l’interdiction d’entrer dans les magasins Z._ du 31 décembre 2012 (Dossier H, pièce 6, annexe) et que, par conséquent, il ignorait tout de cette interdiction. Il en veut pour preuve que la signature figurant sur ce document ne correspond pas à celle figurant à la fin du procès-verbal du jugement du 20 février 2014.
On ne saurait toutefois rien tirer de cet argument, puisqu’en tentant de rechercher des spécimens de sa signature figurant au dossier, on constate que le prévenu, dont l’identité et l’adresse figurant sur le document en question sont exactes, a soit utilisé différentes signatures, aussi fantaisistes les unes que les autres (il suffit de comparer les signatures sur les PV aud. des 17 janvier 2013 [dossier C], 23 février et 30 mai 2013 [dossier principal], sur l’interdiction d’entrée dans le Centre commercial [...] du 2 avril 2013 et le constat de non respect de cette interdiction [dossier principal, pièces 11/2 et 11/3], sur le procès-verbal du jugement d’appel [p. 3]), soit a refusé de signer les documents qui lui ont été présentés (Dossier F, pièce 6/1, p. 3; PV aud. du 9 février 2013), de sorte qu’il est mal venu de vouloir prouver ses affirmations en se basant sur sa signature, qui n’a aucune valeur probante. Il convient ainsi de s’en tenir aux déclarations du plaignant, seules crédibles (Dossier H, pièce 6). On remarque d’ailleurs que l’appelant est coutumier de ce genre de comportement, puisque quelques mois plus tard, il a fait l’objet d’une autre interdiction d’entrée – qu’il n’a pas non plus respectée – concernant cette fois-ci le Centre commercial [...] (Dossier principal, pièces 11/2 et 11/3), et qu’à l’audience de jugement de première instance, il a admis ce cas (c. 2.9 ci-avant) tout en contestant être l’auteur des signatures qui figurent sur les documents en question.
Partant, le moyen est mal fondé et doit être rejeté.
3.3
En définitive, on ne discerne pas de doutes sérieux sur l'existence des faits retenus par le tribunal concernant les cas 1, 2, 4, 5 et 8 de l’acte d’accusation, l’appréciation des premiers juges n'étant par ailleurs ni incomplète, ni erronée, et la condamnation de H._ pour lésions corporelles simples, injure, menaces, violation de domicile et violence ou menace contres les autorités et les fonctionnaires doit être confirmée.
4.
L’appelant soutient que la peine privative de liberté de 30 mois qui lui a été infligée est arbitrairement sévère et conclut à une peine privative de liberté de 9 mois. Il part de la prémisse que ses précédents moyens sont admis, alors que tel n’est pas le cas, de sorte que ce moyen perd en grande partie de sa pertinence.
Pour le surplus, la Cour d'appel pénale est d'avis qu'une peine privative de liberté de 30 mois se justifie en l'occurrence, vu le concours d’infractions, la répétition des actes sur une courte période, les mauvais antécédents, les récidives en cours d’enquête, la bassesse du mobile poursuivi, à savoir l’appât du gain, la mentalité déplorable et endurcie de ce jeune délinquant, qui nie l’évidence, minimise la gravité de ses actes et rejette la faute sur autrui (jugt, p. 6), son mépris total des autorités et de l’ordre public, le fait que seule son arrestation a mis fin à ses délits, ainsi que l’attitude détestable qu’il a eue tant en cours d’enquête (Dossier principal, pièce 6; Dossier F, pièce 6/1) qu’à l’audience d’appel, n’hésitant pas à uriner dans la cellule d’attente du tribunal et à cracher contre la vitre (p. 9
supra
), comme il l’avait d’ailleurs déjà fait lors de son arrestation du 23 février 2013 (Dossier principal, pièce 6, p. 3). On relèvera en outre que la gravité objective des faits n’est pas si faible que l’ont retenu les premiers juges (jugt, p. 25
in initio
), compte tenu de la qualité des victimes (agent de sécurité, contrôleur) et de l’attitude du prévenu à l’égard des forces de l’ordre (c. 2.4 ci-dessus; Dossier principal, pièce 6). L’appelant, qui envisage de quitter la Suisse à sa sortie de prison, mais sans savoir où il se rendra (p. 3
supra
), ne démontre pas vouloir vivre d’autre chose que de délinquance. Alors qu’il affirme être au bénéfice d’un permis de séjour espagnol, il n’a d’ailleurs pas hésité à séjourner illégalement dans d’autres pays, comme en France ou en Suisse, admettant lui-même s’être livré au trafic de drogue sans jamais être inquiété pour cette activité. On ne discerne pas d'élément à décharge, si ce n’est son jeune âge. Enfin, la peine de 30 mois de privation de liberté n’est pas complémentaire car de genre différent des peines infligées précédemment, comme le tribunal l’a à juste titre indiqué.
Mal fondé, le moyen tiré d'une violation de l'art. 47 CP doit donc être rejeté.
Le caractère ferme de la peine – non contesté – n’est pas non plus critiquable, compte tenu de l’attitude de l’appelant en cours d’instruction, telle que décrite ci-avant, ainsi que du défaut de toute introspection et de prise de conscience de sa culpabilité, ce qui dénote une absence d’évolution et conduit à un pronostic défavorable, la précédente peine prononcée le 18 janvier 2013 n’ayant d’ailleurs eu aucun effet dissuasif sur le prévenu, qui a récidivé dans le même domaine d’infractions. Les nouvelles infractions commises par H._ au début du délai d’épreuve de deux ans assortissant la précédente peine prononcée le 18 janvier 2013 et les nombreuses sanctions disciplinaires dont il a fait l’objet pendant sa détention dans le cadre de la présente affaire attestent de l’absence de perspective de succès de la mise à l’épreuve, aucun indice ne permettant de penser que l’appelant s’amendera. Dans ces conditions, force est de constater que l’exécution de la nouvelle peine ne suffit pas à exclure un pronostic défavorable
(ATF 134 IV 140 c. 4.5)
. C’est donc à juste titre que le Tribunal correctionnel a révoqué le sursis accordé le 18 janvier 2013, ce qui n’est d’ailleurs pas non plus contesté.
5
Enfin, l’appelant estime que les montants du jour-amende et de l’amende retenus par les premiers juges sont trop élevés au regard de sa situation financière.
5.1
S’agissant de la peine pécuniaire, le juge fixe le montant du jour-amende selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (cf. art. 34 al. 2, 2
ème
phr., CP). Les principes déduits de cette disposition ont été exposés dans l’ATF 134 IV 60 c. 6, auquel on peut se référer.
Quant à la peine d'amende, l'art. 106 al. 3 CP prescrit au juge de fixer celle-ci en tenant compte de la situation de l'auteur, afin que la peine corresponde à la faute commise.
5.2
En l’occurrence, si, comme il le prétend, le prévenu est aidé financièrement par l’EVAM (Dossier principal, PV aud. 2, R. 6), étant sans travail et sans économies, cela ne signifie pas encore qu’il vit en-dessous ou au seuil du minimum vital, justifiant la réduction du jour-amende à 10 fr., comme il le soutient. Il ressort en effet du dossier que l’intéressé, qui est célibataire et est âgé de 22 ans, fréquente de établissements publics, tels que des bars (c. 2.4 ci-dessus), et se déplace régulièrement hors canton, ce qui occasionne des dépenses personnelles. A cela s’ajoute que lors de son arrestation du 29 mai 2013, il était en possession de matériel audio-vidéo (Dossier principal, pièce 15), et qu’il consomme régulièrement de la marijuana (jugt, p. 9; c. 2.12 ci-avant), sans prétendre la recevoir gratuitement, contrairement aux médicaments (Dossier principal, PV aud. 2, R. 11). Cela permet de constater qu’il demeure une certaine marge dans le train de vie de l’appelant. Au surplus, celui-ci ne démontre pas que le montant arrêté par les premiers juges l’aurait été ensuite d’une appréciation erronée des preuves.
Il s’ensuit que le montant du jour-amende, arrêté à 30 fr., est adéquat.
Il en va de même du montant de l’amende, qui est justifié au regard de la situation financière du prévenu, telle que décrite ci-avant, et de la faute commise, vu la multiplicité des contraventions, soit trois vols d’importance mineure (cas n° 7, 8 et 10) et une contravention à la LStup (cas n° 12), et compte tenu de son caractère partiellement complémentaire (jugt, p. 26).
6.
En conclusion, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé
.
6.1
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel
comprenant l'indemnité allouée à son défenseur d'office, arrêtée à
1'965 fr. 60
, TVA et débours compris, selon liste des opérations produite à cet effet par son conseil (pièce 46),
seront mis à la charge du prévenu. Il n’y a dès lors pas lieu à indemnité au sens de l’art. 429 CPP.
6.2
Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l’Etat l'indemnité allouée à son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
88213508-6562-4614-a8bf-c15b4c3aa5f2 | En fait :
A.
Par jugement du 27 février 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Côte a constaté que V._ s'est rendu coupable de tentative de contrainte (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 70 fr. et a suspendu l'exécution de cette peine avec un délai d'épreuve de deux ans (II), l'a condamné en outre à titre de sanction immédiate à une amende de 700 fr. et a dit que cette amende est convertible en dix jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement (III), a donné acte à N._Sàrl de ses réserves civiles à l'encontre de V._ (IV), a dit que V._ doit supporter une partie des frais de justice, fixée à 1'400 fr. (V) et a dit que V._ doit à N._Sàrl la somme de 2'000 fr. à titre de dépens pénaux (VI).
B.
Le 9 mars 2012, V._ a annoncé faire appel de ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 2 avril 2012, V._ a conclu, sous suite de frais et dépens, à la réforme du jugement entrepris en ce sens qu'il est acquitté (I), que N._Sàrl est renvoyée à agir par la voie civile (II), qu'une indemnité de 2'500 fr. lui est octroyée à titre de participation à ses frais d'avocat (III) et que les frais sont mis à la charge de l'Etat (IV).
Par courrier du 10 avril 2012, le Ministère public a déclaré s'en remettre à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et qu'il n'entendait pas déposer d'appel joint.
Par courrier du 25 mai 2012, N._Sàrl a requis de la Cour d'appel pénale qu'elle visionne, préalablement à l'audience, le reportage de Mise au point du 31 juillet 2011. A l'appui de sa requête, elle a indiqué que le documentaire apportait des éléments éclairants sur les revenus du prévenu.
Par courrier du 1
er
juin 2012, le président de la Cour d'appel pénale a informé N._Sàrl qu'elle rejetait sa réquisition de preuve, celle-ci n'étant pas nécessaire au jugement de la cause.
Par courrier du 5 juin 2012, le Ministère public a annoncé qu'il n'interviendrait pas aux débats d'appel et qu'il n'avait pas de conclusions écrites à déposer.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. V._ est né le 11 février 1959 à Porrentruy. Après avoir effectué sa scolarité obligatoire et sa maturité dans le canton du Jura, il a travaillé à Berne dans l'administration douanière. De 1983 à 1988, il a étudié à l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), dans le domaine du génie rural et de l'environnement. Après avoir obtenu un diplôme en 1988, il a travaillé jusqu'en 1995 dans divers bureaux de génie rural et géotechnique en tant qu'ingénieur, directeur et coadministrateur. En 1985, il s'est marié en premières noces avec [...]. De cette union sont nés cinq enfants, entre 1986 et 1995. En 1995, son épouse l'a quitté en emmenant les enfants avec elle en Belgique. A cette époque, le prévenu a été engagé par [...] en qualité d'informaticien. Deux ans plus tard, il a créé sa propre société [...], active dans le conseil informatique. En 1999, le prévenu a épousé en secondes noces I._, dont il a eu trois enfants entre 2000 et 2005. En 2002, le prévenu a cessé son activité au sein de l'entreprise O._ SA pour être engagé par la société de constructions métalliques X._ SA. Au cours de l'année 2007, il a été licencié pour raisons économiques. Il a émargé au chômage pendant quelques mois. Le 28 janvier 2008, dans le cadre d'un programme d'insertion, il a été engagé en qualité de chef de projet par l'entreprise N._Sàrl, qui est active dans le domaine du conseil informatique. Le 13 juin 2008, il a été licencié par cette entreprise dans les circonstances qui seront décrites ci-après. Il a bénéficié du chômage pendant une année et demie. En parallèle, il a effectué un master en e-gouvernance à l'EPFL. Depuis novembre 2009, il exerce comme consultant indépendant dans le domaine de la construction et de l'énergie. Son dernier mandat a pris fin en décembre 2011. Depuis le 12 décembre 2011, il est au bénéfice de l'assurance chômage qui lui verse des indemnités mensuelles de 7'500 francs. L'activité indépendante de V._ n'a pas dégagé de bénéfice en 2011 et il a vécu sur ses réserves car l'année 2010 avait été très favorable. Le prévenu est propriétaire de son logement, dont les charges hypothécaires et de PPE s'élèvent au total à 1'500 fr. par mois environ. Son épouse n'exerce pas d'activité lucrative. Il ne paie pas de pension alimentaire pour ses enfants issus d'un premier lit. Il aurait été délié de ses obligations alimentaires en contrepartie de la prise en charge de dettes hypothécaires concernant l'immeuble dont il a été propriétaire avec son ex-épouse. Ces dettes seraient amorties par des versements de 25'000 fr. par année.
Le casier judiciaire suisse de V._ ne comporte aucune inscription.
2. Le 28 janvier 2008, V._ a été engagé au sein de l'entreprise N._Sàrl en qualité de chef de projet informatique. Dans cette activité, en particulier dans le cadre d'un mandat accordé à son employeur, le prévenu a initialisé un projet pour les Q._
Le 13 juin 2008, V._ a été licencié avec effet immédiat et, le même jour, il a transféré la totalité de sa boîte email professionnelle, qui contenait notamment des documents confidentiels et des données sensibles concernant le mandat des Q._, sur sa boîte email privée.
Le 19 juin 2008, J._, agissant en tant que représentant qualifié de N._Sàrl, après avoir constaté ce transfert de courriels, a rappelé au prévenu son devoir de confidentialité et a exigé que "tous les documents et messages professionnels collectés lors de son passage dans la société" soient effacés et qu'un courrier postal lui doit adressé afin de confirmer la destruction de toutes ces informations confidentielles.
Le même jour, V._ a envoyé à J._ un courrier électronique ayant la teneur suivante:
"Il est simplement question de tenir nos engagements réciproques de notre séance du vendredi 13 juin 2008 de 15h00 à 16h00. Chaque partie est tenue de respecter ses engagements, à savoir:
- pour J._ le respect du contrat passé avec V._ selon le décompte des heures facturables introduites ou transmises pour introduction dans Track-it,
- pour V._ la destruction complète des documents, la garantie de renonciation à toute action contre les clients ou contre N._Sàrl ainsi qu'à la confidentialité d'usage.
Tel était déjà le contenu de notre discussion lors de la séance du vendredi 13 juin 2008. Aucune action n'a été entreprise dès lors sinon mon inscription à la caisse de chômage le lundi 16 juin 2008."
3. N._Sàrl, par son représentant J._, a déposé plainte le 18 novembre 2009.
D.
Aux débats d'appel, N._Sàrl a conclu au rejet de l'appel et à ce que V._ soit condamné à lui verser des dépens pénaux d'un montant de 4'000 fr. pour les procédures de première et deuxième instance.
L'appelant a précisé ses conclusions en demandant que l'Etat l'indemnise en application de l'art. 429 CPP en lui versant un montant de 2'000 fr. et à ce que l'intimée lui verse des dépens à concurrence de 2'000 francs. | En droit :
1.
D'après l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la notification du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit.
La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP) et dirigé contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel interjeté par V._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
V._ conteste s'être rendu coupable de tentative de contrainte au sens de l'art. 181 CP et soutient à cet égard que l'élément constitutif de la menace d'un dommage sérieux n'est pas réalisé, de même que l'élément subjectif.
2.1
Se rend coupable de
contrainte
au sens de l'art. 181 CP, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte. La
contrainte
est illicite lorsque le moyen ou le but est contraire au droit ou encore lorsque le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé (ATF 134 IV 216 c. 4.1; ATF 129 IV 6
c. 3.4; ATF 119 IV 301 c. 2b).
Il y a menace d'un "dommage sérieux" lorsqu'il apparaît, selon la déclaration faite, que la survenance de l'inconvénient dépend de l'auteur et que cette perspective est telle qu'elle est de nature à entraver le destinataire dans sa liberté de décision. La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, et non pas d'après les réactions du destinataire visé (ATF 122 IV 322 c. 1a; ATF 120 IV 17
c. 2a/aa). Sur le plan subjectif, il faut que l'auteur ait agi avec conscience et volonté, soit au moins qu'il ait accepté l'éventualité que le procédé illicite employé entrave le destinataire dans sa liberté de décision (ATF 120 IV 17 c. 2c).
La menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective, ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 12 ad art. 181 CP). Quant au caractère sérieux du dommage annoncé, il n'est pas important que la victime en soit alarmée ou effrayée, mais il suffit que le préjudice annoncé soit suffisamment sérieux pour porter atteinte d'une manière sensible à la liberté d'action d'une personne raisonnable (Dupuis et al., op. cit., n. 13 ad art. 181 CP). La question doit être tranchée en fonction des critères objectifs, et non pas d'après les réactions du destinataire visé (ATF 122 IV 322 c. 1a; ATF 120 IV 17 c. 2a/aa).
2.2
Dans le cas d'espèce, le 10 juin 2008, le collaborateur des CFF P._ a adressé à J._ un courriel de "haute importance" (P. 10/2) comportant notamment les passages suivants:
"Etant donné la rupture des relations de confiance entre V._ et notre entreprise, je vous prie de le retirer avec effet immédiat de cette mission.
Je vous prie de bien vouloir retirer à V._ tout matériel et documents appartenant aux Q._ et de bien vouloir nous les apporter lors de notre future réunion de ce mercredi. Au cas où des documents auraient été déposés dans l'espace réservé de son compte informatique (H:/), j'aimerais connaître la nature des documents avant le blocage du compte. Si des documents relatifs au projet sont stockés dans le répertoire privé (H:/) je prie un collaborateur de N._Sàrl de bien vouloir prendre connaissance du mot de passe de V._ et de faire le tri de ces documents."
Le 19 juin 2008, soit postérieurement au congé immédiat signifié à l'appelant le 13 juin 2008, J._, directeur de N._Sàrl, lui a adressé un courriel à 8h49 (P. 4/7) pour lui déclarer en substance qu'il avait établi que, le jour de son licenciement, il avait transféré dans sa boîte privée tous les emails concernant le projet Q._, qu'il s'agissait de documents confidentiels, qu'il avait le devoir contractuel de ne pas les conserver et qu'il était enjoint de les effacer. Ce message comportait le passage suivant:
"
J'exige donc que tu effaces tous les documents et messages professionnels collectés lors de ton passage dans notre société
ainsi qu'un
courrier postale
de ta part me certifiant qu'aucunes informations confidentielles n'est encore en ta possession. Si d'ici à la fin de la semaine, ceci n'est pas fait, je me verrai dans l'obligation de transmettre les informations à notre service juridique qui s'occupera de protéger nos intérêts et celui de nos clients. Tu t'exposes bien entendu à des
poursuites pénales
."
C'est en réponse à cette communication que, le même jour à 11h04, l'appelant a envoyé le courriel litigieux (P. 4/7) dans lequel il se réfère aux engagements réciproques évoqués lors d'une séance commune dans l'après-midi du 13 juin 2008, soit pour J._ le respect du contrat liant les parties et plus spécialement le décompte des heures facturables et pour V._: "la destruction complète des documents, la garantie de renonciation à toute action contre les clients ou contre N._Sàrl ainsi qu'à la confidentialité d'usage".
Le jugement de première instance retient (p. 14) qu'en laissant entendre qu'il pourrait détruire ces documents V._ a fait redouter à la plaignante la survenance d'un dommage que l'on peut qualifier d'important. A cet égard, le jugement, après avoir fait état des craintes de la plaignante d'une utilisation des documents confidentiels par le prévenu, soit en les utilisant à son profit, soit en les diffusant auprès de tiers (jgt., p. 14), indique que le dommage important consistait pour la plaignante à redouter que les Q._ ne lui intentent un procès si les documents en question demeuraient en possession de l'appelant.
Il convient dès lors de distinguer la menace d'un dommage sérieux induite par la diffusion ou l'utilisation de documents confidentiels et celle induite par le simple maintien de la possession de ces données par le seul fait de leur non destruction. A la lecture du message de l'appelant, on constate qu'il ne comporte pas de menace de diffusion ou d'utilisation personnelle des données confidentielles. On ne discerne pas non plus qu'une telle menace aurait été formulée implicitement. Le jour du congé, comme il l'a expliqué, l'appelant a procédé au transfert de l'entier des données de son adresse professionnelle à son adresse électronique privée, sans procéder à un tri (jgt., p. 5). Il serait excessif de conclure de ce fait que son auteur entendait divulguer ou utiliser à son profit ces données professionnelles. Partant, il n'y a donc pas eu menace de divulgation ou de révélation des informations confidentielles.
Le message litigieux ne comporte pas non plus une menace expresse d'exposer l'ex-employeur à des prétentions des Q._ dans le cadre d'un procès. La chronologie du licenciement telle que relatée par l'appelant (PV audition 1, p. 4) ne comporte pas la prise de connaissance des exigences des Q._ à son égard quant à la destruction des données telle que formulée dans le courriel de P._ du 10 juin 2008 (P. 10/2). Au demeurant, le dossier ne comporte pas de trace de l'évocation par les Q._ d'une action en justice contre l'employeur en raison de la non destruction des données. Il en résulte que l'appelant n'a pas menacé la plaignante d'un dommage sérieux. Certes, il n'a pas obéi à l'injonction de détruire les données qui lui avaient été transmises dans le cadre de son activité professionnelle et il a lié ce refus à l'octroi de ses prétentions salariales, mais pour autant il n'a pas tablé sur le risque commercial ou judiciaire que cela faisait courir le cas échéant à l'entreprise vis-à-vis de son client, risque au demeurant non objectivé et qui ne pouvait pas être qualifié d'important, si bien que sa communication ne relève pas de la contrainte pénale, les éléments objectifs de la menace et du dommage sérieux n'étant pas réalisés.
2.3
S'agissant de l'élément subjectif de l'infraction de contrainte, l'appelant a toujours nié avoir voulu extorquer de l'argent à N._Sàrl en envoyant le courriel du 19 juin 2008 (PV audition 5, p. 6). Contrairement à ce que retient le jugement de première instance (p. 15), le contenu de la communication litigieuse, répondant elle-même à une menace de plainte pénale, ainsi que les circonstances de son envoi, ne permettent pas de se persuader avec une certitude suffisante de la réalisation de l'élément subjectif, même sous la forme d'un dol éventuel.
2.4
Au vu de ce qui précède, les éléments constitutifs de l'infraction de contrainte ne sont pas réalisés et V._ doit être acquitté.
L'appel doit être admis sur ce point.
3.
L'appelant a conclu à ce que les frais de première instance soient mis à la charge de l'Etat.
3.1
En dépit de son acquittement, le prévenu peut être condamné aux frais de tout ou partie de la procédure lorsqu'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci
(art. 426 al. 2 CPP). Il faut, pour cela, que le prévenu ait adopté un comportement fautif et reprochable, non sous l'angle pénal du terme, mais au regard du droit civil
(ATF 116 Ia 162, JT 1992 IV 52). Le comportement fautif du prévenu doit être à l'origine de l'ouverture de l'enquête pénale ou alors, il doit s'agir d'une "faute procédurale", c'est-à-dire d'un comportement qui a compliqué ou prolongé la procédure, pour que les frais y relatifs puissent être mis à la charge de celui-ci. Selon le principe de la causalité des frais, le comportement du prévenu doit également être à l'origine des frais pour que ceux-ci puissent lui être imputés. Il faut que le prévenu ait clairement violé une norme de comportement écrite ou non écrite, résultant de l'ordre juridique suisse dans son ensemble, pour permettre une application analogique de l'art. 41 CO (loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse, RS 220; J. Chapuis, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, op. cit., n. 2 ad art. 426 CPP)
Selon la jurisprudence (TF 4A_611/2011 du 3 janvier 2012,
rés. in: JT 2012 II 198), en cours de contrat, le devoir de fidélité du travailleur
(art. 321a CO) s'oppose à ce que celui-ci détourne la clientèle de son employeur au profit d'une autre entreprise; ce même devoir de fidélité fonde l'obligation de restitution de l'art. 321b CO (A, Staehelin, in: Zürcher Kommentar, 4
ème
édition, 2006, n. 19 ad art. 321a CO et n. 1 ad art. 321b CO; W. Portmann, in: Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 5
ème
edition, 2011, n. 6 ad art. 321a CO); il n'est ainsi pas insoutenable de considérer qu'à l'issue des relations contractuelles, le devoir de restitution de l'art. 339a CO s'étend aux copies de documents afin notamment de prévenir un risque de détournement de la clientèle de l'entreprise.
En application de l'art. 339a CO, l'employeur a notamment le droit à ce que l'employé lui restitue tout ce qui a été reçu ou remis de tiers pour le compte de l'employeur (Tercier/Favre/Eigenmann, Les contrats spéciaux, 4
ème
édition, Genève 2009, n. 3815 et 1816). Ce devoir de restitution s'étend ainsi aux documents reçus de tiers, qu'ils s'agissent d'écrits sur support papier ou de fichiers informatiques. En l'occurrence, la remise, soit la dépossession, des données devait s'effectuer par leur effacement. L'employé ne pouvait invoquer le droit de rétention réservé à
l'art. 339a al. 3 CO dès lors que celui-ci ne peut s'exercer ni sur des objets dont il se serait approprié unilatéralement, ni sur des écrits (listes de clients ou de prix par exemple) dépourvus de valeur commerciale en tant que tels (Tercier, op. cit,
n. 3819), le droit de rétention ne pouvant s'exercer que sur des biens réalisables (Favre, Munoz, Tobler, Le contrat de travail, Code annoté, Lausanne 2010, n. 3.1 ad art. 339a CO).
3.2
En l'espèce, alors qu'il était averti que son refus d'obtempérer aurait des suites pénales, V._ a refusé de détruire et de confirmer la destruction des données litigieuses. En violant son devoir de restitution, il a commis une faute civile. Cet acte illicite étant à l'origine de l'ouverture de la procédure pénale, sa condamnation à une part des frais en première instance, par 1'400 fr., doit être maintenue.
L'appel doit être rejeté sur ce point.
4.
V._ réclame à l'Etat une indemnité de 2'500 fr. pour ses frais d'avocat en première instance.
4.1
Aux termes de l'art. 429 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité notamment pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (al. 1 lit. a). L'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre à celle-ci de les chiffrer et de les justifier (al. 2).
La base légale fondant un droit à des dommages et intérêts et à une réparation du tort moral a été créée dans le sens d'une responsabilité causale. L'Etat doit réparer la totalité du dommage qui présente un lien de causalité avec la procédure pénale au sens du droit de la responsabilité civile (Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1313). Les dépenses à rembourser au sens de l'art. 429 al. 1 lit. a CPP sont essentiellement les frais de défense. Cette disposition transpose la jurisprudence selon laquelle l'Etat ne prend en charge ces frais que si l'assistance était nécessaire compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires de l'avocat étaient ainsi justifiés (ibidem). L'indemnisation des frais d'avocat ne se limite pas aux cas de défense d'office obligatoire, ni à ceux où le bénéfice de la défense d'office volontaire eût été envisageable si le prévenu était indigent (Mizel/Rétornaz, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, op. cit., n. 31 ad art. 429 CPP).
L'art. 430 al. 1 CPP prévoit la possibilité de réduire ou de refuser cette indemnisation lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci. Il s'agit donc des mêmes critères que ceux énoncés à l'art. 426 al. 2 CPP pour autoriser la condamnation aux frais du prévenu libéré. Ainsi, en règle générale, si les frais sont mis à la charge de la partie qui succombe, il ne lui est pas alloué de réparation. En revanche, lorsque les frais assumés par la Caisse de l'Etat, le prévenu a en principe droit à une indemnité (ATF 137 IV 352).
4.2
Dans le cas présent, V._ est condamné aux frais liés à l'accusation de contrainte dans la mesure où, par son refus fautif de restituer ou plus exactement de détruire les fichiers à première réquisition, il est à l'origine de la procédure pénale. Il y a donc lieu de lui refuser toute indemnité de l'art. 429 CPP.
Par ailleurs, en plus de ce refus de principe, on peut encore relever que de toute manière la quotité du montant réclamé aurait été considérablement réduite. En effet, l'avocat Me Mauron n'a pas assisté son client à l'audience de première instance (P. 35) et, mise à part une lettre de deux pages (P. 19) traitant des accusations, le dossier ne contient que quelques demandes de prolongation de délais ou de consultation du dossier, ce qui ne permet pas de justifier le montant réclamé.
4.3
Au vu de ce qui précède, l'appel doit être rejeté en ce qui concerne les dépens de première instance.
5.
V._ n'a pas conclu formellement à la suppression du chiffre VI du dispositif, mais il a indiqué attaquer le jugement dans son ensemble, ce qui revient à viser toutes les conséquences de sa condamnation, y compris sa condamnation aux dépens.
L'art. 433 al. 1 CPP prévoit que la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure, soit lorsqu'elle obtient gain de cause, soit lorsque le prévenu est astreint au paiement de frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP. Or, comme on l'a vu plus haut, la condamnation partielle aux frais du prévenu doit être confirmée parce qu'il a provoqué de manière civilement illicite et fautive l'ouverture de la procédure. Par cohérence, il convient donc de confirmer sa condamnation aux dépens de première instance.
De plus, la partie plaignante a de toute façon obtenu gain de cause en ce sens qu'elle avait conclu à ce qu'il lui soit donné acte de ses réserves civiles
(jgt., p. 9), ce qui lui a été alloué au chiffre IV du dispositif (jgt., p. 16). Or, l'appelant a conclu non pas au rejet de cette conclusion et donc à l'extinction définitive de l'action civile, mais à ce que la partie civile soit renvoyée à agir par la voie civile (art. 126 al. 3 CPP), ce qui revient à admettre la décision du premier juge sur l'action civile, tout en la reformulant autrement.
En conséquence, l'appel doit être rejeté sur ce point.
6.
Au vu de ce qui précède, l'appel doit être partiellement admis. Dans la mesure où il l'est sur la question principale qu'est l'acquittement, l'entier des frais d'appel doit être supporté par l'Etat en application de l'art. 428 al. 1 CPP.
Il y a également lieu d'accorder à l'appelant une pleine indemnité de l'art. 429 CPP pour ses frais d'avocat en appel. Compte tenu de la complexité de l'affaire et des opérations effectuées, il convient d'arrêter à 1'400 fr. l'indemnité allouée à l'appelant pour les dépenses occasionnées par l'exercice de ses droits en procédure d'appel. Conformément à l'art. 442 al. 4 CPP, ce montant sera compensé avec les frais de première instance mis par 1'400 fr. à la charge de l'appelant (cf. chiffre 3 ci-dessus) | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
883524db-9380-4ed8-948b-54f9983001f3 | En fait :
A.
Par jugement du 25 avril 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte a notamment constaté que F._ s'est rendu coupable de vol, dommages à la propriété, violation de domicile, délit de chauffard, conduite en état d'ébriété qualifiée, violation des devoirs en cas d'accident et vol d'usage (VI), l'a condamné à une peine privative de liberté de 18 mois sous déduction de 36 jours de détention extraditionnelle et 233 jours de détention subie avant jugement (VII), a suspendu l'exécution de la peine portant sur 9 mois et fixé au condamné un délai d'épreuve de 4 ans (VIII), l'a condamné en outre à une amende de 500 fr. convertible en 5 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif dans le délai imparti (IX), a ordonné son maintien en détention pour des motifs de sûreté (X), a arrêté l'indemnité d'office due de Me Kathrin Gruber à 5'173 fr. 20 (XV), a mis une partie des frais de la cause, y compris l'indemnité allouée à son défenseur d'office, par 6'869 fr. 65, à la charge de F._ (XVI), a dit que le remboursement de l'indemnité allouée à Me Kathrin Gruber ne sera exigible que pour autant que la situation financière de F._ le permette (XVII) et a rejeté ses prétentions en indemnisation pour détention illicite (XIX).
B.
Le 25 avril 2014, F._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d'appel du 19 mai 2014, il a conclu, sous suite de frais et dépens, à la réforme du chiffre XIX de son dispositif en ce sens que l'Etat de Vaud est condamné à lui verser une indemnité pour tort moral de 1'900 fr. pour les conditions de détention illégales subies durant 19 jours dans les locaux de la police cantonale.
F._ a été libéré le 1
er
mai 2014.
Par avis du 25 juin 2014, le Président de céans a informé les parties que la cause était suspendue jusqu'à droit connu sur le recours en matière pénale déposée devant le Tribunal fédéral par un autre appelant contre un jugement rendu par la Cour d'appel pénale dans un cas similaire.
Par courrier du 21 juillet 2014, l'appelant a requis la reprise de la procédure ensuite de l'arrêt rendu le 1
er
juillet 2014 par le Tribunal fédéral (TF 6B_17/2014) et a confirmé les conclusions figurant dans sa déclaration d’appel.
Par avis du 5 août 2014, le Président de céans a informé les parties que l'appel serait traité en procédure écrite (art. 406 al. 1 CPP). Il leur a en outre imparti un délai de 20 jours pour déposer un éventuel mémoire complémentaire.
Par courrier du 8 août 2014, F._ a indiqué qu'il n'avait pas de déterminations complémentaires et qu'il se référait à sa déclaration d’appel ainsi qu’à son écriture du 21 juillet 2014.
Par déterminations du 19 août 2014, le Procureur s'en est remis à justice quant à la question de l'octroi d'une indemnité pour tort moral à l'appelant. Dans l'éventualité où une indemnité serait accordée, il s'en est également remis à justice quant au montant de celle-ci, précisant que ce montant ne devait toutefois pas dépasser 50 fr. pour les jours dépassant les premières 48 heures d'arrestation, soit 17 jours.
Par courrier du 27 août 2014, le conseil de F._ a transmis sa liste d’opérations.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Par souci de simplification, la Cour de céans se bornera à faire état ici des seuls éléments utiles au traitement de l’appel. Elle renvoie pour le surplus au jugement attaqué, qu'elle fait sien, les faits, les qualifications juridiques et la peine prononcée n’étant pas contestés par l'appelant.
2.
Durant l'enquête pénale, F._ a été détenu 21 jours à la zone carcérale du Centre de la Blécherette.
Par ordonnance du 18 octobre 2013, le Tribunal des mesures de contrainte a constaté que les conditions dans lesquelles se sont déroulées 19 des 21 premiers jours de détention provisoire de F._ n'étaient pas conformes aux dispositions légales en la matière. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de F._ est recevable.
L’appel relève de la procédure écrite, dès lors qu’il porte uniquement sur la question de l’octroi d’une indemnité pour conditions illicites de détention (art. 406 al. 1 let. d CPP).
2.
Invoquant une violation de l'art. 431 CPP, l'appelant requiert l'octroi d'une indemnisation à hauteur de 1'900 fr. pour les 19 jours de détention subis dans des conditions de détention illicites.
2.1
Dans son arrêt publié à l’ATF 139 IV 41, le Tribunal fédéral a considéré que le motif déduit de la prolongation de la détention dans la zone carcérale d’un bâtiment de police, même si celle-ci n’était pas conforme à la loi, ne justifiait pas la remise en liberté du prévenu, mais seulement une décision constatatoire. Il a par ailleurs relevé que c’est à l’issue de la procédure, sous l’angle d’une éventuelle indemnisation au sens des articles 429 ss CPP, que les conséquences de ces constatations devaient être tirées.
Dans un arrêt du 1
er
juillet 2014 (cf. TF 6B_17/2014), le Tribunal fédéral a posé le principe d’une indemnisation à raison d’un tel séjour, au-delà des 48 premières heures. Il a considéré que le montant réclamé par jour, de 50 fr., n’était pas exagéré et a alloué, pour les 11 jours suivant les 48 premières heures, une indemnité pour tort moral de 550 francs. Il a précisé que cette indemnité n’était pas compensable avec les frais de justice mis à la charge du prévenu. Il a ajouté enfin que la réclamation pécuniaire admise dans ce cas ne signifiait pas d’une manière générale qu’une autorité cantonale saisie d’une problématique similaire ne puisse envisager une autre forme de réparation, à l’instar de ce qui prévalait pour une violation du principe de la célérité, se référant à l'ATF 133 IV 158. Il a ainsi laissé ouverte la question de savoir si la réparation pouvait prendre la forme d’une réduction de peine.
Certes, l'art. 431 al. 1 CPP prévoit que si le prévenu a, de manière illicite, fait l'objet de mesures de contrainte, l'autorité pénale lui alloue une juste indemnité en réparation du tort moral. Néanmoins, la Cour européenne des droits de l'homme a admis qu'en cas de traitement prohibé par l'art. 3 CEDH, une réduction de peine pouvait constituer une forme de réparation appropriée, à condition de reconnaître la violation de manière suffisamment claire et d'accorder réparation en réduisant la peine de façon expresse et mesurable (arrêt CourEDH Ananyev et autres c. Russie du 10 janvier 2012 § 225). Une indemnisation sous forme de réduction de peine est en conséquence possible.
2.2
En l'espèce, F._ a passé 19 jours de détention provisoire dans la zone carcérale du Centre de la Blécherette, en sus des 48 heures prévues par l'art. 27 LVCPP (Loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009, RSV 312.01). Ces conditions de détention illégales ont été constatées par le Tribunal des mesures de contrainte dans son ordonnance du 18 octobre 2013. Il a été retenu que l'appelant était privé de lumière du jour et astreint à la lumière artificielle allumée en permanence, que les installations sanitaires mises en place ne protégeaient pas son intimité, qu'il n'avait accès à aucune occupation et que la durée des promenades était insuffisante et ne s'effectuaient pas en plein air.
Au regard des conditions de détention que l’appelant a subies, une réparation se justifie. Celle-ci prendra dans le cas d'espèce la forme d'une indemnisation financière, F._ ayant été libéré le 1
er
mai 2014. Un montant de 50 fr. par jour à titre de tort moral est adéquat, l’appelant ne faisant pas valoir de circonstances exceptionnelles justifiant que l’on s’écarte de ce montant. Ainsi, c'est une somme de 950 fr. au total qui sera allouée à l'appelant.
3.
En définitive, l'appel doit être admis et le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de La Côte réformé en ce sens que l'Etat de Vaud est condamné à verser à F._ la somme de 950 fr. à titre de réparation du tort moral. Le jugement est confirmé pour le surplus.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, constitués de l’émolument d’arrêt, par 660 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), et de l’indemnité allouée au défenseur d’office de F._, par 399 fr. 60, TVA et débours compris, doivent être laissés à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
88496733-8fa8-483c-8f08-7e0334bc81c0 | En fait :
A.
Par jugement du 26 août 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté qu'A._ s'était rendue coupable de violation simple des règles de la circulation routière (I), condamné A._ à une peine d'amende de 240 fr. (II), dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l'amende serait de 2 jours (III), mis les frais de la cause, par 900 fr., à la charge d'A._ (IV) et rejeté les conclusions d'A._ en indemnisation du tort moral et en remboursement de ses frais de défense (V).
B.
Par annonce du 4 septembre 2014 suivie d’une déclaration motivée du
6 octobre 2014, A._ a formé appel contre ce jugement en concluant à sa libération du chef d'accusation de violation de l'art. 33 al. 2 LCR (loi fédérale du
19 décembre 1958 sur la circulation routière; RS 741.01) (I), à la réduction en conséquence, dans une mesure à dire de justice, de l'amende prononcée à son encontre (II), à l'allocation d'une indemnité de 5'720 fr. 50 à la charge de l'Etat de Vaud (III) et à la mise des frais de la cause à la charge de l'Etat (IV).
Par avis du 27 octobre 2014, le président de la Cour de céans a informé A._ que l’appel allait être traité en procédure écrite et qu’il relevait de la compétence d’un juge unique. L'appel étant déjà motivé, le président de la Cour de céans a indiqué qu'il renonçait, sous réserve des objections qu'A._ pourrait faire valoir sur ce point dans les dix jours dès réception de l'avis, à fixer un délai pour le dépôt d'un mémoire. A._ n'a pas fait valoir d'objection dans le délai imparti.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
La prévenue A._ est née le [...] 1966 à Lausanne. Elle travaille comme documentaliste à plein temps, ce qui lui procure un revenu mensuel net de 8'125 francs. Elle fait état d'une fortune d'environ 250'000 francs.
Le casier judiciaire de la prévenue ne comporte aucune inscription.
2.
A Lausanne, rue Sébeillon, le 21 février 2013 à 6h40, alors qu'elle circulait sur l'avenue de Sévelin, la prévenue, parvenue dans une intersection à sens giratoire, n'a pas indiqué son changement de direction en sortant afin d'emprunter la rue Sébeillon. De plus, parvenue peu avant le passage pour piétons balisé à cet endroit, la prévenue a fait un écart sur sa gauche afin de contourner un piéton qui était déjà engagé sur le passage. Au moment des faits, elle roulait à une vitesse voisine des 20 km/h et est passée à environ un mètre du dos du piéton. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d'A._ est recevable.
1.2
S'agissant d'un appel dirigé contre une contravention, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 ; RSV 312.01]).
1.3
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Vianin, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
En l’espèce, seule une contravention à la législation sur la circulation routière a fait l’objet de la procédure de première instance, de sorte que l’appel est restreint.
2.
2.1
La matérialité des faits retenus par le Tribunal de police n'est plus litigieuse, l'appelante ne contestant plus le déroulement des faits tel qu'il ressort du rapport de dénonciation établi par la police le 2 mars 2013. L'appelante ne conteste pas non plus sa condamnation pour ne pas avoir indiqué son intention de changer de direction en sortant de l'intersection à sens giratoire (cf. déclaration d'appel, p. 5).
L'appelante soutient en revanche que son comportement au niveau du passage piéton ne serait pas constitutif d'une violation de l'art. 33 al. 2 LCR, de sorte qu'elle n'aurait pas dû être condamnée pour ces faits. Elle fait en particulier valoir que cette disposition n'impose pas à l'automobiliste de systématiquement s'immobiliser totalement devant le passage pour piétons et d'attendre que le piéton ait terminé la traversée de la chaussée avant de poursuivre sa route; en l'espèce, son comportement aurait été conforme au devoir de prudence.
2.2
Selon l'art. 33 al. 2 LCR, avant les passages pour piétons, le conducteur circulera avec une prudence particulière et, au besoin, s'arrêtera pour laisser la priorité aux piétons qui se trouvent déjà sur le passage ou s'y engagent. Le conducteur doit vouer à la route et au trafic toute l'attention possible, le degré de cette attention devant être apprécié au regard de toutes les circonstances, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l'heure, la visibilité et les sources de danger prévisibles (TF 1C_425/2012 du 17 décembre 2012 c. 3.2 et les références citées). La "prudence particulière" avant les passages pour piétons que doit adopter le conducteur selon l'art. 33 al. 2 LCR signifie qu'il doit porter une attention accrue à ces passages protégés et à leurs abords par rapport au reste du trafic et être prêt à s'arrêter à temps si un piéton traverse la chaussée ou en manifeste la volonté (ibidem). Il ressort du but et de l'esprit de la disposition que le devoir de prudence particulière vaut non seulement avant le passage pour piétons lui-même, comme l'indique le texte légal, mais également pendant que l'automobiliste franchit celui-ci.
2.3
En l'espèce, il est vrai que l'appelante n'a pas à proprement parler violé la priorité du piéton, en ce sens qu'elle ne l'a pas gêné d'une façon ou d'une autre dans sa marche de prioritaire. Il n'en demeure pas moins qu'elle a passé à un mètre dans le dos de celui-ci, de nuit et sur un passage pour piétons qui est coupé en son milieu par un îlot (cf. P. 10; PV aud. 1, lignes 47 et 48). En présence d'une telle configuration, dans laquelle la largeur de la voie de circulation se trouve réduite, l'appelante a dû s'engager dans l'étroit espace séparant le piéton de l'îlot central. Dans ces circonstances, l'appelante a violé le devoir de prudence que requiert l'art. 33 al. 2 LCR en ne s'arrêtant pas devant le passage pour piétons.
Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le Tribunal de police a reproché à l'appelante d'avoir violé l'art. 33 al. 2 LCR. Dans la mesure où l'appelante fait dépendre son grief relatif à la quotité de la peine uniquement de l'admission du moyen qui précède, le Juge de céans peut se borner à constater que l'appréciation du Tribunal de police est conforme à la loi, de sorte que la peine prononcée peut être confirmée.
3.
3.1
L'appelante a en outre pris des conclusions tendant à l'allocation d'une indemnité fondée sur l'art. 429 CPP. Elle réclame un montant de 5'220 fr. 50 au titre de l'indemnisation de ses frais de défense et 500 fr. au titre de tort moral.
3.2
Selon l'art. 429 al. 1 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) et à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let. c).
3.3
En l'espèce, comme la condamnation de l'appelante est confirmée, il n'y a pas matière à allocation d'une indemnité fondée sur cette disposition. Par surabondance, on relève que même en cas d'acquittement partiel, les conditions d'une indemnisation des frais d'avocat n'auraient selon toute vraisemblance pas été réunies. Il est en effet douteux que ces dépenses se justifient dans un cas de ce type, qui est simple en fait et en droit, l'appelante ne rendant au surplus pas vraisemblable que l'issue de la procédure pourrait avoir un impact significatif sur sa vie personnelle ou professionnelle (cf. ATF 138 IV 97 c. 2.3, JT 2013 184; en matière de contravention à la LCR, cf. p. ex. TF 6B_563/2012 du 1
er
novembre 2012 c. 1.4; CAPE 19 avril 2013/101; CAPE 16 mai 2012/132). A tout le moins, dans un cas juridiquement simple tel que celui de l'espèce, l’activité de l’avocat doit se limiter au minimum, soit tout au plus à une simple consultation (ATF 138 IV 197 c. 2.3.5; cf. p. ex. CAPE 22 avril 2014/135), ce qui n'a manifestement pas été le cas en l'espèce.
4.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement entrepris confirmé.
Les frais de la procédure d’appel, constitués du seul émolument d’arrêt, par 540 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de l’appelante, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
885838f8-4875-4f98-b38f-544eabb69baa | En fait :
A.
Par jugement du 19 juin 2013, le Tribunal criminel de l’arrondissement de Lausanne a, notamment, constaté qu'V._ s’est rendu coupable de meurtre, lésions corporelles simples, lésions corporelles simples qualifiées, vol, dommages à la propriété, injure, menaces, violation de domicile, infraction à la Loi fédérale sur les étrangers, infraction à la Loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions, et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (I), condamné V._ à une peine privative de liberté de 12 (douze) ans, sous déduction de 790 jours de détention avant jugement, à une peine pécuniaire
d' un jour-amende à 10 fr. le jour-amende et à une amende de 100 fr., convertible en 10 (dix) jours de privation de liberté en cas de non paiement (II), ordonné
V._ soit soumis à un traitement psychiatrique ambulatoire en cours de détention (III), ordonné le maintien en détention, sous le régime de l'exécution de la peine d'V._ à titre de mesure de sûreté (IV), et dit que le présent jugement est très partiellement complémentaire à celui rendu par ce Tribunal le 3 mars 2011 (V).
B.
Par acte du 16 juillet 2013, le Ministère public a fait appel de ce jugement en concluant à sa réforme en ce sens qu'V._ est soumis à une mesure d'internement au sens de l'art. 64 al. 1 let. a CP, en lieu et place du traitement psychiatrique ambulatoire ordonné (II), le jugement étant confirmé pour le surplus (III) et les frais étant mis à la charge du prévenu (IV).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Le prévenu, V._, est né le 3 juillet 1986 à[...], [...], pays dont il est ressortissant. Il est le cadet d’une fratrie de deux. Il a grandi en [...] et a vécu en famille jusqu’à la séparation de ses parents, en 1994. D’importantes tensions et conflits entre les deux familles des parents ainsi que le contexte politique et l’insécurité régnant alors [...] ont poussé le père du prévenu, [...] à quitter le pays. Il a rejoint la Suisse avec ses deux enfants en 1997, en tant que demandeur d’asile. Dans notre pays, V._ s'est senti déraciné et perdu. Ses difficultés existentielles se sont encore aggravées lorsque son père s'est remarié avec une Suissesse et a emménagé avec celle-ci dans un appartement à [...], le prévenu n'ayant pas de bons rapports avec sa belle-mère. Dans ces circonstances, V._ n'aurait pas revu sa mère depuis 2006.
Le parcours scolaire d'V._ a été difficile et l'intéressé a commis des actes de petite délinquance dès l’âge d'onze ou douze ans. Il a commencé à consommer des stupéfiants durant l'adolescence. Après divers placements en foyers et plusieurs condamnations par le Tribunal des mineurs d’abord, puis dès 2005 par le Tribunal correctionnel de Lausanne, V._ a également exécuté quelques peines de prison. La période en foyer spécialisé a souvent été entrecoupée par des séjours à [...], pour divers larcins incluant des vols, brigandage, dommage à la propriété, recel et menace contre l’autorité. A l’âge de 15 ans, V._ a fini par se trouver dans la situation où plus aucune structure spécialisée ne pouvait l’accueillir (P. 61 p. 4).
V._ n'est pas parvenu à terminer une formation professionnelle. Il a toutefois pu commencer un stage de préapprentissage à l’institut [...] à Sion. Il a réussi ce stage mais a montré une certaine fragilité psychique. L'[...] lui a fait suivre des entretiens psychologiques au Centre pour le développement et la thérapie de l’enfant et de l’adolescent, à Sion (CDTEA). Il en est ressorti qu’V._ souffrait, à cette époque, de troubles psychiques et de problèmes d’identité. Dans un rapport du 20 août 2002, les éducateurs du Centre de préapprentissage de l’institut [...] ont précisé, s'agissant des perspectives d'avenir d'V._ que celui-ci devait faire des efforts dans le domaine scolaire et qu'un soutien éducatif était nécessaire pour cadrer son comportement. Il lui fallait en outre poursuivre les entretiens psychologiques pour avancer dans l'élucidation et la résolution de ses difficultés psychiques. Enfin, un suivi de la famille paraissait également nécessaire (P. 261/1).
2.
Le casier judiciaire suisse du prévenu fait état des condamnations suivantes :
- 7 mars 2002, le Tribunal des mineurs Lausanne, vol, dommages à la propriété, violation de domicile, contravention à la LF sur les stupéfiants, 9 jours de détention, préventive 9 jours;
- 9 juillet 2002, Tribunal des mineurs Lausanne, brigandage, contravention à la LF sur les stupéfiants, 15 jours de détention avec sursis pendant
1 an, sursis révoqué le 7 septembre 2004;
- 9 septembre 2004, Tribunal des mineurs Lausanne, lésions corporelles simples, lésions corporelles simples (avec du poison/une arme ou un objet dangereux), vol, complicité de vol, brigandage, dommages à la propriété, recel, injure, contrainte, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, délit contre la LF sur les armes, délit contre la LF sur les stupéfiants, contravention à la
LF sur les stupéfiants, contravention à la LF sur le transport public, 5 mois de détention, détention préventive 110 jours, règle de conduite;
- 14 avril 2005, Tribunal correctionnel Lausanne, rixe, agression, vol, contravention à la LF sur les stupéfiants, emprisonnement 12 mois, détention préventive 248 jours, expulsion 5 ans (répercussion abolie) avec sursis;
- 1
er
mai 2006, Juge d’instruction de Lausanne, voies de fait, menaces, vol, dommages à la propriété, emprisonnement 3 mois;
- 30 octobre 2006, Juge d’instruction Lausanne, contravention à la LF sur les stupéfiants, circuler sans permis de circulation ou plaques de contrôle, circuler sans assurance-responsabilité civile, conduire un véhicule défectueux, emprisonnement 10 jours, amende 300 fr.;
- 10 mars 2008, Tribunal correctionnel Lausanne, remettre à des enfant des substances nocives, vol, actes d’ordre sexuel avec un enfant, délit contre la
LF sur les stupéfiants, contravention à la LF sur les stupéfiants, travail d’intérêt général 480 heures ainsi que, pour sanctionner la contravention, 40 heures de travail d'intérêt général en lieu et place d'une l'amende;
- 11 mars 2008, Tribunal de police Lausanne, lésions corporelles simples, rixe, travail d’intérêt général 200 heures, détention préventive 12 jours;
- 3 avril 2009, Cour de cassation pénale Lausanne, agression, vol, contravention à la LF sur les stupéfiants, peine privative de liberté 18 mois, amende 100 fr., détention préventive 240 jours, remplace le jugement du 19 février 2009 du Tribunal correctionnel de Lausanne, libération conditionnelle le 25 janvier 2010, peine restante 4 mois, délai d’épreuve 1 an, révoqué le 3 mars 2011;
- 3 mars 2011, Tribunal correctionnel Lausanne, agression, vol d’usage (tentative), dommages à la propriété, vol, contravention à la LF sur les stupéfiants, peine privative de liberté 6 mois, amende 100 fr., détention préventive 88 jours.
3.
V._ a été renvoyé devant les premiers juges par acte d'accusation établi le 14 décembre 2012. La cour de céans s'y réfère de même qu'aux éléments recueillis en seconde instance et aux faits établis par le premier juge, qui sont correctement instruits et corroborés par les pièces au dossier. Elle retient ce qui suit :
3.1
A Lausanne, notamment, entre le 3 avril 2009 et le 22 avril 2011, date de son interpellation, le prévenu V._ a séjourné en Suisse sans être au bénéfice d’aucun titre de séjour valable.
3.2
A Lausanne, notamment, entre la mi-décembre 2009, la consommation antérieure étant prescrite, et le 22 avril 2011, le prévenu V._ a quotidiennement consommé de la marijuana, ainsi que de la cocaïne et du Rivotril.
3.3.
A Lausanne, sur la place Chauderon, le vendredi 4 mars 2011, vers 15h45, W._, qui avait quelques mois auparavant déposé plainte contre V._ et ses amis à la suite d’une agression pour laquelle ces derniers avaient été jugés les 2 et 3 mars 2011, a été accosté par le prévenu. Ce dernier lui a déclaré que c’était à cause de lui que son ami avait été condamné à de la prison ferme et qu’il allait le regretter. En prononçant ces paroles, il a mis sa main dans l’une des poches de son pantalon et a fait mine d’en sortir un objet. Deux agents de police sont passés à proximité, ce qui a amené le prévenu à quitter rapidement les lieux. Connaissant la détermination dont peut faire preuve V._, W._ a été effrayé par les menaces proférées.
3.4
A Lausanne, Place Bel-Air, sur le toit de la [...], le vendredi 18 mars 2011, vers 02h00, le prévenu V._ a, sans raison apparente, donné un coup de coude dans les dents d’K._ qui était en train de discuter avec des amis. Ce coup a fait chuter la victime qui a été blessée aux dents.
3.5
A Lausanne, à la gare CFF, le samedi 9 avril 2011, vers 10h35, dans le train circulant entre [...], V._ a écouté de la musique à un volume élevé. Perturbé par le bruit, comme beaucoup d’autres passagers, E._ lui a gentiment demandé de baisser le son de son appareil. Le prévenu l'a injurié et menacé de mort. Effrayé, E._, qui se trouvait en compagnie de son épouse et de leur fille âgée de 23 mois, a appelé la police. Au moment des faits, le prévenu V._ était porteur d’un couteau de type papillon dont il a tenté de se débarrasser lorsqu’il était amené au poste de gendarmerie.
3.6
Au cours de la nuit du 21 au 22 avril 2011, V._ accompagné de [...] et de [...] un ami de cette dernière, s’est rendu vers 21h00, en train, à Renens, pour participer à une soirée grillades organisée par [...], domicilié avenue du Léman 15.
Avant de se rendre à cette fête, il aurait consommé quatre comprimés de 2mg de Rivotril achetés dans l’après-midi à des inconnus à Lausanne. Durant la soirée, il aurait bu quatre verres de rhum, deux mojitos, et fumé quatre ou cinq joints, avant de quitter les lieux, vers minuit en compagnie de [...].
V._ et [...] se sont rendus à la station du M1 à Malley. Pendant que la prénommée patientait sur le quai, V._ s’est rendu dans le bar[...], situé dans le [...] et au bar [...]. Il était environ 00h35. Dans cet établissement, il a demandé à un client de la cocaïne, avant de se faire sortir du bar par le videur, qui a dû le pousser et le gifler pour qu'il accepte de quitter les lieux. A la suite de cette altercation, le prévenu s’est placé sous les escaliers menant à ces bars. Il était 00h42.
J._ et son frère [...] sont arrivés dans le [...] aux alentours de 00h28 et sont restés à l’intérieur de cet établissement entre 00h34 et 00h42. Vers 00h43, lorsqu'ils ont quitté le [...] et qu’ils se sont retrouvés en bas des escaliers, T._ a pointé du doigt le prévenu qui s'y trouvait toujours. L'intéressé a quitté le [...] deux minutes après le départ des frères J._
Le prévenu s'est dirigé à pied jusqu’à la discothèque [...] en passant par le chemin du Martinet et par l’avenue de Sévelin. Au chemin du Martinet 27, le 22 avril 2011, entre minuit et 05h00, il a brisé la vitre de la porte d’entrée du L._ à l’aide d’une bouteille en verre et a pénétré sans droit dans ce commerce. Il a ensuite fouillé les lieux avant d'emporter une quantité indéterminée de cartouches de cigarettes et de cartes téléphoniques.
3.7.
Durant cette même nuit du 22 avril 2011, V._ a brisé l’une des fenêtres de [...] à l’aide d’une brique et y a pénétré sans droit. Il a fouillé les lieux en brisant le vitrage de trois autres portes, avant de quitter les lieux en emportant une paire de lunettes de vue d’une valeur d’environ 400 fr., un poignard "Toledo" et un petit couteau, genre Laguiole. Ces deux couteaux ont été utilisés par V._ lors de l’altercation survenue devant la discothèque [...] relatée au ch.3.8 ci-dessous.
3.8
. A Lausanne, à la rue de la Tour, à la hauteur du n° 29, le vendredi 22 avril 2011, vers 05h40, devant la discothèque [...], V._ s’est approché de J._ et [...] qui attendaient les videurs de cet établissement pour se rendre ensuite au restaurant [...]. Une altercation – dont il n'a pas été possible de cerner qui l'a provoquée et quelles en sont les causes – s’est produite entre V._ et J._, au cours de laquelle V._ a asséné des coups de couteau à J._ et son frère [...]. La première victime a dû être suturée derrière l’oreille gauche, dans le cuir chevelu, à l’arrière du crâne et sur le flanc gauche. La seconde victime, [...] a succombé à ses blessures le même jour aux environs de 19h00. L'autopsie de [...], effectuée au Centre Universitaire Romand de Médecine Légale (ci-après : le CURML), a mis en évidence huit lésions provoquées par un objet tranchant ou tranchant et piquant. Selon les données cliniques, la section des vaisseaux poplités a provoqué un choc hypovolémique par une hémorragie qui n’a pas pu être maîtrisée.
D'après les rapports établis les 21 novembre 2011 et 30 avril 2012 par le CURML, l’éthanolémie théorique du prévenu devait être comprise, aux moments des faits, entre 2,11 et 2,87 g/kg. Ces indications sont théoriquement compatibles avec la concentration de clonazépam (Rivotril) mesurée dans le sang prélevé le 22 avril 2011 à 22 h 40 et les déclarations d'V._ concernant notamment sa consommation de Rivotril.
4.
En raison de ses démêlées avec la justice, le permis B d'V._ n’a plus été renouvelé depuis 2004. Le prévenu a en outre fait l’objet d’une décision de renvoi de Suisse, contre laquelle il a déposé en vain plusieurs recours. Une procédure administrative serait toujours pendante.
5.
5.1
V._ a été soumis à une première expertise psychiatrique, qui a fait l'objet d'un rapport du 29 février 2008 (P. 61) signé par la [...] et le Dr [...] du Département de psychiatrie du CHUV. Ces praticiens – mandatés par l'autorité de première instance pour définir la responsabilité de l'intéressé dans une bagarre à laquelle il avait participé en ayant consommé un peu d'alcool – ont posé les diagnostics de trouble mixte de la personnalité, comprenant des éléments de personnalité dyssociale et émotionnellement labile de type impulsif, d'utilisation nocive pour la santé d’alcool, de cocaïne et de sédatifs ou hypnotiques, et de syndrome de dépendance au cannabis. Le trouble mixte de la personnalité se manifestait principalement par une faible tolérance à la frustration, un abaissement du seuil de décharge de l’agressivité, ainsi qu’une tendance marquée à l’agir, au comportement querelleur, et aux conflit avec les autres, en particulier lorsque les actes sont contrariés ou critiqués. Si le risque de récidive était avéré, il était diminué par un bon pronostic lié à l'analyse pertinente de la situation de l'époque, V._ se montrant décidé à travailler et à se stabiliser, et reconnaissant la pertinence d’entamer un suivi psychothérapeutique qu'il souhaitait voir confié à la Dresse [...], psychologue à Lausanne (cf. p. 8). Bien que consommateur la cocaïne, d'alcool, de benzodiazépines et de cannabis, l'intéressé n'avait pas encore montré une addiction à ces substances. Au vu du trouble de la personnalité à traits dyssociaux et émotionnellement labiles, la consommation de stupéfiants était susceptible de renforcer l'impulsivité et les comportements agressifsV._ Enfin, la diminution de la responsabilité du prévenu était légère au moment des faits, cela en raison du trouble de la personnalité, indépendamment de toute substance consommée.
5.2
En janvier 2010, le prévenu a entamé une prise en charge psychothérapeutique au [...], Pédopsychiatre et psychiatre à Lausanne, dans le cadre d’un mandat médico-légal ordonné par l’Office d’exécution des peines. Il y avait déjà suivi quelques consultations entre 2007 et 2009 dans la perspective d’une prise en charge psychothérapeutique qui n’avait pas abouti (P. 261/4). Dans un rapport du 23 mars 2011 (P. 261/4) cosigné par le [...] et retraçant le parcours de l'intéressé au sein de ce cabinet, les praticiens ont retenu les diagnostics de trouble mixte de la personnalité, comprenant des éléments de personnalité dyssociale et émotionnellement labile de type impulsif, de syndrome de dépendance au cannabis, de syndrome de dépendance à la cocaïne, abstinent au moment de l'établissement du rapport, et de difficultés liées à la situation juridique. Les psychiatres ont préconisé la poursuite de la psychothérapie en cours, bien qu'ils aient constaté, chez l'intéressé, un profond changement et un caractère un peu plus mature, avec des progrès importants dans la gestion des problèmes. Ils ont encore relevé qu'une décision de renvoi pourrait mettre en péril l'équilibre psychique et moral d'V._, et conduire à une mise en danger de lui-même et d'autrui (cf. p. 3).
5.3
Mandatés au cours de l'enquête dirigée contre le prévenu pour les faits présentement jugés, les experts [...] et [...] (Département de psychiatrie du CHUV) ont établi un rapport daté du 3 novembre 2011 (P. 131) où ils ont diagnostiqué chez V._ un trouble de la personnalité dyssociale, un syndrome de dépendance l’alcool, utilisation épisodique, une utilisation nocive pour la santé de cocaïne, de sédatifs ou hypnotiques et un syndrome de dépendance au cannabis (p. 16) et ont constaté que la diminution de la responsabilité était légère au moment des faits (même page et P. 200). Les experts ont encore noté que
"[...] L'expertisé
V._ n.d.l.r)
est susceptible de commettre à nouveau des actes du même registre que ceux pour lesquels il est actuellement prévenu [...]"
(cf. p. 17). Se déterminant sur les mesures à prendre pour diminuer la récidive, ils ont indiqué que le traitement psychothérapeutique entamé auprès d’une psychologue ne pouvait pas prévenir des actes de violence, dès lors que les capacités d’introspection de l'intéressé restaient faibles et limitaient les chances de succès d’une thérapie déjà, d’un point de vue théorique, rarement efficace dans les situations de trouble de la personnalité dyssociale. De plus, l'engagement de l'intéressé était faible. Un traitement institutionnel ou ambulatoire ne paraissait pas davantage en mesure de prévenir la commission de nouvelles infractions, au vu de la présence simultanée du trouble de la personnalité, les actes punissables étant en lien avec ce trouble, et la consommation de substances psychoactives étant censée renforcer l'impulsivité et les comportements agressifs. Enfin, au vu du parcours pénal et des antécédents du prévenu, une mesure de placement ne paraissait pas davantage indiquée (cf. pp. 18 à 20).
5.4
Entendu en qualité d'expert par l'autorité de première instance, le Dr [...] a déclaré :
"[...]le risque de récidive me paraît possible pour l'ensemble des actes commis, notamment de violence [...]".
(jugement p. 12). Il a en outre précisé que peu d'éléments avaient amené une amélioration, qu'on voyait mal ce qui avait changé, qu'un simple traitement des addictions serait voué à l'échec et devrait être couplé avec un suivi psychothérapeutique où on travaille sur la personnalité, suivi pour lequel V._ devrait être durablement demandeur. Ce médecin a aussi relevé que les troubles de la personnalité n'étaient pas des maladies mentales, mais qu'on les retrouvait dans les classifications des troubles psychiatriques.
5.5
Interpellé par la cour de céans en audience du 6 novembre 2013, V._ a précisé que le seul suivi psychiatrique auquel il se soumettait à ce jour consistait en des entretiens avec son infirmière de référence. Il a encore expliqué que son psychologue de référence l'avait vu à trois ou quatre reprises et n'avait pas jugé utile de poursuivre le traitement (procès-verbal, p. 3).
6.
V._ a été détenu du 22 avril 2011 à l’audience du 19 juin 2013, soit durant 790 jours. Il est en régime d’exécution anticipée de peine depuis lors (P. 197).
Le comportement de l’intéressé à la Prison [...] a posé problème (P 219 et 224). D'après le rapport de cet établissement du 3 juin 2013
(P. 252), le comportement du prévenu semble s’être amélioré aux [...] [...] Toutefois, à la Prison de [...], il a été décrit comme peinant à gérer sa frustration et ayant consommé un stupéfiant à une occasion. Enfin, d'après un rapport établi le 22 juillet 2013 par les [...], l'intéressé a fait l'objet d'un avertissement, car qu'il avait été soumis à une prise d'urine révélant la présence de THC (P. 269). | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir (art. 382 al.1 CPP; Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0) contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du Ministère public est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel.
Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Le Ministère public soutient que la sécurité publique impose le prononcé de l’internement du prévenu, un traitement ou une peine seule étant impropre à diminuer le risque de récidive de celui-ci.
3.1
Une mesure doit être ordonnée si une peine seule ne peut pas écarter le danger que l’auteur commette d’autres infractions, si l’auteur a besoin d’un traitement ou que la sécurité publique l’exige et si les conditions prévues aux art. 59 à 61, 63 ou 64 sont remplies (art. 56 al. 1 CP). La mesure prononcée doit en outre respecter le principe de la proportionnalité, ce qui signifie que l’atteinte aux droits de la personnalité qui en résulte pour l’auteur ne doit pas être disproportionnée au regard de la vraisemblance qu’il commette de nouvelles infractions et de leur gravité (art. 56 al. 2 CP; TF 6B_313/2010 du 1
er
octobre 2010 c. 3.2; TF 6B_604/2007 du 9 janvier 2008 c. 6.2).
3.1.1
Selon l’art. 64 al. 1 CP, le juge ordonne l’internement si l’auteur a commis un assassinat, un meurtre, une lésion corporelle grave, un viol, un brigandage, une prise d’otage, un incendie, une mise en danger de la vie d’autrui, ou une autre infraction passible d’une peine privative de liberté maximale de cinq ans au moins, par laquelle il a porté ou voulu porter gravement atteinte à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’autrui et si (a) en raison des caractéristiques de la personnalité de l’auteur, des circonstances dans lesquelles il a commis l’infraction et de son vécu, il est sérieusement à craindre qu’il ne commette d’autres infractions du même genre; ou (b) en raison d’un grave trouble mental chronique ou récurrent en relation avec l’infraction, il est sérieusement à craindre que l’auteur ne commette d’autres infractions du même genre et que la mesure prévue à l’art. 59 CP semble vouée à l’échec.
La condition d’une atteinte grave portée ou voulue à l’encontre de la victime vaut autant pour les infractions citées dans le catalogue que celles visées par la clause générale de l’art. 64 al. 1 CP (Heer, Basler Kommentar, Strafrecht I,
ad art. 64, n° 22 p. 1318). La gravité de l’atteinte (portée ou voulue) doit être appréciée à l’aune de critères objectifs, ce pour tous les actes déterminants visés par
l’art. 64 aI. 1 CP (ATF 139 IV 57 c.1.3.3). L’aspect subjectif du sentiment de la victime n’entre pas en considération. L’appréciation de l’atteinte doit en outre tenir compte du principe de la proportionnalité (Queloz/Brossard, Commentaire romand, Code pénal I ad art. 64 n° 18 p. 643; Heer, op. cit., n° 24 p. 1318).
Il faut en outre que l’une des conditions alternatives posées à
l’art. 64 al. 1 CP soit réalisée, à savoir que, en raison des caractéristiques de la personnalité de l’auteur, des circonstances dans lesquelles il a commis l’infraction et de son vécu, il soit sérieusement à craindre qu’il ne commette d’autres infractions du même genre (let a) ou que, en raison d’un grave trouble mental chronique ou récurrent en relation avec l’infraction, il soit sérieusement à craindre que l’auteur ne. commette d’autres infractions du même genre et que la mesure prévue à l’art. 59 CP – soit une mesure thérapeutique institutionnelle – apparaisse vouée à l’échec (let. b).
Ainsi, un trouble mental ne constitue plus forcément une condition préalable au prononcé de l’internement, de sorte qu’à certaines conditions déterminées, il est justifié d’ordonner l’internement d’un auteur mentalement sain en raison d’une infraction unique. Cette disposition permet l’internement de délinquants primaires dangereux qui ne présentent pas de trouble au sens de la psychiatrie, mais dont il est sérieusement à craindre, en raison des caractéristiques de leur personnalité, des circonstances dans lesquelles ils ont commis l’infraction et de leur vécu, qu’ils ne commettent d’autres infractions graves du même genre, si on les laisse en liberté. Il incombe au juge d’ordonner l’internement lorsque l’appréciation d’ensemble de ces éléments aboutit à un pronostic si défavorable que le risque d’une récidive apparaisse hautement vraisemblable (TF, 6B_486/2009 du 26 octobre 2009 c. 6.6).
Par rapport aux autres mesures, l’internement n’intervient qu’en cas de danger "qualifié". Il suppose un risque de récidive hautement vraisemblable. Pratiquement, le juge devra admettre un tel risque s’il ne peut guère s’imaginer que l’auteur ne commette pas de nouvelles infractions du même genre. Une supposition, une vague probabilité, une possibilité de récidive ou un danger latent ne suffisent pas (ATF 137 IV 59 c. 6.3). Le risque de récidive doit concerner des infractions du même genre que celles qui exposent le condamné à l’internement. En d’autres termes, le juge devra tenir compte dans l’émission de son pronostic uniquement du risque de commission d’infractions graves contre l’intégrité psychique, physique ou sexuelle (ATF 137 IV 59 c. 6.3 op. cit; ATF 135 IV 49 c. 1.1.2). lI faut être conscient qu’il est aléatoire et difficile d’évaluer le degré de dangerosité d’un délinquant et, partant, que tout pronostic de dangerosité est incertain (ATF 127 IV 1 c. 2a). Mais, s’agissant de la décision sur le pronostic, le principe
in dubio pro reo
n’est pas applicable (ATF 127 IV 1 c. 2a, op cit.). En présence d’un trouble psychiatrique, l’internement fondé sur l’art. 64 al. 1 let. b CP constitue, conformément au principe de proportionnalité, une mesure subsidiaire par rapport à une mesure institutionnelle au sens de l’art. 59 CP. En tant qu’
ultima ratio
, en raison de la gravité de l’atteinte à la liberté personnelle qu’il représente (ATF 134 IV 121 c. 3.4.4), l’internement n’entre pas en considération tant que la mesure institutionnelle apparaît utile. Il s’ensuit que, pour les auteurs dangereux souffrant d’un grave trouble mental, il y a lieu d’examiner au préalable si une mesure institutionnelle au sens de l’art. 59 CP, exécutée au besoin dans le cadre offrant une sécurité accrue prévu par l’art. 59 al. 3 CP, apparaît susceptible de les détourner de commettre de nouvelles infractions en rapport avec le trouble. Ce n’est ainsi que lorsqu’une mesure institutionnelle apparaît dénuée de chances de succès que l’internement peut être prononcé, s’il est nécessaire. Cette démarche doit permettre d’éviter qu’un auteur soit déclaré a priori "incurable" et interné dans un établissement d’exécution des peines (ATF 134 IV 315 c. 3.2 et 3.3; ATF 134 IV 121 précité c. 3.4.2).
3.1.2
Le prononcé d’une mesure thérapeutique institutionnelle selon
l’art. 59 CP suppose un grave trouble mental au moment de l’infraction, lequel doit encore exister lors du jugement. Outre l’exigence d’un grave trouble mental, le prononcé d’un traitement institutionnel selon l’art. 59 aI. 1 CP suppose que l’auteur ait commis un crime ou un délit en relation avec ce trouble (let. a) et qu’il soit à prévoir que cette mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce dernier (let. b). Il doit être suffisamment vraisemblable que le traitement entraînera, dans les cinq ans de sa durée normale, une réduction nette du risque que l’intéressé commette de nouvelles infractions. La seule possibilité vague d’une diminution du danger ne suffit pas (ATF 134 IV 315 op. cit. c. 3.4.1; TF, 6B_77/2012 du 18 juin 2012; TF, 6B_784/2010 du 2 décembre 2010 c. 2.1).
La loi ne précise pas ce qu’elle entend pas trouble "grave", c’est la jurisprudence qui a défini cette notion. Selon la jurisprudence, toute anomalie mentale du point de vue médical ne suffit pas. Seuls certains états psychopathologiques d’une certaine importance et seules certaines formes relativement lourdes de maladies mentales au sens médical peuvent être qualifiés d’anomalies mentales au sens juridique (TF, 6B_784/2010 du 2 décembre 2010 précité, c. 2.1). En d’autres termes, il faut que la structure mentale de l’intéressé s’écarte manifestement de la moyenne par rapport aux autres sujets de droit, mais plus encore par rapport aux autres criminels (message du 21 septembre 1998 concernant la modification du code pénal suisse (dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal), FF 1999 p. 1812). La référence à la gravité du trouble mental ne correspond pas à une description quantitative du dérangement psychique, mais signifie uniquement que le trouble mental doit être significatif sur le plan psychiatrique comme sur le plan juridique (TF, 6B_77/2012 du 18 juin 2012 précité).
3.1.3
Pour ordonner une des mesures prévues aux art. 59 à 61, 63 et 64 CP, le juge doit se fonder sur une expertise. Celle-ci doit se déterminer sur la nécessité et les chances de succès d’un traitement, la vraisemblance que l’auteur commette d’autres infractions et la nature de celles-ci, et sur les possibilités de faire exécuter la mesure (art. 56 al. 3 CP). Selon la jurisprudence, le juge apprécie en principe librement une expertise et n’est pas lié par les conclusions de l’expert. Toutefois, il ne peut s’en écarter que lorsque des circonstances ou des indices importants et bien établis en ébranlent sérieusement la crédibilité; il est alors tenu de motiver sa décision de ne pas suivre le rapport d’expertise (ATF 133 lI 384 c. 4.2.3; ATF 129 I 49 c.4; ATF 128 I 81 c.2).
3.2
3.2.1
En l'espèce, le prévenu s’est notamment rendu coupable de meurtre. Il a ainsi commis une des infractions qui se retrouvent dans le catalogue retenu par l’art. 64 al. 1 CP. Le critère de la gravité requis par la jurisprudence (ATF 139 IV 57, précité) est donc donné.
3.2.2
Appréciant le risque de récidive, les experts ont noté ce qui suit dans leur rapport d'expertise du 3 novembre 2011 (P. 131) :
"[...] L'expertisé (
V._ n.d.l.r)
est susceptible de commettre à nouveau des actes du même registre que ceux pour lesquels il est actuellement prévenu [...]"
. Le[...] a confirmé cela devant l'autorité de première instance, où il a précisé que
"[...] Le risque de récidive (me) paraît possible pour l’ensemble des actes commis, notamment de violence [...]"
(jugement p. 12.). Ces constatations sont claires; elles permettent à la cour de céans de retenir que le risque de récidive est avéré et qu'il peut s'étendre à tous les actes perpétrés par le prévenu jusqu'à ce jour, notamment à ceux commis avec violence, de sorte que même un risque de nouveau meurtre est avéré. En excluant que le risque de récidive puisse s'appliquer à un meurtre ou une lésion corporelle grave (jugement p. 41), les premiers juges se sont écartés sans raison des conclusions de l’expert, ce qui viole la jurisprudence fédérale (cf. supra c. 3.1.3). Est d'ailleurs également critiquable la lecture qu'ils font des antécédents d'V._, en omettant de considérer que ce prévenu a déjà été condamné par deux fois pour des brigandages, infraction qui rentre dans le catalogue de l’art. 64 CP. Dire, sur ces bases, que le risque de récidive se limiterait davantage à des infractions de deuxièmes catégories (les lésions corporelles simples et les rixes; jugement p. 41) est doublement erroné au regard des affirmations de l'expert et des antécédents du prévenu. D’une façon plus générale on voit que le prévenu, né en 1986 et arrivé en Suisse en 1997, a occupé, sans discontinuer et dès 2002 la justice pénale, cela majoritairement pour des actes de violence et qu'à l’âge de 15 ans, plus aucune structure spécialisée ne pouvait l’accueillir (P. 61).
3.2.3
. Pour déterminer si une mesure doit être prononcée, il faut ensuite se demander si une peine seule peut écarter le danger que l’auteur commette d’autres infractions du même type. L’expert a déclaré aux débats qu’il ne lui appartenait pas de trancher cette question (jugement p. 12), ce qui est rigoureusement juste. Les premiers juges ont considéré qu’une peine de 12 ans ferait plier la volonté criminelle du prévenu (jugement p. 41, milieu de la page). Ce constat est trop optimiste face à un prévenu dont on dit qu’il est insensible à la sanction pénale et pour lequel aucun traitement ne paraît approprié (cf. infra, c. 3.2.4). Un tel constat ne saurait donc être suivi, d'autant moins que l’internement – contrairement au traitement institutionnel – est exécuté après la peine privative de liberté (art. 64 al. 2 CP). Ainsi, si pendant l’exécution de la peine privative de liberté, il est à prévoir que l’auteur se conduira correctement en liberté, une libération conditionnelle est possible aux conditions posées par l’art. 64 al. 3 CP. lI en découle que le sombre pronostic actuel pourrait ainsi être revu. Cependant, à ce jour, le prévenu ne peut pas s’empêcher de récidiver – même dans le cadre strict de la prison (cf. supra, p. 17) – et de commettre des actes violents, quand bien même il a déjà effectué quarante mois de détention. Ces condamnations n'ont donc eu aucun effet rédempteur. C'est le contraire qui s’est passé. En 2008, les experts psychiatres avaient constaté que le risque de récidive était avéré, mais diminué par un bon pronostic lié à l'analyse pertinente de la situation de l'époque et à la volonté de se stabiliser sur le plan professionnel et familial. Ce bon pronostic n'est manifestement plus présent dans l'expertise réalisée dans la présente cause, où on observe une escalade de la violence. L’exécution d’une peine s'avère donc insuffisante.
3.2.4
Il faut encore déterminer la nature de la mesure à ordonner en complément à la peine. A cet égard, la question préalable à trancher est celle de savoir si le prévenu souffre d’un grave trouble mental au sens des art. 59, 63 et 64 al. 1 let, b CP et s’il peut être traité; à défaut, seul l’art. 64 al. 1 let. a CP pourrait être applicable.
Pour les experts psychiatres (P. 131), le prévenu présente un trouble de la personnalité dyssociale, un syndrome de dépendance à l’alcool, utilisation épisodique, une utilisation nocive pour la santé de cocaïne, de sédatifs ou hypnotiques et un syndrome de dépendance au cannabis. L'expertise n'a pas répondu pas à la question de savoir s’il s’agit d’un grave trouble mental. Or, le Dr [...] a précisé, aux débats de première instance, que les troubles de la personnalité n'étaient pas des maladies mentales, mais qu'on les retrouvait dans les classifications des troubles psychiatriques. Ainsi, selon cet expert, le prévenu ne souffre pas d’un grave trouble mental, ce qui ferme la porte à l’art. 64 al. 1 let. b CP et aux mesures moins incisives de l’art. 59 CP. D'après l'expertise, l’efficacité d’un traitement institutionnel (P. 131 R. 4) est également exclue, elle l'est d'ailleurs rarement dans les situations de trouble de la personnalité dyssociale. Il en est de même du traitement psychothérapeutique entamé par le prévenu auprès d’une psychologue (P. 131 R.4), étant précisé que, de plus, la motivation du prévenu pour un suivi psychiatrique était faible (P. 131 R. 5). A cet égard, la jurisprudence a précisé que l’énoncé de l’art. 59 al. 1 let, b CP supposait qu’"il est à prévoir que cette mesure détournera [l'auteur] de nouvelles infraction". Contrairement au traitement psychiatrique ordonné dans le cadre d’une mesure d’internement (art. 64 al. 4
in fine
CP), la mesure thérapeutique au sens de l’art. 59 CP vise avant tout "un impact thérapeutique dynamique", et donc une amélioration du pronostic légal, et non la "simple administration statique et conservatoire" des soins (ATF 137 IV 201 c. 1.3, JT 2011 IV 395; ATF 134 IV 315 c. 3.6, JT 2009 IV 79; TF 6B_205/2012 du 27 juillet 2012, c. 3.2.1). Selon la jurisprudence, il doit être suffisamment vraisemblable que le traitement entraînera, dans les cinq ans de sa durée normale, une réduction nette du risque que l’intéressé commette de nouvelles infractions. La seule possibilité vague d’une diminution du danger ne suffit pas (ATF 134 IV 315, JT 2009 IV 79; TF 6B_20512012 du 27 juillet 2012, c. 3.2.1; TF 6B_784/2010 du 2 décembre 2010, c. 2.1). Pour que la mesure puisse atteindre son but, il faut que l’auteur contribue un minimum au traitement. Il ne faut toutefois pas poser des exigences trop élevées à la disposition minimale de l’intéressé à coopérer à la mesure (cf. ATF 123 IV 113 c. 4cldd concernant le placement en maison d’éducation au travail selon l’art. 100 bis aCP; Heer, Strafrecht I, Basler Kommentar, Bâle 2007, 20 éd., n. 78 ad art. 59 CP). Il suffit que l’intéressé puisse être motivé ( "motivierbar"; TF 6B_784 du 2 décembre 2010, c. 2.2.3)(CREP 20 août 2013/497). En résumé, il manque ici deux, voire trois conditions pour envisager un traitement institutionnel, soit – par ordre décroissant d'importance – l'absence de grave trouble mental, l'inefficacité de la mesure et l'absence de motivation de l’auteur. On ajoutera qu'une mesure fondée sur le traitement des addictions (art. 60 CP) est contre-indiquée par les experts (P. 131 R. 5.2 et infra).
En conclusion, il n’y a pas de place pour les mesures des art. 59, 60 et 64 al. 1 let. b CP.
3.2.5
Il reste à examiner si un internement sécuritaire s’impose. La dangerosité du prévenu découle de sa structure de personnalité. D'après les experts, V._ présente un trouble de la personnalité de type dyssocial caractérisé par une attitude méprisante envers les règles et les contraintes sociales, une faible tolérance à la frustration avec un abaissement du seuil de décharge de l’agressivité et de la violence, une tendance marquée à l’agir, au comportement querelleur et une incapacité à tirer des leçons des expériences précédentes et particulièrement des sanctions. Il peine à comprendre sa propre violence qu’il attribue à des facteurs externes, fournissant régulièrement des justifications plausibles pour expliquer son comportement et une banalisation de sa violence qu’il décrit comme un comportement normal. Cette dangerosité ne peut être contenue ni par l’exécution de la peine, les peines précédentes n’ayant eu aucun effet, ni par une mesure thérapeutique, faute de trouble mental, pas davantage par un traitement institutionnel contre l’addiction dès lors que si l’alcool et/ou des substances illicites permettent de favoriser le passage à l’acte, le prévenu a su se montrer violent sans être sous l’effet de substances (P. 61 et P. 131 p. 15). La sécurité publique commande dès lors l’internement d'V._, en application de l’art. 64
al. 1 let. a CP. Au regard de la vraisemblance que le prévenu commette de nouvelles infractions graves, la mesure préconisée n'est pas disproportionnée à l'atteinte aux droits de la personnalité dV._, si bien que le principe de la proportionnalité est respecté.
4.
En définitive, l'appel du Ministère public doit être admis et le jugement réformé dans le sens des considérants, les frais de seconde instance étant mis à la charge de V._ qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
88a05b8e-15de-493a-90f7-fbfe0279e8c5 | En fait :
A.
Par jugement du 3 octobre 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré E._ des chefs d'accusation de voies de fait qualifiées, d'injure, de menaces, d'utilisation abusive d'une installation de télécommunication et d'enlèvement de mineur (I), a constaté qu'il s'est rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées, de mise en danger de la vie d'autrui, de menaces qualifiées ainsi que de contrainte (II), l'a condamné à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction de 119 jours de détention préventive subie (III), a ordonné son arrestation immédiate ainsi que son maintien en détention pour des motifs de sûreté (IV), a levé le séquestre du passeport et de la carte d'identité enregistrées sous fiche 8273 et ordonné leur restitution à E._, respectivement à l'autorité chargée de l'exécution de la détention pour des motifs de sûreté (V), a ordonné un traitement psychothérapeutique ambulatoire en faveur d'E._ (VI), a pris acte pour valoir jugement de la reconnaissance de dette souscrite aux débats du 2 octobre 2012 par E._ en faveur de D._ portant sur une indemnité pour tort moral de 10'000 fr. et a dit que la somme précitée porte intérêt à 5% l'an dès le 13 août 2009 (VII), a arrêté le montant de l'indemnité allouée au défenseur d'office d'E._, Me Osojnak, à 7'194 fr. 95, débours et TVA compris (VIII), a arrêté le montant de l'indemnité allouée au conseil d'office de D._, Me Gilles Miauton, à 2'765 fr., débours et TVA compris (IX), a confirmé le montant de l'indemnité de défense d'office allouée à Me Mathias Keller, par 4'237 fr. 80, débours et TVA compris et constaté que cette indemnité a déjà été versée (X), a confirmé le montant de l'indemnité de défense d'office allouée à Me Marie-Pomme Moinat, par 5'163 fr. 65, débours et TVA compris et constaté que cette indemnité a déjà été versée (XI), a dit que les frais de la cause, par 41'603 fr. 05, y compris les indemnités de défense et de conseil d'office allouées ci-dessus ainsi que celles d'ores et déjà allouées et versées à Me Marie Delaloye et Me Yann Schumacher, sont mis à la charge d'E._, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (XII) et a rappelé que le remboursement à l'Etat de Vaud des indemnités de défense et conseil d'office visées ci-dessus ne sera exigible d'E._ que si sa situation économique s'améliore (XIII).
B.
Le 8 octobre 2012, E._ a formé appel contre ce jugement.
Le 13 octobre 2012, il a déposé auprès de la Chambre des recours en matière pénale un recours contre son maintien en détention pour des motifs de sûreté qui a été instruit et traité comme une demande de libération pendant la procédure d'appel au sens de l'art. 233 CPP.
Par prononcé du 18 octobre 2012, le président de la Cour d'appel pénale a rejeté la requête de mise en liberté formée par l'appelant en raison d'un risque de fuite.
Par déclaration d'appel motivée du 1
er
novembre 2012, E._ a conclu à la modification du jugement en ce sens qu'il est libéré des chefs de condamnation de menaces qualifiées, de mise en danger de la vie d'autrui et de contrainte, qu'il est condamné à une peine privative de liberté maximale de deux ans avec sursis pendant cinq ans, qu'une règle de conduite consistant dans le suivi d'un traitement psychothérapeutique ambulatoire lui est imposée et que son arrestation immédiate est annulée. Subsidiairement, il a conclu à sa condamnation à une peine privative de liberté d'une quotité fixée à dire de justice avec sursis partiel pendant cinq ans et à ce qu'une règle de conduite consistant dans le suivi d'un traitement psychothérapeutique ambulatoire lui est imposée. Plus subsidiairement, il a conclu à sa condamnation à une peine privative de liberté d'une quotité sensiblement inférieure à celle prononcée. Plus subsidiairement encore, il a conclu à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause à l'autorité de première instance.
A titre de mesures d'instruction, E._ a requis la mise en œuvre d'une expertise médico-légale pour vérifier la véracité des dires de la plaignante concernant les strangulations prétendument subies en les confrontant avec le certificat médical du 14 août 2009, ainsi que pour déterminer, sur la base des constatations effectuées, si la mise en danger de mort concrète et imminente de la victime est plausible, notamment eu égard au fait que l'appelant aurait immédiatement relâché la pression lorsqu'il constatait que la victime ne pouvait plus respirer. Il a également requis l'audition comme témoin de son ex-épouse, M._, pour qu'elle soit entendue sur le comportement de son ex-conjoint.
Par courrier du 12 novembre 2012, E._ a requis la production de toutes pièces permettant d'établir la date précise à laquelle il a été condamné à une peine privative de liberté de treize mois, le jugement entrepris faisant faussement état d'un jugement rendu le 26 octobre 2002.
Le 23 novembre 2012, le procureur de l'arrondissement du Nord vaudois a annoncé s'en remettre à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et ne pas déposer d'appel joint, ni présenter de demande de non-entrée en matière.
Par correspondance du 29 novembre 2012, le président de la Cour d'appel pénale a rejeté la requête d'expertise médico-légale, considérant que, comme élément constitutif de l'infraction prévue à l'art. 129 CP, la mise en danger de mort concrète et imminente était une notion juridique et que c'était aux juges d'apprécier la portée des preuves administrées, mais aussi que l'écoulement du temps rendait impossible de procéder à de nouvelles constatations médicales sur la présence ou l'absence de lésions. Le président a également refusé d'ordonner la production du jugement du Tribunal correctionnel de Lausanne infligeant treize mois d'emprisonnement à l'appelant, estimant cette production inutile en rappelant qu'un jugement éliminé du casier judiciaire ne pouvait pas être opposé à la personne concernée (art. 369 al. 7 CP). Enfin, il a rejeté l'audition de M._, considérant que le comportement de l'appelant à l'égard de son ex-épouse ne saurait être assimilé à celui qu'il aurait adopté à l'égard de D._.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
E._ est né le 26 octobre 1966 en Tunisie, où il a grandi auprès de ses parents. Il a obtenu son bac et étudié une année la philosophie à l'Université avant de se consacrer au football. En 1989, il est venu en Suisse, au bénéfice d'un permis provisoire, engagé en qualité de joueur professionnel dans le club de football de Krienz. Il aurait perdu sa place en 1991 suite à une blessure. Au début des années 1990, il a connu M._ avec laquelle il a eu un garçon né le 20 juillet 1995. Le couple est parti vivre en Tunisie et y a exploité une discothèque mobile. En 1998, l'appelant a vendu son commerce, est revenu s'installer en Suisse et a épousé M._ en juin de la même année. L'appelant aurait obtenu un permis de séjour B en 2000. Le couple a vécu quelque temps ensemble, s'est séparé en 2003 et a divorcé en 2004. Entre temps, E._ avait connu D._, ressortissante marocaine née le 12 février 1979, qu’il avait fait venir en Suisse le 1
er
septembre 2002 pour y travailler, plus précisément s’occuper de son fils. L'appelant et la plaignante ont noué une relation dès fin 2002 dont est né un enfant prénommé L._ le 25 janvier 2006. D._ a toujours été seule détentrice de l’autorité parentale, l'appelant n’ayant jamais reconnu l’enfant, malgré les démarches entreprises par un curateur désigné à cette fin, mais dont la mission est restée infructueuse faute de collaboration de l’intéressé. Celui-ci ne contribue d’ailleurs pas à l’entretien de cet enfant, même volontairement. L'appelant a émargé durant plusieurs années à l’aide sociale. Dans ce contexte de précarité, il aurait néanmoins bénéficié de l’hébergement chez sa précédente épouse, M._. Depuis décembre 2011, le prévenu s’est remarié en Tunisie avec la dénommée Z._. Selon ses déclarations aux débats de première instance, il envisagerait de la faire venir en Suisse dès que possible.
A l’époque des faits litigieux, E._ n’avait pas d’activité régulière. Il dit être retourné en Tunisie le 1
er
mai 2011 au vu des événements du Printemps arabe se déroulant dans son pays. Il y serait resté jusqu’au 2 juin 2012 soit jusqu’à son retour dans notre pays, pour « y reconstruire sa vie » selon ses déclarations. A la date de son arrestation le 2 juin 2012, il avait l’intention de travailler dans le domaine de la mécanique de précision chez un membre de sa famille titulaire d’un atelier à Chavannes-près-Renens. Depuis sa relaxation le 8 juin 2012 dans le cadre de la procédure de relief ayant abouti au jugement entrepris, l'appelant a été pris en charge financièrement par la Fondation vaudoise de probation. Toujours selon l'appelant, sa nouvelle épouse serait ingénieure dans son pays et employée dans une société d’électronique en qualité de cheffe de produit. Il avait trouvé du travail depuis le 11 septembre 2012, pour une mission temporaire de trois mois, auprès de l’entreprise [...] SA à Ecublens, comme emballeur, pour un salaire mensuel brut d’environ 4'400 francs.
E._ a accumulé des dettes pour un montant qu’il estime à 50 voire 70'000 francs.
Son permis B est venu à échéance le 26 août 2012 et n’a pas encore été prolongé, la procédure étant en cours.
L'appelant a été détenu préventivement du 24 juin au 13 octobre 2008, puis, dans le cadre d’une procédure de relief, du 2 au 8 juin 2012. Il a été placé en détention pour des motifs de sûreté le 3 octobre 2012 et a demandé en décembre 2012 à pouvoir exécuter sa peine de façon anticipée, ce qui a été accepté.
Au casier judiciaire d'E._ figurent encore deux condamnations, en sus de celle du 28 septembre 2011 du Tribunal correctionnel de céans dont le prévenu a valablement demandé le relief, soit :
- 25 octobre 2004, Juge d’instruction de La Côte, un mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans, prolongé d’une année par jugement du 19 février 2008 du Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, ainsi qu'une amende de 400 fr., pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires;
- 19 février 2008, Tribunal de police de La Broye et du Nord vaudois, 240 heures de travail d’intérêt général, pour violation simple des règles de la circulation routière, opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire un véhicule automobile, violation des devoirs en cas d’accident, contravention à l’Ordonnance réglant l'admission à la circulation routière (OAC), en concours.
1.2
E._ a été soumis à une expertise psychiatrique. Dans son rapport du 28 avril 2011, l’expert [...], médecin adjoint auprès du Secteur psychiatrique Nord, à Yverdon-les-Bains, a posé le diagnostic de trouble mixte de la personnalité avec des traits paranoïaques et impulsifs. Ce trouble se caractérise par des mécanismes d’adaptation rigides qui entraînent de façon chronique des réponses inflexibles au niveau des interactions conjugales et sociales. Il se caractérise premièrement par des traits paranoïaques. L'appelant montre une extrême sensibilité aux échecs qu’il n’arrive manifestement pas à assumer. Il se défend alors régulièrement, et probablement depuis longtemps, en projetant la responsabilité de ses difficultés sur les autres. Il protège ainsi la haute estime qu’il a de lui-même qui se caractérise notamment par des attitudes de perpétuelles références à soi-même et à des jugements moraux péremptoires. Il se montre soupçonneux et a tendance à déformer les événements. Il est également jaloux et parfois méprisant vis-à-vis des femmes de son entourage et de leurs maris. L'appelant présente également des traits impulsifs, qu’il qualifie d’énervement. Ces traits lui font manifestement peur, puisqu’il les identifie à la folie et s’en défend, notamment en les banalisant. Par moments, le fonctionnement psychique d'E._ se désorganise et celui-ci évoque un délire de persécution, ou encore des troubles perceptifs s’apparentant à des hallucinations. Toujours selon l’expert, l'appelant semble avoir de la peine, y compris dans un contexte thérapeutique auquel il met un terme rapide, à se confronter à ses difficultés personnelles, relationnelles et sociales, il ne se remet pas en question personnellement mais se positionne en victime de l’autre. L’expert a encore relevé la description par l'intéressé de la détérioration de la relation avec son amie de l’époque D._, au fur et à mesure que cette dernière arrivait à s’intégrer en Suisse, à faire des connaissances, à régulariser sa situation. Il semble avoir trouvé un équilibre dans un rapport d’emprise avec elle, où il avait besoin de la dominer, de se sentir indispensable. Il supportait mal, à l’époque de l’expertise, qu’elle ait pu s’autonomiser de ce rapport, le confronter et faire des projets sans son aide.
Le trouble est grave car il entraîne des conséquences négatives dans le domaine de la vie personnelle, conjugale et sociale d'E._. Il était présent au moment des faits reprochés. La capacité de l'appelant d’apprécier le caractère illicite de ses actes est conservée mais sa capacité de se déterminer d’après cette appréciation est légèrement diminuée.
Il existe un risque de récidive. E._ a une appréciation personnelle, notamment des situations conflictuelles, avec un sentiment par moment peu approprié d’être dans son bon droit et d’être lésé par l’autre, de sorte qu’il s’arroge le droit de transgresser les règles de bonne conduite.
L’expert préconise un traitement psychothérapeutique ambulatoire, par exemple auprès d’une unité de psychiatrie ambulatoire publique. Le traitement ne serait pas entravé dans son application ni dans ses chances de succès par l’exécution d’une peine privative de liberté. A l’époque de l’expertise, E._ acceptait un tel traitement. L’expert relevait néanmoins que par le passé, la motivation de l'intéressé à s’investir dans une telle prise en charge était restée modeste, avec des interruptions répétées des prises en charge. L’appelant a été hospitalisé d’office en mai 2002 pour un trouble de l’adaptation avec humeur dépressive et menaces suicidaires. En 2005, il a bénéficié d’un suivi de crise au Secteur psychiatrique Nord au cours duquel le diagnostic de troubles de l’adaptation avec perturbation des émotions et des conduites a été évoqué et un trouble de la personnalité paranoïaque suspecté dans un contexte de menaces auto- et hétéro-agressives. Enfin, entre juillet et novembre 2006, un nouveau suivi psychothérapeutique a été mis en place en raison d’un trouble de l’adaptation avec réaction dépressive brève et difficultés conjugales, avec une suspicion de violence conjugale.
Il ressort en outre d'un courrier du 27 septembre 2012 de la Fondation vaudoise de probation que l'appelant s’est récemment illustré par son agressivité réitérée à l’endroit de conseillers et du directeur de cette institution, par laquelle il a finalement été sanctionné et prié de ne pas se représenter dans ses locaux. Selon ce courrier, l’agressivité de l'intéressé s’était déjà manifestée dans le cadre de suivis antérieurs, mais n’a fait qu’augmenter depuis lors, comme son impulsivité. Sous la plume de son directeur et d’un conseiller de probation, la Fondation vaudoise de probation écrit qu’elle considère que les troubles psychiques du prévenu ne lui permettent plus de contenir son agressivité et qu’il peut représenter un risque pour son entourage, voire pour la société, d’autant qu’il se refuse à toute démarche thérapeutique (P. 82).
Aux débats du 2 octobre 2012, l'appelant, qui était interrogé sur d’éventuelles démarches thérapeutiques, a expliqué qu’il avait confiance en sa capacité à surmonter les épreuves, aidé par sa foi et sa lecture du Coran, avant de déclarer que, le cas échéant, il se soumettrait à un traitement psychiatrique si le tribunal le jugeait nécessaire. A cet égard, on peut relever qu'E._ s’était engagé en 2009, dans le cadre de la présente procédure, à suivre le programme ViFa proposé par la Fondation jeunesse et familles aux personnes ayant recours à la violence dans le cadre familial, mais qu’il ne s’est présenté qu’à un entretien d’accueil et à deux entretiens d’évaluation et n’a pas souscrit au programme qui était censé se poursuivre par un travail de groupe de vingt et une séances au minimum.
2.
E._ et D._ ont noué une relation dès fin 2002. L'appelant avait fait venir l'intimée du Maroc, par l’intermédiaire de connaissances dans ce pays, en lui proposant le travail consistant à garder l’enfant né de son union avec M._, avec laquelle il était encore marié. Toutefois, peu après son arrivée en Suisse, l'appelant a déclaré sa flamme à D._ en lui disant que dès qu’il aurait son permis C, il divorcerait et se remarierait avec elle. Deux mois après l’arrivée en Suisse de la jeune femme, l'appelant a entretenu avec elle des relations sexuelles plus ou moins consenties. Puis, pour s’assurer de ce qu’elle reste en Suisse en bénéficiant d'un titre de séjour, il est allé jusqu’à provoquer son mariage avec une de ses connaissances, le dénommé N._, citoyen suisse né en 1957 et domicilié à l’époque à La Sarraz. Entendu en 2004 dans le cadre d’une procédure pénale instruite contre l'appelant pour menaces, qui a fait l’objet d’un non-lieu ensuite de retrait de plainte, N._ a confirmé que son mariage avec D._ avait été arrangé par E._ qui voulait s’assurer que la jeune femme reste à sa disposition en Suisse, au vu et au su de M._ qui avait assisté à l’union civile et qui ne faisait déjà plus chambre commune avec l'appelant mais dormait avec leur fils. N._ a également confirmé qu’à l’automne 2003, l'intimée était tombée une première fois enceinte des œuvres d'E._ mais qu’elle avait avorté à St-Loup. Il a enfin déclaré que l'appelant était violent avec la jeune femme, corroborant ainsi intégralement les déclarations de cette dernière formulées à la même époque dans le cadre d’une autre enquête dirigée contre E._ sur plainte de D._ elle-même, qui a également fait l’objet d’un non-lieu pour retrait de plainte.
Dès la fin de l’année 2003, E._ et D._ ont vécu maritalement, d’abord à La Sarraz puis à Orbe. On ignore à quelle date précisément le mariage de l'appelant avec M._ a pris fin ou même à quelle date il s’est effectivement séparé d’elle. A cet égard, selon D._, M._ fermait les yeux sur les agissements de son mari dont elle avait également peur, pour protéger son fils et éviter qu’il ne soit confronté à des disputes conjugales.
La relation entre D._ et E._ n’a jamais été harmonieuse, ce dernier mettant cela sur le compte de l’indépendance croissante, des mauvaises fréquentations puis de l’arrogance de l’intéressée. La vie commune a été émaillée de multiples ruptures, mais l'intimée la reprenait toujours en raison de la pression sociale liée à sa culture d’origine et à la présence de l’enfant commun L._. Le couple a en tout cas été séparé de mi-mars 2008, en raison des faits décrits sous chiffre 2.1 ci-dessous, pour reprendre brièvement la vie commune en août 2009, avant que ne se produisent les événements de la mi-août 2009 qui ont conduit D._ à rompre définitivement. Selon cette dernière, la reprise de la vie commune en août 2009 était soumise à condition, à savoir qu'E._ cesse toute violence. En outre, il n’y a pas eu de relations intimes et les intéressés faisaient chambres séparées. Il n’en reste pas moins qu’à l’instar de toutes les fois précédentes, la plaignante avait accepté de reprendre la vie commune avec l'appelant et partager avec lui une communauté de toit et de logement pour le bien de leur enfant et dans le but de l’élever ensemble.
2.1
Ordonnance de renvoi du 11 juin 2008
2.1.1
Le 20 septembre 2007, D._ a témoigné dans le cadre d'une procédure pénale dirigée contre l'accusé. Mécontent de ses déclarations, celui-ci l'a giflée le jour même de l'audience et l'a insultée. La victime s'est alors réfugiée, avec son fils, auprès d’une amie, chez qui l’appelant l'a harcelée téléphoniquement en l'injuriant et en la menaçant de « gâcher sa vie ».
2.1.2
Le 12 mars 2008, à Orbe, lors d'une dispute, l’appelant s'est muni d'un couteau pointu avec une lame d'une trentaine de centimètres et a menacé D._ de la tuer si elle le quittait.
2.1.3
Le 13 mars 2008, l’appelant a préparé une valise et quitté le domicile en emmenant son fils. Il a téléphoné à l'intimée pour lui dire qu'une surprise l'attendait à la maison. A son retour, cette dernière a rappelé l'appelant qui lui a déclaré que si elle avisait la police, il tuerait L._.
2.1.4
Le 14 mars 2008, E._ a amené l'enfant à D._ qui avait passé la nuit chez une amie. Comme la jeune femme lui disait qu’elle ne voulait plus vivre avec lui, il s'est énervé, lui a tiré les cheveux, l'a fait tomber en arrière, puis l'a frappée avec les pieds et les mains, sur le dos et le visage. Il a ensuite quitté les lieux en reprenant L._ et en disant à l'intimée qu'elle ne reverrait plus son fils. Il s'est rendu en France et n'a ramené l’enfant à sa mère que le 18 mars 2008.
2.1.5
Après ces événements, l’appelant a répété à des tiers qu'il allait tuer D._ si elle le quittait.
2.1.6
D._ a déposé plainte les 4 octobre 2007, 14 mars 2008 et 7 avril 2008 en raison des faits décrits sous ch. 2.1.1 à 2.1.5 ci-dessus. Elle a retiré ses plaintes par écrit daté du 30 septembre 2008 dans des circonstances qui seront abordées sous ch. 2.2.2 ci-dessous.
2.2
Ordonnance de renvoi du 10 novembre 2008
2.2.1
Le dimanche 22 juin 2008, à Orbe, après avoir enfoncé la porte de son appartement, E._ a frappé D._ à coups de poing et de pied, l’a prise par les cheveux et l’a traînée hors de l’immeuble, où il a continué à la frapper.
D._ a subi des dermabrasions sur la face interne du bras droit, une ecchymose et un hématome au niveau de la fesse gauche, ainsi que de multiples contusions aux bras et aux fesses.
D._ a retiré le 30 septembre 2009 la plainte qu'elle avait initialement déposée.
2.2.2
L'enfant L._ ayant été soustrait vers la mi-juin 2008 à la garde de ses grands-parents maternels, au Maroc, E._ a signifié à D._ entre le 22 juin et le 30 septembre 2008 qu'il conditionnait le retour de l'enfant auprès de sa mère au retrait des plaintes de celle-ci de manière à ce que sa détention préventive soit levée et qu'il retrouve la liberté.
2.3
Ordonnance de renvoi du 18 janvier 2010
2.3.1
Dans la nuit du 13 au 14 août 2009, à Orbe, comme D._ signifiait à E._ qu’elle voulait mettre fin à leur relation et à leur vie commune, ce dernier lui a lancé un coup de poing au visage, l’a tirée par les cheveux et l’a saisie par le cou. L’altercation, au cours de laquelle les intéressés se sont mutuellement injuriés, a duré plusieurs heures. La plaignante a évoqué des actes de strangulation répétés jusqu’à la limite de l’asphyxie ou de la perte de connaissance. Elle a expliqué avoir ressenti les symptômes suivantes: yeux « sortant de la tête », faiblesse, difficultés respiratoires et impossibilité de déglutir sur le moment; hématome perdurant près d’une semaine après les faits, douleurs à la déglutition, toux et maux de tête, après les faits.
D._ a subi deux hématomes sur le coude gauche et deux à droite, un œdème à la lèvre supérieure gauche, un hématome submental, un hématome sub-cutané pariétal gauche et droit sur la tête. Elle est ensuite tombée dans une profonde dépression qui a nécessité un traitement psychiatrique psychothérapeutique intégré aigu à l'Unité de psychiatrie ambulatoire d'Orbe du 13 septembre au 28 novembre 2009. La dépression a été attestée tant par l'Unité de psychiatrie ambulatoire d'Orbe que par le Dr [...], médecin traitant de la plaignante de 2007 à 2010, qui a également constaté un état anxio-dépressif réactionnel à des violences conjugales.
2.3.2
Le 18 août, E._ a envoyé à D._ des messages téléphoniques en langue arabe indiquant qu’il allait la punir. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP) et dirigé contre un jugement d'un tribunal ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel formé par E._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011,
n. 19 ad art. 398 CPP).
3.
E._ invoque une appréciation arbitraire des faits et une violation du principe
in dubio pro reo
.
3.1
Les premiers juges ont procédé à une appréciation générale de la crédibilité des parties et exposé les motifs pour lesquels ils tenaient la version de la victime pour conforme à la vérité à l’inverse de celle de l'appelant (jgt, p. 41). Ils ont notamment retenu que les dénégations du prévenu revenaient parfois à nier l’évidence, par exemple lorsqu’il soutenait que la victime s’était elle-même infligée des lésions de strangulation constatées médicalement, que la victime avait été constante dans ses déclarations et que celles-ci étaient parfois corroborées par des témoignages et rapports médicaux, qu’aux débats son émotion et sa souffrance étaient perceptibles, mais que son discours, nuancé, était dépourvu de vindicte, le prévenu demeurant pour elle le père de son fils.
A l’inverse, l'appelant a démontré qu’il n’admettait que les faits impossibles à contester au vu des preuves réunies, prétextant pour le surplus une mémoire défaillante ou l’hystérie de la victime, alors qu’en réalité sa mémoire était apparue sélective et que l’expertise psychiatrique avait mis en évidence son incapacité à se remettre en question et sa propension à rejeter la faute sur autrui.
L’appelant fait valoir qu’on ne saurait sans arbitraire lui reprocher de n’admettre que les fais prouvés à sa charge puisque le principe que le doute profite à l’accusé imprègne notre système juridique.
Ce grief procède d’une confusion entre la sincérité d’une partie, qualité nécessaire pour retenir ses déclarations comme preuve, et le droit de cette partie de ne pas s’auto incriminer (art. 113 al. 1 CPP). En effet, si le principe que le doute doit profiter au prévenu est bien énoncé à l’art. 10 al. 3 CPP, ce à quoi le tribunal a procédé ici n’est pas de trancher parmi des faits insurmontablement douteux, mais bien de déterminer préalablement la crédibilité des parties comme mode de preuve, exercice qui implique nécessairement de résoudre la question du degré de sincérité de la personne concernée, soit de savoir si elle a menti, si elle s’est trompée ou si elle s’est comportée avec bonne foi dans la procédure pénale conformément au principe fondamental énoncé à l’art. 2 al. 1 CC. Pour cerner ce degré d’authenticité, retenir que les aveux ne participaient pas d’un parti pris global de véracité, mais qu’ils étaient tactiquement et exclusivement limités aux faits déjà indiscutablement établis s’avère pertinent comme indice d’une volonté de calcul.
L’appelant fait également grief aux premiers juges d’avoir évoqué la constance des déclarations de la partie plaignante alors qu’elle n’a parlé de certains faits graves qu’au stade du jugement et non préalablement durant l’enquête. Là également, l’appelant confond la constance, soit la cohérence et le caractère non contradictoire d’une version, avec l’exhaustivité ou l’intégralité d’une déposition portant sur des faits punissables. Pour une partie, qui au demeurant ne perçoit pas forcément quels sont les éléments pénalement déterminants dans son récit, dévoiler à différents moments des épisodes traumatiques qu’elle a vécus et qui l’ont conduite à la dépression en livrant, au gré des questions qu’on lui pose, des éléments complémentaires ou nouveaux ne signifie pas qu’elle manque de constance, soit de continuité, de permanence ou de persistance dans le récit de ses épreuves douloureuses, mais uniquement qu’elle s’est efforcée de livrer un récit complet dans la dernière phase de la procédure de première instance. En définitive, quelques divergences portant sur des points de détail ne sont pas de nature à modifier l'état de fait retenu par les premiers juges.
3.2
L’appelant estime ensuite que l’existence de l'épisode de menaces du 20 septembre 2007 (jgt, p. 42) serait douteux parce que la tenue des propos menaçants, soit qu'il allait « gâcher sa vie », n’est pas corroborée par un témoin et parce qu’il a admis avoir proféré d’autres menaces à d’autres occasions, si bien que rien ne permettrait de donner dans ce cas davantage de crédit à l’intimée plutôt qu’à lui.
Le harcèlement, notamment lors d’appels au téléphone, auquel l’appelant soumettait l’intimée lors de cet épisode est attesté par le témoin V._ (dossier principal, P. 4). L’appelant a par ailleurs précisé (jgt, p. 28
in fine
) que la plaignante avait fait une fausse déposition à son encontre lors d’une audience d’un tribunal où il était accusé d’une infraction à la circulation routière, prétendu facteur déclenchant qui ne pouvait qu’alimenter sa colère et son ressentiment. Dans ce contexte favorisant, au vu du crédit général qu’il se justifie d’accorder à la version de la victime, qui n’avait aucun motif plausible ou compréhensible d’inventer ce point de fait dépourvu de portée décisive et non susceptible de l’avantager, la conviction des premiers juges quant à l'existence des menaces orales n’est pas entachée d’arbitraire et ne peut qu’être partagée.
3.3
L’appelant nie également avoir brandi un couteau pour appuyer une menace de mort (jgt, p. 43) et invoque comme seul argument que ses dénégations n’ont jamais varié. En réalité, l’appelant a admis qu’un couteau était apparu dans une dispute tout en imputant son maniement à l’intimée (jgt, p. 22) et le témoin G._ (dossier principal, PV audition 5) a confirmé que l’intimée s’était rendue chez elle un après-midi en disant que dans une dispute son ami avait pris un couteau pour la menacer. Ajoutés à la crédibilité de la version précise et détaillée de la victime, notamment sa description de la lame et les propos tenus par l’appelant pour renforcer la crainte d’un passage à l’acte : « il m’avait dit que de toute manière il était fou et qu’on ne lui ferait de toute manière rien du tout », « il m’a dit qu’il me tuerait si je voulais pas continuer de vivre avec lui » (PV audition 2), ces éléments confirment que la conviction étayée des premiers juges ne comporte pas doute et qu'il s'impose de la partager.
3.4
L’appelant admet avoir enfoncé la porte de l’intimée, puis avoir traînée celle-ci dans les escaliers du premier étage au rez-de-chaussée en la tenant par les cheveux, mais conteste l’avoir frappée (jgt, pp. 23, 30 et 45). La plaignante a relaté avoir été battue dès l’enfoncement de sa porte, puis dans la rue après y avoir été traînée (dossier joint, PV audition 1). Le témoin S._ (PV audition 6) qui servait des clients dans son kebab a eu son attention attirée par des cris à l’extérieur. Il a alors constaté que l’appelant maintenait la plaignante à terre par les cheveux et que celle-ci appelait au secours. Les premiers juges ont retenu la version de la victime en raison de sa crédibilité générale et parce que l’administration de coups s’insérait dans la violence extrême de la scène démontrant que l’appelant était hors de lui.
Cette motivation est adéquate et ne porte pas le flanc à la critique.
L’appelant soutient ensuite qu’il serait douteux que les lésions occasionnées à la victime relèvent de lésions corporelles simples au lieu de voies de fait. Il s‘agit toutefois là d’une question de qualification juridique et non de constatation arbitraire ou inexacte des faits, le tableau lésionnel ayant été établi par constat médical (jgt, p. 45 et pièce 4). Au demeurant, au vu de la violence du comportement de l’appelant, soit d'avoir battu une femme après avoir enfoncé sa porte, l'avoir mise au sol et traînée par les cheveux pour lui faire descendre des escaliers, l’intensité et la persistance des douleurs qu’un tel traitement provoque nécessairement, les meurtrissures, hématomes, ecchymoses et contusions constatés relèvent à l’évidence, en droit, de lésions corporelles simples et non de simples voies de fait.
3.5
L'appelant soutient qu'aucun élément concret ne permet de l'impliquer dans l'enlèvement de son fils au Maroc et nie avoir exercé une contrainte sur l'intimée.
Le tribunal a exposé les motifs de sa conviction aux pages 46 à 49 de son jugement. Seul l’appelant avait intérêt à soustraire cet enfant pour obtenir dans un premier temps une reprise de la vie commune, puis dans un deuxième temps sa propre mise en liberté ensuite de retrait de plainte. Il est absurde de soutenir, comme le fait l’appelant, que c’est l’intimée qui aurait fait enlever son fils alors qu’elle l’avait placé chez ses grands-parents maternels. S’il a clamé son interrogation au sujet de la localisation de son fils lors de la scène du 22 juin 2008 ou ultérieurement alors qu’il était détenu, cela ne signifie pas qu’il n’était pour rien dans la disparition de cet enfant, mais uniquement qu’il entendait, conformément à sa mentalité projective, reprocher en premier lieu à la mère d’avoir éloigner l’enfant de son père. Quant à la chronologie, l’objet de la contrainte a varié puisqu’elle visait d’abord une reprise de la vie commune, puis par la suite le retrait des plaintes. C’est de guerre lasse, par épuisement, désespoir et souci de préserver l’intérêt supérieur de son fils que l’intimée a fini par céder. Cet état d’esprit résulte clairement des auditions 7 et 8. Dans la première, entendue en confrontation, elle déclare notamment : « Tout ce que vient de dire le prévenu constitue des mensonges. Je suis prête à faire n’importe quoi, à retirer ma plainte, voire à reprendre la vie commune avec le prévenu pourvu que l’on me rende mon enfant ». Dans la seconde, elle confirme son retrait de plainte et précise « D’autre part, j’espère que si le prévenu sort de prison, je vais retrouver mon enfant ». Enfin, alors que la détresse de l’intimée est palpable, on ne ressent pas de véritable affection pour l’enfant disparu ou angoisse dans les propos et lettres de l’appelant centré avant tout sur lui-même. Les motifs de la conviction des premiers juges ne peuvent ainsi qu’être partagés et ne sont pas sujets à doute.
3.6
L'appelant conteste les actes de strangulation qui lui sont reprochés.
Ce grief en tant qu’il porte sur l’administration des preuves a déjà été traité dans l’examen et le rejet des preuves requises à l’appui de l’appel (P. 116). Par ailleurs, l'appelant n'a pas réitéré sa requête d'expertise aux débats d'appel.
3.7
Compte tenu de ce qui précède, les contestations factuelles de l'appelant doivent être rejetées.
4.
E._ invoque une violation de l'art. 129 CP.
4.1
Aux termes de l'art. 129 CP, celui qui, sans scrupules, aura mis autrui en danger de mort imminent sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Cette disposition incrimine tout comportement de nature à créer un danger de mort imminent pour autrui. D'après la jurisprudence, la notion de danger de mort imminent suppose en premier lieu un danger concret, soit un état de fait dans lequel existe, d'après le cours ordinaire des choses, la probabilité ou un certain degré de possibilité que le bien juridique protégé, en l'occurrence la vie d'autrui, soit lésé, sans toutefois qu'un degré de probabilité supérieur à 50% ne soit exigé. Le danger de mort imminent représente cependant plus que cela. Il est réalisé lorsque le danger de mort apparaît si probable qu'il faut être dénué de scrupules pour négliger sciemment d'en tenir compte. Quant à la notion d'imminence, elle n'est pas aisée à définir. Elle implique en tout cas, outre la probabilité sérieuse de la réalisation du danger concret, un élément d'immédiateté qui est défini moins par l'enchaînement chronologique des circonstances que par le lien de connexité directe unissant le danger et le comportement de l'auteur (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, nn. 5, 7 et 8 ad art. 129 CP; ATF 121 IV 67 c. 2b/aa).
Sur le plan subjectif, l'art. 129 CP exige un dol de mise en danger, qui ne peut néanmoins prendre la forme que d'un dol direct, à l'exclusion d'un dol éventuel. L'auteur doit avoir pleine et entière conscience de créer un danger de mort imminent tout en étant en mesure d'exclure l'hypothèse d'une issue fatale (Dupuis et al., op. cit., n. 11 ad art. 129 CP et les références citées).
S'agissant de l'absence de scrupules, cet élément subjectif spécifique tend à préciser que n'importe quelle mise en danger intentionnelle de la vie d'autrui ne suffit pas. Il limite le champ d'application de la disposition en cause aux hypothèses où la mise en danger de la vie d'autrui lèse gravement le sentiment moral. D'après la jurisprudence, il y a absence de scrupules lorsque, compte tenu des moyens utilisés, des mobiles de l'auteur, de l'état de ce dernier et de l'ensemble des circonstances concrètes, l'acte apparaît comme contraire aux principes généralement admis des bonnes mœurs et de la morale. La notion d'absence de scrupules renvoie à un comportement dont le caractère répréhensible doit apparaître comme marqué. L'acte doit donc revêtir une gravité qualifiée, dénoter une absence particulière d'inhibition face au fait de mettre en danger la vie d'autrui et un manque criant d'égards face à l'existence des tiers. Toutefois, dans la mesure où il est question d'un comportement créant un danger de mort imminent, donc d'une gravité intrinsèque certaine, il paraît adéquat de retenir que l'absence de scrupules devrait être admise dès lors que le comportement de l'auteur demeure dépourvu de justification particulière ou ne répond pas à un but au moins partiellement légitime (Dupuis et al., op. cit., nn. 12-14 ad art. 129 CP et les références citées).
4.2
En se référant à l’ATF 124 IV 53, l’appelant oppose une brève interruption de la respiration, dépourvue de danger significatif, à un véritable danger de mort imminent par strangulation qui implique une pression forte et d’une certaine durée sur le cou. En réalité, le danger de mort peut résulter d’autres facteurs nécessitant le cas échéant moins de temps que l’arrêt de la respiration, comme notamment un arrêt réflexe du cœur, des lésions cérébrales par interruption du flux sanguin assurant l’oxygénation, des lésions, une brisure des cartilages du cou ou une dislocation des os de la nuque lorsque la victime se débat.
En l’espèce, le récit détaillé des événements et des symptômes vécus par la victime (jgt, p. 24), corroborés par un témoin (jgt, p. 10) et par l’enfant, décrit des strangulations violentes à répétition par un homme qui ne se maîtrisait plus selon son propre aveu (jgt, p. 30) et qui amenait la victime au bord de l’évanouissement, relâchait la pression, puis serrait à nouveau sa prise. Un tel « jeu » implique d’imposer l’étranglement avec une force suffisante et de le prolonger assez longtemps pour que les symptômes décrits par la victime (jgt, pp. 24 et 50) apparaissent, notamment congestion du visage et yeux saillant des orbites. De même, le fait que le 14 août 2009 un médecin-assistant de la policlinique d’Orbe n’ait pas constaté de traces de violence sur le cou à l’exception d’un hématome submental (dossier joint, P. 6) ne contredit pas la version de la victime. D’une part, d’autres traces ont pu apparaître après le constat, d’autre part, la pression exercée verticalement paume ouverte sur le cou d’une femme couchée sur le dos a pu laisser peu de traces à l’inverse d’un étranglement en serre où les pouces et les index sont enfoncés dans les chairs.
Enfin, point n’est besoin d’un expert pour déterminer que l’étrangleur déterminé et fou de rage qui, dans une recherche de toute puissance, entend faire comprendre à la victime que sa vie dépend uniquement de son bon vouloir et qui à cette fin, à plusieurs reprises, étrangle fortement, maintient sa prise et relâche sa pression lorsqu’il lui apparaît que la victime suffoque prend évidemment le risque de se tromper dans sa perception du danger, soit essentiellement son appréciation de la durée de l’interruption des flux vitaux qu’il impose et ainsi de prolonger trop longtemps sa prise. L’élément objectif de la mise en danger de mort imminent est incontestable.
4.3
L’appelant conteste toute intention de mise en danger de la vie pour le motif qu’il veillait à relâcher la pression lorsque la suffocation prolongée lui était perceptible. Ce faisant, il confond une intention homicide dont il n’est pas accusé avec une intention de mise en danger dont son comportement démontre l’accomplissement.
L’appelant nie enfin avoir agi sans scrupules. Or, comme l’ont vu les premiers juges (jgt, p. 52), il a joué avec la vie de la victime pour tenter d’asseoir sa domination sur elle, son comportement lésant gravement le sens moral, présentant un caractère répréhensible marqué et dénotant un manque criant d’égards à l’égard de l’existence humaine, si bien que l’élément subjectif qualifié est bien réalisé.
4.4
Au vu de ce qui précède, E._ s'est rendu coupable de mise en danger de la vie d'autrui.
Mal fondé, ce moyen doit être rejeté.
5.
L'appelant invoque une violation de l'art. 180 CP. Il estime que de menacer une personne de « gâcher sa vie » n'est pas objectivement de nature à éveiller la peur ou l'effroi chez elle et il conteste la réalisation de l'élément subjectif.
5.1
Toute menace ne tombe pas sous le coup de l'art. 180 CP. La loi exige en effet que la menace soit grave. C'est le cas si elle est objectivement de nature à alarmer ou effrayer la victime; on tient compte de la réaction qu'aurait une personne raisonnable face à une situation identique (Dupuis et al., op. cit., n. 11 ad art. 180 CP et les références citées).
L'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant.
5.2
En l'espèce, si prise isolément dans le langage courant la menace orale commune de gâcher la vie peut présenter une gravité insuffisante pour alarmer ou effrayer autrui, tel n’est en revanche pas le cas dans un contexte d’un conflit de couple exacerbé et d’harcèlement éprouvé de l’un par l’autre où ces termes sont censés être compris comme la promesse de contribuer efficacement à la destruction qualitative des conditions de l’existence de l’autre (jgt, p. 42). En effet, le mal annoncé est alors objectivement grave et c’est à juste titre qu’en raison de son intensité et de son objet les premiers juges l’ont qualifié de menaces au sens de l’art. 180 CP.
Au surplus, compte tenu du comportement persistant de l'appelant à l'égard de l'intimée, il ne fait aucun doute qu'il a eu conscience de proférer des menaces de façon à susciter objectivement la crainte ou l'effroi de la victime, objectif qu'il visait.
5.3
Mal fondé, le moyen de l'appelant doit être rejeté.
6.
L'appelant estime que la peine infligée par les premiers juges est trop sévère et qu'elle devrait être assortie d'un sursis, à tout le moins partiel.
6.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1; TF 6B_408/2012 du 1
er
novembre 2012 c. 1.1). S'agissant du comportement de l'auteur postérieurement à l'acte, cet élément doit être pris en considération lors de la fixation de la peine, pour autant qu'il permette des déductions sur l'intéressé et son attitude par rapport à ses actes (arrêt 6B_335/2012 du 13 août 2012 c. 1.4.2 et les arrêts cités).
6.2
D'après l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Il découle de l’art. 42 al. 2 CP que le sursis total est exclu sauf circonstances particulièrement favorables si, durant les cinq ans qui ont précédé l’infraction, l’auteur a été condamné, notamment, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins. Aux termes de l'art. 43 al. 1 CP, le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable et hautement incertain (TF 6B_88/2011 du 18 avril 2011 c. 2.1 et les références citées). En d'autres termes, la loi présume l'existence d'un pronostic favorable et cette présomption doit être renversée par le juge pour exclure le sursis. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste (ATF 135 IV 180 c. 2.1; 135 IV 152 c. 3.2.1 non publié; Kuhn, Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 17 ad art. 42). Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents.
6.3
En l'espèce, E._ s'est rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées répétées, de menaces qualifiées répétées, d'un épisode contenant plusieurs actes de strangulation, constitutif de mise en danger de la vie d'autrui, ainsi que de contrainte. Il a eu, pendant deux ans, un comportement de tyran particulièrement ignoble n'hésitant pas à recourir au chantage à l'enlèvement d'un enfant de deux ans et demi et à la soumission d'une femme par la terreur. A charge, en plus de la gravité des actes qui sont reprochés à l'appelant, il convient de tenir compte de leur étalement dans le temps, de leur réitération durant l'enquête, mais également après la détention préventive qui, malgré sa durée, n'a exercé aucun effet sur l'intéressé, ainsi que de ses antécédents défavorables, de son mauvais comportement en détention préventive, du concours d'infractions et de son absence de prise de conscience.
A décharge, il faut prendre en considération la situation personnelle et financière précaire de l'appelant, ainsi qu'une diminution légère de responsabilité pénale. Toutefois, comme cela a été relevé par les premiers juges, les regrets exprimés par le prévenu doivent être relativisés et il en va de même de la reconnaissance de dette souscrite aux débats de première instance, cette dernière étant dépourvue de portée concrète au vu de la situation financière obérée de l'intéressé.
Compte tenu de la lourde culpabilité de l'appelant et de sa situation personnelle, la peine privative de liberté de trente mois infligée par les premiers juges est adéquate et doit être confirmée.
6.4
Les premiers juges ont exclu tout pronostic favorable et écarté du même coup tout sursis partiel en raison de l’absence de prise de conscience (jgt, pp. 54-55), du risque de récidive lié à la structure de personnalité identifiée par les experts psychiatres (jgt, p. 37) et du comportement agressif à l’égard des tiers tel que mis en évidence par la Fondation vaudoise de probation dans son courrier du 27 septembre 2012 (P. 82).
L’appelant nie ce risque en mettant en avant ses nouvelles conditions de vie avec sa nouvelle épouse, ainsi que sa volonté de suivre un traitement ambulatoire.
Si les rapports entre l’appelant et l’intimée se sont apaisés au point que certaines relations personnelles entre le père et l’enfant ont pu être instaurées, il n’en demeure pas moins que la personnalité de l’appelant caractérisée par une forme d’intolérance à la frustration, le besoin de faire prévaloir ses intérêts par la contrainte et une propension à la violence à tout le moins verbale sont toujours présents comme le montre ses débordements à l’égard des agents de la Fondation vaudoise de probation qui a pourtant une large expérience de la gestion des conflits. Dans ce contexte, un pronostic pénal défavorable est fondé sans qu’une volonté prétendue, uniquement déclamatoire, de collaborer à un traitement, non étayée par une mise en oeuvre induite par une véritable prise de conscience, ne permette de le renverser. Le refus de tout sursis n’est donc pas critiquable.
6.5
Au vu de ce qui précède, mal fondé, le moyen de l'appelant doit être rejeté.
7.
L'appelant soutient enfin que le jugement entrepris est inopportun et estime que la peine doit être sensiblement réduite pour tenir compte des différents éléments à décharge.
Les premiers juges ont mentionné les éléments à décharge et expliqué précisément pourquoi certains n'étaient pas de nature à diminuer la peine (jgt, p. 54). Confronter l’appelant aux conséquences personnelles qu’il encourt en raison de ses infractions répétées après s’être moqué des interventions antérieures de la police et de la justice, notamment en commettant des infractions plus graves à l'issue d'une période de détention provisoire, s’avère en l'occurrence opportun.
Mal fondé, ce moyen doit également être rejeté.
8.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement de première instance intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge d'E._ (art. 428 al. 1 CPP).
Au vu des opérations effectuées en appel, il se justifie d'arrêter à
4'994 fr., TVA et débours compris, l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant et à 1'166 fr. 40, TVA comprise, l'indemnité allouée au conseil d'office de l'intimée. L'appelant ne sera tenu de rembourser à l’Etat les montants des indemnités en faveur de son défenseur d'office et du conseil d'office de l'intimée que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
88b9fc86-bbeb-4348-8605-f854ae36d656 | En fait :
A.
Par jugement du 26 janvier 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré X._ des accusations de lésions corporelles graves et de conduite en état d’ébriété qualifiée (I), l’a reconnu coupable de tentative de meurtre et d’injure (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de trois ans, sous déduction de quatre cent dix jours de détention avant jugement (III), a ordonné son maintien en détention pour garantir l’exécution de la peine prononcée (IV), a statué sur les conclusions civiles de Y._ (V), a ordonné la confiscation d’une arme (VI) et a arrêté les frais et dépens (VII à IX).
B.
Le 31 janvier 2011, X._ a formé appel contre le jugement précité.
Par déclaration d’appel motivée du 24 février 2011, l’appelant a précisé que seule était litigieuse la question de la quotité de la peine, plus particulièrement la question de l’octroi du sursis, et n’a pas requis l’administration de preuves. Il a conclu à la réforme du ch. III du dispositif du jugement entrepris en ce sens qu’il est condamné à une peine inférieure à trois ans, assortie du sursis partiel.
Le 17 mars 2011, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a annoncé qu’il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière et à déclarer un appel joint.
Par écriture du 13 avril 2011, l’appelant a requis la production d’un rapport actualisé de comportement par la Prison de la Croisée. Le directeur de cet établissement a répondu, le 28 avril 2011, que le détenu avait toujours le même comportement en détention et qu’il convenait donc de se référer à un précédent rapport daté du 3 janvier 2011. Ce dernier indiquait que, lors de son arrivée, le prévenu pensait que tout lui était dû et qu’il avait toujours tendance à essayer de trianguler, mais que son attitude s’était ensuite améliorée et que son comportement avait été globalement bon. Il était précisé que le détenu n’avait pas fait l’objet de sanctions disciplinaires, qu’il avait travaillé de manière appliquée et qu’il avait suivi des cours d’informatique.
Aux débats du 3 mai 2011, l’appelant a confirmé ses déclarations faites devant le tribunal de première instance et produit divers documents, dont une promesse d’engagement d’une entreprise de nettoyage datée du 20 avril 2011, ainsi que différentes pièces attestant le remboursement progressif du tort moral causé à la victime. L’appelant a déclaré qu’il ne remettait plus en cause la quotité de la peine, mais uniquement la question de l’octroi éventuel du sursis partiel, et a conclu à ce que le ch. III du dispositif du jugement attaqué soit modifié en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté de trois ans, dont dix-neuf mois avec sursis.
Le Ministère public a conclu au rejet du recours.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
X._, ressortissant kosovar né en 1963, a grandi dans son pays d’origine où il a suivi sa scolarité puis entrepris une formation de mécanicien d’entretien. Il y a contracté un premier mariage, dissous par le divorce, dont sont issus quatre enfants. Arrivé en Suisse au début des années 1980, il a conclu deux mariages blancs avant de se remarier en 2006, alors qu’il était en exécution de peine.
Son casier judiciaire suisse fait état d’une condamnation le 20 septembre 2005 à deux ans d’emprisonnement pour vol par métier et en bande. Le prévenu avait préalablement été condamné en Allemagne pour vol à six mois d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans, puis en Suisse à deux reprises, le 15 octobre 1990 pour violations de la loi sur le séjour et l’établissement des étrangers et de la loi sur la circulation routière à quatre mois d’emprisonnement avec sursis pendant deux ans, révoqué, et le 13 janvier 1992 pour vol en bande et par métier notamment à quinze mois d’emprisonnement. Il avait encore été condamné en 1995 à une amende pour violation grave de la loi sur la circulation routière.
2.
Le soir du 11 décembre 2009, les employés de l’entreprise de nettoyage [...] SA ont organisé un repas de fin d’année au Centre [...], à Renens. Invité à cette occasion, le prévenu a consommé de grandes quantités d’alcool et s’est rapidement montré désagréable et agressif envers les personnes présentes dans l’établissement.
2.1
Ayant été blessé par un éclat de verre qu’un collègue dénommé Y._ avait accidentellement brisé, le prévenu a commencé à l’injurier en langue albanaise. L’inadéquation de son comportement a pris une ampleur telle que son patron et un autre employé l’ont fermement ramené à sa voiture, en le priant de ne plus revenir. L’intéressé a donc quitté Renens avec sa maîtresse, A.Z._, pour rejoindre le logement qu’ils partageaient avec le frère de cette dernière.
A la suite de ces événements, le prévenu a téléphoné à plusieurs reprises à Y._ pour l’insulter. A.Z._ a alors appelé à son tour le patron de son amant pour l’avertir que ce dernier avait décidé de retourner au centre, accompagné de son frère B.Z._.
De retour à l’établissement, le prévenu s’est dirigé vers Y._ et lui a assené un violent coup de couteau de cuisine au niveau de la poitrine, malgré l’interposition de B.Z._. Il a pu être désarmé par deux de ses collègues puis a réussi à quitter l’établissement avec le frère de son amante.
Le prévenu s’est livré à la police le lendemain soir.
2.2
Hospitalisé d’urgence, Y._ a souffert d’un hémo-pneumothorax droit avec section de l’artère et de la veine mammaires internes droites. Ces lésions ont gravement mis sa vie en danger. Il a déposé plainte.
2.3
A dire d’experts, la faculté du prévenu d’apprécier le caractère illicite de son acte était conservée au moment des faits, tandis que sa faculté de se déterminer d’après l’appréciation du caractère illicite de son acte était légèrement restreinte, du fait de l’effet désinhibiteur de l’alcool. Le risque de récidive d’actes de violence, décrit comme faible, pouvait potentiellement s’accroître en cas de nouvelles alcoolisations. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0), l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
Les faits retenus à la charge de l’appelant ne sont pas contestés et doivent être considérés comme établis au regard du dossier, la motivation détaillée et complète des premiers juges emportant au demeurant la conviction (art. 82 al. 4 CPP). A juste titre, l'appelant ne remet d'ailleurs pas en cause le verdict de culpabilité prononcé par les premiers juges, constatant qu'il s'est rendu coupable de tentative de meurtre et d’injure.
2.1
A l’audience d’appel du 3 mai 2011, l’appelant a réduit ses prétentions en ce sens que seul est remis en cause l’octroi éventuel du sursis partiel.
2.2
Selon la jurisprudence, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937, RS 311.0) soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1). Par conditions subjectives, il faut entendre notamment la condition posée à l'art. 42 al. 2 CP (ATF 134 IV 1 c. 4.2 et 4.2.3). Il s'ensuit que l'octroi du sursis partiel est exclu si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de cent huitante jours-amende au moins, sauf s'il justifie de circonstances particulièrement favorables, c'est-à-dire de circonstances propres à renverser la présomption de pronostic négatif attachée à un tel antécédent (TF 6B_510/2010 du 4 octobre 2010 c. 1.1 et les références).
2.3
L’appelant observe que le sursis partiel lui a été refusé en raison d’un jugement du Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois du 15 août 2005 le condamnant à deux ans d’emprisonnement pour vol en bande et par métier. Il relève toutefois qu’il s’agissait du relief d’un jugement rendu par défaut le 28 mars 1998 et concernant une activité délictueuse ayant eu lieu en 1996 et 1997. Il soutient en conséquence que le délai de cinq ans prévu par l’art. 42 al. 2 CP est échu et qu’en l’absence d’antécédent dans un intervalle rapproché, l’octroi du sursis devrait lui être accordé.
Les premiers juges ont considéré que le sursis, nécessairement partiel eu égard à la quotité de la peine (cf. art. 42 et 43 CP), n’entrait pas en considération dans la mesure où l’appelant avait été condamné à une peine privative de liberté ferme largement supérieure à six mois dans les cinq ans précédant l’infraction. Ils ont ainsi fait référence à un jugement rendu le 20 septembre 2005 par la Cour de cassation pénale (CCASS 356), lequel a rejeté le recours formé par l’intéressé et confirmé le jugement rendu à son encontre le 15 août 2005 par le tribunal de première instance.
La doctrine a précisé que les antécédents visés par l’art. 42 al. 2 CP étaient les condamnations définitives et exécutoires (cf. Schneider/Garré, in : Basler Kommentar, Strafrecht I, 2
ème
éd., Bâle 2007, n. 83 ad art. 42 CP). En l’espèce, au vu du relief prononcé le 15 août 2005, mettant à néant le jugement par défaut du 28 mars 1998, puis de l’arrêt sur recours rendu le 20 septembre 2005, seule cette dernière décision constitue l’antécédent définitif et exécutoire dont il y a lieu de tenir compte dans le cadre de l’examen de l’art. 42 al. 2 CP.
2.4
Reste encore à déterminer si, en dépit de cette condamnation intervenue dans les cinq ans précédant les faits de la présente cause, l’appelant justifie de circonstances particulièrement favorables. A cet égard, le prévenu estime que les excuses présentées, sa volonté d’indemniser sa victime, son bon comportement en détention, la possibilité de retrouver un travail et une vie de famille, ainsi que le faible risque de récidive retenu par les experts permettent de poser un pronostic favorable ouvrant le droit au sursis partiel.
Or, comme l’a relevé à juste titre le Ministère public aux débats, l’appelant a déjà fait l’objet de quatre condamnations, sanctionnées à chaque fois par des peines privatives de liberté fermes ou avec sursis, et a vécu illégalement en Suisse. Il a systématiquement recommencé à commettre des infractions, ce qui démontre son incapacité à tirer quelque enseignement de ses agissements. La jurisprudence rappelle d’ailleurs à cet égard que les antécédents judiciaires constituent un indice sérieux pour fonder un pronostic défavorable (cf. TF 6B_510/2010 du 4 octobre 2010). S’agissant de la volonté affichée du prévenu de reprendre une vie de couple avec son épouse, elle n’est pas déterminante du fait que l’intéressé s’est déjà marié deux fois de manière frauduleuse et que, au moment des faits, il vivait avec sa maîtresse. Dans ces circonstances, les excuses présentées à la victime et le bon comportement adopté en détention, lequel n’est toutefois pas aussi élogieux que souhaiterait le faire entendre l’appelant, constituent les efforts minimaux pouvant être attendus de la part d’une personne qui a voulu attenter à la vie d’autrui. On ne saurait donc retenir la présence de circonstances particulièrement favorables permettant de s’écarter de la solution retenue par les premiers juges.
3.
Au vu de ce qui précède, l'appel, mal fondé, doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de procédure doivent être mis à la charge de l’appelant (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité d’office allouée à son conseil (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP, art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP [tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]). Vu l'ampleur et la complexité de la cause, l'indemnité doit être arrêtée à 1'274 fr. 40., pour la rédaction d’une brève déclaration d’appel et pour la comparution à l’audience de ce jour, TVA et débours inclus (cf. art. 135 al. 1 CPP).
L’appelant ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
88e4fe6e-324b-4ebb-b6e8-87f85014f117 | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
juin 2012, le Tribunal criminel de l’arrondissement de La Côte a libéré A.F._ du chef d'accusation de meurtre (I), ordonné la relaxation de A.F._ (II), donné acte de leurs réserves civiles à A.M._, B.M._, B.K._, A.K._, B._ (III), dit que la question des éventuelles indemnités à forme de l'art. 429 CPP sera traité ultérieurement (IV) et laissé les frais de la cause à la charge de l'Etat (V).
B.
Par actes des 5 juin et 12 juillet 2012, le Procureur général a interjeté appel contre ce jugement. Il a conclu à la condamnation de A.F._ pour meurtre à une peine privative de liberté de 16 ans, les frais de justice étant mis à sa charge.
Par annonce d'appel du 5 juin 2012, A.M._ et B.M._, B.K._ et A.K._ ainsi que B._ ont interjeté appel contre ce jugement. Dans leur déclaration motivée d'appel du 12 juillet 2012, ils ont conclu à l'annulation du jugement en ce sens que A.F._ est reconnu coupable de meurtre. Ils ont également conclu à ce que A.F._ est reconnu débiteur, respectivement de A.M._, B.K._ et B._ et leur doit, à chacun, paiement immédiat de la somme de soixante mille francs, avec intérêts à 5% l'an dès le 9 janvier 2010 à titre d'indemnité pour tort moral, que A.F._ est reconnu débiteur de B.M._ et A.K._ et leur doit, à chacun, paiement immédiat de la somme de trente mille francs, avec intérêts à 5% l'an dès le 9 janvier 2010 à titre d'indemnité pour tort moral et enfin que A.F._ est reconnu débiteur de A.M._ et B.M._, B.K._ et A.K._ ainsi que B._ et leur doit paiement immédiat de la somme de cent cinquante-cinq mille cent quinze francs, avec intérêts à 5% l'an dès l'entrée en force du jugement, à titre de dépens pénaux.
A.F._ n'a pas présenté de demande de non-entrée en matière et n'a pas déposé d'appel joint. Par acte motivé du 27 novembre 2012, il a conclu au rejet des appels du Ministère public et des parties plaignantes.
Par télécopie du 28 novembre 2012, le Ministère public a transmis un rapport établi par la Police de sûreté (P. 573).
Le 16 novembre 2012, le Président de la Cour d'appel pénale a délivré à A.F._ un sauf-conduit pour qu'il se présente à l'audience du
29 novembre 2012. Le Président a en revanche refusé de délivrer un tel sauf-conduit pour l'audience du 30 novembre 2012.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Cadet d'une famille de trois enfants, A.F._ est né en 1964 à [...]. Peu de temps après sa naissance, ses parents, C.F._ et J._, se sont séparés et A.F._ a été placé chez ses grands-parents maternels, en [...] jusqu'à l'âge de six ans. Il est ensuite retourné chez sa mère et il a vécu avec elle jusqu'à l'âge de dix-huit ans. A sa majorité, il a décidé de parcourir l'Europe en vélo, avant d'embarquer sur un voilier norvégien comme mousse. De retour en France, vers la fin de l'année 1983, A.F._ s'est installé à [...] pour y suivre des études de biologie à la Faculté de biologie de l'Université de [...]. Parallèlement à ses études, il a exercé un job d'étudiant qui lui permettait de compléter ce que son père lui donnait. En 1992, au bénéfice d'un doctorat en biologie, spécialité génétique, il est parti à l'Université d'Harvard, à Boston pendant deux ans pour y compléter sa formation par un post-doctorat. De retour en Europe à la fin de l'année 1995, il a passé un concours national français comme chercheur et a été engagé au CNRS comme chargé de recherche. Il a été affecté à Sofia Antipolis près d'Antibes, travaillant sur les maladies génétiques humaines au sein d'une équipe de chercheurs jusqu'en 1999. A cette époque, il a accepté la proposition faite par le Professeur [...] de devenir chef d'équipe de l'institut dont ce dernier était le directeur, le Centre de génétique moléculaire et cellulaire à [...]. Dès 2007 environ, A.F._ avait manifesté à son père, qui n'avait pas de successeur pour sa librairie, son intérêt d'éventuellement la reprendre. En effet, depuis plusieurs années, A.F._ n'était plus satisfait des conditions de travail proposées dans la recherche publique et songeait à une reconversion professionnelle compatible avec son intérêt pour les livres et le désir de son père d'avoir un repreneur. Dès juillet 2008, il a décidé de prendre une année sabbatique au Canada. La santé de son père s'étant dégradée depuis l'automne 2008, il a toutefois commencé dès janvier 2009, à partager son temps entre le Canada et la librairie de [...], afin de se familiariser avec la gestion de ce type de commerce. Il a ainsi fait de nombreux allers-retours entre Lausanne et le Canada, laissant sa compagne, Z._ qui avait trouvé un poste d'enseignante ainsi que leur fille [...], sur place jusqu'à fin juin 2009. Entre les mois de janvier et juin 2009, l'intéressé a d'abord séjourné chez une amie de sa belle-mère, B.F._, dont il sera question ci-après, avant de louer un petit studio à [...]. Dès le retour de sa compagne en France, la famille s'est installée à [...]. Jusqu'en janvier 2009, A.F._ a vécu de ses revenus de chercheur au CNRS, soit environ 4'000 Euros par mois. Dès janvier 2009, il a perçu un salaire mensuel de 2'400 fr. pour son activité au sein de la librairie de son père. Quant à Z._, elle perçoit un salaire mensuel moyen de 1'500 Euros en qualité de professeur de français.
A.F._ s'était marié une première fois le 9 novembre 1985 avec [...]. De cette union sont nées trois filles, à savoir [...], le 8 avril 1989, [...]
le 26 octobre 1990 et [...] le 6 décembre 1993. A la fin 2002, le couple s'est séparé et le divorce a été prononcé en 2003. Ses filles ont vécu avec leur mère, à qui il verse une pension mensuelle de 1'000 Euros. C'est à fin 2002 qu'il a fait connaissance de Z._, alors enseignante.
Les casiers judiciaires suisse et français de A.F._ ne comportent aucune inscription.
Pour les besoins de la cause, A.F._ a été détenu avant jugement du 9 janvier 2010 au 1
er
juin 2012.
2.
A.F._ était convenu avec son père et sa belle-mère de venir manger chez eux le 9 janvier 2010, avec sa compagne Z._ et leur fille. Il s'agissait d'un repas de Noël différé en raison des vacances et obligations de chacun. La veille au soir, A.F._ a toutefois annoncé à sa compagne qu'il se rendrait seul à [...], son père étant trop fatigué pour accueillir la famille. Le matin du
9 janvier 2010, alors qu'il était en route, B.F._ a téléphoné à A.F._ pour l'avertir du fait que son père avait été hospitalisé à l'hôpital de [...] dans la nuit. Il a dès lors été convenu que A.F._ mange le repas de midi avec sa belle-mère et qu'ils iraient ensuite rendre visite à C.F._ dans l'après-midi. A.F._ s'est d'abord rendu à la librairie de [...] pour y travailler, avant de rejoindre B.F._ au [...]. Après le repas, vers 14h, A.F._ et B.F._ ont chacun a pris leur véhicule pour se rendre à l'hôpital, tenir compagnie à C.F._. Vers 14h30, A.F._ a quitté son père, le laissant avec B.F._, pour se rendre à nouveau à la librairie. A 16h57, il a appelé B.F._ sur le téléphone portable de cette dernière pour savoir où elle se trouvait. Elle lui a confirmé qu'elle était de retour à la maison. A.F._ s'est à nouveau rendu à l'hôpital de [...] entre 17h et 18h pour rendre visite à son père, avant de prendre le chemin du [...]. A son arrivée, et pour des motifs indéterminés, une violente dispute a éclaté entre A.F._ et sa belle-mère. A.F._ a frappé B.F._, en particulier à la tête, à de multiples reprises, dans la buanderie sise au rez-de-chaussée, au pied de l'escalier qui mène au premier étage. B.F._ a tenté de se défendre, notamment en griffant A.F._ au visage et sur le cou, lui arrachant deux boutons de chemise retrouvés au sol dans la buanderie. B.F._ est décédée en raison des multiples plaies et fractures causées par les coups de A.F._.
Afin de faire croire que la mort de sa belle-mère était due à une chute accidentelle dans les escaliers ou à l'intervention d'un tiers, A.F._ a traîné son corps dans la pièce voisine. Il a ensuite nettoyé les lieux de manière importante, détruisant de ce fait un nombre considérable de traces. Il a changé de t-shirt et de chemise à deux reprises, plaçant l'un de ses habits maculés de sang sous d'autres vêtements, au fond de la machine à laver, avant de finalement appeler les secours à 21h15 (P. 48).
3.
Une enquête a été ouverte afin de déterminer les circonstances du décès de B.F._.
3.1
Les constats de la Dresse [...]
La Dresse [...], médecin de service envoyée par le 144, est intervenue dès 21h50. A.F._ est arrivé par les escaliers menant à l'étage pour lui désigner l'endroit où se trouvait le cadavre de B.F._ avant de quitter immédiatement les lieux pour remonter à l'étage (PV aud. 12, R. 2, p. 2). Ce médecin a été interpellé par les rigidités cadavériques que le corps de B.F._ présentait déjà (PV aud. 12, R. 2 p. 3 et P. 316).
Une fois l'examen du corps de B.F._ achevé, la Dresse [...] s'est rendue auprès de A.F._, qu'elle a trouvé au premier étage, assis dans un fauteuil, l'air abattu, choqué, figé (PV aud. 12, R. 2, p. 3). Il présentait des éraflures fraîches, de couleur rouge vif, sur les nilles des deux mains et des griffures pâles sur les pommettes du visage, ces griffures étant devenues plus apparentes une heure après les premières constatations du médecin (PV aud. 26;
P. 225).
3.2
Les investigations policières
Une patrouille du CIR Ouest est arrivée sur les lieux pour prendre les premières mesures de sauvegarde dans l'attente de l'identité judiciaire. L'inspecteur W._ a alors pu rapidement constater que le corps avait été déplacé et que les lieux du drame avaient été soigneusement nettoyés. Compte tenu du fait que A.F._ présentait de nombreuses griffures suspectes au visage, sur le cou, le thorax et des dermabrasions sur les mains, qu'il s'était changé et que les lieux du drame avaient été soigneusement nettoyés, la thèse de l'homicide est devenue privilégiée (P. 47).
a)
Dans leur rapport du 6 avril 2010 (P. 162), les enquêteurs ont notamment relevé qu'à leur arrivée à [...], un état des lieux complet de la scène a été effectué, dans le but de déterminer si une tierce personne était impliquée dans le décès de la victime ou non. Aucune des voies d'introduction dans la maison (portes et fenêtres) ne montrait de trace d'effraction. De même, aucune pièce ne montrait un désordre particulier suite à une fouille, à un vol par effraction ou consécutif à une altercation entre deux ou plusieurs personnes. Aucun objet n'était renversé ou brisé. Les enquêteurs ont d'emblée constaté que le sol du local de chaufferie montrait des taches de sang visibles au centre du local à proximité de la chaudière, contre les plinthes du sol, sur la contremarche des escaliers menant du 1
er
au 2
ème
niveau, contre la porte qui donne accès aux escaliers, notamment. Le sol était mouillé à l'arrivée des policiers sur les lieux, ce qui leur a fait penser qu'il avait été lavé. Un sceau de couleur orange contenant deux serpillières encore mouillées et ensanglantées était présent dans le lavabo du local de chaufferie. A.F._, présent sur les lieux à l'arrivée de la police, a confirmé le fait qu'il avait lavé le sol du local de chaufferie. Le fait que le sol du local de chaufferie, situé à côté de la pièce dans laquelle le corps de la victime a été retrouvé, ait été lavé a empêché les policiers de collecter des traces de chaussures qui auraient été déposées avant les faits. Cela les a également empêché d'utiliser la dynamique des traces de sang pour tenter de reconstituer les faits et d'utiliser tous les types de traces habituellement exploitées pour ces cas et qui sont détruites par l'eau. Les policiers ont donc été contraints de se limiter à la collecte des traces biologiques visibles (sang qui n'a pas été lavé) et invisibles (mise en évidence à l'aide de technique de révélation chimique des traces de sang lavées) (P. 162, p. 6).
A l'intérieur de la maison, plusieurs traces pouvant être en lien avec les faits ont été collectées dans le but de les analyser en laboratoire, soit plusieurs gouttelettes de sang derrière le tuyau d'évacuation des fumées de la chaudière, contre les catelles du mur ainsi que des traces de sang sur la contremarche de la première marche d'escalier menant au 2
ème
niveau, dont le profil a été attribué à B.F._. Les traces retrouvées sur la porte de l'escalier, côté local de chaufferie, à hauteur de la poignée ainsi que sur la porte droite de l'armoire à outils, côté intérieur, à hauteur de la serrure, ont été attribuées au profil biologique de B.F._, avec une présence d'allèles de A.F._ relevée à certains loci en fraction très mineure. Des touffes de cheveux gris ensanglantés, attribuées à B.F._, ont été retrouvées contre la porte donnant accès à la cave, au bas de celle-ci, et contre la première marche de l'escalier menant au 2
ème
niveau.
(P. 162, p. 7).
Une recherche de traces de sang lavées et invisibles à l'œil nu a été effectuée à l'aide de Bluestar Forensic sur les murs du local de chaufferie, sur les murs de la cage d'escaliers qui mène au niveau 1 et au niveau 2, ainsi que sur les deux faces de la porte qui sépare le local de chaufferie des escaliers. Le Bluestar Forensic a réagi positivement sur la porte donnant accès à l'escalier, sur les deux faces de la porte, jusqu'à hauteur de la serrure, sur la porte donnant accès à la cave, côté local de chaufferie, jusqu'à une hauteur d'environ 1m40, sur les deux portes de l'armoire à outils, jusqu'à une hauteur d'environ 1m40, sur le lavabo et les portes d'armoire sous le lavabo, jusqu'à l'armoire située en dessus du lavabo, sur le côté droit de la chaudière, sur la face avant y compris sur et sous le brûleur, sur la partie droite de la face avant de la machine à laver le linge, sur le mur gauche de l'escalier, jusqu'au sommet de l'escalier, à une hauteur d'environ 1m20 et enfin sur le mur droit de l'escalier, en dessus et en dessous de la main courante. La réaction positive du Bluestar Forensic à ces endroits, sur une surface totale d'environ 28 m2 indique que du sang était présent et qu'il a très vraisemblablement été lavé sur ces surfaces
(P. 162, p. 8).
Les enquêteurs ont également constaté au 2
ème
niveau de la maison la présence de gouttes de sang sur le sol de la cuisine et sur une boîte de chocolats posée sur un petit meuble, devant la fenêtre. Au 3
ème
niveau, ils ont trouvé une tache de sang sur le sol du couloir, à côté de la rampe d'escalier, ainsi que sur le bouton de l'armoire située au fond de la chambre des parents. Le profil biologique de ces traces a été attribué à A.F._ (P. 162, p. 9).
Dans le local de chaufferie, A.F._ a désigné aux policiers une chemise bleue tachée de sang comme étant celle qu'il portait au moment de la découverte de la victime. Il s'agit d'une chemise de marque Fil Mark, taille 42, partiellement ensanglantée qui se trouvait dans un sac en plastique déposé devant la machine à laver. Ce sac en plastique provenait de l'hôpital de Morges et contenait également des vêtements appartenant à C.F._. Trois prélèvements ont été effectués sur cette chemise, à savoir le premier à l'intérieur du col afin de déterminer le porteur habituel de la chemise, le deuxième au niveau du poignet droit et le troisième au niveau de la boutonnière. Aucun profil n'a pu être déterminé sur le col de la chemise. En revanche, les traces de sang retrouvées sur le poignet droit de la chemise ont pu être attribuées à B.F._ alors que celles retrouvées au niveau de la boutonnière l'ont été à A.F._. Le lendemain, une deuxième chemise de couleur bleue, de marque Celio Club, taille 41-42 fortement ensanglantée ainsi qu'un t-shirt bleu clair de marque Springfield, avec des traces de sang au niveau du col, ont été retrouvés dans le lave-linge, sous d'autres habits, qui eux n'étaient pas tachés de sang. L'examen de la chemise Celio Club a permis de constater que le deuxième et le troisième bouton à partir du col manquaient. Ces boutons ensanglantés ont été retrouvés dans le local de chaufferie, donc sur la scène du drame, le premier entre le lavabo et le brûleur et le deuxième sous le lavabo (P. 162, p. 10). Des prélèvements ont été effectués au niveau du col de la chemise et du t-shirt afin de déterminer le porteur des habits. Les résultats de ces analyses ont permis d'attribuer les traces retrouvées sur le col de la chemise et sur la manche gauche de la chemise aux profils biologiques mélangés de A.F._ et de B.F._. Les traces retrouvées sur la boutonnière située proche du col de la chemise, côté gauche correspondent à un profil de mélange dont la partie majeure appartient à B.F._ et la partie mineure à A.F._. Les traces de sang retrouvées sur le dessous de la pointe du col de la chemise, côté droit et gauche, ont toutes été attribuées à B.F._. Il en a été de même des traces de sang retrouvées sur les deux boutons de chemise. Des prélèvements de sang ont été effectués sur le col du t-shirt. Les analyses effectuées sur le col arrière a permis de déceler un profil de mélange avec les profils biologiques de A.F._ et de B.F._, alors que les traces analysées sur le col avant ont été attribuées au profil biologique de B.F._ avec la présence d'allèles de A.F._ sur certains loci en fraction très mineure (P. 162, p. 11).
Les enquêteurs ont également retrouvé posée sur le meuble à chaussures une lampe de marque Maglite comportant des traces de sang sur le manche dont le profil biologique a été attribué à B.F._. Ils ont également constaté la présence, dans l'armoire à outils, de plusieurs outils ayant pu occasionner les blessures constatées sur la victime. Ces outils ont été examinés visuellement puis une recherche de traces de sang a été effectuée à l'aide de Bluestar Forensic. Sur l'un des marteaux, un léger résultat positif sur le manche a pu être constaté, alors que l'appareil n'a pas réagi sur les deux autres marteaux (P. 162, p. 12).
Dans la salle à manger, les enquêteurs ont prélevé l'annuaire téléphonique utilisé, selon ses dires, par A.F._ pour chercher le numéro de téléphone des secours. Aucune trace de sang n'était visible. Une recherche de trace de sang invisible a été effectuée au moyen du Bluestar Forensic. Une trace luminescente éphémère a été mise en évidence sur la couverture, au niveau du dos de l'annuaire. Dans la salle de bain, au 2
ème
niveau, les enquêteurs ont constaté la présence d'un morceau de sparadrap sur la tablette en verre située en dessus du lavabo. Ce sparadrap portait une trace de sang à son extrémité, dont l'analyse a permis d'établir le profil biologique de A.F._. Une lavette mouillée et tachée de sang était posée sur le bord du lavabo dont l'analyse a permis de déceler un profil de mélange avec les profils biologiques de A.F._ et de C.F._. Des mouchoirs également tachés de sang se trouvaient dans la poubelle, sous le lavabo. La première analyse effectuée a permis d'attribuer la trace au profil biologique de A.F._ alors que la seconde analyse a permis de déceler un profil de mélange avec les profils biologiques de B.F._ en partie majeure et de A.F._ en partie mineure (P. 162, pp. 14-15).
Les enquêteurs ont considéré que les résultats analytiques obtenus permettaient notamment les interprétations suivantes :
- La victime a probablement été frappée à plusieurs reprises à l'aide d'un objet contondant, dont la surface peut être carrée et mesurer environ 2 cm de côté. L'outil utilisé n'a pas été identifié de manière formelle, mais il est possible qu'il s'agisse du marteau sur lequel le Bluestar Forensic a réagi d'une manière positive. Toutefois, comme aucun profil biologique n'a été mis en évidence ni sur le manche, ni sur la partie métallique de ce marteau, on ne peut pas prétendre qu'il s'agisse de cet outil. Les dimensions et la morphologie de ce marteau sont compatibles avec les blessures visibles sur le crâne et le dos de la victime;
- une grande quantité de sang était présente sur les lieux, notamment sur le sol, contre les meubles et les murs du local de la chaufferie, sur les deux faces de la porte qui sépare la chaufferie de la cage d'escalier, sur le sol des escaliers et contre les murs de la cage d'escalier. Tout ce sang avait été nettoyé. Le sol de la chaufferie était encore mouillé à leur arrivée et les réactions positives constatées au Bluestar Forensic sur toutes ces surfaces sont indiscutables. La surface totale nettoyée est estimée à environ 28 m2. Trois prélèvements biologiques ont été effectués sur les surfaces nettoyées. Il s'agit d'un prélèvement contre la porte de l'armoire à outils du local de chaufferie qui met en évidence le profil biologique de mélange correspondant à B.F._ (profil majeur) et à A.F._ (profil mineur), d'un autre sur le mur gauche de la cage d'escalier, avec profil biologique attribué à B.F._ et un troisième sur le sol du local de chaufferie, dont le profil biologique peut être attribué à B.F._;
- les traces de sang glissées et visibles constatées sur le sol de la chambre dans laquelle la victime a été retrouvée permettent d'affirmer que celle-ci a été déplacée jusque dans cette pièce;
- une grande quantité de cheveux gris relativement longs et appartement très vraisemblablement à B.F._ a été retrouvée sur les habits de la victime;
- deux chemises de même couleur (bleu), ensanglantées, ont été attribuées à A.F._ par une analyse ADN. Concernant celle retrouvée dans la machine à laver, le profil biologique de A.F._ a été mis en évidence sur l'intérieur du col de celle-ci (ADN de contact);
- celle retrouvée à l'extérieur de la machine à laver, dans un sac en plastique, et désignée par A.F._, montrait des taches de sang au niveau de sa boutonnière (sang qui lui a été attribué). Ces deux chemises sont très vraisemblablement en lien avec ces faits et ne devaient certainement pas être présentes sur les lieux auparavant. A.F._ s'est très vraisemblablement changé deux fois. En revanche, il n'a changé ni son pantalon, ni ses chaussettes qui étaient pourtant complètement ensanglantés eux aussi;
- A.F._ a manifestement cherché à dissimuler l'une des deux chemises tachées de sang ainsi qu'un T-shirt dans le fond de la machine à laver, sous d'autres vêtements;
- des 51 analyses biologiques effectuées, soit 10 sur la victime ou ses objets, 4 sur le prévenu ou ses objets, 37 sur les lieux, tous les profils biologiques mis en évidence ont été attribués soit à B.F._ (19), soit à A.F._ (7), soit sous forme de mélange de A.F._ et B.F._ (18) et dans un cas à C.F._,
- aucun autre profil biologique inconnu non attribué n'a été relevé dans cette affaire (P. 162, pp. 24-28).
b)
Dans un rapport complémentaire daté du 29 juillet 2010 (P. 242), les inspecteurs de la police de sûreté ont analysé les traces de sang retrouvées sur les habits de A.F._ et sur ceux de la victime. Ils ont conclu, s'agissant des habits de la victime, que cette dernière avait perdu énormément de sang, que ce sang avait fortement imbibé les habits se trouvant au-dessus de la taille, que des trace de sang avaient toutefois été trouvées sur le pantalon de la victime, pouvant correspondre à un écoulement de la tête alors que la victime était assise ou déplacée en position assise et enfin que les pieds de la victime étaient ensanglantés, attestant que cette personne avait marché dans son propre sang (P. 242, ch. 5.1). S'agissant des habits de A.F._, les inspecteurs ont pu établir que ce dernier portait un T-shirt bleu clair de marque Springfield, une chemise bleue de marque Celio Club et une veste en fibre polaire rouge de marque Helly Hanson lorsqu'il a été en contact avec une grande quantité de sang de la victime
(P. 242, p. 8). Ils ont retenu que l'hypothèse du nettoyage du sang, même de manière très dynamique, ne permettait pas d'expliquer la présence de projections et micros projections de sang pur mises en évidence au niveau du col de la chemise portée par le prévenu (P. 242, p. 11). Partant, l'hypothèse selon laquelle le prévenu aurait lui-même asséné des coups à la victime peut, sur la base des traces de sang présentes au niveau du col de la chemise, être considérée comme une hypothèse très probable (P. 242, p. 12). Les inspecteurs ont enfin conclu que la dynamique et la localisation des projections et micros projections ne pouvait être que le résultat d'actes violents, ayant occasionné une pulvérisation du sang de la victime. Ces traces sont compatibles avec l'énergie d'un objet frappant une surface ensanglantée (P. 242, p. 14).
c)
Les enquêteurs P._ et [...] ont constaté que les souvenirs de A.F._ par rapport à son emploi du temps corroboraient les informations techniques jusqu'à 17h00 environ. Par la suite, il n'a plus été aussi précis, ne parlant qu'en plages horaires (P. 316). L'habitation n'ayant pas été fouillée et "le sac de la victime déposé, bien en vue sur la table de la salle à manger, au niveau 2, contenant encore ses valeurs", l'hypothèse d'une intervention de personnes étrangères telles que des voleurs a été exclue (P. 316, p. 5). Les enquêteurs ont tenu à mentionner certains faits qui leur paraissaient incohérents voire farfelus dans le comportement de A.F._, à savoir qu'il avait préféré tenter une réanimation et un massage cardiaque seul entre 45 et 60 minutes, gestes physiquement éprouvants, plutôt que d'appeler les secours tout de suite, qu'il avait méthodiquement nettoyé le sang sur les lieux de l'incident, sachant pertinemment que cela compliquerait grandement le travail des enquêteurs pour déterminer les circonstances du drame, qu'il s'est changé à deux reprises, la première fois en mettant une chemise bleu clair, empruntée à son père et ressemblant fortement à celle qu'il portait le matin en quittant Thonon-les-Bains, et qu'il a changé de versions notamment pour un fait essentiel soit l'origine des blessures sur son visage (P. 316, pp. 86 ss). En effet, dans un premier temps, A.F._ a expliqué qu'il avait notamment été griffé par les objets portés par sa belle-mère lors des déplacements du corps ou par les mouvements de bras de celle-ci lors de la réanimation (PV aud. 1, R. 12). Lors de la reconstitution sur les lieux, A.F._ a expliqué que ces blessures pouvaient provenir de jeux avec sa petite fille le matin du drame, mais également de griffures que sa compagne lui avaient infligé dans un moment d'intimité, ce que cette dernière a réfuté (PV aud. 6, R. 9).
3.3 Les visites domiciliaires
a) À [...]
Le 10 janvier 2010, une première visite domiciliaire a eu lieu au domicile de la victime à [...], au lieu dit "[...]". Les recherches effectuées ont notamment permis de trouver trois marteaux dans l'armoire d'outillage, dont l'un a réagi faiblement au détecteur de sang, Bluestar Forensic. Le véhicule de marque VW Polo de A.F._ a également été fouillé. Ce véhicule a été conduit au Centre Blécherette pour y être examiné par les Services de l'Identité Judiciaire. Le cylindre de la serrure principale du [...] a été changé.
Les 12 et 13 janvier 2010, la fouille de l'habitation et des dépendances du complexe du [...] a notamment permis de découvrir le porte-cartes et le porte-monnaie de C.F._ contenant 2'140 fr. et 550 Euros. Ces objets et les valeurs ont été remis à [...] et [...], enfants de C.F._. A cette occasion, l'Identité judiciaire a effectué divers prélèvements biologiques, ainsi que d'autres examens techniques. Un chien a fait une recherche olfactive dans les locaux.
Le 3 février 2010, les services de police ont procédé à une perquisition et à une fouille de la partie habitation et des annexes. L'Identité judiciaire a traité le sol de la buanderie, ainsi que l'intérieur de l'armoire à vêtements de la chambre à coucher de la victime au Bluestar. Les inspecteurs techniques ont levé des croquis sur la répartition des pièces de chaque étage. A la buanderie ont été découverts les deux boutons manquant sur la chemise souillée de sang appartenant à A.F._ et découverte dans le tambour de la machine à laver. Parallèlement, différentes pièces comptables ont été saisies pour être analysées. D'emblée, il est ressorti que A.F._ avait bénéficié de deux prêts de son père, sans intérêt, soit un de 350'000 FF en 1990 et un de 20'000 Euros en 2006. Ces deux prêts avaient fait l'objet d'une reconnaissance de dette.
Le 14 avril 2010, l'inspection des lieux a permis de récupérer la clé d'un coffre-fort pendue à un clou, dans un cagibi jouxtant la chambre où le corps de B.F._ avait été découvert. En revanche, il a été constaté que le coffre mural avait été condamné et qu'une bibliothèque était posée devant. Enfin, ce même jour, il a été procédé à une visite de police dans divers locaux non fermés, soit le bûcher, deux garages et un dépôt.
Le 19 janvier 2010, en présence du responsable de la sécurité de la banque BCV à [...], les enquêteurs ont ouvert le safe no [...], enregistré au nom du couple C.F._ et B.F._ et y ont trouvé une dizaine d'enveloppes contenant des billets de mille, pour un total de 376'000 fr., un carnet au porteur avec un solde de 53'915 fr. 25, des documents comptables, des pièces et des plaquettes en or. Ces objets et valeurs ont été laissés sur place. La clé du safe a été remise à la Justice de paix. S'agissant des comptes bancaires et de la librairie, les
enquêteurs ont rédigé trois rapports distincts respectivement datés des 5 août 2010 (P. 244), 15 septembre 2010 (P. 259) et 17 novembre 2010 (P. 301). Les recherches policières n'ont pas mis en évidence des mouvements d'argent pouvant correspondre à des détournements de A.F._. Les enquêteurs ont conclu que A.F._ faisait facilement face à ses engagements financiers depuis son implication dans la librairie de son père. Les revenus de cette deuxième activité lui permettaient de couvrir les charges de sa propriété de [...], lesquelles handicapaient fortement son budget courant 2008. Selon les données bancaires portées à la connaissance des enquêteurs, les avoirs de A.F._ se montaient à 16'930.41 Euros et 1'510 fr. 30 au jour du drame.
Enfin, les 21 et 22 avril 2010, le personnel de la Police cantonale vaudoise appuyé de membres de la PCi de [...], soit quelque 120 hommes, a minutieusement exploré un large périmètre autour des lieux, soit environ 36'000 m2. Le 22 avril 2010, une dernière perquisition a été effectuée au [...] de [...] afin de constater la présence et de sauvegarder d'éventuelles bouteilles d'eau de Javel, ce qui n'a finalement pas été le cas.
b) A [...]
Le 10 janvier 2010, une fouille des locaux de la librairie de C.F._, située à [...], a été effectuée. A cette occasion, trois ordinateurs, dont un portable et différentes pièces comptables ont été séquestrés. Cette opération a permis d'établir que A.F._ était bien passé à la librairie le 9 janvier 2010, mais qu'il n'y avait pas eu d'activité commerciale ce jour-là, la dernière vente remontant au 8 janvier 2010.
[...], ingénieur HES en télécommunications, a été mandaté par la défense pour procéder à l'expertise technique d'un courriel envoyé sur l'ordinateur branché sur Internet qui était installé à la librairie (P. 133/1). Dans un rapport du
19 novembre 2012, l'expert a conclu que le courriel était vraisemblablement arrivé à 18h52, heure locale suisse le 9 janvier 2010 dans la boîte e-mail de A.F._ qui se trouve hébergée sur l'infrastructure technique du fournisseur de service Swisscom/Bluewin. L'expert n'a en revanche pas pu déterminer à quel moment l'e-mail a été effectivement rapatrié sur l'ordinateur d'où la pièce a été extraite
(P. 570/2).
Dans un rapport du 28 novembre 2012 (P. 133/1), un spécialiste en informatique de la DCI BAAC a confirmé que le 9 janvier 2010, l'ordinateur connecté à Internet et installé dans la librairie a été allumé à 15h22 (heure d'hiver en Suisse) et qu'il a été éteint à 17h26 (heure d'hiver en Suisse). S'agissant de la différence d'heure indiquée par l'inspecteur entendu le 24 mai 2012, soit 15h15 au lieu de 15h22, le spécialiste indique qu'il se peut que l'inspecteur ait confondu l'heure d'ouverture de l'ordinateur (15h22) avec l'heure d'ouverture d'Internet (15h50). Le spécialiste a en outre confirmé que, s'agissant du courriel envoyé sur l'ordinateur à 18h52 le 9 janvier 2010, ce message avait été téléchargé dans la messagerie Outlook Express le 10 janvier 2010 à partir de 10h44 (heure d'hiver en Suisse). Il a confirmé que l'ordinateur n'a pas été utilisé entre 17h26 le 9 janvier 2010 et 10h44 le 10 janvier 2010 et que – contrairement aux déclarations faites par l'inspecteur le
24 mai 2012, soit que, sur l'ordinateur en question, tous les messages avaient d'ores et déjà été lus avant le contrôle des enquêteurs - la machine virtuelle VmWare dans laquelle l'image de l'ordinateur de la librairie a été chargée a démontré que des messages, dont celui reçu le 9 janvier à 18h52, n'ont pas été lus (P. 573).
c) En France
Nantis d'une commission rogatoire internationale urgente, les enquêteurs suisses se sont déplacés à [...] le 4 février 2010 et ont pu ainsi assister leurs collègues de la Police nationale française qui ont procédé à une visite domiciliaire, à des recherches à la Poste et téléphoniques. Le 3 mars 2010, ils ont assisté à une visite domiciliaire des locaux du laboratoire de génétique moléculaire et cellulaire dirigé par A.F._ et qui fait partie du CNRS à [...], ainsi qu'à l'audition des membres de la famille de A.F._, notamment à celle de sa mère J._, et à l'audition des collaborateurs de ce dernier au CNRS.
3.4 Les écoutes téléphoniques
Le 23 août 2010, les représentants de la DAO BAAC ont établi un rapport concernant les surveillances téléphoniques rétroactives et les extractions des mémoires des téléphones mobiles (pièce 249) ainsi qu'un rapport. En conclusion, ils précisent que la dernière activité de B.F._ mise en évidence par l'examen des données issues de la téléphonie est établie le 9 janvier 2010 à 16h57. La dernière communication attestant de la présence de A.F._ à la librairie se termine à 17h19. Dès ce moment-là et jusqu'à l'appel au secours contacté depuis le raccordement fixe de [...] à 21h15, les enquêteurs n'ont obtenu aucune indication sur l'emploi du temps de l'intéressé. Enfin, trois tentatives effectuées successivement à destination des raccordements de A.F._, de B.F._ et de la librairie respectivement à 19h27, à 19h29 et à 19h31 tendent à affirmer que Z._ a vainement tenté de joindre son concubin.
3.5
Les déclarations du prévenu
3.5.1
Entendu le 10 janvier 2010 par les policiers, A.F._ a indiqué être arrivé à [...] entre 19h30 et 20h30, sans pouvoir dire l'heure exacte (PV aud. 1, R. 4, p. 4). Arrivé vers l'entrée de la buanderie, il a vu, depuis la porte, B.F._ qui gisait sur le sol en bas de l'escalier qui mène au premier étage. Lorsqu'il s'est approché d'elle, il a remarqué qu'il y avait beaucoup de sang autour de sa tête et il a tout de suite compris que c'était grave. Il a expliqué que B.F._ était consciente et qu'il lui semblait qu'elle respirait encore, mais que lorsqu'il a essayé de lui parler, elle ne répondait pas. Il lui a pris le pouls et a essayé de la stimuler, ensuite de quoi, il lui a semblé qu'elle a émis une sorte de râle. Il a alors essayé de se souvenir des cours de premiers secours qu'il avait suivis une dizaine d'année auparavant; pour faire en sorte que le blessé n'ait pas froid, il a décidé de transporter B.F._ dans la pièce juste à côté, dotée d'un revêtement plus chaud. Il a pris un manteau qui se trouvait à portée de main et l'a déposé sur le sol de cette pièce. Il a déclaré avoir d'abord tenté de déplacer B.F._ en la soulevant mais que ses diverses tentatives, qu'il a décrites comme frénétiques, ont échoué, en raison du sang abondant qui ne lui permettait pas d'avoir une bonne prise et compte tenu de l'importante corpulence de la victime. Il a précisé avoir eu l'impression qu'elle tentait de coopérer en s'accrochant à lui pour qu'il la déplace. Il a alors décidé de la tirer par les deux bras en la faisant glisser sur le dos. Une fois en place, il lui a mis quelque chose sous la tête pour la surélever; il s'est aperçu que B.F._ saignait beaucoup et que sa respiration était très faible. Entre l'hypothèse d'appeler les secours et celle de tenter une réanimation, il a choisi la seconde, expliquant qu'habitant en France, il ne connaissait pas le numéro des secours par cœur et qu'il aurait dû monter au premier étage pour chercher le numéro dans l'annuaire et les appeler depuis le téléphone fixe, ce qui lui aurait fait perdre passablement de temps. C'est ainsi qu'il a expliqué avoir ôté les vêtements du haut de B.F._, laissant toutefois le soutien-gorge, et avoir alterné bouche à bouche et massage cardiaque, de plus en plus frénétiquement et jusqu'à épuisement. Pour le massage cardiaque, il s'est mis à califourchon sur la victime au niveau du haut du bassin, il appuyait environ cinq fois sur sa cage thoracique, suivis de cinq à dix mouvements vigoureux des bras sur les côtés, en bas en haut et ainsi de suite. Pour le bouche à bouche, A.F._ a expliqué qu'il s'était positionné à côté de B.F._, qu'il lui mettait la tête en arrière, lui pinçait le nez et lui insufflait de l'air entre dix et quarante fois, pour à nouveau se mettre en position de massage cardiaque. Comme il se souvenait que, lors de ses cours, on lui avait appris à stimuler vivement quelqu'un pour voir s'il y avait une réaction à une piqûre douloureuse, il s'est rendu dans l'armoire à outils proche de l'escalier et y a pris un poinçon qu'il a utilisé pour piquer légèrement B.F._, sans pouvoir dire s'il l'avait piquée dans une main, un doigt ou le flanc. Il a estimé la durée de la réanimation entre 45 minutes et une heure, laps de temps durant lequel la victime n'a jamais réagi. A.F._ a déclaré qu'après avoir compris que sa mère était morte et que tout était fini, il est monté au premier étage, a consulté l'annuaire téléphonique et a appelé les secours (PV aud. 1, R. 4, p. 5).
En attendant les secours, A.F._ a expliqué avoir revêtu B.F._ et l'avoir couverte. Il a ensuite décidé de placer un coussin sous sa tête en remplacement du chiffon ou des habits qu'il avait mis dans la hâte. Il est alors monté dans les étages pour trouver ce coussin. Il a déclaré qu'il pensait être allé vomir dans les toilettes du premier étage. Il a ensuite grossièrement lavé le sang là où il avait trouvé B.F._, au bas de l'escalier et aux autres endroits où il s'était répandu suite au transport du corps et à ses va-et-vient. Lui-même étant couvert de sang, il s'est rendu dans la salle de bains du premier étage pour se laver les mains et le visage à l'aide d'une lavette. Comme sa chemise était pleine de sang, il est allé dans la chambre des parents au deuxième étage pour y prendre une chemise appartenant à son père. Il a mis sa chemise ensanglantée à proximité du lave-linge, au rez-de-chaussée. Comme les secours tardaient à venir, il est sorti un moment pour aller à leur rencontre car la maison est difficile à trouver. Il s'est arrêté sur la route d'accès à la route cantonale, à un endroit d'où il pouvait être vu. Ayant froid, il est retourné à l'intérieur (PV aud. 1, R. 4, p. 6).
3.5.2
S'agissant des blessures qu'il présentait à l'arrivée des secours, A.F._ a expliqué qu'une partie de ses blessures aux mains provenaient du dégivrage du pare-brise de sa voiture le matin des faits, lorsqu'il était parti de chez lui. Il a indiqué avoir également déplacé des choses dans son garage. D'autres blessures proviendraient de ses efforts pour déplacer B.F._, qui portait une montre au poignet et des bagues, susceptibles, selon lui, de l'avoir griffé lorsqu'il a tenté de porter la victime. S'agissant des blessures sur son visage, il a déclaré qu'elles provenaient sans doute de ses tentatives de déplacement ou plus certainement des mouvements de bras qu'il avait effectué sur B.F._ lors de la réanimation. Il a ajouté qu'il se pouvait qu'il se soit lui-même griffé en procédant car il faut être à la verticale pour faire ces mouvements, qu'il a accomplis de manière frénétique (PV aud. 1, R. 12, p. 8). Entendu par le Ministère public l'après-midi du
10 janvier 2010, A.F._ a maintenu que les blessures qu'il avait notamment au visage, au cou et sur les mains n'étaient pas dues à des gestes de défense de B.F._. Il a ajouté que ces blessures provenaient soit d'activités antérieures, soit de ses gestes frénétiques lorsqu'il avait tenté de déplacer la victime, ajoutant qu'il estimait possible qu'il se soit écorché au visage avec ses ongles ou avec les bagues de B.F._ lorsqu'il avait effectué le massage cardiaque sur elle (PV. aud. 3, lignes 28 à 32). Interrogé le 1
er
février 2010, A.F._ a déclaré que la majorité des griffures qui se trouvaient sur son visage provenaient de ses efforts pour déplacer B.F._ et la réanimer, ajoutant qu'il était vraisemblable que certaines d'entre elles aient une origine antérieure car il était, selon lui, très fréquent qu'il ait le visage égratigné par des choses déjà dites, "rasage, jeux avec les enfants, vie conjugale, coups divers, etc..." (PV aud. 18, R. 7). Entendu le 24 février 2010, A.F._ a expliqué sa blessure à l'index droit par le fait que le matin du drame, il avait essayé une ancienne paire de souliers de ski qui se trouvait dans son garage à Thonon-les-Bains. Il a ajouté s'être rendu dans les locaux d'Emmaüs pour trouver une paire de chaussures de ski et a confirmé qu'il pensait s'être blessé en essayant d'enfiler une ancienne paire ou en en essayant une autre à Emmaüs (PV aud. 24,
R. 11 et R. 12). Il a dit ne pas se rappeler de l'endroit où il avait fait le pansement, ajoutant qu'il avait souvent du sparadrap dans son sac à dos. Il a enfin déclaré ne pas avoir de commentaire à faire lorsque les enquêteurs l'ont informé du fait que l'examen minutieux des chaussures de ski retrouvées à Thonon-les-Bains n'avait pas permis de retrouver la moindre trace de sang (PV aud. 24, R. 13 et R. 14). Interrogé sur sa blessure au cou, qui avait nécessité la pose d'un sparadrap, il a indiqué ne pas se souvenir de la manière dont il s'était fait cette blessure, ajoutant qu'il imaginait que c'était en transportant B.F._, bien qu'il n'en soit pas sûr (PV aud. 24,
R. 19).
3.5.3
S'agissant du nettoyage des lieux, A.F._ a déclaré y avoir procédé d'abord par politesse et respect vis-à-vis des secours qui allaient arriver car il trouvait inconvenant de les faire marcher dans une flaque de sang pour atteindre B.F._. Il a également expliqué ce nettoyage par le fait qu'il a horreur du sang et qu'il ne voulait plus être au milieu de ce sang (PV aud. 18, R. 12 et R. 14).
3.5.4
Entendu le 10 février 2010, A.F._ a expliqué qu'il ne se souvenait pas de l'absence de deux boutons sur la chemise bleue de marque Celio Club, découverte dans le tambour de la machine à laver sous d'autres vêtements non tachés, qu'il portait le 9 janvier 2010 (PV aud. 21, R. 19) et qu'il n'expliquait pas le fait que ces deux boutons aient été retrouvés par les policiers à proximité immédiate du lieu où il avait découvert B.F._ inconsciente, au milieu d'une mare de sang (PV aud. 21, R. 21).
3.5.5
Interrogé le 12 février 2010, A.F._ a indiqué que l'ADN de B.F._ retrouvé sous ses ongles s'expliquait par les manipulations qu'il avait faites pour transporter et réanimer cette dernière (PV aud. 22, R. 47).
3.5.6
Par la suite, interpellé par les enquêteurs sur l'un ou l'autre fait, A.F._ s'est référé à sa première audition, en indiquant qu'elle reflétait fidèlement sa version.
3.6
Les constats des médecins légistes
Le 10 janvier 2010, le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois a ordonné une expertise médico-légale, mandatant pour ce faire le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML). Les experts ont établi un
premier rapport daté du 20 mai 2010 (P. 204), complété les 29 juin 2010 (P. 227),
25 mars 2011 (P. 341), 7 juillet 2011 (P. 394) et 14 décembre 2011 (P. 449).
3.6.1 Les conclusions du CURML et du Professeur X._
a)
Dans leur rapport du 20 mai 2010 (P. 204), les médecins légistes du CURML ont constaté que A.F._ présentait de multiples dermabrasions et plaies d'aspect frais au visage, des traits ecchymotiques d'aspect frais sur le visage, des ecchymoses, pour la plupart d'entre elles linéaires, d'aspect frais au cou, de multiples dermabrasions et plaies d'aspect frais à la face dorsale des mains et une plaie contuse à la face palmaire du deuxième doigt de la main gauche (P. 225/107 à 225/117). A.F._ n'a pas pu expliquer l'origine de chaque lésion, indiquant qu'elles auraient pu survenir dans la journée de samedi, en déplaçant des objets dans son garage et/ou en dégivrant le pare-brise de sa voiture avec une carte bancaire. Les médecins du CURML ont conclu que les lésions constatées au niveau du visage et du cou étaient difficilement compatibles avec les déclarations rapportées par l'intéressé lors de l'examen clinique.
b)
S'agissant de l'examen du corps de B.F._, les médecins légistes du CURML ont constaté de multiples plaies contuses du visage, du cuir chevelu et du pavillon auriculaire gauche, des fractures de la calotte crânienne, dont deux embarrées (une occipitale et l'autre pariétale gauche), des contusions cérébrales aigues superficielles, une discrète encéphalopathie anoxique aiguë, des ecchymoses, dermabrasions et plaies au niveau du visage et des membres supérieurs, une fracture hémorragique du cartilage thyroïde du larynx, des fractures de côtes bilatérales, hémorragiques pour la plupart, deux ecchymoses, dont une de forme "carrée" en regard de l'omoplate droite, des plaies et ecchymoses des mains avec arrachement unguéal au deuxième doigt gauche, des signes évoquant une déplétion sanguine (pâleur des organes et faible étendue et pâleur des lividités)
(P. 205, p. 28; P 225/86 à 225/96).
Sur la base de l'ensemble des éléments à leur disposition, les médecins légistes ont émis les considérations médico-légales suivantes: le visage et le cuir chevelu sont le siège d'importantes plaies contuses, ces plaies étant évocatrices de coups portés par un/des objet(s) contondant(s) ou de chocs du corps contre un/des objets contondant(s); le décollement du cuir chevelu constaté en regard de la plaie pariéto-occipitale peut être la conséquence d'une force appliquée tangentiellement ou d'une traction exercée sur le cuir chevelu déjà lésé; la présence de multiples traits de fracture et de deux fractures embarrées au niveau de la calotte crânienne sont évocatrices d'au moins deux chocs violents entre le crâne et un/des objet(s) contondant(s) ou un/de plan(s) dur(s); l'ecchymose située en regard de l'omoplate droite est évocatrice d'un coup porté par un objet contondant ou d'un choc du corps contre un objet contondant de forme géométrique quadrangulaire; les ecchymoses et les plaies des mains peuvent être la conséquence de coups portés par un/des objet(s) ou de choc(s) du corps contre un/des objet(s) contondant(s). Elles sont compatibles avec des lésions de défense, sans qu'il ne soit possible d'exclure d'autres circonstances traumatiques; les fractures hémorragiques des côtes peuvent être la conséquence de coups portés par un/des objet(s) contondant(s) ou de chocs du thorax contre un/des objet(s) contondant(s) ou un/des plan(s) dur(s); l'ensemble des lésions traumatiques constatées présente des signes de vitalité; la faible étendue des lividités cadavériques et la pâleur de celles-ci et des organes indiquent une perte importante de sang; les pathologies préexistantes constatées, notamment au niveau vasculaire et cérébral, n'ont pas joué de rôle dans l'enchaînement fatal
(P. 205, p. 29).
Les médecins légistes ont conclu que B.F._, âgée de 66 ans, était décédée des conséquences des lésions traumatiques constatées. Le tableau lésionnel (multiplicité, localisation, importance et aspect des lésions) indique l'intervention d'un tiers (P. 205, p. 29). Ils ont en outre évalué l'heure de la mort le
9 janvier 2010 entre 15h15 et 21h00 (P. 227).
c)
À la demande des défenseurs de A.F._, le Professeur X._, médecin légiste et anatomopathologiste à [...], a établi un rapport le 14 février 2011 (P. 329). Se fondant sur le contenu gastrique de la victime tel que constaté à l'autopsie, elle a estimé que le décès de B.F._ pourrait se situer entre 20h00 et 22h00 (P. 329, p. 32). Pour elle, il ne fallait pas retenir le marteau comme objet contondant s'agissant des trois plaies contuses essentiellement situées à gauche en région fronto-pariétale; elle explique en effet ces blessures par le heurt du front gauche de B.F._, alors qu'elle descendait l'escalier, contre la poignée de la porte fermée ou sur le rebord de cette poignée ou sur le chambranle de la porte ou sur la rampe descendante située à gauche de la descente d'escaliers (P. 329, p. 48). Elle a exclu l'usage d'un marteau en l'absence de lésion osseuse sous-jacente ou d'hémorragie cérébrale (P. 329, p. 50). Elle a expliqué les deux déchirures cutanées de la région temporale gauche, de même que les lésions de l'hélix et de l'insertion du pavillon de l'oreille gauche par un frottement et un heurt contre le bord anguleux du même chambranle. B.F._, déséquilibrée, aurait pu chuter en arrière, sur son crâne, et heurter tangentiellement une marche de l'escalier, ce qui aurait entraîné une fracture linéaire. Quant au décollement du cuir chevelu par arrachement, le Professeur X._ l'a expliqué par un glissement du corps de la victime entraînée par son poids sur le sol en bas de l'escalier, l'angle ou l'aspérité d'une marche pouvant, selon elle, expliquer l'enfoncement crânien. L'hémorragie abondante due à l'importante plaie du cuir chevelu a pu entraîner un choc hypovolémique mortel, alors que la victime est restée au sol en probable hypothermie. Un malaise cardiaque initial et terminal compte tenu des lésions cardiaques observées est, selon elle, tout à fait susceptible d'être à l'origine d'une chute.
S'agissant des lésions que présentait A.F._ au visage et sur le cou, elle a estimé qu'elles ne correspondaient pas à des lésions de défenses. Quant au sang abondant trouvé sur ses vêtements, il pouvait s'expliquer par les manœuvres de relevage, de déplacement et de réanimation multiples désordonnées, que A.F._ aurait tenté sur sa belle-mère, considérées par lui comme "frénétiques".
En conclusion, le Professeur X._ a retenu "une chute sur le crâne isolée comme déterminante, dans la cause de la mort de B.F._, en l'absence de lésion de prise, sur le doute concernant les hématomes et les plaies du dos de ses mains, sur le doute concernant les excoriations du dos des mains de A.F._ et sur le fait qu'il n'existe pas d'élément de certitude pour incriminer l'utilisation d'un objet contondant de type marteau ou autre" (P. 329, p. 53).
d)
Le 25 mars 2011 (P. 341), les médecins légistes du CURML, se prononçant sur l'analyse du contenu gastrique comme moyen de datation du décès d'après la théorie du Professeur X._, ont en substance rappelé que l'utilisation de l'analyse du contenu gastrique comme méthode d'évaluation de l'heure du décès ou du temps écoulé depuis la prise du dernier repas est considérée comme extrêmement aléatoire par la communauté médico-légale en raison de sa trop grande imprécision. Ainsi, les médecins du CURML ont maintenu que le décès de B.F._ était survenu le 9 janvier 2010 entre 15h15 et 21h00; ces deux valeurs horaires représentent les limites d'un intervalle de confiance de 95 %.
S'ils partagent l'avis du Professeur X._ selon lequel la cause du décès a pu résulter de l'hémorragie provoquée par les lésions constatées au niveau de l'extrémité céphalique de la victime, les médecins ont en revanche contesté les affirmations selon lesquelles une chute dans l'escalier constituerait le seul mécanisme à l'origine de l'ensemble des lésions relevées au niveau de l'extrémité céphalique de la victime. La présence de deux embarrures signifie l'existence de deux impacts à distance l'un de l'autre. En d'autres termes, l'hypothèse de la chute ne peut expliquer à elle seule la totalité des lésions de la tête et du front, même en invoquant le heurt au cours de la chute de la région frontale gauche contre la poignée de la porte située en bas de l'escalier ou le chambranle de cette dernière.
De surcroît, dans la mesure où la victime était inconsciente selon A.F._, très probablement aréactive et hypotonique du fait de la gravité des troubles de la conscience, les experts ont indiqué qu'ils concevaient mal comment A.F._ aurait pu s'occasionner les lésions qu'ils ont constatées en invoquant un mécanisme de frottement des bagues ou du bracelet portés par la victime au cours des manipulations de réanimation qu'il aurait effectuées de manière frénétique sur sa belle-mère.
Dans leur rapport du 7 juillet 2011 (P. 394), les médecins du CURML ont confirmé qu'il leur paraissait extrêmement difficile d'admettre qu'une seule chute occasionnée par un malaise dans un escalier puisse produire simultanément en plus de deux embarrures osseuses plutôt postérieures, cinq plaies contuses plus en avant même si ces dernières sont réparties du même côté de la tête et du front. Pour le reste, ils ont confirmé ce qu'ils avaient dit précédemment.
3.6.2 Les constats du Professeur N._ et du Dr L._
Compte tenu des conclusions opposées des rapports émis par les médecins du CURML d'une part et par le Professeur X._ d'autre part, le Ministère public a ordonné une seconde expertise médico-légale qui a été confiée à N._, Professeur de médecine légale et de science médico-légale à l'Université de [...] et président de l'Académie internationale de médecine légale.
a)
Dans son rapport du 8 septembre 2011, complété le 20 janvier 2012
(P. 414 et 451), cet expert a considéré que l'examen médico-légal effectué par le CURML s'était fait selon les règles de l'art, qu'il était complet, détaillé, minutieux et en totale concordance avec la procédure stipulée dans les protocoles internationaux. A propos de l'heure du décès, l'expert a estimé que l'heure fixée entre 15h15 et 21h00 par les médecins du CURML était la seule estimation valable scientifiquement, contrairement aux affirmations du Professeur X._. Il a en effet expliqué que l'analyse du contenu gastrique sur laquelle elle s'était fondée pour fixer l'heure du décès, ne constituait pas un moyen fiable pour estimer l'heure à laquelle le traumatisme crânio-cérébral serait survenu à l'occasion d'une chute, comme il ne constituait pas un moyen sûr de déterminer l'intervalle de temps écoulé entre l'ingestion d'aliments et l'heure de la mort. Selon l'expert, le tableau lésionnel traumatique crânien observé n'était pas compatible avec le fait que la personne se soit ensuite relevée et ait été capable de marcher. Le Professeur N._ a exclu l'hypothèse selon laquelle les lésions constatées sur le corps de B.F._ puissent être les conséquences d'une ou plusieurs chutes, suivies d'une glissade et/ou de roulé-boulé d'un corps lourd (81 kg) sur un escalier raide en béton composé de 15 marches, avec un choc sur un sol dur ou en bas de l'escalier, suivi de manœuvres de relevage effectuées par A.F._, au cours desquelles B.F._ serait retombée à plusieurs reprises sur le sol en béton. Selon l'expert, les lésions constatées ont été provoquées par un instrument (ou des instruments) de nature contondante, la fracture occipitale ressemblant beaucoup à celle qu'on trouve dans le cas de l'utilisation d'un instrument type marteau. La disposition des lésions ressemble plutôt, et avec une très haute probabilité, à une situation d'agression avec tentative de défense de la part de la victime, l'hypothèse de l'accident pouvant, selon lui, être éliminée. Quant aux descriptions faites par A.F._ pour justifier les évidentes lésions que présente sa face, le Professeur N._ les a considérées comme très peu consistantes, concluant que ces lésions sont beaucoup plus compatibles avec l'hypothèse qu'elles résultent de mouvements de lutte et de défense de la part de la victime.
b)
Mandaté par les défenseurs de A.F._, le Dr L._ a, dans son rapport du 27 février 2012 (P. 469), rappelé que le déroulement physiologique de la vidange gastrique dépend de divers facteurs. La composition physique et chimique d'un repas absorbé joue un rôle important pour la vidange gastrique physiologique. Des produits alimentaires liquides sont évacués plus rapidement de l'estomac que des aliments solides, dont l'évacuation est initialement retardée, puis elle s'effectue de manière linéaire. Dans le cas de B.F._, les composants, l'heure et le temps d'absorption du repas sont grosso modo connus. Le Dr L._ a estimé la quantité de nourriture ingérée par B.F._ durant son dernier repas entre 400 et 600 grammes et a indiqué que le facteur qui a le plus grand impact sur la vidange gastrique du repas ingéré a dû être l'exercice physique effectué par la défunte lors de la visite chez son mari à l'hôpital. En dernier lieu, il a évoqué l'état émotionnel de la défunte à l'heure du décès, relevant que la peur et le stress sont majoritairement décrits comme facteurs pouvant avoir un effet accélérant, mais également un effet inhibiteur sur la vidange gastrique. Compte tenu du fait que la victime a pris son dernier repas entre 13h25 et 14h, qu'elle était de retour chez elle vers 17h et au vu de la quantité restante de bol alimentaire dans son estomac, le Dr L._ a considéré que l'arrêt de la vidange gastrique causé par le décès, respectivement un net ralentissement causé par la survenance d'une blessure grave à la tête, après 18h00 était extrêmement invraisemblable.
4.
L'expertise psychiatrique
4.1
A.F._ a été soumis à une expertise psychiatrique, confiée au Secteur psychiatrique Ouest, Service de psychiatrie de l'adulte, à Prangins. Dans son rapport du 29 septembre 2010 (P. 263), le Dr T._ a expliqué que l'examen clinique psychopathologique n'avait pas permis de mettre en évidence chez l'expertisé un trouble mental au sens strict, ni un trouble de la personnalité au sens strict, tels qu'ils sont définis dans les nomenclatures internationales. Mais cela ne préjugeait en rien de toute forme de dysfonctionnement psychique ou de toute forme de traits ou de tendances de la personnalité pouvant comporter la possibilité ou la potentialité latente d'expression dans certaines conditions, d'attitudes ou de comportements ayant un caractère pathologique ou anormal. L'examen psychologique effectué à partir de tests projectifs a mis en évidence un fonctionnement dans le registre des états-limite avec une problématique narcissique et une distorsion relationnelle avec possibilité de dérapage du cours de la pensée sur un mode paranoïaque. A.F._ ne présente pas tous les traits qui permettraient de poser le diagnostic d'un trouble de la personnalité narcissique, mais les observations qui ressortent de l'examen psychologique pointent en direction d'une problématique narcissique; celle-ci relève principalement du développement d'un soi grandiose comme adaptation à un soi défaillant. Quant à l'adjectif paranoïaque, il se réfère à la possibilité d'émergence de tendances interprétatives, basées sur la suspicion et la méfiance ou le fait d'interpréter les paroles ou les actes des autres comme le reflet de mauvaises intentions. En tenant compte des traits narcissiques (surestimation de soi) et des tendances paranoïaques (méfiance à l'égard de l'autre) sur la base d'un état-limite (imprécision, confusion et instabilité des représentations de soi et des autres) avec un conflit intrapsychique spécifique (lutte intérieure pour maintenir une image idéalisée toujours menacée par la possibilité d'un renversement de cette image en son contraire), on peut admettre, par hypothèse, qu'une situation dans laquelle la réalité serait venue brusquement "désavouer" cet équilibre relativement fragile ait pu entraîner une réaction difficile à contrôler. A la question de savoir si l'examen psychopathologique de l'expertisé permettrait de savoir pourquoi il aurait agressé sa belle-mère, la réponse est négative car, en effet, les résultats des investigations n'ont pas donné d'élément de réponse à cette question; et cela même si l'on admettait qu'en fonction de sa pathologie narcissique et de ses dérapages paranoïaques, il aurait pu ressentir avec violence une situation dans laquelle il se serait senti humilié ou trompé ou désavoué ou encore confronté à une prise de position de sa belle-mère impossible à supporter sur le plan de son équilibre personnel. A la question de savoir si leur examen permettrait de comprendre les raisons pour lesquelles, dans l'hypothèse où il serait le meurtrier, il ne peut pas avouer son crime, la réponse est également négative, mais plus nuancée en ce sens que cela pourrait correspondre soit à un déni, soit à une position défensive narcissique et paranoïaque de surestimation et de défense acharnée de ses propres droits. A la question de savoir pourquoi l'expertisé ne se souvient pas de certains éléments de la scène du crime, l'examen psychopathologique peut répondre en relevant qu'il n'est pas exceptionnel de rencontrer des troubles de la fixation mnésique lors de situations extrêmement stressantes, même s'il est possible aussi que l'expertisé ait tenté de procéder à une reconstruction des faits qui le confronte à des incohérences entre les faits tels qu'ils se sont produits et les faits tels qu'il tente de les relater. Ainsi, les tendances observées sont en quelque sorte en veille permanente, dans l'attente d'une occasion, d'une situation qui permettra leur expression, en l'occurrence dans les conditions très particulières qu'il faut aussi interpréter comme résultant d'une certaine fragilisation psychique.
4.2
Les défenseurs de A.F._, ont mandaté le Dr ???._, médecin psychiatre et chef de service à [...] et expert auprès de la Cour d'appel de Paris. Dans son rapport du 3 mars 2011 (P. 351), ce médecin précise avoir pris connaissance de l'expertise du Dr T._. Il a énuméré les points sur lesquels il était d'accord avec ce dernier. En revanche, il a exclu toute dimension paranoïaque et toute caractéristique narcissique. La notion d'état-limite lui paraît pouvoir être retenue en expliquant que chez A.F._, on est plus dans le registre de la vulnérabilité d'amour propre que dans celui de défense narcissique exacerbée. Pour ce médecin, l'une des caractéristiques les plus frappantes de A.F._, c'est cette émotivité qui s'est traduite par des manifestions de trac, de peur de parler en public, par la phobie du sang dont il donne plusieurs exemples et par la phobie de l'orage, qu'il situe comme son symptôme le plus gênant, ajoutant une vulnérabilité à l'angoisse de séparation. Aux reproches faits à A.F._ de gommer défensivement ses souvenirs, le Dr. ???._ a précisé qu'il ne s'agissait pas nécessairement d'un système de défense, mais d'un ensemble de mécanismes de défense inconscients, qui gommait les images pénibles et celles incompatibles avec l'estime de soi du sujet. Selon lui, A.F._ ne présentait aucun trouble mental caractérisé.
5.
L'audition des experts
5.1
Le 25 mai 2012, les premiers juges ont procédé à l'audition du
Dr H._, du Professeur D._, du Dr L._, des Professeurs X._ et N._.
a)
Le Dr H._, consignataire du rapport du CURML du
20 mai 2010 (P. 204), a confirmé qu'il était intervenu le 9 janvier 2010 à [...], vers 23h00. S'agissant des blessures au visage et sur l'arcade sourcilière de la victime, il a confirmé qu'elles avaient été nécessairement provoquées par un objet contondant, dont l'origine pouvait être diverse, parmi lesquelles un marteau.
b)
Pour sa part, le Professeur D._, cosignataire du même rapport, a dans l'ensemble confirmé les conclusions formulées dans le rapport du
20 mai 2010. Il a notamment rappelé qu'il n'accordait aucune valeur à l'examen du bol alimentaire pour estimer l'heure du décès. Il a admis que, sur le plan strictement théorique, la grande plaie occipitale constatée chez B.F._ pouvait avoir résulté d'une chute en arrière dans l'escalier qui, ensuite, par un effet de glissade, aurait retroussé le cuir chevelu. Cet expert n'a pas exclu que B.F._ ait pu chuter une première fois dans les escaliers, la victime n'étant alors que légèrement blessée (plaie frontale) et qu'elle serait ensuite retombée alors qu'elle essayait de remonter. Le Professeur D._ relève toutefois que cette hypothèse ne permettait pas d'expliquer les nombreuses autres plaies constatées sur la victime. Il a encore donné des explications à propos du principe de la "ligne du chapeau" selon laquelle les lésions par chute se situent plutôt en dessous de la ligne correspondant au chapeau et celles résultant de coups, d'agressions, plutôt en dessus.
c)
Le Dr L._ a tenu à préciser que dans le cas de B.F._, il avait beaucoup de précisions à sa disposition, en particulier le rapport du médecin traitant de la victime, ce qui est rarement le cas en général. Il a confirmé avoir reçu les rapports des Professeurs D._ et N._, qui, selon lui, ne sont pas des experts au niveau de la motilité gastrique et de la vidange gastrique et n'ont dès lors pas grande idée à ce sujet. Il a affirmé qu'à l'heure actuelle, on connaît de manière très précise comment l'estomac humain vide le repas. Il a certes admis l'existence d'une variance biologique des différents hommes, soit une variance interindividuelle et une variance intraindividuelle. Il a cependant expliqué qu'aujourd'hui, avec les nouvelles méthodes, avec le grand nombre des individus étudiés, cette variance pouvait être évaluée à environ 15 %. Dans le cas de B.F._, il a admis une variance de 45 minutes maximum, jugeant qu'un traumatisme très important au niveau du cerveau pouvait provoquer une vidange gastrique ralentie, mais que dans ce cas précis, cet élément n'avait eu, selon lui, aucune influence.
d)
Le Professeur X._ a complété son rapport du
14 février 2011 (P. 329), en précisant que les lésions constatées sur les mains de B.F._ n'étaient pas des lésions de défense pour se protéger d'éventuels coups. En particulier, l'arrachement de la lunule correspondrait, selon elle, plus à une chute sur un rebord. Il n'y a pas non plus de lésion dans les zones de saisie, à savoir les avant-bras. De plus, elle n'a pas vu, dans les documents qui lui ont été communiqués, de trace de griffures pourtant typiques dans les cas où il y a eu lutte. Sur ce point elle considère que les blessures observées chez A.F._, ne correspondent pas à des griffures, mais à des érosions, des aspects ecchymotiques, correspondant à des lésions de frottements contre quelque chose qui est irrégulier. Quant aux lésions observées sur le cou de A.F._, elles sont, selon elle, manifestement le résultat des efforts de l'intéressé pour soulever sa belle-mère, alors qu'il avait placé la main de cette dernière autour de son cou. Ainsi, A.F._ ne présentait pas non plus de lésions de défense ou de lutte. Comme dans son rapport, elle a exclu l'usage d'un marteau, expliquant qu'on aurait forcément eu l'empreinte du marteau sur l'os. Selon elle, la fracture du crâne constatée chez la victime n'est pas à l'origine de la mort; il s'agit de contusions qui rendent "complètement groggy" mais sans entraîner la mort. Les plaies observées sur le crâne peuvent s'expliquer par une chute sur une marche d'escalier, voire un rebord de trottoir. Le Professeur X._ a considéré que les lésions observées sur le cou de B.F._ n'étaient pas compatibles avec un étranglement. Il s'agit d'une petite ecchymose linéaire d'environ 8 cm et il n'y a pas eu d'hémorragie intraosseuse, ce qui veut dire qu'il n'y a pas eu de fracture du larynx. Il s'agit juste d'une fracture de la corne tyroïde. Dans l'ensemble, elle a confirmé les conclusions de son rapport, à savoir une chute isolée sur le crâne comme déterminante dans la cause de la mort de B.F._.
e)
Enfin, le Professeur N._ a confirmé qu'à son sens, la thèse de l'agression était à privilégier absolument, les lésions observées étant très mal expliquées par une situation accidentelle et surtout par une seule chute. S'agissant des conclusions du Professeur X._, il les a considérées comme partielles, dans la mesure où elle interprétait de manière systématique les différentes lésions relevées sur la victime dans le sens de ce qui était convenable à la défense, et jamais dans les autres sens qui étaient aussi possibles et qui devraient être prises en considération. Le Professeur N._ a dit qu'on ne pouvait pas exclure complètement que la quatrième marche depuis le bas des escaliers, qui présente une fente, pouvait avoir provoqué les lésions dans la région occipitale. L'expert a également relevé le phénomène de brancho-aspiration constaté sur la victime, ce phénomène pouvant être dû aux manœuvres de réanimation, mais également à un état agonique. A propos de la digestion gastrique, même s'il admet qu'aujourd'hui on arrive à savoir comment la digestion se produit, il n'en reste pas moins que les gastro-entérologues ne prennent jamais en considération le stress et l'état émotionnel, ajoutant que l'état émotionnel et une situation de stress peuvent influencer de manière importante toute la suite de la digestion.
5.2
Le 30 mai 2012, les premiers juges ont procédé à l'audition des
Drs T._ et ???._.
a)
Le Dr ???._ a précisé que le fait de se souvenir de moins en moins des événements au fil des auditions est quelque chose de tout à fait habituel, disant même que c'est la règle et que l'on doit considérer que la première audition d'un prévenu est souvent la plus complète. Il ne voit pas de raison chez A.F._ d'avoir simulé l'émotivité dont il a fait preuve en particulier lors de sa reconstitution. Il s'est retrouvé dans une situation de quasi dépersonnalisation ou de déréalisation. Enfin, l'expert n'a jamais vu ni dans les publications, ni dans son expérience ce qu'il pourrait appeler un matricide dans les circonstances telles que décrites par A.F._. Pour commettre un tel matricide, il faudrait des circonstances absolument extraordinaires, à l'exclusion d'une simple querelle. Lors de son audition du 30 mai 2012, le Dr ???._ s'est dit en préambule en accord à 95 % avec l'expertise du Dr T._.
b)
Le Dr T._ a, quant à lui, confirmé ses conclusions et maintenu son impression personnelle selon laquelle A.F._ essayait d'occulter les failles en général et les conflits interpersonnels. Il a rectifié les considérants figurant en page 21 de son rapport où il a parlé de pathologie narcissique s'agissant de l'expertisé. En réalité, il aurait dû dire "en fonction des traits de personnalité narcissiques". Un état-limite est une situation que l'on rencontre fréquemment dans 15 à 30 % des personnes en général, rappelant que l'état-limite est la principale structure qui donne des troubles de la personnalité. Il s'agit d'un grand "curseur" qui peut varier plus ou moins.
D.
Aux débats d'appel, les parties ont été informées que la Cour d'appel pénale avait visionné le DVD de la reconstitution du 13 janvier 2010 et qu'elle avait entendu l'enregistrement de l'appel au 144 du 9 janvier 2010.
Le Ministère public a confirmé les conclusions de sa déclaration d'appel. Il a au surplus requis l’arrestation immédiate de A.F._ au moment de la lecture du dispositif du jugement d'appel.
Les plaignants ont, par l'intermédiaire de leur conseil, déposé un bordereau de pièces et des conclusions civiles écrites, confirmées en plaidoirie.
A.F._ a conclu au rejet des appels du Ministère public et des parties plaignantes. Il s'est en outre opposé à son arrestation immédiate.
Par prononcé du 30 novembre 2012, le Président de la Cour d'appel pénale a ordonné la mise en détention immédiate de A.F._ pour des motifs de sûreté. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délai légaux par des parties ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels du Ministère public et des plaignants, A.M._ et B.M._, B.K._ et A.K._ ainsi que B._, sont recevables. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012). L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP).
En l'espèce, aucune partie n'a requis l'administration de preuves en appel et aucune ne se justifiait d'office, sous réserve du visionnement du DVD de la reconstitution et de l'écoute de l'appel au 144, de façon à prendre complètement connaissance du dossier. Il faut donc se fonder sur les preuves administrées auparavant, durant l'enquête et en première instance.
I. L'appel du Ministère public
3.
La question de la culpabilité du prévenu – objet de l'appel du Ministère public - ayant une incidence sur les prétentions des plaignants qui ont fait appel, il convient de l'examiner en premier lieu.
3.1
Dans son appel, le Ministère public se plaint d'un défaut de motivation du jugement attaqué. Selon lui, son contenu serait insuffisant eu égard aux exigences des art. 81 al. 3 et 351 CPP. En outre, le droit d'être entendu des parties, qui implique le devoir pour l'autorité de motiver sa décision, aurait été violé.
3.1.1
Tel que garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101), le droit d'être entendu donne notamment à l'intéressé le droit de recevoir une décision suffisamment motivée pour qu'il puisse la comprendre et l'attaquer utilement, s'il le souhaite, et pour que l'autorité de recours soit en mesure, le cas échéant, d'exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que l'autorité mentionne, même brièvement, les raisons qui l'ont guidée et sur lesquelles elle a fondé sa décision, de façon que l'intéressé puisse en apprécier la portée et, éventuellement, l'attaquer en connaissance de cause (ATF 122 IV 8 c. 2c; ATF 121 I 54 c. 2c). Il n'est donc pas nécessaire que les motifs portent sur tous les moyens des parties; ils peuvent être limités aux questions décisives (ATF 133 III 439 c. 3.3).
Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 135 I 187 c. 2.2; ATF 132 V 387 c. 5.1). Toutefois, la jurisprudence admet qu'une violation de ce droit en instance inférieure puisse être réparée lorsque l'intéressé a eu la faculté de se faire entendre en instance supérieure par une autorité disposant d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (ATF 134 I 331 c. 3.1; ATF 133 I 201 c. 2.2).
L'art. 81 al. 3 CPP dispose que l’exposé des motifs contient dans un jugement, l’appréciation en fait et en droit du comportement reproché au prévenu, ainsi que la motivation des sanctions, des effets accessoires ainsi que des frais et des indemnités (lit. a); dans un autre prononcé de clôture, les motifs du règlement de la procédure tel qu’il est envisagé (lit. b).
3.1.2
En l'espèce, le contenu de la déclaration d'appel du Ministère public démontre qu'il a été en mesure d'attaquer utilement la décision, en connaissance de cause. Certes, l'analyse des premiers juges est particulièrement brève concernant l'appréciation des preuves, mais on comprend sur quelles bases ils ont raisonné et ils ont exposé les raisons qui les ont motivé dans leur choix d'acquittement. Le contenu du jugement est à cet égard suffisant. Pour le surplus, on ne distingue pas que les art. 81 et 351 CPP conféreraient une portée supplémentaire aux exigences de motivation rappelées ci-dessus. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
3.2
Le Parquet fait valoir que les premiers juges ont apprécié de manière erronée et arbitraire les preuves au dossier, de sorte que le doute qu'ils ont éprouvé s'agissant de la culpabilité de A.F._, n'est en définitive que théorique et inconsistant. Une appréciation correcte des preuves doit, selon lui, conduire à la condamnation de l'intimé pour les faits reprochés.
3.2.1
a)
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
b)
La présomption d'innocence, qui est garantie par l'art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38, c. 2a).
3.2.2
En l'occurrence, la Cour de céans ne s'est pas bornée à examiner si les premiers juges avaient abusé ou non de leur pouvoir d'appréciation. Conformément au champ d'examen défini à l'art. 398 CPP et aux considérants figurant sous ch. 2.2, elle a réexaminé l'entier du dossier, a pris connaissance des pièces, en particulier des rapports d'enquête et des expertises, ainsi que des procès-verbaux des déclarations des parties, des témoins et des experts. Sur cette base, elle a procédé à l'appréciation de tous les éléments probatoires, de manière à se forger sa propre conviction qui repose sur les éléments suivants :
a)
Avec les premiers juges, il faut admettre que la cause du décès de B.F._ n’est pas accidentelle. La Cour se réfère à cet égard aux conclusions concordantes des expertises des légistes du CURML et du professeur N._ qui retiennent avec une très haute probabilité, l’intervention d’un tiers, en raison de la multiplicité, de la localisation, de l’importance et de l’aspect des lésions de la victime. Sur ce point particulier, les expertises judiciaires concordantes ont une valeur probante supérieure à l'avis exprimé par l'expert mandaté par la défense, qui a manqué d'objectivité. C’est dès lors à juste titre que l’expertise privée du Professeur X._ a été écartée, rédigée dans une perspective tendancieuse, les explications au sujet de chacune des lésions visant à soutenir systématiquement la thèse d’une chute accidentelle. En définitive, comme les premiers juges, la Cour parvient à la conclusion que B.F._ a bien été victime d’une agression.
Il convient de déterminer ensuite si, comme le soutient l’appelant, il est prouvé que
A.F._ est l’auteur de cette agression.
b)
La cour constate d’abord que les faits peuvent être abordés chronologiquement par la découverte des lieux à l’arrivée du médecin de garde appelé d’urgence par le prévenu.
On constate ainsi, sur la base de faits qui ne sont d’ailleurs pas contestés, que :
- le corps de la victime a été déplacé par le prévenu ;
- ce dernier s’est changé à deux reprises avant l’intervention des secours et de la police, ses vêtements étant en partie couverts de sang et maculés en de nombreux endroits ;
- le prévenu présente de nombreuses plaies au visage et au cou et des traces de blessures aux nilles des mains. La Cour a été d’emblée frappée par les photographies du visage du prévenu prises le soir des faits (
photos annexées au
PV aud. n° 8; P. 225, photos 107 à 117
);
- A.F._ a nettoyé la scène du drame.
Ces circonstances, rapidement établies par les enquêteurs, rendent le comportement du prévenu particulièrement suspect et justifiaient de diriger d’emblée l’enquête contre lui. Des investigations complémentaires le concernant apparaissaient en effet indispensables.
c)
Les constatations médico-légales viennent confirmer ces soupçons.
S'agissant des lésions de A.F._, les légistes ont constaté lors de l'examen fait le 10 janvier 2010, soit le lendemain du drame, que les nombreuses lésions au visage du prévenu sont constituées de dermabrasions et plaies d'aspect frais à la face dorsale des mains et des ecchymoses d'aspect frais au cou. Les lésions constatées au niveau du cou et du visage sont difficilement compatibles avec les déclarations de l'intéressé lors de l'examen clinique (P. 204, p. 7).
Ensuite, il apparaît à l'examen des expertises que ces lésions correspondent typiquement à des lésions de défense de la victime (P. 414, p. 17). La version du prévenu, soit qu'il aurait été blessé lors des manœuvres de déplacements et de réanimation de la victime par des objets qu'elle portait se heurte au fait qu'un corps inconscient présente une flaccidité des articulations de la main et que si cette partie du corps atteint le tiers, elle ne peut provoquer les lésions constatées (P. 414, p. 16).
On a déjà dit que les lésions infligées à B.F._ résulteraient d'une agression. Ainsi, à ce stade de l'examen des preuves, on peut retenir qu'il est très vraisemblable que A.F._ s'est vu infliger des lésions par une personne qui se défendait.
d)
Ensuite, les traces mises en évidence par la police scientifique permettent de faire la corrélation entre les lésions subies par le prévenu et celles de la victime :
Sur les 51 analyses biologiques effectuées, tous les profils mis en évidence ont été attribués soit à B.F._ (19), soit à A.F._ (7), soit sous forme de mélange de B.F._ et A.F._ (18) et dans un cas à C.F._ (P. 162, p. 28).
Tant sous les ongles de la main droite de B.F._ que sous ceux des mains droite et gauche de A.F._, c’est un profil de mélange des deux qui a été mis en évidence (P.162 en p. 17 et 18). C’est le cas également sur la porte de l’armoire à outils au 1
er
niveau et sur la poignée de la porte d’armoire dans la chambre au 3
ème
niveau (p.9), sur des mouchoirs retrouvés dans la poubelle de la salle de bains au 3
ème
niveau (p.15) et sur le sparadrap collé sur la manche droite de la jaquette portée par B.F._ (p. 16).
Ces constatations, en particulier celles relatives aux profils présentés sous les ongles de la victime et du prévenu, accréditent l’hypothèse que A.F._ et B.F._ se sont infligés réciproquement des lésions et par conséquent l’hypothèse, compte tenu de l’importance des lésions de la victime, que le prévenu est l’agresseur de B.F._.
e)
A cela s’ajoute que la chemise de marque Celio retrouvée dans la machine à laver, fortement ensanglantée, présentait sur le col, sur la boutonnière côté gauche et sur la manche gauche un profil de mélange, alors que les dessous de la pointe du col côté droite et gauche contenaient des gouttes de sang de B.F._ (P.162, p. 11). En outre, les deuxième et troisième boutons de cette chemise manquaient et ont été retrouvés ensanglantés dans le local de chaufferie. Leur analyse montre le profil de B.F._ (op. cit.). A nouveau ces constatations techniques sont directement évocatrices d’actes de violence physique imputables au prévenu, compte tenu de l’importance du sang sur le vêtement qu’il portait, de la projection de gouttes de sang de la victime sur le col de ce vêtement (P.242, pp. 10 à 12) et de l’arrachage de deux boutons présentant le profil biologique de la victime.
En outre, les inspecteurs de l’identité judiciaire ont procédé à plusieurs essais en laboratoire pour déterminer si les projections de sang sur le col de la chemise étaient compatibles avec les déclarations du prévenu et sont parvenus à la conclusion déjà énoncée (jgt., p. 78) à savoir que ces microprojections ne peuvent être que le résultat d’actes violents, ayant occasionné une pulvérisation du sang de la victime. Quoi qu'en dise le prévenu, la force probante de ces essais en laboratoire ne peut valablement être remise en question.
On rappelle enfin que ce vêtement - qui incrimine en définitive fortement le prévenu - n’a été retrouvé que le lendemain du drame par les inspecteurs, dans le lave-linge, sous d’autres habits qui n’étaient pas tachés de sang.
f)
Si l’on procède à la synthèse des éléments probatoires qui précèdent, on parvient ainsi à la conclusion que le seul scénario possible est que le prévenu est l’auteur d’actes de violence à l’encontre de B.F._. Les constatations médico-légales s’agissant des lésions du prévenu et de la victime, de même que les traces biologiques révélées par les constats de police scientifique permettent, appréciées ensemble, d’écarter la thèse de la défense selon laquelle l’analyse de ces éléments seraient compatible avec des gestes de réanimation du prévenu, d’autres prétendus actes de secours et un décès accidentel de la victime. En particulier, la présence de matériel biologique du prévenu et de la victime sous leurs ongles, la multiplicité et l’importance des griffures au visage du prévenu, les boutons arrachés de sa chemise et l’importance des taches de sang sur ce vêtement désigne le prévenu comme l’agresseur de B.F._.
g)
La Cour pourrait certes concevoir qu’il existe des explications autres que celle d’une défense de B.F._ à l’origine des blessures au visage du prévenu. Mais, là également, les versions de ce dernier ne résistent pas à l’examen.
A.F._ a d’abord affirmé lors de sa première audition par la police qu’il avait été griffé par des objets portés par la victime lors des déplacements du corps ou plus certainement par les mouvements de bras de celle-ci lors de la réanimation (PV aud, 1, R. 12). Ultérieurement, lors de la reconstitution qui s'est déroulée le 13 janvier 2010, le prévenu a répondu que ses blessures au visage pouvaient provenir de jeux avec sa petite fille le matin du drame, mais également de griffures dans les moments d’intimité avec sa compagne (P. 91, p. 3), ce que cette dernière a exclu, indiquant en outre que le prévenu n’avait pas de trace au visage lorsqu’il a quitté la maison le matin en question (PV aud. 6, R. 9 et R. 11). Elle a confirmé cette dernière déclaration aux débats de première instance (jgt., p. 20). C.F._ a, lui aussi, indiqué que lors de sa deuxième visite à l'hôpital, entre 17h et 18h, son fils n'avait pas de blessures au visage (PV aud. 8, R. 9).
La pluralité des explications fournies par le prévenu au sujet de l’origine des griffures à son visage et qui sont démenties par sa compagne montre deux choses : A.F._ est conscient que les manœuvres de réanimation ou les déplacements du corps ne permettent pas d’expliquer ses lésions et il ne dit pas la vérité au sujet de leur origine.
h)
A.F._ a également soutenu qu’il avait nettoyé les lieux et qu’il s’était changé après l’appel au 144 (PV aud. n° 1, R. 4, p. 6). Cette version est logique dans l’hypothèse où le prévenu vient en aide à la victime. Il tente d’abord – longuement – des manœuvres de réanimation, puis, constatant qu’elles sont vaines, appelle les secours. Ainsi, dans cette hypothèse, lorsqu’il téléphone au 144, le prévenu est, comme il le dit « couvert de sang ». Pourtant aucune trace de sang visible n’a été constatée sur le téléphone ou l'annuaire que le prévenu indique avoir utilisé, ni dans l’armoire dans laquelle le prévenu dit avoir été chercher l'annuaire
(P. 162, p. 14; jgt., p. 17)
.
En réalité, A.F._ s’est changé, s’est lavé et a nettoyé les lieux avant l’appel au 144. Dans l’hypothèse inverse, il aurait immanquablement laissé des traces de sang sur l'annuaire ou le téléphone. S’il était plus important de modifier l’état des lieux que d’appeler les secours, c’est que le prévenu poursuivait un objectif précis : celui de dissimuler ce qui s’était réellement produit avant l’intervention de tiers.
L’analyse de l’ordre dans lequel se sont déroulés les opérations de nettoyage permet donc de conforter la Cour dans le fait que le prévenu est l’auteur de l’agression.
i)
L’ampleur des nettoyages effectués par le prévenu avant l’arrivée des secours mérite également examen.
Il faut rappeler que le prévenu a nettoyé les traces de sang sur les murs et les sols dans le local de chaufferie, sur les murs de la cage d’escaliers, ainsi que sur les deux faces de la porte séparant le local de chaufferie des escaliers, cela sur une surface d’environ 28 m2. Les réactions positives au produit de révélation du sang concernent aussi bien ladite porte, que le lavabo, la chaudière, les portes d’armoire et la machine à laver se trouvant dans le local de chaufferie (P.162/1, p. 8). C’est dire que ces lieux ont été nettoyé avec soin, bien au-delà d’un nettoyage « grossier » ou « sommaire » selon les formules utilisées par le prévenu ou encore parce qu’il lui était « insupportable de voir cette flaque de sang ». Il s’agit d’un nettoyage précis dans un périmètre bien déterminé, dont on peut dire qu’il s’agit très certainement de la scène du crime, puisque le prévenu admet avoir quoi qu’il en soit déplacé le corps dans la pièce adjacente.
Le nettoyage avait donc un but précis et ne résulte pas d’un comportement irrationnel et phobique. Le but était d’altérer la scène du crime. Le prévenu est parvenu au résultat recherché, puisque la police n’a pas pu exploiter la dynamique des traces de sang pour tenter de reconstituer les faits (P. 162/1 p. 6).
Il s’agit encore d’un comportement de dissimulation qui démontre le rôle réel du prévenu dans le décès de B.F._.
3.2.3
Si l’on prend en considération tous les éléments qui précèdent, il n’existe aucun doute raisonnable sur le fait que A.F._ est bien l’auteur des graves lésions infligées à B.F._ et qui ont entraîné son décès. Si l’on se fonde sur les constatations médico-légales et les indices techniques liés aux traces biologiques et à l’analyse des vêtements, ainsi que sur le comportement avéré de dissimulation du prévenu, il n’existe pas d’autre éventualité concernant la personne de l’agresseur et l’hypothèse imaginée par les premiers juges procède bien d’un doute théorique et inconsistant. D’ailleurs, d’emblée à leur arrivée sur les lieux, les enquêteurs ont constaté qu’aucun objet n’avait disparu et que le sac à main de la victime, bien en vue sur la table de la salle à manger, contenait encore l’argent
(P. 316, p. 5). L’hypothèse de l’agression d’un rôdeur ou d’un tiers ignoré des enquêteurs peut en définitive être écartée.
3.2.4
La Cour de céans ayant acquis sa conviction sur la base des éléments probatoires qui précèdent, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres éléments analysés dans la déclaration d’appel du Ministère public et qui n’apparaissent pas décisifs sur le sort de la cause. On peut toutefois préciser encore ce qui suit :
a)
En première et en deuxième instance, les parties ont abondamment plaidé les paramètres chronologiques du déroulement des faits, la défense soutenant que l’analyse de la vidange gastrique de la victime permettait de fixer l’heure du décès à avant 18h, soit à un moment où le prévenu ne pouvait pas se trouver au domicile de la victime. Pour la Cour, cette démonstration est dépourvue d’une valeur probante telle qu’elle relèguerait à l’arrière plan tous les autres moyens de preuves analysés jusqu’ici. En premier lieu, elle se heurte d'une part au résultat de l'écoute téléphonique établissant que A.F._ a parlé à B.F._ sur le portable de cette dernière à 16h57, et d'autre part aux déclarations même du prévenu qui affirme que B.F._ était encore vivante à son arrivée entre 19h et 20h30. Enfin, la Cour retient les avis convergents des experts légistes mandatés par la justice qui considèrent que l’analyse du contenu gastrique est aléatoire pour situer le moment de la mort. En effet, et pour résumer le plus simplement possible, trop de paramètres variant d’un individu à l’autre et de paramètres variant selon l’état de la personne influencent le temps de la digestion, comme la défense l’a du reste finalement admis à l’issue des débats d’appel. Le Dr. L._ a fixé l'heure du décès de la victime sans connaître la quantité d'aliments ingérés entre 13h25 et 14h et sans savoir si B.F._ avait mangé autre chose après 14h, alors même qu'il a admis que tout autre aliment ingéré après 14h était susceptible de modifier les résultats de la vidange gastrique. En conséquence, l'expertise du Dr. L._ est trop aléatoire pour être considérée comme déterminante pour les faits de la cause.
b)
La Cour renonce aussi, parce que cela n’est pas nécessaire, à déterminer quelles pouvaient être les relations entre le prévenu et la victime, compte tenu de leurs liens familiaux et du contexte de reprise de la librairie. Tout au plus peut on affirmer, comme pour toute relation, qu’une apparente bonne entente n’exclut jamais la survenance d’une dispute, même pour un motif futile. Quant à la possibilité d’un passage à l’acte homicide, les éléments de la personnalité du prévenu, tels que révélés par l’expertise psychiatrique, permettent de le concevoir. En effet, l'expert T._ a relevé qu'en tenant compte des traits de la personnalité narcissiques et paranoïaques sur la base d'un état-limite, on peut admettre, par hypothèse, qu'une situation dans laquelle la réalité serait venue brusquement "désavouer" un équilibre psychologique relativement fragile puisse entraîner chez l'intimé une réaction difficile à contrôler. Pour le reste, imaginer quel motif a fait naître une éventuelle altercation entre A.F._ et B.F._ est pure conjecture. De même, l’ignorance d’un éventuel mobile est sans incidence sur le sort de la cause, comme du reste l’incapacité à désigner l’arme du crime, les fractures de la calotte crânienne suggérant l’usage d’un marteau tel que celui ayant réagi faiblement au traitement chimique de la révélation du sang. L’ignorance de ces éléments n’empêche pas la Cour d’acquérir la conviction absolue que les faits qui ont entraîné le décès de B.F._ sont imputables à A.F._.
4.
Le prévenu étant l’auteur de l’agression, il faut déterminer les faits qui doivent être retenus à sa charge et la qualification juridique qui en résulte. Le Ministère public requiert la condamnation de A.F._ pour meurtre au sens de l’art. 111 CP.
4.1
L'art. 111 CP punit d'une peine privative de liberté de cinq ans au moins celui qui aura intentionnellement tué une personne.
Pour que l’infraction de meurtre au sens de la disposition précitée soit réalisée, il faut que l’auteur ait eu l’intention de causer par son comportement la mort d’autrui, le dol éventuel étant toutefois suffisant (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2010, n. 17 ad art. 111 CP). Selon l'art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait. Agit donc par dol éventuel, celui qui envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, manifestant par là qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait, même s'il ne le souhaite pas (ATF 135 IV 152 c. 2.3.2 ; ATF 130 IV 58 c. 8.2). Il faut donc un risque qu'un dommage puisse résulter de l'infraction, mais encore que l'auteur sache que ce danger existe (Wissensmoment) et qu'il s'accommode de ce résultat (Willensmoment), même s'il préfère l'éviter. Déterminer ce qu'une personne a su, envisagé, voulu ou accepté relève du contenu de la pensée, à savoir de faits "internes" (ATF 135 IV 152 c. 2.3.2). En revanche, la question de savoir si les éléments extérieurs retenus en tant que révélateurs du contenu de la conscience et de la volonté autorisent à admettre que l'auteur a agi par dol éventuel relève du droit (ibidem; ATF 125 IV 242 c. 3c). Parmi les éléments extérieurs permettant de conclure que l'auteur s'est accommodé du résultat dommageable pour le cas où il se produirait figurent notamment la manière dont l'auteur a agi (TF 6B_275/2011 du
7 juin 2011 c. 5.1 ; ATF 133 IV 9 c. 4.1; ATF 125 IV 242 c. 3c).
4.2
Compte tenu des dénégations du prévenu et de la manière dont il a effacé les traces de la scène du crime, la cour n’est évidemment pas en mesure de donner une description précise du déroulement de l’agression. Toutefois, il est établi que le 9 janvier 2010, à [...], au domicile de C.F._ et B.F._, A.F._ a violemment frappé à plusieurs reprises celle-ci, dans la buanderie sise au rez-de-chaussée, en particulier au visage et à la tête, occasionnant de multiples plaies et fractures qui ont entraîné le décès de la victime. B.F._ a tenté de se défendre en griffant son agresseur au visage. Afin de faire croire que la mort était accidentelle, A.F._ a traîné le corps de la victime dans la pièce voisine et a nettoyé la scène du crime. Il a également placé un vêtement maculé de sang dans la machine à laver, sous d’autres habits. Arrivés sur les lieux vers 21h50, les secours n’ont pu que constater le décès.
Compte tenu de la violence des coups portés dans des zones vitales du corps ayant occasionnés des fractures du crâne, A.F._ ne pouvait qu’avoir conscience de l’issue mortelle de son agression. L’acharnement des coups portés à la tête de la victime démontre l’intention homicide.
Malgré l’extrême violence des coups, inhérente à la plupart des actes homicides, la Cour ne dispose pas d’éléments établissant que A.F._ a tué avec une absence particulière de scrupules au sens de l’art. 112 CP et le prévenu n’est de toute façon pas accusé d’assassinat.
De même, rien dans le dossier ne permet de considérer que A.F._ a tué en proie à une émotion violente que les circonstances rendaient excusables au sens de l'art. 113 CP. Le comportement de dissimulation qui a immédiatement suivi la commission de l’infraction le démontre d’ailleurs.
C’est donc bien l’art. 111 CP qui est applicable et A.F._ doit être condamné pour meurtre.
5.
Le Ministère public requiert le prononcé d'une peine privative de liberté de seize ans.
5.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1; TF 6B_408/2012 du 1
er
novembre 2012 c. 1.1).
5.2
Pour fixer la peine qui doit être infligée à A.F._, il faut tenir compte à charge de l’importance du bien juridiquement protégé, la vie humaine étant la plus précieuse de notre ordre juridique. A.F._ n’a pas seulement montré une grande détermination dans sa volonté homicide, en frappant à réitérées reprises de manière très brutale, mais également dans la dissimulation de son crime dès après le meurtre et sa résistance à aborder les sujets qui le dérangeaient durant l’enquête. L’ensemble du dossier montre une froideur affective.
Il n’y a pas de circonstance atténuante. La responsabilité pénale est entière. Tout au plus peut-on tenir compte à décharge de l'éventualité selon laquelle le prévenu n'est pas à l'origine de la dispute qui a ensuite dégénéré.
La culpabilité est toutefois très lourde. Les réquisitions du Parquet sont adéquates au regard des faits reprochés au prévenu, de la culpabilité de ce dernier et de sa situation personnelle. Une peine privative de liberté de 16 ans doit être infligée à A.F._. La détention avant jugement, soit 875 jours, doit être déduite.
En conclusion, l’appel du Ministère public doit être admis et le jugement réformé en conséquence.
II. L'appel des plaignants
6.
Les plaignants ont conclu à ce que A.F._ est reconnu débiteur, respectivement de A.M._, B.K._ et B._ et leur doit, à chacun, paiement immédiat de la somme de soixante mille francs, avec intérêts à 5% l'an dès le 9 janvier 2010 à titre d'indemnité pour tort moral et que A.F._ est reconnu débiteur de B.M._ et A.K._, et leur doit, à chacun, paiement immédiat de la somme de trente mille francs, avec intérêts à 5% l'an dès le 9 janvier 2010 à titre d'indemnité pour tort moral.
6.1
L'art. 47 CO étant un cas particulier de l'action générale en réparation du tort moral prévue par l'art. 49 CO, le lésé n'a droit à une réparation que pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie (Tercier, Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1982, nn. 2047 ss). On définit le tort moral comme les souffrances physiques ou psychiques que ressent la personne lésée à la suite d'une atteinte à sa personnalité. L'art. 49 al. 1 CO exige une atteinte d'une certaine gravité, dépassant la mesure de ce qu'une personne doit normalement supporter sans recourir au juge, que ce soit sur le plan de la durée des souffrances ou de leur intensité (Deschenaux/Tercier, La responsabilité civile, 2
e
éd., Berne 1982,
nn. 24 ss.; Tercier, op. cit., n. 2029 et nn. 2047 ss; Tercier, La réparation du tort moral : crise ou évolution ?, in : Mélanges Deschenaux, Fribourg 1977, pp. 307 ss, spéc. p. 313, ch. 3).
Alors que le calcul du dommage se fonde autant que possible sur des données objectives, l'évaluation du tort moral échappe par sa nature à une appréciation rigoureuse, puisqu'elle concerne des valeurs par définition non mesurables. En effet, nul ne peut réellement évaluer la souffrance d'autrui (Werro, La responsabilité civile, Berne 2005, n. 1271). Selon la jurisprudence, le juge ne peut dès lors se fonder sur un tarif préétabli mais doit bien davantage prendre en considération l'ensemble des circonstances. De façon générale, la fixation de la réparation morale devrait s'effectuer en deux phases, la phase objective principale permettant de rechercher le montant de base au moyen de critères objectifs et la phase d'évaluation faisant intervenir les facteurs d'augmentation ou de réduction du tort moral ainsi que les circonstances du cas particuliers tels que la cause de la responsabilité, la gravité de la faute, une éventuelle faute concomitante et les conséquences dans la vie particulière du lésé (ATF 132 II 117 c. 2.2.3; TF 4C.263/2006 du 17 janvier 2007 c. 7.3).
Les facteurs de réduction des art. 43 et 44 CO sont applicables par analogie à l'indemnité pour tort moral (Werro, Commentaire romand, n. 16 ad art.
49 CO). On précisera encore que la réparation a un caractère compensatoire, à l'exclusion de toute fonction pénale, et que la gravité de la faute ne joue un rôle que dans la mesure où elle rend encore plus douloureuses les circonstances qui ont entouré la survenance de l'atteinte, aggravant ainsi l'intensité des douleurs dont souffre la victime (Tercier, op. cit., spéc. pp. 314 s., II.1.a, et p. 325, ch. 2.1).
Comme il s'agit d'une question d'équité – et non pas d'une question d'appréciation au sens strict, qui limiterait son pouvoir d'examen à l'abus ou à l'excès du pouvoir d'appréciation –, il faut examiner librement si la somme allouée tient suffisamment compte de la gravité de l'atteinte ou si elle est disproportionnée par rapport à l'intensité des souffrances morales causées à la victime (ATF 130 III 699
c. 5.1, JT 2006 I 193, SJ 2005 I 152; ATF 129 IV 22 c. 7.2; ATF 125 III 269 c. 2a,
SJ 1999 I 431).
6.2
En raison du caractère dramatique du décès et de la confrontation des membres de la famille à l’évocation d’actes de violence particulièrement sordides, il se justifie, dans le principe, d’allouer une indemnité pour tort moral. Les frères et sœurs de la défunte sont des ayant-droit lorsque des liens affectifs les unissaient (ATF 89 II 396). Tel est le cas de B.K._ et A.M._, les trois sœurs se voyant plusieurs fois par année et se téléphonant régulièrement (jgt., pp. 11 et 13). On ignore par contre tout des relations entre la défunte et son frère B._, qui n’a pas été entendu durant l’enquête et qui ne n’a pas pu s’exprimer aux débats d’appel. S’agissant des beaux-frères de la victime, qui paraissaient également proches affectivement (jgt., p. 15), le principe d’une allocation est plus discutable. La jurisprudence admet la qualité d’ayant-droit pour les beaux-parents (ATF 88 II 455). Les liens sont toutefois à l’évidence moins étroits avec des beaux-frères, sauf cas exceptionnel qui ne paraît pas réalisé en l’espèce.
En définitive, il faut accorder un montant de 30'000 fr. respectivement à B.K._ et A.M._. Les conclusions civiles des plaignants sont rejetées pour le surplus.
7.1
Comme le sort de l’action pénale est modifié en deuxième instance par la condamnation de A.F._, ce dernier doit supporter, outre les frais de la procédure d'appel, par 7'080 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1], les frais de justice de première instance qui s'élèvent à 91'720 fr. 70 (art. 426 al. 1 CPP).
7.2
Les plaignants ont pris des conclusions en dépens à hauteur de
155'115 fr. pour la première instance et 26'257 fr. pour la procédure d’appel.
Aux termes de l'art. 433 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu'elle obtient gain de cause (al. 1 let. a) ou si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’art. 426, al. 2 (al. 1 let. b). La partie plaignante adresse ses prétentions à l’autorité pénale; elle doit les chiffrer et les justifier. Si elle ne s’acquitte pas de cette obligation, l’autorité pénale n’entre pas en matière sur la demande (al. 2).
Compte tenu de l’importance de la cause, du caractère en grande partie contradictoire de l’enquête qui a nécessité l’intervention des avocats pour de nombreuses opérations, il convient de fixer le montant des dépens à 84'000 fr., soit 90'720 fr. avec TVA, pour la première instance. S'agissant de la procédure d'appel, il convient d'admettre que le conseil des plaignants a dû consacrer 40 heures à l'exécution de son mandat, correspondant à une indemnité de 15'120 fr., TVA comprise.
8.
Enfin, le placement de A.F._ en détention pour des motifs de sûreté doit être ordonné, en raison du risque évident de fuite, compte tenu de sa situation personnelle. Une décision motivée a déjà été notifiée dans ce sens. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
88ecb879-bf00-4df2-b3f1-297c1388d180 | En fait :
A.
Par jugement par défaut du 25 juin 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que V._ s’est rendu coupable de brigandage (I), a condamné ce dernier à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction de 299 jours de détention avant jugement, peine complémentaire à celle infligée le 15 janvier 2009 par la Cour d’appel de Lyon (II), a donné acte de ses réserves civiles à l'encontre de V._ à la Fondation W._ (III), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièces à conviction des disquettes qui y figurent déjà sous fiche n° 11683/06, n° 11723/06 et n° 11775/06 (IV), a mis une partie des frais de la cause, par 15'334 fr. 40, à la charge de V._, y compris l'indemnité allouée à son défenseur d'office, l'avocat Julien Gafner, par 9'191 fr., le solde étant laissé à la charge de l'Etat (V), et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité allouée sous chiffre V ci-dessus ne pourra être exigé du condamné que dans la mesure où sa situation financière le permettra (VI).
B.
Par annonce du 28 juin 2013, puis déclaration du 15 août 2013, le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois a formé appel contre ce jugement. Il a conclu, sous suite de frais, à sa modification en ce sens que V._ est condamné à une peine privative de liberté de cinq ans, sous déduction de 299 jours de détention avant jugement, peine complémentaire à celle infligée le 15 janvier 2009 par la Cour d’appel de Lyon.
Par écriture du 11 septembre 2013, Me Julien Gafner, défenseur d’office de V._, a déclaré qu’il n’entendait pas déposer de demande de non-entrée en matière, ni d’appel joint.
Bien que régulièrement cité à comparaître, le prévenu ne s’est pas présenté à l’audience d’appel. Considérant que ce dernier, en s’évadant, s’était lui-même placé dans l’incapacité de participer aux débats, le Président de la Cour de céans a engagé la procédure par défaut.
Aux débats d’appel, le Ministère public a confirmé ses conclusions. Me Gafner a conclu au rejet de l’appel et, en application de l’art. 404 al. 2 CPP, à ce que la peine soit entièrement absorbée par la condamnation prononcée le 15 janvier 2009 par la Cour d’appel de Lyon.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
V._ est né le [...] 1968 en Serbie, pays dont il est originaire. Il est marié avec une ressortissante hollandaise résidant à Amsterdam avec qui il a eu trois enfants âgés en 2010 de 17, 12 et 4 ans. Avant son arrestation en 2006, le prévenu vivait avec sa famille en Hollande depuis environ 10 ans. Il possède un diplôme de menuiserie qu’il a obtenu en Serbie. En Hollande, il vivait de l’aide sociale et de l’argent provenant de sa famille restée dans son pays d’origine.
Son casier judiciaire suisse est vierge. Il a toutefois été condamné à plusieurs reprises en Hollande, entre 1998 et 2005, notamment pour des délits contre le patrimoine, à des peines totalisant 21 mois de privation de liberté, dont une partie assortie du sursis. Il a également été condamné par la Cour d’appel de Lyon le 15 janvier 2009 à 8 ans d’emprisonnement pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit. En substance, il a été reconnu coupable d’avoir organisé et participé à l’évasion le 15 octobre 2005 de deux détenus, dont l’un dirigerait l’organisation criminelle T._, d’une maison d’arrêt française, en faisant usage d’armes automatiques.
Par décision du 23 février 2009, les autorités françaises ont accordé l’extradition du prévenu aux autorités helvétiques. Ce dernier devait être extradé en Suisse le 20 juillet 2012. Toutefois, en raison des recours interjetés par l’intéressé dans le cadre de la procédure extraditionnelle, il a été remis aux autorités suisses le 16 octobre 2012 seulement et placé en détention à la prison du Bois-Mermet jusqu’au 14 mai 2013, date à laquelle il s’est évadé avec l’aide de comparses.
Pour les besoins de la cause, le prévenu a été détenu avant jugement au plus tôt depuis le 20 juillet 2012, date à laquelle l’extradition aurait dû avoir lieu, jusqu’au 14 mai 2013, soit durant 299 jours.
2.
Le 16 février 2006, peu avant 14h00, V._, Z._, P._ et X._ sont arrivés au [...] à bord de deux véhicules immatriculés en Hollande pour braquer la Fondation W._. Après avoir parqué leurs voitures à proximité de cet établissement, Z._ s'est introduit seul dans le musée qu'il a librement visité pendant une dizaine de minutes afin notamment de s'assurer qu'aucune autre personne n'était présente. Comme c'était le cas, il a contacté ses comparses au moyen de son téléphone portable pour leur donner le feu vert. Deux d'entre eux, dont V._, l'ont alors rejoint tandis que le quatrième est resté au volant d’un des véhicules, prêt à démarrer. Simultanément, Z._ est retourné à l'entrée du bâtiment où se trouvait B._, réceptionniste. Celle-ci s'est levée pour aller prendre des prospectus qu'elle comptait lui remettre. Alors qu’elle était de dos, ce prévenu l'a violemment bousculée et légèrement frappée à la hauteur de l'épaule, puis ceinturée et mise à terre, avant de lui entraver les bras dans le dos et les jambes au moyen d'une bande adhésive tout en lui ordonnant de ne pas bouger. Les trois auteurs ont ensuite rapidement brisé et forcé une douzaine de vitrines d'exposition et ont mis la main sur une septantaine de montres de collection et de luxe, ainsi que sur quelques pièces de bijouterie pour une valeur d’environ 500'000 francs. Dérangés par l'arrivée de N._, conservateur de la fondation, les auteurs ont rapidement regagné leur voiture en courant et se sont enfuis en direction de la frontière franco-suisse.
Les 16 et 20 février 2013, B._ et J._, agissant en tant que représentants de la Fondation, ont déposé plainte et se sont constitués parties civiles. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0]), l’appel du Ministère public est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon
l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L’appelant soutient que la peine infligée en première instance est arbitrairement clémente. Les premiers juges ont pourtant retenu à juste titre que la culpabilité de l’intimé était lourde en raison de la gravité de l’infraction et de son parcours dans la délinquance, qualifiant l’intéressé de criminel aguerri sur lequel les sanctions pénales n’ont eu aucune emprise. Toutefois, selon l’appelant, les premiers juges n’auraient pas traduit ce constat de culpabilité correctement dans la détermination de la sanction, en infligeant une peine complémentaire insuffisante de 30 mois, ce qui totalise avec la peine française 10 ans et demi de prison.
3.1.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 136 IV 55; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1; TF 6B_408/2012 du 1
er
novembre 2012 c. 1.1).
3.1.2
Aux termes de l’art. 49 al. 2 CP, si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement.
Cette disposition est également applicable lorsque la peine principale a été prononcée à l’étranger (ATF 127 IV 106 c. 2; ATF 115 IV 17 c. 5, JdT
1990 IV 71), la peine complémentaire étant fixée selon les principes du droit suisse (ATF 109 IV 90 c. 2c et 2d, JdT 1984 IV 115).
3.2
En l’espèce,
avec l’appelant et les premiers juges, la culpabilité de V._ doit être qualifiée de lourde.
Le brigandage qui lui est reproché est particulièrement grave, non seulement par le traumatisme provoqué chez la réceptionniste du musée (jgt., p. 4, P. 190 et 191), mais également par l’ampleur du butin (environ 1,5 mio de francs). Il s’agit d’un braquage de haut vol commis avec brutalité, organisation et détermination, ce qui dénote le professionnalisme avec lequel les auteurs ont agi.
Contrairement à Z._ qui a reconnu sa participation au brigandage (PV aud. 9), l’intimé a nié obstinément non seulement les faits incriminés, mais tous les éléments probatoires démontrant sa présence en Suisse (PV aud. 13). Celui-ci apparaît donc comme totalement réfractaire à toute intervention d’une autorité pénale.
En outre, l’écoulement du temps ne doit pas profiter à l’intimé, même si le brigandage retenu remonte à plus de 7 ans. Depuis lors, ce dernier s’est en effet enferré dans une criminalité jusqu’au-boutiste, encore confirmée par sa récente évasion.
Enfin, il est relevé que son comparse, Z._, a été condamné pour ces mêmes faits à une peine privative de liberté de 3 ans et demi.
En définitive, l’activité illicite du prévenu consacre une des formes de criminalité organisée les plus néfastes, chez un auteur qui a entièrement endossé, par son comportement, les caractéristiques du criminel endurci, de sorte qu’une peine privative de liberté de 30 mois, même entièrement complémentaire à celle prononcée par la Cour d’appel lyonnaise, est insuffisante pour la sanctionner.
Sur la base des éléments qui précèdent, une privation de liberté de 4 ans réprime adéquatement les agissements du prévenu.
4.
En définitive, l’appel du Ministère public doit être admis et le chiffre II du dispositif du jugement de première instance modifié, en ce sens que V._ est condamné à une peine privative de liberté de 4 ans, le jugement étant confirmé pour le surplus.
Vu l’admission de l’appel, il n’y a pas lieu de donner suite à la conclusion de l’intimé tendant à ce que la peine soit entièrement absorbée par la condamnation prononcée le 15 janvier 2009 par la Cour d’appel de Lyon, en application de l’art. 404 al. 2 CPP. Cette disposition n’entre toutefois pas en considération, dans la mesure où l’appel du Ministère public porte sur la fixation de la peine, soit sur un point attaqué du jugement de première instance (cf. art. 404 al. 1 CPP).
5.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, constitués de l’émolument d’arrêt, par 1’280 fr., et de l’indemnité allouée au défenseur d’office de l’intimé, par 615 fr. 60, TVA et débours compris, sont mis à la charge de V._. Ce dernier
ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra
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