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---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
8a2a3a50-2cbc-4f6d-ab1e-dd1cc424b6dd | En fait :
A.
Par jugement du 18 mars 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que X._ s’était rendu coupable de violation grave des règles de la circulation routière, en conduisant un véhicule en état d’ébriété qualifié (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de 30 (trente) jours-amende à 40 fr. (quarante francs) le jour, et à une amende de 1'000 fr. (mille francs), et a dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement de l’amende dans le délai qui serait imparti était arrêtée à 10 (dix) jours (II), a suspendu l’exécution de la peine pécuniaire pendant une durée de 2 (deux) ans (III) et a mis les frais de la cause par 1'455 fr. 65 à charge de X._ (IV).
B.
Le 24 mars 2014, le Ministère public a déposé une annonce d’appel contre ce jugement.
Par déclaration d’appel motivée du 17 avril 2014, il a conclu à la réforme des chiffres I et II du jugement précité en ce sens que X._ s’est rendu coupable de conduite d’un véhicule automobile en état d’ébriété qualifiée (I) et qu’il est condamné à une peine pécuniaire de 55 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 40 fr., et à une amende de 440 fr., peine convertible en 11 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement dans le délai imparti (II), les frais étant mis à la charge du condamné.
A l'audience d'appel, le Procureur a confirmé ses conclusions, précisant que l’octroi du sursis n’était pas remis en cause, et l’intimé a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
X._
est né le 25 mai 1970. Il vit avec son amie, le fils de celle-ci et l’enfant commun du couple, né le 2 mars 2014. A l’audience d’appel, il a indiqué que le couple avait pour projet de se marier le 13 septembre prochain. Le prévenu est propriétaire du logement familial dont il estime le loyer mensuel à un montant compris entre 1'500 fr. et 2'000 fr. Il exerce en tant qu’indépendant la profession de menuisier-charpentier. Son salaire est d’environ 5000 fr. net par mois. Ses acomptes mensuels d’impôts s’élèvent à environ 900 francs. Son amie travaille à 70 %. Elle paie les courses alors que le prévenu s’acquitte du reste des charges mensuelles.
Le casier judiciaire de X._ ne comporte aucune inscription.
Le fichier des mesures administratives en matière de circulation routière (ADMAS) du prévenu indique que celui-ci a fait l’objet d’un retrait de permis de trois mois pour les faits incriminés.
2.
Le 22 juin 2013 à 04h40 au Mont-sur-Lausanne, X._ a été interpellé au volant d’un véhicule alors qu’il se trouvait en état d’ébriété
(1,47 g ‰, taux le plus favorable). | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0), l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Le Ministère public a, de droit, la qualité pour faire appel, en application de l'art. 381 al. 1 CPP.
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon
l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
En l’espèce, le Ministère public relève, à raison, que l’art. 91 LCR (Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 ; RS 741.01) est une lex specialis au regard de l’art. 90 LCR (cf. Jeanneret, Les dispositions pénales de la LCR, note 92 ad art. 90 LCR, p. 69), de sorte que seule la conduite d’un véhicule en état d’ébriété qualifiée au sens de l’art. 91 al. 1 2
ème
phrase aLCR (applicable au moment des faits) doit être retenue à l’endroit de X._ et le jugement modifié en ce sens.
4.
Le Ministère public conteste la quotité de la peine. Selon lui, c’est une peine privative de liberté de 55 jours avec sursis qui aurait dû être prononcée et non de 30 jours avec sursis. Il conteste également le montant de l’amende prononcée à titre de sanction immédiate, qu’il estime trop élevé au regard des principes jurisprudentiels.
4.1
4.1.1
L’art. 91 al. 1 2
ème
phrase aLCR (en vigueur le 22 juin 2013) prévoit que quiconque a conduit un véhicule automobile en état d’ébriété, est puni de l’amende. La peine sera une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire lorsque le taux d’alcool est qualifié (art. 55 al. 6 LCR).
Au terme des art. 1 de l’Ordonnance de l’Assemblée fédérale concernant les taux d’alcoolémie limites admis en matière de circulation routière (RS 741.13) un conducteur est réputé incapable de conduire lorsqu'il présente un taux d'alcoolémie de 0,5 gramme pour mille ou plus ou que son organisme contient une quantité d'alcool entraînant un tel taux d'alcoolémie (al. 1). Le taux d'alcoolémie est réputé qualifié à compter de 0,8 gramme pour mille ou plus (al. 2).
4.1.2
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
Le juge peut s’aider des recommandations de la Conférence des autorités de poursuite pénale de Suisse (ci-après : CAPS) pour exercer son pouvoir d’appréciation, mais celles-ci ne sauraient l’empêcher de se faire en toute indépendance son propre avis sur la peine qui correspond à la culpabilité du condamné et aux autres circonstances pertinentes au regard de l’art. 47 CP
(TF 6B_379/2009 du 22 septembre 2009 c. 1.2 et réf. cit.). Conformément à ces recommandations (édition de mars 2012), il convient de prononcer une peine dès 20 jours-amende pour un taux d’alcoolémie dès 1,2‰ et dès 30 jours-amende pour un taux d’alcoolémie dès 1,5‰.
4.1.3
Enfin, selon l'art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus d'une peine assortie du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon
l'art. 106 CP. Cette combinaison se justifie lorsque le sursis peut être octroyé, mais que, pour des motifs de prévention spéciale, une sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis paraît mieux à même d'amener l'auteur à s'amender. Elle doit contribuer, dans l'optique de la prévention tant générale que spéciale, à renforcer le potentiel coercitif de la peine avec sursis. Cette forme d'admonestation adressée au condamné doit attirer son attention (et celle de tous) sur le sérieux de la situation en le sensibilisant à ce qui l'attend s'il ne s'amende pas (ATF 134 IV 60 c. 7.3.1). La combinaison prévue à l'art. 42 al. 4 CP constitue un "sursis qualitativement partiel" (ATF 134 IV 1 c. 4.5.2). La peine prononcée avec sursis reste prépondérante, alors que la peine pécuniaire sans sursis ou l'amende est d'importance secondaire. Cette combinaison de peines ne doit pas conduire à une aggravation de la peine globale ou permettre une peine supplémentaire. Elle permet uniquement, dans le cadre de la peine adaptée à la culpabilité, une sanction correspondant à la gravité des faits et à la personnalité de l'auteur. Les peines combinées, dans leur somme totale, doivent être adaptées à la faute (ATF 134 IV 1 c. 4.5.2 p. 8; 134 IV 60 c. 7.3.2). Pour tenir compte du caractère accessoire des peines cumulées, il se justifie en principe d'en fixer la limite supérieure à un cinquième, respectivement à 20 %, de la peine principale; des exceptions sont possibles en cas de peines de faible importance pour éviter que la peine cumulée n'ait qu'une portée symbolique (ATF 135 IV 188 c. 3.4.4).
4.2
En l’espèce, X._ admet les faits. Sa culpabilité n’est pas négligeable, le prévenu ayant circulé avec un taux d’alcoolémie qualifié,
presque trois fois supérieur à la limite autorisée. L’intéressé n’a toutefois pas d’antécédents et cet épisode semble demeurer isolé dans la vie de ce jeune père de famille. Depuis le début de l’instruction, le prévenu a toujours reconnu les faits avec franchise et sincérité. Le Tribunal de police a tenu compte de tous ces critères et la quotité de la peine, arrêtée à 30 jours-amende, apparaît adéquate et conforme à la pratique et aux recommandations de la CAPS. Cette peine sera donc confirmée et l’appel du Ministère public rejeté sur ce point. Au vu de la situation financière du prévenu, le montant du jour-amende de 40 fr. sera confirmé.
Pour le surplus, à juste titre, le Ministère public ne conteste pas le sursis octroyé à l’intimé. En effet, tant le principe de l’octroi du sursis que la durée du délai d’épreuve sont conformes aux règles légales et doivent être confirmés.
Enfin, s’agissant du montant de l’amende prononcée à titre de sanction immédiate, il y a lieu de relever que, comme l’a indiqué le Ministère public dans son appel, une amende de 1'000 fr. apparaît trop élevée au regard de la jurisprudence précitée (cf. c. 3.1.3 ci-dessus) et de la peine pécuniaire prononcée dans le cas d’espèce. Toutefois, au vu de la gravité de la faute de l’intéressé et de la peine pécuniaire prononcée, une amende supérieure au cinquième de la peine principale doit être prononcée. Ainsi, le montant de l’amende sera arrêté à 500 francs. Ce montant paraît en effet suffisant pour permettre d’attirer l’attention du prévenu sur le sérieux de la situation. La peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l’amende sera quant à elle arrêtée à 5 jours.
5.
En définitive, l’appel est partiellement admis et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants qui précèdent.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, constitués du seul émolument de 1’170 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]) doivent être laissés à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8a389bb2-6ff9-4d2c-8ea8-24f1f69cb1c0 | En fait :
A.
Par jugement du 10 décembre 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a notamment libéré V._ des chefs d’accusation de violation simple des règles de la circulation, alternativement de violation des règles de la circulation routière, de circulation sans être porteur du permis de conduire, de contravention à l’Ordonnance réglant l’admission à la circulation routière et de refus d’aide ou de renseignements (I), a constaté que V._ s’est rendu coupable d’injure, de menaces, de contrainte sexuelle, de viol, de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, d’opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire et de conduite malgré un retrait de permis (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de 18 mois (III), a suspendu l’exécution d’une partie de la peine privative de liberté précitée, portant sur 9 mois (IV), a imparti à V._ un délai d’épreuve de 5 ans (V), a ordonné à V._, au titre de règles de conduite durant le délai d’épreuve, d’une part, de suivre un traitement psychiatrique, psychothérapeutique régulier et continu, ainsi qu’un traitement médicamenteux selon avis médical et, d’autre part, de se soumettre à un contrôle régulier de son abstinence aux stupéfiants et à l’alcool, selon prescription médicale (VI), a dit que V._ est le débiteur de W._ de 12'000 fr., avec intérêts à 5% l’an dès le 1
er
janvier 2004, à titre de réparation du tort moral, et de 2'800 fr. à titre de réparation du dommage matériel (VII), a arrêté à 13'101 fr. 50, TTC, l’indemnité allouée à Me Coralie Devaud, conseil d’office de W._ (XI), a arrêté à 13'905 fr. 10, TTC, l’indemnité allouée à Me Guy Longchamp, défenseur d’office de V._ (XII), a dit que lorsque sa situation financière le permettra, V._ sera tenu de rembourser à l’Etat les indemnités d’office précitées (XIII) et a mis les frais de justice, arrêtés à 16'327 fr. 65, à la charge du condamné (XIV).
B.
Par annonce du 19 décembre 2014, puis déclaration motivée du 2 février 2015, précisée le 11 février suivant, V._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de dépens, à sa réforme, en ce sens qu’il est libéré des chefs d’accusation de viol et contrainte sexuelle, ainsi que de toute peine s’agissant des infractions de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, d’opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire et de conduite malgré un retrait de permis. Subsidiairement, il a conclu à une peine n’excédant pas douze mois, le délai d’épreuve étant fixé à deux ans et, plus subsidiairement, à l’annulation du jugement entrepris et au renvoi du dossier à l’autorité de première instance pour nouvelle décision. A titre de mesure d’instruction, il a requis la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique complémentaire le concernant.
Par avis du 31 mars 2015, le président de la Cour de céans a rejeté la réquisition de preuve formulée par l’appelant.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
V._ est né le [...] 1985 au Portugal, pays dont il est ressortissant. Il est l’aîné d’une fratrie de trois. Après avoir effectué sa scolarité obligatoire au Portugal, puis en Suisse, il a débuté un apprentissage de dessinateur en génie civil, sans toutefois obtenir de CFC. Il a ensuite travaillé comme chauffeur-livreur mais a dû interrompre cette activité après avoir été mis au bénéfice de l’AI en 2008. Il a commencé à consommer du cannabis à l’âge de 17 ans. Célibataire, il est père d’un enfant né en 2005 qu’il a eu avec la plaignante, W._.
Le casier judiciaire suisse de V._ est vierge.
1.2
En novembre 2005, V._ a consulté le Centre de consultation psychiatrique et psychothérapeutique du CHUV en raison de troubles de la concentration et de la mémoire, d’un sentiment d’angoisse diffuse et de troubles de l’humeur. Il a été intégré au programme TIPP (Traitement et Intervention Précoce dans la Psychose) du CHUV. Selon les médecins, le prévenu présentait des idées de persécution, des idées délirantes à thème mystique ainsi qu’un progressif repli sur soi. Ce dernier a toutefois refusé les propositions de médication et d’hospitalisation.
Du 16 avril au 15 mai 2008, V._ a été hospitalisé d’office au Service de psychiatrie du site de Cery en raison d’une décompensation psychotique floride sur un mode psychique et persécutoire. Un traitement a été prévu à la consultation de Chauderon. Le prévenu a toutefois refusé pendant plusieurs mois de se rendre aux rendez-vous fixés par les médecins. Ce n’est qu’en avril 2009 qu’il a repris spontanément contact avec ce service ensuite d’un conflit autour du droit de visite sur son fils. Le suivi été toutefois été irrégulier.
En mars 2011, le prévenu a une nouvelle fois été admis d’office à Cery en raison de troubles du comportement avec agitation et mise en danger de soi. Un traitement anti-psychotique a alors été mis en place. Le 17 octobre 2011, une nouvelle hospitalisation d’office du prévenu a été ordonnée en raison d’une décompensation psychotique et de risques auto et hétéro agressifs. V._ est sorti de l’hôpital le 9 février 2012, avec pour projet de maintenir le suivi thérapeutique auprès de la consultation de Chauderon.
S’agissant de cette dernière hospitalisation, dans leur rapport du 18 mai 2012 (Dossier B, P. 12), les médecins psychiatres ont posé les diagnostics de schizophrénie paranoïde, utilisation nocive pour la santé d’alcool et syndrome de dépendance au cannabis. Selon eux, à la mi-octobre 2011, V._ n’avait pas la capacité de se déterminer. En effet, l’état psychique de celui-ci s’était fortement péjoré deux semaines avant son hospitalisation déjà, ce qui l’avait empêché d’apprécier et de comprendre la portée de ses actes. Les médecins ont encore ajouté qu’à la mi-octobre 2011, le prévenu, en raison de son refus, ne faisait plus l’objet d’aucune médication.
Dans ses rapports des 18 mars, 8 juillet et 3 novembre 2014 (P. 71/1 et P. 79), le Dr [...], qui assure le suivi ambulatoire du prévenu depuis la fin de son hospitalisation en février 2012, a confirmé que l’évolution de l’état de santé de celui-ci sur le plan psychique était favorable. Selon lui, la schizophrénie paranoïde dont souffrait son patient était en rémission totale depuis l’été 2012. Par ailleurs, il a relevé une abstinence au cannabis depuis début 2012 et à l’alcool depuis avril 2014.
1.3
En cours d’enquête, le prévenu a été soumis à une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du 14 novembre 2013 (P. 43), les experts ont posé les diagnostics de schizophrénie paranoïde et de syndrome de dépendance au cannabis actuellement abstinent. Ils ont relevé que la schizophrénie dont souffrait l’expertisé était une maladie mentale grave, permanente et, si elle pouvait être stabilisée, ne pouvait pas s’orienter vers une complète rémission. Ce trouble, qui semblait déjà être présent au moment des faits, influençait l’ensemble du comportement de l’intéressé au niveau émotionnel, cognitif, comportemental ou relationnel. Compte tenu de celui-ci, les experts ont estimé que la capacité de l’expertisé de se déterminer quant à ses actes était limitée dans une mesure moyenne à importante, alors que l’appréciation de leur caractère illicite était maintenue. Par ailleurs, ils ont considéré que le risque de récidive d’actes de même nature apparaissait non négligeable du fait même du trouble mental. Selon eux, un suivi psychiatrique, psychothérapeutique régulier et continu, ainsi qu’un traitement médicamenteux adapté, pouvait permettre une stabilisation de l’état psychique de l’expertisé et ainsi éventuellement atténuer le risque de récidive. Les experts ont préconisé la poursuite des soins ambulatoires, le prévenu montrant une certaine stabilité psychique.
2.
2.1
En 2002, par le biais d’un site de rencontre, W._, née le [...] 1986, a rencontré V._. A compter de la fin de l’année 2002, le couple a entretenu des relations sexuelles. Il s’agissait pour la plaignante de sa première expérience intime. Toutefois, en raison de la nervosité de V._, de ses accès de colère et de sa consommation d’alcool fort notamment, la situation dans le couple s’est rapidement dégradée.
C’est dans ce contexte que, à partir de la fin du printemps 2003 et jusqu’en février ou mars 2006, dans divers lieux publics d’une part et à Renens ainsi qu’à Crissier d’autre part, le prévenu, qui vivait encore au domicile de ses parents, a contraint son amie, à dix reprises au moins, à entretenir des relations sexuelles, en la pénétrant vaginalement ou analement. Pour arriver à ses fins, il l’empoignait par le bras, la déshabillait ou lui baissait son pantalon et sa culotte. Il lui arrivait également de lui donner des gifles sur les fesses ou de lui tirer les cheveux. Lors de ces relations, la jeune femme pleurait ou tentait de se débattre. Le prévenu l’a en outre forcée à lui prodiguer des fellations.
En particulier, V._ s’est livré aux actes sexuels suivants :
- à la fin du printemps 2003, au domicile de ses parents à Renens, le prénommé, qui était très agité et tenait des propos incohérents, a conduit la plaignante dans la chambre parentale puis, après l’avoir giflée et lui avoir intimé l’ordre de se mettre à quatre pattes, lui a introduit un tube de nivea dans l’anus en rigolant;
- en 2003 probablement, dans un entrepôt se trouvant à proximité de la Gare de Cornavin à Genève, le prévenu, énervé du fait que sa compagne avait reçu des sms, l’a faite asseoir sur un canapé, puis a baissé son pantalon et son caleçon, avant de la forcer à lui prodiguer une fellation en lui tenant la tête avec l’une de ses mains;
- en 2003 et 2004, le prévenu a contraint W._ à subir des actes sexuels ou analogues à l’acte sexuel dans divers lieux publics, notamment dans le hall d’immeubles, les locaux à poubelles ou autres ;
- en 2004, alors qu’il se trouvait au domicile de ses parents, le prévenu a arraché avec force le string de sa compagne pour la pénétrer analement et vaginalement.
2.2
A Crissier, à la route [...][...], le 13 novembre 2013 vers 06h20, [...], alors qu’il s’apprêtait à quitter son appartement, a entendu de forts bruits en provenance des couloirs de l’immeuble. Alors qu’il se trouvait au 1
er
ou au 2
ème
étage, il s’est retrouvé face à V._ qui lui obstruait le passage tout en lui disant de venir contre lui. Il a alors regagné son appartement et a informé son beau-frère de la situation. Après avoir fait appel à la police, les deux hommes sont ressortis de leur logement et se sont retrouvés en présence du prévenu qui a brandi un petit couteau au niveau de leur torse, tout en leur disant «
viens, viens
». Effrayés, les deux hommes ont regagné leur domicile, tandis que le prévenu les poursuivait en hurlant et en tapant sur différentes portes.
Après cet épisode, lors de son transfert dans les locaux de police, V._ a tenu des propos injurieux à l’encontre des policiers, à savoir l’agent [...] et le brigadier [...], en les traitant de «
pute
» et «
d’enculé
». Au poste de police, le prévenu a encore asséné un coup de talon dans le tibia du brigadier prénommé, avant de lui donner une violente claque. Il a par la suite été hospitalisé d’office. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de V._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1 et la doctrine citée).
3.
À titre de mesure d’instruction, l’appelant sollicite la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique complémentaire. Il fait valoir que l’expertise du 14 novembre 2013 est en contradiction avec les divers rapports établis par son psychiatre traitant, le Dr [...]. Par ailleurs, il relève que l’expertise aurait été confiée à une psychologue et non à un médecin psychiatre comme l’exige la jurisprudence du Tribunal fédéral.
3.1
Selon l'art. 389 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance (al. 1). La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (al. 3). L'immédiateté des preuves ne s'impose ainsi pas en instance d'appel (TF 6B_78/2012 op. cit. c. 3.1). L'autorité de recours peut notamment refuser des preuves nouvelles, lorsqu'une administration anticipée de ces preuves démontre qu'elles ne seront pas de nature à modifier le résultat de celles déjà administrées (ATF 136 I 229 c. 5.3).
Il y a notamment lieu à un complément d'expertise ou à une nouvelle expertise lorsque les conclusions de deux ou plusieurs expertises, privées ou judiciaires, divergent notablement (art. 189 let. b CPP). Un complément d'expertise ou une nouvelle expertise peuvent également être mis en oeuvre lorsqu'il y a des doutes sur l'exactitude de l'expertise (art. 189 let. c CPP), par exemple si l'expert n'apparaît finalement pas compétent, s'il n'a pas procédé de manière scientifiquement adéquate, si des doutes naissent au regard d'une expertise privée, s'il se contredit gravement (TF 6B_590/2013 du 22 octobre 2014 c.1.1 et la doctrine citée).
En principe, seul un médecin spécialiste en psychiatrie et psychothérapie doit être autorisé à réaliser une expertise psychiatrique au sens des art. 20 et 56 al. 3 CP (ATF 140 IV 49, JT 2014 IV 281 c. 2.7).
3.2
En l’occurrence, un complément d’expertise n’est pas nécessaire au traitement de l’appel. En effet, lors des débats de première instance, les rapports médicaux du Dr [...] ont été soumis à l’expert, qui a alors pu se prononcer sur leur contenu. Par ailleurs, aucune réelle contradiction ne peut être mise en évidence entre l’expertise et les rapports médicaux précités, l’expert admettant en effet une phase de stabilisation (cf. P. 43, p. 9). Certes, celui-ci a déclaré, lors des débats de première instance, qu’«
une expertise est utile à connaître la situation actuelle
» (jgt., p. 15); cette déclaration est toutefois sans pertinence dès lors que l’expertise avait pour but de déterminer la responsabilité pénale au moment des faits. Il n’est dès lors pas nécessaire d’être au clair sur l’ampleur de la rémission actuelle et sur son caractère définitif. Au surplus, comme il sera relevé ci-dessous, le pronostic à poser quant au comportement futur du prévenu ne repose pas uniquement sur le risque de récidive que celui-ci pourrait présenter. Enfin, contrairement à ce que semble croire l’appelant, l’expertise psychiatrique, qui a certes été réalisée avec la contribution d’une psychologue, a été supervisée par un médecin psychiatre, qui avait les compétences requises et à qui le mandat avait bien été confié (cf. P. 28). La défense n’a d’ailleurs formulé aucune objection contre l’avis de désignation d’expert dans le délai imparti à cet effet (cf. P. 30).
Sur le vu de ce qui précède, la réquisition de preuve de l’appelant doit être rejetée.
4.
L’appelant conteste avoir entretenu des relations sexuelles – anales, vaginales ou buccales – avec W._ sans son consentement, ainsi que toute autre pratique sexuelle non consentie. Invoquant une violation de la présomption d’innocence, il soutient que les premiers juges ont retenu en sa défaveur le fait qu’il ait fait usage de son droit au silence lors de son audition devant la Procureure. Il leur fait également grief d’avoir suivi la plaignante dans ses déclarations; or, le silence de celle-ci pendant de nombreuses années ainsi que la chronologie des événements depuis le règlement du droit de visite et le dépôt de la plainte pénale auraient dû les amener à douter de leur véracité.
4.1
4.1.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2).
4.1.2
Selon l’art. 113 al. 1 CPP, le prévenu n’a pas l’obligation de déposer contre lui-même. Il a notamment le droit de refuser de déposer et de refuser de collaborer à la procédure. Il est toutefois soumis de se soumettre aux mesures de contrainte prévues par la loi.
Le droit de se taire et de ne pas témoigner contre soi-même découle directement de la présomption d'innocence. Ce droit interdit au juge de fonder une condamnation exclusivement ou essentiellement sur le silence du prévenu, ou sur son refus de répondre à des questions ou de déposer. En revanche, ce droit n'interdit pas de prendre en considération le silence du prévenu dans des situations qui appellent assurément une explication de sa part, pour apprécier la force de persuasion des éléments à charge; à cet égard, le droit de se taire n'a donc pas de portée absolue. Pour apprécier si le fait de tirer de son silence des conclusions défavorables au prévenu est contraire à l'art. 6 CEDH, il faut tenir compte de l'ensemble des circonstances et rechercher dans chaque cas si les charges de l'accusation sont suffisamment sérieuses pour appeler une réponse. Le juge de la cause pénale ne peut pas conclure à la culpabilité du prévenu simplement parce que celui-ci choisit de garder le silence. C'est seulement si les preuves à charge appellent une explication que l'accusé devrait être en mesure de donner, que l'absence de celle-ci peut permettre de conclure, par un simple raisonnement de bon sens, qu'il n'existe aucune explication possible et que l'accusé est coupable (TF 1P.641/2000 du 24 avril 2001 c. 3; arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, affaire Murray c. Royaume-Uni du 8 février 1996, Recueil CourEDH 1996-I p. 30, ch. 47; TF 6B_562/2010 du 28 octobre 2010 c. 2.1.3).
4.2
En l’espèce, les faits s’étant passés à huis clos, la cour de céans ne dispose pas de nombreux éléments pour les apprécier. Les actes ont été dénoncés huit ans après leur survenance. Le prévenu a été entendu à trois reprises; il a toutefois refusé de s’expliquer lors de son audition devant la Procureure en faisant valoir son droit au silence (PV aud. 5) et a refusé de signer le procès-verbal d’audition lors des débats de première instance (jgt., p. 8-12). Avec l’appelant, il faut constater qu’aucune contradiction ne peut être mise en évidence dans ses déclarations. Cela étant, il existe d’autres éléments au dossier corroborant la réalité des faits dénoncés, notamment les contraintes répétées.
Ainsi, le récit de la plaignante figurant dans sa plainte pénale, qui a certes été déposée plusieurs années après les faits et n’a manifestement pas été rédigée avec le concours d’un avocat (P. 4), frappe par sa spontanéité et par l’abondance des détails. Entendue par la police le 4 septembre 2012, l’intéressée a confirmé de manière tout aussi précise les faits dénoncés, en admettant avoir consenti à certaines relations sexuelles, respectivement l’absence de refus clair (PV aud. 2). Aux débats de première instance, la plaignante n’a pas varié dans ses déclarations. Or, une personne cherchant à nuire à un ancien compagnon ou à induire la justice en erreur ne fournirait pas des explications aussi détaillées et constantes. Certes, il peut arriver que, ensuite d’une liaison conduisant à la naissance d’un enfant, une mère cherche à restreindre, voire à supprimer le droit de visite du père. Toutefois, dans le cas d’espèce, si la plainte a bien été déposée après que le prévenu a obtenu un droit de visite (P. 80, annexe 10), la plaignante, pendant plusieurs années, s’est rendue régulièrement au domicile des parents de celui-ci pour lui permettre de voir son fils; ce n’est qu’après avoir consulté une psychologue en septembre 2011 qu’elle a pris conscience des violences subies et a décidé d’entreprendre des démarches pénales.
Les circonstances du dévoilement doivent également être prises en compte pour apprécier les déclarations de la plaignante. En effet, son compagnon de l’époque, qui a pu observer les problèmes relationnels qu’elle rencontrait (réactions de crainte, réveils en sursaut, peur de s’engager dans une relation), l’a encouragée à se confier à lui; elle lui a alors raconté au fur et à mesure les violences dont elle avait été victime et a finalement décidé de consulter un spécialiste, puis de déposer plainte (jgt., p. 21).
Par ailleurs, dans son rapport du 26 septembre 2012 établi sur demande de la procureure (P. 19), la psychologue de la plaignante a posé le diagnostic de syndrome post-traumatique occasionné par la violence et l’emprise que V._ exerçait sur W._. Elle a précisé que cette dernière présentait un sentiment de culpabilité ainsi qu’un syndrome de Stockholm, qui s’étaient manifestés par la soumission et la peur consécutives produites par son abuseur. Selon elle, les séquelles occasionnées étaient difficilement réversibles.
Les SMS envoyés en 2009 par l’appelant à l’intimée (P. 6/2) corroborent également la version de la plaignante. Leur contenu met en effet en évidence la manipulation, la violence, le mépris, la contrainte ainsi que les menaces du prévenu à l’égard de la victime. Celui-ci est d’ailleurs allé jusqu’à y relater, de manière sordide, l’épisode du tube de nivea.
Enfin, le mode de fonctionnement de l’appelant au regard de sa maladie, tel que décrit dans l’expertise, correspond aux actes de violence et de contrainte décrits par la plaignante. Le prévenu a d’ailleurs expliqué à l’expert qu’il était demeuré lucide quant au caractère violent et interdit de ses comportements envers son ancienne petite amie (P. 43, p. 3).
Sur le vu de ce qui précède, la plaignante doit être suivie dans ses déclarations, qui ont été constantes et précises malgré l’ancienneté des faits. Il n’existe ainsi aucun doute quant à la réalité des actes sexuels subis tels que retenus par les premiers juges.
5.
L’appelant conteste sa condamnation pour contrainte sexuelle et viol.
5.1
Tout d’abord, s’agissant de l’infraction de viol, il fait valoir que la plaignante se serait plainte uniquement de relations anales – et non vaginales – non consenties. Il se prévaut notamment de la déclaration de cette dernière lors des débats de première instance selon laquelle «
vaginalement, j’étais d’accord, mais analement c’était une punition
» (jgt., p. 13).
L’appelant ne peut pas être suivi dans son argumentation. La déclaration de la plaignante doit en effet être replacée dans son contexte. Ainsi, c’est uniquement pour expliquer que les pénétrations anales étaient une punition que la plaignante a précisé qu’elle était le plus souvent d’accord avec celles vaginales. Cette explication n’exclut donc pas la contrainte pour d’autres relations. A cet égard, il est rappelé que la plaignante a confirmé les quatre cas relatés dans l’acte d’accusation, lesquels comprennent des actes de pénétration vaginale forcée, que ce soit en raison de l’endroit où ils ont eu lieu (cas n° 3 de l’acte d’accusation) ou de la violence exercée lors de ceux-ci (cas n° 4 de l’acte d’accusation).
5.2
L’appelant estime que l’élément constitutif de la contrainte n’est pas réalisé.
5.2.1
Conformément à l'art. 189 al. 1 CP, commet une contrainte sexuelle celui qui, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant sur elle des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister l’aura contrainte à subir un acte analogue à l’acte sexuel ou un autre acte d’ordre sexuel.
Aux termes de l'art. 190 al. 1 CP, se rend coupable de viol celui qui notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel.
L’art. 189 CP suppose les mêmes moyens et la même situation de contrainte que l’art. 190 CP (ATF 119 IV 309 c. 7b).
Il n'est pas nécessaire que la victime soit mise hors d'état de résister ou que l'auteur la maltraite physiquement. Une certaine intensité est néanmoins requise (ATF 87 IV 68). Selon les circonstances, un déploiement de force relativement faible peut suffire, notamment le fait de maintenir la victime avec la force de son corps, de la renverser à terre, de lui arracher ses habits ou de lui tordre un bras derrière le dos (TF 6B_570/2012 du 26 novembre 2012 c. 1.2; TF 6S.126/2007 du 7 juin 2007 c. 6.2). En introduisant la notion de pressions psychiques, le législateur a voulu viser les cas où la victime se trouve dans une situation désespérée, sans pour autant que l'auteur ait recouru à la force physique. Pour déterminer si l’on se trouve en présence d’une contrainte sexuelle, il faut procéder à une appréciation globale des circonstances concrètes déterminantes. Une appréciation individualisée est nécessaire, laquelle doit reposer sur des éléments suffisamment typiques. C’est notamment le cas lorsque l’auteur provoque chez la victime des effets d’ordre psychique, tels que la surprise, la frayeur ou le sentiment d’une situation sans espoir propres à la faire céder et la rendant incapable de s'opposer à des atteintes sexuelles (ATF 128 IV 106 c.3a/bb; ATF 122 IV 97 c. 2b et les références citées; TF 6B_570/2012 du 26 novembre 2012 c.1.3).
Il ne suffit pas que l’auteur exploite une relation de pouvoir, privée ou sociale, préexistante. Il doit créer concrètement une situation de contrainte (tatsituative Zwangssituation). Il suffit, lorsque la victime résiste dans la mesure de ses possibilités, que l’auteur actualise sa pression pour qu’il puisse être admis que chacun des actes sexuels n’a pu être commis qu’en raison de cette violence structurelle réactualisée (ATF 131 IV 107 c. 2.2).
Dans un arrêt 6B_822/2014 du 8 janvier 2015 (c. 3.2), le Tribunal fédéral a considéré ce qui suit : la peur et l'angoisse que la partie plaignante ressentait l'empêchaient de s'opposer activement à des actes sexuels non consentis; ces considérations mettent suffisamment en évidence, au sein du couple, une situation d'intimidation, assimilable à une tyrannie permanente ( ATF 131 IV 167 c. 3.1), permettant d'expliquer pourquoi la partie plaignante se trouvait dans une situation sans espoir propre à la faire céder (ATF 128 IV 106 c. 3a/bb; 122 IV 97 c. 2b), de sorte que l'on ne pouvait pas attendre d'elle de résistance au moment des faits (ATF 131 IV 167 c. 3.1 et les références citées).
5.2.2
En l’occurrence, il est établi que de nombreux actes relevaient de la violence physique. Il en va ainsi de la pénétration après que le prévenu a arraché le string de sa compagne, de la fellation en tenant la tête de celle-ci contre son sexe, de l’introduction du tube de nivea dans l’anus de celle-ci après l’avoir giflée et des fessées infligées lorsqu’elle refusait des relations. Il est également établi que le prévenu faisait régulièrement recours à la violence physique et psychique; la contrainte résultait donc également de la crainte que la victime pouvait avoir de devoir subir de nouveaux actes violents. En outre, il résulte non seulement de l’attitude de l’appelant mais également de la souffrance de la victime que le premier a profité de l’emprise qu’il avait sur celle-ci – en raison notamment de son âge, de son inexpérience, de son amour ou encore de sa peur d’être abandonnée – pour assouvir ses pulsions comme il le voulait, où il voulait et quand il le voulait; les circonstances de la jurisprudence précitée relative à la violence structurelle réactualisée (ATF 131 IV 107 c. 2.2) sont ainsi également réalisées dans le cas d’espèce.
Enfin, l’appelant ne saurait être suivi lorsqu’il soutient que le fait qu’il ne vivait pas sous le même toit avec sa compagne excluait une situation de tyrannie permanente telle que celle retenue dans l’arrêt du Tribunal fédéral 6B_822/2014 précité. Certes, il est constant que, week-end après week-end, la jeune fille revenait vers son tourmenteur. Cela n’exclut toutefois pas encore l’existence d’une tyrannie permanente. En effet, compte tenu des circonstances précitées, la jeune fille croyait que les violences, insultes et contraintes étaient normales dans une relation amoureuse; c’est uniquement plusieurs années plus tard que sa souffrance s’est avérée être telle qu’elle a réalisé que, précisément, cette tyrannie était anormale.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que l’élément de la contrainte était réalisé.
5.3
L’appelant conteste enfin la réalisation de l’élément subjectif de la contrainte. Il fait valoir qu’il était improbable qu’il ait voulu ou accepté de contraindre sa compagne à subir des actes sexuels qu’elle aurait refusés.
En l’occurrence, si l’expert a admis une capacité restreinte de se déterminer, il a en revanche retenu que l’appelant était conscient de l’illicéité de ses actes. Les SMS que celui-ci a adressé à sa compagne (P. 6/2) l’attestent également. L’appelant a certes pu trouver cette contrainte normale; il ne peut toutefois soutenir que les insultes, les coups et les pressions ne représentaient pas pour lui une manière d’obtenir ce qu’il n’aurait pas eu (par ex. les sodomies) ou pas obtenu à l’endroit et au moment où il le voulait (notamment certaines fellations ou pénétrations vaginales). Dans ces conditions, il faut admettre que l’appelant savait pertinemment ce qu’il faisait.
5.4
Sur le vu de ce qui précède, la condamnation de V._ pour contrainte sexuelle et viol doit être confirmée, tous les éléments constitutifs de ces infractions étant remplis.
6.
S’agissant des cas n° 2 et 3 de l’acte d’accusation concernant les infractions commises les 12 et 13 octobre 2011, à savoir la violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, d’opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire et de conduite malgré un retrait de permis, l’appelant plaide l’irresponsabilité totale. A l’appui de son grief, il se prévaut du rapport établi le 18 mai 2012 par les médecins de Cery (Dossier B, P. 12) dont il ressort qu’à la mi-octobre 2011, il n’avait pas la capacité de se déterminer.
Les premiers juges ont écarté cette pièce au motif que le rapport d’expertise était fondé sur une étude plus approfondie et plus précise du prévenu (jgt., p. 34). Cette assertion ne saurait toutefois être suivie, dès lors que l’attestation du 18 mai 2012 a été établie après une hospitalisation de quatre mois intervenue d’office en raison de l’état psychique grave du prévenu, à savoir une décompensation psychotique. Par ailleurs, l’expertise psychiatrique a été établie deux ans après les faits, de sorte que les experts ne pouvaient pas se faire une idée précise de la situation de l’intéressé en octobre 2011. Enfin, pour établir leur expertise, les médecins se sont prononcés essentiellement sur les infractions contre l’intégrité sexuelle, et non sur les faits ressortant des cas n° 2 et 3 de l’acte d’accusation. Le rapport de 18 mai 2012 ne saurait donc être écarté.
Ainsi, en présence d’une attestation de médecins psychiatres dont il résulte, d’une part, que le prévenu était totalement décompensé à la mi-octobre 2011 parce qu’il ne prenait pas ses médicaments et, d’autre part, qu’il n’était pas en mesure de comprendre la portée de ses actes, son irresponsabilité totale doit être retenue s’agissant des cas n° 2 et 3 de l’acte d’accusation.
V._ doit dès lors être libéré des chefs d’accusation de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, d’opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire et de conduite malgré un retrait de permis, l’appel étant partiellement admis dans cette mesure.
7.
Il reste à examiner la peine à infliger au prévenu.
7.1
7.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale(TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c.
7.1.2
Selon l’art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d’agir, l’auteur ne possédait que partiellement la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après cette appréciation. Les principes qui président à la fixation de la peine en cas de diminution de la responsabilité sont exposés à I’ATF 136 IV 55 auquel il peut être renvoyé.
Partant de la gravité objective de l'acte (
objektive Tatschwere
), le juge doit apprécier la faute (subjective;
subjektives Tatverschulden
). Il doit mentionner, dans le jugement, les éléments qui augmentent ou diminuent la faute dans le cas concret et qui permettent d'apprécier la faute en relation avec l'acte. Le législateur mentionne plusieurs critères, qui jouent un rôle important pour apprécier la faute et peuvent même conduire à diminuer celle-ci de telle manière qu'il convient de prononcer une peine inférieure au cadre légal ordinaire de la peine. Parmi ceux-ci, figure notamment la diminution de la responsabilité au sens de l'art. 19 CP. Dans ce cas, contrairement à la lettre de la disposition, il s'agit de diminuer la faute et non la peine; la réduction de la peine n'est que la conséquence de la faute plus légère.
Le juge dispose également d'un large pouvoir d'appréciation lorsqu'il détermine l'effet de la diminution de la responsabilité sur la faute au vu de l'ensemble des circonstances. Il peut appliquer l'échelle habituelle : une faute objective très grave peut être réduite à une faute grave en raison d'une diminution légère de la responsabilité. La réduction pour une telle faute très grave peut conduire à retenir une faute moyenne à grave en cas d'une diminution moyenne et à une faute légère à moyenne en cas de diminution grave. Sur la base de cette appréciation, le juge doit prononcer la peine en tenant compte des autres critères de fixation de la peine. Un tel procédé permet de tenir compte de la diminution de la responsabilité, sans lui attribuer une signification trop vaste (ATF 136 IV 55, JdT 2010 IV 127 c. 5.6).
En bref, le juge doit procéder comme suit en cas de diminution de la responsabilité pénale : dans un premier temps, il doit décider, sur la base des constatations de fait de l’expertise, dans quelle mesure la responsabilité pénale de l’auteur doit être restreinte sur Ie plan juridique et comment cette diminution de la responsabilité se répercute sur l’appréciation de la faute. La faute globale doit être qualifiée et désignée expressément dans le jugement (art. 50 CP). Dans un second temps, il convient de déterminer la peine hypothétique, qui correspond à cette faute. La peine ainsi fixée peut enfin être modifiée en raison de facteurs liés à l’auteur (
Täterkomponente
) ainsi qu’en raison d’une éventuelle tentative selon l’art. 22 aI. 1 CP (ATF 136 IV 55, JdT 2010 IV 127 c. 5.7).
7.1.3
Selon l’art. 43 al. 1 CP, le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine pécuniaire d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur. De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1; cf. aussi TF 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1; TF 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
Lorsque le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP). Il peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour la durée du délai d'épreuve (art. 44 al. 2 CP). Selon la jurisprudence, la règle de conduite doit être adaptée au but du sursis, qui est l'amendement durable du condamné. Elle doit être conçue en premier lieu dans l'intérêt du condamné et de manière à ce qu'il puisse la respecter; elle doit par ailleurs avoir un effet éducatif limitant le danger de récidive (TF 6B_626/2008 du 11 novembre 2008 c. 6.1; ATF 130 IV 1 c. 2.1; 108 IV 152 c. 3a; 106 IV 325 c. 1). La loi prévoit expressément que la règle de conduite peut porter sur des soins médicaux ou psychiques. Une règle de conduite ordonnant un suivi médical est donc parfaitement admissible (TF 6B_626/2008 précité).
7.2
7.2.1
En l’espèce, V._ s’est rendu coupable d’injure, de menaces, de contrainte sexuelle et de viol. Ces deux dernières infractions sont particulièrement graves. Les faits commis à l’encontre de la victime l’ont été de manière répétée et sur une longue durée. Pour assouvir ses pulsions, le prévenu n’a pas pris en considération les refus de sa compagne. Il a de surcroît profité de l’amour de cette dernière, de son âge et de son inexpérience pour lui imposer des actes sexuels où et quand il le souhait. Les infractions sont en concours. La faute de l’appelant doit ainsi être considérée comme particulièrement grave.
Avec les premiers juges, il faut toutefois retenir que la capacité du prévenu à se déterminer quant à ses actes était diminuée dans une mesure moyenne à importante au moment des faits. Compte tenu de cette diminution de responsabilité, sa faute, initialement estimée comme particulièrement grave, doit être qualifiée de moyenne à grave.
S’agissant des facteurs liés au prévenu, il sera retenu, à charge, l’absence de prise de conscience, celui-ci persistant à nier toute responsabilité et se positionnant de surcroît en victime de sa compagne qui souhaite le priver de son fils. Il n’a en outre exprimé aucun regret à l’endroit de la plaignante. Son attitude, notamment sa collaboration, en instruction et aux débats n’a pas été bonne. A décharge, il sera tenu compte de son jeune âge au moment des faits ainsi que du temps écoulé depuis ceux-ci. Il sera également pris en considération le fait que la situation du prévenu, lequel suit régulièrement un traitement psychiatrique ambulatoire, semble s’être stabilisée.
Ainsi, sur la base des éléments qui précèdent, une peine privative de liberté de 16 mois réprime adéquatement les agissements de V._.
7.2.2
En ce qui concerne le sursis, au vu de la gravité des faits reprochés, du déni massif – encore confirmé aux débats d’appel –, de l’absence de prise de conscience et de son comportement en cours de procédure, le pronostic à poser quant au comportement futur de l’appelant est mitigé. Ainsi, contrairement à ce qu’il semble croire, ce n’est pas uniquement en raison du risque de récidive retenu par l’expert qu’un sursis complet ne peut pas lui être accordé. L’exécution de la peine privative de liberté infligée doit dès lors être suspendue pendant une période de 8 mois. Compte tenu des circonstances précitées, le délai d’épreuve sera fixé au maximum légal. Par ailleurs, pour des motifs de prévention, les règles de conduite assortissant ce délai qui ont été fixées par les premiers juges doivent être confirmées.
8.
L’appelant ne conteste pas en tant que telles les prétentions civiles allouées à la plaignante. Compte tenu de sa condamnation et de l’importance de l’atteinte subie par la victime en raison de ses agissements, une indemnité de 15'000 fr., plus intérêt à 5% l’an dès le 1
er
janvier 2004, à titre de réparation du tort moral subie, est adéquate et doit être confirmée. Il en va de même du montant de 2'800 fr. alloué à l’intimée en réparation du dommage matériel subi.
9.
En définitive, l’appel du prévenu doit être partiellement admis et le jugement entrepris modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
10.
Vu l’issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués de l’émolument d’arrêt, par 2’820 fr., de l’indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu, par 2’489 fr. 40
,
TVA et débours compris, et de celle due au conseil d'office de la partie plaignante, par 1’679 fr. 40
,
TVA et débours inclus, doivent être mis par deux tiers à la charge de V._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l’Etat les deux tiers des
indemnités d’office précitées
que lorsque sa situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8a5dc541-cc9e-42ed-a950-e575eca09be6 | En fait :
A.
Par jugement du 3 mars 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a notamment constaté que U._ s'était rendu coupable de tentative de meurtre par dol éventuel, d'agression, de lésions corporelles simples qualifiées et d'infraction à la Loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (I); l'a condamné à une peine privative de liberté de 7 (sept) ans, sous déduction de 278 (deux cent septante-huit) jours de détention avant jugement (II); a ordonné le maintien en détention de U._ pour garantir l'exécution de la peine prononcée (III); a dit que U._ est débiteur d'Z._ de la somme de 20'000 fr. (vingt mille francs), valeur échue, au titre de réparation pour tort moral (XIV) et a mis sa part des frais de la cause par 31'131.35 fr. à la charge de U._, comprenant l'indemnité de 14'414.90 fr. due à Me Prior (XX).
B.
U._
a déposé une annonce d'appel contre ce jugement le
10 mars 2011, suivi d'une déclaration d'appel motivée le 18 avril 2011, concluant à la reforme des chiffres I, II, XIV et XX de son dispositif.
Par courrier du 19 mai 2011, U._ a été informé de la composition de la cour d'appel pénale qui statuerait son appel.
Le 24 mai 2011, l'inculpé a requis la récusation du juge N._, en se référant à l'art. 56 let. f CPP.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
Par jugement du 22 février 2005, le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois, présidé par M. N._, avait condamné U._ à une peine privative de liberté de 6 ans et avait prononcé son expulsion du territoire suisse pour 15 ans.
Dans ce jugement, le Tribunal correctionnel avait notamment relevé ce qui suit: "
Les deux accusés ont encore fait preuve de sang froid et d'audace en décidant de passer à l'action en dépit du contrôle de police que U._ venait de subir en gare d'Yverdon. Enfin, leur dangerosité ressort du geste consistant à tirer la tête de la victime en arrière pour exposer sa gorge et à appuyer sur celle-ci la lame d'un couteau. Les accusés auraient pu se contenter, une fois le taxi arrêté, d'ôter la clé de contact et, forts de leur supériorité numérique, d'inviter le conducteur à leur remettre son argent avant de s'enfuir avec le taxi. Au lieu de procéder de la sorte, ils sont d'emblée passés à l'attaque et ont menacé par actes concluants d'égorger J._. Cette brutalité et cette cruauté inutiles confirment, si besoin était, la dangerosité particulière des assaillants. En ce qui concerne U._, son sadisme est confirmé par les deux coups de couteau qu'il a donnés dans la fesse du conducteur, gestes gratuits particulièrement odieux et qui montrent le mépris de leur auteur pour l'intégrité physique de la victime qu'il a traitée comme une pièce de bétail qu'on aiguillonne.
(...)
La culpabilité de U._ est écrasante. C'est lui qui a eu le rôle de dirigeant, c'est lui qui s'est montré le plus agressif et le plus violent, n'hésitant pas à faire couler le sang sans motif. Il s'en est pris à une personne âgée avec une brutalité inouïe dans le seul objectif de lui dérober quelques centaines de francs. Il n'a montré aucun repentir, s'acharnant à traiter de menteurs la victime et tous les témoins dont la version ne lui convenait pas. A charge, on retiendra encore ses antécédents pénaux chargés et l'aggravante du concours d'infractions. A décharge, on prendra en considération les bons renseignements donnés sur son compte par la Direction de l'établissement de détention où il séjourne. En revanche, on ne taxera pas son comportement d'amateurisme. Le plan qu'il avait élaboré était efficace même s'il a été déjoué par la perspicacité et la combativité de la victime.
"
Le 30 mai 2011, M. N._ s'en est remis à justice sur la requête de U._. | En droit :
1. a)
Aux termes de l'art. 58 CPP, lorsqu'une partie entend demander la récusation d'une personne qui exerce une fonction au sein d'une autorité pénale, elle doit présenter sans délai à la direction de la procédure une demande dans ce sens, dès qu'elle a connaissance du motif de récusation, les faits sur lesquels elle fonde sa demande doivent être rendus plausibles (al. 1). La personne concernée prend position sur la demande (al. 2).
En application de l'art. 59 CPP, lorsque – comme en l'espèce - un motif de récusation au sens de l'art. 56 let. f CPP est invoqué à l'encontre d'un des membres de la juridiction d'appel, le litige est tranché sans administration supplémentaire de preuves et définitivement par la juridiction d'appel (al. 1 let. c). La décision est rendue par écrit et doit être motivée (al. 2).
2.
Il ressort de l'art. 56 let. f CPP que toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser notamment lorsqu'un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention.
La procédure de récusation prévue aux art. 56 à 60 CPP est le seul outil procédural prévu par le CPP pour assurer l'indépendance et l'impartialité des autorités pénales. La garantie du juge impartial est prévue aussi bien au niveau international (notamment à l'art. 6 par. 1 CEDH [Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101]) que fédéral (art. 30 al. 1 Cst. [Constitution fédérale de la Confédération suisse du
18 avril 1999, RS 101]). Il en ressort que toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Cette garantie permet d'exiger la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître des doutes sur son impartialité et tend à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition interne de la part du juge ne peut guère être prouvée ; il suffit que les circonstances donnent l'apparence d'une prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Toutefois, seules des circonstances objectives doivent être prises en compte, les impressions purement individuelles des parties au procès n’étant pas décisives (ATF 134 I 20 c. 4.2 ;
ATF 134 I 238 c.2.1 et les arrêts cités).
Les rapports d'inimitié au sens de l'art. 56 let. f CPP, doivent être caractérisés pour entraîner la récusation (cf. Jean-Marc Verniory in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 30 ad. art. 56 CPP et les réf. citées). La Cour européenne des droits de l'Homme a régulièrement rappelé que l'impartialité personnelle d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (Jean-Marc Verniory, op. cit. n. 6 ad. art. 56 CPP). Dans un récent arrêt, elle a précisé que la simple circonstance qu'un magistrat se soit déjà prononcé dans le cadre d'une autre procédure concernant le requérant ne saurait, à elle seule, porter atteinte à l'impartialité de ce juge (arrêt Steulet c/ Suisse du 26 avril 2011, § n°38 et les références citées).
4.
En l'occurrence, l'appelant indique que M. N._ avait déjà eu l'occasion de le juger dans une précédente affaire en février 2005, alors qu'il était Président du Tribunal de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois. Citant certains passages de ce jugement, l'appelant relève que lors de cette affaire, M. N._ s'était forgé une opinion très défavorable, employant des termes particulièrement virulents pour décrire son comportement lors des faits qui lui avaient été reprochés ainsi que sa personnalité en général. Il considère dès lors que l'on ne peut écarter tout risque de prévention à son égard au sens de l'art. 56 let. f CPP.
Toutefois, les propos incriminés ne sont pas des qualificatifs gratuits et les citations partielles se trouvant dans la requête de récusation doivent être replacées dans leur contexte. Ceci fait, il en ressort que les termes employés par le tribunal correctionnel présidé par M. N._ l'ont été, pour partie, dans le cadre de la démonstration de la dangerosité constituant une circonstance aggravante à l'art. 140 CP et qu'ils l'ont été, pour l'autre partie, dans le cadre de l'examen de la culpabilité de l'auteur d'un crime. Ils l'ont été à deux reprises sur des points s'agissant desquels la jurisprudence exige que la conviction du juge soit motivée.
On ne saurait dans ces circonstances y voir des indices permettant de conclure à la possibilité d'une prévention du juge dans une affaire ultérieure et tout à fait distincte. Le contraire reviendrait à soupçonner de prévention tous les magistrats qui, au pénal, tant en première qu'en seconde instance, sont confrontés à juger à nouveau des prévenus qu'ils ont déjà jugés précédemment dans le cadre d'autres affaires ou, en cas d'annulation et de renvoi, parfois même dans le cadre de mêmes affaires.
Au demeurant, la signataire de la requête de récusation précise qu'elle "
ne saurait douter de l'impartialité de M. N._
".
5.
En définitive, la requête de récusation, manifestement mal fondée, doit être rejetée. Vu l'issue de la cause, les frais doivent être mis à la charge de l’appelant (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Outre l’émolument, ces frais comprennent l’indemnité d’office allouée à son conseil (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). L’intervention du conseil s’étant limitée à la rédaction d'une brève requête de récusation, l’indemnité doit être arrêtée à 90 fr., plus
TVA, cette indemnité correspondant à une demi-heure d’activité du conseil (cf. l’art. 135 al. 1 CPP; TF 2P.325/2003 du 6 juin 2006).
6.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8a99635e-d632-4c16-9e47-73bba69d975d | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
décembre 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a libéré X._, Y._ et Z._ du chef de prévention de lésions corporelles graves par négligence (I à III), rejeté les conclusions de A.G._, B.G._ et C.G._ (IV), alloué à X._, Y._ et Z._ des indemnités au sens de l’art. 429 al. 1 let. a CPP, respectivement de 14'958 fr., 15'066 fr. et 15'782 fr., rejetant pour le surplus leurs conclusions fondées sur l’art. 429 al. 1 let. c CPP (V à VII) et laissé les frais de procédure, arrêtés à 6'720 fr., à la charge de l’Etat (VIII).
B.
Par annonce du 4 décembre 2014, puis déclaration motivée du 23 décembre 2014, A.G._, B.G._ et C.G._ ont formé appel contre ce jugement, concluant avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que X._, Y._ et Z._ sont condamnés pour lésions corporelles graves par négligence à une peine fixée à dire de justice et qu’ils sont leurs débiteurs solidaires d’un montant de 40’101 fr. 35 pour les dépenses occasionnées par la procédure, acte de leurs réserves civiles leur étant donné pour le surplus. Ils ont également conclu à ce qu’une indemnité de dépens de deuxième instance fixée à dire de justice leur soit allouée et à ce que les frais de première et deuxième instances soient mis à la charge des prévenus.
A titre de mesure d’instruction, les appelants ont requis qu’il soit procédé à la réaudition de six témoins sur les lieux de l’accident dont a été victime A.G._.
Par avis du 2 mars 2014, le président de la Cour de céans a rejeté cette réquisition de preuve au motif qu’elle n’était pas nécessaire au traitement de l’appel.
A l’audience de ce jour, X._, Y._ et Z._ ont conclu au rejet de l’appel et à l’allocation d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP pour la procédure d’appel. Le Ministère public a également conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
a)
Originaire de [...], le prévenu X._ est né le [...] 1967 à [...]. Divorcé, il est père de deux enfants. Il a été engagé au sein des Chemins de fer fédéraux (ci-après : CFF) en 1985. Il a travaillé en qualité de contrôleur, puis de chef de train. Depuis le 1
er
juillet 2011, il est chef d’escale voyageurs. A ce titre, il réalise un revenu mensuel net de 7'000 fr. environ, versé treize fois l’an. Ses charges mensuelles essentielles se composent de 700 fr. de loyer et de 480 fr. de prime d’assurance maladie. Il s’acquitte en outre d’une contribution d’entretien de 800 fr. pour l’un de ses enfants. Ses impôts s’élèvent à 10'000 fr. par année. Il n’a pas d’économies et a 5'000 fr. de dettes environ. Son casier judiciaire ne comporte aucune inscription.
b)
Naturalisé suisse, le prévenu Y._ est né le [...] 1981 à [...]. Il est célibataire. Il a travaillé au sein des CFF de 2004 à 2011 en qualité de contrôleur, puis de chef de train. Depuis le 1
er
juillet 2011, il est chef de train sur [...]. A ce titre, il réalise un revenu mensuel net de 5'800 fr., versé treize fois l’an. Ses charges mensuelles essentielles se composent de 1'400 fr. de loyer et 300 fr. de prime d’assurance maladie. Ses impôts s’élèvent à 12'000 fr. par année environ. Il a 10'000 fr. d’économies et n’a aucune dette. Son casier judiciaire ne comporte aucune inscription.
c)
Originaire de [...], le prévenu Z._ est né le [...] 1965 à [...]. Il est célibataire. Il a été engagé au sein des CFF en 1984 en qualité de contrôleur. Depuis le 1
er
février 1998, il est chef de train national. A ce titre, il réalise un revenu mensuel net de 7'000 fr. environ, versé treize fois l’an. Ses charges mensuelles essentielles se composent de 400 fr. à 500 fr. de prime d’assurance maladie et de 1'300 fr. de loyer pour l’appartement qu’il partage avec sa compagne, laquelle gagne approximativement 3'500 fr. par mois. Ses impôts s’élèvent à quelque 10'000 fr. par année. Il a 50'000 fr. d’économies environ et n’a aucune dette. Son casier judiciaire ne comporte aucune inscription.
2.
Le 9 juillet 2009, A.G._ a passé la soirée à [...] avec des amis. Il s’est rendu dans trois établissements différents de la ville et a consommé de l’alcool à cette occasion. Vers minuit, il a accompagné sur le quai adjacent à la voie n°1 de la gare CFF une partie de ses amis, à savoir [...], [...], [...] et [...], qui souhaitaient prendre le dernier train à destination de Genève. Ce train devait arriver en gare de [...] à 00h22 et repartir à 00h23. A son bord se trouvaient, outre [...] qui le pilotait, trois agents CFF, soit Z._ qui officiait en qualité de chef de train, Y._ et X._.
Le convoi est entré en gare avec une très légère avance, de sorte qu’il est resté immobile environ 1 minute et 30 secondes. Déjà présents sur le quai lorsque le train est arrivé, les quatre amis précités sont montés à son bord et se sont installés dans un compartiment donnant sur le quai où A.G._ était resté pour continuer à discuter avec eux, la fenêtre du wagon baissée.
Z._ a donné le signal du départ quinze à vingt secondes avant l’heure du départ. Ce coup de sifflet, qui avertissait du démarrage imminent du convoi, indiquait également aux collègues d’Z._ qu’ils devaient confirmer que les conditions au départ étaient réunies, à savoir que toutes les personnes étaient montées ou descendues du convoi et que personne ne se trouvait à proximité immédiate de celui-ci.
X._ qui avait longé le quai jusqu’à la tête du train a quittancé le départ à cet endroit. Z._, qui se trouvait avec Y._ à l’arrière du convoi, a ensuite donné l’autorisation de départ au mécanicien [...] en actionnant une clé dans un boîtier prévu à cet effet sur le quai. Après avoir vérifié dans son rétroviseur que les agents étaient montés à bord du train, [...] a enclenché la fermeture des portes puis a démarré le convoi. Au total, une quinzaine voire une vingtaine de secondes se sont écoulées depuis le signal donné par Z._ au mécanicien avant que le train ne se mette en mouvement.
A cet instant, alors que le train démarrait, A.G._ était agrippé avec ses mains au bord de la fenêtre du wagon où se trouvaient ses amis. Lorsque le train a pris de la vitesse, il n’a plus été en mesure de lâcher prise. Après avoir trébuché deux fois et être parvenu à se hisser à la fenêtre, il est tombé entre le wagon et le quai. Les boggies du convoi lui ont alors roulé sur les jambes, sectionnant celle de droite en dessous de la hanche et celle de gauche au niveau du tibia.
A.G._ a été transporté au CHUV. Il a souffert d’un polytraumatisme avec amputation traumatique au niveau de la cuisse droite et de la jambe gauche, d’une fracture du plancher, du toit et de la paroi médiale de l’orbite droite avec embarrure frontale, d’une fracture de la paroi médiale de l’orbite gauche, d’un discret pneumencéphale frontal droit, d’une contusion pulmonaire du lobe inférieur gauche, d’un pneumothorax gauche drainé et d’une fracture du 8
e
arc costal latéral gauche. Il a été hospitalisé au CHUV jusqu’au 1
er
septembre 2009, puis à la clinique romande de réadaptation à Sion jusqu’au 23 décembre 2009.
A.G._ et ses parents, B.G._ et C.G._, se sont constitués parties civiles le 14 octobre 2009.
A.G._ a déposé plainte le 11 mai 2011. | En droit :
1.
Interjetés dans les forme et délai légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de A.G._, B.G._ et C.G._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
3.1
Les appelants contestent l’acquittement des prévenus. Ils soutiennent en premier lieu que, hormis le témoignage d’ [...], les dépositions de tous les autres témoins seraient concordantes et permettraient de retenir que la victime et ses amis seraient arrivés sur le quai avant que le train n’entre en gare (point 3.1 de la déclaration d’appel), que le train serait resté en gare entre une minute trente et deux minutes (idem point 3.2), que la victime se serait accrochée à la fenêtre pour discuter avec ses amis dès que ceux-ci se seraient installés dans le compartiment (idem point 3.3), qu’elle aurait été accrochée à la fenêtre lorsque le train démarrait (idem point 3.4), que la visibilité aurait été bonne sur le quai (idem point 3.5) et que, dans ces circonstances, les prévenus n’auraient pas respecté les directives relatives à l’organisation de leur travail, élément qui devrait entraîner leur condamnation (idem point 3.6).
3.2
En procédant de la sorte, les appelants rédigent l’état de fait du jugement, selon leur propre appréciation, sans toutefois soulever de griefs recevables. En particulier, ils n’affirment pas que l’état de fait du jugement serait lacunaire ou erroné (art. 398 al. 3 let. b CPP). Du reste, une partie importante des constatations dont ils se prévalent figurent dans le jugement et ne sont pas contestées. Ainsi en est-t-il des points 3.1, 3.2 et 3.4 qui correspondent en définitive aux faits retenus, mais qui n’ont pas d’incidence sur une éventuelle responsabilité des prévenus. Quoi qu’en disent les appelants, le premier juge a discuté des témoignages pour déterminer à partir de quel moment la victime s’était accrochée à la fenêtre du train (jugement pp. 26-27). La démonstration qu’ils tentent de faire au terme de laquelle la victime serait restée accrochée continuellement à la fenêtre dès le moment où ses amis se seraient installés dans le compartiment ne repose sur aucun élément de preuve suffisant, en particulier s’agissant des dépositions de témoins faisant partie de la bande d’amis qui accompagnaient la victime ce soir-là et dont les déclarations doivent être appréciées avec réserve, à la fois en raison de ces liens d’amitié et parce que leur comportement ne semble pas exempt de reproches, dès lors qu’aucun ne paraît avoir clairement dissuadé la victime de se comporter aussi dangereusement. En outre, il ne paraît pas vraisemblable que la victime se soit accrochée continuellement à la fenêtre du compartiment, alors qu’il discutait avec ses amis installés dans le train à quai. Par contre, dès que le train a démarré, il est évident que la victime s’est accrochée continuellement à la fenêtre jusqu’à ce qu’elle chute entre le wagon et le quai. Selon le déroulement des faits, il est ainsi plausible qu’aucun des agents CFF n’ait observé la victime accrochée au wagon, au moment de donner l’autorisation de départ du train.
3.3
Les appelants affirment que les prévenus n’auraient pas respecté les règles d’organisation de leur travail. Ils ont plaidé à cet égard qu’ensuite d’un malentendu, chacun aurait laissé le soin à l’autre de surveiller le quai, raison pour laquelle personne ne serait finalement intervenu auprès de A.G._.
En l’occurrence, il y avait trois agents en fonction ce soir-là, Z._, comme chef de train, X._ et Y._, comme agents CFF. Même à supposer que les directives internes des CFF requissent trois contrôleurs, cette condition était remplie. Il n’y a donc pas de «désorganisation » passée sous silence dans le jugement. Peu importe que X._ ait considéré qu’il n’était présent dans le train qu’en qualité de renfort (« Dienst Fahrt ») et non en tant que contrôleur, dès lors que ces fonctions impliquent les mêmes tâches, qu’elles peuvent être permutées selon les directives du chef de train et que c’est d’un commun accord entre les trois agents que X._ a quittancé le départ après avoir longé le quai (
« Je leur avais dit que j’avais ma valise à l’avant et que j’en profiterai pour donner le prêt
» PV 19 l. 67 ; «
Nous avions convenu que celui-ci donne le prêt à l’avant
»
PV 20 l. 35).
4.
4.1
Les appelant contestent l’appréciation du premier juge selon laquelle les agents CFF n’auraient pas vu A.G._ agrippé à la fenêtre du wagon, ni même à proximité du train, avant de donner le départ. Ils soutiennent que la victime aurait été certainement visible, si les agents avaient fait preuve de toute l’attention que l’on pouvait attendre d’eux, et que le premier juge a exclu
a priori
la possibilité que les prévenus aient pu se montrer négligents. Ils font valoir que les deux hypothèses qu’il a émises et qui permettraient d’exclure une négligence des prévenus ne seraient pas vraisemblables. La première, soit que la victime ne se serait accrochée à la fenêtre qu’entre le moment où le contrôleur a donné le signal du départ et le moment où le train s’est ébranlé, serait en contradiction avec les témoignages. La seconde, selon laquelle la victime n’aurait pas été agrippée à la fenêtre de manière continue mais se serait accrochée avant de reculer et ainsi de suite, n’exclurait pas la responsabilité des prévenus, qui auraient néanmoins dû intervenir à l’encontre de la victime.
4.2
Pour parvenir à la conclusion que les circonstances exactes de l’accident ne pouvaient être établies et que les prévenus n’avaient pas vu la victime agrippée à la fenêtre du wagon au moment où ils ont donné le départ, le premier juge a apprécié les preuves de manière circonstanciée. Il a ainsi constaté, après les avoir examinées dans le détail, que les dépositions des témoins ne permettaient pas d’infirmer la version des prévenus selon laquelle ils n’avaient pas vu la victime s’accrocher au wagon. Il a estimé à juste titre que les indications temporelles données par les témoins variaient et n’étaient pas déterminantes. D’autre part, il est tout à fait possible que la victime n’ait pas été agrippée constamment à la fenêtre lorsque le train était immobilisé sur le quai, le fait de discuter avec des amis se trouvant dans le compartiment n’impliquant pas de s’accrocher à celle-ci. En outre, le tribunal a retenu que la déposition du mécanicien [...] corroborait la version des prévenus, élément de preuve qui n’a pas été remis en cause par les appelants. Ce témoin explique ainsi avoir jeté un dernier coup d’oeil dans son rétroviseur pour vérifier que les agents étaient montés à bord du convoi et n’avoir pas constaté qu’une personne était agrippée au wagon (jugement en p. 25).
En définitive, aucun élément probant suffisant ne vient contredire la conclusion à laquelle est parvenu le premier juge que les agents CFF n’auraient pas vu A.G._ agrippé à la fenêtre du wagon, cela à tout le moins au bénéfice du doute. Il n’est en effet pas exclu que la victime se soit accrochée à la fenêtre alors que la procédure de départ était terminée, soit après qu’Z._ a donné l’autorisation de départ au mécanicien, ce d’autant plus que, comme l’a retenu le premier juge, il restait encore un certain laps de temps avant que le train ne se mette effectivement en mouvement une fois les agents remontés dans le train et le dernier contrôle effectué par le mécanicien à l’aide de son rétroviseur.
5.
5.1
Les appelants font enfin valoir une appréciation arbitraire des preuves. Le premier juge n’aurait en particulier pas pris en compte correctement le témoignage de [...]. Ils en déduisent que le tribunal a considéré que ce témoin avait inventé ou menti.
5.2
L’appréciation des preuves est l’acte par lequel le juge du fond évalue la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. L’appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin, même prévenu dans la même affaire, dont la déclaration va dans un sens, qu’à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse; il peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory, in: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP et les références citées).
5.3
Contrairement à ce que soutiennent les appelants, le premier juge n’a pas écarté les déclarations du témoin [...]. Il s’est au contraire référé à sa déposition pour constater que ce témoin ne pouvait pas se prononcer sur le laps de temps qui s’est écoulé entre le moment où le jeune homme s’est accroché à la fenêtre et celui où le train a démarré (jugement p. 26). lI a également relevé que dans une audition ultérieure, ce témoin avait indiqué que, comme il discutait avec sa copine, quelque chose avait pu lui échapper (ibidem). On ne discerne donc aucune appréciation arbitraire des preuves à considérer que ce témoignage n’était pas probant.
6.
6.1
Compte tenu de ce qui précède, les prévenus devant bénéficier de la version qui leur est la plus favorable, l’acquittement d’Z._, de Y._ et de X._ doit être confirmé.
6.2
De toute manière, à supposer une éventuelle et brève inattention de l’un des prévenus, le jugement de première instance doit être complété comme suit au sujet du comportement de A.G._.
D’une part, sa consommation d’alcool n’est sans doute pas étrangère à l’accident dramatique dont il a été victime. Compte tenu de la gravité de ses blessures, aucune prise de sang n’a pu être effectuée pour déterminer son taux d’alcoolémie. Entendue sur place juste après les faits, [...] a déclaré que A.G._ avait bu deux litres de bière et un cocktail (P. 8 p. 3), ce que l’intéressé a démenti en indiquant qu’il n’avait consommé que deux choppes de bière (PV 2 l. 14). On peut toutefois raisonnablement douter de cette dernière affirmation, dans la mesure où on ne conçoit guère pourquoi [...], alors qu’elle a été très affectée par cet accident, aurait exagéré voire menti sur cette question et que les déclarations de ce témoin apparaissent en outre confortées par le fait que la bande d’amis s’est rendue dans trois bars différents avec l’intention manifeste de consommer de l’alcool (
« Nous avons dû aller aux Brasseurs car nous ne pouvions pas boire dans le premier pub »
P. 8 p. 3 ;
« Nous n’y sommes pas restés longtemps car certains d’entre nous n’avaient pas l’âge de consommer de l’alcool [...] mes amis ont commandé une tour de bière »
PV 2 l. 10 ss ;
« ensuite, nous sommes allés [...] dans un petit bar pour finir la soirée »
P. 8 p. 4).
D’autre part, on relèvera que certains témoignages laissent penser que la victime, inconsciente des risques qu’elle encourait, a volontairement continué de s’agripper à la fenêtre du wagon lorsque le train s’est mis en mouvement, alors qu’elle était encore en mesure de lâcher prise. En effet, aucun des témoins ne semble avoir estimé que la victime était coincée avant que le train ne prenne de la vitesse ni ne rapporte par exemple que celle-ci avait été immédiatement prise de panique dès que le train s’était mis en marche. Au contraire, certains d’entre eux considèrent que c’est la soudaine accélération du train qui l’a prise au dépourvu («
Quand le train a démarré A.G._ a continué à s’agripper. Les filles lui demandaient de lâcher. Il a toutefois continué alors que le train avait déjà pris de la vitesse. Je pense qu’il a été surpris par l’accélération soudaine du train
» PV 1 l. 30 ss ;
« Au départ, j’ai l’impression que A.G._ a continué à discuter avec nous pour « plaisanter ». Par la suite, lorsque le train a accéléré il n’a plus pu lâcher la fenêtre »
PV 5 l. 16 ss ;
« Le train s’est mis en marche. Il était toujours agrippé à la fenêtre et courait à côté du train. Selon moi, il voulait continuer à parler à ses amis. Il a été surpris par l’accélération du train qui a été rapide »
PV 11 l. 19 ss ;
« Il est vrai que la victime a d’abord marché à côté du train lorsque celui-ci s’est mis en mouvement. Il était toutefois déjà agrippé à la fenêtre »
PV 17 l. 29 ss).
Il n’y a toutefois pas lieu d’examiner davantage cette question. En effet, la faute de la victime n’est pas déterminante sur le plan pénal, dès lors qu’aucune négligence des prévenus n’est établie.
7.
Compte tenu de l’acquittement des prévenus, les conclusions des appelants tendant à ce qu’acte de leurs réserves civiles leur soit donné et à ce qu’une indemnité au sens de l’art. 433 CPP leur soit allouée doivent être rejetées.
8.
En définitive, l’appel formé par A.G._, B.G._ et C.G._ doit être rejeté et le jugement rendu le 1
er
décembre 2014 par le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, constitués en l’espèce de l'émolument d’arrêt, par 2’020 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), seront supportés par les appelants, solidairement entre eux (art. 428 al. 1 CPP).
L'acquittement de X._, Y._ et Z._ ayant été confirmé, ces derniers, assistés d’un défenseur de choix, ont chacun droit à une indemnité pour leurs frais de défense (art. 429 al. 1 let. a CPP) qui sera arrêtée à 3'240 francs. Cette indemnité, qui correspond à 12 heures de travail à un tarif horaire de 270 fr., TVA comprise, sera mise à la charge des appelants (art. 26a TFIP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8ab6d386-4099-4a1e-9a95-8783b9b3e51c | En fait :
A.
Par jugement du 20 mars 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que C._ s’est rendu coupable de vol (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 20 fr. (II), a révoqué le sursis qui lui avait été octroyé le 28 août 2013 par le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois (III), a dit qu’il est le débiteur de H._ d’un montant de 400 fr. à titre de dommages-intérêts (IV) et a mis les frais de justice, par 900 fr., à sa charge (V).
B.
Par annonce motivée du 27 mars 2015, C._ a fait appel de ce jugement, en concluant implicitement à son acquittement (P. 16).
Tant le Ministère public que H._ ont conclu au rejet de l’appel (P. 20 et 24).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
a) C._ est né le [...]. Ressortissant [...], il est arrivé en Suisse en 2011 ou 2012 selon ses dires. Il est requérant d’asile et titulaire d’un livret N valable jusqu’au 21 juillet 2015. Divorcé, il vit dans un appartement à [...] avec ses trois enfants âgés respectivement de 4, 7 et 8 ans. Il a un quatrième enfant, le plus jeune, resté en [...]. Son père, qui vivait avec eux, a été placé dans un studio à [...]. C._ touche une aide sociale de 1'300 fr. par mois de la part de l’EVAM, pour son entretien et celui de ses enfants. Il n’exerce pas d’activité lucrative. Il n’a pas d’autre source de revenu ni de dette.
Le casier judiciaire suisse de l’appelant comporte la condamnation suivante :
- 28 août 2013, Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, vol, peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr., avec sursis pendant 2 ans.
b) Le 17 janvier 2014, à son domicile du chemin de [...], à [...], aux alentours de 11h00, C._ a dérobé la somme de 400 fr. dans le porte-monnaie de H._, occupée à faire le ménage. Il a profité du fait que la plaignante avait laissé son sac contenant son porte-monnaie à l’entrée de l’appartement.
Le 22 janvier 2014, H._ a déposé plainte pénale et s’est constituée partie civile sans toutefois chiffrer ses prétentions. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, l'appel a été formé en temps utile, par le dépôt d'une annonce d'appel motivée. Il est ainsi recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L’appelant conteste sa condamnation pour vol, affirmant que celle-ci ne reposerait sur aucune preuve suffisante.
3.1
L’art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation (al. 3).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s’agit de l’acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory,
in
: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP; Kistler Vianin, op. cit., nn. 19 ss ad art. 398 CPP, et les références jurisprudentielles citées).
Lorsque l'autorité a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a; cf. aussi, quant à la notion d’arbitraire,
ATF 136 III 552 c. 4.2).
3.2
En l’espèce, C._ dit que ce n’est pas lui qui a volé deux fois 200 fr. dans le porte-monnaie de H._, dépêchée par le CMS d’Aigle pour fournir une aide à domicile.
A l’arrivée de la plaignante au domicile du prévenu, il y avait le père de ce dernier et l’un des enfants âgé de trois ans. Le prévenu est arrivé une dizaine de minutes plus tard. H._ a expliqué qu’elle venait de retirer 400 fr. du bancomat et qu’elle n’a pas fait d’autre ménage après celui du prévenu lorsqu’elle a constaté que les deux billets de 200 fr. avaient été subtilisés et remplacés par un dessin d’enfant (P. 7). Il n’y a pas de raison de douter des dires de la plaignante, qui a déposé plainte en désespoir de cause après avoir demandé à la famille de C._ qu’on lui restitue son argent dans une enveloppe à déposer au CMS.
S’agissant ensuite de la personne qui a commis le vol, la plaignante explique que le père de l’appelant se trouvait dans une chambre et jouait avec son petit-fils. Dans ses déclarations claires et convaincantes, elle explique qu’il n’est pas possible qu’il ait pu prendre l’argent qui se trouvait dans son sac qu’elle avait déposé sur un petit meuble en face de l’entrée, dont la porte était fermée, ce qui exclut un voleur de passage (jugement attaqué, p. 8). Ses soupçons se sont ainsi immédiatement portés sur C._, car son attitude était particulière; il était passé en coup de vent et était stressé. Si ces seuls éléments ne sont en soi pas assez probants, d’autres éléments au dossier permettent de fonder la conviction de la Cour quant à la réalité des faits reprochés à l’appelant.
Tout d’abord, plusieurs déclarations du prévenu sont contradictoires. Entendu par le procureur, C._ a expliqué que son père était revenu de son rendez-vous chez le dentiste après l’arrivée de H._ à leur domicile, alors que ce rendez-vous n’a en réalité eu lieu qu’ultérieurement soit à 11h45 (P. 4, p. 5). De même, l’appelant a expliqué qu’il avait dû précipitamment quitter le domicile pour se rendre à un rendez-vous médical à Lausanne alors que ce rendez-vous n’avait lieu qu’à 14h00, soit bien après les faits reprochés (PV aud. 4; P. 4). A cet égard, comme l’a relevé le Tribunal de police, les déclarations de C._ n’ont cessé de varier puisque après avoir indiqué dans un premier temps qu’il devait se rendre au CHUV (PV aud. 2), il a ensuite prétendu qu’il devait voir le Dr [...] (PV aud. 4, p. 2) puis enfin la Dresse [...] (jugement attaqué, p. 4) lesquels ne pratiquent pas dans cet établissement.
Ensuite, il ressort du jugement que lorsque la plaignante a expliqué plus tard au père du prévenu qu’elle avait été volée lors de son passage à l’appartement de celui-ci, il lui avait déclaré « qu’est-ce que mon fils a encore fait ? ». A cela s’ajoute que l’appelant a déjà été condamné pour vol le 28 août 2013 et les explications qu’il donne à ce sujet sont fantaisistes.
L’ensemble des éléments qui précèdent permettent d’affirmer que C._ qui a subtilisé l’argent qui se trouvait dans le porte-monnaie de H._ lorsque celle-ci est venue travailler à son domicile le 17 janvier 2014.
4.
4.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 IV 6 c. 6.1).
4.1.2
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits. Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
4.1.3
En vertu de l'art. 46 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel (al. 1
re
phr.). S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation (al. 2, 1
re
phr.).
La commission d'un crime ou d'un délit durant le délai d'épreuve n'entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Seul un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné peut justifier la révocation. A défaut d'un pronostic défavorable, le juge doit renoncer à celle-ci. Autrement dit, la révocation ne peut être prononcée que si la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve (ATF 134 IV 140 c. 4.2 et 4.3; TF 6B_163/2011 du 24 novembre 2011 c. 3.2).
4.2.1
En l’espèce, la culpabilité de C._ n’est pas négligeable. Il a persévéré dans ses dénégations tout au long de la procédure, malgré les nombreuses incohérences auxquelles il a été confronté. Il n’a pas hésité à puiser dans le porte-monnaie d’une personne qui venait l’aider à son domicile. A cela s’ajoute que le prévenu n’en est pas à sa première infraction puisqu’il a été condamné le 28 août 2013 également pour vol. Sa prise de conscience fait défaut. A décharge, il sera tenu compte de sa situation précaire résultant de son statut de requérant d’asile.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la peine pécuniaire de 30 jours-amende à 20 fr. l’unité prononcée par le premier juge est adéquate et correspond aux principes légaux et à la culpabilité du prévenu. Elle doit être confirmée.
C._ a récidivé durant le délai d’épreuve accordé le 28 août 2013 par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois. Son attitude durant l’enquête ainsi que l’absence de réparation du dommage impliquent que l’on pose un pronostic défavorable. La peine sera donc ferme et le sursis octroyé le 28 août 2013 sera révoqué.
5.
En définitive, l’appel de C._ est rejeté, le jugement rendu le 20 mars 2015 par le Tribunal de police de l'arrondissement de l’Est vaudois étant intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, par 1'170 fr., doivent être mis à la charge de C._ (art. 428 al. 1 CPP et art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8b0f7572-c727-471a-831b-5759e21a2794 | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
décembre 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte a constaté que M._ s'est rendu coupable de mise en danger de la vie d'autrui et lésions corporelles simples par négligence (I), l'a condamné à une peine privative de liberté de quinze mois et suspendu l'exécution de la peine pour une durée de deux ans (II), a constaté que W._ s'est rendu coupable de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, conduite en état d'incapacité et infraction à la l'Ordonnance fédérale sur les règles de la circulation routière (III), a condamné W._ à une peine pécuniaire de 30 (trente) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. (trente francs), peine complémentaire à celle infligée le 8 novembre 2010 par le Juge d'instruction de La Côte, et a suspendu l'exécution de la peine pour une durée de deux ans (IV), a condamné W._ à une amende de 300 fr. (trois cents francs) et dit qu'à défaut de paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution sera de trois jours (V), a donné acte de leurs réserves civiles à M._ et à W._ (VI), a ordonné la confiscation et la destruction des objets et du matériel séquestrés sous n° 6, 7, 8 et 2854 (VII), a mis à la charge de M._ et de W._ une participation aux frais de la cause arrêtée respectivement à 5'609 fr. 15 (cinq mille six cent neuf francs et quinze centimes) et 16'000 fr. (seize mille francs) (VIII) et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité de 12'500 fr. (douze mille cinq cent francs) allouée à Me Angelo Ruggiero en qualité de défenseur d'office sera exigible pour autant que la situation économique de W._ se soit améliorée (IX).
B.
M._ et W._ ont chacun formé appel contre ce jugement, respectivement les 9 et 12 décembre 2011.
Par déclaration d'appel motivée du 23 décembre 2011, W._ a conclu à la modification des ch. I à V et VIII dudit jugement en ce sens que M._ est condamné pour mise en danger de la vie d'autrui et lésions corporelles graves à une peine privative de liberté supérieure à quinze mois et fixée à dire de justice, y compris en ce qui concerne l'exécution de la peine et son éventuelle suspension, qu'il est lui-même libéré de l'accusation de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et qu'il s'est rendu coupable uniquement de contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, de conduite en état d'incapacité et d'infraction à l'Ordonnance fédérale sur les règles de la circulation routière, sous réserve de l'éventuelle prescription qui pourrait intervenir pour certains des faits qui lui sont reprochés, qu'il est condamné à une peine fixée à dire de justice mais inférieure à la peine pécuniaire de trente jours-amende à 30 fr., peine complémentaire à celle infligée le 8 novembre 2010 par le Juge d'instruction de La Côte et dont l'exécution est suspendue pour une durée de deux ans (
sic
), et à une amende fixée à dire de justice mais inférieure à 300 fr., la mesure de substitution en cas de défaut de paiement de l'amende étant réduite en conséquence, et que les frais de justice de première instance sont répartis à dire de justice en fonction de la culpabilité de chacun des prévenus. L'appelant n'a pas requis l’administration de preuves, mais a réservé la production de certificats médicaux actualisés.
Par déclaration d'appel en sa faveur du 3 janvier 2012, M._ a conclu à son acquittement, à l'allocation de dommages et intérêts pour un montant de 1'275 fr. 50, valeur échue, ainsi qu'à une indemnité pour ses frais de défense dont le montant est à fixer par l'autorité de céans et à sa libération des frais de justice. Il a requis l'audition comme témoin du Major de gendarmerie [...].
Le 25 janvier 2012, le Ministère public a annoncé qu’il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière et à déclarer un appel joint. Les appelants ne se sont, quant à eux, pas déterminés sur la recevabilité de l'appel de l'autre partie.
Par lettre du 27 mars 2012, le Président de la cour de céans a rejeté la réquisition de preuve présentée par M._.
Par courrier du même jour, il a requis du Commandant de la gendarmerie la mise à disposition lors des débats d'appel d'une ceinture d'arme du type de celle ayant équipé M._, sans munition, avec pistolet, spray et autres accessoires.
Par courrier du 10 avril 2012, le conseil de M._ a, sur demande du Président, produit la liste détaillée des opérations effectuées par lui en première et deuxième instances, ainsi que les notes d'honoraires établies dans la présente cause.
Par lettre du 25 mai 2012, W._ a produit trois pièces concernant sa situation médicale.
A l'audience du 1
er
juin 2012, le Président a informé les parties que la Cour avait préalablement visionné le DVD de la reconstitution des faits et examiné les objets et le matériel séquestrés sous n° 6, 7, 8 et 2854. Il a en outre présenté aux parties la ceinture d’arme précitée en évoquant la position du spray, la sécurisation de l’arme dans son étui et la pression de l’index nécessaire au départ d'un coup. Les parties ont été entendues. Chacun des appelants a confirmé les conclusions prises dans son écriture et conclu au rejet de l'appel de l'autre, W._ précisant toutefois que le ch. II.I de sa déclaration d’appel devait se comprendre en ce sens qu’il concluait à la condamnation de M._ pour mise en danger de la vie d’autrui et lésions corporelles graves par négligence et non intentionnelles. W._, qui a produit une liste d'opérations, n'a expressément pas conclu à une indemnité de l'art. 429 CPP; M._ s'est, quant à lui, référé à cet égard au montant résultant du relevé des opérations produit par son conseil.
Le Procureur a conclu principalement au rejet des appels et subsidiairement, pour M._, à une condamnation pour lésions corporelles simples par négligence à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, à 80 fr. le jour-amende, avec sursis pendant deux ans.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
W._, né le 30 juillet 1984 à Nyon, a, au terme de sa scolarité effectuée à Gland, entrepris un apprentissage de peintre en carrosserie et obtenu son CFC. Entre 2004 et 2008, il a travaillé en cette qualité pour le compte de son père et de son oncle, percevant un salaire mensuel de 4'500 francs. En attente d'une décision AI, il n'exerce actuellement aucune activité lucrative et reçoit de la SUVA un montant mensuel de 1'750 à 1'800 francs.
Son casier judiciaire comporte les inscriptions suivantes :
- 12 juillet 2004, Préfecture de Lausanne, conduite en étant pris de boisson, amende 450 fr., sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve un an;
- 8 novembre 2010, Juge d'instruction de La Côte, violation grave des règles de la circulation, peine pécuniaire 30 jours-amende à 30 fr., sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve deux ans, amende 240 francs.
2.
M._, né le 9 août 1964 à Lausanne, a effectué sa scolarité obligatoire d'abord à Cheseaux, puis à Lausanne à l'école du Valentin, avant d'entreprendre avec succès un apprentissage de menuisier. A son retour de 9 mois d'armée, il a travaillé dans sa profession jusqu'à l'âge de 25 ans, avant de suivre l'Ecole vaudoise de gendarmerie. Il a occupé un poste de gendarme entre 1990 et 2007 aux brigades de circulation puis d'intervention, avant d'être rattaché au service des radars auquel il est toujours affecté, étant précisé que depuis le jugement de première instance, il ne travaille plus sur le terrain. Remarié, il est père de trois enfants âgés respectivement de 19, 9 et 7 ans. Ses revenus mensuels ascendent à 7'300 francs. Son casier judiciaire est vierge de toute inscription.
3.
3.1
Le 9 décembre 2008, durant la soirée, à Gland, W._ a consommé du cannabis.
3.2
Le 10 décembre 2008, vers 15h00, toujours à Gland, W._, encore sous l'influence du cannabis, a pris le volant de son automobile [...] pour se rendre de la station-service [...] de la rue [...], qui appartient à sa famille, au parking du magasin [...], situé [...], pour y chercher et remorquer l'automobile de son ami X._, une [...].
Arrivé au parking, W._ a attaché le véhicule de X._ au sien au moyen d'une corde de longueur réglementaire, mais non signalée bien visiblement en son milieu.
Vers 15h20, chacun au volant de son véhicule respectif, ils ont tous deux quitté le parking pour regagner la station-service [...], la voiture de W._ tractant celle de son ami.
M._ roulait quant à lui sur la rue [...] au volant d'un petit utilitaire [...] banalisé, cherchant un endroit où installer un appareil radar.
Les trois conducteurs ont abordé en même temps le giratoire à l'intersection de ces deux routes, à [...] mètres de la station [...]. M._, qui n'avait pas vu que le véhicule conduit par W._, qui arrivait sur sa droite, tractait celui de X._, a laissé passer le premier et a été surpris que le second ne le laisse pas s'engager dans le giratoire comme il en avait l'intention. Il a freiné, donné un coup de klaxon et levé les bras au ciel. X._ a répondu par un geste perçu comme un doigt d'honneur par le policier. M._ a décidé de procéder à l'interpellation de ce conducteur. Il l'a donc suivi sur l'avenue [...], où les véhicules de W._ et X._ roulaient à 30-40 km/h, puis, voyant qu'aucune voiture n'arrivait en sens inverse, il a franchi la ligne blanche et s'est porté à hauteur du conducteur X._ pour lui faire voir son uniforme et lui intimer l'ordre, par geste, de s'arrêter, manœuvre que W._ a vue dans les rétroviseurs de sa voiture. Fâché d'être suivi de trop près, X._ a fait un doigt d'honneur à l'intention du policier. M._ s'est aperçu que le véhicule de X._ était en réalité tracté et s'est rangé derrière lui.
Peu après, arrivé à destination, W._ s'est engagé sur l'aire de la station-service, a dépassé les colonnes à essence et s'est arrêté sur le côté du bâtiment, à l'entrée et à droite d'une zone où étaient stationnés des véhicules en attente de réparation. X._ et M._ ont arrêté leur voiture à la suite, celui-ci sur la zone des colonnes, tout à gauche de la station.
M._ est sorti précipitamment de sa voiture, équipé de sa ceinture de charge comportant notamment un pistolet "SIG P226" de calibre 9 mm et un spray au poivre "SLB Guardian", afin de faire constater aux deux automobilistes la non conformité du câble de remorquage et pour leur faire la leçon. Il a d'abord croisé X._ qui sortait de sa voiture et lui a ordonné de présenter ses papiers. Pendant que celui-ci était penché à l'intérieur de son véhicule pour chercher ses documents, M._ a poursuivi en direction de W._ qui sortait également de son véhicule. Il lui a ordonné de présenter ses papiers en ajoutant que la corde n'était pas conforme. W._ ne s'est pas exécuté.
Excédé par le comportement routier de M._ et éprouvant de la colère, après avoir réalisé qu'il avait affaire à un policier, W._ l'a agressé verbalement, a proféré des menaces de mort à son encontre et l'a poussé à l'épaule gauche en se référant au badge de police arboré à cet endroit. Le gendarme a alors repoussé le jeune homme avec son bras gauche, en mettant la main droite sur la crosse de son pistolet. Indigné par la réaction du policier, W._ lui a asséné une série de coups de poing à la tête. M._ l'a fortement repoussé aux épaules, a reculé de deux pas et a sorti son pistolet, l'index tendu sur le canon de l'arme, pour le diriger vers les jambes de son agresseur en lui intimant l'ordre de se calmer. Au vu de l'état d'excitation de son adversaire, qui fustigeait son comportement, il a rengainé son arme pour tenter de calmer la situation. Ce geste a été immédiatement suivi d'une nouvelle approche et d'une nouvelle série de coups de poing de W._ au cours de laquelle les lunettes de M._ ont été éjectées et se sont brisées. M._ a répondu en repoussant le jeune homme et en usant de son spray au poivre en direction du visage de celui-ci.
Cherchant à s'enfuir ou à entrer dans un bâtiment, W._, incommodé par le contenu du spray vaporisé sur lui, les yeux le brûlant, est parti en courant vers le fond de la cour, plié en deux, heurtant les rétroviseurs de plusieurs véhicules qui étaient stationnés à cet endroit. Entre-temps, M._ a rengainé son spray, a rejoint W._ entre deux voitures parquées et l'a saisi aux épaules avec ses mains dans l'intention de le mettre à terre pour l'immobiliser et lui passer les menottes. W._ lui a toutefois derechef asséné plusieurs coups de poing, puis a ramassé une demi-palette qui se trouvait sur le sol, s'est relevé et a, à l'aide de cet objet, frappé le policier à la tête, coup que celui-ci a partiellement paré de la main gauche. Ayant peur, M._ a reculé de deux pas, soit à une distance d'environ un mètre, a sorti son pistolet et l'a pointé vers le sol, devant lui, dans l'intervalle le séparant de W._, le doigt sur la détente, dans l'intention d'effectuer un tir de semonce et a crié "stop". Simultanément, W._ est revenu à la charge et au moment où ils étaient en contact, le coup de feu est parti. Le projectile a heurté l'angle inférieur gauche de la boucle métallique de la ceinture de W._ et s'est fragmenté. Deux fragments, mesurant 1,1 x 1,1 cm et 0,65 x 1,1 cm, se sont logés, selon une trajectoire oblique de l'intérieur vers l'extérieur et selon un angle d'environ 26° par rapport à un plan frontal, dans la région inguinale gauche du jeune homme, respectivement à 12 et 5,5 cm de profondeur par rapport au point d'entrée et un troisième fragment a été ultérieurement trouvé au sol.
S'étant rendu compte que W._ était blessé, M._ a immédiatement averti le CET en demandant l'intervention d'une ambulance et d'une patrouille de police.
3.3
W._ a été conduit à l'Hôpital de zone de Nyon, puis transféré au Service des urgences du CHUV; il a ensuite été hospitalisé dans le Service d'orthopédie et de traumatologie de cet hôpital du 10 au 14 décembre 2008. En raison de leur proximité avec l'artère fémorale, les deux fragments de balle ont d'abord été laissés en place. Du 5 au 6 juin 2009, il a été à nouveau hospitalisé dans ce service, qui a procédé à l'extraction des deux fragments de projectile.
Il ressort de l'examen clinique de W._ effectué par le CURML dans la matinée du 24 décembre 2008 que l'intéressé présentait, en sus des plaies dues à la balle, trois dermabrasions superficielles en voie de cicatrisation au niveau du rebord orbitaire supérieur droit et de l'arête nasale.
Actuellement encore sous traitement psychothérapeutique et antidépresseur, W._ souffre toujours de neuropathie affectant plusieurs nerfs du pli inguinal et, selon ses dernières déclarations, une nouvelle intervention chirurgicale n'est pas exclue. Il a tenté de reprendre le travail à 30 et à 50 %, sans toutefois y parvenir. Désormais, il n'exerce plus d'activité lucrative et il attend une décision AI, espérant un reclassement professionnel.
3.4
A la suite des faits susmentionnés, M._ a, quant à lui, présenté, lors de son examen clinique du 12 décembre 2008, des dermabrasions et des ecchymoses au niveau du cuir chevelu, du visage, des membres supérieurs et du thorax.
3.5
W._ a déposé plainte le 13 décembre 2008. Il a demandé qu'il lui soit donné acte de ses réserves civiles.
M._ a déposé plainte le 18 décembre 2008 et a pris des conclusions civiles par 1'275 fr. 50. Il a également conclu à l'allocation d'une indemnité pour ses frais de défense. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjetés dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels sont recevables. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
On examinera tout d’abord l'appel de W._ (ch. 4), puis celui de M._ (ch. 5).
4.
Invoquant une constatation incomplète, erronée et arbitraire des faits, W._ conteste sa condamnation pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires. Il soutient n’avoir jamais frappé M._ et ne s’être que défendu des agressions de celui-ci.
Il reproche aux premiers juges d'avoir écarté sa version des faits au profit de celle de M._.
4.1
4.1.1
La constatation est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
4.1.2
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3). La présomption d'innocence, également garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU, 6 par. 2 CEDH et 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes (TF 6B_91/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2). Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent pas à exclure une condamnation. Il doit s'agir au contraire de doutes sérieux et irrépressibles (ATF 127 I 38 c. 2a).
4.1.3
L'art. 285 al. 1 CP réprime le comportement de celui qui se sera livré à des voies de fait sur un membre d'une autorité ou un fonctionnaire pendant qu'il procédait à un acte entrant dans ses fonctions. L'art. 285 CP n'exige pas que l'auteur essaie d'empêcher l'acte officiel par les voies de fait. Il peut s'agir d'une pure réaction de colère, sans aucun espoir de modifier le cours des événements. Il suffit que le membre de l'autorité ou le fonctionnaire agisse dans le cadre de sa mission officielle et que c'est en raison de cette activité que l'auteur se livre à des voies de fait sur lui (Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. II, Berne 2010, n° 17 p. 512; Trechsel/Vest, in: Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 2008, n° 8 ad. art. 285 CP; Donatsch/Wohlers, Delikte gegen die Allgemeinheit, 3. Aufl. 2004, p. 313 s.).
En revanche, l'art. 285 CP n'est pas applicable si l'auteur règle un compte privé avec le fonctionnaire, mais à un moment où celui-ci est en fonction (
ATF 110 IV 91
c.. 2 p. 92; TF 6B_834/2008 du 20 janvier 2009 c. 3.1; TF 6B_602/2009 du 29 septembre 2009 c. 3.1).
Réprimant une infraction contre l'autorité publique (cf. Titre XV du Code pénal), la disposition en cause protège non pas l'intégrité physique du fonctionnaire personnellement, mais le bon fonctionnement des organes de l'Etat (Wiprächtiger, Gewalt und Drohung gegenüber Beamten oder Angestellten im öffentlichen Verkehr unter besonderer Berücksichtigung des Bahnpersonals, RSJ 93 (1997) 209, sp. p. 210).
Au surplus, l'infraction visée par l'art. 285 CP est intentionnelle (cf. Corboz, op. cit., n° 19 ad. art. 285, p. 513).
4.2
En l'espèce, confrontés à deux versions divergentes quant au déroulement précis des événements, les premiers juges ont retenu qu'au moment où M._ a ordonné à W._ de présenter ses papiers, ce dernier ne s'est pas exécuté, mais "a tout au contraire pris à partie M._ et fustigé son comportement". Le tribunal a donc laissé entendre que W._ aurait attaqué en premier le gendarme, sans toutefois motiver plus avant sa décision sur ce point, se limitant à ajouter qu'"une empoignade s'en est suivie au cours de laquelle différents coups ont été échangés entre les protagonistes" (jugt, p. 39).
Or, il importe de compléter l'état de fait et d'exposer les motifs de la conviction judiciaire, dans la mesure où chaque partie prétend que l'autre l'a attaquée et qu'elle-même n'a fait que se défendre, en expliquant pourquoi on écarte telle version des faits et on retient telle autre et en examinant dans quelles circonstances les coups ont été portés.
4.2.1
Tout d'abord, il convient de déterminer certains traits de personnalité et l'état d'esprit des deux protagonistes au moment des faits, puisque chacun affirme que l'autre s'est comporté en agresseur.
S'agissant de M._, connu de sa hiérarchie pour son "franc parler" (jugt, p. 10), il ressort de la deuxième fiche d'évaluation établie à son sujet le 12 septembre 1991 (pièce 66) les éléments suivants : "Jeune brigadier, encore peu à l'aise dans ses contacts extérieurs. Doit faire un effort lors de ses interventions envers les usagers, notamment dans le ton et les propos tenus." Une appréciation semblable résulte de la plupart des fiches d'évaluation établies par la suite, entre 1992 et 2007, où il est fait état, notamment, de son caractère "trop intransigeant" (fiches des 29 septembre 1992 et 24 mars 1994), de sa tendance à discuter, voire à contester "les remarques justifiées qui lui sont faites" (fiche du 18 novembre 1998) et de ses "difficultés de communication" (fiche du 25 octobre 2004). Dans l'appréciation d'avril 2007, soit quelque 20 mois avant les faits, M._ est décrit par ces termes : "(...) doit faire preuve de plus de retenue et d'objectivité dans sa façon de s'exprimer (...). Energique dans les interventions, manque parfois de tact".
A cela s'ajoute que le témoin X._ a indiqué que M._ sortant de son véhicule s’était approché de façon très déterminée, qu’il s’était adressé à lui de manière "très très agressive", que le ton entre W._ et M._ était monté rapidement et que ce dernier avait donné l’impression de se comporter comme une personne très énervée davantage qu’en policier (PV aud. 2 pp. 2 s.; jugt, p. 14), son ton étant particulièrement agressif (jugt, p. 14). Le témoin [...] a confirmé que le policier était sorti précipitamment de sa voiture, en courant (PV aud. 8, p. 1; jugt, p. 13).
M._ a contesté avoir été fâché (PV aud. 7, p. 2). Il a d’abord prétendu qu’il avait l’intention non pas de dénoncer les deux automobilistes, mais uniquement de leur faire une remarque (PV aud. 4, p. 2
in fine
), avant de préciser qu'il entendait également effectuer un contrôle (PV aud. 4, p. 3) et qu'il voulait interpeller le conducteur, soit X._, pour lui rappeler la politesse et aussi le danger de son comportement (PV aud. 7, p. 2), étant précisé, s'agissant de cette dernière déclaration, que le policier n'avait pas encore remarqué, à ce moment-là, que le véhicule de X._ était tracté (
ibidem
).
Ainsi, en plus de son caractère durablement et incorrigiblement réactif et sans doute excessif, M._ a, quoi qu'il en dise, vraisemblablement éprouvé de l’irritation parce qu'on lui avait coupé la route au giratoire, l’obligeant à freiner, qu’on lui avait adressé une injure gestuelle et qu’il avait réalisé, en tentant d’intercepter X._, que le véhicule de celui-ci était tracté, ce qui excluait de lui reprocher une violation de la priorité, mais que le câble de remorquage était peut-être trop long et surtout qu’il n’était pas signalé.
Quant à W._, on relèvera qu'en 2003, alors âgé de 19 ans, il a fait l’objet d’une agression, selon ses dires, par un groupe de cinq individus au festival Paléo de Nyon, agression au cours de laquelle il a reçu plusieurs coups de couteau à l’abdomen. Il en porte les cicatrices (pièce 31, pp. 3 s.). Selon ses propres déclarations, cette affaire l’a traumatisé et il a décidé, depuis lors, de ne plus se laisser faire s’il se faisait agresser physiquement (PV aud 3, p. 3). C’est d’ailleurs en raison de ces faits qu’il a suivi des cours de boxe thaï (jugt, p. 7) et qu’il a pratiqué les arts martiaux durant plusieurs années (pièce 62/1, p. 3
in fine
). En outre, en mai 2008, il a fait l’objet d’une plainte pénale de la part d'un tiers qu’il avait, en raison d’une violation de priorité sur la route, frappé à coups de pied et de poing, suscitant la riposte de son adversaire. En cours d’enquête, W._ avait reconnu avoir donné le premier coup et expliqué son comportement par le fait qu’il était sujet à des réactions exacerbées lors d’un conflit, réactions suscitées par l’agression de 2003 (pièce 63; PV aud. 4, p. 2). La psychothérapie qu'il a suivie en 2010 en raison d’un état anxio-dépressif sur stress post-traumatique était en partie induite par cet épisode de 2003 (pièce 113/1). Finalement, une conciliation est intervenue le 17 mars 2009, W._ ayant pris les frais d’enquête à sa charge et accepté de verser une indemnité de 300 fr. en échange d’un retrait de plainte. On constate ainsi que cette affaire pénale a chevauché celle du 10 décembre 2008 ici jugée. A l’audience de jugement du 30 novembre 2011, l’ancien plaignant, entendu comme témoin, a confirmé qu'à l'époque le prévenu l’avait immédiatement frappé (jugt, p. 9). Ce dernier a, pour sa part, soutenu qu’il avait été provoqué et qu’il était sorti de sa voiture pour répondre aux injures (jugt, p. 7).
En ce qui concerne le premier contact de W._ avec le policier M._, le témoin X._ a indiqué que son ami commençait aussi à "être chaud" et qu’étant italien, il avait "le sang chaud" (PV aud. 2, p. 3). Il a encore précisé à l’audience de première instance que le ton élevé et les propos de W._ étaient réactifs au ton très agressif du policier (jugt, p. 14).
La Cour d’appel pénale retiendra en définitive que le prévenu M._, irrité comme son ton et sa démarche précipitée le montrent, a entrepris à la fois d’intervenir de manière justifiée, au vu du danger objectivement induit par la visibilité insuffisante du câble de remorquage utilisé, non conforme aux prescriptions, et à la fois de faire la leçon à ces automobilistes avec sa propension personnelle à la rudesse, étant précisé que son parcours professionnel de 20 ans dans la gendarmerie vaudoise ne révèle pas d’usage inconsidéré ou abusif de la force, mais uniquement une certaine inadéquation du langage. D'autre part, la cour de céans estime que W._, prompt à régler des différends de circulation par le recours à la violence, sous l’emprise de cannabis (pièce 40) consommé la veille au soir (PV. aud. 6, p. 3), était furieux en raison du comportement routier de M._, en véhicule banalisé, qui avait klaxonné, suivi et rejoint le convoi pour faire des reproches aux jeunes conducteurs et qui, surtout, avait circulé à gauche d’une ligne de sécurité pour se porter à la hauteur du véhicule tracté. Alimentée par son traumatisme de victime, la colère de W._ s’est encore accrue lorsqu'il a réalisé avoir affaire à un policier qui entendait se prévaloir de sa fonction.
4.2.2
S'agissant de "l'empoignade" (jugt, p. 39) qui s'en est suivie, il convient de retenir la version de M._. En effet, le récit des événements donné par W._ selon lequel le policier l’aurait d’entrée de cause poussé contre la portière de sa voiture, puis qu’il aurait réagi à ses protestations verbales en le braquant de son arme et enfin en l’aspergeant du contenu de son spray, n’est ni vraisemblable, ni crédible. Non seulement ce comportement abusif et délictuel (menaces et abus de pouvoir) serait absurde, car dépourvu de tout motif, mais il irait surtout à l’encontre de l’expérience et des réflexes professionnels acquis durant la formation et la longue pratique professionnelle du sergent. Habitué à gérer des interventions conflictuelles où peuvent être exprimées des protestations véhémentes, le dénonciateur n’aurait pas eu recours à la force de sa propre initiative dans un contexte de simple contravention de circulation routière où il aurait uniquement été confronté à une opposition verbale. D’un autre côté, l’initiative de l’attaque physique est conforme au mode de fonctionnement impulsif et agressif de W._ lorsqu’il s’estime offensé ou bafoué dans son droit, ainsi qu’il l’a démontré moins de 7 mois auparavant, la scène du 9 décembre 2008 reproduisant
mutatis mutandis
celle du 15 mai 2008.
Par ailleurs,la version de W._, qui admet uniquement avoir répondu à la bourrade initiale du policier en le repoussant à son tour des deux mains (PV. aud 3, p. 3), est incompatible avec le bris des lunettes du policier. Ces lunettes n’ont pas été perdues, comme le retient le jugement attaqué (p. 39
in medio
), mais violemment éjectées de la tête de M._ lors d'un coup de poing, vraisemblablement assené dans un mouvement latéral, une simple bourrade frontale aux épaules n’étant pas susceptible d’entraîner cette éjection. De plus, cette paire de lunettes, retrouvée sous une voiture parquée le long de la haie (pièce 61/3), a été fracassée en 8 morceaux : les deux branches et les deux verres arrachés et détachés, l’angle d’un verre brisé, la partie médiane ainsi que l’articulation d’une branche séparées, une branche n’ayant pas été retrouvée (pièce 112/4). Cette preuve matérielle qu’au moins un coup violent a été donné à la tête du policier met à néant la version "défensive" et "passive" de W._.
Le récit des événements tel que livré par M._, qui parle de "deux ou trois coups sur le visage et le côté de la tête" (PV aud. 1, p. 2) et de "coups de poing au niveau du visage" (PV aud. 4, p. 3), à l’inverse de celui de W._, qui fait état d’une violence policière acharnée et gratuite, sonne juste dans ses articulations du processus d’escalade, dans ses correspondances entre propos et gestes et s’avère logique dans son déroulement : agressivité verbale et menaces de mort proférées par W._, en proie à la rage, au moment où M._ lui ordonne de présenter ses papiers, premier contact physique lorsque le premier pousse l’épaule droite du second en se référant au badge de police arboré à cet endroit, geste de ce dernier repoussant son agresseur, réaction de W._ qui s’indigne de ce que le gendarme a osé le toucher et qui lui assène une série de coups de poing à la tête, geste de M._ qui repousse fortement le jeune homme aux épaules, recule de deux pas et sort son pistolet pour le pointer en direction de son antagoniste en l’incitant au calme, nouvelle indignation de ce dernier, cette fois en référence à l’arme brandie, arme rengainée, geste immédiatement suivi d’une nouvelle approche puis, à portée, d’une nouvelle série de coups de W._, nouveau geste du policier qui repousse son adversaire et actionne son spray.
Contrairement à ce que soutient W._ (pièce 62/1, p. 4), le tableau des lésions constatées par le CURML n’exclut pas les coups au visage décrits par M._ (pièce 15). Dans le contexte d’un affrontement, il est parfaitement possible que des coups de poing, même violents, visant la tête n’aient laissé que peu de traces au visage, mais plusieurs aux tempes, à la nuque, au cou et aux bras, comme relevé par les médecins légistes. Au demeurant, W._ a finalement admis avoir donné des coups de poing et même, le cas échéant, de pied dans la 2
ème
phase de la bagarre (jugt, p. 7; PV aud. 3, p. 4).
Si le récit des faits livré par M._, qui a été décrit comme choqué ou abasourdi à l’issue de l’affrontement, a comporté de légères variations ou des rectifications, notamment en ce qui concerne l’impression de menace suscitée par la présence voisine de X._ au moment où le pistolet a été tiré de son étui pour la première fois (PV aud. 1, p. 2), des corrections ou des précisions de détail sont courantes lors de relations répétées de séquences d’affrontement physique comportant des actions multiples et denses, sans que cela n’altère l’impression de véracité que suscite la version des faits ainsi présentée. A cela s'ajoute que M._, avant même d'être confronté à la version de son agresseur, dont la première audition a eu lieu après la sienne, n'a pas tenté de cacher le moindre fait aux enquêteurs; il a admis dès le début avoir sorti son arme à deux reprises, avoir blessé le jeune homme au moyen de celle-ci et avoir réalisé la gravité de la situation (PV aud. 1). C'est d'ailleurs lui qui a averti le CET qu'il venait de tirer un coup de feu, qu'il y avait un blessé et qu'il fallait une ambulance et des patrouilles en renfort (
ibidem
; cf. ég. pièce 19)
En définitive, le fait que M._ était irrité au moment de l'interpellation des deux conducteurs ne suffit pas à retenir qu'il aurait agressé physiquement W._, comme celui-ci l'a fait plaider à l'audience de ce jour, W._ étant, comme on l'a vu, lui-même excédé par le comportement du policier, impulsif et prompt à frapper le premier dans sa hantise de ne plus jamais subir. La version de W._, qui a également varié dans ses déclarations s'agissant notamment de l'usage de la palette (PV aud. 3, pp. 3
in fine
et 4
in initio
et PV aud. 6, p. 2), n'est pas crédible, au vu des éléments susmentionnés.
4.2.3
Par conséquent, au vu de l'état de fait retenu ci-avant, W._ prétend à tort n'avoir fait que repousser l'agression du gendarme avec ses mains et ses pieds. C'est bien lui qui est passé de l'agression verbale et des menaces de mort au contact physique avec le policier, qu'il a bousculé et frappé à plusieurs reprises, n'étant ni intimidé ni freiné par son uniforme.
Ainsi, on doit admettre que W._ a volontairement menacé, poussé et frappé M._, qui a donc été agressé dans le cadre et en raison de ses fonctions, au surplus avec une intensité qui dépasse les voies de fait. La condamnation de W._ pour infraction à l'art. 285 CP ne viole donc pas le droit fédéral.
W._ ne saurait invoquer le fait justificatif de la légitime défense, faute d’attaque (Monnier, Commentaire romand, Code pénal I, 2009, n. 5 ad art. 15 CP; Pozo, Droit pénal, partie générale, Genève 2008, n° 699), dans la mesure où c’est lui qui le premier a porté la main sur M._ pour attenter à son intégrité corporelle. Au demeurant, les poussées du policier pour éloigner l’agresseur et l’usage du spray pour le neutraliser relevaient d’un acte de fonction licite, voire de la défense légitime. Or, si l’agression est justifiée, la "victime" ne peut pas contre-attaquer de manière licite, car la légitime défense n’existe pas face à un comportement réalisé lui-même en légitime défense (Pozo, op. cit. n° 702); de même un provocateur ne peut l’invoquer (Monnier, op. cit. n° 22 ad art. 15 CP).
Mal fondé, le moyen tiré d'une violation de l'art. 285 CP sur la base d'une rectification de l'état de fait doit donc être rejeté.
4.3
W._ demande que la peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant deux ans et l’amende de 300 fr. qui lui ont été infligées soient réduites.
Le prénommé fait dépendre cette conclusion d'appel uniquement de l'admission de son précédent moyen. Or, dans la mesure où celui-ci a été rejeté et où les autres infractions ne sont pas contestées, il n'y a pas lieu de revenir sur l'appréciation de la fixation de la peine par les premiers juges.
Par surabondance, compte tenu du concours de délits et surtout de la culpabilité du prévenu, qui, après avoir circulé sous l'influence du cannabis, s'est montré particulièrement violent et déterminé, de son absence de sincérité durant la procédure, de ses antécédents et de la peine-menace prévue à l'art. 285 CP, la quotité des jours-amende infligés, soit l’équivalent d’un mois, apparaît particulièrement clémente. Manifestement, les premiers juges ont très largement tenu compte, comme ils l’ont écrit (jugt, pp. 43
in fine
et 44), des conséquences subies par l’intéressé, notamment ses souffrances physiques et psychiques, sans toutefois appliquer – à juste titre – l'art. 54 CP, W._ n’ayant pas été directement atteint par les conséquences de son comportement, sa blessure n’étant, le cas échéant, qu’une conséquence indirecte de ses actes. Déjà marqué par un épisode de blessures subies en 2003, W._ a vécu un chamboulement de son existence à la suite de sa blessure par balle. A la suite des faits de la présente cause, il a souffert de douleurs très pénibles et d’un handicap à la marche. Il a dû subir plusieurs opérations et une autre n'est à ce jour pas exclue. Sa vie professionnelle et privée a été affectée et il a conçu des idées suicidaires (jugt, pp. 22 et 24). Selon les derniers documents médicaux produits (pièce 128/1) et ses déclarations de ce jour (p. 5
supra
), il est, près de trois ans et demi après les faits, toujours sous traitement antidépresseurs et psychothérapeutique. La chronicité de ses douleurs n'est pas exclue. Il ne peut plus travailler comme carrossier. En attente d'une décision AI, il perçoit des indemnités journalières versées par la SUVA de l'ordre de 1'750 à 1'800 francs.
La modeste amende de 300 fr., qui sanctionne les contraventions à l'art. 19a LStup (Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951, RS 812.121) et à l'art. 96 OCR (Ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962, RS 741.11), est adaptée aux ressources elles aussi réduites du prévenu. La peine privative de liberté de substitution est également adéquate.
En définitive, l'autorité de première instance n'a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l'art. 47 CP, de sorte que la peine pécuniaire et l'amende seront confirmées, étant précisé, comme l'a d'ailleurs admis aux débats d'appel la défense de W._, que les contraventions des 9 et 10 décembre 2008 ne sont pas prescrites, compte tenu du jugement condamnatoire interruptif de prescription rendu le 1
er
décembre 2011 (art. 97 al. 3 CP), soit juste avant l’échéance du délai de 3 ans de l’art. 109 CP.
4.4
W._ a également conclu à ce que M._ soit condamné pour lésions corporelles graves par négligence (p. 6
supra
) à une peine privative de liberté supérieure à 15 mois (appel, p. 5).
4.4.1
En tant qu'il porte sur la quotité de la sanction infligée à M._, l'appel de W._ est manifestement irrecevable en application de l'art. 382 al. 2 CPP. La question de la recevabilité est plus délicate en tant qu'elle concerne l'appel du plaignant relatif à la culpabilité de M._. Si à l'audience d'appel W._ a partiellement retiré son appel en précisant ne plus reprocher à M._ des lésions corporelles intentionnelles, comme sa déclaration d'appel initiale le mentionnait, il a néanmoins conclu à une condamnation du policier pour lésions corporelles graves, et non plus simples, par négligence.
La doctrine dominante admet que la partie plaignante, pour autant qu’elle soit directement touchée par une infraction (art. 115 CPP) et qu’elle se soit constituée comme "demandeur au pénal" (art. 119 al. 2 let. a CPP), puisse recourir sur la question de la culpabilité. En effet, cette question peut constituer un élément déterminant pour l’appréciation de ses prétentions civiles qu’elle n’est pas tenue de faire valoir dans le procès pénal et qu'elle peut invoquer dans un procès civil séparé; elle a ainsi un intérêt à pouvoir recourir, au pénal, sur l’élément de la faute (Calame, Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 11 ad art. 382 CPP; Schmid, Handbuch des schweizerischen Strafprozessordnung, 2009, n. 1462; Piquerez / Macaluso, Procédure pénale suisse, 3
e
éd, 2011, n. 1912; Ziegler, in: Niggli/Heer/Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2011, n. 4 ad art. 382 CPP; cf. ég. CAPE, 8 mai 2012, n° 124 c. 1.2).
L’art. 391 al. 2 CPP, qui ne limite pas la reformatio in pejus au seul Ministère public, et l’art. 407 al. 2 CPP, qui mentionne expressément un appel de la partie plaignante portant sur la culpabilité, parlent en outre en faveur de cette interprétation.
4.4.2
En l'occurrence, W._ a expressément déclaré déposer plainte pénale au terme de son audition du 13 décembre 2008 (PV aud. 3, p. 5) et le statut de victime LAVI lui a été accordé. A l'audience de première instance, il a en outre demandé acte de ses réserves civiles (jugt, p. 27). Dans ces conditions, il doit être considéré comme un demandeur au pénal au sens de l'art. 119 CPP, quand bien même il n'en a pas fait la requête formelle depuis l'entrée en vigueur de la procédure pénale fédérale (art. 448 al. 1 CPP). De plus, il paraît évident que le sort de l’action pénale dirigée contre M._ est susceptible d’avoir une incidence marquée sur l’action civile en responsabilité que W._ pourrait engager contre l’Etat de Vaud, plus particulièrement dans l’examen de la légitime défense de l’art. 52 CO qui, si elle est retenue, exclut toute réparation, et ce malgré le principe d’indépendance du civil et du pénal énoncé à l’art. 53 CO. Ainsi, l'appel de W._ est recevable en tant qu'il porte sur la culpabilité de M._.
La question de la qualification des faits reprochés à M._ sera examinée ci-dessous dans le cadre de l'appel de celui-ci.
5.
5.1
M._ soutient que l'état de fait retenu par les premiers juges est lacunaire, dans la mesure où il omet de mentionner plusieurs éléments, notamment les coups reçus de W._ juste avant que celui-ci le frappe avec la palette (jugt, p. 39
in fine
), la sommation qu'il a adressée à son adversaire avant de tirer le coup de semonce à terre, en criant "stop", et le fait que le jeune homme a pratiqué des sports de combat, en particulier la boxe thaïlandaise.
Le moyen tiré d'une constatation incomplète des faits en relation avec la première phase des événements a été analysé dans le cadre de l'appel de W._, si bien que l'on peut s'y référer (considérants 4.2.1 et 4.2.2
supra
). La pratique par celui-ci d'un sport de combat a été évoquée au considérant 4.2.1 ci-avant; on peut également s'y référer. Les deux autres éléments invoqués par M._ concernent la seconde phase, qui débute au moment où W._, incommodé par le contenu du spray vaporisé sur lui, est parti en courant vers le fond de la cour, plié en deux. Or, il y a lieu, sur ce point également, de compléter les faits retenus par les premiers juges et les motifs à l'appui de la conviction judiciaire (jugt, p. 39, par. 2).
5.1.1
Comme le montrent les photos de son visage (pièces 100/6/1 et 100/6/2), W._ a subi des chocs qui ont provoqué des entailles de la peau et des saignements, au front, à l’arête du nez et à l’orbite gauche. De l'avis des médecins légistes, ces lésions peuvent avoir été provoquées selon le mécanisme proposé par l’intéressé, soit un coup porté avec un objet contondant (pièce 31 pp. 7 s.). A cet égard, W._ a soutenu que M._ l’avait vraisemblablement frappé au visage dans la deuxième phase de la bagarre au moyen du spray. Pour sa part, M._ a nié avoir frappé son agresseur, que ce soit à poing nu ou avec un objet contondant, et il a reconnu ne pas avoir d’explications aux tuméfactions du visage de celui-ci (jugt, p. 25). Le jugement attaqué, quant à lui, n'en dit mot.
En cours d’enquête, W._ s’est souvenu que dans sa fuite, il avait heurté plusieurs rétroviseurs des voitures qui étaient stationnées le long des thuyas (PV aud. 3, p. 2). Même si par la suite il a déclaré avoir ressenti une douleur à l’arcade sourcilière droite juste avant le coup de feu (PV aud. 6, p. 2), il est hautement vraisemblable que courant plié en deux, donc tête en avant, voyant mal car les yeux le brûlant, il ait heurté des rétroviseurs et qu’il se soit blessé au visage à cette occasion. Il en résulte que M._ n’a pas poursuivi W._, comme ce dernier l'a soutenu en audience d'appel, en s’acharnant à vider son spray sur sa nuque ou son visage, puis en le frappant avec le spray vide au visage; d'ailleurs, on ne voit pas quand le policier, en pleine bagarre, aurait disposé du temps nécessaire, même bref, pour remettre son spray à la ceinture au flanc droit (cf. pièce 76/1), nul ne prétendant au demeurant qu’il aurait tenu son spray de la main gauche et ensuite simultanément empoigné son pistolet de la main droite, main dominante selon les images enregistrées lors de la reconstitution.
Ainsi, à l'instar du tribunal (jugt, p. 39, par. 2), il faut retenir que M._ a remis le spray à la ceinture après usage et qu’il a suivi le jeune homme qu’il pensait neutralisé pour l’entraver avec ses menottes et procéder ainsi à son arrestation.
5.1.2
S'agissant de la suite des événements, M._ a déclaré qu’au moment où, ayant dépassé W._, qui était penché en avant, il tentait de l’amener au sol en le saisissant aux épaules, celui-ci lui a derechef donné une salve de coups de poing rapides (PV aud. 4, p. 2 et PV aud. 7, p. 4). Dans sa première audition (PV aud. 3, p. 4), W._ a, pour sa part, admis s’être battu au corps à corps durant quelques secondes, frappant avec ses mains et peut-être avec ses pieds, mais il situe ces coups après l'utilisation de la palette et il n’en a plus fait état dans sa deuxième audition.
Avec M._, on constatera que le tribunal ne mentionne nullement cet affrontement, bien que les deux intéressés l’admettent, n'étant en désaccord que sur le moment du déroulement de cette attaque et, subjectivement, sur sa nature offensive ou défensive.
Là encore, on a d’autant moins de motifs d’écarter la version de M._ qu’en ce qui concerne le coup de tronçon de palette qui a immédiatement suivi, W._ a inexactement prétendu s’en être servi comme bouclier pour se protéger des projections du spray, avant de le lancer à l'horizontale. En réalité, le spray, vidé, avait été remis dans son étui. A cela s'ajoute que les lésions relevées par les médecins légistes sur le cuir chevelu du policier, plus particulièrement le haut du crâne (pièce 15, p. 3), prouvent que celui-ci a été frappé à la tête, tout en parant partiellement le coup de la main gauche, bout de palette ayant été soulevé à bout de bras et tenu à deux mains par W._, qui en a usé comme d’une massue improvisée (PV aud. 4, p. 4).
M._ explique s’être alors senti en danger, avoir reculé de deux pas, avoir dégainé son arme dans l’intention d’effectuer un tir d’intimidation au sol, avoir simultanément fait l’objet d’un nouvel assaut et s’en être protégé de la main gauche; il affirme que W._ "[lui] est arrivé dessus en même temps qu’[il] effectuai[t] le tir d’intimidation", "qu’il était quasi à bout touchant", qu’il s’était dit "merde", avait rengainé son arme et s’était avancé pour porter secours (PV aud. 1, p. 3).
Dans sa seconde audition, il a précisé qu'il s'était senti en danger de mort, qu’ils étaient tous deux séparés par une distance d’un mètre au maximum, que tout était allé très vite, qu’il voulait tirer un coup de semonce par terre, mais que son agresseur s’était jeté sur lui en une fraction de seconde, qu’ils étaient l’un contre l’autre au moment où il avait crié "stop" et où il avait tiré et qu’il avait ressenti une pression au bras droit qui tenait l’arme au moment où le coup partait (PV aud. 4, p. 4).
Dans sa troisième audition, il a indiqué avoir reculé de deux pas après le coup de palette, partiellement amorti ou dévié, dégainé son arme, le doigt sur la détente, le pistolet incliné à 45° et hurlé "stop" au moment où il avait tiré le coup de semonce au sol selon son intention, sans voir W._, car aveuglé par un voile blanc. Au départ du coup, il affirme avoir senti une résistance dans son poignet comme s’il butait contre quelque chose (PV aud. 7, p. 4).
A l'audience d'appel, M._ a expliqué qu'au moment où il a été frappé par la palette, il a reculé d'un pas, a crié "stop" et a tiré un coup de semonce, son intention étant de tirer au sol dans l'intervalle entre lui et W._ (p. 4
supra
).
Comme l’indique le jugement (p. 40), le projectile a heurté l’angle inférieur gauche de la boucle métallique de la ceinture de W._. Les deux hommes ont, à quelques centimètres près, la même stature. S’il est établi, par les déclarations convergentes sur ce point, que les deux adversaires étaient en contact lors du tir, il est impossible de déterminer avec sûreté si W._ se tenait alors droit ou s’il avait adopté une position fléchie ou basse. On ne sait pas davantage si les deux adversaires étaient rigoureusement face à face ou si l’un était de biais par rapport à l’autre. Deux fragments de balle se sont logés dans la cuisse gauche de W._, un troisième (pièce 27) a ultérieurement été trouvé au sol par sa mère (pièce 8, p. 2).
Selon la version de W._, c’est pendant la bagarre au corps à corps, debout, qu’il a senti quelque chose de dur contre son aine gauche. Après le coup de feu, il a compris qu’il s’agissait du canon du pistolet (PV aud. 3 p. 4). Dans sa deuxième audition, il a répété avoir ressenti la pression d’un objet dur contre le haut de la cuisse gauche et pratiquement au même moment avoir perçu la détonation (PV aud. 6, p. 2).
La cour de céans est d'avis qu'il est invraisemblable, selon la version fournie par W._, que M._ ait dégainé son pistolet en plein combat – opération qui nécessitait d'effectuer une torsion de la main droite enserrant la crosse pour dégager l'arme de l'étui – renonçant ainsi à protéger son flanc droit et sa tête alors que W._, plus rapide, le surclassait physiquement. Par ailleurs, dans la mesure où il a été vérifié sur les autres points disputés que M._ a livré une version conforme à la vérité, on peut admettre qu’il a bien hurlé "stop". Il y a lieu donc lieu de retenir, au bénéfice du doute, la version la plus favorable au policier, soit celle découlant de ses propres déclarations (p. 4
supra
), dont il n'y pas de raison de s'écarter.
En définitive, on retiendra qu'après avoir été rejoint par M._, qui l'a saisi aux épaules avec ses mains dans l'intention de le mettre à plat ventre, l'immobiliser au sol et lui passer les menottes, W._ lui a, à nouveau, asséné plusieurs coups de poing, a ramassé une demi-palette qui se trouvait sur le sol, s'est relevé et a, à l'aide de cet objet, frappé le policier à la tête, coup que celui-ci a partiellement paré de la main gauche. M._, qui a eu à ce moment-là peur pour sa vie, a reculé de deux pas, soit d'environ un mètre, a sorti son pistolet qu'il a pointé à 45° vers le sol, devant lui, dans l'intervalle entre lui et son antagoniste, le doigt sur la détente, dans l'intention d'effectuer un tir de semonce et a, en même temps, crié "stop". Simultanément, W._ est revenu à la charge et au moment où son corps est entré en contact avec le pistolet, le coup est parti, le blessant à l'aine.
5.2
M._ conteste l’intention et l’absence de scrupules dans la réalisation de l’infraction de la mise en danger de la vie. Il soutient également que la légitime défense et/ou l’accomplissement de son devoir de fonction ôte toute illicéité à cette infraction ainsi qu'aux lésions corporelles par négligence de l'art. 125 CP.
5.2.1
Selon l'art. 129 CP, celui qui, sans scrupules, aura mis autrui en danger de mort imminent sera puni de la réclusion pour cinq ans au plus ou de l'emprisonnement. La réalisation de cette infraction implique la réunion de conditions objectives, à savoir la création d'un danger de mort imminent, et, au-delà de l'intention, d'une condition subjective particulière, soit l'absence de scrupules.
Le danger de mort imminent, élément constitutif de l'art. 129 CP, suppose d'abord un danger apparaissant comme très possible ou vraisemblable. Le danger doit être concret, soit la probabilité ou le degré de possibilité que le bien juridique protégé soit lésé doit exister, sans qu'un taux supérieur à 50% ne soit toutefois exigé (Corboz, Les infractions en droit suisse, 3
ème
édition, Berne 2010, n. 11 ad art. 129 CP). Ensuite, il doit s'agir d'un danger de mort. Enfin, ce danger doit être imminent, c'est-à-dire représenter plus qu'une probabilité sérieuse, le danger de mort apparaissant si probable qu'il faut être dénué de scrupules pour négliger sciemment d'en tenir compte. Un danger de mort imminent, au sens de l'art. 129 CP, n'existe donc pas seulement lorsque la probabilité de tuer autrui est plus grande que celle de pouvoir éviter cette mort, mais aussi déjà lorsque naît un degré de possibilité de mort tel que celui qui sciemment n'en tient pas compte se révèle dénué de scrupules (Pozo, Droit pénal, partie spéciale, Genève 2009 n. 612). Par ailleurs, l'imminence comporte un élément d'immédiateté. Selon la formule de Corboz (op. cit. n. 14 ad art. 129 CP), il faut donc en définitive un risque concret et sérieux qu'une personne soit tuée et pas seulement blessée et que ce risque soit dans un rapport de connexité étroit avec le comportement de l'auteur.
En ce qui concerne l'usage d'armes à feu, la jurisprudence retient qu'il y a danger de mort imminent lorsqu'une arme chargée, balle dans le canon et désassurée, est pointée sur un tiers, même si l'auteur doit exercer une certaine pression sur la détente pour déclencher le départ du coup. Une conclusion inverse paraît en revanche s'imposer lorsque l'auteur doit encore procéder à un mouvement de charge ou désassurer l'arme, la question décisive semblant se focaliser sur le fait de savoir si le coup de feu est susceptible de partir inopinément ou non (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 9 ad art. 129 CP et les références citées).
La mise en danger de la vie d'autrui n'est punissable que si elle est intentionnelle. L'auteur doit avoir conscience du danger de mort imminent pour autrui et adopter volontairement un comportement qui le crée. L'auteur doit vouloir mettre autrui en danger de mort imminent. En revanche, il ne veut pas, même à titre éventuel, la réalisation du risque (Corboz, op. cit., n. 26 ad art. 129 CP). La volonté de créer un danger de mort imminent se situe donc entre le dol éventuel de l'homicide intentionnel et la simple négligence consciente. Il y a homicide ou tentative d’homicide intentionnel si l’auteur veut la mort de la victime ou accepte cette éventualité; il y a homicide par négligence s’il adopte un comportement dangereux, qu’il ait ou non perçu le risque, mais en comptant bien, par légèreté, que le risque ne se réalisera pas. Dans le cas de la mise en danger de la vie d’autrui, l’auteur, sans accepter l’éventualité du décès, veut créer un risque de mort (ibidem).
L’auteur doit en outre créer le danger sans scrupules. On désigne par là un comportement dont le caractère répréhensible doit apparaître comme marqué. L’acte doit revêtir une gravité qualifiée, dénoter une absence particulière d’inhibition face au fait de mettre en danger la vie d’autrui et un manque criant d’égards face à l’existence de tiers (Dupuis et al., op. cit., n. 14 ad art. 129 CP). Plus le danger connu de l'auteur est grand et moins ses mobiles méritent attention, plus l'absence de scrupules apparaît comme évidente (Corboz, op. cit., n. 28 ad art. 129 CP; TF 6S.128/2003 du 13 août 2003 c. 4.1.2; ATF 114 IV 103 c. 2a). L’absence de scrupules doit être admise dans tous les cas où la mise en danger de mort d’autrui intervient pour un motif futile ou apparaît clairement disproportionnée, de sorte qu’elle dénote un profond mépris de la vie d’autrui (Corboz, op. cit., n. 32 ad art. 129 CP).
5.2.2
5.2.2.1
En l'espèce, quand bien même les premiers juges n'ont pas abordé cette question, il convient tout d'abord de relever que les conditions objectives d'une mise en danger ne sont pas réalisées pour la première exhibition du pistolet, chargé et braqué vers les jambes de W._ (considérant 3.2.2 p. 16
supra
), dans la mesure où il n'est pas établi que M._, qui a constamment expliqué avoir eu l'index droit le long du canon (PV aud. 7, p. 3) et non engagé dans le pontet, aurait eu le doigt sur la détente, le doute devant lui profiter, ce qui suffit à exclure un départ inopiné du coup, condition nécessaire à l'application de l'art. 129 CP en présence d'armes à feu (considérant 5.2.1 pp. 33 s.
supra
). On précisera toutefois que cet acte – assimilable à une menace de mort ou de lésions corporelles au moyen d'une arme à feu – n'était pas justifié par les circonstances et était donc disproportionné, ce dont le policier s'est rendu compte puisqu'il a immédiatement rengainé son arme – après que W._ a fustigé son comportement – et qu'il a réagi à une nouvelle attaque de celui-là en faisant usage cette fois-ci de son spray au poivre (cf. art. 23 al. 1
in initio
du Règlement d'application de la loi du 17 novembre 1975 sur la police cantonale du 30 juin 1976 [ci-après : RLPol] selon lequel un recours aux armes proportionné aux circonstances est justifié uniquement comme ultime moyen de contrainte; cf. ég. pièce 77, pp. 1 s.).
5.2.2.2
Le tribunal a en revanche appliqué l'art. 129 CP au coup de feu tiré par la suite (considérant 3.2.3 pp. 16 s.
supra
). Il a considéré que l'usage de l'arme dans cette seconde phase des événements avait mis W._ en danger de mort imminent. Les considérations, non contestées, des premiers juges relatives à la réalisation des conditions objectives de cette infraction (jugt, p. 41), complètes et convaincantes, peuvent être confirmées par adoption de motifs, étant rappelé que la définition médicale de la notion de "mise en danger de la vie" ne correspond pas nécessairement à sa définition juridique exposée ci-dessus et que, dès lors, le juge peut s'écarter de l'avis médical selon lequel la vie de la victime n'a pas été mise en danger (TF 6P.70/2001, 6S.316/2001 du 22 août 2001 c. 4.b; cf. en l'occurrence pièces 16 et 31, p. 7).
Sont, en l'espèce, litigieuses les questions de savoir s'il y a eu intention et absence de scrupules, si l'intervention était proportionnée, si l'auteur pouvait se croire en état de légitime défense et si son acte était autorisé par la loi.
Le tribunal a retenu que du point de vue subjectif, M._, de par sa profession et ses longues années d'expérience, avait eu conscience du risque de mort qu'il créait, issue qu'il aurait acceptée, agissant ainsi à tout le moins par dol éventuel (jugt, p. 42
in initio
). Cette dernière considération est toutefois erronée. Les premiers juges ont confondu la conscience qu'a l'auteur du danger de mort imminent qu'il crée par son comportement avec l'acceptation de cette issue fatale. Comme relevé ci-avant (considérant 5.2.1, p. 34), l'intention requise pour l'application de l'art. 129 CP ne peut prendre la forme que d'un dol direct, à l'exclusion d'un dol éventuel, car si l'auteur accepte le résultat d'une issue fatale et s'en accommode, son acte relève alors de la tentative d'homicide (Dupuis et al., op. cit., n. 11 ad art. 129 CP et les références citées).
En l'occurrence, M._ a toujours soutenu qu’il avait voulu faire un tir de sommation au sol, soit qu’en pressant la détente, il n’avait pas l’intention d’atteindre W._ et de le blesser pour se défendre, voire de le tuer, ce qu'il a encore confirmé à l'audience d'appel. A l’instant même du tir, les deux protagonistes, distants au départ de quelques pas, se sont heurtés à l’occasion d’une nouvelle charge de W._. Chacun d'eux a ressenti le contact du canon contre le corps. Ce plaquage a du reste étouffé la détonation. Certes, celui qui sent un obstacle humain à l’extrémité du canon d'un pistolet qu'il brandit, le doigt sur la détente, n’est pas censé tirer sauf à blesser, surtout dans un contexte de bagarre. Cependant, dans l’impossibilité de déterminer si cette sensation de pression a été éprouvée par M._, en proie à la peur, qui venait de prendre un coup sur la tête, suffisamment tôt pour lui permettre de décider consciemment de tirer ou de s’en abstenir, on retiendra la version des faits la plus favorable pour lui d’un tir simultané ou réalisé sans percevoir en temps utile que l’orifice du canon touchait la taille d’un être humain et vouloir ainsi l’atteindre.
M._, dépassé par la pugnacité de son adversaire qui, après lui avoir infligé plusieurs coups de poings, venait de le frapper à la tête avec un objet contondant, a exhibé son arme. Le coup est parti alors que la courte distance entre les deux adversaires venait d’être à nouveau franchie par W._ qui est reparti à l’assaut au point d’entrer en contact avec le canon de l’arme dont il n’avait pas réalisé la présence. Il régnait une certaine confusion, la vision de W._ étant troublée par les jets de poivre, M._ étant, quant à lui, en proie à la peur et étourdi par le coup de palette reçu à la tête. Les conditions du tir et le risque qu’une balle atteigne W._ se sont donc très rapidement modifiées du fait du prompt mouvement offensif de celui-ci. Au lieu d’aller au sol selon l’angle de visée adopté, le projectile l’a atteint. Toujours au bénéfice du doute, M._ n’avait donc pas le dol direct de tirer une balle adoptant une trajectoire extrêmement proche de zones vitales humaines, mais bien l'intention de tirer au sol, en sachant que la balle, expansive, est conçue pour ne pas ricocher, notamment lorsqu'elle est tirée au sol (jugt, p. 5; p. 4
supra
). L’élément subjectif d’une mise en danger de la vie n’est donc pas réalisé.
Pour le surplus, l'absence de scrupules nécessaire à la réalisation de l'infraction à l'art. 129 CP n'est de toute manière pas remplie. Attaqué à plusieurs reprises, frappé à coups de poing et d’élément de palette, ayant expérimenté que ni l’uniforme de policier, ni les injonctions au calme, ni l’usage du spray, ni le fait d’avoir exhibé l’arme, ni la sommation de s'arrêter ne suffisaient à obtenir que l’agresseur s’apaise et se soumette, l'action de M._ consistant à tirer un coup de semonce avec son arme de service, même à brève distance, ne relève pas d’un comportement répréhensible dénotant une absence particulière d’inhibition face au fait de mettre en danger la vie d’autrui. Le policier pouvait fortement craindre une atteinte à son intégrité physique. L'enchaînement des événements a été très rapide et le prénommé ne disposait que d'un temps de réaction restreint. Il était donc exposé à subir un préjudice sérieux et s'est trouvé contraint à une réaction immédiate. En effet, d'après la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 136 IV 49, JT 2010 IV 159), l'utilisation d'instruments dangereux (couteaux, armes à feu, etc.) comme moyen de défense est proportionnée lorsqu'il n'est pas possible de repousser l'attaque avec des moyens moins dangereux et plus raisonnables, qu'une sommation a été effectuée et que la personne attaquée, avant d'utiliser son arme, a fait le nécessaire pour éviter un préjudice excessif. Le comportement du gendarme consistant à tirer un coup de semonce au sol, dans le but de dissuader son adversaire de revenir à la charge, s'avère graduel et ne saurait ainsi être qualifié de disproportionné. Selon le règlement de police (état au 21 septembre 2010), si le coup de semonce est en principe interdit, le policier peut y recourir avec les précautions d’usage lorsqu’il résulte des circonstances, notamment des bruits ambiants, que la sommation préalable pourrait ne pas être perçue (pièce 77, p. 6), ce qui était le cas en l'espèce. En définitive, en utilisant son arme de service pour tirer un coup de semonce dans les circonstances concrètes, M._ n'a pas agi d'une manière qui lèse gravement le sentiment moral, si bien qu'il n'a pas agi sans scrupules.
Bien fondé, le moyen tiré d'une violation de l'art. 129 CP doit donc être admis, de sorte que M._ doit être libéré de l'accusation de mise en danger de la vie d'autrui. Partant, la question d'une application des art 14 ou 15 CP, invoquée par le prénommé (appel, p. 8), peut être laissée ouverte.
5.3
M._ conteste également l'infraction de lésions corporelles simples par négligence retenue à sa charge.
5.3.1
Selon l'art. 125 al. 1 CP, celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
La réalisation de cette infraction suppose la réunion de trois conditions: l'existence de lésions corporelles, une négligence et un lien de causalité entre la négligence et les lésions. La première condition est ici réalisée puisque le plaignant W._ a été blessé lors du tir.
Conformément à l'art. 12 al. 3 CP, il y a négligence si, par une imprévoyance coupable, l'auteur a agi sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. La négligence suppose, tout d'abord, que l'auteur ait violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible. En second lieu, la violation du devoir de prudence doit être fautive, c'est-à-dire qu'il faut pouvoir reprocher à l'auteur une inattention ou un manque d'effort blâmable (
ATF 135 IV 56
c. 2.1 p. 64;
134 IV 255
c. 4.2.3 p. 262;
129 IV 119
c. 2.1 p. 121). Pour déterminer plus précisément quels étaient les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter les accidents. A défaut de dispositions légales ou réglementaires, on peut s'inspirer des règles analogues qui émanent d'associations privées ou semi-publiques lorsqu'elles sont généralement reconnues. La violation des devoirs de la prudence peut aussi être déduite des principes généraux, si aucune règle spéciale de sécurité n'a été violée (ATF 122 IV 17 c. 2b/aa; ATF 122 IV 145 c. 3b/aa; ATF 121 IV 207 c. 2a).
En l'occurrence, s'agissant d'un tir de police, il convient de se référer aux règles applicables en matière d’usage de l’arme de service. Selon l'art. 25 LPol (Loi sur la police cantonale du 17 novembre 1975; RS 133.11), la police est en principe armée pour son service (al. 1); le recours aux armes est l'ultime moyen de contrainte dont elle dispose (al. 2); il n'est autorisé qu'en cas de nécessité et doit être proportionné aux circonstances (al. 3); les blessures mettant la vie en danger doivent être évitées dans toute la mesure du possible (al. 4). Aux termes de l'art. 23 RLPol, un recours aux armes proportionné aux circonstances est autorisé comme ultime moyen de contrainte: (1) lorsque la police est attaquée ou menacée d'une attaque imminente; (2) lorsqu'en sa présence un tiers est attaqué ou menacé d'une attaque imminente; (3) pour permettre à la police de s'acquitter de sa mission, notamment: (a) lorsqu'une personne, ayant commis ou étant fortement soupçonnée d'avoir commis un crime ou un délit grave, tente de se soustraire par la fuite à l'arrestation ou à une détention en cours d'exécution; (b) lorsque la police peut ou doit déduire de renseignements communiqués, ou de ses propres constatations, qu'une personne, faisant courir à autrui un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, tente de se soustraire par la fuite à une arrestation ou à une détention en cours d'exécution; (c) pour libérer un otage; (d) pour empêcher une atteinte criminelle grave et imminente à des installations servant à la collectivité et dont la destruction lui causerait un important préjudice. S'agissant du coup de semonce, l'art. 24 dudit règlement stipule que l'usage d'une arme à feu est précédé d'une sommation si la mission et les circonstances le permettent et qu'un coup de semonce n'est tiré que s'il résulte des circonstances que la sommation pourrait ne pas être perçue.
5.3.2
En l'espèce, il ressort tant du DVD de la reconstitution des faits (pièce 91, minute 0:52,22) que des déclarations de M._ (p. 5
supra
)
que celui-ci a pointé son arme dans l'intervalle entre lui et W._, en direction de celui-ci, canon vers le sol. Le gendarme n’a jamais évoqué un départ du coup accidentel en raison du contact, mais une simultanéité entre le tir et le contact. Or, dans l'exécution d'un coup de semonce, les règles de prudence élémentaires consistent à ne jamais diriger l’arme en direction de personnes pour écarter tout risque de les atteindre.
Pour un policier, tirer un coup d’intimidation ou de semonce (cf. PV aud. 1, 4 et 7, où M._ utilise indistinctement les termes "coup d'intimidation" et "coup de semonce") en direction des pieds ou même dans la direction générale d’une personne transgresse donc les instructions de police (pièce 77, ch. 6, p. 8), contrairement à ce qu'a prétendu l'intéressé (jugt, p. 5
in initio
). Au vu de l'emplacement et de la proximité de W._, le coup de feu ne devait donc pas être tiré dans sa direction, mais de côté ou en l'air. Comme policier expérimenté et comme tireur au pistolet, même en étant en proie au stress de l’affrontement et à la peur, confronté à la rapidité des mouvements et à l'agressivité de son adversaire, M._ était en mesure de réaliser que tirer ainsi était dangereux. Il a donc violé son devoir de prudence et agi avec une imprévoyance coupable justifiant une condamnation pour lésions corporelles par négligence au sens de l'art. 125 CP. Par ailleurs, le lien de causalité entre la négligence reprochée à M._ et les blessures subies par W._ n'est pas interrompu par le comportement agressif de celui-ci. En effet, tirer un coup de feu dans la direction générale d'une personne est de nature à la blesser, surtout si cette personne, comme c'est le cas en l'espèce, bouge, se débat et a déjà foncé à plusieurs reprises sur celui qui s'apprête à tirer (cf. TF 6S.395/2006 du 2 novembre 2006 c. 2.3, où le Tribunal fédéral a indiqué que le risque qu'on touche involontairement une personne en tirant dans sa direction au moyen d'une arme à feu sera souvent plus grand lorsque celle-ci bouge que lorsqu'elle est immobile). Le comportement de W._ n'avait donc rien d'imprévisible et le fait que celui-ci n'ait pas réalisé que l'arme avait été dégainée n'est pas pertinent.
Enfin, les conditions d'application de l'art. 15 CP (légitime défense) ne sont pas réunies en l'espèce. M._ reconnaît lui-même que W._ a été blessé parce qu'il s'est jeté sur lui au moment où il a effectué le tir de semonce. Il s'ensuit que l'agresseur a été blessé accidentellement. Etant dès lors établi que le policier n'a pas voulu utiliser son arme pour se défendre, mais pour tirer un coup de semonce qui a raté, et qu'ainsi les lésions corporelles causées n'ont pas eu la défense pour but, il ne peut invoquer la légitime défense pour justifier un comportement imprudent qui comportait le risque de blesser autrui (cf. sur ce point ATF 104 IV 1 c. 3, JT 1979 IV 98, cité par Dupuis et al., op. cit., n. 21 ad art. 15 CP). C'est donc à juste titre que les premiers juges ont exclu l'application de l'art. 15 CP.
En définitive, le tribunal a reconnu à bon droit M._ coupable d'infraction de lésions corporelles par négligence.
Mal fondé, le moyen tiré d'une violation de l'art. 125 CP doit par conséquent être rejeté.
5.4
Il convient à ce stade de déterminer si les lésions subies par W._ doivent être qualifiées de graves, comme celui-ci le fait valoir dans son appel (considérant 4.4, p. 28
supra
).
5.4.1
Est grave au sens de l'art. 125 al. 2 CP la lésion qui répond aux exigences de l'art. 122 CP.
Selon cette dernière disposition, constitue notamment une lésion corporelle grave le fait de blesser une personne de façon à mettre sa vie en danger (al. 1),
le fait de mutiler le corps ou un des membres d'une personne, d'avoir causé de façon permanente son incapacité de travail ou son infirmité (al. 2), ou de lui avoir fait subir toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale (al. 3).
En l'espèce, W._ a souffert d'une plaie inguinale à proximité de l'artère fémorale sans lésion vasculaire ou neurologique et de trois dermabrasions au niveau du rebord orbitaire supérieur droit et de l'arête nasale (pièces 16, 31 et 51). Les médecins ont conclu que les lésions constatées n'avaient pas concrètement mis en danger la vie du prénommé (
ibidem
). Il n'y a pas de raison de s'écarter ici de cet avis médical.
5.4.2
L'alinéa 3 de l'art. 122 CP, qui punit toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale, a pour but d'englober les cas de lésions du corps humain ou de maladies, qui ne sont pas cités par l'art. 122 CP, mais qui entraînent des conséquences graves sous la forme de plusieurs mois d'hospitalisation, de longues et graves souffrances ou de nombreux mois d'incapacité de travail (
ATF 124 IV 53
c. 2 p. 57). Il faut procéder à une appréciation globale et plusieurs atteintes, dont chacune d'elles est insuffisante en soi, peuvent contribuer à former un tout représentant une lésion grave (TF 6B_518/2007 du 15 novembre 2007 c. 2.1.1 et les références citées).
En l'espèce, W._ a été hospitalisé du 10 au 14 décembre 2008, puis du 5 au 6 juin 2009. Certes, comme on vient de le voir, ses blessures n'ont pas concrètement mis sa vie en danger. Toutefois, après une antibiothérapie de plusieurs jours, il a subi, en date du 5 juin 2009, une opération qui a consisté en l'extraction des deux fragments de projectile (pièce 47/2). Un traitement médicamenteux a ensuite été instauré avec rééducation à la marche en charge selon douleurs (
ibidem
). Il a en outre subi d'importantes conséquences sur le plan psychique, le courrier du Dr [...] du 16 mars 2010 faisant état d'un stress post-traumatique avec troubles du sommeil, attaques de panique et perte d'humeur (pièce 62/2). Les proches de W._, entendus à l'audience de première instance, ont aussi évoqué qu'il présentait une perte de plaisir, un retrait social et des idées suicidaires (jugt, pp. 21 à 24). Dans leur rapport du 29 mars 2012, les médecins du Service de chirurgie plastique et reconstructive du CHUV ont constaté la persistance d'un état douloureux aigu avec irradiation au niveau de la face antérieure et latérale de la cuisse et au niveau des organes génitaux (pièce 128/2.1; cf. ég. jugt, p. 24). Ils ont préconisé la mise en place d'une physiothérapie, tout en précisant qu'il leur était difficile de dire si les douleurs allaient être soulagées ou resteraient persistantes, le risque qu'elles deviennent chroniques étant réel dans de ce genre de cas. A l'audience d'appel, W._ a déclaré qu'il était toujours sous traitement psychothérapeutique et antidépresseur, qu'une nouvelle opération n'était pas exclue, qu'il était limité dans ses efforts dans la vie de tous les jours et qu'il prenait quotidiennement des médicaments. Dès le lendemain des faits litigieux, W._, qui exerce la profession de peintre en carrosserie, a été en arrêt de travail à plusieurs reprises. Depuis le 28 janvier 2010, cette incapacité s'est prolongée pour une durée indéterminée. Aucune mesure de réadaptation d'ordre professionnel n'étant possible actuellement, il est en attente d'une décision AI (pièce 128/2.3).
Au regard de l'ensemble de ces éléments et plus particulièrement de l'intervention chirurgicale, de l'incapacité totale de travail, des douleurs persistantes, des traitements physiothérapeutiques et médicamenteux poursuivis encore près de trois ans et demi après les fait, force est de constater que les lésions subies par W._ doivent être qualifiées de graves au sens de l'art. 125 al. 2 CP.
5.5
Il reste à fixer la peine de M._.
5.5.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Suivant la jurisprudence développée sous l'empire de l'art. 63 aCP, les éléments fondant la culpabilité que le juge doit examiner en premier lieu sont ceux qui se rapportent à l'acte lui-même, à savoir : du point de vue objectif, le résultat de l'activité illicite, le mode et l'exécution de l'acte ainsi que, du point de vue subjectif, l'intensité de la volonté délictueuse de l'auteur ou la gravité de la négligence et ses mobiles.
L'importance de la faute dépend de la liberté de décision dont disposait l'auteur; plus il lui aurait été facile de respecter la norme qu'il a enfreinte, plus lourdement pèse sa décision de l'avoir transgressée et, partant, sa faute.
En second lieu, le juge prendra en considération les éléments concernant la personne de l'auteur : ses antécédents, sa situation personnelle, tant familiale que professionnelle – qui comprend l'éducation reçue et la formation suivie – son intégration sociale, voire sa réputation ainsi que son attitude et son comportement après les faits et dans le cadre de la procédure pénale (Nicolas Queloz/Valérie Humbert, in : Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 7 ad art. 47 CP; ATF 129 IV 6 c. 6.1, JT 2005 IV 229 c. 6.1; ATF 127 IV 101 c. 2a; ATF 118 IV 21 c. 2b).
L'art. 47 al. 1 CP fixe le principe et reprend le critère des antécédents et de la situation personnelle. La portée de l'absence d'antécédents doit être relativisée. En effet, sauf circonstances exceptionnelles, elle a un effet neutre sur la fixation de la peine et n'a donc plus à être prise en considération dans un sens atténuant (ATF 136 IV 1 c. 2.6.4). L'art. 47 al. 1 CP enjoint encore au juge de prendre en considération l'effet de la peine sur l'avenir du condamné. Cet aspect de prévention spéciale ne permet toutefois que des corrections marginales, la peine devant toujours rester proportionnée à la faute (TF 6B_14/2007 du 17 avril 2007 c. 5.2).
Dès lors que le critère à prendre en considération pour la détermination du nombre de jours-amende est celui de la culpabilité du délinquant, les principes établis par la jurisprudence en matière de fixation de la peine privative de liberté s'appliquent également en matière de fixation de la peine pécuniaire (Kuhn/Moreillon/Viredaz/Bichovsky, La nouvelle partie générale du Code pénal suisse, Berne 2006, p. 163).
Quant à la quotité du jour-amende, l'art. 34 al. 2 CP prévoit qu'elle est de 3'000 fr. au plus. Le juge fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital.
5.5.2
En l'espèce, les faits reprochés à M._ sont d'une certaine gravité. Irrité dès le départ par le comportement routier d'un automobiliste, il s'est montré, en tant que détenteur de la force publique, incapable de maîtriser la situation en réagissant de manière excessive à la violence d'un tiers. En effet, menacé, poussé et frappé par W._, il n'a pas cherché à faire baisser la pression et le niveau d'agressivité de son antagoniste autrement qu'en sortant son arme, geste injustifié et disproportionné qui a eu pour conséquence d'envenimer les choses. Ensuite, si la décision d'effectuer un tir de sommation était en soit proportionnée, son exécution confirme en revanche son manque flagrant de maîtrise dans le maniement d'une arme à feu, dès lors que, comme on l'a vu, il a dirigé le pistolet dans l'axe de l'espace occupé par un être humain et tiré, alors que celui-ci se trouvait à courte distance, violant ainsi les règles élémentaires de la prudence.
A décharge, on tiendra compte du fait que M._ a mal réagi alors qu'il était en état de stress et en proie à la peur, confronté à une violence acharnée et irrationnelle, et qu'il a aussi subi des conséquences physiques et psychologiques en raison des faits (jugt, pp. 6, 10 et 20; pièce 15), ce qui l'a contraint à un arrêt de travail d'un mois (PV aud. 7, p. 5). On relèvera encore que le policier a immédiatement regretté les conséquences de son acte et s'est tout de suite rendu compte de la gravité de son geste, en s'inquiétant de l'état de santé de W._ et en faisant immédiatement appel au CET, afin de demander l'intervention d'une ambulance et d'une patrouille de police (pièce 36; PV aud. 1, p. 4; PV aud. 4, p. 4; PV aud. 7, p. 4), et qu'il a admis avec sincérité dès le début l'intégralité des faits qui lui étaient reprochés.
Enfin, il sied de relever que M._ n'a pas agi sous l'effet d'une menace grave au sens de l'art. 48 al. 1 let. a ch. 3 CP, dès lors qu'au moment du tir W._ avait déjà lâché son morceau de palette.
Le policier n'a pas non plus agi en proie à une émotion violente (art. 48 al. 1 let. c CP). En effet, il n'était pas submergé par un sentiment violent qui restreignait sa faculté d'analyser correctement la situation ou de se maîtriser au sens de la jurisprudence (ATF 119 IV 202 c. 2a), puisqu'il a su, malgré la peur et l'aveuglement causé par le voile blanc dont il a fait état, garder son sang-froid en cherchant, par un coup de semonce, à dissuader son antagoniste de l'agresser à nouveau plutôt qu'à le blesser, comme on l'a relevé ci-avant. Au surplus, par sa réaction inappropriée consistant à dégainer la première fois son arme, le gendarme était en partie responsable de l'escalade du conflit, ce qui exclut, pour ce motif également, la réalisation de la circonstance en question
(cf. ATF 108 IV 99 c. 3b, JT 1983 IV 98; ATF 107 IV 103 c. 2b/bb, JT 1982 IV 103).
En définitive, au regard de l'ensemble des éléments susmentionnés et compte tenu de la libération de M._ de l'accusation de mise en danger de la vie d'autrui, soit l'infraction la plus grave, une peine pécuniaire de nonante jours-amende, assortie d'un sursis fixé au minimum légal de deux ans, est adéquate.
5.5.3
Compte tenu, d'une part, de son revenu, qui ascende à 7'300 fr. par mois, et, d'autre part, de ses charges familiales, le prénommé étant père de trois enfants issus de deux mariages distincts (jugt, p. 25; cf. ég. pièce 56 d'où il ressort qu'il verse une contribution d'entretien de 900 fr. par mois à l'un de ses enfants), le montant du jour-amende sera arrêté à 50 francs.
5.5.4
Vu l'ancienneté des faits, on renoncera à infliger à M._ une amende à titre de sanction immédiate (art. 42 al. 4 CP).
6.
6.1
M._ a conclu, en première instance (jugt, p. 27) et en appel, à ce que des dommages-intérêts lui soient alloués à concurrence de 1'275 fr. 50, valeur échue, soit le coût du remplacement de sa paire de lunettes détruites, par 787 fr., dont il a produit la facture du 12 décembre 2008, payée comptant le même jour (pièce 112/4), ainsi que des frais de parking, par 38 fr. 50, et de déplacements, par 450 fr., pour se rendre à des rendez-vous chez son défenseur (pièce 112/3). On comprend implicitement que cette conclusion est dirigée contre W._
qui avait conclu à libération en première instance (jugt, p. 27).
Les frais de remplacement des lunettes, par 787 fr., dûment documentés, sont justifiés et doivent être alloués. W._, ayant illicitement détruit cet objet, doit en effet être déclaré débiteur de ce montant.
Il n'y a en revanche pas de raison de rembourser les frais de déplacement et de parcage de M._ en ville de Lausanne, ceux-ci étant motivés indistinctement par ses rendez-vous comme plaignant et comme prévenu, sans qu'on puisse opérer de dissociation en l'état. Il lui sera donc donné acte de ses réserves civiles pour le surplus.
6.2
Acte sera également donné à W._ de ses réserves civiles, comme il l'a demandé en première instance (jugt, p. 27).
7.
En conclusion, l'appel de M._ est partiellement admis et le jugement attaqué modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
L'appel de W._ est, quant à lui, rejeté en tant qu'il était dirigé contre sa propre condamnation et très partiellement admis en tant qu'il visait la condamnation de M._. L'appel sur la peine infligée à celui-ci était irrecevable. L'appel tendant à une condamnation pour lésions corporelles graves intentionnelles a été retiré. Quant à l'appel tendant à la condamnation de M._ pour lésions corporelles graves par négligence, il est certes admis, mais l'infraction de l'art. 125 CP est en réalité celle de lésions corporelles par négligence comme l'indique son titre marginal et la gravité des lésions n'a aucune incidence sur la sanction, mais uniquement un effet sur le déclenchement d'office de la poursuite pénale. La condamnation de M._ pour lésions corporelles graves par négligence au lieu de simples n'a ainsi qu'une portée très réduite.
Il s'avère que le chiffre I du dispositif communiqué après l'audience d'appel est entaché d'une erreur manifeste en tant qu'il indique que l'appel de W._ est intégralement rejeté alors qu'en réalité il est très partiellement admis. En application de l'art. 83 CPP, le dispositif sera rectifié d'office.
7.1
Vu l'issue de la cause, le tribunal était fondé à mettre une partie des frais de la cause, par 16'000 fr., comprenant l'indemnité allouée à son défenseur d'office par 12'500 fr., à la charge de W._. Il convient en revanche de réduire de moitié la part des frais de première instance mis à la charge de M._ (art. 426 al. 1 CPP), le solde étant laissé à la charge de l'Etat.
Les frais de la procédure d'appel sont, quant à eux, mis par un quart à la charge de M._ et par une demie, plus l'indemnité allouée à son défenseur d'office, à la charge de W._, l'admission très partielle de son appel sur un point dépourvu de portée sur la culpabilité et la sanction ne justifiant pas une quotité plus réduite. Le solde est laissé à la charge de l'Etat.
7.2
Le conseil de W._, Me Angelo Ruggiero, a produit une liste des opérations effectuées en deuxième instance totalisant 21 heures. Ce quantum est trop élevé. Vu l'ampleur et la complexité de la cause ainsi que la connaissance de la cause acquise en première instance, il y a lieu d'allouer au défenseur d’office de W._ une indemnité pour la procédure d'appel d'un montant de 2'970 fr., TVA et débours inclus, correspondant à 15 heures de travail (cf. art. 135 al. 1 et 2 et 422 al. 2 let. a CPP et 2 al. 2 ch. 1 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]).
L’appelant ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).
7.3
Il ne sera pas accordé d'indemnité de l'art. 429 CPP à M._, ayant conclu à sa complète libération. De plus, son acquittement partiel ne correspond pas à une réduction des actes d'instruction nécessités par le jugement des faits de la cause. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8b2af191-df7c-4319-a38f-137a846b9053 | En fait :
A.
Par jugement du 17 juin 2014, le Tribunal des mineurs a constaté que X._ s'était rendu coupable de lésions corporelles simples, vol, vol en bande, tentative de vol en bande, brigandage et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (I), l’a libéré des chefs d'accusation de vol par métier et brigandage en bande (II), lui a infligé 8 (huit) mois de privation de liberté, sous déduction de
2 (deux) jours de détention provisoire, avec sursis et accompagnement pendant
2 (deux) ans (III), a dit que X._ était débiteur des sommes suivantes, valeurs échues, à titre de dommages et intérêts : 35 fr. (trente-cinq) en faveur de Q._, partie plaignante, 350 fr. (trois cent cinquante) en faveur de A._, partie plaignante, la solidarité avec les coauteurs étant réservée, et
319 fr. (trois cent dix-neuf) en faveur de F._, partie plaignante, la solidarité avec les coauteurs étant réservée, et a rejeté toute autre prétention pour le surplus (IV), a fixé l'indemnité due au défenseur d'office, Me Yann Jaillet, à 4'223 fr. 90 (quatre mille deux cent vingt-trois francs et nonante centimes), débours et TVA compris (V) et a mis les frais de procédure par 500 fr. (cinq cents) à la charge de X._ et laissé le solde à la charge de l'Etat (VI).
B.
Par annonce du 20 juin 2014, puis déclaration motivée du
1
er
septembre suivant, le Ministère public central, division affaires spéciales, contrôle et mineurs, a formé appel contre ce jugement, concluant à sa modification en ce sens que X._ est reconnu coupable de vol en bande et par métier, tentative de brigandage en bande, brigandage en bande et par métier et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (I), qu’il est condamné à dix mois de privation de liberté, sous déduction de 2 jours de détention provisoire, avec sursis et accompagnement pendant 2 ans (III), le chiffre Il du dispositif étant supprimé et l’intéressé devant supporter les frais.
Pour faire suite à une réquisition de preuve du Ministère public, deux jugements du Tribunal des mineurs, concernant respectivement V._ (PM12.005910-MRE) et L._ (PM12.006372-BCE), ont été versés au dossier de la présente cause.
A l’audience d’appel, X._ a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
X._ est né le [...] 1995 à Lausanne. Il est ressortissant du Sri-Lanka. Second d'une fratrie de trois enfants, il est élevé par sa mère depuis le décès de son père survenu en 2006 des suites de problèmes d'alcool. Dans ce contexte familial délicat, le Service de protection de la Jeunesse (SPJ) avait été chargé, par décision de la justice civile du 20 juin 2002, d'une mesure d'assistance éducative au sens de l'art. 307 CC (Code civil suisse du 10 décembre 1907 ; RS 210). En accord avec sa mère, X._ a été placé en institution par le SPJ pendant deux ans, notamment au [...]. En raison de sa bonne évolution, il est progressivement retourné vivre chez sa mère, avant de s'y installer définitivement dans le courant du mois de mai 2011. La famille a bénéficié ensuite d'un soutien éducatif assuré par l'Action Educative en Milieu Ouvert (AEMO).
En juin 2010, X._ a obtenu son certificat de fin de scolarité en voie secondaire à options (VSO). A défaut d'avoir immédiatement trouvé une place d'apprentissage, il a fréquenté l’Organisme pour le perfectionnement scolaire, la transition et l'insertion professionnelle (OPTI), puis Mobilet', structure affiliée au Semestre de Motivation (SeMo). Le prévenu s'étant pleinement investi pour s'insérer professionnellement, il a pu effectuer plusieurs stages dans les domaines de la vente et de la cuisine et a finalement décroché une place d'apprentissage de logisticien dans l'entreprise [...], à Crissier, où il a débuté son activité au mois d'août 2011. Il en a été licencié en juin 2012, en raison d’absences répétées et du fait que la police était venue le chercher une fois sur sa place de travail. En juillet 2012, il a pu poursuivre son apprentissage en 2
ème
année chez [...], entreprise active dans le domaine des cuisines professionnelles. Il a effectué sa 3
ème
année d’apprentissage dans la même entreprise pour un salaire de 800 fr. environ, dont il remettait une bonne partie à sa mère pour les frais du ménage. Le 9 avril 2014, il a été exclu de l’ERACOM, deux semaines avant les examens finaux, à cause de retards et d’absences injustifiés. Cette exclusion a impliqué la fin des rapports de travail avec [...].
A l’audience du Tribunal des mineurs, X._ a expliqué avoir déposé un recours à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (CDAP) contre son exclusion pour pouvoir se présenter aux examens en 2015. Il a précisé que, dans le cas ou son recours serait rejeté, il pourrait effectuer les cours au Centre professionnel du Nord vaudois à Yverdon-les-Bains. Il avait également entrepris des démarches auprès de l’Office régional de placement afin de travailler en entreprise, pour conserver son expérience. Il a ajouté avoir changé de fréquentations, préférant désormais la compagnie de membres de la communauté sri-lankaise à celle de ses acolytes de l’époque des faits. A l’audience d’appel, il a précisé qu’il n’avait pas encore reçu de décision au sujet du recours déposé à la CDAP. Pour le surplus, il a indiqué percevoir le revenu d’insertion et effectuer des recherches d’emploi depuis son domicile. Il avait d’ailleurs obtenu, par le biais du réseau de la communauté sri-lankaise, un rendez-vous pour un emploi, auquel il devait se rendre le soir même. Il a ajouté qu’il ne savait pas s’il y avait d’autres enquêtes pénales ouvertes à son encontre, mais qu’il avait été entendu par la police en qualité de prévenu un mois et demi auparavant car il était en possession d’un vélo volé qu’il aurait acheté sur internet.
S’agissant de ses antécédents judiciaires, X._ a été condamné par ordonnance pénale du Président du Tribunal des mineurs du
23 septembre 2011 à une peine de quatre demi-journées de prestations personnelles – dont une à effectuer sous forme d’une séance d’éducation à la circulation routière et trois à exécuter sous forme de travail – pour violation des devoirs en cas d’accident et violation d’une prescription de l’ordonnance sur les règles de la circulation routière.
2.
2.1
Le 14 novembre 2011, vers 18h30, à l’avenue d’Echallens 63 à Lausanne, sur l’idée de L._ (déféré séparément), X._, au guidon d’un vélo, a arraché le sac à main d’M._, qui cheminait sur le trottoir en compagnie de sa fille.
Le prévenu a emporté 320 fr., un natel de marque Samsung, deux porte-monnaie, diverses cartes et documents ainsi que des clés.L._ a ensuite rejoint le prévenu et ils se sont partagés l’argent.
Un sac à main, deux porte-monnaie et diverses cartes ont été restitués à la lésée par le Service des objets trouvés.
M._ a déposé plainte le 4 décembre 2011.
2.2
Le 26 novembre 2011, vers 16h50, à l’avenue Marc-Dufour à Lausanne, alors qu’il se trouvait au guidon d’un cycle, X._ a tenté d’arracher un iPhone des mains de Q._, en tirant sur les écouteurs. Il a dérapé et les écouteurs se sont cassés en s’enroulant dans la roue de son vélo, ce qui l’a fait chuter. Le prévenu a quitté les lieux en emportant les écouteurs, qu’il a ensuite jetés.
Q._ a déposé plainte le 26 novembre 2011. Elle a pris des conclusions civiles par 35 fr., représentant le prix de sa paire d’écouteurs.
2.3
Le 26 novembre 2011, vers 17h30, à l’av. de la Sallaz 78 à Lausanne, X._, V._ et L._ étaient tous trois au guidon de cycles, dont deux qu’ils avaient précédemment dérobés vers l’EPSIC, lorsque le prévenu a arraché le sac à main de A._, née en 1927, contenant un portefeuille, un trousseau de clés, un abonnement Mobilis, une somme de 150 fr., ainsi que divers effets.
Les trois prévenus se sont partagé l’argent et ont jeté le reste du butin, qui n’a pas été retrouvé.
A._ a déposé plainte le 27 novembre 2011. Elle a pris des conclusions civiles par 350 fr., ce montant représentant par 200 fr. sa franchise d’assurance et par 150 fr. la somme qui se trouvait dans son sac.
2.4
Le 26 novembre 2011, vers 18h30, à l’avenue Pierre-Decker 2 à Lausanne, X._, V._ et L._ étaient tous trois au guidon de cycles, lorsque le prévenu a arraché le sac à main de C._, contenant un porte-monnaie, une somme de 2'200 fr., un téléphone portable iPhone 3G de couleur blanche, ainsi que diverses cartes, clés et documents.
Les trois prévenus ont ensuite fouillé le sac à main, se sont partagé l’argent, ont revendu le téléphone portable et se sont débarrassés du reste de son contenu.
Aux dires de L._ et du prévenu, ils ont dépensé cet argent notamment pour s’acheter de la nourriture, de l’alcool et du cannabis ainsi que pour « aller voir des prostituées » à Genève. A l’audience de première instance, le prévenu a expliqué qu’ils avaient dépensé entre 500 fr. et 1'000 fr. pour les trois, que V._ avait gardé le solde de l’argent et que, le lendemain, il avait constaté qu’il restait environ 150 francs. X._ a expliqué avoir reçu une cinquantaine de francs.
C._ a déposé plainte le 26 novembre 2011 et l’a retirée le
26 septembre 2013.
2.5
Le 2 décembre 2011, vers 19h25, au chemin de Pierrefleur à Lausanne, L._, accompagné de X._, a arraché le sac à main de H._, bien qu’elle ait tenté de le retenir. Ils ont emporté un téléphone portable de marque Samsung, un trousseau de clés, un porte-monnaie, un abonnement demi-tarif CFF, un abonnement Mobilis, une carte d’identité, une carte du Centre professionnel du Nord Vaudois, un collier en argent avec pendentif et divers autres effets.
Les deux comparses ont revendu pour la somme de 40 fr. le téléphone portable dérobé et sont allés manger au moyen de cet argent. Le reste du butin n’a pas été retrouvé.
H._ a déposé plainte le 2 décembre 2011.
2.6
Le 2 décembre 2011, vers 19h30, à l’avenue des Bergières à Lausanne, X._ et L._ ont croisé K._, née en 1944. Ils se sont placés chacun d’un côté d’elle sur le trottoir. Le prévenu a alors tenté de lui arracher son sac à main, qu’elle tenait plaqué contre elle. La victime a résisté et elle a chuté au sol. Les deux comparses ont pris la fuite.
K._ a précisé souffrir de séquelles depuis les faits, tant sur le plan physique que moral, expliquant qu’elle craignait de sortir de chez elle et de rentrer quand il faisait nuit. Selon le rapport médical établi le 23 août 2013 par le
Dr Jean-Pierre Guigoz spécialiste F.M.H., médecine physique et réhabilitation, qui a suivi K._ ensuite des faits, cette dernière a, selon les radiographies effectuées quelques jours après l’agression, souffert d’une fracture de la grande tubérosité de la tête humérale, confirmée par une IRM, qui montrait également des lésions tendineuses dues à une contusion des tendons sus-épineux, sous-scapulaire et du long chef du biceps. L’ensemble de ces lésions était directement secondaire à son traumatisme. Depuis lors, K._ s’est plainte de douleurs à l’épaule gauche, importantes pendant plusieurs mois. Selon le médecin, la situation était plutôt favorable, mais il persistait, à l’examen clinique, une atrophie généralisée de la musculature de l’épaule gauche et des douleurs en fin de course de tous mouvements. Le Dr Guigoz a en outre précisé que la patiente demeurait très craintive de sortir de chez elle. Il a également fourni le rapport de l’Institut d’imagerie médicale.
K._ a déposé plainte le 3 décembre 2011.
2.7
A une date indéterminée, entre novembre et décembre 2011
,
à proximité de la Place de la Riponne à Lausanne, en présence de V._, X._ a arraché le sac à main d’une dame âgée, dont l’identité n’a pas été établie.
Le sac à main contenait la somme de 100 francs.
Aucune plainte n’a été déposée.
2.8
A des dates indéterminées, en 2011 et jusqu’au mois de janvier 2012, dans divers quartiers à Lausanne, soit les Bergières, le Flon, Montbenon, Ouchy, La Riponne et St-Paul, X._, V._ et L._ ont dérobé plusieurs cycles, soit en sectionnant leurs cadenas au moyen d’une pince monseigneur, soit en pénétrant dans des caves dont ils avaient forcé la porte.
Certains cycles ont été revendus. X._ n’a pas participé à la revente des cycles et n’a pas profité du butin.
2.9
A une date indéterminée, entre fin 2011 et le mois de janvier 2012, vers la Gare de Lausanne, pendant que X._ faisait le guet, V._ a fracturé la vitre d’un véhicule au moyen d’un marteau brise-vitre afin de dérober les objets se trouvant à l’intérieur. X._ a fouillé le sac qu’ils ont trouvé à l’intérieur, sans rien emporter.
2.10
Le 25 février 2012, vers 22h00, au skate parc de Sévelin à Lausanne, X._, R._, V._ et d’autres jeunes qui n’ont pas été identifiés se sont approchés de F._, qui se trouvait en compagnie de trois amis. X._ lui a demandé 5 francs. Face à son refus, il l’a saisi au cou et l’a projeté au sol, après lui avoir fait une balayette. V._ a plaqué l’un des camarades de la victime, qui voulait s’interposer, contre un mur et lui a imposé de ne pas bouger. L’un des comparses a menacé F._ avec une bouteille, l’enjoignant de leur remettre son téléphone portable et son porte-monnaie, ce qu’il a fait en mains de X._. Celui-ci a reconnu avoir encore délesté l’un des amis de la victime qui s’était caché derrière une poubelle de la somme de 10 francs.
Le porte-monnaie de F._ a été retrouvé et lui a été restitué.
V._ et R._ ont été retrouvés en possession, respectivement, d’un abonnement Mobilis et d’une carte FNAC appartenant au lésé. Ces objets ont été restitués à F._.
F._ a déposé plainte le 2 mars 2012 et s’est constitué partie civile. Il a fait état du vol de la somme de 10 fr. ainsi que de monnaie, d’un abonnement Mobilis et de son natel Nokia E7. Il a pris des conclusions civiles par 520 fr., représentant l’argent liquide qui lui a été dérobé par 20 fr. et le remboursement de son téléphone portable par 500 francs. Il a produit une facture indiquant que le prix du téléphone était de 299 francs.
2.11
Entre mars 2013 et le 6 septembre 2013, date de la dernière audience d’instruction, X._ a régulièrement consommé du cannabis.
2.12
Pour les besoins de l’enquête, X._ a été placé en détention provisoire au Centre pour adolescents de Valmont (CPA) à Lausanne, du 14 au
15 avril 2012. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0]) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du Ministère public est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
Le Ministère public reproche aux premiers juges d’avoir exclu l’application de l’aggravante du métier pour les faits relatés sous chiffres 2.1 à 2.5, puis 2.7 à 2.9.
3.1
Aux termes de l’art. 139 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937; RS 311.0), celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 1). Le vol sera puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire de 90 jours-amende au moins si son auteur fait métier du vol.
Selon la jurisprudence, l’aggravation du vol pour métier n’exige ni chiffre d’affaires, ni gain importants. Elle suppose qu’il résulte du temps et des moyens que l’auteur consacre à ses agissements délictueux, de la fréquence des actes pendant une période déterminée, ainsi que des revenus envisagés ou obtenus, qu’il exerce son activité coupable à la manière d’une profession, même accessoire. II faut que l’auteur aspire à obtenir des revenus relativement réguliers représentant un apport notable au financement de son genre de vie et qu’il se soit ainsi, d’une certaine façon, installé dans la délinquance (ATF 129 IV 253 c. 2.1). L’auteur doit avoir agi à plusieurs reprises, avoir eu l’intention d’obtenir un revenu et être prêt à réitérer ses agissements (ATF 119 IV 129 c. 3). Il n’est pas nécessaire que ceux-ci constituent sa “principale activité professionnelle” ou qu’il les ait commis dans le cadre de sa profession ou de son entreprise légale. Une activité “accessoire” illicite peut aussi être exercée par métier (ATF 1161V 319 c. 4b).
3.2
Les premiers juges n’ont pas retenu le métier pour les cas cités ci-dessus. Ils ont relevé que l’intimé avait obtenu entre 600 et 800 fr. sur une courte période (vols de sacs à main), qu’il n’avait pas réalisé d’autres gains et que, dans la mesure où il était apprenti au moment des faits, les revenus obtenus n’avaient pas été à ce point réguliers et importants qu’ils eussent pu contribuer de façon non négligeable à la satisfaction de ses besoins.
En l’espace de trois mois, le prévenu a commis huit voIs. Il a non seulement arraché des sacs à main dans le but évident de s’approprier de l’argent facilement, mais également des téléphones portables et des vélos. II a ainsi agi à plusieurs reprises, dans l’intention d’obtenir un revenu et tout en étant prêt à réitérer ses agissements, seule son arrestation ayant mis fin à ses agissements. La fréquence des vols commis et les revenus ainsi obtenus, au regard notamment de l’âge et de la situation personnelle de l’intimé, démontrent que ce dernier a exercé son activité délictuelle à la manière d’une profession, ses revenus provenant de son salaire d’apprenti étant insuffisants, notamment pour financer sa consommation de cannabis. Au demeurant, on peut encore souligner que les montants articulés ci-dessus ne sont qu’une appréciation basée sur les déclarations du prévenu lui-même, étant relevé notamment que, dans le cas décrit sous chiffre 2.4 ci-dessus, l’intimé et ses deux comparses ont arraché un sac à main contenant une somme de
2’200 francs.
Au regard de l’ensemble des éléments précités, l’aggravante du métier doit être retenue pour les faits figurant sous chiffres 2.1 à 2.5, puis 2.7 à 2.9.
4.
Le Ministère public estime que les faits relatés sous chiffres 2.6 constituent une tentative de brigandage en bande et non pas de vol.
4.1
Aux termes de l’art. 140 CP, celui qui aura commis un vol en usant de violence à l’égard d’une personne, en la menaçant d’un danger imminent pour la vie ou l’intégrité corporelle ou en la mettant hors d’état de résister sera puni d’une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins (ch. 1).
Le brigandage est une forme aggravée du vol qui se caractérise par les moyens que l’auteur a employés (ATF 133 IV 207 c. 4.2 ; ATF 124 IV 102 c. 2). Comme dans le cas du vol, l’auteur soustrait la chose, c’est-à-dire, qu’il en prend la maîtrise sans le consentement de celui qui l’avait précédemment. A la différence du voleur, qui agit clandestinement ou par surprise, l’auteur recourt à la contrainte pour soustraire la chose d’autrui. La violence est toute action physique immédiate sur le corps de la personne, qui doit défendre la possession de la chose (ATF 133 IV 207 c. 4.3.1). Au lieu de la violence, l’auteur peut employer la menace d’un danger imminent pour la vie ou l’intégrité corporelle, à l’exclusion d’autres biens juridiquement protégés. La menace doit être sérieuse, même si la victime ne l’a pas crue. Elle peut intervenir par actes concluants. Il importe peu que la victime ait été mise dans l’incapacité de se défendre; il suffit que l’auteur ait recouru aux moyens indiqués et que le vol ait été consommé (ATF 133 IV 207 c. 4.3). Celui qui passe outre avec violence à la résistance effective de la victime, afin de lui arracher son sac à main, commet un brigandage non pas un vol à l’arraché (ATF 133 IV 207).
4.2
S’agissant des faits relatés sous chiffre 2.6, les premiers juges ont retenu la qualification de vol, au motif que la victime n’avait pas opposé de résistance effective au prévenu et que les deux comparses n’avaient pas insisté du moment qu’elle était tombée. Ce raisonnement ne saurait être suivi. En effet, la victime tenait son sac à main plaquée contre elle. Dans ces conditions, cet objet ne pouvait être subtilisé par surprise et sans recourir à une contrainte sous forme de violence et ainsi briser la résistance de la propriétaire. Tel a d’ailleurs bien été le cas, les comparses ayant tenté par la force d’arracher le sac à la victime, qui est alors tombée. Cette dernière a souffert d’une fracture de la grande tubérosité de la tête humérale, confirmée par une IRM, qui montre également des lésions tendineuses dues à une contusion des tendons sus-épineux, sous-scapulaire et du long chef du biceps, lésions directement secondaires à son traumatisme. Elle s’est également plainte de douleurs à l’épaule gauche qui ont persisté pendant plusieurs mois. Elle demeure enfin très craintive de sortir de chez elle.
Au regard de ces éléments, il convient de retenir une tentative de brigandage en bande, à la place de la tentative de vol en bande et de lésions corporelles simples. Cette dernière infraction étant absorbée par l’infraction retenue, il y a lieu de libérer X._ du chef d’accusation de lésions corporelles simples.
5.
Le Ministère public soutient que la qualification de la bande doit être retenue s’agissant des faits décrits sous chiffre 2.10.
5.1
L’art. 140 CP institue une gradation dans la gravité du brigandage, en fonction du danger créé. Le premier niveau est atteint lorsque l’auteur s’est muni d’une arme à feu ou d’une autre arme dangereuse (art. 140 ch. 2 CP). Le brigandage est plus sévèrement réprimé si la façon d’agir de l’auteur dénote qu’il est particulièrement dangereux (art. 140 ch. 3 CP). Parmi les circonstances qui peuvent dénoter que l’auteur est particulièrement dangereux, la jurisprudence cite une exécution froide, une préparation professionnelle et la brutalité dans l’action (ATF 116 IV 312 c. 2e) ou encore le fait de menacer la victime avec une arme (ATF 120 IV 113 c 1c). Le même niveau d’aggravation est atteint si l’auteur a agi en qualité d’affilié à une bande formée pour commettre des brigandages ou des vols.
Il y a bande lorsque deux ou plusieurs auteurs manifestent expressément ou par actes concluants la volonté de s’associer en vue de commettre ensemble plusieurs infractions indépendantes, même s’ils n’ont pas de plan et que les infractions futures ne sont pas encore déterminées; du point de vue subjectif, il suffit que l’auteur connaisse et veuille les circonstances de fait qui correspondent à la définition de la bande (ATF 124 IV 86 c. 2b ; ATF 286 c. 2a).
5.2
S’agissant des faits relatés sous chiffre 2.10, les premiers juges ont exclu l’aggravante de la bande au motif que ce cas apparaissait plutôt comme un acte isolé, plus de deux mois après les vols de sacs à main, et que c’était le résultat d’une opportunité plus que le fruit d’une véritable concertation.
On ne saurait considérer qu’il s’agit d’un acte isolé. En effet, l’intimé a commis huit vols et deux brigandages en l’espace de quatre mois. Sauf pour un cas, il n’a jamais agi seul, mais s’est associé à diverses comparses, en particulier à L._ et à V._ mais également à d’autres. De par son comportement, il a renforcé l’effet de groupe, il s’est associé aux intentions de ses camarades et il a participé au partage du butin. La qualification de la bande est donc réalisée.
6.
Le Ministère public estime que le prévenu doit être condamné à une peine privative de liberté de 10 mois avec sursis.
6.1
Les règles générales régissant la fixation de la peine ont été rappelées dans les arrêts publiés aux ATF 136 IV 55 (c. 5.4 ss) et 134 IV 17 (c. 2.1 et les références citées), auxquels il peut être renvoyé.
6.2
Aux termes de l’art. 25 DPMin (loi fédérale du 20 juin 2003 régissant la condition pénale des mineurs; RS 311.1), est passible d’une privation de liberté d’un jour à un an le mineur qui a commis un crime ou un délit s’il avait quinze ans le jour où il l’a commis (al. 1) ; est condamné à une privation de liberté de quatre ans au plus le mineur qui avait seize ans le jour de l’infraction: a. s’il a commis un crime pour lequel le droit applicable aux adultes prévoit une peine privative de liberté de trois ans au moins; b. s’il a commis une infraction prévue aux art. 122, 140 al. 3, ou
184 CP, en faisant preuve d’une absence particulière de scrupules, notamment si son mobile, sa façon d’agir ou le but de l’acte révèlent des dispositions d’esprit hautement répréhensibles (al. 2).
6.3
En l’espèce, X._ était âgé de seize ans révolus au moment des faits qui font l’objet de la présente cause. Il s’est notamment rendu coupable de brigandage en bande (art. 140 al. 3 CPP). A sa charge, il y a lieu de retenir qu’il a agi régulièrement pendant près de quatre mois, usant souvent de la force pour arriver à ses fins, en arrachant notamment des sacs à main à des passantes – parfois âgées – dans la rue, alors qu’il se trouvait sur un vélo et en profitant de l’effet de groupe lié à la présence systématique de ses comparses. A sa décharge, il y a lieu de retenir que les faits sont anciens et qu’ils se sont déroulés sur une période de quelques mois seulement. Depuis lors, X._ n’a pas fait l’objet de nouvelle condamnation, bien qu’il ait indiqué à l’audience d’appel avoir à nouveau été entendu comme prévenu dans une affaire de vol ou recel de cycles. Pour le surplus, il semble déterminé à trouver un emploi et à terminer sa formation professionnelle.
Ainsi, tout bien considéré et malgré les nouvelles qualifications juridiques retenues, la peine de 10 mois requise par le Ministère public paraît trop sévère puisqu’elle correspond à celle qui a été prononcée par le Tribunal des mineurs à l’égard de son comparse, L._, qui a commis plus d’infractions (PM12.006372-BCE). C’est donc une peine de neuf mois de privation de liberté qui sera prononcée à l’encontre de X._. La détention provisoire doit être déduite.
Pour le surplus, à juste titre, le Ministère public ne conteste pas le sursis octroyé à l’intimé. En effet, tant le principe de l’octroi du sursis que la durée du délai d’épreuve sont conformes aux règles légales et doivent être confirmés.
7.
En définitive, l’appel du Ministère public doit être partiellement admis. Le jugement entrepris sera réformé dans le sens des considérants qui précèdent et confirmé pour le surplus.
L'indemnité de défenseur d'office allouée à Me Yann Jaillet pour la procédure d'appel sera fixée, au vu de la liste des opérations produites, à 915 fr. 85, débours et TVA compris.
Au vu du sort de la procédure d'appel, les frais de celle-ci, par 1’995 fr. 85, constitués de l'émolument de jugement (art. 422 al. 1 CPP), par 1’080 fr. (art. 21 al. 1, 2 et 3 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1), et de l'indemnité allouée au défenseur d'office (art. 422 al. 1 et 2 let. a CPP), par 915 fr. 85, seront mis par trois quarts, soit 1’496 fr. 90, à la charge de X._ (art. 428 al. 1 CPP), le solde étant laissé à la charge de l'Etat.
X._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat la part mise à sa charge de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8b30c0e1-d11d-4ea5-aeff-07b93a2e2804 | En fait :
A.
Par jugement du 14 janvier 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a constaté qu'A.F._ était coupable de violation d'une obligation d'entretien (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 100 fr., avec sursis pendant 3 ans, peine complémentaire à celle prononcée par le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois le 18 septembre 2012 (II), a rejeté les conclusions civiles de B.F._ (III) et a mis les frais de la cause, par 1'525 fr., à la charge du condamné A.F._ (IV).
B.
Par annonce du 20 janvier 2014, puis déclaration motivée du 30 janvier 2014, A.F._ a formé appel, avec suite de frais et dépens, contre le jugement précité et conclu à son annulation, l'incompétence ratione fori des autorités juridictionnelles vaudoises étant constatée et, subsidiairement, A.F._ étant acquitté.
Dans une correspondance du 5 mai 2014 à la Cour de céans, le procureur a renoncé à déposer des conclusions. Il a précisé à cette occasion qu'il n'interviendrait pas aux débats.
Par courrier du 15 mai 2014 à la Cour de céans, Me Fanti, conseil de B.F._, a produit trois pièces.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né en 1941 à Nendaz, commune dont il est originaire, A.F._ est aujourd'hui divorcé de la plaignante B.F._. Il est administrateur unique, avec signature individuelle de la société M._ SA, qui compte actuellement 30 employés.
A titre de revenus, le prévenu dispose d'un montant de 1'000 fr. payé par sa société, auquel s'ajoutent 1'000 fr. au titre de remboursement de frais, la mise à disposition d'une voiture et le versement de ses primes d'assurance-maladie. A ses revenus provenant de M._ SA s'ajoutent une rente AVS à hauteur de 2'400 fr. par mois ainsi que le loyer tiré d'une maison à Nendaz, par 800 fr. mensuels. Le prévenu reçoit depuis 4 ans un versement de 5'800 fr. par mois de sa société, en remboursement de son compte actionnaire. Aux débats, il a précisé que ces paiements intervenaient toujours à ce jour.
Selon les dires du prévenu, son loyer s'élève à 1'200 fr. par mois.
Le casier judiciaire d'A.F._ mentionne une condamnation du 1
er
juin 2005 par la Préfecture de Lausanne pour violation grave des règles de la circulation routière à une amende de 540 fr. avec sursis durant un an. A.F._ a en outre été condamné par le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois le 18 septembre 2012 pour obtention frauduleuse d'une constatation fausse à la peine de 60 jours-amende à 50 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, pour des faits qui s'étaient déroulés le 25 juin 2009.
2.
Par accord formalisé par le Tribunal de Martigny et de St-Maurice le 5 novembre 2008, A.F._ a été astreint à verser une contribution d'entretien à son épouse B.F._, dont il était séparé depuis le 23 décembre 2004, à raison de 4'000 fr. par mois dès et y compris le 1
er
novembre 2008.
Le divorce des parties a été prononcé le 16 septembre 2010. Elles ont renoncé à toute contribution à leur entretien après divorce.
Entre avril 2009 et octobre 2010, A.F._ ne s'est acquitté que partiellement de la pension due, à raison de quatre montants de 4'500 fr. chacun, accumulant ainsi un arriéré de quelque 60'000 francs.
B.F._ a déposé plainte le 31 août 2010. | En droit :
1. a)
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel formé par A.F._ est recevable.
b)
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
2.
A.F._ conteste tout d'abord la compétence des autorités vaudoises, aucun motif ne justifiant à ses yeux la mise en œuvre d'une procédure pénale à son encontre dans le canton de Vaud. Le prévenu souligne qu'il est domicilié en Valais, qu'il a toujours exercé son activité professionnelle dans ce canton et que c'est à cet endroit aussi qu'auraient été commises les infractions qui lui sont reprochées.
En l'occurrence, le Ministère public du canton du Valais a saisi le 7 octobre 2011 le Ministère public central vaudois d'une requête en fixation de for, dès lors qu'une procédure était déjà ouverte contre A.F._ dans le canton de Vaud pour diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers et obtention frauduleuse d'une constatation fausse. A la suite d'un échange de vues, le procureur général adjoint a, le 10 octobre 2011, accepté la compétence des autorités vaudoises pour connaître de la procédure valaisanne en violation d'une obligation d'entretien, en application de l'art. 34 al. 1 CPP (P. 4). L'appelant en a été informé lors de son audition par le procureur, le 14 juin 2012 (PV aud. n° 1), de même que son conseil, par courrier du même jour (P. 9). Aucun des deux n'a protesté ni recouru sur la question de la compétence, l'un et l'autre ayant au contraire répondu spontanément aux questions qui leur étaient posées sur le fond (cf. PV aud. 1, P. 10 et 17). Aucun recours n'a non plus été formulé à l'encontre de l'acte d'accusation rendu le 11 septembre 2013. L'appelant était donc déjà à tard pour invoquer ce moyen devant le premier juge et, partant, son moyen ne peut qu'être écarté.
La lecture du dossier permet au demeurant de constater qu'une enquête pénale avait été ouverte en novembre 2009 notamment contre A.F._ par l'Office d'instruction pénale de Vevey pour violation des art. 164 et 253 CP. Cette enquête était encore en cours au moment où B.F._ a déposé sa plainte pénale pour violation d'une obligation d'entretien. C'est ainsi à juste titre que la question du for soulevée en 2011 a été résolue par l'attribution du cas aux autorités judiciaires vaudoises, en application de l'art. 34 CPP, qui prévoit que lorsque le prévenu a commis plusieurs infractions en des lieux différents, l'autorité du lieu où a été commise l'infraction punie de la peine la plus grave est compétente pour la poursuite et le jugement de toutes les infractions.
Le moyen doit dès lors être rejeté dans la mesure où il est recevable.
3.
Sur le plan procédural, l'appelant conteste aussi le fait que B.F._, qui a cédé ses droits à l'Office cantonal valaisan de recouvrement et d'avances de pensions alimentaires (ci-après: Orapa), ait encore été habilitée à déposer une plainte pénale.
La cession, par B.F._, à l'Orapa de ses droits de recouvrer les pensions alimentaires est avérée (cf. mandat-procuration signé le 10 février 2009, P. 25). Cela ne signifie néanmoins pas, comme le prétend l'appelant, que B.F._ a perdu de ce fait le droit de déposer elle-même une plainte pénale.
En effet, le droit de porter plainte, en particulier en matière de violation d'une obligation d'entretien, est de nature strictement personnelle et intransmissible (ATF 122 IV 207, JT 1998 IV 76 c. 3c). Le caractère strictement personnel du droit de plainte n'exclut certes pas qu'il puisse être exercé, à certaines conditions, par un représentant. Mais on ne saurait soutenir que la procuration donnée à un représentant de "d'agir par toutes voies amiables ou judiciaires au nom de la mandante" ainsi que l'engagement cette dernière de "céder ses droits à l'office jusqu'à concurrence des avances accordées" priverait l'épouse du droit de porter plainte puisque ce droit est personnel et intransmissible. Cela est d'autant plus vrai qu'en l'occurrence, l'Orapa n'a versé aucune avance de pensions alimentaires à B.F._ (cf. courrier de l'Orapa au juge d'instruction du Bas-Valais, du 20 septembre 2010) et que le libellé même de l'art. 217 al. 2 CP prévoit un droit de plainte indépendant pour les autorités désignées par les cantons (Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 25 ad art. 217 CP), ce qui sous-entend clairement que le débitrentier conserve tous ses droits de ce point de vue.
Mal fondé, le moyen doit être rejeté.
4.
A.F._ conteste s'être rendu coupable d'une violation d'obligation d'entretien. Il fait valoir qu'il ne disposait pas des moyens financiers nécessaires lui permettant d'honorer les engagements ratifiés par le juge dans le cadre de la décision de mesures protectrices de l'union conjugale, le 5 novembre 2008.
a)
Aux termes de l'art. 217 al. 1 CP, celui qui n’aura pas fourni les aliments ou les subsides qu’il doit en vertu du droit de la famille, quoiqu’il en eût les moyens ou pût les avoir, sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
La violation d'une obligation d'entretien constitue un délit d'omission proprement dit, en ce sens que l'auteur ne fournit pas, intentionnellement, les aliments et les subsides dus en vertu du droit de la famille, alors qu'il serait en mesure de le faire (ATF 132 IV 49). D'un point de vue objectif, l'obligation d'entretien est violée lorsque le débiteur ne fournit pas intégralement, à temps et à disposition de la personne habilitée à la recevoir, la prestation d'entretien qu'il doit en vertu du droit de la famille (Corboz, Les infractions en droit suisse, 3
e
éd., Berne 2010, n. 14 ad art. 217 CP). En revanche, on ne peut reprocher à l'auteur d'avoir violé son obligation d'entretien que s'il avait les moyens de la remplir ou aurait pu les avoir (Corboz, op. cit., n. 20 ad art. 217 CP). Par là, on entend celui qui, d'une part, ne dispose certes pas de moyens suffisants pour s'acquitter de son obligation, mais qui, d'autre part, ne saisit pas les occasions de gain qui lui sont offertes et qu'il pourrait accepter (ATF 126 IV 131 c. 3a; Message du 26 juin 1985 concernant la modification du code pénal et du code pénal militaire, FF 1985 II 1070). Se met ainsi fautivement dans l’incapacité de payer, une personne travaillant en qualité d’indépendant qui refuse de passer à un statut de salarié, celui qui est empêché de poursuivre une activité rémunérée régulière du fait de ses agissements illicites, celui qui opte pour une occupation instable ou encore celui qui omet de faire valoir des prétentions d’assurances sociales auxquelles il aurait droit (Dupuis et alii, op. cit., Bâle 2012, n. 18 ad art. 217).
Le juge pénal est lié par la contribution d'entretien fixée par le juge civil (ATF 106 IV 36; TF 6B_1057/2009 du 17 juin 2010 c. 1.2). En revanche, la question de savoir quelles sont les ressources qu'auraient pu avoir le débiteur d'entretien – ce qui relève de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits (cf. Corboz, op.cit., n. 28 ad art. 217 CP) – doit être tranchée par le juge pénal s'agissant d'une condition objective de punissabilité au regard de l'art. 217 CP. Le juge pénal peut certes se référer à des éléments pris en compte par le juge civil. Il doit cependant concrètement établir la situation financière du débiteur, respectivement celle qui aurait pu être la sienne en faisant les efforts pouvant raisonnablement être exigés de lui. Ce point relève de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits (cf. TF 6B_573/2013 et les références).
La capacité économique du débiteur de verser la contribution d'entretien se détermine par analogie avec le droit des poursuites relatif au minimum vital (art. 93 LP; ATF 121 IV 272 c. 3c). La prise en compte de la fortune intervient à titre subsidiaire lorsque les revenus ne permettent pas de couvrir le minimum vital du créancier. Le conjoint débiteur peut ainsi être contraint d'engager son capital (Bastons Bulletti, L'entretien après divorce:méthodes de calcul, montant, durée et limites in SJ 2007 II 83 et les références; Bräm, Zürcher Kommentar, 1998, n. 67 et n. 104 ad art. 163 CC; ATF 134 III 581 c. 3.3, JT 2009 I 267; TF 5P.273/2002 du 29 mai 2002, c. 5a).
b)
En l'espèce, le prévenu s'est engagé, par convention de mesures protectrices de l'union conjugale ratifiée par le juge, à verser à son épouse une contribution mensuelle de 4'000 fr. dès le 1
er
novembre 2008. Cet engagement a pris fin en septembre 2010, lorsque le divorce a été prononcé. Dans les faits, A.F._ a versé 18'000 fr. à son épouse jusqu'à fin juin 2009. L'arriéré n'est en tout cas pas inférieur à 64'899 fr., montant admis par le prévenu lors de son audition du 27 octobre 2010 par la police valaisanne et confirmé devant le procureur (PV aud. n° 1, l. 32) et qui résulte par ailleurs des décomptes de l'Orapa (cf. p. 12 ad P. 24). Dès sa première audition par la police, A.F._ a toujours dit qu'il ne comptait absolument pas régler sa dette envers B.F._.
La clause de la convention sur les effets du divorce, signée lors de l'audience du 15 septembre 2010 et dont il résulte que les parties n'ont plus de prétention à faire valoir l'une contre l'autre (P. 10/2) ne concerne que la liquidation du régime matrimonial des parties et ne peut être comprise, comme le voudrait A.F._, comme valant renonciation à l'arriéré des pensions dues dans le cadre des mesures protectrices. D'ailleurs, même si le jugement de divorce avait emporté une telle renonciation, cela n'aurait pas exclu la punissabilité d'une infraction qui est objectivement réalisée dès que les paiements dus sont opérés avec retard.
b)
Reste à déterminer si le prévenu avait les moyens de régler les contributions impayées ou aurait dû les avoir.
Deux périodes doivent être distinguées: la période courant jusqu'en juillet 2009 et celle postérieure à cette date, pour laquelle le prévenu affirme qu'il n'avait plus les moyens de s'acquitter des pensions dues.
- Le prévenu ne conteste pas que, jusqu'en juillet 2009, il avait les moyens de verser la pension due, ce d'autant que la contribution allouée en faveur de son épouse venait d'être fixée (cf. annexe ad P. 24/2, convention de mesures protectrices de l'union conjugale du 5 novembre 2008). Il résulte au demeurant de la taxation fiscale 2008 qu'A.F._ disposait à cette période d'un revenu net imposable de 231'539 fr., auquel s'ajoutait une prestation en capital, par 127'425 fr., imposée séparément (cf. pp. 24 et 25 du dossier valaisan).
L'ensemble de ces éléments suffit à retenir qu'A.F._ s'est rendu coupable de violation d'une obligation d'entretien pendant la période courant du 1
er
novembre 2008 au 30 juin 2009 durant laquelle seules quatre pensions ont été versées à B.F._ sur les huit qui lui étaient dues, la volonté de ne pas s'acquitter des pensions étant au demeurant établie.
- Pour la période postérieure au 1
er
juillet 2009, il résulte d'un procès-verbal de saisie du 2 juillet 2009, adressé aux parties le 9 novembre 2009, qu'après prise en compte des revenus et charges du débirentier, une saisie de salaire de 250 fr. par mois a été ordonnée. Sur la base de son seul revenu, A.F._ n'avait ainsi pas les moyens de payer l'entier de la pension versée. Il résulte cependant de diverses pièces du dossier (cf. not. annexe ad P. 18/1, P. 31/2 et P. 51/2) et des déclarations même du prévenu lors des débats de ce jour, qu'il perçoit chaque mois de M._ SA un montant de 5'800 fr. à titre de remboursement d'un prêt d'actionnaire. Ces versements ont lieu depuis déjà 4 ans et continuent à ce jour. Dans ces circonstances, A.F._ était tout à fait en mesure d'utiliser sa fortune pour payer la pension due à son ex-femme. Ne l'ayant volontairement pas fait, il s'est clairement rendu coupable d'infraction à l'art. 217 CP, l'ensemble des conditions d'application de cette disposition étant au demeurant réunies.
5.
L’appelant ne conteste la peine prononcée à son encontre qu'en lien avec les moyens tendant à obtenir son acquittement. Or, les infractions retenues à sa charge sont confirmées. Examinée d’office, la Cour d’appel considère au demeurant que la peine pécuniaire prononcée a été fixée en application des critères légaux à charge et à décharge et conformément à la culpabilité d'A.F._ (cf. jugement, p. 15). Elle doit être confirmée.
6.
En définitive, l'appel d'A.F._ doit être rejeté et le jugement du 14 février 2014 intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge d'A.F._, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8ba6db57-d97d-461d-b6d5-6f2db7c88ea3 | En fait :
A.
Par jugement du 18 mars 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que Y._ s'était rendue coupable de lésions corporelles simples qualifiées et de voies de fait qualifiées (I), condamné cette dernière à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. (II), suspendu l'exécution de la peine pécuniaire et fixé à la condamnée un délai d'épreuve de 2 ans (III), condamné Y._ à une amende de 600 fr. (IV), dit qu'à défaut de paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 6 jours (V), constaté qu'W._ s'était rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées et de voies de fait qualifiées (VI), condamné ce dernier à une peine pécuniaire de 120 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 40 fr. (VII), suspendu l'exécution de la peine pécuniaire et fixé au condamné un délai d'épreuve de 3 ans (VIII), condamné W._ à une amende de 800 fr. (IX), dit qu'à défaut de paiement de l'amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 8 jours (X), ordonné le maintien au dossier des pièces à conviction sous fiches n°44967, 44968, 44969 et 44970 (XI), mis les frais, par 3'970 fr. 50, à la charge de Y._, y compris l'indemnité de son conseil d'office, par 2'272 fr. 50 (XII), dit que le remboursement de l'indemnité allouée au conseil d'office sera exigible dès que la situation financière de l'intéressée le permettra (XIII) et mis les frais de justice, par 1'730 fr., à la charge d'W._ (XIV).
B.
Le 22 mars 2011, Y._ a formé appel contre le jugement précité.
Le 23 mars 2011, W._ a formé appel contre le jugement en question.
Par déclaration d'appel motivée du 25 mai 2011, Y._ a indiqué qu'elle contestait les chiffres I à VI, XII et XIII du dispositif du jugement de première instance, en précisant qu'elle ne remettait pas en cause les faits qui lui étaient reprochés, mais qu'ils étaient peu nombreux et de moindre intensité et qu'ils tombaient sous l'application de l'art. 14 CP. Elle a requis l'administration des preuves suivantes: l'audition d'un expert spécialiste dans le domaine pédo-psychiatrique, l'audition de témoins ainsi que la production et la réquisition de pièces complémentaires, notamment l'intégralité de la procédure civile pendante devant la Justice de Paix du district de Lausanne concernant ses enfant A.Z._ et B.Z._. Y._ a conclu à sa libération des chefs de prévention de lésions corporelles simples qualifiées et de voies de fait qualifiées, à l'annulation des chiffres II à VI du dispositif du jugement et à ce que les frais de la procédure, comprenant l'indemnité allouée à son conseil d'office, soient laissés à la charge de l'Etat.
Par déclaration d'appel motivée du 25 mai 2011, l'appelant W._ a indiqué qu'il contestait les chiffres VI à X et XIV du dispositif du jugement, en précisant qu'il réfutait les faits qui avaient été retenus contre lui par le premier juge ainsi que leurs qualification juridiques. Il a également remis en cause la fixation de la peine. Il a requis l'administration de preuves, à savoir la mise en œuvre d'une expertise de crédibilité sur les enfants A.Z._ et B.Z._. W._ a conclu principalement à la réforme du jugement en ce sens qu'il est libéré des chefs de prévention de lésions corporelles simples qualifiées et de voies de fait qualifiées, les frais étant laissés à la charge de l'Etat. Il a conclu subsidiairement à la réforme du jugement en ce sens qu'il est reconnu coupable de voies de fait qualifiées et condamné à une peine d'amende n'excédant pas 400 fr., les frais de justice étant réduits proportionnellement à l'importance des charges abandonnées.
Le Ministère public n'a pas présenté une demande de non-entrée en matière, ni n’a déposé d'appel joint.
Y._ a également renoncé à présenter une demande de non-entrée en matière et à déposer un appel joint.
Par courrier du 28 juin 2011, le Président de la Cour d'appel pénale a informé Y._ que toutes ses réquisitions de preuve, à l'exception de sa demande de production du dossier de la Justice de paix, étaient rejetées, les conditions de l'art. 389 al. 2 CPP n'étant pas réunies.
Par courrier du 28 juin 2011, le Président de la Cour d'appel pénale a informé W._ que ses réquisitions d'instruction étaient rejetées, les conditions de l'art. 389 al. 2 CPP n'étant pas remplies.
Par courrier du 12 juillet 2011, le Ministère public a informé la Cour de céans qu'il renonçait à participer aux débats et a indiqué qu'il concluait au rejet des appels formés par les prévenus précités.
Lors de l’audience de la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal qui s’est tenue le 23 août 2011, les conseil des deux appelants ont chacun confirmé les conclusions de leurs déclarations d’appel respectives.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Y._ est née le 15 juin 1969 à Sao Miguel au Cap-Vert et est originaire du Portugal. Elle a effectué son école obligatoire au Cap-Vert puis est partie à l'âge de 23 ans au Portugal où elle a travaillé et a rencontré W._ en 1995. Ils se sont mariés le 13 janvier 1996 au Portugal. La prévenue a ensuite rejoint son époux en Suisse où il résidait depuis 1985. Deux enfants sont issus de cette union A.Z._, né le [...] et B.Z._, né le [...]. En janvier 2002, le couple s'est séparé et la prévenue a quitté le domicile conjugal avec ses deux enfants. Le divorce a été prononcé le 16 février 2009.
Depuis son arrivée en Suisse, Y._ a travaillé en tant qu'aide de ménage puis comme nettoyeuse dans divers établissements publics de la région lausannoise. Elle réalise un salaire mensuel net de 3'130 fr. 05, servi treize fois l'an, auquel il convient d'ajouter 500 fr. par mois de contribution d'entretien versée par son ex-mari. Elle n'a pas fortune. Ses charges mensuelles se montent à 1'951 fr. et elle a des dettes s'élevant à 20'000 francs.
Le casier judiciaire de la prévenue est vierge.
2.
W._ est né le 20 novembre 1957 au Cap-Vert et est originaire du Portugal. Il a suivi sa scolarité obligatoire au Cap-Vert puis au Portugal où il a suivi un apprentissage de soudeur. Le prévenu a exercé cette profession avant de venir en Suisse en mai 1985. Travaillant d'abord dans l'agriculture, il exerce depuis 1998 la profession d'opérateur de chambre stérile. Le prévenu touche un salaire mensuel de 5'000 fr., servi treize fois l'an. Il possède un appartement à Lisbonne d'une valeur oscillant entre 50'000 et 60'000 euros. Ses charges mensuelles se montent à 4'584 fr. 10 et il a des dettes s'élevant à 10'000 francs.
W._ est père de trois enfants nés hors de son mariage avec la prévenue, dénommés G._, [...] et [...], le premier habitant Lausanne et les deux autres au Portugal.
Le casier judiciaire du prévenu est vierge.
3.
Entre mars 2004 et juin 2009, les faits antérieurs étant prescrits, Y._ a frappé ses enfants A.Z._ et B.Z._ à réitérées reprises. Elle leur a régulièrement donné des fessées. En outre, elle a donné des coups de ceinture, munie d'une boucle en fer, et de linge à ses deux fils à raison de plus de deux fois par année pour chaque objet. A une reprise, B.Z._ a reçu la boucle en fer de la ceinture sur l'œil lors d'un coup donné avec cet objet. Par courrier du 9 décembre 2008 au Service de protection de la jeunesse (ci-après: SPJ), la prévenue a informé ce service qu'W._ donnait des coups à leurs fils et les insultait. Elle a, en outre, reconnu avoir donné des gifles et parfois des coups de ceinture à ses enfants dans le passé. Suite à cette lettre, le SPJ a adressé une dénonciation le 20 mai 2009 à l'encontre des deux prévenus à l'Office d'instruction pénale de l'arrondissement de Lausanne.
4.
Entre mars 2004 et 2009, les faits antérieurs étant prescrits, W._ a régulièrement frappé ses enfants A.Z._ et B.Z._ lorsqu'il en avait la garde. Il leur a souvent asséné des gifles (aller et retour), laissant des marques rouges sur leur visage. A une reprise, le prévenu a touché l'œil d'B.Z._ avec son ongle en lui donnant une gifle et l'a légèrement blessé. Le prévenu a également, à réitérées reprises, donné des coups de ceinture à ses deux enfants, ainsi que des coups de pied sur les fesses et des tapes derrière la nuque.
5.
Le Tribunal de police a considéré que les comportements de Y._ et d'W._ étaient constitutifs de lésions corporelles simples qualifiées et de voies de faits qualifiées pour avoir frappé leurs de deux fils A.Z._ et B.Z._ à plusieurs reprises. Il a retenu que les lésions corporelles simples qualifiées antérieures au 18 mars 2004 ainsi que les voies de fait qualifiées antérieures au 18 mars 2008 étaient prescrites.
6.
Depuis le mois d'août 2010, les enfants des prévenus sont placés à Serix, internat pédagogique et thérapeutique. Par ordonnance de mesures préprovisionnelles du 13 septembre 2010, le droit de visite d'W._ sur B.Z._ a été suspendu. En outre, le droit de garde de Y._ sur ses deux enfants lui a été retiré par mesures préprovisionnelles du 2 mai 2011. Par ordonnance de mesures provisoires du 17 juin 2011, le Juge de paix du district de Lausanne a notamment attribué au SPJ la garde sur A.Z._ et B.Z._ et a confirmé le rétablissement du droit de visite d'W._ sur ces derniers un week-end sur deux du vendredi après-midi dès 16h00 au dimanche soir à 20h00. Par décision du 21 juin 2011, la Justice de paix du district de Lausanne a institué une curatelle ad hoc au sens de l'art. 392 ch. 2 CC en faveur de A.Z._ et B.Z._ (I) et nommé Me Stéphanie Cacciatore, avocate, avec pour mission de les représenter dans le cadre de l'enquête en fixation du droit de visite, respectivement en limitation de l'autorité parentale ouverte devant la Justice de paix du district de Lausanne (II). | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels sont recevables. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
La Cour de céans examinera d'abord l'appel interjeté par Y._, puis celui déposé par W._.
4.
4.1.
L'appelante soutient d'abord que le premier juge a retenu à tort qu'elle avait érigé en système éducatif les corrections infligées à ses deux enfants. Elle soutient, au contraire, que les corrections étaient peu nombreuses et de moindre intensité.
En l'espèce, les faits retenus à l'encontre de Y._ sont des fessées quelques fois par année ainsi que des coups de ceinture, munie d'une boucle, et de linge au moins deux fois par année avec chaque objet durant la période 2004 au 28 juin 2009. Cet état de fait est établi, même si l'appelante a affirmé lors de l'audience devant le Cour d'appel le 23 août 2011 qu'elle n'avait utilisé la ceinture qu'à une reprise. En effet, lors de l'instruction et de l'audience des débats devant le tribunal de première instance, elle avait admis avoir utilisé la ceinture à plusieurs reprises, en tout cas plus de deux fois par année (cf. PV aud. 1, p. 3; jgt, p. 3). Cette minimisation des faits n'est pas crédible. Certes, le témoin Q._, psychologue, qui a suivi les enfants du 6 février 2009 au 30 septembre 2010, a constaté que si la prévenue n'avait pas forcément érigé en moyen éducatif le fait de frapper ses enfants, la situation lui "échappait quand elle était à bout" (jgt, p. 9). Par ailleurs, le témoin X._, éducateur auprès de la Fondation Jeunesse et Familles, qui a suivi la famille de 2008 à 2010, a constaté qu'il y avait une sorte de compétition entre les parents quant à l'autorité sur les enfants. Ainsi, selon ce dernier, la prévenue pensait que son autorité passait par la peur et la violence envers les enfants (jgt, p. 4). Vu la durée des agissements coupables ainsi que le jeune âge des enfants au moment des faits, c'est à juste titre que le premier juge a parlé d'un système éducatif fondé sur la violence, même si on peut admettre que la prévenue a été quelque peu dépassée par les événements.
Le grief soulevé est donc infondé et doit être rejeté.
4.2.
L'appelante soutient encore que les faits retenus à son encontre seraient des actes licites au sens de l'art. 14 CP dès lors qu'il s'agit de corrections légères découlant de l'exercice de l'autorité parentale.
4.2.1.
En vertu de l'art. 14 CP, quiconque agit comme la loi l’ordonne ou l’autorise se comporte de manière licite, même si l’acte est punissable en vertu du présent code ou d’une autre loi.
En droit de la famille, le ius corrigendi (art. 301 CC) reconnaît aux parents le droit de limiter la liberté de leurs enfants pour leur inculquer une discipline et les éduquer (Hurtado Pozo, Droit pénal, Partie générale, Zurich 2008, n. 794, p. 262).
Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a précisé la portée du droit de correction à l'égard des enfants (cf. ATF 129 IV 216). Après avoir rappelé que plusieurs conventions internationales tendaient à protéger les enfants contre toute forme de violences et de traitements dégradants et que la Constitution suisse protégeait spécifiquement l'intégrité des enfants et des jeunes (art. 10 et 11 Cst.), il a considéré que le droit de correction était exclu en cas de voies de fait répétées (art. 126 al. 2 CP) et de lésions corporelles (art. 122 et 123 CP). Le parent ne saurait pas non plus utiliser un instrument propre à causer des lésions corporelles. La question de savoir s'il était permis d'infliger de légères corrections corporelles a en revanche été laissée ouverte. En effet, dans le cas d'espèce, l'auteur avait donné des coups de pied au derrière et des gifles aux enfants de son amie à une dizaine de reprises en l'espace de trois ans et leur avait régulièrement tiré les oreilles, de sorte qu'il avait dépassé ce qui était admissible au regard d'un éventuel droit de correction (TF 6S.178/2005 du 22 juin 2005 c. 3.1). Le Tribunal fédéral a toutefois souligné l’évolution restrictive du droit de correction.
4.2.2.
En l'occurrence, les violences commises par Y._ dépassent largement ce qui pourrait entrer dans le droit éventuel d'infliger de légères corrections. En effet, l’appelante a frappé ses enfants régulièrement de 2004 à 2009, les faits antérieurs étant prescrits, et a en outre utilisé des instruments, tels qu’une ceinture munie d’une boucle et un linge, propres à entraîner des lésions corporelles. Il faut donc admettre que la prénommée a manifestement excédé son devoir de correction et que son comportement ne peut être considéré comme licite en application de l'art. 14 CP.
Le grief, mal fondé, doit être rejeté.
4.3.
L’appelante ne soulève pas de griefs concrets à l’égard des qualifications juridiques retenues. Toutefois, dès lors qu’elle conclut à son acquittement, la Cour de céans va examiner cette question compte tenu de son plein pouvoir d’examen (art. 398 al. 2 CPP), d’autant plus qu’elle est soulevée par l’appelant W._.
4.3.1.
En vertu de l’art. 123 CP, celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une autre atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (ch. 1). La peine sera une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire et la poursuite aura lieu d’office, si le délinquant s’en est pris à une personne hors d’état de se défendre ou à une personne, notamment à un enfant, dont il avait la garde ou sur laquelle il avait le devoir de veiller (ch. 2 al. 1).
L’art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Cette disposition protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique. Elle implique une atteinte importante aux biens juridiques ainsi protégés. A titre d'exemples, la jurisprudence cite l'administration d'injections, des coups laissant des séquelles sur le visage d'un enfant un jour après avoir été reçus et ayant certainement causé une douleur non négligeable et tout acte qui provoque un état maladif, l'aggrave ou en retarde la guérison, comme les blessures, les meurtrissures, les écorchures ou les griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (ATF 134 IV 189 c. 1.1). Pour qu'il y ait lésions corporelles, il n'est pas nécessaire que la victime ait subi une atteinte à son intégrité physique; une atteinte psychique peut suffire à la réalisation de l'infraction. Pour justifier la qualification de lésions corporelles, l'atteinte doit toutefois revêtir une certaine importance. Afin de déterminer ce qu'il en est, il y a lieu de tenir compte, d'une part, du genre et de l'intensité de l'atteinte et, d'autre part, de son impact sur le psychisme de la victime. Une atteinte de nature et d'intensité bénignes et qui n'engendre qu'un trouble passager et léger du sentiment de bien-être ne suffit pas. En revanche, une atteinte objectivement propre à générer une souffrance psychique et dont les effets sont d'une certaine durée et d'une certaine importance peut être constitutive de lésions corporelles. S'agissant en particulier des effets de l'atteinte, ils ne doivent pas être évalués uniquement en fonction de la sensibilité personnelle de la victime; il faut bien plutôt se fonder sur les effets que l'atteinte peut avoir sur une personne de sensibilité moyenne placée dans la même situation. Les circonstances concrètes doivent néanmoins être prises en considération; l'impact de l'atteinte ne sera pas nécessairement le même suivant l'âge de la victime, son état de santé, le cadre social dans lequel elle vit ou travaille, etc. (ATF 134 IV 189 c. 1.4).
4.3.2.
L’art. 126 CP énonce que celui qui se sera livré sur une personne à des voies de fait qui n’auront causé ni lésion corporelle ni atteinte à la santé sera, sur plainte, puni d’une amende (al. 1). La poursuite aura lieu d’office si l’auteur a agi à réitérées reprise contre une personne, notamment un enfant, dont il avait la garde ou sur laquelle il avait le devoir de veiller (al. 2 let. a).
Les voies de fait, réprimées par l’art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne causent ni lésions corporelles, ni dommages à la santé. Une telle atteinte peut exister même si elle n'a causé aucune douleur physique (ATF 134 IV 189 c. 1.2 ; ATF 119 IV 25 c. 2a).
4.3.3.
Comme la jurisprudence a eu l'occasion de le relever, la distinction entre lésions corporelles et voies de fait peut s'avérer délicate, notamment lorsque l'atteinte s'est limitée à des meurtrissures, des écorchures, des griffures ou des contusions. Dans les cas limites, il faut tenir compte de l'importance de la douleur provoquée, afin de déterminer s'il s'agit de lésions corporelles simples ou de voies de fait (TF 6B_624/2010 et 6B_625/2010 du 16 novembre 2010 c. 4.3 ; ATF 134 IV 189 c. 1.3). Le Tribunal fédéral a admis l'existence de lésions corporelles lorsqu'un coup provoque un hématome, dès lors que celui-ci résulte de la rupture de vaisseau sanguins, et qui laisse normalement des traces pendant plusieurs jours (ATF 119 IV 25 c. 2a; Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2010, p. 135). En outre, il a considéré que toute marque de coups laissés sur le corps d'un enfant constitue une lésion corporelle (ATF 119 IV 1; Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 2007, n. 1.3 ad art. 123 CP). Le Tribunal fédéral a également retenu que celui qui administre des coups de ceinture en cuir sur le dos d'un enfant doit savoir que ses actes provoqueront presque immanquablement des lésions corporelles (ATF 85 IV 125 c. 2, cité in Favre/Pellet/Stoudmann, op. cit., n. 1.2 ad art. 123 CP).
4.3.4.
En l’espèce, il ressort du dossier qu'B.Z._ a déclaré avoir eu mal au dos après avoir été frappé avec un linge par sa mère le 28 juin 2009 (P. 8, p. 2). Il a également affirmé avoir reçu des coups de ceinture sur le dos et avoir reçu, à une reprise, la boucle en fer sur l'œil lors d'un coup de ceinture (P. 8, p. 3). Il a ajouté avoir été blessé par son père (P. 8, p. 3). A.Z._ a, quant à lui, déclaré que sa mère lui avait donné des coups de ceinture sur les fesses et avoir eu une marque sur le visage suite à une gifle donnée par son père (P. 8, p. 4). Certes, il n'y a aucun constat médical au dossier et les témoins entendus n'ont pas constaté de marques de coup sur les enfants. Toutefois, dans la mesure où les faits reprochés à l'appelante ont été établis et reconnus, il ne fait aucun doute que le fait d'avoir donné des coups de ceinture, laquelle était en outre munie d'une boucle en fer, ainsi que des coups à l'aide d'un linge constitue des lésions corporelles simples conformément à la doctrine et à la jurisprudence précitées. En outre, l'impact psychique sur les enfants ne saurait être nié. En effet, les enfants étaient en bas âge au moment des faits et il est évident que la maltraitance physique sur de petits enfants entraîne nécessairement une maltraitance psychique. Cela ressort d'ailleurs du dossier de la Justice de paix du district de Lausanne. S'agissant de l'élément subjectif, l'appelante devait savoir, à tout le moins par dol éventuel, que le fait de donner des coups de ceinture et de linge à ses enfants allait provoquer des lésions corporelles simples, d'autant plus que la ceinture utilisée comportait une boucle en métal. S'agissant des fessées données de façon régulières, ces actes de violence constituent des voies de faits au sens de l'art. 126 CP, dès lors qu'ils excèdent manifestement ce qu'il est admis de supporter selon l'usage courant et les habitudes sociales.
4.3.5
La nature, la quotité de la peine et le montant du jour-amende, qui n'ont fait en eux-mêmes l'objet d'aucune contestation, peuvent être confirmés. On peut sur ces points renvoyer au jugement de première instance (pp. 21-22), complet et convaincant.
5.
W._ conclut principalement à sa libération des chefs de prévention de lésions corporelles simples qualifiées et de voies de fait qualifiées, subsidiairement à sa condamnation à une amende n'excédant pas 400 fr. pour voies de faits qualifiées. Il conteste les faits retenus à son encontre, les qualifications juridiques et la peine.
5.1.
L'appelant soutient que les accusations portées à son encontre sont infondées. Il affirme qu'elles sont, au contraire, le fruit du conflit que la prévenue entretient depuis leur séparation pour le priver de ses liens avec les enfants et que ces derniers ont été influencés par leur mère. Il fait valoir que les éléments retenus par le tribunal de première instance pour fonder sa conviction ne sont pas suffisants et a invoqué, lors de l'audience du 23 août 2011 devant la Cour de céans, une violation de la présomption d'innocence.
5.1.1.
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3). La présomption d'innocence, également garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU, 6 par. 2 CEDH et 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes (TF 6B_91/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2). Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent pas à exclure une condamnation. Il doit s'agir au contraire de doutes sérieux et irrépressibles (ATF 127 I 38 c. 2a).
5.1.2.
Le premier juge a d'abord retenu que les déclarations des enfants n'avaient pas été influencées par Y._ car, en reconnaissant les avoir frappé elle aussi, elle s'est exposée à une condamnation et s'est vue retirer la garde des enfants, ces derniers ayant été placés en famille d'accueil.
5.1.2.1.
L'appelant soutient que la prévenue, au vu du dur conflit opposant les parents, a très bien pu vouloir l'entraîner "avec elle dans l'opprobre". Toutefois, rien de tel ne ressort du dossier. En effet, la prévenue a dénoncé les violences que ses enfants subissaient de la part de leur père et d'elle-même au SPJ sur le conseil de X._, éducateur à la Fondation Jeunesse et Familles (P. 4/1; jgt, p. 4). L'initiative de la dénonciation ne revenant donc pas à la prévenue, le grief de l'appelant tombe à faux et doit être rejeté.
5.1.2.2.
L'appelant allègue également que la prévenue ne s'est pas fait retirer la garde de ses enfants et que ceux-ci n'ont pas été placés en famille d'accueil, mais qu'ils ont été volontairement placés par leur mère à l'Institut de Serix. Il est vrai qu'il ressort du dossier de la Justice de paix du district de Lausanne qu'B.Z._ et A.Z._ ont été placés volontairement par leur mère dans l'Institut précité (cf. dossier de la Justice de paix du district de Lausanne, rapport de Serix du 15 avril 2011, p. 2). Toutefois, cette considération ne change rien, puisque l'appelante pouvait craindre en se dénonçant que le droit de garde sur ses enfants lui soit retiré, ce qui est, du reste, arrivé par la suite. En effet, le Juge de paix du district de Lausanne a attribué provisoirement la garde sur A.Z._ et B.Z._ au SPJ (cf. ordonnance de mesures provisoires du 17 juin 2011). Ce grief doit donc également être écarté.
5.1.3.
Le tribunal de première instance s'est ensuite appuyé sur les déclarations du témoin X._ qui a évoqué le fait que Y._ était venue se réfugier, quelques années auparavant, au Centre d'accueil Malley Prairie où il travaillait. Puisque cette institution n'accueille que des victimes de violence, le tribunal en a déduit que la violence était présente dans le couple depuis un certain temps déjà.
L'appelant soutient que même s'il y avait eu de la violence au sein du couple, cela n'implique pas nécessairement de la violence à l'égard des enfants. Il allègue que le premier juge a dès lors fondé sa conviction sur un fait non établi.
Il ne s'agit certes pas d'une preuve décisive pour confondre W._, ce que le tribunal de première instance n'affirme d'ailleurs pas, mais d'un indice de violence que le premier juge était fondé à retenir. Le grief, mal fondé, doit être rejeté.
5.1.4.
Le premier juge s'est également fondé sur les déclarations de A.Z._ et B.Z._.
L'appelant fait valoir que les auditions des enfants peuvent être empreintes de suggestibilité. Il évoque les déclarations d'B.Z._, selon lesquelles le prévenu aurait lancé une paire de ciseau contre son fils G._ (P. 8, p. 2). Il soutient à cet égard qu'B.Z._ était trop jeune pour se souvenir de ce fait qui lui aurait été suggéré.
En l'occurrence, B.Z._ a en effet rapporté que son père avait lancé une fois un ciseau dans la direction de son frère G._ qui avait frôlé ce dernier et l'avait fait saigner (P. 8, p. 2). Il a également déclaré que son père lui avait parfois donné des gifles ainsi qu'à son frère A.Z._ et qu'ils étaient ensuite tout rouges (P. 8, p. 3). B.Z._ a encore expliqué que son père lui avait une fois donné une gifle vers l'œil, qu'il avait été ainsi blessé par son ongle et avait dû se rendre à l'hôpital (ibidem). Il a finalement ajouté que son père lui donnait ainsi qu'à son frère des coups de ceinture (ibidem). Quant à A.Z._, il a exposé que son père leur avait donné des claques sur les joues (aller et retour) et des coups de pied au derrière (P. 8, pp. 3-4). Il a ajouté avoir eu une fois une marque de gifle (P. 8, p. 4).
Il convient de relever que les questions posées par les inspecteurs étaient ouvertes et l'audition des enfants a eu lieu en présence d'un psychologue qui a attesté du bon déroulement de celles-ci. S'agissant de l'épisode du ciseau relaté par B.Z._, force est de constater que ce fait est corroboré par G._ lui-même, âgé de 24 ans au moment de son audition (PV aud. 3). Il n'existe dès lors aucune trace de suggestibilité et le grief doit donc être rejeté.
5.1.5.
Le Tribunal de police s'est encore fondé sur les déclarations des témoins X._, éducateur à la Fondation Jeunesse et Familles, et Q._, psychologue et ancienne employée du SPJ. Il a relevé que ces deux témoins avaient clairement expliqué au tribunal que les deux parents frappaient les enfants.
L'appelant soutient que ces deux témoignages ne sont pas probants, étant donné qu'aucune de ces deux personnes n'a été le témoin direct de ses prétendus agissements à l'égard de ses enfants.
En l'espèce, X._, qui a suivi la famille de 2008 à 2010, a rapporté aux débats de première instance que les enfants lui avaient dit avoir subi des violences de la part de leurs parents. Il a affirmé qu'il ne pouvait pas imaginer que les enfants aient décrit des violences qui n'existaient pas. Quant à Q._, psychologue ayant suivi les enfants du 6 février 2009 au 30 septembre 2010, elle a exposé aux débats de première instance que des intervenants de Serix avaient recueilli des déclarations des enfants faisant état de violences physiques de la part de leurs parents. Rien ne permet de mettre en doute ces témoignages de professionnels. Ce moyen, mal fondé, doit donc être rejeté.
5.1.6.
Le premier juge s'est encore basé sur le témoignage de G._. Il a relevé à cet égard qu'il avait acquis la conviction que les déclarations du prénommé, selon lesquelles il avait subi des violences physiques de la part du prévenu, étaient vraies.
L'appelant argue que ce témoignage n'est pas exploitable, étant donné qu'il n'a pas pu interroger ce témoin à charge. En effet, G._ étant son fils, il a fait valoir son droit de refuser de répondre. L'intéressé aurait ainsi été privé d'une garantie de procédure. Il demande dès lors que ce témoignage soit écarté du dossier et cite notamment à cet égard l'arrêt Luca c. Italie du 27 février 2001, requête n° 33354/96 Rec 2011 II 145.
L'appelant reprend l'argumentation déjà développée devant le tribunal de première instance qui avait écarté de manière convaincante sa requête en retranchement. L'arrêt précité a trait à une affaire où la déclaration litigieuse avait fondé de manière substantielle la condamnation. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. En effet, le témoignage de G._, qui a exposé avoir été frappé régulièrement par son père, lui causant marques et cicatrices, et avoir vu ce dernier frappé ses deux frères A.Z._ et B.Z._, n'est qu'un élément parmi beaucoup d'autres.
Mal fondé, cet argument doit être rejeté.
5.1.7.
Au vu ce qui précède, force est de constater que les faits retenus par le premier juge l'ont été à bon escient. Il n'a aucunement violé la présomption d'innocence, puisque, sur la base d'un examen objectif de la situation, il existe un faisceau d'indices entraînant la conviction que le prévenu a bien commis des actes de violence envers ses enfants.
5.2.
L'appelant conteste la qualification juridique des faits retenus par le Tribunal de police. Il soutient que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas constitutifs de lésions corporelles simples qualifiées, mais uniquement de voies de fait qualifiées.
5.2.1.
La Cour de céans renvoie aux considérants 4.3.1 à 4.3.3 du présent jugement s'agissant de la doctrine et de la jurisprudence relatives à la distinction entre lésions corporelles simples et voies de fait.
5.2.2.
En l'espèce, il est reproché au prévenu d'avoir donné des coups de ceinture à A.Z._ et B.Z._ ainsi que des gifles (aller et retour), laissant des marques rouges sur leur visage et, à une reprise, une blessure à l'œil d'B.Z._. Conformément à la doctrine et à la jurisprudence précitées, ces faits constituent des lésions corporelles simples qualifiées. En effet, les marques rouges laissées par les gifles ainsi que la blessure à l'œil d'B.Z._, qui a dû être soignée, sont des atteintes à l'intégrité corporelle au sens de l'art. 123 CP (cf. ATF 119 IV 1). Concernant les coups de ceinture, ainsi que retenu pour l'appelante, il s'agit également de lésions corporelles simples (cf. ATF 85 IV 125 c. 2). Par ailleurs, ses actes ont provoqué des souffrances psychiques à ses enfants ainsi qu'il en ressort du dossier de la Justice de paix du district de Lausanne. En outre, l'appelant devait savoir, à tout le moins par dol éventuel, que de tels actes de violence commis à l'égard d'enfants en bas âge allait provoquer des lésions corporelles simples. L'élément subjectif est dès lors également réalisé.
S'agissant des coups de pied au derrière et des tapes derrière la nuque infligées par le prévenu à ses deux enfants, ces faits sont des voies de fait au sens de l'art. 126 CP, dès lors qu'ils n'ont pas provoqué de lésions corporelles à ces derniers mais constituent tout de même des atteintes qui excèdent manifestement ce qu'il est admis de supporter selon l'usage courant et les habitudes sociales.
L'argumentation de l'appelant, mal fondée, doit être rejetée.
5.3.
L'appelant conteste finalement la quotité de la peine qui lui a été infligée. Il soutient que sa culpabilité est moyenne et qu'il aurait dû être condamné à une peine d'amende n'excédant pas 400 francs. Lors de l'audience du 23 août 2011 devant la Cour d'appel pénale, le conseil de l'appelant a ajouté qu'il ne se justifiait pas que la peine infligée à son ex-épouse soit moins lourde que la sienne.
5.3.1.
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Les critères énumérés de manière non exhaustive par l'art. 47 CP correspondent à ceux fixés par l'art. 63 aCP et la jurisprudence élaborée en application de cette disposition, qui conserve toute sa valeur. Ainsi, la culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_722/2010 du 17 février 2011 c. 1.2.1 et 1.2.2 ; ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1). S'agissant plus particulièrement de l'absence d'antécédents, cet élément n'a plus à être pris en considération dans un sens atténuant, sauf circonstances exceptionnelles (TF 6B_988/2010 du 3 mars 2011 c. 2.1; ATF 136 IV 1 c. 2.6.4).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (TF 6B_969/2010 du 31 mars 2011 c. 3.1 ; TF 6B_922/2010 du 25 janvier 2011 c. 3.3 ; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
5.3.2.
L'appelant fait d'abord valoir que le Tribunal a, à tort, pris en compte l'existence d'une récidive en cours d'enquête, en se référant pour cela à un événement qui aurait eu lieu le 10 septembre 2010 et qui a entraîné l'ouverture d'une nouvelle instruction pénale à son encontre. Lors de l'audience du 23 août 2011 devant la Cour d'appel, le conseil de l'appelant a produit une pièce à cet égard. Il s'agit d'un avis de prochaine clôture du 4 août 2011, par lequel la Procureure de l'arrondissement de La Côte lui a indiqué qu'elle entendait rendre une ordonnance de classement (P. 68).
Il est exact que le premier juge n'aurait pas dû tenir compte de cet élément pour arrêter la quotité de la peine. Il ne peut en effet pas prendre en considération un fait qui est encore en cours d'instruction et pour lequel le prévenu n'a pas été renvoyé. Toutefois, compte tenu de la durée de l'activité délictueuse, soit de 2004 à 2009, un acte de plus retenu à tort n'a pas d'influence significative sur la quotité de la peine. Par ailleurs, le tribunal de première instance a également retenu à tort, mais à décharge cette fois, l'absence d'antécédents judiciaires, contrairement à la jurisprudence récente du Tribunal fédéral précitée (cf. TF 6B_988/2010 du 3 mars 2011 c. 2.1; ATF 136 IV 1 c. 2.6.4). Cet élément pris de façon erronée à la décharge du prévenu compense dès lors la récidive retenue à tort à charge.
5.3.3.
L'appelant soutient encore que le tribunal aurait dû faire application de l'art. 54 CP, dès lors que la procédure pénale l'a beaucoup affecté puisqu'il voit peu ses enfants.
Selon l'art. 54 CP, si l'auteur a été directement atteint par les conséquences de son acte au point qu'une peine serait inappropriée, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.
Cette disposition a été reprise de l'ancien art. 66bis CP dont les principes demeurent valables. Conformément à ceux-ci, l'art. 54 CP est violé si cette règle n'est pas appliquée dans un cas où une faute légère a entraîné des conséquences directes très lourdes pour l'auteur ou, à l'inverse, si elle est appliquée dans un cas où une faute grave n'a entraîné que des conséquences légères pour l'auteur. Entre ces extrêmes, le juge doit prendre sa décision en analysant les circonstances concrètes du cas concret et il dispose d'un large pouvoir d'appréciation, de sorte que sa décision ne sera annulée que s'il en a abusé (TF 6B_111/2009 du 16 juillet 2009 c. 3.2; ATF 121 IV 162 c. 2d).
L'art. 54 CP exige que les conséquences de l'acte pour son auteur aient été importantes, notamment au plan physique. Le critère déterminant est qu'au vu de la culpabilité de l'auteur et des conséquences directes de son acte, la sanction pénale apparaisse à ce point inadéquate que le simple sentiment de justice impose de renoncer à toute peine. La mort d'un proche, compagnon de vie durant de longues années, est l'exemple type d'un cas d'application de l'art. 54 CP (Favre/Pellet/Stoudmann, op. cit., n. 1.2 ad art. 54 CP et les références citées). En revanche, une mère qui, en raison de la violation de son devoir d'assistance et d'éducation, est temporairement privée de relations personnelles avec son enfant, ne peut prétendre être exemptée de toute peine (ibidem et les références citées).
Au vu de ce qui précède, l'art. 54 CP ne saurait trouver application dans le cas d'espèce. Le moyen infondé doit ainsi être écarté.
5.3.4.
L'appelant fait finalement grief au premier juge d'avoir violé l'interdiction de la double prise en considération en ayant retenu deux fois la durée de l'activité délictueuse comme circonstances à charge alors que par définition les infractions de voies de fait et de lésions corporelles simples supposent une certaine répétition.
Selon la jurisprudence, les circonstances qui conduisent à élever ou à diminuer le cadre de la peine ne doivent pas être prises en considération une seconde fois comme éléments aggravants ou atténuants dans le cadre modifié de la peine, sans quoi l'auteur pâtirait ou bénéficierait deux fois de la même circonstance. En revanche, le juge peut tenir compte dans la fixation de la peine de l'intensité de cette circonstance (TF 6B_364/2008 du 10 juillet 2008 c. 1.1.1; ATF 118 IV 342 c. 2b/c). En effet, le juge fixe la peine en fonction de la gravité de la faute qui doit être évaluée au regard des circonstances de l'infraction et de la personne de l'auteur.
En l'espèce, l'argument de l'appelant est téméraire. En effet, la durée des actes délictueux s'élève à cinq ans, ce qui est particulièrement long et constitue un élément important pour apprécier la culpabilité du prévenu. Le premier juge pouvait, en vertu de la jurisprudence précitée, tenir compte dans la fixation de la peine de l'intensité de cette circonstance. En outre, il n'a aucunement violé l'interdiction de la double prise en considération puisqu'il n'a pas élevé le cadre de la peine des infractions retenues à l'encontre de l'appelant. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
5.3.5.
Il convient encore de souligner que la culpabilité de l'appelant était plus lourde que celle de son ex-épouse justifiant une peine plus sévère à son égard. En effet, Y._ s'est dénoncée en décembre 2008 au SPJ. Elle a en outre pris conscience de la gravité de ses actes, contrairement à l'appelant qui persiste à soutenir que son ex-épouse est à l'origine des accusations retenues contre lui. D'une manière générale, la peine prononcée à l'encontre de l'appelant, soit une peine pécuniaire de 120 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 40 fr., avec sursis pendant trois ans ainsi qu'une amende de 800 fr., se justifie. La quotité de la peine est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l'appelant et de sa situation personnelle. Elle ne relève ni d'un abus, ni d'un excès du pouvoir d'appréciation dont jouit l'autorité de première instance, laquelle n'a ignoré aucun des critères déterminants consacrés aux art. 34, 47 et 106 CP. On relèvera enfin que le montant du jour-amende n'a pas été contesté. La peine sera donc confirmée.
6.
En définitive, les appels doivent être rejetés et le jugement attaqué confirmé dans son entier.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 3'120 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), doivent être mis, conformément à l'art. 428 al. 1 CPP, par moitié, soit 1'560 fr., à la charge de Y._ et l'autre moitié, soit 1'560 fr., à la charge d' W._.
Outre la moitié de l'émolument, les frais de la procédure d'appel comprennent également pour Y._ l'indemnité d'office allouée à son conseil d'office (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP, art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). Le conseil d'office de l'appelante a indiqué qu'elle avait consacré 6 heures 40 au dossier, temps en audience non compris, et que ses débours comprenaient 47 photocopies. Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, il convient d'admettre que le conseil d'office de l'appelante a dû consacrer 8 heures à l'exécution de son mandat et que ses débours se montent à 50 francs. L'indemnité sera dès lors arrêtée à 1609 fr. 20, TVA et débours inclus (cf. art. 135 al. 1 CPP).
L'appelante ne sera tenue de rembourser à l'Etat le montant de l'indemnité en faveur de son conseil d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8ba72b45-fd01-4461-a97b-efca436f1f4c | En fait :
A.
Par jugement du 21 juillet 2011, le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois a libéré A.R._ de l’infraction de dommages à la propriété, ainsi que de l'infraction d’annonce (sic) à la banque de données et de sociabilisation (I), a constaté qu'elle s’était rendue coupable de lésions corporelles graves par négligence, d’insoumission à une décision de l’autorité et d’infraction à la loi cantonale sur la police des chiens (art. 16 ch. 2 LPolC) (II), l'a condamnée à une peine pécuniaire de 150 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 20 fr. ainsi qu’à une amende de 700 fr. et a dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l’amende sera de sept jours (III), a suspendu l’exécution de la peine pécuniaire et a fixé à la condamnée un délai d’épreuve de deux ans (IV) a dit que A.R._ était la débitrice de K._ d’un montant de 5'000 fr. à titre de tort moral, avec intérêts à 5 % l’an dès le 7 juin 2010, ainsi que d’un montant de 1'220 fr. 75 avec intérêt à 5 % l’an dès jugement définitif et exécutoire à titre de préjudice matériel (V), a arrêté l’indemnité du défenseur d’office de A.R._ à 1'265 fr. 55 pour toutes choses et celle du conseil d’office de K._ à 3'319 fr. pour toutes choses (VI), a mis les frais de justice, par 5'503 fr. 30, comprenant l’indemnité due à son défenseur d’office, ainsi que l’indemnité due au conseil d’office de la plaignante, à la charge de A.R._ (VII) et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité du défenseur d’office Fabien Mingard ne sera exigé que si la situation financière de A.R._ s'améliore notablement (VIII).
B.
A.R._ a annoncé faire appel de ce jugement le 22 juillet 2011. Le jugement écrit lui a été notifié le 26 juillet 2011 et elle a déposé une déclaration d’appel le 12 août 2011. Elle a conclu à la modification du jugement en ce sens qu'elle est libérée, en sus des chefs d'accusation de dommages à la propriété, et de l'infraction d’annonce (sic) à la banque de données et de sociabilisation, de l'accusation de lésions corporelles graves par négligence; qu'elle n'est condamnée que pour lésions corporelles simples par négligence et pour infraction à la loi cantonale sur la police des chiens (art. 16 ch. 2 LPolC); que la quotité de la peine pécuniaire infligée est réduite, le montant du jour-amende restant fixé à 20 fr., et qu'elle est condamnée à une amende de 300 fr. au maximum.
Sur le plan civil, elle a conclu à la modification du jugement en ce sens qu'elle n'est pas tenue de répondre du dommage matériel de l'intimée et à ce que la réparation du tort moral est limitée à 2'000 francs. Enfin, s'agissant des frais, elle a conclu à ce que leur clé de répartition entre elle-même et l’Etat est ramenée à une proportion inférieure aux trois quarts. La déclaration d'appel comporte en outre une conclusion implicite tendant à ce que les frais de conseil d’office de la plaignante ne sont pas supportés par la prévenue, mais entièrement laissés à la charge de l’Etat.
Le Ministère public s’en est remis à justice quant à la recevabilité de l’appel et a renoncé à déposer un appel joint. Intimée à l'appel, la plaignante K._ n’a pas procédé à ce stade.
A l'audience d'appel, la prévenue a confirmé ses déclarations faites devant le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois, ajoutant que sa situation personnelle ne s’était pas modifiée depuis le jugement de première instance. Elle a précisé ne pas avoir acquis de nouveau chien. Pour sa part, la partie plaignante a confirmé que l’état de sa main n’avait pas évolué. Elle a soumis à l'inspection de la cour (art. 193 CP) deux œuvres qu’elle avait dessinées avant d'être mordue.
La conciliation sur les conclusions civiles a été tentée. Elle a abouti partiellement en ce sens qu'à titre de dommage matériel, la réparation du tort moral étant réservée, A.R._ s'est reconnue débitrice de K._ d’un montant de 1'000 fr., avec intérêts à 5 % l’an dès le 9 novembre 2011. La prévenue a confirmé les conclusions de son appel pour le surplus. Pour sa part, l'intimée a conclu au rejet des conclusions de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 La prévenue A.R._, née en 1949, épouse d'B.R._, est retraitée. Elle perçoit une rente AVS, assortie de prestations complémentaires, de 1'616 fr. par mois au total. Son loyer mensuel se monte à 590 francs. Elle n'a pas de fortune, mais a des dettes à hauteur de 39'000 francs. Son mari a également des dettes.
1.2 La prévenue a été renvoyée devant le tribunal de police selon acte d'accusation rendu le 18 avril 2011 par le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois. Il lui est d'abord fait grief de dommages occasionnés à K._ par son chien "Othello", de race boxer, à Veytaux, le 7 juin 2010. Lors des faits, la détentrice de l'animal l'avait laissé divaguer en ayant omis de l'attacher à une laisse alors qu'elle quittait son logement et s'apprêtait à monter en voiture. Au même moment, la plaignante, née en 1944, sortait de la poste en tenant son petit chien en laisse. Cet animal a été inquiété par l'arrivée du boxer de la prévenue. La plaignante a alors pris son chien dans ses bras. A ce moment, le boxer s'est lancé contre elle et lui a arraché son chien des bras. En tentant de reprendre et de défendre son animal, K._ a été profondément mordue à l'avant-bras droit par le boxer.
Il est ensuite reproché à la prévenue, à raison du même complexe de faits, de ne pas s'être conformée à une décision rendue le 16 mars 2010 par le Service de la consommation et des affaires vétérinaires, agissant par le Vétérinaire cantonal, à la suite de divers incidents précédents ayant impliqué le même chien, à savoir deux morsures de personnes en 2007 et en 2009 et deux morsures infligées à d'autres chiens en 2009. Cette décision lui imposait, sous la menace explicite de la peine d'amende de l'art. 292 CP, de se plier aux règles suivantes :
- sur le domaine public, le chien "Othello" devait systématiquement être tenu en laisse;
- les cours d'éducation canine devaient être poursuivis afin que le détenteur soit à même de maîtriser son animal en toutes circonstances;
- le chien devait être castré le plus rapidement possible selon les disponibilités du vétérinaire traitant, au plus tard d'ici au 15 avril 2010, une attestation vétérinaire devant être transmise au service administratif compétent "d'ici cette date"; ce terme a ultérieurement été reporté au 30 juin 2010.
De surcroît, le canidé en question n'avait pas été annoncé à la banque de données compétente, ni à l'administration communale.
Il est constant que, lors des faits incriminés, le chien de la prévenue n'était pas tenu en laisse, ce que l'intéressée a du reste reconnu; qu'aucune attestation de castration n'avait été adressée au Vétérinaire cantonale; que l'animal n'était ni suffisamment socialisé, ni annoncé par sa détentrice. Le chien "Othello" a par la suite été euthanasié, ce en application d'une décision rendue le 14 septembre 2010 par le Vétérinaire cantonal.
K._ a déposé plainte pénale. Elle a pris des conclusions civiles à hauteur de 41’220 fr. 75, soit 40'000 fr. de tort moral et 1'220 fr. 75 de préjudice matériel, avec intérêts à 5 % l’an dès le 7 juin 2010 sur 40'000 fr. et dès la date du jugement sur le solde. Elle a en revanche expressément renoncé à faire valoir un préjudice ménager.
1.3 K._ a subi des lésions limitant notablement les mouvements des doigts de la main droite, qui est sa main dominante. Ces séquelles traumatiques sont ajoutées à une dégradation neurologique préexistante, à savoir une parésie, soit une paralysie partielle ou légère, se manifestant par une diminution de la force musculaire, associée à une myélopathie cervicale avec canal étroit résiduel.
L’intimée s'est soumise à divers examens médicaux, notamment auprès du neurologue [...]. Il ressort des avis de ce spécialiste que la plaignante souffrait déjà, avant d’être mordue, d’une parésie à 90 % de la flexion des doigts et de la préhension à droite, ainsi que d’une parésie à 70 % de l’extension de l’avant bras. L'évolution de l'état de la patiente est décrite dans cinq rapports de ce neurologue, établis sur un peu plus d'un an (P. 44 ch. 3).
Le premier rapport, daté du 15 juin 2010, rappelle d'abord que le membre supérieur droit de la patiente est le plus touché dans le cadre d’une affection neurologique sous-jacente; il fait ensuite état d’une atteinte neurologique surajoutée depuis la morsure, évoquant une atteinte de type compressive d’un rameau moteur et sensitif palmaire du nerf cubital (ulnaire), ainsi que du rameau superficiel de ce côté. Il est préconisé de suivre l’évolution pour déterminer si ces atteintes surajoutées vont s’améliorer en fonction de la résorption de l’hématome et du traumatisme aigu.
Le deuxième rapport, établi le 23 juin 2010, décrit une ébauche de mouvement des doigts, mais pas de modification des atteintes sensitives touchant le rameau palmaire du nerf cubital (ulnaire), ainsi que la branche superficielle du nerf radial à droite. Si dans l’appréciation une discrète amélioration est observée, des séquelles permanentes sont présentés comme probables.
Le troisième rapport, rédigé le 30 août 2010, fait suite à une consultation pour le contrôle des lésions neurologiques secondaires à la morsure du chien. Il indique que la patiente reste péjorée au niveau des mouvements de sa main droite, ce qu’elle constate dans l’écriture, la prise d’objets avec une sensation de membres plus lourds et des dysthésies distales dans le territoire des nerfs incriminés. Des séquelles plus définitives ont été évoquées, celles-ci n’étant pas impossibles chez cette patiente où une discrète atteinte neurologique supplémentaire est susceptible d’entraîner une aggravation fonctionnelle marquée, vu le tableau myélopathique préexistant.
Le quatrième rapport, du 10 décembre 2010, relate que la situation ne paraît pas avoir beaucoup évolué; que la patiente est "assez désespérée" car elle ne peut plus peindre correctement avec sa main droite depuis la morsure, alors que, malgré son handicap, elle en était encore capable auparavant. Elle décrit une hyperesthésie (sensibilité exagérée, pathologique) au niveau de la morsure elle-même. Le status neurologique montre un statu quo intégral, pas de nouvelles améliorations dans le territoire des deux nerfs incriminés, à savoir le rameau superficiel du radial et la banche sensitivomotrice palmaire du nerf ulnaire qui avaient été touchés par la morsure, le déficit sensitif correspondant persiste, ainsi que la parésie touchant la phalange distale des deux derniers doigts à droite où la force motrice n’est absolument pas revenue. Par ailleurs, le tableau est inchangé par rapport au bilan de janvier 2010, avec la parésie à 90 % de la flexion des doigts et de la préhension à droite et une parésie à 70 % de l’extension de l’avant-bras qui s’était alors péjorée chez une patiente connue pour une plégie des interosseux. Ce rapport comporte enfin le passage suivant :
«S’il n’y a pas de progression déficitaire de l’affection myélopathique sous-jacente, on constate malheureusement le status quo (sic) concernant les séquelles secondaires à la morsure de chien, dans le territoire du rameau superficiel du radial (troubles sensitifs) et de la branche sensitivomotrice palmaire du nerf ulnaire. Il est clair que même si l’évolution peut encore prendre plusieurs mois, l’existence d’une amélioration légère initialement suivie maintenant d’un status quo depuis plus de 3 mois n’est pas un facteur de bonne récupération de cette atteinte traumatique».
Le cinquième rapport, libellé le 24 juin 2011, relève qu’il persiste des phénomènes d’hyperesthésie au niveau de la morsure du poignet droit, avec l’atteinte connue des banches superficielles du nerf radial (branche sensitive) et la barnache sensitivomotrice palmaire du nerf ulnaire. La situation est maintenant stationnaire sur ce plan de l’avis du médecin spécialiste.
Subjectivement, la victime a dit ressentir une nette dégradation de ses facultés manuelles et digitales à la suite des morsures, étant précisé qu'elle s'adonnait à la peinture et au dessein de manière soutenue avant les faits dommageables. Ainsi, elle a écrit 28 juin 2010 au Vétérinaire cantonal (P. 23 p. 3) que l’attaque avait eu des conséquences sur sa main droite constatées par son médecin, car elle n’avait plus de sensation sur une partie de la main. Au terme de son audition du 30 septembre 2010 (aud. 2), elle a précisé que les lésions l’empêchaient maintenant de faire des portraits comme elle les faisait avant parce qu’elle avait de la peine à contrôler les mouvements de sa main droite. A l’audience de jugement du tribunal de police du 21 juillet 2011, elle a enfin déclaré ce qui suit :
« Je n’arrive plus à dessiner comme avant les faits de la cause. J’ai été traumatisée par les événements. J’ai des lésions permanentes à la main droite. Deux jours après les faits, je suis allée consulter mon médecin en urgence. J’ai paniqué à cause de la lésion causée à ma main droite. Je ne pouvais plus la bouger. Je précise que j’ai perdu la sensibilité de ma main droite. Je précise encore que je suis droitière. Aucun traitement n’est possible pour guérir cette lésion.
Je vous présente un dessin que j’ai fait. Ce n’est actuellement plus possible pour moi de reproduire un tel dessin de cette précision. La peinture était ma passion. Je n’écris plus qu’avec deux doigts. Je peux rédiger des courriers, mais très lentement ».
2 Le tribunal de police a considéré que la prévenue avait fautivement violé son devoir de prudence en omettant de tenir son chien en laisse lors des faits. En effet, elle savait que l'animal était dangereux, à telle enseigne qu'il avait déjà mordu d'autres chiens et même des êtres humains; de même, le devoir de prudence auquel elle était tenue lui avait dûment été rappelé par une décision administrative. En ce qui concerne l'état de la victime, les lésions subies du fait du chien de la prévenue ont été établies à satisfaction par les avis médicaux, lesquels rendent vraisemblable un préjudice permanent. Outre la causalité naturelle, la causalité adéquate entre les faits incriminés et le dommage a été retenue dans la mesure où c'était la violation de son devoir de prudence par la prévenue qui avait occasionné le préjudice de la plaignante. Au surplus, le premier juge a exclu que ce lien causal eut été rompu. En effet, l'état préexistant de la victime n'était, toujours de l'avis du tribunal de police, pas de nature à interrompre la causalité, faute de constituer une circonstance exceptionnelle ou extraordinaire à laquelle on ne pouvait dès lors s'attendre et, partant, reléguer au second plan le comportement de l'auteur. Les éléments constitutifs des lésions corporelles graves par négligence ont dés lors été tenus pour réalisés.
Sous l'angle de l'art. 292 CP, le premier juge a considéré que l'animal n'était, lors des faits, ni suffisamment socialisé, ni contrôlé par sa détentrice. Il a ensuite retenu qu'en laissant divaguer son chien en omettant de le tenir en laisse, la prévenue avait transgressé la décision rendue le 16 mars 2010 par le Vétérinaire cantonal, laquelle mentionnait la commination de la peine d'amende de l'art. 292 CP. Peu importe au surplus que la décision n'avait, toujours de l'avis du premier juge, été adressée qu'au propriétaire du chien, soit à B.R._, qui était seul mentionné sur le carnet de vaccination de l'animal.
Le premier juge a alloué à la partie civile 5'000 fr. de tort moral et 1'220 fr. 75 de préjudice matériel, ce dernier poste en référence aux pièces produites qui en établissent la quotité. Enfin, les frais de justice, y compris l'indemnité allouée au conseil d'office de la plaignante, ont été mis à la charge de la prévenue à raison des trois quarts, le solde étant laissé à celle de l'Etat. Cette réduction procède de l'abandon du chef d'accusation de dommages à la propriété et de deux des trois infractions à la législation sur la police des chiens. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (cf. l'art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
1.2
Aux termes de l’art. 398 al. 2 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). Selon l’art. 398 al. 3 CPP, l’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié (let. a), pour constatation incomplète ou erronée des faits (let. b) et pour inopportunité (let. c).
2.
Dans la mesure, s'agissant de la répression pénale, où elle conteste la qualification retenue sous l'angle des art. 125 al. 2 et 292 CP, l'appelante excipe d'une fausse application du droit matériel par le tribunal de police. Il en va de même de ses conclusions civiles, implicitement déduites des art. 41, 47, 49 al. 1 et 56 CO. Enfin, pour ce qui est de la procédure, l'appelante conteste également une partie des frais mis à sa charge, ainsi que leur répartition entre elle-même et l'Etat. Ces différents moyens relèvent de l'art. 398 al. 3 let. a CPP, s'agissant tant du droit matériel (pénal et civil) que des frais (cf. toutefois le c. 6.1 ci-dessous quant aux conclusions civiles).
3.
Contestant que les lésions résultant de la morsure de son chien puissent être qualifiées de graves au sens de la loi, l'appelante conclut d'abord à ce qu'elle ne soit reconnue coupable que de lésions corporelles simples.
3.1
Pour qualifier de simple ou de grave une lésion corporelle, commise notamment par négligence selon l'art. 125 CP, il faut se référer à l'art. 122 CP. Il faut déterminer si elle a laissé des séquelles pouvant être assimilées à une mutilation d’un membre ou d’un organe, soit parce que sa fonction est gravement atteinte (Favre, Pellet et Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 3
ème
éd. 2007, n° 1.9 ad art. 122 CP), ou à une infirmité. Les doigts ne sont pas considérés comme une partie importante du corps humain (Corboz, Les infractions, Tome I, 2ème ed. 2002, n° 9 ad art. 122 CP; Hurtado Pozo, Droit pénal, Partie spéciale, Genève 2009 n° 531), sauf à intégrer à la notion une composante subjective (ce qui est discuté en doctrine), comme ici l’impossibilité pour la victime retraitée de continuer à dessiner et à peindre. En revanche, il n'est pas douteux que ne plus pouvoir se servir normalement de sa main dominante et de ses doigts, notamment pour écrire, jouer d’un instrument ou tracer des lignes, constitue une infirmité, c’est-à-dire la diminution ou perte durable d’une faculté humaine (Corboz, op. cit., n° 10 ad art. 122 CP).
La rupture de la causalité adéquate nécessite, en plus de l’imprévisibilité de l’acte concurrent, que celui-ci revête une importance telle qu’il s’impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l’événement considéré, rejetant tous les autres facteurs, dont le comportement de l’auteur, à l’arrière-plan (Hurtado Pozo, op. cit. n° 561). Dans les infractions de lésions corporelles, un état déficient ou une prédisposition chez la victime ne constituent pas une circonstance propre à rompre le lien de causalité adéquate (ATF 131 IV 145 c. 5.3). Dans ce dernier arrêt, le Tribunal fédéral a ainsi confirmé la qualification d’homicide par négligence à l'égard d’un conducteur dans le cas d’un piéton, blessé au pied par une voiture, qui avait développé une gangrène nécessitant une amputation et qui était décédé d’un arrêt cardiaque dans les suites de l’opération.
3.2
En l’espèce, le premier juge a considéré (jugement, p. 12) qu’en raison des morsures, la fonction fondamentale de la main droite de la plaignante restait atteinte plus d’une année encore après les faits et qu'elle le demeurerait vraisemblablement de manière permanente. Il a exclu toute rupture du lien de causalité adéquate du fait de la santé fragile de la victime, soit de ses atteintes neurologiques préexistantes.
Il est constant, d'une part, que la plaignante est droitière et, d'autre part, que la morsure a occasionné une limitation fonctionnelle des doigts de sa main droite.
A dires de médecin, cette limitation est en rapport causal direct avec l’attaque du chien. La condition de la causalité naturelle entre l'acte incriminé, soit l'omission coupable, et le dommage est donc donnée.
A dires de médecin toujours, le handicap consécutif aux atteintes aux nerfs induites par les morsures du poignet est stationnaire. La limitation encourue doit donc être réputée permanente, comme l'a confirmé l'intimée à l'audience d'appel en indiquant que son état était inchangé depuis le jugement de première instance. Quant à l'ampleur et aux effets du handicap occasionné, la plaignante a décrit son état et ses implications dans sa vie quotidienne, s'agissant notamment de ses activités de peintre. Il n’existe aucun motif de douter de l’authenticité de ses déclarations, notamment quant au fait que la main du bras blessé soit devenue impropre à la peinture, voire même à tout usage courant un tant soit peu soutenu. La victime ne donne pas l’impression d’exagérer ses maux pour en tirer des avantages économiques indus. Ainsi, dans ses conclusions civiles, elle a même renoncé à invoquer un préjudice ménager pour le motif qu’elle bénéficie d’une aide à domicile, financée par les prestations complémentaires à l'AVS, trois fois par semaine (P. 44). De même, elle n’apparaît pas particulièrement sensible à la douleur. En effet, aussitôt après avoir été mordue et alors même qu’elle saignait abondamment, elle s’était préoccupée en priorité de faire soigner son chien, également mordu et blessé par le boxer de l'appelante, pour ne consulter son médecin que deux jours après les faits.
Les signatures de la plaignante apposées sur les divers écrits figurant au dossier révèlent un tracé scriptural malaisé, laborieux, voire maladroit, en tout cas dépourvu de l’aisance et de la maîtrise du signe réputées propres à une artiste peintre ou à une dessinatrice. A ceci s'ajoute que la maîtrise du trait dont faisait preuve la victime avant les faits dommageables est dûment documentée par les œuvres picturales présentées à l'audience d'appel. Ces éléments confirment le handicap fonctionnel décrit par l'intimée. Ce handicap affecte également l'écriture manuscrite. La lésion corporelle doit donc être qualifiée de grave selon l'art. 125 CP, rapproché de l'art. 122 CP, au vu de la jurisprudence résumée au c. 3.1 ci-dessus.
Enfin, les passages déterminants des divers avis du Dr [...], cités en partie faits ci-dessus, infirment les moyens de l'appelante. Outre son caractère permanent, contesté en vain comme on l'a vu et établi encore par un sixième rapport établi le 20 septembre 2011 par le Dr [...], le handicap séquellaire des morsures ne se confond pas avec les effets de l’atteinte neurologique préexistante, soit une myélopathie cervicale avec canal étroit résiduel; bien plutôt, il constitue le résultat des lésions distinctement diagnostiquées, occasionnées par les morsures et se traduisant par une aggravation fonctionnelle marquée de l’état neurologique dégradé préexistant. Il n'existe donc aucun élément propre à la victime qui aurait été de nature à interrompre le lien causal. La condition de la causalité adéquate entre le fait incriminé et la lésion corporelle est donc également réalisée.
En définitive, la qualification de lésions corporelles graves par négligence doit donc être confirmée.
4.
L'appelante conteste également sa condamnation pour insoumission à une décision de l'autorité. Elle fait valoir qu'elle n’était pas la destinataire de l’ordre renforcé par la commination pénale figurant dans la décision rendue par le Vétérinaire cantonal le 16 mars 2010, faute pour elle d'être la propriétaire du chien visé. De plus, la commination pénale n’aurait pas été exprimée dans la décision avec une précision suffisante pour lui être opposable.
4.1
Le premier juge a retenu (jugement, p. 9) que la prévenue s'était rendue coupable d'insoumission à une décision de l'autorité en ne se conformant pas à la décision du Vétérinaire cantonal du 16 mars 2010, qui lui enjoignait notamment de tenir systématiquement le chien boxer "Othello" en laisse sur le domaine public, sous menace de la peine d’amende de l’art. 292 CP.
Le Tribunal fédéral a, dans un arrêt du 10 novembre 2004 (6S.124/2004, partiellement publié aux ATF 131 IV 32), considéré ce qui suit (c. 1, non publié aux ATF) :
« S'agissant du destinataire de l'injonction, la doctrine admet que celle-ci ne saurait viser tout un chacun (Corboz, Les infractions en droit suisse, Volume II, Berne 2002, n. 3 ad art. 292 CP), mais qu'elle doit s'adresser soit à une personne, soit à un cercle donné de personnes. Il n'est pas nécessaire que celles-ci soient désignées nommément, mais il faut au moins que le destinataire, qu'il s'agisse d'une personne ou d'un cercle de personnes, puisse être déterminé (Trechsel, Kurzkommentar StGB, 2e éd., Zurich 1997, n. 3 ad art. 292; Donatsch/Wohlers, Strafrecht IV, 3ème éd., Zurich 2004, p. 337) sans difficulté et avec certitude (Riedo, Basler Kommentar II, art. 292 n. 44). Selon Peter Stadler (Ungehorsam gegen amtliche Verfügungen, thèse, Zurich 1990, p. 75), il doit en outre s'agir d'une personne physique, qui peut être membre d'un cercle donné, par exemple un organe d'une personne morale.
Selon la jurisprudence, il suffit que les indications contenues dans la commination permettent de déterminer quelles sont les personnes visées. Il est évident que seule une personne physique peut être astreinte à un certain comportement, tout comme seule une personne physique peut être menacée des sanctions pénales prévues à l'art. 292 CP. Ainsi, lorsque la menace de la mise en application de l'art. 292 CP est adressée à une personne morale, il faut considérer que l'injonction s'adresse à la personne physique qui, en tant qu'organe de la société, a la compétence de prendre des décisions au nom de celle-ci et de les communiquer à des tiers (ATF 78 IV 237, p. 239 s.). Si une imprécision dans la désignation du destinataire a pour conséquence que celui-ci n'est pas conscient de l'injonction qui lui est faite, il faut renoncer à appliquer l'art. 292 CP dont l'élément subjectif n'est pas réalisé faute d'intention. Si en revanche le destinataire connaissait l'injonction, il ne se justifie pas de le libérer pour la seule raison qu'il a été désigné autrement que par son nom (ATF 78 IV 237, p. 239). »
En l’espèce, la décision du Vétérinaire cantonal du 16 mars 2010 (P. 25) était adressée, sous plis recommandé et simple, aux époux «A.R._» à leur adresse commune de [...]. La prévenue ne conteste pas que cet acte administratif soit parvenu dans son ménage. En caractères gras, sitôt après la commination de la l’art. 292 CP à laquelle les deux destinataires étaient rendus attentifs, la décision précisait ce qui suit : «A cet égard, vous devez en tout temps faire en sorte que la présente décision soit respectée, même lorsque la détention de votre animal est exercée par un tiers».
Au demeurant l’art. 4 de la loi du 31 octobre 2006 sur la police des chiens (LPolC, RS 133.75), qui porte la note marginale «
Détenteur de chien
», pose la présomption que toute personne ayant la garde d’un chien est considérée comme son détenteur.
L’injonction a ainsi été régulièrement notifiée aux époux A.R._, codétenteurs du chien. Cet élément suffit pour que l'on doive considérer qu'elle a été valablement signifiée à l’appelante. Ce premier moyen est donc mal fondé.
4.2
En second lieu, l’appelante fait grief à l’injonction d’être dépourvue d’un caractère comminatoire suffisant.
Conformément à l'art. 292 CP, l'insoumission à une décision de l'autorité n'est punissable que si la commination a été signifiée sous la menace de la peine prévue par cette disposition. La notification de l'injonction doit indiquer avec précision les sanctions auxquelles le destinataire s'expose s'il n'obtempère pas. Il ne suffit pas de se référer à l'art. 292 CP ou de parler de sanctions pénales. Il faut indiquer précisément qu'une insoumission est, en vertu de l'art. 292 CP, passible des arrêts ou de l'amende (ATF 105 IV 248 c. 1; voir également ATF 124 IV 297 c. 4e, p. 312; ATF 131 IV 132 c. 3).
En l'espèce, la décision du 16 mars 2010 reproduit intégralement la teneur de l'art. 292 CP. Ceci suffit manifestement, conformément à la jurisprudence résumée ci-dessus, pour que l'on doive admettre que l’appelante, comme d’ailleurs tout lecteur de bonne foi de cette décision, devait savoir que, si elle n'obtempérait pas, elle s'exposait à une peine d'amende. Ce grief est donc également mal fondé.
5.
L'appelante conteste ensuite la sanction.
5.1
Il n’y a pas lieu de revoir la peine pécuniaire, dès lors que l’infraction qui la fonde (lésions corporelles graves par négligence) est maintenue. Pour sa part, l'amende sanctionne la contravention à l’art. 292 CP (réprimée d'une peine maximale de 10'000 fr. selon l’art. 106 al. 1 CP) et celle à l'art. 16 al. 2 LPolC (réprimée d'une peine maximale de 20'000 fr. selon l'art. 34 LPolC).
Quant au montant de la peine d’amende, arrêté à 700 fr., l’appelante estime qu’il n’est pas proportionné à sa situation financière, qu'elle tient pour précaire, si bien qu’il devrait être ramené à 300 francs.
L’appelante dispose d’un revenu personnel consistant en une rente AVS assortie de PC, à hauteur de 1'616 fr. par mois au total. Elle vit avec son mari, dont le revenu n’est pas connu. Le loyer de l'appartement des époux s’élève à 590 fr. par mois. Dépourvue de fortune, elle a des dettes pour 39'000 francs. Son mari est également endetté.
5.2
Aux termes de l'art. 47 al. 1 CP, la peine doit être fixée d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte de ses antécédents et de sa situation personnelle ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir. L'alinéa 2 de cette disposition énumère, de manière non limitative, une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité de l'auteur. Ces critères correspondent à ceux développés par la jurisprudence relative à l'art. 63 aCP, à laquelle on peut se référer (124 IV 17 c. 2.1 p. 19). Une exception doit toutefois être faite s'agissant de l'absence d'antécédents qui, sauf circonstances exceptionnelles, n'a plus à être prise en considération dans un sens atténuant (136 IV 1 c. 2.6.4 p. 3).
S'agissant plus précisément de la peine d'amende, l'art. 106 al. 3 CP prescrit au juge de fixer celle-ci ainsi que la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur, afin que la peine corresponde à la faute commise. La situation économique déterminante est celle de l'auteur au moment où l'amende est prononcée (ATF 119 IV 330 c. 3 p. 337). La règle précise clairement que la capacité économique («en tenant compte de la situation») joue un rôle central pour la fixation de l'amende également, même si le juge dispose sur ce point d'un pouvoir d'appréciation plus étendu qu'en matière de jours-amende.
Vu son large pouvoir d'appréciation dans la fixation de la peine, il n'y a ainsi violation du droit fédéral que lorsque le juge sort du cadre légal, lorsqu'il fonde sa décision sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, lorsqu'il omet de prendre en considération des éléments prévus par cette disposition ou lorsqu'il abuse de son pouvoir d'appréciation en fixant une peine exagérément sévère ou excessivement clémente (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.).
C'est prise dans son ensemble que la peine prononcée doit correspondre à la culpabilité de l'auteur telle qu'elle est définie par la loi. Dès lors, même si seule l'amende est remise en cause par le recours, c'est en regard de la peine globale prononcée que l'autorité doit examiner si la quotité de l'amende a été fixée conformément aux principes ci-dessus (TF 6S.677/1996 du 4 novembre 1996 c. 2a; TF 6B_988/2010 du 3 mars 2011).
Les principes généraux déduits de l'art. 47 CP sont applicables par analogie aux contraventions réprimées par le droit cantonal.
5.3
Dans le cas particulier, les contraventions commises par l'appelante et réprimées distinctement par l'amende consistent, d’une part, à ne pas avoir respecté le devoir légal général de maîtriser son animal en public, au besoin en le tenant en laisse, et, d’autre part, d’avoir passé outre à l’injonction administrative spécifique de tenir ce chien en laisse en raison de sa dangerosité. Cette double faute, qui s’est traduite par une mise en danger d’autrui qui s’est hélas concrétisée, est lourde. La dangerosité du chien était avérée, car elle s'était manifestée lors de précédents épisodes d’attaque par morsures d’animaux et d’êtres humains. La prévenue ne pouvait l'ignorer. Tout détenteur d’un chien connu pour sa dangerosité a le devoir élémentaire de prévenir ce risque. On peut discerner ainsi chez l’appelante un certain manque de scrupules alors même qu’il lui aurait été facile de se conformer à la loi et à la décision du Vétérinaire cantonal. Les infractions à l'art. 292 CP et à la LPolC sont en concours. Il s'agit d'autant d'éléments à charge. On ne décèle guère d'éléments à décharge, hormis les regrets exprimés par la prévenue à la fin de l'audience du tribunal de police. Au vu de l’importance de la faute, l’amende paraît modique.
Elle n’est en particulier pas disproportionnée par rapport à la situation financière de l’appelante, dont les charges sont réduites et qui, outre ses revenus propres, bénéficie du soutien de son mari. De plus, le chien ayant été euthanasié sans avoir été remplacé, les montants mensuels que l’appelante et son mari consacraient à la pension, aux soins et aux autres coûts de cet animal peuvent être dévolus au paiement de l’amende. Enfin, le renvoi de l’art. 106 al. 5 CP à l’art. 35 al. 1 CP permet un règlement par acomptes sur 12 mois, voire davantage. Le grief dirigé contre la quotité de l'amende doit ainsi être rejeté.
6.
Les conclusions ultérieures de l'appelante sont dirigées contre les conclusions civiles allouées à la plaignante et partie civile.
6.1
La partie plaignante avait conclu au versement de 41’220 fr. 75 à titre de réparation civile, soit 40'000 fr. de tort moral et 1'220 fr. 75 de préjudice matériel (P. 44), avec intérêts à 5 % l’an dès le 7 juin 2010 sur 40'000 fr. et dès la date du jugement sur le solde. Elle avait en revanche expressément renoncé à faire valoir son préjudice ménager. Le premier juge lui a octroyé 5'000 fr. au titre de tort moral et 1'220 fr. 75 en réparation du dommage matériel, ce en référence aux pièces produites qui en établissaient les diverses postes.
Conformément à l’art. 398 al. 5 CPP, l’appel ne portant pas uniquement sur les conclusions civiles (appel civil autonome), le présent appel civil accessoire est recevable sans restriction quant à la valeur litigieuse inférieure à la limite de 10'000 fr. énoncée à l’art. 308 al. 2 CPC et sans que le pouvoir d’examen de la cour d’appel ne soit limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits au sens de l’art. 320 CPC (Jeandin/Matz, dans : Kuhn/Jeanneret [éd.], Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, n° 13 et 14 ad art. 126 CPP; Kistler Vianin, dans : ibid., n° 34 ad art. 398 CPP).
6.2
S'agissant du dommage matériel, la conciliation sur les conclusions civiles a abouti partiellement en ce sens que l'appelante s'est reconnue débitrice de l'intimée d’un montant de 1'000 fr., avec intérêts à 5 % l’an dès le 9 novembre 2011, accepté par cette dernière pour solde de tout compte. Cette novation se traduira par une modification d'office du chiffre V du dispositif de première instance.
Cela étant, seule demeure litigieuse la réparation du tort moral.
6.3
Au pénal, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l’infraction (art. 119 al. 2 let. b et 122 al. 1 CPP). Ceci signifie qu’au moment de la déclaration de partie civile les prétentions civiles doivent se rattacher à une cause juridique résultant d’un ensemble de faits en eux-mêmes constitutifs d’une infraction pénale (Jeandin/Matz, dans : Commentaire romand, op. cit., n° 9 ad art. 118 CPP et n° 16 ad art. 122 CPP). En revanche, il n’est pas nécessaire que l’acte s’avère en fin de compte pénalement punissable. Ainsi, comme l’art. 126 al. 1 let. b CPP le prévoit, le tribunal statue également sur les conclusions civiles présentées lorsqu’il acquitte le prévenu et que l’état de fait est suffisamment établi (Jeandin/Matz, ibid., n° 9 et 11 ad art. 126 CPP).
6.4
Dans le cas d’espèce, les prétentions restant litigieuses découlent des faits du 7 juin 2010, à l'instar du reste du dommage matériel qui n'est plus en cause. Il s'agit de conclusions civiles fondées sur la responsabilité (causale) du détenteur d’animal (art. 56 CO), ainsi que sur la responsabilité (délictuelle) découlant de la commission d’un acte illicite (art. 41 CO). Les postes du dommage moral réclamé étant en connexité avec le complexe de faits incriminé, ces conclusions sont recevables nonobstant l’acquittement de la prévenue à raison de certains chefs d’accusation.
6.5.1
L’art. 47 CO prévoit que le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. En vertu de l’art. 49 al. 1 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d’argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie et que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement.
6.5.2
L'art. 47 CO est un cas d’application de l’action générale en réparation du tort moral prévue par l’art. 49 CO : cela signifie que la victime de lésions corporelles n’a droit à une réparation morale que pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie (ATF 128 II 49, c. 4.2; ATF 123 III 204, c. 2e, JT 1999 I 9; Tercier, Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1984, n. 2047 ss, pp. 270 s.; Deschenaux et Tercier, La responsabilité civile, 2
ème
éd., Berne 1982, n. 24 s., p. 93). On définit le tort moral comme les souffrances physiques ou psychiques que ressent la personne lésée à la suite d’une atteinte à la personnalité (Tercier, op. cit., n. 2029, p. 267). L’art. 49 al. 1 CO exige que cette atteinte dépasse la mesure de ce qu’une personne doit normalement supporter, que ce soit sur le plan de la durée des souffrances ou de leur intensité (Bucher, Personnes physiques et protection de la personnalité, 4
ème
éd., Bâle, Genève, Munich 1999, n. 603, p. 141; Tercier, op. cit., n. 2047 ss, pp. 270 s.; Deschenaux et Tercier, op. cit., n. 24 s., p. 93). L’ampleur de la réparation dépend avant tout de la gravité de l’atteinte – ou, plus exactement, de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à cette atteinte – et de la possibilité d’adoucir sensiblement, par le versement d’une somme d’argent, la douleur morale qui en résulte (ATF 125 III 269, c. 2a; ATF 118 II 410, c. 2a).
En raison de sa nature, l’indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d’argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites; l’indemnité allouée doit toutefois être équitable. Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l’atteinte subie et évitera que la somme accordée n’apparaisse dérisoire à la victime (ATF 125 III 269, précité; ATF 118 II 410, précité).
6.6
A l'audience d'appel, l'intimée a, comme déjà relevé, indiqué que son état était inchangé depuis le jugement de première instance. A l’inverse de l’interrogatoire ayant le poids d’un indice (Schweizer, Code de procédure civile commenté, Bâle 2011, n° 3 et 4 ad art. 192 CPC), la déposition de parties est désormais un mode de preuve en procédure civile (art. 192 CPC). Non seulement cette déclaration n'est infirmée par aucun élément ressortant du dossier, mais elle est étayée par les divers rapports du médecin neurologue. Il est en particulier constant que le dessein et la peinture revêtaient une grand importance pour la lésée et que l'intéressée est même entravée dans sa vie quotidienne, à telle enseigne que, dans son quatrième rapport, du 10 décembre 2010, le neurologue fait état du désespoir de sa patiente.
6.7
Si le premier juge a alloué 5'000 fr. en capital au titre de tort moral, c'est pour le motif essentiel que, du fait des morsures, la plaignante ne peut plus s'adonner à son loisir de peintre et de dessinatrice comme auparavant, ce qui lui pèse beaucoup. En revanche, le tribunal de police s’est écarté du raisonnement tendant à assimiler le handicap encouru à la perte de doigts selon l’annexe 3 à l’ordonnance du 20 décembre 1982 sur l’assurance-accidents, soit l'ordonnance d'application de la loi sur l'assurance-accidents (OLAA, RS 832.202). Il ne lui a pas échappé qu’il s’agissait d’indemniser la souffrance causée par une atteinte ajoutée à un délabrement physique préexistant.
La critique de l’appelante, qui entend n'être tenue à réparer le tort moral qu'à hauteur de 2'000 fr. en capital, tombe à faux. En effet, elle revient sur l’assimilation du traumatisme infligé par les morsures à la perte de doigts. Or, le premier juge n’a précisément pas retenu cette analogie. Pour le surplus, les éléments déterminants sont l’âge de la victime, les circonstances traumatisantes de la survenance des lésions, des douleurs physiques et morales éprouvées, ainsi que la portée lourde du handicap surajouté sur la vie de la lésée. Au vu de ces circonstances, le montant alloué de 5'000 fr. en capital ne saurait être réduit. Il s’avère même modique. De plus, cette indemnité incluait aussi implicitement l’atteinte à la valeur affective du chien blessé de l’intimée (art. 43 al. 1bis CO).
6.8
Enfin, l’intimée a très généreusement renoncé à faire valoir son préjudice ménager pour le motif qu’elle bénéficie d’aides de ménage ponctuelles, prises en charge au titre du droit des assurance sociales, alors que ce poste, qui inclut le dommage futur, aurait pu se chiffrer, sur la base d’une expertise, à un montant important après capitalisation au moyen des tables d’activité.
Il n'y a donc pas matière à allouer une indemnité pour tort moral d'un montant inférieur à celui fixé par le tribunal de police. Partant, cette conclusion de l’appel doit également être rejetée.
7.
L'appelante critique ensuite la clé de répartition des frais appliquée par le premier juge, soit les trois quarts à sa charge et le solde à celle de l’Etat. A l'appui de sa conclusion en réduction, elle se réfère uniquement à l’acquittement pour insoumission à une décision de l’autorité auquel elle conclut par ailleurs. Dès lors que ce chef de condamnation est maintenu en appel (c. 4 ci-dessus), il en va de même de la répartition des frais.
8.
Contestant enfin l'imputation de l'indemnité du conseil d’office de la plaignante dans les frais, l’appelante invoque une fausse application de l’art. 426 al. 4 CPP. Elle fait valoir que la mise à sa charge de ce poste de frais est incompatible avec le fait qu’elle ne bénéficie pas d’une bonne situation financière.
Le principe consiste en ce que les frais de l’assistance judiciaire de la partie plaignante incombent en principe à l’Etat et que le condamné ne les supporte que si sa situation financière est bonne (Chapuis, dans : Commentaire romand, op. cit., n° 9 ad art. 426 CPP). Toutefois, même si le libellé en diffère, au vu de l’art. 426 al. 1 CPP et du renvoi de l’art. 138 al. 1 à l’art. 135 CPP, il s’agit du même régime que celui institué par l’art. 135 al. 4 CPP qui subordonne le remboursement par le condamné des frais de sa défense d’office à ce que permet sa situation financière (Domeisen, dans : Niggli/Heer/Wiprächtiger, Schweizerische Strafprozessordnung, Basler Kommentar, Bâle 2011, n° 19 ad art. 426 CPP).
Aussi, il n’y a pas lieu de libérer l’appelante de ces frais, mais de compléter d’office le chiffre VIII du dispositif du jugement attaqué en ce sens que le remboursement de l’indemnité du conseil d’office de l'intimée (Me Frank Tièche) n’interviendra également que si la situation financière de l’appelante s’améliore. Ce moyen est également rejeté.
9.
L'appelante succombant entièrement sur ses conclusions tranchées par le présent jugement, les frais de la procédure d'appel selon l'art. 424 CPP doivent être mis à sa charge (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Ces frais comprennent l'indemnité de son défenseur d’office et de celui de l'intimée, pour la procédure d’appel. Ces indemnités doivent l'une et l'autre être arrêtées à 1'382 fr. 40, TVA comprise, ce au vu de la complexité de la cause et de l'ampleur respective des opérations effectuées par chacun des conseils.
L'appelante ne sera tenue de rembourser à l’Etat le montant des indemnités en faveur des conseils d’office prévues ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8bbc4e56-092d-4fe0-a414-62e39d302e2f | En fait :
A.
Par jugement du 27 août 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a constaté que N._ s’est rendu coupable de violation simple des règles de la circulation routière (I), l’a condamné à une amende de 370 fr. et dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif sera de quatre jours (II) et a mis les frais de justice, par 400 fr., à la charge de N._ (III).
B.
N._ a annoncé faire appel de ce jugement le 31 août 2015. Il a déposé une déclaration d’appel motivée par pli posté le 9 septembre 2015, concluant implicitement à la modification du jugement en ce sens que les infractions commises soient réprimées conformément au chiffre 303.2 de la liste des amendes d’ordres plutôt que selon son chiffre 303.1, comme on ne verra plus en détail en partie droit ci-dessous.
Le Ministère public a renoncé à présenter une demande de non-entrée en matière ou une déclaration d’appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. Né en 1955, le prévenu N._ est associé-gérant de [...
], activité qui lui rapporte, selon ses dires, un revenu mensuel brut de l’ordre de 20'000 francs. Il est propriétaire de trois biens immobiliers, tous hypothéqués. Sa prime d’assurance-maladie s’élèverait à quelque 500 fr. par mois. Les deux cadets de ses quatre enfants sont encore à sa charge.
Tant son casier judiciaire que son fichier ADMAS sont vierges de toute inscription.
2. Il est d’abord reproché au prévenu d’avoir, le 1
er
octobre 2013, sur la route du Landar, à La Conversion, circulé à la vitesse de 74 km/h sur un tronçon sis en localité et sur lequel la vitesse était limitée à 60 km/h, commettant ainsi un excès de vitesse de 11 km/h après déduction de la marge de sécurité. Dans la même procédure, il lui est ensuite fait grief d’avoir, le 20 mai 2014, roulé sur le même tronçon de route à une allure excédant de 7 km/h la vitesse maximale autorisée, également après déduction de la marge de sécurité.
3. En première instance, le prévenu n’a pas contesté les faits incriminés, ni donc ses excès de vitesse en eux-mêmes. Il a toutefois fait valoir que le tronçon de route en question ne se trouve pas en localité mais hors-localité. Il a en outre soutenu que la limitation de vitesse à cet endroit était inappropriée. | En droit, le premier juge a considéré, au vu des coordonnées figurant sur les avis d’infraction et des photographies versées au dossier, que le tronçon de route en question se situait après un panneau de début de localité, sur route principale (Corsy, commune de Lutry) et que la limitation de vitesse perdurait au-delà de l’endroit où était implanté le radar, de sorte que les excès de vitesse incriminés avaient été commis à l’intérieur d’une localité. Au surplus, le premier juge a relevé qu’il ne lui appartenait pas de mettre en cause l’opportunité de la signalisation routière communale. L’amende d’ordre de 250 fr. réprime le premier excès de vitesse, de 11 km/h, celle de 120 fr. sanctionne le second excès de vitesse, de 7 km/heure.
En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP, applicable par analogie par renvoi de l’art. 30 LVCPP), l’appel est recevable.
2.
2.1
La cause ne portant que sur une contravention, l’appel relève de la procédure écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP) et de la compétence du juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP).
2.2
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin,
in
: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
3.
3.1
A la lecture de ses moyens, parfois peu explicites, rapprochés de ceux articulés en première instance, on comprend que l’appelant ne conteste pas les violations de la LCR (art. 90 ch. 1 LCR, par référence aux art. 32 al. 1 LCR et 4a al. 5 OCR), mais qu’il conteste qu’à l’endroit des excès de vitesse, on puisse appliquer le chiffre 303.1 de la liste des amendes d’ordre (cf. c. 4.2 ci-dessous), faute pour le tronçon de route en question d’être situé en localité. Pour l’appelant, c’est le chiffre 303.2 de la liste qui devrait s’appliquer, de sorte que les infractions ne seraient pas punies d’une amende d’ordre de 250 fr. pour le premier excès de vitesse de 11 km/h, respectivement d’une amende de 120 fr. pour le second excès de vitesse de 7 km/h au même endroit.
3.2
La question déterminante est celle de savoir si les excès de vitesse ont été perpétrés dans une localité ou, bien plutôt, hors localité au sens de la loi.
A teneur de l’art. 32 LCR, la vitesse doit toujours être adaptée aux circonstances, notamment aux particularités du véhicule et du chargement, ainsi qu'aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité. Aux endroits où son véhicule pourrait gêner la circulation, le conducteur est tenu de circuler lentement et, s'il le faut, de s'arrêter, notamment aux endroits où la visibilité n'est pas bonne, aux intersections qu'il ne peut embrasser du regard, ainsi qu'aux passages à niveau (al. 1). Le Conseil fédéral limitera la vitesse des véhicules automobiles sur toutes les routes (al. 2). L'autorité compétente ne peut abaisser ou augmenter la vitesse maximale fixée par le Conseil fédéral sur certains tronçons de route qu'après expertise. Le Conseil fédéral peut prévoir des exceptions (al. 3).
Fondé sur la délégation de compétence de l’art. 32 al. 2 LCR, l’art. 4a OCR (Ordonnance sur les règles de la circulation routière; RS 741.11), dont la note marginale est «
Limitations générales de vitesse; règle fondamentale
», prévoit, en son alinéa 1, que la vitesse maximale générale des véhicules peut atteindre, lorsque les conditions de la route, de la circulation et de visibilité sont favorables, (les vitesses suivantes,
réd
.) : 50 km/h dans les localités (a.); 80 km/h hors des localités, à l'exception des semi-autoroutes et des autoroutes (b.); 100 km/h sur les semi-autoroutes (c.) et 120 km/h sur les autoroutes (d.).
L’art. 4a al. 2 OCR prévoit ce qui suit :
« La limitation générale de vitesse à 50 km/h (al. 1, let. a) s'applique dans toute la zone bâtie de façon compacte à l'intérieur de la localité; cette limitation commence au signal «Vitesse maximale 50, Limite générale» (2.30.1) et se termine au signal «Fin de la vitesse maximale 50, Limite générale» (2.53.1). Pour les conducteurs qui entrent dans une localité par des routes secondaires peu importantes (telles que routes qui ne relient pas directement entre eux des localités ou des quartiers extérieurs, routes agricoles de desserte, chemins forestiers, etc.), la limitation est aussi valable en l'absence de signalisation, dès qu'il existe une zone bâtie de façon compacte ».
L’art. 4a al. 5 OCR a la teneur suivante :
« Lorsque des signaux indiquent d'autres vitesses maximales, celles-ci sont applicables en lieu et place des limitations générales de vitesse (al. 1); il en va de même des vitesses inférieures imposées à certains genres de véhicules par l'art. 5 ou à certains véhicules par décision de l'autorité compétente ».
4.
4.1
En l’espèce, la limite de vitesse est fixée à 60 km/h sur le tronçon emprunté par l’appelant lors des faits litigieux. De prime abord, on serait donc tenté de dire, sur la base de l’art. 4a al. 1 et 2 OCR, surtout de l’al. 2, qu’il s’agit d’un excès de vitesse hors localité, puisque c’est la vitesse maximale de 50 km/h qui s’applique dans les localités en vertu de la règle posée par l’art. 4a al. 1 let. a OCR.
Ce serait toutefois ignorer l’alinéa 5 de cet article. En effet, des signaux peuvent indiquer d’autres vitesses maximales, ce qui implique, en définitive, que c’est le signal qui fait foi et qui détermine si l’on est à l’intérieur ou hors d’une localité.
4.2
Dans le cas particulier, il ressort du dossier (voir pièces de forme, image google) que figure, sous le panneau « 60 km/h », le signal indiquant l’entrée dans la localité de Corsy. Il s’agit d’un signal au sens de l’OSR (ordonnance sur la signalisation routière; RS 741.21), ordonnance qui, à teneur de son art. 1 al. 1, régit les signaux, marques et réclames sur les routes et à leurs abords, les signes et les instructions à donner par la police et détermine les mesures et restrictions nécessaires à la circulation. Le signal en question est répertorié sous chiffre 4.27 de l’annexe 2 à l’OSR, liste ayant pour objet la « [r]eprésentation des signaux et des marques » (préambule à l’annexe). L’art. 1 al. 4 OSR, qui renvoie notamment au chiffre précité de la liste-annexe, a la teneur suivante :
« L'expression «à l'intérieur des localités» ou «dans les localités» désigne une zone qui commence au signal «Début de localité sur route principale» (4.27) ou «Début de localité sur route secondaire» (4.29) et se termine au signal «Fin de localité sur route principale» (4.28) ou «Fin de localité sur route secondaire» (4.30). L'expression «à l'extérieur des localités» ou «hors des localités» désigne une zone qui commence au signal «Fin de localité sur route principale» ou «Fin de localité sur route secondaire» et se termine au signal «Début de localité sur route principale» ou «Début de localité sur route secondaire». »
Ici, le panneau qui marque l’entrée dans la commune de Corsy indique au conducteur un début de localité sur route principale. Les excès de vitesse incriminés ont donc eu lieu à l’intérieur d’une localité au sens légal. Sur la base de ces constats, il faut encore vérifier si c’est le chiffre 303.1 ou, bien plutôt, le chiffre 303.2 de la liste des amendes d’ordre (en annexe à l’OAO [ordonnance sur les amendes d'ordre; RS 741.031], fondée sur la délégation de compétence de l’art. 3, respectivement 12 LAO) qui s’applique. Ces dispositions ont la teneur suivante :
« Dépasser, à l’intérieur d’une localité, la vitesse maximale signalée, fixée à titre général ou pour certains genres de véhicules, après déduction de la marge de sécurité accordée pour des raisons techniques (art. 27, al. 1, LCR; art. 4a, al. 1 et art. 5, OCR; art. 22, al. 1 et 43, al. 1, let. a, OSR)
a. de 1 à 5 km/h : 40 (fr.,
réd
.)
b. de 6 à 10 km/h : 120 (fr.,
réd
.)
c. de 11 à 15 km/h : 250 (fr.,
réd
.) (ch. 303.1).
Dépasser, hors des localités ou sur une semi-autoroute, la vitesse maximale signalée, fixée à titre général ou pour certains genres de véhicules, après déduction de la marge de sécurité accordée pour des raisons techniques (art. 27, al. 1, LCR; art. 4a, al. 1 et art. 5, OCR; art. 22, al. 1, OSR)
a. de 1 à 5 km/h : 40 (fr.,
réd
.)
b. de 6 à 10 km/h : 100 (fr.,
réd
.)
c. de 11 à 15 km/h : 160 (fr.,
réd
.)
d. de 16 à 20 km/h : 240 (fr.,
réd
.) (al. 1 et 43, al. 1, let. a, OSR) (ch. 303.2) ».
C’est bien, au vu de la démonstration qui précède, le ch. 303.1 de la liste des amendes d’ordre en annexe à l’OAO qui s’applique en l’espèce, puisque le signal situé sous le panneau « 60 km » indique une entrée de localité. En d’autres termes, le fait que les excès de vitesse incriminés ont eu lieu à l’intérieur d’une localité au sens légal implique l’application de ch. 303.1 de la liste précitée et exclut celle de son ch. 303.2.
Le moyen de l’appelant qui voudrait que l’on applique ici le ch. 303.2 doit donc être rejeté.
4.3
Pour le surplus, l’appelant invoque divers principes constitutionnels et semble remettre en cause la signalisation. L’un des principes fondamentaux imposé à l’usager par les règles de la circulation routière est celui de respecter les signaux et les marques (art. 1 al. 2 LCR; 27 LCR). Il n’appartient évidemment pas au juge pénal, qui est lié par les prescriptions légales régissant le domaine public, de les critiquer. Si l’appelant souhaite modifier les prescriptions de circulation en faisant passer la zone critique en une zone hors localité, il lui appartient alors de s’adresser aux autorités administratives compétentes. On rappellera également à l’appelant qu’en dérogation au système contraventionnel usuel qui prévoit que l’amende est fixée en fonction de la gravité de la faute et de la situation financière de l’auteur, l’art. 1 al. 3 LAO dispose que l’amende est fixée indépendamment des antécédents et de la situation personnelle du contrevenant. Le montant de l’amende d’ordre est fixé par le Conseil fédéral pour chaque contravention. L’amende est fixée uniquement en fonction d’une appréciation objective de la faute inhérente à un type de comportement (Jeanneret, Les dispositions pénales de la loi sur la circulation routière [LCR], Berne, 2007, pp. 808 et ss).
4.4
Comme déjà relevé, la quotité de la peine découle du chiffre 303.1 de la liste des amendes d’ordre en annexe à l’OAO. Elle n’est pas contestée en tant que telle au sens de l’art. 399 CPP (donc indépendamment du moyen selon lequel les infractions auraient été commises hors localités), y compris quant à la peine privative de liberté de substitution dont le premier juge a assorti l’amende d’ordre prononcée par cumul des deux peines. Or, faute de norme sur cet objet, la LAO exclut toute peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l’amende d’ordre, dérogeant ainsi, au titre de loi spéciale, au principe général posé par l'art. 106 al. 2 à 5 CP. Il s’agit donc d’un cas d'application de l'art. 404 al. 2 CPP, qui autorise la juridiction d’appel à réformer d'office en faveur de l’appelant le jugement qui lui est déféré, quant à un point non contesté par la partie.
4.5
Quant aux accessoires, il n’y a toutefois pas lieu à suite de frais (art. 422 CPP), même partielle, de première ou de deuxième instance (art. 428 al. 3 CPP), en faveur de l'appelant. En effet, la partie n’a pas eu de gain de cause au sens de la loi (art. 428 al. 1, 1
re
phrase, CPP), dès lors qu’elle succombe quant à sa condamnation et au montant de l’amende d’ordre. Partant, les frais de la procédure peuvent être mis à sa charge en application de l’art. 428 al. 2 let. b CPP.
5.
L’appel doit dès lors être rejeté, le dispositif du jugement étant toutefois modifié d’office en son chiffre II. dans le sens indiqué ci-dessus.
Vu l'issue de l’appel, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge du prévenu, qui succombe entièrement, pour les motifs déjà exposés ci-dessus (art. 428 al. 1, 1
re
phrase, CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8bdacb17-aea1-421a-95d5-dcbd449ae73a | En fait :
A.
Par jugement du 4 mai 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a condamné Y._ pour injure et menaces à une peine de 10 (dix) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. (trente francs), avec sursis pendant deux ans, à une amende de 300 fr. (trois cents francs) et au paiement des frais par 1'980 fr. (I) et a dit que la peine privative de liberté de substitution, en cas de non paiement de l'amende, serait de 10 (dix) jours (II).
B.
Y._
a annoncé faire appel le 12 mai 2011. Par déclaration d'appel du 30 juin 2011, il a conclu à son acquittement, les frais étant laissés à la charge de l'Etat ou à celle des plaignants. L'appelant n'a pas requis de mesure d'instruction et il a d'emblée indiqué qu'il ne s'opposait pas à ce que son appel soit traité en procédure écrite (art. 406 al. 2 CPP).
Interpellés, les plaignants et le Ministère public ont renoncé à déposer une demande de non-entrée en matière ou un appel joint. Ils ont accepté que l'appel soit traité en procédure écrite.
Par mémoire d'appel du 6 septembre 2011, l'appelant a confirmé les conclusions prises dans sa déclaration d'appel.
Le Ministère public a renoncé à se déterminer sur le mémoire d'appel. Les plaignants ont conclu au rejet de l'appel et à l'allocation de 1'000 fr. à titre de dépens.
Le 28 septembre 2011, Y._ s'est déterminé spontanément sur la réponse des plaignants.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Y._ est né en 1966; il est marié et domicilié à Ecublens. D'un précédent mariage avec R._, il a eu un fils né en 1998. Son casier judiciaire est vierge de toute inscription.
2.
Le droit de visite de l'appelant sur son fils s'exerce régulièrement mal, bien que les parties soient divorcées depuis 2002.
Le 24 octobre 2010, Y._ a traité R._ de "connasse" et lui a dit "Je vais te casser la gueule". Il a aussi dit à S._, ami de R._, qui était présent, qu'il était un "connard" et qu'il lui "ferait la peau". R._ et S._, effrayés, ont appelé la police. Le lendemain, R._ a déposé plainte.
Le 5 décembre 2010, à Lausanne, alors que S._ se trouvait seul au domicile de son amie, l'appelant lui a dit qu'il ne voulait pas que son enfant reste seul avec lui, car il le faisait boire. Il lui a également dit qu'il était un "connard" et un "fils de pute de Suisse". Le 14 décembre 2010, S._ a déposé plainte contre Y._ pour les faits qui se sont déroulés les 24 octobre et 5 décembre 2010. | En droit :
1.
1.1
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
1.2
En vertu de l'art. 406 al. 2 let. b CPP, l'appel peut être traité en procédure écrite lorsque l'appel est dirigé contre un jugement rendu par un juge unique et que les parties y consentent.
En l'espèce, le jugement dont il est fait appel a été rendu par le Tribunal de police, constitué d'un juge unique, et les parties ont consenti à ce qu'il soit traité en procédure écrite.
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Y._ conteste les faits tels qu'ils ont été retenus dans l'acte d'accusation et dans le jugement entrepris. Il soutient que du moment où le jugement querellé n'est pas en mesure de retenir la version des plaignants en relation avec les voies de fait qu'ils dénonçaient, ce sont toutes les déclarations de ces mêmes plaignants qui sont sujettes à caution.
3.1
En l'espèce, l'acquittement partiel se fonde sur la confusion induite par l'altercation, ne permettant pas de retenir avec certitude la réalisation des éléments objectifs et de l'élément subjectif de l'art. 126 CP. En effet, la plaignante a déclaré que l'appelant avait voulu emmener de force son fils (PV d'audition n. 1, p. 1). Le plaignant S._ a déclaré quant à lui que l'appelant avait voulu emmener de force l'enfant, en le tirant dehors, alors que ce dernier était en chaussettes et en
T-shirt, que son amie était alors intervenue et qu'il l'avait entendue crier, qu'il était allé voir vers la porte et qu'il avait vu Y._ saisir son amie au bras
(PV audition 3, p. 1 in fine). Toutefois, dans sa plainte du 25 octobre 2010 (P. 4/1), R._ n'a pas évoqué d'atteintes à son intégrité corporelle. Dans son récit de la scène du 24 octobre 2010 (P. 4/2), elle n'a pas fait état d'avoir été empoignée au bras. Au regard de ces éléments, le flou ou l'incertitude relative à la réalisation d'un geste punissable justifiait d'écarter l'infraction. Au demeurant, l'infraction de voies de fait au sens de l'art. 126 al. 1 CP ne se poursuivant que sur plainte, il est douteux que la poursuite pénale pour cette infraction soit même possible en l'absence d'une plainte pénale ou d'une extension de plainte sur ce chef d'accusation.
Au surplus, il n'existe pas de contradiction entre les motifs de cette libération et l'appréciation générale introductive du premier juge selon laquelle il n'y a aucune raison de douter de la crédibilité de la version des plaignants "tout en admettant bien volontiers qu'il est probable que les échanges d'insultes n'aient pas été à sens unique". Ce n'est pas parce que le juge écarte une qualification pénale, notamment pour des motifs juridiques ou en raison de points de fait particuliers, qu'il ne peut pas se déclarer globalement convaincu de la crédibilité des parties plaignantes et symétriquement rejeter les dénégations du prévenu. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
4.
Y._
soutient que la plainte de S._ n'a été déposée que dans le but de soutenir celle de R._ et que la version des faits du plaignant ne serait pas fiable au motif qu'il a attendu le 14 décembre 2010 pour déposer plainte alors que la plaignante avait, quant à elle, déposé plainte le
25 octobre 2010 pour des faits qui se sont déroulés le 24 octobre 2010.
4.1
En matière d'infractions se poursuivant sur plainte, le lésé dispose d'un délai de trois mois, à partir du jour où il a connu l'auteur de l'infraction, pour déposer plainte (art. 31 CP). Le temps écoulé entre le dies à quo du délai et le moment du dépôt effectif de la plainte ne constitue à l'évidence pas un motif de douter de la version du plaignant. De plus, il est conforme à l'expérience de la vie qu'à la suite d'un premier incident un lésé renonce, dans un premier temps, à déposer plainte en raison de la lourdeur et des inconvénients d'une procédure pénale, mais que, suite à un deuxième incident, il se ravise et se persuade en définitive de la nécessité d'engager des poursuites pénales pour mettre un terme aux agissements répétés de l'auteur. En l'occurrence, la plainte de S._ ne dénonce pas seulement les faits du 24 octobre 2010, mais également ceux du 5 décembre 2010. Le grief, mal fondé, ne peut être que rejeté.
5.
Toujours s'agissant des faits relatifs à l'incident du 24 octobre 2010, Y._ estime que le premier juge aurait dû, à tout le moins, retenir le bénéfice du doute, ce d'autant plus que les plaignants sont des amis intimes et que d'importantes difficultés de nature civile le divisent régulièrement de son ancienne épouse, R._, au sujet de leur fils.
5.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, qui est garantie par les art. 14 § 2 du Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 § 2 CEDH (Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 2 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2c, TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuves qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c, TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s'agir de doutes importants et irréductibles, qui s'imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a).
5.2
La divergence des versions des parties ne doit pas forcément conduire, comme l'appelant paraît l'affirmer, à l'impossibilité d'établir les faits constitutifs d'infractions. En l'espèce, le premier juge s'est déclaré convaincu de la crédibilité des plaignants après avoir procédé à une appréciation des pièces du dossier et des parties en audience.
En ce qui concerne les faits du 24 octobre 2010, le récit de R._ est confirmé par celui de son ami S._. Contrairement à la déposition en confrontation du prévenu qui se limite à l'expression de sa contestation et à des reproches à l'encontre de S._, les auditions des deux plaignants sont précises, détaillées, empreintes de l'émotion suscitée par les violences verbales subies. L'audition de S._ est particulièrement convaincante lorsqu'il expose être intervenu pour protéger son amie en dépit de la peur qu'il éprouvait, ainsi que lorsqu'il fait état des propos qu'il a tenus dans un souci d'apaisement pour éviter une escalade. De plus, les plaignants ont fait appel à la police ce jour-là pour se protéger et pour mettre un terme à une situation sans issue. La crédibilité de la plaignante est encore renforcée par son compte rendu chronologique des débordements de l'appelant à son égard depuis juin 2000, récit qui sonne vrai.
Le même crédit doit être apporté aux faits du 5 décembre 2010, l'authenticité du contenu de la plainte de S._ est renforcée par une émotion congruente, soit sa peur, qui ressort clairement de sa déclaration: "Je précise j'ai eu très peur pour ma vie, ainsi que celle de mon amie. Cet individu est, selon moi, dangereux, vu qu'en avril 2009 il avait tenté de m'étrangler" (pas de plainte déposée). Mon amie a déjà déposé une plainte pénale à son encontre pour des menaces de mort qu'elle a subies". Cette peur ressort aussi de son audition du
22 décembre 2010 à l'issue de laquelle il a déclaré: "Je dois dire que j'ai peur qu'il arrive un drame un jour car Y._ est toujours plus agressif à chaque fois. C'est une personne qui m'apparaît dangereuse, dès lors qu'elle ne semble pas pouvoir se contrôler".
Le premier juge a également fait état de la rigidité du caractère de l'appelant "persuadé d'avoir raison seul contre tout le monde et totalement incapable de saisir l'inadéquation de son comportement" (jgt., p. 7).
5.3
Au regard de ces éléments convergents, la conviction du premier juge quant à la culpabilité de l'appelant, qui n'est pas empreinte de doute, ne peut qu'être confirmée.
6.
A titre subsidiaire, Y._ soutient qu'avoir déclaré à R._ "je vais te casser la gueule" et à S._ qu’il "lui ferait la peau" ne serait pas constitutif de menaces au sens de l'art. 180 CP, faute d'être objectivement de nature à éveiller la peur ou l'effroi chez les personnes visées.
6.1
Aux termes de l'art. 180 al. 1 CP, celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
La punition de l'auteur dépend de la réalisation de deux conditions. Il faut, d'une part, que l'auteur ait émis une menace grave et, d'autre part, que la victime ait été alarmée ou effrayée. Une menace est qualifiée de grave si elle est objectivement de nature à alarmer ou effrayer la victime. Il faut donc se demander si une personne raisonnable, dotée d'une résistance psychologique plus ou moins normale, aurait ressenti la menace comme grave (ATF 99 IV 212 c. 1a).
6.2
En l'espèce, par ses propos, l'appelant a exprimé l'intention de frapper violemment son ex-femme au visage, soit lui "casser la gueule", et de s'en prendre à la vie de S._, en "lui faisant la peau". Proférées dans un contexte de vives altercations répétées et d'énervement rageur associé à des disputes sur fond de contentieux familial haineux, on peut admettre que les paroles de Y._ étaient objectivement de nature à alarmer ou effrayer les victimes. Par ailleurs, selon les faits retenus, celles-ci ont effectivement été effrayées, ce qui est attesté par leur appel à la police le 24 octobre 2010, le contenu de leurs auditions et la teneur de la plainte de S._ en décembre 2010. Dans ces conditions, le premier juge a admis à bon droit que les conditions objectives de l'infraction de menaces étaient bien réalisées. Le grief doit donc être rejeté.
7.
Y._ fait le reproche au premier juge de ne pas avoir fait application de l'art. 177 al. 2 CP en ce qui concerne les plaintes relatives aux faits du 24 octobre 2010.
7.1
Selon le Tribunal fédéral, l'art. 177 al. 2 CP permet au juge d'exempter l'auteur d'une injure de toute peine si l'injurié a directement provoqué l'injure par une conduite répréhensible (TF 6B_640/2008 du 12 février 2009). Il s'agit là encore d'une faculté, non d'une obligation (ATF 109 IV 39 c. 4b in fine). Le juge peut ou non exempter l'auteur de toute peine. Il peut aussi se borner à atténuer la peine. Il dispose à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation, que le Tribunal fédéral ne sanctionne qu'en cas d'abus.
Le juge ne peut faire usage de la faculté que lui réserve
l'art. 177 al. 2 CP que si l'injure a consisté en une réaction immédiate à un comportement répréhensible de l'injurié, lequel peut consister en une provocation ou en tout autre comportement blâmable. Ce comportement ne doit pas nécessairement viser l'auteur de l'injure, une conduite grossière en public peut suffire
(ATF 117 IV 270 c. 2c; ATF 83 IV 151). La notion d'immédiateté doit être comprise comme une notion temporelle, en ce sens que l'auteur doit avoir agi sous le coup de l'émotion provoquée par la conduite répréhensible de l'injurié, sans avoir eu le temps de réfléchir (ATF 81 IV 151, cf. aussi Franz Riklin, in Basler Kommentar, Strafrecht II,
2
ème
édition, Bâle 2007, n. 17 ad art. 177 CP).
7.2
En l'espèce, Y._ a soutenu que S._ l'avait traité de "sale arabe" et qu'il l'avait menacé en lui disant "qu'un accident était si vite arrivé". S._ a toutefois contesté avoir tenu ces propos. Compte tenu de la peur que lui inspirait l'appelant, il est peu vraisemblable qu'il l'ait ainsi provoqué en lui donnant un prétexte pour passer à l'acte. L'appelant n'a pas déposé plainte pénale séance tenante pour ces prétendues offenses alors que la police avait été appelée sur place, ni lorsqu'il s'est lui-même rendu à la police le 5 décembre 2010, ni encore lors de son audition du 14 décembre 2010. Au regard de l'ensemble de ces circonstances, les propos que l'appelant impute au plaignant doivent ainsi être qualifiés de douteux.
Enfin, si le premier juge a considéré qu'il était probable que les échanges d'injures n'aient pas été à sens unique, il n'a émis de la sorte qu'une hypothèse, c'est-à-dire une probabilité, sans retenir formellement l'existence d'injures, ni a fortiori les situer dans le temps pour en inférer que les expressions verbales punissables de l'appelant étaient réactives et immédiates.
Les faits de la cause n'imputant pas un comportement provocateur spécifique à S._, l'art. 177 al. 2 CP ne peut donc pas trouver application. Le présent grief est dès lors également infondé.
8.
En ce qui concerne les faits survenus le 5 décembre 2010, Y._ soutient que le premier juge l'a condamné sans aucune preuve et sur la base des seules déclarations du plaignant quand bien même il avait réussi à prouver sa propre version des faits par le témoignage de [...], laquelle contredit la version du plaignant.
8.1
Entendue comme témoin à l'audience de jugement, et non en cours d'enquête, [...], actuelle épouse de l'appelant, a confirmé la version de celui-ci en ce qui concerne la scène du 5 décembre 2010 et a précisé que son mari n'avait pas voulu laisser l'enfant à la seule garde de S._ et qu'ils s'étaient ensuite rendus à la police.
Le premier juge a implicitement écarté ce témoignage en tant qu'il appuie en bloc la version de Y._. Durant l'enquête, alors même que l'appelant s'était vu signifier un acte d'accusation en mars 2011, aucune partie n'a fait allusion au fait que l'épouse de l'appelant avait assisté à la scène. Il n'est donc pas exclu qu'elle ait attendu son mari à l'extérieur de l'immeuble et que son témoignage, qui ne comporte aucun détail sur le déroulement de l'altercation, ne soit qu'indirect. Dans ces circonstances, sans même s'arrêter à la part de loyauté matrimoniale qui l'imprègne, le premier juge était fondé à ne pas retenir ce témoignage comme preuve décisive. Cet ultime moyen s'avère donc lui aussi infondé.
9.
En définitive, l'appel doit être rejeté et les frais d'appel doivent être mis à la charge de l'appelant (art. 428 al. 1 CPP).
Les plaignants ont conclu au versement par l'Etat ou l'appelant d'une indemnité de 1'000 francs. Conformément à l'exigence de l'art. 433 al. 2 CPP, la prétention en juste indemnité de la partie plaignante est donc chiffrée. En revanche, cette conclusion en dépens n'a pas fait l'objet d'une justification suffisante, au-delà de ce que le dossier laisse transparaître, comme opérations du conseil. Au vu de la teneur claire de l'art. 433 al. 3 in fine CPP – si la partie ne s'acquitte pas de cette obligation de motiver et de prouver, l'autorité pénale n'entre pas en matière – la non documentation, par exemple par la production d'un relevé d'opérations d'avocat, de cette conclusion prise par des parties assistées d'un mandataire professionnel doit en entraîner l'irrecevabilité, à tout le moins partielle. Il n'y a pas lieu de suivre l'opinion de la doctrine (Mizel Rétornaz, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, op. cit., n. 13 ad art. 433 CPP) selon laquelle le juge devrait au préalable rendre la partie attentive à son droit à une juste indemnité et à son devoir de chiffrer et de documenter celle-ci de manière suffisante, non seulement parce qu'elle se heurte au texte légal, mais aussi parce qu'elle pourrait conduire à donner aux parties l'impression d'un préjugement.
Les prétentions n'étant justifiées que par le travail d'avocat consacré à la rédaction de la réponse de deux pages du 23 septembre 2011, ayant nécessité de prendre connaissance du mémoire d'appel, et d'une lettre du 25 juillet 2011 comportant une brève détermination au sens de l'art. 400 al. 3 CPP, une indemnité de 400 fr. doit être allouée, majorée de la TVA, soit 432 fr. au total. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8c08607a-d2a4-4ff6-8706-d1494e6743cf | En fait :
A.
Par jugement du 6 mai 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a, notamment, libéré Y._ de l’accusation de viol (I), condamné Y._ pour actes d’ordre sexuel avec des enfants à trois ans de privation de liberté, sous déduction de 307 jours de détention avant jugement (II), ordonné la détention à titre de mesure de sûreté d'Y._ (III), et dit qu'Y._ est débiteur d'A.E._ de 10'000 fr. à titre d’indemnité pour tort moral (IV).
B.
Par annonce du 7 mai 2014, puis par déclaration postée le 19 juin 2014, Y._ a interjeté appel contre ce jugement en concluant principalement à sa libération immédiate, à ce que sa peine soit réduite à deux ans et assortie d'un sursis total, et à ce que le montant octroyé à A.E._ pour son tort moral soit réduit à 4'000 fr., les frais étant laissés à la charge de l'Etat. A titre subsidiaire, il a requis que sa peine soit réduite d'une manière compatible avec un sursis partiel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Y._ est né le 1
er
janvier 1985 au Nigeria, pays dont il est ressortissant. Séjournant en Suisse avec un statut de demandeur d'asile (permis N), il a une femme et un enfant domiciliés en Italie. Son casier judiciaire suisse est vierge de toute inscription.
2.
Le 2 juillet 2013, dans la soirée, Y._ a abordé A.E._ alors âgée de 14 ans, à proximité de la station de métro de la Gare de Lausanne et l'a draguée avec insistance. A cette occasion, Y._ a donné son numéro de téléphone à la victime. Ils ont ensuite pris ensemble la rame de métro en direction des "Croisettes" et sont sortis à l'arrêt "Ours" vers 21 h 51. Comme les ascenseurs étaient occupés, A.E._ a emprunté les escaliers pour remonter à la surface. Elle a été suivie par Y._. Environ à mi-cheminY._ a pris la main d'A.E._ pour la retenir. Ils se sont alors embrassés mutuellement pendant plusieurs minutes. Elle lui a dit à plusieurs reprises qu'elle avait 14 ans. Ils se sont ensuite déplacés d'un palier et se sont de nouveau embrassés pendant plusieurs minutes. Ils sont encore montés au palier suivant. A ce moment, Y._ a enlevé le pantalon et la culotte d'A.E._. Il a ouvert son pantalon et a pénétré vaginalement A.E._ avec son sexe jusqu'à éjaculation. Le prévenu n'a pas utilisé de préservatif. Une fois l'acte sexuel terminé Y._ s'est essuyé les parties génitales avec un mouchoir qu'il a abandonné dans les escaliers. Le prévenu et la victime se sont rhabillés et sont remontés ensemble jusqu'à la sortie vers 22 h 17. Ils ont pris le bus 7 jusqu'à l'arrêt "Coudrette". A cet endroit, A.E._ a été rejointe par sa mère, [...], qui était à sa recherche depuis plusieurs heures. Y._ a alors quitté les lieux. Il a été interpellé par la police le 4 juillet 2013 et placé en détention.
3.
Dans un rapport du 18 octobre 2013, [...], psychologue adjointe (Département de psychiatrie du CHUV, Les Boréales, Consultation de maltraitance familiale; ci-après : Les Boréales) indique qu'elle suit A.E._ depuis le 19 juillet 2013, à raison d'une séance de psychothérapie individuelle par semaine associée à des entretiens réguliers avec ses parents. La praticienne constate qu'A.E._ peine à imposer son point de vue et à affronter toute manifestation d'agressivité, qu'elle a un grand besoin d'être
"aimée",
qu'elle manque de confiance en elle, qu'elle a honte et qu'elle se culpabilise par rapport à ce qui s'est passé. La prénommée ne parvient pas à décoder correctement les intentions des garçons qui s'intéressent à elle, et présente ainsi un
"haut risque de se faire abuser
" (p. 1
in fine
). Cette difficulté est à mettre en lien avec un abus sexuel chronique, vécu dans l'enfance, par le fait d'un ami de la famille qui se montrait particulièrement
"gentil et attentionné".
Au sujet de l'acte reproché au prévenu, A.E._ a l'impression de s'être mise dans un piège dont elle a compris trop tard l'existence et s'interroge, sans trouver de réponse et avec un vécu de honte, sur les opportunités qu'elle n'aurait pas su saisir. La praticienne a constaté chez A.E._ un état dépressif, de même qu'un stress post-traumatique se manifestant par des signes tels que l'intrusion (flashes back, cauchemards), l'évitement (la victime cherche à éviter les situations qui pourraient lui rappeler l'événement traumatisant) et l'hypervigilance (insomnies, angoisses). Les entretiens hebdomadaires ont en outre mis en exergue trois vécus présents chez les victimes d'abus sexuels (impuissance, stigmatisation et trahison; cf. P. 47). Dans un rapport ultérieur (16 avril 2014), la psychologue relève qu'A.E._ est en phase de reconstruction, que son état de stress pos-traumatique est sur le point de s'amender, mais qu'elle demeure fragile et que la participation à l'audience de jugement présente de forts risques de décompensation (P. 61). | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP; Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d'Y._ est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012, c. 3).
2.2
Y._ a été reconnu coupable d'acte d'ordre sexuel avec des enfants, ce qui n'est pas formellement remis en cause et doit être confirmé. La cour de céans n'examinera que les points du jugement de première instance qui ont été contestés, soit la quotité de la peine, le sursis, et le montant octroyé à A.E._ pour son tort moral (art. 404 al. 1 CPP). On précisera s'agissant des faits qu'il y a lieu de retenir que la victime lui a dit à plusieurs reprises qu'elle avait 14 ans, les déclarations constantes A.E._ étant plus crédibles que celles du prévenu qui n'a cessé de mentir. Au demeurant, les premiers juges ont constaté qu'A.E._ n'avait pas l'air plus âgée qu'elle ne l'était.
3.
L’appelant considère que la peine infligée est excessive et disproportionnée. Il fait grief aux premiers juges de ne pas avoir tenu compte de certains éléments prévus à l’art. 47 CP et d’avoir abusé de leur pouvoir d’appréciation.
3.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; 129 IV 6 c. 6.1 p. 20).
3.2.
L'infraction d'acte d'ordre sexuel avec des enfants est sanctionnée par l'art. 187 CP qui vise à protéger les mineurs d'expériences sexuelles pouvant troubler leur développement tant physique que psychique (CAPE 4 mars 2013/53 c. 4.1 et réf.). Elle est passible d'une peine privative de liberté de 5 ans. Pour fixer la peine à infliger à Y._, il a lieu de tenir compte d'abord des circonstances particulièrement sordides dans lesquelles l'acte a été commis. Se comportant en prédateur sexuel, le prévenu s'en est pris à une proie facile, soit une toute jeune fille de quatorze ans qui faisait son âge et n'avait pas l'air plus mature, et qui est justement décrite comme ayant une tendance à vouloir être aimée et peinant à imposer son point de vue. Après une drague lourde, une déclaration d'amour et des embrassades dans un lieu sombre et désert, Y._ a assouvi ses pulsions sur une victime surprise, tétanisée et sans possibilité de fuite qui lui a répété qu'elle avait 14 ans. Il n'a pas tenu compte le moins du monde des sentiments et de la santé de celle-ci. Le fait que l'intéressé ne se soit pas muni d'un préservatif et ne lui ait pas demandé si elle prenait un contraceptif est à cet égard significatif. On relève en outre que le comportement d'Y._ durant l'enquête a été lamentable. Il ne s'est pas contenté de nier les faits (PV aud. 3; PV aud. 4; PV aud. 5 et PV aud. 6) en contestant jusqu'à l'audience de jugement de première instance avoir eu une relation sexuelle malgré les preuves scientifiques irréfutables au dossier (P. 6), il a aussi fait preuve d'arrogance et de mépris pour sa très jeune victime, rigolant lorsque les policiers lui décrivaient les faits qui lui étaient reprochés (PV aud. 3, PV aud. 4 et PV aud. 5), n'hésitant pas à prétendre que la plaignante avait sollicité ses faveurs et à soutenir jusque devant la Cour de céans qu'elle lui aurait dit avoir 19 ans (procès-verbal p. 3). Certes, il s'agit d'un acte unique et l'infraction de viol n'a pas été retenue, au bénéfice du doute. Mais il n'en demeure pas moins que les faits tels qu'ils se sont déroulés sont d'une gravité certaine et s'apparentent à une relation sexuelle plus imposée que consentie. Il n'y a aucun élément à décharge, si ce n'est la reconnaissance très tardive de l'acte sexuel et d'un montant à titre de tort moral. Il n'y a pas eu non plus le moindre mot d'excuse crédible de la part de l'intéressé qui affirme n'avoir rien fait de mal (procès-verbal p. 3)
.
L'absence d'antécédents constitue un élément neutre (ATF 136 IV 1). La culpabilité du prévenu est donc très lourde et, vu ce qui précède, la peine de 36 mois fixée par les premiers juges doit être confirmée. La détention déjà subie en sera déduite.
4.
Invoquant les art. 42 et 43 CP, le recourant soutient que la cour cantonale aurait dû lui accorder un sursis, subsidiairement un sursis partiel.
4.1
Selon l’art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits.
Aux termes de l'art. 43 al. 1 CP, le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur (al. 1). La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2). En cas de sursis partiel à l'exécution d'une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins. Les règles d'octroi de la libération conditionnelle (art. 86) ne lui sont pas applicables (al. 3).
De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles
l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP. Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude. Pour qu'il ait un sursis partiel, il faut un pronostic mitigé, à savoir que l'octroi du sursis à l'exécution d'au moins une partie de la peine nécessite, à des fins de prévention spéciale, que l'autre partie de la peine soit exécutée, à savoir qu'il existe des doutes très importants au sujet du comportement futur de l'auteur, notamment au vu de ses antécédents (CAPE 14 février 2014/43 c. 9.1.2 et les références citées; CAPE 7 mars 2014/20 c. 4.1 et réf.).
4.2
En l'espèce, le sursis total est exclu au vu de la peine à infliger à Y._ et du pronostic qui ne peut qu'être défavorable, en l'absence totale de prise de conscience empêchant toute perspective d'amendement.
On ne saurait non plus retenir un pronostic mitigé, dès lors que malgré son absence antécédents et la période déjà longue (de plus d'un an) de détention subie, le prévenu ne se rend pas compte de la gravité de ses actes et que rien n'indique que l'exécution de quelques mois supplémentaires, le reste de la peine étant suspendu, serait de nature à le détourner de commettre des infractions. Cela est d'autant moins envisageable qu'il n'a pas changé d'attitude devant l'autorité de céans, où il a continué d'affirmer mensongèrement qu'il croyait qu'elle était majeure (cf. procès-verbal, p. 3).
C'est donc bien une peine ferme qui doit lui être infligée, comme le retient le jugement querellé.
5.
L'appelant demande que le montant de l'indemnité pour tort moral allouée à A.E._ soit réduit à 4'000 fr.
5.1
L'art. 49 al. 1 CO dispose que celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement.
L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l'atteinte subie par la victime et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 130 III 699 c. 5. 1 p. 704/705; 129 IV 22 c.7.2 p. 36). Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l'atteinte subie et il évitera que la somme accordée n'apparaisse dérisoire à la victime.
S'agissant du montant de l'indemnité, toute comparaison avec d'autres affaires doit intervenir avec prudence, dès lors que le tort moral touche aux sentiments d'une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment face au malheur qui le frappe. Une comparaison avec d'autres cas similaires peut cependant, suivant les circonstances, constituer un élément d'orientation utile (ATF 138 III 337 c. 6. 3. 3 p. 345 et l'arrêt cité). Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de relever que les montants alloués pour tort moral en cas de viol entre 1990 et 1995 se situaient généralement entre 10'000 fr. et 15'000 fr. et s'élevaient exceptionnellement à 20'000 fr. (ATF 129 III 269 c. 2a, in 6S_12/2007 du 30 mars 2007, c. 8). L'examen de décisions cantonales récentes montre que des montants plus importants sont désormais accordés. Depuis 1998, des montants de 15'000 à 20'000 fr. ont régulièrement été octroyés en cas de viol et d'actes d'ordre sexuel, et parfois même des montants plus élevés encore (6S_12/2007 du 30 mars 2007). Entre 2003 et 2005, des victimes d'attouchements au niveau de la poitrine et des parties intimes ont perçu des indemnités pour tort moral de 1'000 fr. à 5'000 fr., voire 7'000 fr. pour des actes commis par un père sur sa fille (cf. Hutte, Ducksch et Gross, Le tort moral, Une présentation synoptique de la jurisprudence, Vol. l, X/8, 2003-2005, nn. 1, 16 et 20).
5.2
En l'espèce, l'infraction de viol n'a certes pas été retenue, maisA.E._ a vécu cet épisode comme tel et les conséquences de cet acte sont, comme l'ont retenu les premiers juges (jugement p. 20), proches de celles qu'on rencontre en cas de viol. Cela ressort au demeurant des observations faites par la psychologue traitante dA.E._, le 18 octobre 2013 (état dépressif, stress post-traumatique, vécus d'impuissance, de stigmatisation et de trahison propres aux victimes d'abus sexuel; P. 47) et le 16 avril 2014 (reconstruction en cours, stress post-traumatique en phase d'amendement, mais fragilité et fort risque de décompensation en cas de comparution à l'audience de jugement; P. 61).
Compte tenu des souffrances infligées à la plaignante par le geste du prévenu pratiqué dans des circonstances sordides, une indemnité pour tort moral de 10'000 fr. apparaît adéquate, comme le constate à juste titre le jugement attaqué qui doit être confirmé sur ce point également.
6.
En définitive, l’appel d'Y._ doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé.
7.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, constitués de l’émolument d’arrêt, par 1'910 fr. – plus les indemnités d'office fixées, compte tenu de l'ampleur de la procédure, à 1'771 fr. 20 en faveur Me Gintzburger son défenseur, et à 1'609 fr. 20 en faveur de Me Genillod, conseil de la partie plaignante (7 h 30 d'honoraires, vacations, débours et TVA inclus) – doivent être mis à la charge de l’appelant qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l'Etat les indemnités d'office susmentionnées dès que
sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8c307b41-5369-4499-a95a-3d1798d78ff0 | En fait :
A.
Par jugement du 23 février 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a libéré S._ de l'accusation d'abus de confiance (I), maintenu les pièces séquestrées sous fiche n° 2289 au dossier à titre de pièces à conviction (II) et mis les frais de la cause, arrêtés à 6'000 fr., à la charge de S._ (III).
B.
Le 24 février 2012, le Ministère public a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel motivée du 5 avril 2012, il a conclu à l'audition d'H._ à titre de témoin (I), à la réforme du dispositif du jugement entrepris en ce sens que S._ est condamné pour abus de confiance à dix-huit mois de peine privative de liberté avec sursis pendant trois ans et au paiement d'une créance compensatrice de 87'260 fr., avec suite de frais (II), les frais du jugement d'appel étant laissés à la charge de l'Etat (III).
Par courrier du 2 mai 2012, S._ a indiqué renoncer à déposer un appel joint ou une demande de non-entrée en matière.
A l'audience d'appel du 4 juillet 2012, H._ a été entendu à titre de témoin. Le Ministère public a maintenu ses conclusions d'appel, alors que S._ a, quant à lui, conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le 16 mai 1957, l'intimé est originaire de Château-d'Oex. Il a terminé sa scolarité obligatoire et suivi une formation d’employé de commerce. Au bénéfice d'un brevet de comptable, il a travaillé pour Nestlé avant de se mettre à son compte, créant la raison individuelle O._. Il est également devenu actionnaire et administrateur-secrétaire de la société V._. Employé depuis le 1
er
février 2011 par [...] SA à 80 %, société dont il n'est plus actionnaire, il poursuit en parallèle son activité de conseil en gestion pour le compte de sa raison individuelle. Ses revenus annuels oscillent entre 200'000 fr. et 350'000 fr., et sa fortune brute est estimée à 6 ou 7 millions et demi. Marié et père d’un enfant, S._ paie mensuellement 1'500 fr. pour sa maison et entre 250 fr. et 300 fr. pour son assurance-maladie.
2.
P._ a fait la connaissance de S._ en 2003, lorsqu’il a confié la gestion de ses avoirs à la société V._. Dès janvier 2005, il a également confié la gestion d'une partie de son patrimoine à la société O._.
2.1
Durant l'été 2004, P._ a souhaité diversifier ses investissements. S._ lui a alors proposé de racheter des actions au porteur d’I._ (ci-après: I._) à un actionnaire sortant qui voulait rester anonyme et qui, ayant rapidement besoin de liquidités, aurait accepté, sur intervention de l'intimé de les vendre pour 400'000 euros au lieu de 600'000 euros demandés initialement. S._ a fait croire à P._ qu’il agissait en qualité de tiers négociateur, alors qu'il était en réalité titulaire desdites actions qu'il lui revendait et qu'il n'y avait jamais eu de négociation. Selon les explications de S._, le groupe I._ aurait été en négociation avec deux sociétés en vue de céder ses actions à un important partenaire industriel, afin d’assurer son développement stratégique. Une fois son actionnariat consolidé durant les négociations, I._ aurait l'intention de revendre lesdites actions réalisant de cette manière d’importants bénéfices (P. 5/13). C'est ainsi que P._ a signé le 17 novembre 2004 une convention de fiducie avec G._, représenté par S._, portant sur 15'000 actions au porteur d’I._ à 10. fr. chacune pour le prix de 400'000 euros (P. 5/14). L'art. 8 de cette convention prévoyait que "à la date du 31 mars 2005, et dans l’hypothèse où la reprise des actions par une société de capital-risque ne devait pas être concrétisée, P._ aura la possibilité de céder, en faveur de G._, les 15'000 actions au porteur du nominal de 10’000 fr. qu’il détient pour le montant de son investissement initial de 400'000 euros sans intérêt". P._ a acquis ces actions dans le but de les revendre peu après, avec une plus-value. Le versement de ladite somme a eu lieu le 19 novembre 2004 par virement bancaire sur le compte de G._ auprès du [...] à Montreux (P. 5/15).
Aux moments des faits, S._ a caché à P._ qu'il était membre du conseil d’administration d'I._ depuis de nombreuses années et également un de ses actionnaires puisqu'il détenait 43'279 actions d'I._
(P. 47/1, p. 3), représentant 14,4263 % du capital-actions (P. 60/1). A l'époque, il était en effet l'unique actionnaire et ayant-droit économique de la société off shore G._ (P. 10/1, P. 20/3), dont le seul but était de détenir des actions d'I._ (P. 5/8). S._ a, en outre, utilisé pour son propre compte les 400'000 euros versés le 19 novembre 2004 par P._ sur le compte de G._ (P. 10/21, P. 10/22, P. 12/1-12/5, P.15).
Dans un courrier du 23 mars 2005, soit peu avant l'échéance du terme prévu, considérant que les chances de réalisation de l’opération de rachat étaient mauvaises, P._ a fait savoir à S._ qu’il voulait se prévaloir de la clause du remboursement du capital et exercer son droit de céder à la société G._ ses 15'000 actions d'I._, en application de l’art. 8 de la convention précitée (P. 5/16). Sa demande n’a pas eu de suite de la part de l'intimé; lors des échanges de correspondance et d’e-mails ultérieurs de mai à novembre 2005, S._ a régulièrement assuré de la reprise de ses actions et affirmé avoir donné l’ordre pour le virement immédiat de 400'000 euros (P. 5/19). Ces promesses restant sans suite, P._ a exigé de nouvelles garanties quant à son remboursement. A cet effet, deux conventions selon lesquelles P._ s’engageait à céder ses actions à G._ dès remboursement par cette dernière de la somme de 400'000 euros ont été conclues par les parties. Ainsi, l’art. 4 de la première convention, signée le 11 novembre 2005, disposait que
« L’entrée en jouissance des actions vendues, objet de la présente convention, est fixée - sous réserve de paiement par l’acquéreur – au 11 novembre 2005, ou au jour de la date de réception par le vendeur du paiement défini à l’article 03 ci-dessus. Dès cette date, tous les droits et obligations inhérents aux actions d’I._ et en particulier le droit au dividende intégral relatif à l’exercice 2005 présentement en cours, sont définitivement acquis au seul acquéreur. »
(P. 5/20)
et l’art. 5 de la deuxième convention signée le 13 décembre 2005, disposait que
« L’entrée en jouissance des actions vendues, objet de la présente convention, est fixée sous réserve de paiement par l’acquéreur au 1
er
mai 2006, ou à réception par le vendeur du paiement défini à l’article 03 ci-dessus. Dès cette date, tous les droits et obligations inhérents aux actions de I._ et en particulier le droit au dividende intégral relatif à l’exercice 2005 présentement en cours, sont définitivement acquis au seul acquéreur. ».
Dans cette deuxième convention, S._ a accepté de figurer comme codébiteur solidaire de G._ (P. 5/22).
Malgré les promesses de S._ (5/21, 5/23-5/23/10, 5/24), le versement des 400'000 euros par G._ à P._ n’a pas eu lieu, de sorte que ce dernier n’a pas procédé à la cession de ses actions à G._.
2.2
Début 2008, à la suite d'une décision d'I._ qui prévoyait la suppression des intermédiaires titulaires d'actions, S._ a regroupé pour son propre compte les actions que G._ détenait pour devenir ainsi propriétaire en direct de la totalité des actions, dont les 15'000 actions que G._ détenait pour le compte de P._, sans toutefois payer ces actions à G._, ni même à P._.
3.
P._ n’ayant pas obtenu la somme de 400'000 euros a, dans un premier temps, introduit une procédure civile par une réquisition de poursuite en 2007 (P. 23; P. 24ter). Le 23 janvier 2009, il a déposé plainte pénale contre S._ pour escroquerie, abus de confiance et gestion déloyale et s’est constitué partie civile pour tenter de recouvrer ses fonds (P. 4).
P._ a cependant retiré sa plainte le 15 février 2011, ainsi que sa constitution de partie civile, suite à l’accord intervenu entre les parties et prévoyant le remboursement par S._ des 400'000 euros (P. 89). | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP). L'appel joint doit être interjeté dans un délai de vingt jours dès la réception de la déclaration d'appel (art. 400 al. 3 CPP).
Le Ministère public a, de droit, la qualité pour recourir, soit pour interjeter appel (art. 381 al. 1 CPP).
Interjeté dans les forme et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel du Ministère public, suffisamment motivé au sens de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
3.
Le Ministère public soutient que tant les conditions objectives que subjectives de l'infraction d'abus de confiance sont réalisées.
3.1
Aux termes de l'art. 138 ch. 1 CP, se rend coupable
d'abus de confiance celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui avait été confiée (al. 1), de même que celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées (al. 2).
3.1.1
Sur le plan objectif, cette disposition suppose que l'auteur ait utilisé, sans droit, à son profit ou au profit d'un tiers, des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées. Il y a emploi illicite d'une valeur patrimoniale confiée lorsque l'auteur l'utilise contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée. L'alinéa 2 de cette disposition ne protège par la propriété mais la créance de celui qui a fait confiance, le droit de celui qui a confié la valeur patrimoniale à ce que celle-ci soit utilisée dans le but qu'il a assigné et conformément aux instructions qu'il a données. Est ainsi caractéristique de l'abus de confiance au sens de cette disposition le comportement par lequel l'auteur démontre clairement sa volonté de ne pas respecter les droits de celui qui lui fait confiance. L'art. 138 ch. 1 al. 2 CP présente ainsi la particularité d'englober des hypothèses pour lesquelles les valeurs patrimoniales n'appartiennent pas nécessairement à autrui sur le plan civil et peuvent au contraire être propriété de l'auteur lui-même. Il est toutefois nécessaire que les valeurs patrimoniales appartiennent à autrui d'un point de vu économique. Tel est le cas lorsque l'auteur est tenu de les conserver à la disposition du lésé, de sorte que ce dernier en représente l'ayant droit à défaut d'en être le propriétaire au sens juridique du terme (ATF 133 IV 21 c. 6.2; ATF 120 IV 117 c. 2e).
D'un point de vue subjectif, l'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. Il faut aussi, dans tous les cas d'abus de confiance, que l'auteur ait eu l'intention de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime. Cette dernière condition est remplie lorsque celui qui devait tenir en tout temps le bien confié à disposition de l'ayant droit l'a utilisé à son profit ou au profit d'un tiers sans avoir à tout moment la volonté et la possibilité de le restituer immédiatement (ATF 118 IV 27 c. 3a et les références citées; Niggli/Riedo, Basler Kommentar, Strafrecht II, 2
ème
édition, Bâle 2007, n. 105 à 126 ad art. 138 CP;
TF 6S.86/2001 du 10 avril 2001 c. 2a, ad CCASS, 3 août 2000, n. 483; CCASS,
14 septembre 2009, n. 382). Le dessein d'enrichissement s'entend de tout avantage économique, lequel réside ordinairement dans la valeur du bien obtenu, ou encore dans sa valeur d'aliénation ou d'usage (CCASS, 21 avril 1999, n° 201) et peut être réalisé par dol éventuel (ATF 118 IV 32 c. 2a); tel est le cas, lorsque l'auteur envisage l'enrichissement comme possible et s'il agit néanmoins, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait
(TF 6S.86/2001, précité, c. 2a; ATF 121 IV 249 c. 3a). Le Tribunal fédéral admet que si l'auteur a la volonté et la possibilité de restituer ultérieurement la chose, il se procure un enrichissement illégitime momentané, ce qui suffit à justifier une condamnation (ATF 121 IV 23; ATF 118 IV 27 précité, c. 3a; CCASS, 26 mars 2001, n° 53; Corboz, Les infractions en droit suisse, Berne 2002, nn. 20ss. ad art. 138 CP, pp. 229-230). Le dessein d'enrichissement illégitime fait en revanche défaut si, au moment de l'emploi illicite de la valeur patrimoniale confiée, l'auteur en paie la contre-valeur (ATF 107 IV 166 c. 2a), s'il avait à tout moment la possibilité de le faire (ATF 105 IV 39 c. 3).
3.1.2
L'art. 18 al. 1 CO dispose que pour apprécier la forme et les clauses d’un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s’arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention.
Pour interpréter une clause contractuelle selon la théorie de la confiance, le juge doit rechercher comment cette clause pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (interprétation dite objective; ATF 132 III 268 c. 2.3.2; ATF 131 III 606 c. 4.1). Le principe de la confiance permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à la volonté intime de l'intéressé (ATF 130 III 417 c. 3.2; ATF 129 III 118 c. 2.5; ATF 128 III 419 c. 2.2 et les références doctrinales). Pour trancher cette question de droit, il faut cependant se fonder sur le contenu de la manifestation de volonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent du fait
(ATF 132 III 268 c. 2.3.2; ATF 131 III 586 c. 4.2.3.1; ATF 130 III 417 c. 3.2). Les circonstances déterminantes sont celles qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté (ATF 131 III 377 c. 4.2 et l'arrêt cité), à l'exclusion des événements postérieurs (ATF 118 II 365 c. 1 ; ATF 112 II 337 c. 4a). Le sens d'un texte, apparemment clair, n'est pas forcément déterminant, de sorte que l'interprétation purement littérale est prohibée. Même si la teneur d'une clause contractuelle paraît limpide à première vue, il peut résulter d'autres conditions du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'autres circonstances que le texte de ladite clause ne restitue pas exactement le sens de l'accord conclu (ATF 131 III 606 précité, c. 4.2). Il n'y a cependant pas lieu de s'écarter du sens littéral du texte adopté par les cocontractants lorsqu'il n'existe aucune raison sérieuse de penser qu'il ne correspond pas à leur volonté (ATF 129 III 118 c. 2.5; ATF 128 III 265 c. 3a).
3.2
3.2.1
Tout d'abord, le témoin H._ a confirmé lors des débats d'appel que I._ n'a jamais émis les actions au porteur à l'origine de la présente cause. Il convient donc d'examiner l'application de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, soit l'emploi sans droit de valeurs patrimoniales confiées, et non pas de l'appropriation d'une chose mobilière. Les premiers juges ont retenu que les parties avaient distingué dans leurs rapports juridiques, les droits sociaux liés aux actions au porteur, qui ont toujours été exercés par G._, et les droits patrimoniaux. Considérant, selon une interprétation de l'art. 5 de la convention de cession du 13 décembre 2005, que les droits patrimoniaux avaient été cédés à cette date à l'intimé, les premiers juges ont retenu qu'une condition objective de punissabilité de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP faisait défaut, dès lors que S._ était devenu propriétaire des valeurs patrimoniales confiées.
3.2.2
Cette analyse ne saurait toutefois être confirmée au vu de la jurisprudence rappelée ci-dessus. Il est en effet indéniable que P._ demeurait le propriétaire économique des actions au porteur tant que n'intervenait pas le paiement du montant convenu de 400'000 euros. En outre, S._, qui s'était vu confier les actions à titre fiduciaire au nom de G._ aux termes du contrat conclu le 17 novembre 2004, restait tenu, selon le rapport de confiance qui en découlait, d'assurer le remboursement de ce montant. C'est d'ailleurs le seul sens que l'on doit donner à la convention de cession d'actions du 13 décembre 2005, non seulement en examinant l'art. 5 dudit contrat, mais l'ensemble des clauses prévues, selon la réelle et commune intention des parties.
En particulier, on ne saurait suivre les premiers juges lorsqu'ils affirment que la clause incriminée signifiait que seul le droit au dividende était réservé jusqu'au paiement du prix, la titularité des actions étant transférée dès la conclusion du contrat. Il suffit de se référer à l'art. 3 auquel l'art. 5 renvoie pour comprendre que le prix de vente exact était défini par un montant en capital de 400'000 euros, augmenté d'intérêts dès le 1
er
octobre 2005, payable au plus tard le 1
er
mai 2006, les droits et obligations inhérents aux actions étant transférés dès la date de ce paiement. On comprend ainsi que la cession devait intervenir au plus tard jusqu'au 1
er
mars 2006, le prix de vente des actions étant calculé conformément à l'intérêt couru depuis le
1
er
octobre 2005. Par la suite, S._ n'a pas compris autrement l'exécution de la convention, puisqu'il a assuré P._ du versement des fonds à plusieurs reprises. Le calcul des intérêts effectués dans le courriel du 15 mai 2006 atteste également d'une interprétation des art. 3 et 5 du contrat conforme à ce qui figure ci-dessus. Il faut donc admettre que la volonté commune des parties était de céder la titularité des actions au moment du paiement du prix.
S._ a ensuite invoqué le fait que les titres étaient toujours restés en main de G._ pour expliquer le retard dans l'exécution du contrat, assurant à nouveau le transfert imminent des fonds. Détenant les actions de P._ manifestement sans en être le propriétaire économique, pas plus que G._ d'ailleurs, S._ en a disposé en 2008 lorsqu'il a repris en son nom propre la titularité de toutes les actions au porteur d'I._. Plutôt que de restituer les 400'000 euros à P._, il a résisté à ses prétentions jusqu'à la convention du 24 novembre 2010 conclue devant le juge instructeur de la Cour civile.
Au vu de ce qui précède, les actions achetées par G._, ont été utilisées par S._ de manière contraire au but assigné par la convention de fiducie du 17 novembre 2004. A l'audience de première instance, S._ a admis qu'il aurait pu s'acquitter plus rapidement du remboursement des 400'000 euros, ce qui constitue un dessein d'enrichissement temporaire. Partant, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les éléments objectifs de l'abus de confiance sont réalisés.
3.2.3
S'agissant de l'élément subjectif, le tribunal de première instance a considéré qu'il n'y avait pas eu d'intention dolosive de la part de S._, qui a pu être conforté dans l'idée que c'était bien G._ qui était à nouveau titulaire des actions, d'autant qu'il s'était écoulé plus de deux ans entre la convention du
13 décembre 2005 et le changement de titularité des actions début 2007 à la suite d'une décision d'I._. Selon les premiers juges, S._ aurait été d'autant plus conforté dans cette conception erronée que sa partie adverse n'a jamais réclamé la restitution des actions dans le cadre de la procédure civile.
Cette interprétation ne saurait être partagée. L'intimé a sans cesse promis le remboursement des 400'000 euros à P._, ceci jusqu'à l'ouverture de la procédure civile, dans le cadre de laquelle il a obstinément opposé une fin de non recevoir. On ne peut reprocher à P._ de ne pas avoir demandé la restitution des actions au porteur dans la mesure où, comme on l'a démontré ci-dessus, il pensait à raison en être toujours le propriétaire. Ce n'est, en outre, pas la restitution des actions, mais leur remboursement qui devait être effectué. Il est dès lors établi que, confronté aux demandes répétées de paiement de P._, l'intimé était manifestement conscient de son enrichissement illégitime et, qu'en ne donnant pas suite à ces demandes, alors même qu'il admet avoir eu la capacité financière de le faire, il s'est enrichi temporairement, jusqu'à l'exécution de la transaction finalement conclue le 24 novembre 2010. Le Ministère public a d'ailleurs calculé le bénéfice de cet enrichissement temporaire, sur le différentiel du taux de change, et l'a évalué à 87'260 francs. L'élément subjectif est dès lors avéré et l'infraction d'abus de confiance réalisée, à tout le moins par dol éventuel.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les conditions objectives et subjectives de l'abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP sont réalisées. L'appel est admis sur ce point et le jugement entrepris réformé en ce sens que S._ est reconnu coupable d'abus de confiance.
4.
Le Ministère public a requis le prononcé d'une peine privative de liberté de dix-huit mois assortie du sursis pendant trois ans.
4.1
4.1.1
Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
4.1.2
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Lorsqu’il accorde le sursis, le juge fixe un délai d’épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).
Les critères de fixation de ce délai ne sont pas précisés par la loi. La durée du délai d'épreuve ne saurait être fixée uniquement d'après la durée de la peine ou la gravité de l'infraction. Bien plus, le critère déterminant est le risque de récidive, qui se détermine d’après le caractère du condamné (Roth et Moreillon [éd.], Commentaire romand, Bâle 2009, n. 7 ad art. 44 CP). Le juge doit tenir compte des circonstances du cas d’espèce, en particulier de la personnalité et du caractère du condamné ainsi que du risque de récidive; plus ce risque est sérieux et plus le délai d’épreuve sera long (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
éd. 2007, n. 2 ad art. 44 CP). Dans la mesure où la décision est fondée sur tous les éléments pertinents pour le pronostic futur, le juge jouit en la matière d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 128 IV 193; ATF 118 IV 97, JT 1992 I 783 c. 2a; ATF 116 IV 279 c. 2a).
4.2
En l'occurrence, il convient de retenir à charge de l'intimé le fait qu'il a sciemment menti à P._ à plusieurs reprises et durant plusieurs années, et que le montant de l'enrichissement illicite temporaire est important.
A décharge de S._ il convient de prendre en considération le remboursement des 400'000 euros, finalement intervenu dans le cadre de la transaction civile passée en novembre 2010.
Au vu de l’ensemble de ces éléments et compte tenu de la situation personnelle de l'intimé, une peine privative de liberté de quinze mois se justifie. Au surplus, le sursis doit être accordé dans la mesure où S._ en remplit les conditions, le délai d'épreuve minimum de deux ans étant adéquat compte tenu du de l'absence de tout antécédent.
5.
Le Ministère public demande également le prononcé d'une créance compensatrice équivalent au bénéfice réalisé par S._ sur le change francs suisses - euros.
5.1
Aux termes de l'art. 71 CP, lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne leur remplacement par une créance compensatrice de l'Etat d'un montant équivalent; elle ne peut être ordonnée contre un tiers que dans la mesure où les conditions de l'art. 70 al. 2 CP, ne sont pas réalisées (al. 1). Le juge peut renoncer totalement ou partiellement à la créance compensatrice s'il est à prévoir qu'elle ne serait pas recouvrable ou qu'elle entraverait sérieusement la réinsertion de la personne concernée (al. 2). Le but de cette créance compensatrice est d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés; elle ne joue qu'un rôle de substitution de la confiscation en nature et ne doit donc, par rapport à celle-ci, engendrer ni avantage ni inconvénient (ATF 126 IV 70 c. 3).
5.2
Dans le cas d'espèce, les parties ont passé une convention en novembre 2010 qui règle de manière exhaustive les modalités du dédommagement de P._ par S._ (P. 85). C'est ainsi que ce dernier a remboursé à P._ ses 400'000 euros, sans que la question du bénéfice réalisé sur le taux de change ne fasse l'objet d'une clause particulière. La pratique veut que le juge pénal ne revienne pas sur une transaction civile qui a abouti, sous peine de voir l'Etat devenir créancier dans tous les rapports civils. La créance compensatrice requise par le Parquet n'ayant plus son rôle de substitution à la confiscation, il n'y a pas lieu d'en prononcer une. Ce grief, mal fondé, doit être rejeté.
6.
En définitive, l'appel du Ministère public est partiellement admis en ce sens que S._ est condamné à une peine privative de liberté de 15 mois avec sursis durant deux ans, pour abus de confiance.
Les frais de la procédure d'appel son arrêtés à 2'130 fr., en application des art. 21 et 23 TFJP (Tarif des frais judiciaires pénaux, RSV 312.03.1).
Vu l'issue de la cause et compte tenu du fait que S._ a conclu au rejet de l'appel, les frais de la procédure d'appel à raison de deux tiers, par
1'420 fr., sont mis à sa charge, le solde étant laissé à la charge de l’Etat
(art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8c4cbc04-10d0-4ec6-bddb-3b39c6a963b1 | En fait :
A.
Par jugement du 31 août 2011, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a constaté que M._ s’était rendu coupable de tentative d'escroquerie, d'escroquerie, de faux dans les titres et de blanchiment d'argent (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de 270 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr., sous déduction de 145 jours de détention avant jugement (II), a suspendu l’exécution de la peine prévue au ch. II ci-dessus et fixé au condamné un délai d’épreuve de trois ans (III), a dit que M._ était le débiteur de la Banque [...] et lui devait immédiat paiement d'un montant de 38'543 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 29 décembre 2009 (IV), a ordonné la confiscation et la destruction des documents séquestrés sous fiches 46'321, 46'338 et 46'433 (V), a soumis le montant de 2'514 fr. 85 au droit de rétention de l'Etat de Vaud en garantie du paiement des frais de justice (art. 480a aCPP-VD) (VI) et a mis les frais de justice, par 30'700 fr., à la charge de M._ et a dit que ces frais comprenaient les indemnités dues à ses défenseurs d’office, Me Parein par 430 fr. 40, Me Bally par 2'447 fr. 50 et Me Bally par 1'628 fr. 10, dites indemnités devant être remboursées par le condamné à l'Etat dès que sa situation financière le permettra (VII).
B.
M._ a annoncé faire appel de ce jugement le 1
er
septembre 2011. Le jugement écrit lui a été notifié le 15 septembre suivant et il a déposé une déclaration d’appel le 3 octobre 2011. Il a conclu, sur le fond, à la réforme, soit à la modification du jugement, en ce sens qu'il est libéré des chefs d'accusation d'escroquerie, de tentative d'escroquerie, de faux dans les titres et de blanchiment d'argent, d'une part, et qu'il n'est pas le débiteur de la Banque [...] et ne lui doit pas paiement d'un montant de 38'543 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 29 décembre 2009, d'autre part, les frais des deux instances étant mis à l charge de l'Etat. Outre sa propre audition par la cour de céans, il a requis celle de sa sœur [...].
Le Ministère public a renoncé à procéder. Intimée à l'appel, la plaignante Banque [...] a conclu à ce qu'il soit prononcé que l'appelant est son débiteur de 38'543 fr. plus intérêts à 5 % réservés.
A l'audience d'appel, le prévenu a confirmé ses déclarations faites devant le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne, tout en les complétant par quelques éléments dont il n’avait, selon lui, pas parlé jusqu’ici. Il a ainsi ajouté que, s'il n’avait pas mentionné sa voiture lors de son arrestation, c’est parce qu'il n’avait pas voulu mettre en cause le jeune qui lui avait prêté ses plaques; que, quand il l'avait rencontré, F._ lui avait dit qu’il était employé de l’Etat de Genève et qu’il était gravement malade, raisons pour lesquelles, selon ses dires, le prévenu avait eu confiance en lui. La partie plaignante a été dispensée de comparaître et le Parquet ne s'est pas présenté, pas davantage que le témoin dont l'audition était requise.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu M._, né en 1946, ressortissant français, divorcé, est père de quatre enfants majeurs, lesquels ne sont plus à sa charge. Il a notamment exercé l'activité de cascadeur. Il a dû limiter cette activité du fait d'un accident grave survenu en 1982, suivi d'un second traumatisme en 1999. Il est actuellement retraité et perçoit un revenu de 740 euros par mois. Il n'a ni dette ni fortune personnelle. Domicilié en France, il ne paie ni impôts ni assurance-maladie. Son casier judiciaire suisse est vierge. Il n'a aucun contact dans le canton de Vaud.
Durant l'enquête, il a été détenu du 7 janvier au 31 mai 2010, soit durant 145 jours au total.
1.2 Une expertise psychiatrique a mis en évidence, sur le plan diagnostic, un "syndrome post-commotionnel et troubles mnésiques suite à un TCC avec séquelles de contusion temporo-pliaire, insulaire, amygdalienne gauche et du centre semi-ovale gauche". A dires d'expert, la responsabilité pénale de M._ était restreinte dans une mesure légère lors des faits qui lui sont reprochés dans la présente cause. Le risque de récidive n'a pas été écarté.
2.1 A Nyon, le 23 décembre 2009, le prévenu a encaissé auprès de la Banque [...] six faux chèques de voyage
American Express
d'une valeur de 500 euros chacun, pour un montant total de 4'422 francs. Le 28 décembre suivant, il en a fait de même avec 14 faux chèques de voyage, également d'une valeur de 500 euros chacun, pour un montant total de 10'276 francs. Le 29 décembre 2009, toujours auprès d'une agence de la même banque, il a échangé 31 fausses coupures
American Express
d'une valeur de 500 euros chacune, pour un montant total de 22'723 francs. La Banque [...] a déposé plainte le 23 février 2010 et a pris des conclusions civiles à hauteur de 38'543 francs.
A Nyon, le 29 décembre 2009, le prévenu a envoyé, par le biais de la
Western Union
, un premier montant de 5'000 fr. et un second de 490 fr. à un dénommé Z._, prétendument ressortissant britannique.
Le prévenu a été interpellé à la Gare CFF de Lausanne le 7 janvier 2010, alors qu'il tentait d'encaisser 20 faux chèques de voyage d'une valeur de 500 euros chacun au bureau de change et après qu'il eut auparavant tenté de le faire à la Poste de St-François et auprès de trois banques différentes de la place de Lausanne. Le prévenu était en outre en possession de 30 autres mêmes contrefaçons et pas moins de 153 autres coupures ont été découvertes dans sa voiture, qui était entreposée dans un parking de la capitale depuis le 7 janvier 2010. Ces chèques étaient emballés dans de la cellophane et du papier journal écrit en anglais. Le prévenu a soutenu les avoir reçus à Lonay par la FedEx; ils avaient été envoyés "par un Anglais" (procès-verbal d'interrogatoire du 11 janvier 2010, notamment p. 3, R 13).
Ces divers documents avaient été remis au prévenu par l'intermédiaire d'un dénommé F._. Une commission de 20 % du montant encaissé avait été promise au prévenu. A chaque reprise, le prévenu avait libellé à son nom les chèques en blanc pour faire croire à l'établissement financier auprès duquel ils étaient présentés à l'encaissement que ces titres lui appartenaient, respectivement qu'il en était le légitime possesseur.
Durant l'enquête, le prévenu a soutenu que les chèques lui avaient été remis la première fois durant la semaine entre Noël 2009 et Nouvel-An 2010 par un Italien ayant des relations au Sénégal. La première remise avait, toujours selon l'appelant, eu lieu à la frontière italo-française du Mont-Blanc. Lors d'une seconde transmission, les titres avaient, toujours selon lui, été déposés dans une poubelle d'un abri de bus à Carouge GE, où il les avait récupérés après avoir été informé de leur présence à cet endroit peu de temps avant par téléphone du prétendu ressortissant britannique déjà mentionné. Il a soutenu les avoir toujours considérés comme authentiques. Bref, d'après lui, il aurait été "utilisé pour faire du transfert d'argent" (procès-verbal d'interrogatoire du 7 janvier 2010, notamment p. 3) par des commanditaires italiens qui ne pouvaient pas encaisser eux-mêmes les chèques et qui se livraient à des "magouilles fiscales" (procès-verbal d'interrogatoire du 22 février 2010).
Entendu comme témoin durant l'enquête, F._, décédé depuis, a indiqué que les opérations en cause lui avaient été demandées par le dénommé Z._. Il a précisé avoir eu affaire au téléphone à chaque fois à des interlocuteurs différents, parlant anglais avec l'accent africain; le numéro de téléphone qu'il a obtenu, révélé à la police, se trouvait "en Angleterre", soit au Royaume-Uni. Il a ajouté qu'aucun courrier n'accompagnait les six chèques contrefaits de 500 euros chacun qui lui avaient été envoyés et qu'interdiction lui avait été faite de les encaisser à l'agence
American Express
de l'aéroport de Cointrin. Ces éléments avaient sérieusement éveillé ses doutes, au point qu'il n'avait jamais encaissé les chèques lui-même, se doutant de ce qu'il s'agissait d'une escroquerie. Le témoin a dit avoir exposé cette situation au prévenu, qui était très intéressé et avait manifesté son accord de s'associer aux individus en cause en procédant à l'encaissement des chèques; pour le reste, le témoin ne voulait pas savoir ce que le prévenu entreprendrait (procès-verbal d'interrogatoire du 26 janvier 2010).
Il ressort cependant du dossier que F._ avait continué à entretenir des contacts avec le dénommé Z._ en lui envoyant des courriels de confirmation depuis son ordinateur personnel alors même que le prévenu procédait à l'encaissement des chèques contrefaits. En particulier, F._ avait, par courriel du 4 janvier 2010 rédigé en anglais, informé un correspondant de ce que le prévenu avait tout organisé ("had orgonize [sic] all") afin que les chèques lui fussent envoyés par la FedEx à une adresse de Lonay; par courriel du lendemain, un correspondant anglophone avait confirmé l'envoi des chèques à l'intention de l'appelant, à l'adresse indiquée.
2.2 Aux débats de première instance, le prévenu n'a pas contesté les faits qui lui sont reprochés. En revanche, il a affirmé ne pas avoir pris conscience du caractère répréhensible de ses agissements et avoir fait entièrement confiance à son ami F._, lequel avait endormi sa confiance en lui présentant l'utilisation des chèques de voyage comme une affaire sérieuse. Il a précisé que c'était sans avoir eu de contact direct avec l'individu prétendument dénommé Z._ qu'il s'était lancé dans les activités qui lui sont reprochées et que, de toute façon, il est incapable de communiquer en anglais. Bref, il a soutenu ne s'être jamais douté de ce qu'il prêtait la main à une organisation criminelle et avoir été totalement dupé, les principaux commanditaires ayant profité de sa naïveté.
3. Sous l'angle des éléments subjectifs de chacune des infractions en cause, soit pour ce qui est de l'intention dolosive de l'auteur, il a été retenu que le prévenu ne s'était jamais expliqué honnêtement durant l'enquête. Ainsi, il a dissimulé aux enquêteurs lausannois l'existence de sa voiture entreposée dans un parking de la capitale et dans laquelle se trouvaient les 153 chèques qui n'avaient pas été présentés à l'encaissement. C'est uniquement grâce aux mesures d'investigation que F._ a pu être identifié. A en outre été retenu, au même titre, le fait que le prévenu avait encaissé les chèques auprès d'établissements bancaires dans lesquels il n'était jamais allé et qui étaient situés dans des villes où il n'avait absolument aucune raison de se rendre; de surcroît, c'est lors d'une cinquième tentative d'encaissement au cours de la même journée qu'il a été interpellé, le fait de ne pas être parvenu à ses fins dans pas moins de quatre établissements différents ne l'ayant pas dissuadé de tenter sa chance dans un cinquième. Enfin et surtout, les premiers juges ont retenu que le prévenu était de mauvaise foi lors des faits et que, bien qu'il se fut douté du caractère illicite de l'opération, il avait délibérément fermé les yeux en raison des perspectives de gain espérées. Ils ont pris en compte en particulier les éléments suivants :
- le fait que l'intéressé ait dissimulé aux enquêteurs les chèques qui se trouvaient dans sa voiture, l'existence de F._ et tous les éléments en rapport avec les commanditaires et qu'il avait, bien plutôt, inventé une histoire invraisemblable;
- le fait que le passé professionnel du prévenu excluait une naïveté aussi déconcertante que celle dont il se prétend affecté, sachant que l'intéressé avait travaillé, gagné de l'argent et avait été au contact d'un nombre impressionnant d'intermédiaires financiers lorsqu'il exerçait sa profession de cascadeur et que sa notoriété était au plus haut;
- le fait que divers facteurs devaient susciter sa méfiance, en particulier le taux exorbitant de la commission qui lui était dévolue, l'anonymat des commanditaires, ainsi que le mode de transmission totalement incongru et le nombre clairement disproportionné des chèques;
- le fait que le prévenu avait libellé à son nom les chèques en blanc pour faire croire à l'établissement bancaire que ces titres lui appartenaient, respectivement qu'il en était le légitime possesseur, ce qu'il savait parfaitement ne pas être le cas;
- le fait que le prévenu ait encaissé, respectivement tenté d'encaisser les chèques dans des villes dans lesquelles il ne résidait pas et auprès d'établissements qui lui étaient totalement inconnus témoigne des doutes que suscitaient en lui les opérations auxquelles il procédait;
- le fait qu'il avait reçu en une seule fois près de 180 chèques emballés dans de la cellophane et du papier journal écrit en anglais ne pouvait lui faire penser qu'il prêtait la main à une opération parfaitement licite;
- enfin, un partenaire de bonne foi se serait assurément renseigné au sujet des commanditaires d'une telle opération.
4. Appréciant la culpabilité du prévenu, le tribunal correctionnel a d'abord considéré que, lors des faits, l'intéressé était dans une situation financière précaire et se trouvait à la recherche d'une activité lucrative.
Il a été retenu, à charge, que les infractions étaient en concours, que le prévenu avait prêté la main à une organisation criminelle, que seule l'intervention des forces de police avait permis de mettre un terme à des activités illicites qu'il était en train de mener avec assiduité, qu'il avait agi par appât du gain, qu'il n'avait pas collaboré à l'enquête et qu'il n'avait pas donné l'impression de s'être remis en question.
A décharge a été prise en compte l'absence d'inscription au casier judiciaire au prévenu, ainsi que sa responsabilité pénale légèrement diminuée à dires d'expert. En définitive, sa culpabilité a été considérée comme importante.
Les conditions du sursis ont été tenues pour remplies. Enfin, les conclusions civiles de la banque plaignante ont été considérées comme fondées dans leur principe et justifiées dans leur quotité. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (cf. l'art. 399 CPP) contre le prononcé d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
1.2
Aux termes de l’art. 398 al. 2 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement. Selon l’art. 398 al. 3 CPP, l’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié (let. a), pour constatation incomplète ou erronée des faits (let. b) et pour inopportunité (let. c).
2.
A l'appui de sa conclusion tendant à sa libération des fins de la poursuite pénale, l'appelant fait valoir que les conditions subjectives des infractions retenues par le tribunal correctionnel ne sont pas réalisées, faute d'intention dolosive de sa part. Ce faisant, il persiste dans le moyen déduit de sa bonne foi, lequel avait été expressément écarté par les premiers juges.
3.
L'appelant reproche à tort aux premiers juges d'avoir retenu qu'il avait de l'"expérience en affaires". Ceux-ci ont tout au plus retenu qu'il avait travaillé, gagné de l'argent et avait été au contact d'un nombre impressionnant d'intermédiaires financiers lorsqu'il exerçait sa profession de cascadeur et que sa notoriété était au plus haut.
Pour le reste, il sied de constater que les faits ne sont pas contestés et que rien ne permet de considérer que les premiers juges aient constaté les faits de façon incomplète ou erronée au sens de l'art. 398 al. 3 let. b CPP.
4.
Les trois infractions ici en cause sont le faux dans les titres, l'escroquerie (respectivement la tentative d'icelle) et le blanchiment d'argent. Il y a lieu, d'abord, d'examiner les éléments objectifs constitutifs de chacune d'elles.
4.1.1
L'art. 251 CP réprime celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.
4.1.2
Sont notamment des titres tous les écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique (cf. art. 110 ch. 4 CP). L'art. 251 CP vise non seulement le faux matériel, qui consiste dans la fabrication d'un titre faux ou la falsification d'un titre, mais également le faux intellectuel, soit la constatation d'un fait inexact, en ce sens que la déclaration contenue dans le titre ne correspond pas à la réalité. Constitue un faux matériel un titre dont l'auteur réel ne coïncide pas avec l'auteur apparent. Tel est le cas d'un papier-valeur, s'agissant, comme en l'espèce, en particulier d'un chèque.
4.1.3
Dans le cas d'espèce, l'appelant a présenté à l'encaissement des faux chèques libellés à son nom de sa main. Il a donc fait usage de titres contrefaits, c'est-à-dire qui n'étaient pas émis par l'organisme financier à la raison sociale duquel ils étaient libellés, bien qu'ils en portassent mention. L'élément objectif de l'infraction réprimée par l'art. 251 CP est donc réalisé, ce qui n'est du reste pas contesté.
4.2.1
Aux termes de l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.
4.2.2
Les éléments objectifs de l'infraction sont la tromperie, l'astuce, l'existence d'une erreur de la dupe, un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires et un dommage en rapport de causalité avec l'acte incriminé (Corboz, Les infractions en droit suisse, op. cit., vol. I, Berne 2010, nn. 1 à 38 ad art. 146 CP, pp. 322 ss).
La tromperie que suppose l'escroquerie peut consister soit à induire la victime en erreur, par des affirmations fallacieuses ou la dissimulation de faits vrais, soit à conforter la victime dans son erreur (cf. Corboz, op. cit., vol. I, Berne 2010, n° 1 ss ad art. 146 CP, pp. 322 ss).
4.2.3
Dans le cas particulier, les premiers éléments objectifs de l'escroquerie sont constitués par la tromperie au préjudice de la dupe, soit de la banque. De plus, l'appelant a fait preuve d'astuce au sens légal en présentant à l'encaissement des chèques contrefaits dont l'inauthenticité ne pouvait être constatée d'emblée même par des professionnels de la finance. Sous l'emprise d'une erreur, la banque a versé en espèces la contre-valeur des chèques présentés à l'encaissement sans pouvoir la porter à son crédit ni en obtenir remboursement de quelque manière que ce soit ultérieurement; elle a ainsi subi un dommage par un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires, ce en raison des actes incriminés. Son préjudice est donc en rapport de causalité avec eux. Cette qualification n'est du reste pas davantage contestée.
4.2.4
Les éléments constitutifs de la tentative au sens de l'art. 22 al. 1 CP sont réalisés dans les cas où l'appelant n'est pas parvenu à ses fins du fait qu'il s'était heurté au refus de certains des établissements auxquels les chèques contrefaits étaient présentés à l'encaissement. En effet, il avait alors commis tous les actes devant mener au résultat escompté de l'activité coupable.
4.3.1
A teneur de l'art. 305bis CP, dont la note marginale est "Blanchiment d'argent", celui qui aura commis un acte propre à entraver l’identification de l’origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il savait ou devait présumer qu’elles provenaient d’un crime, sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
4.3.2
Tout acte propre à entraver la confiscation de valeurs patrimoniales par celui qui sait ou devait avoir qu'elles provenaient d'un crime est constitutif de blanchiment d'argent au sens de la disposition ci-dessus (ATF 119 IV 59). Il en va de même lorsque l'auteur du blanchiment recycle le produit d'une infraction qu'il a lui-même commise (ATF 122 IV 211 c. 3c, confirmé par ATF 124 IV 274 c. 3). Un transfert d'argent à une tierce personne par jeu d'écritures réalise l'élément objectif du blanchiment à partir du moment où l'origine des deniers devient de ce fait insoupçonnable par dissimulation (ATF 124 IV 274 précité c. 4).
4.3.3
Par ses versements via la
Western Union
, l'appelant a rendu indécelable l'origine des deniers transférés à son commanditaire, dès lors que ce mode de versement par transfert assure l'anonymat à son auteur. Les éléments objectifs de l'infraction réprimée à l'art. 305bis CP sont donc donnés.
5.1
Cela étant, l'appel porte essentiellement sur les éléments subjectifs de chacune des trois infractions en cause. En effet, l'appelant ne conteste pas, comme on l'a vu, la réalisation spécifique d'un ou de plusieurs éléments objectifs constitutifs de l'une ou de l'autre des infractions retenues, mais il conteste dans l'ensemble la réalisation des éléments subjectifs tant de l'escroquerie, respectivement de la tentative d'icelle, du faux dans les titres que du blanchiment d'argent. Pour chacune de ces infractions, il soutient en effet été victime d'une manipulation, en ce sens qu'il aurait agi en toute bonne foi en croyant rendre service à ses commanditaires anonymes établis en Italie, respectivement au Royaume-Uni ou en tout cas dans l'espace linguistique anglophone.
5.2
Ce moyen est contredit par les faits de la cause. En effet, un intermédiaire de bonne foi n'aurait pas manqué de tenter de se dédouaner une fois confronté à la réalité des faits. On aurait donc pu attendre de l'appelant qu'il révèle d'emblée aux enquêteurs l'ensemble des faits dont il avait connaissance, voire se présente spontanément à la police. Ce n'est pourtant pas du tout ainsi qu'il a agi.
Bien plutôt, au cours de ses auditions successives, le prévenu n'a eu cesse de tenter de minimiser son rôle dans l'opération. Ainsi, il a su mener les enquêteurs sur de fausses pistes pour préserver ses intérêts en modifiant ses versions des faits et n'a mis en cause F._ qu'après avoir dissimulé l'existence de cet individu pour appuyer ses mensonges. De même, il a refusé de dévoiler l'identité d'autres personnes avec lesquelles il était en relation lors du complexe de faits ici en cause. En outre, il a présenté sa défense à l'audience d'appel en excipant de motifs du même ordre. Enfin, sa légère faiblesse d'esprit mise en évidence par l'expertise ne saurait avoir pour conséquence une naïveté aussi insondable que celle dont il se prétend affecté.
L'appelant soutient avoir été instrumentalisé en particulier par F._. Certes, cet individu a su rester en retrait en s'abstenant de tenter d'encaisser personnellement les six chèques qui lui avaient été adressés. Il n'en a pas moins joué un rôle important dans l'opération en assurant la communication par courrier électronique avec les commanditaires, étant précisé que l'appelant n'utilisait pas de tels moyens techniques. La question de savoir si F._ a "aidé" l'appelant – comme il le soutient – ou l'ait "utilisé" – comme le plaide le prévenu – peut cependant rester indécise. Il suffit de constater que le témoin n'avait aucun intérêt, économique ou autre, à manipuler l'appelant. Peu importe donc, n'en déplaise à l'appelant, que le témoin ait été le seul à communiquer par courriels avec les dirigeants de l'organisation criminelle. La seule question déterminante est bien plutôt celle de savoir si le prévenu a pu agir autrement qu'intentionnellement.
A cet égard, interrogé durant l'enquête, F._ a fait savoir qu'il se doutait de ce qu'il s'agissait d'une escroquerie; après qu'il eut exposé cette situation au prévenu, ce dernier n'en avait pas moins été très intéressé et avait manifesté son accord de s'associer aux individus ayant sollicité le témoin. Plus encore, le courriel adressé par le témoin le 4 janvier 2010 au commanditaire mentionne que le prévenu avait tout organisé afin que les chèques lui fussent envoyés par la FedEx à une adresse de Lonay, ce qui a bien été le cas de l'aveu même du prévenu. Le témoignage est donc crédible, puisque conforté par des faits matériels.
5.3
Pour le reste, il suffit de renvoyer aux motifs des premiers juges, qui excluent de manière particulièrement pertinente la bonne foi du prévenu. En particulier, c'est en vain que l'appelant plaide que le tribunal correctionnel lui a attribué une "expérience en affaires" dont il serait dépourvu. Comme déjà relevé (cf. c. 3), les premiers juges se sont en effet limités à retenir, conformément aux faits de la cause, que l'intéressé avait travaillé, gagné de l'argent et avait été au contact d'un nombre impressionnant d'intermédiaires financiers lorsqu'il exerçait sa profession de cascadeur et que sa notoriété était au plus haut. Une personne disposant d'une telle expérience ne peut croire qu'une commission de 20 % promise pour de telles opérations ait pour seule finalité la fraude ou l'évasion fiscale. De plus, elles étaient menées de manière furtive pour un grand nombre de chèques, transmis de surcroît par des voies pour le moins insolites par des correspondants inconnus. A l'évidence, c'est pour tenter d'échapper aux enquêteurs, donc en sachant qu'il agissait illicitement, que l'appelant a encaissé, respectivement tenté d'encaisser les chèques dans des villes dans lesquelles il ne résidait pas et auprès d'établissements dont il n'était pas client, précisément faute de toute attache dans le canton. A ceci s'ajoute que le prévenu n'a pas pu fournir d'explication crédible au sujet du nombre exorbitant de raccordements téléphoniques dont il disposait lors des faits (procès-verbal d'interrogatoire du 11 janvier 2010, p. 4, R 17), ce malgré des ressources modiques et même si l'on peut admettre qu'un ancien cascadeur peine à se résoudre à la quiétude de sa retraite.
5.4
Ceci dit, il y a lieu d'examiner l'argumentation générale de l'appelant au regard des éléments subjectifs spécifiques aux différentes infractions en cause.
Le faux dans les titres est une infraction intentionnelle. Le dol éventuel suffit aussi également pour ce dessein. L'art. 251 CP exige de surcroît un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de nuire ou le dessein d'obtenir un avantage illicite (Corboz, op. cit., nn. 171 ss ad art. 251 CP). Le dessein de nuire, en particulier, peut consister notamment dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires d'autrui (op. cit., ibid., ch. 176 ad art. 251 CP). Comme relevé ci-dessus sur un plan général, le prévenu a agi dans le dessein d'obtenir un avantage illicite au préjudice des dupes, soit des établissements financiers auxquels les chèques étaient présentés.
Pour ce qui est de l'escroquerie, les éléments subjectifs spécifiques de l'infraction sont au nombre de deux. D'abord, la tromperie astucieuse que présuppose l'escroquerie ne peut être qu'intentionnelle. Ensuite, l'auteur doit agir dans un dessein d'enrichissement illégitime (Corboz, op. cit., nn. 39 ss ad art. 146 CP, pp. 332 s.). Comme déjà relevé sous l'angle du faux dans les titres, c'est bien avec conscience et volonté et dans ce dessein qu'a agi l'appelant.
Quant au blanchiment d'argent, l'appelant ne pouvait ignorer la provenance illicite des deniers transférés par la
Western Union,
cette dernière infraction procédant des deux précédentes. C'est sciemment qu'il a effectué le transfert au profit de son correspondant membre du réseau.
5.5
La corrélation de ces éléments d'appréciation factuels mène à exclure que l'appelant ait jamais été la dupe de quiconque, ce qui implique de nier sa bonne foi, donc à admettre l'intention dolosive du prévenu pour chacune des infractions retenues.
6.1
Compte tenu de l'argumentation développée par l'appelant, il y a lieu d'examiner la question de la quotité de la peine, sous l'angle tant de l'art. 19 CP que de l'art. 47 CP.
6.2
Aux termes de l'art. 47 al. 1 CP, la peine doit être fixée d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte de ses antécédents et de sa situation personnelle ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir. L'alinéa 2 de cette disposition énumère, de manière non limitative, une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité de l'auteur. Ces critères correspondent à ceux développés par la jurisprudence relative à l'art. 63 aCP, à laquelle on peut se référer (124 IV 17 c. 2.1 p. 19). Une exception doit toutefois être faite s'agissant de l'absence d'antécédents qui, sauf circonstances exceptionnelles, n'a plus à être prise en considération dans un sens atténuant (136 IV 1 c. 2.6.4 p. 3).
6.3
En l'espèce, le premier élément d'appréciation est le montant des escroqueries, qui est important, à savoir 25'500 euros, en sus des 10'000 euros que le prévenu tentait de changer lors de son interpellation. L'énergie criminelle déployée a été considérable. En effet, l'appelant a agi à plusieurs reprises selon un mode opératoire éprouvé. Le jour de son interpellation, en particulier, il avait déjà tenté d'encaisser des chèques contrefaits auprès de pas moins de quatre autres établissements financiers. Les 153 faux chèques retrouvés dans sa voiture et ceux dont il était porteur sans les avoir encore présentés à l'encaissement permettent de déduire qu'il aurait persisté dans son activité criminelle dans une plus large mesure encore s'il n'avait pas été mis fin à ses agissements. Le choix des villes et des banques opéré par l'intéressé et le fait qu'il se soit de son propre chef créé une adresse en Suisse pour recevoir les chèques par voie postale témoignent de sa volonté de dissimulation et de son degré d'organisation. Contrairement à ce qu'il a tenté de faire accroire, il a ainsi joué un rôle actif au sein du réseau, même s'il n'était évidemment pas à l'origine de l'opération. En outre, il n'a quasiment pas collaboré à l'enquête, pas plus qu'il n'a, tant devant le tribunal correctionnel qu'à l'audience d'appel, donné l'impression de s'être remis en question. Pour ce qui est l'examen à décharge, l'absence d'inscription au casier judiciaire et une possible crédulité (non pathologique) du prévenu n'apparaissent pas comme des motifs d'atténuation de la peine. Les éléments retenus, à charge, sont ainsi pertinents, étant précisé qu'il n'existe pas d'élément à décharge sous l'angle de l'art. 47 CP.
C'est à juste titre que la peine a été légèrement diminuée en application de l'art. 19 al. 2 CP pour tenir compte de la diminution de la responsabilité pénale mise en évidence par les experts (cf. ATF 136 IV 55, JT 2010 IV 127).
Pour le reste, et contrairement à ce que soutient l'appelant, les premiers juges ont tenu compte de son absence d'antécédents pénaux. Ils n'ont au surplus nullement retenu qu'il serait un fainéant intéressé uniquement par les gains faciles. Bien plutôt, ils ont relevé qu'il avait agi par appât du gain et délibérément fermé les yeux en raison des perspectives de gain espérées, ce en étant à la recherche d'une source de revenu. Cette appréciation correspond aux éléments matériels du dossier.
Au vu de ce qui précède, le tribunal n’a pas tenu compte d’éléments étrangers à l’art. 47 CP. Aucun élément déterminant au regard de l'art. 47 CP n'a été omis, respectivement ne s'est vu conférer une portée excessive ou insuffisante. La peine prononcée est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l'appelant et de sa situation personnelle. Loin de relever de l’excès ou de l’abus du pouvoir d’appréciation au sens de l’art. 398 al. 3 let. a CPP, elle est même plutôt clémente.
7.
Enfin, l'appelant conteste l'adjudication de ses conclusions civiles à la plaignante Banque [...].
L'illicéité civile est donnée du fait de l'illicéité pénale. La quotité du dommage en capital est établie par pièces et incontestée en tant que telle. Les intérêts échappent également à la critique, l'auteur tenu à réparation étant en demeure dès la commission de l'acte illicite.
8.
L'appelant succombant entièrement sur ses conclusions, les frais de la procédure d'appel selon l'art. 424 CPP doivent être mis à sa charge (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Ces frais comprennent l'indemnité de son défenseur d’office pour la procédure d’appel. Cette indemnité doit être arrêtée à 891 fr., TVA comprise, ce au vu de la complexité de la cause et de l'ampleur des opérations effectuées par le conseil.
L'appelant ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son conseil d’office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8c63ea8e-354e-476d-90ff-59bad773d7f3 | En fait :
A.
Par jugement du 30 août 2012, le Tribunal des mineurs a constaté que D._, fils de [...] et de [...], né le 22.9.1993 à Lausanne/VD, originaire de Lausanne/VD, apprenti, domicilié chez ses parents, [...], s'est rendu coupable de contrainte sexuelle et de viol (I), lui a infligé huit mois de privation de liberté, avec sursis et accompagnement pendant deux ans (II), a subordonné l'octroi du sursis à l'obligation, d'une part, d'aller régulièrement aux rendez-vous qui lui seront fixés par la Fondation vaudoise de probation (FVP) et de collaborer avec cette institution et, d'autre part, de verser un montant de 100 fr. par mois à L._, partie plaignante, montant qui viendra en déduction de la somme allouée à celle-ci à titre de réparation du tort moral (cf. ch. IV. ci-dessous) (III), dit que D._ est le débiteur de L._, partie plaignante, de la somme de 8'000 fr., avec intérêt à 5 % l'an dès le 21 juillet 2011, à titre de réparation du tort moral (IV), donné acte de ses réserves civiles à U._, partie plaignante, s'agissant de ses prétentions en tort moral (V), mis les frais de la procédure, par 300 fr., à la charge de D._ et laissé le solde à la charge de l'Etat (VI).
Par ordonnance du 12 octobre 2012, non communiquée au Ministère public, la Présidente du Tribunal des mineurs a fixé l’indemnité du défenseur d’office du prévenu et celle du conseil d’office de la plaignante L._.
B.
Le 13 septembre 2012, le Ministère public central a annoncé faire appel du jugement du 30 août précédent. Par déclaration d’appel du 5 novembre 2012, il a conclu à ce que la quotité de la peine privative de liberté soit augmentée de huit à douze mois, dont six mois ferme et six mois avec sursis, et accompagnement durant deux ans avec maintien des règles de conduite imposées par le Tribunal des mineurs.
Le 12 novembre 2012, l’intimé D._ a fait savoir qu’il ne présentait ni appel joint, ni requête de non-entrée en matière.
A l'audience d'appel, tenue à huis clos (art. 14 al. 1 PPMin), le prévenu a déclaré n’avoir pas encore commencé à verser des acomptes à L._. Bien que ce point du jugement, non contesté en appel, soit exécutoire (art. 402 CPP), il a indiqué que les coordonnées d’un compte pour le versement ne lui avaient pas été transmises. Tout en disant admettre les faits qui lui sont reprochés, il a toutefois persisté à nier avoir forcé L._ et avoir infligé l'acte sexuel à chacune des deux victimes.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu D._, né en septembre 1993, a été élevé par ses parents à Lausanne. Deuxième d'une fratrie de quatre enfants, il a terminé sa scolarité obligatoire en section VSO, avant d'effectuer une année d'école supplémentaire afin d'obtenir son certificat VSG. Il a ensuite entrepris un apprentissage de planificateur-électricien, formation dont il a redoublé la première année. Il envisage de suivre une école d’ingénieurs pour autant qu'il obtienne son CFC. Il perçoit actuellement un denier d'apprenti de 750 francs.
1.2.1 Le 1
er
septembre 2007, vers 23 h, U._, née en 1964, prostituée brésilienne en situation illégale, s'est rendue dans la cour intérieure de l'Ecole des métiers, rue de Sébeillon, à Lausanne, dans le dessein d'échapper à un contrôle de police. Elle a alors remarqué qu'elle était suivie par un jeune homme de type africain, d'un âge compris, selon elle, entre 16 et 18 ans. Elle a refusé sa proposition d'entretenir une relation sexuelle pour 10 francs. L'inconnu lui a alors touché les seins et a cherché à mettre la main sous sa mini-jupe. La victime ayant cherché à s'enfuir en courant, son agresseur l'a poursuivie, avant de la saisir et de la maintenir fermement par les bras et les poignets. A plusieurs reprises, il l'a projetée au sol, en lui touchant à nouveau les seins et en l'embrassant contre son gré. Il a exigé d'elle du "sexe gratuit", disant vouloir la lui "mettre dedans". Afin d'éviter que l'inconnu ne la blesse, la victime lui a finalement proposé de lui prodiguer une fellation. Alors qu'elle s'y prêtait, elle lui a donné un coup de pied à l'intérieur de la jambe, ce qui a fait tomber l'agresseur. La victime a alors pris à nouveau la fuite. Elle a toutefois été rattrapée par l'individu, qui l'a forcée à entretenir des rapports sexuels complets, suivis d'une fellation, malgré les cris et les pleurs de sa victime. L'agresseur a lui-même retiré le préservatif qu'il avait utilisé lors des faits, avant de le jeter dans un bac à fleurs situé à proximité. Ce préservatif a été récupéré par la police sur la base des indications données par la victime. L'analyse de l'ADN du sperme qu'il contenait n'avait alors pas permis d'identifier l'agresseur.
U._ a déposé plainte le 27 septembre 2007 (P. 502/1).
1.2.2 Le 21 juillet 2011 au soir, D._ a discuté avec L._, née en 1993, dans la cage d'escalier d'un immeuble lausannois. Les deux adolescents ont échangé quelques bisous et conféré durant près de trois heures. Le prévenu savait que son interlocutrice traversait une période psychologiquement difficile, notamment pour avoir parlé avec elle des problèmes qu'elle rencontrait alors avec son petit ami. Il s'est montré insistant, tentant de la toucher et de glisser sa main dans son pantalon, tout en lui promettant de seulement se toucher et de ne pas aller jusqu'au bout, disant qu'il arriverait à se retenir. Après avoir posé la main de la jeune femme sur son pénis, le prévenu l'a retenue par la main et l'a poussée par les épaules en arrière sur le palier, où elle s'est retrouvée couchée sur le dos. Il lui a baissé son pantalon, alors que la victime se débattait et criait, lui disant qu'elle n'était pas d'accord. Le prévenu a baissé son propre pantalon et son caleçon, avant de pénétrer de force sa victime par voie vaginale, tandis qu'elle tentait de le repousser et lui disait, les larmes aux yeux, d'arrêter, en se débattant. Une fois la relation sexuelle terminée, le prévenu s'est levé et a immédiatement quitté les lieux en disant qu'il devait y aller, laissant sa victime en pleurs couchée sur le sol.
Peu après, le prévenu a appelé L._ par téléphone. Sa correspondante a enregistré leur conversation. La retranscription de l'entretien révèle que la jeune femme a notamment déclaré ce qui suit : "Pendant que t'étais dedans, je te repoussais, tu t'enlevais pas. Je te disais arrête, je veux pas ! T'avais trop de force". Le prévenu lui a alors rétorqué ce qui suit : "Blablablabla, je sais qu'en fait tu as eu ce que tu voulais". Peu après les faits également, alors qu'elle attendait le métro en pleurant, L._ s'est confiée à une inconnue, [...], pour lui dire qu'elle était venue à Lausanne pour rencontrer un garçon et que celui-ci l'avait violée. Contactée par la police, la confidente a confirmé les propos de la victime.
Un examen gynécologique pratiqué le 2 septembre 2011 sur la personne de la victime n'a rien révélé de particulier. A dire de psychiatre, en revanche, L._ présente un état de stress post-traumatique séquellaire du viol qu'elle a subi. Cette affection justifie la poursuite d'un traitement psychiatrique ambulatoire (rapport du 8 juin 2012 des Services psychiatriques [...], annexe non numérotée à la P. 601/8).
L._ a déposé plainte le 16 août 2011 (P. 601). Elle a pris des conclusions civiles à l'encontre du prévenu à hauteur de 15'000 fr., avec intérêt à 5 % l'an dès le 21 juillet 2011, à titre de réparation du tort moral (P. 601/9).
1.2.3 Le prévenu a été auditionné le 13 décembre 2011 en relation avec les faits survenus le 21 juillet 2011 (P. 403). Il a admis connaître L._, mais a nié tout acte de contrainte sexuelle à son préjudice.
Un rapport du 5 janvier 2012 du Centre universitaire romand de médecine légale établit que son profil ADN correspond à celui de l'utilisateur du préservatif recueilli sur la base des indications de U._ en 2007 (P. 502/10; P. 401, p. 3, D. 12).
Entendu par la police le 6 mars 2012 (P. 401), puis en audience d'instruction le 13 juin suivant (P. 404), le prévenu a nié être l'auteur des faits dénoncés par U._. Il a précisé qu'il ne se souvenait pas d'avoir violé une prostituée. Il a en outre contesté avoir pénétré L._ par voie vaginale, affirmant s'être uniquement frotté à elle, le sexe en érection et en portant son caleçon. Quant à sa relation avec L._, il a précisé qu'il n'aimait pas se montrer avec les gens qu'il ne fréquente pas habituellement, car tout de suite des rumeurs commencent à courir. En particulier, il a relevé ce qui suit : "Je ne voulais pas que des rumeurs circulent sur mon compte comme quoi je ramassais les restes" (P. 404, p. 6).
Aux débats du Tribunal des mineurs, il a reconnu avoir menacé U._ en lui disant qu'il ne partirait pas tant qu'elle ne lui aurait pas fait une fellation et qu'à défaut "cela se passerait mal". Il a ainsi avoué avoir forcé sa victime à lui prodiguer une fellation, mais a contesté l'avoir contrainte à un rapport sexuel complet (P. 405).
2. Appréciant les faits de la cause, les premiers juges, écartant les dénégations du prévenu, ont ajouté foi aux déclarations de U._ et de L._, les dires de cette dernière étant étayés par l'enregistrement de l'entretien téléphonique.
En ce qui concerne les actes commis au préjudice de U._, ils ont retenu que les infractions de contrainte sexuelle et de viol étaient en concours réel. L'absorption de celle-là par celle-ci a été exclue. Il s'agissait en effet de deux actes distincts, un rapport sexuel complet et une fellation. Pour ce qui est des actes commis au préjudice de L._, seul le viol a été retenu.
3. Appréciant la culpabilité du prévenu, les premiers juges ont d'abord énoncé que le prévenu était âgé de treize ans et onze mois lors des crimes commis au préjudice de U._, ce qui limite la peine à dix jours de prestations personnelles, s'agissant d'un crime ou d'un délit commis avant que son auteur n'ait atteint l'âge de quinze ans révolus.
Ils ont ensuite considéré que, vu la gravité des infractions, une peine de privation de liberté s'imposait. Pour en déterminer la quotité, ils ont retenu, à charge, la gratuité des faits, la lourde culpabilité du prévenu, son mépris affiché à l'égard de ses victimes au moment des faits, son manque de collaboration en cours d'instruction et sa persistance à minimiser les faits. A décharge ont été pris en compte son absence d'antécédent, sa bonne intégration sociale et professionnelle, ses regrets exprimés certes "du bout des lèvres", et la honte qu'il avait ressentie à raison de ses actes. Le comportement, qualifié d'ambigu, de L._ pendant près de trois heures a également été mentionné à décharge.
Quant au sursis, les premiers juges ont retenu que le prévenu avait entrepris un début de réflexion aux débats, puisqu'il avait admis une partie des faits qui lui étaient reprochés et qu'il s'était dit honteux de son comportement. Considérant en outre qu'il convenait de préserver l'activité professionnelle de l'intéressé, ils ont estimé que le pronostic n'était pas défavorable, même si l'on se trouvait dans un cas limite. Dès lors, c'est un sursis de longue durée avec accompagnement, et grevé de conditions, qui a été accordé. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
1.2
L’appel relève de la procédure orale, dès lors qu'il tend à une aggravation de peine. Comme il ne porte que sur la peine et ses modalités, il ne concerne pas les parties plaignantes (art. 382 al. 2 CPP; Kistler Vianin, dans : Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Bâle 2009, n° 7 ad art. 401 CPP).
2.
2.1
Les faits punissables sont tous postérieurs au 1
er
janvier 2007, date d’entrée en vigueur du DPMin. Cette loi est donc applicable pour ce qui est du droit matériel. Quant à la procédure, elle est soumise à la PPMin, entrée en vigueur le 1er janvier 2011 (art. 47 PPMin pour le droit transitoire). Sauf dispositions particulières de la PPMin, le code de procédure pénale est applicable (art. 3 al. 1 PPMin), les exceptions prévues à l'art. 3 al. 2 PPMin n'étant pas en cause en l'espèce.
2.2
Le Ministère public conteste d'abord la quotité de la peine privative de liberté, qu'il tient pour excessivement clémente.
Comme le relèvent les premiers juges (jugement, p. 5), concernant le viol et la contrainte sexuelle perpétrés le 1
er
septembre 2007, soit alors que l’auteur n’avait pas 15 ans, la peine maximale est de dix jours de prestations personnelles (art. 23 al. 3 DPMin). La prescription de l’action pénale aurait été acquise à l’échéance du délai de cinq ans prévu à l’art. 36 al. 1 let a DPMin, soit le 1
er
septembre 2012, si le jugement n’avait pas été rendu l’avant-veille, soit le 30 août 2012. Cependant, il n’y a pas lieu de faire application de la circonstance atténuante de l’écoulement du temps prévue à l’art. 48 let. e CP auquel l’art. 1 al. 2 DPMin renvoie, ni de l’exemption de peine prévue à l’art. 21 al. 1 let. f DPMin. En effet, le mineur ne peut être réputé s'être bien comporté dans l’intervalle, puisqu'il a commis un autre viol depuis ces faits.
Le viol commis le 21 juillet 2011, pour lequel l’art. 190 al. 1 CP prévoit, en droit pénal des adultes, une peine privative de liberté minimale d’une année, est passible d’une peine privative de liberté maximale de douze mois en droit des mineurs. En effet, sous la note marginale
Privation de liberté, Contenu et conditions
, l’art. 25 DPMin a la teneur suivante :
"1 Est passible d’une privation de liberté d’un jour à un an le mineur qui a commis un crime ou un délit s’il avait quinze ans le jour où il l’a commis.
2 Est condamné à une privation de liberté de quatre ans au plus le mineur qui avait seize ans le jour de l’infraction:
a. s’il a commis un crime pour lequel le droit applicable aux adultes prévoit une peine privative de liberté de trois ans au moins;
b. s’il a commis une infraction prévue aux art. 122, 140, al. 3, ou 184 CP en faisant preuve d’une absence particulière de scrupules, notamment si son mobile, sa façon d’agir ou le but de l’acte révèlent des dispositions d’esprit hautement répréhensibles".
En droit pénal des mœurs, seuls les crimes de contrainte sexuelle avec cruauté et de viol avec cruauté (art. 189 al. 3 et 190 al. 3 CP) sont concernés par la peine de maximale de quatre ans prévue à l’art. 25 al. 2 let a DPMin (Aebersold, Schweirerisches Jugendstrafrecht, 2ème ed., Berne 2011, p. 178).
On est donc confronté à deux genres de peines : les prestations personnelles et la peine privative de liberté. Les premiers juges n’ont toutefois infligé qu’une peine privative de liberté, ce que la défense n’a pas contesté, dès lors qu'elle avait elle-même conclu à une condamnation à une peine privative de liberté assortie du sursis (P. 405 p. 9). Apparemment, le Tribunal des mineurs n’a en revanche pas renoncé tacitement à sanctionner les premiers crimes sexuels, puisqu’il s’y réfère dans l’appréciation de la culpabilité du prévenu (jugement p. 5, ch. 2).
2.3
Une peine privative de liberté d’ensemble est exclue. S’agissant de peines de genres différents, c'est bien plutôt le cumul de peines qui s’impose (art. 34 al. 1 DPMin calqué sur l’art. 49 al. 1 CP; Aebersold, op. cit., p. 197). Il en résulte que le jugement attaqué est discutable dans la mesure où il prononce uniquement une peine privative de liberté de huit mois. Même si le genre de peine n’est pas contesté en appel, la cour de céans peut revoir ce point en application de l’art. 391 CPP, comme conséquence d’une nouvelle décision portant sur la quotité de la sanction.
Il s'ensuit, en principe, que c'est une peine de prestations personnelles (maximum de dix jours) et une peine privative de liberté (maximum de douze mois) qui devraient être prononcées.
2.4
Appréciant la culpabilité du prévenu, la cour de céans retient les éléments à charge pris en compte par les premiers juges, auxquels il y a lieu d'ajouter les lourdes lésions psychiques causées à L._, ainsi que la désinvolture dont l'auteur a fait preuve à l'égard de celle-ci au téléphone peu après les faits et le peu d'empressement qu'il manifeste à la dédommager.
Pour ce qui est des éléments à décharge, c'est à tort que les premiers juges ont retenu l’absence d’antécédent, s’agissant d’un mineur qui a commis des crimes avant l'âge de 14 ans révolus déjà. En effet, outre que la jeunesse de l'auteur était objectivement propre à empêcher la constitution d’antécédents, l'absence d'antécédent a, selon la jurisprudence la plus récente, un effet neutre sur la culpabilité et n'a donc pas à être retenue dans un sens atténuant, sauf circonstance exceptionnelle (ATF 136 IV 1 c. 2.6.4 p. 3). Ce moyen de l'appel doit donc être accueilli.
C'est également à tort que les premiers juges ont mentionné à décharge le comportement ambigu de la victime L._ durant près de trois heures avant qu’elle ne soit violée. En effet, il ne s'agit pas d'un facteur atténuant, dès lors qu’au moment où la contrainte sexuelle s’était exercée, la victime a opposé à son agresseur un refus clair et net, qui n’était entaché d’aucune ambiguïté, et que l’auteur a usé de sa supériorité physique et de violence pour vaincre la résistance de la jeune femme. Ce moyen de l'appel s'avère donc également fondé.
Pour le reste, il y a lieu de retenir, avec les premiers juges, la bonne intégration sociale et professionnelle de l'auteur, les regrets exprimés, même peu investis, et la honte ressentie par l'intéressé.
2.5
Cela étant, le Ministère public fait valoir que le second viol a été commis alors que l’auteur était à deux mois de son accession à la majorité; or, à partir de ce terme, il aurait encouru, pour le même acte, une privation de liberté de douze mois au moins (art. 190 CP), la proximité de ce seuil montrant, selon l'appelant, que la quotité de la peine serait insuffisante.
Comme déjà relevé, le viol perpétré le 21 juillet 2011 l'a été dans des circonstances qui le font apparaître à certains égards comme particulièrement grave. La froideur, l'indifférence, puis le mépris exprimés à la victime alourdissent cette culpabilité.
2.6
Seul le maximum légal de douze mois, conforme à la réquisition du Ministère public, apparaît adéquat au vu de la gravité des faits et du poids des facteurs à charge dans l'appréciation de la culpabilité. Pour un mineur aussi jeune, violer une première femme, puis en violer une seconde à moins de quatre ans d’intervalle, peu avant sa majorité, démontre une inquiétante précocité criminelle, une dangerosité particulière, une persistance dans le crime, ainsi qu'une incapacité manifeste à réfléchir à la portée de ses actes et à se construire au fil des années, en avançant en maturité et en acquérant les moyens de se maîtriser sexuellement. L’attitude du prévenu en cours d’enquête exprime un égoïsme similaire. Le souci de préserver ses intérêts l’emporte pour lui sur toute autre considération. Son attitude à l'audience d'appel ne témoigne pas d'un changement fondamental de comportement. Au-delà de considérations tactiques, on ne perçoit ainsi pas, de la part du prévenu, de prise de conscience essentielle, ni de besoin profond de s’amender durablement. Bref, la notion même de faute ne paraît pas intégrée.
2.7
La peine de douze mois de privation de liberté ne réprime que le second viol. A la rigueur du droit, la cour de céans devrait aussi infliger quelques jours (moins de dix) de prestations personnelles pour le premier. Toutefois, une telle sanction n’aurait guère de sens au vu de l’âge actuel de l’intimé, de l’ancienneté des premières infractions, de l’âge auquel il les a commises et de la grande proximité de la prescription lors du prononcé de la peine en première instance, déjà mentionnée par les premiers juges. En opportunité (art. 398 al. 3 let. c CPP), il convient donc de renoncer à sanctionner, même si les conditions de l’art. 21 DPMin ne sont pas réalisées.
3.
3.1
Le Ministère public a conclu à ce que la peine ne soit assortie que du sursis partiel, ce à raison de six mois pour un délai d'épreuve de deux ans.
3.2
Sous la note marginale
Sursis à l’exécution de la peine
, l’art. 35 DPMin a la teneur suivante :
"1 L’autorité de jugement suspend totalement ou partiellement l’exécution d’une amende, d’une prestation personnelle ou d’une privation de liberté de 30 mois au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner le mineur d’autres crimes ou délits.
2 Les art. 29 à 31 (DPMin, réd.) s’appliquent par analogie aux peines suspendues. Si une privation de liberté est suspendue partiellement, les art. 28 à 31 ne s’appliquent pas à la partie de la peine qui doit être exécutée".
3.3
Comme cela résulte implicitement du texte légal et ainsi que la doctrine le confirme (Aebersold, op. cit., p. 201), le juge des mineurs, s’il opte pour le sursis partiel, n’est pas tenu par les restrictions de l’art. 43 CP.
L'art. 43 al. 1 CP prévoit que le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur.
De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 4 p. 4 ss, ainsi que c. 5 p. 9 ss, spéc. c. 5.5.2 p. 14 ss; cf. aussi arrêts 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1; 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3). En effet, le critère des perspectives d’amendement s'applique également pour le sursis partiel, dès lors que la référence au pronostic ressort implicitement du but et du sens de cette dernière disposition. Ainsi, lorsque le pronostic quant au comportement futur de l'auteur n'est pas défavorable, la loi exige que l'exécution de la peine soit au moins partiellement suspendue. Mais un pronostic défavorable exclut également le sursis. En effet, s'il n'existe aucune perspective que l'auteur puisse être influencé de quelque manière par un sursis complet ou partiel, la peine doit être entièrement exécutée (ATF 134 IV 1 précité, c. 5.3.1, p. 10).
3.4
En l'espèce, le prévenu a commis un premier crime sexuel particulièrement grave, en concours réel avec une autre infraction contre l'intégrité sexuelle, à un âge de moins de 14 ans. Ce crime a été suivi du viol d’une seconde femme à deux mois de la majorité de l’auteur. L'intimé manifeste une propension à nier les faits les plus graves; il ne témoigne ni de remords authentiques, ni d'une vraie prise de conscience. Il s'agit d'autant d'éléments de mauvais pronostic sur le plan subjectif. On relève toutefois que l'intimé n'a pas été condamné précédemment, qu'il accomplit une formation professionnelle, qu'il a un projet de formation qui apparaît solide et qu’il bénéficie de l’encadrement et du soutien de sa famille. Ces derniers éléments sont de bon pronostic. Ils permettent de contrebalancer en partie les facteurs contraires et excluent de pouvoir poser un pronostic totalement défavorable. Partant, comme le demande l'appelant, l'exécution d'une partie de la peine seulement s'avère suffisante, et nécessaire sous l'angle de la prévention spéciale.
Pour ce qui est de la durée du sursis, il s'agit d'imposer dans l’esprit du condamné une limite comportementale claire et difficilement franchissable en raison des conséquences qu’il subira.
Tout bien considéré, l'exécution de la peine doit être suspendue pour une durée de neuf mois, avec accompagnement et délai d'épreuve de deux ans. Les conditions au sursis arrêtées par les premiers juges, incontestées en appel, sont maintenues.
L'appel doit donc être admis partiellement dans la mesure ci-dessus.
4.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel selon l'art. 424 CPP doivent être mis à la charge de l’intimé, qui succombe sur le principe nonobstant l'admission partielle de l'appel (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Outre l'émolument (réduit de moitié en cas de procédure pénale applicable aux mineurs selon l'art. 21 al. 3 TFJP), ces frais comprennent l’indemnité d’office allouée à son défenseur d'office pour les opérations utiles liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP).
Vu l'ampleur et la complexité de la cause en appel, l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'intimé doit être fixée sur la base d'une durée d'activité de quatre heures et demie, au tarif horaire de 180 fr., des débours étant également pris en compte, et de la TVA (cf. l'art. 135 al. 1 CPP; TF 2P.325/2003 du 6 juin 2006).
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8ce2479f-5374-4709-af3a-ee100cf96cd0 | En fait :
A.
Par jugement du 17 septembre 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que G._ s’est rendu coupable de trouble à la tranquillité et à l’ordre publics (I), l’a condamné à une amende de 120 fr. (cent vingt francs) (II), a dit qu’à défaut de paiement fautif de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 2 (deux) jours (III), a rejeté les prétentions formées par G._ en indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure et en réparation du tort moral (IV), a arrêté les frais de la Commission de police à 50 fr. (V) et a mis les frais de la procédure d’opposition par 700 fr. à la charge de G._ (VI).
Par jugement du 29 octobre 2013, le Président de la Cour d'appel pénale a rejeté l'appel formé par G._, confirmé le jugement rendu le 17 septembre 2013 par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne et mis les frais d'appel à la charge de G._.
Par arrêt du 12 juin 2014 (6B_1228/2013), la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a admis le recours interjeté par G._, annulé le jugement attaqué et renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
B.
Par lettre du 30 juin 2014, le Président de céans a précisé l'accusation en application de l'art. 344 CPP de la manière suivante : « la contravention reprochée à G._ est celle prévue à l'art. 29 du Règlement général de police de la commune de Lausanne (ci-après : RPG), avec la sanction définie à l'art. 25 al. 1 LContr (Loi sur les contraventions du 19 mai 2009; RSV 312.11) ». Il a invité les parties à déposer des observations ou des réquisitions concernant la suite de la procédure, de même que d'éventuelles déterminations sur le fond dans un délai au 15 juillet 2014.
Par déterminations du 2 juillet 2014, G._ a contesté avoir enfreint les art. 26 ou 29 RGP et a principalement requis des mesures d'instruction, soit l'audition du dénonciateur. Sur le fond, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à la réforme du jugement entrepris en ce sens qu'il est libéré de toute peine et de tout frais ainsi qu'à l'allocation d'une indemnité de 6'000 fr. pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. Subsidiairement, il a conclu à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause en première instance pour nouvelle instruction et nouveau jugement.
Par déterminations du 15 juillet 2014, le Ministère public a conclu au rejet de l'appel et à la condamnation de l'appelant pour contravention à l'art. 29 RGP.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
G._ est né le 5 mai 1952 à [...]. Il est le deuxième d’une fratrie de trois enfants et a été élevé par ses parents à [...]. G._ a suivi l’école obligatoire, puis a entrepris une formation d’instituteur. Il a travaillé durant dix-huit ans, à [...], soit jusqu’en 2002, en qualité de maître de primaire supérieure. Par la suite, il a fait une dépression. Il a cessé son métier et travaille depuis lors en qualité de coursier indépendant, activité qui lui rapporte environ 2'000 fr. par mois. En sus, il perçoit une rente mensuelle de l’ordre de 4'000 fr. à titre de préretraite. Son loyer se monte à 650 fr. par mois et son assurance-maladie à 390 fr. par mois. Il est propriétaire d’une petite maison à ...]la Vallée de Joux d’une valeur de 330'000 francs. Cette maison est toutefois grevée d’une hypothèque de 200'000 francs. G._ s’acquitte d’une somme d’environ 10'000 fr. par année à titre de frais d’hypothèque et d’amortissement. Il déclare environ 80'000 fr. de revenu aux impôts.
Son casier judiciaire ne comporte aucune inscription.
2.
Le 7 février 2013, lors d’une patrouille, l’attention des agents de police a été attirée par un homme, sur la Place [...], qui interpellait des passants. Il portait sur lui deux grandes pancartes, traitant notamment de problèmes « d’impôts ». Les agents ont procédé au contrôle de l’individu au bas de la rue de ...][...]. Lors de son interpellation, il n’avait plus ses pancartes avec lui. Il s’est montré d’entrée oppositionnel envers les agents et n’a pas cessé d’élever la voix pour manifester son mécontentement, malgré leurs nombreuses sommations. Après discussion, il a accepté de présenter sa carte d’identité et a été identifié en la personne de G._. Questionné sur les pancartes, il a refusé de donner connaissance du contenu aux agents. Au terme du contrôle, il a crié de plus en plus fort, notamment lorsque les agents ont regagné leur véhicule. Son comportement n’a pas manqué d’attirer l’attention des nombreux passants.
Par ordonnance du 22 mai 2013, rendue ensuite d’une opposition à une première ordonnance pénale datée du 11 mars 2013, la Commission de police de la ville de Lausanne a reconnu G._ coupable de trouble à la tranquillité et à l’ordre publics.
Contestant une partie des faits reprochés, le prévenu a formé opposition à cette ordonnance par courrier du 5 juin 2013. La Commission de police a décidé de maintenir sa décision et le Ministère public a transmis le dossier de la cause à l’autorité de première instance en vue des débats, en application de l’art. 356 al. 1 CPP.
Devant le Tribunal de police, G._ a une nouvelle fois contesté s’être rendu coupable de trouble à la tranquillité et à l’ordre publics. | En droit :
1.
Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Il peut également renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 107 al. 2 LTF [loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral; RS 173.110]). L'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit contenus dans l'arrêt de renvoi. Elle ne peut en aucun cas s'écarter de l'argumentation juridique du Tribunal fédéral, aussi bien en ce qui concerne les points sur lesquels il a approuvé la motivation précédente que ceux sur lesquels il l'a désapprouvée. Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis – même implicitement – par le Tribunal fédéral (Corboz, in: Commentaire de la LTF, Berne 2009, ch. 27 ad art. 107 LTF).
2.
2.1
Dans son arrêt, le Tribunal fédéral relève que l’art. 26 RGP ne prévoit aucune sanction pénale en cas de violation de l’interdiction posée et que, dès lors, les autorités précédentes ne pouvaient pas prononcer une amende, sur la base de cette seule disposition, eu égard au principe
nulla poena sine lege
.
2.2
Il convient d’examiner en conséquence la base légale qui permettrait, le cas échéant, de condamner l’appelant pour les faits retenus désormais définitivement selon l’arrêt rendu par le Président de céans le 29 octobre 2013. C’est en effet en vain que l’appelant revient sur ces faits et expose à nouveau sa propre version, son recours ayant étant déclaré sur ce point irrecevable par le Tribunal fédéral (cf. considérants 3.1 et 3.2). De toute manière, contrairement à ce que soutient l’appelant, les mesures d’instruction qu’il requiert sont contraires à l’art. 398 al. 4 CPP et doivent dès lors être refusées. Il en résulte que la procédure d’appel est écrite (art. 406 al. 1 let c. CPP).
3.
Comme on l’a vu, l’accusation a été précisée selon la procédure prévue à l’art. 344 CPP, applicable par le renvoi de l’art. 10 al. 1 LContr.
3.1
L’appelant soutient qu’il n’est pas possible d’avoir recours à cette procédure en appel, car cela reviendrait à le priver du bénéfice de la double instance.
3.2
Selon l’art. 379 CPP, sauf disposition spéciale, les dispositions générales du présent code s’appliquent par analogie à la procédure de recours. C’est valable principalement pour les principes généraux (art. 3 ss CPP), les règles générales de procédure (art. 66 ss CPP), les règles relatives aux moyens de preuve (art. 139 ss CPP), tout comme pour la phase de la poursuite des débats (art. 335 ss CPP) (Schmid, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 2009, n. 1 ad art. 379 CPP; Moreillon/Parein-Reymond, Petit Commentaire du Code de procédure pénale, Bâle 2013, n. 2 ad art. 379 CPP). En outre, l’art. 405 CPP prévoit que les dispositions sur les débats de première instance s’appliquent par analogie aux débats d’appel. Figurant dans le chapitre « des débats » dans la section relative à la procédure probatoire, l’art. 344 CPP est dès lors applicable à la procédure d’appel. La juridiction d’appel pourra donc modifier la qualification juridique retenue dans l’acte d’accusation à la condition d’en informer les parties. Il a du reste déjà été admis qu’elle pouvait donner au ministère public la possibilité de modifier les faits exposés dans l’acte d’accusation en application de l’art. 333 al. 1 CPP (TF 6B_702/2013 du 26 novembre 2013 c. 1.2; TF 6B_777/2011 du 10 avril 2012 c. 2).
3.3
En l’espèce, les parties ont été informées par lettre du 30 juin 2014 de la qualification juridique nouvelle envisagée. L’objection de l’appelant doit ainsi être écartée.
4.
4.1
L’appelant soutient ensuite que si la sanction prévue est définie à l’art. 25 al. 1 LContr, la Commission de police n’était pas compétente pour statuer sur la contravention, mais le préfet, la Loi sur les sentences municipales n’étant désormais plus applicable.
4.2
On ne comprend pas exactement ce que le recourant entend déduire d’une éventuelle incompétence de la Commission de police de Lausanne, dès lors que l’appel est dirigé contre le jugement rendu par le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne. De toute manière, l’art. 1 al. 1 LContr dispose que cette loi est applicable à la législation cantonale et aux règlements communaux de police et l’alinéa 2 de cette disposition n’exclut du champ d’application que les amendes fiscale et procédurales.
La Commission de police de Lausanne pouvait donc prononcer une amende en application de l’art. 25 al. 1 LContr.
5.
L’appelant conteste avoir commis une contravention à l’art. 29 RGP, disposition qui doit être examinée ensuite de la modification de l’accusation.
5.1
Cette disposition prévoit que celui qui, d’une quelconque manière, entrave l’action d’un fonctionnaire, notamment d’un agent de police, ou celui qui refuse de se conformer aux ordres d’un agent de police, encourt les peines prévues par la loi sur les contraventions, sans préjudice des sanctions prévues par le Code pénal.
L’art. 25 al. 1 LContr dispose que les contraventions réprimées par l’autorité municipale sont passibles d’une amende de 500 fr. au plus, contre chaque contrevenant, sous réserve des cas où la loi prévoit un montant inférieur.
5.2
A teneur des faits constatés définitivement dans le jugement du 29 octobre 2013, l’appelant s’est montré oppositionnel envers les agents de police, lors de son interpellation le 7 février 2013. II n’a pas cessé d’élever la voix pour manifester son mécontentement, malgré les nombreuses sommations. Il a refusé de donner connaissance aux policiers du contenu des pancartes qu’il portait auparavant sur lui. Au terme du contrôle, il a crié de plus en plus fort, notamment lorsque les agents ont regagné leur véhicule.
Nul doute, dans ces circonstances, que l’appelant a entravé le contrôle dont il faisait l’objet et qu’il a refusé de se conformer aux injonctions des agents, notamment de baisser le ton.
Ainsi, tous les éléments constitutifs de la contravention prévue par l’art. 29 RGP sont réunis.
La peine prononcée par le premier juge est conforme aux réquisits de l’art. 25 LContr. Elle doit être confirmée.
6.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement attaqué rectifié d'office en ce sens que G._ s'est rendu coupable de contravention à l'art. 29 RGP. Le jugement doit être confirmé pour le surplus.
La demande d’indemnité formée par l’appelant n’a dès lors plus d’objet.
Les frais de la procédure d’appel avant le recours au Tribunal fédéral, par 720 fr., doivent être laissés à la charge de l’Etat.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel qui s’est tenue après l’arrêt du Tribunal fédéral, par 720 fr., doivent être mis à la charge de G._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8d00b80c-9970-4843-83cf-751e6fc7f9e1 | En fait :
A.
Par jugement du 27 avril 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois a condamné K._ pour vol en bande et par métier à une peine privative de liberté de 30 mois dont 12 mois ferme, le solde étant assorti d’un sursis de 3 ans, sous déduction de 103 jours de détention provisoire (I), a condamné H._ pour vol en bande et par métier à une peine privative de liberté de 30 mois dont 12 mois ferme, le solde étant assorti d’un sursis de 3 ans, sous déduction de 103 jours de détention provisoire (II), a condamné O._ pour vol en bande et par métier et conduite malgré un retrait du permis de conduire à une peine privative de liberté de 30 mois dont 9 mois ferme, le solde de 21 mois étant assorti d’un sursis de 3 ans, sous déduction de 103 jours de détention provisoire (III), a pris acte de la convention sur intérêts civils conclue entre K._, H._ et O._ d’une part et S._SA d’autre part pour valoir jugement définitif et exécutoire (IV), a statué sur les séquestres ordonnés (V et VI) et a statué sur les indemnités et les frais de justice (VII et VIII).
B.
Par annonce du 4 mai 2015 puis par déclaration du 28 mai suivant, H._ a formé appel contre ce jugement, concluant principalement à sa réforme en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté de 24 mois avec sursis durant 3 ans. Subsidiairement, il a conclu à la réduction de la peine privative de liberté et de la part ferme de celle-ci.
Par annonce du 5 mai 2015 puis par déclaration du 1
er
juin 2015, K._ a également formé appel contre ce jugement en ce sens qu’elle est condamnée à une peine privative de liberté de 24 mois avec sursis. Subsidiairement, elle a conclu à sa condamnation à une peine privative de liberté inférieure à 24 mois, assortie du sursis.
Par annonce du 5 mai 2015 puis par déclaration du 1
er
juin suivant, O._ a formé appel contre ce jugement, concluant à sa réforme en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté entièrement assortie du sursis.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
K._ est née le [...] 1968 à [...], en [...], pays dont elle est ressortissante. Issue d’une famille de trois enfants, elle a été élevée en [...] jusqu’à l’âge de 15 ans. Elle est la mère de deux enfants, dont le prévenu O._. Après l’école obligatoire, elle a suivi une formation de maîtresse d’école dans son pays, puis de technicienne en salle blanche en Suisse. Elle travaille actuellement comme gardienne d’animaux et concierge, ayant augmenté son taux d’activité à 60% depuis le mois d’avril 2015. Elle réalise un revenu mensuel de 3'000 fr. bruts. Elle a également pris deux conciergeries et des nettoyages à domicile qui complètent son revenu et totalisent 4'500 fr. par mois. Il lui arrive de travailler le week-end pour l’une des conciergeries et comme gardienne d’animaux.
Son casier judiciaire suisse est vierge.
1.2
H._ est né le [...] 1967 à [...], en [...], pays dont il est ressortissant. Aîné d’une famille de deux enfants, il a été élevé par ses parents dans son pays d’origine où il a suivi la scolarité obligatoire jusqu’à l’âge de 15 ans. Il a ensuite effectué un apprentissage de boucher, sanctionné par un CFC. Il est arrivé en Suisse en 1990 comme saisonnier. Marié une première fois et père d’une enfant, il est le compagnon de la prévenue K._. Il travaille comme chauffeur-livreur pour son propre compte et pour un employeur. Il a le projet de prendre un deuxième camion pour son entreprise de transport ainsi que d’embaucher un employé.
Son casier judiciaire suisse est vierge.
1.3
O._ est né le [...] 1985 à [...], en [...], pays dont il est ressortissant. Cadet d’une famille de deux enfants, il est le fils de la prévenue K._. Il a grandi dans son pays natal où il a effectué sa scolarité obligatoire. Il est arrivé en Suisse en 2000, avec sa famille. Après avoir suivi des cours de français, il a renoncé à faire un apprentissage en raison de la faible rémunération obtenue lors d’une formation. Il a exercé divers emplois dans la construction et la restauration, avant d’être engagé par A._SA comme chauffeur-livreur. Il est marié et père d’un enfant. Il a créé sa propre société de chauffeur-livreur et travaille actuellement pour son beau-frère, qui exploite une société de transport travaillant pour [...]. Il gère une équipe de onze personnes. Il gagne entre 4'500 et 5'000 fr. par mois. Il compte passer indépendant dans quelques semaines.
Son casier judiciaire fait mention des condamnations suivantes :
- 23 octobre 2006, Juge d’instruction de Lausanne, diverses infractions à la LCR (loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière ; RS 741.01), 7 jours d’emprisonnement avec sursis pendant 2 ans ; sursis révoqué le 13 juin 2007 ;
- 13 juin 2007, Juge d’instruction de l’Est vaudois, diverses infractions à la LCR, 25 jours-amende à 30 fr. ;
- 18 janvier 2008, Juge d’instruction de Lausanne, lésions corporelles simples et lésions corporelles simples qualifiées, 45 jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant 2 ans ; sursis révoqué le 23 février 2009 ;
- 23 février 2009, Juge d’instruction de l’Est vaudois, lésions corporelles simples, 28 jours-amende à 30 francs.
2.
2.1
K._, H._ et O._ étaient chargés, pour le compte du Centre d’impression A._SA (devenu aujourd’hui S._SA) de procéder chaque dimanche depuis le 8 mars 2009 s’agissant de H._, depuis le 5 avril 2009 s’agissant de K._ et depuis le 4 juillet 2010 s’agissant d’O._, au ramassage des tirelires pleines contenues dans les caissettes à journaux, puis de les remplacer par des tirelires vides. Les prévenus s’occupaient des tournées de ramassage de [...], de [...] et d’[...]. Une fois les tirelires pleines ramassées, ils étaient chargés de les ramener au dépôt de la société A._SA à [...].
En proie à des difficultés financières et motivés par l’appât du gain, les trois prévenus ont commencé, dès le 28 juin 2009 s’agissant de K._ et de H._ et dès le 4 juillet 2010 s’agissant d’O._, à dérober un certain nombre de pièces contenues dans les tirelires des caissettes. A cette fin, au lieu de se rendre immédiatement, une fois leur tournée respective terminée, au dépôt de [...] pour y déposer les tirelires pleines, les prévenus se rendaient dans une caravane du camping de [...], lieu de résidence de K._ et de H._, et vidaient les tirelires en question d’une partie de leurs contenus. Pour ce faire, ne possédant pas les clés permettant d’ouvrir les contenants, ils procédaient de deux manières : soit ils utilisaient un petit couteau qu’ils plaçaient dans la fente d’introduction des pièces de monnaie et faisaient sortir les pièces une à une ; soit, dans le cas de caissettes dont le système anti-retour était endommagé, ils les secouaient jusqu’à ce que les pièces tombent d’elles-mêmes. Chaque fois, ils consacraient près d’une heure à cette soustraction. Les prévenus ont déposé les pièces volées sur les comptes [...] appartenant à K._ et à O._. L’argent dérobé a ensuite été utilisé par les prévenus pour leurs besoins personnels. Ils ont procédé ainsi jusqu’au 23 octobre 2011, date de leur interpellation.
Le montant total des vols s’élève à 713'914 fr. 95 (P. 83).
A._SA déposé plainte le 13 septembre 2011. Elle a chiffré ses prétentions à un montant de 906'062 fr. (P. 115).
2.2
A [...] et dans les environs, dans le courant de l’année 2011, O._ a à plusieurs reprises, notamment une fois afin d’aller chercher son cousin [...] à [...] ou lors de ses tournées pour A._SA, conduit un véhicule alors qu’il s’était vu signifier une interdiction de conduire par le Service des automobiles et de la navigation. Il a conduit ainsi pour la dernière fois le 23 octobre 2011. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux par des parties ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels de K._, de H._ et d’O._ sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozess-ordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2
e
éd. Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
Ayant été condamnés à des peines privatives de liberté identiques dans la durée, les appelants invoquent tous trois un abus du pouvoir d’appréciation des premiers juges dans la fixation de la peine. Ils soutiennent pour l’essentiel que les peines prononcées seraient exagérément sévères et que les juges de première instance n’auraient pas suffisamment tenu compte de leur situation personnelle ainsi que de l’effet de la peine sur leur avenir.
3.1
3.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
Le critère de l'effet de la peine sur l'avenir du condamné est mentionné à l'art. 47 al. 1 CP. La perspective que l'exécution d'une peine privative de liberté puisse détacher le condamné d'un environnement favorable peut, selon les circonstances concrètes du cas, déployer un effet atténuant et conduire au prononcé d'une peine inférieure à celle qui serait proportionnée à sa culpabilité (ATF 134 IV 17 c. 3.4). Cela étant, il est inévitable que l'exécution d'une peine ferme d'une certaine durée ait des répercussions sur la vie professionnelle et familiale du condamné. Ces conséquences ne peuvent conduire à une réduction de la peine qu'en cas de circonstances extraordinaires. Au surplus, l'effet de la peine sur l'avenir du condamné, en tant qu'élément de prévention spéciale, ne permet que des corrections marginales dans la fixation de la peine au regard des autres éléments d'appréciation de la culpabilité et des infractions commises (TF 6B_494/2011 du 4 octobre 2011 c. 2.3 et les arrêts cités).
3.1.2
Aux termes de l'art. 48 CP, le juge atténue la peine si l'auteur a manifesté par des actes un repentir sincère, notamment s'il a réparé le dommage autant qu'on pouvait l'attendre de lui (let. d) ou si l'intérêt à punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que l'auteur s'est bien comporté dans l'intervalle (let. e).
L’art. 48 CP correspond textuellement à l'ancien art. 64 al. 7 CP. Sa portée n'est donc pas différente, de sorte que la jurisprudence relative à cette dernière norme conserve sa valeur. Selon cette jurisprudence, le repentir sincère n'est réalisé que si l'auteur a adopté un comportement désintéressé et méritoire, qui constitue la preuve concrète d'un repentir sincère. L'auteur doit avoir agi de son propre mouvement dans un esprit de repentir, dont il doit avoir fait la preuve en tentant, au prix de sacrifices, de réparer le tort qu'il a causé (ATF 107 IV 98 c. 1 ; TF 6B_283/2010 du 16 juillet 2010 c. 4.1). La seule réparation du dommage ne témoigne pas nécessairement d'un repentir sincère. Un geste isolé ou dicté par l'approche du procès pénal ne suffit pas. L'effort particulier exigé implique qu'il soit fourni librement et durablement (ATF 107 IV 98 c. 1 ; TF 6B_841/2008 du 26 décembre 2008 c. 10.2). Le seul fait qu'un délinquant ait passé des aveux ou manifesté des remords n’est pas non plus suffisant. Il n'est en effet pas rare que, confronté à des moyens de preuve ou constatant qu'il ne pourra échapper à une sanction, un accusé choisisse de dire la vérité ou d'exprimer des regrets ; un tel comportement n'est pas particulièrement méritoire (ATF 117 IV 112 c. 1 ; ATF 116 IV 288 c. 2a). En revanche, des aveux impliquant le condamné lui-même et sans lesquels d'autres auteurs n'auraient pu être confondus, exprimés spontanément et maintenus malgré des pressions importantes exercées contre l'intéressé et sa famille, peuvent manifester un repentir sincère (cf. ATF 121 IV 202 c. 2d/cc).
L'atténuation de la peine en raison du temps écoulé depuis l'infraction procède de la même idée que la prescription. L'effet guérisseur du temps écoulé, qui rend moindre la nécessité de punir, doit aussi pouvoir être pris en considération lorsque la prescription n'est pas encore acquise, si l'infraction est ancienne et si le délinquant s'est bien comporté dans l'intervalle. Cela suppose qu'un temps relativement long se soit écoulé depuis l'infraction. Cette condition est en tout cas réalisée lorsque les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale sont écoulés. Le juge peut toutefois réduire ce délai pour tenir compte de la nature et de la gravité de l'infraction. Pour déterminer si l'action pénale est proche de la prescription, le juge doit se référer à la date à laquelle les faits ont été souverainement établis, et non au jugement de première instance (moment où cesse de courir la prescription selon l'art. 97 al. 3 CP). Ainsi, lorsque le condamné a fait appel, il faut prendre en considération le moment où le jugement de seconde instance a été rendu dès lors que ce recours a un effet dévolutif (ATF 140 IV 145 c. 3.1 et les références citées).
3.2
3.2.1
La durée d’une peine privative de liberté est en général de six mois au moins et de 20 ans au plus (art. 40 CP). Le juge suspend l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP). Il peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur (art. 43 al. 1 CP).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser pour l'octroi du sursis total ou partiel – la jurisprudence constante considérant que les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (cf. ATF 134 IV 1 c. 5.3.1 ; TF 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1 ; TF 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3) – un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (ATF 134 IV 1 c. 4.2.2 ; TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2).
3.2.2
Lorsque la peine entrant en considération se situe dans un intervalle dont les bornes comprennent la limite supérieure à l'octroi du sursis (deux ans ; art. 42 al. 1 CP), du sursis partiel (trois ans ; art. 43 al. 1 CP) ou de la semi détention (1 an ; art. 77b CP), le juge doit se demander si une peine inférieure à cette limite apparaît encore soutenable et, dans cette hypothèse, la prononcer. Dans le cas inverse, il est libre de prononcer une peine, pour peu qu'elle soit adéquate et justifiable, même si elle n'excède que de peu la limite en cause (ATF 134 IV 17 c. 3.5 ; TF 6B_129/2013 du 14 janvier 2014 c. 4.3).
3.3
En l’espèce, pour fixer la peine, les premiers juges ont considéré que la culpabilité des prévenus était lourde. Pour les trois, ils ont pris en considération, à charge, la durée de l’activité délictueuse, l’importance du butin (713'915 fr. 95 au total) et l’intensité de l’activité criminelle. Ils n’ont pas cru les prévenus lorsqu’ils affirmaient ne pas s’être rendus compte de l’ampleur de leur enrichissement, ceux-ci représentant près de 6'000 fr. par dimanche, en moyenne. Ils ont considéré que le mobile des auteurs était l’appât d’un gain facile. A décharge, ils ont pris en compte les aveux finalement complets des trois prévenus, la convention conclue avec la lésée, une certaine ancienneté des faits et les regrets exprimés.
3.3.1
K._
S’agissant plus particulièrement de K._, les premiers juges ont encore retenu, à décharge, en sus des éléments mentionnés ci-dessus, la situation personnelle de celle-ci. Ils ont ainsi considéré que le prononcé d’une peine privative de liberté compatible avec le sursis total était exclu, fixant sa durée à 30 mois. En revanche, le pronostic n’étant pas défavorable, ils lui ont accordé un sursis partiel en ce sens que la part ferme de la peine a été arrêtée à 12 mois, le solde étant assorti du sursis pendant 3 ans.
Cette appréciation est adéquate. L’appelante ne peut pas indiquer une circonstance pertinente dans la fixation de la peine que les premiers juges auraient ignorée. Ces derniers n’ont en effet pas perdu de vue qu’outre la bonne collaboration et les regrets exprimés, K._ n’a pas d’antécédents – étant d’ailleurs rappelé que sauf circonstances exceptionnelles, l’absence d’antécédents a un effet neutre sur la fixation de la peine et n'a donc pas à être prise en considération dans un sens atténuant (cf. ATF 136 IV 1 c. 2.6.4). – et qu’elle exerce une activité professionnelle. De plus, dans les circonstances de l’espèce, il faut considérer que la gravité objective et subjective des infractions (vol en bande et par métier), lesquelles sont susceptibles d’une peine comprise entre 180 jours-amende et dix ans de privation de liberté, ne permet pas de prononcer une peine dont la durée serait entièrement compatible avec l’octroi du sursis. En particulier, la durée des actes commis, soit plus de deux ans en ce qui la concerne – durée qu’elle a d’abord cherché à minimiser (cf. PV aud. 4, PV aud. 7 et PV aud. 10 notamment), et l’ampleur de l’enrichissement dénotent d’une intensité certaine dans l’activité criminelle, à laquelle seule l’arrestation de la prévenue a mis un terme. Ces éléments ne sauraient être relativisés au point que la peine demandée par l’appelante ne correspondrait plus à sa culpabilité. A cet égard, K._ a, avec ses comparses, fait preuve de détermination et d’efficacité dans ses agissements, mue par l’appât d’un gain facile. Le fait qu’elle se soit trouvée confrontée à une possibilité de gain facile, alors qu’elle aurait été dans une situation financière difficile et aurait par là cherché à améliorer son ordinaire, de même qu’à aider sa famille à l’étranger, ne suffit pas à modifier le constat d’une culpabilité importante. Par ailleurs, contrairement à ce qu’elle soutient, elle ne pouvait ignorer l’ampleur du butin, dès lorsqu’elle effectuait elle-même régulièrement une partie des versements des pièces de monnaie récoltées des caissettes auprès des bancomats de [...] sur ses comptes et pouvait ainsi voir les relevés des montants déposés.
L’appelante invoque encore la circonstance atténuante du repentir sincère de l’art. 48 let. d CP. Au moment du jugement de première instance, K._ n’avait rien remboursé à la plaignante (cf. jgt, p. 5). Une somme de 6'000 fr. avait toutefois été mise de côté par les trois prévenus pour commencer à rembourser la lésée. Cette somme a été versée comme premier acompte au 1
er
mai 2015, dans le cadre de la convention conclue. Cela représente en l’occurrence moins d’un centième du dommage et n’a rien d’exceptionnel au vu des montants importants qui ont été dérobés. Cela ne représente en tous les cas pas un effort particulièrement méritoire, pas plus que le montant que l’appelante s’est engagée à rembourser mensuellement sur la durée. Cette réparation, qui se chiffre à 300 fr. par mois, apparaît un minimum selon ses revenus et sa capacité à rembourser. L’attitude de l’appelante s’inscrit en définitive dans un processus ordinaire de remboursement du dommage, de sorte que l’art. 48 let. d CP ne trouve ici pas application. Il en va à l’évidence de même pour la circonstance atténuante de l’écoulement du temps (art. 48 let. e CP) pour des crimes commis entre 2009 et 2011, qui sont encore loin de l’acquisition des deux tiers du délai de prescription au moment du jugement.
Enfin, on ne discerne aucune circonstance extraordinaire pour qu’une réduction de la peine soit envisagée au regard de l’effet de l'exécution d'une peine ferme sur l'avenir de K._, sa situation ne se différenciant pas de celle d'un grand nombre de condamnés.
Au vu des éléments à charge et à décharge qui viennent d’être exposés, la peine privative de liberté de 30 mois, dont 12 mois ferme, prononcée par les premiers juges apparaît adéquate et doit être confirmée.
Eu égard à la quotité de la peine, seul un sursis partiel entre en ligne de compte. Le pronostic n’étant pas défavorable, c’est à juste titre que les premiers juges ont octroyé un sursis au sens de l’art. 43 al. 1 CP et fixé la part de la peine ferme à exécuter à 12 mois, étant précisé que pour des motifs de prévention spéciale, on peut s’en tenir à une peine ferme encore compatible avec la semi-détention, la durée de la partie ferme n’étant du reste pas contestée en tant que telle.
3.3.2 H._
Les premiers juges ont également retenu, à décharge de H._, en sus des éléments mentionnés ci-avant, la situation personnelle de ce dernier. Compte tenu de sa culpabilité importante, ils ont exclu une peine compatible avec un sursis au sens de l’art. 42 CP, lui infligeant une peine privative de liberté de 30 mois. Dans la mesure où le pronostic n’était pas défavorable, ils lui ont accordé un sursis partiel, fixant la part ferme de la peine à 12 mois et assortissant le solde d’un sursis pendant 3 ans.
Cette appréciation ne prête pas le flanc à la critique, les premiers juges ayant pris en compte tous les éléments à charge et à décharge pertinents. En effet, les actes commis par l’appelant sont objectivement graves en raison de leur répétition, de leur durée et du butin obtenu, de sorte qu’ils excluent une peine compatible avec un sursis total. Dans ces conditions, c’est en vain qu’il invoque une situation de facilité – une « bonne combine » même, selon ses dires – pour relativiser sa culpabilité. Il a agi avec systématique et persistance, son activité délictueuse, bien rôdée, ayant été perpétrée sur une relativement longue période. En tout état de cause, l’attitude de la plaignante ne permet pas de minimiser l’importance des agissements de H._. Le mode opératoire ne saurait en outre être qualifié d’ingénu (cf. lettre C.2.1 supra) et le mobile est bel et bien l’appât d’un gain facile. L’absence d’antécédents est également un élément neutre dans l’appréciation.
En outre, s’il est vrai que l’appelant a reconnu les faits qui lui étaient reprochés et a collaboré, il a toutefois dans un premier temps tu la durée réelle de son activité criminelle, prétendant avoir agi pendant six à sept mois (PV aud. 3 p. 5, PV aud. 5, p. 2 et PV aud. 9 pp. 4-5) pour finalement admettre avoir agi pendant plus de deux ans (PV. aud. 19 p. 3 et PV aud. 21). La réparation mensuelle de 300 fr. versée à la plaignante constitue un minimum, compte tenu de la situation financière de l’appelant. Cette seule réparation du dommage ne témoigne à l’évidence pas d'un repentir sincère.
Enfin, s’agissant de l’effet de la peine sur l’avenir du condamné, une réduction de la peine n’est pas envisageable, faute de circonstances extraordinaires. La situation personnelle et professionnelle du recourant ne se différencie en effet pas de celle d'un grand nombre de condamnés.
Compte tenu de ce qui précède et des éléments à charge et à décharge, la peine privative de liberté de 30 mois, dont 12 mois ferme, prononcée par les premiers juges se justifie et doit être confirmée.
Eu égard à la quotité de la peine, seul un sursis partiel entre en ligne de compte. Le pronostic n’étant pas entièrement défavorable, c’est à juste titre que les premiers juges ont octroyé un sursis au sens de l’art. 43 al. 1 CP et fixé la part de la peine ferme à exécuter à 12 mois, étant précisé que pour des motifs de prévention spéciale, on peut s’en tenir à une peine ferme encore compatible avec la semi-détention, la durée de la partie ferme n’étant au demeurant pas contestée en tant que telle.
3.3.3 O._
Pour ce qui est d’O._, les premiers juges ont encore pris à charge, en sus des éléments mentionnés ci-avant, le concours d’infractions, les antécédents ainsi que la récidive en matière d’infractions à la LCR. A décharge, ils ont retenu sa situation personnelle. Considérant que sa culpabilité était similaire à celle de ses co-prévenus, en tenant compte des infractions à la LCR, mais également du fait que sa participation aux vols au préjudice de la lésée était moins longue que celle de ces derniers, les magistrats ont prononcé à son encontre une peine privative de liberté de 30 mois, dont 9 mois ferme, le solde étant assorti d’un délai d’épreuve de 3 ans.
Avec les premiers juges, dont l’appréciation est adéquate, il faut retenir que la culpabilité de l’appelant est lourde
.
Les infractions sont répétées et graves, les agissements délictueux portant sur un montant dérobé important. Il est donc exclu de prononcer une peine d’une durée compatible avec un sursis au sens de l’art. 42 CP, peine qui ne correspondrait en définitive plus à la culpabilité d’O._. Certes, il a collaboré dès le début de l’enquête, mais les aveux ont été pris en considération à décharge. On ne saurait toutefois suivre l’appelant lorsqu’il prétend qu’il ne s’est pas rendu compte de l’ampleur de son enrichissement, ayant lui-même procédé régulièrement à une partie des versements des pièces de monnaie soustraites dans les bancomats. En outre, le fait qu’on retienne que la durée de l’activité délictueuse en ce qui le concerne est de 16 mois – et non de 18 mois – ne change rien à l’appréciation qui doit être faite, dans la mesure où cet élément est de toute manière compensé par les circonstances à charge supplémentaires qui le concernent.
La réparation envers la plaignante du montant de 300 fr. par mois est minime, ce qui ne saurait être considéré comme un élément prépondérant au regard de l’ensemble des circonstances.
Il n’y a pas davantage de circonstances extraordinaires qui commanderait de tenir compte de l’effet de la peine sur l’avenir du condamné : son activité professionnelle – dans le domaine du transport poids-lourd – et sa situation personnelle ne diffèrent pas de la situation de la plupart d’autres condamnés. Au demeurant, il faut rappeler que le juge ne doit tenir compte de la situation familiale du condamné, comme circonstance liée à la sensibilité à la sanction justifiant une réduction sensible de celle-ci, que si elle est exceptionnelle. Tel n’est cependant pas le cas ici, l’appelant ayant déjà été condamné à quatre reprises, sa situation familiale ne l’ayant pas dissuadé de récidiver.
Enfin, l’écoulement du temps depuis la commission de l’infraction est d’une durée très inférieure aux réquisits de l’art. 48 let. e CP, de sorte que c’est en vain que l’appelant invoque cette circonstance atténuante.
Au regard de ce qui vient d’être exposé, en particulier des éléments à charge et à décharge, la peine privative de liberté de 30 mois, dont 9 mois ferme, prononcée par les premiers juges doit être confirmée.
Eu égard à la quotité de la peine, seul un sursis partiel entre en ligne de compte. Le pronostic n’étant pas défavorable, c’est à juste titre que les premiers juges ont octroyé un sursis au sens de l’art. 43 al. 1 CP et fixé la part de la peine ferme à exécuter à 9 mois, étant précisé que pour des motifs de prévention spéciale, on peut s’en tenir à une peine ferme encore compatible avec la semi-détention, la durée de la partie ferme n’étant d’ailleurs pas contestée en tant que telle.
4.
Il résulte de ce qui précède que les appels de K._, H._ et O._ doivent être rejetés et le jugement du 27 avril 2015 confirmé.
5.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, par 8'188 fr., doivent être mis par un tiers à la charge de chacun des appelants en ce qui concerne les frais communs, K._, H._ et O._ supportant en plus l’entier de l’indemnité allouée à son défenseur d’office (art. 428 al. 1 CPP).
Outre l'émolument, qui se monte à 2'680 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent les indemnités allouées aux défenseurs d’office de K._, de H._ et d’O._.
L’indemnité allouée à Me Raphaël Brochellaz, défenseur d’office de K._, selon la liste des opérations produite (cf. P. 166), est fixée à 1'836 fr.
,
TVA et débours inclus pour la procédure d'appel (1'530 fr. + 120 fr. [vacation] + 50 fr. [débours] + 136 fr. [TVA]).
S’agissant de l’indemnité du défenseur d’office de H._, la liste d’opérations produite (cf. P. 167) mentionne une activité de 12 heures et 15 minutes, sans compter l’audience d’appel du 13 août 2015. Ce temps allégué apparaît toutefois excessif pour certaines opérations (temps pour la déclaration d’appel, plusieurs courriers et téléphone au client) compte tenu de la connaissance du dossier acquise en première instance. Il convient par conséquent de retenir un total de 8 heures et 30 minutes pour l’activité déployée, audience d’appel comprise, au tarif horaire de 180 fr., ainsi qu’une vacation à 120 fr. et des débours à 50 fr., auxquels on ajoute la TVA, par 136 francs. L’indemnité allouée à Me Amédée Kasser est ainsi arrêtée à 1'836 fr.
,
TVA et débours compris.
Sur la base de la liste des opérations produite (cf. P. 166), une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1'836 fr.
,
TVA et débours inclus, est allouée à Me Elisabeth Chappuis, défenseur d’O._ (1'530 fr. + 120 fr. [vacation] + 50 fr. [débours] + 136 fr. [TVA]). On précisera que les débours allégués sont manifestement excessifs – notamment pour les frais de photocopies, comptées à 0,30 fr., et qui font partie des frais généraux –, de sorte qu’il y a lieu de retenir un forfait de 50 francs.
Enfin, les appelants ne seront tenus de rembourser à l’Etat les montants des indemnités
en faveur de leur défenseur d’office mis à leur charge
que lorsque leur situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8d468e18-ba7a-4cd5-8ad1-9925a639d293 | En fait :
A.
Par jugement du 14 juillet 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a libéré W._ de l’infraction de violation des devoirs en cas d’accident (I), a condamné H._ pour violation simple des règles de la circulation routière et violation des devoirs en cas d’accident à une peine pécuniaire de 90 (nonante) jours-amende à 40 fr. (quarante francs) le jour-amende, avec sursis durant 2 (deux) ans et à une amende de 800 fr. (huit cents francs), la peine privative de liberté de substitution étant de 20 (vingt) jours (II), a dit que H._ est le débiteur de Y._ de la somme de 228 fr. (deux cent vingt-huit francs), avec intérêt à 5% l’an dès le 1
er
juillet 2014, à titre de dommages et intérêts et a donné acte de ses réserves civiles à l’encontre de H._ à Y._ pour le surplus (III), a dit qu’il n’y a pas lieu à indemniser H._ à titre de l’art. 429 CPP (IV), a dit qu’il n’y a pas lieu à indemniser W._ à titre de l’art. 429 CPP (V), a mis les frais, par 6'918 fr. 90, à la charge de H._, dont l’indemnité due à son défenseur d’office, Me François Gillard, par 3'162 fr. 90, TVA et débours compris, et a laissé le solde à la charge de l’Etat (VI) et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité de son défenseur d’office ne sera exigé que si la situation financière du condamné le permet (VII).
B.
Par annonce du 17 juillet 2014, puis déclaration motivée du
19 août suivant, H._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à son acquittement et à ce qu’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP lui soit octroyée. Subsidiairement il a conclu à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause au tribunal de première instance pour nouvelle décision.
Par courrier du 19 décembre 2014, le Ministère public a informé la Cour de céans qu’il renonçait à intervenir à l'audience et qu'il concluait au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
H._ est né le [...] 1992 à Aigle. Charpentier de formation, il travaille pour son propre compte avec un collègue. Il se verse un salaire mensuel de 3'500 à 4'000 francs. Il vit avec son amie. Leur loyer s’élève à 1'800 fr. charges comprises. Les primes de son assurance-maladie se montent à 280 fr. par mois. Il a un crédit de 10'000 fr. pour son véhicule.
Son casier judiciaire et son fichier ADMAS sont vierges.
2.
A [...], le 19 novembre 2011, ver 19h15, soit de nuit, H._ circulait du centre-ville en direction de [...] au volant d’une Subaru [...], feux de croisement enclenchés, à une vitesse indéterminée, mais supérieure aux 50 km/h prescrits à cet endroit. Il était accompagné de W._, qui avait pris place à l’avant du véhicule. Parvenu au giratoire de la route de [...], H._ a traversé celui-ci sans freiner, faisant fi de la prudence requise à l’approche d’un tel ouvrage. A la sortie de ce dernier, il a négocié directement la courbe à droite peu prononcée que décrit le tracé de la route et, après quelques mètres, en raison d’une conduite inadaptée à la configuration des lieux et d’un manque d’attention, il a heurté quelque chose qu’il a pris pour une branche d’arbre. En l’occurrence, il venait de heurter légèrement un mouton. Surpris, le prévenu a freiné et a stationné son véhicule à proximité, sur le parking de l’EMS [...], vraisemblablement pour retourner sur les lieux, à quelques dizaines de mètres de là, ainsi que pour manger. H._ et W._ n’ont alors rien constaté de particulier.
Alors que les deux jeunes étaient sur le parking de l’EMS, ils ont constaté qu’un homme, en l’occurrence le berger Y._, cheminait en boitant et en gémissant depuis le giratoire, dans leur direction. Ils ont également constaté que l’intéressé annonçait à des tiers qu’il avait été percuté par leur Subaru. Après s’être rendu dans le bâtiment de l’EMS pour expliquer ce qui lui était arrivé, Y._ s’est dirigé vers H._ et W._, qui avaient entre-temps repris place dans leur voiture. H._ a baissé la vitre et Y._ les a alors accusés de l’avoir percuté et d’avoir tué son mouton. Il leur a également demandé de faire appel à une ambulance, mais ces derniers ont quitté les lieux sans autre, soit sans lui donner leurs coordonnées et sans faire appel aux secours ou aux forces de l’ordre, ne se prêtant ainsi pas à la reconstitution des faits.
Un fois arrivé chez lui, H._ a stationné son véhicule à l’abri des regards et a apposé ses plaques minéralogiques sur sa deuxième voiture, une Opel [...]. Le lendemain, il s’est confié à sa mère, qui a fait appel à la police.
Le 20 février 2012, Y._ a déposé plainte pénale auprès du Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois pour avoir été heurté à la jambe par un véhicule conduit par H._ (P. 8). Il s’est également porté partie civile. Une instruction pénale a dès lors été ouverte contre H._ pour lésions corporelles graves subsidiairement simples par négligence, omission de prêter secours, violation grave des règles de la circulation routière et violation grave des devoirs en cas d’accident. Par ordonnance du 9 décembre 2013, le Ministère public a ordonné le classement de cette procédure pénale en tant qu’elle portait sur les infractions de lésions corporelles simples par négligence, lésions corporelles graves par négligence et omission de prêter secours, les opérations d’enquêtes ne pouvant pas démontré que le plaignant avait été touché par le véhicule conduit par le prévenu. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de H._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant conteste les faits et se plaint d’une appréciation arbitraire des preuves.
3.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, également garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a ; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 la 31 c. 2c ; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
3.2.1
Selon l’appelant, la première juge aurait grossièrement déformé les déclarations du Sergent Q._.
Le jugement retient que ce dernier a expliqué que le mouton a été légèrement heurté à la tête par la voiture. Or, dans ses déclarations, le sergent a affirmé avoir constaté la présence d’un mouton mort dans la voiture de Y._, qui était parquée non loin de la clôture. Le mouton n’avait pas saigné, ce qui a conforté le gendarme dans l’idée qu’il s’agissait d’un léger heurt (PV aud. 8, p. 2-3). Ce dernier n’a donc ni affirmé ni infirmé que le mouton avait été heurté dans les circonstances décrites par le plaignant tel que l’a retenu la première juge. L’état de fait a ainsi été rectifié sur ce point.
3.2.2
L’appelant se plaint que l’autorité de première instance n’a pas mentionné les mensonges du plaignant qui a prétendu avoir été heurté et blessé par sa voiture.
Il est vrai que sur la base des déclarations du plaignant, l’enquête a d’abord été ouverte pour omission de prêter secours, lésions corporelles graves subsidiairement simples par négligence notamment, de sorte que l’état de fait a été complété en ce sens.
3.2.3
L’appelant conteste avoir roulé trop vite dans le rond-point puis à la sortie de celui-ci.
En l’espèce, après avoir pris connaissance de ses droits et obligations de prévenu et signé le formulaire y relatif lors de son audition devant la gendarmerie vaudoise, le prévenu a lui-même déclaré qu’il roulait entre 60 et 65 km/h et qu’il roulait trop vite (PV aud. 1, p. 1 et 2). Devant la procureure, il a également admis qu’il roulait « un peu trop vite » (PV aud. 4, ligne 32). Le passager W._ a également déclaré, lors de son audition devant la procureure, que son ami conduisait trop vite « au-dessus de la limitation » (PV aud. 3, ligne 57). Rien n’indique que la police ou la procureure ait usé de la contrainte, de menaces ou d’autres méthodes d’administration des preuves prohibées par l’art. 140 CPP, de sorte qu’il y a lieu de s’en tenir aux deux déclarations du prévenu, corroborées au demeurant par son passager. Enfin, les schémas au dossier démontrent à l’évidence qu’il est possible de faire un excès de vitesse à cet endroit. L’appelant a bien roulé à une vitesse supérieure à 50 km/h.
3.2.4
L’appelant affirme qu’une branche morte serait tombée sur le capot de sa voiture et qu’il n’aurait heurté aucun mouton.
En l’espèce, il est établi que le plaignant, qui est berger, garde ses moutons sur le lieu de l’accident et que la clôture était abîmée. Tous les protagonistes s’accordent pour dire qu’il y a eu un choc et la mort du mouton a été constatée par la police après celui-ci. L’appelant, qui affirme qu’une branche serait tombée sur son capot, n’explique cependant pas comment une branche a pu abîmer sa carrosserie, alors que la police n’a constaté aucun dégât. En effet, le gendarme Q._ a clairement affirmé qu’il était impossible de faire un lien entre les griffures sur la voiture du prévenu et la chute d’une branche (PV aud. 8, lignes 120 à 122). Il y a donc lieu d’écarter la version des faits de l’appelant, d’une part parce qu’il n’y a pas d’arbre à cet endroit, et d’autre part parce qu’aucun dégât sur le véhicule n’est compatible avec une branche tombée ou qui aurait été projetée.
En outre, la police a parlé d’un très léger heurt ou d’un frôlement (PV aud. 8, ligne 67). Certes le mouton n’a pas saigné, mais il est établi que le choc n’a pas été violent, preuve en est que le rapport de police indique qu’aucun dommage pouvant être attribué à un choc entre une automobile et un piéton ne figurait sur la voiture, hormis quelques petites rayures provenant d’une utilisation quotidienne du véhicule (P. 20, p. 3). Celui-ci présentait seulement une petite craquelure de peinture à l’avant droit entre le bloc de feux et le phare à brouillard. La version des faits du plaignant, selon laquelle il a pris appui sur le mouton pour se protéger lorsque la voiture est arrivée et qu’ainsi le mouton a pu se libérer de la clôture et être heurté par le véhicule du prévenu, paraît vraisemblable. Aucun autre élément ne permet d’expliquer la mort du mouton, ni quel a été ce léger choc. Rien en l’espèce ne permet de dire que le mouton est mort d’une autre cause que le heurt avec la voiture. Le plaignant a également été fortement ébranlé par cette histoire comme en atteste le témoignage de son amie qui a déclaré qu’il avait été très secoué, qu’il était venu en catastrophe chez elle et qu’il avait eu très peur car il aurait pu se faire écraser (jgt., p. 7). Sa peur est encore attestée par sa réaction ensuite des faits et la manière dont il s’est rendu à l’EMS, où il s’est présenté à un employé qui l’a trouvé agité et angoissé (PV aud. 7, ligne 33). Enfin, les explications du prévenu selon lesquelles il a un peu paniqué lorsque le plaignant s’est adressé à lui devant l’EMS en lui disant qu’il l’avait heurté et qu’il avait tué son mouton sont peu convaincantes. En effet, la peur engendrée par un homme agité peut expliquer pourquoi l’appelant a voulu quitter l’endroit, mais pas les motifs pour lesquels il a caché sa voiture, retiré les plaques d’immatriculation puis les a apposées sur un autre véhicule, ni pourquoi il ne s’est pas annoncé lorsqu’il a vu que la police était sur les lieux ou encore le jour suivant.
Au vu de ces éléments, la version des faits du plaignant, corroborée par les autres éléments du dossier, apparaît ainsi plus crédible que celle du prévenu, même s’il a prétendu à tort qu’il avait été lui-même touché par le véhicule. Il y a ainsi lieu de retenir que le prévenu roulait trop vite, qu’il n’a pas vu le plaignant affairé au bord de la chaussée à tenter de secourir son mouton, que celui-ci s’est dégagé de la barrière juste avant le passage du véhicule, que la voiture a légèrement heurté le mouton du plaignant, et que ce léger choc a entraîné la mort de l’animal.
Le grief doit donc être rejeté.
4.
S’agissant du dommage civil, l’appelant affirme d’une part que la plainte du plaignant serait tardive dès lors qu’elle aurait été déposée plus de trois mois après les faits et d’autre part que le plaignant n’aurait pas déposé formellement plainte pénale pour dommage à la propriété. En outre, il soutient que Y._ aurait perdu sa qualité de plaignant au moment où a été rendue l’ordonnance de classement du 9 décembre 2013 concernant sa prétendue blessure.
4.1
4.1.1
Aux termes de l’art. 31 CP, le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Le délai court du jour où l'ayant droit a connu l'auteur de l'infraction. Le jour à partir duquel court le délai de plainte ne doit pas être compté (Dupuis et al., Code pénal, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 71 ad art 31 CP et les références citées).
Selon l’art. 110 al. 6 CP, le jour est compté à raison de vingt-quatre heures consécutives. Le mois et l’année sont comptés de quantième à quantième.
4.1.2
L’art. 92 LCR, dans sa teneur au 1
er
janvier 2011, prévoit que celui qui, lors d’un accident, aura violé les devoirs que lui impose la présente loi sera puni de l’amende (al. 1). Le conducteur qui aura pris la fuite après avoir tué ou blessé une personne lors d’un accident de la circulation sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 2).
Cette norme protège en priorité la victime d’un accident ou ses ayants droits d’une mise en péril de leur santé et/ou de leurs intérêts pécuniaires et tend à permettre l’établissement rapide et sûr des circonstances de l’accident, notamment en prévision du règlement civil. Cette norme permet aussi d’établir les responsabilités pénales et protège donc, à tout le moins concurremment avec les prétentions civiles de la victime, l’administration de la justice pénale (Jeanneret, Les dispositions pénales de la Loi sur la circulation routière, Berne 2007, n. 2 ad art. 92 LCR, p. 151).
4.2
4.2.1
En l’espèce, les faits se sont déroulés le 19 novembre 2011 et la plainte a été déposée le 20 février 2012. Conformément à la doctrine précitée, le délai de 30 jours pour déposer plainte a commencé à courir le 20 novembre 2011 et s’est terminé le 20 février 2012. Déposée le dernier jour du délai de trois mois, la plainte de Y._ n’est donc pas tardive. En outre, le fait que celle-ci ne mentionne pas le mouton mort n’est pas déterminant.
4.2.2
Enfin, au vu de la doctrine précitée, il convient de reconnaître à Y._ la qualité de plaignant pour la perte de son mouton dans la présente procédure. Au demeurant, il serait contraire au principe de l’accès à la justice et au principe de célérité de renvoyer ce dernier à agir devant le juge civil pour la perte de son animal, soit pour un montant de 228 francs.
5.
En définitive, l’appel de H._ doit être rejeté et le jugement entrepris confirmé.
Vu l’issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués de l’émolument d’arrêt, par 1’500 fr., et de l’indemnité allouée au défenseur d’office du prévenu, par 1'836 fr.,
TVA et débours inclus, sont mis à la charge de H._.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat l’indemnité en faveur de son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8dd7f03f-e246-4f1e-96ce-bbe50bf9eea9 | En fait :
A.
Par jugement du 23 avril 2014, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré Y._ des accusations d’abus de confiance, dommages à la propriété et infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants (I), constaté qu’Y._ s'est rendu coupable de vol, escroquerie, escroquerie d’importance mineure, utilisation frauduleuse d’un ordinateur, violation de domicile, entrée illégale, séjour illégal, vol d’usage, conduite sans autorisation, conduite sans permis de circulation, conduite d’un véhicule non couvert par une assurance responsabilité civile, usage abusif de permis ou de plaques et soustraction de plaques (II), l’a condamné à dix-sept mois de peine privative de liberté, à cinq jours-amende à 20 fr. le jour-amende et à 500 fr. d'amende, sous déduction de 202 jours de détention avant jugement (III), a dit qu'à défaut de paiement de l'amende de 500 fr., la peine privative de liberté de substitution sera de cinq jours (IV), a ordonné le maintien d’Y._ en détention pour des motifs de sûreté (V), a pris acte pour valoir jugement de la reconnaissance de dette signée le 23 avril 2014 par Y._ en faveur de [...], ainsi libellée : «Je me reconnais le débiteur de [...] de la somme de 5'000 francs» (VI), a donné acte à [...] de ses réserves civiles contre Y._ pour le surplus (VII), a renvoyé la Fondation [...] à agir devant le juge civil pour ses prétentions contre Y._ (VIII), a fixé l'indemnité du défenseur d'office d'Y._, l'avocate Mathilde Bessonnet, à 5’295 fr., TVA et débours compris (IX), a mis les frais, par 12'383 fr. 20, à la charge d'Y._, indemnité de défenseur d'office comprise (X) et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité de 5'295 fr. allouée au défenseur d'office d'Y._, l'avocate Mathilde Bessonnet, sera exigible pour autant que la situation économique d'Y._ s'améliore (XI).
B.
Y._
a annoncé faire appel de ce jugement le 6 mai 2014. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 21 mai 2014. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, principalement à la modification du jugement en ce sens que le prévenu est condamné à une peine privative de liberté ne dépassant pas huit mois, à cinq jours-amende à 20 fr. le jour-amende et à 500 fr. d’amende, sous déduction de 202 jours de détention avant jugement, le jugement étant confirmé pour le surplus ; subsidiairement, il a conclu à l’annulation du jugement, la cause étant renvoyée au tribunal correctionnel pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.
A l’audience d’appel, le Ministère public a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu Y._, ressortissant roumain, né en 1990, a rejoint sa mère en Suisse à l’âge de 14 ans. Après être brièvement retourné au pays, il est revenu en Suisse et a été occupé notamment dans les branches du bâtiment et du nettoyage. Lors de son interpellation, le 4 octobre 2013 à Brigue, il travaillait à Milan comme ouvrier du bâtiment. Cette activité lui rapportait 800 euros par mois. Il loue en outre le logement dont il est propriétaire en Roumanie, ce qui lui rapporte la somme de 120 euros. Il n’a pas d’économies et ne paie ni impôts, ni assurance-maladie. Il ne bénéficie d’aucun titre de séjour en Suisse. L’autorité administrative lui a, par décision du 6 avril 2013, signifié une interdiction d’entrer dans notre pays valable jusqu’au 20 août 2017.
1.2 Le casier judiciaire d'Y._ mentionne deux condamnations, à savoir :
- 6 septembre 2010, Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois, quinze mois de peine privative de liberté et 100 fr. d'amende pour vol, obtention frauduleuse d'une prestation, violation de domicile, violation grave des règles de la circulation, ivresse au volant qualifiée, violation des devoirs en cas d'accident, vol d'usage, circulation sans permis de conduire et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, un traitement ambulatoire selon l’art. 63 CP étant en outre ordonné;
- 5 décembre 2011, Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois, dix-huit mois de peine privative de liberté, dix jours-amende à 10 fr. et 500 fr. d'amende, pour vol, actes préparatoires à brigandage, opposition aux actes de l'autorité, violation grave des règles de la circulation, ivresse au volant, opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, vol d'usage, circulation sans permis de conduire et séjour illégal.
Le prévenu a été détenu en exécution de peine jusqu’au 18 avril 2012. Il est détenu préventivement sans discontinuer depuis le 4 octobre 2013 dans le cadre de la présente procédure.
1.3 Les faits incriminés sont les suivants :
1.3.1 A Yverdon-les-Bains et Grandson notamment, et en d’autres lieux, depuis sa sortie de prison le 18 avril 2012, le prévenu a séjourné en Suisse à tout le moins durant le mois de septembre 2012, puis du 12 novembre au 3 décembre 2012 et enfin du 25 mars au 10 juin 2013.
1.3.2 A Yverdon-les-Bains, rue [...], dans la nuit du 27 au 28 septembre 2012, alors qu'il était hébergé par [...], ancien toxicomane, le prévenu a utilisé la voiture Seat Leon noire de son logeur, dont il avait les clés, pour se rendre en Roumanie avec [...], à l'insu de [...] et contre la volonté de ce dernier, alors qu’il n’avait pas de permis de conduire. Son but était de revenir en Suisse après une semaine et de rendre la voiture à [...]. Le véhicule a toutefois été accidenté en Roumanie et n’a pas été retrouvé.
[...] a déposé plainte le 1
er
octobre 2012 et s’est porté partie civile.
1.3.3 A Yverdon-les-Bains, rue [...], le 24 novembre 2012, le prévenu a obtenu d’ [...], rentier AI, né le 7 juillet 1958, qui l’avait accueilli chez lui, qu’il lui prête un montant de 160 francs, montant qu'il n’avait d’emblée pas l’intention de rembourser et qu’il a obtenu en remettant en gage à [...] une montre Breitling, qui s’est avérée fausse. A la date prévue pour le remboursement, soit le 29 novembre 2012, le prévenu n’a non seulement pas remboursé [...], mais il a en outre profité d’un passage chez lui pour lui dérober un téléphone portable Sony Xperia.
Durant cette période, le prévenu a encore utilisé le véhicule d' [...] alors qu’il n’est pas titulaire du permis de conduire. Il s'est notamment rendu à Genève.
[...] a déposé plainte le 30 novembre 2012 et s’est porté partie civile. Il est décédé apparemment au début 2014.
1.3.4 Le 3 décembre 2012, le prévenu, qui n’a pas le permis de conduire, a circulé de Grächen (VS) en direction de Martigny au volant d'une voiture Ford Escort XR3 qui n'avait ni assurance responsabilité civile, ni permis de circulation. Il avait apposé des plaques VS [...] qu’il avait volées le même jour à Rarogne sur un camping-car Iveco. Il a été interpellé sur l'autoroute A9, à la hauteur de Riddes.
1.3.5 A Champagne, rue [...], entre le 25 et le 26 mars 2013, le prévenu a dérobé un scooter, immatriculé VD [...], ainsi qu’un casque rouge, une combinaison de pluie, une carte d’identité et le permis de circulation du scooter, ces effets étant la propriété de [...]. Le prévenu avait fait faire un double des clés. Il a circulé à plusieurs reprises au guidon de ce scooter, notamment pour aller retirer frauduleusement de l’argent, alors qu’il n’avait pas de permis de conduire. Le scooter a été retrouvé devant le domicile de la mère du prévenu et restitué à la Vaudoise Assurances.
[...] a déposé plainte et s’est porté partie civile le 26 mars 2013. Il a retiré sa plainte le 17 mars 2014.
1.3.6 A Grandson, rue [...], les 13 et 29 avril 2013, le prévenu a commandé en ligne un ordinateur portable de marque Toshiba d’une valeur de 906 fr. 95 auprès de VAC et deux jeux vidéos d'une valeur totale de 44 fr. 80 auprès de Cede.ch, en se servant de l’adresse de [...], chez qui il vivait, et en utilisant notamment le nom de son frère [...], sans la moindre intention de payer ses commandes. En réponse à une requête de la maison VAC et pour conforter cette dernière dans la certitude que la commande devait bien être livrée à l'adresse de [...], rue [...], à Grandson, il a envoyé une lettre que la gérance [...] SA avait adressée à [...] au sujet du remplacement de plaquettes de boîtes aux lettres. Il avait subtilisé cette lettre auparavant. Lorsque les colis ont été livrés, il les a interceptés. Caroline Pillet n'a pris conscience de l’existence des commandes qu’en recevant par la suite des rappels des entreprises concernées.
[...] a déposé plainte le 3 juillet 2013 et s’est constituée partie civile. Elle a maintenu sa plainte aux débats et n'a pas pris de conclusions civiles contre le prévenu.
1.3.7 A Yverdon-les-Bains, [...], le 7 juin 2013, le prévenu a pénétré clandestinement dans les locaux de la Fondation [...] après avoir rendu visite à un résident. A l’intérieur, il est parvenu à ouvrir le coffre-fort de la Fondation qui contenait 8'831 fr. 35, un tiroir-caisse contenant 30 fr. en monnaie, ainsi qu’une carte Maestro et le code de la carte. Il a en outre dérobé un ordinateur portable HP avant de quitter les lieux par la porte d’entrée, qu’il a pu ouvrir depuis l’intérieur.
A Champagne et Essertines, le 8 juin 2013, le prévenu a effectué cinq retraits pour un montant total d’une valeur de 4'965 fr. 41 au moyen de la carte Maestro de la Fondation [...] (4'100 fr. et 700 euros).
Le tiroir-caisse a été retrouvé fracturé le 9 juin 2013 par des enfants et restitué à la Fondation [...].
Une somme de 345 fr. en monnaie dans des enveloppes estampillées Fondation [...] a été retrouvée dans le scooter dérobé par le prévenu, puis restituée à la Fondation le 31 juillet 2013.
La Fondation [...], par [...], a déposé plainte le 10 juin 2013 et s’est constituée partie civile. Elle a maintenu sa plainte le 30 janvier 2014 et pris des conclusions civiles à hauteur de 14'465 fr. 80.
2. Dans le cadre d'une précédente affaire, le prévenu a été soumis à une expertise psychiatrique, qui a été confiée à la Dresse M. Stoca, cheffe de clinique auprès du Secteur psychiatrique Nord, à Yverdon-les-Bains. Dans son rapport du 22 mars 2010, l'expert a posé le diagnostic de personnalité dyssociale et dépendance à l’alcool, abstinent en milieu protégé. Il a relevé notamment que les personnes présentant un trouble dyssocial de la personnalité étaient souvent arrogantes, centrées sur elles-mêmes, se sentaient privilégiées et toutes-puissantes. Elles ont aussi un sentiment grandiose de leur importance et sont motivées par des raisons exclusivement centrées sur elles-mêmes. Elles sont à la recherche de pouvoir et, habituellement, manipulent, exploitent et déçoivent les autres pour atteindre leur but. Elles ont peu d’empathie pour les besoins et sentiments d’autrui, sauf dans les situations identiques aux leurs. Elles ont un mépris pour les droits, les possessions ou les besoins d’autrui et ne peuvent pas ressentir de culpabilité quand elles infligent certaines souffrances. Elles peuvent agir de manière agressive envers autrui et ressentir un certain plaisir à humilier, dominer ou manipuler les autres. Elles peuvent avoir un certain charme et une capacité de séduction pour atteindre leur but. Leur capacité à investir des principes moraux et à respecter les limites imposées par la loi est minimale. Ce trouble coexiste souvent avec des comportements illégaux et des dépendances à l’alcool et aux drogues. En ce qui concerne Y._, l'expert a précisé que le prévenu avait construit une structure défensive centrée sur le déni, le clivage et la projection.
L'expert a noté que le trouble du prévenu pouvait être considéré comme moyen et entraînait chez lui une pathologie chronique l’empêchant d’avoir une image réaliste et claire de lui-même, de respecter les limites d’autrui, d’intégrer la notion de loi, de limites et d’interdictions. Sa dépendance à l’alcool, avec la désinhibition qu’elle entraîne, augmente la difficulté à respecter les limites et apprécier correctement les risques.
De l'avis de l'expert, la capacité du prévenu d’apprécier le caractère illicite d’un acte est conservée, mais la faculté de se déterminer d’après cette appréciation est diminuée de manière moyenne. Le risque de récidive est qualifié d’important. Il peut cependant être réduit après l’incarcération par un encadrement et un traitement de la dépendance à l’alcool. L'expert a en outre préconisé un encadrement dans un foyer pour jeunes adultes, dans le cadre duquel le prévenu pourrait aussi trouver un soutien pour renoncer à la consommation d’alcool.
A la suite de cette expertise, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a ordonné un traitement ambulatoire (art. 63 CP) par son arrêt du 6 septembre 2010 déjà mentionné.
3. Appréciant la culpabilité du prévenu, le tribunal correctionnel l’a tenue pour lourde sur la base des antécédents de l’intéressé, de la récidive spéciale, de la rapidité avec laquelle l’auteur était retombé dans la délinquance après sa sortie de prison, du fait qu’il s’en était pris à des personnes particulièrement vulnérables, de l’importance du butin et de la ruse dont il avait fait preuve à l’égard du personnel de la Fondation [...]. A décharge ont été pris en compte les aveux passés en cours d’enquête et aux débats, la reconnaissance de dette signée en faveur de [...], une responsabilité moyennement diminuée et les regrets exprimés à l’audience.
La peine pécuniaire prononcée réprime spécifiquement la conduite d’un véhicule sans assurance responsabilité civile, l’amende réprimant pour sa part l’escroquerie d’importance mineure perpétrée au préjudice d' [...]. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’état de fait du jugement n’est entaché d’aucun vice qui commanderait l’annulation de la décision en application de l’art. 409 CPP. Les conclusions subsidiaires de l’appel doivent donc être rejetées. Sur le fond, l’appelant se limite à mettre en cause l’appréciation de sa culpabilité par les premiers juges quant à la fixation de la peine privative de liberté. La qualification des diverses infractions retenues n’est ainsi pas contestée, pas plus que ne le sont le refus du sursis, la peine pécuniaire et l’amende.
3.1.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (
objektive Tatkomponente
). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (
subjektive Tatkomponente
). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (
Täterkomponente
), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1; TF 6B_408/2012 du 1
er
novembre 2012 c. 1.1).
3.1.2
Les principes qui président à la fixation de la peine en cas de diminution de la responsabilité au sens de l’art. 19 al. 2 CP ont été développés dans l’ATF 136 IV 55. En modification de la jurisprudence antérieure (ATF 134 IV 132 c. 6.1), il s'agit de diminuer la faute et non la peine; la réduction de la peine n'est que la conséquence de la faute plus légère (TF 6B_356/2012 du 1
er
octobre 2012 c. 3.2; ATF 136 IV 55 c. 5.5).
Le juge dispose comme avant d'un large pouvoir d'appréciation lorsqu'il détermine l'effet de la diminution de la responsabilité sur la faute (subjective) au vu de l'ensemble des circonstances. Il peut appliquer l'échelle habituelle: une faute (objective) très grave peut être réduite à une faute grave en raison d'une diminution légère de la responsabilité. La réduction pour une telle faute (objective) très grave peut conduire à retenir une faute moyenne à grave en cas d'une diminution moyenne et à une faute légère à moyenne en cas de diminution grave. Sur la base de cette appréciation, le juge doit prononcer la peine en tenant compte des autres critères de fixation de la peine. Un tel procédé permet de tenir compte de la diminution de la responsabilité, sans lui attribuer une signification trop vaste (TF 6B_356/2012 précité
c. 3.2.1; ATF 136 IV 55 c. 5.6).
3.2
Contrairement à ce que soutient l’appelant, il ne doit pas exister une corrélation directe entre la diminution de responsabilité et la peine prononcée, sauf à donner à cet élément à décharge plus de portée qu’il n’en a.
En l’espèce, l’appelant a, de septembre 2012 à juin 2013, commis une kyrielle d’infractions contre le patrimoine qui sont, pour la plupart, en concours et s’ajoutent à l’entrée et au séjour illicites sur le territoire suisse. Il y a récidive spéciale. On doit admettre, au vu du parcours du prévenu dans la délinquance, que sa volonté délictuelle est intense et récurrente. Ses victimes, qu’il connaît, sont des personnes vulnérables, comme l’ont mentionné les premiers juges. Le mobile exclusif de ses agissements est l’appât du gain. Le butin est important dans le cas du vol suivi d’une utilisation frauduleuse d’un ordinateur commis au préjudice de la Fondation [...]. Il s’ensuit que la faute commise par l’appelant est très grave. En tenant compte d’une diminution moyenne de sa responsabilité pénale, la faute peut être qualifiée de grave. La propension de l’auteur à commettre des délits de même nature malgré deux précédentes condamnations à des peines élevées assombrit encore ce constat. L’appelant est certes jeune. Mais il est exposé à la récidive, comme cela ressort de l’expertise, qui relève que le trouble de l’intéressé l’empêche de respecter les limites d’autrui, d’intégrer la notion de loi, de limites et d’interdictions. Le prévenu comparaissant pour la troisième fois pour le même type de délits devant une Cour correctionnelle en moins d’une demi-douzaine d’années, on ne voit guère quels éléments nouveaux permettraient de dire qu’il aurait pris conscience de ses fautes et ferait preuve d’une volonté d’amendement. On rappellera à cet égard que, toujours selon l’expert, l’appelant présente une structure défensive centrée sur le déni, le clivage et la projection. Il s’agit d’autant d’éléments qui empêchent une volonté d’introspection. Il s’ensuit que la cour ne saurait, si ce n’est dans une mesure marginale, retenir en faveur du prévenu ses propos tenus à l’audience de première instance selon lesquels il aurait pris conscience et regretterait ce qui est arrivé, en particulier pour les victimes (jugement, p. 7, 3
e
par. in fine).
A la décharge du prévenu, il faut tenir compte des aveux complets passés en cours d’enquête et aux débats. On peut également retenir les reconnaissances de dette signées à l’audience. Cet élément favorable est toutefois pondéré par le fait que l’appelant a eu une attitude ambivalente à l’égard de la Fondation [...], précisant qu’il était «prêt à (se) reconnaître débiteur du préjudice, pour autant que celui-ci soit précisé et que le créancier soit déterminé» (jugement, p. 7, 2
e
par.).
Procédant à sa propre appréciation de la culpabilité de l’appelant, la Cour estime ainsi qu’une peine privative de liberté de 17 mois est adéquate à réprimer les actes incriminés, hormis la conduite d’un véhicule sans assurance responsabilité civile et l’escroquerie d’importance mineure perpétrée au préjudice d' [...], sanctionnées séparément.
4.
Le jugement entrepris doit être modifié d’office en faveur du prévenu (art. 404 al. 2 CPP) en se sens que la détention provisoire subie avant le jugement de première instance, à déduire en application de l’art. 51 CP, se monte à 205 jours, et non à 202 jours (du 4 octobre 2013 au 23 avril 2014 inclus, en sus de la détention subie antérieurement dans le canton du Valais à hauteur de trois jours).
La détention subie depuis le jugement de première instance sera déduite (art. 51 CP) et le maintien en détention pour des motifs de sûreté de l’appelant ordonné (art. 220 al. 2 et 221 al. 1 CPP).
5.
L’appelant succombant entièrement sur ses conclusions nonobstant la modification d’office du jugement en sa faveur sur un point accessoire, les frais de la procédure d'appel seront mis entièrement à sa charge (art. 428 al. 1 CPP).
Outre l'émolument, les frais d’appel comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office du prévenu, pour les opérations liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFIP).
Vu l'ampleur et la complexité de la cause en appel, l'indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu doit être fixée sur la base d'une durée d'activité de 7 heures d’avocat breveté, à 180 fr. l'heure, plus trois unités de débours à 120 fr. au titre des frais de vacation (y compris pour l’audience d’appel), TVA en sus (art. 135 al. 1 CPP), soit à un total de 1'749 fr. 60.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat
le montant
de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8df20e2b-0964-41ea-9768-ca5070863975 | En fait :
A.
Par ordonnance de condamnation du 16 mars 2006, le Juge d'instruction de l’arrondissement de Lausanne a condamné Z._, pour violation d'une obligation d'entretien, à 30 jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans (I), a donné acte au Service de prévoyance et d'aide sociales de ses réserves civiles (II) et a mis les frais de la cause, par 375 fr., à la charge de Z._ (III).
B.
Z._, né en 1959, ressortissant congolais, a épousé, le 12 décembre 1996 à Lausanne, U._, née en 1970, ressortissante togolaise. Les époux sont séparés de fait depuis le mois de septembre 2001. Un enfant, [...], est né durant le mariage, le 30 octobre 2002. Une procédure de divorce a été introduite. Par ordonnance de mesures provisionnelles du 25 avril 2005, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne a astreint Z._ à contribuer à l'entretien des siens par le versement d'une pension de 300 fr., allocations familiales en sus, payable d'avance le premier de chaque mois en mains de U._ dès le 1
er
février 2004 (ch. III du dispositif).
Les pensions n'étant pas versées, le 2 mai 2005, la créancière d'aliments a cédé ses droits au Service de prévoyance et d'aide sociales, qui a déposé plainte contre Z._ le 23 juin 2005. L'ordonnance de condamnation du 16 mars 2006 précitée retient la violation de l'obligation d'entretien résultant de l'ordonnance de mesures provisionnelles du 25 avril 2005, pour la période du 1
er
juin 2004 au 17 août 2005.
Le divorce des époux Z._ a été prononcé le 30 juin 2006.
Par jugement du 3 décembre 2010, le Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne, admettant l'action d'[...], a notamment prononcé que le demandeur n'est pas le fils de Z._, mais celui d'un tiers (ch. I du dispositif). Ce jugement est définitif et exécutoire depuis le 4 janvier 2011.
C.
Le 28 janvier 2011, Z._ a demandé la révision de l'ordonnance de condamnation. Il a conclu à l'annulation de celle-ci, et principalement à ce que la Cour d'appel statue à nouveau en ce sens qu'il est libéré du chef d'accusation de violation d'une obligation d'entretien et que les frais de la cause sont laissés à la charge de l'Etat, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée au Procureur de l'arrondissement de Lausanne pour nouveau traitement et nouvelle décision.
Invité à se déterminer, le Service de prévoyance et d'aide sociales a indiqué ne pas voir "d'inconvénients à ce que l'ordonnance (...) soit révisée". Par courrier du 10 février 2011, le Ministère public (arrondissement de Lausanne) a déclaré renoncer à se déterminer. | En droit :
1.
Selon l’art. 410 al. 1 let. a CPP, toute personne lésée par un jugement entré en force peut en demander la révision s’il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l’autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l’acquittement ou une condamnation moins sévère du condamné.
1.1
Le requérant a été condamné à une peine d'emprisonnement. Partant, il est lésé par l’ordonnance de condamnation dont il demande la révision. Il a donc qualité pour agir d'après l’art. 410 al. 1 let. a CPP.
1.2
La demande est fondée sur le jugement de désaveu rendu le 3 décembre 2010 par le Tribunal civil de l’arrondissement de Lausanne, définitif et exécutoire depuis le 4 janvier 2011. Il s’agit d’un fait (le prononcé du désaveu) et d'un moyen de preuve (de la non-filiation) qui étaient forcément inconnus de l’autorité ayant rendu la décision dont la révision est demandée, puisque postérieurs à l’ordonnance de condamnation réprimant la violation d'une obligation d'entretien au sens de l'art. 217 CP.
1.3
Il reste à déterminer si l'élément nouveau invoqué est de nature à motiver l’acquittement ou une condamnation moins sévère. Selon le Commentaire bâlois, l’élément nouveau au sens de l'art. 410 CPP doit être juridiquement significatif ("rechtlich bedeutsam") ; on doit donc se poser la question des perspectives de succès d'un nouveau jugement (Heer,
in
: Niggli/Heer/Wiprächtiger, Schweizerische Strafprozessordnung, Basler Kommentar, Bâle 2011, pp. 2716 ss, n. 65 ss, spéc. 66).
Les éléments constitutifs de l’infraction à l’art. 217 CP sont, d’un point de vue objectif, une obligation d’entretien, la violation de cette obligation, et la possibilité de fournir la prestation, et, d’un point de vue subjectif, l’intention dolosive. Il faut donc d’abord qu’existe une obligation d’entretien résultant du droit de la famille, ainsi l'obligation d’entretien entre époux ou ex-époux, l'obligation des père et mère à l’égard de leur enfant, ou une autre obligation alimentaire. Il faut ensuite déterminer l’étendue de cette obligation. Si elle a été fixée dans un jugement civil valable et exécutoire, le juge pénal s’en tient à ce montant. Sinon, le juge peut la fixer lui-même en appréciant l’ensemble des circonstances (Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. I, 2
e
éd, Berne 2006, pp. 924 ss).
En l’occurrence, l’ordonnance de condamnation se fonde sur une ordonnance de mesures provisoires rendue le 25 avril 2005 par le Président du Tribunal civil d’arrondissement de Lausanne dans la cause en divorce opposant U._ à Z._. En vertu de cette décision, fondée sur l’art. 176 al. 1 ch. 1 CC par renvoi de l’art. 137 al. 2 CC, celui-ci a été astreint à contribuer à l’entretien « des siens » par le versement d’une pension mensuelle de 300 fr., allocations familiales en sus. Il ressort de l’état de fait que les parties s'étaient mariées en 1996, qu’elles étaient séparées depuis le départ de l’époux pour l’Afrique, en juin 2002, que l’épouse était restée sans nouvelles durant deux ans, qu’elle avait appris le retour en Suisse de son mari par les autorités douanières, qu’elle avait conclu au versement d’une pension mensuelle de 1'000 fr. et qu’elle avait des revenus de l’ordre de 3'450 fr. et des charges de l’ordre de 3'175 fr. par mois, incluant l’enfant présumé commun, dont l’époux a contesté être le père. Le Président du Tribunal civil a considéré que ce dernier avait délibérément renoncé à tout revenu, « laissant à son épouse l’entière charge de leur enfant à naître », et qu’on pouvait, comme à tout parent ne faisant pas les efforts nécessaires, lui imputer un revenu hypothétique, en l’occurrence de 3'000 fr.
Si le rapport juridique de filiation est une condition nécessaire de l’obligation que l’art. 276 CC met à la charge des père et mère, la décision susmentionnée n’est, formellement, pas fondée sur cette disposition (par renvoi de l’art. 176 al. 3 CC) mais sur l’art. 176 al. 1 ch. 1 CC, qui concerne l’obligation réciproque d’entretien entre conjoints durant le mariage. Il n'est pas exclu que la décision aurait été différente si l’inexistence du lien de filiation entre le père et l’enfant avait été établie. Ce n’est toutefois pas certain, car l'obligation d'entretien entre époux subsistait nonobstant le défaut de paternité du mari. Le juge civil pouvait dès lors parfaitement tenir compte de la présence d’un enfant non commun dans les charges de l’épouse. De plus, le prévenu, dans le cadre de la procédure pénale, a signé un relevé de compte établi par le Service de prévoyance et d'aide sociales, valant reconnaissance de dette, et a écrit que s’il avait de l’argent « je pourrai payer ce que je doit » (sic).
On peut relever aussi que le requérant n’indique pas, dans sa demande de révision, qu’il aurait tenté également d’obtenir le réexamen de l’ordonnance de mesures provisionnelles – démarche qu’il est censé faire dans un délai de 90 jours dès la découverte du motif de révision, selon l’art. 397 al. 1 CPC. Cette décision demeure ainsi en vigueur. Il n'est pas établi à quelles conditions le divorce a été prononcé. Sachant que l’action en contestation de filiation a été ouverte (par l’enfant) postérieurement au divorce du requérant, on ignore également si le père toujours présumé avait été astreint au paiement d’une pension pour l’enfant.
Cela étant, l’ordonnance de mesures provisoires rendue par le Président du Tribunal civil fixe la pension à 10 % du revenu hypothétique du père, sans calcul ou estimation de ses charges. Il a été précisé que cette contribution tient compte d’une autre obligation parentale de l’intéressé. Cela correspond aux normes pour l'entretien d'un enfant.
A ceci s'ajoute que, dans sa plainte, le Service de prévoyance et d'aide sociales mentionne que «c’(était) pour se soustraire à ses obligations que [le prévenu] (avait) quitté son domicile, délaissant ainsi sa famille et négligeant ses obligations de père ». De même, lorsque la mère avait demandé l’aide du Bureau de recouvrement et d'avances de pensions alimentaires, elle avait indiqué que la pension n’était plus payée « depuis la naissance [de l’enfant]». Rapprochés des considérants de l'ordonnance de mesures provisionnelles concernant les devoirs parentaux, ces éléments établissent que la pension était, en réalité, fixée en faveur de l’enfant.
Dans ces conditions, le nouvel élément produit par le requérant est de nature à motiver l’acquittement ou une condamnation moins sévère du condamné au sens de l'art. 410 al. 1 let. a CPP. Partant, le motif de révision est fondé dans son principe.
2.
Il reste à déterminer les conséquences de l'admission de la requête.
2.1
Si la juridiction d’appel constate que les motifs de révision sont fondés, elle annule partiellement ou entièrement la décision attaquée (art. 413 al. 2 in initio CPP); de plus:
a. elle renvoie la cause pour nouveau traitement et nouveau jugement à l’autorité qu’elle désigne;
b. elle rend elle-même une nouvelle décision si l’état du dossier le permet (art. 413 al. 2 let. a et b CPP).
En cas de renvoi de la cause, la juridiction d’appel détermine dans quelle mesure les motifs de révision constatés annulent la force de chose jugée et la force exécutoire de la décision attaquée et à quel stade la procédure doit être reprise (art. 413 al. 3 CPP). Si l’autorité de recours rend une nouvelle décision, elle se prononce également sur les frais fixés par l’autorité inférieure (art. 428 al. 3 CPP).
2.2
En l'occurrence, le dispositif l’ordonnance de condamnation comporte trois chiffres : le prévenu est condamné à une peine (I) et aux frais (III), et le plaignant reçoit acte de ses réserves civiles (II).
Les chiffres I et II du dispositif doivent être annulés pour le seul motif que la révision invalide la condamnation. Pour ce qui est du chiffre III, il doit être relevé que le prévenu a provoqué la procédure pénale en n’ouvrant pas action en contestation de la filiation, alors même qu’il avait alors déjà des doutes sur sa paternité, puisqu’il en avait fait état en avril 2005 déjà devant le juge civil. Néanmoins, cette omission ne saurait être considérée comme un comportement « répréhensible » au sens de l’art. 158 aCPP-VD (alors applicable) ou, a fortiori, « illicite » au sens de l’art. 426 al. 2 CPP. Le chiffre III du dispositif doit donc aussi être annulé.
2.3
Il reste à déterminer si la Cour d’appel doit statuer elle-même (cf. l'art. 413 al. 2 let. b CPP) ou renvoyer la cause en première instance (cf. l'art. 413 al. 2 let. a CPP). La première solution paraît plus adéquate, puisqu’il n’y a pas de mesures d’instruction nouvelles à effectuer et qu’il s’agit de statuer en l’état du dossier. Dès lors, il y a lieu de libérer le requérant des fins de la poursuite pénale (I), de rejeter les conclusions du Service de prévoyance et d'aide sociales (II) et de laisser les frais de la cause à la charge de l'Etat (III).
3.
Vu l'issue de la cause, les frais de révision (art. 20 et 21, par renvoi de l'art. 22 du Tarif des frais judiciaires pénaux, TFJP) doivent être laissés à la charge de l’Etat (art. 423 al. 1 CPP). Le requérant, qui a procédé avec l'assistance d'un conseil professionnel et dont la demande d'assistance judiciaire a été rejetée par décision du 3 février 2011, a en outre droit à des dépens, conformément à l’art. 429 al. 1 let. a CPP. L’intervention du conseil s’est limitée à la rédaction de la demande de révision. Vu l'ampleur et la complexité de la cause, les dépens doivent être arrêtés à 1'200 fr. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8e0a92f9-c1f0-44e3-b663-01d826c4691e | En fait :
A.
Par jugement du 18 avril 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a rejeté l'appel de Q._ (I); confirmé le prononcé rendu le 18 octobre 2010 par la Préfecture de Lausanne (Il); dit que le dossier est retourné à la Préfecture de Lausanne (III) et mis les frais de tribunal, par 700 fr., à la charge du condamné (IV).
B.
Le 2 mai 2011, Q._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d’appel motivée du 24 mai 2011, l’appelant a conclu à l’admission de son appel et à sa libération de l’infraction prévue à l’art. 91 LCR, les frais de l’ensemble de la procédure étant laissés à la charge de l’Etat. Il a produit un onglet de pièces sous bordereau.
Par courrier du 6 juin 2011, la direction de la procédure a fixé au prévenu un délai au 20 juin suivant pour déposer un mémoire motivé. Q._ a d’autre part été informé que l'appel ressortissait à la compétence d'un juge unique et serait traité en procédure écrite. Le 20 juin 2011, l’appelant a confirmé les conclusions prises dans sa déclaration du 24 mai 2011.
Dans le délai imparti, le Ministère public a indiqué renoncer à consulter le dossier et à déposer des déterminations.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Le 26 juillet 2010 à 1 h 45, à Lausanne, Q._ a été interpellé dans le cadre d'un contrôle général alors qu'il circulait au volant de son véhicule. Il a été soumis à une procédure de contrôle de son alcoolémie, soit deux tests à l'éthylomètre portatif. Le premier, à 1 h 50, a révélé une alcoolémie de 0,52 ‰ et le second, pratiqué à 1 h 52, une alcoolémie de 0,50 ‰. Q._ a signé le formulaire de reconnaissance du résultat de l'air expiré, attestant en particulier ne pas avoir consommé de boissons alcoolisées moins de vingt minutes avant le premier test et prenant acte de la suspension de son droit de conduire pour une durée de deux heures.
2.
Le 31 juillet 2010, Q._ a été dénoncé à la Préfecture de Lausanne. Par prononcé sans citation du 10 septembre 2010, le prénommé a été condamné à une amende de 600 fr., ainsi qu'aux frais, par 100 fr., pour ivresse au volant non qualifiée.
L’intéressé en a requis le réexamen par lettre du 22 septembre 2010.
3.
Par prononcé du 18 octobre 2010, Q._ a été condamné à une amende de 300 fr., ainsi qu'aux frais, par 100 fr., pour ivresse au volant non qualifiée. Le préfet, considérant qu'il y avait une disproportion entre le montant de l'amende et le fait que le taux d'alcool se situait à la limite a ramené le montant de l'amende à 300 francs.
4.
Q._ a fait appel de cette décision par acte du 26 octobre 2010. A l'audience du 18 avril 2011, le prénommé a contesté la validité des résultats des tests à l'éthylomètre. | En droit :
1.
Un appel formé contre un prononcé préfectoral rendu avant l'entrée en vigueur, le 1
er
janvier 2011, du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (ci-après : CPP, RS 312.0) relève de l’ancien droit (art. 453 al. 1 et 455 CPP). Etaient donc applicables à la procédure devant le tribunal de police les dispositions du Code de procédure pénale vaudois du 12 septembre 1967 (CPP-VD), abrogé au 31 décembre 2010, quand bien même l’audience a eu lieu en 2011.
L’appel à la cour de céans est néanmoins ouvert nonobstant que l’ancienne loi vaudoise du 18 novembre 1969 sur les contraventions (LContr, RSV 312.11), en vigueur jusqu’au 31 décembre 2010, excluait tout recours cantonal contre les jugements statuant sur des contraventions de droit fédéral, d’autant que les voies de l’appel ont été indiquées au justiciable, même s’il était en l’espèce assisté.
2.
Interjeté en temps utile, l’appel satisfait en outre aux exigences de motivation prévues à l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, de sorte qu’il est recevable en la forme.
3.
S’agissant d’un appel dirigé contre une contravention, la procédure applicable est écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressortit à la compétence d’un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise du 19 mai 2009 d’introduction du Code de procédure pénale suisse, RSV 312.01]).
3.1
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l’état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22-23 ad art. 398 CPP).
3.2
En l’espèce, il n’est pas contesté que seule une contravention à la législation routière a fait l’objet de l’accusation et du jugement de première instance, de sorte que l’appel est restreint. Les pièces produites avec la déclaration d’appel peuvent être maintenues au dossier, dès lors qu’elles ne concernent que la procédure formelle d’appel (jugement attaqué, annonce d’appel, enveloppe d’envoi et procuration).
4.
L’appelant ne remet pas en cause l’état de fait retenu. Il soutient en revanche que le jugement attaqué est juridiquement erroné. Selon lui, en considérant qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte, au moment du jugement, d’une marge d’erreur de 0,05 ‰ sur les valeurs mesurées à l’éthylomètre compte tenu de l’art. 20 OOCCR-OFROU, le premier juge a confondu entre les prescriptions techniques relatives aux mesures avec éthylomètre et les règles d’appréciation des preuves. Le résultat auquel il a abouti, en procédant de la sorte, constitue une violation de la présomption d’innocence et du principe in dubio pro reo.
4.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, également garantie par l'art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), l’art. 6 par. 2 CEDH (Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, RS 0.101) et l’art. 14 al. 2 Pacte ONU II (Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques, RS 0.103.2), , 6 par. 2 CEDH et 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge pénal ne peut pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé s'il existe, sur la base d'un examen objectif de la situation, des doutes quant à l'existence de ce fait. La présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent pas à exclure une condamnation. Il doit s'agir au contraire de doutes sérieux et irrépressibles (ATF 124 IV 86 c. 2a; 120 Ia 31 c. 2c).
En matière d’appréciation des preuves et d’établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l’autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu’elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (Kistler Vianin, op. cit., n. 28 ad art. 398 CPP). L’appréciation des preuves est en particulier arbitraire lorsque le juge de répression n’a manifestement pas compris le sens et la portée d’un moyen de preuve, s’il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d’un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 136 III 552 c. 4.2; TF 1C_517/2010 du 7 mars 2011 c. 2.1).
4.2
L’art. 91 al. 1 LCR (loi fédérale sur la circulation routière, RS 714.01) dispose que "
quiconque a conduit un véhicule automobile en état d’ébriété est puni de l’amende. La peine sera une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire lorsque le taux d’alcoolémie est qualifié (art. 55 al. 6)
". L’art. 55 aI. 6 LCR délègue à l’Assemblée fédérale la compétence de fixer dans une ordonnance le "
taux d’alcoolémie à partir duquel les conducteurs sont réputés être dans l’incapacité de conduire au sens de la présente loi (état d’ébriété) indépendamment de toute autre preuve et du degré de tolérance individuelle à l’alcool
". Par ordonnance concernant les taux d'alcoolémie limites admis en matière de circulation routière du 21 mars 2003 (RS 741.13), l’Assemblée fédérale a arrêté ce qui suit, sous le titre "
incapacité de conduire
" : "
Un conducteur est réputé incapable de conduire lorsqu’il présente un taux d’alcoolémie de 0,5 gramme pour mille ou plus ou que son organisme contient une quantité d’alcool entraînant un tel taux d’alcoolémie (état d’ébriété)
".
Conformément aux art. 55 al. 7 let, b et 106 al. 1 LCR, le Conseil fédéral arrête les prescriptions nécessaires à l’application de cette loi et désigne les autorités fédérales compétentes pour son exécution. Il peut autoriser l’Office fédéral des routes à régler les modalités.
En application de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté une ordonnance sur le contrôle de la circulation routière (ci-après : OCCR, RS 741.013). Cette dernière règle les contrôles de la circulation ainsi que les mesures, les communications et les relevés statistiques qu’ils impliquent (art. 1 OCCR). Conformément à l’art. 9 al. 2 OCCR, pour les contrôles effectués à l’aide de moyens techniques, I’OFROU (soit : l’Office fédéral des routes) fixe, en accord avec l’Office fédéral de métrologie, les modalités d’exécution et la procédure qui s’y rapporte (let. a), ainsi que les exigences liées aux systèmes et aux genres de mesures et les marges d’erreur inhérentes aux appareils et aux mesures (let. b).
L’art. 11 al. 1 OCCR prévoit que le contrôle effectué au moyen de l’éthylomètre peut avoir lieu au plus tôt 20 minutes après la dernière consommation d’alcool (let. a) ou après que la personne contrôlée s’est rincée la bouche, conformément aux indications éventuelles du fabricant de l’appareil (let. b). Aux termes de l’art. 11 al. 2 OCCR, les contrôles doivent être effectués au moyen d’éthylomètres qui permettent des mesures dans une fourchette correspondant à un taux d’alcool dans le sang de 0,10 à 3,00 pour mille (let. a), qui permettent des mesures d’une précision de 0,05 pour mille dans une fourchette correspondant à un taux d’alcool dans le sang de 0,02 à 1,00 pour mille (let. b) et qui convertissent le taux d’alcool mesuré dans l’haleine (mg/l) avec un facteur de 2000 en taux d’alcool dans le sang (g/kg) (let. c). Enfin, l’art. 11 al. 4 OCCR dispose qu’il y a lieu d’effectuer deux mesures. Si elles divergent de plus de 0,10 pour mille, il convient de procéder à deux nouvelles mesures.
L’OFROU, en exécution de l’art. 9 al. 2 OCCR précité, a édicté une ordonnance concernant l’ordonnance sur le contrôle de la circulation routière (ci-après : OOCCR-OFROU, RS 741 .01 3.1) qui contient les dispositions d’exécution de I’OCCR (art. 1 OOCCR-OFROU). L’art. 20 de cette ordonnance dispose qu’aucune déduction ne sera faite aux valeurs mesurées à l’aide de l’éthylomètre.
4.3
En l’espèce, il n’est pas contesté que la dernière consommation d’alcool de Q._ a eu lieu plus de vingt minutes avant le premier test. Dans ces conditions, il n’y avait pas lieu de demander à l’intéressé de se rincer la bouche. Le premier juge a apprécié ce premier élément de façon correcte, ce que l’appelant ne conteste d’ailleurs pas, tout comme le fait qu’il n’y avait pas lieu à plus de deux mesures compte tenu de l’écart inférieur à 0,10 pour mille entre les mesures effectuées.
4.3.1
L’appelant, comme déjà indiqué (cf. supra c. 4), considère que la différence de 0,02 pour mille entre les deux mesures effectuées au moyen d’un éthylomètre par la police s’explique notamment en raison de l’imprécision de l’appareil utilisé et de la marge d’erreur tolérée par la loi à l’égard des éthylomètres, laquelle est au maximum de 0,05 pour mille. Selon lui, une troisième mesure aurait éventuellement pu relever un taux de 0,47 pour mille puisque l’on se trouverait précisément dans la fourchette prévue par l’OCCR. Enfin, il soutient que le premier juge n’aurait pas du écarter cette éventualité et, au bénéfice du doute, admettre à l’issue du processus d’administration des preuves, qu’il y avait lieu de l’acquitter.
4.3.2
Dans la décision attaquée, le premier juge a tenu compte de l’ensemble des dispositions légales rappelées plus haut. Contrairement à ce que soutient l’appelant, il n’a pas confondu entre des prescriptions techniques relatives à des mesures avec éthylomètre et les règles d’appréciation des preuves. Au contraire, il a correctement interprété les normes légales susmentionnées.
L'appelant sollicite de manière insoutenable l’art. 11 al. 2 let. b OCCR en faisant valoir que cette disposition impliquerait une marge d’erreur tolérée de 0,05 pour mille qui devrait être déduite des mesures effectuées par l’éthylomètre. Le premier juge s’est prononcé sur cette question (jgt, pp.5-6, c. 4).
Il sied de souligner que les prescriptions de l’art. 11 OCCR définissent les modalités du contrôle au moyen d’un éthylomètre, ainsi que les exigences techniques requises d’un tel instrument. Dès lors qu’il remplit ces dernières - le contraire n’étant d'ailleurs pas soutenu en l’espèce - et qu’il s’agit d’un instrument étalonné (art. 17 al. 1 OOCCR-OFROU) utilisé de façon conforme aux modalités fixées à l’art. 11 al. 1 OCCR, il n’y a pas lieu d’opérer une quelconque déduction aux valeurs mesurées à l’aide de cet instrument. C’est d’ailleurs ce que prescrit explicitement l’art. 20 OOCCR-OFROU.
Compte tenu de ce qui précède, le premier juge a procédé à une appréciation non abusive des preuves et n’a pas violé le droit. La jurisprudence neuchâteloise de 2005 (CCP.2005.86 du 09.10.2006) citée par l’appelant dans son mémoire ne lui est d’aucun secours en l’espèce. Depuis cette décision, les normes légales ont été modifiées (en particulier les art. 130 à 140 let. c de l'ordonnance réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière [RS 741.51], sur lesquels cet arrêt se fondait, ont été abrogés) et complétées par l’adoption de l’OCCR, entrée en vigueur le 1
er
janvier 2008. Cette ordonnance répond de surcroît aux questions restées sans réponse dans cet arrêt. De plus, il n'y a pas lieu de s'éloigner du texte clair de l’art. 20 OOCCR-OFROU.
5.
Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’appel ne peut être que rejeté et le jugement attaqué confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de procédure seront supportés par l’appelant (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8e0bdb17-469d-4fdc-be5e-aea8f4ca8478 | En fait :
A.
Par jugement du 8 mai 2015, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté qu’O._ s’est rendu coupable d’escroquerie, d’abus de confiance, de faux dans les titres, de gestion fautive, d’infraction à l’art. 87 al. 3 LAVS et d’infraction à l’art. 76 al. 3 LPP (I), l’a condamné à 20 mois de peine privative de liberté, sous déduction de 85 jours de détention avant jugement (II), a renoncé à révoquer le sursis accordé le 5 juin 2007 par le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois (III), a admis partiellement les conclusions civiles prises par G._SA et dit qu’O._ est son débiteur de la somme de 8'750 fr. à titre d’indemnité de l’art. 433 CPP (IV), a donné acte pour le surplus de ses réserves civiles à G._SA (V), a donné acte de leurs réserves civiles à la Caisse AVS de la Fédération patronale vaudoise, à C._ et à L._ (VI), a statué sur les séquestres (VII à IX) et a statué sur l’indemnité du défenseur d’office et sur les frais (X et XI).
B.
Le 13 mai 2015, O._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel du 22 juin 2015, il a conclu, sous suite de frais et dépens, à sa libération des infractions
d'escroquerie, d'abus de confiance, de faux dans les titres et de gestion fautive, à sa condamnation à une peine pécuniaire, subsidiairement à une peine privative de liberté de six mois au plus, en tous les cas assortie du sursis, au rejet des
conclusions civiles et de la conclusion en indemnité prises par G._SA
ainsi qu’
à la suppression ou la réduction des frais de justice mis à sa charge. Il a en outre présenté plusieurs réquisitions de preuve.
Par courrier du 28 août 2015, le Président de céans a rejeté les réquisitions de preuves formulées par l’appelant.
Le 13 novembre 2015, G._SA a conclu au paiement par O._ de la somme de 2'000 fr. à titre d’indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure de deuxième instance.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
O._ est né le 25 avril 1969 à Morges. Il est marié avec une ressortissante brésilienne avec laquelle il a une fille âgée de huit ans. Son épouse a en outre la charge d’un autre enfant, né d’une première union. Sa famille est venue le rejoindre en Suisse au mois de mai 2015. Ils vivent à [...].
Le prévenu a une formation de comptable et d’employé de commerce. Au fil de sa carrière, il a alternativement travaillé comme employé et comme indépendant. Il a notamment administré et dirigé une entreprise de produits alimentaires pour établissements publics jusqu’à la faillite de celle-ci en 2002. Par la suite, il a travaillé comme comptable salarié au service de la société S._SA où les relations de travail se sont terminées par la fuite du prévenu au Brésil durant près de deux mois et demi ensuite de malversations au détriment de son employeur pour lesquelles il a été condamné le 5 juin 2007. Il a ensuite travaillé auprès d’un institut de sondage genevois, auprès de la société [...], auprès de différentes fiduciaires dans la région de Lausanne, puis comme responsable de J._SA. Depuis le 2 février 2014, il est collaborateur à plein temps au service de la société [...], à [...], en tant que responsable financier et ressources humaines. Il réalise un revenu mensuel net de 7'264 francs. Il fait l’objet d’une saisie de salaire, qui selon le calcul du minimum vital établi par l’Office des poursuites du canton du Jura, se monte à 1'000 francs (P. 247).
Sa carrière professionnelle a été entrecoupée de plusieurs séjours de durées variables au Brésil. Ces séjours s’expliquent notamment par le fait qu’il a successivement épousé deux ressortissantes brésiliennes. Il a fui à deux reprises les difficultés qu’il rencontrait en Suisse pour aller vivre au Brésil, la seconde fuite ayant eu lieu dans le cadre de la présente affaire. Les deux fois, le prévenu a finalement dû se résoudre à revenir en Suisse, faute de ressources et de perspectives de vie dans le pays de son épouse.
Son casier judiciaire suisse comporte les inscriptions suivantes :
-
24 juin 2005, Tribunal militaire 1, Berne, insoumission et absence injustifiée, inobservation de prescriptions de service, emprisonnement de 20 jours, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 2 ans ;
-
5 juin 2007, Tribunal correctionnel de La Broye et du Nord vaudois, escroquerie, faux dans les titres, abus de confiance, peine privative de liberté de
20 mois, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 5 ans ;
-
29 mai 2008, Juge d’instruction de Lausanne, violation grave des règles de la circulation routière, peine pécuniaire de 10 jours-amende à 90 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 2 ans ;
-
13 décembre 2011, Direction générale de l’administration fédérale des douanes, infraction à la loi fédérale sur les douanes (soustraction douanière, circonstances aggravantes), soustraction de l’impôt selon la LTVA, amende de
5'000 francs.
Dans le cadre de la présente affaire, O._ a été détenu provisoirement du 13 décembre 2012 au 7 mars 2013.
2.
O._ et A.Z._ se connaissaient depuis plusieurs années, lorsqu’en 2009 ils ont évoqué les perspectives de reprise d’une société R._SA, dont ce dernier était administrateur. Au printemps 2010, à la suite de discussions entre les deux hommes, O._ a décidé de se lancer dans le commerce de produits carnés, au travers d’une nouvelle raison sociale. Pour ce faire, il a bénéficié du support de A.Z._, lequel l’a mis en relation avec son père B.Z._ et avec la société G._SA, dont ce dernier était administrateur, qui était notamment spécialisée dans le financement et le développement d’activités industrielles et commerciales. Les Z._ ont mis à disposition d’O._ une société dormante qu’ils détenaient, K._SA, dont la raison sociale est devenue J._SA. G._SA a en outre mis à la disposition de J._SA un crédit de 430'000 fr., destiné à servir de fonds de roulement, ainsi qu’un capital-actions de 100'000 francs. En outre, pour démarrer l’activité de la nouvelle société, O._ a pu compter sur les infrastructures de R._SA, qui était déjà en difficultés et que A.Z._ souhaitait liquider. De la sorte, J._SA disposait dès sa création, en avril 2010, d’un fichier clients, de locaux adaptés, du personnel nécessaire et du matériel requis.
O._ est ainsi devenu directeur et administrateur de J._SA, mais le capital-actions est demeuré en mains du prêteur G._SA.
Une vente à tempérament de J._SA à O._ par G._SA a par ailleurs été évoquée au début de la relation décrite ci-dessus, mais rien n’a été concrétisé.
Par SMS daté du 2 août 2011, O._ a avisé un des employés de J._SA qu’il démissionnait de son poste. Il a pris l’avion pour le Brésil avec sa famille. J._SA a été déclarée en faillite le 1
er
septembre 2011, faillite clôturée le 4 juin 2012.
2.1
En juillet 2010, O._, qui se faisait fréquemment passer pour le propriétaire de J._SA aux yeux des employés de cette société, a vendu à L._ 10 % du capital-actions de cette entité, recevant en contrepartie, respectivement les 7 et 9 juillet 2010, les sommes de 10'000 fr. et 50'000 francs. En réalité, les actions appartenaient en totalité à G._SA et non au prévenu. Ce dernier avait d’ailleurs prié L._ de garder le secret sur son investissement. O._ a utilisé les fonds confiés par L._ à d’autres fins que celles convenues, à savoir essentiellement en achetant de la marchandise au profit de J._SA.
Le 8 août 2011, L._ a déposé plainte pénale.
2.2
Pour financer sa fuite et celle de sa famille au Brésil, en août 2011, O._ a prélevé le 27 juillet 2011 le montant de 28'500 fr. sur le compte bancaire ouvert par J._SA auprès de la [...] laissant un solde de 58 fr. 43 sur ce compte.
Le 18 août 2011, la société G._SA a déposé plainte pénale.
2.3
Dès le début de l’activité de J._SA et ce jusqu’au départ d’O._ au début du mois d’août 2011, la comptabilité de la société a été tenue de manière lacunaire et ce, à tel point qu’il a été impossible d’en établir la situation financière réelle. De nombreuses pièces justificatives n’ont pas été retrouvées. En outre, certaines opérations en espèces n’ont pas été entrées dans le journal de caisse et n’ont donc pas été comptabilisées. De surcroît, les comptes de J._SA au 31 décembre 2010, tels que signés par O._, étaient erronés et ce à plusieurs titres. Ainsi, les deux postes « emprunts » et « emprunts à long terme » étaient clairement sous-évalués si l’on tient compte, en sus des crédits octroyés par G._SA, des montants avancés par O._ au travers des sommes remises notamment par L._. A cela s’ajoute que des montants encaissés en espèces n’ont pas été comptabilisés et que le poste « débiteurs » ne correspondait pas à la réalité.
Les reproches faits à O._ quant à la tenue déficiente de la comptabilité ont été confirmés par une expertise comptable réalisée par la fiduciaire [...], à Nyon, laquelle a rendu son rapport le 17 mai 2013 (P. 139), ainsi qu’un rapport complémentaire le 28 janvier 2014 (P. 181).
2.4
La gestion opérée par O._ s’est avérée calamiteuse, tant sur les plans organisationnel que financier. Au niveau financier, l’accusé a notamment engagé du personnel en trop grand nombre et l’a rémunéré avec excès et ce quand bien même il devait sans cesse recourir à des financements externes pour couvrir les charges de l’entreprise. Ce faisant, O._ a d’ailleurs outrepassé ses compétences dans la mesure où, concrètement, il a engagé seul la société, alors qu’il ne disposait formellement que d’une signature collective à deux. Au plan organisationnel, l’encaissement des factures, notamment, et la gestion des stocks sont demeurés au stade de l’amateurisme. Toutes ces négligences ont conduit J._SA à la faillite pour un montant de 2'302'974 francs.
2.5
Depuis le début de son activité, J._SA était affiliée à la Caisse AVS de la Fédération patronale vaudoise. Dans ce cadre, O._ a fait procéder aux retenues obligatoires concernant la part à payer par les employés. Alors que 33'047 fr. 05 ont été retenus à ce titre, seuls 15'096 fr. 40 ont été versés comme acomptes. Au total, en prenant en considération les frais de poursuite avancés par la Caisse, un montant de 18'997 fr. 50 n’a pas été reversé à la Fédération patronale vaudoise.
La Caisse AVS de la Fédération patronale vaudoise a déposé plainte pénale le 11 octobre 2013.
2.6
Depuis le début de son activité, J._SA était affiliée à la Fondation collective de prévoyance du personnel [...]. Dans ce cadre, O._ a fait procéder aux retenues obligatoires concernant la part à payer par les employés. Il a ainsi prélevé un montant total de 45'268 fr., qui n’a pas été reversé à la Fondation collective de prévoyance du personnel. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d’O._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L’appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d’appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L’appel tend à la répétition de l’examen des faits et au prononcé d’un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L’immédiateté des preuves ne s’impose toutefois pas en instance d’appel. Selon l’art. 389 al. 1 CPP, la procédure d’appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d’appel administre, d’office ou à la demande d’une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 consid. 3.1).
3.
L’appelant invoque une constatation erronée des faits. Il s’en prend au préambule de l’acte d’accusation, repris dans le jugement attaqué, dont il conteste plusieurs points. Il soutient que ce ne serait pas lui mais A.Z._ qui lui aurait proposé de reprendre R._SA et qui, après un premier refus, lui aurait mis à disposition K._SA transformée ultérieurement en J._SA. A.Z._ aurait tout organisé, sans ignorer l'inexpérience de l'appelant en matière de commerce de viande, activité réputée difficile, son objectif étant de vendre cette société 1'000'000 fr. à l'appelant, soit le montant déboursé par B.Z._. Enfin, l’appelant explique que ce serait encore A.Z._ qui avait choisi les employés, en particulier ceux venant de R._SA, comme la comptable Mme K._, le boucher X._ ayant été engagé d'entente avec les Z._.
3.1
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
L'appelant tente ainsi d'établir que les initiatives et décisions venaient de A.Z._, que celui-ci aurait dû informer son père de l'incompétence de l'appelant en matière de commerce de viande et que la société était de fait administrée, du moins en partie, par A.Z._.
Toutefois, l'appelant se contente d'affirmer sa propre version des faits sans exposer sur la base de quelles preuves les corrections qu'il présente devraient être effectuées. Il se borne en effet à faire une référence vague à l'audition de confrontation avec A.Z._ et son père du 5 février 2013
(PV aud. 14, lignes 195 à 204), ainsi qu'à l'audition de ce dernier à l'audience de jugement (jgt., p. 14), qui a évoqué un ou deux entretiens avec son fils et l’appelant au sujet de la gestion courante. Contrairement à ce que semble invoquer l’appelant, il ne ressort pas de ces auditions que A.Z._ ou le père de celui-ci connaissaient son manque de qualifications.
De plus, dans la mesure où il ne s'agit pas de remise en question d'éléments constitutifs d'infractions ou intéressant d'autres points du dispositif du jugement, mais d'une simple mise en perspective permettant de comprendre le contexte des infractions, on ne discerne pas la pertinence du moyen.
Mal fondé, ce grief doit être rejeté.
4.
L’appelant conteste s’être rendu coupable d’escroquerie à l’encontre de L._.
4.1
Aux termes de l’art. 146 CP, se rend coupable d’escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers.
4.2
4.2.1
L'escroquerie suppose donc une tromperie. Elle peut consister soit à induire la victime en erreur, par des affirmations fallacieuses ou la dissimulation de faits vrais, soit à conforter la victime dans son erreur. Il y a donc tromperie au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur affirme un fait faux, lorsqu'il dissimule un fait vrai ou encore lorsqu'il raffermit la victime dans son erreur, c'est-à-dire lorsque, par des paroles ou par des actes, il lui montre qu'elle est dans le vrai alors qu'en réalité elle se trompe. Pour qu'il y ait tromperie par des affirmations fallacieuses, il faut que l'auteur ait affirmé un fait dont il connaissait la fausseté. Cette affirmation peut résulter de n'importe quel acte concluant. Il n'est donc pas nécessaire que l'auteur ait fait une déclaration. Il suffit qu'il ait adopté un comportement dont on déduit qu'il affirme un fait. S'agissant de la tromperie par dissimulation de faits vrais, la question est plus délicate de savoir s'il suffit que l'auteur – sous réserve des cas où il avait, en vertu de la loi, d'un contrat ou d'un rapport de confiance spécial l'obligation de le faire – se soit borné à ne pas révéler spontanément la vérité. La tromperie par dissimulation de faits vrais est cependant réalisée lorsque l'auteur s'emploie, par ses propos ou par ses actes, à cacher la réalité. Quant au troisième comportement prévu par la loi, consistant à conforter la victime dans son erreur, il ne suffit pas que l'auteur, en restant purement passif, bénéficie de l'erreur d'autrui. Il faut que, par un comportement actif, c'est-à-dire par ses paroles ou par ses actes, il ait confirmé la dupe dans son erreur. Cette hypothèse se distingue des deux précédentes en ce sens que l'erreur est préexistante (cf. Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2002, n. 1 ss, p. 300 ss ; Stratenwerth, Besondere Teil I, 8e éd., Berne 1995, n. 5 ss, p. 315 ss ; Rehberg/Schmid/Donatsch, Strafrecht III, 8e éd., Zurich 2003, p. 181 ss ; JT 2014 IV 227 consid. 2.1.).
4.2.2
En l’espèce, il ressort de l’audition du 13 décembre 2012 qu’à la question est-il exact qu’il avait déclaré à son personnel, en 2010 déjà, que J._SA lui appartenait, l’appelant a expressément répondu : « Oui, mais sur ordre de M. A.Z._. L'endroit où se trouvait J._SA était les mines de R._SA. Il ne fallait pas que le lien soit fait entre R._SA et J._SA du fait que M. A.Z._ fils avait mauvaise réputation dans le secteur de la viande » (PV aud. 13, p. 4). En outre, l’appelant a déclaré à L._ qu’il
était le propriétaire de la société, ce que pensaient également les autres employés (PV aud. 15, pp. 2s.). Quant aux tractations d’O._ avec les Z._, il avait indiqué à L._ qu'il avait acheté la société, mais qu'il n'en avait pas encore payé toutes les dettes et qu'il devait encore de l'argent à A.Z._ (ibidem).
En outre, l
ibellée à la main sur le papier à en-tête de J._SA, la quittance établie et signée à Lausanne le 7 juillet 2010 par O._ a la teneur suivante : «
Je, soussigné, confirme avoir reçu la somme de CHF 10'000.- (dix mille francs suisses) pour acompte sur l'achat des actions « J._SA» à hauteur de 10 % pour 60'000 CHF » (P. 13/3). La quittance du 9 juillet 2010, dactylographiée et signée par l’appelant, a le contenu suivant : « Je, soussigné, déclare avoir reçu la somme de CHF 50'000.- (cinquante mille francs) de L._ pour le paiement du solde de l'achat des actions de J._SA à hauteur de 10 % de capital. Les actions papiers correspondant à 10 % du capital seront remise au plus tard le jeudi 15 juillet 2010 à L._ » (P. 13/2).
Au regard de ces éléments, il est manifeste que l’appelant a activement trompé son cocontractant par ses déclarations, son comportement et ses quittances ou à tout le moins l'a conforté dans son erreur en lui vendant sans condition ni réserve des actions qui ne lui appartenaient pas et dont il n'avait pas le pouvoir de disposer, en en encaissant le prix et en le dépensant.
4.3
4.3.1
L'escroquerie suppose également une astuce. Celle-ci
est réalisée lorsque l'auteur recourt à des manœuvres frauduleuses, à une mise en scène comportant des documents ou des actes ou à un échafaudage de mensonges qui se recoupent de façon si raffinée que même une victime critique se laisserait tromper (ATF 126 IV 165 consid. 2a). Une tromperie portant sur la volonté d'exécuter une prestation n'est pas astucieuse dans tous les cas, mais uniquement lorsque la vérification de la capacité d'exécution n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut être raisonnablement exigée. Il y a également astuce si l'auteur conclut un contrat en ayant d'emblée l'intention de ne pas fournir sa prestation, alors que cette intention n'est pas décelable (cf. ATF 125 IV 124 consid. 3a ; ATF 118 IV 359 consid. 2).
L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait escroquerie, que la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence et qu'elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles ; la question n'est donc pas de savoir si elle a fait tout ce qu'elle pouvait pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que lorsque la dupe est coresponsable du dommage parce qu'elle n'a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s'imposaient (ATF 128 IV 18 consid. 3a ; 126 IV 165 consid. 2a).
4.3.2
En l’espèce, l’appelant a exploité les rapports de confiance existant entre lui et L._, originaire de Macédoine, noués d’abord dans le cadre du contrat de mandat fiduciaire entre un mandant inexpérimenté et un mandataire compétent lorsque le plaignant avait tenté, sans succès de se mettre à son compte (P. 13), puis dans le cadre des rapports de travail, contemporains à la vente, soit une relation d'employé à employeur, L._ ayant été engagé comme chauffeur-livreur au service de J._SA par l’appelant (P. 13 et 13/7), voire d'amitié, ce dernier disant lui-même qu'il considérait le plaignant comme un ami (PV aud. 13, p. 13 in fine). En outre, l’appelant avait donné la consigne à L._ de garder le secret sur la transaction (PV aud. 13, p. 9), car si la nouvelle de cette vente d'actions entre les intéressés s'était propagée, son caractère frauduleux serait rapidement apparu. Cette consigne visait ainsi à éviter que la dupe accède à l'information que le vendeur ne disposait pas des actions promises. Pour convaincre L._, l’appelant a eu recours à des écrits, les quittances comportant, s'agissant de la deuxième, un faux engagement de remise d'actions à court terme et donnant toutes deux une fausse impression de sécurité. Enfin, l’appelant avait promis au plaignant de concrétiser toute l'opération par des écrits notariés à bref délai, assurance censée endormir la méfiance et tranquilliser la dupe quant à l'honnêteté et la régularité de la transaction.
Partant, au vu de l’ensemble de ces éléments, l’élément constitutif de l’astuce est pleinement réalisé.
4.4
4.4.1
Du point de vue subjectif, l’auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d’enrichissement illégitime, un résultat correspondant n’étant cependant pas une condition de l’infraction (ATF 134 IV 210 consid. 5.3 ; ATF 119 IV 210 consid. 4b). Le dol éventuel suffit.
4.4.2
En l’espèce, l’appelant a encaissé sans cause légitime un montant de 60'000 fr. sans contrepartie. Il savait, lors des deux encaissements, puis en consommant cet argent, qu’il ne disposait pas des actions de la société promises au plaignant, que si des discussions sur leur vente avaient eu lieu celles-ci n’avaient pas abouti et qu’il n’avait pas les fonds nécessaires. Par ailleurs, l’affectation de la somme de 60'000 fr. dans la société n’est pas décisive, l’escroquerie pouvant, selon sa définition légale, être accomplie dans le dessein de procurer un enrichissement illégitime à un tiers.
L’intention, à tout le moins par dol éventuel, ainsi que le dessein d’enrichissement illégitime sont dès lors établis.
4.5
Sur le vu de ce qui précède, les éléments constitutifs de l’infraction d’escroquerie sont pleinement réalisés et les moyens soulevés par l’appelant doivent par conséquent être rejetés.
5.
L’appelant conteste s’être rendu coupable d’abus de confiance. Il soutient qu’il n’était pas animé d'un dessein d'enrichissement illégitime lorsqu’il a prélevé le solde de caisse d’un montant de 28'500 fr. dès lors qu'il a opéré une compensation entre les trois mois d'honoraires que la société lui devait à concurrence de 28'000 fr. et qu'il a remis les 500 fr. prélevés à un collaborateur de la société.
5.1
Commet un abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers, des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées. Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime. Celui qui dispose à son profit ou au profit d'un tiers d'un bien qui lui a été confié et qu'il s'est engagé à tenir en tout temps à disposition de l'ayant droit s'enrichit illégitimement s'il n'a pas la volonté et la capacité de le restituer immédiatement en tout temps. Celui qui ne s'est engagé à tenir le bien confié à disposition de l'ayant droit qu'à un moment déterminé ou à l'échéance d'un délai déterminé s'enrichit illégitimement que s'il n'a pas la volonté et la capacité de le restituer à ce moment précis (ATF 118 IV 27 consid. 3a). Le dessein d'enrichissement illégitime fait en revanche défaut si, au moment de l'emploi illicite de la valeur patrimoniale, l'auteur en paie la contre-valeur (cf. ATF 107 V 166 consid. 2a), s'il avait à tout moment ou, le cas échéant, à la date convenue à cet effet, la volonté et la possibilité de la faire (« Ersatzbereitschaft » ; ATF 118 IV 32 consid. la) ou encore s'il était en droit de compenser (ATF 105 IV 39 consid. 3a). Le dessein d'enrichissement peut être réalisé par dol éventuel ; tel est le cas lorsque l'auteur envisage l'enrichissement comme possible et agit néanmoins, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 105 IV 29 consid. 3a).
C'est à l'auteur qui nie tout dessein d'enrichissement illégitime et qui veut faire valoir sa volonté de compenser de prouver qu'il s'est approprié la chose (ou la valeur patrimoniale) pour se payer ou pour tenter de se payer lui-même (SJ 1996 p. 482, FJS 953 p. 10).
5.2
En l'espèce, le fondement même de la prétendue créance en honoraires de l'appelant n'est pas établi. On ne dispose que de ses propres déclarations non étayées selon lesquelles il aurait accepté un mandat de A.Z._ consistant à travailler comme indépendant pour R._SA contre une rémunération mensuelle de 7'000 fr., complétée par des honoraires pour tenir la comptabilité (PV aud. 14, pp. 3 et 4). Aucune déclaration du cocontractant ne confirme ces mandats. Selon le registre du commerce, O._ était administrateur président de J._SA (P. 4/4). Il a par ailleurs indiqué ou laissé entendre que les 5'000 fr. pour prestations de fiduciaire devaient aller à un certain M._ (PV aud. 14, p. 12 ; PV aud. 25, p. 1). A l'époque du prélèvement, il n'a fait aucune déclaration de compensation contrairement à ce que prévoit l'art. 124 al. 1 CO. La comptabilité fragmentaire ne comporte du reste pas de documentation des prélèvements allégués, l'absence de comptabilisation ou des pièces justificatives pouvant constituer, selon la jurisprudence, l'indice de prélèvements effectués au gré de besoin d'argent et non en fonction de l'activité déployée au service d'un mandant (SJ 1996 p. 482). Le rapport des experts comptables se borne à dire que la prétention en honoraires d’O._ repose sur ses seules déclarations, aucun contrat ni note d'honoraires n’ayant été retrouvé (P. 139/1, p. 2 in fine). Les experts ont ensuite fait une estimation du fonds de caisse en tenant compte du salaire hypothétique indiqué par l'appelant (P. 181, p. 3 in fine). Contrairement à ce que soutient l’appelant, on ne peut donc en tirer ni que ces honoraires étaient dus, ni qu'ils n'avaient pas été prélevés chaque mois durant le trimestre précédant le départ précipité au Brésil au début du mois d’août 2011. Enfin, les circonstances mêmes du prélèvement, soit le fait de vider un compte au moment de prendre la fuite à l'étranger, renforcent la conviction qu'il s'agissait bien d'un enrichissement illégitime.
En définitive, l'appelant ne rend aucunement vraisemblable qu’il aurait prélevé des honoraires pour des prestations qui devaient lui être rémunérées.
6.
L’appelant conteste avoir commis un faux dans les titres.
6.1
Aux termes de l’art. 251 al. 1 CP, celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre, sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Sont notamment des titres tous les écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique (cf. art. 110 ch. 4 CP). L'art. 251 CP vise non seulement le faux matériel, qui consiste dans la fabrication d'un titre faux ou la falsification d'un titre, mais également le faux intellectuel, soit la constatation d'un fait inexact, en ce sens que la déclaration contenue dans le titre ne correspond pas à la réalité. Constitue un faux matériel un titre dont l'auteur réel ne coïncide pas avec l'auteur apparent. Le faux intellectuel vise quant à lui un titre qui émane de son auteur apparent mais qui est mensonger dans la mesure où son contenu ne correspond pas à la réalité. Un document dont le contenu est mensonger ne peut toutefois être qualifié de faux intellectuel que s'il a une capacité accrue de convaincre, parce qu'il présente des garanties objectives de la véridicité de son contenu. Il doit résulter des circonstances concrètes ou de la loi que le document est digne de confiance, de telle sorte qu'une vérification par le destinataire n'est pas nécessaire et ne saurait être exigée. Tel est le cas lorsque certaines assurances objectives garantissent aux tiers la véracité de la déclaration. Il peut s'agir, par exemple, d'un devoir de vérification qui incombe à l'auteur du document ou encore de l'existence de dispositions légales comme les art. 958 ss CO relatifs au bilan, qui définissent le contenu du document en question (TF 6B_367/2007 du 10 octobre 2007 consid. 4.2, non publié in : ATF 133 IV 303 ; TF 6S.156/2006 du 24 novembre 2006 consid. 4.1 non publié in : ATF 133 IV 36 ; ATF 132 IV 12 consid. 8.1 ; ATF 129 IV 130 consid. 2.1).
La comptabilité commerciale, avec ses diverses composantes (pièces justificatives, livres, extraits de compte, bilans ou comptes de résultat) est, en vertu de la loi (art. 957 ss CO), propre et destinée à prouver la véracité de la situation et des opérations qu'elle présente (ATF 133 IV 303 consid. 4.2 non publié ; ATF 133 IV 36 consid. 4.1 non publié ; 132 IV 12 consid. 8.1 ; 129 IV 130 consid. 2.2 et 2.3). Une comptabilité véridique est dans l'intérêt non seulement des actionnaires qui désignent le conseil d'administration et les membres de la direction, mais aussi des créanciers et, d'une manière plus générale, du public qu'elle vise à renseigner sur l'entreprise. Il y a donc faux dans les titres lorsque la comptabilité ne satisfait pas aux exigences légales requises pour assurer sa véracité et la confiance en celle-ci. Ces exigences sont formulées notamment aux art. 662a ss et 957 ss CO.
La fausse comptabilité constitue un faux intellectuel (Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 9 ad art. 251 CP et la jurisprudence citée).
Sur le plan subjectif, l'art. 251 CP exige un comportement intentionnel, le dol éventuel étant toutefois suffisant, ainsi qu'un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite. L'avantage est une notion très large ; il suffit que l'auteur veuille améliorer sa situation. Son illicéité peut résulter de la loi, du but poursuivi ou du moyen utilisé ; elle peut donc être déduite du seul fait que l'auteur recourt à un faux (TF 6B_1001/2009 du 23 avril 2010 c. 2.2.1 et les références citées).
6.2
En l’espèce, l'appelant ne conteste pas la fausseté ou du moins le caractère incomplet des documents comptables, mais il nie cependant la réalisation de l'infraction de faux dans les titres en faisant référence à l'ATF 132 IV 12 dont le considérant 9 précise que la déclaration d'intégralité adressée par le conseil d'administration à l'organe de révision n'a pas de caractère probatoire accru. Selon son raisonnement, les documents comptables étaient destinés à l'organe de révision à l'égard duquel ils ne constituaient qu'une simple allégation et, à ce stade antérieur à la révision, il ne s'agissait pas encore de titres dotés d'une valeur probante accrue.
En réalité, la jurisprudence précitée n'est pas transposable dans la présente cause. Il ne s'agissait pas d'une déclaration d'intégralité présentée par un organe à un autre, soit d'une simple allégation, mais de documents comptables dotés
ex lege
d'une valeur probante accrue à l'égard des tiers : actionnaires, créanciers et public. Quant au caractère prétendument provisoire ou partiel de ces écrits, force est de constater qu'ils ne comportent aucune réserve de cet ordre et qu'ils sont censés présenter la situation réelle de la société au bouclement d'un exercice.
Ces faux ont été présentés dans un contexte d'affaires où, d'une part, l'appelant s'efforçait de convaincre les tiers d'investir ou de financer l'achat de la société et, d'autre part, où la survie de celle-ci dépendait des montants prêtés par G._SA. En embellissant faussement la situation comptable, l’appelant a ainsi réalisé le dessein spécial énoncé à l'art. 251 CP.
Partant, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu qu’O._ s’était rendu coupable de faux dans les titres.
7.
L’appelant nie s’être rendu coupable de gestion fautive. Il conteste l'existence d'un lien de causalité entre les fautes de gestion qui lui sont reprochées et le surendettement de la société ou son aggravation. Il impute la faillite à des opérations effectuées par la société G._SA après sa fuite au Brésil.
7.1
Selon l'art. 165 CP, le débiteur qui, de manières autres que celles visées à l'art. 164 CP, par des fautes de gestion, notamment par une dotation insuffisante en capital, par des dépenses exagérées, par des spéculations hasardeuses, par l'octroi ou l'utilisation à la légère de crédits, par le bradage de valeurs patrimoniales ou par une négligence coupable dans l'exercice de sa profession ou dans l'administration de ses biens, aura causé ou aggravé son surendettement, aura causé sa propre insolvabilité ou aggravé sa situation alors qu'il se savait insolvable, sera, s'il a été déclaré en faillite ou si un acte de défaut de biens a été dressé contre lui, puni de l'emprisonnement pour cinq ans au plus.
La notion de surendettement visée par l'art. 165 ch. 1 CP est celle de l'art. 725 al. 2 CO, soit la situation existant lorsque les dettes ne sont plus couvertes ni sur la base d'un bilan d'exploitation, ni sur la base d'un bilan de liquidation, autrement dit lorsque les passifs excèdent les actifs (TF 6P.168/2006 du 29 décembre 2006 consid. 8.1.1). Pour dire si l'acte a causé ou aggravé la situation, la jurisprudence se réfère à la notion de causalité adéquate. L'acte ou l'omission doit avoir contribué à causer ou à aggraver la situation, sans qu'il en soit forcément la cause unique ou directe, et doit être propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie à entraîner un tel résultat (ATF 115 IV 41 consid. 2 et TF 6B_433/2007 du 11 février 2008 consid. 2.1).
L'infraction de gestion fautive ne peut être commise que par le débiteur. Toutefois, lorsque le délit est perpétré dans la gestion d'une personne morale,
celui-ci peut être commis par la personne physique qui a agi pour elle en qualité d'organe ou de membre d'un tel organe (art. 172 aCP en vigueur à l'époque des faits et art. 29 CP depuis le 1
er
janvier 2007).
L'art. 165 al. 1 CP mentionne comme faute de gestion les dépenses exagérées. Les dépenses peuvent apparaître exagérées en fonction des ressources du débiteur ou en tenant compte de leur faible justification commerciale (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2010, n. 24 ad art. 165 CP ; Kesselbach, Krise und Sanierung bei Aktiengesellschaften – insbesondere aus strafrechtlicher Sicht, 2000, p. 131 ; Kistler, La gestion fautive en tant que délit intentionnel, PJA 1997, p. 1494). Une entreprise fait notamment des dépenses exagérées si elle acquiert des équipements luxueux pour ses bureaux alors que sa situation financière est précaire, si elle acquiert des stocks disproportionnés en regard de sa trésorerie et de ses possibilités d'écoulement ou si elle consacre des sommes manifestement disproportionnées, compte tenu de ses ressources, à des voyages, des invitations ou des missions dont on ne peut raisonnablement attendre des résultats en rapport avec les dépenses (Corboz, op. cit., n. 24 ad art. 165 CP). Sont aussi qualifiées de dépenses exagérées les dépenses professionnelles effectuées par les dirigeants d'une entreprise pour conserver leur train de vie dans l'entreprise, comme l'achat ou la location de voitures de service luxueuses ou l'établissement de somptueuses notes de frais pour des repas d'affaires absolument pas nécessaires à la bonne marche de l'entreprise (Wermeille, La diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers et la gestion fautive, RPS 1999, p. 387). Il en va de même des dépenses qui vont à l'encontre du but de la société, comme des prélèvements privés opérés par les organes sur la fortune de la société, ou du prélèvement d'honoraires injustifiés (Brunner, Basler Kommentar, Strafgesetzbuch II, 2007, n. 30 ad
art. 165 CP).
Un comportement est la cause naturelle d'un résultat s'il en constitue l'une des conditions
sine qua non
, c'est-à-dire si, sans lui, le résultat ne se serait pas produit (ATF 133 IV 158 consid. 6.1 ; ATF 125 IV 195 consid. 2b). La constatation du rapport de causalité naturelle relève du fait. Lorsque la causalité naturelle est établie, il faut encore rechercher si le comportement incriminé est la cause adéquate du résultat. Tel est le cas lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 133 IV 158 consid. 6.1 ; ATF 131 IV 145 consid. 5.1). Il s'agit là d'une question de droit (ATF 122 IV 17 consid. 2c/bb).
La gestion fautive doit avoir pour conséquence le surendettement du débiteur ou son insolvabilité. Il n'est pas nécessaire que les actes reprochés à l'auteur soient seuls à l'origine du surendettement ni qu'ils en soient la cause directe. Il suffit que l'acte de gestion fautive ait joué un rôle causal en contribuant à l'apparition du surendettement ou à son aggravation et qu'il ait été propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner un tel résultat (ATF 115 IV 38 consid. 2). La notion de surendettement, qui s'applique au débiteur soumis à la poursuite par la voie de la faillite, découle de l'art. 725 al. 2 CO et signifie que, sur le plan comptable, les dettes ne sont plus couvertes ni sur la base d'un bilan d'exploitation, ni sur la base d'un bilan de liquidation, autrement dit que les passifs excèdent les actifs (Corboz, op. cit., n. 31 ad art. 165 CP).
7.2
La faillite de la société a fait apparaître à l'état de collocation un montant de 1'725'457 fr. de créances admises (P. 67/1). Comme actes de gestion fautive ayant contribué à cette déconfiture, les premiers juges ont retenu (jgt., p. 31) :
- le coût salarial exagéré du personnel, le prévenu ayant reconnu avoir trop présumé d'un résultat positif en engageant notamment du monde qu'il payait trop largement, qu'il avait été trop présomptueux par rapport aux résultats que l'on pouvait obtenir, certains des vendeurs coûtant très cher et disant qu'ils allaient faire des monts et merveilles (PV aud. 13, p. 7) ;
- les défaillances comptables, soit une comptabilité tenue de manière lacunaire, des pièces justificatives introuvables, des opérations en espèces non entrées dans le journal de caisse, la sous-évaluation pour plus de 150'000 fr. des postes « emprunts » et « emprunts à long terme », un poste « débiteurs » ne correspondant pas à la réalité, l'impossibilité d'établir la situation réelle de l'entreprise, ces faits étant établis par expertise ;
- la gestion calamiteuse des stocks de viande aboutissant à la destruction d'importantes quantités de viande périmée, voire avariée.
7.3
En réalité, bien avant sa fuite au Brésil au début du mois d’août 2011, l’appelant a prolongé artificiellement l'existence de la société en recourant systématiquement à des emprunts multiples pour injecter des liquidités. Les manquements précités n'ont pu que contribuer causalement à la déconfiture en augmentant le passif par des dépenses de personnel exagérées, en supprimant la fiabilité de l'outil de contrôle et d'orientation indispensable qu'est la comptabilité et en multipliant les pertes en stock résultant de marchandises achetées sans assurer leur revente. L'appelant avait au demeurant admis durant l'enquête que la faillite était due au fait qu'il n'avait pas su gérer la société, notamment le stock, qu'il avait été trompé par son boucher qui lui aurait présenté des faux pendant des mois (PV aud. 13, p. 12), ce qu'il n'aurait réalisé qu'au mois de juillet 2011 à l'occasion d'un inventaire (jgt., p. 13). Hormis une importation illicite de viande révélée par les douanes, ces prétendues fraudes du chef boucher ne sont pas établies. En qualité de dirigeant, il incombait à l'appelant de s'occuper de ces questions et il ne peut soutenir que sa propre gestion au long cours n'était pas fautive alors qu'il n'avait même pas veillé à disposer des données comptables nécessaires.
Partant, l’infraction de gestion fautive est bien réalisée et la condamnation d’O._ pour cette infraction doit être confirmée.
8.
L’appelant conteste la quotité de la peine.
8.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1).
8.2
En l’espèce, O._ s’est rendu coupable d’escroquerie, d’abus de confiance, de faux dans les titres, de gestion fautive, d’infraction à l’art. 87
al. 3 LAVS et d’infraction à l’art. 76 al. 3 LPP. Sa culpabilité est lourde. Il n’a jamais admis qu’il ne détenait pas les compétences nécessaires pour diriger une société et n’a pas voulu reconnaître les signaux alarmants durant l’exercice de J._SA, ce qui a conduit celle-ci à la faillite. A l’instar des premiers juges, il convient de prendre en compte la durée et l'ampleur de l'activité délictueuse, l'absence totale de scrupules et de prise de conscience, le concours d'infractions et les antécédents du prévenu, celui-ci ayant récidivé, dans le délai d’épreuve, dans le même comportement punissable que celui sanctionné en 2007.
A décharge, il sera tenu compte du remboursement très partiel à L._, de l’intention du prévenu de continuer à rembourser les lésés grâce à l’héritage qu’il devrait percevoir suite au décès de son père, de ses situations financière et familiale difficiles.
Au vu des éléments qui précédent, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle, la peine privative de liberté de 20 mois prononcée par les premiers juges est adéquate et doit être confirmée.
9.
L'appelant conteste le refus de l'octroi du sursis.
9.1
Selon l’art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l’octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l’auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l’accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d’une appréciation d’ensemble, tenant compte des circonstances de l’infraction, des antécédents de l’auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l’état d’esprit qu’il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l’ensemble du caractère de l’accusé et ses chances d’amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s’écarter, qu’en présence d’un pronostic défavorable. Il prime en cas d’incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 consid. 3.1.2 ; ATF 134 IV I consid. 4.2.2).
9.2
En l’espèce, l’appelant a récidivé dans les cinq ans qui ont précédé la commission des infractions dans une forme de délinquance comparable à celle sanctionnée en 2007 et dans un contexte personnel identique. Il n’a de surcroît pas intégralement remboursé le dommage causé illicitement à son précèdent employeur conformément aux conditions du sursis qui avaient été émises à l’époque. Le pronostic ne peut ainsi être considéré comme particulièrement favorable au sens de l’art. 42 al. 2 CP.
Cependant, l’appelant a retrouvé un emploi depuis le mois de février 2014 et a produit un certificat de travail élogieux aux débats de première instance (P. 232). En outre, après plusieurs années de séparation avec sa famille, qui était restée au Brésil, celle-ci l’a rejoint en Suisse au mois de mai 2015. Son épouse est depuis en recherche d’emploi. Enfin, la situation financière de l’appelant est difficile, compte tenu notamment d’une saisie de salaire, et la perte de son emploi en cas de privation de liberté aurait des conséquences lourdes pour lui et sa famille. Dans le cas particulier, la Cour de céans estime, en opportunité et non sans hésitation, pour tenir compte des éléments personnels décrits ci-dessus, qu’un sursis partiel portant sur la moitié de la peine privative de liberté, soit 10 mois, doit être accordé à l’appelant. Ce sursis sera toutefois subordonné à la condition qu’O._ indemnise les lésés en leur consacrant la part saisissable de son revenu et la valeur nette de l’héritage qui lui sera dévolu à la suite du décès de son père le 9 mai 2015. La durée maximale du délai d’épreuve, soit 5 ans, sera en outre impartie.
10.
L’appelant conclut au rejet des conclusions civiles prises par G._SA ainsi qu’au refus de toute indemnité de l’art. 433 CPP.
10.1
Aux termes de l’art. 126 al. 1 CPP, il appartient en règle générale au juge pénal de statuer sur les conclusions civiles. Toutefois, le juge pénal renvoie la partie plaignante à agir par la voie civile lorsqu’elle n’a pas suffisamment motivé ses conclusions (art. 126 al. 2 let. b CPP).
Selon l’art. 433 al. 1 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu’elle obtient gain de cause (let. a) ou si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’art. 426 al. 2 (let. b). La partie plaignante adresse ses prétentions à l’autorité pénale et doit les chiffrer et les justifier (al. 2). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la partie plaignante a obtenu gain de cause au sens de cette norme lorsque le prévenu a été condamné et/ou si les prétentions civiles ont été admises (TF 6B_965/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.1.1 ; TF 6B_159/2012 du 22 juin 2012 consid. 2.2 et les références citées).
10.2
En l’espèce, G._SA,
actionnaire de J._SA et prêteuse à celle-ci
, a conclu à l’allocation d’une somme de 28'500 fr. correspondant au montant prélevé indûment par l’appelant le 27 juillet 2011, ces faits étant constitutifs de l’infraction d’abus de confiance (P. 234).
Les premiers juges ont donné acte de ses réserves civiles à G._SA en soulignant que la légitimation active de la partie civile était délicate. Le patrimoine lésé étant juridiquement celui de la société faillie et non celui d’une société tierce se présentant comme créancière, c’est à juste titre que G._SA a été renvoyée à agir par la voie civile.
S’agissant de l'indemnité au sens de l’art. 433 CPP, les premiers juges ont estimé que G._SA avait droit à une telle indemnité dès lors que le prévenu avait succombé puisqu'il était condamné. Contrairement à ce que soutient l'appelant, G._SA a soutenu l'action pénale et a bien eu gain de cause en ce qui concerne la gestion fautive, les faux dans les titres et l'abus de confiance. C’est ainsi à raison que les premiers juges ont allouée une indemnité de 8'750 fr. à G._SA pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure de première instance.
Les griefs de l’appelant doivent par conséquent être rejetés.
11.
L’appelant sollicite une réduction des frais de justice à sa charge à hauteur de 2/5
ième
.
Le Tribunal correctionnel a réparti les frais totalisant 75'870 fr. 40 à raison de 8/10
ième
à la charge de l’appelant, soit 59'852 fr. 80, le solde de 2/10
ième
étant laissé à la charge de l'Etat, soit 16'017 fr. 60. La part de frais relative aux faits instruits puis classés a été laissée à la charge de l'Etat par 29'112 fr. dans l'ordonnance de classement du 25 novembre 2014. Au stade du jugement, l’appelant a été libéré dans les trois cas concernant R._, dans deux cas (premier et dernier prêt) concernant L._ et condamné dans les six autres cas, dont ceux ayant trait à la comptabilité et à la gestion de la société, ce qui a nécessité d'engager d'importants frais d'expertise. La répartition des frais par les premiers juges échappe par conséquent à toute critique et doit être confirmée.
12.
En définitive, l'appel d’O._ doit être partiellement admis et le jugement attaqué réformé dans le sens des considérants.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis par deux tiers à la charge d’O._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 3’450 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office.
Compte tenu de la nature de la cause, de la connaissance du dossier acquise en première instance et des opérations nécessaires à la défense des intérêts de son client, le temps prétendu de 22 heures consacré à la présente procédure par Me Kathrin Gruber est beaucoup trop élevé (P. 248). 15 heures d’activité, audience d’appel comprise, suffisaient pour mener à bien son mandat. C’est donc une indemnité de 3’045 fr. 60, correspondant à 15 heures à 180 fr. et une vacation à 120 fr., plus la TVA, qui doit être allouée au défenseur d’office d’O._ pour la procédure d’appel.
O._ devra verser à G._SA le montant de 2'275 fr. au titre des dépenses obligatoires occasionnées par la procédure d’appel (cf. P. 246).
O._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat les deux tiers de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8e477410-340d-4f09-a80c-7c038ec6f5a2 | En fait :
A.
Par jugement du 30 mars 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte a libéré A._ du chef d’accusation d’homicide par négligence (I), donné acte à E.R._, F.R._, O.R._ et B.R._ de leurs réserves civiles contre A._ (II), fixé l’indemnité d’avocat d’office due à Me Isabelle Jaques à 9'000 fr., TVA et débours compris, (III) et laissé les frais de la procédure, incluant l’indemnité mentionnée ci-dessus, à la charge de l’Etat (IV).
B.
Le 3 avril 2012, B.R._, E.R._, F.R._ et O.R._ ont annoncé faire appel contre ce jugement.
Par déclaration motivée du 1
er
mai 2012, ils ont conclu, avec suite de dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu’A._ est reconnu coupable d’homicide par négligence et subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité de première instance pour nouvelle décision. Ils ont requis une nouvelle inspection locale ainsi que l’audition de [...] et de son épouse.
Le 5 avril 2012, le Ministère public a formé appel contre le jugement précité. Dans sa déclaration d’appel du 1
er
mai 2012, il a conclu à sa réforme en ce sens qu'A._ est condamné, pour homicide par négligence, à une peine de 45 jours-amende, à 120 fr. le jour-amende, avec sursis pendant deux ans, et à une amende de 1'320 fr., convertible en 11 jours de peine privative de liberté en cas de non paiement fautif. Il a requis une inspection sur les lieux de l’accident, dans des conditions similaires à celles qui prévalaient le jour de l’accident, à savoir de nuit.
Par lettre du 7 juin 2012, la Présidente de la cour de céans a rejeté les réquisitions de preuve des appelants.
A l'audience du 31 août 2012, les appelants ont chacun renouvelé leurs réquisitions de preuve, que la cour de céans a rejetées par décision incidente du même jour, rendue sans frais. Ils ont chacun confirmé leurs conclusions. A._, qui a confirmé les déclarations faites en cours de procédure et en première instance, a conclu au rejet des appels et à la confirmation du jugement de première instance.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le 20 mai 1962 à Sion, où il a effectué ses classes primaires et secondaires avant de faire un apprentissage d'employé de commerce, A._ est venu à Lausanne à l'âge de 20 ans pour y travailler dans l'informatique. Actuellement, il œuvre au sein de la [...] et réalise à ce titre un salaire mensuel net d'environ 11'000 fr., versé treize fois l'an. Son épouse gagne pour sa part 14'000 à 15'000 fr. nets par année comme coiffeuse indépendante. Le couple a un fils né en 1999. Les charges mensuelles essentielles d'A._ pour toute la famille se composent de 1'000 à 1'250 fr. d'intérêts hypothécaires et charges courantes pour la maison dont il est propriétaire, de 1'350 fr. de primes d'assurance-maladie ainsi que de frais de déplacements professionnels dont il ne connaît pas le montant. Les impôts du couple sont de l'ordre de 30'000 fr. par année. Hormis ce qui a trait à son immeuble, le prévenu n'a ni dettes, ni économies particulières. Son casier judiciaire et l'extrait du fichier ADMAS le concernant ne comportent aucune inscription.
2.
2.1
Le dimanche 22 novembre 2009, vers 6h45, A._, qui venait de son domicile accompagné de son fils de 10 ans, circulait avec ses feux de croisement à une vitesse d'environ 50 km/h au volant de son véhicule [...] sur le chemin du [...] à [...], où la vitesse est limitée à 80 km/h, en direction de la route cantonale Lully-Morges. A un moment donné, il a remarqué tardivement sur la route, dans le faisceau de ses phares, à quelque 20 mètres de son véhicule, selon son estimation, une tache "de couleur claire", respectivement "jaune" voire "orange", et qui, selon ses dires, devait mesurer environ 30 centimètres. Il a expliqué qu'il n'avait vu qu'une couleur mais pas de volume et pensé qu'il s'agissait d'un carton ou d'une tache de terre laissée par un tracteur. Lors de sa première audition, juste après l'accident, il a déclaré qu'il a donc relâché les gaz immédiatement et posé son pied sur la pédale de frein, sans toutefois avoir eu le temps d'appuyer. Lors de sa seconde audition, sept mois après l'accident, il a expliqué qu'il a commencé à freiner, sans effectuer à ce stade un freinage d'urgence, avant de freiner fortement lorsqu'il a entendu le bruit d'un impact. Il s'est avéré qu'il avait en réalité roulé sur le corps de T.R._, couché sur la chaussée, le traînant sur une douzaine de mètres avant qu'il se décroche et s'immobilise. Ensuite, A._ a quitté l'habitacle pour se diriger vers ce qu'il avait écrasé et c'est à ce moment-là qu'il a constaté qu'il s'agissait d'un jeune homme. A l'arrivée de la police, quelques minutes plus tard, il a été soumis à un contrôle de son état physique au moyen d'un éthylomètre portatif et ce test s'est révélé négatif.
T.R._, âgé de 23 ans, est décédé le même jour, vers 17h00, au CHUV. Dans leur rapport d'autopsie du 20 avril 2010, les experts ont indiqué que sur la base de l'ensemble des éléments à leur disposition, ils avaient pu conclure que le décès du jeune homme était consécutif aux lésions traumatiques constatées, notamment aux lésions crânio-cérébrales, et que celles-ci pouvaient être la conséquence d'un accident de la circulation, tel qu'on leur proposait, même si sur la seule base des constatations médico-légales, il n'était pas possible d'exclure un éventuel traumatisme ayant précédé l'accident de circulation décrit.
La veille au soir, T.R._ était allé voir un concert et faire la fête avec des amis à Nyon. Vers 5h00, il avait quitté l'établissement dans lequel il avait passé la soirée afin de prendre un train pour Morges où il était finalement arrivé avec un copain à 5h45. Ensuite, tous deux avaient encore bu une bière dans un café à proximité de la gare pour finalement se séparer aux environs de 6h15, moment où il avait quitté les lieux à pieds pour rejoindre son domicile. L'enquête n'a pas permis d'élucider pourquoi et comment T.R._, qui présentait un taux d'alcoolémie de 1.84 g
o
/
oo,
s'est retrouvé allongé sur le chemin du [...].
2.2
A l'endroit de l'accident, la route est large de 3,5 mètres et rectiligne sur plus de 300 mètres. Elle est bordée de chaque côté par une bande herbeuse et des vignes et présente une légère déclivité (4,72 %) en direction de [...]. Au moment des faits, il faisait nuit, il n'y avait pas de précipitations, la route était propre (sans gravier) et un banc de brume d'une densité faible émanait du sol humide.
2.3
Le tribunal a retenu qu'à la vitesse de 50 km/h, la distance de freinage du véhicule était de 25 à 27 mètres (selon la méthode de calcul la plus favorable au prévenu) et que, dès lors, A._ pouvait s'arrêter sur la distance de visibilité correspondant à la portée d'éclairage des feux de croisement de 30 mètres, de sorte qu'on ne pouvait lui reprocher d'avoir roulé à une vitesse inadaptée. Les premiers juges ont en outre retenu qu'il avait été impossible à l'intimé de percevoir l'existence d'un véritable danger, soit la présence d'un corps allongé sur la route, et ont considéré que même si le prévenu avait fait une mauvaise appréciation ou analyse de la situation, les circonstances de l'espèce étaient à tel point particulières que l'on ne pouvait exiger de lui qu'il compte avec la présence d'un obstacle de cette nature, peu visible, de nuit, de sorte que l'on ne pouvait pas lui imputer à faute de n'avoir pas évité le corps. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjetés dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels sont recevables. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Les appelants considèrent qu’A._ s’est rendu coupable d’homicide par négligence.
3.1
L'art. 117 CP réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura causé la mort d'une personne. La réalisation de cette infraction suppose la réunion de trois conditions: le décès d'une personne, une négligence et un lien de causalité naturelle et adéquate entre la négligence et la mort (
ATF 127 IV 34
c. 2a p. 38;
122 IV 145
c. 3 p. 147).
3.1.1
Il y a négligence si, par une imprévoyance coupable, l'auteur agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur de l'acte n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP). Pour qu'il y ait négligence, il faut tout d'abord que l'auteur ait, d'une part, violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que, d'autre part, il n'ait pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir (
ATF 135 IV 56
c. 2.1 p. 64;
133 IV 158
c. 5.1 p. 161 s.;
122 IV 17
c. 2b p. 19 s.). S'agissant en l'espèce d'un accident de la route, il convient de se référer aux règles de la circulation routière pour déterminer plus précisément quels étaient les devoirs imposés par la prudence (
ATF 122 IV 133
c. 2a p. 135).
L'art. 26 al. 1 LCR (Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958) prescrit à chacun un devoir de prudence qui lui impose de se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies. En particulier, le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence (art. 31 al. 1 LCR). La vitesse doit toujours être adaptée aux circonstances, notamment aux particularités du véhicule et du chargement, ainsi qu'aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité (art. 32 al. 1 1
ère
phr. LCR). Le conducteur ne doit pas circuler à une vitesse qui l'empêcherait de s'arrêter sur la distance à laquelle porte sa visibilité (Bussy/Rusconi, Code suisse de la circulation routière, Lausanne 1996, n. 6.1 ad art. 32 LCR). Le conducteur qui circule de nuit doit pouvoir s'arrêter sur la distance éclairée la plus courte (cf. ATF 126 IV 91 c. 4a pp. 92 ss).
Aux termes de l'art. 3 al. 1 OCR (Ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962, RS 741.11), le conducteur vouera son attention à la route et à la circulation. Il évitera toute occupation qui rendrait plus difficile la conduite du véhicule. Il veillera en outre à ce que son attention ne soit distraite ni par la radio ni par tout autre appareil reproducteur de son. Ainsi, le conducteur doit vouer à la route et au trafic toute l'attention possible et le degré de cette attention doit être apprécié au regard de toutes les circonstances, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l'heure, la visibilité, les sources de danger prévisibles, etc. (ATF 122 IV 225 c. 2b p. 228). L'attention requise du conducteur implique qu'il soit en mesure de parer rapidement aux dangers qui menacent la vie, l'intégrité corporelle ou les biens matériels d'autrui, et la maîtrise du véhicule exige qu'en présence d'un danger, il actionne immédiatement les commandes du véhicule de manière appropriée aux circonstances (ATF 6S.186/2002 du 25 juillet 2002 c. 2.2; Bussy/Rusconi, op. cit., n. 2.4 ad art. 31 LCR).
3.1.2
Selon la jurisprudence, un comportement est la cause naturelle d'un résultat s'il en constitue l'une des conditions
sine qua non
, c'est-à-dire si, sans lui, le résultat ne se serait pas produit (
ATF 133 IV 158
c. 6.1 p. 167;
125 IV 195
c. 2b p. 197). Il n'est toutefois pas nécessaire que ce comportement soit la cause unique ou immédiate du résultat (
ATF 116 IV 306
c. 2a p. 310).
Lorsque la causalité naturelle est établie, il faut encore rechercher si le comportement incriminé est la cause adéquate du résultat. Tel est le cas lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (
ATF 133 IV 158
c. 6.1 p. 168;
131 IV 145
c. 5.1 p. 147). La causalité adéquate peut cependant être exclue si une autre cause concomitante, par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement de l'auteur (
ATF 133 IV 158
c. 6.1 p. 168;
131 IV 145
c. 5.2 p. 148).
3.2
En l’espèce, il est établi qu'A._ circulait à une vitesse d’environ 50 km/h, ce qui n'est en soi pas contesté. Conformément à l’appréciation des premiers juges, on ne saurait lui reprocher d’avoir circulé à une vitesse inadaptée. En effet, en prenant en considération les paramètres les plus favorables au prévenu, soit une portée d’éclairage des feux de croisement de 30 mètres et une distance d’arrêt de l’ordre de 25 à 27 mètres, A._ pouvait s’arrêter sur la distance de visibilité.
Reste que si le prénommé a circulé à une vitesse adaptée aux circonstances, il a manifestement violé son devoir de prudence, d’une part, en n’ayant pas pu identifier qu’il s’agissait d’un corps sur la route, la victime mesurant pourtant plus de 180 cm et pesant 80 kg, et, d’autre part, en ne ralentissant pas ou insuffisamment ou en ne procédant à aucune manœuvre d’évitement face à un "obstacle" pourtant perceptible. En effet, le prévenu, qui avait les feux de croisement enclenchés, avait une distance de visibilité d’environ 30 mètres et était donc parfaitement en mesure de s’arrêter sur cette distance au regard de la vitesse à laquelle il circulait. Par ailleurs, le prévenu avait bel et bien vu quelque chose d’anormal sur la chaussée, mais est toutefois resté sans réaction face à l'obstacle. Cette constatation résulte des déclarations même de l'intéressé, qui, lors de son audition par la police le 22 novembre 2009, soit quelques heures après l'accident, a déclaré ce qui suit : "Soudain, j’ai vu, dans le faisceau de mes phares, à une vingtaine de mètres devant moi, quelque chose de couleur claire que je n’ai pas pu identifier, sur le centre de la route. Je ne peux toutefois pas déterminer le volume de ce que j’ai aperçu. J’ai donc relâché les gaz immédiatement et posé mon pied sur la pédale de frein, sans toutefois avoir eu le temps d’appuyer. J’ai alors entendu un choc puis un bruit sous mon véhicule. J’ai immédiatement freiné et me suis arrêté sur le milieu de la route. C’est à ce moment-là que je me suis soudain rendu compte qu’il pouvait s’agir d’une personne, qui se trouvait déjà couchée sur la chaussée" (PV aud. 1, p. 2). Lors de son audition par le Juge d'instruction le 23 juin 2010, le prévenu a déclaré ceci : "J'ai soudain vu une tache un peu plus claire sur la route. Cette tache était un peu jaune et devait mesurer environ 30 centimètres. J'ai vu une couleur mais pas de volume. J'ai pensé qu'il y avait un carton sur la route. Je me suis exclamé à voix haute : "c'est quoi ce truc?". J'ai immédiatement mis le pied sur le frein (...). Je n'ai à aucun moment, avant l'impact, identifié ce qui se trouvait sur la route comme étant un corps" (PV aud. 2). Lors des débats de première instance, le prévenu a encore affirmé ce qui suit : "Ce que j’ai vu sur le sol c’était une zone orange. Au moment du choc, je me suis demandé si c’était un carton, un caillou ou un animal. C’est après l’impact que j’ai pensé à un corps humain, en fonction du bruit. Je n’ai pas pu avoir de réactions d’urgence face au danger car je n’ai pas vu le danger".
Au vu des éléments qui précèdent, on doit admettre qu’A._ n’a pas voué une attention suffisante à la route. En effet, roulant à une vitesse de 50 km/h sur un tronçon rectiligne (où la vitesse est limitée à 80 km/h) et avec des feux enclenchés portant sur une distance de 30 mètres, alors que la distance de freinage, temps de réaction compris, était de 25 à 27 mètres, il n’a absolument pas remarqué, dans le faisceau de ses phares, la présence d’un corps humain avant de rouler sur celui-ci. Par ailleurs, bien qu’il ait perçu quelque chose d’anormal sur la chaussée, il n’a rien fait pour éviter ce qu’il avait vu et donc par la suite le heurt, alors qu'une manœuvre d'évitement par la gauche aurait été possible (jugt, p. 7). Au demeurant, quand bien même il n’aurait pu discerner clairement qu’il s’agissait d’un homme en raison de l'obscurité et du fait que la victime portait des habits sombres, A._ avait bel et bien vu quelque chose et devait réagir en conséquence et éviter le choc, ce d’autant plus qu’il ne savait pas précisément ce dont il s’agissait.
Partant, le prévenu n'a pas voué toute son attention à la route, comme il en avait l'obligation conformément à l'art. 3 al. 1 OCR et rien ne l'empêchait de se conformer à son devoir. L'inattention commise lui est donc imputable à faute.
3.3
Si le prévenu avait voué toute son attention à la route, il aurait pu et dû, en maîtrisant son véhicule correctement, s'arrêter en temps utile et éviter le choc ou procéder à une manœuvre d’évitement. L'inattention était, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, propre à entraîner un accident du genre de celui qui s'est produit. Le comportement fautif du prévenu était donc bien la cause naturelle et adéquate de l'accident qui a provoqué la mort du jeune homme.
Certes, la victime était couchée sur la chaussée au moment du choc. Il n’y a toutefois pas lieu d’examiner si elle a commis une faute plus grave, de gravité égale ou moins grave que la négligence d'A._, vu l'absence de compensation des fautes en droit pénal (ATF 122 IV 17 c. 2c/bb). Il convient bien plus de relever que la règle de prudence dont la violation est reprochée à l'intimé doit précisément permettre de réagir à la présence inattendue d'une personne ou d'un objet sur la chaussée (TF 6B_1023/2010 du 3 mars 2011 c. 3. 2). Le comportement de la victime ne pourrait donc apparaître comme interruptif du rapport de causalité que s'il était établi que celui-ci est apparu dans le champ de vision du prévenu à un moment où il n'était plus en mesure de réagir efficacement, même en roulant à la vitesse adaptée aux circonstances, ce qui n'est toutefois pas le cas en l'occurrence, puisque, comme on l'a vu ci-avant, au regard de la distance de visibilité due aux feux de croisement de son véhicule et des conditions de la route, qui étaient bonnes, le prévenu était en mesure de réagir efficacement pour éviter la victime. Peu importe que l'intimé n'ait, comme il l'affirme, pas identifié la "tache" à un piéton. Cette solution découle de la jurisprudence stricte en la matière, de laquelle il n'y a pas de raison de s'écarter dans le cas d'espèce.
3.4
Par conséquent, A._ doit être condamné pour homicide par négligence au sens de l'art. 117 CP, toutes les conditions de cette infraction étant réalisées.
4.
Il reste à examiner la peine à infliger au prévenu.
4.1
L'art. 47 al. 1 CP prévoit que la peine doit être fixée d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir. L'alinéa 2 de cette disposition énumère, de manière non limitative, une série de critères à prendre en considération pour déterminer la culpabilité de l'auteur. Ces critères correspondent à ceux qui devaient être pris en compte selon la jurisprudence relative à l'art. 63 aCP, à laquelle on peut continuer de se référer (
ATF 134 IV 17
c. 2.1 p. 19).
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (
ATF 134 IV 1
c.. 4.2.2 p. 5).
4.2
En l'espèce, A._ a violé son devoir de prudence découlant des règles de la circulation routière. Compte tenu des circonstances, cette négligence peut être qualifiée de faute légère. Par ailleurs, le prénommé a eu un bon comportement suite à l’accident et celui-ci n’est pas resté sans conséquence pour lui (cf. jugt p. 27).
La cour de céans estime qu'il convient de prononcer une peine de principe, d'une quotité modeste, soit une peine de dix jours-amende. Au regard du revenu réalisé par A._ et de ses charges financières (cf.
supra
considérant 1, p. 10), le montant du jour-amende peut être fixé à 200 francs. On renoncera au prononcé de toute amende à titre de sanction immédiate.
En définitive, une peine pécuniaire de dix jours-amende à 200 fr. le jour-amende,
assortie du sursis fixé au minimum légal de deux ans,
apparaît adéquate.
5.
En conclusion, les appels sont admis et le jugement attaqué modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
5.1
Vu l'issue de la cause,
les frais de la procédure de première instance, y compris l'indemnité allouée par les premiers juges au conseil d'office des plaignants, doivent être mis à la charge d'A._ (art. 426 al. 1, 1
ère
phrase, CPP).
Il en ira de même des frais d'appel (art. 428 al. 1 CPP). Ces frais comprennent l’indemnité allouée au conseil d’office des plaignants, par 2'038 fr. 70, TVA et débours compris.
5.2
Vu la condamnation d'A._, aucune indemnité de dépens de l'art. 429 CPP ne lui sera allouée
. Il ne sera pas non plus accordé de dépens de deuxième instance aux plaignants (art. 433 CP), dans la mesure où
une indemnité de conseil d'office pour la procédure d'appel à la charge de l'intimé est allouée à Me Isabelle Jaques. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8e51c51d-d48e-4690-aa38-083c1b303b35 | En fait :
A.
Par jugement du 26 janvier 2015, rectifié par prononcé du 12 mars 2015 au chiffre V de son dispositif, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a constaté qu’I._ s’est rendu coupable de perte de maîtrise du véhicule automobile, de conduite d’un véhicule automobile à une vitesse inadaptée, de conduite sans autorisation, de conduite en état d’ébriété qualifié (ou selon les termes de la loi d’avoir été un conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduire) et de conduite avec un taux d’alcool qualifié dans le sang ou l’haleine (I), l’a condamné à une peine privative de liberté ferme de huit mois et à une amende de 500 fr. (cinq cents francs) (II), a dit qu’à défaut de paiement de l’amende prévue sous chiffre Il, la peine privative de liberté de substitution sera de cinq jours (III), a arrêté l’indemnité de Me Amédée Kasser, en sa qualité de défenseur d’office d’I._, à 2’423 fr. 75 (deux mille quatre cent vingt-trois francs et septante-cinq centimes), débours et TVA compris (IV), a mis les frais de la cause par 5'480 fr. 85, y compris l’indemnité allouée sous chiffre IV ci-dessus, à la charge d’I._ (V) et a dit que l’indemnité de défense d’office allouée à Me Amédée Kasser ne sera remboursable à l’Etat de Vaud que si la situation économique d’I._ s’améliore (VI).
B.
Par annonce du 28 janvier 2015, puis déclaration motivée du 20 février suivant, I._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté de huit mois avec sursis et à une amende de 500 francs.
Dans ses conclusions motivées du 28 avril 2015, le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois s’est entièrement référé au jugement entrepris et a conclu au rejet de l’appel d’I._.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Né le 25 septembre 1978, I._ est originaire du Portugal où il a grandi et effectué avec succès une formation de mécanicien. En 2001, il a émigré en Angleterre, puis en 2009 il est venu s’installer en Suisse et a exercé différentes activités professionnelles. Il était alors au bénéfice d’un permis de séjour de type B. En janvier 2013, il a quitté la Suisse pour s’installer à Pontarlier. De retour dans notre pays depuis mars 2014, il est au bénéfice d’une autorisation temporaire de séjour lui permettant de travailler en attendant de savoir si un nouveau permis B lui sera octroyé. Actuellement, le prévenu est employé à plein temps auprès de la société [...] Sàrl à Lausanne. Il perçoit un salaire mensuel de 3'000 à 3'500 fr. net. Célibataire, il vit en concubinage avec sa compagne et leur fille âgée de quatre ans dans un appartement de 3,5 pièces à Estavayer-le-Lac, dont le loyer mensuel s’élève à 1'570 fr. charges comprises. Il est également père de deux adolescentes qui vivent au Portugal et pour lesquelles il verse une contribution de 250 Euro pour chacune d’elle lorsque sa situation financière le lui permet. Il fait l’objet de poursuites pour un montant approximatif de 40'000 francs.
1.2
Le casier judiciaire suisse du prévenu comporte les inscriptions suivantes :
- 21 juillet 2009 : Préfecture du district Jura-Nord vaudois, violation grave des règles de la circulation routière, peine pécuniaire de 10 jours-amende à 50 fr., sursis à l’exécution de la peine et délai d’épreuve de 2 ans, amende de 400 francs ;
- 14 août 2009 : Juge d’instruction de Lausanne, conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduite, peine pécuniaire de 30 jours-amende à 20 fr., peine complémentaire au jugement du 21 juillet 2009 ;
- 19 octobre 2009 : Juge d’instruction du Nord vaudois, conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduire, conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait, disposé d’un véhicule à moteur sans assurance responsabilité civile, cession abusive de permis et/ou de plaques de contrôle, peine pécuniaire de 120 jours-amende à 50 fr., peine complémentaire aux jugements des 21 juillet et 18 août 2009 ;
- 20 août 2012 : Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois, violation des règles de la circulation routière, violation grave des règles de la circulation routière, conducteurs se trouvant dans l’incapacité de conduire, infraction à la loi fédérale sur la circulation routière, peine pécuniaire de 100 jours-amende à 40 fr., amende de 200 francs ;
- 15 avril 2013 : Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois, conduite d’un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l’interdiction de l’usage du permis, peine pécuniaire de 60 jours-amende à 40 francs.
1.3
Du 1
er
juin 2009 au 31 janvier 2010, le Service des automobiles et de la navigation du canton de Vaud a interdit le prévenu de faire usage de son permis de conduire étranger en raison d’une conduite en état d’ébriété malgré un retrait ou une interdiction de conduire.
Par décision du 2 novembre 2012 avec effet rétroactif au 1
er
juillet 2012, ce même service a retiré le permis de conduire du prévenu pour une durée indéterminée ensuite d’une inattention, un état d’ébriété et une vitesse excessive. Le 23 mai 2013, ce retrait a été prolongé jusqu’au 4 mars 2015, le prévenu ayant conduit malgré le retrait de son permis.
Par décision du 8 mai 2014, le Service de la navigation du canton de Neuchâtel a également prolongé le retrait de permis de conduire d’I._ jusqu’au 1
er
mars 2019 pour avoir conduite malgré un retrait de permis ou une interdiction.
2.
2.1
Aux [...], le 14 septembre 2013, vers 16h15, I._ a circulé au volant d’une automobile Opel Astra immatriculée en France alors qu’il faisait l’objet d’une mesure administrative de retrait de son permis de conduire depuis le 1
er
juillet 2012 pour une durée indéterminée.
2.2
A [...], le 23 novembre 2013, vers 22h50, I._ a circulé, d’Yverdon-les-Bains en direction de Donneloye, au volant d’une automobile Opel Astra immatriculée en France alors qu’il était sous l’influence de l’alcool (1.82 g ‰ au moment des faits) et qu’il faisait toujours l’objet d’une mesure de retrait de son permis de conduire. Au lieu dit « [...]», alors qu’il roulait à une vitesse inadaptée, I._ a perdu la maîtrise du véhicule qui a dévié à gauche, traversé la voie opposée, puis a heurté la glissière de sécurité avant de glisser sur celle-ci sur plusieurs mètres et de finalement s’immobiliser à cheval entre cette glissière et la voie réservée aux usagers venant de Donneloye.
2.3
Aux [...], le 31 janvier 2014, vers 11h30, I._ a circulé au volant d’un véhicule Polo Volkswagen immatriculé en France alors qu’il faisait toujours l’objet d’une mesure de retrait de son permis de conduire.
2.4
A la Chaux-de-Fonds, le 2 mars 2014, à 2h00, I._ a été contrôlé par la police alors qu’il circulait une nouvelle fois au volant de la Polo Volkswagen précitée et qu’il faisait toujours l’objet d’une mesure de retrait de son permis de conduire. Au moment des faits, le prévenu avait un taux d’alcoolémie de 2.19 g ‰ en raison des nombreuses bières qu’il avait bues alors qu’il savait qu’il se mettrait au volant pour rentrer à son domicile au [...]. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d’I._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
I._ ne remet en cause ni les faits qui lui sont reprochés, ni leurs qualifications juridiques. Il ne conteste pas non plus la quotité de la peine qui lui a été infligée, mais reproche au premier juge de ne pas s’être posé la question de savoir si la menace d’une peine privative de liberté ne serait pas suffisante au vu de sa stabilité professionnelle et familiale ainsi que de sa prise de conscience. Il soutient en effet qu’une peine ferme aurait un effet désastreux sur son avenir, car il bénéficie depuis peu d’un contrat de travail, vit avec sa femme et sa fille et verse une contribution d’entretien pour ses deux filles vivant au Portugal. Il fait également valoir qu’il aurait pris conscience de ses fautes et qu’il aurait radicalement changé, ne consommant plus d’alcool durant la semaine mais seulement « socialement » le week-end. En outre, il ne disposerait plus de véhicule.
3.1
Selon l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
L’art. 43 al. 1 CP dispose que le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine pécuniaire d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur. De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1 ; cf. aussi TF 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1 ; TF 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2 ; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
3.2
En l’espèce, pour le premier juge, le pronostic à poser quant au comportement futur du prévenu est défavorable, car il est hautement incertain que ce dernier soit déterminé à ne plus commettre de nouvelles infractions, sa situation personnelle n’étant pas une garantie suffisante et sa prise de conscience apparaissant tardive. Ce raisonnement est à première vue lapidaire. Cependant, en se basant sur une appréciation d’ensemble, la Cour de céans estime qu’il faut effectivement admettre que le pronostic quant au comportement futur du prévenu est défavorable pour les raisons suivantes :
- les antécédents de l’appelant − cinq au total en l’espace de trois ans − sont nombreux en matière de circulation routière ;
- les peines infligées précédemment, certes exprimées en jours-amende, mais représentant plusieurs milliers de francs − ce qui est sensible pour une personne ayant un revenu modeste −, n’ont pas suffi à éviter de multiples récidives ;
- la stabilité professionnelle et familiale dont l’appelant se réclame ne l’a pas empêché de récidiver en matière d’ivresse au volant et de conduite sous retrait de permis si l’on compare les dates des infractions qui ne correspondent pas toutes à des périodes de chômage. Il est ainsi exact de retenir, comme l’a fait le premier juge que la situation personnelle de l’appelant n’est pas un garde-fou suffisant pour dire que le pronostic n’est pas défavorable ;
- l’appelant n’a malheureusement rien entrepris de sérieux pour soigner son problème d’alcool. A l’audience d’appel, il s’est contenté de dire qu’il buvait désormais « une bière de temps en temps », ce qui, par ailleurs, dénote son absence de réelle volonté d’abstinence. Il aurait ainsi pu démontrer son engagement d’abstinence en se soumettant, par exemple, de lui-même à des prises de sang ou en commençant un traitement d’abstinence.
Au vu de tous ces éléments, le pronostic est clairement défavorable. Une peine privative de liberté ferme se justifie. En effet, si l’on se souvient que l’appelant a été condamné cinq fois, mais qu’il a récidivé le 14 septembre 2013 (après une condamnation survenue au mois d’avril 2013), le 23 novembre 2013 (avec un taux d’alcoolémie de 1.82 g ‰), le 31 janvier 2014 et le 2 mars 2014 (avec un taux d’alcoolémie de 2.19 g ‰), la transition consistant à passer d’une peine pécuniaire ferme à une peine privative de liberté ferme n’est dès lors pas importante, l’appelant ayant suffisamment démontré son insensibilité à la sanction pénale en dépit du fait qu’il bénéficiait d’une situation stable. Le moyen doit donc être rejeté.
Au demeurant, l’appelant pourra, si les conditions en sont remplies, exécuter la peine privative de liberté de 8 mois en semi-détention (art. 77b CP), de sorte que la sanction prononcée n’affectera pas notablement sa situation personnelle.
4.
En définitive, l’appel d’I._ doit être rejeté et le jugement entrepris entièrement confirmé.
4.1
Me Numa Graa, avocat en l’Etude Me Amédée Kasser, a produit une liste des opérations faisant notamment état de 0h25 d’activité par Me Kasser, 8h55 d’activité par Me Graa et 120 fr. de vacation (P. 31). Compte tenu de la connaissance du dossier acquise en première instance et des opérations nécessaires à la défense des intérêts de son client, le temps consacré à la présente procédure est un peu trop élevé. Tout bien considéré, c’est une indemnité de 1'684 fr. 80 correspondant à 8 heures d’activité à 180 fr. et une vacation à 120 fr. plus la TVA, qui doit être allouée à Me Amédée Kasser défenseur d’office d’I._ pour la procédure d’appel.
4.2
Vu l’issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués de l’émolument de jugement, par 1'390 fr., et de l’indemnité allouée au défenseur d’office, par 1'684 fr. 80
,
TVA inclus, doivent être mis à la charge de l’appelant (art. 428 al. 1 CPP).
Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l’Etat l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 CPP)
.
5.
Il s’avère que le dispositif communiqué après l’audience d’appel est entaché d’une erreur manifeste au chiffre V du dispositif du jugement entrepris en tant qu’il n’a pas été
tenu compte du prononcé rectificatif rendu le 12 mars 2015 par le Tribunal d’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois, il
sera ainsi rectifié d’office sur ce point. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8ee59252-7e08-410f-868c-26b225dee8b2 | En fait :
A.
Par jugement du 9 septembre 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois a libéré E._ des chefs d’accusation d’actes d’ordre sexuel avec des enfants, de contrainte sexuelle et d’actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (I), a rejeté les conclusions civiles d’A.K._ prises en son nom et au nom de sa fille (II), a maintenu au dossier à titre de pièces à conviction les deux enregistrements vidéo de l’audition de B.K._ ainsi qu’un disque dur (III), a laissé les frais de la cause à la charge de l’Etat (IV) et a alloué à E._ une indemnité pour ses frais de défense d’un montant de 27’510 francs (V).
B.
Par annonce du 10 septembre 2014, puis déclaration motivée du 7 octobre suivant, A.K._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu’E._ est condamné pour actes d’ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle et actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance à une peine que justice dira, que ses conclusions civiles sont admises, à savoir qu’E._ est reconnu débiteur, d’une part, de B.K._ de la somme de 25'000 fr. avec intérêts à 5% l’an depuis le 19 juin 2009 à titre d’indemnité pour tort moral et, d’autre part, de B.K._ et A.K._ de la somme de 10'000 fr. à titre d’indemnité au sens de l’art. 433 CPP, l’ensemble des frais étant mis à la charge du condamné. Subsidiairement, elle a conclu à l’annulation du jugement entrepris et au renvoi du dossier au tribunal correctionnel pour nouvelle instruction et nouveau jugement. A titre de mesures d’instruction, elle a requis l’audition du Dr. [...] et de la Dresse X._.
Par avis du 2 décembre 2014, les parties ont été informées que la Dresse X._ était citée à comparaître à l’audience d’appel en qualité de témoin.
Par écriture du 22 janvier 2015, E._ a conclu au rejet de l’appel, avec suite de frais et indemnités.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
E._ est né le [...] 1962 à [...] en Allemagne, pays dont il est ressortissant. Il exerce à titre indépendant la profession de commerçant en cacao et réalise pour cette activité des revenus d’environ 6'000 euros par mois. Il vit à [...] en Allemagne. Il verse mensuellement à sa fille, B.K._, une contribution d’entretien de 1'200 euros. Depuis 2005, il entretient une relation stable avec une compatriote.
Ses casiers judiciaires suisse et allemand sont vierges.
2.
2.1
E._ et A.K._ se sont rencontrés en février 2000 lors d'un séjour linguistique en Angleterre. Ils ont rapidement noué une relation amoureuse. A compter de Pâques de la même année, le prévenu, qui résidait en Allemagne, a régulièrement rendu visite à la plaignante, à Villeneuve. Ayant le projet de faire vie commune, le couple a décidé d’avoir un enfant. Le 16 décembre 2001, A.K._ a mis au monde une fille prénommée B.K._ que le prévenu a reconnue. La famille se voyait le week-end à intervalles irréguliers.
Très rapidement, les relations dans le couple se sont détériorées. Environ six mois après la naissance de leur fille, A.K._ a commencé à suspecter son compagnon d’avoir des comportements pédophiles envers B.K._. La fréquence des visites a alors diminué. En septembre 2005, la plaignante a indiqué au prévenu que s’il souhaitait voir sa fille, il devait se faire soigner, ce qu’il a refusé. Entre l’été 2005 et le printemps 2009, l’intimé n’a ainsi plus vu les appelantes, hormis une rencontre impromptue en 2008. Des contacts téléphoniques ont toutefois été maintenus.
Début 2009, la plaignante a informé E._ que leur fille souffrait de son absence. Celui-ci a alors accepté de venir en Suisse pour voir B.K._. La première rencontre s’est déroulée le week-end du 16 au 17 mai 2009 au domicile des appelantes, à [...]. Lors de ce premier séjour, la plaignante a fait attention au comportement de son ex-compagnon et veillé à ne pas laisser l’enfant seule avec lui; elle a noté qu’E._ «
tournait beaucoup autour de B.K._, sans plus
». Une semaine après cette première rencontre, la fillette, alors qu’elle faisait de la balançoire, a dit à sa mère «
toucher zizi
». Celle-ci l’a alors questionnée pour savoir si elle avait entendu cela à l’école; n’ayant obtenu aucune réponse, A.K._ n’y a pas prêté plus ample attention.
La famille a passé un second week-end ensemble du 13 au 14 juin 2009. Le dimanche matin, alors qu’elle changeait sa fille, A.K._ a remarqué des marques ovales autour de l’anus de celle-ci. Elle lui a alors demandé ce que c’était, mais l’enfant n’a pas su lui répondre. Après le départ d’E._ dans le courant de l’après-midi, B.K._ s’est mise à pleurer. Sa mère lui a alors demandé la raison de ses pleurs et de lui dire ce que son père lui faisait quand il la chatouillait. La fillette lui a répondu que celui-ci «
lui avait fait des chatouilles sur la poitrine et qu’il lui avait mis le doigt sur le pipi et aussi sur le popo
» et qu’elle avait eu mal.
2.2
Le lendemain matin, A.K._ s’est rendue avec sa fille chez la pédiatre, la Dresse [...]. Dans son rapport de consultation du 26 juin 2009 (P. 26), le médecin a indiqué que B.K._ lui avait a dit que son père, sous prétexte de chatouilles, l’avait touchée à plusieurs reprises au niveau de la poitrine, la vulve et l’anus, qu’il avait exercé des pressions avec ses doigts à hauteur de ces deux orifices à travers les habits, qu’à une occasion, il avait tenté de glisser sa main dans son pantalon depuis derrière mais qu’elle l’avait immédiatement giflé, et qu’il lui avait parfois mis le bras devant la bouche pour étouffer ses exclamations. Il ressort de ce rapport que l’examen clinique a mis en évidence une irritation au niveau de la vulve et de l’anus compatible avec le type d’attouchements décrits, mais qu’il s’agissait d’un tableau clinique non spécifique et pouvant donc être d’une autre origine. La Dresse I._ a encore précisé que le lendemain de la visite, la fillette se plaignait toujours de picotements au niveau de la vulve et d’une irritation du sphincter anal, symptômes relativement spécifiques d’une manipulation externe.
2.3
A.K._ a déposé plainte le 15 juin 2009.
Le même jour, B.K._ a été entendue par l’inspectrice de la police de sûreté. Selon le rapport d’audition (P. 9), la fillette a déclaré, s’agissant du premier week-end, «
il
[E._]
me fait des chatouilles a des endroits où je n'aime pas, ça ça m'agace et il me chatouille tout le temps »
, en montrant du doigt sa poitrine ainsi que ses parties génitales et anale. Elle a précisé que son père l'avait prise par les hanches et avait commencé à la «
chatouiller en glissant sa main par-dessus ses habits
» aux mêmes endroits. Les faits s’étaient déroulés dans le salon, alors que sa maman était dans la cuisine et préparait le repas. L’enfant a également expliqué que lors de la seconde visite, son père avait commencé dès son arrivée à la chatouiller partout lorsque sa mère avait le dos tourné. Lorsqu’il la portait, «
il essayait d'enfoncer les doigts là, ici ou là-derrière
», en référence aux parties intimes de son corps, toujours par-dessus les habits. Le soir, pendant que sa maman était à la cuisine, son père avait recommencé. Il s’était assis sur la banquette du salon et l'avait poussée contre la table en verre, ce qui lui avait fait mal. Elle l’avait alors giflé. Puis, alors qu’elle était accroupie, il en avait profité pour la «
chatouiller à nouveau là-derrière
». Ces gestes s’étaient produits à plusieurs reprises. La fillette a également évoqué un autre épisode s’étant déroulé le même week-end au [...] : alors qu’elle se trouvait à l'avant d’un wagon et que sa maman et son père étaient à l’arrière, ce dernier avait réussi à passer sa main à l’avant pour la chatouiller. Le même après-midi, au minigolf, pendant que sa maman jouait et qu’elle et son père étaient assis sur un banc, il l'avait une nouvelle fois chatouillée sur la poitrine.
3.
3.1
B.K._ a été soumise à une expertise de crédibilité confiée le 28 août 2009 au Service de psychiatrie et psychothérapie d’enfants et d’adolescents de la Fondation de Nant. Un rapport a été déposé le 26 mai 2010 (P. 38). Toutefois, les experts étant sortis du cadre de leur mission, le Tribunal d’accusation a, par arrêt du 1
er
novembre 2010, ordonné une nouvelle expertise de crédibilité, confiée le 12 janvier 2011 au Centre universitaire romand de médecine légale (CURML).
3.2
Selon le rapport établi le 22 mai 2012 par le CURML (P. 77), pour réaliser leur expertise, les experts se sont basés notamment sur le visionnement de l’enregistrement vidéo de l’enfant, sur les entretiens téléphoniques avec les Dresses [...] et X._, pédiatre, respectivement pédopsychiatre de l’enfant, ainsi que sur l’étude du dossier pénal. Les experts ont entendu une seule fois la fillette en présence de sa mère, laquelle avait précédemment été entendue à deux reprises. Considérant que la représentation des événements avait été probablement modifiée par le processus thérapeutique poursuivi auprès de la Dresse X._, ils ont renoncé à entendre l’enfant seule.
S’agissant du status psychiatrique, l’expertise indique que B.K._ a une posture adultomorphe, mais bien identifiée à une enfant. Ses fonctions du Moi sont cliniquement dans la norme, son intelligence bonne, son discours clair et différencié. La fillette utilise un vocabulaire riche. Elle ne laisse pas sa mère influencer son discours et peut s'opposer à elle, entre autres par rapport à des désirs d'indépendance (p. 10).
Sur la base de l’enregistrement vidéo, les experts ont procédé à une analyse du contenu des déclarations de l’enfant. En application des critères SVA (Statement Validity Analysis), ils ont retenu un score de 16 sur 38, soit un résultat se situant dans une zone où la crédibilité est qualifiée de discutable (pp. 13-14). S’agissant du comportement de B.K._ durant l’audition filmée, les experts ont relevé que le langage de celle-ci était adéquat pour son âge. Ils ont noté que l’enfant ne pouvait pas nommer les parties intimes par leur nom, probablement parce que les mots lui manquaient pour les décrire, mais qu’elle les montrait de manière spontanée et adéquate. Elle ne manifestait pas de tristesse, mais disait être fâchée contre son père. Enfin, elle résistait à la suggestibilité (p. 15).
Après avoir relaté le contexte de dévoilement des faits, les experts ont observé que les révélations relatives au deuxième week-end s’étaient faites après un moment d’angoisse de la mère, mais qu’aucune pression ou coercition n’avait été exercée par elle sur l’enfant (p. 16).
Dans la partie « synthèse et conclusion » (p. 18 ss), les experts ont considéré que l'audition était bien cotée pour les aspects de cohérence du récit, de verbalisation spontanée et de détails périphériques. En revanche, la description en soi des attouchements était pauvre. B.K._ avait pu donner quelques indicateurs d'ambiance en lien avec l'événement et même dire, à une reprise, que son père trouvait cela drôle et pas elle. Par rapport à la liste de pondération, les experts ont retenu que le développement cognitif et affectif de la fillette correspondait à son âge. Celle-ci s'exprimait bien avec un vocabulaire approprié. Même si elle ne connaissait pas la terminologie relative aux parties intimes, elle pouvait les montrer et se faire comprendre si besoin. Elle résistait bien aux questions suggestives ou susceptibles de modifier le déroulement des événements. Elle ne subissait pas de pression pendant l'audition. Enfin, elle avait manifesté une certaine gêne de par son attitude non-verbale (p. 18).
Selon les experts, le contexte de dévoilement mettait en évidence les craintes de la mère par rapport à l'attitude du père. Ils ont retenu qu’A.K._ avait pu influencer les dires de sa fille et amener celle-ci à rapporter des faits que le père aurait commis sur elle (p. 19).
Au niveau du développement psychoaffectif, les experts ont retenu que B.K._ était une fille unique qui avait grandi dans un environnement très protégé avec une mère présentant une certaine anxiété liée à toute forme d’agression que sa fille pourrait subir. L’enfant, qui manifestait un caractère fort, pouvait toutefois s’opposer à sa mère et exprimer ses besoins. Elle présentait par ailleurs une tristesse et une déception par rapport à son père (p. 20).
En faveur de la crédibilité de la fillette, les experts ont retenu les éléments suivants (p. 20) :
- le fait que l'examen pédiatrique ainsi que l'audition de la fillette avaient eu lieu le lendemain des révélations faites par celle-ci;
- le score de l'échelle SVA;
- le fait qu’au moment de l'audition, B.K._ était une jeune fille de 7 ans et demi qui se développait normalement, qui avait un discours et un vocabulaire correspondant à son âge, qui manifestait une certaine gêne durant l'entretien et résistait bien à la suggestibilité;
- l’irritation de la vulve et de l'anus constatée par la Dresse I._ qui était compatible avec les dires de l'enfant, mais qui pouvait cependant avoir une autre origine;
- les constats de la Dresse X._ qui avait fait état de symptômes de la lignée dépressive et anxieuse ainsi que d’une insomnie avec trouble de l'endormissement chez l’enfant, bien que ces symptômes fussent toutefois uniquement un signe de souffrance chez l'enfant dont l'origine ne pouvait être formellement corrélée à un événement.
En défaveur de la crédibilité de la fillette (pp. 20-21), les experts ont retenu le contexte de dévoilement qui s'était déroulé sur questionnement de la mère. Cette dernière avait en effet clairement demandé à sa fille de clarifier les moments où son père la chatouillait; cela s'était en outre passé suite à l’épisode où elle avait changé sa fille et après que celle-ci l’eut déjà questionnée sur les rougeurs autour de l’anus.
Sur la base de ces éléments, les experts ont considéré que les accusations de B.K._ à l’égard de son père étaient «
plutôt crédibles
» (p. 22).
3.3
Le 21 juin 2013, un complément d’expertise a été ordonné et confié au au CURML. Un rapport a été déposé le 26 juillet 2013 (P. 94). S’agissant de l’influence qu’A.K._ avait pu avoir sur les déclarations de B.K._, les experts ont retenu que la première n’avait pas influencé la seconde lors du premier week-end, l’enfant ayant en effet déclaré «
toucher zizi
» de manière spontanée; quant aux secondes déclarations, ils ont considéré qu’A.K._ avait généré autour de sa fille un climat de tension et de surprotection durant tout le week-end et avait fait, à une reprise, des allusions à des attouchements sexuels.
Selon eux, une nouvelle audition de l’enfant n’était pas pertinente, dès lors que la mémoire et les souvenirs de celle-ci avaient été modifiés depuis les événements.
Concernant les chatouillis et la compréhension de ceux-ci par la fillette ou sa mère, les experts ont relevé ce qui suit : «
nous pouvons comprendre que B.K._ parle de chatouillis comme sa mère lui a probablement proposé de les nommer, mais que certains de ces chatouillis ne correspondaient probablement pas à ce dont elle avait comme compréhension de ce comportement. Ceci parle en faveur de la crédibilité de l’enfant qui n’a pas les mots pour décrire toujours les actes qu’il subit et en particulier, il est probable que ces chatouillis dérangeaient plus B.K._ que ne la faisaient rigoler, mais vu que c’est le nom que donnait sa mère à ce comportement, elle a gardé cette dénomination
». Les experts ont par ailleurs relevé que la mère présentait une surprotection parentale connue par l’enfant. Il n’était donc pas surprenant que durant ce deuxième week-end, B.K._ ait parlé du fait que sa mère était inquiète et qu’elle ait rapporté, durant son audition, que celle-ci la surveillait. Concernant l’influence de ce comportement sur la fillette, les experts ont relevé que celle-ci n’aimait pas quand sa mère la surveillait mais qu’elle en avait l’habitude et de ce fait lui obéissait. Ils ont également relevé que la manière dont la plaignante nettoyait encore B.K._ montrait qu’elle avait de la peine à voir grandir sa fille et qu’elle s’en occupait comme si elle était encore petite. Ce comportement renforçait plutôt les craintes d’A.K._ envers E._ et avait pu influencer B.K._ par rapport à son père. Cependant, le fait que la petite ait répondu à sa mère «
je ne sais pas
», ce qui était rare chez une enfant de cet âge qui normalement devrait répondre à son parent en donnant une explication, montrait qu’elle résistait bien aux questions suggestives.
4.
Après avoir apprécié les différents éléments au dossier, les premiers juges ont acquis la conviction que le prévenu n’avait pas commis les actes qui lui étaient reprochés et l’ont par conséquent libéré de tout chef d’accusation (jgt.,
pp. 43 et 44). Tout d’abord, analysant la force probante de l’expertise réalisée le 20 mai 2012 par le CURML, ils ont considéré que la conclusion des experts selon laquelle les déclarations de B.K._ étaient «
plutôt crédibles
» ne pouvait pas être retenue (jgt., pp. 40 et 42). S’agissant des autres éléments probatoires, le tribunal correctionnel a retenu que les lésions génitales constatées par la Dresse I._ étaient certes compatibles avec les attouchements dénoncés, mais qu’elles pouvaient avoir une autre origine. Il n’a en outre accordé aucun crédit aux propos d’A.K._ quant aux pulsions sexuelles pédophiles du prévenu, relevant cet égard que si celle-ci avait précédemment constaté des comportements inadéquats (comme par exemple le fait que l’intimé frottait son sexe contre leur fille), elle aurait évidemment porté plainte plus tôt. Les premiers juges ont également considéré que certains comportements relatés par la plaignante, tels que ceux où le prévenu touchait les parties génitales de sa fille lorsqu’il la poussait sur la balançoire au zoo, étaient absurdes et irréalistes. Enfin, ils ont relevé qu’aucun fichier pédophile n’avait été trouvé dans l’ordinateur du prévenu, alors qu’ils auraient pu s’y attendre si ce dernier avait été le prédateur sexuel décrit par la plaignante. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir (art. 382 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d’A.K._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelante conteste les différents éléments d’appréciation probatoires retenus par les premiers juges pour acquitter l’intimé.
Tout d’abord, elle fait valoir que les conclusions de l’expertise du 22 mai 2012, selon lesquelles les déclarations de B.K._ sont plutôt crédibles, ont été écartées à tort, que c’est à juste titre que les experts ont pris connaissance des déclarations de l’enfant par l’enregistrement vidéo réalisé par la police et qu’ils n’ont pas ignoré le contexte de dévoilement des abus, cet aspect faisant l’objet d’un développement spécifique dans l’expertise. Cette dernière ne souffrirait donc pas des défauts méthodologiques décrits par le tribunal correctionnel. En outre, les premiers juges auraient fait à tort état d’incohérence dans les déclarations de la victime. En réalité, ce serait leurs interrogations au sujet de la relation mère-fille qui les auraient conduits à douter, l’appelante étant décrite dans le jugement attaqué comme une mère obsédée par la sécurité de sa fille.
Enfin, à supposer qu’il faille faire abstraction des expertises, pour asseoir sa conviction, le tribunal correctionnel aurait dû se fonder sur les lésions génitales constatées par la Dresse [...] ainsi que sur les déclarations cohérentes de la victime, l’intimé n’ayant d’ailleurs nullement collaboré dans le cadre de l’enquête.
3.1
3.1.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité c. 2.2.2).
3.1.2
Une expertise de crédibilité doit permettre au juge d’apprécier la valeur des déclarations de l’enfant, en s’assurant que ce dernier n’est pas suggestible, que son comportement trouve son origine dans un abus sexuel et n’a pas une autre cause, qu’il n’a pas subi l’influence de l’un de ses parents et qu’il ne relève pas de la pure fantaisie de l’enfant. Pour qu’une telle expertise ait une valeur probante, elle doit répondre aux standards professionnels reconnus par la doctrine et la jurisprudence récente (ATF 129 I 49 c. 5; ATF 128 I 81 c. 2).
Si l’expert judiciaire est en principe libre d’utiliser les méthodes qui lui paraissent judicieuses, sa méthode doit toutefois être fondée, suivre les critères scientifiques établis, séparer soigneusement les constatations de fait du diagnostic et exposer clairement et logiquement les conclusions. En cas de suspicion d’abus sexuel sur des enfants, il existe des critères spécifiques pour apprécier si leurs déclarations correspondent à la réalité. L’expert doit examiner si la personne interrogée, compte tenu des circonstances, de ses capacités intellectuelles et des motifs du dévoilement, était capable de faire une telle déposition, même sans un véritable contexte expérientiel. Dans ce cadre, il analyse le contenu et la genèse des déclarations et du comportement ainsi que les caractéristiques du témoin, son vécu, son histoire personnelle notamment, ainsi que divers éléments extérieurs. Lors de l’expertise de la validité d’un témoignage, il faut toujours avoir à l’esprit que la déclaration peut ne pas être fondée sur la réalité (ATF 128 I 81 c. 2).
Concernant plus particulièrement l’appréciation du résultat d’une expertise, le juge n’est en principe pas lié par ce dernier. Mais s’il entend s’en écarter, il doit motiver sa décision et ne saurait, sans motifs déterminants, substituer son appréciation à celle de l’expert, sous peine de verser dans l’arbitraire. En d’autres termes, le juge qui ne suit pas les conclusions de l’expert n’enfreint pas l’art. 9 Cst. lorsque des circonstances bien établies viennent en ébranler sérieusement la crédibilité (ATF 129 I 49 c. 4; ATF 128 I 81 c. 2). Tel est notamment le cas lorsque l’expertise contient des contradictions et qu’une détermination ultérieure de son auteur vient la contredire sur des points importants, ou lorsqu’elle se fonde sur des pièces et des témoignages dont le juge apprécie autrement la valeur probante ou la portée (ATF 101 IV 129 c. 3a in fine). Si, en revanche, les conclusions d’une expertise judiciaire apparaissent douteuses sur des points essentiels, le juge doit recueillir des preuves complémentaires pour tenter de dissiper ses doutes. A défaut, en se fondant sur une expertise non concluante, il pourrait commettre une appréciation arbitraire des preuves et violer l’art. 9 Cst. (ATF
118 la 144 c. 1c).
3.2
En l’espèce, on doit concéder à l’appelante qu’aucun des motifs avancés par les premiers juges ne permet d’écarter les conclusions des experts.
Le tribunal correctionnel a constaté, à juste titre, que les experts avaient eu accès à l’entier du dossier pénal et avaient utilisé une méthode d’analyse conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral. Il leur a toutefois reproché de n’avoir pas entendu l’enfant en se limitant au visionnement de l’enregistrement vidéo, et de ne pas avoir suivi la «
méthode de la mise à l’épreuve d’hypothèses
». Il fait également grief aux experts de n’avoir pas analysé les circonstances exactes du dévoilement en «
se fondant exclusivement sur l’audition vidéo de B.K._ et sur les explications données par la mère
».
Ces affirmations sont erronées. D’abord, les experts ont entendu l’enfant, certes pas sur les faits de la cause, mais de manière à établir un status psychiatrique fondé sur leurs propres constatations. Ils ont ainsi relevé que B.K._ était très présente durant l’entretien et avait tenu à répondre à toutes les questions. Ils se sont prononcés, sur la base de leurs propres observations, au sujet de la personnalité de l’enfant (P. 77, p. 10 : affects, fonctions du Moi et du Surmoi, test de réalité). Ils ont expliqué les raisons pour lesquelles ils n’ont pas demandé à l’enfant de refaire le récit des faits litigieux, raisons qui sont d’ailleurs conformes aux art. 117 al. 2 et 154 CPP destinés à protéger les victimes mineures. En effet, comme la fillette avait déjà été entendue non seulement par l’inspectrice spécialisée de la police, mais également par les premiers experts, la limite fixée par l’art. 154 al. 4 let. b CPP était déjà atteinte et il eût fallu des motifs particuliers pour y déroger. En outre, les experts ont relevé que la représentation des événements pouvait avoir été modifiée par le processus thérapeutique. Par conséquent, dans la mesure où ils disposaient d’une audition filmée complète leur permettant de se prononcer sur les 19 points de l’analyse du contenu des déclarations, c’est à juste titre qu’ils ont renoncé à entendre eux-mêmes l’enfant (P. 77, p. 13 et 14).
Il résulte en outre clairement du rapport (P. 77, p.16) que les experts n’ont ignoré aucune des circonstances alléguées au sujet du dévoilement. Ils ont notamment repris les faits en relation avec ce dévoilement et ont conclu que les révélations avaient eu lieu après un moment d’angoisse de la mère, mais sans pression ou coercition de celle-ci. Ils ont encore rediscuté le contexte du dévoilement pour admettre que la mère avait pu influencer les dires de sa fille et ont relevé à nouveau une relation fusionnelle avec une mère qualifiée de « surprotectrice » (P. 77, p. 19).
Enfin, les experts ont fait état de conclusions nuancées. Ils ont constaté que le résultat de l’analyse du contenu des déclarations se situait dans une zone discutable de crédibilité. Ils ont également souligné que l’audition était bien cotée pour les aspects de cohérence du récit, de verbalisation spontanée et de détails périphériques, mais pauvre sur la description des attouchements. Par rapport à la liste de pondération, ils ont notamment observé que B.K._ s’exprimait avec un vocabulaire approprié, qu’elle ne connaissait pas la terminologie des parties intimes mais qu’elle pouvait toutefois les montrer pour bien se faire comprendre par l’inspectrice. En conclusion, ils ont fait la liste des éléments en faveur et en défaveur de la crédibilité de la fillette, en mentionnant dans cette seconde catégorie le contexte du dévoilement.
Les objections des premiers juges au sujet de la validité de l’expertise de crédibilité ne sont en conséquent pas fondées, de sorte qu’il n’y a aucun motif d’écarter les conclusions des experts selon lesquelles les accusations de la fillette sont «
plutôt crédibles
».
3.3
Il reste à examiner, selon la propre appréciation de la Cour, l’ensemble des éléments au dossier.
3.3.1
S’agissant tout d’abord de B.K._, il ressort de l’enregistrement vidéo qu’il s’agit d’une fillette intelligente et peu influençable, dont le récit est cohérent. Certes, la description des attouchements est pauvre; toutefois, comme souligné par les experts, cette pauvreté résulte de la méconnaissance par l’enfant, au moment de son audition, de la terminologie des parties intimes. Les mises en cause de la fillette sont en outre corroborées par une symptomatologie réactionnelle après les faits (cauchemars, troubles de l’endormissement, angoisse et tristesse) qui a été constatée par le Dresse X._. Par ailleurs, les parties de la première expertise qui ne sont pas affectées d’informalités, soit celles consacrées à l’examen clinique de l’enfant et au visionnement du DVD de l’audition (P. 38, pp. 5-6 et 7), rejoignent les constats des deuxièmes experts. Sur la base de ces éléments, les déclarations de l’enfant apparaissent plutôt crédibles.
3.3.2
S’agissant ensuite d’A.K._, celle-ci a collaboré tout au long de l’enquête; alors même qu’elle voulait interrompre l’expertise au vu de l’impact que cela avait sur sa fille, elle a finalement accepté de la poursuivre compte tenu des enjeux (cf. P. 29 et 38, p. 4). Par ailleurs, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, ses inquiétudes de longue date, qui n’impliquent pas immédiatement des démarches auprès des autorités, ne parlent pas en défaveur de sa sincérité et de ses doutes. Il reste néanmoins à examiner la question d’une éventuelle influence suggestive d’A.K._ sur sa fille.
Il est constant que la plaignante est une mère très angoissée et préoccupée par la sécurité de son enfant. Selon les déclarations de [...], la nurse de B.K._, A.K._ était «
obsédée par la sécurité de sa fille et par ce qui pouvait lui arriver
» et «
faisait des montagnes pour pas grand-chose
» (PV aud. 2). En outre, il ressort du rapport de police (P. 25, p. 4) qu’à la demande de sa mère, B.K._ avait dû changer de classe, sous le prétexte qu’elle faisait l’objet de menaces et insultes de la part de jeunes des Balkans; or, les enseignants n’avaient fait état d’aucune moquerie et avaient expliqué au contraire que la fillette retournait régulièrement auprès de ses anciens camarades lors des pauses. Toujours selon ce rapport, la plaignante avait retiré sa fille de l’école privée qu’elle venait d’intégrer, en raison des courants d’air dans le bus qu’elle prenait et qui lui seraient néfastes; il arrivait ainsi à B.K._ de se rendre à l’école en taxi.
Il est également avéré qu’A.K._ a toujours été très critique et méfiante envers E._. Ainsi, lors de son audition à la police (PV aud. 1), elle a déclaré que son compagnon était venu s’installer en Suisse non par amour, mais parce qu’elle avait un appartement luxueux; que celui-ci buvait passablement d’alcool; que sa manière de fixer les jeunes filles du regard était particulière et faisait peur; qu’il avait un problème avec la couleur de sa peau ainsi que celle de sa fille. Elle a également expliqué qu’elle craignait qu’E._ enlève B.K._ pour la confier à sa mère, raison pour laquelle elle ne voulait pas qu’il reste seul avec la petite. Elle n’a d’ailleurs jamais confié cette dernière au prévenu. De plus, très rapidement après la naissance de leur fille, la plaignante a suspecté une tendance pédophile chez son compagnon. Enfin, [...] a déclaré que l’appelante lui parlait régulièrement des litiges qui l’opposaient au prévenu et qu’elle lui avait fait part du fait qu’il ne payait pas la pension alimentaire et qu’elle allait tout faire pour le forcer à payer ses dettes.
En outre, A.K._ a adopté des comportements surprotecteurs, voire accusateurs à chaque fois que B.K._ était en présence de son père. Ainsi, lors du deuxième week-end, elle a nettoyé sa fille sur le lit comme une enfant en bas âge et a demandé à celle-ci de rester derrière la porte des toilettes lorsqu’elle-même s’y rendait. Elle n’a jamais laissé sa fille seule avec son compagnon, faisant ainsi comprendre à cette dernière qu’une surveillance constante était nécessaire lorsque son père était présent. La fillette a donc baigné dans un climat d’angoisse et de suspicions, et ce non seulement lors des week-ends litigieux, mais dès son plus jeune âge.
Enfin, il faut rappeler que les révélations ont été faites sur questionnement de la mère, celle-ci ayant demandé à sa fille des explications quant aux rougeurs au niveau de la zone anale, puis sur les chatouilles que son père lui faisait.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, une influence suggestive de la mère sur sa fille ne peut pas être exclue. La question d’une éventuelle suggestion involontaire a d’ailleurs été soulevée par les experts (cf. P. 77, pp. 20-22 et P. 94, p.3). De surcroît, le Dr S._, qui suit la fillette depuis sa naissance et qui a observé une forte liaison entre mère et fille, a déclaré qu’il «
avait parfois de la peine à saisir ce que B.K._ ressentait elle-même
» (jgt., p. 10). L’influence générée par l’anxiété de la plaignante a donc pu avoir comme conséquence que des contacts corporels neutres (chatouilles) ont pris un aspect sexué (tentatives de pénétrations digitales dans les zones intimes).
3.3.3
Des lésions au niveau des parties intimes ont certes été constatées et jugées compatibles avec le type d’attouchements dénoncés. Toutefois, la Dresse I._ a ajouté qu’il s’agissait d’«
un tableau clinique non-spécifique et pouvant donc être d’une autre origine
». Par ailleurs, le Dr S._ a fait état de consultations régulières de l’enfant en raison de problèmes gynécologiques et/ou digestifs. Dans ces conditions, une origine autre que des attouchements insistants ne peut pas être exclue.
3.3.4
Le contexte dans lequel les attouchements auraient été commis doit également être pris en considération. Comme relevé ci-dessus, A.K._ n’a jamais laissé sa fille seule avec son père et ce, depuis la naissance de celle-ci. Par ailleurs, B.K._ a déclaré que son père la chatouillait tout le temps; or, compte tenu de l’hyper vigilance d’A.K._ et dans la mesure où celle-ci était toujours présente lors des visites du père, elle n’aurait pas manqué de constater par elle-même ces gestes incessants ou encore des comportements à connotation sexuelle. Enfin, selon les allégations des appelantes, certains actes se seraient déroulés en public, notamment au zoo ou dans le train, ce qui paraît peu vraisemblable.
3.3.5
Enfin, s’agissant du prévenu, celui-ci n’a certes pas collaboré en cours d’enquête, refusant notamment de s’expliquer de manière claire sur les faits; il semble par ailleurs peu impliqué dans la vie de sa fille et est resté passif face aux décisions de la mère. Cela ne constitue toutefois pas une preuve, ni un indice de culpabilité. Quoi qu’il en soit, aucun fichier à caractère pornographique n’a été retrouvé dans les ordinateurs de l’intimé et la fouille de son appartement n’a rien révélé de particulier. Enfin, ses casiers judiciaires suisse et allemand sont vierges.
3.4
Au vu des éléments qui précèdent, la Cour de céans n’est pas parvenue à se forger une conviction suffisante quant à la culpabilité d’E._. Compte tenu notamment du comportement d’A.K._ et des circonstances dans lesquelles les attouchements auraient été commis, il subsiste un doute raisonnable sur la réalité des faits reprochés au prévenu qui doit en conséquence conduire à son acquittement, en application du principe
in dubio pro reo
.
4.
Au vu de la libération du prévenu, le rejet des conclusions civiles prises par l’appelante doit être confirmé.
5.
En définitive, l’appel d’A.K._ doit être rejeté et le jugement entrepris intégralement confirmé.
6.
6.1
Vu l’issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués du seul émolument d’arrêt, par 2’680 fr., doivent être mis à la charge d’A.K._.
6.2
L’acquittement d’E._ étant confirmé, il se justifie de lui allouer une indemnité pour les dépenses occasionnées pour l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).
S’agissant de cette indemnité, Me Disch a produit une note d’honoraires faisant état de 35 heures et 26 minutes d’activité. Compte tenu de la nature de la cause, de la connaissance du dossier acquise en première instance et de l’activité nécessaire pour la défense des intérêts de son client, certaines opérations, en particulier de nombreux déplacements pour des entretiens, n’entrent pas dans la notion d’exercice raisonnable des droits de procédure. Tout bien considéré, il sera tenu compte d’une activité totale de 12 heures au tarif horaire de 300 francs. C’est donc une indemnité globale de 3'600 fr. pour toutes choses, qui doit être allouée à l’intimé pour la procédure d’appel et mise à la charge des appelantes. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8f226723-c25b-4bd3-acf2-3a819d4a09be | En fait :
A.
Par jugement du 30 mai 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a reconnu T._ coupable de voies de fait qualifiées et de viol (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction de 175 jours de détention avant jugement, et à une amende de 500 fr. (II), a suspendu l’exécution d’une partie de la peine privative de liberté portant sur 20 mois et a fixé au condamné un délai d’épreuve de 4 ans (III), a ordonné le maintien en détention de T._ pour des motifs de sûreté (IV), a ordonné un traitement ambulatoire sous forme d’une thérapie propre à son addiction à l’alcool (V), a dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l’amende est arrêtée à 5 jours (VI), a mis les frais de procédure, arrêtés à 21'688 fr. 25, à la charge de T._, montant comprenant, par 7'830 fr., l’indemnité servie à son conseil d’office, l’avocat Chaulmontet (VII), et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité allouée au ch. VII ci-dessus sera exigible pour autant que la situation économique du condamné le permette (VIII).
B.
Par annonce du 30 mai 2013, puis déclaration du 1
er
juillet 2013, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a formé appel contre ce jugement. Il a conclu à sa réforme, en ce sens que T._ est condamné à une peine privative de liberté de 4 ans, sous déduction de la détention préventive subie.
Par courrier du 24 juillet 2013, T._ a déclaré qu’il n’entendait pas déposer d’appel joint et qu’il s’en remettait à justice s’agissant de la recevabilité de l’appel.
A l’audience d’appel, l’intimé a conclu au rejet de l’appel du Ministère public.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
T._
est né le [...] 1980 aux Philippines. Il est le deuxième d’une fratrie de quatre enfants. Son père se serait fait assassiner sous ses yeux alors qu’il était âgé de six ans. Le prévenu et sa famille se sont établis en Suisse après le mariage de sa mère avec un ressortissant suisse, lequel a adopté les quatre enfants de cette dernière. Le prévenu a grandi à [...], où son père adoptif dirigeait une entreprise de plâtrerie-peinture. Après sa scolarité, il a entrepris un apprentissage de plâtrier-peintre qu’il n’a toutefois pas achevé. Par la suite, il a régulièrement travaillé en cette qualité et des témoins l’ont qualifié de travailleur compétent et de confiance. Au terme de sa détention, le prévenu envisage de reprendre son activité professionnelle et n’exclut pas de s’engager dans une formation complémentaire.
Le casier judiciaire de T._ fait état des condamnations suivantes :
- 26 novembre 2003, Juge d’instruction de La Côte, dommages à la propriété et violation de domicile, 5 jours d’emprisonnement, sursis pendant 2 ans;
- 21 mai 2004, Juge d’instruction de Fribourg, induction de la justice en erreur, 5 jours d’emprisonnement, sursis pendant deux ans, amende de 500 fr., peine complémentaire à celle du 26 novembre 2003;
- 8 mai 2008, Juge d’instruction de La Côte, dommages à la propriété et violation de domicile, peine pécuniaire de 10 jours-amende à 40 francs.
Le prévenu est détenu avant jugement depuis le 7 décembre 2012.
1.2
Dans le cadre de la présente procédure, T._ a été soumis à une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du 28 mars 2013 (P. 55), les experts ont posé les diagnostics de syndrome de dépendance à l’alcool, actuellement abstinent dans un environnement protégé (prison), et autres troubles spécifiques de la personnalité, notamment organisation psychotique de la personnalité. Les experts ont indiqué que l’intimé avait une longue histoire de consommation importante d’alcool, banalisée par ce dernier. Cette consommation excessive avait été utilisée en automédication, probablement à but anxiolytique. Ils ont estimé que cette dépendance avait joué un rôle dans le comportement de l’expertisé par son côté désinhibé entraînant une perte du contrôle des impulsions. Sur le plan psychiatrique, ils ont retenu que la responsabilité pénale du prévenu était moyennement réduite. Ce dernier savait en effet parfaitement qu’un viol est un acte délictueux, toutefois son état d’alcoolisation était de nature à lui faire perdre le contrôle de ses actes et l’avait empêché d’apprécier la situation à sa juste valeur. En outre, les experts ont qualifié le risque de récidive d’important, compte tenu de la nature des troubles psychiques présentés par l’expertisé, du contexte familial et social, ainsi que de ses antécédents. Il n’y avait toutefois pas lieu d’envisager un traitement des troubles mentaux. En revanche, un traitement des addictions (dépendance à l’alcool) était opportun. Ils ont laissé ouverte la question d’une prise en charge institutionnelle ou ambulatoire.
1.3
T._ a fait la connaissance d’A._ en 2010. Très rapidement, le couple a emménagé ensemble. L’entente était normale, sous réserve de certains épisodes de violences réciproques. Après un an de relation, ils ont décidé de fonder une famille. A cette époque, tous deux consommaient régulièrement de l’alcool. Cependant, lors de sa grossesse, A._ a limité au minimum sa consommation et T._ en a fait de même. Leur enfant est né le [...] 2012. Peu après cette naissance, de fortes tensions sont apparues au sein du couple et le prévenu a recommencé ses sorties ainsi que ses consommations excessives d’alcool. Au vu de la situation, A._ lui a proposé une séparation de quelques mois afin de faire le point et a renoncé au projet de mariage initialement prévu, souhaitant une simple reconnaissance de paternité. Le 6 décembre 2012, l’intéressé a quitté le logement commun.
2.
2.1
Dans la nuit du 7 au 8 décembre 2012 vers 20h00, T._, fortement alcoolisé (1,92 g ‰), s’est rendu chez sa compagne sans l’avertir. Une fois dans l’appartement, une dispute a éclaté entre eux. Il lui a demandé d’entretenir des relations sexuelles, ce à quoi elle s’est opposée. Il s’est alors rendu dans la chambre à coucher, a enlevé son pantalon et s’est mis au lit. Son amie l’a rejoint pour lui demander de partir. Celui-ci a insisté pour avoir des relations sexuelles avec elle et lui a notamment dit « veux-tu que je te tape ou que je te viole ». T._ a ensuite réussi à baisser le training de sa compagne qui s’était allongée près de lui. Il y a eu une tentative de préliminaire. Par la suite, celle-ci s’est énervée et a tenté de quitter le lit. T._ l’a alors retenue par l’épaule et lui a donné une série de gifles au visage. Elle a hurlé et il lui a placé plusieurs fois la main sur la bouche pour l’empêcher de crier. Le prévenu a réussi à maintenir sa compagne sur le dos en lui tenant les bras à l’arrière de la tête, puis malgré les dénégations de la jeune femme et le fait qu’elle se débattait, il l’a pénétrée vaginalement, pendant quelques minutes. Il l’a relâchée après avoir éjaculé.
La victime n’a pas déposé plainte.
2.2
A Lausanne, entre 2010 et décembre 2012, lors de disputes, le prévenu a régulièrement donné des gifles à sa compagne.
A._ n’a pas déposé plainte. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les forme et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du Ministère public est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Invoquant une constatation incomplète des faits, l’appelant fait valoir que les premiers juges ont grandement minimisé la violence et la force exercée par l’intimé pour commettre le viol. Ainsi, c’est à tort qu’ils auraient considéré que la plaignante avait été pénétrée vaginalement « malgré les dénégations de celle-ci », alors qu’elle avait également subi des coups.
3.1
Il y a constatation incomplète des faits au sens de l’art. 398 al. 3 let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n’ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
En l’occurrence, c’est en vain que l’appelant isole une phrase du jugement à l’appui de son grief, alors qu’une lecture plus complète de la décision attaquée montre que les premiers juges n’ont en rien ignoré la violence commise par l’intimé dans le cadre de l’agression sexuelle, qui est décrite en page 17 du jugement, sous forme de gifles au visage, qu’ils ont pris soin de distinguer des autres violences commises le même jour, mais avant le viol, et qui ont été sanctionnées comme voies de fait qualifiées (jgt, p. 18).
Mal fondé, le moyen tiré d’une constatation incomplète des faits doit être rejeté.
4.
L’appelant conteste la quotité de la peine. Il fait grief aux premiers juges de ne pas avoir expliqué en quoi la diminution moyenne de responsabilité se répercutait sur l’appréciation de la faute. Il considère que l’acte, objectivement grave, correspond en définitive à une faute qui doit être qualifiée de moyenne, compte tenu de la diminution de responsabilité. En conséquence, c’est une peine privative de liberté de 4 ans qui aurait dû être prononcée.
4.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale(TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
4.1.2
Selon l’art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d’agir, l’auteur ne possédait que partiellement la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après cette appréciation. Les principes qui président à la fixation de la peine en cas de diminution de la responsabilité ont été développés dans I’ATF 136 IV 55. Partant de la gravité objective de l’acte (objektive Tatschwere), le juge doit apprécier la faute subjective (subjektives Tatverschulden). II doit mentionner, dans le jugement, les éléments qui augmentent ou diminuent la faute dans le cas concret et qui permettent d’apprécier la faute en relation avec l’acte. Le législateur mentionne plusieurs critères, qui jouent un rôle important pour apprécier la faute et peuvent même conduire à diminuer celle-ci de telle manière qu’il convient de prononcer une peine inférieure au cadre légal ordinaire de la peine. Parmi ceux-ci, figure notamment la diminution de la responsabilité au sens de l’art. 19 CP. Dans ce cas, en modification de la jurisprudence antérieure (ATF 134 IV 132 c. 6.1), il s’agit de diminuer la faute et non la peine; la réduction de la peine n’est que la conséquence de la faute plus légère (TF 68_356/2012 du 1
er
octobre 2012 c. 3.2; ATF 136 IV 55 c. 5.5).
Le juge dispose également d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’il détermine l’effet de la diminution de la responsabilité sur la faute (subjective) au vu de l’ensemble des circonstances. Il peut appliquer l’échelle habituelle : une faute (objective) très grave peut être réduite à une faute grave en raison d’une diminution légère de la responsabilité. La réduction pour une telle faute (objective) très grave peut conduire à retenir une faute moyenne à grave en cas d’une diminution moyenne et à une faute légère à moyenne en cas de diminution grave. Sur la base de cette appréciation, le juge doit prononcer la peine en tenant compte des autres critères de fixation de la peine. Un tel procédé permet de tenir compte de la diminution de la responsabilité, sans lui attribuer une signification trop vaste (TF 68_356/2012 précité c. 3.2.1; ATF 136 IV 55 c. 5.6).
En bref, le juge doit procéder comme suit en cas de diminution de la responsabilité pénale : dans un premier temps, il doit décider, sur la base des constatations de fait de l’expertise, dans quelle mesure la responsabilité pénale de l’auteur doit être restreinte sur le plan juridique et comment cette diminution de la responsabilité se répercute sur l’appréciation de la faute. La faute globale doit être qualifiée et, au regard de l’art. 50 CP, le juge doit expressément mentionner le degré de gravité à prendre en compte. Dans un deuxième temps, il lui incombe de déterminer la peine hypothétique, qui correspond à cette faute. La peine ainsi fixée peut ensuite être, le cas échéant, modifiée en raison de facteurs liés à l’auteur (Täterkomponente) ainsi qu’en raison d’une éventuelle tentative selon l’art. 22 aI. 1 CP (TF 68_356/2012 précité c. 3.2.2; ATF 136 IV 55 c. 5.7).
4.2
En l’espèce, les premiers juges ont considéré que la culpabilité de T._ était lourde. Ils ont relevé la gravité objective des faits en soulignant les violences commises par l’intimé et le fait que ce dernier était conscient des refus de sa victime. Ils ont également pris en considération la diminution de responsabilité, qualifiée de moyenne. Ils ont toutefois considéré que la peine requise par le Ministère public était excessive et l’ont en définitive arrêtée à 30 mois.
Contrairement à ce que soutient l’appelant, cette sanction ne saurait être qualifiée de légère, selon l’échelle des peines en matière de viol, compte tenu de la diminution de responsabilité. Il résulte en effet de l’expertise psychiatrique que l’intimé subissait, au moment de la commission des actes délictueux, à la fois une altération de son rapport à la réalité, en relation avec l’organisation psychotique de sa personnalité, et une perte de contrôle de ses actes due à son état d’alcoolisation. Sa responsabilité était ainsi moyennement réduite. Cette diminution permet donc d’admettre que sa faute, initialement considérée comme grave, doit en définitive être qualifiée de légère à moyenne.
S’agissant des facteurs liés au prévenu, il convient de retenir, à charge, ses antécédents ainsi que son comportement en cours de procédure consistant à nier dans un premier temps les faits qui lui étaient reprochés et à reporter la faute sur sa victime. A décharge, il est tenu compte du fait qu’il a amorcé une récente prise de conscience de la gravité de ses actes, en admettant sa part de responsabilité et en souhaitant remédier à ses problèmes, notamment par un traitement contre son alcoolisme.
Au vu des éléments qui précèdent, la peine prononcée par les premiers juges apparaît adéquate et doit être confirmée.
Mal fondé, le grief de l’appelant doit être rejeté.
5.
Le Ministère public conteste le sursis partiel octroyé à l’intimé. Il se prévaut de la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle, lorsqu’une mesure est nécessaire et prononcée, le pronostic sur la peine est défavorable, ce qui exclut le sursis.
5.1.1
Sous les anciennes dispositions générales du code pénal, il était de jurisprudence constante que l’octroi du sursis (art. 41 aCP) n’entrait pas en considération si une mesure de sûreté était ordonnée en application de l’art. 43 ou 44 aCP. La même règle valait également pour le traitement ambulatoire. Comme le prononcé d’une mesure supposait nécessairement l’existence d’un risque de récidive, il était en effet impossible d’appliquer l’art. 43 ou 44 aCP et, en même temps, de poser un pronostic favorable permettant l’octroi du sursis (cf. Stefan Trechsel, Kurzkommentar, 2ème éd., 1997, n° 11 ad art. 41 aCP). Il en va toujours ainsi sous le nouveau droit. Si les conditions d’application de l’une ou l’autre des mesures prévues aux art. 56 ss CP sont remplies, le pronostic déterminant pour l’octroi du sursis est nécessairement négatif, puisque le prononcé de ces mesures suppose un risque de récidive (cf. art. 56 al. 1 let. a CP; Schwarzenegger/Hug/ Jositsch, Strafrecht II, 8e éd., 2007, p. 132 n° 2.21; ATF 135 IV 180 c. 2.3, TF 6B_268/2008 du 2 mars 2009 c. 6; TF 6B_71/2012 du 21 juin 2012 c. 6).
5.1.2
Aux termes de l’art. 43 al. 1 CP, le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur. De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1; cf. aussi TF 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1; 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3).
Lorsque le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP). Il peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour la durée du délai d'épreuve (
art. 44 al. 2 CP
). Selon la jurisprudence, la règle de conduite doit être adaptée au but du sursis, qui est l'amendement durable du condamné. Elle doit être conçue en premier lieu dans l'intérêt du condamné et de manière à ce qu'il puisse la respecter; elle doit par ailleurs avoir un effet éducatif limitant le danger de récidive (TF 6B_626/2008 du 11 novembre 2008 c. 6.1;
ATF
130 IV 1
c. 2.1;
108 IV 152
c. 3a;
106 IV 325
c. 1). La loi prévoit expressément que la règle de conduite peut porter sur des soins médicaux ou psychiques. Une règle de conduite ordonnant un suivi médical est donc parfaitement admissible (TF 6B_626/2008 précité). Ainsi, lorsque les conditions énoncées à l’art. 42 ou 43 CP sont réunies, l’exécution de la peine peut être suspendue s’il apparaît que c’est avant tout un appui social, sous forme d’une assistance de probation ou de règle de conduite, qu’il faut à l’auteur pour le détourner de commettre de nouvelles infractions (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
éd., n. 1.1 ad art. 44 CP).
5.2
En l’espèce, avec l’appelant, il sied de constater que, sur la base des considérations qui précèdent (cf. supra c. 5.1.1), le Tribunal fédéral a jugé que lorsque les conditions d’un traitement ambulatoire sont remplies, celles du sursis intégral ou partiel, ne le sont pas.
Cependant, les premiers juges ont considéré que malgré le risque de récidive, les conditions subjectives d’un sursis partiel étaient réunies, dans la mesure où l’addiction du prévenu allait être traitée. Ils auraient ainsi pu faire le choix, parfaitement compatible avec les art. 56 ss CP, de prononcer un sursis partiel, dont la règle de conduite au sens de l’art. 44 al. 2 CP, aurait été la poursuite d’un traitement ambulatoire.
En l’occurrence, les experts ont relevé que la dépendance à l’alcool de l’expertisé avait concouru, dans le contexte de l’organisation psychotique de sa personnalité, à la commission des actes délictueux (P. 55, p. 18). Selon eux, la mesure la plus efficace en vue de réduire les risques de récidive était celle qui allait permettre l’obtention d’une stricte abstinence de consommation d’alcool (P. 55, p. 19). Force est dès lors de constater que les faits reprochés au prévenu sont étroitement liés à ses problèmes d’alcool. Aux débats d’appel, l’intimé a indiqué adhérer au suivi d’un traitement ambulatoire. Dans ces conditions, il convient d’admettre qu’une thérapie propre à l’addiction du prévenu est de nature à le détourner de la commission de nouvelles infractions.
Au surplus, malgré des antécédents, il s’agit pour l’intimé de la première exécution d’une peine privative de liberté qui aura incontestablement un effet choc. Par ailleurs, au terme sa détention, il compte reprendre son activité professionnelle.
Dans ces circonstances, le pronostic n’est pas totalement défavorable. Il se justifie dès lors de suspendre partiellement la peine et de subordonner le sursis partiel au suivi d’un traitement ambulatoire contre l’addiction à l’alcool. La Cour de céans a pu constater que l’intimé avait encore des difficultés à maîtriser ses émotions et ses pulsions; afin de diminuer le risque de récidive et permettre la mise en place d’une thérapie avant sa sortie de prison, la part ferme à exécuter doit être portée à 12 mois et le délai d'épreuve fixé à cinq ans.
6.
En définitive, l’appel du Ministère public est très partiellement admis et le jugement entrepris réformé, en ce sens que l’exécution de la peine privative de liberté de 30 mois est suspendue pour une partie de la peine arrêtée à 18 mois, le sursis étant subordonné à la poursuite du traitement ambulatoire contre l’addiction à l’alcool, et le délai d’épreuve étant fixé à 5 ans.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, comprenant l’émolument d’arrêt, par 2’020 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ainsi que l’indemnité allouée au défenseur d'office d’un montant de 1’814 fr. 40, TVA et débours, sont mis par moitié à la charge de l’intimé, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP).
T._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat la moitié de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra
(art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8f2c3b47-f255-45ef-98db-01fe998c028e | En fait :
A.
Par jugement du 4 août 2014, rectifié par prononcé du
15 août suivant, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a notamment constaté que G._ s’est rendu coupable de vol en bande et par métier, dommage à la propriété et violation de domicile (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de douze mois, sous déduction de
20 jours de détention avant jugement (II), a suspendu l’exécution de la peine privative de liberté et a fixé à G._ un délai d’épreuve de trois ans (III), subordonnant le sursis accordé à G._ à la poursuite du traitement psychiatrique et médical (IV).
B.
Par annonce du 13 août 2014, suivie d’une déclaration succinctement motivée du 22 août 2014, G._ a formé appel contre ce jugement, concluant avec suite de frais et dépens, à ce qu’une peine privative de liberté de six mois, sous déduction de 20 jours de détention avant jugement, soit prononcée à son encontre. Il a en outre demandé à être soumis à une expertise psychiatrique afin d’évaluer sa responsabilité pénale en tenant compte de son retard mental et de sa difficulté à percevoir la portée de ses actes en lien avec les troubles d’hyperactivité et d’attention dont il souffre.
Par déclaration d’appel joint du 12 septembre 2014, le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois a conclu au rejet de l’appel déposé par G._, ainsi qu’à la réforme du jugement de première instance en ce sens que la peine privative de liberté prononcée est fixée à quatorze mois, sous déduction de 20 jours de détention avant jugement, le jugement étant confirmé pour le surplus.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
G._ est né le [...] 1994. Il a suivi sa scolarité jusqu’en deuxième ou troisième année à l’école publique de [...]. Rencontrant de grandes difficultés dans l’apprentissage de la lecture et du calcul, il a ensuite suivi une filière d’enseignement spécialisé d’abord à la Fondation X._ depuis 2004, puis à l’école [...] en interne d’août 2007 jusqu’à la fin de sa scolarité obligatoire. Il est ensuite allé en classe TEM (transition école-métier) qui fait partie de la Fondation X._ afin de préparer une formation AI. Il a toutefois quitté le TEM avant la fin du cursus et s’est mis à la recherche d’un emploi avec l’aide de l’AI. Il est au bénéfice d’une curatelle de portée générale. Son curateur K._ a précisé que G._ était suivi dans le cadre de l’unité psychiatrique ambulatoire de Cery qui évalue sa situation afin de déterminer ses capacités à pouvoir gérer un emploi. Il est notamment suivi par un psychiatre depuis quatre mois, qui lui a administré un nouveau médicament plus fort et plus durable que la ritaline, afin de stabiliser sa situation sur une journée complète. Il vit auprès de sa mère et perçoit une rente AI mensuelle de 1'560 fr. et 241 fr. de prestations complémentaires. Il fait l’objet d’actes de défaut de biens à hauteur de 150'000 fr. et de dettes hors poursuite de 20'000 fr., étant précisé que l’essentiel de ces dettes proviennent d’achats compulsifs.
Le casier judiciaire suisse de G._ ne fait mention d’aucune condamnation.
Pour les besoins de la présente cause, il a été placé en détention provisoire du 27 décembre 2012 au 15 janvier 2013, soit pendant 20 jours.
2.
De 2001 à 2012, G._ a été suivi par la Dresse M._, pédopsychiatre, qui a diagnostiqué un syndrome d’hyperactivité sévère lié à un retard mental – avec un quotient intellectuel de 65 – ce qui se traduit chez le jeune homme par une énorme impulsivité, des troubles du comportement, d’importantes difficultés à supporter la frustration et une propension à facilement entrer en conflit. Le retard mental léger de G._ implique une restriction dans l’autonomie de tous les actes du quotidien, alors que son hyperactivité était alors soignée avec de la ritaline depuis qu’il a six ans. Entendue en qualité de témoin aux débats de première instance, la pédopsychiatre a précisé que le maintien de la médication de G._ était fondamental et qu’il faudrait lui trouver une activité cadrée, si possible en internat. Elle a ajouté qu’un suivi régulier chez le médecin lui paraissait insuffisant et qu’un traitement psychiatrique devrait être maintenu.
Dans un rapport du 9 mai 2012 (P. 146), la professeure T._, qui avait examiné G._ le 3 mai 2012, a indiqué que celui-ci se faisait du souci pour son avenir, de ne pas gagner de l’argent, et relevait qu’il pouvait faire des bêtises parfois en en réalisant les conséquences, qu’il pouvait se laisser influencer par exemple à commettre de petits délits, qu’il était à la fois assez malin mais aussi assez naïf ne réalisant pas vraiment les conséquences de ses actes. La professeure T._ a précisé qu’elle avait le sentiment que G._ commençait à réaliser les conséquences de certains actes mais qu’il y avait du chemin à faire dans cette direction.
3.
Entre l’été et la fin de l’année 2012, une série de vols, majoritairement d’appareils informatiques, et plus particulièrement d’ordinateurs, a eu lieu dans des écoles privées et publiques de la Broye. L’instruction pénale ouverte à la suite de ces vols a permis d’établir qu’ils ont été commis par une dizaine de jeunes de la région agissant en général à plusieurs, la composition des équipes évoluant d’une fois à l’autre. G._ a admis avoir été actif parmi ces jeunes, tenant un rôle déterminant dans certaines activités délictuelles commises en bande et ayant lui-même organisé la commission d’un certain nombre de vols ou invité des tiers à les commettre avec lui.
4.
Par ordonnance du 22 octobre 2014, le président de la Cour de céans a mandaté le Dr P._ du Centre d'expertises psychiatriques du CHUV, pour procéder à l’expertise psychiatrique de G._.
Dans un rapport du 22 juin 2015 (P. 161), l’expert a notamment indiqué ce qui suit :
« (...) Au moment des faits concernant la Fondation X._, M. G._ a évoqué avoir eu un sentiment puissant de vengeance et confirmé ne ressentir actuellement aucun regret face à son acte. Il a par ailleurs joué un rôle important dans l’organisation même du vol et a opéré seul à la déprédation de l’institution, à l’inverse des autres infractions pour lesquelles il dit avoir endossé davantage un rôle de suiveur. Par conséquent, pour cet acte uniquement, nous évaluons sa capacité d’apprécier le caractère illicite de son acte ainsi que de se déterminer d’après cette appréciation au moment des faits comme complète. En ce qui concerne les délits touchant les autres institutions, où le caractère vindicatif semble absent, nous estimons que la capacité de M. G._ à apprécier le caractère illicite de ses actes comme entière. Nous pouvons, en revanche, estimer que sa capacité à se déterminer d’après cette appréciation comme ayant été altérée, en raison notamment des dimensions impulsive et influençable et à la rigidité de son fonctionnement psychologique. Sur un plan psychiatrique, sa responsabilité peut donc être considérée comme diminuée dans une mesure légère pour ces faits. (...) » | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux par des parties ayant la qualité pour recourir (art. 381 al. 1 et 382 al. 1 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du prévenu et l’appel joint du Ministère public sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung,
2
e
éd., Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Ayant admis les faits qui lui sont reprochés, l’appelant conteste uniquement la quotité de la peine privative de liberté qui lui a été infligée, à savoir
12 mois, estimant que les premiers juges n’auraient pas suffisamment tenu compte de son état psychique au moment des faits.
Le Ministère public conclut, quant à lui, au prononcé d'une peine privative de liberté de 14 mois, identique à celle prononcée à l’encontre du co-prévenu de l’appelant, Q._, afin de tenir correctement compte du rôle déterminant de G._ dans la commission des infractions.
3.1
3.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale
(ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
3.1.2
Conformément à l'art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.
Le Tribunal fédéral a jugé que la réduction purement mathématique d'une peine hypothétique, comme le permettait l'ancienne jurisprudence, était contraire au système, qu'elle restreignait de manière inadmissible le pouvoir d'appréciation du juge et conduisait à accorder un poids trop important à la diminution de la capacité cognitive ou volitive telle qu'elle a été constatée par l'expert (ATF 136 IV 55). Pour fixer la peine en cas de diminution de la responsabilité pénale, le juge doit partir de la gravité objective de l'acte (objektive Tatschwere), et apprécier la faute subjective (subjektives Tatverschulden). Il doit mentionner, dans le jugement, les éléments qui augmentent ou diminuent la faute dans le cas concret et qui permettent d'apprécier la faute en relation avec l'acte. Le législateur mentionne plusieurs critères, qui jouent un rôle important pour apprécier la faute et peuvent même conduire à diminuer celle-ci de telle manière qu'il convient de prononcer une peine inférieure au cadre légal ordinaire de la peine. Parmi ceux-ci, figure notamment la diminution de la responsabilité au sens de l'art. 19 CP. Dans ce cas, contrairement à la lettre de la disposition et en modification de la jurisprudence en vigueur (ATF 134 IV 132 c. 6.1), il s'agit de diminuer la faute et non la peine; la réduction de la peine n'est que la conséquence de la faute plus légère (ATF 136 IV 55 c. 5.5).
Le juge dispose également d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’il détermine l’effet de la diminution de la responsabilité sur la faute (subjective) au vu de l’ensemble des circonstances. II peut appliquer l’échelle habituelle : une faute (objective) très grave peut être réduite à une faute grave en raison d’une diminution légère de la responsabilité. La réduction pour une telle faute (objective) très grave peut conduire à retenir une faute moyenne à grave en cas d’une diminution moyenne et à une faute légère à moyenne en cas de diminution grave. Sur la base de cette appréciation, le juge doit prononcer la peine en tenant compte des autres critères de fixation de la peine. Un tel procédé permet de tenir compte de la diminution de la responsabilité, sans lui attribuer une signification trop vaste (ATF 136 IV 55 c. 5.6).
En bref, le juge doit procéder comme suit en cas de diminution de la responsabilité pénale : dans un premier temps, il doit décider, sur la base des constatations de fait de l’expertise, dans quelle mesure la responsabilité pénale de l’auteur doit être restreinte sur le plan juridique et comment cette diminution de la responsabilité se répercute sur l’appréciation de la faute. La faute globale doit être qualifiée et, au regard de l’art. 50 CP, le juge doit expressément mentionner le degré de gravité à prendre en compte. Dans un second temps, il lui incombe de déterminer la peine hypothétique, qui correspond à cette faute. La peine ainsi fixée peut ensuite être, le cas échéant, modifiée en raison, notamment, de facteurs liés à l’auteur (ATF 136 IV 55 c. 5.7).
3.1.3
Le Tribunal fédéral considère qu’en vertu du principe de l’individualisation de la peine, voulue par le législateur, la comparaison des peines entre co-accusés est délicate, au vu des nombreux paramètres qui interviennent dans la fixation de la peine (ATF 123 IV 49 c. 2 ; ATF 120 IV 136 c. 3a ;
TF 6B_334/2009 du 20 juillet 2009 c. 2.3.1). Ce n’est que si le résultat auquel le juge est parvenu apparaît vraiment choquant, compte tenu notamment des arguments invoqués et des cas examinés par la jurisprudence, que l’on peut alors parler d’un véritable abus du pouvoir d’appréciation (ATF 123 IV 49 ; TF 6B_33412 909 du
20 juillet 2007 c. 2.3.2 ; Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 2a ad art. 47 CP ; Favre, Pellet, Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 2011, n. 1.12 ad art. 47 CP).
3.2
En l’espèce, les premiers juges ont retenu comme éléments à charge que l’appelant avait adopté un
modus operandi
saccageur, n’hésitant pas à jeter certains ordinateurs qu’il n’avait pas réussi à restaurer dans la Broye, d’autres biens ayant été saccagés pour le plaisir. Ils ont également relevé que l’appelant avait choisi de s’en prendre à des institutions qui avaient tenté de lui venir en aide (la Fondation X._, l’Ecole [...], La Fondation [...]), pour un mobile uniquement pécuniaire et qu’il avait tendance à rejeter la responsabilité de ses échecs sur les intervenants qui avaient pourtant essayé de l’assister. L’appelant a eu un rôle important dans les activités délictuelles commises en bande, étant précisé que le premier vol l’a été sur sa proposition, qu’il avait lui-même organisé la commission d’un certain nombre de vols et invité des tiers à les commettre avec lui ; c’est en outre lui qui devait restaurer les ordinateurs volés. Les premiers juges ont enfin retenu comme élément à charge le concours d’infractions ainsi que le rythme effrayant auquel les vols se sont succédés (11 cas en un mois) et le fait qu’ils ne se sont arrêtés que lors de l’interpellation des auteurs (jgt., pp. 33-34).
À décharge, les premiers juges ont retenu les aveux de G._ ainsi que sa collaboration durant l’enquête, les lettres d’excuses écrites aux plaignants – tout en relevant cependant qu’il s’agissait de lettres-types que l’intéressé n’avait probablement pas écrites lui-même – de même que son engagement à dédommager une victime et les regrets exprimés. Ils ont en outre tenu compte du jeune âge de l’appelant et de sa situation familiale et personnelle difficile, de même qu’ils ont relevé que l’intéressé était désormais entouré et encadré par un réseau de l’unité psychiatrique ambulatoire, une mère attentive et un curateur bienveillant. Les premiers juges ont enfin tenu compte de sa responsabilité légèrement diminuée du fait de son développement mental incomplet, en application de l’art. 19 al. 2 CP (jgt., pp. 34-35).
Au vu de ce qui précède, force est d’admettre que tous les éléments à charge et à décharge ont été pris en considération afin de fixer la quotité de la peine. En effet, les médecins qui ont suivi l’appelant depuis son enfance et durant son adolescence ont retenu qu’avec un quotient intellectuel de 65, ce dernier souffrait d’un léger retard mental. Cela est désormais confirmé dans le rapport d’expertise du 22 juin 2015, qui mentionne une légère diminution de la responsabilité pénale de l’appelant lorsqu’il a commis les faits qui lui sont reprochés, à l’exception toutefois de ceux visant la Fondation X._ (P. 161, p. 11). Contrairement à ce que soutient l’appelant, les premiers juges ont tenu compte de cette légère diminution de responsabilité de manière conforme à la jurisprudence fédérale rappelée ci-dessus pour fixer la peine.
Par ailleurs, outre l’état psychique de l’appelant, la peine prononcée tient également compte des rôles distincts tenus par l’appelant et son comparse Q._. En effet, les premiers juges ont constaté que si chacun d’eux avait tenu un rôle important dans la bande, c’était Q._ qui – agissant par jeu – avait commis le plus de déprédations puisqu’il était le spécialiste de l’effraction sur le terrain (jgt., p. 35). Compte tenu de ces circonstances, c’est à raison que les premiers juges ont fixé des peines différentes à l’encontre des deux comparses. La peine privative de liberté de 12 mois prononcée à l’encontre de G._ doit dès lors être confirmée.
4.
En définitive, aussi bien l’appel de G._ que l’appel joint du Ministère public doivent être rejetés et le jugement entrepris intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis par moitié à la charge de G._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat. Outre l'émolument, qui se monte à 1'920 fr., (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent les frais de l’expertise psychiatrique ordonnée le 22 octobre 2014 par 5'500 fr., ainsi que l’indemnité allouée à son défenseur d’office.
5.
Aux termes de l’art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d’office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès.
5.1
Selon la jurisprudence, le défenseur d'office a droit au remboursement intégral de ses débours ainsi qu'à une indemnité s'apparentant aux honoraires perçus par le mandataire plaidant aux frais de son client; pour fixer cette indemnité, l’autorité doit tenir compte de la nature et de l’importance de la cause, des difficultés particulières qu’elle peut présenter en fait et en droit, du temps que le défenseur d’office y a consacré et de la qualité de son travail, du nombre de conférences, d’audiences et d’instances auxquelles il a pris part, du résultat obtenu et, enfin, de la responsabilité qu’il a assumée (TF 6B_745/2009 du 12 novembre 2009 c. 10.1 et les réf. citées).
Lorsque le juge fixe le montant des dépens sur la base d'une liste de frais et qu’il entend s'en écarter, il doit alors au moins brièvement indiquer les raisons pour lesquelles il tient certaines prétentions pour injustifiées, afin que son destinataire puisse attaquer la décision en connaissance de cause (TF 5D_45/2009 du 26 juin 2009 c. 3.1; TF 1P.85/2005 du 15 mars 2005 c. 2 et les réf. cit.). L’autorité chargée de fixer la rémunération du défenseur d’office peut se prononcer sur le caractère excessif du temps que celui-ci allègue avoir consacré à sa mission et ne rétribuer que l’activité qui s’inscrit raisonnablement dans le cadre de l’accomplissement de la tâche du défenseur, à l’exclusion des démarches inutiles ou superflues ou des tâches relevant d’un simple soutien moral ou d’une aide sociale sans rapport avec la conduite du procès pénal; l’avocat doit toutefois bénéficier d’une marge d’appréciation suffisante pour déterminer l’importance du travail qu’exige l’affaire (ATF 109 Ia 107 c. 3b).
5.2
Dans la liste des opérations produite à l’audience d’appel, Me Véronique Fontana a indiqué avoir consacré plus de 13 heures à l’exercice de son mandat. Cette durée est manifestement disproportionnée dès lors que l’avocate n’a jamais rencontré son client durant la procédure d’appel, que seule la quotité de la peine est contestée et que la déclaration d’appel n’est que très succinctement motivée. Il convient de relever en particulier que le temps annoncé de 4 heures 45 à la préparation des débats est exagéré puisque le défenseur d’office, qui était déjà conseil en première instance, connaissait le dossier. L’audience d’appel ayant duré 30 minutes, c’est en définitive un mandat de 6 heures qui doit être admis, auquel il faut ajouter une vacation forfaitaire de 120 fr., ainsi que des débours par
50 francs. L’indemnité allouée à Me Véronique Fontana pour la procédure d’appel sera dès lors arrêtée à 1'350 fr.
,
TVA et débours inclus.
G._
ne sera tenu de rembourser à l’Etat
le montant
de l’indemnité en faveur de son conseil d’office que lorsque sa situation financière le permettra
(art. 135 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8f89066a-99c8-44b9-ab66-1457d748fd1a | En fait :
A.
Par jugement du 19 novembre 2010, le Tribunal criminel de l’arrondissement de Lausanne a notamment constaté que B._ s'est rendu coupable d'assassinat, de brigandage, de vol, de tentative de vol, de dommages à la propriété, de complicité de crime manqué d'extorsion qualifiée, de violation de domicile, d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (VI), l'a condamné à une peine privative de liberté d'ensemble à vie, sous déduction de 1261 jours de détention avant jugement et à une amende de 200 fr. (VII), a dit que cette peine est partiellement complémentaire à celle prononcée le 11 août 2008 par le Strafbefehlsrichter Basel-Stadt (IX), a révoqué le sursis accordé à B._ le 8 avril 2004 par le Juge d'instruction de La Côte et le 11 août 2008 par le Strafbefehlsrichter Basel-Stadt et a dit que les peines à exécuter sont comprises dans la peine d'ensemble mentionnée sous
ch. VII ci-dessus (X), a statué sur les conclusions civiles et sur les frais (XIII et XVII).
B.
Par jugement du 7 mars 2011, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté les recours formés par P._ et B._ et confirmé le jugement rendu le 19 novembre 2010 par le Tribunal criminel de l'arrondissement de Lausanne.
Par arrêt du 23 septembre 2011, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a admis partiellement le recours interjeté par B._, a annulé l'arrêt attaqué en tant qu'il confirmait la quotité de la peine infligée au recourant et a renvoyé la cause à la Cour cantonale pour qu'elle statue à nouveau. Pour le surplus, le recours a été rejeté dans la mesure où il était recevable.
C.
Statuant à nouveau, par arrêt du 19 décembre 2011, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal a rejeté le recours formé par B._.
B._ a déposé un nouveau recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il a invoqué une violation de l'art. 47 CP, concluant à la réforme du jugement entrepris en ce sens qu'il est condamné à une peine privative de liberté de 16 ans sous déduction de la détention préventive. A titre subsidiaire, il a conclu à l'annulation de la décision querellée et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle instruction et nouveau jugement dans le sens des considérants.
Par arrêt du 23 juin 2012, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a admis le recours et annulé l'arrêt rendu le 19 décembre 2011 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal. La cause a été renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau sur la durée de la peine privative de liberté.
D.
Par courrier du 10 juillet 2012, les parties ont été invitées à déposer un mémoire complémentaire.
Par mémoire complémentaire du 13 juillet 2012, B._ a conclu, avec suite de frais et dépens, à ce qu'il plaise à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal, subsidiairement à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal, de réformer le jugement rendu le 19 novembre 2010 par le Tribunal criminel de l'arrondissement de Lausanne en ce sens qu'il est condamné à une peine privative de liberté d'ensemble de seize ans, sous déduction de la détention avant jugement.
Par courrier du 16 juillet 2012, le Procureur général a conclu à la condamnation de B._ à une peine privative de liberté de vingt ans.
Le 16 juillet 2012, B.D._ a déclaré s'en remettre à justice s'agissant de la fixation de la peine à infliger à l'appelant.
Le 23 juillet 2012, le président de la Cour d'appel pénale a demandé aux parties de lui faire savoir si elles avaient une objection à ce que la Cour d'appel pénale s'occupe de la cause en lieu et place de la Cour de cassation pénale.
Le 24 juillet 2012, B.D._ a déclaré ne formuler aucune objection à ce que la Cour d'appel pénale s'occupe de la cause en lieu et place de la Cour de cassation pénale.
Par courrier du 25 juillet 2012, le Procureur général ne s'est pas opposé à la compétence de la Cour d'appel pénale.
Par avis du 22 août 2012, le président de la Cour d'appel pénale a informé les parties de la composition de la Cour appelée à statuer.
Le 27 août 2012, B._ a fait savoir au président de la Cour d'appel pénale qu'il émettait des réserves quant à la composition de la Cour appelée à statuer sur le dossier.
Le 29 août 2012, le président de la Cour d'appel pénale a demandé à B._ si sa lettre du 27 août 2012 devait être considéré comme une demande de récusation.
Par courrier du 30 août 2012, B._ a déclaré maintenir intégralement les termes de son courrier du 27 août 2012 et précisé que celui-ci n'était pas une demande de récusation en bonne et due forme.
E.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
B._, né en 1981, ressortissant de Serbie-Monténégro, est arrivé en Suisse en 2002 et a déposé une demande d'asile le 15 avril de cette même année. Sa demande a été rejetée par décision du 20 septembre 2002, entrée en force le 29 octobre suivant. L'intéressé a refusé à plusieurs reprises de rentrer volontairement dans son pays et a travaillé sans autorisation. Il a été placé dans divers centres pour requérants d'asile, avant d'être détenu sous l'autorité du Président du Tribunal de l'arrondissement de Lausanne dès le 28 novembre 2006, puis d'être libéré en été 2008. Il a par la suite été placé au centre de requérants d'asile de Bex, puis au centre d'aide d'urgence de l'Etablissement vaudois d'Accueil des Migrants (EVAM) de Vennes.
Le casier judiciaire de B._ comporte deux inscriptions, relatives à des condamnations prononcées, la première, le 8 avril 2004, par le Juge d'instruction de l'arrondissement de La Côte, pour recel, à un mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans, sous déduction d'un jour de détention préventive, et, la seconde, le 11 août 2008, par le Strafbefehlsrichter Basel-Stadt, pour séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans autorisation, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à 30 fr. le jour-amende, avec sursis pendant deux ans, sous déduction de trois jours de détention avant jugement, et à une amende de 500 francs.
Le 26 septembre 2006, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a condamné B._, par défaut, à quatre ans de réclusion, sous déduction de 298 jours de détention préventive, pour vol, tentative de vol, dommages à la propriété, crime manqué d'extorsion qualifiée, violation de domicile et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants. L'appelant ayant obtenu le relief de ce jugement, cette même autorité l'a, par jugement du 21 mars 2007, condamné, pour les mêmes infractions, à une peine privative de liberté de quatre ans, sous déduction de 142 jours de détention avant jugement, le sursis accordé le 8 avril 2004 par le Juge d'instruction de La Côte étant révoqué et l'exécution de la peine d'un mois d'emprisonnement ordonnée. Le jugement sur relief a été confirmé par arrêt du 18 septembre 2007 de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal. Cet arrêt a été annulé par arrêt du Tribunal fédéral du 25 janvier 2008 et la cause a été renvoyée à l'autorité cantonale. Par arrêt du 19 mai 2008, la Cour de cassation de pénale a renvoyé la cause au Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne pour nouveau jugement. Les causes ayant été jointes, le jugement rendu dans la présente procédure procède notamment de ce renvoi.
B._ a été détenu préventivement du 9 janvier 2009 au 10 juillet 2012, date à laquelle il a été autorisé à exécuter sa peine de façon anticipée. Il est actuellement détenu à l'établissement de détention de la Promenade à la Chaux-de-Fonds.
2.
L'appelant a fait l'objet d'une expertise psychiatrique, établie le 4 septembre 2009 par le Professeur [...] et la Dresse [...], du Département de psychiatrie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Selon ce rapport, l'expertisé ne présentait, lors des faits dont il sera question ci-dessous, aucun trouble mental susceptible d'avoir altéré ses facultés cognitives et volitives. Dès lors, sa responsabilité pénale était entière sur le plan psychiatrique; le risque de récidive est présent.
3.
Le matin du lundi 29 décembre 2008, P._ et B._, après avoir passé la soirée ensemble et partagé de la cocaïne, se sont rendus, sur une idée du premier nommé, au domicile des époux A.D._ et B.D._. Ils ont agi dans le dessein de se procurer les clés du coffre-fort situé dans la pièce attenante au garage, afin de le vider de son contenu, en ayant prévu, si nécessaire et à l'initiative de P._, d'user de violence envers le couple s'ils n'obtenaient pas satisfaction. La configuration du logement était connue de P._, ce dernier ayant déjà pénétré dans la maison des victimes à deux reprises entre le 1
er
février et le 1
er
mars 2006 ainsi qu'en mai 2008 et y ayant dérobé notamment de l'argent et des bijoux.
Arrivés sur les lieux vers 6h, les accusés se sont trouvés rapidement en présence de A.D._ qui, alerté par son épouse, était sorti à leur rencontre. B._ lui a donné un violent coup de poing à la face et la victime s'est écroulée. B._ a précédé P._ qui portait A.D._ blessé au salon où le maître des lieux a été laissé par terre, puis roué de coups par les deux agresseurs en présence de sa femme, qui a elle-même été frappée par B._. L'épouse a été empêchée de porter secours à son mari par le plus petit des agresseurs, lequel s'était précipité sur elle et l'avait jetée au sol en réclamant la clé du coffre. Les deux agresseurs ont donné des coups de pied à la tête de A.D._, mais seul le plus petit d'entre eux lui a asséné des coups de pied et un coup dans les côtes sur le flanc gauche. Menacée par B._, qui lui avait mis un couteau sous la gorge, B.D._ a fini par donner la clé du coffre lorsque P._ a menacé d'amputer le petit doigt de son époux avec le couteau qu'il avait récupéré des mains de son complice. P._ est descendu au coffre en passant par le garage, dont il a ouvert la porte en la forçant. Il y a trouvé environ 200 euros et est remonté au salon pour montrer le maigre butin à son comparse. B._ a continué à rouer de coups de pied A.D._, tandis que P._ fouillait la bibliothèque et le dressoir sans rien trouver à dérober. B.D._ a remis deux porte-monnaie aux agresseurs, lesquels lui ont arraché la montre qu'elle portait au poignet. Outre la montre, le butin s'est monté à 3'400 fr. environ, 200 euros et des cartes bancaires.
Appelée à 6h42 par B.D._, la police est arrivée sur les lieux moins de vingt minutes plus tard. Les agents ont tenté sans succès de ranimer A.D._ en attendant l'arrivée des ambulanciers. Il est toutefois établi que les policiers ont constaté que la victime était déjà morte lors de leur intervention. Le décès a été constaté à 7h30.
L'autopsie a révélé de multiples lésions traumatiques, notamment au niveau de l'extrémité céphalique avec de multiples hémorragies pétéchiales du parenchyme cérébral, ainsi qu'à la moelle épinière cervicale. Le décès est principalement dû à ces atteintes. Le mauvais état de santé préexistant de la victime n'a pas joué de rôle dans le processus mortel, les lésions traumatiques cérébrales ici en cause étant propres à entraîner la mort de n'importe quel individu.
B.D._ a subi diverses lésions, dont une blessure au visage, qui ont justifié une courte hospitalisation. Elle a déposé plainte le 29 décembre 2008. | En droit :
1.
Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Il peut également renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 107 al. 2 LTF [loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral, RS 173.110]). L'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit contenus dans l'arrêt de renvoi. Elle ne peut en aucun cas s'écarter de l'argumentation juridique du Tribunal fédéral, aussi bien en ce qui concerne les points sur lesquels il a approuvé la motivation précédente que ceux sur lesquels il l'a désapprouvée. Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis – même implicitement – par le Tribunal fédéral (B. Corboz, in: Commentaire de la LTF, Berne 2009, ch. 27 ad art. 107 LTF).
2.
Dans son arrêt du 29 juin 2012, le Tribunal fédéral a considéré que la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal avait violé l'art. 47 CP en condamnant B._ à une peine privative de liberté à vie. Il a estimé que l'ensemble des éléments retenus par la Cour cantonale dans le cadre de la fixation de la peine justifiait sans contexte une peine privative de liberté d'une durée se situant dans la partie supérieure du cadre légal, mais le fait qu'il s'agissait également de réprimer un ensemble de crimes et de délits commis par le recourant avant le 29 décembre 2008 (vol, tentative de vol, dommages à la propriété, crime manqué d'extorsion qualifiée et violation de domicile) ne permettait pas de justifier la différence de nature entre les peines infligées aux deux coaccusés. A cet égard, elle a relevé que les aveux spontanés de P._, ses excuses et ses regrets, son repentir sincère, le fait qu'il ne s'était pas déchaîné sur la victime comme B._ et son plus jeune âge permettaient certes encore de justifier une différence de 2 à 3 ans, voire 4 ans de privation de liberté pour sanctionner l'assassinat, correspondant ainsi à quelque 18 à 20 ans de privation de liberté en ce qui concerne le comportement de l'appelant en relation avec ce seul crime, mais excluant sous l'angle de la comparaison des sanctions, le prononcé d'une peine privative de liberté à vie.
3.
Le Tribunal fédéral a invité la Cour cantonale à fixer à nouveau la durée de la peine privative de liberté.
3.1
Selon la jurisprudence, l'homicide commis à seule fin de voler (Raubmord) est un cas typique d'assassinat (ATF 127 IV 10 c. 1a; ATF 115 IV 187
c. 2). Dans cette éventualité, le caractère odieux du but justifie déjà que l'homicide soit sanctionné dans le cadre élargi de l'art. 112 CP, pour peu que l'appréciation globale des circonstances ne permette pas de relativiser l'absence de scrupules. A défaut de toute circonstance atténuante légale permettant de descendre en-dessous du minimum de 10 ans prévu par l'art. 112 CP (art. 48a al. 1 CP), une peine située dans les tous premiers échelons de ce cadre (10 à 12 ans) ne peut se justifier que par des circonstances personnelles particulièrement favorables ou d'autres éléments d'appréciation de la culpabilité, faisant apparaître cette dernière comme notablement moins lourde pour un acte grave qui n'en dénote pas moins une absence particulière de scrupules mais pourrait, par exemple, être perçu comme à la limite de l'homicide (art. 111 CP), voire du crime passionnel (art. 113 CP).
3.2
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1; TF 6B_408/2012 du 1
er
novembre 2012 c. 1.1).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55 c. 5.6; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
L'exercice de ce contrôle suppose que le juge exprime, dans sa décision, les éléments essentiels relatifs à l'acte ou à l'auteur qu'il prend en compte, de manière à ce que l'on puisse constater que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens aggravant ou atténuant (art. 50 CP). Il peut passer sous silence les éléments qui, sans abus du pouvoir d'appréciation, lui apparaissent non pertinents ou d'une importance mineure. La motivation doit cependant justifier la peine prononcée, en permettant de suivre le raisonnement adopté même si le juge n'est pas tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentages l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite (ATF 127 IV 101 c. 2c; TF 6B_408/2012 du 1
er
novembre 2012
c. 1.1).
3.3
D'après l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.
En cas de concours, l'aggravation de la peine est obligatoire (ATF 103 IV 225, JT 1978 IV 136). Néanmoins, les différentes circonstances atténuantes et aggravantes peuvent se compenser. Il a ainsi été jugé qu'en cas de concours entre un assassinat commis en état de responsabilité restreinte et une autre infraction, la peine privative de liberté à vie pouvait être prononcée (ATF 127 IV 101 c. 2b; ATF 116 IV 300 c. 2a et 2b).
3.4
En l'espèce, B._ s'est rendu coupable de brigandage au sens de l'art. 140 ch. 1 et 2 CP et d'assassinat au sens de l'art. 112 CP, en concours. S'agissant de cette dernière infraction, la façon d'agir de l'appelant met en évidence tant une manière particulièrement odieuse de donner la mort qu'un mobile futile et réalise cumulativement les trois hypothèses prévues par la loi remplissant les conditions de l'absence particulière de scrupules. B._ s'est en effet associé à un acte primitivement qualifié de brigandage, mais ne peut se prévaloir d'avoir agi par contrainte ou sous l'ascendant de son comparse. Il a battu à mort A.D._ sous les yeux de sa femme qu'il ne s'était pas privé de molester et de terroriser. Il s'est acharné sur sa victime de façon inutile dès lors qu'elle était âgée et à terre, soit dans l'incapacité de se défendre. Lorsque P._ a fait part à l'appelant de la maigreur du butin récolté, ce dernier a donné des coups de tournevis dans le fauteuil où se trouvait B.D._ et s'est acharné à coups de pied sur la tête de A.D._ qu'il a finalement intentionnellement tué. En agissant de la sorte, l'intéressé a fait preuve d'une froideur affective caractérisée qui rend d'autant plus grave un acte déjà en soi particulièrement répréhensible.
La façon d'agir de B._ est particulièrement cruelle et lâche et démontre le mépris le plus complet pour la vie d'autrui. A cela s'ajoute son mobile particulièrement odieux dont les motivations et les buts se réduisent à l'appât du gain et à la frustration de n'avoir pu obtenir qu'un maigre butin.
Sur le plan personnel, l'appelant s'est enferré dans un déni massif, se disant victime d'un complot, ce qui dénote encore une fois une absence totale de scrupules et de prise de conscience de la gravité de ses actes. En effet, comme l'ont relevé les premiers juges, malgré les nombreuses preuves réunies à son encontre en cours d'enquête, l'appelant a nié l'évidence en optant pour un système de défense empreint de lâcheté et de mépris pour ses victimes. Aux débats d'appel, soit près de quatre ans après les faits, l'intéressé a également fait très mauvaise impression, notamment en persistant dans le déni et l'absence totale de prise de conscience. A charge également, il convient de tenir compte de ses antécédents.
A décharge, il n'existe aucun élément à prendre en considération, l'expertise psychiatrique faisant en outre état d'une responsabilité pleine et entière.
Au final, au vu de l'ensemble des éléments précités, la culpabilité de l'appelant est, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, extrême.
3.5
Au regard de la gravité des actes commis le 29 décembre 2008, de la culpabilité accablante de B._ et de sa situation personnelle, une peine privative de liberté se situant entre 18 à 20 ans est justifiée pour sanctionner l'assassinat. Outre ce dernier crime, il est également question de sanctionner l'appelant pour des crimes commis avant le 29 décembre 2008 (vol, tentative de vol, dommages à la propriété, crime manqué d'extorsion qualifiée et violation de domicile, lesquels ont été commis avant le 29 décembre 2008) et qui sont en concours avec l'assassinat d'Epalinges. Ces dernières infractions justifient à elles seules une peine privative de liberté importante, soit d'au moins trois ans.
3.5
Enfin, sous l'angle de la comparaison des sanctions infligées aux deux comparses pour le seul crime d'Epalinges, P._ peut se prévaloir, au contraire de B._, d'aveux spontanés, d'excuses, de regrets, d'un repentir sincère, du fait qu'il ne s'est pas déchaîné sur la victime et qu'il n'a agi que par dol éventuel, mais aussi de son plus jeune âge et d'un historique de délinquance moins important. Dès lors, sous l'angle de la comparaison des sanctions, le prononcé à l'encontre de l'appelant d'une peine privative de liberté de 18 à 20 ans pour le seul crime d'Epalinges est adéquat.
3.6
Au final, au vu de la gravité des infractions en concours retenues contre B._, de sa culpabilité et de tous les éléments susmentionnés, une peine privative de liberté d'ensemble de 20 ans apparaît justifiée et doit être prononcée, étant précisé que cette peine est partiellement complémentaire à celle prononcée le 11 août 2008 par le Strafbefehlsrichter Basel-Stadt. Au surplus, une amende de 200 fr. doit être prononcée pour sanctionner la contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants
4.
En définitive, l’appel doit être partiellement admis.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis pour moitié à la charge de B._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 2'240 fr. (art 422 CPP; art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l'indemnité allouée au défenseur d'office (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP, art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP).
Au vu des opérations effectuées en appel, il se justifie d'arrêter à
2’332 fr. 80, TVA et débours compris, l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant. Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l’Etat la moitié du montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
8ffc28fc-896f-4639-a9fc-639384d0200c | En fait :
A.
Par jugement du 11 août 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté qu’Y._ s’est rendu coupable d’infraction grave à la LStup (loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes) (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 30 mois, dont 10 mois à titre ferme, sous déduction de 289 jours de détention avant jugement, et le solde, soit 20 mois, avec sursis pendant 5 ans (II), a ordonné le maintien en détention pour des motifs de sûreté d’Y._ (III), a constaté que B._ s’est rendu coupable d’infraction grave à la LStup (IV), l’a condamné à une peine privative de liberté de 36 mois, dont 18 mois à titre ferme, sous déduction de 291 jours de détention avant jugement, et le solde, soit 18 mois avec sursis pendant 5 ans (V), a ordonné le maintien en détention pour des motifs de sûreté de B._ (VI), a statué sur les séquestres ordonnés (VII), a statué sur les frais (VIII) et a statué sur les indemnités d’office d’Y._ et de B._ (IX).
B.
Par annonce du 11 août 2014, puis par déclaration du 23 septembre suivant, B._ a formé appel contre ce jugement, concluant à sa réforme principalement en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté de 27 mois dont 9 mois ferme, et subsidiairement, si la peine de 36 mois devait être confirmée, que la part ferme n’excède pas 12 mois.
Par déclaration du 15 octobre 2014, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a formé appel joint, concluant à la réforme du jugement en ce sens que B._ est mis au bénéfice d’une réduction de peine de 9 jours pour réparer sa détention dont les conditions ont été illicites.
A l’audience d’appel, l’appelant a requis à titre de mesures d’instruction une traduction certifiée conforme de la conversation téléphonique du 11 novembre 2013 à 10h42 de l’igbé en français. Cette requête incidente a été rejetée par la Cour de céans (cf. procès-verbal p. 5).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
B._, né en 1982, est un ressortissant nigérian domicilié à [...], en Espagne. Selon ses dires, il a suivi l’école obligatoire et a été à l’université dans son pays d’origine. Il a quitté le Nigeria en 2002. Après un passage en Grèce en 2003, le prévenu est parti s’installer en Espagne où il a exercé plusieurs emplois, notamment dans l’agriculture et comme marchand de voiture. Actuellement, il ne travaille pas. Il a fait la connaissance d’Y._ en Espagne, semble-t-il dans un bar à [...] où divers africains ont coutume de se rencontrer.
Le casier judiciaire de B._ est vierge de toute inscription.
Dans la présente affaire, B._ a été interpellé, puis incarcéré dès le 13 novembre 2013.
2.
A Genève, le 13 novembre 2013, B._, avec son comparse Y._, ont pénétré sur le territoire suisse en provenance d’Espagne. Y._ était porteur de 204,9 grammes de cocaïne brute que lui avait remise B._ à [...]. Ce dernier comptait vendre cette drogue à un grossiste basé à Lausanne, le dénommé H._ (déféré séparément, cf. PE13.024072-PGN).
Au vu des taux de pureté constatés, la drogue transportée représente une quantité de cocaïne pure de 93 grammes. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de B._ est recevable. Il en va de même de l’appel joint du Ministère public.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
I. Appel de B._
3.
L’appelant précise qu’il ne conteste plus sa culpabilité, mais n’admet sa participation à un trafic de stupéfiants que pour le transport d’environ 200 grammes de cocaïne saisis sur Y._. Il conteste toute autre participation, en particulier d’avoir été l’organisateur du trafic ou de s’être livré aux activités illicites mû par l’appât du gain. Il fait valoir que ces faits ne sont nullement motivés dans le jugement.
3.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a ; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c ; TF 6B_831/2009 précité c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (TF 6B_18/2011 du 6 septembre 2011 c. 2.1).
La constatation des faits est incomplète au sens de l’art. 398 al. 3 let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n’ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
En l’espèce, les premiers juges ont retenu que l’appelant était l’organisateur de l’opération d’importation de la drogue de l’Espagne en Suisse et qu’Y._ était la mule ; ils se sont fondés sur les relations de l’appelant avec le grossiste en Espagne, relations confirmées par le dénommé H._, et sur le fait qu’il n’avait pas pris le risque de transporter la drogue lui-même.
A cet égard, l’appelant, qui admet désormais sa participation dans le trafic de stupéfiants pour le transport des 204,9 grammes de cocaïne saisis, a expliqué que son rôle consistait à accompagner Y._ pour s’assurer que ce dernier remettrait bien cette drogue à l’acheteur et prendre ensuite l’argent correspondant au prix de la transaction, Y._ devant en effet lui remettre 5'500 euros après avoir vendu la cocaïne. Selon l’appelant, l’opération était initialement prévue à [...], en Espagne ; il aurait à cet effet préalablement pris contact avec le fournisseur de la drogue au Nigeria, le dénommé U._, qui l’aurait informé qu’il avait contacté Y._. L’appelant devait remettre 500 euros à Y._ pour que ce dernier se rende en Suisse. Comme B._ n’avait pas l’argent, il aurait alors reçu l’instruction d’U._ d’accompagner Y._ afin de s’assurer qu’on lui remettrait l’argent ensuite de la vente de la drogue. Après avoir reçu la cocaïne, les deux intéressés seraient alors partis pour la Suisse. B._ a précisé qu’il ne s’était pas occupé du transport de la drogue. A suivre l’appelant, celui-ci aurait donc dû récupérer l’argent après quelques jours ; sur les 5'500 euros obtenus de la drogue, il devait prélever 1'000 euros que lui devait U._ d’un prêt antérieur. Enfin, la décision de venir en Suisse aurait été prise par U._, l’appelant ignorant les risques à traverser les frontières (cf. procès-verbal pp. 3-4).
Ainsi, au vu des explications que donne l’appelant concernant les raisons de ses agissements, sa version présentée en appel – qui serait véridique cette fois – démontre en tous les cas qu’il assumait des responsabilités dans le trafic de stupéfiants incriminé, en tant que surveillant du transporteur de la drogue. Il faut donc retenir que l’appelant avait un rôle actif dans ce trafic, à tout le moins, celui de mandataire et d’homme de confiance, dans la mesure où il devait récupérer l’argent de la drogue et le ramener avec lui. Dans ce contexte, l’appelant ne peut donc pas valablement soutenir qu’il aurait agi simplement dans l’unique but de récupérer un prêt de 1'000 euros fait à U._ compte tenu du fait qu’il ne pouvait à l’évidence pas ignorer les risques encourus pour une telle opération ; du reste, l’existence d’un tel prêt apparaît douteuse, vu la situation financière de l’appelant qui ne travaille pas et qui a déclaré avoir besoin d’argent. Son allégation selon laquelle il aurait été entraîné dans le trafic par U._ tombe également à faux, l’appelant ayant admis qu’il souhaitait écouler la drogue qu’on lui avait remise et qu’il ne parvenait pas à vendre en Espagne, de sorte qu’il avait alors pris des mesures pour vendre cette drogue en Suisse, par l’intermédiaire de H._ (cf. déclaration d’appel, ch. 4, sous P. 80/1).
Cela étant, on ne saurait toutefois se borner à croire cette version, aménagée par l’appelant pour la présente procédure, dès lors que plusieurs éléments d’enquête permettent d’établir que ce dernier a eu un rôle encore plus actif que ce qu’il a bien voulu admettre. En premier lieu, des écoutes téléphoniques confirment que l’appelant est bel et bien à l’origine de l’opération d’importation de la cocaïne saisie et qu’il a entrepris, de sa propre initiative, des démarches pour écouler de la drogue en Suisse, contactant à cet effet H._ avec lequel il était convenu d’une transaction de cocaïne portant précisément sur la quantité retrouvée sur son co-prévenu Y._. Il ressort en particulier du contact téléphonique du 10 novembre 2013 entre le grossiste H._ se trouvant à Lausanne et un individu non identifié en Espagne, que B._ s’est adressé au trafiquant lausannois et lui a expliqué qu’il allait venir personnellement en Suisse, accompagné d’un transporteur afin de lui livrer de la drogue dans les deux jours. De plus, dans la conversation téléphonique du 11 novembre 2013, H._ a informé l’inconnu en Espagne qu’il était intéressé par l’affaire de B._ – alias « [...] » –, qu’il avait discuté et s’était arrangé avec U._. Les investigations policières, notamment une filature, ont par la suite permis d’identifier Y._ comme étant le transporteur de la drogue, respectivement la mule, et B._ le fournisseur (cf. rapport de police du 13 novembre 2013 sous P. 4, ainsi que rapport final d’enquête du 16 mars 2014 sous P. 48).
A cela s’ajoute encore le fait que l’appelant, arrêté en même temps que la mule, a été formellement mis en cause par Y._ en tant que fournisseur de la drogue (cf. PV aud 6). Le coaccusé a confirmé par la suite ses déclarations, expliquant, en bref, avoir transporté de la cocaïne pour le compte de B._, ceci en échange du payement des frais du voyage ainsi que d’une somme d’environ 300 euros (cf. PV aud. 8). De nombreux téléphones et cartes SIM contenant un grand nombre de contacts et raccordements liés au trafic de stupéfiants ont également été découverts en possession de l’appelant. Enfin, il faut souligner que tout au long de l’instruction, l’appelant n’a cessé de nier son implication, présentant une version entachée de contradictions ; après une série de dénégations, il livre tardivement une version des faits orientée, qui est peu crédible et guère corroborée par les éléments de l’enquête.
Au vu de ce qui précède, force est donc de constater que l’appelant ne s’est pas cantonné à un simple rôle de surveillant. Il n’y a dès lors aucun motif de modifier l’état de fait de première instance. L’appréciation des premiers juges ne prête donc pas le flanc à la critique et doit être confirmée.
4.
L’appelant soutient ensuite que la peine qui lui a été infligée est trop sévère. Il fait valoir qu’il a été entraîné dans un trafic, comme son coaccusé, qu’il a effectué un transport unique pour un peu d’argent, qu’il ne doit en aucun cas être condamné plus sévèrement qu’Y._ ; en particulier, aucune différence de peine ne serait justifiée par ses dénégations. Il se réfère en outre à une autre affaire portée devant le Tribunal fédéral où des peines inférieures ont été infligées pour des quantités de drogue supérieures.
4.1
4.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peiné sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
Pour fixer la peine, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, lorsqu’il fonde sa décision sur des critères étrangers à l’art. 47 CP, lorsqu’il omet de prendre en considération des éléments prévus par cette disposition ou lorsqu’il a abusé de son pouvoir d’appréciation en fixant une peine exagérément sévère, ou excessivement clémente (ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; TF 6B 327/2011 du 7 juillet 2011 c. 2.1).
4.1.2
En matière de trafic de stupéfiants, même si elle ne joue pas un rôle prépondérant, la quantité de drogue – à l’instar du degré de pureté de celle-ci – constitue un élément important pour la fixation de la peine, qui perd cependant de l’importance au fur et à mesure que s’éloigne la limite à partir de laquelle le cas est grave au sens de l’art. 19 ch. 2 let. a LStup (cf. ATF 122 IV 299 c. 2c). Le type et la nature du trafic en cause sont déterminants. Aussi l’appréciation sera-t-elle différente selon que l’auteur a agi de manière autonome ou comme membre d’une organisation. Dans ce dernier cas, tant la nature de sa participation que sa position au sein de l’organisation doivent être prises en compte. L’étendue géographique du trafic entre également en considération : l’importation en Suisse de drogue a des répercussions plus graves que le seul transport à l’intérieur des frontières. S’agissant d’apprécier les mobiles qui ont poussé l’auteur à agir, le juge doit distinguer le cas de celui qui est lui-même toxicomane et agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l’appât du gain (TF 6B_2912011 du 30 mai 2011 c. 3.1 ; TF 6B_265/2010 du 13 août 2010 c. 2.3). Le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l’aveu ou de la bonne coopération de l’auteur de l’infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d’élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (ATF 121 IV 202 c. 2d/aa ; ATF 118 IV 342 c. 2d).
4.1.3
Un écart important entre les peines infligées à deux coaccusés, prévenus à raison des mêmes faits, doit être motivé par des circonstances exceptionnelles (ATF 120 IV 136 c. 3b ; TF 6B_334/2009 du 20 juillet 2009 c. 2.3.2). Si toutefois le juge estime que le coauteur a été condamné à une peine trop clémente, il n’a pas droit à une « égalité de traitement dans l’illégalité » (ATF 135 IV 191 c. 3.3). S’agissant de la comparaison du cas d’espèce avec des affaires qui concernent d’autres accusés ou qui portent sur des faits différents, la question est plus délicate. Selon le Tribunal fédéral, il ne suffit pas à l’accusé de citer un ou deux cas pour lesquels une peine particulièrement clémente aurait été fixée pour prétendre avoir droit à une égalité de traitement (ATF 123 IV 49 c. 2 ; ATF 120 IV 136 c. 3a ; TF 6B_334/2009 du 20 juillet 2009 c. 2.3.1). En effet, de nombreux paramètres interviennent dans la fixation de la peine et les disparités de sanction en cette matière s’expliquent normalement par le principe de l’individualisation de la peine, voulue par le législateur. Ce n’est que si le résultat auquel le juge est parvenu apparaît vraiment choquant, compte tenu notamment des arguments invoqués et des cas examinés par la jurisprudence, que l’on peut alors parler d’un véritable abus du pouvoir d’appréciation (ATF 123 IV 49 ; TF 6B_33412 909 du 20 juillet 2007 c. 2.3.2 ; Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 2a ad art. 47 CP ; Favre, Pellet, Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 2011, n. 1.12 ad art. 47 CP).
4.2
En l’espèce, les premiers juges ont en substance considéré que la culpabilité de B._ était lourde, celui-ci s’étant livré à un trafic de drogue de grande ampleur par unique appât du gain. Ils ont en outre retenu que B._ était nettement plus coupable que son co-prévenu Y._ puisqu’il avait organisé le trafic, en se gardant de prendre le risque de transporter lui-même la drogue, et qu’il persistait dans ses dénégations malgré l’évidence. Les magistrats ont ainsi prononcé à son encontre une peine privative de liberté de 36 mois, avec un sursis partiel portant sur 18 mois, pendant 5 ans.
Cette appréciation est pertinente et doit être confirmée. En premier lieu, c’est en vain que l’appelant s’écarte de l’état de fait retenu pour plaider une peine plus clémente. II faut au contraire constater qu’il a agi de manière autonome pour l’importation de la drogue en Suisse et qu’il n’est pas uniquement une mule ou un simple exécutant. En outre, il a accompli un trafic à une échelle internationale, ce qui accroît la gravité de ses actes. Quoi qu’il en dise, son attitude dans la procédure lui est défavorable et ce n’est pas ses aveux tardifs et guidés exclusivement par l’espoir d’obtenir une réduction de peine en deuxième instance qui changent quoi que ce soit à sa culpabilité. On relèvera au demeurant que l’appelant continue à minimiser son implication, en présentant une version orientée et mensongère. Cette attitude ne correspond donc pas à des aveux ou à une bonne collaboration, ce qui exclut toute réduction de peine pour ce motif.
Ensuite, contrairement à ce que soutient l’appelant, la différence entre la peine prononcée à son encontre et celle infligée à son comparse se justifie pleinement compte tenu des rôles différents d’importateur et de transporteur retenus respectivement, ainsi que de l’attitude dans la procédure, Y._ ayant reconnu les faits et collaboré avec les enquêteurs. Ce constat vaut même si le coaccusé a des antécédents, car le rôle assumé dans le trafic est un critère important de la fixation de la peine. Dès lors, une sanction supérieure à celle prononcée à l’encontre d’Y._ est pleinement justifiée.
Enfin, c’est en vain également que l’appelant se réfère à la peine infligée dans I’ATF 134 IV 17, cette affaire consacrant un mobile totalement différent, l’auteur voulant financer le traitement médical de son fils aîné avec les revenus illicites espérés, alors que l’appelant a agi par appât du gain, ce qui interdit toute comparaison pertinente.
5.
L’appelant soulève encore une violation de l’art. 43 CP, à nouveau en invoquant l’égalité de traitement avec son coaccusé s’agissant du sursis partiel.
5.1
Selon l’art. 43 al. 1 CP, le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine pécuniaire d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur.
De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1 ; cf. aussi TF 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1 ; TF 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3). Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (ATF 134 IV 1 c. 4.2.2 ; TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2).
5.2
Il a déjà été exposé ci-avant pourquoi les peines infligées aux deux comparses pouvaient être différentes. Il en va de même de la part ferme. L’appelant ne contestant pas que le pronostic est mitigé le concernant, il faut en outre relever qu’il n’a manifesté aucune prise de conscience. Dans cette mesure, ses dénégations, persistantes en appel au sujet de son rôle réel, imposent l’exécution d’une partie substantielle de la peine pour des motifs de prévention spéciale, dès lors qu’il est à craindre qu’à défaut d’exécuter une peine significative lui permettant de prendre conscience de la gravité de ses actes, le prévenu retombe dans la délinquance.
Au regard des éléments qui viennent d’être exposés, l’exécution de la moitié de la peine, soit 18 mois, est adéquate.
6.
Il résulte de ce qui précède que l’appel de B._ doit être rejeté.
II. Appel joint du Ministère public
7.
Le Ministère public conteste la manière dont le Tribunal correctionnel a réduit la peine pour tenir compte des conditions de détention illégales. Il fait valoir qu’il faudrait comptabiliser en définitive 9 jours à titre de réduction de peine, correspondant aux 19 jours de détention subie en zone carcérale policière.
7.1
Dans un arrêt récent (ATF 140 I 246), le Tribunal fédéral a considéré qu’une réparation morale d’un montant de 50 fr. par jour de détention dans des conditions illicites, suivant les premières 48 heures (cf. art. 27 LVCPP [loi vaudoise du 19 mai 2009 d’introduction du code de procédure pénale suisse ; RSV 312.01]), n’était pas exagérée (c. 2.6.1). Il a toutefois laissé ouverte la question de savoir si la réparation pouvait prendre la forme d’une réduction de peine (c. 2.6.2), comme en matière de violation du principe de la célérité (cf. ATF 133 IV 158 c. 8).
La Cour européenne des droits de l'homme a admis qu'en cas de traitement prohibé par l'art. 3 CEDH (Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; RS 0.101), une réduction de peine pouvait constituer une forme de réparation appropriée, à condition de reconnaître la violation de manière suffisamment claire et d'accorder réparation en réduisant la peine de façon expresse et mesurable (arrêt CourEDH Ananyev et autres c/Russie du 10 janvier 2012, § 225 ; cf. également : Conseil de l’Europe, Guide de bonnes pratiques en matière de voies de recours internes, 2013,
pp. 29-30).
S'agissant du rapport entre le temps passé en détention dans des conditions illicites et la réduction de la peine, la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal a considéré que la privation de liberté en cas d’incarcération entièrement injustifiée est en principe indemnisée 200 fr. le jour ; quant à la détention justifiée dans son principe, mais illicite dans son exécution, elle est généralement indemnisée 50 fr. le jour, l’atteinte étant en effet moindre. Dans cette mesure, la Cour a estimé qu’une réduction de peine quantitativement équivalente au nombre de jours passés en détention n’était pas appropriée, l’incarcération étant en effet justifiée dans son principe. Ainsi, en tenant compte de la proportion qui existe entre ces deux types d’indemnisation, la Cour de céans a retenu que le montant de 50 fr. correspondrait à un demi-jour de réduction de peine et a donc admis qu’une réduction d’un jour de peine pour deux jours de détention au-delà des premières 48 heures était adéquate pour prendre en compte la pénibilité accrue d’une telle détention (cf. CAPE 21 octobre 2014/274 c. 5.3 ; CAPE 10 octobre 2014/300 c. 2.2 ; CAPE 24 octobre 2014/248 c. 11.2).
7.2
En l’espèce, les premiers juges ont constaté que B._ a été détenu dans des conditions illégales, au terme de la garde à vue de 48 heures, pendant 19 jours. Conformément à la demande du prévenu de décompter cette période dans le calcul de la détention avant jugement, les magistrats ont réduit la peine prononcée d’un total de 19 jours pour la détention dont les conditions d’exécution étaient illicites.
A cet égard, l’argumentation du Ministère public quant à la conversion entre jour de peine à réduire et jour de détention subi dans des conditions illégales est pertinent. Il convient en effet de rappeler que la détention de B._ n’était pas illicite en soi, seules les conditions de celle-ci l’étant (cf. ordonnance du 1
er
avril 2014 rendue par le Tribunal des mesures de contrainte). Il était dès lors justifié de réparer le tort subi en raison de la pénibilité accrue de la détention en tant qu’elle résulte de la différence des conditions de vie entre un séjour en établissement de détention avant jugement et un maintien au-delà de 48 heures dans une zone carcérale. Cependant, le calcul opéré par les premiers juges n’est pas conforme à la jurisprudence de la Cour de céans, ceux-ci ayant procédé à une réduction d’un jour de peine pour un jour passé en détention dans des conditions illicites. Or il fallait pourtant retenir que la pénibilité accrue de la détention justifiait en l’espèce une réduction d’un jour de peine pour deux jours passés en zone carcérale policière.
Quoi qu’il en soit, malgré le constat qui précède, le fait de rectifier le jugement dans le sens précité constituerait une violation du principe de l’égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst.) par rapport au coaccusé Y._, qui a également bénéficié d’une telle réduction. Il n’y a donc pas lieu de modifier le jugement sur ce point.
8.
En définitive, l’appel joint du Ministère public doit être rejeté et le jugement du 11 août 2014 confirmé.
9.
Vu l’issue de la cause, les frais d'appel, par 4'959 fr. 30, doivent être mis par quatre cinquième, soit par 3'967 fr. 45, à la charge de B._ (art. 428 al. 1 CPP), le solde étant laissé à la charge de l’Etat. Outre l'émolument, qui se monte à 2'350 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office de B._.
Sur la base de la liste des opérations produite (cf. P. 87), une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 2'609 fr. 30, TVA et débours compris, est allouée à Me Katrin Gruber (2160.- + 240.- [vacations] +
16.- [débours] + 193 fr. 30 [TVA]).
Enfin, B._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat
le montant de
l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9069a103-c8e5-4af3-aadc-14f4f589d694 | En fait :
A.
Le dénoncé
1.
Z._, né en [...], a obtenu le brevet d'avocat [...] en [...]. Depuis lors, il pratique le barreau à [...] sans avoir fait l'objet d'une sanction ou d'une mesure disciplinaire.
B.
Les faits objets de l'enquête disciplinaire
2.
B._, originaire de Corée du Sud, est arrivée en Suisse au début de l'année [...]. L'époux de la requérante est un homme d'affaires expérimenté. Selon un curriculum vitae de mai 2006, l'intéressée disposerait d'une vaste expérience en matière de marketing et de management sur le marché asiatique.
X._SA est une société anonyme dont le but inscrit au registre du commerce consiste dans des opérations immobilières. Z._ est l'un des actionnaires de X._SA. Cette société est propriétaire d'un immeuble, sis à [...], inscrit au registre foncier sous nos [...]. Un bâtiment commercial, exploité sous la forme d'un restaurant, est construit sur ces parcelles.
C'est la société F._SA, dont le capital actions appartenait à X._SA, qui exploitait le restaurant sis dans cet immeuble. La faillite de la société F._SA a été prononcée le 15 décembre 2005. Z._ a été chargé de défendre les intérêts de X._SA dans le cadre de cette faillite.
3.
Le 28 avril 2006, B._ a acquis l'entier du capital-actions de X._SA. Les termes du contrat d'achat d'actions (
"Stock purchase agreement"
) ont été négociés entre Z._ d'une part, pour les actionnaires de X._SA, et les avocats M._ et S._ d'autre part, qui représentaient B._ à l'époque.
Le prix d'achat a été fixé
"à la différence entre CHF 1'600'000.-- (...) et le montant du prêt souscrit auprès de la BCV à la date du Closing"
. Selon le contrat, si le prêt était bien de 811'000 fr. à la date du closing, l'acheteuse devait ainsi payer 789'000 francs. Les modalités de paiement prévoyaient que l'acquéreuse verserait une somme de 120'000 fr. aux vendeurs le jour de l'exécution du contrat. Conformément à l'article 1.5, elle devait s'acquitter du solde du prix de vente le 15 juin 2006 au plus tard.
L'exécution du contrat, mentionnée sous le terme de
"Closing"
dans la convention, a eu lieu le 28 avril 2006 en l'étude des avocats [...], à [...], dont Z._ fait partie. A cette occasion, le certificat d'actions de X._SA a été remis à l'acquéreuse.
4.
Le 4 mai 2006, Z._ a été inscrit au registre du commerce en qualité d'administrateur de X._SA avec signature collective à deux, aux côtés de l'acquéreuse et de K._.
Postérieurement à la conclusion du contrat d'achat d'actions, Z._ a en outre participé concrètement à la constitution par l'acheteuse d'une société à responsabilité limitée destinée à l'exploitation du restaurant que B._ désirait ouvrir dans l'immeuble d' [...]. Par courriel du 9 mai 2006, Z._ a informé l'assistant du notaire Q._ que B._ ne disposait pas encore d'une autorisation de séjour, de sorte que, dans le cadre de la constitution d'O._Sàrl, il allait prendre une part de 1'000 fr. sur une base fiduciaire. Il a précisé que la répartition des parts serait modifiée par la suite et que X._SA reprendrait sa part de 1'000 francs.
O._Sàrl, dont le but était "l'exploitation d'établissements publics; prestations de service, notamment dans le domaine de la cuisine asiatique", a été inscrite au registre du commerce le 19 mai 2006. Me Z._ y était indiqué comme l'un des associés gérants. Il disposait d'une part de 1'000 fr., ainsi que du pouvoir de signature individuelle, aux côtés de B._, qui disposait d'une part de 19'000 francs.
O._Sàrl a occupé l'immeuble d' [...]. Elle y a exploité un restaurant dénommé " R._".
5.
En exécution du contrat d'achat d'actions de X._SA, B._ a effectué plusieurs versements jusqu'en juin 2006, pour une somme totale de 520'000 francs. Elle a ensuite fait valoir qu'elle rencontrait des difficultés pour faire transférer, de Corée en Europe, les fonds nécessaires au paiement du solde du prix d'achat des actions, qu'elle n'a pu acquitter à la date convenue.
Au vu de cette situation, B._ et Z._ ont entretenu des contacts, notamment par téléphone. Ils se sont rencontrés le 20 juillet 2006. Lors de cette conférence, il a notamment été question que l'acquéreuse offre une garantie aux associés, dans l'attente du paiement du solde de sa dette.
Le 25 août 2006, B._ s'est présentée en l'étude de Me Z._, munie du certificat d'actions de X._SA, comme celui-ci le lui avait demandé. Z._ avait préparé un contrat de gage (
"pledge agreement"
), dans lequel il était indiqué que B._, désignée comme
"Constituant du gage"
, rencontrait des difficultés à transférer ses fonds de Corée en Suisse et restait à devoir un montant de 270'800 fr. aux
"Créanciers"
.
Le contrat mentionnait que les créanciers étaient représentés par Z._, avocat. Il comprenait notamment les clauses suivantes (traduction de l'anglais) :
"Section 1. Constitution d'un gage
Afin d'assurer le prompt et complet paiement de la créance garantie et de toutes les autres obligations des Créanciers résultant du contrat de vente d'actions de X._SA, signé entre le Constituant du gage et les Créanciers, le Constituant du gage cède et met en gage auprès du conseil des Créanciers, Me Z._, pour le compte des Créanciers, un certificat d'actions de X._SA représentant 100 % du capital social (le gage).
(...)
Section 4. Réalisation privée de l'objet constitué en gage
Les Créanciers auront le droit, à tout moment et selon leur libre appréciation, mais pas avant le 22 septembre 2006, et sans autre avis préalable au Constituant du gage, de vendre une ou toutes les actions représentées par l'objet constitué en gage et de transférer ou d'enregistrer le ou les acheteurs dans le registre des actionnaires de X._SA. Le Constituant du gage, en tant qu'administrateur de X._SA, autorise par la présente une telle inscription, annulation des certificats actuels et émission de nouveaux certificats d'actions de X._SA."
Le contrat de gage, daté du 25 août 2006, a été remis à B._, qui ne l'a pas signé immédiatement. Le 31 août 2006, elle l'a transmis par télécopie à Z._.
6.
Les vendeurs des actions de X._SA ayant confié la défense de leurs intérêts aux avocats D._ et H._, ce dernier a, par courrier du 6 octobre 2006, mis B._ en demeure de payer le solde du prix d'achat des actions de X._SA. Il a précisé qu'à défaut de paiement, il serait procédé à la vente du certificat d'actions mis en gage.
Par lettre du 10 octobre 2006, Z._ a informé B._ de sa démission avec effet immédiat
"du poste de gérant d'O._Sàrl"
. A la même époque, il a également résilié son mandat d'administrateur de X._SA.
Le 11 octobre 2006, le conseil des vendeurs a informé B._ qu'il avait reçu le mandat d'organiser la vente aux enchères publiques du certificat d'actions mis en gage. Il l'a enjointe à payer la somme due et, dans cette hypothèse, à l'avertir immédiatement, afin qu'il puisse interrompre la procédure de vente aux enchères.
Le 8 janvier 2007, Z._, agissant pour son propre compte et celui de ses clients, soit les créanciers-gagistes, a fait une offre d'achat au prix de 308'433 fr. 30.
Le 12 janvier 2007, B._ s'est présentée à la vente aux enchères. Aucune offre supérieure n'ayant été faite, le certificat d'actions n° 1 de la société X._SA a été adjugé aux créanciers gagistes, pour le prix de 308'433 francs 30. Ce montant a été compensé avec le solde de la dette de B._, soit 270'800 francs, ainsi que différents frais et intérêts.
Le 1
er
février 2007, Z._ et J._ ont été inscrits au registre du commerce en qualité d'administrateurs, avec signature individuelle, de X._SA.
7. a)
Le 15 février 2007, X._SA a mis en demeure O._Sàrl de quitter les locaux d' [...] et de lui en restituer les clés dans un délai échéant au 20 février 2007. A l'appui de son courrier, X._SA a notamment invoqué qu'O._Sàrl occupait illicitement les locaux et qu'elle n'avait pas payé de loyer pour ceux-ci depuis qu'elle s'y était installée. O._Sàrl a refusé de quitter les lieux, en alléguant avoir payé un loyer compensé par le montant des investissements effectués dans les locaux.
b)
Le 6 mars 2007, X._SA, représentée par Me D._, a déposé auprès du Président du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois une requête de mesures provisionnelles visant à ce qu'il soit ordonné à O._Sàrl de libérer immédiatement l'immeuble sis sur les parcelles nos 212 et 1'091 de la commune d' [...].
Par ordonnance de mesures provisionnelles du 4 avril 2007, le Président du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois a rejeté cette requête. Il a estimé qu'il n'était pas établi que le contrat de bail dont se prévalait l'intimée avait été établi pour les besoins de la cause. Au stade des mesures provisionnelles, qui s'examinaient sur la base de la vraisemblance, le contrat de bail produit justifiait le droit de l'intimée à occuper les locaux revendiqués.
c)
Par arrêt sur appel de mesures provisionnelles du 21 août 2007, le Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois a ordonné à O._Sàrl, ainsi qu'à tout autre occupant, de libérer d'ici au 30 septembre suivant au plus tard l'immeuble sis sur les parcelles nos 212 et 1'091 de la commune d' [...], et d'en remettre la possession à X._SA ou à ses représentants.
A l'appui de sa décision, le tribunal a relevé qu'O._Sàrl, respectivement B._, n'avaient pas pu apporter la preuve du paiement des loyers dus pour l'occupation de l'immeuble précité, de sorte que l'on ne pouvait admettre l'existence d'un contrat de bail. Dans ces conditions, aucun droit personnel ne permettait à la société à responsabilité limitée de s'opposer à la requête de X._SA.
d)
Le 1
er
octobre 2007, J._ et Z._ ont pénétré dans les locaux du restaurant R._. Entendu par le Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois le 29 octobre 2008, Z._ a expliqué que J._ était déjà entré lorsqu'il est arrivé. Il a précisé que depuis la décision du 21 août 2007, ils surveillaient les locaux car ils craignaient que B._ emporte le mobilier dont la majorité était propriété de X._SA. Ayant constaté que le mobilier de la terrasse avait été remplacé par du vieux matériel, ils s'étaient rendus sur les lieux afin de constater ce qu'il en était. Z._ a encore indiqué qu'ils avaient préparé la somme de 30'000 fr. représentant l'avance de frais pour une éventuelle requête d'exécution forcée. Comme ils avaient pu entrer sans effraction, ils avaient renoncé à procéder de la sorte.
e)
Le 29 octobre 2007, X._SA, représentée par Me D._, a saisi la Cour civile d'une demande en validation des mesures provisionnelles et en paiement de la somme de 133'333 fr. contre B._ et O._Sàrl, notamment pour occupation illicite des locaux.
Par jugement incident du 12 juin 2008, le Juge instructeur de la Cour civile a rejeté la requête d'appel en cause de Z._ faite par B._.
8.
Le 30 mars 2007, X._SA a déposé une plainte pénale contre inconnu pour faux dans les titres devant le Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois. Elle dénonçait les circonstances dans lesquelles O._Sàrl et B._ avaient produit, lors de l'audience de mesures provisionnelles, un contrat de bail prétendument passé entre X._SA et O._Sàrl le 31 mai 2006 et soutenait que ce document était un faux.
Une enquête pénale a été ouverte. Le 6 juillet 2007, B._ a été inculpée de faux dans les titres.
Par jugement du 5 mai 2009, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a condamné B._ pour escroquerie et faux dans les titres à une peine privative de liberté de 12 mois avec sursis.
Le 26 octobre 2009, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal a admis partiellement le recours formé par B._ contre ce jugement. Il l'a réformé à son chiffre I en ce sens que B._ est libérée de l'accusation de faux dans les titres et condamnée pour escroquerie à une peine privative de liberté de sept mois avec sursis pendant trois ans.
9.
Par déclaration du 6 juillet 2007, B._, par son conseil Me P._, a informé les actionnaires de X._SA qu'elle entendait se départir du contrat de gage du 25 août 2006, en raison d'un vice du consentement au sens de l'art. 31 CO.
Le même jour, B._ a déposé devant le juge instructeur de la cour civile une requête de mesures provisionnelles visant à empêcher que les actionnaires de X._SA ne puissent disposer du certificat n° 1 représentant les 1'200 actions de la société. Elle a fait valoir qu'elle avait signé le contrat de gage du 25 août 2006 sous l'emprise de la crainte fondée et ensuite de manœuvres dolosives de l'intimé Z._, de sorte qu'elle était en droit d'invalider cet acte, conformément à l'art. 31 CO. Elle a dès lors réclamé que les intimés ne puissent pas disposer du certificat n° 1 des actions de X._SA et qu'il leur soit interdit de liquider cette société, dans l'attente de la décision au fond.
Dans un procédé écrit du 2 août 2007, les intimés, représentés par Me Z._, ont conclu au rejet de la requête.
Par ordonnance de mesures provisionnelles du 28 novembre 2007, le Président de la Cour civile a rejeté cette requête, au motif que la requérante n'avait pas rendu vraisemblables les faits qu'elle alléguait.
10.
Le 8 novembre 2007, B._ a déposé plainte pénale contre inconnu pour soustraction de données personnelles et violation de domicile.
Le 31 mars 2008, le juge d'instruction a prononcé un non-lieu en faveur de J._.
Par jugement du 16 juin 2008, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal a admis partiellement le recours formé par B._, annulé l'ordonnance en ce qu'elle concerne la violation de domicile, renvoyé le dossier au Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois afin qu'il inculpe J._ de violation de domicile et instruise un complément d'enquête, soit notamment qu'il entende Z._ comme prévenu de violation de domicile. Pour le surplus, il a confirmé le non-lieu en ce qu'il avait trait à l'infraction de soustraction de données personnelles.
Le Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois a entendu Z._ le 29 octobre 2008. Celui-ci a admis qu'il était présent sur les lieux le 1
er
octobre 2007.
Par ordonnance du 1
er
mai 2009, le magistrat instructeur a renvoyé Z._ et J._ devant le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois comme accusés de violation de domicile. Dans sa séance du 25 juin 2009, le Tribunal d'accusation a rejeté les recours formés par les accusés et confirmé cette ordonnance.
11.
Le 20 avril 2009, B._ a déposé une plainte pénale contre Z._ pour escroquerie et usure. Elle a fait valoir qu'elle avait signé le contrat de gage du 25 août 2006 sous l'emprise de la crainte fondée et suite à des manœuvres dolosives de Z._.
Par ordonnance du 15 juin 2009, le Juge d'instruction du canton de Vaud a refusé de suivre à la plainte. Cette décision a été confirmée par arrêt du Tribunal d'accusation du 20 juillet 2009. Il a été retenu que la situation de faiblesse dans laquelle doit se trouver la lésée n'était pas réalisée et qu'aucun comportement astucieux ne pouvait être reproché à Me Z._, en particulier au vu de l'expérience commerciale de B._.
12.
Le 15 mars 2009, Z._ a déposé plainte pénale pour violation du secret d'enquête. Un non lieu a été prononcé le 20 juillet 2009 par le Juge d'instruction cantonal.
C.
Dénonciation et enquête disciplinaires
13.
Le 12 janvier 2009, B._ a dénoncé Me Z._ à la Chambre des avocats pour violation de l'art. 12 LLCA.
Z._ s'est déterminé par courrier du 30 janvier 2009.
14.
Le 10 février 2009, le Président de la Chambre des avocats a décidé d'ouvrir une enquête disciplinaire à l'encontre de Z._ et confié l'instruction préliminaire de l'art. 54 LPAv à Me Patrice Girardet.
Le membre instructeur a entendu Z._ le 25 mars 2009.
Celui-ci a fait valoir qu'il n'avait pas été le conseil de B._. Il a précisé que l'ensemble des acomptes versés par l'acheteuse avait été affecté aux paiements prévus dans la convention de vente et qu'aucun actionnaire n'avait touché quoi que ce soit. Me Z._ a indiqué qu'entre avril et juin 2006, il n'avait aucune raison de penser que l'acheteuse ne s'exécuterait pas; qu'il lui avait même fait confiance lorsque celle-ci avait invoqué une erreur du banquier puis un problème de transfert de fond et qu'il avait en revanche démissionné dès qu'il avait compris que B._ ne paierait pas le solde du prix d'achat. Après avoir acquis le certificat d'actions par adjudication, il fallait que les nouveaux actionnaires soient représentés au conseil d'administration et c'est lui qui connaissait le mieux la société et son immeuble, raison pour laquelle il avait accepté de redevenir administrateur. Me Z._ a exposé avoir défendu X._SA avant et après la vente des actions, dans l'intérêts des vendeurs et de l'acheteuse. Son activité d'avocat visait à défendre les actionnaires-vendeurs.
Le membre instructeur a également entendu B._ et tenté la conciliation, qui n'a pas abouti.
Z._ a déposé des observations le 15 juin 2009.
15.
Par décision du 30 juin 2009, le Président de la Chambre a renvoyé Me Z._ devant la Chambre des avocats en application de l'art. 54 al. 2 LPAv.
Me Z._ a déposé de nouvelles déterminations le 14 août 2009.
Il a été entendu à l'audience de ce jour et a produit un bordereau de pièces, dont notamment le dispositif de la décision rendue le 26 octobre 2009 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal et le recours formé par Z._ contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du 4 septembre 2009 rejetant le recours formé contre l'ordonnance de refus de suivre du 15 juin 2009. | En droit :
I.
a)
La procédure de surveillance des avocats relève de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (RS 935.61; ci-après: LLCA) et de la loi vaudoise du 24 septembre 2002 sur la profession d'avocat (RSV 177.11; ci-après: LPAv). A teneur de l'art. 10 LPAv, la Chambre des avocats se saisit d'office, sur plainte ou sur dénonciation, de toute question concernant l'activité professionnelle d'un avocat.
b)
La LLCA a harmonisé au plan fédéral les règles professionnelles les plus importantes figurant dans les législations cantonales. Les règles déontologiques conservent toutefois une portée juridique, dans la mesure où elles peuvent servir à interpréter et à préciser les règles professionnelles (Message du Conseil fédéral du 28 avril 1999 concernant la loi fédérale sur la libre circulation des avocats, in FF 1999 VI p. 5355, spéc. p. 5368). L'art. 12 LLCA comporte ainsi un catalogue exhaustif de règles professionnelles auxquelles l'avocat doit se soumettre (ATF 129 II 297 c. 1.1; Message, pp. 5372 et 5373).
II. a)
B._ reproche à Me Z._ d'avoir manqué à ses devoirs professionnels, notamment en raison de conflits d'intérêts. Elle fait valoir qu'il a agi en qualité de créancier, d'avocat et d'organe de ses deux sociétés. Elle soutient qu'il l'a contrainte à lui remettre en gage les actions de la société X._SA, qu'il a été complice d'une violation de domicile et qu'il a produit en justice des documents qui lui auraient été dérobés ensuite de cette violation de domicile.
Le dénoncé fait valoir que les faits qui lui sont reprochés n'entrent pas dans le champ de son activité professionnelle d'avocat. Il admet avoir agi comme avocat pour le compte des actionnaires-vendeurs de X._SA, dont il faisait partie, mais conteste en revanche avoir été le conseil de B._.
Pour le surplus, Z._ soutient qu'il n'a pas défendu des intérêts contradictoires mais qu'il a agi, avant et après la vente des actions, dans l'intérêt des vendeurs et de l'acheteuse: le principe d'une vente d'actions et non de l'immeuble aurait été dicté par l'intérêt de l'acheteuse qui ne souhaitait pas payer des droits de mutation. Le produit de la vente devait être versé sur un compte de l'organe de révision et servir en premier lieu au paiement des dettes de X._SA, de façon à ce que tout le passif de cette société soit apuré. Me Z._ explique qu'ayant parfaitement connaissance de la situation financière de la société en faillite (F._SA) et de X._SA, il était le seul à pouvoir distinguer les dettes de l'une et de l'autre et à pouvoir renvoyer les créanciers de F._SA à s'adresser à l'office des faillites. Il expose qu'il a ainsi accepté les différents mandats d'administrateur de X._SA et de gérant d'O._Sàrl dans l'intérêt de toutes les parties, afin d'assurer la transition, de vérifier que toutes les dettes seraient payées et en vue de l'aboutissement de la transaction de vente. Z._ précise d'ailleurs que l'ensemble des acomptes versés par l'acheteuse ont été affectés aux paiements prévus dans la convention de vente et qu'aucun actionnaire n'a touché un quelconque montant.
Le dénoncé soutient qu'entre avril et juin 2006, il n'avait aucune raison de penser que l'acheteuse ne s'exécuterait pas, celle-ci ayant donné tous les signes permettant de penser qu'elle pourrait s'acquitter du prix de vente; qu'il lui avait même fait confiance lorsque celle-ci avait invoqué une erreur du banquier puis un problème de transfert de fonds; qu'il avait en revanche démissionné dès qu'il avait compris que B._ ne paierait pas le solde du prix d'achat, soit en automne 2006; que, enfin, après avoir acquis le certificat d'actions par adjudication, il fallait que les nouveaux actionnaires soient représentés au conseil d'administration et que c'est lui qui connaissait le mieux la société et son immeuble, raison pour laquelle il avait accepté de redevenir administrateur de X._SA.
b)
La loi sur les avocats s'applique aux titulaires d'un brevet d'avocat qui pratiquent, dans le cadre d'un monopole, la représentation en justice en Suisse (art. 2 al. 1 LLCA). Elle régit l'ensemble de leur activité professionnelle, que celle-ci relève de la représentation ou du conseil (François Bohnet, Droit des professions judiciaires [cité: Professions judiciaires], 2008, no 16). Les avocats en question lui sont donc soumis également lorsqu'ils agissent dans le cadre d'un contrat de fiducie, comme exécuteurs testamentaires, gérants de fortune ou mandataires à l'encaissement ou encore comme membres d'un conseil d'administration (Walter Fellmann, in Kommentar zum Anwaltsgesetz, 2005, no 6 ad art. 12; Bohnet/Martenet, Le Droit de la profession d'avocat, Berne 2009, no 1119) (TF 2C_889/2008 du 21 juillet 2009, c. 2).
En l'absence de définition légale précise, les contours de la profession d'avocat varient ainsi selon les situations visées. Une définition très large est retenue en matière disciplinaire, dès lors qu'il s'agit de protéger le public et de préserver la réputation et la dignité de la profession (TF 4P.275/2004 du 22 décembre 2004, c. 3). De nombreux actes de l'avocat peuvent ainsi être visés par une procédure disciplinaire pourvu qu'ils soient accomplis par l'avocat dans le cadre de son activité professionnelle (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 2061).
L'activité économique de l'avocat, qui se caractérise par une prédominance de l'élément commercial, peut donner lieu à une procédure disciplinaire alors même qu'elle n'est pas couverte par le secret professionnel (Bohnet/Martenet, op. cit., ibid, n. 2062). Celle qu'il accomplit
ès qualités
et en fonction de ses qualifications professionnelles est soumise à la surveillance disciplinaire, qu'il s'agisse de représentation en justice, de conseil juridique ou d'activité non spécifique à la profession d'avocat mais qu'il exerce en se prévalant de son titre (par exemple cas d'un avocat nommé administrateur d'une faillite en raison de sa profession et qui se prévaut de son titre dans le cadre de cette activité; Bohnet/Martenet, op. cit., n. 2063).
En l'espèce, Z._ ne paraît pas avoir été le conseil de B._. Celle-ci a été assistée par plusieurs mandataires durant les différentes procédures qui se sont succédées. Lors de la conclusion du contrat de vente d'actions le 28 avril 2006, elle était notamment représentée par les avocats M._ et S._. Peu importe cependant. Z._ a agi à de nombreuses reprises au nom des actionnaires-vendeurs, dont il faisait partie. A cet égard, il a agi dans le cadre de son activité professionnelle d'avocat. Il a en outre créé les apparences qu'il agissait en qualité d'avocat en intervenant le plus souvent depuis son étude, en y recevant l'intéressée, en établissant de nombreuses correspondances sur du papier à en-tête de son étude et en envoyant ses courriels depuis son adresse e-mail professionnelle. Le contrat de gage a ainsi été remis à B._ pour signature en l'étude de Me Z._.
Il est dès lors établi que tout ou partie de l'activité de Me Z._ relevait bien de son activité professionnelle et était soumise à la LLCA.
c)
La clause générale de l'art. 12 let. a LLCA dispose que l'avocat "exerce sa profession avec soin et diligence". Elle permet d'exiger de l'avocat qu'il se comporte correctement dans l'exercice de sa profession afin de préserver la confiance du public (FF 1999 p. 5331, spéc. p. 5368). Il doit observer certaines règles non seulement dans ses rapports avec ses clients, mais aussi à l’égard des autorités, de ses confrères et du public en général (ATF 130 II 270 c. 3.2; TF 2C_177/2007 du 19 octobre 2007 c. 5.1; TF 2A.191/2003 du 22 janvier 2004, confirmé in TF 2A.448/2003 du 3 août 2004), voire avec la partie adverse (TF 2A.191/2003 précité; Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1161 p. 500).
Selon la jurisprudence, l’avocat est tenu, de manière toute générale, d’assurer et de maintenir la dignité de la profession, en s’abstenant notamment de tout ce qui pourrait porter atteinte à la considération et à la confiance dont il doit jouir pour remplir sa mission (TF 2A.151/2003 du 31 juillet 2003; ATF 108 Ia 316 c. 2b/bb, JT 1984 I 183 ; ATF 106 Ia 100 c. 6b, JT 1982 I 579).
Si l'avocat doit régler son activité en fonction de l'intérêt de son client, il doit à cet effet user des moyens légaux à sa disposition. La confiance placée en la profession et en l'administration de la justice l'impose. L'avocat ne peut assurer la défense des intérêts de son client à n'importe quel prix et par n'importe quels moyens (Bohnet/Martenet, op. cit., n. 1234 p. 524).
En l'espèce, après la vente des actions à B._, le dénoncé a accepté d'être inscrit en qualité d'administrateur de la société X._SA et de gérant de la société O._Sàrl aux côtés de l'acheteuse. Cette position lui permettait d'assurer la transition et de vérifier que les versements de l'acheteuse seraient bien affectés au paiement des dettes de X._SA. Z._ a fait valoir qu'il agissait ainsi dans l'intérêt tant des vendeurs que de l'acheteuse et qu'il n'avait aucune raison de penser que cette dernière ne pourrait pas payer le prix de vente et que naîtrait un conflit d'intérêt.
Dès le moment où B._ n'a pas respecté l'échéance de paiement, Z._ a effectué des démarches afin de sauvegarder les intérêts des actionnaires-vendeurs, dont il faisait partie. Il a entamé des discussions avec B._, proposé la mise en gage du certificat d'actions de X._SA et établi le contrat de gage. Si aucun élément au dossier ne permet d'admettre que le dénoncé a contraint l'acheteuse à signer le contrat de gage, il était toutefois contraire au devoir de diligence de l'avocat de conduire de telles démarches dans l'intérêt de ses clients mais contre son associée dans la société à responsabilité limitée. En effet, durant toute cette période, Z._ est resté administrateur de X._SA gérant d'O._Sàrl aux côtés de l'acheteuse. Il n'a démissionné de ces deux postes qu'en automne 2006. Or, dès le moment où l'acheteuse ne respectait pas le délai de paiement prévu contractuellement et que des garanties devaient lui être demandées, il y avait un conflit potentiel entre les intérêts des actionnaires-vendeurs représentés par Me Z._ et les intérêts de B._, respectivement des sociétés X._SA et O._Sàrl, au sein desquelles Z._ exerçait des fonctions d'administrateur et de gérant. Le dénoncé aurait dû, dès ce moment là, renoncer à ses mandats.
Le comportement de Me Z._, avocat des vendeurs, qui s'est impliqué personnellement auprès de l'acheteuse en acceptant des mandats d'administrateur, était de nature à tromper la confiance que la partie adverse et le public en général ont dans la profession d'avocat et doivent pouvoir continuer d'avoir. Le dénoncé a mélangé son activité et son statut d'avocat avec une activité purement commerciale, faisant preuve à tout le moins d'imprudence. Il en est résulté un conflit d'intérêt potentiel dès le moment où l'acheteuse n'a pu honorer le contrat de vente et où Me Z._ a dû agir concrètement pour la défense des intérêts des vendeurs.
Par ailleurs, après la vente aux enchères du certificat d'actions et le rachat de ce certificat par les actionnaires-vendeurs, le dénoncé a accepté d'être à nouveau inscrit en qualité d'administrateur de X._SA. Il a agi en cette qualité contre B._ et O._Sàrl. Il a également déposé une plainte pénale contre inconnu pour faux dans les titres, contestant l'existence et la validité d'une pièce produite par B._ dans la procédure civile. Or, la plainte pénale portait sur la validité d'un bail entre X._SA et O._Sàrl, société dans lesquelles Z._ avait été partie prenante aux côtés de B._. Même s'il n'est pas établi que sa position auprès de B._ lui ait procuré des informations privilégiées qu'il aurait exploitées par la suite, les mandats d'administrateur et de gérant exercés pour un temps auprès de B._ devaient le retenir d'agir par la suite personnellement contre O._Sàrl et B._.
Ainsi, en redevenant l'exécuteur des vendeurs après avoir été gérant de la sàrl et administrateur de la SA dont B._ était, pour un temps au moins, le détenteur économique, et en agissant à de nombreuses reprises sur du papier à en-tête ou sur des mails dans lesquels sa qualité d'avocat était mentionné, Z._ a violé son devoir de diligence au sens de l'art. 12 let. a LLCA. Peu importe à cet égard que B._ n'ait pas été sa cliente. Il a agi en qualité d'avocat des actionnaires-vendeurs et a exercé des activités purement commerciales en laissant apparaître son statut d'avocat.
d)
Z._ a en outre été renvoyé devant le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois comme accusé de violation de domicile. Le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal a confirmé ce renvoi.
Z._ a admis avoir été présent dans les locaux du restaurant R._ le 1
er
octobre 2007, alors que J._ était déjà entré et qu'une procédure civile était en cours afin de faire libérer les lieux. Il a expliqué qu'ils surveillaient les locaux car ils craignaient que B._ emporte le mobilier dont la majorité était propriété de X._SA. Ayant constaté que le mobilier de la terrasse avait été remplacé par du vieux matériel, ils s'étaient rendus sur les lieux afin de constater ce qu'il en était. Quelles que soient les raisons invoquées, Me Z._ n'avait pas à pénétrer sans droit dans des locaux dont il n'avait pas la possession, d'autant plus qu'il devait savoir qu'il s'exposait de la sorte à des poursuites pénales et qu'il connaissait parfaitement la procédure légale qui aurait permis aux actionnaires de retrouver la possession des locaux en cause. Z._ a d'ailleurs précisé qu'ils avaient fait préparer la somme de 30'000 fr. représentant l'avance de frais pour une éventuelle requête d'exécution forcée: ils avaient renoncé à procéder de la sorte après avoir pu entrer dans les locaux. Là encore, il y a violation de l'obligation faite à l'avocat d'exercer sa profession avec soin et diligence (art. 12 let. a LLCA).
III.
a)
L'art. 17 LLCA permet de prononcer, en cas de violation de la loi, l'avertissement, le blâme, une amende de 20'000 fr. au plus, l'interdiction de pratiquer pour une durée maximale de deux ans ou l'interdiction définitive de pratiquer.
Le droit disciplinaire est soumis au principe de proportionnalité (ATF 108 Ia 230, JT 1984 I 21 ; Bohnet/Martenet, op. cit., n. 2178 p. 888 et les références citées; Montani/Barde, La jurisprudence du Tribunal administratif relative au droit disciplinaire, in RDAF 1996 p. 345, spéc. p. 347, pp. 363 ss ; Grisel, Traité de droit administratif, vol. I, p. 354 ; Muller, Le principe de la proportionnalité, in RDS 1978 II 197, spéc. p. 229) et à celui de l’opportunité (Montani/Barde, ibid.). La mesure prononcée doit tenir compte, de manière appropriée, de la nature et de la gravité de la violation des règles professionnelles. Elle doit se limiter à ce qui est nécessaire pour garantir la protection des justiciables et empêcher les atteintes au bon fonctionnement de l'administration de la justice. Il y a lieu de déterminer le but que la sanction disciplinaire doit atteindre dans le cas particulier et de choisir la mesure qui est apte, nécessaire et proportionnée à cette fin (Bohnet/Martenet, op. cit., nn. 2183-2184 p. 890).
La règle de la proportionnalité met ainsi en balance la gravité des effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public. L'autorité tiendra compte d'éléments objectifs, soit de l'atteinte portée à l'intérêt public, et de facteurs subjectifs, comme par exemple des motifs qui ont conduit l'intéressé à violer ses obligations (Montani/Barde, op. cit., pp. 349-350). La sanction disciplinaire vise d’abord à amener l’avocat en cause à avoir à l’avenir un comportement conforme aux exigences de la profession (ATF 108 Ia 230, JT 1984 I 21).
A cet égard, le Tribunal fédéral a jugé que les peines légères, comme l’avertissement, la censure et l’amende sont prévues pour des cas bénins ou qui ne portent pas atteinte à la crédibilité de l’avocat. L'amende remplit une fonction de prévention – spéciale surtout – tandis que l'interdiction de pratiquer tend avant tout à protéger le public. Toute mesure disciplinaire tend, du reste, à maintenir l'ordre à l'intérieur du groupe de personnes auquel le droit disciplinaire s'applique ainsi que, s'agissant des professions libérales, à assurer l'exercice correct de la profession et à préserver la confiance du public à l'égard des personnes qui l'exercent (TF 2A.448/2003 du 3 août 2004; ATF 108 Ia 230 c. 2b; Bohnet/Martenet, op. cit., n. 2160 p. 881).
b)
En l'occurrence, Me Z._ a porté atteinte à la considération et à la confiance dont doit pouvoir jouir un avocat en agissant comme conseil des vendeurs, aux côtés de l'acheteuse puis contre celle-ci. S'il soutient avoir agi dans l'intérêt commun des vendeurs et de l'acheteuse, il est néanmoins toujours resté le conseil des actionnaires-vendeurs. Il a dès lors créé la confusion en agissant aux côtés de l'acheteuse, en la conseillant, en la recevant à son étude, en lui écrivant sur du papier à en-tête de son étude et via des courriels dans lesquels il laissait apparaître sa qualité d'avocat. Il a également failli à son devoir de diligence en pénétrant sans droit dans les locaux du restaurant R._, alors que l’acheteuse en avait encore la possession. A sa décharge, on retiendra qu'il n'a pas utilisé contre son ancienne associée des informations privilégiées dont il aurait eu connaissance dans le cadre de ses mandats d'administrateur et de gérant, que B._ n'était pas une personne inexpérimentée et qu'elle a régulièrement recouru à l'assistance de mandataires professionnels. Me Z._ a pu, de bonne foi comme il le soutient, considérer que son intervention dans les sociétés de B._ pouvait servir les intérêts de tous. Il lui a toutefois échappé qu'un avocat devait aussi tenir compte des apparences, d'une part, des risques inhérents à toute opération commerciale, d'autre part. La faute relève plus de l'imprudence que de la violation caractérisée.
Au regard de l'ensemble des circonstances, il y a lieu d'infliger à Me Z._ un blâme. Une telle sanction paraît adéquate et suffisante pour sanctionner le comportement fautif de l'intéressé et pour atteindre le but poursuivi, à savoir l'amener à adopter à l'avenir un comportement plus prudent et conforme aux exigences de la profession.
IV.
Les frais de la cause, comprenant un émolument ainsi que les frais d'enquête, par 1'987 fr. 50, s'élèvent au total à 3'500 francs. Il n'y a toutefois pas lieu de mettre l'entier de ces frais à la charge de Me Z._ dès lors que la dénonciation qui a donné lieu à l'enquête disciplinaire était très excessive au regard des faits qui ont finalement été retenus à charge du dénoncé. C'est ainsi un montant arrêté à 1'500 fr. qui doit être mis à charge de Z._, qui voit admis le principe d'une violation de ses devoirs professionnels (art. 61 al. 1 LPAv). | Public | Public Administration | fr | 2,009 | VD_TC | VD_TC_005 | VD | Région lémanique |
90a2c281-0219-4500-ab6d-215c6215e675 | En fait :
A.
Par ordonnances pénales du 18 décembre 2012, le Préfet du district de Lavaux-Oron a constaté qu’Y._ et M._ se sont rendus coupables d’infraction à la LATC (Loi sur l’aménagement du territoire et les constructions du 4 décembre 1984, RSV 700.11) (I), les a condamnés à une amende de 500 fr. chacun (II), a dit qu’à défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution serait de 5 jours (III), et a mis les frais à leur charge, par 50 fr. chacun (IV).
Les prévenus ont fait opposition contre ces ordonnances. Le Préfet a, par courrier du 21 décembre 2012, décidé de maintenir ses ordonnances pénales, de sorte que le dossier a été transmis au Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois par avis du Ministère public central du 18 janvier 2013.
Par jugement du 24 avril 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a libéré Y._ et M._ de l’accusation d’infraction à l’art 130 LATC (I), a dit que l’Etat de Vaud est le débiteur d’Y._ et M._, solidairement entre eux, d’une indemnité à titre de l’art. 429 CPP d’un montant de 18'000 fr. (III) et a laissé les frais de la cause à la charge de l’Etat (III).
Par jugement du 26 juin 2013, le Président de la Cour d’appel pénale a admis l’appel du Ministère public, a reconnu Y._ et M._ coupables d’infraction à la LATC, les a condamnés à une amende de 500 fr. chacun, la peine privative de liberté de substitution étant fixée à 5 jours, et a mis les frais de la procédure d’appel à leur charge, chacun par moitié
.
Par arrêt du 27 mars 2014 (TF 6B_942/2013), la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a partiellement admis le recours d’Y._ et M._, a annulé le jugement attaqué et a renvoyé la cause à l’autorité cantonale pour nouvelle décision, le recours étant déclaré irrecevable pour le surplus. Elle a
indiqué que l’autorité d’appel ne pouvait pas se distancer des faits retenus en première instance sans expliquer en quoi les mesures d’instruction requises en première instance par les prévenus – et qui n’avaient pas été administrées – étaient dénuées de pertinence par rapport à la question des directives techniques, alors qu’elle en admettait la violation. Il était ainsi impossible pour la Haute cour de retenir que l’autorité d’appel avait procédé à une appréciation anticipée des preuves exempte d’arbitraire. Le Tribunal fédéral a par conséquent admis une violation du droit d’être entendu des intéressés.
Par jugement du 22 mai 2014, le Président de la Cour de céans a confirmé les constatations de fait ressortant de son précédent jugement d’appel selon lesquelles les intimés n’avaient pas respecté les directives de protection incendie indiquées dans le permis de construire et a derechef rejeté les mesures d’instruction requises, constatant à cet égard que le rapport du maître-ramoneur S._ du 10 janvier 2012 était suffisant. L’autorité de céans a dès lors confirmé le dispositif du jugement d’appel rendu le 26 juin 2013.
Par arrêt du 5 juin 2015, le Tribunal fédéral a admis le recours d’Y._ et M._, a annulé le jugement attaqué et a renvoyé la cause à l’autorité cantonale pour nouvelle décision.
B.
Dans le délai imparti à cet effet, les parties se sont déterminées sur les suites de cet arrêt. Les prévenus, par leur défenseur, ont, dans leurs déterminations du 24 juin 2015, réitéré leur requête tendant à la mise en œuvre d’une expertise et à l’audition de plusieurs témoins et ont produit quatre pièces sous bordereau (pièces 39/1 et 39/2). Ils ont conclu à leur condamnation pour infraction à la LATC à une amende de 100 fr. chacun "pour la seule non exécution de l’habillage des murs", la peine privative de liberté de substitution étant fixée à 1 jour et les frais de la cause mis à leur charge par 100 fr. chacun, et à l’allocation d’une indemnité au sens de l’art. 429 CPP. Le Ministère public a, quant à lui, requis l’interpellation du maître-ramoneur S._ afin qu’il se prononce, en complément à son rapport du 10 janvier 2012, de manière circonstanciée sur la question de la qualification (en façade ou à l’intérieur) des conduits de cheminée.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissants suisses, Y._ et M._ sont respectivement nés les 29 mars 1961 et 22 août 1965. Mariés et sans enfant, ils exercent la profession d’architecte au sein du même bureau, soit [...] Sàrl. Ils retirent chacun de cette activité un revenu mensuel net qu’ils estiment entre 4'000 fr. et 5'000 francs. Ils disposeraient d’une fortune d’environ un million de francs. Ils n’ont pas de dettes. Leur casier judiciaire est vierge.
2.
Le 21 février 2008, la commune de B._ a délivré un permis de construire autorisant la construction de neuf logements contigus et vingt-quatre places de parc sur la parcelle n° [...] de ladite commune à [...], propriétaire de la parcelle. Ce permis de construire mentionnait, sous conditions particulières communales, notamment ce qui suit :
"
-
Les directives de protection incendie AEAI (ndlr : Association des établissements cantonaux d’assurance incendie), remises en annexes, font intégralement partie du présent permis de construire.
-
Les murs de soutènement seront réalisés en pierre (type "mur de vigne")."
Deux permis de construire supplémentaires ont été délivrés les 22 janvier 2009 et 16 août 2010, le premier à [...] et le second aux prévenus, devenus entre-temps propriétaires de la parcelle en cause.
Les intimés, qui n’étaient pas les auteurs des plans initiaux, ont assuré la direction des travaux, lesquels ont débuté le 9 juin 2010, et ont vendu les lots de copropriété entre août 2011 et janvier 2012.
Le 7 décembre 2011, S._, maître-ramoneur officiel mandaté par la commune, a procédé au contrôle des installations de chauffage et a constaté que celles-ci n’étaient pas conformes aux prescriptions légales, notamment en matière de police du feu. Par courrier du 10 janvier 2012, il a adressé aux prévenus son rapport, accompagné des directives de protection incendie AEAI. Ce rapport faisait le double constat suivant :
"Les conduits de fumée des 9 chauffages à gaz doivent être dans une gaine homologuée El 60 (icb) à l’intérieur de l’avant-toit.
-Au passage du toit il faut un chevêtre d’au minimum 50 mm. Les espaces vides doivent être obturés au moyen d’un matériau incombustible (enchevêtrure)."
Par e-mail du 16 janvier 2012 à la commune de B._, Y._ a contesté les conclusions dudit rapport, faisant valoir que les conduits de fumée étaient en façade et non à l’intérieur du bâtiment et que, par conséquent, les prescriptions auxquels le maître-ramoneur faisait référence ne s’appliquaient pas en l’espèce.
Ensuite du rapport que lui a transmis le bureau technique [...], la Municipalité de B._ a, par courrier du 20 mars 2012, sommé les prévenus d’effectuer, dans un délai au 30 avril 2012, les mises en conformité suivantes :
"
-
Les murs de soutènement doivent être réalisés en pierre, type mur de vigne;
-
Un relevé de l’état des chemins communaux après les travaux est exigé (...);
-
Les conduits de fumée des 9 chauffages à gaz doivent être dans une gaine homologuée EI 60 à l’intérieur de l’avant-toit;
-
Au passage du toit, un chevêtre d’au minimum 50 mm est obligatoire. Les espaces vides doivent être obturés au moyen d’un matériau incombustible (enchevêtrement)."
Par lettre du 21 mars 2012, les prévenus ont informé la Municipalité qu’en dehors des exigences du permis de construire, ils "ne procéder[aient] pas aux modifications demandées puisque sans fondement".
Le 29 mars 2012, la Municipalité de B._ a dénoncé les prévenus au Préfet du district de Lavaux-Oron "pour non respect des directives de protection incendie de l’AEAI (installations thermiques)".
Par courrier du 5 juin 2012, la Municipalité, se référant à sa sommation du 20 mars 2012, a accordé aux intimés un ultime délai au 20 juin 2012 pour exécuter les mises en conformité requises.
Par e-mail du 6 juin 2012, les prévenus ont répondu qu’"en dehors des points 1 et 2, qui seront exécutés quand les entreprises seront disponibles", ils n’effectueraient pas les travaux demandés concernant les cheminées, car celles-ci respectaient, selon eux, les prescriptions AEAI.
Par courrier du même jour, ils ont fait valoir, par l’intermédiaire du conseil qu’ils ont consulté entre-temps, que les dénonciations de la Municipalité étaient infondées et que cette dernière manifestait par là "une volonté injustifiée de noircir [leur] réputation".
Le 8 juin 2012, la Municipalité a derechef dénoncé les intimés au Préfet, pour contravention à l’art. 130 LATC.
Conformément au point 2 du courrier de la Municipalité du 20 mars 2012, le relevé de l’état de la route après les travaux a été effectué le 25 juin 2012.
A l’audience du Préfet du 22 novembre 2012, les prévenus, assistés de leur défenseur, ont expliqué que les travaux concernant le mur de soutènement seraient exécutés au plus tard le 31 mars 2013. Ils ont en revanche contesté toute violation des normes liées aux conduits de fumée pour des motifs identiques à ceux exposés dans leur e-mail du 16 janvier 2012. | En droit :
1.
Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Il peut également renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 107 al. 2 LTF [loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral, RS 173.110]). L'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit contenus dans l'arrêt de renvoi. Elle ne peut en aucun cas s'écarter de l'argumentation juridique du Tribunal fédéral, aussi bien en ce qui concerne les points sur lesquels il a approuvé la motivation précédente que ceux sur lesquels il l'a désapprouvée. Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis – même implicitement – par le Tribunal fédéral (B. Corboz, in: Commentaire de la LTF, Berne 2009, ch. 27 ad art. 107 LTF).
2.
Dans son arrêt du 5 juin 2015, le Tribunal fédéral a considéré que le jugement d’appel n’indiquait ni la disposition ni la directive AEAI violée, ni sur quelle base la violation de la directive reprochée pourrait donner lieu à l’application de l’art. 130 LATC. Le rapport du maître-ramoneur du 10 janvier 2012 auquel s’est référé l’instance cantonale ne permettrait pas de déterminer pour quel motif la partie du conduit extérieur passant par l’avant-toit devrait être qualifiée d’intérieure et soumise aux exigences plus strictes des ch. 6.9.2 et 6.9.5 DIT (Directive de protection civile, installations thermiques, émise par l’AEAI, édition du 26 mars 2003). Le jugement d’appel serait ainsi également arbitraire dans ses constatations.
2.1
Le rapport du maître-ramoneur à l’origine des griefs adressés aux intimés par la Municipalité de B._ le 20 mars 2012 s’agissant du respect des directives de protection incendie AEAI, fait le double constat suivant :
« - Les conduits de fumée des 9 chauffages à gaz doivent être dans une gaine homologuée El 60 (icb) à l’intérieur de l’avant-toit.
-Au passage du toit il faut un chevêtre d’au minimum 50 mm. Les espaces vides doivent être obturés au moyen d’un matériau incombustible (enchevêtrure). »
Lors de son contrôle des installations le 7 décembre 2011, le maître-ramoneur a constaté que les installations n’étaient pas conformes, sur ces deux points, aux prescriptions légales en matière de police du feu. Il convient de les examiner l’un après l’autre.
2.1.1
Avec le Tribunal fédéral et les intimés, il faut admettre que dès lors que les conduites litigieuses sont « en façade » et non intérieures, s’applique la norme 6.9.4 DIT et non 6.9.2. Or, selon la norme 6.9.4 DIT, les conduits de fumée en matériaux combustibles sont montés à l’intérieur d’un tuyau de protection incombustible non seulement le long des façades, mais également pour la traversée d’avant-toits. Cette norme n’impose donc pas d’exigences supplémentaires à l’intérieur de l’avant-toit en matière de résistance au feu, comme le veut la norme 6.9.2 qui prévoit que les conduits intérieurs sont installés dans une gaine technique de résistance. Comme le tribunal de première instance l’a constaté lors de l’inspection locale (jugt, p. 7), les conduits litigieux sont composés d’une enveloppe extérieure en tôle dans laquelle passe un tube en plastique, par lequel sortent les gaz de combustion. Il faut donc admettre que l’installation était sur ce point conforme aux directives, y compris à l’intérieur des avant-toits. C’est en conséquence à tort que le jugement d’appel rendu le 22 mai 2014 s’est écarté des constatations de fait effectuées par le premier juge et aucune contravention à l’art. 130 LATC ne peut être retenue pour ce motif.
2.1.2
En revanche, le jugement de première instance ne comporte aucune indication de nature à infirmer le constat du maître-ramoneur sur le second point (question de l’enchevêtrure). En particulier, les mentions relatives à l’inspection locale se limitent au constat d’un espace libre de cinq centimètres tout autour du conduit de cheminée (jugt, p. 7). Il n’est aucunement question d’obturation des espaces vides par du matériau incombustible. La présence d’un espace vide entre le conduit de fumée et le plancher de l’avant-toit qu’il traverse ressort d’ailleurs clairement de la photographie datée du 30 mai 2012 jointe au courrier du maître-ramoneur à la Préfecture de Lavaux-Oron du 21 juin 2012 (pièce 5 [Dossier de la Préfecture de Lavaux-Oron]).
La norme 6.9.5 al. 3 DIT (Distance par rapport aux matériaux combustibles) dispose qu’au passage des planchers et des charpentes combustibles, les espaces vides doivent être obturés au moyen de matériau incombustible (enchevêtrure). Contrairement à ce que semblent soutenir les intimés, la partie du conduit extérieur passant par un avant-toit est bel et bien soumise aux exigences posées par la norme 6.9.5 al. 3 DIT. Cela ressort clairement de la fiche d’homologation de l’Association des Etablissements cantonaux d’assurance incendie, selon laquelle la « distance de sécurité par rapport aux matériaux combustibles depuis le bord extérieur du tuyau de protection incombustible [est égale à] 50 mm » (pièce 10 du bordereau des intimés du 14 septembre 2012), ainsi que des Prescriptions de protection incendie AEAI qui exigent expressément que cette distance de sécurité soit respectée « pour la traversée d’avant-toits combustibles » (pièce 7 du bordereau précité).
Les constats du maître-ramoneur, selon lesquels au passage du toit il faut un chevêtre d’au minimum 50 mm et les espaces vides doivent être obturés au moyen d’un matériau incombustible, ne sont donc pas remis en cause par les constatations du premier juge et c’est à juste titre que le jugement d’appel rendu le 26 juin 2013 retient que l’état de fait arrêté en première instance était manifestement inexact au sens de l’art. 398 al. 4 CPP, le premier juge n’ayant procédé à aucun constat sur la présence de matériau incombustible dans les espaces vides (jugt d’appel du 26 juin 2013, p. 11). Dans son examen de la conformité des installations litigieuses avec les normes contre les incendies, le premier juge n’a aucunement évoqué la question de l’enchevêtrure (jugt de première instance, pp. 12 et 13). Les intimés n’ont d’ailleurs jamais contesté factuellement le rapport du maître-ramoneur sur ce point, se bornant à soutenir que les directives n’indiquent nulle part que les espaces vides doivent être obturés au moyen de matériau incombustible (pièce 4 du bordereau des intimés du 14 septembre 2012), alors que la norme 6.9.5 al. 3 DIT précitée le précise pour le passage d’une charpente, soit au passage du toit, comme en l’espèce. La deuxième phrase de ce même alinéa précise par ailleurs que « cette enchevêtrure doit être au moins égale à la distance de sécurité requise ». Comme on vient de le voir, cette distance doit être égale à 50 mm (pièces 7 et 10 du bordereau précité). L’indication du maître-ramoneur selon laquelle le chevêtre doit être "d’au minimum 50 mm" n’est donc pas critiquable.
Il s’ensuit que le constat du maître-ramoneur à ce sujet a une valeur probante entière et n’est infirmé par aucune autre constatation dans le dossier, de sorte que les mesures d’instruction requises par les intimés sont inutiles, étant précisé que toutes les questions que ces derniers souhaitent poser à l’expert à désigner figurant dans leurs observations du 24 juin 2015 ne portent que sur la problématique des conduits de cheminée en façade et les exigences en matière de résistance au feu.
Les intimés doivent donc être condamnés pour contravention à l’art. 130 LATC pour n’avoir pas respecté les conditions spéciales posées en matière de protection incendie, selon les directives AEAI, faisant partie intégrante du permis de construire délivré le 21 février 2008, en particulier la norme 6.9.5 al. 3 DIT, pour l’absence d’obturation des espaces vides au moyen de matériau incombustible au passage du toit.
3.
En définitive, les intimés sont condamnés pour une double contravention à l’art. 130 LATC, soit pour la non-exécution de l’habillage des murs conformément à l’autorisation de construire (type « mur de vigne »), ce qui est admis (pièce 39/1, p. 14, conclusion I), et pour n’avoir pas respecté les directives de protection incendie au sens de l’art. 6.9.5 al. 3 DIT précité, les exigences de l’art. 6.9.2 DIT ne s’appliquant en revanche pas, comme on l’a vu ci-dessus (c. 2.1.1).
4.
Au vu de ce qui précède, il convient de réduire le montant de l’amende prononcée contre chacun des intimés par la Cour de céans dans son jugement du 22 mai 2014 à 400 fr. et la peine privative de liberté de substitution à 4 jours, étant précisé que les contraventions ne sont pas prescrites, le jugement de première instance ayant été rendu avant l’échéance du délai de trois ans (art. 97 al. 3 et 109 CP ; ATF 139 IV 62 c. 1.5).
5.
Il en résulte que le dispositif du jugement d’appel du 22 mai 2014 doit être modifié à ses chiffres II/II et II/III dans le sens précité ; il sera confirmé pour le surplus. Cette modification n’a toutefois aucune incidence sur le sort de l’appel du Ministère public, qui doit être admis, dans la mesure où, en définitive, les intimés sont condamnés sur les deux aspects de la violation du permis de construire – mur de soutènement et protection contre l’incendie – dénoncés par l’autorité municipale.
Les frais de la procédure d’appel antérieurs et postérieurs à l’arrêt du Tribunal fédéral du 5 juin 2015 seront laissés à la charge de l’Etat.
Compte tenu de l’admission de l’appel du Ministère public et de la condamnation des intimés pour infraction à la LATC, ces derniers n’ont pas droit à une indemnisation pour leurs frais de défense au sens de l’art. 429 CPP. Ils ont pour le reste déjà été indemnisés pour les deux procédures devant le Tribunal fédéral. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
90b56042-1d61-4c12-9efb-2204a3aff090 | En fait :
A.
Par jugement du 19 août 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que Q._ s’est rendu coupable de violation simple des règles de la circulation routière (I), l’a condamné à une amende de 300 fr. (II), a dit qu’à défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 3 jours (III) et a mis les frais par 450 fr. à la charge du condamné (IV).
B.
Par annonce du 23 août 2013, puis déclaration motivée du 17 septembre 2013, Q._ a formé appel contre ce jugement. Il a conclu, principalement, à son acquittement et, subsidiairement, à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause au Tribunal de police, les frais de procédure ainsi que les dépens de son défenseur étant, en tout état de cause, mis à la charge de l’Etat. Il a en outre requis l’audition d’un témoin et produit plusieurs pièces.
Le Ministère public n’a pas déposé de déclaration d’appel joint, ni de demande de non-entrée en matière.
Par avis du 15 octobre 2013, les parties ont été informées que, s’agissant d’une contravention, l’appel serait traité par un juge unique en procédure écrite et serait restreint au sens de l’art. 398 al. 4 CPP.
Dans le délai imparti, Q._ a renoncé à déposer un mémoire complémentaire et s’est référé à sa déclaration d’appel motivée.
Par écriture du 28 octobre 2013, le Ministère public a déclaré qu’il renonçait à déposer des déterminations.
Par avis du 1
er
novembre 2013, le Président de céans a informé les parties que la cause serait finalement traitée en procédure orale avec ordre de comparution personnelle de l’appelant à une audience au sens de l’art. 336 al. 1 let. b CPP.
Par courrier du 26 novembre 2013, le Procureur a déclaré qu’il n’entendait pas intervenir à l’audience d’appel et qu’il renonçait à se déterminer.
A l’audience, l’appelant a produit deux notes d’honoraires de son défenseur et a précisé ses conclusions, en ce sens qu’il demande une indemnité au sens de l’art. 429 CPP selon les listes d’opérations produites.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Q._ est né [...] 1953 à Eschen (Liechtenstein). Au moment des faits, il était administrateur unique de la société R._ AG à Coire.
Son casier judiciaire fait état de deux condamnations :
- le 30 août 2005 par le Kreisgericht Werdenberg-Sarganserland, pour injure, à une amende de 600 fr., avec sursis pendant un an;
- le 5 novembre 2007 par le Kantonsgericht St-Gallen, pour injure, conduite d’un véhicule défectueux et violation des règles de la circulation routière, à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à 200 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu’à une amende de 1’000 francs.
L’extrait du fichier ADMAS du prévenu ne comporte aucune inscription.
2.
Le 9 mars 2011, à 11h58, un radar a flashé au kilomètre 103.919 de l’autoroute A1 Lausanne-Berne, chaussée Alpes en direction d’Estavayer-le-Lac, au niveau de l’échangeur Yverdon-Sud – jonction Estavayer-le-Lac, Q._ qui circulait au volant du véhicule immatriculé GR [...]. La vitesse du véhicule a été mesurée à 131 km/h, sous déduction d’une marge de sécurité de 4 km/h, soit une vitesse nette de 127 km/h, sur un tronçon limité à 100 km/h. Le contrôle a été effectué au moyen d’un système immobile CES Laser sans poste d’interception.
3.
3.1
Selon le procès-verbal de dénonciation du 14 novembre 2012, les conditions atmosphériques étaient bonnes et la route était sèche au moment des faits. Trois photographies ont été annexées à ce rapport : la première montrant le véhicule et ses occupants, soit un homme au volant et une femme brune côté passager, la deuxième se limitant à la plaque d’immatriculation et la troisième présentant le portrait du conducteur, un homme âgé d’une cinquantaine d’années et semblant porter des lunettes.
Dans le cadre de l’instruction, Q._ a contesté être l’auteur des faits. Il a indiqué que le véhicule flashé par le radar appartenait à la firme R._ AG à Coire dont il était membre du conseil avec signature individuelle et qu’il circulait personnellement avec un véhicule immatriculé GR [...]. Interpellée sur l’identité du conducteur, cette société, sous la plume du prévenu, a déclaré que plusieurs personnes utilisaient le véhicule, qu’elle ne tenait pas de registre permettant de préciser l’utilisateur du véhicule le jour des faits et que la qualité de la photographie ne permettait pas d’identifier le conducteur.
3.2
Cité à comparaître à une audience le 29 janvier 2013 à la Préfecture du district du Jura-Nord vaudois, le prénommé ne s’est pas présenté.
Par ordonnance pénale du même jour, le Préfet a condamné Q._ à une amende de 300 fr. pour infraction simple à la Loi sur la circulation routière.
Le 5 février 2013, le prénommé a fait opposition à cette ordonnance.
3.3
Malgré un refus de dispense de comparution personnelle, Q._ n’a pas comparu à l’audience devant le Tribunal de police. Il y était toutefois valablement représenté par son défenseur. Ce dernier a déclaré que son client n’avait pas conduit le véhicule GR 737 le jour des faits. Il a précisé que les photographies prises par le radar ne permettaient pas de reconnaître l’intéressé en précisant que celui-ci n’était pas porteur de lunettes. Pour le surplus, il n’a pas été en mesure d’indiquer combien de véhicules détenait la société R._ AG, quel était le processus appliqué pour en gérer l’utilisation, ni le nombre d’employés. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délai légaux contre un jugement de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
1.2
S'agissant d'un appel dirigé contre une contravention, la cause relève de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009, RSV 312.01]).
2.
2.1
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22-23 ad art. 398 CPP). La juridiction d’appel ne revoit pas la cause en fait, mais se contente de corriger l’état de fait si celui-ci est entaché d’une erreur grossière. Elle statue donc sur la base de la situation de fait qui se présentait au tribunal de première instance et des preuves que celui-ci a administrées. Si elle parvient à la conclusion que le tribunal de première instance a omis, de manière arbitraire, d’administrer certaines preuves, elle ne peut qu’annuler le jugement attaqué et lui renvoyer la cause pour nouveau jugement (Kistler Vianin, op. cit., n. 30 ad art. 398 CPP).
2.2
En l’espèce, il n’est pas contesté que seule une contravention à la législation routière a fait l’objet de l’accusation et du jugement de première instance, il en découle que l’appel est restreint. Par conséquent, les preuves, soit l’audition d’un témoin et la production de pièces, notamment la copie de l’agenda, dont l’appelant requiert l’administration sont irrecevables, à l’exception des décomptes d’activités de son défenseur pour justifier une indemnité au sens de l’art. 429 CPP, question qui doit être instruite d’office. Les déclarations du prévenu faites à l’audience d’appel sont soumises à la même exclusion d’allégations et de preuves nouvelles.
3.
L’appelant invoque une violation de son droit d’être entendu pour le motif, d’une part, qu’il n’aurait pas bénéficié d’un délai suffisant pour présenter des réquisitions de preuve ni préparer sa défense dans la phase préliminaire aux débats (cf. c. 3.2 infra) et, d’autre part, que l’audience de jugement a été maintenue en dépit de sa requête de renvoi en raison de son indisponibilité (cf. c. 3.3 infra).
3.1
Conformément à l’art. 3 al. 2 let. c CPP, les autorités pénales se conforment notamment à la maxime voulant que le droit d’être entendu soit garantis à toutes les personnes touchées par la procédure. Cette disposition consacre le droit d’être entendu qui découle des art. 29 al. 2 Cst., 5 § 2 et 6 § 3 CEDH. Selon ce principe, la personne partie à une procédure doit être mise en mesure de s’expliquer avant qu’une décision appelée à la toucher ne soit prise (ATF 106 Ia 293). La fonction impartie au droit d’être entendu est double, en tant que cette garantie se présente, d’une part, comme un moyen d’instruire et, d’autre part, comme un droit indissociable de la personnalité (Hottelier, in : Commentaire romand, op. cit., n. 22 ad art. 3 CPP).
3.2
L’appelant voit une première violation de son droit d’être entendu dans le fait que la citation à l’audience censée lui avoir été notifiée le 2 août 2013 comportait un délai de réquisition de preuves échéant à cette même date, soit un délai d’une durée manifestement insuffisante.
3.2.1
Le droit d’être entendu comporte plusieurs facettes, notamment le droit de faire administrer des preuves (cf. art. 107 al. 1 let. e CPP; Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 23 ad art. 3 CPP; Hottelier in : Commentaire romand, op. cit., n. 23 ad art. 3 CPP). L’art. 331 al. 2 CPP, qui concrétise ce principe, dispose que la direction de la procédure, au moment de fixer les débats, imparti un délai aux parties pour présenter et motiver leur réquisition de preuves. Ce délai doit être d’une durée raisonnable et proportionnelle à la complexité de l’affaire, soit de l’ordre de 10 jours selon une partie de la doctrine (cf. Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 6 ad art. 331 CPP et la doctrine citée). Si ce délai n’est pas respecté, la partie n’est pas déchue du droit de requérir ou de présenter des preuves, mais elle s’expose uniquement à supporter le cas échéant des frais ou indemnités (Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 7 ad art. 331 CPP).
3.2.2
Il ressort du dossier de la cause qu’ensuite de l’opposition formée par le prévenu le 5 février 2013, la cause a été transmise par le Ministère public au Tribunal de police. Le 22 mars 2013, celui-ci a écrit à l’opposant pour l’inviter à retirer ou à confirmer son opposition d’ici au 10 avril 2013 (P. 6). Le 3 avril 2013, Q._ a confirmé son opposition et exposé ses moyens dans une lettre de deux pages rédigée en allemand (P. 7). Par avis du 9 avril 2013, le tribunal l’a invité à traduire sa détermination dans un délai au 22 avril 2013, délai prolongé à sa requête au 15 mai 2013 en tant que délai de l’art. 331 CPP (P. 8 à 10). Le 13 mai 2013, le prévenu a produit sa détermination, transcrite informatiquement en français (P. 11).
Le 24 juillet 2013, le greffe du tribunal lui a adressé une citation à comparaître personnellement à l’audience de jugement du lundi 19 août 2013, un délai au 2 août 2013 lui étant imparti pour administrer ou requérir l’administration de preuves. Ce pli est parvenu le 25 juillet 2013 à l’office de poste de [...] et l’avis de retrait a été distribué le même jour. Le destinataire ayant fait prolonger le délai de garde, qui arrivait à échéance le vendredi 2 août 2013, jusqu’au 6 août, le pli a finalement été retiré à cette dernière date (P. 13).
Par courrier du 9 août 2013, Me Giauque a annoncé avoir été consulté le même jour par Q._ et a requis, au nom de son client, le report de l’audience du 19 août 2013, ainsi que la fixation d’un nouveau délai pour requérir des preuves au sens de l’art. 331 al. 2 CPP (P. 13). Par télécopie du 12 août 2013, la Présidente du Tribunal de police a informé le défenseur du maintien de l’audience en soulignant que l’opposant avait disposé d’un temps suffisant pour préparer sa défense, l’opposition ayant été formée en janvier 2013 et la citation étant censée avoir été reçue par lui à l’échéance du délai de garde postale le 2 août 2013, étant précisé qu’une prolongation du délai de l’art. 331 CPP aurait pu être requise immédiatement (P. 14).
3.2.3
En l’occurrence, l’affaire était dépourvue de complication puisque elle se résumait, sur le plan factuel, à établir l’emploi du temps du prévenu le jour du contrôle radar ou l’impossibilité de reconstituer au sein de l’entreprise l’identité du conducteur fautif, au vu de la taille de cette société, de ses particularités et de son organisation. Par ailleurs, nonobstant la brièveté du délai et le refus implicite de le prolonger, l’appelant a disposé de 17 jours avant l’audience pour former ses réquisitions. Or, il n’en a présenté aucune et pas davantage le jour de l’audience où son défenseur l’a représenté. Le droit à la preuve, comme élément du droit d’être entendu, n’a donc pas été violé, mais le prévenu ne l’a pas exercé.
Mal fondé, le premier moyen tiré d’une violation du droit d’être entendu doit être rejeté.
3.3
L’appelant se plaint ensuite, non pas du non renvoi de l’audience du Tribunal de police, mais du fait que celle-là aurait été fixée sans tenir compte de ses disponibilités, en violation de l’art. 202 al. 3 CPP, ce qui aurait dû entraîner la révocation de son mandat de comparution personnelle (art. 205 al. 3 CPP).
3.3.1
L’art. 202 al. 3 CPP dispose que lorsqu’elle fixe les dates de comparution, l’autorité tient compte de manière appropriée des disponibilités des personnes citées. Suivant l’endroit où la personne doit se rendre ou la durée de l’audition, celle-ci doit prendre des dispositions, d’ordre personnel ou familial. Un délai trop court pourrait violer les art. 13 Cst. et 8 CEDH en tant qu’il affecterait le droit au respect de la vie privée ou familiale. On peut également songer aux désagréments d’ordre professionnel. Dès lors, l’autorité pénale devrait fixer les délais dans le respect du principe de la proportionnalité (Moreillon/Parein-Reymond, op. cit., n. 11 ad art. 203 CPP).
3.3.2
Il ressort du dossier que, par courrier du 16 août 2013, Me Giauque, annonçant qu’il représenterait son client à l’audience du 19 août 2013, a requis la dispense de comparution personnelle de l’opposant pour le motif que celui-ci serait retenu le même jour à 09h00 par une séance avec un avocat allemand en vue d’une procédure d’appel concernant la société [...] devant être engagée le 22 août 2013 à [...] (P. 15). Par télécopie du 19 août 2013, cette dispense de comparution personnelle a été refusée (P. 16), le jugement indiquant ultérieurement à cet égard que le tribunal entendait identifier le prévenu lors de l’audience par rapport à la photographie de son visage figurant au dossier (jgt., p. 8).
A l’audience du Tribunal de première instance, le défenseur du prévenu, qui s’est présenté au nom de son client, a requis la dispense de comparution personnelle de ce dernier, ce qui a été refusé (jgt., p. 2). Dans la suite des débats, cet avocat, représentant valablement l’opposant au sens de l’art. 356 al. 4 CPP (jgt., p. 5 in fine), a été entendu sur les faits de la cause, sans être en mesure d’indiquer le nombre de véhicules détenus par R._ AG, le mode de gestion de ces véhicules et le nombre d’employés de cette société (jgt., p. 6). Il a plaidé l’acquittement après la clôture de l’instruction, l’administration de nouvelles preuves n’étant pas requise à l’issue de celle-là (jgt., p. 2).
3.3.3
En l’occurrence, en fixant l’audience l’après-midi du 19 août 2013 à 14h00, le Tribunal de police a pris en considération le temps nécessité par le trajet Walenstadt – Yverdon-les-Bains. Selon les pièces produites, la séance en Bavière du 19 août 2013 n’a pu être fixée qu’à partir du 9 août 2013, soit bien après l’envoi de la citation. Ainsi, une prise de contact préalable n’aurait pas permis de réserver cette date. Par ailleurs, ce n’est pas immédiatement, soit le jour où il a consulté un défenseur établi dans le canton de Vaud, que l’appelant a fait état de cette autre affaire judiciaire requérant sa présence en Allemagne le même jour que celui de l’audience du tribunal de police, mais le 16 août, soit 3 jours avant l’audience de première instance. Dès lors, l’empêchement invoqué par l’appelant, partant sa non communication au tribunal de police, n’a chronologiquement eu aucune incidence sur la fixation de l’audience. Dans ces conditions, aucune violation de l’art. 202 al. 3 CPP, entraînant prétendument de surcroît une violation des droits fondamentaux, ne saurait être constatée.
Mal fondé, ce second grief tiré d’une violation du droit d’être entendu doit également être rejeté.
4.
L’appelant invoque une violation de la présomption d’innocence. Selon lui, la preuve qu’il est l’auteur de la contravention n’ayant pas été rapportée, il ne saurait être condamné parce qu’il n’aurait pas prouvé son innocence.
4.1
La présomption d'innocence, garantie par les art. 32 al. 1 Cst., 6 § 2 CEDH et 14 al. 2 Pacte ONU II, porte sur la répartition du fardeau de la preuve dans le procès pénal, d'une part, et sur la constatation des faits et l'appréciation des preuves, d'autre part. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter à l'accusé. Comme règle sur l'appréciation des preuves, elle est violée lorsque le juge, qui s'est déclaré convaincu, aurait dû éprouver des doutes quant à la culpabilité de l'accusé au vu des éléments de preuve qui lui étaient soumis (ATF 124 IV 86 c. 2a; ATF 120 Ia 31 c. 2c). Dans cette mesure, elle se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (ATF 124 IV 86 c. 2a; ATF 120 Ia 31 c. 2).
Selon la jurisprudence, la qualité de détenteur d’un véhicule crée un indice de culpabilité d’une infraction routière, indice suffisant appelant des explications de la part de celui-ci, la jurisprudence de la CEDH admettant que l’on puisse tirer des conclusions en défaveur de l’accusé, à raison de son silence parce qu’il existe des éléments de preuve tels qu’ils appellent raisonnablement des explications de sa part. Un simple silence peut ainsi suffire à amener le juge à considérer que le détenteur était le conducteur, sauf si ce dernier fournit un minimum d’explications plausibles, comme la preuve de sa présence à un autre endroit au moment des faits ou la démonstration que le véhicule est à disposition d’un nombre indéterminé de personnes (Jeanneret, Les dispositions pénales de la Loi sur la circulation routière (LCR), Berne 2007, p. 15, Définitions n. 41; CAPE 21 novembre 2013/300 c. 3.2).
Le Tribunal fédéral a rappelé les principes applicables aux cas dans lesquels le détenteur d’un véhicule conteste en avoir été le conducteur (TF 6B_562/2010 du 28 octobre 2010, JT 2010 I 567, spéc. c. 2.1.1 et 2.1.2). Selon la jurisprudence, le conducteur d’un véhicule automobile ne saurait se voir condamner à une infraction de la loi fédérale sur la circulation routière que s’il est établi à satisfaction de droit qu’il est bien l’auteur de cette infraction. Autrement dit, le juge ne peut prononcer une telle condamnation que s’il a acquis la conviction que c’est bien l’intéressé qui a enfreint les règles de la circulation. Lorsqu’une infraction a été dûment constatée, sans cependant que son auteur puisse être identifié, l’autorité ne saurait se borner à présumer que le véhicule était piloté par son détenteur, sauf à ce dernier à rapporter la preuve qu’il l’était en réalité par un tiers (ATF 106 IV 142 c. 3; ATF 105 1b 114 c. 1). Lorsque l’auteur d’une infraction constatée ne peut être identifié sur-le-champ, le juge peut certes, dans un premier temps, partir de l’idée que le détenteur du véhicule en question en était aussi le conducteur au moment critique. Mais dès lors que cette version est contestée par l’intéressé, il appartient au juge d’établir sa culpabilité sur la base de l’ensemble des circonstances, sans franchir les limites de l’arbitraire. S’il arrive à la conclusion que le détenteur, malgré ses dénégations, est bien le conducteur fautif, la condamnation est fondée. Il ne suffit pas au détenteur d’invoquer le droit au silence ou le droit de ne pas s’auto-incriminer pour échapper à une sanction lorsque sa culpabilité n’est pas douteuse (TF 6B_439/2010 du 29 juin 2010 c. 5; TF 6B_571/2009 du 28 décembre 2009 c. 3.3; TF 6B_676/2008 du 16 février 2009 c. 1.3; TF 6B_41/2009 du 1
er
mai 2009 c. 5).
4.2
En l’espèce, le premier juge a assis sa conviction sur les éléments suivants :
- le prévenu n’a pas établi que la société R._ AG, dont il est l’administrateur, détenait un autre véhicule que celui immatriculé GR [...] qui a été flashé, alors qu’il soutient conduire usuellement le véhicule GR [...] (jgt., p. 7);
- le prévenu ne se reconnaît pas sur la photographie prise par le radar précisant qu’il n’est pas porteur de lunettes. Toutefois, il n’a pas collaboré, soit en produisant d’autres photographies de son visage permettant une comparaison avec celle du radar, soit en comparaissant devant le Préfet ou devant le Tribunal de police (jgt., p. 7-8);
- les explications quant à la prétendue impossibilité d’identifier le conducteur fautif en l’absence de relevé des utilisateurs et de tout contrôle au sein de l’entreprise alors que cette voiture serait confiée à une quinzaine de collaborateurs de plusieurs filiales de la société ainsi qu’à des clients, ne sont pas crédibles et relèvent d’un refus de collaborer (jgt., p. 8);
- le prévenu n’a pas entrepris de démontrer qu’il se trouvait ailleurs lors des faits, par exemple en produisant une copie de son agenda (jgt., p. 8);
- le profil du conducteur selon la photographie prise par le radar semble correspondre à celui du prévenu (jgt., p. 8).
En procédant à sa propre appréciation, qui repose sur l’ensemble des circonstances, la Cour d’appel retient ce qui suit :
- Inscrite au Registre du commerce des Grisons le [...], la société R._ AG, avec siège à la [...] à Coire, dispose d’un capital-actions libéré de 50’000 fr. et a pour but «
Durchführung von Handelsgeschäften aller Art, Projektierung und/oder Realisation von Industrie — und Produktionsanlagen, Tätigkeit im Automotivbereich, Akquisition und Engeneering; vollständige Zweckumschreibung gemäss Statuten
». Le prévenu a été membre du conseil d’administration de cette société, avec signature individuelle, organe qu’il a également présidé.
A cet égard, l’appelant fait valoir, en se référant à l’arrêt TF 6P.121/2000 du 17 octobre 2000, que la seule qualité de membre d’un organe de la personne morale détentrice du véhicule incriminé ne saurait suffire à fonder une condamnation. Cependant, le premier juge n’a pas assimilé contrôle de la personne morale à la conduite du véhicule, mais s’est borné à souligner que l’appelant avait procédé par affirmation au lieu d’établir les circonstances propres à faire douter de sa qualité de conducteur en collaborant de bonne foi à l’identification du conducteur fautif. Le prévenu s’est donc abstenu d’établir le fait qu’il aurait usuellement piloté un autre véhicule d’entreprise, soit celui immatriculé GR [...], et que la société détenait de nombreuses voitures.
- Né le [...] 1953, l’appelant était âgé de 57 ans lors de l’excès de vitesse. Or, le conducteur apparaissant sur la photographie au dossier correspond à un homme de cet âge. Dès lors, sexe et âge constituent des indices à charge. Quant à savoir si le conducteur portait des lunettes, le cas échéant avec verres correcteurs ou antireflet, alors que Q._ affirme ne pas faire usage de lunettes, force est de constater que l’image n’est pas assez nette pour en acquérir la certitude. Même un conducteur bénéficiant d’une excellente vue peut être amené à porter des lunettes pour éviter d’être ébloui. Aussi, l’objection de l’appelant sur ce point n’est pas décisive.
- S’agissant du devoir de collaboration, il est relevé que dans un contexte de gestion normale, une entreprise qui confie régulièrement des véhicules à des tiers en garde forcément une trace, qu’il s’agisse d’une inscription dans un registre, de relevés ou de quittances, puisqu’il s’agit d’actifs ayant une valeur patrimoniale certaine, sans parler des questions de jeux de clés, d’entretien, de stationnement, de ravitaillement en carburant, d’assurances, de dommages, de gestion de contraventions, de justifications contractuelles de cette prestation d’usage, etc. Or, l’appelant a toujours campé sur la même ligne consistant, en se référant à la consultation d’un avocat, à renvoyer à la personne morale R._ AG, puis à affirmer que celle-ci avait un grand nombre d’employés et de véhicules, voire des clients, susceptibles d’avoir conduit le véhicule en question, sans esquisser la moindre aide réelle à la manifestation de la vérité.
- Aux indices objectifs de l’âge, du sexe, de la carrure et de la forme générale du visage du conducteur tels qu’ils ressortent de la photographie et tels qu’ils correspondent aux constations faites en audience d’appel, s’ajoute le fait que l’appelant a admis conduire une voiture de la société, comportant certes une immatriculation distincte, mais pas un véhicule immatriculé à son nom. De surcroît, celui-ci exerçait le pouvoir supérieur au sein de la société R._ AG en sa qualité de président du conseil d’administration avec signature individuelle, ce qui le mettait en position de bénéficier d’un bien de la société à des fins privées ou professionnelles. Par ailleurs, le véhicule photographié par le radar n’est pas un véhicule utilitaire ou de livraison, ni une voiture arborant un message publicitaire d’entreprise, mais bien une limousine d’un certain standing au volant de laquelle on envisage davantage un cadre supérieur qu’un employé subalterne. Enfin, il est surprenant que le prévenu n’ait pas envisagé de produire une copie de son agenda qu’en première instance.
Sur la base de l’ensemble de ces indices, auxquels il s’agit d’ajouter le clair refus de collaborer de bonne foi à l’identification du conducteur fautif, on acquiert la conviction que Q._ est bien l’auteur de l’excès de vitesse.
Mal fondé, le moyen tiré d’une violation de la présomption d’innocence doit être rejeté.
5.
En définitive, l’appel de Q._ doit être rejeté et le jugement entrepris intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, par 1’570 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), doivent être mis à la charge de l’appelant (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
91070667-11e0-46f1-927d-351cd1e8a422 | En fait :
A.
Z._, née le 28 janvier 1972 au Brésil, originaire de[...], divorcée de T._, avec lequel elle a eu trois enfants, est vendeuse de formation. Sans activité et sans revenu après avoir quitté son emploi à la fin du mois de juin 2013, l'intéressée est soutenue financièrement, ainsi que ses enfants, par son ex-mari.
Son casier judiciaire est vierge.
B.
Le 28 mai 2012, à la [...], au cours d'une dispute, les soeurs Z._ et S._ se sont mutuellement empoignées. Lors de cette empoignade, Z._ a tenu la tête de S._. Cette dernière, qui a souffert de douleurs à la nuque et à la colonne vertébrale constatées par certificat médical du 29 mai 2012, a déposé plainte (PV aud. 1 du 29 mai 2012).
C.
Par ordonnance pénale du 5 avril 2013, le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois, a, notamment, condamné Z._, pour lésions corporelles simples, à une peine de 15 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans. Z._ a fait opposition.
Statuant sur opposition par jugement du 18 juin 2013, le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois a libéré Z._ de l'infraction de lésions corporelles simples (I), constaté que Z._ s'est rendue coupable de voies de fait (II), condamné Z._ à une amende de 200 fr., convertible, en cas de non paiement fautif, à une peine privative de liberté de cinq jours (III), donné acte à S._ de ses réserves civiles à l'encontre Z._ (IV), dit que Z._ est la débitrice deS._ de 1'500 fr. à titre de dépens pénaux (V) et mis les frais, par
1'675 fr., à la charge de Z._
S._ et Z._ ont fait appel de ce jugement. Z._ a conclu à sa réforme en ce sens qu'elle est libérée de toute infraction et de toute peine, l'exception de légitime défense étant admise, à ce que S._ lui verse 2'000 fr. à titre de dépens pénaux de première instance, à ce que les frais de justice soient mis à la charge de S._, subsidiairement en partie à la charge de cette dernière et le solde à la charge de l'Etat, et à ce qu'un montant fixé à dire de justice lui soit alloué pour ses dépens de seconde instance.
Une audience d'appel a eu lieu le 20 novembre 2013, au cours de laquelle les parties ont passé une convention impliquant en particulier le retrait de la plainte pénale déposée par S._ à l'encontre de sa soeur. Par prononcé du 20 novembre 2013, la cour de céans a pris acte de cette convention, mis fin à l'action pénale à l'encontre de Z._, et maintenu les frais de première instance mis à la charge de cette dernière, par 1'675 francs (CAPE 20 novembre 2013/290).
D.
Contre ce jugement, Z._ a formé un recours en matière pénale au Tribunal fédéral en concluant principalement à sa réforme en ce sens que les frais de première instance sont laissés à la charge de l'Etat, subsidiairement à son annulation.
Par arrêt du 10 avril 2014, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral admis le recours formé par Z._, annulé le jugement et a renvoyé la cause à la Cour de céans pour nouveau jugement (TF 6B_1236/2013 du 10 avril 2014). | En droit :
1.
1.1
Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Il peut également renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 107 al. 2 LTF [Loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173. 110]). L'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit contenus dans l'arrêt de renvoi. Elle ne peut en aucun cas s'écarter de l'argumentation juridique du Tribunal fédéral, aussi bien en ce qui concerne les points sur lesquels il a approuvé la motivation précédente que ceux sur lesquels il l'a désapprouvée. Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis – même implicitement – par le Tribunal fédéral (B. Corboz, in: Commentaire de la LTF, Berne 2009, ch. 27 ad art. 107 LTF, [Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral; RS 173.110]).
1.2
En l'espèce, seuls les frais de première instance sont en cause. Le Tribunal fédéral a constaté que le jugement attaqué ne contenait aucun état de fait, alors que les faits ont été contestés par la recourante dans le cadre de son appel, celle-ci s'étant en particulier prévalue de faits justificatifs. En outre, la motivation selon laquelle la prévenue a commis une faute civile en portant une atteinte physique à sa sœur n'a pas été jugée suffisante au regard de l'art. 112 LTF. Au vu de l'état de fait lacunaire et de l'absence de motivation, le Tribunal fédéral n'était pas en mesure de contrôler la bonne application du droit fédéral relativement à
l'art. 426 al. 2 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0),
et a renvoyé la cause à l'autorité de céans pour qu'elle expose un état de fait et motive sa décision.
1.3
Seule Z._ est partie à la reprise de la procédure d'appel, même si les deux sœurs avaient à l'époque fait appel. En effet, S._ a retiré sa plainte lors de la première audience d'appel. En outre, elle renoncé à recourir au Tribunal fédéral, de sorte que le jugement de la cour de céans est devenu exécutoire en ce qui la concerne.
1.4
La prévenue et sa sœur ont été entendues à la première audience d'appel (procès-verbal pp. 4 et 5) et leurs déclarations ont été protocolées. Me Ballenegger, avocat de la prévenue, avait encore requis l'audition de deux témoins, soit K._, l'homme qui serait à l'origine de la dispute entre les deux sœurs et T._, premier époux de la prévenue. Or, K._ n'a pas assisté aux faits litigieux (P. 37) de sorte que son témoignage n'est pas pertinent. En outre, il a été entendu par la gendarmerie nationale et s'est notamment expliqué sur ses liens avec la prévenue et sa sœur. S'agissant par ailleurs de T._, il a été entendu par le procureur le 5 novembre 2012 (PV aud. 4) en présence de la prévenue, de sorte qu'une nouvelle audition ne se justifie pas (art. 389 CPP).
Vu la nature du litige et dès lors qu'il convient de renoncer à entendre les témoins proposés par Me Ballenegger, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. d CPP).
2.
Z._ a contesté les faits du premier juge, invoquant s'être trouvée en situation de légitime défense.
Il ressort du dossier que dans le courant de l'année 2012, Z._ a commencé à entretenir une relation sentimentale avec K._, qui était le compagnon de sa sœur, S._. Cette dernière en a pris ombrage, se sentant trahie.
Les deux sœurs se sont alors adressé des messages téléphoniques dans lesquels elles se sont mutuellement insultées. S._ a souhaité obtenir une explication orale de la part de Z._. Cette dernière a refusé, mais a laissé une lettre dans la boîte aux lettres de sa sœur. Néanmoins, le 28 mai 2012, S._ s'est rendue au domicile de Z._ où une dispute a éclaté. Les deux sœurs se sont empoignées. Au cours de cette empoignade, Z._ a tenu la tête de S._, lui occasionnant des douleurs à la nuque et à la colonne vertébrale constatées médicalement par certificat du 29 mai 2012.
Cette version des faits est corroborée par les témoins présents, soit l'ex-mari de la prévenue, T._ (PV aud. 4 du 5 novembre 2012) et une sœur des protagonistes, de même que par les traces constatées sur S._. On ignore en revanche qui a commencé l'empoignade ou si elle a été simultanée. On retient en outre que Z._ ne s'est pas contentée de repousser sa sœur par un moyen proportionné; elle l'a mise dehors, selon ses premières déclarations. Au vu de ces éléments, il n'y a pas de légitime défense (art. 15 CP), comme le retient l'autorité de première instance d'une manière qui échappe à la critique.
3.
3.1
Selon l’art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
La condamnation d’un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit respecter la présomption d’innocence. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n’est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l’ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s’il en a entravé le cours. A cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (ATF 119 la 332 c. 1b; 116 la 162 c. 2c).
Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l’imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l’ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d’une application par analogie des principes découlant de l’art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 119 la 332 c. 1 b; 116 la 162 c. 2d). En cas d’acquittement partiel, la jurisprudence a reconnu qu’une certaine marge d’appréciation devait être laissée à l’autorité parce qu’il est difficile de déterminer avec exactitude les frais qui relèvent de chaque fait imputable ou non au condamné (arrêts 6B_218/2013 du 13 juin 2013 c. 5.2; 68_45/2011 du 12 septembre 2011 c. 3.1). Ce principe doit également valoir dans le cas où seule une partie des faits pour lesquels le poursuivi a bénéficié d’un acquittement constitue un comportement fautif contraire à une règle juridique.
3.2
En l'espèce, il ressort des faits retenus que la prévenue a employé la force physique à l'encontre de sa sœur, qu'elle ne se trouvait pas en état de légitime défense (art. 15 CP), que ses actes ont causé à S._ des maux de nuque et de dos, et ont déterminé cette dernière à déposer une plainte pénale. Le comportement de la prévenue, qui peut être qualifié d'illicite au sens de la norme précitée, a entraîné l'ouverture de la présente procédure pénale. Z._ doit donc assumer les frais de procédure de première instance, nonobstant le retrait de plainte intervenu le 20 novembre 2013 et ses effets (cf. supra p. 3).
3.3
Le montant des frais de première instance mis à la charge de la prévenue (1'675 fr. ) se compose de 975 fr. pour l'instruction de la cause et de 700 fr. pour l'audience au Tribunal de police. Aucune opération d'enquête n'ayant été inutile, seule une réduction partielle du deuxième poste est possible. Elle le sera en raison de l'admission partielle de l'opposition ayant entraîné que l'intéressée soit condamnée pour une infraction moins grave (voies de fait et non plus de lésions corporelles simples) et à une peine moins lourde (amende et non plus une peine pécuniaire). Ainsi, les frais de première instance doivent être réduits à 1'375 fr. et le chiffre VII du dispositif du jugement de première instance modifié dans ce sens.
4.
Le présent jugement ayant été rendu sur la base de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, les frais de la seconde procédure d'appel seront laissés à la charge de l'Etat. Il est en de même des frais de la première procédure d'appel qui avaient déjà été laissés à la charge de l'Etat afin de favoriser une issue transactionnelle dans le cadre d'un litige familial.
5.
S'agissant d'une procédure simple pour laquelle le recours à un avocat ne constitue pas un cas d'exercice raisonnable des droits de procédure au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, et Z._ ayant donné lieu à l'ouverture de l'enquête pénale, ce qui ferme en l'espèce la porte à une indemnisation (art. 430 al. 1 let. a CPP), le droit à une indemnité de l'art. 429 CPP n'est pas ouvert. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
910aad21-3f25-4627-ad53-d13b52496a5e | En fait :
A.
Par jugement du 22 mai 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a libéré I._ de l’accusation de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (I), constaté que I._ s’est rendu coupable de vol, brigandage, dommages à la propriété et violation de domicile (II), condamné I._ à une peine privative de liberté ferme de 7 (sept) mois dont à déduire 2 (deux) jours de détention subie avant jugement (III), ordonné la confiscation et la destruction de la drogue saisie sous fiche numéro 1551 (IV), alloué à [...] ses conclusions civiles et dit que I._ est son débiteur et lui doit immédiat paiement de la somme de 939 fr. 60 (V), dit que I._ supportera les frais de la cause par 8'428 fr. 80 y compris ses frais de défense d’office (VI), dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité servie au défenseur d’office, par
3'176 fr., ne sera exigé que si la situation financière du condamné s’améliore (VII).
B.
Par annonce d'appel du 31 mai 2012, puis déclaration d'appel motivée du 21 juin 2012, I._ a attaqué ce jugement. Il a conclu principalement à son acquittement sans frais et au renvoi de la partie civile devant le juge civil, subsidiairement, à sa libération partielle et à une peine que justice dira assortie d'un sursis, plus subsidiairement encore, à l'annulation du jugement entrepris.
L'appelant n'a pas comparu personnellement aux débats d'appel et y a été représenté par son avocate.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le 3 septembre 1988 au Portugal, pays dont il est ressortissant, I._ est arrivé en Suisse à l'âge de 16 ans. Célibataire, il vit avec sa mère et son beau-père. Sans formation professionnelle, le prévenu a travaillé dans la restauration jusqu'en 2009. Après une période d'oisiveté, il a été placé par Julien Richard – travailleur social de proximité de sa commune de domicile – au service de la caisse AVS de Clarens pour une mission temporaire exercée du 16 avril au 6 juillet 2012, et rémunérée 500 fr. par mois. Cette caisse a attesté, le 10 mai 2012, que l'intéressé était ponctuel, qu'il s’était bien intégré au sein de l’équipe et que son travail avait donné satisfaction. Toujours épaulé par Julien Richard, de même que par la Fondation vaudoise de probation, I._ a été engagé le 17 août 2012 comme ouvrier de la construction pour une nouvelle mission temporaire de trois mois payée 31 fr. 45 bruts à l'heure.
2.
Le casier judiciaire suisse de I._ mentionne trois condamnations :
- 12 novembre 2009, Tribunal correctionnel de l’Est vaudois, pour vol et tentative de vol, dommages à la propriété, escroquerie, utilisation frauduleuse d’un ordinateur, violation de domicile et tentative de violation de domicile, faux dans les titres et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, 300 jours-amende à 40 fr., avec sursis durant trois ans, sursis révoqué le 11 mars 2010;
- 11 mars 2010, Juge d’instruction de l’Est vaudois, pour vol, dommages à la propriété, violation de domicile, contravention et délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants, 240 heures de travail d’intérêt général;
- 5 octobre 2010, Tribunal correctionnel de l’Est vaudois, pour vol et tentative de vol, infraction d’importance mineure (vol), dommages à la propriété, violation de domicile, contravention et délit à la loi fédérale sur les stupéfiants, 6 mois de peine privative de liberté ainsi qu’une amende de 500 francs.
3.
3.1.
I._ a pénétré par effraction dans trois cabanons de jardin sis à proximité du [...] à Villeneuve pour dérober de la nourriture, de l'argent et divers objets dans les circonstances résumées ci-dessous :
Lieu : Villeneuve, [...], cabane de location
Date : entre le 17 juin 2011 à 19h00 et le 18 juin 2011 à 09h00
Plaignant : L._
Dommages : une vitre et son cadre brisés, une porte dont la vitre et la serrure cassées
Butin : une paire de lunettes [...], 3 CD-ROM, une paire de jumelles [...], des glaces et boissons
Lieu : Villeneuve, [...], dans un cabanon
Date : entre le 17 juin 2011 à 17h30 et le 19 juin 2011 à 09h00
Plaignant : F._
Dommages : fenêtre forcée et vitre brisée
Butin : environ fr. 10.- de monnaie
Lieu : Villeneuve [...] dans une buvette
Date : entre le 17 juin 2011 à 20h00 et le 18 juin 2011 à 07h00
Plaignant : X._. La plainte a été retirée le 2 mai 2012
Dommages : porte arrière endommagée
Butin : environ fr. 80.- de monnaie.
I._ a contesté être l’auteur de ces délits. Or, il a été identifié par son ADN retrouvé sur un papier tâché de sang dans la cabane de [...] Ainsi, le premier juge a retenu que I._ était l’auteur du vol par effraction commis au préjudice du plaignant L._. Il lui a également imputé les deux délits commis au préjudice de F._ et X._, dès lors qu'ils avaient été commis durant la même nuit et au même endroit.
Pour ces faits, le prévenu a été reconnu coupable de vol au sens de l'art.139 ch. 1 CP), de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), et de violation de domicile (art. 186 CP).
3.2.
A Villeneuve, le 9 juillet 2011, vers 00h15, [...],I._ a empoigné S._ par le t-shirt tout en lui intimant l'ordre de lui donner son argent. Celui-ci lui a alors tendu la somme de
60 fr. Insatisfait, le prévenu s'est saisi de son porte-monnaie et a constaté qu'il était vide. Il a alors fouillé les poches de sa victime et s'est emparé de son téléphone portable. Alors qu'un tiers s'interposait, I._ a pris la fuite.
S._ a déposé plainte.
Le prévenu conteste ces faits dont il dit n’avoir aucun souvenir. Deux témoins de la scène, qui connaissent I._ depuis plusieurs années, l’ont mis en cause. [...] est intervenue et a proposé à S._ de se réfugier chez elle, ce qu’il a fait. D’autre part, [...] s’est interposé, intimant plusieurs fois au prévenu l'ordre de cesser et de laisser S._ tranquille. Pour toute réponse, I._ a tenté de lui donner un coup de poing que [...] a esquivé. I._ est alors tombé puis est parti en courant en direction de la gare, le natel volé à la main. A ce moment, I._ a perdu sa casquette. L’ADN prélevé sur celle-ci présentait le même profil génétique que le sien. Le premier juge a retenu que I._ était bien l’auteur de ces faits, et qu'il s'était rendu coupable de brigandage au sens de l’article 140 ch. 1 CP, dès lors qu'il avait usé de violence au point de déchirer le t-shirt neuf de S._, que celui-ci s’était trouvé tétanisé par la surprise et la peur et hors d’état de résister à cet agresseur, et que malgré l’intervention de deux témoins dont l’un l’a invité à se calmer, l'intéressé a poursuivi son activité délictueuse jusqu’au bout, emportant l’argent et le téléphone volé.
Le prévenu a fait valoir son irresponsabilité totale, arguant qu'il était saoul le soir en question. Cet argument a été écarté par l'autorité de première instance qui a constaté l'absence d'élément indiquant qu’au moment d’agir, I._ ne possédait pas la faculté d’apprécier le caractère illicite de ses actes ou de se déterminer d’après cette appréciation.
3.3
La même nuit, peu après les événements susmentionnés, aux environs de 00h20, S._ s'est muni d'un objet trouvé par terre et l'a lancé sur la voiture d' [...] parquée devant le restaurant du Nord. Sous le choc, la vitre arrière du véhicule s'est brisée. Quelques instants plus tard, il s'en est pris à un second véhicule appartenant à [...] stationné à proximité. Les propriétaires des véhicules endommagés ont déposé plainte. [...] s'est constituée partie civile.
Ces faits ont également été contestés par le prévenu. Relevant que les témoins [...] et [...] avaient vu et entendu le prévenu, le tribunal a constaté que celui-ci était l'auteur des dommages causés aux véhicules d' [...] et [...], et l'a reconnu coupable de dommages à la propriété (art. 144 CP). | En droit :
1.
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon
l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
2.
La présomption d’innocence, qui est garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101)
et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves (cf. également, art.10 CPP al. 1 à 3).
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF du 25 mars 2010 6B_831/2009 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait. (TF 6B_43/2012 du 27 août 2012, c. 2 et réf. cit.). Un jugement de culpabilité peut reposer, à défaut de témoignages oculaires ou de preuves matérielles irréfutables, sur des indices propres à fonder la conviction du tribunal (Piquerez/Macaluso, Procédure pénale suisse, 3ème éd., 2011, n. 579 et réf. cit.).
3.
3.1
En se prévalant de la présomption d'innocence, I._ conteste que le bout de papier taché de son sang trouvé dans l'un cabanons [...] permette de retenir à sa charge les vols perpétrés dans les trois cabanons de jardin sis à proximité du [...]. Il lui paraît par ailleurs choquant d'exclure purement et simplement toute intervention de tiers au motif que les actes ont été commis au cours de la même nuit et au même endroit, ce qui semblerait inexact s'agissant du cambriolage du [...] probablement perpétré
"[...] entre le vendredi 17 juin 2011 à 17 h 30 et le dimanche 19 juin 2011 à 9 h 00 [...]"
(mémoire pp. 4 et 5).
Il est vrai que le papier taché de sang est le seul élément concret qui contrebalance les dénégations de l’appelant. La cour d'appel partage toutefois l'analyse du premier juge. Celui-ci pouvait en effet être convaincu que c'était bien le prévenu qui avait commis le cambriolage [...] puisque son sang avait été trouvé sur un papier à l'intérieur de ce cabanon où il était entré en brisant une vitre. L'argument selon lequel le véritable cambrioleur aurait laissé ce papier sur place pour incriminer le prévenu n’est pas plausible, d’autant que I._ soutient en outre ne jamais s’être coupé et ne tente pas même d’exposer comment le véritable cambrioleur aurait pu se procurer une tache de son sang. On relèvera, au demeurant, que le prévenu conteste aussi toute intervention dans les affaires du brigandage et des déprédations sur véhicules alors que sa participation est établie par des témoignages directs, ce qui relativise la crédibilité de ses dénégations. Enfin, l'argument selon lequel des traces de sang n’auraient pas été trouvées sur les bris de verre eux-mêmes n'est pas non plus pertinent puisqu'il n’est pas avéré que de telles traces aient été cherchées.
Dès lors que l'on peut retenir la culpabilité de l’appelant dans l’affaire de la [...], il convient aussi d'admettre qu'il est également l'auteur des deux autres cas de cambriolage de cabanes voisines. Cette admission ne constitue nullement une violation de la présomption d’innocence : le fait que, pour l’une des trois cabanes, la fourchette de temps pendant laquelle le vol a pu être commis soit supérieure de vingt-quatre heures au temps pendant lequel l'activité délictueuse a pu avoir lieu dans les deux autres cabanes ne suscite pas un doute suffisant alors que la culpabilité de l’appelant résulte suffisamment du mode opératoire et de la proximité chronologique et géographique des cabanes concernées par les deux autres vols.
L'appel est donc mal fondé sur ce point.
3.2.
Le prévenu conteste avoir agressé S._ durant la nuit du 9 juillet 2011. Il reproche au premier juge d'avoir retenu ce fait à sa charge sur la base des déclarations des témoins [...] et [...], auxquels il n'a pas été confronté.
D'après la jurisprudence fédérale, on ne peut pas condamner sans confrontation, sauf si la condamnation se fonde sur d'autres éléments concordants (TF du 27 décembre 2011 6B_456 2011, c 1.1). Cette exception est réalisée en l'espèce, dès lors que la réalité des actes perpétrés au préjudice de S._ se fonde sur plusieurs éléments. Il y a tout d'abord le témoignage de la victime (PV aud. 4 p. 2) qui a indiqué aux enquêteurs que la photo no 7 sur la planche présentée – savoir celle du prévenu – ressemblait à son agresseur. Il y a ensuite l'ADN retrouvé sur la casquette perdue par I._ sur les lieux de son délit, lequel présente le même profil génétique que le sien (P. 23). Pour le surplus, il y a aussi les témoignages fournis par [...] et sa cousine [...] en cours d'enquête (PV aud. 2 et PV aud. 3) qui vont dans le même sens. Vu les éléments au dossier, l'absence de confrontation ne viole pas les droits constitutionnels de l'appelant.
Dès lors que le prévenu et les témoins se connaissaient depuis plusieurs années et que [...] est intervenu le soir des faits pour tenter de calmer l'intéressé et de le dissuader, ce dernier erre lorsqu'il prétend que les témoins prénommés l'ont identifié après que la casquette trouvée sur les lieux de l'agression leur a été présentée par les policiers.
Ayant été vu et entendu par le plaignant [...] et les témoins prénommés, c'est également vain que I._ conteste avoir endommagé deux véhicules stationnés à [...]P 8 p. 2 et PV aud. 2).
3.3
Il reste à examiner si l'alcoolisation de l'appelant lors des faits du 9 juillet 2011 était telle qu'il doit être tenu pour entièrement irresponsable.
S._ a déclaré aux débats de première instance qu’il ne pouvait dire si le prévenu était dans son état normal ou pas. Le témoin [...] a déclaré aux enquêteurs, notamment, qu’elle n’était pas sûre que I._ se rappelle des événements du 9 juillet 2011 tellement il était saoul (PV aud. 2
in fine
). Le prévenu a pour sa part déclaré qu’il imaginait ne pas avoir commis les faits dès lors qu’il avait bu et qu’il ne s’en rappelait pas.
La jurisprudence fédérale précise que n'importe quel oubli des convenances ou tout abrutissement passager – qui serait provoqué par une consommation excessive d'alcool ou d'autres substances altérant la conscience et la volonté – ne suffit pas pour admettre une diminution de la responsabilité. L'examen du comportement de l'auteur avant, pendant, et après la commission de l'acte est indispensable (ATF 107 IV 3 c.1b, JT 1982 IV 35).
Dans le cas présent, rien n’indique que I._ était éméché au point de se trouver en état d’irresponsabilité totale ou partielle. S’il a chuté à la suite de sa tentative de frapper d’un coup de poing le témoin [...], il tenait parfaitement sur ses jambes lorsqu’il s’en est pris à des véhicules stationnés ainsi que lorsqu'il s'est enfui en courant avec le natel qu'il venait de dérober à S._. Or, il n'aurait pas pu adopter un tel comportement s'il s'était trouvé en état d’alcoolisation très avancé, car il n'en aurait pas eu la force. On relèvera encore que sa victime, S._, n’a pas remarqué qu’il se trouvait dans un état manifestement anormal. Ainsi, rien n’indique qu’au moment d’agir, I._ ne possédait pas la faculté d’apprécier le caractère illicite de ses actes ou de se déterminer d’après cette appréciation.
3.4
Le jugement attaqué doit donc être confirmé tant s'agissant de l'état de fait retenu que sur la question de la responsabilité. L'appel est donc mal fondé sur ces points également.
4.
C'est à juste titre, vu ce qui précède, que I._ a été condamné pour vol, brigandage, dommages à la propriété et violation de domicile; les qualifications juridiques ne sont d'ailleurs pas contestées.
5.
Il reste à examiner la peine. L'appelant reproche au premier juge d'avoir retenu ses dénégations comme élément à charge, méconnu l'intensité de ses efforts de resocialisation, et refusé à tort de lui accorder un sursis.
5.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale
(ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; 129 IV 6 c. 6.1 p. 20; arrêt 6B_759/2011 du 19 avril 2012 c. 1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55 c. 5.6 p. 61; 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; 129 IV 6 c. 6.1, p. 21 et les références citées).
Lorsque la quotité de la peine est de six mois à une année, la loi prévoit une peine privative de liberté ou une peine pécuniaire (art. 34 al. 1 et 40 CP). En règle générale, le juge doit donner la préférence à la peine pécuniaire. En effet le principe de proportionnalité commande, en cas de sanctions alternatives, de choisir celle qui porte le moins atteinte à la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement celle qui le frappe le moins durement. Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (TF du 10 avril 2008 6B_28/2008, c. 4.1 et la jurisprudence citée; ATF 134 IV 109 = JT 2009 I 554, c. 4). Une peine pécuniaire peut être exclue pour des motifs de prévention spéciale
(TF du 14 juin 2011, 6B_128/2011, c. 3.4).
5.2
5.2.1
En l'espèce, c’est la quatrième fois que I._ occupe la justice pénale, toujours pour les mêmes infractions et sur un court laps de temps (du 12 novembre 2009 au 22 mai 2012). La peine privative de liberté de six mois qui lui a été infligée le 5 octobre 2010 ne l'a pas empêché de retomber dans l’illégalité, ce qui montre le peu de respect qu'il a pour les règles en vigueur. Dans ces conditions et pour des motifs de prévention spéciale, seule une peine privative de liberté est adéquate pour sanctionner ses agissements. Le premier juge pouvait donc, sans violer le droit fédéral, considérer que là où l'effet dissuasif d'une précédente peine de privation de liberté ferme avait échoué, une peine pécuniaire n'entrait pas en considération. Le genre de peine fixé par le premier juge doit donc être confirmé.
5.2.2
La quotité de la peine est fixée en fonction des infractions commises et de la culpabilité de l’auteur. A la charge de I._ on relèvera une certaine gradation dans l’activité délictueuse, celui-ci étant présentement reconnu coupable de brigandage. On tiendra également compte du concours d’infractions, des antécédents du condamné, et du fait qu’il a repris une activité délictueuse d’importance sept ou huit mois après avoir été condamné pour la dernière fois à une peine de prison ferme. A charge, toujours, on retiendra que I._ s’est montré fort peu collaborant durant l’enquête, et que malgré des preuves incontestables, il a persisté à nier être l’auteur de toute infraction. Une telle attitude n'est pas de nature à faciliter le travail des enquêteurs. Dans ce contexte, l'autorité de première instance n'a pas violé les droits constitutionnels de l'intéressé en considérant les dénégations de celui-ci comme un facteur aggravant de la peine (TF du 3 décembre 2007 6B_532/ 2007
)
. Il n'y a aucun élément à décharge. Dès lors, la peine privative de liberté de sept mois infligée à I._ doit être confirmée. La détention préventive subie du 13 au 14 septembre 2011 en sera déduite.
5.2.3
Vu ses antécédents, I._ ne saurait bénéficier du sursis sauf circonstances particulièrement favorables (art. 42 al. 2 CP). On ne se trouve pas dans un tel cas en l’espèce. S'il est vrai que I._ semble faire les efforts nécessaires pour se socialiser, on gardera à l'esprit que les démarches entreprises, – au reste, avec l’aide de tiers –, le sont sous la pression de la décision de libération conditionnelle dont il peut bénéficier depuis le 15 avril 2012. Celle-ci est subordonnée à la condition qu’il se soumette, pendant la durée du délai d’épreuve fixé à un an, à des contrôles d’abstinence de l’alcool. S’ils ont été organisés, ces contrôles n’ont pas encore débuté. On ajoutera que I._ n’est pas encore au bénéfice d’un contrat de travail, même s'il a effectué deux stages d’occupation où son comportement est décrit comme bon. A ce stade, on n'a pas encore le recul nécessaire pour apprécier si le condamné sera capable de poursuivre ses efforts à long terme sans la menace que constitue la révocation possible de sa libération conditionnelle. I._ ne peut donc pas encore être considéré comme quelqu’un qui s’est réinséré socialement et dont la situation s'est stabilisée. Par ailleurs, il y a lieu d'appliquer l'art. 42 al. 3 CP, I._ ayant omis de réparer le dommage comme on pouvait raisonnablement l’attendre de lui malgré la modicité de ses revenus. L'intéressé [...] que parce que celle-ci a accepté de retirer sa plainte. En appel, il souhaite faire renvoyer cette victime au for civil et s'efforce de justifier par une argumentation oiseuse son refus de la dédommager spontanément. Il n'y a ainsi pas eu de véritable prise de conscience, ni de remord.
5.4
Contrairement à ce que soutient l'intéressé dans son appel, la peine infligée respecte en tous points les critères légaux. Tout à fait justifiée au regard des considérations qui précèdent, elle doit être confirmée.
6.
6.1
C'est à juste titre que l'autorité de première instance a alloué à [...], à la charge de I._, ses prétentions civiles, cette plaignante ayant chiffré ses prétentions et produit une pièce justificative (jugement p. 16). La conclusion tendant au renvoi de la partie civile au for civil doit donc être rejetée.
6.2
Présent à l'audience d'appel, le plaignant [...] (jugement p. 13) a demandé une indemnité pour les dégâts causés par le prévenu à son véhicule et a produit une pièce justificative. L'art. 124 al. 2 CPP prévoit que le prévenu doit pouvoir s’exprimer sur les conclusions civiles, au plus tard lors des débats de première instance. Prise pour la première fois en audience d'appel, cette conclusion est tardive, partant irrecevable.
7.
En définitive, l'appel de I._ est en tous points mal fondé. Il doit être rejeté aux frais de son auteur (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9156f5be-6962-49cf-acc3-40fb3b55137f | En fait :
A.
Par jugement du 25 mai 2011, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a libéré T._ des infractions d'escroquerie, tentative d'escroquerie, vol et tentative de vol (I), constaté que T._ s'était rendue coupable de conduite en état d'ébriété qualifiée et de violation simple des règles de la circulation (II), condamné T._ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, sous déduction de 4 jours de détention avant jugement, le jour-amende étant fixé à 30 fr., et à une amende de 300 fr. (III), suspendu l'exécution de la peine pécuniaire et fixé à T._ un délai d'épreuve de 4 ans (IV), dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement de l'amende sera de 3 jours (V), mis les frais de justice, dont l'indemnité d'office de son conseil, par 4'204 fr. 15, à la charge de T._, dit que l'indemnité d'office ne sera exigible de cette dernière que pour autant que sa situation financière le permette (VI), et laissé le solde des frais à la charge de l'Etat (VII).
B.
Par pli
du 31 mai 2011, T._ a annoncé faire appel de ce jugement, exposant d'emblée contester le chiffre VI de son dispositif soit la répartition des frais de justice, et la non allocation d'une indemnité pour ses frais de défense nonobstant son acquittement sur un point essentiel ayant nécessité l'intervention de son avocat.
Le jugement écrit et motivé lui ayant été notifié le 17 juin 2011, l'appelante a déposé une déclaration d'appel le 6 juillet 2011, concluant à ce que le chiffre VI du dispositif soit modifié en ce sens qu'une indemnité équitable, mais d'au moins 3'487 fr. 25, lui soit allouée pour ses frais de défense, à ce que les frais de la procédure d'appel soient mis à la charge de l'Etat et à ce qu'une indemnité équitable lui soit allouée à titre de dépens d'appel.
L'appelante n'a pas requis l'administration de preuves supplémentaires. Elle a produit une note d'honoraires en procédure d'appel, datée du 25 août 2011 faisant état de 5 heures au tarif horaire de 280 fr. , plus 30 fr. de débours, soit un montant total de 1'544 fr. 40, TVA incluse.
Par lettre du 11 juillet 2011, le Ministère public a renoncé à déposer une demande de non-entrée en matière ou un appel joint.
C.
Les faits essentiels tels qu'ils résultent du dossier et du jugement entrepris sont les suivants :
Le 31 mars 2009, T._ a consulté avocat en la personne de Me de Cet, avocat et notaire à Bienne (pièce no 14). Le 15 avril 2009, ce dernier a requis d’être désigné comme avocat d’office de sa mandante en avançant l’indigence de celle-ci et la complexité de la cause telle que ressortant d’entretiens avec elle (pièce no 22). Le 5 mai 2009, le Tribunal d'arrondissement de Lausanne l’a informé de sa désignation comme défenseur d’office (pièce no 24).
Selon l’ordonnance de renvoi du 25 août 2010, T._ était accusée, d’une part, d’escroquerie (art. 146 al.1 CP) et de tentative d’escroquerie (art. 22 et 146 al.1 CP), en compagnie de son frère au détriment de deux dupes, victimes d'opérations de "Wash-Wash", et, d’autre part, d’infractions à la Loi fédérale sur la circulation routière (LCR; RS 741.01). Par ailleurs, elle avait aussi le statut de plaignante à l'encontre de sa coaccusée Z._, prévenue de menaces.
En vue de l’audience de jugement, Me De Cet a signé, le 23 mai 2011, une procuration de substitution en faveur de Me Nathalie Tosato, avocate-stagiaire en son étude (pièce no 41).
A l’audience du 25 mai 2011, la cause de T._ et celle de sa coaccusée Z._, défaillante, ont été disjointes (jugement p. 4). L’accusation a été complétée en droit à l’encontre de T._, le Tribunal se réservant de retenir les qualifications de vol et de tentative de vol (jugement p. 18).
La prévenue T._ a déposé, le 24 mai 2011, des conclusions écrites ayant, notamment, la teneur suivante (pièce no 42) :
"[...] b. Libérer Madame T._ de la prévention d’escroquerie, prétendument commise entre le 15 avril 2009 et le 4 juin 2009 à Cortaillod, au préjudice de [...] et [...];
partant, prononcer son acquittement;
lui allouer une indemnité selon la liste des frais de ce jour;
laisser cette partie des frais de la procédure à la charge de l'Etat.
c. Reconnaître Madame T._ coupable d’infraction à la loi sur la circulation routière, commise le 13 août 2009 à Bienne, par le fait d’avoir conduit en état d’ébriété à un taux d’alcoolémie qualifié et pour avoir conduit sans avoir les phares allumés [...]
partant, la condamner à une peine pécuniaire à dire de justice avec sursis, le délai d’épreuve ne devant pas excéder trois ans;
mettre cette partie des frais de la procédure à la charge de la prévenue.
d. Ne pas révoquer le sursis octroyé par le mandat de répression du 20 septembre 2007, à l'exécution de la peine pécuniaire de 28 jours-amende à CHF 30.00 prononcée par le Service régional de juges d'instruction Jura-Bernois-Seeland.[...]"
La note d’honoraires du 24 mai 2011
"aux fins de taxation"
fait état de 18 heures d’activité d’avocat au tarif horaire de 280 fr., dont 6 h 30 d’audience pour les deux audiences tenues le 24 mai 2011. Or selon le jugement, le temps effectivement consacré à ces deux demi-journées d'audience est de 3 h 17. La note précitée ajoute à ces temps, deux heures de lecture, vacations comprises, alors que le temps réellement consacré à la lecture du 25 mai 2011 se limite à trente minutes. Enfin, la note attribue une durée de 90 minutes à des travaux de clôture : élaboration d’une note d’honoraires, entretien final et examen des considérants de première instance. Les débours comprennent notamment des photocopies, facturées 30 centimes la copie (soit 96 fr. pour 320 copies). Tout compris, TVA incluse, la note d’honoraires fait état d’un total de 5’879 fr. 25,
"en faveur de l'Etude".
Cette même note d'honoraires comporte par ailleurs une rubrique intitulée
"taxation pour l’assistance judiciaire"
qui aboutit, en reprenant les mêmes postes et en appliquant aux 18 heures d’activité prétendues un tarif horaire de 200 francs à un montant de 4'325 fr. 65
"à payer par l'Etat".
Au bénéfice du doute, tout en n’accordant pas foi à certaines déclarations de la prévenue (jugement p. 16
in fine
), le Tribunal a libéré l'appelante des accusations de nature patrimoniale (escroquerie, tentative d'escroquerie, vol et tentative de vol). Il l'a en revanche condamnée pour les infractions à la LCR.
Quant aux frais et aux indemnités, l'autorité de première instance a considéré ce qui suit (jugement, p. 19) :
"[...] Succombant partiellement à l’action pénale, T._ supportera la moitié des frais de justice. Le solde sera laissé à la charge de l'’Etat. L’indemnité de son conseil d’office sera fixée à CHF 3’487 fr. 25.[...]".
Le montant des frais mis à la charge de T._ se monte à 4'204 fr. 15 (jugement p. 20). Il résulte d’une liste de frais établie par le Tribunal, laquelle comporte les rubriques suivantes :
Poste
Montant
A charge de T._ :
PV instruction/ pages
3'750 fr.00
937 fr. 50
(35,5 pages à 75 fr.00)
Audience Tribunal correctionnel
3'000 fr. 00
1'500 fr. 00
Frais citations témoins
10 fr. 00
5 fr. 00
Indemnité témoins
36 fr. 00
18 fr. 00
Indemnité av. d'office
3'487 fr. 25
1'743 fr. 65
(arrondi)
(3'487 fr. 25 : 2)
Total à charge : 4'204 fr. 15 | En droit :
1.
L'appel a été formé à temps (art. 399 al. 3 CPP; Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0). Il est formellement recevable.
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour (al. 3) : violation du droit, y compris excès ou abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié (let. a); constatation incomplète ou erronée des faits (let. b); inopportunité (let. c).
3.
Dès lors que seuls des frais et des indemnités sont attaqués, l'appel relève de la procédure écrite (art. 406 al. 1 let. d CPP).
Estimant que l’entier des frais de sa défense d’office a été mis à sa charge selon sa compréhension du libellé du chiffre VI du dispositif, l’appelante invoque une fausse application de l’art. 429 al. 1 let. a CPP qui prévoit l’allocation d’office au prévenu acquitté totalement ou en partie d’une indemnité pour ses dépenses raisonnables de défense. Elle soutient qu’en réalité le Tribunal ne lui a pas accordé l’indemnité à laquelle elle avait droit, le recours à un avocat ayant été rendu nécessaire par la prévention d’escroquerie. Elle se réfère pour le surplus à l’art. 135 al. 4 CPP qui traite des modalités de remboursement d’une indemnité de défenseur d’office, et à l’art. 426 al. 2 CPP.
3.1
Tout le raisonnement de l’appelante repose sur la prémisse, fausse, que le jugement met la totalité de l’indemnité du défenseur d’office à sa charge. En effet, le Tribunal a décidé, comme indiqué dans ses considérants en page 19 du jugement, de répartir les frais par moitié entre la condamnée et l’Etat. Le calcul des frais à charge de l'appelante donne une somme de 4’204 fr. 15, incluant notamment la moitié des frais de défense (soit, 1’743 fr. 65 sur une indemnité totale fixée à 3’487 fr. 25). Ainsi, le montant du remboursement de l’indemnité d’office qu’évoque le chiffre VI
in fine
du dispositif -sans le chiffrer- est de 1'743 fr. 65, et non pas du double constituant la totalité de cette indemnité. Il en résulte que la condamnée a bénéficié d’une indemnité pour frais de défense de 1'743 fr. 65, soit la part identique (à la charge) de l’Etat aux frais de défense d’office dont le remboursement ne sera jamais exigé de l’appelante, même revenue à meilleure fortune. Sur le principe, toute violation de l’art. 429 al. 1 CPP doit donc être écartée.
3.2
A supposer que l’appel doive être compris comme la contestation de la portée de l’acquittement partiel (par rapport à la condamnation) en relation avec les frais dans le recours à un avocat d’office, la clé de répartition (50% à la charge de l'appelante, 50% à la charge de l'Etat) adoptée par le tribunal de première instance n’apparaît pas arbitraire. En effet, selon le Ministère public, l'entier de la cause relevait plutôt du Tribunal de police (pièce no 29), ce qui constitue l'indice d'une importance réduite. Quant au poids respectif de la LCR et du patrimonial, l’appelante était exposée à une révocation de sursis en raison d’une récidive spéciale en matière de circulation (pièce no 31), alors que sa défense en matière d’escroquerie était surtout factuelle et consistait, sur la base du dossier, à nier toute implication et à donner des explications exculpatoires sur les quelques faits qui l’incriminaient. Au demeurant, dans ses conclusions écrites (du 24 mai 2011) et contrairement à ce qu’elle soutient en procédure, l’appelante a admis que la part de frais relative aux infractions à la LCR soit mise à sa charge, sans en exclure, comme elle semble le plaider en appel, les prestations de défenseur d’office nécessitées par ce volet de la cause. Il n’y a donc pas à revoir en appel le montant des frais de défense d’office mis à sa charge.
3.3
Les prétentions de Me De Cet en fixation de l’indemnité de défenseur d’office paraissent critiquables sous plusieurs angles : les heures de vacation ou d’attente ont été facturées au plein tarif d’avocat; la note mentionne des opérations excessives ou double d’autres opérations; le tarif horaire de l'avocat d'office appliqué est de 200 fr., au lieu de 180 fr. pour l'avocat breveté et 110 fr. pour l'avocate-stagiaire confirmés par la jurisprudence (ATF 132 I 20, c. 8.7; TF du 25 mai 2011 6B_810/2010); des opérations antérieures à la désignation ou l’envoi de la requête en désignation comme défenseur d’office le 5 mai 2009 sont facturées; les opérations facturées comme conseil dans le cadre de la plainte pour menaces de la cliente contre la coaccusée dont la cause été disjointe ne sont pas retranchés; des débours exagérés sont comptés, notamment des frais de photocopie à un tarif intégrant une marge bénéficiaire. Toutefois, les premiers juges ont réduit de 4’325 fr. 65 à 3’487 fr. 25 le montant réclamé (soit une diminution de 838 fr. 40) sans que le détail de cette taxation ne soit expressément expliqué dans le jugement ou le dossier. Ni l’appelante, ni Me De Cet (art. 135 al. 3 CPP), ni le Ministère public n’ont recouru ou appelé du calcul de cette indemnité, si bien que la Cour d’appel ne saurait en revoir le montant dès lors que seule son incorporation dans les frais, synonyme de non-indenmisation des frais de défense, est attaquée (art. 404 al.1 CPP).
4.
En définitive, l'appel doit être rejeté et le jugement confirmé.
5.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de la recourante, y compris l'indemnité allouée à son conseil d'office, qui vu l'ampleur de la procédure et la complexité de la cause, est arrêtée à 1'004 fr. 40 (à savoir, 5 heures à 180 fr., plus 30 fr. de débours et 8 % de TVA), la note d'honoraire du 25 août 2011 étant réduite en conséquence. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
91cc3dad-c576-4fb5-86cd-3bc7895c1253 | En fait :
A.
Par jugement du 2 juillet 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a libéré R._ du chef d’accusation d’infraction simple aux règles de la circulation routière (I), lui a alloué une indemnité de 1'458 fr. (mille quatre cent cinquante-huit francs) au sens de l’article 429 al. 1 let. a et b CPP (II) et a laissé les frais de la cause à la charge de l’Etat (III).
B.
Par annonce du 3 juillet 2015, puis déclaration motivée du 8 juillet suivant, le Ministère public central a formé appel contre ce jugement en concluant au rejet de la demande d’indemnité au sens de l’art. 429 CPP formée par R._.
Le 14 juillet 2015, R._ a formé un appel joint concluant, avec suite de frais et dépens, à ce qu'il est acquitté pour un autre motif, d'une part, et que l'indemnité plus élevée qu'il avait réclamée lui soit entièrement allouée, d’autre part.
Par avis du 10 août 2015, la Présidente de la Cour de céans a informé les parties que l’appel serait traité en procédure écrite et qu’il relevait de la compétence d’un juge unique.
Par courrier du 4 septembre 2015, le Ministère public, se référant à son appel, a indiqué renoncer à déposer un mémoire motivé.
Le 22 septembre 2015, R._ a déposé un mémoire motivé et a confirmé les conclusions de son appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissant français domicilié en France, R._ est né le 29 février 1976 à Annemasse. Depuis 2013, il exerce la profession de prestataire de services pour des garages, son travail consistant à proposer des solutions pour la gestion des stocks et la gestion du personnel dans le cadre de réorganisation d’entreprises. Son revenu mensuel moyen s’élève à 1'800 Euros. Parmi ses charges mensuelles essentielles figure principalement son loyer de 750 Euros. Le prévenu n’a pas de dettes, ni de fortune particulière ou économies. Sur le plan personnel, il est marié mais séparé et a la garde alternée de ses deux enfants en bas âge.
Le casier judiciaire suisse du prévenu est vierge de toute inscription.
2.
Par ordonnance pénale du 24 novembre 2014, le Préfet de Nyon a condamné le prévenu à une amende de 100 francs pour avoir, en date du 8 mars 2014, circulé au volant d’un véhicule immatriculé en France alors que les vitres latérales avant étaient recouvertes d’un film teinté foncé et que de ce fait, les glaces nécessaires à la visibilité n’étaient plus parfaitement transparentes.
Contestant les faits reprochés, R._, par l’intermédiaire de son défenseur, a formé opposition à cette ordonnance par courrier du 27 novembre 2014. Le Préfet a maintenu sa décision et le Ministère public central a transmis le dossier de la cause au Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte.
Au bénéfice du doute, le Tribunal de police a admis le moyen de R._ qui plaidait notamment l’erreur de droit. S’agissant de l’indemnité au sens de l’art. 429 CPP, il a considéré qu'il n’y avait pas de difficulté en fait, mais que la procédure avait été longue, trois ordonnances pénales successives ayant été rendues. ll a ainsi accordé 4h30 de travail d’avocat au tarif horaire de 300 fr., plus TVA, soit une indemnité de 1'458 fr., au prévenu qui demandait 2'521 fr. 50. | En droit :
1.
1.1
Interjetés dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) par des parties ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du Ministère public et l’appel joint de R._ sont recevables.
1.2
S’agissant d’un appel dirigé contre une contravention ainsi que contre la question de l’indemnité de l’art. 429 CPP, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. c et d CPP) et la cause ressort de la compétence d’un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d’introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 ; RSV 312.01]).
2.
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexact ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
3.
R._ demande d’abord à être acquitté pour un autre motif que celui retenu par le premier juge.
3.1
Le recourant doit avoir un intérêt juridiquement protégé à l’annulation ou à la modification d'une décision (art. 382 al. 1 CPP), qui résulte en règle générale du dispositif, et non des motifs (Moreillon/Parein-Reymond, Code de procédure pénale, Petit commentaire, Bâle 2013, n. 9 ad art. 382 CPP).
3.2
En l’espèce, l’appel joint porte sur les motifs, il est donc irrecevable dans cette mesure (CCass du 3 décembre 2007/402 ; TF 6P.42/2006 du 15 mai 2006 consid. 3).
4.
Les parties divergent sur l’indemnité qui doit être allouée au prévenu acquitté.
Le Parquet estime que, s’agissant d'une contravention de peu de gravité en matière de circulation routière avec un enjeu Iimité, le recours à un avocat ne se justifiait pas, la cause étant de surcroît simple en fait et en droit.
Le prévenu souhaite qu’on Iui accorde l'entier de l’indemnité qu’il demande. Il soutient que la cause n’était pas si simple et aurait nécessité en tout cas 9h30 de travail d’avocat.
4.1
Aux termes de l’art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’iI bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure. Cette indemnité concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix (ATF 138 lV 205 consid. 1).
Selon Ie Message du Conseil fédéral, l'art. 429 al. 1 let. a CPP transpose Ia jurisprudence selon Iaquelle l'Etat ne prend en charge les frais de défense que si I’assistance d’un avocat était nécessaire compte tenu de Ia complexité de I’affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires de I'avocat étaient ainsi justifiés (Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l’unification du droit de la procédure pénale [Message], FF 2006 p. 1057 ss, spéc. p. 1313 ; TF 6B_392/2013 du 4 novembre 2013 consid. 2.1).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’allocation d'une indemnité pour les frais de défense selon l’art. 429 al. 1 let. a CPP n'est pas limitée aux cas de défense obligatoire visés par l’art. 130 CPP, mais peut être accordée dans les cas où le recours à un avocat apparaît tout simplement raisonnable. Dans le cadre de l’examen du caractère raisonnable du recours à un avocat, il doit être tenu compte, outre de Ia gravité de l'infraction et de la complexité de I'affaire en fait ou en droit, de Ia durée de Ia procédure et de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu (ATF 138 IV 197, JdT 2013 IV 184 ; TF 6B_563/2012 du 1
er
novembre 2012 ; CAPE 4 décembre 2014/352 ; CAPE 23 mai 2014/166 ; CAPE 19 avril 2013/101 ; CAPE 16 mai 2012/132).
4.2
En l’espèce, la cause était simple en fait, dès lors que le prévenu ne contestait pas avoir circulé au volant d'une voiture pourvue de vitres teintées. Il en va de même en droit. L’illicéité résultant de normes administratives techniques, l'erreur de droit était facile à invoquer, même pour un prévenu non assisté.
De plus, I’impact de cette procédure sur la vie du prévenu ne pouvait être que très modeste. L’enjeu de l’accusation se limitait à une faible amende. L'intimé n’a pas rendu vraisemblable que l'issue de la procédure pénale pouvait avoir un impact significatif sur sa vie personnelle ou professionnelle. Enfin, comme le relève le Tribunal fédéral (TF 6B_563/2012 précité consid. 1.4), il est ordinaire qu'une personne soit confrontée au moins une fois dans sa vie à une procédure pénale pour un cas de peu de gravité en matière de circulation routière.
Dans ces conditions, l’assistance d’un avocat ne se justifiait pas et aucune indemnité au sens de l’art. 429 CPP ne doit être allouée à l’intimé pour ses frais d’avocat.
5.
En définitive, l'appel interjeté par le Ministère public central doit être admis, l'appel joint de R._ rejeté et le chiffre II du dispositif du jugement entrepris réformé en ce sens qu'aucune indemnité n'est allouée au prévenu au sens de l’art. 429 al. 1 CPP.
5.1
Vu l'issue de Ia cause, les frais de Ia procédure d’appel doivent être mis à la charge de I'intimé qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
5.2
Au vu de ce qui précède, il n’y a pas matière à l'allocation de dépens d'appel. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
91eaaec2-1057-406c-9f39-c0b7ff8aa3f7 | En fait :
A.
Par jugement du 8 juillet 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a libéré D._ du chef d’accusation d’escroquerie (I), l’a condamné pour faux dans les titres à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 100 fr. le jour, avec sursis pendant cinq ans, ainsi qu’à une amende de 2'000 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement étant fixée à 20 jours (II), a renoncé à révoquer le sursis accordé à D._ le 17 avril 2009 par le Juge d’instruction de La Côte (III), a mis une partie des frais, par 975 fr., à la charge d’D._ et laissé le solde à la charge de l’Etat (IV).
B.
Par annonce du 14 juillet 2014, puis déclaration motivée du 13 août suivant, S._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’D._ est également reconnu coupable d’escroquerie, qu’il est condamné à une peine ferme, dont le genre et la quotité sont laissés à la libre appréciation de la Cour, et que le sursis accordé au prénommé le 17 avril 2009 par le Juge d’instruction de La Côte est révoqué.
Le 5 septembre 2014, D._ a déposé une demande de non-entrée en matière. Il a conclu, principalement, à ce que l’appel de S._ soit déclaré irrecevable faute de qualité pour recourir de l’appelant, subsidiairement au rejet de l’appel.
Dans ses déterminations du 18 septembre 2014, S._ a conclu au rejet de la demande de non-entrée en matière.
Par avis du 6 octobre 2014, le Ministère public a indiqué qu’il n’entendait pas intervenir à l’audience d’appel et renonçait à déposer des conclusions.
A l’audience du 29 octobre 2014, les parties sont parvenues à l’accord suivant :
« I. D._ se reconnaît débiteur de S._ de la somme de 18'000 fr. (dix-huit mille francs), pour solde de tout compte et de toute prétention.
II. D._ s’acquittera de sa dette en versant à S._ 9'000 fr. (neuf mille francs) d’ici au 31 décembre 2014, 4’500 fr. (quatre mille cinq cents francs) d’ici au 31 mars 2015 et 4’500 fr. (quatre mille cinq cents francs) d’ici au 30 juin 2015.
III. A la condition expresse que le montant de 18'000 fr. (dix-huit mille francs) soit intégralement payé au 30 juin 2015 au plus tard, S._ déclare que son appel devra être considéré comme retiré. En revanche, la convention sera caduque si l’échéance d’un seul acompte n’est respectée.
IV. Les parties demandent la suspension de la cause en l’appel pour vérifier la bonne exécution de la convention.
V. Les parties autorisent la Cour d’appel pénale à statuer sans reprise d’audience dans l’hypothèse où l’appel serait retiré ».
Par écriture du 22 décembre 2014, D._ a déclaré invalider la convention précitée, au motif qu’elle aurait été conclue sur la base de propos mensongers. Elle est de toute manière caduque faute de paiement du premier acompte échu.
Dans ses observations du 6 février 2015, la partie plaignante a contesté les allégations contenues dans le courrier précité et, s’estimant toujours lésée, a maintenu que son dommage n’était pas réglé.
A l’audience de reprise du 9 février 2015, la partie plaignante a confirmé les conclusions de son appel et a conclu au surplus à l’allocation d’une indemnité de l’art. 433 CPP, selon note d’honoraires produite. Le prévenu a pour sa part conclu à la confirmation du jugement entrepris, au rejet de l’appel dans la mesure sa recevabilité, et à l’octroi d’une indemnité de l’art. 429 CPP, fixée à dire de justice.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissant suisse, D._ est né le [...] 1974 à [...]. Ses parents se sont rapidement séparés. Les relations entre les époux étaient en effet tendues, de même que celles entre mère et fils. Le prévenu a dû quitter le domicile maternel, alors qu’il était âgé d’une dizaine d’années. Après cet épisode, il est allé vivre chez son père, d’où il est rapidement parti pour faire une formation. En 2005, il a quitté la Suisse pour se rendre en Turquie, pays où il a rencontré son épouse, avec laquelle il a eu deux enfants. A cette époque, il a commencé à consommer de la cocaïne et à commettre diverses infractions généralement en lien avec l’argent. Au moment des faits, il travaillait pour la Vaudoise Assurances et réalisait un salaire net de 12'350 fr. par mois. Actuellement, il travaille comme responsable du service marketing-vente de la société [...] et perçoit un salaire mensuel net de 10'666 fr., versé treize fois l’an. Il vit en France, où il s’est bien intégré et est apprécié de ses concitoyens, s’impliquant notamment pour diverses associations en faveur des enfants. Son loyer se monte à 2'350 euros par mois, ses primes d’assurance-maladie mensuelles à 561,35 euros et ses frais de déplacement pour se rendre au travail à 600 fr. par mois. Son épouse travaille à temps partiel et réalise un salaire mensuel de 2'000 fr. environ. Le prévenu a des dettes pour environ 340'000 fr. qu’il rembourse au coup par coup en fonction des huissiers se présentant à sa porte. La majorité de ses dettes est relative à la période 2005-2006.
Le casier judiciaire d’D._ mentionne quatre condamnations :
- 11 février 2005 : Juge d’instruction de La Côte Morges, abus de confiance, faux dans les titres, violation grave des règles de la circulation routière et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, 20 jours d’emprisonnement, sursis 2 ans;
- 2 mai 2005 : Office régional du Juge d’instruction du Valais central Sion, faux dans les titres, faux dans les certificats, abus de confiance, 6 mois d’emprisonnement sous déduction de 2 jours de détention préventive, amende de 500 fr., sursis 5 ans;
- 19 mai 2008 : Juge d’instruction Est Vaudois Vevey, délit contre la Loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité, 10 jours-amende à 60 fr. ;
- 17 avril 2009 : Juge d’instruction de La Côte Morges, abus de confiance, peine pécuniaire de 60 jours-amende à 60 fr., amende de 1'200 fr., sursis 5 ans, peine complémentaire aux jugements des 11 février 2005, 2 mai 2005 et 19 mai 2008.
2.
À [...], au début de l’année 2011, D._ s’est intéressé à louer une villa appartenant à S._. Afin de conclure cet acte plus facilement et dissimuler au propriétaire sa situation financière réelle, fortement obérée, le prévenu a falsifié un extrait de l’Office des poursuites, en masquant des poursuites pour près de 460'000 fr., des actes de défauts d’environ 397'000 fr. ainsi qu’une faillite. Il a également falsifié une fiche de salaire, en augmentant fictivement ses revenus. Il a ensuite remis ces documents à S._.
Sur cette base, le 20 mars 2011, un contrat de bail à loyer d’une durée initiale de cinq ans, soit du 1
er
avril 2011 au 31 mars 2016, a été conclu. La location portait sur une villa jumelle dont le loyer mensuel s’élevait pour la première année à 5'800 fr., plus 70 fr. pour l’ascenseur et 300 fr. pour le gaz et l’électricité.
D._ a payé avec une vingtaine de jours de retard le loyer de juillet 2011. En outre, il ne s’est pas acquitté du loyer de novembre 2011 et n’a jamais versé la garantie de loyer convenue de 11'600 francs.
Ayant découvert la supercherie, par courrier du 23 septembre 2011, S._ a invalidé le contrat pour dol.
Les 23 septembre et 24 octobre 2011, S._ a déposé plainte contre D._. Il n’a pas pris de conclusions civiles, compte tenu d’une convention passée entre les parties le 30 mars 2012 devant le Tribunal des baux. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir (art. 382 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de S._ est recevable.
En particulier, la qualité de S._, partie plaignante, pour former appel contre l’acquittement partiel du prévenu doit bel et bien lui être reconnue. En effet, le droit de demander la poursuite et la condamnation de l'auteur de l'infraction consacré à l'art. 119 al. 2 let. a CPP indépendamment de toute action civile ou de préjudice actuel fonde l'intérêt juridique de la partie plaignante, au sens de l'art. 382 al. 1 CPP, à appeler du jugement, y compris uniquement ses aspects pénaux. Le législateur a donc conféré à celle-ci le pouvoir de se constituer partie à la seule fin de soutenir l'action pénale. L'exigence de l'intérêt juridiquement protégé que pose l'art. 382 al. 1 CPP ne doit pas s'interpréter dans un sens étroit; elle n'impose pas la prise effective de conclusions civiles dans la procédure pénale. Il suffit d'être lésé c'est-à-dire une personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction (art. 115 al. 1 CPP). Les droits touchés sont les biens juridiques individuels tels que la vie et l'intégrité corporelle, la propriété, l'honneur, etc. Un dommage n'est pas nécessaire pour être lésé au sens de l'art. 115 CPP. L'atteinte directe selon cette disposition se rapporte à la violation du droit pénal et non à un dommage (ATF
139 IV 78 c. 3.3.3 et les références citées; voir également Denys, Le recours en matière pénale, in : SJ 2014 II 249).
Par conséquent, contrairement à ce que soutient l’intimé, la partie plaignante a bien un intérêt juridiquement protégé à former appel contre un jugement d’acquittement partiel, et ce indépendamment de l’existence de conclusions civiles ou d’un préjudice économique.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant conteste la libération du prévenu du chef d’accusation d’escroquerie. Il soutient que celui-ci était bien animé d’une intention d’enrichissement illégitime. Il estime en outre avoir été déterminé à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires.
3.1
Aux termes de l’art. 146 al. 1 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
La tromperie astucieuse doit amener la dupe, dans l'erreur, à accomplir un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers. La dupe doit conserver une certaine liberté de choix (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, n. 28 ad art. 146 CP). L'erreur créée ou confortée par la tromperie doit motiver l'acte (ATF 119 IV 210 c. 3d). L'escroquerie ne sera consommée que s'il y a un dommage (Corboz, op. cit., n. 32 ad art. 146 CP).
A défaut de dommage, il n’y a pas escroquerie consommée. Seule une tentative au sens de l’art. 22 CP peut au plus être envisagée à charge de l’auteur. Il y a tentative, au sens large, d’escroquerie lorsque ce dernier, agissant intentionnellement et dans un dessein d’enrichissement, a commencé l’exécution de cette infraction, manifestant ainsi sa décision de la commettre, même si les éléments objectifs font, en tout ou en partie, défaut. Conformément aux règles générales, l’intention doit porter sur l’ensemble des éléments constitutifs objectifs. A cet égard, ce qui est déterminant c’est que l’auteur a agi en se représentant, donc en acceptant, une situation dans laquelle ces éléments sont réalisés (ATF 128 IV 18 c. 3b).
3.1.1
Le dommage est une lésion du patrimoine sous la forme d’une diminution de l’actif, d’une augmentation du passif, d’une non-augmentation de l’actif ou d’une non-diminution du passif, mais aussi d’une mise en danger de celui-ci telle qu’elle a pour effet d’en diminuer la valeur du point de vue économique (ATF 122 IV 279 c. 2a; ATF 121 IV 104 c. 2c; ATF 120 IV 122 c. 6b/bb). Pour qu’il y ait un dommage, il doit exister une certaine connexité entre l’appauvrissement et l’enrichissement, de même que l’objet du dommage doit correspondre à l’enrichissement (ATF 134 IV 210 c. 5.3) et doit résulter directement de l’acte accompli sous l’effet de l’erreur (ATF 126 IV 113 c. 3a). Si l’acte implique le droit à une contre-prestation, il n’y a dommage que s’il en résulte un appauvrissement en considérant l’opération dans son ensemble (ATF 120 IV 122 c. 6b/bb). Il suffit que la prestation et la contre-prestation se trouvent dans un rapport défavorable par comparaison avec ce que pensait la dupe sur la base de la tromperie (ATF 122 IV 422 c. 3b; ATF 120 IV 122 c. 4d/bb; ATF 117 IV 139 c. 3; ATF 111 IV 55 c. 3). Lorsque l’acte de la dupe consiste à conclure un contrat, il faut examiner si celui-ci comporte moins de droits ou plus de risques que ne le pensait la dupe sur la base de la tromperie (Corboz, op. cit., n. 35 ad art. 146 CP). Il suffit que l’auteur n’ait pas la volonté de fournir la contre-prestation (Stratenwerth/Jenny/Bommer, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil 1, 7
ème
éd., 2010, §15 n. 50; Corboz, op. cit., n. 35 ad art. 146 CP). Un dommage temporaire ou provisoire est suffisant. La jurisprudence a admis qu’une mise en danger entraînant une diminution de valeur d’un point de vue économique suffisait (ATF 122 IV 279 c. 2a; ATF 121 IV 104 c. 2c; ATF 120 IV 122 c. 6b/bb). La lésion des espérances ou le risque accru ne suffisent que s’ils sont d’une importance telle qu’ils impliquent une perte de valeur économique (Corboz, op. cit., n. 37 ad art. 146 CP et les références citées).
3.1.2
Sur le plan subjectif, l'escroquerie est une infraction intentionnelle, l'intention devant porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. L'auteur doit en outre agir dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, soit un avantage patrimonial correspondant au désavantage patrimonial constituant le dommage (ATF 134 IV 210 c. 5.3). Le dessein est ce que l’auteur avait en vue; déterminer la volonté ou le dessein de l’auteur relève des constatations de fait (ATF 125 IV 49 c. 2d).
3.2
S’agissant du loyer de novembre 2011, le tribunal de police a retenu que dans la mesure où celui-ci n’avait pas été payé ensuite de la résiliation du bail et des prétentions invoquées par le prévenu en raison des défauts de la chose louée, il n’y avait pas de dommage avéré ni d’intention d’enrichissement illégitime. Quant à la garantie du loyer, il a estimé qu’il n’y avait pas eu de tromperie, le prévenu ayant décidé de ne pas exécuter intégralement le contrat après la conclusion de celui-ci (jgt., pp. 13-14).
3.2.1
En l’espèce, la tromperie astucieuse du candidat locataire sur sa situation économique au moyen de titres falsifiés a abouti à la conclusion du contrat de bail, contrat qui n’aurait manifestement pas été conclu si le contractant avait été de bonne foi, soit s’il avait annoncé que sa situation financière était fortement obérée.
Avec l’appelant, il faut constater que celui-ci a subi un dommage en concluant le contrat précité. En effet, outre la question du préjudice subi en raison du non-paiement du loyer de novembre 2011 dont il sera question ci-dessous, il est établi que le plaignant a écarté d’autres candidats dont on peut présumer, sur la base des pièces produites, qu’ils étaient solvables et auraient respecté leurs obligations contractuelles durant la durée du bail; le plaignant n’a en outre pas obtenu la constitution de la garantie de 11'600 fr. que le locataire s’était engagé à fournir à la signature du bail le 20 mars 2011 (P. 5/1); par ailleurs, il a dû subir les inconvénients d’une rupture du contrat ensuite de son invalidation pour dol le 23 septembre 2011, soit après six mois de location seulement, alors que le bail avait été conclu pour une première période de cinq ans, avec loyer échelonné progressant chaque année de 100 fr. (P. 5/1); il a également dû rechercher dans l’urgence un nouveau locataire; enfin, il a été contraint d’engager et payer un homme de loi pour défendre ses intérêts.
S’agissant plus précisément du loyer de novembre 2011, par courrier du 29 novembre 2011, le bailleur a poursuivi le locataire en paiement des charges de l’immeuble et d’une indemnité pour occupation illicite (P. 22/3) pour un montant en capital se situant entre 7’000 et 8'000 francs. Pour sa part, le prévenu a invoqué, après l’invalidation du contrat, des défauts de la chose louée. A l’audience préfectorale du 30 mai 2012, les parties ont transigé, en ce sens que les locataires ont accepté de verser 10'000 fr., payables en deux acomptes de 5'000 fr., pour solde de tout compte du chef du bail. Se pose dès lors la question d’une perte effective des loyers ou d’indemnité, la réduction et le retard de versement pouvant résulter en effet tant des défauts, cause civile imputable au bailleur, que de la découverte des faux, cause pénale imputable au locataire.
Cette question peut toutefois rester ouverte dès lors que, comme retenu ci-dessus, le patrimoine du plaignant a bien été affecté par la tromperie astucieuse du prévenu, ne serait-ce que par la non constitution à temps de la garantie devant servir à assurer le paiement d’éventuelles créances du bailleur contre son locataire débiteur et les frais engendrés par la mise à néant prématurée du contrat. L’élément objectif du dommage est par conséquent réalisé, étant au surplus relevé que la transaction passée par les parties sur le plan civil n’exclut pas l’existence d’un préjudice au sens de l’art. 146 CP.
3.2.2
Quant à l’élément subjectif, le premier juge a retenu qu’en signant le contrat, le prévenu n’avait pas l’intention de léser le bailleur dans le paiement du loyer et des charges. S’agissant de la garantie de loyer, il a retenu que le prévenu et sa femme disposaient d’un revenu suffisant pour la régler, dès lors que l’intimé avait un avoir bancaire important à la signature du contrat, que sa mère lui avait promis un avancement d’hoirie de plus d’un million d’euros et que la décision de ne pas se conformer à cette obligation contractuelle avait été prise après la conclusion du bail.
Sur ce point, outre le fait que l’avancement d’hoirie allégué par le prévenu ne résulte que de ses déclarations, son père ayant uniquement confirmé que son ex-épouse avait sensibilisé son fils au fait qu’il hériterait d’elle un jour (jgt., p. 8), le premier juge a confondu la capacité économique de constituer la garantie avec la volonté de déposer ce montant sur un compte bloqué.
Lors de son audition le 7 décembre 2011 par le Ministère public, le prévenu a déclaré «
en ce qui concerne la garantie du loyer je ne l’ai pas versée. J’avais demandé à M. S._ un délai à mi mai pour la verser le temps que je récupère celle de mon précédent logement. Entre mai et juillet je n’ai pas versé cette garantie et à partir de juillet nos relations se sont tendues je n’ai plus fait d’effort pour constituer ce dépôt
» (PV aud. 1, p. 2). Or, si véritablement l’intimé disposait du montant nécessaire sur un compte bancaire, l’invocation de la nécessité de retirer la garantie constituée pour un précédent logement relève du prétexte. Cela démontre qu’il n’avait pas l’intention de constituer la garantie dès l’origine de son exigibilité à la signature du contrat.
De plus, il est établi que l’intimé se trouvait dans une situation d’endettement désastreuse au moment des faits. En effet, selon l’extrait des registres de l’Office des poursuites du District de la Riviera - Pays d’Enhaut du 29 février 2012 (P. 15/3), le prévenu faisait l’objet de nombreuses poursuites en cours depuis 2009 et d’innombrables actes de défaut de biens. Par ailleurs, compte tenu des changements de domicile, il est très vraisemblable que des poursuites et actes de défaut de biens antérieurs à 2009 soient enregistrés dans d’autres arrondissements de poursuite, l’intimé ayant notamment expliqué que son endettement s’était constitué depuis sa jeunesse en raison de dépenses supérieures à ses moyens, qu’il avait accumulé les dettes à son retour de Turquie (jgt., p. 9) et que la majorité de ses dettes remontaient à la période 2005-2006 (jgt., p. 11).
Par conséquent, de par l’expérience acquise dans le cadre des différentes procédures de poursuite, voire faillite, l’intimé savait qu’il serait réduit au minimum vital. Il devait également savoir que l’Office des poursuites, dans son calcul du minimum vital, n’aurait pas toléré la jouissance, au détriment de ses créanciers, d’un logement en contrepartie du paiement effectif d’un loyer mensuel brut de près de 6'000 francs. Enfin, il devait se douter que, pour augmenter la saisie, l’Office exigerait à brève échéance du débiteur saisi la location d’un logement plus modeste et moins onéreux, soit la rupture prématurée du bail, ou, à défaut, imposerait une saisie qui ne lui permettrait plus le paiement d’un tel loyer (Peter, in : Edition annotée de la loi fédérale sur la poursuite et la faillite, Berne 2010, n. 4 ad art. 93 LP; ATF 129 III 527, JT 2004 II 92).
En concluant le contrat de bail, l’intimé savait donc pertinemment que le loyer était à terme incompatible avec sa situation financière de poursuivi et qu’il n’allait pas pouvoir en respecter les termes durant la durée contractuelle de cinq ans, soit parce qu’il aurait été contraint de rompre prématurément le bail, soit parce qu’il n’aurait pas pu payer l’intégralité du loyer, celui-ci n’étant plus pris totalement en compte dans le son minimum vital.
Dans ces conditions, il faut retenir une intention, par dol éventuel, de porter atteinte au patrimoine du bailleur et de s’enrichir à son détriment, même provisoirement, en jouissant de cette habitation d’un certain standing sans en fournir l’entière contrepartie.
3.3
Sur le vu de ce qui précède, D._ doit également être reconnu coupable d’escroquerie, toutes les conditions de l’art. 146 CP étant réalisées.
4.
Il reste à examiner la peine à infliger au prévenu.
4.1
4.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF
134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; 129 IV 6 c. 6.1 p. 20).
4.1.2
Selon l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF
134 IV 1 c. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 c. 3.1.2; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
4.1.3
En vertu de l'art. 46 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel (al. 1, 1
re
phr.). S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation (al. 2, 1
re
phr.).
La commission d'un crime ou d'un délit durant le délai d'épreuve n'entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Seul un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné peut justifier la révocation. A défaut d'un pronostic défavorable, le juge doit renoncer à celle-ci. Autrement dit, la révocation ne peut être prononcée que si la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve (ATF
134 IV 140 c. 4.2 et 4.3 ; TF 6B_163/2011 du 24 novembre 2011 c. 3.2). Dans l'appréciation des perspectives d'amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d'un sursis antérieur, le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l'octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible : si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (ATF 134 IV 140 précité c. 4.5). Ainsi, un critère déterminant pour juger du risque de réitération et, partant, pour poser le pronostic prévu par la loi est celui de l'effet de choc et d'avertissement issu de la condamnation précédente, y compris en ce qui concerne l'aménagement ultérieur de la vie de l'intéressé; s'il est avéré, un tel effet constitue un facteur favorable – même s'il n'est pas déterminant à lui seul – dans l'examen du pronostic (cf. ATF 134 IV 140 c. 5.3).
4.2
4.2.1
En l’espèce, la culpabilité d’D._ n’est pas négligeable. Les infractions sont en concours. Pour un homme d’âge mûr, père de famille travaillant dans le domaine des assurances, le comportement consistant à duper un contractant sur sa situation au moyen de documents officiels falsifiés relève d’une malhonnêteté crasse. Il faut également retenir les antécédents et la récidive spéciale intervenue dans le délai d’épreuve. La prise de conscience est inexistante, l’intéressé persistant à minimiser les conséquences de ces agissements. A décharge, il faut tenir compte de l’ancrage familial, professionnel et social du prévenu.
Sur la base de ces éléments, une peine pécuniaire de 120 jours-amende réprime adéquatement les agissements du prévenu. Compte tenu de sa situation financière, notamment de son revenu et de ses charges, le montant du jour-amende retenu en première instance doit être confirmé.
4.2.2
Le sursis à l’exécution de la peine est exclu. Le casier judiciaire du prévenu est lourd; entre 2005 et 2009, ce dernier a fait l’objet de quatre condamnations pour des infractions relevant toutes du même registre. Les précédents sursis n’ont eu aucun effet dissuasif. De surcroît, l’intimé a récidivé dans le délai d’épreuve de 2009. De plus, malgré ses problèmes financiers, il n’a pas renoncé à un train de vie élevé. En particulier, son établissement en France et son budget actuel montrent que sa préoccupation première n’est pas de rembourser ses créanciers, mais de leur échapper. Enfin, la mentalité du prévenu inquiète, celui-ci ayant d’ailleurs déclaré ne pas savoir comment il réagirait s’il devait à nouveau perdre son emploi. Dans ces conditions, une peine ferme s’impose.
4.2.3
Cela étant, malgré la récidive durant le délai d’épreuve, la Cour considère que l'exécution de la nouvelle peine aura à elle seule un effet de choc et d’admonestation suffisant pour dissuader le prévenu de commettre de nouvelles infractions, de sorte qu’il n’y a pas lieu de révoquer le sursis précédemment accordé.
4.2.4
Enfin, l’intimé n’ayant pas été mis au bénéfice du sursis, aucune sanction immédiate ne doit être prononcée à son encontre (cf. art. 42 al. 4 CP).
5.
En définitive, l’appel de S._ doit être admis et le jugement entrepris modifié, en ce sens qu’D._ est également reconnu coupable d’escroquerie, qu’il est condamné à une peine pécuniaire ferme de 120 jours-amende à 100 fr. le jour, et que le sursis accordé le 17 avril 2009 par le Juge d’instruction de La Côte n’est pas révoqué.
6.
6.1
Vu l’issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués du seul émolument d’arrêt, par 2’750 fr., seront mis à la charge d’D._.
6.2
Par ailleurs, la partie plaignante ayant obtenu gain de cause, elle a droit à une juste indemnité de l’art. 433 CPP. S’agissant de cette indemnité, Me Chillà a produit une liste d’opérations faisant état d’une activité de 26 heures et 8 minutes. Compte tenu de la nature de la cause, de la connaissance du dossier acquise en première instance et des opérations nécessaires pour la défense des intérêts de son client, le nombre d’heures annoncé s’avère trop élevé. Tout bien considéré, il sera retenu une activité de 12 heures au tarif horaire de 225 fr., afin de tenir compte de l’activité déployée par l’avocat-stagiaire. C’est donc une indemnité globale de 3'200 fr., TVA et débours compris, qui sera être allouée à la partie plaignante pour la procédure d’appel, et mise à la charge de l’intimé. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
91ec4512-d783-46a6-8d87-20b193a5eff5 | En fait :
A.
Par jugement du 13 décembre 2013, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré F._ du chef de prévention d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur d’importance mineure (I), a constaté que F._ s’est rendu coupable de vol par métier, de dommages à la propriété, de tentative de violation de domicile, de violation de domicile, de vol d’usage, de conduite d’un véhicule non couvert par une assurance responsabilité civile, ainsi que d’usage abusif de plaques (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de 42 mois, sous déduction de 396 jours de détention avant jugement au 13 décembre 2013, peine très partiellement complémentaire à celle prononcée par le Ministère public de Zurich-Sihl le 10 mars 2006 (III), a ordonné à toutes fins utiles le maintien en détention de F._, étant précisé qu’il se trouve en exécution anticipée de peine depuis le 14 mai 2013 (IV), a rejeté les conclusions civiles formules par [...] le 2 octobre 2003 dans la mesure de leur recevabilité (V), a condamné F._ à verser aux plaignants et parties civiles les indemnités suivantes : - 186 fr. 20 en faveur de [...]; - 1'100 fr. en faveur de [...]; - 3'165 fr. 85 en faveur de [...] AG, et renvoyé cette dernière à agir devant le juge civil pour le surplus de sa prétention (VI), a ordonné la confiscation et la destruction des objets suivants séquestrés sous fiche n° 14150/13 : un tournevis 8 mm, un tournevis 5 mm, un burin plat 18 mm, une pince à bec, un coupe-verre et un spray au gaz CS (VII), a arrêté l’indemnité due à Me Yann Jaillet, en sa qualité de défenseur d’office de F._, à 2'525 fr., TVA et débours compris (VIII), a mis une partie des frais de la cause, par 21'180 fr. 80 y compris l’indemnité de défense d’office allouée sous chiffre VIII ci-dessus, respectivement celle versée au précédent défenseur d’office, à la charge de F._, et laissé le solde à la charge de l’Etat (IX), a dit que l’indemnité de défense d’office allouée à Me Jaillet, de même que celle versée au précédent défenseur d’office, Me Sofia Arsenio, ne seront remboursables par F._ à l’Etat de Vaud que si sa situation financière le permet (X).
B.
F._
a annoncé faire appel de ce jugement le 17 décembre 2013. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 27 janvier 2014, concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est libéré du chef de prévention de vol par métier et qu’il est condamné à une peine privative de liberté inférieure à 42 mois, sous déduction de la détention avant jugement, subsidiairement à une peine compatible avec le sursis partiel.
Le 5 février 2014, le Ministère public a déposé un appel joint contre le jugement. Il a conclu à sa modification en ce sens que le prévenu soit condamné à une peine privative de liberté de 48 mois, sous déduction de la détention provisoire subie.
A l’audience d’appel, l’appelant principal a conclu au rejet de l’appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu F._, né en 1974, ressortissant roumain, est venu en Suisse en 2003 et a déposé une demande d’asile sous une fausse identité. Cette demande n’a pas abouti.
Son casier judiciaire suisse mentionne deux condamnations, à savoir :
- une peine de quatre mois d’emprisonnement, sous déduction de 97 jours de détention préventive, avec expulsion du territoire suisse, prononcée le 29 octobre 2003 par le Juge d’instruction du Nord vaudois, pour délit manqué de vol, vol, dommages à la propriété, délit manqué de violation de domicile, violation de domicile et recel;
- une peine de 90 jours d’emprisonnement, sous déduction d’un jour de détention préventive, prononcée le 10 mars 2006 par le Ministère public de Zurich-Sihl, pour rupture de ban.
En outre, l’ordonnance de condamnation du 29 octobre 2003 mentionne des antécédents ne figurant plus au casier judiciaire, à savoir une condamnation à nonante jours d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans prononcée le 9 février 2003 par la Bezirksanwaltschaft T-1 Zurich, pour infraction à la LSEE, vol d’usage et circulation sans permis de conduire, d’une part, ainsi qu’une condamnation à dix jours d’emprisonnement, complémentaire à la précédente, prononcée le 27 juin 2003 par le Juge d’instruction de Fribourg, pour vol d’importance mineure et violation de domicile, d’autre part.
Le prévenu a été libéré conditionnellement de la peine d’emprisonnement prononcée le 29 octobre 2003 par décision du 12 décembre 2003 prenant effet le 27 décembre suivant avec un délai d’épreuve de cinq ans. Le 6 décembre 2006, l’intéressé a fait l’objet, dans ce contexte, d’un avertissement par le Service pénitentiaire du canton de Vaud.
F._ a été détenu provisoirement en relation avec la présente cause du 13 novembre 2012 au 13 mai 2013; il est en exécution anticipée de peine depuis le 14 mai 2013.
1.2 Expulsé le 27 décembre 2003 à la suite de sa libération conditionnelle mentionnée ci-dessus, le prévenu est revenu en Suisse et y a séjourné à tout le moins entre la fin janvier et la fin février 2005, du début à la mi-avril 2005, entre juin et décembre 2006, en septembre 2011, ainsi qu’entre la fin septembre et le 13 novembre 2012.
Il a, depuis la nuit du 29 au 30 janvier 2005 au petit matin au 4 avril 2005, commis 24 cambriolages (consommés et tentés) et vols, dans les cantons du Tessin, de Neuchâtel et de Vaud (cas n° 1 à 24 de l’acte d’accusation), et perpétré deux cambriolages dans le canton de St-Gall durant la nuit du 7 au 8 juin 2006 (cas n° 27 et 28) et dans le canton des Grisons durant la nuit du 12 au 13 septembre 2006 (cas n° 30 à 31), puis à nouveau en Suisse orientale (cantons de St-Gall et d’Appenzell Rhodes-Extérieures) en décembre 2006 (cas n° 32 à 38) et dans le canton du Valais le 5 septembre 2011 (cas n° 39) et derechef aux Grisons le 29 septembre 2012 (cas n° 40).
1.3 Les faits sont notamment dans le détail les suivants :
« 3. A Sessa/TI, via [...], le 19 février 2005, entre 18h00 et 20h00, F._ a endommagé une porte-fenêtre d’une maison individuelle. Il a pénétré à l’intérieur du bâtiment où il a dérobé des montres, des bijoux et de l’argent liquide pour un montant total de CHF 4'910.-. »
« 4. A Sessa/TI, zone de Suino, le 19 février 2005, entre 21h00 et 21h15, F._ a commis des dommages à la porte-fenêtre du premier étage d’une maison individuelle, sans parvenir à pénétrer dans la villa, et donc à dérober quoi que ce soit. »
« 5. A Novaggio/TI, [...], entre le 20 février 2005 à 18h00 et le 21 février 2005 à 07h30, F._ a endommagé la porte d’entrée d’une [...]. Il a pénétré à l’intérieur du bâtiment où il a dérobé un porte-monnaie contenant CHF 700.-. »
« 6. A Novaggio/TI, [...], dans une [...], entre le 20 février 2005 à 18h00 et le 21 février 2005 à 08h00, F._ a endommagé une fenêtre, sans parvenir à pénétrer dans l’établissement, et donc à dérober quoi que ce soit. »
« 7. A Astano/TI, entre le 20 février 2005 à 19h00 et le 21 février 2005 à 08h00, F._ a dérobé un véhicule de marque Ford Fiesta, immatriculé TI 96'372 et propriété d’ [...]. Cette voiture, utilisée par F._ pour se déplacer sur le territoire suisse, a été retrouvée le 21 février 2005 à 12h15 à Bellinzone, là même où un autre véhicule, appartenant à [...] (cf. chiffre 14. du présent acte d’accusation), a été dérobé. F._ a endommagé l’aile arrière droite et le commutateur d’allumage de la voiture d’ [...]. »
« 8. A Banco di Bedigliora/TI, entre le 20 février 2005 à 22h30 et le 21 février 2005 à 06h30, F._ a dérobé un véhicule de marque Fiat Tempra, immatriculé TI 97'744 et appartenant à [...].F._ a utilisé cette voiture pour se déplacer sur le territoire suisse. Il a endommagé la jante et le pneu de la roue avant droite. La voiture a été retrouvée le 21 février 2005 à 09h00 sur la route cantonale qui relie Novaggio à Miglieda. Des traces ADN appartenant à F._ ont été relevées d’une part sur le volant, d’autre part sur le levier de vitesses. »
« 9. A Novaggio/TI, via [...], entre le 20 février 2005 à 22h30 et le 21 février 2005 à 07h15, F._ a endommagé la porte-fenêtre du restaurant [...], sans parvenir à pénétrer dans l’établissement, et donc à dérober quoi que ce soit. »
« 10. A Monteggio/TI, entre le 20 février 2005 à 23h00 et le 21 février 2005 à 06h15, F._ a endommagé la fenêtre d’un magasin. Il a pénétré à l’intérieur de l’échoppe, avant d’y dérober deux cartouches de cigarettes (valeur totale : CHF 110.-).»
« 11. A Monteggio/TI, zone de Tiradelza, entre le 20 février 2005 à 23h00 et le 21 février 2005 à 08h00, F._ a endommagé une fenêtre d’une maison individuelle, dans l’intention d’y dérober différents objets et valeurs. Aucun butin n’a été emporté. »
« 12. A Sessa/TI, zone de Bonzaglio, entre le 20 février 2005 à 23h30 et le 21 février 2005 à 04h30, F._ a endommagé la fenêtre d’un puits de lumière donnant sur le local de chauffage d’une maison individuelle. Il a ensuite pénétré à l’intérieur de la villa, où il a dérobé de l’argent liquide, des vêtements, des bijoux, des papiers et les clés d’une voiture Mercedes immatriculée TI [...], la valeur du butin emporté s’élevant à CHF 2'480.-. »
« 13. A Sessa/TI, hameau de Bonzaglio, entre le 20 février 2005 à 23h30 et le 21 février 2005 à 06h30, F._ a endommagé la porte-fenêtre de la cuisine d’une maison individuelle. Il a pénétré à l’intérieur de la villa, où il a dérobé de l’argent liquide, des bijoux et divers billets pour un montant total de CHF 5'710.-. »
« 14. A Bellinzone/TI, rue Torri, le 21 février 2005 entre 06h00 et 07h45, F._ a dérobé un véhicule de marque Mitsubishi Lancer, immatriculé TI [...], propriété de [...], et l’a utilisé pour se déplacer sur le territoire suisse. Le véhicule a été retrouvé à Airolo le 8 mars 2005 à 11h30.»
« 15. A Lausanne/VD, route du Jorat [...], entre le 1
er
avril 2005 à 16h30 et le 2 avril 2005 à 08h15, F._ a dérobé une voiture de marque Opel Astra de couleur rouge immatriculée VD- [...], dont une clé de contact se trouvait dans l’habitacle. Le véhicule précité a été retrouvé le 4 avril 2005 à Renens et restitué à sa propriétaire le jour-même. Des traces ADN de F._ ont été retrouvées dans ledit véhicule. »
« 16. A La Chaux-du-Milieu/NE, Centre 75, entre le 1
er
avril 2005 à 17h00 et le 3 avril 2005 à 20h00, F._ a fait pression à plusieurs reprises, à l’aide d’un outil plat de 10 mm, entre la porte-fenêtre et le cadre de la porte secondaire du sous-sol donnant accès au bureau d’architecte [...]. Le cadre et la porte-fenêtre précités, ainsi que la gâche de la serrure, ont été endommagés. F._ s’est ensuite introduit dans les locaux, où il a dérobé un appareil photo numérique de marque Olympus C30002 d’une valeur de CHF 898.-. Le butin dérobé n’a pas été retrouvé. »
« 17. A Saules/NE, rue [...], entre le 2 avril 2005 à 14h45 et le 3 avril 2005 à 09h05, F._ a tenté de pénétrer – en vain – par une porte de service dans le Restaurant [...], porte sise au nord de l’immeuble. Ensuite de cela, F._ a forcé, à l’aide d’un outil plat indéterminé d’environ 8 à 10 mm, la porte d’entrée principale dudit restaurant. A l’intérieur, le prévenu a forcé la porte menant à la cave de l’établissement public et a visité les étages, sans rien emporter. Il a également forcé une porte donnant accès à un salon de coiffure (cf. chiffre 18. ci-après). »
« 18. A Saules/NE, rue [...], entre le 2 avril 2005 à 14h45 et le 3 avril 2005 à 09h05, F._, après s’être introduit au sein du restaurant [...], a forcé la porte secondaire donnant accès au salon de coiffure [...]. Il a dérobé environ CHF 900.-, avant de quitter les lieux par la voie d’introduction. La boiserie de la porte de service du salon précité, au niveau de la serrure, a été endommagée. Le butin n’a pas été retrouvé. »
« 19. A La Chaux-du-Milieu/NE, [...], entre le 2 avril 2005 à 17h15 et le 3 avril 2005 à 10 h 30, F._ a effectué plusieurs pesées avec un outil de 10 mm, probablement un tournevis, entre le cadre alu et la porte en aluminium (donnant accès au dépôt des marchandises) sur le côté est du [...]. Le cadre et la porte ont été légèrement endommagés. A l’intérieur de l’échoppe, F._ a dérobé 15 cartouches de cigarettes, 150 paquets de cigarettes, 15 brosses à dents Trisa Flex médium, une bouteille de whisky de marque J&B et un rouleau de 10 sacs à poubelles de 60 litres. Le butin n’a pas été retrouvé. »
« 20. A Fontaines/NE, La Vue des Alpes – Les Loges, entre le 2 avril 2005 à 23h00 et le 3 avril 2005 à 09h00, F._ a effectué plusieurs pesées au niveau de la serrure de la porte d’entrée du [...] au moyen d’un outil plat de 10 mm, endommageant ainsi la gâche, la porte et le montant. Son objectif (qu’il n’a pas été en mesure d’atteindre) était de pénétrer dans l’établissement afin d’y dérober de l’argent et/ou des marchandises. »
« 21. Au moyen du véhicule dérobé à [...] entre le 1
er
et le 2 avril 2005 (cf. cas n° 15 du présent acte d’accusation), F._ s’est rendu à La Sagne/NE. Il s’est alors introduit, le 3 avril 2005 entre 00h30 et 07h30, dans le [...], sis rue [...], après avoir forcé une des fenêtres, au moyen d’un outil de 10 mm. A l’intérieur, dans un tiroir non verrouillé du comptoir, F._ a dérobé une bourse de sommelière contenant CHF 808.80, une clé de la caisse enregistreuse de marque Casio TK-1300 et une clé de marque KABA. Il a quitté les lieux par la porte arrière de l’établissement, en emportant une clé de ladite porte. Au-delà des dommages causés au montant de la fenêtre précitée, F._ a encore cassé trois pots contenant des plantes. Le butin emporté n’a pas été retrouvé. »
« 22. A La Sagne/NE, [...], le 3 avril 2005 entre 00h45 et 07h45, F._ a fait plusieurs pesées au moyen d’un outil plat de 10 mm entre la porte et le cadre en aluminium, du côté de la façade sud de la [...]. N’arrivant pas à ses fins, le prévenu s’est déplacé sur le côté ouest du restaurant, où il a coupé une moustiquaire pour accéder à une porte qu’il a tenté – en vain – de forcer à plusieurs reprises. Finalement, F._ n’est pas parvenu à pénétrer dans l’établissement. La moustiquaire, un cadre de porte en bois, un montant de porte en bois, un volet en bois et un cadre de porte en aluminium ont été endommagés. »
« 23. A La Sagne/NE, [...], le 3 avril 2005 entre 02h00 et 07h45, F._ a forcé au moyen d’un outil plat la porte principale de [...], côté sud, au niveau de la serrure, en faisant levier entre la porte et le chambranle. Une fois dans l’établissement, F._ a dérobé une bourse de sommelière en cuir d’une valeur de CHF 125.-, laquelle contenait environ CHF 200.- et € 125.-, diverses cartes et papiers sans valeur, ainsi qu’une cartouche de cigarettes de marque Marlboro rouge d’une valeur de CHF 51.-. Il a quitté les lieux par la voie d’introduction. Le butin n’a pas été retrouvé. »
« 24. Aux Rasses/VD, au [...], Commune de Bullet, le 4 avril 2005, entre minuit et 07h45, F._ a forcé, au moyen d’un outil plat, la porte d’entrée de l’établissement, ainsi que deux tiroirs fermés à clé du comptoir. Le prévenu a ensuite dérobé une bourse de sommelière en cuir noir contenant environ CHF 800.-. Le butin n’a pas été retrouvé. »
« 32. A Hemberg/SG, Matt, entre le 26 novembre 2006 à 17h00 et le 18 décembre 2006 à 13h30, F._ a forcé la porte d’entrée d’un chalet. Il a consommé sur place deux bières, une demi-bouteille de vin blanc ainsi qu’une soupe. »
« 33. A Sennwald/SG, aux lieux-dits Winterberg et Sunnehalde, entre le 2 décembre 2006 à 18h30 et le 8 décembre 2006 à 15h15, F._ a grimpé par-dessus une clôture et a forcé la fenêtre d’un chalet situé dans un vignoble. Il s’est dans un premier temps alimenté (vin et café notamment), avant de passer la nuit à cet endroit. F._ a profité de l’occasion pour dérober une hache, un pied-de-biche, un sécateur, un clé à molette et une pince à bec. Le profil ADN de F._ a été retrouvé sur un goulot de bouteille. »
« 34. A Hemberg/SG, Guggeien, entre le 6 décembre 2006 à 16h00 et le 9 décembre 2006 à 16h00, F._ a forcé la porte arrière d’une maison de vacances. Il a consommé des aliments dans la cuisine. F._ a ensuite quitté les lieux sans rien emporter. Son profil ADN a été retrouvé sur un verre ainsi que sur une fourchette. »
« 35. A Frümsen/SG, Commune de Sennwald, le 7 décembre 2006, entre 18h45 et 23h45, F._ a dérobé une voiture de marque Suzuki Vitara immatriculée SG 137'032, laquelle contenait divers produits alimentaires. Le permis de circulation du véhicule soustrait ainsi que la totalité des aliments ont été retrouvés le 8 décembre 2006 suite à un cambriolage commis cette fois à Ennetbühl/SG (cf. cas n°36 du présent acte d’accusation). Le véhicule en question, retrouvé le 27 décembre 2006 sur un parking à Hemberg, a pu être restitué à sa propriétaire [...]. Le profil ADN de F._ a été retrouvé sur le versoir d’un emballage de thé froid. »
« 36. A Ennetbühl/SG, Dorf, entre le 7 décembre 2006 à 23h30 et le 8 décembre 2006 à 06h30, F._ s’est introduit dans les locaux de la Centrale laitière, après avoir sorti de sa charnière une fenêtre inclinée. F._ s’est ensuite rendu dans le local adjacent, où il a ouvert la caisse enregistreuse et dérobé l’argent liquide qui s’y trouvait, soit un total d’environ CHF 2'000.-. Les dommages causés s’élèvent à CHF 300.-. »
« 37. A Urnäsch/AR, [...], le 8 décembre 2006, entre 04h00 et 06h00, F._ a fracturé une fenêtre inclinée de la fromagerie [...]. Il a ensuite fracturé la porte du bureau, avant de fouiller les lieux et de dérober de l’argent liquide (soit CHF 2'800.-) et une caissette verte d’une valeur de CHF 70.-. Les dommages matériels se sont élevés à CHF 1'000.-. La caissette verte a été retrouvée vide et sévèrement abîmée à Hemberg-Bächli/SG (cf. cas n° 34 du présent acte d’accusation), derrière une cabane de voirie, le 28 décembre 2006. »
« 38. A Ebnat-Kappel/SG, Bendel, au restaurant [...], entre le 8 décembre 2006 à 12h00 et le 9 décembre 2006, F._ a dérobé le véhicule de marque Subaru J Legacy immatriculé SG [...]. Le 12 décembre 2006, la police liechtensteinoise a été informée que le véhicule précité était stationné depuis le dimanche 10 décembre 2006 dans la Commune de Schellenberg (Liechtenstein). Dite voiture a été restituée le 16 décembre 2006 à son propriétaire [...]. ».
1.4 Le prévenu a été interpellé le 13 novembre 2012 dans le canton de Schaffhouse alors qu’il venait de traverser la frontière depuis l’Allemagne en compagnie de deux compatriotes. Le véhicule dans lequel ils se trouvaient n’était pas assuré en couverture de la responsabilité civile de son détenteur et était muni de plaques de contrôle allemandes falsifiées. Il contenait des outils susceptibles d’être utilisés pour des cambriolages (cas n° 41). | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), chacun des appels est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3. Appel principal de F._
Le prévenu nie toute implication dans les faits incriminés pour ce qui est des cas énoncés par l’acte d’accusation où sa participation ne repose pas sur des preuves directes, comme des empreintes digitales ou des traces d’ADN. Il conteste les cambriolages et vols perpétrés dans les cantons du Tessin (cas n° 3 à 14), d’abord, de Neuchâtel et de Vaud (cas n° 15 à 24), ensuite, et en Suisse orientale, enfin (cas n° 32 à 38).
Comme les premiers juges, la cour d’appel admet l’implication directe de l’appelant en se fondant sur les éléments suivants.
3.1
Pour ce qui est des cambriolages et vols commis sur territoire tessinois (cas n° 3 à 14), l’appelant a prétendu avoir uniquement traversé la Suisse depuis la Roumanie en passant par l’Italie pour se rendre en France ou en Hollande (jugement, p. 4). Cette explication d’un passage en transit n’est toutefois absolument pas compatible avec le vol avoué d’une voiture dans une localité du Val Malcantone et son abandon peu après à courte distance dans la même vallée. En effet, cet endroit est à l’écart des grands axes routiers. On ajoutera que l’appelant n’avait pas de raison de mentir sur ce point en s’incriminant, si ce n’est pour tenter de se distancer des vols qu’on lui reproche. Le seul motif plausible de la présence du prévenu dans cette région reculée, ou du moins à l’écart de l’axe de transit naturel, était bien d’y commettre des infractions contre le patrimoine. Aux débats de première instance, l’appelant a aussi menti en affirmant qu’il n’était pas en Suisse de la mi-février au début avril 2005, tout en avouant sans vergogne le vol de voiture évoqué ci-dessus, perpétré dans la nuit du 20 au 21 février 2005 (cas n° 8). Ces contradictions flagrantes constituent des éléments à charge supplémentaires dans un faisceau d’indices accablant.
Les cambriolages et vols d’usage de véhicules sont liés dans le temps et l’espace. Ces indications resserrées de temps et de lieux rendent beaucoup plus vraisemblables l’implication d’un seul et même auteur que la coïncidence, très peu vraisemblable, de plusieurs auteurs distincts agissant individuellement durant les deux mêmes nuits dans la même portion de territoire pour commettre des infractions similaires.
L’appelant a été confondu et a avoué d’autres vols, notamment avec effraction. Il s’agit d’un cambrioleur qui n’a pas été en mesure de rendre plausible la moindre activité lucrative licite. De plus, son mode opératoire comprend des vols d’usage de véhicules, comme notamment celui qu’il a avoué après avoir été confondu par son ADN et celui, également avoué, commis à Cuarny à la fin du mois de janvier 2005 (cas n° 2). Ce procédé lui permettait de se déplacer rapidement tant sur les lieux des infractions qu’hors de cette zone, en changeant fréquemment d’automobile pour éviter d’être repéré. Ainsi, le fait que plusieurs véhicules aient été volés à la suite, en relais, dans la zone des cambriolages durant la brève période où ceux-ci ont été perpétrés concourre à impliquer le prévenu davantage encore.
L’appelant soutient qu’il serait impossible à un homme seul de commettre autant de vols la même nuit. Cette affirmation doit être écartée. Un voleur prompt, expérimenté et déterminé, ayant le cas échéant procédé à des repérages préalables, peut parfaitement cambrioler ou tenter de cambrioler sept immeubles sis dans trois localités voisines durant la même nuit de février. Aucun indice décisif qui aurait permis d’incriminer d’autres participants n’a d’ailleurs été relevé.
En définitive, au vu de ces éléments concordants, tous les vols d’usage et cambriolages (consommés ou tentés) perpétrés sur territoire tessinois doivent être imputés à l’appelant.
3.2
Dans les cantons de Neuchâtel et de Vaud, l’appelant conteste les cas n° 15 à 24.
Là également, les motifs de la conviction des premiers juges doivent être adoptés. Il suffit d’y renvoyer. Ainsi, le véhicule dérobé à Lausanne le 1
er
ou le 2 avril 2005 (cas n° 15) et retrouvé à Renens le 4 avril 2005, a été vu dans la localité de La Sagne dans la nuit du 2 au 3 avril 2005, entre 3 h et 3 h 30. Or, un cambriolage a été commis dans cette localité la même nuit entre 2 h et 7 h 45 au préjudice d’un hôtel-restaurant (cas n° 21), selon le mode opératoire couramment adopté par le prévenu, soit au moyen d’un outil de 10 millimètres. Sachant que des traces d’ADN de l’intéressé ont été retrouvées dans la voiture dérobée, ce véhicule relie l’appelant au cambriolage en question, étant du reste précisé que l’intéressé avait d’ailleurs déjà cambriolé en 2003 dans la même localité.
De surcroît, dans les vols et tentatives de vol par effraction commis à La Chaux-du-Milieu entre le 1
er
et le 3 avril 2005 (cas n° 16) et entre le 2 et le 3 avril 2005 (cas n° 19), ainsi qu’à Saules entre le 2 et le 3 avril 2005 (cas n° 18), à Fontaines entre le 2 et le 3 avril 2005 (cas n° 20), à La Sagne dans la nuit du 1
er
au 2 avril 2005 (cas n° 21) et le 3 avril 2005 (cas n° 22 et 23) et enfin aux Rasses le 4 avril 2005 (cas n° 24), le cambrioleur a, à chacune de ces effractions, laissé la trace d’une dimension de 10 mm d’un outil plat utilisé pour forcer serrures ou fenêtres. La similitude des traces d’outil mises en évidence sur les lieux incrimine le prévenu pour toute cette série de cambriolages liés entre eux, en outre, par leur proximité géographique et le laps de temps nécessaire à les commettre, à savoir les nuits du 1
er
au 2 et du 2 au 3 avril 2005.
3.3
Les cas de Suisse orientale contestés en appel sont au nombre de sept (n° 32 à 38). Toutefois, durant l’enquête et aux débats de première instance, le prévenu a admis, à tout le moins partiellement, sa culpabilité dans le cas n° 32, soit le cambriolage d’un chalet à Hemberg entre le 26 novembre et le 2 décembre 2006, ainsi que dans le cas n° 33, soit le cambriolage d’un chalet à Sennwald du 2 au 8 décembre 2006 où son ADN a été retrouvé, mais il nie y avoir dérobé des outils (hache, pied de biche, sécateur, clé à molette et pince à bec), et dans le cas n° 34, soit le cambriolage d’une maison à Hemberg entre le 6 et le 9 décembre 2006 (ADN identifié). L’appelant a également admis le cas n° 35, soit le vol d’une voiture
Suzuki
à Frümsen, son ADN ayant été retrouvé sur un objet placé dans ce véhicule.
En première instance, l’appelant a dit ne plus se souvenir du cas n° 36, soit le cambriolage d’une centrale laitière à Ennetbühl dans la nuit du 7 au 8 décembre 2006, mais le 8 décembre suivant, on a trouvé à Gublen, soit juste au-dessus d’Ennetbühl, des objets (permis de circulation et victuailles) provenant du véhicule dérobé constituant le cas précédent (dossier G, rapport de la police saint-galloise, p. 3).
S’agissant du cas n° 37, contesté, soit le cambriolage d’une fromagerie à Urnäsch (Appenzell Rhodes-Extérieures) dans la nuit du 8 décembre 2006, l’un des objets dérobé, à savoir une caissette contenant de l’argent, a été retrouvée le 28 décembre dans localité d’Hemberg, où le cas n° 34 a pu être imputé à l’appelant.
Quant au cas n° 38, également contesté, soit le vol d’usage d’une voiture
Subaru Legacy
, dérobée entre le 8 et le 9 décembre 2006 à Ebnat-Kappel et retrouvée au Liechstenstein le 12 décembre 2006, l’appelant est incriminé par son mode opératoire associé à la proximité des autres vols et cambriolages de la même série dans le temps et dans l’espace.
Là également, l’appréciation des premiers juges doit être confirmée par adoption de motifs. En effet, la proximité dans le temps et dans l’espace entre ce cas et les cas n° 36 et 37, ainsi que le fait que le vol d’usage de véhicules relève du mode opératoire habituel du prévenu permet de lui imputer le vol de voiture perpétré à Ebnat-Kappel. La contestation de l’acte incriminé n’a de toute manière pas d’incidence sur la peine, puisqu’il s’agit d’un vol d’usage uniquement, dont la réalisation est sans portée sur l’aggravante du métier seule en cause ici.
4.
L’appelant conteste ensuite l’aggravante du métier au sens de l’art. 139 ch. 2 CP.
4.1
Conformément à l'art. 139 ch. 2 CP, le vol est puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire de 90 jours-amende au moins si son auteur en fait métier. Contrairement à la circonstance qualifiée prévue en matière de stupéfiants et de blanchiment d'argent (art. 19 al. 2 let. c LStup; art. 305
bis
ch. 2 let. c CP; cf. ATF 129 IV 188 c. 3.1.2 p. 190 ss), l'aggravation du vol pour métier, dont la peine menace minimale n'est que de 90 jours-amende, n'exige ni chiffre d'affaires ni gain importants. Elle suppose qu'il résulte du temps et des moyens que l'auteur consacre à ses agissements délictueux, de la fréquence des actes pendant une période déterminée, ainsi que des revenus envisagés ou obtenus, qu'il exerce son activité coupable à la manière d'une profession, même accessoire. Il faut que l'auteur aspire à obtenir des revenus relativement réguliers représentant un apport notable au financement de son genre de vie et qu'il se soit ainsi, d'une certaine façon, installé dans la délinquance (ATF 129 IV 253 c. 2.1 p. 254). L'auteur doit avoir agi à plusieurs reprises, avoir eu l'intention d'obtenir un revenu et être prêt à réitérer ses agissements (ATF 119 IV 129 c. 3 p. 133). Il n'est pas nécessaire que ceux-ci constituent sa "principale activité professionnelle" ou qu'il les ait commis dans le cadre de sa profession ou de son entreprise légale. Une activité "accessoire" illicite peut aussi être exercée par métier (ATF 116 IV 319 c. 4b p. 331; TF 6B_180/2013 du 2 mai 2013).
4.2
L’activité criminelle du prévenu a consisté en huit expéditions de pillage en divers lieux de Suisse, menées en janvier et février 2005, avril 2005, juin 2006, septembre 2006, novembre et décembre 2006, septembre 2011, septembre 2012 et novembre 2012. Si, dans ce dernier cas, il n’y a pas eu de vol, l’interception du prévenu à la frontière dans un véhicule muni de fausses plaques avec de l’outillage du type de celui qui est communément utilisé pour les cambriolages en était assurément le prélude. Aucun élément matériel n’appuie les explications données par le prévenu quant à une prétendue activité de commerçant en voitures d’occasion ou de chauffeur ou encore d’ouvrier dans la construction en Italie (jugement, p. 6), alors même qu’il aurait été facile à l’intéressé de produire des pièces probantes sous la forme de bordereaux de douane, de factures ou de bulletins de salaire. Au vu des périodes considérées, qui s’étendent sur une bonne demi-douzaine d’années, du butin amassé et de la fréquence des vols au fil du temps, les cambriolages constituaient à tout le moins une importante activité accessoire exercée en professionnel par des expéditions successives prenant à chaque reprise pour cible une région déterminée de notre pays, dans laquelle étaient commis des cambriolages à une cadence soutenue. L’importance du butin en espèces, bijoux, objets et marchandise facilement revendables, ainsi que notamment victuailles et outils, lui permettait d’assurer son train de vie au vu du salaire moyen en Roumanie, notoirement inférieur à celui de l’Europe occidentale et de la Suisse en particulier. Il y a donc lieu de considérer que l’essentiel des ressources du prévenu, dépensées de retour au pays, provenait de ses cambriolages plutôt que d’une activité licite. La réalisation de l’aggravante du métier est ainsi incontestable.
5. Appel joint du Ministère public
Le Parquet conteste la quotité de la peine, qu’il tient pour insuffisante au regard des critères de l’art. 47 CP.
Les éléments retenus tant à charge qu’à décharge par le tribunal correctionnel procèdent d’une correcte application de la disposition précitée. Il suffit d’y renvoyer. Il n’apparaît pas que les premiers juges aient conféré une portée trop importante à un facteur à décharge, ni qu’ils aient mésestimé un élément à charge. En particulier, c’est en vain que le Parquet soutient qu’à l’aune du nombre d’infractions commises et de l’impressionnante mobilité dont aura finalement fait preuve le prévenu, une peine privative de liberté de quatre ans aurait été plus judicieuse. En effet, les éléments à charge mis en exergue ont été correctement appréciés par le tribunal correctionnel. Pour le reste, le ton larmoyant du mémoire rédigé par l’intimé à l’appel joint, dont tire aussi argument le Ministère public, confirme sa propension, retenue à charge, à ne pas assumer ses actes et à mentir. Ce qui précède s’applique mutatis mutandis à l’appel principal, puisque le prévenu conclut à une peine plus légère. La peine n’est pas compatible avec le sursis, même partiel (art. 43 al. 1 CP, a contrario).
L’appel joint donc dès lors être rejeté à l’instar de l’appel principal.
6.
La détention subie depuis le jugement de première instance doit être déduite, étant précisé que le prévenu se trouve en exécution anticipée de peine depuis le 14 mai 2013. Le maintien en exécution anticipée de peine du prévenu pour des motifs de sûreté doit être ordonné, s’agissant d’un étranger sans attaches avec la Suisse et qui présente dès lors un risque de fuite significatif (art. 221 al. 1 let. a CPP), sans même mentionner le péril de réitération émanant à l’évidence d’un criminel aussi aguerri (art. 221 al. 1 let. c CPP).
7.
Vu l'issue de l’appel principal, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge du prévenu, qui succombe entièrement sur ses conclusions (art. 428 al. 1, 1
re
phrase, CPP).
Outre l'émolument, les frais d’appel comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office du prévenu, pour les opérations liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFIP).
L'indemnité allouée au défenseur d'office du prévenu doit être fixée en tenant compte d'une durée d'activité utile de six heures d’avocat breveté, au tarif horaire de 180 fr., y compris la durée de l’audience d’appel, d’une heure, plus des débours à hauteur de 275 fr. 60 selon la liste d’opérations produite, TVA en sus (art. 135 al. 1 CPP), à 1'464 francs.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
921c6e9a-538a-499d-af16-1be9c4368ec0 | En fait :
A.
Par jugement du 28 août 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a pris acte du retrait de la plainte déposée le 21 juin 2011 par Y._ (I), libéré W._ du chef d’accusation d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur (II), pris acte de la convention signée par W._ et Y._ le 28 août 2013 pour valoir jugement sur les prétentions civiles (III), libéré A._ des chefs d’accusation d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur et d’instigation à utilisation frauduleuse d’un ordinateur (IV), renvoyé la société Y._ à agir devant le juge civil en ce qui concerne ses prétentions civiles à l’encontre de A._, par 3'447 fr. 25 (V), mis une part des frais de justice par 875 fr. à la charge de W._ (VI) et confirmé le montant des frais de justice à la charge de A._ par 525 fr. (VII).
B.
Par annonce d’appel du 17 septembre 2013, suivie d’une déclaration motivée du 29 octobre suivant, le Ministère public a conclu à l’annulation de ce jugement (I) et à la confirmation de l’ordonnance pénale rendue le 1
er
mars 2013, tant à l’égard de W._ que de A._ (II), les frais de procédure étant mis à la charge de W._ (III).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
W._ est né le 15 mars 1982 à Faro, au Portugal, d’où il est ressortissant. Il a travaillé en qualité de « call center agent » pour le compte de la société Y._ du 1
er
janvier 2009 au 28 mars 2011. Il a par la suite été engagé par la société [...] SA jusqu’au 31 août 2012. Après une période d’inactivité, il a été engagé comme « call center agent » par la société [...] Sàrl, à raison de 20%, pour une rémunération mensuelle de 600 francs. Il vit avec sa compagne qui subvient pour le surplus à ses besoins.
Le casier judiciaire de W._ fait état des trois condamnations suivantes :
- 26 avril 2005 : Juge d’instruction de Lausanne, vol, utilisation frauduleuse d’un ordinateur et tentative d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur, 45 jours d’emprisonnement, avec sursis pendant trois ans ; sursis révoqué le 23 novembre 2007 par le Juge d’instruction de l’Est vaudois ;
- 29 décembre 2006 : Juge d’instruction de Fribourg, circulation sans permis de circulation ou plaques de contrôle et sans assurance responsabilité civile, 10 jours d’emprisonnement, avec sursis pendant deux ans, et amende de 600 francs ; sursis révoqué le 23 novembre 2007 par le Juge d’instruction de l’Est vaudois ;
- 23 novembre 2007 : Juge d’instruction de l’Est vaudois, vol, conduite en état d’incapacité de conduire (taux d’alcoolémie qualifié), conduite sans permis de conduire ou malgré un retrait, circulation sans permis de circulation ou plaques de contrôle et sans assurance responsabilité civile et usage abusif de permis et/ou de plaques de contrôle, 300 heures de travail d’intérêt général.
2.
Alors qu’ils travaillaient pour le compte de la société Y._, W._ et A._ se sont introduits dans le « ticketshop » des CFF par le biais de l’Intranet de [...], cliente de Y._. Alors qu’ils savaient que ce service était destiné uniquement aux employés de [...], ils ont volontairement sélectionné l’onglet « voyages d’affaires » et obtenu des tickets de transport qu’ils ont utilisé pour leurs trajets privés et dont le prix a été mis à la charge de [...].
2.1
C’est ainsi qu’entre le 4 octobre et le 28 décembre 2010, A._ a commandé, aux frais de [...], des billets CFF pour un montant total de 3'447 fr. 25.
Entre le 2 janvier et le 24 mars 2011, W._ a commandé aux frais de [...] des billets CFF pour un montant total de
14'733 fr. 95.
2.2
A la suite de son licenciement avec effet immédiat survenu le
9 décembre 2010, A._ a agi par l’intermédiaire de W._ qui a commandé des billets CFF, pour un montant total de 297 fr. 50
(P. 5/12), avec le mot de passe de A._ qui n’avait pas encore été désactivé.
Le 30 avril 2011, Y._ a remboursé à sa cliente [...] le montant des billets commandés indûment par les deux prévenus, devenant à son tour lésée par les agissements de ces derniers.
Y._ a déposé plainte contre A._ et W._ le 21 juin 2011. Elle a toutefois retiré sa plainte lors des débats de première instance, compte tenu de la convention qu’elle a passée avec W._.
3.
Le Procureur de l’arrondissement de Lausanne a rendu une ordonnance pénale le 1
er
mars 2013, par laquelle il a constaté que W._ s’est rendu coupable d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur (I), l’a condamné à une peine de 80 jours-amende, le jour-amende étant fixé à 30 fr., avec sursis partiel pendant 4 ans, la partie ferme portant sur 40 jours-amende (II) constaté que A._ s’est rendu coupable d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur et instigation à l’utilisation frauduleuse d’un ordinateur (IV) et l’a condamnée à une peine de 50 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr., avec sursis pendant 2 ans (V) ainsi qu’à une amende de 450 fr., convertible en 15 jours de peine privative de liberté en cas de non-paiement fautif dans le délai imparti (VI).
W._ s’est opposé à cette ordonnance. Par jugement du 28 août 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne l’a libéré du chef d’accusation d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur, considérant que les éléments constitutifs de cette infraction n’étaient pas réunis, contrairement à ceux de l’obtention frauduleuse d’une prestation au sens de l’art. 150 CP. Le tribunal a toutefois estimé que les faits reprochés aux prévenus constituaient un délit mineur et qu’au vu du retrait de la plainte, il convenait aussi de libérer W._ de ce chef d’accusation. Appliquant d’office l’art. 392 CPP en faveur de A._, il a également libéré cette dernière de l’infraction d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur et d’instigation à utilisation frauduleuse d’un ordinateur. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (al. 1). La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (al. 3).
Le Ministère public a, de droit, la qualité pour recourir, soit pour interjeter appel, en application de l'art. 381 al. 1 CPP. Suffisamment motivé, l'appel est recevable (art. 399 al. 1 et 3 CPP).
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant reproche au premier juge d’avoir libéré à tort W._ du chef d’accusation d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur au sens de l’art. 147 CP. Il soutient que les conditions d’application de cette disposition sont réalisées à l’exclusion de l’art. 150 CP.
3.1
3.1.1
Aux termes de l’art. 147 al. 1 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura, en utilisant des données de manière incorrecte, incomplète ou indue ou en recourant à un procédé analogue, influé sur un processus électronique ou similaire de traitement ou de transmission de données et aura, par le biais du résultat inexact ainsi obtenu, provoqué un transfert d’actifs au préjudice d’autrui ou l’aura dissimulé aussitôt après sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Cette infraction s’inspire dans une large mesure des éléments constitutifs classiques de l’escroquerie ; les caractéristiques qui les distinguent peuvent en gros se résumer de la façon suivante : une manipulation de données et l’obtention d’un résultat inexact du processus de traitement des données remplacent la tromperie astucieuse et l’erreur inspirée à la victime de l’escroquerie, alors que le transfert d’actifs effectué par l’ordinateur se substitue aux actes préjudiciables à des intérêts pécuniaires qu’entreprend la victime de l’escroquerie. La manipulation doit provoquer un résultat différent de celui qui aurait été obtenu si les données avaient été utilisées en bonne et due forme lors du processus de traitement des données (Message du Conseil fédéral du 24 avril 1991 concernant la modification du code pénal suisse et du code pénal militaire, FF 1991 II 933 ss, spéc. 989-991).
L’élément constitutif de l’utilisation de données de manière indue est ainsi réalisé lorsque l’auteur introduit dans le processus électronique des données certes correctes, mais dont il n’a pas le droit de faire usage, à l’exemple de celui qui dérobe une carte bancaire ou postale et en utilise ensuite le code pour retirer de l’argent. Autrement dit, l’auteur fausse les conditions qui déterminent la réaction de la machine (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
éd. 2007, n. 1.2 ad art. 147 CP et les références citées ; ATF 129 IV 315, JT 2005 IV 9 c. 2.1).
3.1.2
L’art. 150 CP dispose que celui qui, sans bourse délier, aura frauduleusement obtenu une prestation qu’il savait ne devoir être fournie que contre paiement, notamment celui qui se sera servi d’un ordinateur ou d’un appareil automatique, sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
L’application de cette disposition est subsidiaire à l’escroquerie et à l’utilisation frauduleuse d’un ordinateur (Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 25 ad art. 150 CP et les références citées). La notion d’utilisation d’un ordinateur ou d’un appareil automatique doit être interprétée dans le sens que la prestation informatique ou automatique doit être offerte à un large public (Dupuis et alii, op. cit., n. 19 ad art. 150 CP et les références citées).
3.2
En l’espèce, le premier juge a retenu que les prévenus se connectaient au site de travail d’Y._ au moyen de leur nom d’utilisateur et de leur mot de passe, lequel ouvrait l’accès à l’Intranet de [...]. Considérant qu’ils n’avaient pas omis d’indiquer les précisions nécessaires, le premier juge a conclu que faute d’avoir faussé le programme informatique par une manipulation, les conditions d’application de l’art. 147 CP n’étaient pas réalisées (jgt., p. 9).
La Cour d’appel ne peut suivre ce raisonnement. Les prévenus n’étaient pas légitimés à commander des billets de trains via l’Intranet de [...]. Peu importe que la manipulation ait été correcte. Ils ont bel et bien volontairement trompé la machine pour obtenir des prestations indues en leur faveur. Les éléments constitutifs de l’infraction d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur au sens de l’art. 147 CP sont dès lors réunis.
Au vu de ce qui précède, W._ doit être condamné pour utilisation frauduleuse d’un ordinateur et A._ pour utilisation frauduleuse d’un ordinateur et instigation à cette infraction. Le moyen soulevé par l’appelant est fondé et l’appel doit être admis sur ce point.
4.
L’appelant conclut à la confirmation du dispositif de l’ordonnance pénale du 1
er
mars 2013, prononçant à l’encontre de W._ une peine de 80 jours-amende, le jour-amende étant fixé à 30 fr., avec sursis partiel pendant 4 ans, la partie ferme portant sur 40 jours-amende.
4.1
4.1.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
4.1.2
L'art. 34 CP prévoit que le juge fixe le nombre de jours-amende en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1) et leur montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).
Le législateur n’a pas fixé de montant minimum au jour-amende pour permettre de l’adapter à la situation particulière des personnes sans revenus ou à revenu faible, notamment les chômeurs, étudiants, hommes ou femmes au foyer. La peine pécuniaire doit également être prononcée à l’encontre d’auteurs dont les revenus sont très faibles, voire n’atteignent pas le minimum vital, à défaut de quoi ces personnes risqueraient de se voir souvent infliger des peines privatives de liberté, la peine pécuniaire semblant peu adéquate (Dupuis et alii, op. cit., n. 12 ad art. 34 CP et les références citées). Le Tribunal fédéral a arrêté le montant minimal du jour-amende à 10 fr. même pour les condamnés bénéficiant d’un revenu faible, afin d’éviter que le montant du jour-amende ne soit réduit à une valeur symbolique et que la peine pécuniaire ne perde toute signification (ATF 135 IV 180 c. 1.4.2 ;
TF 6B_760/2008 du 30 juin 2009 c. 2.1).
4.1.3
Aux termes de l’art. 43 CP, le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur (al. 1). La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2). En cas de sursis partiel à l’exécution d’une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins. Les règles d’octroi de la libération conditionnelle ne lui sont pas applicables (al. 3).
Les conditions subjectives permettant l'octroi du sursis (art. 42 CP), à savoir les perspectives d'amendement, valent également pour le sursis partiel prévu à l'art. 43 CP dès lors que la référence au pronostic ressort implicitement du but et du sens de cette dernière disposition. Ainsi, lorsque le pronostic quant au comportement futur de l'auteur n'est pas défavorable, la loi exige que l'exécution de la peine soit au moins partiellement suspendue. En revanche, un pronostic défavorable exclut également le sursis partiel. En effet, s'il n'existe aucune perspective que l'auteur puisse être influencé de quelque manière par un sursis complet ou partiel, la peine doit être entièrement exécutée (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1). La question doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les antécédents, la réputation et la situation personnelle de l'auteur ainsi que les circonstances de l'infraction (ATF 134 IV 1 c. 4.2.1).
4.2
En l’espèce, la culpabilité de W._ n’est pas négligeable. A charge, on retiendra qu’il a sciemment trompé la confiance de son employeur et qu’il a agi par appât du gain, alors qu’il avait déjà été condamné à trois reprises entre 2005 et 2007, dont deux fois pour des infractions contre le patrimoine.
A décharge, il y lieu de tenir compte de la reconnaissance de dette signée en faveur de la plaignante Y._ lors des débats de première instance.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, une peine pécuniaire de
80 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé au minimum de 10 fr., est adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de W._ et de sa situation financière précaire. Compte tenu de ses antécédents pénaux, le pronostic est mitigé. Cela justifie que la peine soit assortie du sursis partiel, portant sur quarante jours, le délai d’épreuve étant fixé à quatre ans.
5.
A titre subsidiaire, dans le cas où son premier moyen ne serait pas admis, l’appelant conteste l’application d’office de l’art. 392 al. 2 CPP faite par le premier juge en faveur de A._. Compte tenu de l’admission de l’appel, ce grief devient sans objet et l’ordonnance de condamnation rendue le 1
er
mars 2013 est intégralement confirmée s’agissant de A._.
Par surabondance, il faut relever que le premier juge ne pouvait pas appliquer d’office l’art. 392 al. 2 CPP sans au moins avoir averti le Ministère public (Moreillon / Parein-Reymond, Petit commentaire, Code de procédure pénale, Bâle 2013, n. 6 ad art. 392 CPP).
6.
En définitive, l’appel du Ministère public de l’arrondissement de Lausanne est partiellement admis en ce sens que W._ est condamné pour utilisation frauduleuse d’un ordinateur au sens de l’art. 147 CP, à une peine de 80 jours-amende, le montant du jour-amende étant arrêté à 10 fr., avec sursis portant sur 40 jours-amende, pendant quatre ans. Le jugement rendu le
28 août 2013 par le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne est modifié dans le sens des considérants.
7.
A._ n’ayant pas contesté l’ordonnance pénale du
1
er
mars 2013, il n’y a pas lieu – par équité - de lui faire supporter les frais de la présente procédure, ce nonobstant le fait qu’elle a conclu au rejet de l’appel.
Vu l'issue de l’appel, les frais de la procédure d'appel doivent être mis par moitié à la charge de W._ qui a conclu au rejet de l’appel, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1, 1
er
phrase, CPP).
Outre l'émolument, par 1’610 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), les frais d’appel comprennent l’indemnité allouée aux défenseurs d’office des prévenus pour les opérations liées à la procédure d'appel (art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP;
art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP).
Compte tenu de l'ampleur et la complexité de la cause en appel, l'indemnité allouée au défenseur d'office de W._ doit être fixée sur la base d'une durée d'activité de 6 heures pour l’avocat breveté, rémunérées à hauteur de 180 fr. l'heure, et de 2 heures 35 pour l’avocat stagiaire, rémunérées au tarif de 110 fr. l’heure. Il convient d’y ajouter un montant de 120 fr. au titre des frais de vacation ainsi que la TVA (art. 135 al. 1 CPP). C’est ainsi une indemnité de
1'593 fr., TVA et débours inclus, qui doit être allouée à Me Gabrielle Weissbrodt pour l’exercice de son mandat. Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel est allouée à Me Philippe Oguey, par 615 fr. 60, TVA et débours inclus.
W._
ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office que lorsque sa situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
92be283d-c9a7-4863-8851-7de95d782ee8 | En fait :
A.
Par jugement du 20 mars 2015, le Tribunal criminel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a notamment libéré D.V._ des chefs de prévention de meurtre, tentative de contrainte et voies de fait (I), a constaté qu’il s’était rendu coupable d’assassinat, de tentative d'extorsion, de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, d’injure et de contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de 18 ans, sous déduction de 88 jours de détention provisoire et 407 jours d'exécution anticipée de peine subis au jour du jugement (III), a ordonné en faveur de D.V._ un internement au sens de l’article 64 al. 1 let. b CP (IV) et a ordonné son maintien en détention pour des motifs de sûreté (V).
B.
Par annonce du 23 mars 2015, puis déclaration motivée du 27 avril 2015, D.V._ a interjeté appel contre ce jugement, en concluant à sa libération des chefs de prévention d’assassinat et de tentative d’extorsion et à sa condamnation pour meurtre, tentative de contrainte, voies de fait, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, injure et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, à une peine privative de liberté réduite, fixée à dire de justice et à une mesure thérapeutique institutionnelle et un traitement institutionnel au sens des articles 59 et 60 CP, en lieu et place d’un internement. A titre de mesures d’instruction, il a requis la mise en œuvre d’une seconde expertise psychiatrique, l’audition des Drs [...] et [...], en qualité de témoins, et la production au dossier d’une copie de la seconde expertise rendue dans le cadre de l’affaire pénale [...].
Par décision du 3 juillet 2015, la direction de la procédure a refusé d’ordonner l’administration des preuves requises.
Par acte du 22 mai 2015, le Ministère public a formé appel joint, concluant à la modification du chiffre III du jugement en ce sens qu’une peine privative de liberté à vie est prononcée.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Le prévenu D.V._ est né le [...] 1983 à [...]. Sa mère, B.V._ née [...], est originaire de La Réunion. Elle a rejoint E.V._, père du prévenu, en 1978, alors qu'elle était âgée de vingt-et-un ans, et ils se sont mariés peu de temps après. D.V._ a un frère de quatre ans son aîné et une sœur qui est sa jumelle. Le couple parental a divorcé en 2000. Enfants, le prévenu et sa soeur ont été envoyés à La Réunion, à cause, selon ses déclarations, de la santé fragile de leur frère aîné. D.V._ y est resté deux ans séjournant auprès de membres de sa famille, avant de rejoindre ses parents en Suisse pour terminer sa scolarité obligatoire, à [...]. Il a été exclu de son école avant son terme et sans obtenir de certificat d’études et n'a entrepris aucune formation professionnelle, travaillant comme aide-carreleur également à [...]. Après un nouveau séjour à La Réunion, il s’est installé chez sa mère, à [...] dès 2003. Il a effectué différents petits emplois et des stages en vue d'entreprendre un apprentissage de paysagiste, mais sans succès. Selon sa mère (PV aud. 13), le prévenu a occupé alors ses journées à jouer aux jeux vidéo, fumant de la marijuana et buvant de l’alcool. Le 1
er
août 2013, B.V._ a dû quitter son appartement à cause, selon ses déclarations, des nombreuses plaintes qu’elle recevait des voisins au sujet de son fils. Elle a dès lors invité le prévenu à partir et à s’assumer. Du 28 juillet au 4 août 2013, il est allé habiter chez son ex-compagne, F._, puis chez sa sœur à Lausanne. Il a séjourné chez cette dernière jusqu’à début novembre 2013, puis s’est installé chez son père à [...].
Célibataire, D.V._ est le père de deux filles, [...], née en 2007 et [...], née en 2008, issues de deux relations distinctes. F._ a vécu avec D.V._, entre 2006 et 2013, période durant laquelle de nombreuses séparations ont eu lieu. [...] est placée dans une famille d’accueil à [...]. Le prévenu ne contribue pas à son entretien. D.V._ a aussi eu une relation sentimentale d’environ deux ans, dès début 2008, avec T._ pendant laquelle le couple a vécu chez B.V._ à [...]. [...] vit avec sa mère, à [...]/FR. Le prévenu indique qu’il est débiteur d’une contribution d’entretien mensuelle de 350 fr. en faveur du service de l’action sociale de Fribourg qui avance une pension à la mère de l’enfant.
D.V._ explique qu’à son arrivée chez son père en novembre 2013, il percevait des services sociaux un montant de 1'250 fr. par mois. Il fait l’objet de poursuites pour 20'000 à 30'000 francs.
2.
Au casier judiciaire de D.V._ figurent les condamnations suivantes :
- 11.01.2007, Tribunal correctionnel de Lausanne, peine privative de liberté de 12 mois, avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans, pour extorsion et chantage, dommages à la propriété et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (P. 15);
- 21.02.2007, Juge d'instruction de Lausanne, aucune peine additionnelle à celle du 11 janvier 2007, pour opposition aux actes de l'autorité, contravention à la LStup. et à la loi fédérale sur le transport public (P. 96);
- 17.06.2008, Juge d'instruction de Lausanne, peine pécuniaire de 60 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 20 fr. pour lésions corporelles simples (P. 16);
- 18.07.2012, Tribunal de police de la Côte, Nyon, peine pécuniaire de 120 jours-amende à 20 fr. et amende de 300 fr. pour infractions d'importance mineure (vol), voies de fait, dommages à la propriété, injure, menaces (P. 19);
- 8.03.2013, Ministère public de l'arrondissement de La Côte, Morges, peine pécuniaire de 60 jours-amende à 20 fr. complémentaire au jugement du 18.07.2012 du Tribunal de police de la Côte, pour dommages à la propriété, injure, menaces (P. 22);
- 25.09.2013, Ministère public de l'arrondissement Lausanne, peine pécuniaire de 40 jours-amende à 20 fr. et amende de 600 fr., pour voies de fait et dommages à la propriété (P. 26).
Il ressort du dossier qu’au-delà des inscriptions au casier judiciaire, D.V._ a à plusieurs autres occasions occupé les autorités pénales ou les services de police, même si ces affaires n’ont pas abouti à des condamnations ou à des inscriptions au casier. Les enquêteurs relèvent (P. 89, p. 5) que le prévenu a fait l'objet de cinquante-six interventions de la police vaudoise, entre 2005 et 2013, notamment pour des affaires de lésions corporelles, dommages à la propriété, menaces, injures, voies de fait, scandales et infractions à la LStup (cf. P. 89/1), étant précisé que l’auteur du rapport de police, entendu aux débats, l’inspecteur [...], a expliqué avoir retranscrit l’intégralité des inscriptions des « événements police » effectués par son service. Il n’en a, à dessein, exclu aucun afin d’avoir un tableau général le plus précis (jgt., p. 15). A la lecture du rapport, trois évènements sur dix où il n’est pas mentionné que le prévenu se trouvait sous l’influence de l’alcool – sans compter les cas de contravention à la LStup – concernent des cas d’hétéro-agressions (violences domestiques du 21 novembre 2009, lésions corporelles du 23 mai 2011 et voies de fait du 5 août 2013).
Différentes décisions et extraits de procédure concernant D.V._ et son parcours judiciaire ont été versés au dossier. On peut mentionner les éléments pertinents suivants :
- Suite à la condamnation mentionnée ci-dessus par jugement du Tribunal correctionnel de l'arrondissement du 11 janvier 2007, le sursis infligé a été conditionné à une règle de conduite consistant en un contrôle régulier d'abstinence à l'alcool. Par décision du 27 juin 2007, l'Office d'exécution des peines (OEP) a confié le mandat médico-légal à la Dresse [...], à Morges. Il ressort d’une décision du Juge d'application des peines du 11 août 2010 (P. 17), que, malgré l’enjeu, D.V._ a manifesté à plusieurs reprises des fragilités par rapport à son traitement ambulatoire, lequel a ainsi été perturbé pendant de nombreux mois, par sa faute. Même si une prise de conscience de la nécessité de son suivi a été constatée finalement, elle apparaissait comme fragile, ce qui a entraîné une prolongation du délai d’épreuve et de l’obligation de traitement thérapeutique associée ;
- Comme évoqué ci-dessus, T._ (PV aud. 22) a été la compagne du prévenu durant deux ans, dès 2008. Elle décrit un homme très agressif et menaçant lorsqu’il buvait. Elle estime qu'il aurait été agressif à son égard une dizaine de fois sur la durée de leur relation, surtout durant la période où elle était enceinte. Elle décrit aussi plusieurs tentatives pour se sortir de sa dépendance à l’alcool, mais il aurait toujours replongé. Le témoin a également exposé que la thématique du racisme était toujours mise en avant par le prévenu alors même qu’aux yeux de son amie, rien ne le justifiait. Une plainte a été déposée le 21 novembre 2009 (P. 18). Selon cette dernière, le prévenu l’aurait saisie par le bras assez fort, frappée au visage à coups de poing. Il y aurait également eu des menaces répétées de mort. Cet épisode se serait déroulé alors qu’il n'avait pas bu. Elle aurait refusé de lui donner de l'argent pour acheter du cannabis. Une suspension conformément à l’article 55a CP a été accordée pendant laquelle, selon le témoin, D.V._ se serait tenu à distance et serait resté calme. Dès que l'affaire a été clôturée et qu'il a reçu le non-lieu pour ces violences, il serait redevenu, selon elle, agressif par téléphone puisqu’ils ne se voyaient plus. Il aurait également été insultant, la traitant de « sale pute » ou « sale blanche de merde ». Des lésions ont été objectivées par des photographies et par un constat médical (P. 18). D.V._ a été mis au bénéfice d’une ordonnance de classement le 1
er
février 2011 s’agissant des violences reprochées par sa compagne suite à l’absence de révocation par les intéressés de leur accord selon l’article 55a al. 1 CP. Il a en revanche été condamné pour consommation de stupéfiant par ordonnance pénale du même jour (P. 18) ;
- F._ a vécu en couple avec D.V._, relation parsemée pendant cette période par de petites et grandes pauses, soit environ trois ou quatre. Dans sa plainte déposée le 23 mai 2011 (P. 20), F._ explique qu’elle aurait refusé d’aller acheter des bières au prévenu sachant qu’il était violent quand il a bu. Elle y serait finalement allée. Il l’aurait maîtrisée de force, insultée, lui aurait porté des coups de poing au visage et plaquée contre le lit. Les lésions subies sont objectivées par certificat médical et photographies (P. 20). Il y a eu un retrait de plainte. D.V._ a bénéficié d’une ordonnance de classement rendue le 7 décembre 2011 suite au retrait de la plainte, l’enquête n’ayant été ouverte que pour lésions corporelles simple et menaces. Le prévenu aurait alors promis à son amie qu'il allait arrêter de boire, voir un médecin-psychiatre pour se soigner et qu'il ferait les démarches pour se rendre dans un centre spécialisé. F._ décrit le prévenu comme également agressif quand il ne buvait pas (PV aud. 24). Elle précise qu’il lui serrait le cou non pas pour qu’elle ne puisse plus respirer, mais parce qu'il était énervé. Elle explique encore qu'en date du 22 mai 2011, après qu'elle aurait dit au prévenu que tout était fini entre eux, il lui aurait « appliqué un coussin sur le visage afin de la faire taire » (P. 20, annexe 8/1 p. 2). Entendue sur ce point (PV aud. 24, p. 4), le témoin explique : il « avait mis le coussin sur ma tête assez longtemps car je n'arrivais plus à respirer. Il sentait lui-même que je ne bougeais plus et il l'a enlevé. Il a apposé le coussin avec une certaine force et je n'arrivais pas à l'enlever en me débattant. Lorsqu'il a enlevé le coussin, il m'a dit: « j'ai pas pitié de toi ». Je pense qu'il m'a dit cela car je pleurais ». Ces faits sont contestés par le prévenu : « C'est totalement faux. Cette femme est juste une grosse pute. Elle est restée avec moi pour l'argent. Elle profitait de moi. Pourtant, on a un enfant ensemble » (PV aud. 23, p. 6).
- Le Ministère public de l’arrondissement de la Côte a rendu le 7 décembre 2011 une ordonnance de classement (PE11.012546-MMR, P. 21) suite au retrait de plainte de G._. Selon ce dernier, qui ne connaissait pas le prévenu, D.V._ l’aurait insulté et menacé de mort, sans raison, en le bousculant. La plainte a été retirée suite aux excuses présentées par le prévenu ;
- Le 19 juin 2013, le Ministère public de l’arrondissement de la Côte a rendu une ordonnance de classement (PE13.0097773-MMR, P. 23) suite à une plainte déposée par S._, voisin du prévenu à [...]. Sous l’influence de l’alcool, ce dernier serait venu frapper à la porte de S._ et aurait proféré des menaces à son encontre en lui disant notamment : « je vais te tuer ». Le plaignant a retiré sa plainte. Il est mentionné dans celle-ci que D.V._ serait souvent sous l’influence de l’alcool et crée des nuisances ;
- Le 26 novembre 2013, le Ministère public de l’arrondissement de la Côte a rendu une ordonnance de classement (PE13.016896-MMR, P. 24 et 49), suite à une plainte déposée par N._ pour voies de fait et menace le
11 juillet 2013. Le prévenu, qu’il ne connaissait pas, l’aurait menacé de mort sans raison particulière. Il se serait aussi agrippé à son épaule. Cela se serait passé alors que le prévenu sortait d’une audition auprès des gendarmes pour une autre affaire. La plainte a été retirée.
3.
D.V._ a été arrêté et placé en détention provisoire du
11 novembre 2013 au 6 février 2014, soit pendant 88 jours. Depuis lors, il est incarcéré en exécution anticipée de peine. A la date du 20 mars 2015, le total de la détention avant jugement était de 495 jours.
Il ressort d'un rapport de situation émanant de la Direction des Etablissements de la plaine de l’Orbe (P. 109) que le prévenu est, en détention, une personne discrète qui reste souvent en cellule et qui a un comportement adéquat avec le personnel de surveillance. Il entretient, à la connaissance de la direction de la prison, de bons contacts avec ses co-détenus. Il a été affecté à l'atelier de menuiserie, mais il s'y rend de manière sporadique évoquant toujours des excuses, puis se plaignant de son faible pécule. Le Service de médecine et psychiatrie pénitentiaires le suit à raison de deux entretiens par mois.
4.
Dans le cadre de la présente procédure, D.V._ a été soumis à une expertise psychiatrique. Dans son rapport du 31 mars 2014 (P. 69), l’expert [...] a d’abord présenté les faits reprochés au prévenu et une anamnèse complète. Il ressort en substance de cet exposé que D.V._ a vécu une partie de son enfance à La Réunion et paraît idéaliser la culture réunionnaise et s’identifier à son style de vie. Il a suivi sa scolarité à [...] où il est connu pour des troubles du comportement agressif. Il n’a pas acquis de réelle formation professionnelle, consacrant son temps à des sorties et à consommer alcool et cannabis. L’expert évoque ensuite les relations sentimentales du prévenu dont sont issues les deux enfants, [...] et [...], et son passé judiciaire. Dans son observation clinique, l’expert expose que D.V._ ne présente pas de trouble de la pensée ; les états de vigilance et de conscience sont intacts. Il ne présente pas non plus de trouble de la compréhension, de la mémoire d'évocation, ni de trouble de l'orientation dans l'espace et dans le temps, ni concernant sa situation ou sa personne. Il n’y a pas non plus d'évidences d'anomalies de la forme et du cours de la pensée, ni d'idées pré-délirantes ; le discours ne présente pas de pensées récurrentes et envahissantes ; il est cohérent et informatif. Les mécanismes de défense principaux sont la projection et l'identification projective. L’expert évoque ensuite une expertise psychiatrique effectuée en 2012 suite à l’intervention de la mère du prévenu débordée par le comportement violent de son fils, pour le compte de la justice civile de Morges. Les experts retiennent alors une labilité émotionnelle, une tendance à vivre des relations intenses et instables, une tendance interprétative avec connotation hostile. L’expert [...] résume ensuite l’examen psychologique qui conclut à un fonctionnement psychotique de la personnalité, qui apparaît fragile, vite déstructuré, malgré ses régulières réactions de prestance et l'utilisation répétitive (mais pas toujours utile) de défenses principalement paranoïaques et maniaques. L’expert [...] pose ensuite le diagnostic de trouble de la personnalité dyssociale qui résulte de perturbations importantes dans le fonctionnement personnel et interpersonnel, caractérisé par une absence de capacité d'introspection, de remords, d'anxiété et, au niveau personnel, un mode de mépris, de transgressions de la loi, un mépris des obligations sociales et une indifférence froide envers autrui. L’expert souligne que le plus frappant chez D.V._ est sa tendance à blâmer autrui en se réfugiant dans un statut de victime du racisme et le rejet par l'autre. Dès lors, il est dans l'incapacité de se positionner comme responsable de ses actes et d'en prendre en compte les conséquences. Evoquant un accroissement des passages à l’acte agressif, l’expert indique que le prévenu agit en réponse à ses impératifs internes, son impulsivité, son agressivité, sans empathie pour la souffrance d'autrui. L’expert retient encore une dépendance
à
l'alcool, utilisation épisodique (dipsomanie), la majorité des individus ayant une personnalité dyssociale présentant par ailleurs un comportement additif associé, et l'alcool et le cannabis jouant ici le rôle de substances facilitant le passage à l'acte en abaissant le seuil de la tolérance à la frustration et enlevant les inhibitions. Evoquant les faits reprochés au prévenu, l’expert retient des facultés d'appréciation de la situation, et de raisonnement intactes, et que le prévenu n'était pas dans un état délirant où il aurait perdu le contrôle conscient de l'environnement. Il évoque aussi une élévation plus importante de l'état de frustration intérieur qu'il peine déjà à contenir depuis le début de l'après-midi. Aucun élément ne démontre qu'au moment où il sonne à la porte de sa victime, il souffre de difficultés de compréhension qui pourraient altérer ses facultés de choix. Dès lors, l’expert considère que le prévenu ne présentait pas de déficit du discernement au moment des faits. Analysant les éventuels effets du traitement suivi par le prévenu au Cipralex
®
, et son éventuel sevrage, l’expert retient comme peu probable un déclenchement de symptômes de sevrage : quand bien même ont-ils pu exister, l'intensité de ces symptômes devait être très diminuée et n’altérant pas la capacité de discernement au moment des faits. En ce qui concerne l’effet de l’alcool, l’expert retient que même face à une alcoolémie élevée, le fait que D.V._ soit habitué à consommer, en grandes quantités, des alcools forts peut l'amener à une tolérance supérieure à l'éthanol en comparaison d’une population non habituée. Dans la mesure où il a été capable d'échanger avec les résidents selon des formulations verbales cohérentes, qu’il n’a pas été décrit titubant ou en état d'ébriété avancée mais plutôt comme un individu étrange sous l'influence de l'alcool amène l’expert à retenir que son état de vigilance restait relativement conservé. Toutefois, la fragilité psychique du prévenu associée à une alcoolémie élevée font que la faculté de se déterminer était diminuée de légère à moyenne. L’expert considère que le risque de récidive d’actes violents et illicites est important, ceux-ci pouvant concerner autant les personnes que les biens. Il n’existe, selon lui, pas de traitement médicamenteux ni de modèle de traitement pour diminuer le risque de récidive en relation avec ce trouble. L’expert estime que tant que le prévenu est sous contrôle judiciaire, le risque de passage à l'acte violent est contenu. L'injonction d'un traitement institutionnel selon l’article 59 CP ou ambulatoire selon l’article 63 CP n'apporte selon lui aucune amélioration et changement à terme, d'autant plus que l'intéressé ne formule pas de demande dans ce sens. Il n’existe, pour l’expert, pas de traitement apportant un changement effectif sur le fonctionnement dyssocial. Le travail thérapeutique sur la consommation de substances psycho actives (alcool, drogues) peut être indiqué à titre préventif en rapport avec l'effet nocif de ces substances et avec le mode de consommation d'alcool - ponctuel et massif - qui a un impact fortement délétère sur son comportement (agressivité, violence). En cas de succès, le traitement de la dépendance aux substances nocives, en particulier de l'alcool, est susceptible de réduire le risque de récidive. Ainsi, un traitement institutionnel en relation avec cette addiction semble indiqué pour le Dr [...] bien que le trouble de la personnalité dyssociale soit le problème principal. Compte tenu en particulier de l’évaluation clinique et des tests actuariels, et du parcours judiciaire, le risque de récidive est considéré comme important. Le trouble de personnalité dyssociale résulte de perturbations importantes dans le fonctionnement personnel et interpersonnel, caractérisé par une absence de capacité d'introspection, de remords, d'anxiété et, au niveau personnel, un mode de mépris, de transgressions de la loi, un mépris des obligations sociales et une indifférence froide envers autrui. La prédisposition au passage à un acte violent est inhérente au trouble de la personnalité dyssociale. En plus, toutes les procédures pénales connues à l'encontre du prévenu témoignent systématiquement d'une consommation massive préalable d'alcool. Ainsi, l'association du trouble de la personnalité dyssociale et la consommation d'alcool peuvent faire craindre qu'il commette d'autres infractions. Le trouble de la personnalité dyssociale n'est pas une maladie mentale chronique ou récurrente mais il s'agit d'un trouble qui se traduit par un fonctionnement social inadéquat, une gestion pulsionnelle problématique et de rapport conflictuel avec l'autorité. Il n'y a pas de fixation sur un type de passage l'acte donné. La transgression peut être polymorphe et imprévisible. Il n'existe pas de traitement avéré pour ce trouble de la personnalité. Il y a donc très peu de possibilité qu'un traitement institutionnel amène un changement notable.
En cours d’enquête, l’expert [...] a été amené à préciser certains points de son rapport et à déposer un complément d’expertise (P. 80). Il ressort de celui-ci que le trouble de la personnalité que présente D.V._, associé ou pas à la consommation d'alcool ou d'autres substances psycho actives, amène à retenir un risque de récidives d'actes violents, de nature et gravité diverses, très important. Sans le vecteur de l’alcool ou d'autres substances psycho actives, les risques de passage à l'acte violent paroxystique diminuent, en particulier en ce qui concerne les crimes mentionnés au titre de l'article 64 CP. Malgré tout, l’expert retient que, quand bien même serait-il dans un contexte d'abstinence à l'alcool ou d'autres substances toxiques, le prévenu présente un risque de passage à l'acte grave entrant dans le cadre de l'article 64 CP selon un degré moyen. L’expert a également expliqué pourquoi il estimait que le désir exprimé par le prévenu de travailler sur son alcoolisme n'était pas une démarche authentique, en se basant sur deux niveaux d'évaluation, soit les antécédents personnels d’une part, et les entretiens avec lui et l'ensemble de l'évaluation clinique, d’autre part. L’expert conclut que les antécédents de l'intéressé montrent qu'il est incapable d'apprendre des expériences vécues ; il banalise son comportement et ne s'est jamais remis en question de manière authentique. Au moment de l'expertise, il ne présente ni empathie ni véritables remords quant à l'homicide de B.M._. Il se justifie en élaborant des hypothèses nébuleuses le soustrayant de sa véritable responsabilité. A aucun moment le prévenu n'élabore ses stratégies d'abstinence, au contraire, il insiste pour qu'aucune mesure thérapeutique ne lui soit imposée.
Aux débats, l’expert [...] a encore été longuement entendu (jgt.,
pp. 5 ss). Il a intégralement confirmé les termes et conclusions de ses travaux d’expertise. Il a précisé que ceux-ci s’étaient déroulés dans des conditions normales. L’expert a souligné que, pour lui, le prévenu n’est pas conscient de ses troubles. Pour le Dr [...], il ne s’est jamais remis en question s’agissant du trouble principal, soit du trouble de la personnalité. Dans des situations de stress ou confronté à la justice, il a pu se remettre en question s’agissant de sa consommation d’alcool, mais pour le reste, il n’est pas conscient de son trouble principal, soit le trouble de la personnalité dyssociale, qui constitue la cause première de sa dangerosité. L’expert a aussi confirmé que, s’agissant de l’alcool et dans une moindre mesure le cannabis, ils ne font qu’aggraver la situation par leur effet désinhibant. Le prévenu ne se remet pas en question, démarche qui nécessite une souffrance. S’agissant du trouble dyssocial en général l’intéressé rejette toutes fautes sur autrui, ce qui ne permet pas cette remise en question. Pour l’expert, un travail sur la dépendance reste possible pour amener éventuellement une compréhension et un regard rétrospectif sur les éléments douloureux de sa vie. Face à un trouble dyssocial toutefois, l’incapacité de se remettre en question fait partie du trouble de la personnalité. En l’espèce, il n’y a pas de remise en question. D.V._ n’est pas non plus accessible au traitement d’où la difficulté sur le plan thérapeutique de traiter ce genre de cas. Interpellé expressément sur ce point, l’expert a maintenu que le fonctionnement dyssocial ne présentait pas d’accessibilité à un traitement. Dans la mesure où il n’y a pas de traitement apportant un changement effectif sur le fonctionnement dyssocial, il est impossible en l’état de traiter ce trouble. L’intéressé reste dès lors dangereux dans ses comportements et excès de violences sans qu’aucune mesure ne puisse prévenir efficacement, dans ces conditions, le risque de dangerosité. Pour l’expert, une mesure visant à traiter l’alcoolisme permet d’améliorer le pronostic du risque de récidive. Toutefois, le risque de passage à l’acte n’est pas exclusivement lié à la consommation d’alcool. En effet, D.V._ a des modes de consommation d’alcool qui ne répondent pas aux critères de dépendance habituels. Chez lui, il y a une dépendance à l’alcool en ce sens qu’il en a besoin pour satisfaire à des impératifs intérieurs de passages à l’acte et de violence. Il a dès lors un mode de consommation massif et irrégulier. La consommation ou son mode d’absorption d’alcool ne correspondent pas à une consommation de personne dépressive qui voudrait alléger ses souffrances. L’expert a également confirmé ses conclusions sur la capacité du prévenu à apprécier le caractère illicite de ses actes et sa faculté de se déterminer d’après cette appréciation. Il a confirmé aussi qu’à son sens, le trouble dyssocial ne diminuait pas la responsabilité du prévenu. Il a indiqué encore que la diminution de responsabilité a été qualifiée dans son rapport de légère à moyenne en fonction du taux d’alcool dans le sang qui serait de 1.5 à 3 g/kg.
L’auteure de l’examen psychologique intégré à l’expertise psychiatrique (P. 69, pp. 12 et 13), [...], a également été entendue aux débats. Elle a exposé son travail et sa méthodologie. Elle a pour le surplus confirmé les conclusions de l’examen psychologique retranscrites dans l’expertise psychiatrique, étant précisé que celles-ci se basent sur les tests psychologiques exclusivement et non sur la base des faits reprochés au prévenu.
5.
Le 30 avril 2013 vers 6 h 30, au magasin [...] à Morges, D.V._, qui était sous l'influence de l'alcool, a tout d'abord importuné une cliente en la suivant contre son gré, en lui disant à haute voix « t'es trop moche pour moi » et en la traitant de « grosse », de « moche » et de « pute » (dossier B : PV aud. 2 R. 10; PV aud. 3 R. 10).
Le prévenu s'est ensuite approché d’C._, qui venait acheter quelque chose dans ce négoce, et lui a dit « viens vers moi ». Pensant que D.V._ avait besoin d'aide, le plaignant l'a suivi jusqu'à la sortie de l'établissement. Une fois à l'extérieur, le prévenu a ordonné à C._ sur un ton agressif de ramasser des bouteilles qui venaient de tomber par terre, tout en lui demandant s'il avait de l'argent sur lui (dossier B : PV aud. 1 à 3). Pris de panique, le jeune homme s'est figé. Comme il ne montrait aucune réaction, le prévenu a continué de lui poser des questions, auxquelles C._ a répondu par la négative. D.V._ s'est alors montré de plus en plus agressif et insistant, allant jusqu'à menacer de le tuer, puis il lui a donné un coup de poing au niveau de la mâchoire. C._ a aussitôt reculé et pris ses distances, tout en déclarant au prévenu qu'il lui donnerait tout ce qu'il voulait mais qu'il devait le laisser tranquille (dossier B : PV aud. 1 à 4).
Simultanément, I._, alerté par la situation, est intervenu : il a empoigné l'agresseur, lui a demandé pourquoi il avait frappé sa victime et a tenté de le raisonner, en réponse à quoi il s'est fait traiter de « fils de pute », d'« enculé de sa mère » et de « raciste ». Ne voulant pas se faire à son tour frapper, il a lâché prise. D.V._ est néanmoins venu contre lui dans l'intention de se battre, mais l'arrivée de la police a mis un terme à la scène (dossier B : PV aud. 3 R. 10 et 4 R. 10).
De retour sur les quais de la gare, I._ a retrouvé C._ qui lui a dit que D.V._ voulait lui prendre son porte-monnaie et avait menacé de le tuer (dossier B : PV aud. 3 R. 10 et 11).
Suite à cet épisode, C._ s'est trouvé en état de choc et a pleuré (dossier B : PV aud. 2 R. 10 et PV aud. 3 R. 10).
C._ a déposé plainte le 30 avril 2013 (dossier B : PV aud. 1). Il a posé comme condition au retrait de sa plainte le versement de la somme de 300 fr., ce que le prévenu a refusé (PV aud. 23 R. 25; dossier B : P. 7 et 8).
6.
6.1
Aux alentours du 4 novembre 2013, D.V._ a débarqué sans prévenir au domicile de son père E.V._ à [...] et lui a fait part de son intention de s'y installer. Comme ils n'avaient plus entretenu le moindre contact depuis une douzaine d'années et qu'il savait que son fils rencontrait des problèmes lorsqu'il consomme de l'alcool, E.V._ a accepté qu'il réside chez lui à la condition qu'il soit abstinent (PV aud. 2 R. 8, 9 et 14).
Les jours qui ont suivi, E.V._ a raconté à son fils quelle avait été sa vie au cours des dernières années. Il lui a notamment exposé avoir eu un différend avec une locataire du premier étage prénommée « L.O_ », en réalité L.O_, une année et demi auparavant. A cette époque en effet, il aurait refusé les avances de cette voisine et sa fille mineure K.O_ aurait déversé du ketchup sur sa porte palière, probablement en guise de rétorsion (PV aud. 2 R. 6).
6.2.
Le 11 novembre 2013, D.V._ a entrepris de laver le prétendu affront subi par son père de la part de la prénommée « L.O_ » et de sa fille, notamment en leur exposant son point de vue et en les corrigeant physiquement (PV aud. 5 R. 4 et PV aud. 23 R. 20). Entre 11 h 00 et 12 h 00, puis en tout début d'après-midi après avoir consommé passablement de rhum, il s'est mis à sonner chez de nombreux habitants de l'immeuble et à en aborder dans la cage d'escalier pour leur demander s'ils connaissaient « L.O_ », exposant notamment que celle-ci lui devait de l'argent. Le prévenu s'est alors montré intrusif, importun, agressif, insultant et/ou menaçant envers les diverses personnes rencontrées qui n'ont guère goûté à son attitude, ce d'autant qu'elles ne le connaissaient pas. Ce manège a duré jusque vers 20 h 00 et a causé passablement de scandale (pour le point de départ de la scène, cf. not. PV aud. 2 R. 8 et P. 27/3 et 27/6).
Entre 18 h 30 et 18 h 45, D.V._ a sonné au premier étage à la porte de l'appartement d’B.M._, femme âgée de 81 ans qui souffrait d'une grave polyarthrite, dont le médecin traitant a rapporté qu'elle était connue pour une schizophrénie paranoïde traitée depuis 1975, plus ou moins stabilisée, et qui présentait des hallucinations (PV aud. 12 R. 16; P. 63 p. 28 par. 5). Pour une raison indéterminée, celle-ci a ouvert et l'a laissé entrer, après quoi elle lui a servi un café et un gratin de pommes de terre que le prévenu a consommés. A un moment donné, B.M._ s'est adressée à D.V._ en l'appelant « mon petit-fils ». Constatant que cette dame se méprenait sur sa véritable identité, le prévenu s'est mis dans une très grande colère. Il s'en est alors pris physiquement à elle et l'a martyrisée en la frappant violemment au visage et sur trois de ses membres au moyen de ses mains et d'ustensiles pris dans un tiroir, soit une fourchette à fondue (P. 64 ch. 3.1.2, objet P001; P. 67 photos 42 et 43), un couteau comprenant un manche en bois (P. 64 ch. 3.1.2, objet P002; P. 67 photos 47 et 48) et un ouvre-bocal (P. 64 ch. 3.1.1, objet P007; P. 67 photo 52). Sous la violence des coups, la partie métallique de la fourchette à fondue et l'une de ses pointes ont été pliées pratiquement à l'équerre. De cette manière, D.V._ a occasionné avec la fourchette à fondue des plaies au niveau de la partie centrale du front de sa victime et, avec le couteau à lame dentelée, des plaies au niveau de sa région frontale gauche, de la racine et du dos de son nez ainsi que des faces interne et externe de sa jambe droite (P. 63 ch. 7, 10 et 19, et le chapitre « discussion et conclusions » p. 30; P. 64 à 67). Il lui a également causé de nombreux hématomes et ecchymoses au niveau de la tête (P. 63 ch. 7 et 9) ainsi que des deux membres supérieurs (P. 63 ch. 17 et 18) en la rudoyant avec ses mains et l'ouvre-bocal. En dernier lieu, D.V._ a appliqué sur son visage un coussin pendant deux minutes environ (PV aud. 21 R. 4; P. 64, objet P011; P. 67 photos 14 et 41), jusqu'à ce qu'elle décède par étouffement (P. 63 p. 29).
Au cours de l'agression, B.M._ s'est débattue (PV aud. 21 R. 20 et 27, jgt. p. 25). Une fois qu'elle a cessé de bouger, D.V._ s'est retiré du canapé et a parlé un peu au chien de sa victime avant de quitter le logement en emportant avec lui le couteau et la fourchette à fondue utilisés contre elle, de même qu'une fourchette et un couteau dont il s'était servi pour se restaurer (P. 32 ch. 2 et 3, P. 39, P. 67 photos 60 et 61). Ces objets ont été retrouvés au domicile de son père, respectivement dans un sac en plastique jaune pour les deux premiers et dans un sac de la marque « King Jouet » pour les seconds, puis versés au dossier au titre de pièces à conviction n° 14901/14 (P. 97).
A.M._, fils de la victime, a déposé plainte (PV aud. 12 R. 21; P. 47, 53 et 55).
6.3.
Le prévenu est ensuite retourné dans la cage d'escalier aux alentours de 19 h 00 et a continué d'importuner les habitants pour tenter de trouver L.O_ et sa fille.
Vers 19 h 20, U._, infirmière auprès du CMS d'Orbe qui venait prodiguer ses soins quotidiens à B.M._, n'a obtenu aucune réponse de sa patiente malgré qu'elle avait sonné à l'interphone et à sa porte palière. Vu la présence inquiétante de D.V._ qui causait du grabuge dans l'immeuble et qui lui avait notamment pris la main de force pour la saluer (PV aud. 1 R. 5 p. 3), elle a entrepris de repasser plus tard (PV aud. 1).
Désireux de mettre un terme aux agissements du prévenu, un habitant de l’immeuble a fait appel aux forces de l'ordre. Une première patrouille, composée de l'app. B._ et de l’agt H._, s'est donc rendue sur place ; elle y a ainsi rencontré le prévenu et constaté qu'il se disputait avec des locataires au droit de l'ascenseur, dans le hall d'entrée du bâtiment. Après qu'ils ont été mis au courant de ses incivilités, les deux agents ont conduit D.V._ à l'appartement de son père, sis au quatrième étage, afin de calmer la situation. A cet endroit, le prévenu a soudainement adopté une attitude oppositionnelle et verbalement agressive envers les intervenants, qui l'ont aussitôt menotté et soumis à une fouille de sécurité, laquelle s'est révélée négative (P. 4).
Simultanément, plusieurs locataires sont venus annoncer à l'app. B._ et à l'agt H._ qu'une personne avait été agressée au premier étage. L'information émanait de U._ et de K._, elle aussi infirmière auprès du CMS d'Orbe, qui avaient pénétré dans l'appartement non verrouillé d’B.M._ vers 20 h 00 et l’avaient découvert inanimée dans un contexte de violence manifeste. Une seconde patrouille, composée des agts W._ et J._, s'est donc rendue sur les lieux en renfort. L'agt W._ a ainsi rejoint l'agt H._ au domicile d’E.V._ tandis que l'agt J._ est allé à l'appartement d’B.M._, où l'app. B._ s'était entre-temps déplacé (PV aud. 1 et 4; P. 4 et 14).
Tout au long de son appréhension chez son père, D.V._ a insulté les agts W._, H._ et J._, qu'il a notamment traités de « connards », de « racistes » et de « fils de pute ». Il les a également menacés de mort. Plus particulièrement, il a dit à l'agt W._ « je vais te buter », « j'ai plein d'amis créoles, environ 35 à 60 amis créoles qui pourront m'aider », avant de préciser « tu nous fais pas peur ». Quant aux agts H._ et J._, il leur a dit qu'il allait les retrouver avec sa bande de copains, puis qu'il allait les tuer (PV aud. 2 R. 12, PV aud. 17 et 18; PV aud. 23 R. 22; P. 4).
A un moment donné, durant son appréhension, D.V._ a déclaré à son père « papa, j'ai fait justice », respectivement « je suis allé régler tes comptes au 1
er
étage ». Invité par les policiers à s'expliquer à ce sujet, il n'a rien répondu et a repris ses injures (PV aud. 2 R. 6; PV aud. 17 et 18; P. 4).
Dans le logement d’B.M._, l'app. B._ et l'agt J._ ont découvert le corps de la locataire qui était couchée sur le canapé de son salon en position dorsale. Ses jambes étaient repliées sur le divan, l'une de ses pantoufles était mal mise, ses bras se trouvaient sur son abdomen et son dentier sur le canapé. En outre, un coussin ensanglanté recouvrait son visage et masquait un ouvre-bocal en position ouverte qui était déposé sur son cou. Enfin, diverses pièces de vaisselle en porcelaine étaient cassées et se trouvaient à proximité du corps. Immédiatement, les policiers ont enlevé le coussin et déposé B.M._ sur le sol, au pied du canapé, pour entamer une réanimation cardiaque. Ils ont été rejoints vers 20 h 30 par les services sanitaires, qui ont pris le relais. Après quelques instants toutefois, le médecin du SMUR a déclaré que la patiente était décédée, sans pouvoir en préciser la cause (P. 4, 5, 7, 14 et 64).
Les agts W._, H._ et J._ ont déposé plainte le 12 novembre 2013 (P. 8, 9 et 42).
6.4.
Il ressort de l'examen externe (P. 63 pp. 14 ss lettre E) que la défunte présentait trois plaies à bords nets au niveau de la partie centrale du front (P. 63 ch. 7), une plaie à bords nets dans la région frontale gauche (P. 63 ch. 7), une plaie à bords nets à la racine du nez (P. 63 ch. 10), une plaie superficielle à bords nets sur le dos du nez (P. 63 ch. 10), cinq plaies à bords adaptables, certaines à bords nets, d'autres à bords plus irréguliers, à la face externe du tiers moyen de la jambe droite (P. 63 ch. 19), et enfin deux plaies, l'une à bords nets et l'autre à bords irréguliers, à la face interne du tiers moyen de la jambe droite (P. 63 ch. 19). Les médecins légistes ont estimé que les plaies à bords nets du front pouvaient être compatibles avec l'utilisation d'un objet piquant, comme par exemple la fourchette à fondue qui leur a été présentée (P. 63 p. 30; P. 67 photos 42 et 43), tandis que la plaie à bords nets de la racine du nez gauche, la plaie superficielle du nez et les plaies de la jambe droite pouvaient être compatibles avec un objet tranchant et/ou tranchant et piquant tel qu'un couteau, à l'image du couteau à lame dentelée qui leur a été présenté (P. 63 p. 30; P. 67 photos 47 et 48).
Il a également été relevé chez B.M._ de nombreux hématomes et ecchymoses au niveau de la tête (P. 63 ch. 7 et 9) ainsi que des deux membres supérieurs (P. 63 ch. 17 et 18). Les médecins légistes ont exposé que les hématomes constatés au niveau du visage et du cuir chevelu, ainsi que les ecchymoses et les suffusions hémorragiques associées, sont compatibles avec un/des traumatisme(s) contondant(s), que certaines lésions constatées, notamment les suffusions hémorragiques péribuccales, peuvent être compatibles avec l'application d'un coussin sur le visage, que les suffusions hémorragiques constatées au niveau du cou à gauche peuvent avoir été provoquées par une compression exercée au niveau du cou et enfin que les constatations précitées au niveau du visage et du cou, associées aux pétéchies conjonctivales, sont compatibles avec une suffocation et/ou une strangulation pouvant être à l'origine du décès (P. 63 p. 29).
6.5
L'examen clinique auquel D.V._ a été soumis vingt-quatre heures après les faits n'a rien révélé de particulier. En effet, hormis une ecchymose au niveau de la face externe du bras gauche dont il n'a pu expliquer l'origine, toutes les lésions qu'il présentait étaient soit anciennes, soit liées à son interpellation mouvementée par la police et à la pose de menottes, et dans tous les cas superficielles (P. 50).
L'expertise toxicologique ordonnée sur le prévenu a démontré une consommation de cannabis répétée au cours des semaines précédentes et, au moment des faits, une intoxication sévère à l'éthanol, soit comprise entre 1.5 et 3.0 g/kg. Les médecins légistes ont précisé que les effets psychotropes de l'éthanol et du THC peuvent se potentialiser mutuellement (P. 56, 57 et 59). L’analyse de sang n’a mis en évidence aucune trace de Citalopram.
6.6
Les perquisitions effectuées au domicile d’E.V._ ont permis la saisie d'un sac en plastique jaune contenant le couteau et la fourchette à fondue propriété d’B.M._ et utilisés contre elle par le prévenu (P. 32 ch. 2 et 3), respectivement d'un sac de la marque « King Jouet » renfermant diverses affaires appartenant à D.V._ (P. 39), objets qui ont été transmis au Service de l'Identité judiciaire à des fins d'analyses, puis versés au dossier sous fiche de pièces à conviction n° 14901/14 (P. 97).
Les perquisitions effectuées au domicile d’B.M._ ont permis la saisie de divers objets (P. 37 ch. 1 à 10, P. 41) qui ont été transmis au Service de l'Identité judiciaire à des fins d'analyses puis versés au dossier sous fiche de pièces à conviction n° 14902/14 (P. 98).
7.
Du mois de février 2012, les faits antérieurs étant prescrits, au 11 novembre 2013, jour de son interpellation, D.V._ a régulièrement consommé de la marijuana, hormis durant une période de six mois environ entre le printemps et l'été 2013 (cf. not. PV aud. 23 R. 26).
Lors de la perquisition effectuée au domicile d’E.V._, il a été découvert un sachet minigrip contenant du cannabis, un sachet minigrip vide et un papier filtre entamé, propriété de D.V._. Ces biens ont été saisis et séquestrés sous fiche n° 14577/14 (P. 68). | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de D.V._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant conteste la prévention de tentative d’extorsion au motif qu’il n’aurait pas demandé d’argent à C._.
L’appelant relève, à juste titre, que les deux témoins D._ et I._ n’ont pas entendu les échanges verbaux qu’il a eus avec sa victime. Le premier témoin a toutefois déclaré avoir appris par la suite que le prévenu avait demandé de l’argent à C._ (dossier B : PV aud. 2 R. 11). Le second témoin a quant à lui affirmé que lorsqu’il était retourné vers C._ sur le quai de la gare, celui-ci lui avait indiqué que le prévenu avait voulu lui prendre son porte-monnaie et avait menacé de le tuer (dossier B : PV aud. 3 R. 10). Par ailleurs, selon les premières déclarations du plaignant, le prévenu lui a demandé s’il avait de l’argent sur lui (dossier B : PV aud. 1). Certes le plaignant a été moins catégorique dans son audition ultérieure, affirmant notamment que le prévenu ne lui avait pas demandé d’argent (dossier B : PV aud. 5 lignes 31 à 32). Il a également dit devant les premiers juges ne pas se souvenir si le prévenu avait évoqué de l’argent ou son porte-monnaie (jgt. p. 4). Quant aux déclarations du prévenu, elles sont dénuées de toute crédibilité lorsqu’il affirme avoir répondu à un regard agressif d’C._, de même que celles en audience de première instance lorsqu’il dit ne plus se souvenir qu’il l’a frappé (jgt. p. 22)
Dans ces circonstances, il y a lieu de s’en tenir aux premières déclarations du plaignant, que deux témoins ont au demeurant rapportées. Son récit est cohérent, notamment avec le fait qu’il a été effrayé par le comportement du prévenu. La tentative d’extorsion qualifiée est réalisée.
Au vu de ce qui précède, l’appel doit être rejeté sur ce point.
4.
L’appelant conteste le déroulement des faits s’agissant du décès d’B.M._.
4.1
Lors de sa première audition, D.V._ a nié être l’auteur de l’homicide commis au préjudice d’B.M._ (PV aud. 5). Lors de sa deuxième audition, le prévenu a admis être « coupable » et avoir « fait du mal à cette dame », précisant qu’il avait fait quelque chose « de très très très grave », mais a dit ne plus se souvenir de rien (PV aud. 6 R. 3 et 4). Il a confirmé ces propos lors de son audition d’arrestation du même jour en indiquant avoir « fait quelque chose de mal, de très très grave » (PV aud. 9 R. 2). Entendu une nouvelle fois en cours d’instruction, le prévenu a déclaré s’être énervé lorsqu’B.M._ l’a appelé « mon petit-fils », signifiant selon lui qu’elle ne l’aurait pas accueilli chez elle si elle ne l’avait pas ainsi confondu. Il aurait alors eu une montée de colère, une impulsion, n’étant plus lui-même. Il a expliqué alors avoir poussé la victime avec une main, avec force, la faisant tomber sur le canapé. Elle aurait commencé à faire du bruit, ce qui l’aurait fait paniquer. Il a dit alors avoir pris un coussin et l’avoir appuyé des deux mains sur le visage de sa victime durant deux minutes, insistant sur cette durée. Alors qu’il la maintenait étouffant au sol, il lui aurait planté un couteau dans l’œil gauche et une fourchette à fondue dans la jambe gauche entre deux et trois fois, sans pouvoir indiquer s’il maintenait à nouveau le coussin sur son visage (PV aud. 21 R. 4). Lors de sa dernière audition en cours d’enquête devant le procureur, D.V._ a confirmé ses dernières déclarations, en indiquant à nouveau avoir d’abord mis le coussin sur le visage de sa victime pour la faire taire, puis lui avoir porté les coups de couteau et de fourchette à fondue (PV aud. 23).
Aux débats de première instance (jgt. pp. 22 ss), le prévenu est revenu sur ses précédentes déclarations en indiquant avoir titubé et dans son geste être tombé sur B.M._, sans faire exprès. Elle aurait alors perdu l’équilibre, serait tombée et c’est à ce moment-là qu’elle aurait commencé à crier et à faire du bruit. Il aurait alors pris un coussin qu’il aurait maintenu sur son visage durant 30 secondes seulement dans le but qu’elle s’évanouisse. Il aurait ensuite perdu le contrôle et aurait pris tout ce qui se trouvait autour de lui pour la frapper. Il dit avoir lâché le coussin quand elle a arrêté de bouger, précisant qu’elle respirait toutefois encore. Il a contesté avoir eu l’intention de la tuer.
A l’audience d’appel, D.V._ a modifié ses déclarations faites devant les premiers juges. Il a admis s’être effectivement énervé contre sa victime qui l’avait pris pour son petit-fils et l’avoir volontairement poussée. Elle serait alors tombée sur le canapé et aurait crié. Pris de panique et sujet à un profond stress, il aurait pris un coussin et l’aurait étouffée. Il ne l’aurait pas frappée de ses poings, mais admet lui avoir donné des coups de couteau et de fourchette à fondue alors qu’il maintenait le coussin sur son visage. Il n’aurait toutefois pas eu l’intention de la tuer, mais uniquement de la faire taire.
4.2
L’état de fait du jugement entrepris ne correspond pas à un scénario par supposition élaboré par la police, comme le soutient l’appelant, mais se fonde sur les éléments de preuve recueillis sur les lieux et le constat des blessures de la victime (cf. 2.4 ci-dessus). Les déclarations du prévenu selon lesquelles il a commencé par appliquer le coussin sur sa victime et a voulu la faire taire en la frappant constituent un non-sens. Si la victime a hurlé, ce n’est pas parce qu’elle est tombée, mais bien parce qu’il l’a frappée avec une violence extrême, procédant à une véritable séance de torture avant de l’étouffer durant deux minutes.
Ainsi, il y a lieu de s’en tenir à l’état de fait retenu pour tous les motifs pertinents amplement exposés par les premiers juges auxquels il y a lieu de renvoyer.
4.3
Le Tribunal de céans est d’avis que l’intention homicide de D.V._ est manifeste. Si l’on ne peut retenir qu’il a pénétré le 11 novembre 2013 dans le domicile d’B.M._ avec l’intention de la tuer, il faut considérer qu’au cours de l’échange intervenu ce jour-là, dans un état de surexcitation, il a décidé de tuer cette personne âgée.
Le Tribunal en veut pour preuve l’acharnement de l’intéressé et les lésions spécifiques qui ont été révélées sur la victime ; D.V._ a agi avec force et détermination. Il a frappé sa victime avec une sauvagerie extrême, au visage, au front et au cou notamment, autant de zones potentiellement létales, au moyen de divers ustensiles pris dans un tiroir. Il a ainsi utilisé une fourchette à fondue, un couteau acéré et pointu et un ouvre-bocal massif en fer. Il a frappé avec une telle violence que la fourchette a fondue s’est pliée à l’équerre sous la violence des coups. Le nombre de lésions et leur aspect démontrent un acharnement hors du commun. Les coups ont pénétré dans le corps, selon les lésions constatées, et pouvaient aisément toucher des organes vitaux. La description des lésions atteste que les coups ont été violents et que ceux portés au visage, l’ont été à même le corps et non à travers un coussin. Le prévenu savait qu’une issue mortelle était possible. Il a d’ailleurs admis devant les premiers juges « aujourd’hui, je ne conteste pas avoir voulu la tuer, je suis responsable de sa mort même s’il n’y avait rien de prévu ce jour » (jgt. p. 25). Il a admis avoir maintenu le coussin sur le visage de sa victime durant deux minutes, jusqu’à ce qu’elle cesse de bouger et devait forcément être conscient que ce comportement était propre à la tuer. La victime a ainsi souffert durant plusieurs minutes, que le prévenu estime à cinq minutes, durant lesquelles il aurait pu stopper son action, appeler les secours ou partir.
Comme indiqué ci-dessus, au fil des auditions, le prévenu a laissé entrevoir qu’il savait parfaitement ce qu’il avait fait. Ainsi, il a déclaré (PV aud. 21 p. 3) : « Je dois vous dire que lorsque j’avais le couteau dans ma main droite, j’ai, pour une raison difficile à expliquer, eu un instant d’hésitation, en me disant mais qu’est-ce que je suis en train de faire ». Un peu plus loin : « Pendant mon geste, j’avais une double pensée soit, pourquoi je fais cela et, qu’est-ce que je suis en train de faire ». En partant de chez sa victime, il dit (PV aud. 21 p. 7) : « Je savais aussi que j’avais fait quelque chose de grave et de pas bien ».
L’intention homicide est également manifeste dans son comportement après les faits. Il a notamment déclaré à son père, en présence des policiers, « papa, j’ai fait justice, respectivement « je suis allé régler tes comptes au premier étage », comportement évident d’une personne qui ne regrette pas son acte, mais au contraire l’assume entièrement et le revendique. Les déclarations à O._ « j’ai fait une grosse connerie » et « est-ce que tu me prends pour un gamin. Je suis un tueur » (PV aud. 15) corroborent aussi cette volonté homicide assumée, ce d’autant que le témoin, qui a vu le prévenu juste après les faits, le dépeint comme quelqu’un qui n’avait pas de remords (R. 5 p. 6). Il a eu par ailleurs, après l’horreur qu’il avait commise, la présence d’esprit d’emporter le couteau et la fourchette à fondue utilisés pour commettre les faits, ainsi que les services utilisés chez sa victime pour se sustenter.
Selon l’expert psychiatre, le prévenu a toujours conservé sa capacité de discernement, conservant la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte (P. 69, p. 23). La description des faits montre que le prévenu a agi intentionnellement, soit avec conscience et volonté, tel que relevé par les experts.
5.
L’appelant fait valoir que c’est à tort que les premiers juges ont écarté toute influence du Cipralex
®
sur son comportement, alors que les experts n’ont pas pu exclure tous les effets liés à l’arrêt brutal de cette substance.
Il ressort du rapport du CURML du 9 mai 2014 (P. 75) que suite à un arrêt soudain du traitement par Citalopram des réactions de sevrage, tels des vertiges, céphalées, nausées, paresthésie, tremblement, anxiété, palpitations cardiaques, sudations accrues, nervosité et troubles du sommeil ont été observées chez certains patients. Ces réactions de sevrage étant de faible intensité et spontanément résolues. Il n’y a pas d’effet de manque à proprement parler lors de l’arrêt soudain du traitement. Il est certes difficile pour les experts, voire impossible, de déterminer l’influence des effets éventuellement survenus suite à l’arrêt soudain de la prise de Citalopram sur les effets conjugués du cannabis et de l’éthanol, mais ce soi-disant manque n’a pas été constaté par les médecins qui l’ont examiné juste après son interpellation, ni lors de son incarcération. Il avait en outre réduit de lui-même de moitié sa posologie qui état très faible et n’a jamais décrit à son médecin de sentiment de manque.
Ainsi, les effets d’un sevrage de Citalopram sont faibles et rien ne permet de dire que ceux-ci ont eu une influence sur les effets de sa consommation d’alcool et de drogue, ni en général, ni dans le cas particulier. Il y a en conséquence lieu, comme les premiers juges, de ne pas retenir que l’arrêt de cette médication a joué un rôle dans l’activité délictuelle du prévenu.
6.
L’appelant affirme que les éléments constitutifs de l’assassinat ne sont pas réalisés au motif notamment qu’il a été pris de panique, qu’il n’y a ni logique, ni volonté sadique de faire souffrir la victime et qu’il n’a pas agi de sang-froid.
6.1
L'assassinat (art. 112 CP) est une forme qualifiée d’homicide intentionnel qui se distingue du meurtre ordinaire (art. 111 CP) par le fait que l'auteur a tué avec une absence particulière de scrupules. Cela suppose une faute spécialement lourde et déduite exclusivement de la commission de l'acte ; les antécédents ou le comportement que l’auteur adopte immédiatement après les faits n’entrent en ligne de compte que dans la mesure où ils y sont étroitement liés et permettent de caractériser la personnalité de l’auteur (ATF 127 IV 10 c. 1a p. 14).
Pour caractériser la faute de l’assassin, l'art. 112 CP évoque le cas où les mobiles, le but ou la façon d'agir de l'auteur sont particulièrement odieux. Le
mobile
de l’auteur est particulièrement odieux lorsqu’il tue pour obtenir une rémunération ou voler sa victime ; le mobile est aussi particulièrement odieux lorsqu’il apparaît futile, l’auteur tuant pour se venger, sans motif sérieux, ou encore pour une broutille (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3
e
éd., 2010, n° 8 ad art. 112 CP). Le
but
- qui se recoupe en grande partie avec le mobile - est particulièrement odieux lorsque l’auteur élimine un témoin gênant ou une personne qui l’entrave dans la commission d’une infraction (Corboz, op. cit., n° 9 ss ad art. 112 CP). Quant à la
façon d’agir
, elle est particulièrement odieuse lorsqu’elle est barbare ou atroce ou lorsque l’auteur a exploité avec perfidie la confiance de la victime (Corboz, op. cit., n° 13 ss ad art. 112 CP).
Il ne s’agit toutefois que d’exemples, l’énumération du texte légal n’étant pas exhaustive. L’absence particulière de scrupules peut être admise lorsque d’autres éléments confèrent à l’acte une gravité spécifique (ATF 117 IV 369 c. 19b p. 393). C’est ainsi que la réflexion et la planification de l’acte peuvent constituer des éléments susceptibles de conduire à retenir une absence particulière de scrupules (Stratenwerth/Jenny/Bommer, Besonderer Teil I : Straftaten gegen Individualinteressen, 7
e
éd. 2010, § 1 n° 25). Par la froideur dans l’exécution et la maîtrise de soi, l’auteur manifeste également le plus complet mépris de la vie d’autrui (Stratenwerth/Jenny/Bommer, op. cit., § 1 n° 25 ; Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, 2
e
éd., n° 25 ad art. 112 CP).
Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'un assassinat, il faut procéder à une appréciation d'ensemble des circonstances externes (comportement, manière d'agir de l'auteur) et internes de l'acte (mobile, but, etc.). Il y a assassinat lorsqu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances qu'il a fait preuve du mépris le plus complet pour la vie d'autrui. Alors que le meurtrier agit pour des motifs plus ou moins compréhensibles, généralement dans une grave situation conflictuelle, l'assassin est une personne qui agit de sang-froid, sans scrupules, qui démontre un égoïsme primaire et odieux et qui, dans le but de poursuivre ses propres intérêts, ne tient aucun compte de la vie d'autrui. Chez l'assassin, l'égoïsme l'emporte en général sur toute autre considération. Il est souvent prêt, pour satisfaire des besoins égoïstes, à sacrifier un être humain dont il n'a pas eu à souffrir. La destruction de la vie d'autrui est toujours d'une gravité extrême. Pour retenir la qualification d'assassinat, il faut cependant que la faute de l'auteur, son caractère odieux, se distingue nettement de celle d'un meurtrier au sens de l'art. 111 CP (ATF 141 IV 61 c. 4.1, ATF 127 IV 10 c. 1a, JdT 2003 IV 202).
6.2
En l’espèce, les premiers juges ont retenu la futilité du mobile, le fait que le prévenu a agi en exploitant la confiance de la victime et sa méprise, sa façon d’agir particulièrement odieuse et finalement son comportement après les faits. Ils ont estimé que par la gratuité de son acte, par la cruauté et l’acharnement dont il avait fait preuve, ainsi que par la désinvolture qu’il a affichée, il avait manifesté le mépris le plus complet pour la vie de sa victime. Il avait ainsi agi sans scrupules, de manière odieuse et avec un égoïsme primaire, adoptant un comportement typique de l’assassin (jgt., pp. 77 à 80).
La motivation pertinente et complète des premiers juges doit être entièrement reprise. On se contentera ainsi de rappeler les éléments suivants :
L’appelant s’en est pris à une personne âgée, diminuée dans sa santé, vulnérable et faible, qui l’avait accueilli chez elle avec gentillesse et bonté. L’élément déclencheur de sa déferlante de violence a été le fait que sa victime s’est méprise et l’a considéré comme son petit-fils, le mettant hors de lui à l’idée qu’elle l’aurait rejeté si elle ne l’avait pas ainsi confondu. Il s’agit d’un mobile parfaitement futile et inconsistant et rend le sacrifice de la vie humaine hautement choquant (cf. TF 6S_357/2004 du 20 octobre 2004 c. 2.2 et 6B_532/2012 du 8 avril 2013 c. 3). Au demeurant, s’il voulait simplement la faire taire comme il l’affirme, le mobile n’en serait pas moins futile.
Le prévenu s’est acharné sur sa victime de manière odieuse et cruelle. Il l’a frappée à de multiples reprises et l’a torturée en lui infligeant notamment des coups de couteau dans l’œil, de fourchette et d’ouvre-bocal sur tout le corps. Il s’est ainsi acharné sur elle durant de nombreuses minutes et a fini par l’étrangler et l’étouffer avec un coussin. Il n’a laissé aucune chance à sa victime qui était vieille, souffrante de polyarthrite et qui pesait moins de la moitié de son poids – elle pesait 54 kg, tandis qu’il en pesait entre 105 et 110 kg (P. 63 p. 14 lettre E pt 1 et PV aud. 5 R. 4). Les photographies au dossier du corps de la victime dans son appartement saccagé sont insoutenables.
Enfin, son comportement après l’acte démontre un sang-froid important. Il a, selon ses dires, calmé le chien ; il a pensé à emporter la fourchette à fondue et le couteau utilisés pour torturer sa victime, ainsi que les services qu’il avait employés pour manger. Il a ensuite été fumer une cigarette et a persisté à importuner les autres locataires. Lorsque la police est intervenue, elle l’a appréhendé en raison du désordre qu’il créait dans l’immeuble et non en raison de l’homicide. Il s’est vanté de son acte en disant à O._ (PV aud. 15) qu’il était un tueur et s’est présenté comme un justicier, disant à son père qu’il avait vengé l’« affront » que ce dernier avait subi. Rien dans son comportement ne laissait supposer qu’il venait de s’en prendre de manière sauvage à une personne sans défense. Le prévenu a fait preuve de sang-froid et n’a en rien adopté le comportement de quelqu’un de stressé, paniqué et dépassé par les évènements, contrairement à ce qu’il soutient (PV aud. 21 R. 4, PV aud. d’appel p. 3).
En définitive, l’appelant a agi avec cruauté et acharnement, pour un mobile si futile qu’il pourrait être qualifié d’inexistant. En outre, son comportement après l’acte confirme sa froideur et son mépris total pour la vie d’autrui. Il doit ainsi être condamné pour assassinat.
7.
L’appelant ne conteste pas sa condamnation pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, injure et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants qu’il y a lieu de confirmer.
8.
L’appelant conclut à une réduction de la peine de 18 ans prononcée à son encontre. Le Ministère public requiert quant à lui une peine privative de liberté à vie.
8.1
Le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur (art. 47 CP). La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 136 IV 55 c. 5 pp. 57 ss ; ATF 134 IV 17 c. 2.1 pp. 19 s. ; ATF 129 IV 6 c. 6.1 pp. 20 s.).
Si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur encourt plusieurs peines privatives de liberté, le juge le condamnera à la peine de l’infraction la plus grave et en augmentera la durée d’après les circonstances (principe de l’aggravation). Il ne peut cependant excéder de plus de la moitié le maximum prévu pour cette infraction ; en outre, il est lié par le maximum légal du genre de la peine (art. 49 al. 1 CP).
Le juge qui reconnaît un prévenu coupable d’assassinat peut le condamner soit à une peine privative de liberté de durée déterminée de 10 ans au moins mais de 20 ans au plus (art. 40 1
e
phrase CP) soit à la peine privative de liberté à vie (art. 112 CP). Quand il décide de franchir le seuil de 20 ans, le juge doit indiquer pour quel motif une peine de durée déterminée, même de 20 ans, ne lui paraît pas suffisante. La peine privative de liberté à vie est la sanction la plus lourde du code pénale (art. 40 CP). Elle constitue le plafond du cadre légal des infractions qui la prévoient, l’assassinat notamment (art. 112 CP). Pour cette raison déjà, une motivation particulièrement complète et précise doit être exigée (cf. ATF 127 IV 101 c. 2c). Il convient, par ailleurs, de rappeler, dans ce contexte, que les circonstances aggravantes ou atténuantes justifiant l’extension du cadre légal vers le haut ou vers le bas (état de fait qualifié ou privilégié) ne peuvent justifier de nouveau, dans le cadre légal étendu, l’aggravation ou l’allègement de la sanction. La motivation doit ainsi mettre en évidence la mesure particulière dans laquelle ces circonstances sont réalisées dans le cas concret et en quoi elles influencent la quotité de la sanction (ATF 120 IV 67 c. 2b ; ATF 118 IV 342 c. 2b ; en matière d’assassinat voir aussi arrêt 6P _47/2007 du 20 juin 2007 c. 10).
Selon la jurisprudence, en cas de concours entre plusieurs infractions, dont
une seule
est passible d’une peine privative de liberté à vie, le prononcé d’une condamnation à vie ne peut pas se fonder sur le seul principe de l’aggravation de l’art. 49 al. 1 CP. En effet, une telle augmentation de la peine frapperait plus durement l’auteur que si plusieurs peines de durée déterminée étaient cumulées ; le prononcé à vie ne sera possible que si l’une des infractions en cause justifie en soi une telle sanction (ATF 132 IV 102 c. 9.1 pp. 105 s.).
8.2
Selon l’art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d’agir, l’auteur ne possédait que partiellement la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après cette appréciation. Les principes qui président à la fixation de la peine en cas de diminution de la responsabilité ont été développés à l’arrêt publié aux ATF 136 IV 55. Selon cette jurisprudence, une diminution de la responsabilité au sens de l’art. 19 CP ne constitue qu’un critère parmi d’autres pour déterminer la faute liée à l’acte, et non plus un facteur qui interfère directement sur la peine. La réduction de la peine n’est que la conséquence de la faute plus légère. En bref, le juge doit procéder comme suit en cas de diminution de la responsabilité pénale : dans un premier temps, il doit décider, sur la base des constatations de fait de l’expertise, dans quelle mesure la responsabilité pénale de l’auteur doit être restreinte sur le plan juridique et comment cette diminution de la responsabilité se répercute sur l’appréciation de la faute. La faute globale doit être qualifiée et désignée expressément dans le jugement (art. 50 CP). Dans un second temps, il convient de déterminer la peine hypothétique, qui correspond à la faute. La peine ainsi fixée peut enfin être modifiée en raison de facteurs liés à l’auteur (Täterkomponente) ainsi qu’en raison d’une éventuelle tentative selon l’art. 22 al. 1 CP (TF 6B_356/2012 du 1
er
octobre 2012 c. 3.2 ; TF 6B_1092/2009 du 22 juin 2010 c. 2.2.2). Le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’il détermine l’effet de la diminution de la responsabilité sur la faute (subjective) au vu de l’ensemble des circonstances.
Selon la jurisprudence, une concentration d’alcool de 2 à 3 g/kg entraîne une présomption de diminution de responsabilité, alors qu’une concentration supérieure à 3 g/kg pose la présomption d’une irresponsabilité totale (ATF 122 IV 49 c. 1b ; ATF 119 IV 120 c. 2b ; cf. TF 6S_17/2002 du 7 mai 2002, publié in
JdT 2003 I 561 c. 1c/aa). Il ne s’agit là toutefois que de présomptions qui peuvent être renversées dans un cas donné en raison d’indices contraires. A lui seul, le taux d'alcoolémie n'est en effet pas déterminant. Il faut que des indices concrets viennent attester d'une altération des facultés consécutive à l'absorption d'alcool, suffisante à faire douter de la pleine responsabilité de l'auteur au moment de l'acte. Ce qui en définitive importe c'est l'état dans lequel se trouvait l'auteur au moment d'agir, non pas la cause de cet état, soit la consommation d'alcool, telle qu'exprimée par le taux d'alcoolémie (ATF 122 IV 49 c. 1b ; TF 6S_17/2002 précité c. 1c/aa).
8.3
En l’espèce, l’appelant s’est rendu coupable d’assassinat, de tentative d’extorsion, de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, d’injure et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants. A charge, il convient donc de retenir le concours d’infractions. Il s’agit également de tenir compte du fait que l’assassinat d’B.M._ perpétré le 11 novembre 2013, l’a été alors même que le prévenu était sous le coup d’une enquête pour extorsion qualifiée à l’encontre d’C._, se rendant ainsi coupable de récidive en cours d’enquête.
Pour des motifs futiles, il a terrorisé C._. En tuant B.M._, il s’en est pris au bien juridique le plus important, à savoir la vie. Sans aucun mobile et gratuitement, il a agressé une personne très âgée qui l’avait accueilli chez elle et lui avait offert un repas. Il s’est servi d’elle comme défouloir et exutoire en la mutilant. Il l’a fait atrocement souffrir, atteignant un degré de cruauté dépassant l’entendement, ses actes s’apparentant à de la torture. Sa manière d’agir dénote une volonté criminelle d’une rare intensité. Son comportement après les faits confirme son caractère égoïste, froid, détaché et odieux. Après avoir assassiné B.M._, il a en effet continué à rechercher L.O_ et sa fille et a résisté aux agents venus l’interpeller en raison de son comportement agressif dans l’immeuble.
Ainsi, le prévenu s’en est pris gratuitement et de plus en plus violemment au cours des années aux personnes qui ont eu le malheur de croiser sa route : il a non seulement des antécédents en matière de violence, mais, comme indiqué, il a aussi récidivé en cours d’enquête. Son parcours judiciaire traduit une motivation criminelle hors du commun. Cette appréciation se fonde sur les seules condamnations dont il a été l’objet et non, comme le soutient l’appelant, sur le rapport de synthèse établit par l’inspecteur [...] (P. 89). Ce dernier ne relate que les évènements de police où il a été impliqué de 2005 à 2013 et atteste des problèmes alcooliques et comportementaux de l’appelant.
Sa reconnaissance des faits est partielle, il minimise ses actes, rejette la faute sur autrui et il n’a jamais donné l’impression d’avoir compris les monstruosités commises ou ressenti de la compassion pour ses victimes ou leurs proches. Enfin, sa collaboration n’a pas été bonne.
A décharge, il y a lieu de tenir compte de son adhésion aux conclusions civiles et de son comportement correct en détention, même si c’est le moins que l’on puisse attendre d’un détenu. La Cour de céans tiendra également compte des difficultés personnelles auxquelles il a dû faire face dans son parcours de vie.
L’expert psychiatrique fait état d’un trouble de la personnalité dyssociale caractérisé par une absence de capacité d’introspection, de remords, d’anxiété et au niveau personnel un mode de mépris, de transgression de la loi, un mépris des obligations sociales et une indifférence froide envers autrui. Toutefois, sous réserve de son alcoolisation au moment des faits, ce trouble de la personnalité n’a aucune influence sur sa responsabilité pénale.
8.4
Au moment des faits, l’appelant avait bu. L’éthylotest pratiqué à 22 h 48 indique une alcoolémie de 1.59 ‰ (cf. P. 29). Toutefois, la prise de sang qui n’a été effectuée qu’à 11 h 30 le jour suivant a mis en évidence un écart important lors du calcul rétrospectif allant de 1.5 à 3.0 g/kg. Les premiers juges ont tenu compte d’une intoxication sévère, soit du taux le plus favorable de 3 g/kg, tout en suivant l’avis de l’expert [...], selon lequel, au vu de la capacité du prévenu à supporter une grande consommation et son comportement après les faits notamment, la responsabilité pénale du prévenu était diminuée de manière moyenne.
Le Procureur fait valoir que plusieurs habitants de l’immeuble ont évoqué un prévenu en possession de ses moyens, au comportement pas forcément incohérent. A minuit trente, le médecin a attesté qu’il ne présentait pas d’amnésie, que sa coordination était normale et sa démarche sûre, son incapacité légère. Toutefois, ce rapport médical est difficile à interpréter dès lors qu’il fait état d’odeur d’alcool, d’absences d’amnésie, de pupilles normales et dilatées, de réaction des pupilles à la lumière retardée, de conjonctives brillantes, d’une expression verbale imprécise et d’une attitude calme notamment. (P. 28 p. 2). Les plaignants W._ et J._ ont déclaré qu’il était alcoolisé, mais qu’il tenait encore debout (jgt. pp. 19 et 20). En outre, depuis de nombreuses années, l’appelant avait une consommation massive d’alcool, dont on peut déduire qu’il était plus accoutumé à cette substance que d’autres et que les signes de son alcoolisation sont moins perceptibles. Il n’est ainsi pas décrit comme titubant ou en état d’ébriété avancée bien que son comportement et son attitude évoque un individu étrange sous l’influence de l’alcool. Enfin, l’alcool joue, comme le révèle l’expert qui a tenu compte des déclarations des résidents, un rôle excito-moteur libérant l’impulsivité de l’appelant à sa puissance maximum (expertise P. 69 p. 21, complément d’expertise P. 80 p. 2).
On ne saurait suivre le Ministère public en retenant une alcoolisation de 1.5 g/kg et s’écarter de la règle générale selon laquelle il faut tenir compte, dans le doute, de l’élément le plus favorable à l’accusé. Il faut donc comme les premiers juges, retenir que le prévenu se trouvait sous l’effet d’une intoxication sévère avec un taux d’alcool située à 3 g/kg en vertu du principe
in dubio pro reo.
8.5
L’expert a considéré que sa fragilité psychique, qui ne lui permet pas un contrôle efficace des émotions et des impulsions, associées à une alcoolémie entre 1.5 et 3 g/kg, qui altère les fonctions cognitives, notamment l’attention, la flexibilité mentale, la planification, l’organisation et la capacité à moduler le comportement en fonction d’un évènement, font que la faculté de se déterminer de l’expertisé était diminuée de légère à moyenne, selon le taux d’alcoolémie retenu (P. 69 p. 21). Les premiers juges ont suivi ce raisonnement.
En réalité, le comportement du prévenu après les faits indique qu’il était en possession de ses moyens : il avait une démarche sûre, il tenait encore debout, sa coordination était normale et il n’était pas amnésique. Ce comportement tend à indiquer que les facultés du prévenu n’étaient pas altérées. Cela peut s’expliquer, malgré un taux d’alcoolémie élevé de 3 g/kg, par l’accoutumance du prévenu à cette substance. Ainsi, on tiendra compte d’une diminution moyenne de la responsabilité du prévenu malgré ce taux élevé d’alcool.
8.6
Le prévenu soutient que ce qui s’est passé est consécutif au manque de Citalopram, conjugué à sa consommation d’alcool et d’un joint de cannabis.
Sur cette question, le raisonnement des premiers juges peut être entièrement suivi. Aucune trace de Citalopram n’a été décelée dans le sang de D.V._, il n’a jamais décrit les symptômes de manque dont il dit avoir souffert ni aux différents intervenants de justice, ni à son médecin traitant le Dr [...] (jgt. p. 12), cet état de manque n’a pas non plus été constaté par les médecins qui l’ont examiné juste après son interpellation (P. 28) ou à l’occasion de son incarcération (P. 69 p. 13). Un état de manque à la suite d’un sevrage de Cipralex
®
n’a jamais été constaté par ce praticien, ni n’a été constaté dans la littérature médicale ; le rapport médical concernant cette question (P. 75) est clair et constate l’absence d’effet de manque consécutif à un arrêt soudain de traitement, sans que l’extrait du Compendium Suisse des médicaments produit par la défense ne puisse remettre fondamentalement en question ce point. Enfin, selon l’expert psychiatre (P. 69 p. 20) l’intensité de ces symptômes de sevrage, quand bien même ils ont pu exister, devrait être très diminuée au bout d’une semaine – le prévenu aurait stoppé brusquement la prise de ce médicament quelques jours avant les faits après une consommation de six mois – et n’altèrerait pas la capacité de discernement au moment des faits
Au vu de ce qui précède, rien ne permet de retenir une influence de l’arrêt de Cipralex
®
, conjugué à une consommation d’alcool et de cannabis, sur sa responsabilité.
8.7
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la faute extrêmement grave de l’appelant doit être sanctionnée d’une très longue peine privative de liberté. Au vu des antécédents, du concours d’infraction, du mobile et des circonstances de l’assassinat d’B.M._, la détention à vie serait envisageable. Toutefois, il y a lieu de tenir compte de la diminution moyenne de sa responsabilité et des quelques autres éléments à décharge, secondaires, qui conduisent à confirmer la peine de
dix-huit ans prononcée par les premiers juges.
9.
L’appelant conteste l’internement.
9.1
Selon l'art. 56 al. 1 CP, une mesure doit être ordonnée si une peine seule ne peut écarter le danger que l'auteur commette d'autres infractions (let. a), si l'auteur a besoin d'un traitement ou que la sécurité publique l'exige (let. b) et si les conditions prévues aux art. 59 à 61, 63 ou 64 sont remplies (let. c). La mesure prononcée doit respecter le principe de la proportionnalité, c'est-à-dire que l'atteinte aux droits de la personnalité qui en résulte pour l'auteur ne doit pas être disproportionnée au regard de la vraisemblance qu'il commette de nouvelles infractions et de leur gravité (art. 56 al. 2 CP).
L'internement fondé sur l'art. 64 CP suppose que l'auteur ait commis l'une des infractions énumérées à l'al. 1 de cette disposition, à savoir un assassinat, un meurtre, une lésion corporelle grave, un viol, un brigandage, une prise d'otage, un incendie, une mise en danger de la vie d'autrui, ou une autre infraction passible d'une peine privative de liberté de cinq ans au moins et qu'il ait par là porté ou voulu porter gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui. Cette condition d'atteinte grave portée ou voulue à l'encontre de la victime vaut autant pour les infractions citées dans le catalogue que celles visées par la clause générale de l'art. 64 al. 1 CP (cf. TF 6B_313/2010 du 1
er
octobre 2010 c. 3.2.1).
Il faut en outre que l'une des conditions alternatives posées à l'art. 64 al. 1 CP soit réalisée, à savoir que, en raison des caractéristiques de la personnalité de l'auteur, des circonstances dans lesquelles il a commis l'infraction et de son vécu, il soit sérieusement à craindre qu'il ne commette d'autres infractions du même genre (let. a) ou que, en raison d'un grave trouble mental chronique ou récurrent en relation avec l'infraction, il soit sérieusement à craindre que l'auteur ne commette d'autres infractions du même genre et que la mesure prévue à l'art. 59 CP – à savoir une mesure thérapeutique institutionnelle – apparaisse vouée à l'échec (let. b).
Par rapport aux autres mesures, l'internement n'intervient qu'en cas de danger « qualifié ». Il suppose un risque de récidive hautement vraisemblable. Pratiquement, le juge devra admettre un tel risque s'il ne peut guère s'imaginer que l'auteur ne commette pas de nouvelles infractions du même genre. Une supposition, une vague probabilité, une possibilité de récidive ou un danger latent ne suffisent pas (ATF 137 IV 59 c. 6.3). Le risque de récidive doit concerner des infractions du même genre que celles qui exposent le condamné à l'internement. En d'autres termes, le juge devra tenir compte dans l'émission de son pronostic uniquement du risque de commission d'infractions graves contre l'intégrité psychique, physique ou sexuelle (ATF 137 IV 59 c. 6.3; ATF 135 IV 49 c. 1.1.2).
En présence d'un trouble psychiatrique, l'internement fondé sur
l'art. 64 al. 1 let. b CP constitue, conformément au principe de proportionnalité, une mesure subsidiaire par rapport à une mesure institutionnelle au sens de l'art. 59 CP. En tant qu'ultima ratio, en raison de la gravité de l'atteinte à la liberté personnelle qu'il représente (ATF 134 IV 121 c. 3.4.4), l'internement n'entre pas en considération tant que la mesure institutionnelle apparaît utile. Il s'ensuit que, pour les auteurs dangereux souffrant d'un grave trouble mental, il y a lieu d'examiner au préalable si une mesure institutionnelle au sens de l'art. 59 CP, exécutée au besoin dans le cadre offrant une sécurité accrue prévu par l'art. 59 al. 3 CP, apparaît susceptible de les détourner de commettre de nouvelles infractions en rapport avec le trouble. Ce n'est ainsi que lorsqu'une mesure institutionnelle apparaît dénuée de chances de succès que l'internement peut être prononcé, s'il est nécessaire. Cette démarche doit permettre d'éviter qu'un auteur soit déclaré a priori « incurable » et interné dans un établissement d'exécution des peines (ATF 134 IV 315 c. 3.2 et 3.3; ATF 134 IV 121, précité, c. 3.4.2).
Le prononcé d'une mesure thérapeutique institutionnelle selon
l'art. 59 CP suppose un grave trouble mental au moment de l'infraction, lequel doit encore exister lors du jugement. Outre l'exigence d'un grave trouble mental, le prononcé d'un traitement institutionnel selon l'art. 59 al. 1 CP suppose que l'auteur ait commis un crime ou un délit en relation avec ce trouble (let. a) et qu'il soit à prévoir que cette mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce dernier (let. b). Il doit être suffisamment vraisemblable que le traitement entraînera, dans les cinq ans de sa durée normale, une réduction nette du risque que l'intéressé commette de nouvelles infractions. La seule possibilité vague d'une diminution du danger ne suffit pas (ATF 134 IV 315 c. 3.4.1; TF, 6B_77/2012 du 18 juin 2012; TF 6B_784/2010 du 2 décembre 2010 c. 2.1).
Pour ordonner une des mesures prévues aux art. 59 à 61, 63 et 64 CP, le juge doit se fonder sur une expertise. Celle-ci doit se déterminer sur la nécessité et les chances de succès d'un traitement, la vraisemblance que l'auteur commette d'autres infractions et la nature de celles-ci, et sur les possibilités de faire exécuter la mesure (art. 56 al. 3 CP). Selon la jurisprudence, le juge apprécie en principe librement une expertise et n'est pas lié par les conclusions de l'expert. Toutefois, il ne peut s'en écarter que lorsque des circonstances ou des indices importants et bien établis en ébranlent sérieusement la crédibilité ; il est alors tenu de motiver sa décision de ne pas suivre le rapport d'expertise (ATF 133 II 384 c. 4.2.3; ATF 129 I 49 c. 4; ATF 128 I 81 c. 2).
9.2
Se fondant sur l’avis d’un expert dont la presse s’est fait l’écho dans le cadre de l’affaire [...], l’appelant soutient qu’on ne saurait affirmer qu’il est atteint d’un trouble incurable et qu’il y a ainsi lieu de s’écarter de la conclusion de l’expertise selon laquelle le trouble de la personnalité dyssociale sont il souffre ne serait pas guérissable et qu’un traitement psychothérapeutique serait vain. Or, en l’espèce, ne se pose pas la question d’un internement à vie au sens de l’art. 64 al. 1 bis let. c CP, soit de savoir si l’appelant serait vraiment inaccessible à un traitement sa vie durant, mais uniquement la question de l’internement.
Les contradictions soulevées par le prévenu entre le premier rapport de l’expert, son complément et les déclarations de celui-ci à l’audience de première instance quant à la question de l’internement n’en sont pas. Dès la première expertise, qui se base non pas uniquement sur les déclarations de la mère de l’expertisé, mais également sur les autres pièces principales du dossier, notamment les jugements précédents, l’expert conclut qu’il n’existe pas de traitement avéré pour le trouble de la personnalité présenté par le prévenu (P. 69 p. 28). Le risque de récidive est important (pt 7.1) et l’association du trouble de la personnalité dyssociale et la consommation d’alcool peuvent faire craindre que le prévenu commette d’autres infractions telles que spécifiées dans l’art. 64 al. 1 let. a CP (pt. 7.2). Ainsi, l’expertise et ses compléments sont cohérents et complets. Il n’y a donc pas lieu de s’en écarter.
Les premiers juges ont reproduit en pp. 89 à 91 les conclusions de l’expert. En particulier, le trouble de la personnalité dyssociale dont souffre l’appelant résulte de perturbations importantes dans le fonctionnement personnel et interpersonnel, caractérisé par une absence de capacité d’introspection, de remords, d’anxiété et, au niveau personnel, un mode de mépris, de transgression de la loi, un mépris des obligations sociales et une indifférence froide envers autrui. Sa fragilité psychique ne permet pas un contrôle efficace des émotions et des impulsions. Le risque de récidive d’un acte violent et illicite est important. En outre, sa consommation massive d’alcool facilite le passage à l’acte violent bien que le trouble de la personnalité dyssociale soit la cause première de sa dangerosité. En cas de succès, le traitement de la dépendance aux substances nocives, en particulier de l’alcool, est susceptible de réduire le risque de récidive. Toutefois, le trouble de la personnalité dyssociale étant le problème principal, même dans un contexte d’abstinence à l’alcool ou d’autres substances toxiques, un risque de passage à l’acte grave entrant dans le cadre de l’art. 64 CP existe et doit être qualifié de degré moyen. En outre, l’expert a exposé que l’appelant n’est pas conscient de ses troubles et ne s’est jamais remis en question s’agissant de son trouble de la personnalité, ce que le prévenu a une nouvelle fois démontré lors de l’audience d’appel. L’expert retient aussi que l’appelant n’est pas accessible au traitement et qu’il est en l’état impossible de traiter ce trouble. Pour l’expert, il reste dangereux dans ses comportements et excès de violence et l’expert ne voit aucune mesure qui puisse prévenir efficacement dans ces conditions le risque de dangerosité.
En bref, les infractions sont liées au grave trouble mental récurrent dont est atteint l’appelant. Il présente un risque de récidive s’agissant de l’assassinat et sa dangerosité est majeure, même si un traitement sur l’abstinence permettrait d’améliorer le pronostic. Seul un internement est envisageable dès lors qu’il n’y a aucun espoir que l’appelant, qui est dans le déni et se présente comme une victime, ne puisse dans les cinq ans changer son mode de fonctionnement pour réduire le risque de récidive. Il n’est, en l’état, pas accessible à un traitement. Eu égard au pronostic qui est très sombre et aux actes déjà commis, il y a lieu de faire primer la sécurité publique et de prononcer une mesure d’internement au sens de l’art. 64 al. 1 let. b CP, même si la peine privative de liberté est longue.
10.
En définitive, l’appel de D.V._ doit être rejeté, l’appel joint du Ministère public également et le jugement de première instance entièrement confirmé.
Les dispositifs de première instance et d’appel contiennent une erreur dès lors qu’ils retiennent la tentative d’extorsion et non la tentative d’extorsion qualifiée. Cette inadvertance apparue après la lecture publique du dispositif ne sera pas rectifiée d’office afin de ne pas enfreindre l’interdiction de la
reformatio in pejus
.
11.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d'appel seront mis à la charge du prévenu, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). Ces frais comprennent l'émolument de jugement (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), l'indemnité allouée à son défenseur d'office et au conseil d'office du plaignant A.M._ (art. 135 al. 2 CPP; art. 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFIP).
Me Jaillet indique avoir consacré 23 heures 50 à la défense des intérêts de D.V._, hors temps d'audience d’appel, auquel il ajoute un montant de 631 fr. à titre de dépens, TVA non comprise. Le nombre d’heure invoqué est adéquat. Il conviendra d’y ajouter 3 heures pour l’audience d’appel et la lecture du jugement. Les débours seront légèrement réduits à 480 fr., trois visites en prison devant être considérées comme amplement suffisantes. Ainsi, son indemnité d’office sera fixée à 5'491 fr., TVA de 439 fr. 30 en sus, soit un total de 5'930 fr. 30.
Me Gillard n’a pas produit de liste des opérations et s’en est remis à justice quant à la fixation de son indemnité de conseil d’office. Une indemnité de 2'268 fr., TVA comprise, représentant 10 heures à 180 fr. pour la défense des intérêts de A.M._, ainsi qu’une vacation à 120 fr., paraît adéquate.
D.V._ ne sera tenu de rembourser à l'Etat le montant des indemnités allouées à son défenseur d'office et au conseil d'office du plaignant que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
92cc6a55-8f92-4732-aea5-7fecdd617b31 | En fait :
A.
Par jugement du 14 septembre 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a notamment libéré T._ des chefs d'accusation de vol qualifié et de brigandage qualifié (I), a constaté qu'il s'était rendu coupable de voies de fait, de vol, de brigandage, d'injure, de menaces, de contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants et d'infraction à la Loi fédérale sur les armes (II), l'a condamné à une peine privative de 20 (vingt) mois, sous déduction de 217 (deux cent dix-sept) jours de détention avant jugement, à une peine pécuniaire de 10 (dix) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr. (dix francs) et à une amende de 500 fr. (cinq cents francs) et a dit qu'à défaut de paiement fautif de l'amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 5 (cinq) jours (III), a suspendu partiellement l'exécution de la peine privative de liberté fixée au chiffre III, en ce sens que la part suspendue est fixée à 12 (douze) mois et a fixé au condamné un délai d'épreuve de 5 (cinq) ans (IV) et a renoncé à révoquer les sursis octroyés les 18 mai et 21 juillet 2011 (V).
B.
Le 15 septembre 2011, le Ministère public a annoncé faire appel de ce jugement et a requis le maintien en détention de T._ à titre de sûreté.
Le 20 septembre 2011, le Président de la Cour de céans a admis la requête déposée par le Ministère public tendant au maintien en détention de T._. Le 2 novembre 2011, le même Président a encore rejeté une demande de mise en liberté déposée par le prévenu.
Par déclaration d'appel du 26 septembre 2011, le Ministère public a conclu à la suppression du chiffre I du dispositif du jugement de première instance, à ce que l'intimé soit reconnu coupable de vols et de brigandages qualifiés et non pas seulement de vol et de brigandage, qu'il soit condamné à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction de la détention avant jugement, avec sursis pendant 5 ans sur une part de 15 mois de la peine prononcée, et que les sursis octroyés les 5 septembre 2008 et 11 mars 2009 soient révoqués.
Le 11 octobre 2011, le prévenu a conclu au rejet de l'appel.
Le 16 octobre 2011, le plaignant X._ a demandé qu'il ne soit pas entré en matière sur l'appel.
Le 3 novembre 2011, le Président de la Cour de céans a écarté la demande non motivée de non-entrée en matière et a ordonné l'entrée en matière sur l'appel.
Par courriers du 16 novembre, respectivement du 18 novembre 2011, les plaignants X._ et M._ ont été dispensés de comparaître à l'audience.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
T._ est né le 2 septembre 1991 au Cameroun, pays dont il est ressortissant. Aîné d'une fratrie de trois, il n'a jamais connu son père. Sa mère a quitté le Cameroun pour la Suisse, alors qu'il était âgé de 2 ans. Il a alors été élevé par son oncle jusqu'à l'âge de 7 ans. Il a ensuite rejoint sa mère à Chavannes-près-Renens, puis à Lausanne où il a effectué sa scolarité obligatoire. Il a obtenu son certificat de fin de scolarité après être retourné une année au Cameroun chez sa tante, lorsqu'il était scolarisé en 7
ème
année. Par la suite, il a effectué divers stages et avait même entrepris un apprentissage comme monteur en électricité auprès de la Romande Energie. Il a interrompu cette formation après une année et demi, en raison de problèmes personnels. Il a alors travaillé comme manœuvre auprès de l'entreprise Novagest. Il a également travaillé auprès de Renovit SA. Célibataire, T._ est père de deux filles, nées de deux relations différentes, respectivement en 2006 et 2011.
T._ a fait l'objet des condamnations suivantes:
- 19.02.2008: Tribunal des mineurs à Lausanne, lésions corporelles simples, abus de confiance, appropriation illégitime, vol, vol (complicité de tentative), vol en bande, tentative de vol en bande, infractions d'importance mineure (vol), escroquerie, extorsion et chantage, recel, faux dans les certificats, contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, privation de liberté DPMin 3 mois, sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 1 an;
- 05.09.2008: Juge d'instruction de Lausanne, brigandage (complicité), extorsion et chantage (complicité), concours, peine privative de liberté de 6 mois, sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 3 ans, amende 500 francs;
- 12.01.2009: Juge d'instruction de Lausanne, contravention à la Loi fédérale sur les armes, aucune peine additionnelle, peine partiellement complémentaire au jugement du 5.09.2008;
- 11.03.2009: Tribunal correctionnel Lausanne, vol, escroquerie, faux dans les titres, infractions d'importance mineure (vol), contravention à la Loi fédérale sur le transport public, peine privative de liberté de 10 mois, sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 4 ans, amende 100 fr., peine partiellement complémentaire au jugement du 19.02.2008;
- 27.07.2009: Juge d'instruction de Lausanne, abus de confiance, utilisation frauduleuse d'un ordinateur, concours, peine privative de liberté de 20 jours, peine partiellement complémentaire aux jugements du 5.09.2008 et du 11.03.2009.
La Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal a admis deux demandes de révision déposées par T._. Le 18 mai 2011, le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Lausanne en date du 11 mars 2009 a été modifié en ce sens que T._ a été condamné à une peine privative de deux mois, peine partiellement complémentaire à celle prononcée contre lui le 19 février 2008 par le Tribunal des mineurs. L'exécution de la peine a été suspendue et un délai d'épreuve d'un an a été fixé à l'intimé. Le 21 juillet 2011, l'ordonnance de condamnation rendue par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne le 5 septembre 2008 a été modifiée en ce sens que T._ a été condamné à une peine privative de liberté de 45 jours avec sursis d'un an. Dans la même décision, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal a entièrement maintenu le dispositif des ordonnances de condamnation prononcées par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, respectivement les 12 janvier et 27 juillet 2009.
Pour les besoins de la présente cause, T._ est détenu préventivement depuis le 9 février 2011.
2.
Les faits retenus par les premiers juges sont les suivants: à Lausanne, au parc Montbenon, le 18 juillet 2009, vers 20h00 T._ s'est emparé du téléphone portable de N._ et a refusé de le lui rendre. Au même endroit, un peu plus tard, soit entre 21h00 et 21h30, le prévenu, accompagné de son groupe d'ami, a dérobé le téléphone portable qui se trouvait dans la poche de la veste de F._ et a ensuite refusé de lui le rendre.
A Lausanne, le 4 février 2011, dans le métro M2 puis à la route d'Oron, T._ a exigé de X._ qu'il lui remette son téléphone portable en le menaçant avec un couteau papillon, dont le mécanisme d'ouverture peut s'actionner d'une seule main. Par la suite, X._ et M._ ont suivi le prévenu à la sortie de la station "La Sallaz". M._ a téléphoné à l'un de ses amis, lequel a voulu discuter avec le prévenu et X._. Après lui avoir parlé, ce dernier a passé l'appareil au prévenu, qui a quitté les lieux avec ce second téléphone.
Au surplus, il est aussi reproché à T._ d'avoir consommé régulièrement de la marijuana du 21 juillet 2009 au 28 août 2009 à tout le moins, d'avoir été, le 9 décembre 2009, en possession d'un coup-de-poing américain, d'avoir le 25 octobre 2009 donné un coup de poing au visage de W._ et de lui avoir pris son sac et d'avoir, le 1
er
mars 2010, menacé et injurié quatre contrôleurs des transports publics lausannois alors qu'il faisait l'objet d'un contrôle de son titre de transport ainsi que d'avoir bousculé la contrôleuse et empoigné l'un des contrôleurs par le col. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 381 al. 1 CPP) et contre un jugement d'un tribunal ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
En premier lieu, le Ministère public, se fondant sur l'aggravation obtenue aux débats de première instance (cf. jgt., p. 13), soutient que T._ aurait dû être condamné pour brigandage qualifié, subsidiairement pour brigandage, plus subsidiairement pour vol qualifié pour avoir dérobé le téléphone portable de F._, et non pas seulement pour vol simple. Aux débats d'appel, il a renoncé à soutenir le brigandage qualifié.
3.1
Aux termes de l'art. 140 ch. 1 CP, celui qui aura commis un vol en usant de violence à l’égard d’une personne, en la menaçant d’un danger imminent pour la vie ou l’intégrité corporelle ou en la mettant hors d’état de résister sera puni d’une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins.
La doctrine précise les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de cette infraction: d'un point de vue objectif, l'infraction doit porter, à l'instar du vol, sur une chose mobilière appartenant à autrui. Il doit en outre y avoir soustraction de cette chose sans le consentement de celui qui l'avait précédemment. L'auteur doit s'emparer de la chose qu'il vient de prendre - ou la conserver - par l'emploi d'un moyen de contrainte, en usant de violence, c'est-à-dire par toute action physique immédiate sur le corps de la personne qui doit défendre la possession de la chose. Au lieu de la violence, l'auteur peut employer la menace d'un danger imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle, à l'exclusion d'autres biens juridiquement protégés, sans qu'il ne soit nécessaire que la victime ait été mise dans l'incapacité de se défendre. La menace doit cependant être sérieuse, même si la victime ne l'a pas crue. Elle peut intervenir par actes concluants, par exemple en exhibant une arme. D'un point de vue subjectif, l'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction, y compris ceux du vol. En outre, l'auteur doit avoir le dessein de s'approprier la chose en vue de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (cf. Corboz, Les principales infractions, vol. I, Berne 2010, n.1 à 12 ad art. 140 CP, pp. 260 ss, ainsi que la doctrine et la jurisprudence citées).
3.2
En l'espèce, F._ n'a pas été entendu aux débats de première instance, de sorte que les premiers juges n'ont pas pu se convaincre qu'au moment des faits le concernant, T._ ait été porteur d'un couteau ou qu'il ait proféré des menaces (jgt., p. 28). Entendu durant l'enquête et aux débats d'appel, F._ a affirmé que c'est T._ qui a soustrait son téléphone portable de sa poche et l'a menacé lorsqu'il a demandé à pouvoir le récupérer. Durant l'enquête, il a dit que T._ avait sorti un couteau de son pantalon alors qu'aux débats d'appel, il n'en était plus certain et pensait plutôt que c'était l'un des comparses du prévenu qui avait sorti un couteau du dessous de son pull. Il a expliqué ne pas avoir tenté de récupérer son téléphone parce qu'il avait eu peur de "se faire dégommer". De son côté, T._ conteste avoir pris le téléphone de F._ et soutient que c'est l'un de ses comparses qui l'aurait dérobé. Il admet toutefois s'être concerté avec ses amis en vue de dérober le téléphone de F._. Au surplus, il a déclaré que ni lui, ni l'un de ses amis n'étaient en possession d'un couteau au moment des faits.
Si F._ a modifié son témoignage entre l'instruction et les débats d'appel au sujet de la personne qui détenait le couteau, il a néanmoins constamment affirmé qu'il avait été menacé par un couteau. Compte tenu des propos qu'il a tenus, de la frayeur dont il a fait état, laquelle est corroborée par son souhait de ne pas être confronté à son agresseur plus de deux ans après les faits et par son retrait de plainte pénale par crainte de menaces et de représailles (voir pp. 2 à 4
ci-dessus), mais également en raison des propos tenus par T._ qui a admis que lui et ses amis avaient planifié la soustraction du téléphone portable de F._, la Cour de céans a acquis la conviction que le prévenu a usé de menaces pour s'emparer et conserver le téléphone de F._, et qu'un couteau a en outre bel et bien été présenté à la victime pour l'effrayer. Toutefois, les hésitations du témoin F._ ne permettent pas de déterminer avec certitude si c'est le prévenu lui-même ou l'un de ses comparses qui détenaient l'arme blanche et, dans ce dernier cas, si le prévenu était au courant que son acolyte avait un couteau au moment des faits. Dans ces conditions, c'est la version la plus favorable au prévenu qui sera retenue et, dans la qualification juridique des faits précités, il ne sera pas tenu compte du couteau.
3.4
A raison des faits tels que retenus par la Cour de céans, T._ s'est rendu coupable de brigandage au sens de l'art. 140 ch. 1 CP. En effet, il a usé de menaces pour conserver le téléphone portable qu'il avait dérobé à F._ et son intention portait sur tous les éléments constitutifs de l'infraction (soustraire un bien à autrui en usant de menaces, en vue de se procurer un enrichissement illégitime).
En conséquence, l'appel du Ministère public doit être admis sur ce point et le jugement entrepris réformé en ce sens que T._ est condamné pour brigandage.
4.
S'agissant des faits qui se sont déroulés le 4 février 2011, le Ministère public fait valoir que T._ aurait dû être condamné pour brigandage qualifié et de vol qualifié, et non pas seulement pour brigandage simple et vol simple.
4.1
En vertu de l'art. 140 ch. 2 CP, le brigandage sera puni d'une peine privative de liberté d'un an au moins, si son auteur s'est muni d'une arme à feu ou d'une arme dangereuse. L'art.139 ch. 3 al. 3 CP prévoit, quant à lui, que le vol sera puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, si son auteur s'est muni d'une arme à feu ou d'une autre arme dangereuse.
La notion d'arme dangereuse contenue dans ces deux dispositions est la même. Il suffit que l'auteur se munisse d'une arme prête à l'emploi; il importe peu qu'il ne veuille pas s'en servir. Il faut qu'il s'agisse d'une arme, non pas d'un outil, et si ce n'est pas une arme à feu, il faut encore qu'elle apparaisse dangereuse
(B. Corboz, op. cit., n. 17 ad. art. 139 CP). Selon la jurisprudence, est une arme dangereuse tout objet, qui par sa destination peut servir à l'attaque ou à la défense (Favre, Pellet, Stoudmann, Code pénal annoté, Lausanne 2011, n. 2.1 ad art. 140 CP). Tel est le cas du couteau papillon qui est d'ailleurs défini, de par la loi, comme étant une arme (art. 4 al. 1
er
litt. c LArm [Loi fédérale du 20 juin 1997 sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions, RS 514.54]).
4.2
En l'espèce, les premiers juges ont considéré que le couteau papillon que détenait T._ n'était pas une arme dangereuse. Toutefois, les caractéristiques objectives de l'arme en question, que la Cour de céans a examiné aux débats, sont une lame de 10 cm de long, très pointue et aiguisée, qui peut s'ouvrir d'une main et qui reste bloquée une fois ouverte. Il s'agit manifestement d'une arme qui sert à l'attaque ou à la défense, de sorte qu'elle doit être considérée comme étant une arme dangereuse au sens des art. 140 ch. 2 et 139 al. 3 ch. 3 CP. Enfin, il importe peu que l'arme ait été ouverte ou non dans la mesure où le simple fait de se munir d'une arme dangereuse suffit pour que le cas aggravé soit réalisé.
T._ a tout d'abord contraint X._ à lui remettre son téléphone portable en pointant son couteau dans sa direction et de façon non équivoque. Ensuite, toujours porteur de son couteau papillon, ce que les victimes savaient, il n'a pas restitué à M._ le téléphone portable que ce dernier lui avait passé le temps d'une conversation. Pour ces faits, il s'est rendu coupable respectivement de brigandage qualifié au sens de l'art. 140 ch. 2 et de vol qualifié au sens de l'art. 139 ch. 3 al. 2 CP. En effet, dans le premier cas, c'est bien par la menace que T._ s'est emparé du téléphone de X._ et, dans les deux cas, il était porteur d'une arme dangereuse. Au surplus, le prévenu a agi intentionnellement, dans un dessein d'appropriation et d'enrichissement illégitime.
4.3
L'appel du Ministère public doit donc également être admis sur ce point et le jugement entrepris réformé en ce sens que T._ est condamné pour brigandage qualifié et vol qualifié.
5.
Le Ministère public critique également la peine infligée en première instance qu'il juge trop clémente. Il considère qu'une peine privative de liberté de 30 mois serait adéquate, laquelle doit être suspendue partiellement, la part ferme étant fixée à 15 mois.
5.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
5.2
Aux termes de l'art. 43 CP, le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute (al. 1); la partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2); en cas de sursis partiel à l’exécution d’une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins; les règles d’octroi de la libération conditionnelle ne lui sont pas applicables (al. 3).
De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles
l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1; cf. aussi arrêts 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1; 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3). Le critère des perspectives d’amendement s'applique également pour le sursis partiel, dès lors que la référence au pronostic ressort implicitement du but et du sens de cette dernière disposition. Ainsi, lorsque le pronostic quant au comportement futur de l'auteur n'est pas défavorable, la loi exige que l'exécution de la peine soit au moins partiellement suspendue. En revanche, un pronostic défavorable exclut également le sursis. En effet, s'il n'existe aucune perspective que l'auteur puisse être influencé de quelque manière par un sursis complet ou partiel, la peine doit être entièrement exécutée (ATF 134 IV 1 précité, c. 5.3.1).
5.3
En l'espèce, s'agissant de la quotité de la peine, l'admission des moyens soulevés par le Ministère public implique la fixation d'une nouvelle peine, supérieure à celle retenue par les premiers juges. La culpabilité de T._ est lourde. Sa responsabilité pénale est entière et les infractions commises sont en concours. Il s'est en effet rendu coupable de voies de fait, de vols, de vol qualifié, de brigandage, de brigandage qualifié (passible d'une peine privative de liberté d'un an au moins), d'injure, de menaces, de contravention à la LStup (Loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes, RS 812.121) et d'infraction à la LArm. En outre, malgré plusieurs antécédents, il a persisté dans ses comportements délictueux. Le prévenu menace ses victimes et n'hésite pas à se munir d'une arme pour s'approprier des téléphones portables. Il agit par appât du gain et pour des motifs futiles. Comme l'ont relevé les premiers juges, la violence déployée par le prévenu est parfaitement gratuite et ne trouve aucune justification. La régularité avec laquelle il contrevient aux normes pénales est inquiétante. A décharge, il y a lieu de retenir son jeune âge, les regrets exprimés aux débats ainsi que les effets positifs qu'ont pu avoir les mois passés en préventive.
Au vu de l'ensemble de ce qui précède, une peine privative de liberté d'une certaine durée s'impose. La peine privative de liberté de 30 mois requise par le Ministère public paraît adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité du prévenu et de sa situation personnelle.
5.4
S'agissant du sursis partiel, T._ en remplit les conditions objectives. Du point de vue subjectif, compte tenu des éléments précités, notamment de la rapidité de la récidive après la première confrontation à la justice, le nombre de nouvelles infractions, la régularité avec laquelle celles-ci sont commises et la futilité des motifs qui amènent le prévenu à faire usage de violence, le pronostic quant à son comportement futur est défavorable. Toutefois, moyennant que la partie de la peine à exécuter soit conséquente et que les deux sursis pendants soient révoqués (voir chiffre 6 ci-dessous), on peut penser que l'effet de choc produit par la privation de liberté prononcée détourne le prévenu de la commission de nouvelles infractions. Un sursis partiel sera donc néanmoins octroyé sur la moitié de la peine prononcée, à savoir 15 mois. Le délai d'épreuve sera toutefois de la durée maximale prévue par la loi, soit 5 ans.
L'appel du Ministère public est ainsi également admis sur ce point.
6.
Reste à examiner la question de la révocation de deux sursis, requise par le Ministère public:
- le sursis accordé par jugement du 11 mars 2009, révisé par la présente cour le 18 mai 2011 (peine privative de liberté de deux mois avec sursis d’un an);
- le sursis accordé par ordonnance de condamnation du 5 septembre 2008, révisée par la présente cour le 21 juillet 2011 (peine privative de liberté de 45 jours avec sursis d’un an).
6.1
Avant de se pencher sur la révocation des sursis en tant que telle, il faut déterminer le moment à partir duquel court le délai d’épreuve: depuis la date du jugement initial ou depuis celle du jugement de révision. L’art. 415 CPP ne règle en effet pas la question.
Les premiers juges ont considéré que le délai d’épreuve courrait depuis la date du jugement de révision. En bref, ils soutiennent que dès lors que certains auteurs (M. Rémy, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 11 ad art. 414 CPP) admettent que les faits postérieurs au jugement à réviser peuvent être pris en compte s’ils sont favorables au prévenu, le nouveau jugement a de manière générale un effet ex nunc.
Cette argumentation n’est pas convaincante. Elle a en effet pour conséquence qu’en présence de faits postérieurs défavorables au prévenu, dont il ne pourrait pas être tenu compte dans le nouveau jugement, il y aurait une période probatoire qui serait supprimée entre la condamnation objet de la révision et la nouvelle condamnation résultant du rescisoire.
En outre, ainsi que le soulignent les commentateurs bâlois (M. Heer, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Bâle 2011, n. 13 ad art. 414 CPP et les références citées), fixer une nouvelle durée de sursis péjore systématiquement la situation du condamné, puisque cela revient en quelque sorte à prolonger la période probatoire qui pourrait commencer à courir à nouveau longtemps après les faits punissables.
Ainsi, retenir un effet ex nunc aurait pour conséquence générale et abstraite soit de faire échapper le condamné aux conséquences de ses actes en cas de récidive pendant le délai d’épreuve initial, soit de prolonger en quelque sorte le délai d’épreuve en le faisant courir à nouveau cas échéant longtemps après la date des faits punissables, toutes deux solutions insatisfaisantes.
Enfin, même si l’art. 415 CPP ne règle pas cette question, on peut en tirer la volonté de rétablir la situation qui aurait dû prévaloir à l’époque du premier jugement, ce qui va également dans le sens d’un effet ex tunc.
Au surplus, en l’espèce, les deux jugements de révision rendus par la Cour de céans ne portaient que sur l’âge du prévenu et par conséquent sur la quotité de la peine, la question de l’octroi du sursis n’ayant pas été réexaminée.
Il sera donc retenu que le délai d’épreuve a commencé à courir depuis la date des jugements initiaux, même si ces jugements ont fait l’objet d’une révision.
6.2
Aux termes de l'art. 46 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. La révocation du sursis dépend des infractions commises dans le délai d'épreuve, lesquelles permettront d'établir un pronostic favorable ou défavorable (ATF 134 IV 140 c. 4.2). Seul un pronostic défavorable peut justifier la révocation; à défaut, le juge doit renoncer à celle-ci.
En l'espèce, T._ a commis de nouvelles infractions du même genre durant les délais d'épreuve impartis. Compte tenu de la rapidité de la récidive, le nombre de nouvelles infractions, la régularité avec laquelle celles-ci sont commises et la futilité des motifs qui ont amené le prévenu à les commettre, seule un pronostic défavorable peut être posé, de sorte que les sursis octroyés les 5 septembre 2008 et 11 mars 2009 doivent être révoqués.
7.
En définitive, l'appel du Ministère public est entièrement admis.
Vu l'issue de la cause, les frais de procédure d'appel sont mis à la charge de T._. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
92cd45d5-885f-464f-9e97-ae9039b1ea1d | En fait :
A.
Par jugement du 13 mai 2014, le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois a condamné B._, pour infraction à la Loi fédérale sur les stupéfiants et complicité d’infraction à la Loi fédérale sur les stupéfiants, à une peine pécuniaire de 120 jours-amende avec sursis durant 2 ans, le jour-amende étant fixé à 30 fr., sous déduction de 94 jours de détention provisoire (I), dit qu’il n’y a pas lieu à indemnisation de B._ au sens de l’art. 429 CPP (II), mis les frais de la cause par 14'101 fr. 15 à la charge de B._, comprenant l’indemnité due à Me Sutter, conseil d’office, fixée à 11'126 fr. 15, dont 9'462 fr. 95 ont d’ores et déjà été versés (III), et dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité de son défenseur d’office ne sera exigé que si la situation financière du condamné
le permet (IV).
B.
Par annonce du 21 mai 2014, puis déclaration motivée postée le 10 juin suivant, B._ a interjeté appel contre ce jugement en concluant à sa réforme en ce sens qu'il est libéré de tout chef d'accusation et qu'il est indemnisé à hauteur de 23'500 fr. pour le tort moral subi ensuite de sa détention provisoire, tous les frais étant mis à la charge de l'Etat.
A titre de mesures d'instruction, B._ a demandé que les compagnies [...] soient amenées renseigner la cour de céans sur tous les déplacements qu'il aurait effectués entre la Suisse et l'Espagne de décembre 2011 à juin 2012. Il a également requis l'interpellation des autorités espagnoles et mauritaniennes afin qu'elles exposent la procédure à suivre pour le renouvellement des papiers d'identité (permis de séjour, passeport et carte d'identité), de même que la production du jugement rendu dans la cause W._ Ledit jugement a été versé au dossier.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
B._, célibataire et père d'un enfant, est né le 31 décembre 1975 en Mauritanie. Au bénéfice d'une formation de marin acquise dans son pays où il a également travaillé comme maçon, il s'est installé en Espagne en 2004 où il a travaillé pendant deux ans et demi avant d'émarger à l'assurance-chômage, puis à l'assistance sociale. En Suisse, il vivrait de divers petits boulots qui lui rapporteraient un revenu mensuel de l'ordre de 1'400 à 17'00 francs. Son assurance-maladie étant subsidiée, ses charges se composent uniquement de son loyer mensuel (625 fr.), et de la pension qu'il verse à son fils (370 € par mois). Pour les besoins de la cause, il a été détenu durant 94 jours. Le casier judiciaire suisse de B._ est vierge.
2.
A Leysin, entre janvier et mars 2012, B._ a vendu entre 10 et 12 boulettes de cocaïne à 70/80 fr. l'unité, soit entre 7 et 9,6 grammes à W._. En outre, il a mis occasionnellement, en toute connaissance de cause, son appartement à disposition d'Y._, impliqué dans un trafic de cocaïne de grande envergure dans la région. A une reprise au moins, il a manipulé le matériel de conditionnellement des boulettes de cocaïne appartenant à Y._ | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP; Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de B._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L'appelant conteste les faits retenus à son encontre.
3.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2, in CAPE 12 novembre 2014/313 c. 3.1 et réf.).
3.2
B._ relève que le jugement concernant les prévenus Y._ et J._ (déférés séparément) ne le met pas en cause, alors que l'autorité de première instance le condamne, ce qui lui paraît contradictoire.
On doit certes relever que la phrase
"la mise en cause concernant B._ ne sera pas retenue dans la mesure où le lien entre ce dernier et Y._ ne peut être fait"
contenue dans le jugement du 7 avril 2014 concernant J._ et Y._ est maladroite et inutile. Elle ne porte cependant pas à conséquence, puisque ledit jugement ne concerne pas l'appelant et n'examine aucunement la question de sa culpabilité. Cette phrase est d'ailleurs erronée, dès lors que les liens entre l'appelant et Y._ sont manifestes et reconnus par les deux hommes. En effet, l'appelant a hébergé Y._ et ce dernier a déclaré qu'il le considérait comme un frère lors de son audition du 14 mars 2013, dès lors qu'ils venaient du même quartier en Mauritanie; il a aussi précisé qu'ils vivaient ensemble dans l'appartement à la rue du Village, résidence Bellevue, appartement 17 à Leysin (PV aud. 5, p. 7).
3.3
B._ reproche au premier juge de s'être fondé sur les déclarations de W._ qui serait toxicomane de longue date et dont les déclarations contiendraient des contradictions. Il allègue en outre qu'il se serait trouvé en Espagne durant la période concernée par l'accusation. Enfin, il critique les indices retenus par le Tribunal de police pour fonder sa culpabilité tant en ce qui concerne la vente à W._ que sa complicité dans le cadre du trafic d'Y._ et J._
La culpabilité de l'appelant ne fait aucun doute au regard des éléments suivants :
- W._ a clairement mis en cause le prévenu. Il a expliqué que c'était B._ qui lui fournissait la cocaïne en l'absence de son fournisseur habituel Y._, ou lorsque ce dernier n'avait plus de marchandise (PV aud. 11 p. 2, R. à D.7). Ce témoin a maintenu ses déclarations lors de la confrontation. Ses imprécisions relatives aux dates n'enlèvent rien à la crédibilité de ses allégations, qui ont par ailleurs été appréciées de la même manière dans le jugement prononcé à l'encontre d'J._ et Y._
- J._ a également mis en cause l'appelant. Il a expliqué avoir conditionné de la cocaïne dans l'appartement mis à disposition de son comparse Y._ par l'appelant, et a fait état de conversations entre ces derniers relatives à du trafic de stupéfiants (PV aud. 6, p. 2). La crédibilité de ce trafiquant ne fait pas de doute, dès lors qu'il s'est également mis en cause par ses déclarations (PV aud. 6, même page).
- Des traces biologiques de l'appelant ont été retrouvées sur des stupéfiants saisis à son domicile (P. 47 et P. 52). Son ADN a en effet été retrouvé sur l'intérieur des noeuds et mouchoirs des quatre boulettes ouvertes (P. 47 p. 4), ce qui permet d'admettre qu'il a manipulé le matériel de conditionnement.
- Les contrôles rétroactifs opérés sur son téléphone portable font également état de contacts téléphoniques avec des toxicomanes notoires (P. 52 p. 9).
- L'appelant a hébergé Y._ et J._ (P. 6 p. 2) Au regard de l'ampleur de leurs opérations et de l'exiguïté du logement (à savoir, un studio avec cuisine et WC), l'intéressé ne pouvait, comme il le prétend, ignorer que les prénommés trafiquaient. Il n'est au demeurant pas crédible lorsqu'il indique qu'il connaît à peine ces deux hommes (PV aud. 10, p. 1) et qu'il s'est contenté de les héberger quelques fois pour leur rendre service.
- Certes, l'appelant n'a pas été mis en cause par les autres trafiquants entendus dans la procédure. Reste que plusieurs toxicomanes l'ont reconnu [PV aud. 13[...]), PV aud. 14 ([...]) et[...])] et ont pu attester de sa présence dans son appartement lors des ventes (PV aud. 12, p. 3 et PV aud. 18, p. 2). L'un d'entre eux, [...], a encore relevé son train de vie, expliquant notamment qu'il lui avait donné de l'argent pour qu'il pût se nourrir et qu'il vivait bien (PV aud. 27, p. 3). Dès lors que, contrairement à ce qu'il soutient dans sa déclaration d'appel, l'intéressé ne bénéficiait plus de l'assistance sociale espagnole (cf. ses premières déclarations; PV aud. 3, p. 2), on ne voit pas qu'il ait pu assumer son train de vie par quelques petits boulots.
3.4
Au vu de l'ensemble de ces indices, les faits décrits au considérant 2 page 8 doivent être imputés à l'appelant et ses réquisitions de preuve doivent être rejetées. De tels moyens – consistant notamment à faire une recherche exhaustive auprès de toutes les compagnies aériennes pour savoir quels sont les séjours effectués par le prévenu en Espagne – ne sont d'ailleurs ni nécessaires, ni proportionnés, la participation de l'appelant au trafic de stupéfiants étant amplement démontrée au regard des éléments précités.
4.
Pour le reste, l'appelant ne critique aucunement la peine clémente qui lui a été infligée. Cette sentence doit être confirmée pour les motifs exposés d'une manière qui échappe à la critique par le jugement entrepris (cf. p. 11).
5.
En définitive, l'appel de B._ doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé. Vu le sort de l'appel, les conditions de
l'art. 429 al. 1 let. c CPP ne sont pas remplies et il y a lieu de rejeter également la requête tendant à ce qu'une indemnité soit versée au prévenu pour le tort moral lié à sa détention provisoire.
6.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel, constitués de l'émolument d'arrêt, par 1'280 fr., et de l'indemnité allouée au défenseur d'office, par 2'127 fr. 60 TVA et débours compris, doivent être mis à la charge de l'appelant (art. 428 al. 1 CPP).
B._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
93121573-bd38-44f6-8bd9-86474924345d | En fait :
A.
Par jugement du 20 janvier 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a libéré P._ du chef de prévention d’escroquerie (I), a constaté qu’il s’est rendu coupable d’abus de confiance et de conduite en état d’ébriété qualifiée (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de six mois (III), a suspendu l’exécution de cette peine et fixé au prévenu un délai d’épreuve de cinq ans (IV), a dit que cette peine est complémentaire à celle prononcée le 5 décembre 2011 par le Tribunal cantonal du Valais (V), a renoncé à révoquer le sursis à la peine de 30 jours-amende à 50 fr. prononcée le 25 août 2008 par le Tribunal de police de l’Est vaudois à l’encontre de P._ (VI) et a mis l’entier des frais de justice, par 4’531 fr. 25, à la charge de ce dernier (VII)
.
B.
Le 3 février 2014, le Ministère public a déposé une annonce d’appel contre ce jugement.
Par déclaration d’appel motivée du 24 février 2014, il a conclu à la réforme du jugement précité en ce sens que P._ est condamné à une peine privative de liberté ferme de dix mois, les frais étant mis à la charge de ce dernier. Sous réserve de deux pièces produites à l'appui de son appel, soit une copie du dossier pénal PE13.012337-XMA concernant le prévenu et une copie de l’ordonnance de non-lieu rendue le 10 juin 2002 en faveur de ce dernier dans la cause PE01.038948-RIV (pièces 56 et 57), l'appelant n'a requis aucune mesure d'instruction.
Par lettre du 4 mars 2014, Me Elie Elkaim, défenseur de choix de P._, a requis l’octroi de l’assistance judiciaire en faveur de son client. La Cour d’appel a admis la requête et a désigné Me Elkaim comme défenseur d’office du prévenu.
Par courrier du 18 mars 2014, l’intimé P._ a annoncé qu’il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière et à déclarer un appel joint. Dans cette même écriture, il a déposé des déterminations et a produit une pièce, soit l’avis de prochaine clôture du 27 janvier 2014 du Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, par lequel celui-ci a indiqué au prévenu qu’il envisageait de rendre une ordonnance de classement dans l’affaire PE13.012337-XMA (pièce 61/2).
Le 17 avril 2014, la Présidente de la cour de céans a ordonné la production d’une copie de l’ordonnance du 29 janvier 2014 rendue par le Tribunal de l’application des peines et mesures du Valais concernant le prévenu.
A l'audience d'appel, le Procureur a confirmé ses conclusions et l’intimé a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
P._ est né en 1959 à Lausanne. Il a été élevé par ses parents avec ses deux sœurs. Après sa scolarité obligatoire à Prilly et à Renens, il a commencé un apprentissage de mécanicien de précision auprès de [...] SA, qui était l’employeur de son père. Au décès de ce dernier en 1978, il a arrêté son apprentissage et a quitté [...] SA, pour commencer un apprentissage de quincaillier. Après avoir obtenu son CFC, il a tout de suite travaillé dans le domaine de la vente. Depuis le mois de décembre 2013, il est l’associé-gérant avec signature individuelle de [...] Sàrl, société active notamment dans l’immobilier; il retire de cette activité 2'000 fr. à 2'500 fr. par mois. En parallèle, il travaille aussi dans l’import-export, activité qui, selon ses explications, devrait lui procurer bientôt un salaire d’environ 5'000 fr. par mois environ (p. 3
supra
). Dans cette attente, c’est son amie, avec qui il habite, qui l’entretient et paie toutes ses charges, y compris le loyer. Le prévenu, qui est au bénéfice d’un subside pour son assurance-maladie, a pour environ 300'000 fr. de dettes et d’actes de défaut de biens. Il n’a pas d’économies. Il a été marié et divorcé deux fois. Il est le père d’une fille majeure.
Son casier judiciaire comporte les inscriptions suivantes :
- 21.10.1997, Cour de cassation pénale Lausanne, abus de confiance, escroquerie, faux dans les titres, dénonciation calomnieuse, crime contre la LStup, contravention contre la LStup, réclusion 32 mois, déduction préventive 361 jours, libération conditionnelle le 08.10.1999, délai d’épreuve 4 ans, assistance de probation, règle de conduite;
- 06.12.2004, Tribunal correctionnel Lausanne, abus de confiance, emprisonnement 1 mois;
-25.08.2008, Tribunal de police de l’Est vaudois, abus de confiance, peine pécuniaire 30 jours-amende à 50 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, sursis non révoqué le 05.12.2011 par le Tribunal cantonal du Valais;
- 06.04.2009, Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois, abus de confiance, travail d’intérêt général 720 heures, peine complémentaire au jugement du 25.08.2008 du Tribunal de police de l’Est vaudois et partiellement complémentaire au jugement du 6.12.2004 du Tribunal correctionnel de Lausanne;
- 05.12.2011, Tribunal cantonal du Valais, vol, escroquerie, peine privative de liberté 11 mois, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 5 ans, traitement ambulatoire, peine complémentaire au jugement du 6.04.2009 du Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois et partiellement complémentaire au jugement du 25.08.2008 du Tribunal de police de l’Est vaudois.
Dans le cadre de l’examen annuel de la poursuite du traitement ambulatoire (art. 63a al. 1 CP) ordonné par le Tribunal cantonal du Valais le 5 décembre 2011, le Tribunal de l’application des peines et mesures a, par ordonnance du 29 janvier 2014, ordonné le maintien dudit traitement (pièce 63).
Le fichier des mesures administratives en matière de circulation routière (ADMAS) du prévenu fait état de deux avertissements prononcés les 5 mai et 29 juillet 2008 pour excès de vitesse et de deux retraits de permis, l’un – consécutif aux faits de la présente cause – prononcé le 21 mai 2010 pour une durée de trois mois, soit du 11 novembre 2010 au 10 février 2011, pour ébriété, et l’autre prononcé le 24 août 2012 pour une durée d’un mois, soit du 20 février au 19 mars 2013, pour excès de vitesse.
1.2
Dans le cadre de la précédente affaire pénale jugée par le Tribunal cantonal du Valais, P._ a été soumis à une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du 30 septembre 2009, les experts – du Département des Institutions Psychiatriques du Valais Romand – ont posé le diagnostic d’utilisation d’alcool nocif pour la santé et de trouble mixte de la personnalité à composante paranoïaque et dyssociale. Ils ont relevé que ces deux atteintes pouvaient être considérées comme comportant un degré de sévérité moyen. Ils ont expliqué également qu’au moment des faits reprochés, l’expertisé n’était partiellement pas capable d’apprécier le caractère illicite de ses actes, mais partiellement capable de se déterminer d’après cette appréciation. Ils ont qualifié cette diminution de responsabilité de légère. Concernant le risque de récidive, ils ont indiqué que le prévenu présentait un risque de commettre à nouveau des actes de même nature que ceux qui lui étaient reprochés, ainsi que des actes similaires à ceux figurant dans ses antécédents pénaux. Ils ont précisé que les troubles psychiques (utilisation d’alcool nocive pour la santé et troubles de la personnalité) devaient être considérés comme étant toujours présents lors de l’expertise et qu’il existait selon eux un lien entre ces troubles et les faits poursuivis. Les experts ont encore relevé que la prise en charge spécifique des atteintes de la personnalité que présentait l’expertisé était généralement relativement peu efficace, mais que la prise en charge de la problématique liée à l’alcool pouvait contribuer à une certaine stabilité psychique chez l’intéressé. Ils ont préconisé un suivi psychiatrique et médical ambulatoire accompagné d’un suivi ambulatoire par la Ligue valaisanne contre la toxicomanie, le prévenu étant par ailleurs disposé à entreprendre une telle démarche.
Dans leur complément d’expertise du 2 décembre 2009, les experts ont précisé que le traitement d’un problème d’alcool consistait en général en un suivi à la Ligue valaisanne contre la toxicomanie avec prise en charge psychiatrique et que cette prise en charge était compatible avec l’exécution d’une peine privative de liberté.
Entendu aux débats de première instance dans le cadre de la présente procédure, le Dr N._, médecin psychiatre chargé du traitement ambulatoire ordonné par le Tribunal cantonal valaisan, a confirmé suivre régulièrement le prévenu depuis le début de l’année 2010, à raison d’une fois par semaine. Il a expliqué que le prénommé adhérait complètement au traitement mis en place et que les entretiens lui permettaient de décharger son angoisse et de le soulager, ce qui, selon lui, atténuait le risque de passage à l’acte. Il a également souligné qu’il existait un lien entre la consommation d’alcool et le passage à l’acte. Il a relevé que les prises de sang effectuées en 2011, 2012 et 2013 n’avaient pas révélé de consommation significative et chronique d’alcool de la part du prévenu, ce qu’il avait d’ailleurs pu constater cliniquement lors des entretiens. Il a souligné qu’à son avis, l’intéressé présentait une personnalité anxieuse avec des traits de personnalité dyssociaux, mais pas de type psychopathique, et qu’aucune péjoration de la situation du prévenu n’avait pu être observée depuis 2011, ce dernier continuant à être socialement intégré.
A l’audience de ce jour, P._ a confirmé qu’il consultait encore régulièrement le Dr N._ (p. 3
supra
).
2.
2.1
Le 30 octobre 2009, la société E._ Sàrl (siège : [...]), par l'intermédiaire de son associé gérant Q._, a acheté à P._ une montre de marque Van der Bauwede, modèle "4 saisons", quantième perpétuel calibre 24, série limitée portant le numéro 7/30, au prix de 14'000 francs. P._ et Q._ sont amis : ils se connaissent depuis l’adolescence.
Le même jour, le prévenu a suggéré à Q._, qui comptait offrir la montre à son agent le plus méritant, de la faire graver au nom de ce dernier. Il a précisé qu'il réglerait lui-même cette facture en remerciement de la vente opérée et a assuré que le travail serait soigné car il le confierait à la société [...] SA, dont l'un des directeurs était un ami. Q._ a accepté la proposition à la condition supplémentaire que le travail soit effectué rapidement.
Depuis lors, Q._ a relancé plusieurs fois P._ pour connaître l'avancement de la gravure de la montre. Après diverses explications dilatoires, le prévenu lui a fait savoir qu'il avait vendu l'objet. Il a toutefois promis de lui rembourser son prix mais a formé opposition totale au commandement de payer du 15 janvier 2010 que la société E._ Sàrl lui a fait notifier et n'a jamais rien versé.
2.2
Courant novembre 2009, Q._ a, sur proposition de P._, acheté une voiture de marque Hyundai par l’intermédiaire d’un garage sis à Martigny. Durant la même époque, le prévenu a proposé à Q._ de lui vendre sa précédente voiture, soit une BMW 325 xi, sachant qu'il n'en aurait plus besoin; il lui a alors précisé travailler avec un revendeur de la marque installé à Martigny. Q._ a accepté et a confié au prévenu son véhicule pour qu’il le vende et lui verse le produit de la vente, sous déduction d’une éventuelle commission.
Le 27 décembre 2009, Q._ s'est renseigné auprès de P._, qui lui a lors dit avoir vendu la voiture. Ne parvenant pas, après diverses relances, à se faire verser le produit de la vente ou le solde du prix de vente, le prévenu ayant expliqué avoir versé un acompte de 10'000 fr. à Q._ (jugt, p. 9), ce dernier a mis aux poursuites le prévenu, lequel a formé opposition totale au commandement de payer qui lui a été notifié le 25 janvier 2010 et n'a jamais rétrocédé l'argent perçu.
2.3
Le 30 mars 2010, Q._ a, pour chacun des cas susmentionnés, déposé plainte pénale et s'est constitué partie civile. Le 17 janvier 2014, en son nom et au nom d’E._ Sàrl, il a retiré ses plaintes et a confirmé ces retraits par courrier de son conseil du 20 janvier 2014. Il a également confirmé n’avoir plus de prétentions civiles à faire valoir à l’encontre du prévenu, dépens inclus.
2.4
Le dimanche 4 avril 2010, vers midi, P._ s'est rendu dans la région de Gruyères au volant de son véhicule automobile de marque Mini Cooper portant les plaques d'immatriculation [...]. Durant l'après-midi et en soirée, soit de 14h00 à 20h30, il a consommé du vin blanc et du vin rouge dans des quantités indéterminées et 4 cl de gentiane. Il a finalement repris le volant vers 20h30 pour regagner son domicile à Epalinges.
A 21h05, tandis qu'il empruntait la route de Lausanne à Oron-la-Ville, il a été contrôlé par la police, qui l'a soumis aux tests à l'éthylomètre puis, vu leurs résultats positifs, à une prise de sang, qui a révélé un taux d'alcoolémie de 1,04
g ‰
(taux le plus favorable). | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Le Ministère public a, de droit, la qualité pour faire appel, en application de l'art. 381 al. 1 CPP.
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
Le Ministère public conteste la quotité de la peine. Selon lui, c’est une peine privative de liberté ferme de 10 mois qui aurait dû être prononcée et non de 6 mois avec sursis.
3.1
3.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale(TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
3.1.2
Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement (art. 49 al. 2 CP). Le cas (normal) de concours réel rétrospectif se présente lorsque l'accusé, qui a déjà été condamné pour une infraction, doit être jugé pour une autre infraction commise avant le premier jugement, mais que le tribunal ignorait. L'art. 49 al. 2 CP enjoint au juge de prononcer une peine complémentaire ou additionnelle (Zusatzstrafe), de telle sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement. Concrètement, le juge doit se demander comment il aurait fixé la peine en cas de concours simultané, puis déduire de cette peine d'ensemble hypothétique la peine de base, soit celle qui a déjà été prononcée (TF 6B_455/2013 du 29 juillet 2013 c. 2.4.1 et les références citées). Le prononcé d'une peine complémentaire suppose que les conditions d'une peine d'ensemble au sens de l'art. 49 al. 1 CP sont réunies. Une peine additionnelle ne peut ainsi être infligée que lorsque la nouvelle peine et celle qui a déjà été prononcée sont du même genre. Des peines d'un genre différent doivent en revanche être infligées cumulativement car le principe d'absorption n'est alors pas applicable (TF 6B_1082 du 18 juillet 2011 c. 2.2 et les références citées).
3.1.3
Selon l’art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d’agir, l’auteur ne possédait que partiellement la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après cette appréciation. Les principes qui président à la fixation de la peine en cas de diminution de la responsabilité ont été développés dans I’ATF 136 IV 55. Partant de la gravité objective de l’acte (objektive Tatschwere), le juge doit apprécier la faute subjective (subjektives Tatverschulden). II doit mentionner, dans le jugement, les éléments qui augmentent ou diminuent la faute dans le cas concret et qui permettent d’apprécier la faute en relation avec l’acte. Le législateur mentionne plusieurs critères, qui jouent un rôle important pour apprécier la faute et peuvent même conduire à diminuer celle-ci de telle manière qu’il convient de prononcer une peine inférieure au cadre légal ordinaire de la peine. Parmi ceux-ci, figure notamment la diminution de la responsabilité au sens de l’art. 19 CP. Dans ce cas, en modification de la jurisprudence antérieure (ATF 134 IV 132 c. 6.1), il s’agit de diminuer la faute et non la peine; la réduction de la peine n’est que la conséquence de la faute plus légère (TF 68_356/2012 du 1
er
octobre 2012 c. 3.2; ATF 136 IV 55 c. 5.5).
3.2
En l’espèce, le Ministère public énumère un certain nombre d’éléments qui, selon lui, auraient dû conduire le premier juge à fixer une peine de privation de liberté de 10 mois. Il se réfère ainsi au parcours judiciaire du prévenu, au fait que celui-ci s’en soit pris à un ami proche, au concours d’infractions et au préjudice causé. Or, hormis ce dernier élément, le Tribunal de police a tenu compte de tous ces critères. Il a en effet pris en considération le concours d’infractions et a relevé la gravité objective des faits en soulignant que P._ avait profité de la confiance d’un ami pour lui soutirer de l’argent. Il a également tenu compte des lourds antécédents du prévenu. Le casier judiciaire fait en effet état de cinq condamnations entre octobre 1997 et décembre 2011, notamment pour abus de confiance et escroquerie commis à plusieurs reprises, dont deux fois en concours avec d’autres infractions. Si, comme l’a fait plaider le prévenu, il n’a aucun antécédent en matière de circulation routière, le fichier ADMAS mentionne tout de même deux avertissements prononcés en 2008 et un retrait de permis prononcé en 2012 pour vitesse excessive. A ce propos, l’on ne saurait reprocher au premier juge, qui a mentionné cet élément en page 14 du jugement, de ne pas l’avoir expressément repris au stade de la peine. Comme le jugement forme un tout, l’on doit admettre qu’au moment de fixer la peine, le juge garde à l’esprit les éléments qui y figurent, de sorte qu’il n’est pas tenu de les mentionner à nouveau, à moins qu’il s’agisse d’éléments décisifs (TF 6B_281/2013 du 16 juillet 2013 c. 3.2.2). A cela s’ajoute la récidive spéciale, dont le premier juge a également tenu compte. On constatera sur ce point que les deux abus de confiance commis par le prévenu en automne 2009 l’ont été quelques mois seulement après sa condamnation, le 6 avril 2009, à 720 heures de TIG pour cette même infraction et que cette peine était elle-même complémentaire au jugement du 25 août 2008 du Tribunal de police de l’Est vaudois et partiellement complémentaire au jugement du 6 décembre 2004 du Tribunal correctionnel de Lausanne le condamnant, respectivement, à 30 jours-amende et à un mois d’emprisonnement, toujours pour abus de confiance. Enfin, comme l’indique l’appelant, il faut tenir compte du préjudice causé, qui n’est pas négligeable, dans la mesure où il a porté sur un total de 28'000 fr. au minimum, soit deux fois 14'000 francs. Si cet élément n’a pas été expressément mentionné par le tribunal, il ne suffit pas à établir que la peine serait excessivement clémente. A décharge, il sera tenu compte, avec le premier juge, de la bonne collaboration de P._ en cours d’enquête, celui-ci s’étant d’emblée expliqué sur son activité délictuelle (PV aud. 2) et n’ayant pas cherché à minimiser sa responsabilité dans les actes commis, et de sa bonne évolution depuis les faits. Force est de constater, sur ce dernier point, que l’intéressé est suivi par le Dr N._ depuis plus de quatre ans, actuellement à raison d’une fois par semaine, qu’il adhère au traitement et qu’il ne consomme plus de manière significative et chronique de l’alcool, comme cela ressort des explications du médecin (jugt, p. 7), ce qui dénote, de la part de l’intimé, une réelle prise de conscience de la gravité de ses actes. A cela s’ajoutent le bon témoignage de l’amie du prévenu (jugt, pp. 4 s.), le versement par ce dernier, pour solde de tout compte, de la somme de 15'000 fr. en faveur du lésé, le retrait de plaintes – consécutif à ce versement – intervenu quelques jours avant l’audience de première instance (pièce 48), l’écoulement du temps et la légère diminution de responsabilité retenue par les experts dans leur rapport du 30 septembre 2009, qui n’est d’ailleurs pas contesté et dont il n’y a pas de raison de s’écarter (pièce 32, p. 13). Enfin, il y lieu de tenir compte du fait que les infractions commises par P._ sont toutes antérieures à sa précédente condamnation de décembre 2011, de sorte que la peine à fixer est entièrement complémentaire à la peine privative de liberté de 11 mois prononcée à l’époque. Ainsi, dans le calcul de la peine globale, les infractions d’abus de confiance et de conduite en état d’ébriété qualifiée viennent s’ajouter à celles de vol et d’escroquerie réprimées par le jugement du Tribunal cantonal du Valais.
Au vu de ce qui précède, une peine globale de 17 mois est adéquate pour sanctionner les agissements de P._, étant relevé que les faits réprimés en 2011 sont plus graves que ceux ayant fait l’objet de la présente procédure (pièces 12/2 et 23) et que la précédente peine est elle-même complémentaire au jugement du 6 avril 2009 du Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois et partiellement complémentaire au jugement du 25 août 2008 du Tribunal de police de l’Est vaudois. La peine prononcée en 2011 étant d’une durée de 11 mois, c’est à juste titre que le Tribunal de police a fixé la peine privative de liberté complémentaire à 6 mois. Cette peine est donc adéquate et doit être confirmée.
Par conséquent, le moyen tiré d’une violation de l’art. 47 CP est mal fondé et doit être rejeté.
4.
Le Ministère public conteste le sursis octroyé à l’intimé. Il soutient que la persévérance du prévenu à commettre des infractions, le fait que celui-ci ne rembourse les lésés que lorsqu’une enquête est en cours et dans le seul but d’échapper à la sanction pénale et surtout la nouvelle enquête ouverte contre l’intimé pour abus de confiance démontrent que seul un pronostic défavorable peut être posé.
4.1
4.1.1
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 134 IV 1 c. 4.2.2).
4.1.2
Sous les anciennes dispositions générales du code pénal, il était de jurisprudence constante que l’octroi du sursis (art. 41 aCP) n’entrait pas en considération si une mesure de sûreté était ordonnée en application de l’art. 43 ou 44 aCP. La même règle valait également pour le traitement ambulatoire. Comme le prononcé d’une mesure supposait nécessairement l’existence d’un risque de récidive, il était en effet impossible d’appliquer l’art. 43 ou 44 aCP et, en même temps, de poser un pronostic favorable permettant l’octroi du sursis (cf. Stefan Trechsel, Kurzkommentar, 2ème éd., 1997, n° 11 ad art. 41 aCP). Il en va toujours ainsi sous le nouveau droit. Si les conditions d’application de l’une ou l’autre des mesures prévues aux art. 56 ss CP sont remplies, le pronostic déterminant pour l’octroi du sursis est nécessairement négatif, puisque le prononcé de ces mesures suppose un risque de récidive (cf. art. 56 al. 1 let. a CP; Schwarzenegger/Hug/ Jositsch, Strafrecht II, 8e éd., 2007, p. 132 n° 2.21; ATF 135 IV 180 c. 2.3, TF 6B_268/2008 du 2 mars 2009 c. 6; TF 6B_71/2012 du 21 juin 2012 c. 6).
Lorsque le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP). Il peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour la durée du délai d'épreuve (
art. 44 al. 2 CP
). Selon la jurisprudence, la règle de conduite doit être adaptée au but du sursis, qui est l'amendement durable du condamné. Elle doit être conçue en premier lieu dans l'intérêt du condamné et de manière à ce qu'il puisse la respecter; elle doit par ailleurs avoir un effet éducatif limitant le danger de récidive (TF 6B_626/2008 du 11 novembre 2008 c. 6.1;
ATF 130 IV 1
c. 2.1;
108 IV 152
c. 3a;
106 IV 325
c. 1). La loi prévoit expressément que la règle de conduite peut porter sur des soins médicaux ou psychiques. Une règle de conduite ordonnant un suivi médical est donc parfaitement admissible (TF 6B_626/2008 précité). Ainsi, lorsque les conditions énoncées à l’art. 42 ou 43 CP sont réunies, l’exécution de la peine peut être suspendue s’il apparaît que c’est avant tout un appui social, sous forme d’une assistance de probation ou de règle de conduite, qu’il faut à l’auteur pour le détourner de commettre de nouvelles infractions (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
éd., n. 1.1 ad art. 44 CP).
4.2
En l’espèce, le Tribunal de police a repris et fait siens les éléments qui ont conduit les juges valaisans, dans leur jugement du 5 décembre 2011, à prononcer le sursis à l’exécution de la peine de 11 mois et à ordonner un traitement ambulatoire au sens de l’art. 63 al. 1 CP, s’écartant ainsi de la jurisprudence précitée. Il a ainsi retenu que l’évolution du prévenu au prix d’un suivi régulier et d’efforts soutenus, avec l’aide de sa compagne, était favorable, le fait que le tournant positif, constaté en 2010, s’était confirmé dans la durée et que l’intimé ne souffrait plus d’alcoolisme chronique et de périodes d’alcoolisation massive, éléments qui avaient joué un rôle décisif dans ses passages à l’acte délictueux (pièce 23). Le premier juge s’est également fondé sur les explications du Dr N._ (jugt, pp. 7 s.), qui a confirmé la poursuite du traitement et l’adhérence à celui-ci par le prévenu, le fait que ce dernier ne consommait plus de manière significative et chronique de l’alcool et que les entretiens réguliers permettaient à l’intimé de décharger son angoisse et de le soulager, ce qui atténuait le risque de récidive. Enfin, le premier juge a relevé que le prévenu n’avait plus commis d’infraction depuis 2010 et que l’évolution positive constatée dans le jugement de 2011 était toujours actuelle.
En sus de ces éléments, que la cour de céans fait siens par adoption de motifs, il y a lieu de se référer à l’ordonnance du 29 janvier 2014, par laquelle le Tribunal de l’application des peines et mesures du Valais a, dans le cadre de l’examen annuel de la poursuite du traitement ambulatoire (art. 63a al. 1 CP), ordonné le maintien de celui-ci aux motifs, notamment, que son but n’était pas atteint, que l’anomalie psychique n’avait pas disparu et que les objectifs fixés par la thérapie n’avaient pas tous été réalisés; ce tribunal a par ailleurs mentionné que, selon l’Office des sanctions et des mesures d’accompagnement (OSAMA), le risque de récidive, s’il était légèrement diminué, était toutefois toujours présent (pièce 63, p. 12).
Ainsi, même si le caractère du prévenu et les troubles dont il est atteint laissent craindre qu’il ne commette de nouvelles infractions, et quand bien même la dernière enquête pénale – terminée par un non-lieu (pièce 61/2) – révèle un mode opératoire proche de ceux qu’il a déjà employés, le pronostic n’est pas entièrement défavorable. En effet, la prise en charge psychothérapeutique, le suivi par l’OSAMA et le cadre familial dont il bénéficie ont permis de stabiliser depuis quelques années le prévenu, qui n’a plus commis de nouvelles infractions depuis les faits reprochés, datant de 2009/2010. Dans ces conditions, il y lieu d’accorder le sursis.
Toutefois, au vu de la fragilité psychologique du prévenu mise en évidence par les divers intervenants, il convient de suspendre l’exécution de la peine pour une durée de cinq ans et de subordonner le sursis à la poursuite de la psychothérapie déjà commencée.
5.
En définitive, l’appel est partiellement admis, dans la mesure où les conditions du sursis sont rendues plus strictes, et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants qui précèdent.
5.1
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel seront mis par un quart à la charge de P._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat. Le prénommé supportera en outre, dans la même proportion, l’indemnité allouée à son défenseur d'office pour la procédure d'appel.
Le défenseur d'office du prévenu, Me Elie Elkaim, a produit une liste détaillée des opérations effectuées en deuxième instance, pour un total de 21 heures 40 (pièce 68), justifiant avoir dû consacrer personnellement 4 heures 10 au dossier, le reste (17 heures 35) concernant l’activité déployée par Me Nicolas Français, avocat-stagiaire.
Or, il sied de relever que le total de 21 heures 40 est trop élevé. Compte tenu du fait que la présente affaire ne présente pas de difficultés particulières, la déclaration d’appel du Ministère public, motivée, ne portant en définitive que sur la peine, qu’une partie des arguments exposés eux débats d’appel par Me Français l’ont été dans le mémoire déposé le 18 mars 2014 (pièce 61/2) et que celui-ci possédait déjà une connaissance complète du dossier ensuite des débats de première instance auxquels il a assisté en remplacement de Me Elkaim, l
es opérations effectuées postérieurement au jugement entrepris n'impliquaient nullement une activité supérieure à 11 heures, soit 1 heure au tarif horaire de 180 fr. et 10 heures au tarif horaire de 110 fr. (tarif en usage pour les avocats-stagiaires). Cela correspond à une indemnité de 1'280 fr., à laquelle il y a lieu d’ajouter un montant forfaitaire de 80 fr. de vacation, comme réclamé par l’avocat-stagiaire, et 50 fr. de débours, en sus de la TVA par 112 fr. 80. C'est donc un montant de 1'522 fr. 80 qui doit être alloué à titre d'indemnité au défenseur d'office de P._ pour la procédure d'appel.
5.2
Le prévenu n
e sera tenu de rembourser à l’Etat
la part mise à sa charge de l’indemnité allouée à son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9355ea14-6143-4e24-8869-0034c38a2637 | En fait :
A.
Par jugement du 30 juin 2009, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a condamné par défaut S._ pour utilisation frauduleuse d'un ordinateur à une peine privative de liberté de deux ans, sous déduction de quatorze jours de détention préventive (I), a dit que S._ est débiteur de F._ de la somme de 83'674 fr. 30, à titre de dommages-intérêts, avec intérêt à 5% l'an dès le 1
er
octobre 2005 (II), a rejeté toutes autres ou plus amples conclusions civiles pour le surplus (III) et a mis les frais de justice, par 8'100 fr. 55, à la charge de S._ (IV).
Arrêté le 31 mars 2012 à Oron, S._ a déposé le 2 avril 2012 une demande de relief du jugement du 30 juin 2009 dont un exemplaire lui avait été remis le même jour.
La Présidente du Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois a identifié S._ lors d'une audience du 3 avril 2012. Il a été immédiatement relaxé dans l'attente de la décision définitive sur relief et a fait élection de domicile en l'étude de son conseil d'office, Me Thierry de Mestral.
A l'audience de relief du 31 octobre 2012, S._ n'a pas comparu. La requête de suspension des débats présentée par Me de Mestral a été rejetée. Le Tribunal correctionnel, appliquant les art. 408 CPP-VD, subsidiairement 369 CPP-CH, a confirmé le jugement rendu le 30 juin 2009 par le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois à l'encontre de S._ (I) et a mis les frais de la reprise de cause à la charge de S._, étant précisé que ceux-ci seront arrêtés ultérieurement à réception de tous les éléments nécessaires pour fixer le montant (II).
Les frais de reprise de cause ont été arrêtés à 6'038 fr. 65 (P. 57).
B.
Le 12 novembre 2012, S._ a formé appel contre ce jugement. Il a requis la suspension de la procédure d'appel jusqu'à droit connu sur une nouvelle demande de relief.
Par courrier du 22 novembre 2012, le Président a constaté qu'aucune demande de relief n'avait été déposée et a relevé que la requête de suspension n'avait en l'état pas d'objet.
Le 26 novembre 2012, le conseil de S._ a informé le Président que son client était à sa connaissance à l'étranger, estimant que le délai de relief n'était pas encore échu et que la question de la suspension semblait encore se poser. Il a également mentionné qu'il espérait être prochainement en possession d'un certificat médical attestant que son client était à l'étranger au moment du jugement de relief et que pour des motifs médicaux, il n'avait pas pu se rendre à l'audience précitée.
Par courrier du 29 novembre 2012, le Président a déclaré qu'en l'état, rien ne justifiait une suspension de la procédure d'appel.
Par déclaration d'appel motivée du 10 décembre 2012, S._ a conclu à l'annulation du jugement rendu le 31 octobre 2012 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, confirmant celui du 30 juin 2009, et à ce qu'une nouvelle audience de relief soit fixée afin qu'il puisse être entendu dans ses explications.
Le 17 décembre 2012, le Procureur de l'arrondissement du Nord vaudois a renoncé à déposer une déclaration d'appel joint et s'en est remis à justice sur la question de la recevabilité de l'appel déposé par S._.
Par correspondance du 14 janvier 2013, le Président a informé les parties que l'appel allait être traité d'office en procédure écrite (art. 406 al. 1 CPP) et leur a imparti un délai au 29 janvier 2013 pour déposer un mémoire motivé (art. 406 al. 3 CPP).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
S._ a été condamné par défaut le 30 juin 2009 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois. Au jour de l'audience de jugement, il était sans domicile connu.
Le 31 mars 2012, il a été interpellé à Oron. Le 2 avril 2012, il a signé une demande de relief de ce jugement, au moyen d'une formule-type qui lui a été soumise à la prison de la Croisée à Orbe.
A l'audience du 3 avril 2012, S._ a confirmé sa demande de relief. Il a déclaré faire élection de domicile en l'étude de Me Thierry de Mestral. Il a pris note qu'une audience de relief et de nouveau jugement allait être fixée et que s'il ne comparaissait pas à cette audience, le jugement du 30 juin 2009 serait confirmé. La Présidente du Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois a relaxé l'intéressé dans l'attente de la décision définitive sur relief. | En droit :
1.
1.1
La décision attaquée confirme un jugement rendu par défaut et ne contient aucune voie de droit.
Le jugement attaqué ayant pour conséquence de clore la procédure et ayant été rendu postérieurement à l'entrée en vigueur du nouveau code, l'appel est ouvert (art. 398 et 452 CPP).
1.2
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'espèce, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de S._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
1.3
Au surplus, l'appel relève de la procédure écrite, seul un point de droit devant être tranché (art. 406 al. 1 let. a CPP). En effet, il y a en l'occurrence lieu de se demander si le tribunal a eu, compte tenu des renseignements fournis, raison de refuser de suspendre les débats et si la décision confirmant le jugement du 30 juin 2009 était correcte.
2.
Aux termes de l'art. 452 al. 2 CPP, les demandes de nouveau jugement présentées après l'entrée en vigueur du présent code par les personnes qui ont été jugées dans le cadre d'une procédure par défaut selon l'ancien droit sont appréciées à la lumière du droit qui leur est le plus favorable.
Le jugement par défaut a été prononcé le 30 juin 2009. La demande de nouveau jugement, déposée le 2 avril 2012, ainsi que le nouveau jugement par défaut rendu le 31 octobre 2012, sont postérieurs à l'entrée en vigueur du CPP. Si l'on compare concrètement les conditions prévues par les art. 403 et suivants
CPP-VD par rapport à celles fixées dans le nouveau droit de procédure pénale fédérale aux art. 368 ss CPP pour déterminer le régime qui accorde le plus facilement le droit d'obtenir un nouveau jugement, on constate que c'est le CPP-VD qui est plus favorable et qui doit être appliqué en l'espèce (art. 452 CPP; cf. CAPE 22 mai 2012/139 c. 4).
3.
L'accusé qui, ayant demandé le relief d'un jugement prononçant à son égard une condamnation par défaut, est empêché de se présenter à l'audience de reprise de cause, n'est pas tenu de le faire savoir avant l'audience, mais il doit alléguer et prouver son empêchement au plus tard lors du dépôt de la seconde demande de relief (JT 1999 III 77).
Aux termes de l'art. 408 CPP-VD, si celui qui a obtenu le réappointement d'une audience conformément à l'art. 406 al. 2 CPP-VD ne se présente pas, le tribunal confirme le premier jugement et condamne le requérant à tous les frais de la reprise de cause (art. 408 CPP-VD). Le condamné doit avoir été régulièrement assigné à l'audience de relief, ce qui est le cas si l'assignation à l'audience a été notifiée au domicile élu par l'accusé en l'étude de son conseil
(JT 1991 III 121).
3.1
A l'appui de sa demande de suspension des débats, le conseil du prévenu n'a fourni que des explications orales. Il n'a produit aucune pièce. Il n'a également produit aucune pièce à l'appui de sa déclaration d'appel démontrant que le refus du tribunal de suspendre aurait été infondé. Dès lors, le grief consistant à reprocher au Tribunal correctionnel de ne pas avoir suspendu les débats n'est pas fondé et doit être rejeté.
Au surplus, le prévenu, qui a fait élection de domicile en l'étude de son conseil d'office le 3 avril 2012 et qui a été valablement assigné, ne s'est pas présenté à l'audience du 31 octobre 2012. Dans ces circonstances, c'est à juste titre que le tribunal a confirmé le jugement rendu par défaut (art. 408 CPP-VD).
4.
En définitive, l'appel, mal fondé, doit être rejeté.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de S._ (art. 428 al. 1 CPP).
Au vu des opérations effectuées en appel, soit la rédaction d'une déclaration d'appel sommaire et quelques correspondances, il se justifie d'arrêter à 583 fr. 20, TVA comprise, l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant. Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l’Etat les montants des indemnités en faveur de son défenseur d'office et du conseil d'office de l'intimée que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
93776ac0-f064-4b21-aacf-0806f616b460 | En fait :
A.
Par jugement du 21 juin 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que K._ s’est rendu coupable de dommages à la propriété, injure, utilisation abusive d’une installation de télécommunication, contrainte et violation de domicile (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 150 fr., et à une amende de 1'500 fr. à titre de sanction immédiate, la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l’amende étant de 10 jours (II), a suspendu l’exécution de la peine pécuniaire pour une durée de 3 ans (III), a subordonné la suspension de la peine pécuniaire à la condition que K._ s’abstienne de contacter et d’importuner W._ et son entourage, que ce soit par des contacts, téléphones, sms, mails ou d’une toute autre manière (IV), a dit que K._ est le débiteur de W._ du montant de 4'033 fr. 40 à titre de réparation du dommage matériel, du montant de 5'000 fr. à titre d’indemnité pour tort moral et du montant de 2'600 fr., TVA en sus, à titre de dépens (V), a dit que K._ est débiteur de N._ du montant de 500 fr. à titre d’indemnité pour tort moral (VI), a maintenu au dossier le lot de documents inventorié sous fiche n°49930 (P. 5) et 53140 à titre de pièces à conviction, à l’exception des deux morceaux de chocolat qui seront détruits (VII), a mis les frais de la cause par 4'424 fr. à la charge de K._ (VIII).
B.
Le 3 juillet 2013, K._ a formé appel contre le jugement.
Par déclaration d’appel du 29 juillet 2013, K._ a conclu à la réforme des chiffres I à V et VIII du dispositif du jugement susmentionné en ce sens qu’il est reconnu coupable de dommages à la propriété, injure et utilisation abusive d’une installation de télécommunication (I), qu’il est libéré des chefs d’accusation de contrainte et de violation de domicile (II), qu’il est condamné à une peine pécuniaire de 10 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 150 fr. et à une amende de 300 fr. à titre de sanction immédiate, la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l’amende étant de 2 jours (II), que l’exécution de la peine pécuniaire est suspendue pour une durée de 2 ans (III), que le chiffre IV est supprimé (IV), que les conclusions civiles prises par W._ sont rejetées (V), et qu’une partie des frais de justice (fixée à dire de la justice) est mise à la charge de K._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (VIII).
Dans le délai imparti, le Ministère public a annoncé s’en remettre à justice quant à la question de la recevabilité de l’appel et a renoncé à déposer un appel joint.
A l’audience d’appel du 31 octobre 2013, la conciliation a abouti entre le prévenu et la plaignante en ces termes :
« I. K._ reconnaît avoir eu un comportement inadéquat à l'égard de W._. Il lui présente ses excuses et s'engage à ne plus la contacter ou l'importuner d'une quelconque manière que ce soit.
II. K._ versera à W._ la somme de 12'000 fr., payable par quatre acomptes mensuels de 3'000 fr., la première fois à fin novembre 2013, pour solde de tout compte et de toute prétention.
III. W._ retire sa plainte pénale.
IV. Sous réserve de ce qui précède, parties renoncent à des dépens. »
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
K._ est né le 24 avril 1968 à Lausanne, d’où il est originaire. Il est pilote de ligne et gagne environ 12'000 fr. nets par mois. Il est divorcé. Il est propriétaire de l’appartement qu’il occupe et a une dette hypothécaire de 500'000 francs.
Son casier judiciaire mentionne une condamnation prononcée le 11 octobre 2005 par le Président du Tribunal pénal de Bâle-Ville, pour dommages à la propriété, à une amende de 250 fr., avec sursis à l’exécution de la peine et délai d’épreuve d’un an.
2.
A Lausanne, entre les mois de mars 2010, époque de leur séparation, et novembre 2011 à tout le moins, K._ a importuné son ex-compagne W._ en passant fréquemment en scooter ou à pied devant les fenêtres du domicile de cette dernière, sis dans une impasse. A ces occasions, il faisait jouer les gaz pour signaler sa présence, ou lui envoyait des sms l’invitant à sortir, ou encore déposait des messages dans sa boîte aux lettres ou sur le rebord de sa fenêtre. Il a aussi guetté la plaignante dans les lieux publics qu’elle fréquentait, l’observait, l’abordait parfois, notamment à la piscine de [...] et au Café [...], et même en Corse, au courant de l’été 2010. A une reprise, il a pénétré dans son jardin privatif et clos.
W._ a déposé plainte les 24 mars 2011 et 23 novembre 2011, déclarant être si apeurée par les comportements de K._ qu’elle n’osait plus sortir, verrouillait sa voiture de l’intérieur lorsqu’elle conduisait et fermait systématiquement ses volets le soir.
3.
A Lausanne, entre fin janvier et avril 2011, K._ a adressé à N._ de nombreux appels téléphoniques anonymes nocturnes, ainsi que des sms, l’a injurié de diverses manières, notamment en écrivant « cocu » sur la plaquette nominale sise à l’entrée de son domicile.
N._ a déposé plainte le 29 avril 2011. | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de K._, suffisamment motivé au sens de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L’art. 33 al. 1 CP dispose que l’ayant droit peut retirer sa plainte tant que le jugement de deuxième instance cantonale n’a pas été prononcé.
En l’espèce, le retrait de la plainte déposée par W._ met fin à la procédure pénale pour ce qui est des infractions poursuivies uniquement sur plainte, soit la violation de domicile. Il doit en être pris acte. L’accord portant également sur les prétentions civiles, le chiffre V du jugement doit être supprimé.
4.
L’appelant reproche au premier juge d’avoir retenu l’infraction de contrainte à sa charge. Il conteste principalement l’existence d’un moyen de contrainte au sens de l’art. 181 CP et expose que cette infraction n’est pas réalisée au vu de l’intensité et de la fréquence, insuffisantes, des comportements qui lui sont reprochés.
4.1.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
4.1.2
Aux termes de l'art. 181 CP, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Ainsi, l’art. 181 CP prévoit alternativement trois moyens de contrainte : l’usage de la violence, la menace d’un dommage sérieux ou tout acte entravant la personne dans sa liberté d’action. Les éléments constitutifs de contrainte au sens de cette disposition se distinguent sur ce point de l’infraction de « stalking » telle qu’elle se conçoit dans les ordres juridiques qui la connaissent. Cette dernière y est typiquement construite comme une infraction réprimant un ensemble d’actes, alors que la contrainte est liée à un résultat précis, étroitement défini dans l’espace et dans le temps (ATF 129 IV 262, JT 2005 IV 207 c. 2.4).
Selon la jurisprudence, la contrainte prend la forme de « stalking » lorsque son auteur utilise un moyen de contrainte, comme pour la violence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action. Il s'agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 119 IV 301 c. 2a et les références). La formule générale visant réprimer l’auteur qui de « quelque autre manière » entrave sa victime dans sa liberté d’action, doit ainsi être interprétée de manière restrictive; n'importe quelle pression de peu d'importance ne suffit pas (ATF 129 IV 262, JT 2005 IV 207 c. 2.3).
La contrainte doit être intentionnelle, en ce sens que l’auteur doit vouloir, par cette infraction, amener la victime à adopter le comportement voulu. Il importe en revanche peu que la contrainte ne soit qu’un moyen pour atteindre un autre but (Corboz, Les infractions en droit suisse, Tome I, n. 37 ad art. 181 CP).
4.2
Selon les explications de la plaignante (P. 6), le prévenu agissait par périodes de 3 à 5 jours, suivies de 1 à 3 semaines de répit. La plaignante a aussi admis que les passages étaient moins fréquents depuis juin 2011.
En second lieu, lors de son audition devant le procureur, le 15 juillet 2011, W._ a déclaré qu’elle n’a pas changé ses habitudes – sous réserve de petits détails, volets fermés le soir, voiture verrouillée de l’intérieur –mais qu’elle était constamment sur les nerfs et sur ses gardes.
Il ressort ainsi du dossier que la plaignante a continué à se rendre à la piscine de [...] et de [...], ainsi qu’à la plage de [...] et au Café de [...]. Elle a par ailleurs encore été en vacances en Corse, où elle s’était rendue avec K._, lorsqu’ils étaient en couple.
Il faut dès lors admettre que les éléments constitutifs de la contrainte sont insuffisamment caractérisés.
Il y a dès lors lieu de donner droit à l’appelant sur ce point, au bénéfice du doute, et le libérer du chef d’accusation de contrainte. De plus, le chiffre IV du jugement peut être supprimé, l’appelant s’étant engagé à ne plus contacter l’intimée.
5.
L’appelant conteste la quotité de la peine qui lui a été infligée.
5.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
5.2
En l’espèce, la peine pécuniaire infligée à l’appelant par le juge de première instance prenait en considération les infractions de dommages à la propriété, injure, utilisation abusive d’une installation de télécommunication, contrainte et violation de domicile. Le tribunal a ajouté une amende à titre de sanction immédiate.
Au vu du retrait de plainte de W._, ainsi que de la libération du prévenu du chef d’accusation de contrainte, K._ doit être condamné uniquement s’agissant des faits liés à la plainte de N._. Par conséquent, seules les infractions de dommages à la propriété et injure seront prises en considération pour la fixation de la peine pécuniaire à lui infliger. Une amende seule doit sanctionner l’utilisation abusive d’une installation de télécommunication, qui est une contravention.
Compte tenu de la situation personnelle et de la culpabilité de l’appelant, il convient de prononcer une peine pécuniaire de 10 jours-amende à 150 fr. le jour-amende. En l’absence de pronostic défavorable, cette peine sera assortie du sursis, le délai d’épreuve étant arrêté à deux ans. Une amende de 500 fr. sera infligée à K._ pour la contravention à l’art. 179 septies CP uniquement.
6.
Vu l’issue de la cause en première instance, le premier juge avait mis l’ensemble des frais de cette procédure à la charge de K._, soit à hauteur de 4'424 francs. Compte tenu de l’admission du moyen invoqué par K._ et de sa libération du chef d’accusation de contrainte, ainsi que du retrait de plainte survenu à l’audience de deuxième instance, il convient de réduire de moitié la part des frais de première instance mis à la charge de l’appelant, soit à hauteur de 2'212 francs, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
7.
En définitive, l’appel de K._ doit être partiellement admis dans le sens des considérants qui précèdent.
Les frais de la procédure d’appel, par 1'690 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]) sont mis par un cinquième, soit par 382 fr., à la charge de l’appelant, qui n’est libéré de l’infraction de violation de domicile que grâce au retrait de plainte, le solde, par 1'528 fr., étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
93780e1b-7694-479d-9a85-d6f47b3ab868 | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
juin 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré D.M._ de l'accusation de tentative de mise en circulation de fausse monnaie (I), a constaté qu'il s'est rendu coupable de faux dans les certificats et blanchiment d'argent (II), l'a condamné à une peine privative de liberté de 15 mois, sous déduction de 110 jours de détention avant jugement (III), a ordonné la confiscation et la dévolution à l'Etat des sommes de 70'000 fr., 21'700 euros et 600 euros (IV), a ordonné la confiscation en vue de destruction d'une fausse coupure de 100 fr. (V), a levé en faveur de D.M._ un séquestre portant sur un téléphone portable et sa carte SIM (VI), a ordonné le maintien au dossier, au titre de pièces à conviction, de divers objets (VII), a mis les frais de procédure, par 15'269 fr. 60, frais comprenant les indemnités d'office, à la charge de D.M._ (VIII) et a dit que le remboursement à l'Etat des indemnités d'office n'interviendra que si la situation financière de ce dernier le permet (IX).
B.
Le 4 juin 2012, D.M._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel motivée du 29 juin 2012, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à la réforme du jugement en ce sens qu'il est libéré de toute peine et de tous frais et que les fonds séquestrés lui sont restitués, subsidiairement à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi à la première instance pour nouvelle instruction et nouveau jugement (II). Subsidiairement à ce qui précède, il a conclu à la réforme du jugement en ce sens qu'il est libéré de l'accusation de faux dans les certificats et la peine qui lui a été infligé, réduite dans une sensible mesure, est fixée à une quotité inférieure à une année, sous déduction de la détention préventive, avec sursis d'une durée que justice dira, ainsi qu'à ce que les fonds séquestrés lui sont restitués à concurrence d'au moins 60'000 fr. (III). A titre de mesures d'instruction, l'appelant a requis l'audition de deux anciens co-détenus comme témoins.
Par courrier du 13 juillet 2012, le Ministère public a déclaré s'en remettre à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et ne pas déposer d'appel joint.
Le 2 août 2012, le Président de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal a refusé d'ordonner les mesures d'instructions requises, soit l'audition des deux témoins déjà entendus en cours d'enquête.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
D.M._ est né le 1
er
janvier 1984 à Kissidougou, en Guinée Conakry, d'où il est originaire. Ses parents sont décédés alors qu'il était en bas âge. Il a été élevé par un oncle. En 2002, il aurait été contraint de quitter son pays du fait qu'il appartenait à un parti politique d'opposition et s'est annoncé à Vallorbe au Centre des requérants, dans l'idée de demander l'asile en Suisse. Une décision de non-entrée en matière a été rendue et son renvoi prononcé. L'appelant est toutefois resté dans le canton de Vaud, sous la protection de la FAREAS (devenue l'Etablissement vaudois d'accueil des migrants [EVAM]) qui lui fournit un logement et des subsides. Il a effectuée divers emplois sans autorisation, notamment en qualité de plongeur dans un hôtel de la région durant 29 mois. En 2005, il a été admis provisoirement, son renvoi dans son pays d'origine n'étant pas possible. En 2007, cette admission provisoire a été révoquée et un délai de départ notifié. La procédure de recours contre cette décision a eu un effet suspensif, ce qui explique sa présence en Suisse.
Célibataire, le prévenu est le père d'un enfant né d'une liaison avec une compatriote vivant actuellement en Belgique. Il ne verse pas de prestation alimentaire pour cet enfant avec lequel il a des contacts épisodiques. Il souffre d'un diabète insulinodépendant aujourd'hui soigné. Sur le plan financier, il dit vivre de l'aide qui lui est accordé par l'EVAM. Il est logé dans un studio dont le loyer est payé par cette institution et perçoit environ 300 fr. par mois pour ses dépenses personnelles. Il vit seul et n'a personne à charge. Il dit chercher régulièrement du travail, mais ne pas en avoir trouvé depuis deux ans en raison de son statut (permis F). Selon ses dires, depuis sa sortie de détention préventive en décembre 2011, il ne se livre plus au trafic de cartes téléphoniques.
Le casier judiciaire suisse de D.M._ est vierge.
Dans le cadre de la présente procédure, il a été détenu avant jugement du 25 août au 12 décembre 2011, soit durant 110 jours.
2.
2.1
Il est reproché à D.M._ d'avoir, à Lausanne et à Genève, à deux reprises à des dates indéterminées entre la fin de l'année 2009 et le courant de l'été 2010, acquis des billets de transports publics pour se rendre respectivement en Belgique et en France en se légitimant au moyen d'une autorisation de séjour suisse contrefaite au nom d'Y._, achetée auprès d'un ressortissant portugais dont l'identité n'a pas pu être établie. Le document incriminé n'a pas été retrouvé.
2.2
L'appelant s'est présenté au guichet de la Banque Cantonale Vaudoise (ci-après: BCV) à Lausanne, à la Place Saint-François 14, le 5 juillet 2011, pour changer en coupures de 1'000 fr. un lot de billets de 100 fr. et de 200 fr. pour un total de 3'000 fr. provenant du trafic de produits stupéfiants de tiers.
2.3
A Lausanne, au guichet de la gare CFF, le 23 août 2011, D.M._ a remis une enveloppe cartonnée destinée à être adressée en express via la société DHL à l'attention d'un certain E.M._ en Guinée Conakry, laquelle contenait, dissimulées dans un magazine lui-même renfermé dans une seconde enveloppe, 67 coupures de 1000 fr. et 15 coupures de 200 fr. pour un montant total de 70'000 fr., ainsi que 84 coupures de 50 euros, 51 coupures de 100 euros, 17 coupures de 200 euros et 18 coupures de 500 euros pour un montant total de
21'700 euros. L'appelant savait que ces espèces provenaient d'un trafic de produits stupéfiants mené par des tiers. Dans le but de brouiller les pistes et d'éviter qu'on ne puisse remonter à la source, il a inscrit une identité fictive dans la rubrique destinée à l'expéditeur du colis, à savoir un certain "I._" prétendument domicilié à l'adresse inexistante "avenue de Chailly 13B à Lausanne". | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d'un tribunal ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l'art. 398 CPP, la juridiction d'appel jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L'appel peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
En l'espèce, D.M._ invoque tant une violation du droit (art. 399
al. 3 let. a CPP), contestant la réalisation des deux infractions retenues contre lui, qu'une constatation incomplète ou erronée des faits en ce qui concerne les cas de blanchiment d'argent (art. 399 al. 3 let. b CPP).
4.
L'appelant soutient ne pas s'être rendu coupable de faux dans les certificats. Il ne conteste pas la matérialité des faits, reconnaissant l'acquisition et l'usage de la pièce contrefaite, mais dénie à ses agissements tout caractère pénal. Il explique qu'étant au bénéfice d'un permis F, il n'était pas autorisé à se rendre à l'étranger et que c'est dans ces circonstances, pour des raisons de police des étrangers, qu'il a utilisé un certificat contrefait. Il explique ne jamais l'avoir utilisé autrement et ne pas avoir eu l'intention de s'en servir dans un autre but. A l'appui de son moyen, il invoque un arrêt du Tribunal fédéral (ATF 117 IV 170, JT 1993 IV 152).
4.1
D'après l'art. 252 CP, celui qui, dans le dessein d'améliorer sa situation ou celle d'autrui, aura contrefait, ou falsifié des pièces de légitimation, des certificats ou des attestations, aura fait usage, pour tromper autrui, d'un écrit de cette nature, ou aura abusé, pour tromper autrui, d'un écrit de cette nature, véritable mais non à lui destiné, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Sous l'empire de l'ancienne loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (LSEE), la jurisprudence avait admis que l'auteur tombait exclusivement sous le coup de la disposition pénale spéciale (art. 23 LSEE) lorsqu'il excluait toute utilisation du certificat en dehors du domaine de la police des étrangers (ATF 117 IV 170 c. b, confirmé in: arrêt 6S/843/1999 du 6 mars 2000). Actuellement, la nouvelle loi fédérale sur les étrangers du 15 décembre 2005 entrée en vigueur le 1
er
janvier 2008 (LEtr, RS 142.20), bien qu'elle prévoie la confiscation ou la saisie de documents de voyage faux ou falsifiés (art. 121), ne contient plus aucune disposition spéciale pour réprimer le faux certificat ou l'usage d'un faux certificat, de sorte que plus rien ne s'oppose à l'application de l'art. 252 CP (FF 2002 p. 3585; Corboz, Les infractions en droit suisse, 2
ème
édition, Berne 2010, n. 31 ad art. 252 CP, p. 279; Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 27 ad art. 252 CP, p. 1463).
4.2
Au vu de ce qui précède, la jurisprudence citée par l'appelant est désuète, et ce dernier s'est bel et bien rendu coupable d'usage de faux dans les certificats au sens de l'art. 252 CP.
Mal fondé, ce premier moyen doit être rejeté.
5.
L'appelant conteste ensuite que les éléments constitutifs de l'infraction de blanchiment d'argent soient réalisés. En citant une jurisprudence du Tribunal pénal fédéral à l'appui de ses arguments (TPF 2011 194), il soutient qu'en l'espèce, en dépit d'une instruction détaillée, l'accusation n'a pas permis d'établir, de manière crédible et précise, qu'une activité criminelle préalable ait été déployée en amont des faits qui lui sont reprochés. En particulier, il ne serait aucunement établi que l'argent en cause lui aurait été remis par un ou des trafiquants de drogue. A cet égard, l'appelant considère que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le témoin A.D._ "n'a jamais varié dans ses propos"; au contraire, selon lui, ce témoignage doit être écarté au motif qu'il n'est pas crédible.
Par ailleurs, l'appelant maintient que les fonds séquestrés provenaient de ses économies. Il considère que l'analyse de sa situation financière dans le rapport établi par la Police de sûreté (P. 34) tend à le démontrer et que les premiers juges ont complètement fait abstraction de ce rapport.
Au vu de ce qui précède, l'appelant estime que les premiers juges ont violé la présomption d'innocence en retenant qu'il s'était rendu coupable de blanchiment d'argent.
5.1
Aux termes de l'art. 305
bis
CP, celui qui aura commis un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il savait ou devait présumer qu'elles provenaient d'un crime, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
5.2
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011,
n. 19 ad art. 398 CPP).
La présomption d'innocence, qui est garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a). Comme règle d'appréciation des preuves, elle est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a).
5.3
En l'occurrence, les premiers juges ont retenu que le prévenu s'était présenté à une reprise à la BCV pour changer en coupures de 1'000 fr. un lot de billets de 100 et 200 fr., pour un total de 3'000 fr., provenant d'un trafic de stupéfiants de tiers (jgt., c. 2a). Ils ont en outre et surtout retenu que le prévenu a posté une enveloppe, via DHL, à l'attention d'un tiers en Guinée Conakry mais en utilisant une fausse adresse et un faux destinataire, enveloppe contenant, dissimulées dans un journal, de nombreuses grosses coupures, soit 67 coupures de 1000 fr. et 15 coupures de 200 fr., ainsi que 84 coupures de 50 euros, 51 coupures de 100 euros, 17 coupures de 200 euros et 18 coupures de 500 euros pour un total de 70'000 fr. et 21'700 euros (jgt., c. 3a) dont le prévenu devait savoir qu'ils provenaient d'un trafic de stupéfiants.
5.3.1
Les premiers juges ont fondé leur conviction sur les éléments suivants :
- il est établi que, sur les montants incriminés, 3'000 fr. provenaient du trafic de drogue de C.M._, qui les lui avait remis courant juin 2011 à Sion, ce qui est confirmé par le témoin A.D._, qui affirme avoir assisté à la remise de l'argent;
- la perquisition faite au domicile du prévenu le 25 août 2011 a permis de découvrir une coupure de 200 euros et quatre coupures de 100 euros, les premiers juges ne voyant pas pourquoi cet argent n'aurait pas été mis dans l'enveloppe litigieuse postée le 23 août 2011, s'il s'agissait d'une part d'économies;
- les premiers juges se sont écartés des chiffres, selon eux théoriques et fondés sur les seules déclarations du prévenu, du rapport d'analyse financière et ont considéré que le prétendu trafic de cartes téléphoniques pris en considération n'était pas prouvé, que, même si on l'admettait, il serait aléatoire et ne permettrait pas de retirer des bénéfices substantiels. A cela s'ajoute que les premiers juges n'ont pas considéré comme crédibles les déclarations du prévenu sur son coût de la vie, compte tenu de son train de vie;
- les premiers juges ont estimé invraisemblables les explications du prévenu, qui déclare envoyer toutes ses économies dans son pays, qu'il a fui pour des raisons politiques et où son rapatriement s'est révélé impossible;
- les multiples opérations de change (entrées, sorties) parfois dans la même journée, le plus souvent par le biais d'automates;
- la manière particulièrement minutieuse et ne laissant aucune trace indiciale d'emballer les espèces séquestrées;
- les revirements de déclarations de certains trafiquants (dont A.D._ dans une certaine mesure) lors de leur confrontation avec le prévenu;
- la trace de contamination par cocaïne trouvée sur des meubles du domicile du prévenu lors d'une perquisition dans le cadre de l'enquête précédente;
- le fait que le prévenu change régulièrement de téléphone cellulaire et qu'en particulier celui saisi en ses mains lors de son interpellation soit à un nom de fantaisie.
5.3.2
En ce qui concerne la crédibilité du témoin A.D._, remise en cause par l'appelant, il faut se référer aux deux PV d'audition de ce témoin qui figurent au dossier, dont le second est issu d'une confrontation avec le prévenu (PV audition 3 et 16). On y constate que, contrairement à ce qui est soutenu par l'appelant, ce témoin ne varie pas fondamentalement dans ses déclarations. Les points qui divergent concernent des éléments de détail ou alors des points que le témoin conteste avoir donnés dans sa première audition. Quoiqu'il en soit, dans les deux auditions, le témoin identifie l'appelant et confirme avoir assisté à la remise d'argent par C.M._ à D.M._.
A ce propos, on peut relever que lorsque les premiers juges retiennent que ce témoin n'a jamais varié sans ses propos (jgt., p. 13, 2
è
paragraphe), c'est au sujet du fait qu'il déclare avoir assisté à la remise d'argent entre les C.M._ et D.M._. Pour le surplus, les premiers juges relèvent aussi qu'il est arrivé à A.D._, de revenir, dans une certaine mesure, sur ses déclarations (jgt., p. 15, 3
è
paragraphe), mais considèrent que ces revirements, comme ceux d'autres protagonistes, sont monnaie courante dans ce genre de causes. On peut adhérer à cette constatation.
5.3.3
En définitive, l'appréciation du témoignage de A.D._ n'a rien d'arbitraire ou d'erroné et les faits retenus ne sont pas contraires au résultat de l'instruction.
5.4
S'agissant ensuite du reproche fait par l'appelant aux premiers juges d'avoir "complètement fait abstraction du rapport établi par l'analyste financier de la Sûreté" et d'avoir donc écarté la thèse qu'il soutient, selon laquelle les fonds transférés provenaient de ses économies, on peut relever que le jugement attaqué se réfère au travail de l'analyste en question et n'en fait pas abstraction (jgt., p. 13, 4
è
paragraphe). En l'occurrence, les premiers juges relèvent que cette opération d'instruction a été faite intégralement à décharge, sur la seule base des déclarations du prévenu. Cette affirmation n'est pas complètement exacte dans la mesure où l'analyse tient aussi compte d'éléments objectifs tels que la restitution d'un montant de 31'900 francs en 2009 par la justice vaudoise. Pour le surplus, les premiers juges ont relevé que les calculs de détermination de l'épargne maximale par le prévenu étaient théoriques – ce qui est exact – et ont indiqué pour quelles raisons ils s'écartaient, au vu de l'ensemble des circonstances du cas, de ces calculs théoriques (jgt., p. 13 in fine et p. 14). En effet, ces derniers ont raison lorsqu'ils relèvent que le commerce de cartes téléphoniques n'est pas prouvé et qu'il s'agirait de toute manière d'une activité très aléatoire qui ne pourrait pas laisser des bénéfices substantiels. D'autre part, au vu du rapport domiciliaire, l'appelant n'est pas crédible lorsqu'il dit s'être contenté de 700 fr. par mois pour vivre tout au long de la période considérée.
De plus, aux considérations précédentes s'ajoute que l'auteur de l'analyse lui-même, avec des chiffres favorables au prévenu, aboutit à la conclusion qu'il n'a pas été possible à ce dernier d'économiser la totalité de ce qu'il prétend être ses économies. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelant, les conclusions du rapport (P. 34) ne lui sont pas aussi favorables qu'il le prétend.
Enfin, il faut également relever que les premiers juges ont fondé leur conviction sur un ensemble ou un faisceau d'éléments énumérés sous ch. 5.3.1 ci-dessus, de sorte qu'il n'y a rien d'erroné ou d'incomplet.
5.5
En définitive, contrairement à ce que soutient l'appelant notamment lorsqu'il invoque la jurisprudence qu'il cite (TPF 2011 194), le jugement attaqué retient en l'espèce, après l'avoir établi, que l'accusé a prêté la main, en jouant un rôle de trésorier ou, à tout le moins de collecteur de fonds, à un important trafic de stupéfiants et qu'il lui appartenait de récolter le produit de ce trafic, de changer ces espèces dans de grosses coupures et d'organiser le rapatriement des fonds auprès de commanditaires africains (jgt., p. 14, 3
è
paragraphe). Une telle présentation des faits est constitutive de l'infraction de l'art. 305
bis
CP et c'est donc à raison que les premiers juges ont retenu celle-ci à l'encontre du prévenu, lequel ne pouvant ignorer que les fonds en question provenaient d'un trafic de stupéfiants.
Le second moyen de l'appelant, mal fondé, doit être rejeté.
6.
Les moyens soulevés par l'appelant étant rejetés, il appartient encore à la Cour de céans d'examiner la peine infligée en première instance (art. 404 al. 2 CPP).
6.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
6.2
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 134 IV 1 c. 4.2.2). En d'autres termes, la loi présume l'existence d'un pronostic favorable et cette présomption doit être renversée par le juge pour exclure le sursis. Lorsque la peine se situe entre un et deux ans, le sursis total est la règle et le sursis partiel l'exception. Le juge accordera le sursis partiel au lieu du sursis total lorsqu'il existe – notamment en raison de condamnations antérieures – de sérieux doutes sur les perspectives d'amendement de l'auteur, qui ne justifient cependant pas encore, à l'issue de l'appréciation de l'ensemble des circonstances, un pronostic concrètement défavorable.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. Le juge doit motiver sa décision de manière suffisante (art. 50 CP). Sa motivation doit permettre de vérifier s'il a tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (ATF 134 IV 5 c. 4.2.1; ATF 118 IV 97 c. 2b).
Selon la jurisprudence, le seul refus de collaborer à l'instruction, respectivement le déni des infractions commises, ne permet pas encore de tirer des conclusions sur la prise de conscience du condamné et motiver le refus du sursis. Le juge doit, au contraire, rechercher les raisons qui motivent ce refus puis les confronter à l'ensemble des éléments pertinents pour le pronostic (ATF 101 IV 257 c. 2a; TF 6B_610/2008 du 2 décembre 2008 c. 4.2.3).
6.3
En l'espèce, D.M._ s'est rendu coupable de faux dans les certificats et de blanchiment d'argent. Les premiers juges ont à juste titre considéré que la culpabilité de l'appelant était lourde. En effet, ce dernier a agi sur une longue période, en prêtant la main à un trafic international de stupéfiants, avec une subtilité manifeste. A charge, il convient de tenir compte du concours d'infractions (art. 49 al. 1 CP). De plus, l'état d'esprit de l'appelant au moment du jugement est caractérisé par un déni absolu dont il résulte qu'il n'a d'aucune façon pris conscience de la gravité de ses actes. A décharge, il n'existe aucune circonstance atténuante légale.
Au regard des infractions retenues, de l'importante culpabilité du prévenu et de sa situation personnelle, la peine privative de liberté de quinze mois fixée par les premiers juges paraît adéquate et doit être confirmée.
6.4
Au vu de la quotité de la peine infligée à D.M._, les conditions objectives du sursis sont réalisées. D'un point de vue subjectif, l'appelant est certes un délinquant primaire, mais il s'est rendu coupable d'actes objectivement graves. Il a prêté la main à un trafic international de stupéfiants, avec une subtilité manifeste et a nié l'évidence en inventant des explications rocambolesques telles que l'envoi d'argent dans un pays qu'il a fui pour des raisons politiques. On doit dès lors constater que le prévenu n'a fait preuve d'aucune prise de conscience rendant le pronostic quant à son comportement futur défavorable. Au surplus, l'appelant n'exerce aucune activité professionnelle depuis deux ans et se complaît dans une forme d'oisiveté qui amplifie d'autant plus le risque de récidive. Enfin, malgré les 110 jours de détention préventive, le prévenu continue à nier l'évidence.
Au vu de ce qui précède, le pronostic quant au comportement futur de D.M._ est entièrement défavorable et l'octroi du sursis doit être refusé.
7.
En définitive, l'appel formé par D.M._ est rejeté.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel sont mis à la charge de l'appelant qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
Au vu des opérations effectuées en appel, il se justifie d'arrêter à
1’803 fr. 60, TVA et débours compris, l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant. Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
937e36c5-7fdf-4f68-aea1-d218f0387861 | En fait :
A.
Par jugement du 2 mai 2012, le Tribunal de police d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que G._ s'est rendu coupable de dommages à la propriété (I), l'a condamné à une peine pécuniaire de 10 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 50 fr. (II), a suspendu l'exécution de la peine pécuniaire et a fixé au condamné un délai d'épreuve de deux ans (III), a dit que G._ est le débiteur de C._ et lui doit immédiatement paiement de la somme de 2'540 fr. 20, valeur échue (IV) et a mis les frais de la cause par 1'375 fr. à charge de G._ (V).
B.
Le 4 mai 2012, G._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel motivée du 24 mai 2012, il a conclu à son acquittement, au rejet des conclusions civiles et à l'octroi d'une indemnité au sens de l'art. 429 CPP, les frais de la cause étant laissé à la charge de l'Etat.
Par courrier du 1
er
juin 2012, le Ministère public a déclaré qu'il n'entendait pas présenter de demande de non-entrée en matière, qu'il s'en remettait à justice sur cette question et qu'il n'entendait pas déposer d'appel joint.
Par courrier du 18 juin 2012, C._ a déclaré ne pas formuler de demande de non-entrée, ni d'appel joint et a conclu au rejet de l'appel.
Par courrier du 5 juillet 2012, le Ministère public a déclaré qu'il n'entendait pas intervenir à l'audience d'appel du 21 août 2012 et a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
G._ est né le 12 avril 1963 à Bienne. Il est divorcé de K._ avec qui il a eu deux jumelles aujourd'hui âgées de vingt ans et qui vivent avec lui. Selon ses déclarations, la mère des enfants ne contribue pas à leur entretien. Il estime payer mensuellement environ 1'000 fr. pour son assurance-maladie et celle de ses filles. Il est aujourd'hui marié à B.P._. Il a effectué une formation de forestier-bûcheron et exerce actuellement l'activité de poseur de sol à titre indépendant. Il estime réaliser un revenu mensuel net d'environ 6'000 à 7'000 francs. Il vit avec ses deux filles et son épouse, dans la maison propriété de cette dernière. Il est co-propriétaire avec la plaignante C._ d'une maison sise à Suchy.
En 2009, G._ a été imposé sur un revenu net de 69'214 fr. et une fortune nette de 223'000 francs.
En date du 9 décembre 2011, il avait une poursuite pour un montant de 5'968 fr. 75. A la même date, il n'était sous le coup d'aucun acte de défaut de biens.
Le casier judiciaire suisse de l'appelant mentionne une amende de
500 fr. avec délai d'épreuve en vue de la radiation anticipée d'un an, pour violation grave des règles de la circulation routière, en date du 12 août 2006.
2.
En marge d'un conflit opposant G._ à son ancienne compagne C._, l'appelant a, à Suchy, le 15 avril 2010, donné un coup de cutter dans la capote du cabriolet de cette dernière. Celle-ci a déposé plainte le 14 juillet 2010 et a chiffré ses prétentions civiles à 2'540 fr. pour la réparation des dégâts occasionnés.
D.
A l'audience d'appel du 21 août 2012, l'appelant a conclu, en application de l'art. 429 CPP, à l'allocation d'une somme de 4'000 fr. à titre de frais d'avocat depuis le début de la procédure, sans toutefois produire de décompte ou de liste d'opérations. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la notification du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit.
La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel interjeté par G._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
G._ a conclu à son acquittement et invoque une constatation incomplète ou erronée des faits au sens de l'art. 398 al. 2 let. b CPP. Il relève un certain nombre de contradictions entre sa version, celle de la plaignante et celle des témoins. Il soutient que les multiples explications de la plaignante auraient dû amener le tribunal de police à le libérer de tout grief.
3.1
La constatation des faits est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
L'appelant a toujours nié les faits. Durant l'enquête, il a dit ne pas être certain d'avoir été sur place le jour en question. Aux débats de première instance, il a indiqué qu'il ne pouvait pas être sur place, B.P._ ayant pris sa voiture pour aller chercher sa fille à Saint-Barthélémy.
Le premier juge a fondé sa conviction sur le témoignage d'O._ qui a confirmé avoir vu le prévenu circuler autour de la voiture de la plaignante avec un cutter rouge ainsi que sur la photo de la capote montrant que la déchirure avait été causée volontairement. Il a en outre écarté le courrier du 16 février 2011, jugé peu crédible, de l'amie du prévenu B.P._ modifiant son témoignage du 9 novembre 2010 en ce sens qu'elle n'avait jamais été aux côtés de son ami le jour des faits, mais était au contraire allée chercher sa fille S.P._ avec le véhicule du prévenu à Saint-Bathélémy. Le premier juge n'a pas relevé d'incohérences dans les déclarations de la plaignante.
L'appelant fait état de contradictions dans le témoignage d'O._. Aux débats d'appel, la Cour de céans a réentendu ce témoin qui a expliqué de façon plausible pourquoi et comment des contradictions étaient apparues dans ses déclarations. Ainsi, s'il n'a pas pu confirmer aux débats de première instance avoir vu le prévenu donner le coup de cutter, c'est à cause de l'écoulement du temps. Mais il est certain d'avoir vu celui-ci un cutter à la main ce soir-là et avoir constaté les dégâts sur la capote du véhicule de la plaignante. S'il avait voulu prendre fait et cause pour la plaignante comme tente de le soutenir l'appelant, il n'aurait pas nuancé ses propos en défaveur de cette dernière. Par ailleurs, il a spontanément et naïvement admis avoir eu accès au dossier avant l'audience d'appel, ce qui atteste de sa franchise. Au vu de ses éléments, la Cour de céans considère son témoignage comme crédible.
L'appelant soutient qu'il ne pouvait pas se trouver à Suchy au moment des faits, son épouse étant allée chercher sa fille à Saint-Barthélémy avec sa voiture. Si le témoignage de S.P._ aux débats d'appel a permis de confirmer la présence de B.P._ à Saint-Barthélémy le soir du 15 avril 2010 aux alentours de 21h00 environ, il ne permet pas encore d'exclure la présence de l'appelant à Suchy ce soir-là. En effet, les événements ont très bien pu se passer avant que B.P._ ne se rende à Saint-Barthélémy, les deux villages se situant à une dizaine de kilomètres l'un de l'autre, soit à moins de 15 minutes en voiture, et l'heure exacte des faits n'étant pas connue.
Enfin, contrairement à ce qui est soutenu par l'appelant, les déclarations de C._ ne sont pas contradictoires. Cette dernière a expliqué de manière plausible pourquoi elle avait attendu pour porter plainte. Pour l'essentiel, ses déclarations n'ont pas varié. En ce qui concerne les déclarations figurant dans le journal de poste de la police (P. 45/1), selon lesquelles elle n'aurait vu la déchirure de sa capote qu'en arrivant à Genève alors qu'elle soutient – tout comme le témoin O._ – l'avoir constatée à Suchy déjà, il convient de relever que ce document n'a pas la valeur d'une audition et n'est pas signé par la plaignante. Il n'est pas exclu que l'agent de police ait mal compris ou mal retranscrit les propos. En effet, il ne ressort pas du témoignage de Z._ que la plaignante se serait rendue compte de la déchirure à Genève seulement (PV audition 4). Au surplus, aux débats d'appel, la plaignante est apparue crédible et non revancharde.
3.3
Au vu de ce qui précède, il n'y a en définitive aucune constatation erronée des faits tels que retenus dans le jugement entrepris. Au contraire, pour forger sa conviction, le Tribunal de première instance a tenu compte des témoignages qu'il a appréciés avec soin et des pièces au dossier. Il a expliqué de façon complète et détaillée pourquoi il ne pouvait suivre l'appelant dans ses explications et pourquoi les déclarations de la plaignante étaient crédibles et non pas contradictoires (jgt., pp. 10 à 12).
Mal fondé, le grief de l'appelant doit être rejeté.
4.
La condamnation de l'appelant pour dommages à la propriété étant confirmée, il appartient encore à la Cour de céans d'examiner la peine infligée en première instance (art. 404 al. 2 CPP).
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
4.2
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
4.3
En l'espèce, G._ a déchiré la capote du cabriolet de son ancienne compagne dans la seule intention de lui nuire. A la décharge de l'appelant, le premier juge a, malgré une amende LCR, généreusement retenu son absence d'antécédents, bien que le Tribunal fédéral ait considéré que sauf circonstances exceptionnelles, cet élément a un effet neutre sur la fixation de la peine et n'a donc plus à être pris en considération dans un sens atténuant (ATF 136 IV 1 c. 2.6.4).
Au regard de l'infraction commise, de la culpabilité de l'appelant et de sa situation personnelle, la quotité et le type de peine retenus par le premier juge sont adéquats et doivent être confirmés. L'octroi du sursis doit également être confirmé dans la mesure où l'appelant en remplit les conditions.
6.
L'appelant a conclu au rejet des conclusions civiles et à l'octroi d'une indemnité de 4'000 fr. à titre de frais d'avocat depuis le début de la procédure.
L'appelant étant condamné pour dommages à la propriété, il doit verser à la plaignante le montant de ses conclusions civiles, lesquelles sont justifiées dans leur principe comme dans leur quotité et il n'a pas droit à l'allocation d'une indemnité au sens de l'art. 429 CPP.
7.
En conclusion, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de G._ qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
938f4c95-e055-4fe8-8bd4-e8dc7225aae1 | En fait :
A.
Par jugement du 4 octobre 2013, la Présidente du Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a condamné T._ pour violation simple des règles de la circulation routière à 240 fr. d’amende (I), a dit qu’en cas de non paiement fautif de l’amende, la peine privative de liberté de substitution serait de 4 jours (II) et a mis à sa charge les frais de justice, par 462 francs.
B.
Par annonce motivée du 18 octobre 2013, puis par déclaration motivée du 16 novembre 2013, T._ a formé appel contre ce jugement en concluant implicitement à son acquittement et à sa libération de tous les frais.
Le 29 novembre 2013, la direction de la procédure a avisé les parties que la cause, limitée à une condamnation pour contravention à la LCR, relevait d’un appel restreint
et qu’elle serait traitée en procédure écrite par un juge unique.
Par courrier du 31 décembre 2013, le Ministère public a conclu au rejet de l’appel. Le même jour, l’appelant a déposé une réplique spontanée et a produit des pièces.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
a) T._ né le 21 novembre 1949, plâtrier peintre de métier, est au bénéfice d’une rente invalidité. Selon ses dires, sa situation personnelle se dégrade en raison notamment d’une séparation conjugale imminente et d’un conflit avec ses enfants. Sa situation financière, est obérée. Il aurait souhaité déposer son bilan, mais la procédure n’a pas abouti. A la date des débats, il percevait une rente mensuelle de 1'280 fr., payait un loyer d’environ 1'000 fr. et des primes d’assurance maladie de 350 francs.
Son casier judiciaire et son fichier ADMAS sont vierges.
b) Le 23 novembre 2012, T._ circulait sur l’autoroute A9 en direction de Genève. A la hauteur de Crissier, il s’est trouvé sur la piste de droite qui mène vers la sortie. Il a voulu changer de piste pour prendre la voie direction Genève. Ce faisant, il est entré en contact avec le véhicule que conduisait C._, qui circulait également sur cette piste à une vitesse d’environ 90 km/h. C._ n’a pas pu changer de piste et n’a pas pu freiner pour éviter le contact avec le véhicule de l’appelant. Les deux conducteurs se sont ensuite arrêtés sur la bande d’arrêt d’urgence à droite de la piste de sortie pour Crissier. T._ est persuadé que C._ voulait quitter les lieux. Il reconnaît cependant que la conductrice est sortie de l’autoroute en le précédant. T._ a fait appel à la police. Il conteste toute responsabilité dans l’impact qui a eu lieu entre les deux véhicules.
c)
Par ordonnance du 22 janvier 2013, la Préfecture de l’Ouest lausannois, a notamment condamné l’intéressé à une amende de 400 fr. pour violation des art. 90 al. 1 LCR et 96 OCR.
Par courrier du 31 janvier 2013, le prévenu a formé opposition à cette ordonnance.
Le 15 mars 2013, le prévenu a été entendu par la Préfète de l’Ouest lausannois. Il a déclaré qu’il contestait les faits et a demandé le renvoi du dossier devant le tribunal. Il a notamment précisé que C._ aurait pris a fuite lors de l’incident.
Le 21 mars 2013, la Préfète a maintenu sa décision et a transmis le dossier de la cause au Tribunal de police.
Devant le premier juge, T._ a une nouvelle fois contesté toute faute de circulation. Considérant qu’il avait passé d’une voie à une autre sans égard aux autres usagers de la route (art. 34 al. 3 et 44 al. 1 LCR), le Tribunal de police l’a toutefois condamné. | En droit :
1.
a) Selon l'art. 399 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0), l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de T._ est recevable.
b)
S'agissant d'un appel dirigé contre une contravention, la procédure est écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause relève de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 , RSV 312.01]).
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kist Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22-23 ad art. 398 CPP).
c) En l’espèce, seule une contravention à la législation sur la circulation routière a fait l’objet de l’accusation et du jugement de première instance, de sorte que l’appel est restreint.
2.
a) L’appelant conteste toute responsabilité dans le contact accidentel de son véhicule avec celui de C._. Il prétend que l’automobile de cette dernière a dévié de sa trajectoire pour heurter l’avant gauche de sa propre voiture. Il discerne des indices de culpabilité d’une part dans le prétendu comportement de fuite après l’accident de l’autre automobiliste, alors que lui-même a téléphoné à la police, et, d’autre part, dans de prétendues contradictions dans les dépositions de C._ et celle de sa passagère, s’agissant d’un éventuel freinage avant le frottement des deux carrosseries ou dans la détermination de la densité du trafic permettant ou interdisant de se déporter à gauche pour éviter le choc latéral.
b) Le conducteur qui veut modifier sa direction de marche, par exemple pour obliquer, dépasser, se mettre en ordre de présélection ou passer d’une voie à l’autre, est tenu d’avoir égard aux usagers de la route qui viennent en sens inverse ainsi qu’aux véhicules qui le suivent (art. 34 al. 3 LCR [Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958; RS 741.01]).
Sur les routes marquées de plusieurs voies pour une même direction, le conducteur ne peut passer d’une voie à une autre que s’il n’en résulte pas de danger pour les autres usagers de la route (art. 44 al. 1 LCR).
c) Se fondant sur le rapport de dénonciation et les dépositions des parties à l’audience, le premier juge a considéré que les faits étaient établis à satisfaction de droit. Il a ainsi retenu que l’appelant avait effectué sa manœuvre consistant à passer de sa voie à celle de gauche, sans remarquer le véhicule conduit par C._ qui le dépassait et donc sans lui avoir prêté égard, le flanc dudit véhicule étant alors griffé par l’angle avant gauche de celui du prévenu.
d) Dès lors que la procédure concerne une contravention, l’appelant perd de vue qu’en vertu de l’art. 398 al. 4 CPP, il ne peut pas plaider sa propre version des faits ou le bénéfice du doute en appel, mais qu’il doit démontrer que les faits auraient été retenus de manière arbitraire par le premier juge, démonstration qu’il n’administre pas.
L’appelant a lui-même déclaré à la police que l’accident était survenu lorsqu’il a tenté de quitter sa voie pour prendre celle située sur la gauche (rapport de police du 15 décembre 2012, p. 4). L’origine de l’accident se situe donc dans le mouvement latéral de son véhicule. Sa version d’une trajectoire déviante du véhicule conduit par C._ simultanément à sa propre manœuvre n’a aucun fondement et n’est étayée par aucune preuve, alors que les traces relevées sur les véhicules sont conformes à un heurt de l’avant du véhicule obliquant sur le flanc du véhicule circulant plus rapidement en suivant une trajectoire rectiligne.
Au surplus, le prétendu comportement de fuite que l’appelant impute à sa partie adverse ne repose sur aucun indice convaincant. En effet, suite au choc, le véhicule conduit par C._ s’est extrait à la première occasion du flux compact des voitures circulant sur les voies de l’autoroute pour permettre l’établissement d’un constat sans gêner excessivement la circulation. Le fait que l’appelant ait fait appel à la police n’est évidemment pas décisif quant à l’attribution objective de la responsabilité de l’accident, de même que les éventuelles légères modifications de versions sur des points non pertinents.
Il faut par conséquent constater que le premier juge a retenu sans arbitraire que l’appelant avait commis une faute de circulation en se déportant à gauche sans avoir égard à un véhicule circulant sur cette voie.
3.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement du 4 octobre 2013 intégralement confirmé.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, doivent être mis à la charge de T._, qui succombe (art. 426 al. 1 et 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
939045da-ea2a-482f-8482-ea6f0ef0b35e | En fait :
A.
Par jugement du 17 septembre 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que Z._ s’est rendu coupable de trouble à la tranquillité et à l’ordre publics (I), l’a condamné à une amende de 120 fr. (cent vingt francs) (II), a dit qu’à défaut de paiement fautif de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 2 (deux) jours (III), a rejeté les prétentions formées par Z._ en indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure et en réparation du tort moral (IV), a arrêté les frais de la Commission de police à 50 fr. (V) et a mis les frais de la procédure d’opposition par 700 fr. à la charge de Z._ (VI).
B.
Le 18 septembre 2013, Z._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel motivée du 2 octobre 2013, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est libéré de toute peine et de tous frais.
Le 9 octobre 2013, Z._ a complété sa déclaration d’appel en invoquant, à titre subsidiaire, le bénéfice de l’art. 52 CP.
Par avis du 11 octobre 2013, le Président de céans a informé les parties que l’appel serait traité en procédure écrite et par un juge unique. Il leur a imparti un délai de dix jours pour déposer d’éventuelles déterminations.
Par déterminations du 14 octobre 2013, Z._ a complété ses conclusions formulées le 2 octobre 2013 en ce sens qu’une indemnité de 3'000 fr. lui est allouée pour ses frais de défense.
Le 23 octobre 2013, le Ministère public a indiqué qu’il renonçait à déposer des déterminations.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Z._ est né le 5 mai 1952 à [...]. Il est le deuxième d’une fratrie de trois enfants et a été élevé par ses parents à [...]. Z._ a suivi l’école obligatoire, puis a entrepris une formation d’instituteur. Il a travaillé durant dix-huit ans, à [...], soit jusqu’en 2002, en qualité de maître de primaire supérieure. Par la suite, il a fait une dépression. Il a cessé son métier et travaille depuis lors en qualité de coursier indépendant, activité qui lui rapporte environ 2'000 fr. par mois. En sus, il perçoit une rente mensuelle de l’ordre de 4'000 fr. à titre de préretraite. Son loyer se monte à 650 fr. par mois et son assurance-maladie à 390 fr. par mois. Il est propriétaire d’une petite maison à [...] d’une valeur de 330'000 francs. Cette maison est toutefois grevée d’une hypothèque de 200'000 francs. Z._ s’acquitte d’une somme d’environ 10'000 fr. par année à titre de frais d’hypothèque et d’amortissement. Il déclare environ 80'000 fr. de revenu aux impôts.
Son casier judiciaire ne comporte aucune inscription.
2.
Le 7 février 2013, lors d’une patrouille, l’attention des agents de police a été attirée par un homme, sur la Place [...], qui interpellait des passants. Il portait sur lui deux grandes pancartes, traitant notamment de problèmes « d’impôts ». Les agents ont procédé au contrôle de l’individu au bas de la rue de [...]. Lors de son interpellation, il n’avait plus ses pancartes avec lui. Il s’est montré d’entrée oppositionnel envers les agents et n’a pas cessé d’élever la voix pour manifester son mécontentement, malgré leurs nombreuses sommations. Après discussion, il a accepté de présenter sa carte d’identité et a été identifié en la personne de Z._. Questionné sur les pancartes, il a refusé de donner connaissance du contenu aux agents. Au terme du contrôle, il a crié de plus en plus fort, notamment lorsque les agents ont regagné leur véhicule. Son comportement n’a pas manqué d’attirer l’attention des nombreux passants.
Par ordonnance du 22 mai 2013, rendue ensuite d’une opposition à une première ordonnance pénale datée du 11 mars 2013, la Commission de police de la ville de [...] a reconnu Z._ coupable de trouble à la tranquillité et à l’ordre publics.
Contestant une partie des faits reprochés, le prévenu a formé opposition à cette ordonnance par courrier du 5 juin 2013. La Commission de police a décidé de maintenir sa décision et le Ministère public a transmis le dossier de la cause à l’autorité de première instance en vue des débats, en application de l’art. 356 al. 1 CPP.
Devant le Tribunal de police, Z._ a une nouvelle fois contesté s’être rendu coupable de trouble à la tranquillité et à l’ordre publics. | En droit :
1.
1.1
Selon l’art. 399 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (al. 1). La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (al. 3).
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de Z._ est recevable.
1.2
S'agissant d'un appel dirigé contre une contravention, la procédure applicable est écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009; RSV 312.01]).
1.3
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22 et 23 ad art. 398 CPP).
En l’espèce, seule une contravention a fait l’objet de l’accusation et du jugement de première instance, de sorte que l’appel est retreint.
2.
L’appelant conteste en premier lieu avoir troublé la tranquillité et l’ordre publics. Il admet avoir déambulé le 7 février 2013, en portant de grandes pancartes et soutient n’avoir fait que manifester son opinion en toute légalité. Il prétend ensuite s’être borné à faire usage de son droit au silence auprès des autorités policières et conteste en particulier avoir crié. Il invoque enfin le bénéfice du doute.
2.1
Le premier juge a retenu que les faits figurant dans le rapport de dénonciation étaient établis à satisfaction de droit. Il a ainsi retenu que l’appelant avait troublé la tranquillité et l’ordre publics en criant à l’encontre des agents de police.
2.2
Dès lors que la procédure concerne une contravention, l’appelant perd de vue qu’en vertu de l’art. 398 al. 4 CPP il ne peut pas plaider sa propre version ou le bénéfice du doute en appel, mais qu’il doit démontrer que les faits auraient été retenus de manière arbitraire par le premier juge, démonstration qu’il n’entreprend pas de faire. Il faut donc constater que le premier juge a retenu de manière définitive que l’appelant a troublé la tranquillité et l’ordre publics en criant de plus en plus fort, lors de l’interpellation de police.
Le premier grief doit en conséquence être rejeté.
3.
L’appelant invoque ensuite la CEDH et son droit à la liberté d’opinion et d’expression.
3.1
A l’instar de l’art. 16 al. 2 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101), l’art. 10 par. 1 CEDH (Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales; RS 0.101) garantit à toute personne le droit à la liberté d’expression.
Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. L’exercice de ces libertés comporte toutefois des devoirs et des responsabilités et peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, notamment à la défense de l’ordre et à la protection de la morale, de la réputation ou des droits d’autrui (cf. art. 10 par. 2 CEDH).
La liberté d’expression, à l’instar des autres droits fondamentaux, n’a donc pas une valeur absolue. Une ingérence dans son exercice est conforme à l’art. 10 CEDH si elle est prévue par la loi, si elle poursuit un but légitime de protection de l’intérêt public, notamment de la réputation et des droits d’autrui, et si elle est proportionnée au but légitime poursuivi (arrêts CEDH RTBF c. Belgique du 29 mars 2011, § 95; Bergens Tidende et autres c. Norvège du 2 mai 2000, § 33 et 48 ss). Ces critères correspondent à ceux posés en matière de restrictions des droits fondamentaux par l’art. 36 Cst., disposition qui exige que de telles restrictions reposent sur une base légale, soient justifiées par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui et, selon le principe de la proportionnalité, se limitent à ce qui est nécessaire et adéquat à la réalisation des buts d’intérêt public poursuivis (ATF 137 IV 313 c. 3.31 et les références citées; notamment ATF 130 I 369 c. 7.2 et auteurs cités; également ATF 136 IV 97 c. 6.3.1).
3.2
En l’espèce, l’appelant n’a pas été condamné parce qu’il a exercé sa liberté d’expression, mais parce qu’il a troublé l’ordre public. A supposer qu’il ait crié des propos relevant de sa liberté d’opinion, lors de l’intervention de la police, il ne pouvait le faire impunément. L’art. 26 du Règlement général de la police de la commune de Lausanne (RGP) constitue une base légale suffisante pour limiter l’exercice de la liberté invoquée par l’appelant, dans un but légitime de protection de l’intérêt public.
Le deuxième grief doit également être rejeté.
4.
L’appelant invoque enfin, dans son mémoire complémentaire et à titre subsidiaire, le bénéfice de l’art. 52 CP qui permet de prononcer une exemption de peine.
4.1
D’après cette disposition, si la culpabilité de l’auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l’autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.
Lorsque la décision d’exemption de peine est prise dans le cadre d’un jugement, cette décision prend la forme d’un verdict de culpabilité dépourvu de sanction (Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 7 ad art. 52 CP). Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser que l’exemption de peine suppose que l’infraction soit de peu d’importance, tant au regard de la culpabilité de l’auteur que du résultat de l’acte. L’importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification. Pour apprécier la culpabilité, il faut tenir compte de tous les éléments pertinents pour la fixation de la peine, notamment des circonstances personnelles de l’auteur (ATF 135 IV 130 c. 5.3.2).
4.2
Malgré le renvoi de l’art. 104 CP aux dispositions de la première partie du Code pénal, on peut se demander si l’art. 52 CP ne s’applique en réalité qu’aux crimes et aux délits, tant il est vrai que pour l’essentiel des contraventions commises, la culpabilité de l’auteur et les conséquences de l’acte sont peu importantes. On peut également se demander si le législateur communal a voulu, par le renvoi de l’art. 18 RGP au droit cantonal y inclure également le droit fédéral à titre supplétif. On peut toutefois laisser ces questions ouvertes, dès lors que de toute manière l’infraction commise par l’appelant n’apparaît pas « peu importante » au regard des autres infractions qui pourraient être sanctionnées en application de l’art. 26 RGP.
Partant, l’amende de 120 fr. infligée à Z._ par le premier juge est adéquate et doit être confirmée.
5.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé. La demande d’indemnité formée par l’appelant n’a dès lors plus d’objet.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel doivent être mis à la charge de Z._ (art. 426 al. 1 et 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
939524b9-19d3-4a9c-a7fe-86575565a5fc | En fait :
A.
Par jugement du 8 avril 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a condamné O._ pour conduite en état d’incapacité de conduire (taux d’alcoolémie qualifié) à une peine pécuniaire de 40 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. (I), a révoqué le sursis accordé au prénommé le 19 janvier 2012 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne (II) et a mis les frais de la cause, par 1'648 fr., à la charge du condamné (III).
B.
Par déclaration motivée du 10 avril 2014, O._ a formé appel contre ce jugement, en concluant, sous suite de frais et dépens, à sa modification en ce sens qu’il est condamné à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 30 fr. avec sursis et, implicitement, que le sursis octroyé le 19 janvier 2012 n’est pas révoqué.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
O._ est né le [...] 1991 en France, pays dont il est ressortissant. Etudiant en troisième année de droit, il travaille pour financer ses études dans une discothèque comme assistant du responsable d’exploitation et de promotion. Pour cette activité, il réalise un revenu mensuel net de 3'500 fr., part au treizième salaire inclue. Son loyer se monte à 627 fr. et ses primes d’assurance-maladie à 350 fr. environ.
Son casier judiciaire fait état de la condamnation suivante : 19.01.2012, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, conduite en incapacité de conduire (taux d’alcoolémie qualifié) et contravention à l’art. 147 OAC (concours), peine pécuniaire de 12 jours-amende à 30 fr. avec sursis durant trois ans, amende de 300 francs.
L’extrait du fichier ADMAS d‘O._ mentionne un retrait de permis de 3 mois du 29 février au 30 mai 2012. En outre, en raison de la présente procédure, le service des automobiles a annulé son permis d’élève conducteur français.
2.
Le 13 juillet 2013 vers 04h55, O._ a conduit en état d’ébriété (taux d’alcoolémie qualifié de 1,1 gr o/oo) alors qu’il rentrait du [...] en compagnie de deux amis et comptait se rendre à Lausanne pour y dormir. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d’O._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant invoque une appréciation erronée des faits. Il fait valoir en premier lieu que l’excès de vitesse mentionné au paragraphe 3 du jugement entrepris n’a pas eu lieu récemment, mais en juillet 2013. Il soutient ensuite que c’est à tort que le premier juge a retenu que son activité professionnelle dans le domaine de la vie nocturne ne laissait rien présager de bon.
3.1
La constatation des faits est incomplète au sens de l’art. 398 al. 3 let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n’ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
En l’espèce, le jugement de première instance ne contient aucun fait erroné. En effet, le paragraphe 3 du jugement mentionne que l’excès de vitesse a été sanctionné, et non pas commis, récemment. De toute manière, juillet 2013 est une période récente sous l’angle des antécédents et celui-là ne joue pratiquement aucun rôle s’agissant d’une contravention. Quant à la référence à l’activité professionnelle de l’appelant, il s’agit d’une appréciation portant sur le risque de récidive et non sur un fait.
Mal fondé, ce premier grief doit être rejeté.
4.
L’appelant conteste ensuite la culpabilité retenue à son encontre par le premier juge et, partant, la quotité de la peine. Il soutient qu’il est encore digne d’une mesure de clémence, le taux d’alcoolémie et les circonstances de la conduite en état d’ivresse ne montrant pas une faute lourde.
4.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; 129 IV 6 c. 6.1 p. 20).
4.2
En l’espèce, à l’instar du premier juge, la culpabilité d’O._ doit être qualifiée de significative. Ce dernier a récidivé dans le délai d’épreuve en commettant, de surcroît, une infraction identique. Le taux d’alcoolémie est qualifié. Quoi qu’en dise l’appelant, il a accepté de prendre le volant au petit matin en compagnie de tiers après avoir bu plusieurs verres d’alcool. A décharge, il convient de prendre en considération sa situation personnelle, notamment le fait qu’il travaille en parallèle à ses études pour subvenir à ses besoins. Enfin, s’agissant des excuses présentées en cours de procédure, elles ne sauraient, contrairement à ce que soutient l’appelant, être considérées comme une circonstance atténuante au sens de l’art. 48 let. d CP.
Au regard des éléments qui précèdent, la peine pécuniaire de 20 jours-amende prononcée par le premier juge est adéquate et doit être confirmée. Il en va de même du montant du jour-amende, qui n’est au demeurant pas remis en cause.
5.
L’appelant conteste enfin le refus du sursis. Il fait valoir qu’un pronostic défavorable ne peut pas être posé à son encontre. Pour ce motif également, il soutient que le sursis octroyé le 19 janvier 2012 ne doit pas être révoqué.
5.1
5.1.1
Selon l’art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits. Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. Le nouveau droit pose des exigences moins élevées quant au pronostic pour l'octroi du sursis. Auparavant, il fallait que le pronostic soit favorable. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (ATF 135 IV 180 c. 2.1 ; ATF 134 IV 1 c. 4.2.2 ; TF 6B_348/2014 du 19 juin 2014 c. 2).
5.1.2
Lorsque le juge est appelé à connaître d'un crime ou d'un délit que l'auteur a commis après une précédente condamnation à une peine assortie du sursis, il est également compétent pour statuer sur la révocation de ce dernier (art. 46 al. 3 CP). Il doit examiner si les conditions d'une révocation sont réunies, laquelle postule que le crime ou le délit dont il est appelé à connaître ait été commis pendant le délai d'épreuve du sursis antérieur et qu'il y ait dès lors lieu de prévoir que l'auteur commettra de nouvelles infractions (art. 46 al. 1 CP). Cette dernière condition implique l'existence d'un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné (ATF 134 IV 140 c. 4.3). Elle correspond donc à l'une des conditions de l'octroi du sursis, de sorte que, comme dans ce dernier cas, le pronostic à émettre doit reposer sur une appréciation d'ensemble de tous les éléments pertinents (ATF 134 IV 140 c. 4.4 et les arrêts cités). Dans l'appréciation des perspectives d'amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d'un sursis antérieur, le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l'octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible : si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (ATF 134 IV 140 c. 4.5).
5.2
En l’espèce, c’est à juste titre que le premier juge a prononcé une peine ferme, s’agissant d’une récidive spéciale commise durant le délai d’épreuve. Il s’agit d’un facteur prépondérant de pronostic défavorable qu’aucun autre élément ne vient suffisamment contrebalancer. En outre, les déclarations de l’appelant en première instance, tendant à banaliser son infraction (cf. jgt. p. 4, «
je me sentais apte à conduire
»), alors que le taux d’alcoolémie est qualifié et que la conduite a eu lieu au petit matin, ne permettent pas de considérer que son attitude vis-à-vis de la conduite sous l’emprise de l’alcool aurait radicalement changé. Ainsi, peu importe ce qu’a considéré le premier juge s’agissant des activités professionnelles nocturnes de l’appelant, la peine ne peut être assortie du sursis.
En revanche, au regard de la jurisprudence fédérale citée ci-dessus qui exige une motivation particulière pour prononcer à la fois une peine ferme et révoquer le sursis, il faut admettre que l’exécution de la peine infligée par le premier juge aura un effet dissuasif suffisant. Il se justifie dès lors de renoncer à la révocation du sursis accordé au prévenu le 19 janvier 2012. Le délai d’épreuve sera toutefois prolongé d’une année et porté par conséquent à quatre ans.
6.
En définitive, l’appel d’O._ doit être partiellement admis et le jugement entrepris modifié dans le sens des considérants qui précèdent.
7.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, constitués du seul émolument d’arrêt, par 1’170 fr., sont mis par moitié à la charge d’O._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
93ac09f4-52ee-4cd7-b3b0-04306290fe71 | En fait :
A.
Par jugement du 22 mai 2014, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté qu’T._ s’est rendu coupable d’escroquerie (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, le jour-amende étant fixé à 50 fr., et à une amende de 150 fr. (II), a suspendu l’exécution de la peine pécuniaire et fixé à T._ un délai d’épreuve de deux ans (III), a dit qu’à défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de trois jours (IV), a renvoyé la partie plaignante J._ à agir devant le juge civil (V), a dit qu’T._ est le débiteur de J._ de la somme de 3'380 fr. à titre d’indemnité pour ses dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (VI) et a mis les frais de justice, par 1'052 fr. 80, à la charge d’T._ (VII).
B.
T._ a annoncé faire appel de ce jugement le 27 mai 2014. Il a déposé une déclaration d’appel motivée le 23 juin 2014. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, à la modification du jugement en ce sens qu’il soit libéré de tout chef d’accusation, que toutes conclusions civiles soient rejetées et qu’une indemnité à forme de l’art. 429 CPP lui soit allouée pour les deux instances, s’agissant en particulier de la couverture des honoraires de son défenseur de choix pour la première instance, à hauteur de 2'160 francs. Il a requis l’audition de trois témoins.
L’appelant a produit une pièce nouvelle par acte du 7 mars 2014 (recte : 28 août 2014; P. 72/1). Il a formulé de plus amples réquisitions de preuve le 28 août 2014 également. Il a confirmé ses conclusions à l’audience d’appel, produisant un bordereau de pièces complémentaire (P. 75). Le plaignant J._, intimé, a conclu, avec dépens, au rejet de l’appel. Il a justifié et chiffré les honoraires de son conseil de choix (P. 76).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1 Le prévenu T._, né en 1932, marié, père de quatre enfants adultes, a travaillé sa vie durant comme agriculteur. Aujourd’hui à la retraite, il perçoit une rente AVS pour couple d’un montant mensuel de 3'800 francs. Il verse environ 14'000 fr. de primes d’assurance-maladie pour lui-même et son épouse. Son loyer se monte à 18'600 fr., sans les charges. Propriétaire d’un chalet, il a déclaré en 2013 une fortune de 880'000 fr., ce montant comprenant toutefois une vigne dont il n’est pas propriétaire.
Son casier judiciaire est vierge.
1.2 Du 1
er
avril 2003 au 31 mars 2005, le prévenu et le plaignant J._ ont exploité en société simple un domaine agricole sis à [...].J._ a repris le bail à ferme avec effet au 1
er
avril 2005 et exploite dorénavant le domaine seul. Le prévenu est ainsi devenu simple locataire de son logement, sis sur le domaine. Les parties sont en litige depuis plusieurs années. Elles reconnaissent être en très mauvais termes indépendamment même de l’objet de la présente procédure, exposé ci-dessous.
1.3 De 2003 à la fin de l’année 2005, la commune de Mex avait pour habitude d’adresser au seul T._ les factures relatives à la consommation d’eau des deux associés. Le prévenu transmettait ces factures pour paiement à son associé par le débit du compte d’exploitation de la société simple. J._ les a intégralement payées. Il supposait que les factures qui lui étaient ainsi transmises ne concernaient que la consommation d’eau du domaine agricole exploité en commun et de son propre logement, partant du principe que le prévenu recevait des factures séparées pour sa consommation personnelle d’eau. En effet, le prévenu avait caché à son associé le fait que l’ensemble de la consommation d’eau de son logement, qui transitait par le compteur du plaignant, ne faisait l’objet d’aucun décompte et, partant, d’aucune facturation distincte. Plus encore, le prévenu avait affirmé au plaignant qu’un second compteur, soit un sous-compteur, installé en 2000, mesurait l’arrivée d’eau dans son propre logement et que la commune pouvait dès lors procéder à une facturation séparée sur la base des relevés de ce compteur, ajoutant que des factures séparées lui étaient dès lors adressées pour sa propre consommation.
J._ ayant, comme déjà relevé, repris l’exploitation du domaine à son compte en 2005, la commune lui a, dès le 1
er
janvier 2006, facturé l’intégralité de la consommation d’eau à titre personnel. Pour sa part, le prévenu n’a pas reçu de facture d’eau de la commune dès ce même moment (P. 4/3). Le plaignant a continué à s’acquitter intégralement des factures qui lui étaient adressées, pensant toujours que cette facturation portait exclusivement sur la consommation de l’exploitation et de son propre logement. Ce n’est que par hasard, à l’occasion d’un entretien avec un employé communal occupé à relever son compteur, que le plaignant a appris que le sous-compteur du prévenu n’était pas relevé et ne l’avait jamais été. Le plaignant a fait part de la situation au prévenu, exprimant son refus de continuer à payer l’eau qu’il ne consommait pas. Le prévenu a admis que son sous-compteur n’avait jamais été relevé à compter de son installation, soit dès l’an 2000, jusqu’à ce qu’il ne le fasse relever après cet entretien avec son ex-associé (PV aud. 1, lignes 66-71).
J._ a déposé plainte contre T._ le 10 décembre 2010. Le plaignant évalue à 1'200 fr. la valeur de l’eau ainsi détournée par le prévenu à son préjudice. Les factures produites par le lésé ne permettent toutefois pas d’établir précisément le dommage, puisqu’elles se rapportent à la facturation de l’ensemble de l’adduction d’eau et que l’on ignore la part consommée distinctement par le ménage du prévenu. Au demeurant, la gérance qui s’occupait des logements des parties en 2006 et 2007 n’avait pas mandat de s’occuper du décompte d’eau.
2. Ecartant les dénégations diverses du prévenu selon lesquelles il aurait alerté la gérance de longue date pour l’inviter à taxer sa consommation sur une base individuelle, le tribunal de police a retenu que celui-ci avait sciemment caché au plaignant que son sous-compteur n’était jamais relevé et que l’eau qu’il consommait était dès lors intégralement facturée au lésé depuis le 1
er
janvier 2006. Le premier juge a tenu ce comportement pour astucieux et ajouté que la dupe n’avait pas de motifs de douter de la parole du prévenu, ni de faire des recherches plus approfondies sur la consommation d’eau des deux foyers. La qualification d’escroquerie a dès lors été retenue. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable. Les pièces nouvelles produites par l’appelant sont en revanche irrecevables (art. 389 CPP, applicable par analogie à la procédure d’appel).
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
L’appelant conclut à libération des fins de la poursuite pénale. Contestant avoir agi astucieusement et niant tout rapport de confiance préexistant avec l’intimé ainsi que tout préjudice en défaveur de ce dernier, il fait valoir que les éléments constitutifs de l’escroquerie ne sont pas réalisés.
3.2.1
Aux termes de l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, a astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l'a astucieusement confortée dans son erreur et a de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.
3.2.2
Sur le plan objectif, l'escroquerie suppose d'abord une tromperie, qui peut consister soit à induire la victime en erreur, par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, soit à conforter la victime dans son erreur, en lui montrant, par des paroles ou par des actes, qu'elle est dans le vrai, alors qu'en réalité elle se trompe. Il faut en outre que la tromperie ait été astucieuse.
L'astuce est réalisée non seulement lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il se borne à donner de fausses informations dont la vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire, par exemple en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 133 V 256 c. 4.4.3; ATF 128 IV 18 c. 3a p. 20). Tel est notamment le cas si l'auteur conclut un contrat en ayant d'emblée l'intention de ne pas fournir sa prestation alors que son intention n'était pas décelable (ATF 118 IV 359 c. 2 p. 361 s.), s'il exploite un rapport de confiance préexistant qui dissuade la dupe de vérifier (ATF 122 IV 246 c. 3a p. 248) ou encore si la dupe, en raison de sa situation personnelle (faiblesse d'esprit, inexpérience, grand âge ou maladie), n'est pas en mesure de procéder à une vérification et que l'auteur exploite cette situation (ATF 120 IV 186 c. 1a p. 188). L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait escroquerie, que la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence et qu'elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles. La question n'est donc pas de savoir si elle a fait tout ce qu'elle pouvait pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que lorsque la dupe est coresponsable du dommage parce qu'elle n'a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s'imposaient (128 IV 18 c. 3a p. 20). Ainsi, la prise en considération de l'éventuelle responsabilité de la dupe connaît certaines limites. D'une part, elle ne doit pas avoir épuisé toutes les mesures de contrôles possibles et imaginables qui se trouvaient à sa portée (ATF 128 IV 18 c. 3a p. 20) et, d'autre part, n'importe quelle négligence de sa part ne suffit pas à exclure l'astuce (ATF 126 IV 165 c. 2a p. 172). Il n'est donc pas nécessaire que la dupe soit exempte de la moindre faute (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., 2010, n. 17 ad art. 146 CP).
3.2.3
Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime. Cet enrichissement, de l'auteur lui-même ou d'un tiers, est en général le pendant de l'appauvrissement de la victime et peut donc aussi être déduit de l'intention de causer un préjudice à la victime (ATF 119 IV 210 c. 4b p. 214).
4.
4.1
En l’espèce, il doit d’abord être constaté que le plaignant a été victime d’une tromperie de l’appelant. En effet, le prévenu lui a affirmé qu’un sous-compteur était installé dans son logement, que la commune relevait la consommation d’eau de son ménage et qu’il payait par conséquent ses propres factures. Ces assertions impliquaient, a contrario, que les factures acquittées par le plaignant étaient établies sur une base séparée, excluant l’eau consommée personnellement par le prévenu.
4.2
Il convient encore d’examiner si cette tromperie est astucieuse. Trancher cette question implique de déterminer si les fausses affirmations de l’appelant n’étaient que difficilement vérifiables par la dupe ou n’avaient pas à être vérifiées en raison d’un rapport de confiance particulier entre les parties.
Le prévenu a dissuadé le plaignant de procéder à des vérifications en affirmant que l’employé communal avait contrôlé son sous-compteur et continuait à le faire. Il ne s’agit donc pas d’une dissimulation, mais d’un mensonge, soit d’un comportement actif qui, compte tenu des relations antérieures entre parties, ex-associées dans une société simple, était suffisant pour dissuader la dupe d’examiner de lui-même la situation. Il est en effet établi que, durant la société simple, la consommation d’eau du domaine exploité en commun par les parties était facturée à l’intimé, puis payée par le débit du compte d’exploitation de la société, sur la foi de l’assertion selon laquelle la consommation de l’appelant était mesurée et facturée séparément par le sous-compteur installé dans son logement. Une telle répartition des charges est conforme à la responsabilité entre associés consacrée par l’art. 536 CO, qui consacre le principe de la confiance. L’intimé n’avait aucun motif de croire qu’il en irait autrement après qu’il soit devenu seul exploitant, l’hypothèse théorique d’une mise hors circuit du sous-compteur étant exclue. En d’autres termes, l’appelant a exploité un rapport de confiance préexistant. Ce comportement excède l’habileté en affaires légalement protégée, donc licite et, partant, non constitutive d’astuce. On doit en déduire que le rapport de confiance particulier entre les parties était objectivement de nature à exclure toute vérification dans de telles circonstances. Par ailleurs, les fausses affirmations de l’appelant étaient difficilement vérifiables par la dupe, dès lors que celle-ci n’était pas partie à la relation contractuelle liant le prévenu à son fournisseur d’eau. Par identité de motifs, le fait que les parties soient ensuite, après la rupture de leur association, entrées en litige et entretiennent depuis lors de très mauvaises relations n’est pas déterminant.
4.3
Pour le surplus, c’est en vain que l’appelant conteste la réalisation d’un dommage pour l’intimé. En effet, l’appelant, agissant tant comme associé qu’en qualité de simple locataire, a consommé de l’eau aux dépens du plaignant sans discontinuer durant des années. L’eau étant onéreuse, ce comportement a occasionné un préjudice au débiteur des factures, soit à l’intimé, indépendamment des tâches de la gérance. Peu importe enfin, quant à la qualification de l’infraction, que ce dommage ne puisse être établi au franc près faute de connaître la part consommée par chaque ménage durant toute la période en cause.
5.
L’appelant demande subsidiairement une exemption de peine. D’abord, il n’y a pas matière à appliquer l’art. 52 CP. En effet, le comportement illicite a duré plusieurs années. En outre, l’infraction en cause est un crime. Enfin, l’auteur n’a pas reconnu son mensonge initial, mais s’est enferré dans ses dénégations. Ensuite, il n’y a pas davantage lieu de renoncer à la poursuite pénale sous l’angle de l’art. 53 CP faute de réparation du dommage, même partielle. Le besoin de prononcer une sanction demeure donc.
6.
La quotité de la peine n’est pas contestée en tant que telle. Vérifiée d’office, elle s’avère avoir été arrêtée conformément à l’art. 47 CP. En particulier, les éléments retenus à charge et à décharge ont été appréciés à satisfaction de droit.
7.
Au vu de ce qui précède, c’est en vain que l’appelant conclut au rejet de toutes conclusions civiles, sachant que l’intimé a été renvoyé à agir devant le juge civil pour le motif que la quotité du dommage ne pouvait être établie. Cette conclusion est donc sans objet, le juge ayant implicitement renoncé à appliquer l’art. 42 al. 2 CO.
8.
L’appelant conclut en outre à sa libération des frais de première instance et à l’allocation d’une indemnité en application de l’art. 429 CPP pour les deux instances. Cette conclusion présuppose l’admission de la conclusion portant sur l’action pénale. A toutes fins utiles, il suffit de relever que la condamnation du prévenu implique la mise à sa charge des frais de première instance. De même,elle exclut toute réparation selon la norme invoquée, le conseil de choix du plaignant n’ayant procédé à aucune opération excédant la mesure utile dans l’une comme dans l’autre instances.
9.
Les frais de la procédure d'appel, limités à l’émolument, seront mis entièrement à la charge du prévenu qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
L’intimé, qui obtient entièrement gain de cause sur ses conclusions, a agi par un conseil de choix. Il a conclu à l’octroi d’une juste indemnité pour ses dépenses obligatoires occasionnées par la procédure au sens de l’art. 433 CPP, pour les opérations liées à la procédure d'appel. La partie plaignante a chiffré et justifié ses prétentions conformément à l’art. 433 al. 2 CPP.
Vu l'ampleur et la complexité de la cause en appel, l'indemnité en question doit être fixée à 1'500 fr. pour toutes choses, TVA en plus, soit à 1'620 francs. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
93e04179-2fe6-47fd-94ff-d327f7c23d33 | En fait :
A.
Par jugement du 2 décembre 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois a condamné A._, pour infraction et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, à une peine privative de liberté de dix-huit mois, dont neuf mois ferme, le solde de neuf mois étant assorti d’un sursis durant quatre ans, sous déduction de 30 jours de détention provisoire, et à une amende de 300 fr., la peine privative de liberté du substitution étant de trois jours (I), a ordonné la confiscation et la destruction des stupéfiants séquestrés sous fiche n° 2123 (II) et la confiscation et la dévolution à l’Etat des objets séquestrés sous fiche n° 2108 (III), a mis les frais de la cause, arrêtés à 18'707 fr. 05, à la charge d’A._, dont l’indemnité due à son défenseur d’office Me Schuler par 13'282 fr. 05, TVA et débours compris (IV), et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité de son défenseur d’office ne sera exigé que si la situation financière d’A._ le permet (V).
B.
Le 3 décembre 2013, A._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 20 décembre 2013, A._ a conclu principalement à ce qu'il soit condamné à une peine privative de liberté de huit mois, avec sursis pendant deux ans, sous déduction de 30 jours de détention provisoire, et à une amende de 300 fr., la peine privative de liberté de substitution étant de trois jours, et subsidiairement à ce qu’il soit condamné à une peine privative de liberté inférieure à dix-huit mois, et dont la quotité sera fixée à dire de justice, sous déduction de 30 jours de détention provisoire, et à une amende de 300 fr., la peine privative de liberté de substitution étant de trois jours.
Le 7 janvier 2014, le Ministère public a annoncé qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et qu'il renonçait à déclarer un appel joint.
Aux débats, l'appelant a confirmé ses conclusions. Le Ministère public a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Aîné d’une famille de six enfants, A._, né le 5 mars 1981, a grandi au Sénégal, pays dont il est ressortissant. Il y a suivi sa scolarité obligatoire et obtenu un baccalauréat. En 2000, il est parti à Paris pour débuter une formation universitaire, qu’il a cessée après six mois. En 2001, il est arrivé en Suisse, où il a demandé l’asile, qui lui a été refusé. En octobre 2002, il s’est marié avec une suissesse, [...], ce qui lui a permis de rester en Suisse. De cette union sont nés quatre enfants. Depuis son arrivée dans notre pays, si ce n’est quelques emplois temporaires, le prévenu, qui est actuellement titulaire d’un permis B, n’a jamais travaillé. Il affirme être à la recherche d’un travail dans la restauration et vouloir poursuivre ses études dans le domaine des assurances, études qui seraient, le cas échéant, financées par sa mère (p. 3
supra
). Actuellement séparé de son épouse, qui est en formation et entretient leurs enfants, il émarge aux services sociaux à hauteur de 1'100 fr. par mois et est hébergé par un compatriote à Clarens.
Son casier judiciaire comporte l'inscription suivante :
- 17.12.2008, Tribunal correctionnel de l’Est vaudois, escroquerie, recel, blanchiment d’argent, délit contre la LStup, contravention à la LStup, 120 jours-amende à 20 fr., sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 2 ans.
Dans le cadre de la présente affaire, A._ a effectué trente jours de détention préventive.
2.
2.1
En avril 2011, A._, qui se trouvait au domicile de son ami E._, à Vevey, a remis, sur instruction téléphonique de ce dernier, lequel s’était absenté, un paquet de cigarettes contenant deux boulettes de cocaïne à un client africain.
2.2
Le 16 mai 2011, alors qu’il se trouvait au Maroc, A._ s’est entretenu téléphoniquement, à la demande d’E._, avec un africain prénommé [...], afin de marchander le prix des 15 ou 20 grammes de cocaïne que ce dernier avait précédemment livrés à E._.
2.3
Le 6 juin 2011, A._ a livré à K._, à Genève, 70 grammes de cocaïne pour le compte d’E._.
2.4
Le 9 juin 2011, K._ a pris en charge 100 grammes de cocaïne chez E._, à Vevey, afin d’aller les livrer à un client sédunois. A._ a accompagné K._ à la demande d’E._, qui craignait que K._ se contente d’encaisser le prix de la transaction en omettant de le défrayer. Finalement, le client sédunois a refusé la marchandise qui a été restituée à E._.
2.5
De janvier 2010, les consommations antérieures étant prescrites, à fin 2010, A._ a fumé de la marijuana à raison de deux fois par semaine en moyenne. Sur la Riviera vaudoise et à Lausanne, entre début janvier 2010 et le 27 juillet 2011, date de son arrestation, il a consommé occasionnellement de la cocaïne qui lui était offerte. A Vevey, le 27 juillet 2011, il a échangé un iPhone acquis quelques jours auparavant auprès d’un Arabe, à Montreux, pour 250 fr., contre 4 boulettes de cocaïne qui ont été trouvées en sa possession lors de son interpellation. La cocaïne contenue dans ces boulettes avait un taux de pureté variant entre 6 et 7,8 %. Celle retrouvée au domicile d’E._ présentait un taux de pureté allant de 4,8 à 24,2 %.
2.6
Ainsi, l'activité délictueuse du prévenu a au minimum porté sur une quantité totale de 185 grammes de cocaïne brute, soit 25,99 grammes net à un taux de pureté moyen de l’ordre de 14,05 %. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
A._ ne soutient plus, à juste titre, comme il l’avait fait en première instance (jugt, pp. 3 et 4), qu’il ignorait la nature des transactions auxquelles il s’était livré pour le compte de son ami E._ (p. 3
supra
), de sorte que le jugement, d’ailleurs bien motivé et convaincant, doit être confirmé sur ce point (jugt, pp. 12 et 13). Il ne conteste pas la quantité totale de 185 grammes de cocaïne brute, mais la quantité totale de cocaïne pure retenue par les premiers juges. Selon lui, le tribunal devait appliquer à ces 185 grammes le taux qui lui était le plus favorable, à savoir 4,8 %, de sorte que la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l’art. 19 al. 2 LStup (Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951, RS 812.121) ne serait pas atteinte.
3.1
Selon la jurisprudence, pour déterminer si le cas est objectivement grave au sens de l’art. 19 al. 2 let. a LStup, c’est-à-dire s’il y a mise en danger de la santé de nombreuses personnes, il faut prendre en considération la quantité de drogue pure sur laquelle a porté l’infraction, qui est seule décisive (TF 6B_637/2007 du 15 février 2008 c. 3.3.1; TF 6P.99/2003 du 9 décembre 2003 c. 3.3.4; ATF 121 IV 193 c. 2b/aa p. 196). En principe, on procédera à l’analyse de la drogue saisie. Si cet examen est impossible, il s’agit d’une question d’appréciation des preuves et le juge peut, en l’absence d’autres éléments, par exemple si aucun témoin n'a pu se prononcer sur la qualité de la marchandise, admettre sans arbitraire que la drogue était d’une qualité moyenne et se référer au degré de pureté habituel sur le marché à l’époque et au lieu en question (Corboz, Les infractions en droit suisse, 3ème éd., vol. II, Berne 2010, pp. 917 et 918).
3.2
En l’espèce, pour déterminer la quantité de cocaïne pure, le tribunal de première instance n’a pas retenu le taux moyen de pureté de l’année 2011 (30 %). Se fondant sur le jugement rendu à l’encontre d’E._ (P. 40), il a retenu que le taux de pureté de la drogue trafiquée par celui-ci s’élevait entre 12.1 et 16 %, soit un taux moyen de 14.05 %, et a appliqué ce taux aux 185 grammes de cocaïne brute sur lesquels a porté l’activité d’A._.
Cette appréciation ne porte pas le flanc à la critique, puisque le prévenu a agi pour le compte d’E._. L’appelant fait valoir que les analyses opérées dans le cadre de l’affaire concernant E._ présentaient un taux de pureté variable entre 4,8 et 24,2 % et que, par conséquent, le tribunal aurait dû retenir le taux le plus favorable, soit 4,8 %. On ne saurait suivre cette argumentation, dans la mesure où ce taux résulte de l’analyse d’une quantité de cocaïne de 29,28 grammes seulement, alors que le solde de la drogue saisie au domicile d’E._, soit environ 60 grammes, présentait un taux moyen de 15,5 % et que l’activité déployée par ce dernier a porté sur un trafic de plus de 450 grammes au total (pièce 40). Le taux de pureté moyen de la drogue en possession d’A._ au moment de son arrestation, soit 6,9 % (pièce 26), n’est pas non plus déterminant, compte tenu du fait que cette drogue, que celui-ci aurait d’ailleurs acquise auprès d’une personne autre qu’E._ (PV aud. 7, R. 8), n’était pas destinée à la vente mais à son usage personnel, comme il l’a lui-même admis (PV aud. 7, R. 9; jugt, p. 4), et au vu de la quantité saisie, soit seulement quatre boulettes, ce qui n’est pas représentatif de l’activité illicite reprochée à l’appelant, portant sur 185 grammes en tout. Par ailleurs, le taux moyen de la drogue analysée dans le cadre du trafic concernant E._ est plus favorable à l’appelant que le taux moyen annuel pour 2011. Enfin, les déclarations du trafiquant K._ selon lesquelles la qualité de la cocaïne était mauvaise (appel, p. 3), ce qu’E._ a confirmé (PV aud. 20, lignes 70 ss) s’agissant de la marchandise que lui avait livrée "[...]", qui est une fausse identité de K._ (PV aud. 24, ligne 26), ne heurte pas l’appréciation du tribunal au regard du taux finalement retenu (14,05 %), celui-ci étant très bas. Le tribunal aurait même pu retenir un taux de pureté légèrement supérieur, de 14,5 %, correspondant à la moyenne entre 4,8 et 24,2 % résultant de l’analyse de la drogue saisie au domicile d’E._ (pièce 40 [acte d’accusation du 9 mars 2012, ch. 4]).
Ainsi, appliqué aux 185 grammes de drogue brute trafiqués par l’appelant, le taux moyen de 14,05 % donne 25,99 grammes de cocaïne pure, ce qui constitue un cas grave au sens de l’art. 19 al. 2 LStup, une quantité de 18 grammes de cocaïne pure étant considérée comme suffisante pour mettre en danger la santé de nombreuses personnes (TF 2C_260/2013 du 8 juillet 2013 c. 4.2).
La condamnation d’A._ pour infraction grave à la LStup doit donc être confirmée.
4.
L’appelant conclut à la réduction de la peine à huit mois de privation de liberté uniquement dans l’optique de l’admission de son précédent moyen, ce qui n’est pas le cas, comme on vient de le voir. Il conclut subsidiairement à une peine inférieure à celle qui lui a été infligée, faisant valoir que seule une partie très minime des faits qui lui sont reprochés concernent la remise de la drogue à des consommateurs.
4.1
Les règles générales régissant la fixation de la peine ont été rappelées dans les arrêts publiés aux
ATF 136 IV 55
et 134 IV 17 (consid. 2.1 et les références citées), auxquels il peut être renvoyé.
Dans le domaine spécifique des infractions à la LStup, le Tribunal fédéral a, en outre, dégagé les principes suivants. Même si la quantité de la drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important. Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 al. 2 let. a LStup. Il en va de même lorsque plusieurs des circonstances aggravantes prévues à l'art. 19 al. 2 LStup sont réalisées. Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération. Si l'auteur sait que la drogue est particulièrement pure, sa culpabilité sera plus grande. En revanche, sa culpabilité sera moindre s'il sait que la drogue est diluée plus que normalement (
ATF 122 IV 299
c. 2c p. 301;
121 IV 193
c. 2b/aa p. 196). Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importera de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation. Un simple passeur sera ainsi moins coupable que celui qui joue un rôle décisif dans la mise sur pied des opérations et qui participe de manière importante au bénéfice illicite (
ATF 121 IV 202
c. 2d/cc p. 206). L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. Le délinquant qui traverse les frontières (qui sont surveillées) doit en effet déployer une énergie criminelle plus grande que celui qui transporte des drogues à l'intérieur du pays et qui limite son risque à une arrestation fortuite lors d'un contrôle. À cela s'ajoute que l'importation en Suisse de drogues a des répercussions plus graves que le seul transport à l'intérieur des frontières. Enfin, le nombre d'opérations constitue un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux. Celui qui écoule une fois un kilo d'héroïne sera en principe moins sévèrement puni que celui qui vend cent grammes à dix reprises. Outre les éléments qui portent sur l'acte lui-même, le juge doit prendre en considération la situation personnelle du délinquant, à savoir sa vulnérabilité face à la peine, ses obligations familiales, sa situation professionnelle, les risques de récidive, etc. Les mobiles, c'est-à-dire les raisons qui ont poussé l'auteur à agir, ont aussi une influence sur la détermination de la peine. Il conviendra ainsi de distinguer le cas de l'auteur qui est lui-même toxicomane et qui agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (
ATF 122 IV 299
c. 2b p. 301). Il faudra encore tenir compte des antécédents, qui comprennent aussi bien les condamnations antérieures que les circonstances de la vie passée. Enfin, le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d'élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (
ATF 121 IV 202
c. 2d/aa p. 204; ATF
118 IV 342
c. 2d p. 349).
4.2
En l’espèce, la culpabilité de l’appelant, qui en est à sa deuxième condamnation pénale pour infraction à la LStup, est lourde. Comme l’ont retenu à juste titre les premiers juges, il a joué le rôle de l’homme de confiance d’E._, surveillant ses arrières, veillant au bon déroulement des transactions et négociant pour son compte lorsqu’il le fallait (jugt, p. 14). On ne saurait considérer cette activité comme "une partie accessoire du trafic" (appel, p. 4). Le fait que le prévenu ait été contacté par E._ pour négocier le prix d’une quantité de cocaïne de 15 à 20 grammes alors qu’il se trouvait au Maroc démontre au contraire qu’il jouait un rôle décisif dans la finalisation des opérations, opérations qui ont permis d’écouler 185 grammes de cocaïne en à peine deux mois. D’ailleurs, le prévenu a été disposé à transporter de la drogue pour le compte d’E._ sans même se préoccuper de savoir quelle quantité de drogue il véhiculait (PV aud. 15, R. 25). A cela s’ajoute le fait que seule son arrestation a permis de mettre fin à ses agissements illicites. Ensuite, s’agissant du mobile, question que les premiers juges n’ont pas examinée, on ne saurait croire le prévenu lorsque celui-ci affirme n’avoir "touché aucune prestation" (PV aud. 21, lignes 75 et 79), mais avoir uniquement voulu rendre service à E._ (PV aud. 14, ligne 29; jugt, p. 4). S’il a pris le risque de transporter de la drogue, alors qu’il avait déjà été condamné pour infraction à la LStup un peu plus de deux ans auparavant, c’est uniquement par appât du gain. Peu importe à cet égard qu’il n’ait pas été possible de déterminer ce qu’il à perçu à titre de rémunération pour ses "services". Il est d’ailleurs significatif de ce point de vue qu’alors qu’il avait prévu de vendre son iPhone neuf pour s’acquitter d’une facture relative à l’assurance du véhicule de son épouse, il a finalement échangé son appareil contre de la drogue (PV aud. 7, R. 8; jugt, p. 4). Le tribunal a retenu, à décharge, sa situation personnelle. Cet élément doit être relativisé, dès lors que si ce n’est quelques emplois temporaires, l’appelant, qui est titulaire d’un permis B, n’a, depuis son arrivée dans notre pays, jamais travaillé, mais se complaît dans l’oisiveté, malgré sa volonté réitérée d’entreprendre une formation (jugt, p. 5; p. 3
supra
), formation que sa mère serait même disposée à financer (p. 3
supra
). Enfin, l’admission de certains faits en cours de procédure, que les premiers juges ont également retenue à décharge, est contrebalancée par ses dénégations à l’audience de jugement, malgré les nombreux éléments l’incriminant (jugt, pp. 3 et 4), ce qui dénote une absence de prise de conscience.
Au regard de ces éléments, la peine privative de liberté de dix-huit mois infligée à A._ est adéquate et doit être confirmée.
5.
L’appelant requiert l’octroi d’un sursis complet. Il conteste également la durée du délai d’épreuve.
5.1
Lorsque la peine privative de liberté est d'une durée telle qu'elle permette le choix entre le sursis complet (art. 42 CP) et le sursis partiel (art. 43 CP), soit entre un et deux ans au plus, l'octroi du sursis au sens de l'art. 42 est la règle et le sursis partiel l'exception. Cette dernière ne doit être admise que si, sous l'angle de la prévention spéciale, l'octroi du sursis pour une partie de la peine ne peut se concevoir que moyennant exécution de l'autre partie. La situation est comparable à celle où il s'agit d'évaluer les perspectives d'amendement en cas de révocation du sursis (
ATF 116 IV 97
). Lorsqu'il existe - notamment en raison de condamnations antérieures - de sérieux doutes sur les perspectives d'amendement de l'auteur, qui ne permettent cependant pas encore, à l'issue de l'appréciation de l'ensemble des circonstances, de motiver un pronostic concrètement défavorable, le tribunal peut accorder un sursis partiel au lieu du sursis total. On évite de la sorte, dans les cas de pronostics très incertains, le dilemme du « tout ou rien ». L'art. 43 CP permet alors que l'effet d'avertissement du sursis partiel autorise, compte tenu de l'exécution partielle ordonnée simultanément, un pronostic largement plus favorable pour l'avenir (
ATF 134 IV 1
c. 5.5.2 p. 14 s.). Pour fixer dans ce cadre la durée de la partie ferme et avec sursis de la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. A titre de critère de cette appréciation, il y a lieu de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur (art. 43 al. 1 CP). Le rapport entre ces deux parties de la peine doit être fixé de telle manière que, d'une part, la probabilité d'un comportement futur de l'auteur conforme à la loi, mais aussi sa culpabilité soient équitablement prises en compte. Ainsi, plus le pronostic est favorable et moins l'acte apparaît blâmable, plus la partie de la peine assortie du sursis doit être importante. Mais en même temps, la peine ferme de la peine doit demeurer proportionnée aux divers aspects de la faute (ATF 134 IV 1 c. 5.6 p. 15).
Aux termes de l’art. 44 al. 1 CP, le juge impartit un délai d'épreuve de deux à cinq ans au condamné dont la peine a été suspendue. Dans le cadre ainsi fixé par la loi, il en détermine la durée en fonction des circonstances du cas, en particulier selon la personnalité et le caractère du condamné, ainsi que du risque de récidive. Plus celui-ci est important, plus long doit être le délai d'épreuve et la pression qu'il exerce sur le condamné pour qu'il renonce à commettre de nouvelles infractions. La durée doit être déterminée de manière à offrir la plus grande probabilité que le condamné ne récidivera pas (TF 6B_101/2010 du 4 juin 2010 c. 2.1 et les références citées).
5.2
En l’espèce, le pronostic est mitigé. Certes, l’appelant n’a plus commis d’infractions depuis sa libération provisoire. Aux débats de première instance, il a affirmé qu’il ne consommait plus de stupéfiants depuis l’ouverture de la présente procédure, qu’il regrettait ses actes et qu’il avait changé de fréquentations (jugt, p. 4). Son épouse, dont il est séparé, a déclaré que la détention avait été un choc pour lui, qu’il avait changé positivement et qu’elle était quasi certaine qu’il avait cessé toute consommation (jugt, p. 6). Reste que l’appelant a déjà un antécédent, ayant été condamné en décembre 2008 pour escroquerie, recel, blanchiment d’argent et infraction à la LStup, à cent vingt jours-amende (et non vingt jours-amende, comme indiqué à tort en page 10 du jugement attaqué), ce qui démontre qu’il n’a tiré aucun enseignement de sa précédente condamnation. On relèvera à cet égard que si, à l’époque, il avait vendu de la drogue pour financer sa consommation personnelle (pièce 45, p. 10), il a, ici, agi avec pour seul mobile l’appât du gain, alors que son existence et celle des siens étaient assurées, en partie, par le revenu de son épouse, de l’ordre de 4'000 fr. (pièce 6, p. 2), et, en partie, par des prestations sociales (PV aud. 7, R. 4 p. 3). De plus, à l’audience de jugement, il a nié les faits qu’il avait précédemment admis en relation avec la livraison de la drogue à Genève (PV aud. 15, R. 25; jugt, p. 3), ce qui atteste de son manque de prise de conscience, contrairement à ce qu’il prétend (appel, p. 7). A cela s’ajoute qu’il a minimisé les faits, persistant à faire croire qu’il aurait participé à ce trafic "à l’insu de son plein gré", dans le seul but de rendre service à son ami E._ (
ibidem
), avant d’admettre, aux débats, qu’il se doutait bien qu’il transportait de la drogue (p. 3
in initio
). Enfin, comme on l’a vu, il se complait dans l’oisiveté, sa situation personnelle ne s’étant pas modifiée depuis sa précédente condamnation, si ce n’est qu’il est désormais séparé de son épouse et qu’il n’a pas deux, mais quatre enfants. Encore devant la cour de céans, il peine à s’expliquer sur ses démarches de recherches d’emploi, se limitant à préciser qu’il souhaite travailler dans la restauration et poursuivre ses études dans le domaine des assurances, études qui seraient, le cas échéant, financées par sa mère (p. 3
supra
). Le prévenu a fait plaider qu’il était très impliqué dans sa vie de famille et qu’il s’occupait de ses enfants; cette explication, qui doit être nuancée, dans la mesure où c’est sa femme qui entretient leurs enfants (p. 3
supra
), n’est pour le surplus pas déterminante, dès lors qu’à l’époque des faits, l’intéressé, qui n’était pas encore séparé, vivait avec ses quatre enfants, ce qui ne l’a pas dissuadé de récidiver, pas plus que le fait d’avoir déjà subi 30 jours de détention provisoire dans le cadre de la précédente procédure ayant conduit à sa condamnation de 2008 (pièce 40, p. 7).
Dans ces conditions, seul un sursis partiel peut être accordé à A._.
Compte tenu de l'ensemble des circonstances, il se justifie de fixer la partie ferme de la peine à neuf mois (art. 43 al. 2 et 3 CP), qui pourront être exécutés sous forme de semi-détention si les conditions en sont réunies (art. 77b CP).
Compte tenu de l’absence de prise de conscience d’A._ et du risque de récidive, un délai d’épreuve de quatre ans s’impose, le précédent sursis de deux ans n’ayant par ailleurs eu aucun effet dissuasif sur le prénommé.
5.3.
Enfin, tant l'amende de 300 fr. que la peine privative de liberté de substitution de trois jours réprimant la contravention à la LStup, qui ne sont pas contestées, sont adéquates et peuvent être confirmées.
6.
En conclusion, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge d’A._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office, par 1’801 fr., TVA et débours compris, selon la liste d’opérations produite (pièce 55).
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
94253930-ac77-4996-9d80-f1bebf239690 | En fait :
A.
Par jugement du 21 janvier 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a condamné B._, pour lésions corporelles simples qualifiées, émeute et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires qualifiée, à une peine privative de liberté de 15 mois, sous déduction de 5 jours de détention avant jugement, avec sursis pendant 5 ans (I à III), a condamné C._, pour lésions corporelles simples qualifiées, injure, émeute et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires qualifiée, à une peine privative de liberté de 18 mois, sous déduction de 18 jours de détention avant jugement, peine additionnelle à celles prononcées le 15 septembre 2011 par le Tribunal de police de Lausanne et le 26 septembre 2011 par le Ministère public du canton de Fribourg, avec sursis pendant 5 ans (IV à VI), a dit que le pavé séquestré sous fiche n° 47931 suivra le sort du dossier, au titre de pièce à conviction, et pourra être détruit au terme de la procédure (VII), a mis une partie des frais de procédure par 8'609 fr. 75 à la charge d’B._ et par 8'131 fr. 25 à la charge de C._, parts comprenant les indemnités allouées à leurs défenseurs d’office, soit respectivement 5'800 fr., TVA comprise, pour Me Véronique Fontana et 5'000 fr. pour Me Charlotte Iselin, sous déduction des acomptes déjà versés par 1'917 fr. pour Me Fontana et par 229 fr. 90 et 1'100 fr. 05 pour Me Iselin (VIII et IX), et a dit que le remboursement à l’Etat des indemnités qui précèdent n’interviendra que si la situation financière des prévenus le permet (X).
B.
B._
et C._ ont chacun formé appel contre ce jugement, respectivement les 23 et 27 janvier 2014.
Par déclaration d'appel motivée du 28 mars 2014, B._
a conclu à la réforme des chiffres II et III du dispositif du jugement en ce sens qu’une peine modérée qui n’excède pas douze mois de privation de liberté, sous déduction des 5 jours de détention, est prononcée et que la durée du sursis est réduite à 3 ans.
Par déclaration d’appel motivée du 2 avril 2014, C._
a conclu à ce qu’elle soit reconnue coupable de lésions corporelles simples, injure, émeute et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires qualifiée et condamnée à une peine privative de liberté inférieure à 12 mois, sous déduction de 18 jours de détention avant jugement.
Par fax et courrier du 7 juillet 2014, le défenseur d’office de C._ a indiqué que celle-ci retirait son appel et que, par conséquent, elle n’entendait pas se présenter à l’audience appointée au 10 juillet 2010 à laquelle elle avait été citée à comparaître par avis du 12 mai 2014.
Aux débats, le Ministère public a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
B._ est né le 17 septembre 1991 à Meyrin/GE. Originaire de Moutier/BE, il a été élevé par ses parents, tous deux enseignants, dans l’Ouest lausannois. Il a suivi une scolarité primaire et secondaire, couronnée par un baccalauréat. Aujourd’hui, il est étudiant à l’[...], en archéologie. Célibataire, il vit toujours chez ses parents qui l’entretiennent partiellement. A côté de ses études, il donne notamment des cours à domicile pour des revenus d’environ 200 à 800 fr. par mois. Son casier judiciaire est vierge.
2.
A Lausanne, le 22 octobre 2010, dès 21h45, une patrouille de Police- secours composée de l’appointé B._ et de l’agent M._ a été sollicitée en raison de graffitis faits en gare de Lausanne par plusieurs individus. Au cours de leurs recherches, les policiers précités ont été amenés à se rendre sur l’esplanade de Montbenon, où un groupe d’individus suspects était signalé et où de nouveaux dégâts avaient été commis. Une manifestation festive, à laquelle participait une foule d’environ cent cinquante personnes, se tenait à proximité du Casino de Montbenon. Alors que les policiers avaient repéré un groupe de quatre jeunes gens dont l’un correspondait au signalement de l’auteur des dommages annoncés, ces jeunes, à leur vue, ont commencé à se déplacer en direction de l’avenue Jules Gonin. L’appointé I._ et l’agent M._ ont dès lors décidé de se séparer pour tenter de procéder à l’interpellation du suspect.
Alors que l’appointé I._
avait attrapé d’une main le suspect et enjoignait deux de ses comparses de cesser leur progression vers lui, l’individu interpellé s’est jeté en arrière de tout son poids, provoquant la chute du policier au sol, sur le dos, et lui occasionnant une forte douleur à la cheville droite. Dans l’impossibilité de se relever du fait que le suspect était couché sur ses jambes, dos contre lui, et constatant qu’un groupe d’une dizaine de personnes au comportement hostile venait dans sa direction dans le but manifeste de s’opposer à l’interpellation, l’appointé I._, après sommation, a fait usage de son méga spray au poivre pour faire reculer ces personnes, tout en maintenant le suspect et en subissant plusieurs coups de pied et de poing sur tout le corps de la part d’autres assaillants. Tandis qu’il était toujours au sol, C._, qui était en état d’ébriété avancé et qui était chaussée de souliers de montagne à semelle épaisse, lui a asséné un violent coup de pied à la tête. Anticipant de justesse cette attaque, l’appointé I._
est parvenu à baisser la tête et a reçu le coup sur le sommet du crâne. C._ a été interpellée par les inspecteurs [...] et [...], de la Police judiciaire municipale, arrivés en renfort.
L’agent M._ a rattrapé le suspect susmentionné, qui s’était soustrait dans l’intervalle à l’emprise de l’appointé I._, l’a ceinturé par la taille et l’a amené au sol, tout en subissant la résistance de cet homme, ainsi que plusieurs coups de poing au torse et au visage. Il s’est finalement résolu à le lâcher afin de venir en aide à ses collègues qui faisaient face à la foule de noctambules hostiles. Les policiers présents, rejoints par plusieurs collègues appelés en renfort, ont dès lors formé une chaîne et effectué un repli pour désamorcer la situation. Durant cette opération, divers projectiles ont été lancés en direction des forces de l’ordre, notamment des cailloux.
De leur côté, les appointés J._, Q._ et A._, sollicités en renfort, ont tenté de rejoindre leurs collègues. Alors qu’ils faisaient mouvement, B._, qui était en état d’ébriété (
le test à l’éthylomètre effectué le même jour à 23h10 a révélé un taux d'alcool de 1,12 g o/oo)
et qui avait vraisemblablement été indisposé par le jet de spray au poivre pendant qu’il se trouvait devant l’entrée du Casino, a, dans l’idée de montrer son hostilité à cette opération de police, suivi l’appointé A._ et a lancé dans sa direction un pavé d’environ 15 cm de côté et d’un poids de 7,3 kg, l’atteignant au haut du dos. Alors que l’appointé J._ tentait de l‘interpeller, B._ s’est débattu, a pris la fuite en direction de l’avenue de Savoie puis, peu avant cette artère, sur les places de parc du Casino de Montbenon, a résisté à son interpellation tentée par l’appointé Q._ en provoquant la chute de ce policier qui s’est blessé. Finalement maîtrisé et menotté, B._, également blessé au front, a été conduit à l’Hôtel de police en compagnie de C._, laquelle a notamment injurié des agents et craché sur l’un d’eux lors de son transport dans les locaux de la police.
L’appointé A._, qui a souffert d’une contusion dorsale, ainsi que de douleurs à la nuque et à l’épaule irradiant au bras droit, a déposé plainte le 28 octobre 2010.
L’agent M._ et l’appointé I._, qui ont également été blessés au cours de l’intervention, ce dernier ayant par ailleurs été en arrêt de travail pendant deux semaines, ainsi que l’agente Z._ ont chacun déposé plainte le 10 novembre 2010.
L’appointé Q._, également blessé, n’a quant à lui pas porté plainte. | En droit :
1.
1.1
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel d’B._ est recevable.
1.2
Il sera pris acte, dans le dispositif du jugement, du retrait d’appel de C._, les conditions de l'art. 386 al. 2 let. a CPP étant réalisées en l’espèce.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L’appelant ne conteste ni les faits, ni leur qualification juridique, mais la peine qui lui a été infligée.
3.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
3.2
En l’espèce, B._ s’est rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées, émeute et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires qualifiée. L’infraction de lésions corporelles simples qualifiées, en concours avec les autres infractions – toutes passibles d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire – et qui aurait pu conduire au prononcé d’une peine de quatre ans et demi de privation de liberté (art. 49 al. 1 CP), est grave. Le prénommé s’en est pris à un bien juridique important, à savoir l’intégrité corporelle. En lançant un pavé de 7,3 kg (pièce 6) en direction de l’appointé A._, le prévenu aurait pu le blesser grièvement, voire même mortellement, si le gilet pare-balles et le gilet de transport n’avaient pas atténué le coup (pièces 20 et 24/2). Le prévenu, qui a contesté son appartenance à l’un des groupes formés ce soir-là (jugt, p. 4), a agi avec lâcheté en lançant le pavé dans le dos de ce policier (pièce 15, p. 5); contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, l’appointé A._ n’a pas eu le temps de réagir, ce qui ressort des déclarations constantes de ce dernier (pièces 20 et 24/1). L’appelant a en outre agi pour un motif futile, soit dans le seul but de manifester son hostilité à l’opération de police en cours, les effets du spray au poivre sur sa vue ne justifiant pas ce geste dangereux. Sur ce dernier point, c’est à juste titre que le tribunal a retenu que l’appelant se trouvait "dans la zone arrosée" et avait été "indisposé par le jet de spray au poivre" et non "aveuglé", comme l’a prétendu ce dernier. Alors que l’intéressé soutient qu’ensuite de ce geste, il serait parti pour "décompresser" (jugt, p. 5), il n’a en réalité pas su contenir sa rage (jugt, p. 4
in fine
) au moment de son interpellation, puisqu’il s’est débattu, ce qui a provoqué la chute de l’appointé Q._, qui s’est blessé.
A l’audience d’appel, B._ a fait plaider qu’il regrettait son geste. Il reproche au tribunal de n’avoir pas tenu compte de ses aveux et regrets comme d’éléments suffisamment favorables pour justifier une atténuation de peine. Or, ces éléments sont contrebalancés, jusqu’à n’être plus suffisamment déterminants pour atténuer la peine, par le fait que le prénommé a toujours minimisé la gravité des faits, niant même, dans un premier temps, avoir été l’auteur du geste incriminé (PV aud. 2, R. 6), puis insistant sur le caractère exagéré de l’intervention policière, sur le fait qu’il aurait été lui-même "aveuglé" par le jet du spray au poivre, qu’il se serait retrouvé "au mauvais endroit au mauvais moment" et qu’il aurait agi également dans le but de "protéger sa copine" (PV aud. 3, R. 2 et 4; PV aud. 4, lignes 19; jugt, p. 4; pièce 48), s’apitoyant surtout sur son propre sort et s’inquiétant des éventuelles conséquences que son comportement pourrait avoir sur son avenir, comme cela ressort de sa lettre d’excuses à l’appointé A._
(pièce 47/3) et de l’interview qu’il a donnée à la presse quelques jours avant l’audience de première instance (pièce 48). Pour expliquer ses blessures, l’intéressé est allé jusqu’à dire que lors de son interpellation, il aurait été frappé d’un coup de matraque ou de bâton tactile (jugt, p. 5), alors que c’est vraisemblablement lors de sa mise au sol – justifiée par son propre comportement – qu’il se serait blessé (pièce 15, p. 5); il s’est même adressé aux patients qui se trouvaient dans la salle d’attente du CHUV – où il avait été admis pour se faire soigner – en leur demandant de constater les blessures qui, selon ses dires, lui auraient été infligées par la police (pièce 15, p. 6). Enfin, on relèvera que ce n’est pas la répétition qui fait la sincérité des regrets et il n’est pas critiquable de n’accorder qu’une portée relative à des regrets réitérés, mais qui n’ont pas paru convaincants.
A décharge, il sera tenu compte du jeune âge du prévenu au moment des faits, de l’écoulement du temps depuis les infractions, bien que l’intéressé ait fait l’objet d’une nouvelle enquête pénale non encore jugée (jugt, p. 11; p. 3
supra
), et, dans une moindre mesure, des excuses présentées oralement et par écrit. Enfin, l'absence d'antécédents a, sauf circonstances exceptionnelles, inexistantes en l’espèce, un effet neutre sur la fixation de la peine et n'a donc pas à être prise en considération dans un sens atténuant (ATF 136 IV 1 c. 2.6.4).
C
ompte tenu de tous ces éléments, la cour de céans est d’avis que la peine privative de liberté de quinze mois prononcée par les premiers juges se justifie.
4.
L'appelant soutient que la durée du délai d'épreuve assortissant le sursis qui lui a été accordé devrait être ramenée de 5 à 3 ans.
4.1
L'art. 44 al. 1 CP dispose que si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution de la peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans.
Dans le cadre légal ainsi délimité, la durée du délai d'épreuve doit être fixée en tenant compte des circonstances du cas concret, notamment de la personnalité et du caractère du condamné ainsi que du risque de récidive. Plus ce risque est important, plus long doit être le délai d'épreuve et, partant, la pression qu'il exerce sur le condamné pour qu'il renonce à commettre de nouvelles infractions. La durée du délai d'épreuve doit être déterminée de manière à offrir la plus grande probabilité que le condamné ne récidivera pas. Dans ce domaine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (
ATF 95 IV 121
c. 1; TF 6B_105/2009 du 22 mai 2009 c. 2).
4.2
En l’espèce, au vu du fait qu’B._ est un délinquant primaire, de son jeune âge au moment des infractions et de l’écoulement du temps, les faits datant du mois d’octobre 2010, le délai d'épreuve fixé à cinq ans est excessif. Certes, le prévenu fait l’objet d’une nouvelle enquête pénale pour des faits survenus semble-t-il en 2013 dans un train, mais cette affaire n’est pas encore jugée et rien au dossier ne vient contredire ses explications selon lesquelles il n’y aurait eu aucune violence, ni menace, ni injure. Par ailleurs, on ignore ce que les premiers juges ont voulu entendre lorsqu’ils ont retenu que l’intéressé manifestait encore "quelques poussées diffuses de violence" (jugt, p. 24
in fine
); ils semblent faire allusion à l’attitude de l’appelant au cours de l’audience (jugt, p. 15), ce qui ne justifie toutefois pas à elle seule la durée du sursis de 5 ans. Celle-ci doit donc être ramenée à 3 ans, comme d’ailleurs requis par le Ministère public (jugt, p. 14).
Le moyen est bien fondé et doit donc être admis.
5.
En conclusion, l’appel d’B._ est partiellement admis en ce sens que l’exécution de la peine privative de liberté est suspendue pour une durée de trois ans. Il est rejeté pour le surplus.
6.
Vu l’issue de la cause, les
frais de la procédure d'appel
sont mis pour moitié à la charge d’B._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office.
6.1
Le défenseur du prévenu a indiqué avoir consacré environ 15 heures 30 à l’exercice de son mandat en procédure d’appel.
Ce total est trop élevé. Plus particulièrement, il est injustifié de facturer plus de 5 heures pour la rédaction de lettres et mémos, ainsi que pour l’étude des courriers reçus, et de se prévaloir de 5 heures 30 pour la préparation de l'audience d'appel, celle-ci ne portant que sur la peine.
Tout bien considéré,
il convient d’allouer à Me Véronique Fontana une indemnité de
1’440
fr., correspondant à 8 heures, à laquelle il y a lieu d’ajouter un montant forfaitaire de 120 fr. à titre de vacation et 50 fr. à titre de débours, en sus de la TVA par 128 fr. 80, soit un montant total de 1’738 fr. 80.
6.2
C._, qui a retiré son appel, supportera l’entier de l’indemnité allouée à son défenseur d’office pour la procédure d'appel, arrêtée à 831 fr. 60, TVA et débours compris, selon liste d’opérations (pièce 63/1). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9444e6c0-2928-468d-9c2d-b9eef3444f88 | En fait :
A.
Par jugement du 1
er
juillet 2008, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a notamment libéré J._ des accusations de diffamation et d'injure (I), libéré T._ de l'accusation d'injure (II), constaté que T._ s'était rendu coupable de diffamation (III), l'a condamné à 60 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 80 fr. (IV) et a mis les frais de la cause par 2'735 fr. 20 à la charge de T._ et par 2'003 fr. 20 à la charge de J._ (VI).
En substance, le tribunal de police a retenu que T._, en présentant son rapport lors de l'assemblée générale du 6 avril 2005 de [...] SA dont il présidait le conseil d'administration, avait tenu des termes attentatoires à l'honneur des plaignants, en traitant W._ de faussaire de factures et voleur d'un nom de domaine internet, et tant celui-ci que K._ de menteurs et d'auteurs de malversations. J._ a pour sa part été libérée, au bénéfice du doute, dès lors qu'elle était intervenue uniquement pour que son mari ne soit pas interrompu dans la lecture de son rapport.
En outre, ce tribunal n'a pas autorisé T._ à faire la preuve libératoire de la vérité ou de la bonne foi. Au surplus, il a indiqué que, de toute manière, même s'il avait été autorisé, le prévenu aurait échoué à apporter l'une ou l'autre de ces preuves. A cet égard, les premiers juges ont notamment rappelé que lorsqu'on accuse autrui d'avoir commis une infraction, la preuve de la vérité s'administre par la condamnation pénale de la personne visée (Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. I, Berne 2010, n. 70 ad art. 173 CP). Or, ni la requérante ni T._ ne sont jamais parvenus à établir la culpabilité des plaignants et obtenir leur condamnation et ce, malgré les nombreuses plaintes pénales déposées contre eux (jgt., consid. 2.5).
En temps utile, J._ et T._ ont recouru auprès de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal. Ils ont déposé un mémoire commun concluant notamment à la réforme du jugement entrepris en ce sens que T._ est libéré de l'accusation de diffamation et que J._ est libérée de toute participation aux frais de la cause.
Par arrêt du 1
er
décembre 2008 (CCASS, 1
er
décembre 2008, n° 457), la Cour de cassation a rejeté les recours et confirmé le jugement du 1
er
juillet 2008 dans son ensemble.
B.
Par requête du 10 octobre 2012, complétée le 3 novembre 2012, J._ a requis la révision du jugement de première instance du 1
er
juillet 2008 et de l'arrêt de l'autorité cantonale du 1
er
décembre 2008. Elle conclut à la libération de feu T._ du chef d'accusation de diffamation et à ce que les frais judiciaires soient laissés à la charge de l'Etat. En substance, elle fait valoir que les propos tenus à l'encontre des plaignants n'avaient pas été proférés sans fondement, dès lors que W._, en acquiescant aux conclusions de T._ dans le cadre d'une audience qui s'est tenue en 2010 devant le Tribunal cantonal neuchâtelois, aurait admis que les brevets litigieux entre eux appartenaient exclusivement à son époux. Elle produit le procès-verbal d'audience du 4 novembre 2010 et une ordonnance de classement du dossier du 5 novembre 2010 des 1
ère
et 2
ème
Cours civiles du Tribunal cantonal neuchâtelois, ainsi qu'un courriel du 4 novembre 2010 de l'avocate de T._.
Par courrier du 20 novembre 2012, le Tribunal de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a renoncé à se déterminer sur la demande de révision de la requérante.
Dans ses déterminations écrites du 27 novembre 2012, K._ a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de la requête.
Invité à se déterminer, le plaignant W._ n'a pas procédé. | En droit :
1.
Aux termes de l'art. 453 al. 1 CPP, les recours formés contre les décisions rendues avant l'entrée en vigueur du présent code sont traités selon l'ancien droit par les autorités compétentes sous l'empire de ce droit.
1.1
Cet article vise également la révision, que le code classe parmi les voies de recours. Lorsqu'une personne lésée par un jugement rendu sous l'ancien droit en demande la révision après l'entrée en vigueur du nouveau droit, la demande de révision peut être traitée par la nouvelle juridiction d'appel (art. 21 al. 1 let. b CPP) selon les règles de procédure prévues aux art. 411 ss CPP. Les motifs de révision restent, en revanche, ceux qui sont prévus par le droit applicable au moment où la décision soumise à révision a été rendue (TF 6B_41/2012 du 28 juin 2012 c. 1.1).
1.2
La cour de céans est dès lors compétente pour connaître de la présente requête, en application des nouvelles règles de procédure, dès lors que la Commission de révision pénale a cessé de fonctionner (TF 6B_41/2012 du 28 juin 2012 c. 1.2).
Toutefois, elle examinera les motifs de révision invoqués par la requérante à l'aune de l'art. 455 al. 1 CPP-VD (Code de procédure pénale du 12 septembre 1967), en vigueur lorsque les jugements soumis à révision ont été rendus.
1.3
Selon l'art. 456 CPP/VD, le droit de demander la révision appartient au Ministère public, au condamné, à son représentant légal et, si le condamné est décédé, à ses proches au sens de l'art. 110 ch. 1 CP. En l'occurrence, la requérante agit pour elle-même et pour son mari décédé.
Au surplus, motivée et adressée par écrit à la juridiction d'appel compétente (art. 411 al. 1 CPP), la demande de révision est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond (art. 412 al. 2 et 3 CPP).
2.
Aux termes de l'art. 455 al. 1 CPP-VD, la révision d'un jugement ou d'une ordonnance de condamnation, ainsi que celle d'un arrêt de la cour de cassation, peut être demandée quand des faits ou des moyens de preuve sérieux et dont le juge n'avait pas eu connaissance lors du premier procès viennent à être invoqués.
Pour ce qui concerne une infraction réprimée par le droit fédéral,
l'art. 455 CPP-VD n'a pas de portée propre par rapport l'art. 385 CP, qui correspond textuellement à l'ancien art. 397 CP, de sorte que la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue sous l'ancien droit conserve sa valeur.
2.1
Par "faits", il faut entendre toute circonstance susceptible d'être prise en considération dans l'état de fait qui fonde le jugement, ce qui comprend tout événement matériel ou produit par l'activité humaine, même celui auquel la loi attache un effet juridique, à la condition qu'elle joue un rôle dans la qualification juridique, dans la fixation de la peine ou l'octroi du sursis (Favre et al., op. cit., n. 1.3 ad art. 385 CP; Bovay, Dupuis, Monnier, Moreillon, Piguet, Procédure pénale vaudoise, 3
e
éd., Bâle 2008, n. 2.2 ad art. 455 CPP-VD, pp. 549-550).
Le fait ou le moyen de preuve doit être sérieux; il doit être propre, sous l’angle de la vraisemblance, à ébranler l'état de fait sur lequel se fonde la condamnation et que, ainsi modifié, celui-ci rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 130 IV 72, c. 1, rés. in JT 2004 IV 160; ATF 122 IV 66, c. 2a et les arrêts cités, rés. in JT 1998 IV 91). Le motif doit donc être concluant, à savoir ébranler les constatations de fait, et causal, à savoir de nature à entraîner une décision plus favorable au condamné (Piquerez, Procédure pénale suisse, 2
e
éd., Zurich, 2007, n. 986 p. 629).
2.2
Il faut encore que la révision se fonde sur des faits nouveaux. Un fait ou un moyen de preuve est nouveau au sens de l'art. 385 CP lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'il ne lui a pas été soumis sous quelque forme que ce soit
(ATF 130 IV 72, c. 1, rés. in JT 2004 I V 160; ATF 122 IV 66, c. 2a et les arrêts cités, rés. in JT 1998 IV 91), sans qu'il importe – sous réserve de l'abus de droit, qui ne doit être admis qu'avec retenue en cas de révision fondée sur l'art. 385 CP – qu'il ait été connu ou non du requérant (ATF 130 IV 72, c. 2.2, rés. in JT 2004 IV 160). Il appartient au juge de la révision d'apprécier les preuves avancées pour établir le fait nouveau ou d'examiner la force probante d'un nouveau moyen de preuve invoqué pour établir un fait déjà connu (ATF 92 IV 177, JT 1967 IV 56; JT 1988 III 94).
L'art. 385 CP pose ainsi une double exigence selon laquelle les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être sérieux et nouveaux.
3.
En l'espèce, la requérante fait valoir que l'acquiescement de W._ aux conclusions de la demande de T._ du 24 février 2010 démontrerait que les termes de "voleurs, menteurs et falsificateurs", tenus à l'époque par son époux à l'encontre des plaignants, n'ont pas été proférés sans motif suffisant et dans le seul but de dire du mal d'autrui. Les documents produits (P. 100) prouveraient que T._ ne s'est pas rendu coupable de diffamation.
Il convient par conséquent d'examiner si cet acquiescement et ces pièces constituent un fait, respectivement des moyens de preuve sérieux et nouveaux.
3.1
T._ a admis avoir employé ces qualificatifs à l'endroit de K._ et W._ (jgt., consid. 7). Sur la base d'un examen circonstancié du dossier, la Cour de cassation, comme les premiers juges, avait considéré que l'assemblage et la répétition de ces mots, lors d'une assemblée générale de société anonyme, avait à l'évidence une portée attentatoire à l'honneur, les plaignants ainsi qualifiés apparaissant non seulement comme malhonnêtes, mais également comme ayant adopté des comportements susceptibles d'être sanctionnés pénalement (jgt., consid. 1.2b).
Or, l'acquiescement de W._ lors de l'audience civile du 4 novembre 2010 à la demande tendant notamment à faire déclarer que les droits à l'obtention du brevet portant sur les inventions revendiquées dans les requêtes du 5 avril 2002 n
os
EP [...] et WO [...] appartenaient exclusivement à T._, ne démontre pas encore que:
- W._ était un menteur, un faussaire de factures et un voleur d'un nom de domaine internet,
- K._ était également un menteur,
- les deux plaignants étaient les auteurs de malversations.
Les arguments avancés par J._ à l'appui de sa requête
ne peuvent ainsi pas être qualifiés de moyens de preuve sérieux au sens de l'art. 455 al. 1 CPP/VD, dès lors qu'ils ne sont manifestement pas propres à ébranler
les constatations de fait
sur lesquelles
les juges
ont fondé la condamnation de T._ et de J._.
3.2
De surcroît, on rappellera que T._ n'avait pas été autorisé à apporter la preuve de la vérité ou de la bonne foi, dès lors que les propos attentatoires à l'honneur avaient été tenus sans motif suffisant et qu'ils ne visaient la défense d'aucun intérêt public ni privé.
Dans ce contexte, il importe par conséquent peu que la preuve de la vérité ou de la bonne foi soit apportée, dès lors que les juges pénaux avaient dénié ce droit aux prévenus. Pour ce motif également, la condamnation, y compris au paiement de frais judiciaires, ne peut être annulée.
4.
En définitive, la demande de révision présentée par J._ doit être rejetée.
5.
Vu l'issue de la cause, les frais de révision arrêtés à 770 fr. (sept cent septante francs) sont mis à la charge J._ (art. 428 al. 1 CPP, 21 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1], par renvoi de l'art. 22 TFJP).
Aucune indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure de révision ne sera allouée à K._, dès lors qu'il n'a ni chiffré ni justifié ses prétentions (art. 433 al. 2 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
94490a50-d37f-4241-848a-2e5b37bccbc6 | En fait :
A.
Par jugement du 10 septembre 2012, le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois a condamné D._, pour brigandage, à une peine privative de liberté de douze mois, dont six mois ferme, le solde étant assorti d'un sursis durant quatre ans (I), ordonné un traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP en sa faveur (II), donné acte de ses réserves civiles à [...] (III), mis les frais de la cause, arrêtés à 11'746 fr. 45, à la charge de D._, dont l'indemnité due à son défenseur d'office par 1'959 fr. 65, TVA et débours compris (IV), et dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité servie au défenseur d'office ne sera exigé que si la situation financière du condamné s'améliore (V).
B.
Le 11 septembre 2012, D._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d’appel du 3 octobre 2012, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à l'admission de l'appel (I) et à la modification du jugement en ce sens qu'il est condamné, pour brigandage, à une peine privative de liberté d'une durée fixée à dire de justice assortie d'un sursis dont la durée est fixée à dire de justice (II).
Le 15 octobre 2012, le Ministère public s'en est remis à justice quant à la recevabilité de l'appel et a annoncé qu'il n'entendait pas déposer d'appel joint.
A l'audience d'appel, l'appelant a confirmé ses conclusions au bénéfice de sa déclaration d'appel motivée. Il a produit une pièce, soit une attestation délivrée le 7 novembre 2012 par la Fondation [...], à [...], aux termes de laquelle cette dernière pouvait lui proposer une entrée en mesure A3 le 17 décembre 2012, voire même avant pour autant qu'une place se libère dans l'intervalle.
Confirmant ses déclarations faites jusqu’alors, il a admis entièrement les faits. Quant aux motifs de ses actes, il a relevé être suivi et aidé par un psychiatre depuis environ un mois; il a précisé qu'avec l'aide de ce thérapeute, il parvient à comprendre les raisons de son comportement. Il a en particulier indiqué qu'à l’époque des faits, il était très énervé par les nombreuses critiques de ses collègues professionnels en l’absence de son supérieur, critiques qu'il considérait injustifiées, ce qui lui aurait ultérieurement été confirmé. Il "(avait) la rage" et n'était pas parvenu à canaliser cette agressivité qui s’était exprimée dans les actes qui lui sont reprochés. Quant à sa situation personnelle, il a précisé avoir l’intention de recommencer un apprentissage dès que possible, soit en été 2013. Dans l’intervalle, comme le démontre selon lui la pièce précitée, il a entrepris, avec le concours de son assistant social, une démarche pour travailler et remettre à niveau sa formation auprès de la Fondation [...]. L’idée est de mettre à profit les prochains mois pour rafraîchir ses connaissances théoriques et faire des stages pratiques dans le même domaine que celui où il avait débuté son apprentissage, soit l’intendance. L'appelant a, enfin, fait savoir qu'il était en couple avec son amie, qui travaille, et qu'il était toujours soutenu par les services sociaux, qui paient la moitié de son loyer et lui versent 650 fr. complémentaires par mois.
C.
Les faits retenus par la cour de céans sont les suivants :
1.1 Le prévenu D._, né en 1991, a été élevé par ses parents. Il a entamé un apprentissage de plâtrier, qu'il n'a toutefois pas achevé. Il en a fait de même en ce qui concerne un apprentissage de gestionnaire en intendance, interrompu en juillet 2011. Depuis lors, ses tentatives de retrouver un emploi rémunéré sont restées vaines et il émarge au RI dans la mesure décrite à l'audience d'appel. Son casier judiciaire est vierge, même si le prévenu admet avoir été condamné à diverses reprises alors qu'il était mineur, notamment pour des actes de violence envers des personnes.
1.2 Le prévenu a été renvoyé par acte d'accusation du 25 juin 2012 à raison de deux actes distincts, énoncés ci-dessous.
Le 8 décembre 2010, entre 17 h 45 et 18 h, sur le sentier menant de la station de funiculaire de [...] à l'[...], le prévenu s'est approché par derrière de [...], née en 1991, étudiante, puis lui a, par surprise, mis la main sur la bouche afin qu'elle ne crie pas. Il l'a ceinturée, la faisant tomber au sol. Toujours en maintenant sa main devant la bouche de sa victime, il lui est passé devant et a appuyé son genou sur le bras de la jeune fille pour qu'elle ne puisse pas bouger. La maintenant par la force, il a alors fouillé dans le sac de la victime et s'est saisi de son porte-monnaie, qui contenait notamment 140 fr. et deux cartes de crédit, avant de s'enfuir en courant.
Le 21 mars 2011, au même endroit, vers 13 h 20, le prévenu a suivi [...], née en 1989, étudiante également. Arrivant par derrière alors qu'elle écoutait de la musique avec des écouteurs, il lui a, par surprise, mis la main sur les yeux et sur la bouche. Après l'avoir faite tomber au sol, il a essayé de lui arracher son sac en la maintenant par la force. Comme sa victime résistait et criait, il lui a asséné trois claques au niveau du visage et lui a dit plusieurs fois "ta gueule". Finalement, la jeune fille a lâché son sac, dont le prévenu s'est emparé avant de s'enfuir en courant. Il contenait notamment un porte-monnaie, un ordinateur portable et un téléphone cellulaire.
[...] a déposé plainte et s'est constituée partie civile le 9 décembre 2010. Elle n'a toutefois pas articulé des prétentions civiles chiffrées. [...] a déposé plainte et s'est constituée partie civile le 21 mars 2011. Elle a pris des conclusions en réparation à hauteur de 2'545 fr. à l'encontre du prévenu, sans cependant établir ses prétentions par pièces.
Le prévenu a admis les faits. A l'audience de première instance, il a déclaré ne pas savoir pourquoi il avait commis de tels actes, s'agissant en particulier de l'agression perpétrée en décembre 2010; quant à celle commise en mars 2011, il a dit avoir agi par énervement, "car cela se passait mal au travail (...)" (jugement, p. 4). Il a déclaré avoir entamé, puis abandonné un suivi psychiatrique gratuit prodigué en dehors de sa commune de domicile, l'arrêt des soins découlant du motif qu'il n'avait pas les moyens d'assumer les coûts d'un billet de train (jugement, p. 6). Sa mère, D._, a été entendue comme témoin à l'audience de première instance. Elle a dit avoir parlé de la situation en famille avec le prévenu et son père, précisant que son fils ne lui avait avoué qu'une seule des deux agressions qui lui sont reprochées. Il lui avait alors dit qu'il ne savait pas pourquoi il avait agi ainsi à l'égard de sa victime (jugement, p. 5).
1.3 En cours de procédure, le prévenu a fait l'objet d'une expertise psychiatrique. Dans un rapport initial du 9 mars 2012, les Drs [...] et [...] ont posé le diagnostic de trouble mixte de la personnalité avec des traits narcissiques, dyssociaux et émotionnellement labiles, de type impulsif; ce trouble n'est pas qualifié de grave en l'état. La responsabilité de l'expertisé est conservée, même si l'intéressé a du mal à agir en tenant compte d'une appréciation du caractère illicite de ses actes conservée. Le risque de récidive a été tenu pour présent, sans qu'il puisse être qualifié ni de grave, ni de modéré. Les experts ont préconisé un traitement ambulatoire, tout en précisant que le prévenu est actuellement ambivalent par rapport à ce suivi (P. 22). Dans un rapport complémentaire du 1
er
mai 2012, les experts ont expressément confirmé que la responsabilité du prévenu n'était pas diminuée au moment de ses passages à l'acte, nonobstant le trouble de la personnalité mis en évidence par ailleurs (P. 26). L'expertisé aurait dit aux experts avoir agressé ses deux victimes parce qu'il n'aimait pas les riches, précisant que chacune des jeunes filles lui paraissait économiquement privilégiée du fait de son statut d'étudiante dans une école [...] privée (P. 22, p. 5). A l'audience de première instance, il a toutefois expressément nié avoir tenu de tels propos (jugement, p. 4 in medio).
2. Appréciant les faits de la cause, le tribunal de police a retenu que le prévenu s'était rendu coupable de brigandage.
3. Quant à la culpabilité du prévenu, le premier juge l'a tenue pour lourde. A charge, il a considéré que, dépourvu de scrupule, l'auteur n'avait pas hésité à s'en prendre avec violence à deux reprises à des jeunes filles se trouvant seules dans des endroits isolés. A l'instar des experts, il a en outre retenu l'absence de prise de conscience de la gravité de ses actes par le prévenu, lequel n'a eu aucun mot de regret à l'égard de ses victimes. En particulier, toujours à cet égard, le tribunal de police a ajouté que l'absence de prise de conscience résultait également des déclarations du prévenu relatives à de prétendues consultations psychiatriques, qui auraient pris fin car il n'avait pas les moyens d'assumer les frais d'un billet de train alors même qu'il préfère assumer les coûts d'un abonnement de "fitness". A ceci s'ajoute, toujours sous l'angle de la banalisation des ses actes par le prévenu, qu'il n'avait parlé à sa mère que d'un seul des deux cas de brigandage dont il avait à répondre. A décharge, le premier juge a tenu compte de sa situation personnelle.
Seule une peine privative de liberté a été tenue pour adéquate compte tenu de l'ensemble des circonstances. Quant au sursis complet, si ses conditions objectives sont réalisées, ses conditions objectives n'ont pas été tenues pour données. En effet, le prévenu avait déjà fait preuve de violence envers autrui lorsqu'il était mineur, sans que les peines prononcées n'eussent eu un quelconque effet. Le premier juge a considéré le risque de récidive comme présent, l'auteur ayant agi de manière impulsive pour des motifs qualifiés de parfaitement futiles. La peine n'a ainsi été assortie que d'un sursis partiel. Pour le surplus, un traitement ambulatoire a été ordonné conformément à la recommandation des experts. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
Invoquant une violation du droit matériel, soit des art. 42 al. 1 et 47 CP, et l'inopportunité de la décision, l'appelant fait valoir que la peine est excessive dans sa quotité et qu'elle doit être assortie d'un sursis ordinaire, soit complet et non seulement partiel. Les faits incriminés ne sont pas contestés, pas plus que ne l'est la qualification des infractions. D'office, il doit être relevé que les faits en cause sont bien chacun constitutifs de brigandage au sens de l'art. 140 ch. 1 CP.
4.
4.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
4.2
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (
objektive Tatkomponente
). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (
subjektive Tatkomponente
). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (
Täterkomponente
), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; ATF 129 IV 6 c. 6.1 p. 20; TF 6B_759/2011 du 19 avril 2012 c. 1.1; TF 6B_335/2012 du 13 août 2012 c. 1.1).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55 c. 5.6 p. 61; ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; ATF 129 IV 6 c. 6.1, p. 21 et les références citées).
4.3
L'appelant fait grief au tribunal de police d'avoir retenu, à charge, des mobiles procédant uniquement de ses déclarations confuses et contradictoires au sujet de ses actes. Contrairement à ce que fait valoir le prévenu, le jugement énonce avec précision les explications en question. Procédant à l'appréciation de la culpabilité, le tribunal de police les a qualifiées d'inexplicables, vu la futilité des mobiles avancés. Le premier juge n'a donc pas renoncé à toute explication des mobiles des infractions. Il a retenu à charge ceux qui lui avaient été présentés, respectivement dont il considérait qu'ils avaient été fournis aux experts. Le prévenu a avoué avoir agi car il était dans un état d'énervement pour des raisons d'ordre professionnel. En revanche, il a nié le fait, retenu par les experts, qu'il avait agi par antipathie pour ses victimes au seul motif qu'elles étaient tenues pour riches. S'il devait être admis qu'un malentendu ait pu survenir avec les experts, les mobiles avoués par ailleurs n'en sont pas moins si futiles qu'ils ne peuvent être imputés qu'à charge sous l'angle de l'art. 47 CP, même si le dessein d'enrichissement ne semble pas prépondérant.
L'appelant fait aussi valoir que le jugement omet le trouble mental dont il souffre. A tort. En effet, le tribunal de police a repris les passages essentiels de l'expertise psychiatrique et, se fondant sur l'avis des experts, a retenu, en fait, le trouble mental en question, pour ajouter, en droit, que cette affection n'entamait pas le discernement du prévenu. Pour le reste, l'appelant n'invoque pas une violation de l'art. 19 CP, étant précisé que les experts ont, notamment dans leur rapport complémentaire, expressément nié toute diminution de sa responsabilité.
A noter en outre, toujours à charge, que le prévenu a agi selon le même mode opératoire, furtivement, dans des endroits isolés et à une reprise au moment de la tombée de la nuit, au préjudice de jeunes filles non accompagnées et qui n'étaient guère en mesure de lui opposer de résistance. Qui plus est, la violence physique dont l'auteur a fait preuve pour dépouiller ses victimes est incontestable. Ce mode opératoire ajoute la lâcheté à la dangerosité. On ne peut qu'être inquiet de la facilité et de la détermination avec lesquelles il est passé à l'acte. Il a ainsi manifesté une énergie délictueuse significative. Enfin, il n'a eu aucun mot de regret à l'égard de ses victimes, dénotant ainsi une absence de prise de conscience de la gravité de ses actes.
D'office, il doit néanmoins aussi être mentionné que la situation du prévenu n'est pas des plus favorables. Certes, il a été élevé au sein d'une famille unie, comme cela ressort notamment du témoignage de sa mère à l'audience de première instance. Il n'en reste cependant pas moins que son entrée dans la vie active s'est avérée difficile; le jeune homme était en particulier dans une situation sociale et professionnelle précaire lors des faits incriminés, ce dont le premier juge a tenu compte à bon droit en sa faveur.
Tout bien pesé, c'est ainsi une peine de douze mois qui est adéquate pour réprimer les actes incriminés. Le genre de la sanction n'est pas contesté, vu les conclusions de la déclaration d’appel portant expressément sur une peine privative de liberté.
5.
5.1
L'art. 42 al. 1 CP prévoit que le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Aux termes de l'art. 43 CP, le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute (al. 1); la partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2); en cas de sursis partiel à l’exécution d’une peine privative de liberté, la partie suspendue, de même que la partie à exécuter, doivent être de six mois au moins; les règles d’octroi de la libération conditionnelle ne lui sont pas applicables (al. 3).
5.2
De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 c. 5.3.1 p. 10; cf. aussi arrêts 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.1; 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.3). En effet, le critère des perspectives d’amendement s'applique également pour le sursis partiel, dès lors que la référence au pronostic ressort implicitement du but et du sens de cette dernière disposition. Ainsi, lorsque le pronostic quant au comportement futur de l'auteur n'est pas défavorable, la loi exige que l'exécution de la peine soit au moins partiellement suspendue. Mais un pronostic défavorable exclut également le sursis. En effet, s'il n'existe aucune perspective que l'auteur puisse être influencé de quelque manière par un sursis complet ou partiel, la peine doit être entièrement exécutée (ATF 134 IV 1 précité, c. 5.3.1, p. 10).
En revanche, les conditions objectives des art. 42 et 43 CP ne correspondent pas: les peines privatives de liberté jusqu'à une année ne peuvent être assorties du sursis partiel; une peine de 12 à 24 mois peut être assortie du sursis ou du sursis partiel; le sursis complet à l'exécution d'une peine privative de liberté est exclu, dès que celle-ci dépasse 24 mois alors que jusqu'à 36 mois, le sursis partiel peut être octroyé (arrêt précité, c. 5.3.2, p. 11).
Lorsque la peine privative de liberté est d'une durée telle qu'elle permette le choix entre le sursis complet (art. 42 CP) et le sursis partiel (art. 43 CP), soit entre un et deux ans au plus, l'octroi du sursis au sens de l'art. 42 est la règle et le sursis partiel l'exception. Cette dernière ne doit être admise que si, sous l'angle de la prévention spéciale, l'octroi du sursis pour une partie de la peine ne peut se concevoir que moyennant exécution de l'autre partie. La situation est comparable à celle où il s'agit d'évaluer les perspectives d'amendement en cas de révocation du sursis (ATF 116 IV 97; TF 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 c. 3.2.3.1). Lorsqu'il existe - notamment en raison de condamnations antérieures - de sérieux doutes sur les perspectives d'amendement de l'auteur, qui ne permettent cependant pas encore, à l'issue de l'appréciation de l'ensemble des circonstances, de motiver un pronostic concrètement défavorable, le tribunal peut accorder un sursis partiel au lieu du sursis total. On évite de la sorte, dans les cas de pronostics très incertains, le dilemme du "tout ou rien". L'art. 43 CP permet alors que l'effet d'avertissement du sursis partiel autorise, compte tenu de l'exécution partielle ordonnée simultanément, un pronostic largement plus favorable pour l'avenir. Encore faut-il que l'exécution partielle de la peine apparaisse incontournable pour améliorer les perspectives d'amendement. Tel n'est pas le cas lorsque la combinaison d'une amende au sens de l'art. 42 al. 4 CP avec le sursis apparaît suffisante sous l'angle de la prévention spéciale. Le tribunal doit examiner préalablement cette possibilité (ATF 134 IV 1 précité c. 5.5.2, p. 14). Mais un pronostic défavorable exclut également le sursis partiel. En effet, s’il n’existe aucune perspective que l’auteur puisse être influencé de quelque manière par un sursis complet ou partiel, la peine doit être entièrement exécutée (TF 6B_353/2008 du 30 mai 2008 c. 2.2 et les réf. cit.).
Pour statuer sur la suspension partielle de l’exécution d’une peine, le juge doit tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, cette notion de faute correspond à la culpabilité telle que définie à l’art. 47 al. 2 CP (ATF 134 IV 1 précité c. 4.2.3).
5.3
En l'espèce, la quotité de la peine privative de liberté entre dans le champ d'application commun des art. 42 al. 1 et 43 CP. Cette condition objective du sursis ordinaire est ainsi remplie. La question déterminante est donc celle des conditions subjectives du sursis. Il s'agit de savoir si un pronostic non défavorable peut être posé conformément à la présomption légale ou si, bien plutôt, le pronostic doit être tenu pour seulement incertain, en d'autres termes si le sursis partiel doit être commandé, sous l'angle de la prévention spéciale, par le motif que l'octroi du sursis pour une partie de la peine ne peut se concevoir que moyennant exécution de l'autre partie.
Au vu de l'ensemble des circonstances, force est de constater que le pronostic doit être tenu pour incertain. L'élément déterminant est à cet égard la facilité avec laquelle le prévenu est, à deux reprises en moins de quatre mois, passé à l'acte en faisant preuve de violence physique au préjudice de victimes sans défense. Une telle désinhibition est de mauvais pronostic de par le mépris pour la sécurité et la propriété d'autrui qu'elle dénote. Les experts mentionnent du reste un risque de réitération. Un pronostic non défavorable ne peut donc être posé. Partant, le sursis ordinaire doit céder le pas au sursis partiel.
Quant à la part de la peine à exécuter, les éléments en faveur et en défaveur du prévenu pour ce qui est du pronostic à poser étant de même poids, le sursis doit porter sur la moitié de la peine conformément au maximum prévu par l'art. 43 al. 2 CP et retenu par le premier juge, une peine ferme de six mois apparaissant nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. La durée du délai d'épreuve n'est au surplus pas contestée séparément.
6.
Vu l'issue de la cause, les frais d'arrêt selon l'art. 424 CPP doivent être mis à la charge de l’appelant, qui succombe entièrement (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité d’office allouée à son défenseur pour les opérations liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP).
Vu l'ampleur et la complexité de la cause en appel, l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant doit, sur la base de la liste d'opérations produite, être fixée sur la base d'une durée d'activité de sept heures et demie, à 180 fr. l'heure, ainsi que de 21 fr. 30 de débours dûment étayés, TVA en sus (art. 135 al. 1 CPP).
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
94a6e7d7-18e8-4664-8865-219b1e9d30e1 | En fait :
A.
Par jugement du 9 décembre 2013, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte a libéré W._ du chef d’accusation de dommages à la propriété (I), a constaté que W._ s’est rendu coupable de lésions corporelles simples qualifiées, de voies de fait qualifiées et d’injure (II), l’a condamné à une peine pécuniaire de 70 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 80 fr., avec sursis pendant deux ans, ainsi qu’à une amende de 1’200 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l’amende étant de 15 jours (III), a constaté que G._ s’est rendue coupable de lésions corporelles simples qualifiées (IV), l’a condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 40 fr., avec sursis pendant deux ans, ainsi qu’à une amende de 240 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l’amende étant de six jours (V), a donné acte à G._ de ses réserves civiles à l’encontre de W._ (VI), a dit qu’il n’y a pas lieu à indemnité au sens de l’art. 429 CPP (VII), a mis les frais de procédure, arrêtés à 5'875 fr. – incluant l’indemnité allouée à Me Carola Massatsch, défenseur d’office de G._, par 3'000 fr., débours et TVA inclus –, à raison de deux tiers à la charge de W._ et d’un tiers à celle de G._ (VIII), a dit que W._ et G._ ne seront tenus de rembourser à l’Etat la part de l’indemnité allouée au défenseur d’office de G._ mise à leur charge (à savoir 2'000 fr. à celle de W._ et 1'000 fr. à celle de G._), conformément au chiffre VIII ci-dessus, que pour autant que leur situation financière le permette (IX).
B.
G._ a annoncé faire appel de ce jugement le 16 décembre 2013. Elle a déposé une déclaration d’appel non motivée le 23 décembre 2013, concluant, avec suite de frais de première instance, à la modification du jugement en ce sens qu’elle est acquittée de l’infraction de lésions corporelles simples qualifiées, qu’elle est libérée de toute peine, que W._ est son débiteur et lui doit immédiat paiement de la somme de 7'000 fr., avec intérêts à 5 % l’an dès le 27 novembre 2013, à titre de dommages-intérêts, d’une part, et de la somme de 1'500 fr., avec intérêts à 5 % l’an dès le 27 novembre 2013, à titre d’indemnité pour tort moral, d’autre part.
A l’audience d’appel, l’appelante a confirmé ses conclusions, sauf pour les prétentions en dommages-intérêts, qu’elle a ramenées à 6'604 francs en capital, en réparation du dommage matériel. Pour sa part, l’intimé W._, par son conseil de choix, a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.2 Arrivés en Suisse en 2010, les époux W._ et G._, nés respectivement en 1967 et en 1966, ressortissants, le premier, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et, la seconde, du Canada, sont établis au bénéfice de permis B. Mariés depuis 2005, sans enfant, ils ont convenu de vivre séparés depuis le 7 juin 2012 selon convention homologuée le même jour par le Président du Tribunal de l’arrondissement de La Côte pour valoir prononcé de mesures protectrices de l’union conjugale.
Publicitaire de métier, W._ réalise un revenu mensuel net de 12'500 fr., impôts et primes d’assurance-maladie déduits, et a perçu en outre des boni de 5'000 fr. pour 2011 et de 14'000 fr. pour 2012. Ses charges consistent en un loyer d’environ 2'800 fr., d’un crédit-bail de 600 fr. pour son véhicule, d’un arriéré d’impôts mensuel de 1'000 fr. pour le couple en amortissement d’une dette de 36'000 fr. et d’une contribution d’entretien mensuelle de 5'600 fr. en faveur de son épouse. Il a en outre emprunté une somme de l’ordre de 10'000 livres sterling à des proches, auxquels il a dit devoir encore 12’000 dollars américains en date du 1
er
juillet 2013. Enfin, il n’a ni bien immobilier, ni fortune particulière. Son casier judiciaire est vierge.
Pour sa part, G._ est occupée à monter un commerce d’articles pour chiens en Angleterre; elle ne dispose pour l’heure d’aucun revenu, hormis la contribution d’entretien versée par son époux, déjà mentionnée. Pour l’heure, son assurance-maladie est prise en charge par la société au sein de laquelle travaille son mari. Quant à ses charges, elle verse un loyer de 2'400 livres sterling pour un appartement au Royaume-Uni, plus 150 livres de charges (électricité et eau chaude), ainsi que 200 livres de taxes communales dans cet Etat; elle ignore pour le surplus le montant de ses impôts en Angleterre et en Suisse, de même que la prime afférente à l’assurance-maladie qu’elle va devoir souscrire. Dépourvue de toute fortune ou économies, elle a deux dettes, d’un montant approximatif de 1'500 livres sterling et de 3'800 francs. Son casier judiciaire est vierge.
Les époux sont l’un et l’autre anglophones.
1.2.1 A [...], au domicile conjugal, le 15 janvier 2012, le prévenu, sous l’influence de l’alcool, a poussé son épouse, qui a chuté. Lors de celle-ci, elle s’est blessée au genou gauche en heurtant un meuble de l‘appartement. Alors qu’elle s’apprêtait à quitter le logement en compagnie d’amis avec lesquels les époux avaient passé la soirée, le prévenu a derechef poussé son épouse au niveau du dos. Cette dernière est partie vers l’avant, a heurté son amie et toutes deux sont tombées à terre. G._ a déposé plainte à raison de ces faits le 19 mai 2012.
1.2.2 A [...], au domicile conjugal, le 19 mai 2012 au matin, le prévenu a giflé son épouse lors d’une dispute. G._ a déposé plainte à raison de ces faits le 19 mai 2012.
1.2.3. A [...], au domicile conjugal, le même jour en soirée, une dispute a éclaté entre époux, tous deux sous l’influence de l’alcool. Durant l’altercation, la prévenue a donné un coup au visage de son époux avec un verre qu’elle tenait à la main, lequel s’est brisé. Ce coup a occasionné au prévenu des coupures du niveau du menton.
En réaction, W._ a donné une violente gifle à son épouse. Il l’a ensuite saisie par le cou et l’a poussée contre le mur. Il l’a notamment traitée de « salope » et lui a donné des coups au niveau du visage à plusieurs reprises. Lors des coups, les lunettes de la victime sont tombées au sol et le prévenu a volontairement marché sur celles-ci. La victime a alors quitté les lieux à pied pour héler une patrouille, avant d’être acheminée au poste de police. Un test a révélé une alcoolémie de 1,17 ‰ à 20 h 19 (P. 4, p. 3).
Pour ce qui est de G._, il ressort d’avis médicaux établi le soir et le lendemain des faits par [...], d’abord, et par l’Hôpital de zone de Nyon, ensuite, que la victime a notamment souffert d’une forte douleur à l’angle mandibulaire gauche, ainsi que d’une déviation des dents à la mâchoire supérieure gauche et d’une tuméfaction de la joue gauche avec ouverture incomplète de la bouche (P. 5 et 13/4). A dire de témoin, elle arrivait à peine à ouvrir la bouche et a eu de la difficulté à manger durant plusieurs jours par la suite (PV aud. 3, p. 3, lignes 101-103). G._ a déposé plainte à raison de ces faits le 19 mai 2012. Elle a suivi une psychothérapie de mai à octobre 2012 (P. 28/7).
En ce qui concerne les effets du coup porté à W._, le rapport de police établi le jour de l’intervention fait état de « légères coupures au niveau du menton » (P. 4, p. 3). Pour sa part, un avis médical, du même jour aussi, diagnostique « 3 dermabrasions de 3, 5 et 1 cm au niveau mandibulaire à gauche » (P. 6). Les lésions ont en outre été documentées par une photographie prise le jour des faits (P. 23/2), étant précisé que le lésé était rasé de près.
1.2.4 Le rapport de police établi à la suite de l’intervention de la soirée du 19 mai 2012, déjà mentionné, relève qu’après avoir été alertée par l’épouse, qui avait hélé spontanément des agents sur la voie publique avant d’être acheminée au poste, une patrouille avait été dépêchée au domicile du couple; ce n’était qu’après plus de 30 minutes de négociations que l’époux avait accepté d’accompagner les agents au poste afin d’y être interrogé, en présence d’un interprète (P. 4, p. 3).
1.2.5 Lors de l’audition de confrontation du 22 août 2012, le prévenu a décrit les événements comme il suit (traduction) :
« (...). Le soir du 19 mai 2012, j’étais endormi dans l’appartement. Cela faisait plusieurs semaines que nous nous disputions. Il est évident que cela a été l’escalade ce jour-là. Durant la journée nous avons échangé des messages provocateurs. (...). Mon épouse est rentrée et a mis la musique très fort. Nous avons recommencé à nous disputer, notamment parce que je ne souhaitais plus rester marié avec elle. (...).
Le 19 mai 2012, nous avons à nouveau discuté de notre situation pendant toute la journée. Lorsqu’elle est rentrée nous a (sic) recommencé à nous disputer. A ce moment, mon épouse a tenté de me prendre dans ses bras et de m’embrasser sur la bouche. Je l’ai repoussée. Elle m’a alors frappé avec un verre qu’elle tenait là main. Elle avait bu du vin dans ce verre. Ce verre s’est cassé sur mon visage. Dans un réflexe de défense, je l’ai frappée au visage avec la main gauche ouverte. Elle est partie. (...) » (PV aud. 2, pp. 4 s., lignes 141-163).
Lors de cette même audience, la prévenue n’a pas expressément nié la version des faits de son époux pour ce qui est des détails spécifiques rapportés ci-dessus. Elle a toutefois relevé ce qui suit (traduction) : « (...). Je ne reconnais pas avoir insulté et frappé mon mari » (PV aud. 2, p. 6, ligne 192).
2. Appréciant les faits de la cause relatés au ch. 1.2.3
in initio
ci-dessus, le tribunal de police a écarté les dénégations de la prévenue pour retenir notamment que celle-ci avait frappé son époux en premier, en non en réponse à une attaque, lui occasionnant ainsi les coupures au menton mentionnées tant par le rapport d’intervention de la police que par l’avis médical et documentées par la photographie versée au dossier. Ces atteintes ont été tenues pour constitutives de lésions corporelles simples qualifiées.
Pour ce qui est des conclusions civiles de la plaignante portant sur un traitement orthodontique, le tribunal de police a considéré que les problèmes dentaires de la demanderesse étaient antérieurs aux coups infligés par le prévenu. par surabondance, le premier juge a estimé que, même si l’on retenait le contraire, force serait de constater d’une part que les frais allégués reposent uniquement sur un devis et, d’autre part, que l’intéressée bénéficie d’une assurance dentaire couvrant à tout le moins une partie des coûts en question. Quant aux conclusions en réparation du tort moral, le premier juge a estimé qu’il n’était pas établi que le traitement psychothérapeutique suivi par la demanderesse eut été rendu nécessaire par les actes illicites de son époux. | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable. Le jugement de première instance est entré en force pour ce qui est des points qui ne sont pas contestés par l’appel (art. 402 CPP, a contrario).
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
3.1
Faisant grief au premier juge d’une constatation incomplète ou erronée des faits, l’appelante soutient d’abord qu’il ne serait pas établi qu’elle a délibérément frappé son époux au menton jusqu’à lui occasionner les lésions cutanées établies par pièces. Sans être affirmative quant à l’origine de ces lésions, elle a soutenu, notamment en plaidoirie, qu’il s’agirait peut-être bien plutôt de griffures provoquées sans intention par ses ongles alors qu’elle se débattait dans un mouvement réflexe pour échapper à l’agression de l’intimé (PV aud. 2, p. 6, ligne 192; jugement, p. 5).
Pour sa part, ce dernier a toujours expressément affirmé, tant aux enquêteurs qu’au médecin de garde l’ayant pris en charge dans la soirée du 19 mai 2012, que son épouse l’avait frappé avec un verre à vin (PV aud. 2, p. 4, lignes 139-140, et p. 8, lignes 161-162; jugement, p. 4; P. 6).
3.2
La question déterminante est celle de savoir si les lésions constatées sur la personne de l’intimé, qualifiées de dermabrasions, respectivement de coupures, peuvent être imputées à un acte volontaire de l’appelante, s’agissant notamment d’un coup asséné au moyen d’un verre.
Appréciant les faits de la cause, la cour de céans tient pour déterminants les éléments suivants : les parties vivaient une crise de couple grave depuis assez longtemps; leur antagonisme perdurait depuis plusieurs semaines sous la forme de disputes récurrentes; il s’est manifesté durant la matinée du 19 mai 2012 pour s’exacerber en soirée à la faveur de l’alcoolisation de chacun des intéressés; l’appelante admet avoir provoqué son mari alors qu’il dormait, aviné, sur le canapé du logement conjugal; celui-ci l’a alors repoussée après qu’elle l’eut enlacé et tenté de l’embrasser.
Quant à la suite des événements, le rapport de police ne mentionne pas la présence de débris de verre sur les lieux des faits, étant précisé que les agents ont été présents dans l’appartement durant plus de 30 minutes. Ce silence n’implique toutefois pas qu’il n’y en ait pas eu. En effet, il apparaît tout à fait plausible que les agents dépêchés sur place n’aient pas tenu la présence de tessons jonchant le sol pour digne d’être mentionnée dans leur rapport, sachant qu’il est notoire qu’une scène de ménage impliquant de l’alcool peut occasionner un tel dommage davantage par chute des conteneurs de boissons que par l’effet d’un coup porté au moyen d’un objet en verre, étant précisé que l’alcoolisation des protagonistes étant patente. A ceci s’ajoute que l’hypothèse d’un nettoyage, si elle apparaît moins vraisemblable que celle d’une omission de l’auteur du rapport, ne saurait pour autant être exclue par principe.
L’essentiel est toutefois ailleurs. En effet, les lésions ne sont pas compatibles avec des griffures, infligées par exemple avec les ongles. Bien plutôt, leur délimitation et leur profondeur, décelables sur la photographie, sont plus compatibles avec l’enfoncement d’un verre qui se serait cassé lors du choc sur la mâchoire de la victime qu’avec une griffure par les ongles qui aurait laissé des traces allongées et plus superficielles. Certes, le certificat médical (P. 5) fait état de dermabrasions, et non de coupures. Le terme dermabrasion est inadéquat pour désigner une lésion qui ne découlerait pas d’un simple frottement. Il doit toutefois être considéré que cette expression ne procède pas d’une description clinique délibérée, mais a pu être utilisée pour exprimer le peu de gravité relative que le médecin de garde auteur du rapport attribuait de visu aux lésions en question, qui n’ont du reste nécessité aucun traitement médical. Au demeurant, le rapport de police, établi avant la consultation médicale, fait pour sa part état de « légères coupures », ce qui est conforté par la photographie.
Pour le reste, les dénégations de l’appelante lors de l’audience de confrontation se sont limitées à des propos d’ordre général relatif à une lettre qu’elle avait adressée à l’intimé. Alors même qu’elle avait, immédiatement auparavant, entendu en langue originale la version des faits présentée par son époux, l’appelante n’a, comme le relève le premier juge (jugement, p. 15 in initio), pas spécifiquement contredit ces propos, qui l’incriminaient pourtant expressément. Enfin, aucune autre cause n’est évoquée par les parties, s’agissant par exemple de coupures que l’intimé se serait infligées par mégarde en se rasant. La cour retiendra ainsi la version des faits de l’intimé au détriment des dénégations de l’appelante, qui n’emportent pas la conviction.
3.3
Au vu de la nature et de la gravité de l’atteinte, l’acte incriminé doit être qualifié de lésions corporelles simples qualifiées au sens de l’art. 123 ch. 1 et ch. 2 al. 3 CP, et non de voies de fait qualifiées selon l’art. 126 al. 1, le cas échéant al. 2 let. b CP. La qualification des faits incriminés n’est du reste pas contestée en tant que telle. Aussi bien, l’appelante ne conteste pas davantage la quotité de la peine indépendamment de son moyen portant sur l’appréciation des faits. Il en va de même de la durée du délai d’épreuve.
4.
Dans un second moyen, limité aux conclusions civiles, l’appelante fait d’abord valoir que les coups qui lui ont été portés à la mâchoire par l’intimé dans la soirée du 19 mai 2012 devront nécessiter un traitement orthodontique. Le coût de ces soins, devisé par son dentiste britannique à 4’760 livres sterling, équivaudrait à 6'604 francs, selon le taux de change des devises en question. Les pièces produites ne fournissent toutefois aucune preuve d’un dommage corporel consécutif aux actes incriminés, à raison desquels l’intimé est condamné. Au contraire, il est établi que l’appelante présentait des problèmes dentaires de longue date. L’implant faisant l’objet du devis du 28 octobre 2013 (P. 28/3, avec traduction française), portant sur la mâchoire supérieure gauche, semble antérieur aux faits litigieux et n’est pas décrit comme d’origine traumatique (P. 29/10, avec traduction française). Le rapport médical établi par l’Hôpital de zone de Nyon le 21 mai 2012 mentionne, sur la base d’une orthopantomographie effectuée la veille, qu’il n’y a pas de « lésion osseuse traumatique visible » à la mandibule droite (P. 13/6). Il s’ensuit que la causalité (naturelle) entre l’acte illicite en cause et le dommage corporel doit être niée à l’aune de l’art. 41 CO.
Ce qui précède s’applique à la conclusion portant sur la réparation du tort moral (art. 49 CO) que la demanderesse présente ensuite. En effet, s’il est établi qu’elle a dû suivre un traitement psychothérapeutique, rien ne permet de retenir que les troubles ainsi soignés aient été directement consécutifs aux actes illicites à raison desquels l’intimé est condamné. Il apparaît bien plutôt que les époux connaissaient de lourds problèmes conjugaux depuis plusieurs années. Pour le surplus, s’agissant spécifiquement des faits survenus dans la soirée du 19 mai 2012, il suffit de renvoyer aux motifs du premier juge. En effet, c’est la demanderesse qui a été la première à porter un coup à son époux. Le fait qu’il l’ait auparavant repoussée, même par un geste inadéquat entre conjoints, alors qu’elle tentait de l’embrasser, ne saurait justifier un coup asséné au moyen d’un verre à vin. Il s’ensuit que les conclusions civiles de l’appelante doivent être rejetées.
5.
Vu l'issue de l’appel, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de l’appelante, qui succombe entièrement (art. 428 al. 1, 1re phrase, CPP). En revanche, il n’y a pas lieu d’allouer à l’intimé, représenté par un avocat de choix, une indemnité selon l’art. 433 CPP. En effet, le plaideur n’a ni chiffré, ni justifié ses prétentions.
Outre l'émolument, les frais d’appel comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office de l’appelante, pour les opérations liées à la procédure d'appel (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFIP).
L'indemnité allouée au défenseur d'office de l’appelante doit être fixée en tenant compte d'une durée d'activité utile de dix heures d’avocat breveté, au tarif horaire de 180 fr., y compris la durée de l’audience d’appel, plus une unité de débours à 120 fr. au titre de frais de vacation, TVA en sus (art. 135 al. 1 CPP), à 2'073 fr. 60. Il n’y a pas matière à allouer d’autres débours, faute de justification. Pour le reste, les opérations de réception de courriels sans portée particulière figurant sur la lise d’opérations ne sauraient être prises en compte séparément, mais sont bien plutôt englobées dans la durée utile globale de l’activité du défenseur et conseil d’office.
La prévenue ne sera tenue de rembourser à l’Etat l’indemnité en faveur de son défenseur et conseil d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9519e657-10f9-4e43-a22c-bd48403030d9 | En fait :
A.
Par jugement du 20 mai 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a notamment libéré A.W._ des accusations de menaces qualifiées, séquestration et violation du devoir d'assistance ou d'éducation (I), a constaté que ce dernier s'est rendu coupable de vol au préjudice d'un proche, vol d'importance mineure au préjudice d'un proche, acte d'ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle, circulation sans permis de conduire ni plaques de contrôle, circulation sans assurance responsabilité civile, usage abusif et appropriation illégitime de plaques de contrôle (II), l'a condamné à une peine privative de liberté de vingt-neuf mois, à une peine pécuniaire de trente jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 15 francs, et à une amende de 150 francs, peines partiellement complémentaires à celle prononcée le 9 mars 2007 par le Tribunal de police de Lausanne et entièrement complémentaires à celle prononcée le 24 août 2009 par le Tribunal de police de Lausanne (III), a suspendu l'exécution d'une partie de la peine portant sur vingt-trois mois de privation de liberté et fixé à A.W._ un délai d'épreuve de cinq ans (IV), a dit qu'à défaut de paiement de l'amende de 150 francs, la peine privative de liberté de substitution sera de dix jours (V), a ordonné un traitement psychothérapeutique ambulatoire (VI), a dit que A.W._ est le débiteur de B.W._ de la somme de 15'000 francs (quinze mille) à titre de réparation du tort moral, valeur échue (VII), a pris acte pour valoir jugement de la reconnaissance de dette de 126 fr. 40 que A.W._ a signée à l'audience du 14 octobre 2010 en faveur d'S._ (VIII), a pris acte pour valoir jugement de la reconnaissance de dette de 5'000 fr. (cinq mille) que A.W._ a signée à l'audience du 18 mai 2011 en faveur de C.W._ (IX), a mis une partie des frais par 23'000 francs à la charge de A.W._ et laissé le solde à la charge de l'Etat (XI), a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité de 14'000 francs, allouée au défenseur d'office de A.W._, l'avocat Thierry de Mestral, sera exigible pour autant que la situation économique de A.W._ se soit améliorée (XII), a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité de 7'450 francs, allouée au conseil d'office de C.W._, l'avocate Anne-Louise Gillièron, sera exigible pour autant que la situation économique de A.W._ se soit améliorée (XIII), et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité de 1'745 francs, allouée au conseil d'office de B.W._, l'avocate Sandrine Chiavazza, sera exigible pour autant que la situation économique de A.W._ se soit améliorée (XIV).
B.
Le 23 mai 2011, A.W._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 27 juin 2011, l'appelant a conclu principalement à sa libération des chefs d'accusation d'acte d'ordre sexuel avec des enfants et de contrainte sexuelle, la peine étant réduite dans la mesure que justice dira et assortie du sursis, subsidiairement au renvoi de la cause à un autre tribunal de première instance pour nouvelle décision au sens des considérants.
Dans le délai imparti, le Ministère public, de même que les parties plaignantes, ont indiqué ne pas présenter une demande de non-entrée en matière et ne pas déposer d'appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.W._, ressortissant congolais, est né en 1968 à Kinshasa (ex-Zaïre). Arrivé en Suisse en 1994, il a déposé une demande d'asile et obtenu une décision d'admission provisoire. Placé par [...], il travaille actuellement pour la société [...] à Crissier et perçoit un revenu d'environ 3'000 fr. net par mois, impôts à la source déduits. Il loue un studio à Nyon dont le loyer est de 750 fr. par mois. Son assurance maladie s'élève à 290 fr. par mois. Il se rend à son travail en voiture. Il n'a pas d'économies mais des dettes pour une montant de l'ordre de 30'000 francs, qu'il rembourse par des versements mensuels de l'ordre de 600 francs.
Il s'est marié en 1999 avec la partie plaignante C.W._ avec qui il a eu trois enfants. L'appelant et cette dernière sont aussi parents de B.W._, partie plaignante, née en 1991, cette dernière n'étant toutefois pas inscrite comme étant la fille de A.W._ et de C.W._. Le couple est séparé depuis le mois de juillet 2007. Par demande unilatérale du 4 mars 2009, C.W._ a ouvert action en divorce. L'appelant est astreint à contribuer à l'entretien des siens par le versement d'une pension mensuelle de 650 francs, allocations familiales en plus.
Le casier judiciaire de A.W._ mentionne trois condamnations :
- 9 février 2004, Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois, dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans pour mise en danger de la vie d'autrui, faux dans les certificats, infraction à la loi fédérale sur l'assurance-chômage et circulation sans permis de conduire. Le sursis a été prolongé de dix-huit mois le 24 août 2009 ;
- 9 mars 2007, Tribunal de police de Lausanne, dix jours-amende à 30 fr. pour dommages à la propriété et injure ;
- 24 août 2009, Tribunal de police de Lausanne, cent cinquante jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant cinq ans pour lésions corporelles simples qualifiées et infraction à la loi fédérale sur l'assurance-chômage.
2.
Les époux A.W._ et leurs quatre enfants ont vécu à Bussigny-près-Lausanne et Renens entre le début 2004 et 2006 notamment. Durant cette période, A.W._ a abusé sexuellement de sa fille B.W._.
En particulier, au changement d'année 2003/2004, l'appelant est venu faire des avances à sa fille dans son lit, lui disant qu'il voulait faire des choses avec elle. Comme il empestait l'alcool, cette dernière a pensé qu'il était saoul et qu'il disait n’importe quoi. Peu après, au début 2004, A.W._ a fait lire à sa fille une lettre qu'il avait écrite et dans laquelle il lui expliquait qu'il devait, selon une coutume ancestrale, l'initier sexuellement car elle était sa fille aînée. Il a prétendu que si elle n'acceptait pas, il perdrait la face et serait déshonoré. Pendant cinq mois environ, il ne s'est rien passé, B.W._ partageant sa chambre avec une personne que le couple hébergeait. Le 1
er
juin 2004, ladite personne a quitté l'appartement des époux A.W._. A partir de l'été 2004, A.W._ a commencé à faire irruption dans la chambre de sa fille lorsque celle-ci se changeait ou dans la salle de bains, de sorte qu'elle a été obligée de se doucher en maillot de bain.
En 2005, A.W._ a prétexté qu'il devait se rendre à l'ambassade avec sa fille. Après le départ de la maison de C.W._ pour son travail, B.W._ est allée frapper à la porte de la chambre de son père qui lui a demandé de le rejoindre, ce qu'elle a refusé. Le père s'est fâché et a expliqué à sa fille qu'ils devaient passer la journée ensemble pour avoir une relation sexuelle. Par respect pour son père et par crainte, elle s'est déshabillée, est retournée dans sa chambre où son père l'a rejointe pour lui faire un cunnilingus. Après cet épisode, B.W._ a pris pour habitude de déposer un verre d'eau ou un objet derrière sa porte pour entendre si son père y pénétrait, celui-ci ayant pris la clé de sa chambre pour l'empêcher de s'enfermer.
Par la suite, l'appelant a expliqué à sa fille qu'il faisait partie d'une secte dans laquelle on lui administrait des hormones qui augmentaient sa force. En contrepartie, il devait initier sexuellement sa fille puis la présenter aux autres membres de la secte. Il est parvenu de cette manière à procéder à un nouveau cunnilingus sur sa fille. Jusqu'à l'été 2006, il a pratiqué une dizaine de cunnilingus sur sa fille, prétendant que le fait de la lécher était le seul moyen pour lui d'obtenir des hormones de croissance. Il soutenait que ces hormones coûtaient cher et qu'il préférait les prendre gratuitement sur elle.
A deux occasions entre juin 2004 et l'été 2006, dans sa chambre, l'appelant a contraint sa fille à lui faire une fellation en pressant sur sa tête. Il a éjaculé à côté d'elle. Hormis ces pressions sur sa tête, il n'a pas usé de contrainte physique pour parvenir à ses fins. B.W._ craignait toutefois son père en raison de corrections infligées pour des motifs scolaires. En outre, l'appelant employait des moyens de pression plus subtils pour profiter de son ascendant de père et de son autorité de chef de famille. Il lui arrivait de pleurnicher et de culpabiliser sa fille si celle-ci ne se pliait pas à ses désirs. Il lui faisait des cadeaux, l'invitait au restaurant. Il se montrait de très mauvaise humeur envers toute la famille s'il n'obtenait pas ce qu'il voulait. Il tentait d'apitoyer sa fille en lui disant qu'il n'était pas satisfait de ses relations avec sa mère et lui rappelait que ce qu'ils faisaient ensemble était tabou, de sorte qu'elle n'osait pas en parler.
La grand-mère maternelle de B.W._ est venue passer des vacances chez les A.W._ en août 2006 et B.W._ s'est confiée à cette dernière. Un conseil réunissant les deux familles et mis en place par la grand-mère en question s'est tenu et les faits ont cessé.
.B.W._ a fait une dépression et deux tentatives de suicide au début 2008, ce qui l'a amenée à consulter la Dresse Z._, psychiatre, entre avril et octobre 2008.
C.W._ a déposé plainte pour ses faits et s'est constituée partie civile le 20 février 2009 pour B.W._. Elle a confirmé sa plainte le 25 février 2010 et à l'audience du 18 mai 2011. Devenue majeure le 12 novembre 2009, B.W._ a été interpellée par le tribunal et a confirmé la plainte par lettre du 8 avril 2011.
3.
Entre le 12 et le 22 août 2008, A.W._ s'est rendu au domicile de C.W._ et a emporté bon nombre de ses affaires personnelles, notamment des vêtements, des sacs à main, des bijoux et des chaussures.
Pour ces faits, C.W._ a déposé plainte pénale et s'est constituée partie civile le 3 septembre 2008. Elle a maintenu sa plainte aux débats, mais a renoncé à des prétentions civiles contre A.W._. A l'audience du 18 mai 2011, ce dernier s'est reconnu le débiteur de C.W._ de la somme de 5'000 francs.
4.
Le 15 octobre 2008, A.W._ a acquis un bus d'occasion dans un garage à Gland. Bien que le permis de circulation ait été annulé le 17 octobre 2008, il a conduit le bus jusqu'au 1
er
décembre suivant, date de son interpellation, malgré l'absence de plaques de contrôle valables et de couverture d'assurance responsabilité civile.
Pour ne pas attirer l'attention, A.W._ avait, le 18 novembre 2008, dérobé les plaques d'immatriculation d'S._, apposées sur le véhicule de ce dernier parqué à Nyon pour les fixer sur son bus.
S._ a déposé plainte pénale pour ces faits et s'est constitué partie civile le 18 novembre 2008. A l'audience du 14 octobre 2010, A.W._ a signé une reconnaissance de dette de 126 fr. 40 en faveur d'S._. Ce dernier a maintenu sa plainte.
5.
A Yverdon-les-Bains, le 24 décembre 2008, A.W._ a dérobé des documents officiels de son épouse C.W._ dans le sac de cette dernière. Quelques jours plus tard, il lui a rendu son permis de séjour, les permis de séjour de leurs enfants et le livret de famille.
C.W._ a déposé plainte pour ses faits le 20 février 2009. Elle l'a confirmée le 25 février 2010 et aux débats. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L'appelant conclut à sa libération des actes d'ordre sexuel avec des enfants et de contrainte sexuelle. Il conteste les faits qui lui sont reprochés.
3.1.
Il soutient tout d'abord que la mère de B.W._ aurait ourdi un complot dans le but de se venger, dans le contexte d'un divorce à couteaux tirés.
Cette thèse est présentée de manière si caricaturale par l'appelant qu'elle ne permet en aucune manière d'infirmer l'appréciation amplement et sainement motivée des premiers juges, selon laquelle les déclarations de l'accusé n'étaient pas crédibles alors que celles de B.W._ apparaissaient au contraire comme dépourvues d'esprit de vengeance, sincères et authentiques (jgt, p. 39). Ainsi, le fait que C.W._ ait pu mentir sur ses origines familiales ou exagérer les violences conjugales ou encore n'ait pas été crue par le tribunal au sujet de l'accusation de séquestration n'y change rien. C'est la crédibilité de B.W._ qui a été considérée à juste titre déterminante par les premiers juges (jgt, p. 40).
3.2.
L'appelant fait ensuite valoir que les déclarations de B.W._ ont subi des variations au cours de l'instruction et qu'il subsiste des incertitudes au sujet de sa filiation et de son identité.
3.2.1.
Le tribunal a expliqué de manière convaincante les raisons pour lesquelles les déclarations de B.W._ n'avaient pas été d'emblée complètes et a précisé que celles-ci avaient été constantes à la première et à la seconde audience dans la mesure où la plaignante avait compris qu'elle n'était pas responsable de ce qui lui était arrivé (jgt, p. 39). La sincérité des révélations de B.W._ a par ailleurs été confirmée par la Dresse Z._ à laquelle cette dernière est apparue comme authentique. Ce médecin relevait en effet que les déclarations faites par B.W._ avaient été douloureuses et que B.W._ s'était sentie honteuse (jgt, p.9). Elle précisait également que l'appelant avait exercé des pressions psychologiques sur sa fille et qu'il se posait en victime, ce qui amenait cette dernière à culpabiliser. Enfin, le traumatisme a été constaté par la thérapeute.
Face aux élément développés par les premiers juges, les arguments qu'oppose l'appelant, tels que l'emprise psychologique de C.W._ sur B.W._ ou encore le fait qu'il serait possible que B.W._ n'ait pas tout dit à sa thérapeute sont inconsistants, car ils ne permettent pas de remettre en question sérieusement l'analyse de la crédibilité de la victime.
3.2.2.1.
S'agissant de l'éventuelle absence de filiation entre l'appelant et B.W._, il faut d'abord constater que l'appelant a durant toute la procédure parlé de B.W._ comme étant sa fille, y compris devant les experts du CHUV (cf. rapport d'expertise du 2 mai 2011, pièce 104) et encore à l'audience de jugement. Un tel revirement est inepte alors que ce dernier est détenteur de l'autorité parentale. Ainsi, sur le plan de la culpabilité, c'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'appelant s'était comporté durablement comme le père de l'enfant et avait utilisé son enfant comme objet sexuel pour assouvir ses pulsions.
3.2.2.2.
L'appelant affirme encore que B.W._ a été conçue avant 1988, de sorte qu'elle aurait au moins quatre ans de plus que l'âge retenu dans le jugement (12 novembre 1991). Il se fonde prétendument sur les éléments anamnestiques découlant de l'expertise pédopsychiatrique du SPEA (Service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, cf. P. 19/2 dossier C), mais en réalité de manière erronée. En effet, il résulte tant des déclarations de l'appelant aux experts que de celles de C.W._ que cette dernière est tombée enceinte de B.W._ en 1991 (cf. rapport d'expertise du CHUV du 2 mai 2011, pp. 4-5). Par ailleurs, les explications de l'appelant à ce sujet dans sa déclaration d'appel ne correspondent en rien à celles qu'il avait données aux experts du CHUV. Il n'y a donc aucune raison de s'écarter de l'âge retenu dans le jugement.
3.3.
L'appelant invoque encore le témoignage de la grand-mère maternelle de B.W._, tel que protocolé dans le jugement (jgt, p. 22), selon lequel celle-ci avait indiqué au témoin que l'appelant voulait avoir des relations sexuelles avec elle, mais ne l'avait pas encore fait.
On ne peut évidemment rien tirer de déterminant de cette déclaration qui peut tout aussi bien signifier que A.W._ n'avait pas encore entretenu des relations sexuelles complètes avec sa fille, soit par la conjonction des organes génitaux, ce qui est conforme à l'état de fait retenu en première instance.
3.4.
Enfin, l'appelant prétend que B.W._ n'a jamais déposé plainte contre lui. Cette affirmation est fausse. S'il est exact que la plainte a été déposée à l'origine par la mère de B.W._, celle-ci l'a toutefois confirmée après l'acquisition de sa majorité (jgt, p. 38 ; art. 30 al. 2 CP).
En définitive, force est d'admettre que le jugement ne contient aucun fait erroné et les éléments constitutifs des infractions des art. 187 ch. 1 et 189 ch. 1 CP sont manifestement réalisés, l'appelant ne soulevant du reste aucun moyen au sujet de l'application de ces dispositions par l'autorité de première instance.
4.
L'appelant fait valoir à titre subsidiaire que si sa condamnation pour les infractions contre l'intégrité sexuelle devait être confirmée, il "doit être jugé avec clémence".
En l'occurrence, l'appelant a déjà été jugé et n'a fait valoir aucun abus du pouvoir d'appréciation des premiers juges dans la fixation de la peine (art. 398 al. 2 let. a CPP). Or, ces derniers, en infligeant une peine privative de liberté avec un sursis partiel, la part ferme étant de six mois, ont tenu compte des critères déterminants consacrés à l'art. 47 CP et ont prononcé une peine clémente. Ils n'ont pas ignoré les éléments essentiels de sa situation personnelle (jgt, p. 34) et ont relevé que la sanction à prononcer devait être choisie pour lui permettre de rester intégré dans la société, compte tenu de ses activités professionnelles. Pour le reste, le tribunal a apprécié correctement les circonstances à charge et à décharge de l'appelant et n'a omis aucun élément important (jgt, pp. 46-47). Au vu de ces éléments, la peine doit être confirmée.
5.
L'appelant conclut en dernier lieu à l'octroi du sursis portant sur l'entier de la peine.
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Dans la mesure où il est évident que la quotité de la peine n'est pas compatible avec le sursis prévu par cette disposition, ce moyen peut d'emblée être rejeté.
6.
Au vu de ce qui précède, l'appel doit être intégralement rejeté et le jugement attaqué confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de procédure sont mis à la charge de l’appelant (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité allouée à défenseur d’office, par 2'188 fr. 80 (deux mille cent huitante-huit francs et huitante centimes), l'indemnité allouée au conseil d'office de C.W._, par 1'080 fr. (mille huitante francs) et l'indemnité allouée au conseil d'office de B.W._, par 1'080 fr. (mille huitante francs), TVA et débours compris.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités en faveur de son défenseur d'office et des conseils d’office des parties plaignantes prévues ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9528c4af-5ef0-440a-990b-455962df0b97 | En fait :
A.
Par jugement du 18 mars 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a constaté que G._ s’est rendu coupable de brigandage (I), l'a condamné à une peine privative de liberté de dix-huit mois, sous déduction de 176 jours de détention avant jugement, peine complémentaire aux jugements rendus les 31 juillet 2012 par le Staatsanwalt du canton du Valais, à Viège, le 14 novembre 2012 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne et le 22 août 2013 par le Tribunal de police de Lausanne (II), a ordonné le maintien en détention de G._ pour des motifs de sûreté (III), a mis les frais de la cause, arrêtés à 6'837 fr. 90, à la charge de G._, incluant l’indemnité de son conseil d’office, par 3’687 fr. 90, TVA et débours compris (IV), et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité du conseil d’office ne sera exigé que si la situation financière de G._ le permet (V).
B.
Le 18 mars 2014, G._ a annoncé faire appel de ce jugement. Par déclaration d'appel motivée du 10 avril 2014, il a conclu, avec suite de frais et dépens, principalement à son acquittement et, subsidiairement, à ce qu'il soit condamné à une peine privative de liberté de dix mois.
A l’audience d’appel, le Ministère public a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissant d’Algérie, G._ est né le 16 février 1974, à Alger, d’une fratrie composée de deux frères et d’une sœur. Il a été élevé par ses parents et a suivi l’école primaire à Alger durant cinq ans. Entre seize et dix-huit ans, le prévenu a travaillé avec son père, agriculteur. A dix-huit ans, il s’est rendu en France durant cinq ans, où il a travaillé comme peintre et carreleur, sans formation. A vingt-trois ans, il a rejoint l’Italie, reprenant son activité d’agriculteur. Trois ans plus tard, il est rentré en Algérie où il est resté deux ans avant de se rendre en France. En 2010, il a rejoint la Suisse, travaillant comme déménageur. En 2010, il est allé vivre à [...] chez un cousin. Il y est resté pendant près d’un an et y a travaillé au noir. Il est arrivé dans le canton de Vaud en 2011, la police genevoise l’ayant interdit de périmètre sur tout le canton de [...]. Il a déposé une requête d’asile qui a été rejetée. Depuis lors, il a vécu dans la région [...], dormant à [...] et passant ses journées à [...]. Il a parfois travaillé à Lausanne au noir en faisant des déménagements. Il gagnait environ 70 fr. par jour en travaillant trois jours par semaine. En Suisse, il est le seul de sa famille. Il est actuellement détenu à la prison de la Croisée.
Son casier judiciaire suisse mentionne sept condamnations :
- 18 janvier 2011, Ministère public du canton de Genève, délit contre la LF sur les stupéfiants, entrée illégale, séjour illégal, peine pécuniaire de quinze jours-amende à 30 fr. avec sursis durant trois ans, révoqué le 19 mai 2011 ;
- 20 avril 2011, Ministère public du canton de Genève, délit contre la LF sur les stupéfiants et séjour illégal, peine pécuniaire de trente jours-amende à 30 fr. avec sursis durant trois ans, révoqué le 19 mai 2011 ;
- 19 mai 2011, Ministère public du canton de Genève, délit contre la LF sur les stupéfiants, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation, peine privative de liberté de quatre mois, peine d’ensemble avec les jugements des 18 janvier et 20 avril 2011 du Ministère public du canton de Genève ;
- 12 juin 2012, Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, vol (délit manqué) et séjour illégal, peine privative de liberté d’un mois ;
- 31 juillet 2012, Staatsanwalt du canton du Valais, séjour illégal, peine pécuniaire de cinquante jours-amende à 30 fr. ;
- 14 novembre 2012, Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, vol et séjour illégal, peine privative de liberté de cent jours ;
- 22 août 2013, Tribunal de police de Lausanne, brigandage, vol, vol d’importance mineure, dommages à la propriété, violation de domicile, séjour illégal, activité lucrative sans autorisation, contravention et délit contre la LF sur les stupéfiants, peine privative de liberté de trois cents jours et 400 fr. d’amende.
2.
A Vevey, le 30 juillet 2012, G._, accompagné de S._ et d'E._ (tous deux déjà jugés pour ces faits), a suivi H._, âgée de 86 ans, depuis l’arrêt de bus Major-Davel jusqu’au boulevard Paderewski. A cet endroit, ils l’ont agressée, la saisissant violemment par les épaules et le dos, la précipitant au sol, lui arrachant son collier en or, sa montre et un bracelet en or. Les trois agresseurs ont ensuite pris la fuite en riant de la posture de leur victime. Les bijoux dérobés ont été retrouvés peu après en possession de S._.
H._ a été blessée aux bras et aux mains et a souffert de contusions au cou.
H._ s’est constituée partie plaignante. Elle est décédée par la suite. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de G._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
L’appelant se plaint d’une constatation erronée des faits et d’une violation du principe de la présomption d’innocence.
3.1
A teneur de l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d’innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ; RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1). Comme règle d’appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 la 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 précité, c. 2.2.2).
3.2
L’appelant prétend que S._ l’a dénoncé car il souhaite échapper à ses responsabilités et obtenir une peine plus légère en avouant sa participation au brigandage.
Cet argument est irrelevant. Le 25 juillet 2013 déjà, à l’issue de l’audience de la Cour d’appel pénale le concernant, S._ savait non seulement que son appel était rejeté, mais également pour quels motifs. Le fait qu’il ait reçu les considérants du jugement d’appel début septembre n’y change rien dans la mesure où sa dénonciation du 16 septembre 2013 et ses aveux ne pouvaient avoir aucun effet sur sa condamnation.
3.3
L’appelant soutient que S._ le met en cause en raison de son refus d’intervenir comme témoin dans un différend opposant celui-ci à E._.
En l’espèce, la prison de la Croisée n’a trouvé aucune trace d’un différend entre les trois hommes. Il n’en reste pas moins qu’un litige existait entre ces personnes, comme l’attestent certains éléments au dossier, notamment le fait que S._ a prétendu avoir été menacé en prison par E._ et savoir « des choses » sur lui qu’il était prêt à dévoiler. Il est vrai que S._ savait parfaitement que l’appelant devait sortir de prison et un désir de vengeance n’est pas exclu. Cela ne rend toutefois pas la dénonciation mensongère pour autant.
3.4
Selon l’appelant, S._ a voulu qu’il mette en cause E._ et comme il a refusé, S._ et E._ se sont mis d’accord en prison pour le mettre en cause.
On peine à comprendre pourquoi deux personnes en conflit, soit S._ et E._, se seraient entendues pour dénoncer l’appelant, alors que cela n’aurait rien changé à leur propre sort. De plus, E._ n’a pas été réentendu après la dénonciation de S._ car il avait quitté le territoire suisse. Il n’a dès lors pas pu se mettre d’accord avec S._ après sa condamnation. Ainsi, rien au dossier n’indique que l’appelant a été victime d’un complot.
3.5
L’appelant reproche aux premiers juges d’avoir indiqué qu’il avait menti en disant qu’il ne connaissait pas S._ et E._ (cf. jgt., p. 11).
Or, en expliquant aux débats de première instance qu’il ne connaissait pas « ces gens », l’appelant a voulu dire qu’il ne connaissait pas S._ et E._ aux moments des faits et qu’il les a rencontrés en détention (cf. PV aud. du 29 août 2014). Toutefois, dans la mesure où la Cour de céans ne retient pas la version des faits soutenus par l’appelant, il s’agit d’un mensonge.
3.6
L’appelant fait valoir que le fait que la victime H._ ainsi que le témoin Z._ aient vu trois personnes partir en courant ne signifie pas qu’il n’était pas sur place, celles-ci ayant pu ne pas l’apercevoir. Il explique qu’il n’a pas vu le troisième agresseur, raison pour laquelle il a dit que la victime avait été agressée par deux personnes. Il met en cause T._ sur la base du rapport de police du 31 juillet 2012 (P. 8).
En l’espèce, l’affirmation de l’appelant selon laquelle il n’a pas vu ce quatrième personnage sur le lieu de l’agression, mais que celui-ci a participé au brigandage est contradictoire et basée sur de simples suppositions. De plus, sa version consistant à affirmer qu’il a tout vu de l’agression, mais qu’il s’est éclipsé sans voir qu’une troisième personne faisait le guet n’est absolument pas crédible. Elle ne tient au surplus pas compte des déclarations de Z._ selon lesquelles les trois agresseurs avaient fui ensemble. Si la version des faits de l’appelant était véridique, il aurait dû voir les trois agresseurs. Il n’a au demeurant donné aucune explication sur sa présence en ce lieu.
3.7
L’appelant relève des contradictions dans les déclarations de X._.
Or, quand bien même il y a quelques imprécisions et que les heures apparaissent approximatives, il n’existe pas de contradictions dans les déclarations de X._. Ce témoin a formellement reconnu T._ derrière une vitre sans tain comme étant la personne qu’elle avait rencontrée à Vevey, avec qui elle s’était rendue à l’épicerie Caritas, à qui elle avait donné un billet de 20 fr. et qu’elle avait accompagné aux bureaux de Caritas afin de lui faire obtenir une carte de membre. Elle n’a pas reconnu S._ ou E._. Or, si elle avait passé un moment avec ceux-ci, comme le soutient l’appelant, elle les aurait également identifiés. Il n’y a aucun sens de fournir un alibi à l’un et pas aux autres personnes du groupe. En outre, rien ne dit que le billet de 20 fr. que H._ dit qu’on lui a présenté dans le bus est celui que X._ a donné à T._.
3.8
L’appelant évoque enfin les antécédents des autres protagonistes intervenus dans cette affaire et soutient qu’il ne présente pas le même profil qu’eux.
L’appelant a déjà été condamné pour brigandage, peu importe qu’il s’agisse d’une histoire de stupéfiants. Il avait dès lors tout à fait le profil pour commettre un nouveau brigandage, cela indépendamment du casier judiciaire des autres protagonistes, son casier judiciaire présentant par ailleurs sept condamnations.
3.9
En définitive, les premiers juges ont considéré à juste titre que tous les éléments au dossier convergeaient pour désigner G._ comme le troisième homme ayant participé à l’agression de H._. En effet, l’appelant a reconnu s’être trouvé sur les lieux de l’agression et avoir assisté à celle-ci (PV aud. 1 p. 3). Il a été mis en cause par son comparse et co-détenu, S._, qui l’a dénoncé (P. 6). Il a également été mis en cause indirectement par E._ qui a avoué avoir agi avec S._ et un dénommé N._, l’appelant ayant lui-même reconnu, lors de sa première audition, que S._ le surnommait N._ (PV aud. 1 p. 2). De plus, la présence de trois hommes sur les lieux de l’agression a été confirmée par les témoins sur place. La victime, même si elle n’a pas pu reconnaître ses agresseurs, a eu le sentiment d’être attaquée par trois personnes (PV aud. 4). Quant au témoin Z._, elle a déclaré avoir vu trois hommes s’enfuir. Elle a en particulier décrit un homme plus âgé et plus massif que les autres comparses, avec les cheveux très courts et un nez assez marqué (PV aud. 5). E._ avait par ailleurs également décrit l’appelant comme étant âgé d’environ 36 ans en 2012, 1 mètre 85 et costaud (PV aud. 6 p. 4). Ces deux descriptions correspondent parfaitement au physique de l’appelant présent à l’audience de ce jour. Enfin, E._ avait expliqué, lors de son audition du 8 novembre 2012, que le troisième agresseur n’avait, tout comme lui, pas été interpellé par la police (PV aud. 6 p. 4), ce qui désigne G._ et non T._ qui a été arrêté près des lieux du brigandage (cf. P. 8).
Les moyens tirés d’une constatation erronée des faits et d’une violation du principe
in dubio pro reo
sont donc mal fondés et doivent être rejetés. La condamnation de G._ pour brigandage au sens de l’art. 140 CP doit par conséquent être confirmée.
4.
L’appelant conteste la peine infligée qu’il considère comme excessive.
4.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; 129 IV 6 c. 6.1 p. 20).
4.2
Aux termes de l'art. 49 CP, si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (al. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (al. 2).
Le cas (normal) de concours réel rétrospectif se présente lorsque l'accusé, qui a déjà été condamné pour une infraction, doit être jugé pour une autre infraction commise avant le premier jugement, mais que le tribunal ignorait. L'art. 49 al. 2 CP enjoint au juge de prononcer une peine complémentaire ou additionnelle (Zusatzstrafe), de telle sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement. Concrètement, le juge doit se demander comment il aurait fixé la peine en cas de concours simultané, puis déduire de cette peine d'ensemble hypothétique la peine de base, soit celle qui a déjà été prononcée (TF 6B_455/2013 du 29 juillet 2013 c. 2.4.1 et les références citées). Le prononcé d'une peine complémentaire suppose que les conditions d'une peine d'ensemble au sens de l'art. 49 al. 1 CP sont réunies. Une peine additionnelle ne peut ainsi être infligée que lorsque la nouvelle peine et celle qui a déjà été prononcée sont du même genre. Des peines d'un genre différent doivent en revanche être infligées cumulativement car le principe d'absorption n'est alors pas applicable (TF 6B_1082/2010 du 18 juillet 2011 c. 2.2 et les références citées).
4.3
En l’espèce, la culpabilité de G._ est très lourde. Il a agi avec lâcheté et avec une totale absence de scrupules en s’attaquant, avec ses deux comparses, à une personne âgée de 86 ans, en usant d’une violence disproportionnée aux forces et à la résistance de la victime. Il n’a d’ailleurs pas hésité à se moquer de la posture de celle-ci, gisant à terre, une fois le méfait terminé. G._ a agi uniquement par appât du gain et a démontré une absence totale de prise de conscience et de regrets. Depuis son arrivée en Suisse, il n’a pas cessé de commettre des infractions, son casier judiciaire présentant pas moins de sept condamnations.
En application de l'art. 49 al. 2 CP, il convient de prononcer une peine complémentaire à celles prononcées le 14 novembre 2012 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne (peine privative de liberté de 100 jours), le 22 août 2013 par le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne (peine privative de liberté de 300 jours) et le 28 août 2014 par la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal (peine privative de liberté de 4 mois et 20 jours). En effet, il s’agit en l’espèce de juger de l’infraction perpétrée le 30 juillet 2012 alors que trois jugements ont été rendus ultérieurement.
Dans le calcul de la peine globale, l’infraction de brigandage vient donc s’ajouter aux infractions de vol et de séjour illégal réprimées par jugement du 14 novembre 2012, à celles de brigandage, vol, vol d’importance mineure, dommages à la propriété, violation de domicile, séjour illégal, activité lucrative sans autorisation ainsi que de contravention et délit contre la LStup réprimées par jugement du 22 août 2013 et à celle de tentative de lésions corporelles simples qualifiées réprimée par jugement du 28 août 2014.
Pour l’ensemble des infractions commises, la peine globale hypothétique doit être fixée à trois ans. Les peines prononcées précédemment étant de 540 jours, c’est en conséquence à juste titre que la peine complémentaire a été arrêtée à dix-huit mois.
Au vu de ce qui précède, la peine privative de liberté de dix-huit mois prononcée par l’autorité précédente est adéquate et doit être confirmée.
5.
En définitive, l’appel de G._ est rejeté et le jugement rendu le 18 mars 2014 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l’Est vaudois est confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de G._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 2’020 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office.
S’agissant de l’indemnité d’office, Me Gonzalez Pennec a produit une liste d’opérations faisant état de 23 heures et 35 minutes d’activité, dont 22 heures et 15 minutes effectuées par son avocat-stagiaire et le solde par ses soins (P. 48). Compte tenu de la nature de la cause, de la connaissance du dossier acquise en première instance, de la seconde cause pendante devant la Cour de céans et des opérations nécessaires à la défense des intérêts de son client, le temps consacré à la présente procédure est trop élevé. Tout bien considéré, il sera tenu compte de 1 heure et 20 minutes d’activité pour Me Gonzalez Pennec et de 15 heures pour son stagiaire. C’est donc une indemnité de 2'181 fr. 60, correspondant à 1 heure et 20 minutes à 180 fr. et 15 heures à 110 fr., une vacation au tarif applicable pour les avocats-stagiaires, soit 80 fr. et non 120 fr. – les deux vacations des 1
er
avril et 18 juillet 2014 ont déjà été indemnisées par la Cour de céans le 28 août 2014 (arrêt n° 264) – et 50 fr. de débours, plus la TVA, qui doit être allouée au défenseur d’office de l’appelant pour la procédure d’appel.
G._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP).
La Cour d’appel pénale
appliquant les articles 40, 47, 49 al. 2, 51, 140 ch. 1 al. 1 CP ;
398 ss CPP
prononce :
I.
L’appel est rejeté.
II.
Le jugement rendu le 18 mars 2014 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois est rectifié d’office comme il suit au chiffre II de son dispositif, le dispositif du jugement étant désormais le suivant :
"I. constate que G._ s’est rendu coupable de brigandage;
II. condamne G._ à une peine privative de liberté de dix-huit mois, sous déduction de 176 (cent septante-six) jours de détention avant jugement, peine complémentaire aux jugements rendus le 14 novembre 2012 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, le 22 août 2013 par le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne et le 28 août 2014 par la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal;
III. ordonne le maintien en détention de G._ pour des motifs de sûreté;
IV. met les frais de la cause, arrêtés à 6'837 fr. 90 (six mille huit cent trente-sept francs nonante centimes), à la charge de G._, incluant l’indemnité du conseil d’office, par 3’687 fr. 90 (trois mille six cent huitante-sept francs nonante centimes) TVA et débours compris ;
V. dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité du conseil d’office ne sera exigé que si la situation financière de G._ le permet".
III.
La détention subie depuis le jugement de première instance est déduite.
IV.
Le maintien en détention de G._ à titre de sûreté est ordonné.
V.
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 2’181 fr. 60
,
TVA et débours inclus,
est allouée à Me Lise-Marie Gonzalez Pennec.
VI.
Les frais d'appel, par 4'201 fr. 60 (quatre mille deux cent un francs et soixante centimes), y compris l'indemnité allouée au défenseur d'office, sont mis à la charge de G._.
VII.
G._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office prévue au ch. V ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
952bc6f6-ea94-4bc1-86e4-79d6799d25b9 | En fait :
A.
Par jugement du 7 novembre 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que W._ s’est rendue coupable d’escroquerie (I), l’a condamnée à une peine pécuniaire de 180 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr. (II), a suspendu l’exécution de la peine et a fixé à la condamnée un délai d’épreuve de 2 ans (III), a dit que W._ était la débitrice de T._ et lui devait immédiat paiement, avec intérêts à 5% l’an dès le 12 décembre 2008, de la somme de 157'470 fr., à titre de dommages-intérêts, de la somme de 1'000.- pour tort moral et de la somme de 738 fr. 15, valeur échue, à titre de dépens pénaux (IV, V et VI), a libéré T._ du chef d’accusation de tentative de contrainte, a rejeté les conclusions civiles de W._, a mis une partie des frais de la cause, par 2'500 fr. à la charge de W._ (IX) et a laissé le solde, y compris l’indemnité allouée au défenseur d’office de T._ arrêtée à 6'261 fr. 85, TVA comprise, à la charge de l’Etat (X).
B.
Par annonce du 13 novembre 2013, puis par déclaration du 17 décembre suivant, W._ a formé appel contre ce jugement, en concluant à son acquittement et au rejet des conclusions civiles octroyées à T._. Elle a également conclu à la condamnation de ce dernier pour tentative de contrainte et au versement de dépens valant participation aux honoraires de son avocat.
Dans son courrier du 6 janvier 2014, le Ministère public central a indiqué qu’il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière ainsi qu’à déposer un appel joint.
Le 13 janvier 2014, T._ a indiqué qu’il n’entendait pas présenter de demande de non-entrée en matière ou déclarer d’appel joint et se référait entièrement au jugement du 7 novembre 2013.
Le 5 février 2014, le Ministère public central a précisé qu’il n’entendait ni intervenir à l’audience ni déposer des déterminations et qu’il se référait aux considérants du jugement entrepris.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
De nationalité suisse, W._ est née le [...] 1954, à [...], en Serbie. Elle a été élevée dans son pays natal où elle a suivi sa scolarité obligatoire. Par la suite, elle a entrepris les cours de l’école de commerce. Après son premier mariage, elle s’est consacrée à l’éducation de ses deux fils, nés en 1975 et 1979, avant de reprendre, en 1985, une activité lucrative dans l’administration. Elle est arrivée en Suisse en 1992 pour rejoindre une partie de sa famille ; elle a alors travaillé au sein d’une école internationale, puis pour l’entreprise [...] pendant environ dix ans. Elle s’est remariée avec un ressortissant suisse, avant de divorcer une nouvelle fois. En 2001, elle a subi un grave accident qui a nécessité plusieurs opérations ainsi qu’une longue rééducation ; elle a ensuite été licenciée par son employeur. Elle perçoit une rente de l’assurance-invalidité depuis le mois de juillet 2002. A ce titre, elle obtient un montant mensuel de 550 fr. ainsi qu’une rente LPP trimestrielle de 4'250 fr., soit un total de quelque 1'965 fr. par mois. Elle habite seule dans un appartement dont le loyer s’élève à 1'065 fr. par mois ; sa prime d’assurance maladie mensuelle s’élève à 430 francs. W._ possède des économies qu’elle estime à environ 20'000 fr. ; elle est en outre propriétaire d’un appartement à [...], en Serbie, qu’elle a payé 40'000 fr. et qui est franc d’hypothèque. Elle n’a aucune dette.
Son casier judiciaire est vierge de toute inscription.
1.2
T._ est né le [...] 1936, à [...], en Serbie, pays dont il est ressortissant. Il y a suivi l’école jusqu’à l’Université, fréquentant la faculté de philosophie. Il a encore travaillé dans une école polytechnique avant de venir s’installer en Suisse en 1973, où il a été ensuite engagé par l’Ambassade d’ [...] en qualité d’enseignant pour les écoliers de ce pays, jusqu’en 1997 ou 1998, selon ses dires. A cette époque, il est tombé malade et a notamment dû être opéré d’une hernie discale. Il n’a plus eu d’activité lucrative depuis lors et a d’abord perçu une rente de l’assurance-invalidité ainsi que, pendant une période en tout cas, des prestations complémentaires, puis une rente AVS dès qu’il a atteint l’âge de la retraite. Depuis le 1
er
janvier 2013, il perçoit un montant mensuel de 100 fr., ainsi qu’une rente AVS mensuelle de 984 fr. et d’autres revenus d’un montant d’environ 640 fr. par mois.
Selon le certificat médical établi le 19 septembre 2013 par le Dr [...],T._ souffre d’un état dépressif, souffrance psychologique induite par des années de privations dues à sa situation financière et à un long procès ; il présente une tristesse, une diminution des envies, un retrait social, des troubles mnésiques, des réveils nocturnes, des angoisses et des difficultés de concentration.
Son casier judiciaire est vierge de toute inscription.
2.
2.1
W._ et T._ se sont rencontrés au cours de l’année 1992 et ont fait ménage commun pendant plusieurs années. Durant leur relation, ils ont acquis un appartement situé dans la localité de [...], en France, pour un montant de 520'000 fr. français. Il ressort de l’acte de vente du 26 novembre 1999 que W._ a acquis la nue-propriété du bien immobilier, T._ bénéficiant d’un droit d’usufruit sur cet appartement. Pour financer leur acquisition, les intéressés ont contracté un prêt de 350'000 fr. français auprès du Crédit immobilier de France [...]. Ils ont par ailleurs signé un contrat d’assurance auprès de la compagnie [...] pour garantir le remboursement du prêt à la banque.
W._ a assumé seule, notamment par le biais de prêts consentis par ses deux fils, le versement des fonds propres au moment de la signature de l’acte notarié. Elle a en outre procédé seule au paiement des charges, notamment hypothécaires, ainsi qu’à l’entretien de cet appartement, de même que le coût des travaux de réfection. T._ n’a jamais versé le moindre montant pour les charges de ce bien immobilier.
2.2
Entre les années 2003 et 2005, W._ a prêté à T._ plusieurs sommes d’argent, soit 20'000 fr. le 25 février 2003, 30'000 fr. le 1
er
juin 2004 et 50'000 fr. le 25 janvier 2005.
2.3
Le 12 août 2005, T._ a signé une déclaration reconnaissant qu’il n’était pas en mesure de rembourser ses dettes à l’égard de W._. Le même jour, il a déclaré renoncer à l’usufruit dont il était bénéficiaire sur le bien immobilier, et ce, sans contrepartie, étant précisé qu’il cédait le pouvoir de disposition de l’appartement.
Le 23 septembre 2008, T._ a accordé à W._ par-devant notaire tous pouvoirs aux fins de vendre l’appartement sis en France.
2.4
Par acte notarié du 12 décembre 2008, W._ et T._ ont vendu l'appartement qu'ils possédaient à [...] en qualité de nue-propriétaire, respectivement d’usufruitier, pour la somme de 255'000 euros. Selon l'acte de vente, le montant payé par les acheteurs devait être réparti entre les vendeurs à raison de de 153'000 euros pour la nue-propriétaire (soit 60% du bénéfice de vente) et 102'000 euros pour l'usufruitier (soit 40% du bénéfice de vente). Le prix net de la vente après amortissement total du crédit hypothécaire et de divers frais s’est élevé à 212'939.69 euros. Ce montant a été versé le 16 décembre 2008 sur un compte de dépôt ouvert par les deux intéressés au Crédit Lyonnais, agence de [...], le 2 décembre 2008.
Pour des raisons fiscales et douanières notamment, W._ a expliqué à T._ que la somme correspondant au produit de la vente de l’appartement devait être ventilée sur plusieurs comptes, en Suisse et à l'étranger, avant d'être rapatriée en Suisse. T._ a signé quatre ordres bancaires destinés à ventiler le prix de la vente sur différents comptes et portant :
- sur 70'000 euros virés le 17 décembre 2008 sur le compte [...] du Crédit Lyonnais, agence de [...], sur lequel T._ avait une procuration et duquel W._ a encore retiré 10'000 euros le 31 décembre 2008 ;
- sur 40'000 euros, soit 60'720 fr., virés le 17 décembre 2008 sur le compte de son frère [...] à la Banque cantonale vaudoise avec la mention "remboursement collatéral", lequel a ensuite reversé 23'270 fr., le 22 décembre sur le compte [...] dont W._ était l'unique titulaire ;
- sur 20'000 euros virés le 17 décembre 2008 sur le compte [...] à la Banca Intesa, à [...], avec la mention "acquisition immobilière en faveur de W._" ;
- sur 70'000 euros virés le 19 décembre 2008 sur un compte [...] ouvert par W._ le 9 décembre 2008 au Crédit Agricole [...], à [...], et dont elle était l'unique titulaire.
Le 6 janvier 2009, W._ a fait transférer 10'000 euros sur le compte bancaire de son fils [...].
Le 3 février 2009, T._ a obtenu 2'000 euros, soit 3'033 fr. 96, en effectuant un retrait sur leur compte commun au Crédit Lyonnais. Le même jour, W._ a encore fait transférer 10'000 euros du compte commun du Crédit Lyonnais sur son compte en Suisse, pour finalement requérir, le 11 février 2009, le transfert du solde du compte commun, dont elle demandait également la fermeture, sur le compte [...] du Crédit Lyonnais.
Enfin, selon le Crédit Agricole, ont été inscrits au débit du compte [...] de W._ :
- le 3 février 2009, 20'000 euros versés à l’UBS en faveur d'[...] sur son compte bancaire [...] ;
- le 4 février 2009, 15'000 euros versés en faveur du compte [...], à [...] ;
- le 5 février 2009, 20'000 euros versés sur le compte postal de [...].
Le 5 février 2009, T._ a retiré 700 euros du compte du Crédit Lyonnais, retrait qui a été contesté par W._.
Le 19 mai 2009, W._ a encore fait virer de son compte au Crédit Agricole 10'000 euros en faveur de son autre fils [...].
2.5
En date du 4 mai 2009, sur réquisition de W._, l’Office des poursuites de Lausanne-Ouest a notifié un commandement de payer à T._ pour un montant total de 100'000 francs, intérêts à 5% l'an dès le 25 janvier 2005 en sus. Ce dernier y a fait opposition totale, contestant et niant avoir reçu un quelconque montant de la part de W._ au titre de prêt, arguant n’avoir signé que la reconnaissance de dette de 50'000 fr. le 25 janvier 2005, remboursable au 1
er
juillet 2005.
Le 20 mai 2009, T._ a fait notifier quatre commandements de payer à W._, puis encore un le 24 juin 2009, soit pour :
- un montant de 109'603 fr. correspondant à la contre-valeur en francs suisse des loyers encaissés ;
- un montant de 9'360 fr. pour des travaux administratifs effectuées entre 1997 et 2009 ;
- un montant de 16'218 fr. au titre de
« réduction de prestations complémentaires »
;
- un montant de 155'000 fr. au titre de part au bénéfice de vente immobilière due à l’usufruitier ;
- un montant de 46'000 fr. pour
« divers services pour des raisons de santé »
.
W._ a fait opposition à ces poursuites, notamment en invoquant en compensation de la somme due par plusieurs reconnaissances de dette signées par T._ entre 2003 et 2005, pour un montant total de 100'000 francs.
Par ordonnance du 18 juin 2010, le juge de paix du district de Lausanne et de l’Ouest lausannois a prononcé la mainlevée provisoire de l’opposition formée par T._ contre la poursuite introduite par W._ à concurrence de 50'000 fr., plus intérêts à 5% l’an dès le 2 juillet 2005. Par jugement rendu le 20 août
2012, le Tribunal civil de l’arrondissement de Lausanne a rejeté l’action en libération de dette ouverte par T._ à l’encontre de W._. Par arrêt du 22 avril 2013, définitif et exécutoire, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal a rejeté l’appel formé par T._ (CACI 22 avril 2013/209).
2.6
Le 7 juin 2009, T._ a déposé une plainte à l’encontre de W._ pour escroquerie et abus de confiance. Il lui reproche de s’être indûment approprié le montant de 100'000 euros qu’elle devait lui remettre après la vente de l’appartement de [...], en France, comme stipulé dans l’acte de vente signé le 12 décembre 2008, déduction faite des 2'000 euros qu’il avait retiré le 3 février 2009.
3.
A [...], le 23 juin 2009, T._ a adressé un courrier à W._ dont la teneur est la suivante :
« Pour annuler la plainte pénale que j’ai déposé contre vous pour escroquerie et abus de confiance pour la somme de 100'000.- Euros, soit valeur au 12 décembre 08 de 153'883 CHF, je vous accorde un ultime délai jusqu’au jeudi 26 juin 2009 pour me verser ce montant sur mon compte en Euros à la [...] ou mon compte en CHF auprès du [...].
Passé ce délai, vous m’obligerez aussi d’évoquer et d’annoncer toutes les magouilles depuis 1992 dont vous êtes l’auteur, selon la documentation en ma possession et de continuer les mesures et poursuites juridiques qui s’imposent afin de résoudre ces litiges. »
W._ a déposé plainte le 18 août 2009 pour contrainte. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux (art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de W._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
Se prévalant de constatations arbitraires et erronées des faits, l’appelante fait valoir que le premier juge a privilégié à tort la version de l’intimé, alors qu’elle avait démontré par pièces que celui-ci n’avait rien investi dans l’acquisition de l’appartement de [...] et avait renoncé à son usufruit en 2005 déjà. Elle avait également démontré avoir prêté de l’argent à T._, de sorte que, même à teneur de l’acte notarié du 12 décembre 2008 prévoyant que l’intimé devait recevoir, à valoir sur le paiement du prix de vente, le montant de 85'175 euros net (soit l’équivalent des 40% du bénéfice net de la vente) pour la contre-valeur de son usufruit, il était convenu que ce montant compenserait toutes les dettes à l’égard de l’appelante. W._ soutient ainsi que l’intimé a donné son accord à tous les transferts bancaires en connaissance de cause et que c’est abusivement qu’il réclame aujourd’hui le paiement du montant prévu dans l’acte notarié.
3.1
3.1.1
La constatation des faits est incomplète au sens de l’art. 398 al. 3 let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n’ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.1.2
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2).
La présomption d'innocence, garantie par l’art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1 ; ATF 127 I 38 c. 2a). Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes ; on parle alors de doutes raisonnables (TF 6B_831/2009 précité c. 2.2.2 ; ATF 120 Ia 31 c. 2c). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (TF 6B_18/2011 du 6 septembre 2011 c. 2.1).
3.1.3
Se rend coupable d’escroquerie au sens de l’art. 146 al. 1 CP celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers.
3.2
En l’espèce, le premier juge a relevé se trouver face à deux versions diamétralement divergentes et que l’un des seuls éléments objectifs et tangibles était l’acte de vente de l’appartement de [...] du 12 novembre 2008. Considérant qu’un tel acte devait correspondre à la réalité, il a écarté les déclarations de W._, qu’il a estimées contradictoires et lacunaires, au motif notamment, qu’au vu de l’importance du montant en jeu, ce n’était pas quelques centaines d’euros de frais de notaire supplémentaire ni d’impôts qui auraient empêché celle-ci de modifier l’acte, ou d’en faire dresser un nouveau de façon formelle, s’agissant de la renonciation de T._ à son usufruit. Il a ainsi retenu la version de T._, accréditée par l’acte notarié au dossier. En définitive, il a considéré que le comportement de la prévenue était constitutif d’une escroquerie, notamment que celle-ci avait agi astucieusement en faisant signer au plaignant, qui avait confiance en elle, les quatre ordres de virement bancaire destinés à ventiler le prix de vente de l’appartement sur d’autres comptes que le compte commun des parties et qu’elle était d’emblée déterminée à s’approprier l’entier du prix de vente, cherchant ainsi un enrichissement illégitime.
La Cour de céans ne peut pas suivre l’appréciation du premier juge s’agissant des éléments probants à l’appui de la version de W._. Il est établi par pièces et par plusieurs décisions judiciaires rendues dans le cadre de litiges civils opposant W._ et T._, d’une part que c’est bien l’appelante, grâce à l’aide de sa famille, qui a trouvé les fonds propres permettant l’acquisition de l’immeuble français et, d’autre part que l’intimé doit des sommes importantes à l’appelante, au moins 50’000 fr. (cf. arrêt CACI 22 avril 2013/205 qui confirme le jugement du Tribunal civil de l’arrondissement de Lausanne du 20 août 2012). En particulier, les juridictions civiles ont retenu l’existence des prêts familiaux ayant permis à l’appelante de trouver des fonds propres, prêts qui ont été remboursés avec une partie du produit de la vente de l’appartement. En outre, ces mêmes juridictions civiles ont constaté que l’intimé avait renoncé à opposer en compensation de prétendues dépenses assumées durant la vie commune. Enfin, la reconnaissance de dettes de 50’000 fr. signée le 25 janvier 2005 par l’intimé a été légalisée devant notaire et le vice de la volonté, allégué très succinctement, a été écarté. Partant, il y a lieu de constater qu’avant la ventilation du prix de vente de l’appartement, l’intimé devait des sommes importantes à l’appelante, étant rappelé qu’il n’avait pas investi un centime dans l’acquisition de l’appartement, ce qu’il a reconnu.
Par ailleurs, le jugement attaqué n’examine pas la portée de la renonciation à l’usufruit signée par l’intimé le 12 août 2005, alors qu’il s’agit d’un élément essentiel. En effet cette renonciation, dont la signature a été également légalisée, a été établie le 12 août 2005, après que l’intimé s’était engagé à rembourser, dans la reconnaissance de dettes déjà évoquée du 25 janvier 2005, le montant de 50'000 fr. avant le 1
er
juillet 2005. Un lien direct entre la renonciation à l’usufruit et les dettes antérieures de l’intimé à l’égard de l’appelante peut donc être établi. Les déclarations de celui-ci selon lesquelles il n’aurait pas compris la portée de cette renonciation doivent être écartées, la légalisation de la signature montrant au contraire la volonté de donner un caractère formel à l’acte. La version de l’appelante selon laquelle il était entendu que le produit de la vente lui reviendrait entièrement, y compris la part correspondant à la valeur de l’usufruit sur l’appartement, trouve donc une assise documentée dans le dossier et ce sont au contraire les déclarations de l’intimé selon lesquelles il ne devrait rien à l’appelante qui sont douteuses – et d’ailleurs formellement contredites par les décisions judiciaires civiles déjà rendues. A tout le moins au bénéfice du doute, il faut dès lors admettre, comme le soutient l’appelante, que l’intimé a donné son accord en toute connaissance de cause aux transferts des différents montants correspondant au versement du prix de vente de l’appartement. A nouveau, les explications de l’intimé, qui aurait été trompé sur les motifs du transfert, prétextes douaniers ou fiscaux, ne sont pas convaincantes, alors que celles de l’appelante, qui fait valoir que l’intimé a consenti ces transferts en compensation des montants qu’il lui devait, paraissent crédibles.
La Cour d’appel pénale retient par conséquent que l’intimé a signé les documents permettant les différents transferts bancaires sans être trompé et l’a fait en raison des rapports financiers entre les parties. Les explications de l’appelante selon lesquelles elle a ventilé les différents montants par tranches de 70'000 euros sur les comptes bancaires français, en raison de la garantie d’Etat donnée jusqu’à concurrence de ce montant sont également parfaitement crédibles (cf.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fonds_de_garantie_des_d%C3%A9p%C3%B4ts
). De plus, et contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, le fait qu’il subsiste un solde éventuel en faveur de l’intimé correspondant à la différence entre le montant de 100’000 fr. qu’il devait à l’appelante et la contre-valeur en francs suisses de 102'000 euros ne permet pas encore d’acquérir la conviction que l’appelante aurait cherché à tromper l’intimé et à s’enrichir. A ce titre, l’appelante soutient que le montant dont il doit être tenu compte se rapporte au pourcentage effectué sur la somme nette du bénéfice de la vente, soit un montant net de 85'175 euros. Le principe même de la compensation paraît d’ailleurs discutable sur un plan économique, dès lors que l’intimé n’a investi aucun montant pour l’acquisition de l’appartement ni pour son entretien et il est tout à fait possible, dans ces conditions que les parties se soient entendues, pour régler leur différend financier, sur le transfert de l’intégralité du prix de vente en faveur de l’appelante.
Au vu de ce qui précède et en raison des faits retenus ci-dessus, il convient de libérer W._ du chef d’accusation d’escroquerie, aucun enrichissement illégitime ou tromperie astucieuse n’étant établi à satisfaction de droit.
4.
L’appelante demande encore la condamnation de l’intimé pour tentative de contrainte.
4.1
Aux termes de l’art. 181 CP, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux, ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
La contrainte est illicite lorsque le moyen ou le but est contraire au droit ou encore lorsque le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé (ATF 134 IV 216 c. 4.1 ; ATF 129 IV 6 c. 3.4 ; ATF 120 IV 17 c. 2a ; cf. encore ATF 96 IV 58). L’art. 181 CP prévoit alternativement trois moyens de contrainte : l’usage de la violence, la menace d’un dommage sérieux ou tout acte entravant la personne dans sa liberté d’action. La menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l’auteur, sans toutefois qu’il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 c. 2b ; ATF 106 IV 125 c. 2a) ni que l’auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 c. 2a). Il peut également y avoir contrainte lorsque l’auteur entrave sa victime « de quelque autre manière » dans sa liberté d’action. Cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive ; n’importe quelle pression de peu d’importance ne suffit pas. Il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d’un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l’entraver d’une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d’action ; il doit donc s’agir de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 119 IV 301 c. 2a et les références citées). Sur le plan subjectif, il faut que l’auteur ait agi avec conscience et volonté, soit au moins qu’il ait accepté l’éventualité que le procédé illicite employé entrave le destinataire dans sa liberté de décision (ATF 120 IV 17 précité c. 2c; TF 6B_38/2011 du 26 avril 2011 c. 2.2.1). Enfin, l’infraction de l’art. 181 CP est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (Dupuis et al., Petit Commentaire, Code pénal, Bâle 2012, nn. 35 et 36 ad art. 181 CP et les références citées).
4.2
Dans son appel, W._ invoque la notification de plusieurs commandements de payer comme moyen de contrainte. Toutefois, il y a lieu de relever que ces faits n’ont pas été exposés au cas n° 2 de l’acte d’accusation ; ils ne sauraient dès lors être examinés par la Cour de céans (cf. art. 350 al. 1 CPP).
Ainsi, seules la teneur et la portée de la lettre adressée le 23 juin 2009 par l’intimé à l’appelante doit être examinée sous l’angle d’une éventuelle contrainte. Cette écriture a été rédigée alors que l’intimé avait déjà déposé une plainte pénale à l’encontre de l’appelante pour escroquerie et abus de confiance et qu’il entendait annoncer encore d’autres « magouilles ». A cet égard, le Tribunal de police a estimé que, du fait que T._ était victime d’une infraction commise par W._, le moyen utilisé n’était pas illicite et il justifiait de libérer T._ du chef d’accusation de tentative de contrainte.
Même si l’acquittement prononcé en faveur de l’appelante en deuxième instance permet de revoir l’illicéité du moyen ou du but de la contrainte, la Cour de céans considère que, sur un plan subjectif, l’appréciation du premier juge doit être confirmée. En effet, l’intimé avait déjà porté plainte et se considérait manifestement comme la victime de l’infraction dénoncée. Il n’est donc pas établi qu’il a cherché, par la lettre litigieuse, à entraver l’appelante dans sa liberté de décision. Il résulte de ce qui précède qu’un élément constitutif de l’infraction de contrainte fait défaut. C’est dès lors à juste titre que le premier juge a libéré T._ du chef d’accusation de contrainte. Il convient par conséquent de confirmer son acquittement.
5.
En définitive, l’appel doit être partiellement admis, ce qui entraîne la réforme du jugement entrepris en ce sens que W._ est libérée du chef d'accusation d’escroquerie (art. 146 al. 1 CP).
6.
Vu le sort de la cause, les frais de la procédure d’appel, par 2'350 fr., constitués de l’émolument (art. 20 al. 1 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]) seront mis par un quart à la charge de W._ et par un quart à la charge de T._, qui succombent chacun partiellement, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
Sur la base de la liste d’opération produite (cf. P. 87), une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1'447 fr. 20, TVA et débours inclus, est allouée à Me David Abikzer.
T._
ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office
mis à sa charge par un quart que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). Sur ce point, le dispositif communiqué après l’audience d’appel, qui est entaché d’une omission manifeste, doit être rectifié d’office par l’ajout d’un chiffre IV bis, en application de l’art. 83 CPP. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
95468162-59c2-42dd-898e-336f2cfa05dc | En fait :
A.
Par jugement du 28 mai 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte a constaté qu’A._ s’est rendu coupable de complicité d’abus de confiance, d’escroquerie, de gestion déloyale et de diminution effective de l’actif au préjudice des créanciers (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 40 mois, sous déduction de 322 jours de détention avant jugement (II), a ordonné son maintien en détention pur des motifs de sûreté (III), a donné acte de ses réserves civiles à S._ (VII), a pris acte des conventions signées par C._, A._ et R._ à l’audience du 20 mai 2014 pour valoir jugements civils (VIII), a dit qu’A._ est le débiteur de W._ de 3'488'331 fr. avec intérêt à 5 % l’an dès le 21 février 2011 et a donné acte à ce plaignant de ses réserves civiles à l’encontre d’A._ (IX), a dit que ce dernier doit verser à S._ 20'000 fr. et à W._ 52'000 fr. avec intérêt à 5 % l’an dès le 28 mai 2014 à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (X et XI), a ordonné le maintien au dossier d’une copie des documents séquestrés sous fiche n° 2511, dont les originaux seront restitués à A._ une fois le jugement définitif et exécutoire, et de la pièce à conviction inventoriée sous fiche n° 2492 (XII), a fixé les indemnités des avocats d’office à 7'005 fr. 20 pour Me Julien Gafner, 36'087 fr. 30 pour Me Luc Del Rizzo et 13'316 fr. 40 pour Me Nader Ghosn (XIII), a mis une partie des frais de procédure par 58'364 fr. 85 à la charge d’A._ et par 22'292 fr. 05 à la charge de R._ (XIV) et a dit qu’A._ et R._ ne seront tenus de rembourser à l’Etat les indemnités allouées à leurs défenseurs d’office respectifs que pour autant que leur situation financière le permette.
B.
Le 28 mai 2014, A._ a formé appel contre ce jugement.
Par acte du 3 juin 2014, il a requis sa mise en liberté. Celle-ci lui a été refusée par prononcé du Président de la Cour de céans du 5 juin 2014, rectifié le 10 juin 2014, lequel a été confirmé par arrêt du Tribunal fédéral du 4 août 2014.
Par déclaration d'appel motivée du 23 juin 2014, l’appelant a conclu à la réforme du jugement du 28 mai 2014 du Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte, principalement, en ce sens qu’il est libéré des chefs d’accusation de complicité d’abus de confiance, escroquerie, gestion déloyale et, selon les moyens développés dans cette écriture, diminution effective de l’actif au préjudice des créanciers et qu’il est constaté qu’il n’est pas le débiteur de W._ de la somme de 3'488'331 fr. plus intérêt à 5 % l’an dès le 21 février 2011 et, subsidiairement, en ce sens qu’il est condamné à une peine clémente assortie du sursis. A titre de mesures d'instruction, il a requis la mise en œuvre d’une expertise pour déterminer le caractère réalisable des opérations proposées à W._ et en vue de confirmer la réalité de l’assurance garantissant le placement proposé à ce dernier, et a réservé la production de pièces, ainsi que l’audition de témoins.
Par courrier du 16 juillet 2014, W._ a annoncé qu’il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière et à déclarer un appel joint. R._ et S._ en ont fait de même par lettres respectives des 17 et 21 juillet 2014. W._ et S._ ont en outre chacun déposé des déterminations spontanées, concluant tous deux au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement de première instance.
Par correspondance du 14 août 2014, le Président de la cour de céans a rejeté la requête d’expertise, considérant que celle-ci n’était pas nécessaire au traitement de l’appel, et a informé les parties que la Cour d’appel pénale se réservait de retenir la qualification de recel s’agissant des faits relatés sous ch. 2.1 du jugement attaqué.
A l'audience d'appel, le prévenu a confirmé ses conclusions. Les intimés ont chacun conclu au rejet de l’appel, W._ sollicitant en outre l’allocation de 5'000 fr. de dépens d’appel et le Ministère public concluant par ailleurs à la réduction de 7 jours de la peine infligée en première instance au prévenu au titre de réparation des conditions de détention illicites.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A._ est né le 28 janvier 1966 à La Haye aux Pays-Bas, dont il est ressortissant. Il a suivi une école d’économie à Wormer en Hollande, mais n’a pas terminé sa formation. Il a finalement obtenu deux diplômes, l’un dans le domaine bancaire, après avoir suivi une école à Amsterdam, et l’autre dans le domaine boursier. Il a par la suite travaillé dans plusieurs sociétés de gestion de fortune en Hollande, puis en Suisse, avant de monter sa propre entreprise de gestion de fortune, B._ SA. Arrivé en Suisse en 2001, il était depuis 2007 au bénéfice d’une autorisation d’établissement échue en 2012, dont il a demandé le renouvellement. Il est divorcé de [...], avec laquelle il a eu quatre enfants nés entre 1991 et 2002, qui sont tous retournés aux Pays-Bas. Il veut vivre avec sa compagne, [...], qui le soutient financièrement, et leur fils, né en 2013, qu’il souhaite reconnaître. Il n’a ni revenu, ni fortune et a plus de 7'100’000 fr. de dettes et 4'100'000 fr. d’actes de défaut de biens, qu’il conteste en partie. A sa sortie de prison, il envisage d’exploiter un restaurant à Lausanne avec son amie.
Son casier judiciaire mentionne une condamnation, le 21 mars 2005, par la Préfecture de Rolle pour conducteur se trouvant dans l’incapacité de conduire (véhicule automobile, taux alcoolémie qualifiée) à une amende de 650 fr., avec sursis pendant un an.
Pour les besoins de la présente cause, A._ est détenu depuis le 11 juillet 2013, soit depuis 322 jours à la date du jugement de première instance.
2.
2.1
A._ a occupé la fonction d’administrateur-président de la société B._ SA (siège social à [...], puis à Q._), active dans le domaine de la gestion de fortune, de mai 2004 au 25 septembre 2008, date à laquelle ses pouvoirs ont été révoqués; cette radiation a été publiée dans la Feuille officielle suisse du commerce le [...].
Le 19 novembre 2008, [...], en sa qualité d’administrateur de B._ SA, a avisé les autorités judiciaires du surendettement de cette société. La faillite de B._ SA a été prononcée le [...].
2.2
Le principal actif de B._ SA était une villa sise à Q._, qu’A._ a occupée, avec sa famille, à compter du 1
er
janvier 2006, sur la base d’un contrat de bail (« Rent Agreement ») signé le 30 novembre 2005. Dès la révocation de son mandat d’administrateur de cette société, le 1
er
octobre 2008, le prévenu a cessé de payer le loyer de cette maison qui se montait à 3'000 fr. par mois. La résiliation de son contrat de bail, que l’intéressé n’a pas contestée, lui a été notifiée par B._ SA le 22 décembre 2008 pour le 31 janvier 2009. Depuis cette date, A._ a continué à occuper, sans droit, la villa en question, sans verser le moindre loyer.
A compter de l’été 2009, l’administration de la faillite de B._ SA a engagé des procédures judiciaires visant à obtenir, d’une part, l’expulsion du prévenu et, d’autre part, sa condamnation au versement d’une indemnité d’occupation de 10'500 fr. par mois à compter du 1
er
février 2009. Par décision du 16 octobre 2009, la Commission de conciliation en matière de baux à loyer a constaté la validité de la résiliation de bail au 31 janvier 2009. Lors d’une audience du Tribunal des baux du 26 janvier 2010, A._ s’est notamment engagé à quitter la villa de Q._ le 30 avril 2010 au plus tard et a été menacé d’expulsion en cas de violation de son engagement. Il n’a pas tenu sa promesse et la procédure d’exécution forcée a été initiée par la masse en faillite de B._ SA le 6 mai 2010. Le recourant a finalement quitté la villa de son plein gré et a envoyé par la poste les clés de sa maison à l’Office des faillites de l’arrondissement de La Côte, qui les a reçues le 20 juillet 2010. Informée de la situation, la masse en faillite de B._ SA a retiré sa requête d’exécution forcée le 20 juillet 2010.
En raison de l’occupation abusive de la villa en question, A._ a causé des arriérés de loyer pour un montant total de 185'356 fr. 85 et, partant, un dommage patrimonial (non-augmentation de l’actif) à B._ SA, respectivement à la masse en faillite de cette société.
Durant son séjour dans cette villa, il a par ailleurs négligé l’entretien de celle-ci. Dans son rapport d’évaluation du 30 avril 2009, la société [...], en référence à sa visite de la maison du 14 novembre 2008, a notamment relevé ce qui suit :
« (...) Nous devons souligner – et c’est le cas encore à ce jour – que la propriété se trouvait dans un état d’entretien déplorable. Le désordre et la saleté régnaient en maître, rendant la maison tout simplement imprésentable. (...) Durant notre mandat, nous n’avons malheureusement abouti à aucune transaction. Le prix affiché de la propriété largement supérieur à notre estimation, les conditions de visites et l’état du marché des biens de prestige durant l’hivert et le printemps n’ont pas contribué au succès de notre démarche (...) ».
Dans un rapport du 27 juillet 2011, l’Office des faillites de l’arrondissement de La Côte a également indiqué ce qui suit :
« (...) La maison a été libérée finalement fin juillet 2010 !
Nous avons trouvé une propriété, tant au niveau de l’intérieur que de l’extérieur, dans un état déplorable et en l’état imprésentable à des futurs intéressés, ce d’autant plus de par la situation et son standard qualifié de prestige selon les professionnels de l’immobilier.
Des mesures conservatoires ont été prises immédiatement au niveau du jardin afin d’éviter des problèmes de voisinage d’une part et de redonner à cette propriété une visibilité extérieure correspondant aux critères définis dans le standard « prestige » d’autre part, visibilité qui n’a pu être atteinte qu’au printemps 2011 après un entretien régulier, financé par les dettes de la masse à hauteur de 20'309 fr. 75.
Par ailleurs, nous avons dû faire appel à une entreprise pour évacuer l’ensemble des biens que nous avait laissés M. A._ et procédé à un premier nettoyage de surface pour permettre à l’expert de faire son expertise et rendre son rapport appuyé par un dossier photo. Nous avons décidé en regard des observations faites quant à l’état général intérieur / extérieur de la maison de faire appel à [...] pour établir un diagnostic de valorisation et ainsi déterminer dans quelle mesure un investissement qualifié de sommaire pouvait être envisagé.
L’investissement suivait deux objectifs :
1. couper l’effet de négociation qui aurait pu s’installer si l’état de la maison était resté tel que nous l’avions hérité.
2. présenter l’objet aux futurs intéressés dans les meilleures conditions et les conforter.
Les coûts engendrés par ces travaux, opérés sous la surveillance de [...],s’élève [sic] à plus de 40'000 fr. et ont été payés également par dettes de la masse, travaux concernant la peinture, l’électricité, le changement d’appareils électroménagers plus en état de marche, réparation de certaines zones lumière, assainissement sommaire de la terrasse extérieure, etc. (...) ».
Ces importants travaux de remise en état (coût total dépassant 60'000 fr.) ont donc été financés par la masse en faillite de B._ SA.
La villa en question, achetée par B._ SA en octobre 2005 pour la somme de 4'700'000 fr. et dont la valeur vénale avait été estimée, en novembre 2008, à 5'350'000 fr. par une expertise, a été vendue par la masse en faillite de B._ SA au prix de 4’900'000 francs.
S._, créancier de B._ SA et d’A._, a déposé plainte le 27 juin 2011.
2.3
Durant le premier semestre 2010, A._ a proposé à R._, qu’il connaissait depuis plusieurs années, de s’associer avec lui pour réaliser des affaires. Dans ce contexte, ils ont décidé de fonder une société anonyme, active dans les domaines du management, de la finance et de l’immobilier. Dans l’attente de rentrées d’argent, ils ont cherché un financement pour pouvoir créer cette entreprise.
Ainsi, en juin 2010, R._, conseiller en assurances de C._ depuis une vingtaine d’années, a proposé à cette dernière d’investir environ 100'000 fr. en lui taisant le fait que cet argent serait utilisé pour libérer le capital-actions d’une société anonyme en voie de création (G._). R._ a promis oralement à C._ un rendement de 10 %. Mise en confiance par R._, C._ a, en date du 18 juin 2010, viré 105'000 fr. en faveur de la société G._ (compte bancaire I._), conformément aux instructions données par son conseiller. Grâce à cet argent, A._ et R._ ont pu créer cette société qui a été inscrite au Registre du commerce du canton de Nidwald le [...] (siège social à Hergiswil/NW). R._ et [...] ont été désignés respectivement comme président du conseil d’administration et comme administrateur. A._ a, quant à lui, fonctionné en tant que dirigeant effectif de cette société. Le 8 juillet 2010, les fonds confiés par C._ et qui avaient permis de créer G._ ont été transférés sur un compte en banque de cette société ouvert auprès de la [...] (Suisse) SA (ci-après : T._), après déduction de 200 fr. de frais.
Contrairement aux volontés exprimées par C._, l’argent confié par cette dernière a été utilisé par A._ et R._ essentiellement pour payer la garantie de loyer et les loyers d’un appartement luxueux sis à [...], ainsi que les frais de constitution de G._. Le logement en question, composé de 5.5 pièces et d’une surface habitable de 140 m2 et dont le loyer mensuel s’élevait à 6'500 fr., a été occupé par A._ entre le 1
er
juillet 2010 et le 7 février 2012, date à laquelle il en a été expulsé.
Excepté le virement de 105'000 fr. opéré par C._ le 18 juin 2010, qui a transité par le compte en banque I._ de G._, aucune opération de crédit n’a été enregistrée sur le compte bancaire T._ de cette société entre son ouverture (crédit de 104'800 fr. le 08 juillet 2010) et sa clôture en date du 14 avril 2011.
2.4
En septembre 2010, à court de liquidités, A._ et R._, qui se sont gardés de renseigner C._ sur son placement initial de 105'000 fr. et ne lui ont pas dit qu’ils avaient dépensé son argent sans l’affecter à un quelconque projet financier susceptible de générer un rendement, ont déterminé cette dernière à investir des fonds supplémentaires en lui faisant miroiter un placement susceptible de lui rapporter au moins 6 % d’intérêts par année. Les prénommés ont par ailleurs promis fallacieusement à l’intéressée de formaliser leurs engagements contractuels oraux en établissant un contrat écrit en bonne et due forme. C._ s’est fiée aux promesses mensongères articulées par ses interlocuteurs et a accepté d’investir de l’argent en deux fois. C’est ainsi qu’en septembre 2010, elle a confié une somme d’au moins 98'000 fr. à R._ aux fins de placement; ce dernier a versé cette somme sur son propre compte V._ le 25 septembre 2010.
Entre le 5 octobre et le 16 décembre 2010, A._ et R._ ont effectué quelques opérations de trading pour le compte de C._ en investissant 60'000 francs. Pour effectuer ces transactions boursières, R._ avait viré cette somme de son compte V._ sur une relation bancaire « e-trading » ouverte à cet effet (compte Z._ / V._ n° [...]); ce transfert de fonds avait été exécuté le 30 septembre 2010.
Conformément aux accords oraux conclus avec A._ et R._, C._ a encore investi 90'000 fr. le 15 décembre 2010. Ce montant a été débité de son compte bancaire n° [...] auprès de la [...]. R._ a reconnu devoir cette somme à C._ par courriel daté du même jour. Faisant suite aux instructions données par A._ et R._, C._ a viré la somme de 90'000 fr. à Y._ en se fiant aux promesses de rendement des deux prévenus qui participaient parallèlement à un programme d’investissement avec d’autres partenaires financiers, dont J._. A cette occasion, A._ et R._ ont caché à C._ le fait que son investissement constituait une opération à hauts risques.
Dans ce contexte, les deux prévenus ont encore décidé de prélever 40'000 fr. sur le compte « e-trading » Z._ / V._ et de virer à Y._ cette somme supplémentaire provenant du placement de C._. R._ a donc fait vendre des titres et créditer sur son compte V._ le montant de 40'000 fr., avant de transférer cet argent à Y._. A cette occasion, A._ et R._ se sont aussi accommodés du fait que l’injection de l’argent de C._ dans ce projet impliquait une prise de risque préjudiciable aux intérêts pécuniaires de cette dernière. Ces investissements de 90'000 et 40'000 fr. n’ont donné aucun résultat.
La somme précitée de 98'000 fr. confiée par C._ en septembre 2010, ainsi que son placement de 90'000 fr. du 15 décembre 2010 ont servi à financer un projet douteux à hauteur de 130'000 fr. (virements en faveur d’Y._). R._ a utilisé le solde de l’argent investi par C._, soit environ 38'000 fr., pour subvenir à ses besoins personnels et à ceux d’A._.
Le 21 septembre 2010, R._ a signé deux reconnaissances de dettes de 104'500 fr. et 115'500 fr. en faveur de C._. Celle-ci a, à l’audience de première instance le 20 mai 2014, retiré la plainte qu’elle avait déposée le 10 septembre 2013, en exécution de la convention qu’elle a passée avec les prévenus, aux termes de laquelle chacun d’eux s’est notamment reconnu débiteur de la prénommée des sommes de 310'000 fr., 39'803 fr. et 3'020 fr. 80 en capital.
2.5
En 2007, A._ a fait la connaissance de W._, lorsqu’il l’a consulté en sa qualité de dentiste. Ce dernier a donc prodigué des soins dentaires au prévenu et une relation amicale s’est peu à peu nouée entre eux. Dans ce climat d’amitié et de confiance, W._ s’est ouvert à A._ et lui a fait part de son intention de contracter des prêts aux fins de s’acquitter d’arriérés d’impôts substantiels. Le prévenu, qui avait besoin d’argent, a alors échafaudé un plan visant à dépouiller W._ ; pour ce faire, il s’est associé avec J._. Il a donc proposé à W._, qui avait lui-même besoin rapidement d’argent pour régler des factures, d’investir de l’argent auprès de la société H._, qui avait son siège aux Iles Marshall et qui était dirigée par J._. Il a mis W._ en confiance en lui expliquant qu’il était en relation d’affaires avec cette société et son dirigeant et qu’il avait déjà réalisé avec eux des opérations couronnées de succès et fructueuses. Il a par ailleurs insisté sur le fait que le placement proposé ne comportait aucun risque, en soulignant que cet investissement serait couvert par une assurance. Cette opération financière devait permettre à W._ de toucher, en l’espace de quelques jours, des intérêts totalisant 780'000 euros et de récupérer un capital de 2'600'000 euros. Pour réaliser ce placement, W._ devait toutefois disposer d’un capital de base de 4'000'000 USD. Afin de persuader son ami que l’investissement proposé ne présentait aucun risque et pour donner à l’opération financière proposée toutes les apparences de sérieux nécessaires, le prévenu lui a notamment remis une attestation d’assurance fictive datée du 3 février 2011 et lui a expliqué que les transferts de fonds seraient exécutés sous le contrôle d’un notaire. Convaincu par les explications données par A._ et J._, W._ a décidé de réaliser le placement proposé, en commençant par emprunter les fonds nécessaires, soit 4'000'000 USD auprès de tiers. Parallèlement, W._ et J._ ont mandaté l’avocat-notaire [...], à Saint-Gall, qui a notamment été chargé de recueillir, sur un compte fiduciaire, les fonds en lien avec l’opération financière projetée.
Les modalités de l’investissement susmentionné ont finalement été réglées dans un contrat conclu le 14 février 2011 entre H._, représentée par J._, et W._, après que ce dernier eut, la veille, autorisé trois transferts de fonds prétendument nécessaires à la réalisation du placement incriminé. En exécution de ce contrat, W._ a fait virer par ses prêteurs (U._ et F._) les montants de 1'200'000 USD et 2'800'000 USD sur un compte fiduciaire ouvert au nom de l’avocat-notaire [...] auprès de la banque [...] AG. Ces sommes d’argent ont été créditées sur ce compte bancaire le 21 février 2011. La somme totale de 4'000'000 USD a ensuite été ventilée et virée comme suit en faveur de différents bénéficiaires, conformément aux instructions écrites données par J._ et W._ les 13 et 23 février 2011:
Date
Montant
Bénéficiaire
23.02.2011 475'010,67 USD W._
23.02.2011 1'000'010,67 USD [...]
23.02.2011 1'400'037,35 USD Y._
24.02.2011 23'720,62 USD [...]
25.02.2011 179'657,78 USD K._
25.02.2011 152'459,78 USD [...]
01.03.2011 769'079,44 USD [...] Ltd
Le virement de la somme précitée de 179'657,78 USD en faveur de la société K._ a permis d’éteindre une dette personnelle qu’A._ avait à l’égard de N._.
A l’échéance des délais prévus par le contrat de placement du 14 février 2011, A._ et J._ ont été dans l’impossibilité de rembourser le capital promis à W._, ni de lui verser des intérêts.
2.6
En juillet 2011, A._ s’est adressé à W._ en lui faisant croire mensongèrement que, moyennant le versement de 50'000 euros supplémentaires, celui-ci pourrait obtenir le remboursement partiel du capital garanti de 2'600'000 euros, selon le contrat conclu le 14 février 2011. Le paiement de ces 50'000 euros devait par ailleurs permettre à W._ d’encaisser une somme de 100'000 euros le 20 juillet 2011. Dans ce contexte, J._, en sa qualité de dirigeant de H._, a fait parvenir à W._ un courrier confirmant les explications orales données par A._. Mis en confiance, W._ a alors accepté de remettre 50'000 euros au prévenu le 18 juillet 2011. Ce dernier s’est ensuite approprié cet argent et en a disposé à son profit et/ou à celui de tiers. Contrairement aux engagement pris par A._ et J._, aucun remboursement n’est intervenu en faveur de W._.
W._ a déposé plainte le 19 juin 2012. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
3.1
Invoquant tout d’abord "la constatation et appréciation incomplète ou erronée des faits" retenus en rapport avec la plainte de W._ (cf. ch. 2.5 et 2.6
supra
, correspondant au ch. 3.1 de l’acte d’accusation), A._ reproche au Tribunal correctionnel de n’avoir pas procédé aux vérifications nécessaires pour établir que W._ avait été trompé et donc que l’opération proposée à ce dernier n’avait n’emblée aucune chance d’aboutir et de générer les revenus promis. C’est dans ce contexte qu’il a requis la mise en œuvre d’une expertise tendant à se prononcer sur le caractère réalisable des opérations en question et afin de confirmer la réalité de l’assurance garantissant le placement proposé.
Ce grief en tant qu’il porte sur l’administration des preuves a déjà été traité dans l’examen et le rejet des preuves requises à l’appui de l’appel (P. 251). Par ailleurs, l'appelant n'a pas réitéré sa requête d’expertise aux débats d'appel. Pour le surplus, la critique émise par l'appelant sera examinée ci-dessous (c. 7), en relation avec les griefs relatifs à la violation de l’art. 146 CP qu'il formule également.
3.2
Dans le même moyen, l’appelant reproche aux premiers juges d’avoir retenu une connivence entre lui et J._ alors qu’il aurait cru de bonne foi que les opérations financières proposées à W._ aboutiraient. L'analyse de la critique factuelle formée par l’appelant implique préalablement de déterminer les éléments pertinents au regard de l’infraction de l’art. 146 CP et se confond avec le moyen – soulevé par l’appelant – tiré de l’application erronée du droit matériel qui sera examiné ci-dessous (c. 7).
4.
A._ conteste sa condamnation pour diminution effective de l’actif au détriment des créanciers au sens de l’art. 164 CP et bien qu’il n’ait pas formellement conclu à sa libération de ce chef d’accusation, son appel doit être compris dans ce sens et examiné sous cet angle.
4.1
Aux termes de l'art. 164 ch. 1 CP, le débiteur qui, de manière à causer un dommage à ses créanciers, aura diminué son actif, en endommageant, détruisant, dépréciant ou mettant hors d’usage des valeurs patrimoniales, en cédant des valeurs patrimoniales à titre gratuit ou contre une prestation de valeur manifestement inférieure, en refusant sans raison valable des droits qui lui reviennent ou en renonçant gratuitement à des droits sera, s'il a été déclaré en faillite ou si un acte de défaut de biens a été dressé contre lui, puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Le chiffre 2 de cette disposition prévoit que le tiers qui, dans les mêmes conditions, se sera livré à ces agissements de manière à causer un dommage aux créanciers, sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
L'art. 164 CP vise à réprimer pénalement le comportement pour lequel les art. 285 ss LP prévoient l'action révocatoire (ou action paulienne;
ATF 134 III 52
c. 1.3.2 et 1.3.4). Il n'en découle pas pour autant que les conditions d'application de la norme pénale se superposent à celles présidant à l'exercice de l'action paulienne.
L'art. 164 CP, à l'instar de l'art. 163 CP, constitue une infraction de mise en danger concrète. Il n'est donc pas nécessaire qu'un dommage concret survienne. Seul le comportement adopté par l'auteur doit être propre à causer un dommage (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd., nn. 1 et 6 ad art. 163 CP; Donatsch, Strafrecht III, 9
e
éd., p. 332; Trechsel et al., Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 2008, n. 8 ad art. 163 CP; Müller, Distinction entre diminution fictive et diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers (art. 163-164 CP), RPS 2008, pp. 411 ss, spéc. pp. 415 et 416).
L'art. 164 CP réprime tout comportement qui a eu pour effet de diminuer l'actif destiné à désintéresser les créanciers, s'il est adopté pour nuire à ces derniers. Le débiteur menacé d'insolvabilité ou de faillite a un devoir de sauvegarder pour ses créanciers le patrimoine qui subsiste (cf. Corboz, op. cit., nn. 1 et 4 ad art. 163 CP). L'art. 164 CP implique une diminution effective de la valeur économique disponible pour désintéresser les créanciers. Cette disposition envisage en particulier une aliénation sans contrepartie correspondante.
A contrario
, une aliénation ou une acquisition pour un prix correct n'est pas visée par l'art. 164 ch. 1 CP (Corboz, op. cit., nn. 4 et 13 ad art. 164 CP; Donatsch, op. cit., p. 335; Stratenwerth/Jenny/Bommer, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil I, 7
e
éd., 2010, § 23 n. 20).
L'infraction visée par l'art. 164 ch. 1 CP est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant. Outre l'intention générale, cette disposition exige que l'auteur ait l'intention de causer un dommage à son ou ses créanciers (TF 6B_617/2010 du 24 novembre 2010 c. 2.1).
4.2
En l’espèce, les premiers juges, sur la base des faits retenus dans l’acte d’accusation, ont déclaré l’appelant coupable, comme tiers au sens de l’art. 164 ch. 2 CP, de l’infraction visée par cette disposition, pour n’avoir, du 1
er
février 2009 au 20 juillet 2010, plus payé, en qualité d’ancien locataire, le loyer d’une villa de luxe sise à Q._, principal actif de la société B._ SA, et pour avoir, durant cette période, occupé cette maison sans droit et sans verser d’indemnité, occasionnant ainsi à la propriétaire, puis à la masse de celle-ci après sa mise en faillite le 2 avril 2009, un dommage de 185'356 fr. 85 sous la forme de perte de loyers, ainsi que de 20'309 fr. 75 sous la forme d’un coût d’entretien et de 40'000 fr. sous la forme de travaux de remise en état devant être supportés par la propriétaire.
4.2.1
L’appelant soutient tout d’abord que l’art. 164 CP ne viserait que la diminution effective antérieure au prononcé de faillite et non les faits postérieurs à la date du jugement de faillite, c’est-à-dire pour l’essentiel ceux du cas d’espèce.
Il a tort. La déclaration de faillite du débiteur ou la délivrance d’un acte de défaut de biens à son encontre est une condition objective de punissabilité en ce sens que l’intention de l’auteur ne doit pas porter sur cette condition et qu’un rapport de causalité entre le comportement fautif et la survenance de la faillite n’est pas nécessaire. (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 7 ad remarques préliminaires aux art. 163 à 171 bis CP). La réalisation des actes constitutifs peut intervenir aussi bien avant qu’après la mise en œuvre de la procédure d’exécution forcée (Wermeille, La diminution effective de l’actif au préjudice des créanciers et la gestion fautive, RPS 117 (1999) p. 363, spéc. p. 381 ; Hagenstein, in Niggli-Wiprächtiger Srafrecht II, Bâle 2013, n° 63 ad art. 163 CP, n. 31 ad art. 164 CP). Le grief est donc infondé et doit être rejeté.
4.2.2
L’appelant fait ensuite valoir que les comportements visés par l’art. 164 CP se limiteraient aux actes d’aliénation, alors que le tiers qui s’est borné à recevoir une prestation ne serait pas punissable.
Seul le débiteur peut commettre l'infraction visée par l'art. 164 ch. 1 CP. D'après l'art. 164 ch. 2 CP, le tiers ne sera punissable que s'il s'est livré à "ces agissements", à savoir s'il a accompli un des comportements énumérés de manière exhaustive au chiffre 1. Le troisième alinéa du chiffre 1 ne parle que de "cession" et non d'"acquisition", et ne saurait fonder la condamnation d'un tiers qui se limite à accepter les valeurs que lui cède le débiteur. Dans ce cas, le tiers doit être qualifié de participant nécessaire, dès lors que sa participation est indispensable à la commission du délit, et son impunité sera absolue tant qu'il s'en tient au minimum indispensable à la réalisation de l'infraction. En revanche, il engagera sa responsabilité comme participant, principal ou secondaire, et tombera sous le coup de l'art. 164 ch. 2 CP s'il concourt à l'infraction dont il est le bénéficiaire par des actes qui vont au-delà de la seule acceptation de la prestation (
ATF 126 IV 5
c. 2d pp. 10 et 11).
Lorsqu'il s'agit d'une personne morale ou d'une société, les personnes visées par l'art. 172 aCP, désormais art. 29 CP, sont assimilées au débiteur. Ces dispositions ne constituent toutefois pas une exception au principe "pas de peine sans faute". La responsabilité pénale de la personne physique visée par elles demeure fondée sur la culpabilité individuelle. Cette personne doit donc remplir elle-même, sous réserve de l'al. 4
in fine
de l'art. 172 aCP, respectivement du devoir particulier visé par l'art. 29 CP, les conditions objectives et subjectives de l'infraction spécifique en cause (TF 6P.101/2001 du 28 novembre 2001 c. 5a).
En l’occurrence, l’appelant fait valoir qu’il se serait borné à bénéficier de prestations, de sorte qu’il ne revêtirait que la qualité de participant nécessaire et qu’il ne serait pas punissable. Les actes qui lui sont reprochés ont consisté, premièrement, à ne pas payer le loyer de la villa, puis à continuer à l’occuper illicitement sans indemniser la masse et en l’empêchant ainsi de la louer à un tiers, et deuxièmement, à ne pas entretenir cet immeuble de luxe, à le détériorer et à l’endommager à tel point que d’importants frais de remise en état se sont avérés indispensables pour le replacer dans le marché locatif.
Suivant l’énumération des actions d’endommager, de détruire, de déprécier ou de mettre hors d’usage, le comportement visé par la loi englobe tout acte qui fait perdre partiellement ou totalement sa valeur à la valeur patrimoniale (Dupuis et al., op. cit., n. 7 ad art. 164 CP). Manifestement, l’occupation illicite, sans bourse déliée, de la villa par A._ du 1
er
février 2009 – la perte consécutive au défaut de paiement du loyer avant la résiliation effective du bail, soit du 1
er
octobre 2008 au 31 janvier 2009, n’étant pas visée par l’acte d’accusation et le jugement de première instance – jusqu’à son départ le 20 juillet 2010 et sa dépréciation par manque d’entretien et de soins durant cette période répondent à cette définition. Pour le surplus, contrairement à ce que prétend le prénommé, "l’état déplorable" de la villa avait été constaté déjà bien avant la déclaration de faillite, comme cela ressort clairement du rapport de la société [...] du 30 avril 2009 (pièces 8/1 et 41/5.1), l’intéressé ayant d’ailleurs lui-même admis, en cours d’instruction, "avoir laissé le jardin à l’abandon" et n’avoir pas entretenu la maison (PV aud. 3, lignes 376 à 378).
En définitive donc, on n’est pas en présence d’une cession de valeurs patrimoniales à titre gratuit par le débiteur à un tiers au sens de l’art. 164 ch. 1 al. 3 CP, puisque l’appelant n’a pas passivement bénéficié de prestations de complaisance de la part de la débitrice, mais il a fautivement diminué le patrimoine de cette dernière en lui imposant l’occupation illicite de son immeuble et en détériorant celui-ci. Le grief de l’appelant s’avère ainsi dépourvu de consistance et doit être rejeté.
4.2.3
L’appelant soutient enfin qu’il n’aurait pas eu l’intention de causer un dommage aux créanciers de la faillie. Il se réfère à la déposition du témoin [...] (jugt, pp. 47 à 50), dont il ressort, en substance, que le prévenu se serait démené, sans succès, pour trouver un acquéreur à la villa. Cela est de toute manière sans rapport avec l’occupation illicite et la détérioration de cet immeuble. Comme les premiers juges l’ont relevé (jugt, p. 72), l’appelant avait conscience du risque de faillite de B._ SA, compte tenu de l’avis de surendettement donné le 19 novembre 2008 ; il a d’ailleurs lui-même admis qu’en automne 2008 "la situation financière de B._ SA n’était pas bonne" (PV aud. 3, ligne 304). Il avait également parfaitement conscience du fait que son occupation illicite de la villa et le défaut d’entretien de celle-ci auraient pour conséquence une diminution effective de l’actif de la société et, partant, que cela nuirait aux intérêts des créanciers. Il en a à tout le moins accepté l’éventualité.
Partant, la condamnation d’A._ pour diminution effective de l’actif au préjudice des créanciers, dont les conditions tant objectives que subjectives sont réalisées, doit être confirmée.
5.
L’appelant conteste sa condamnation pour complicité d’abus de confiance au préjudice de C._.
5.1
5.1.1
Le code pénal distingue deux formes d'abus de confiance: celui qui porte sur une chose mobilière (art. 138 ch. 1 al. 1 CP) et celui qui porte sur une valeur patrimoniale (art. 138 ch. 1 al. 2 CP). En l'occurrence, c'est la seconde forme d'abus de confiance qui entre en considération. Ainsi, commet un abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP celui qui, sans droit, aura employé, à son profit ou au profit d'un tiers, des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées.
Sur le plan objectif, cette infraction suppose que l'on soit en présence d'une valeur confiée, ce qui signifie que l'auteur en ait la possession en vertu d'un accord ou d'un autre rapport juridique qui implique qu'il n'en a pas la libre disposition et ne peut se l'approprier (Corboz, op. cit., vol. II, n. 4 ad art. 138 CP). L'abus de confiance implique que l'auteur ait utilisé, sans droit, à son profit ou au profit d'un tiers, les valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées. Il y a emploi illicite d'une valeur patrimoniale confiée lorsque l'auteur l'utilise contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée. L'alinéa 2 de l'art. 138 ch. 1 CP ne protège pas la propriété, mais le droit de celui qui a confié la valeur patrimoniale à ce que celle-ci soit utilisée dans le but qu'il a assigné et conformément aux instructions qu'il a données (ATF 129 IV 257 c. 2.2.1; ATF 121 IV 23 c. 1c; ATF 119 IV 127 c. 2).
Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et, même si la loi ne le dit pas expressément, dans un dessein d'enrichissement illégitime. Le dessein d'enrichissement peut être réalisé par dol éventuel (ATF 118 IV 32 c. 2a).
5.1.2
Le complice est un participant secondaire qui prête assistance pour commettre un crime ou un délit (art. 25 CP). La complicité suppose que le participant apporte à l'auteur principal une contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle sorte que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cette assistance. Il n'est pas nécessaire que celle-ci soit une condition
sine qua non
de la réalisation de l'infraction ; il suffit qu'elle accroisse les chances de succès de l'acte principal. (TF 6B_591/2013 du 22 octobre 2014 c. 5.1.2 et la référence citée à l’ATF 132 IV 49 c. 1.1).
L'assistance prêtée par le complice peut être matérielle, intellectuelle ou consister en une simple abstention. La complicité par omission suppose toutefois une obligation juridique d'agir, autrement dit une position de garant (TF 6B_591/2013 précité c. 5.1.2). N'importe quelle obligation juridique ne suffit pas. Il faut que l'auteur se soit trouvé dans une situation qui l'obligeait à ce point à protéger un bien déterminé contre des dangers indéterminés (devoir de protection) ou à empêcher la réalisation de risques connus auxquels des biens indéterminés étaient exposés (devoir de surveillance) que son omission peut être assimilée au fait de provoquer le résultat par un comportement actif (TF 6B_696/2012, 6B_700/2012 du 8 mars 2013 c. 7.1 et les références citées).
Subjectivement, il faut que le complice sache ou se rende compte qu'il apporte son concours à un acte délictueux déterminé et qu'il le veuille ou l'accepte. A cet égard, il suffit qu'il connaisse les principaux traits de l'activité délictueuse de l'auteur, lequel doit donc avoir pris la décision de l'acte. Le dol éventuel suffit (TF 6B_591/2013 précité c. 5.1.2).
5.1.3
Le rapport de confiance est une circonstance personnelle spéciale au sens de l'art. 26 aCP, respectivement 27 CP, de sorte que seul celui auquel la chose ou la valeur patrimoniale a été confiée peut être auteur ou coauteur d'un abus de confiance (
ATF 98 IV 147
c. 4 p. 150).
Sous l’ancien droit, la doctrine était divisée sur les conséquences du caractère personnel du rapport de confiance. Selon la doctrine dominante, si l’abus de confiance portait sur des valeurs patrimoniales au sens de l’art. 138 ch. 1 al. 2 CP, disposition définissant un délit propre pur (echtes Sonderdelikt), l'art. 26 aCP n’était pas applicable car le rapport de confiance était une circonstance constitutive. Dans ce cas, le participant auquel les valeurs patrimoniales n’avaient pas été confiées (extraneus) devait être puni pour complicité ou instigation à l'abus de confiance, mais, afin d'éviter des inégalités, sa peine devait être atténuée ; pour d’autres auteurs, l'extraneus devait rester impuni. En revanche, si l'abus de confiance portait sur une chose mobilière (art. 138 ch. 1 al. 1 CP), il s’agissait d’un délit propre mixte (unechtes Sonderdelikt), le rapport de confiance étant une circonstance personnelle aggravante par rapport à l'incrimination de base figurant à l'art. 137 CP (appropriation illégitime) ; dans ce cas, l’art. 26 aCP trouvait application, de sorte que l’extraneus devait être condamné pour appropriation illégitime, soit l’infraction de base (TF 6S.321/2005 du 16 décembre 2005 c. 2.1 et les références doctrinales citées).
La nouvelle partie générale du code pénal a résolu la question, en prévoyant, à l'art. 26, que si la punissabilité est fondée ou aggravée en raison d'un devoir particulier de l'auteur, la peine est atténuée à l'égard du participant qui n'était pas tenu à ce devoir (
ibidem
).
5.2
En l’espèce, les premiers juges ont retenu que R._ s’était rendu coupable d’abus de confiance et A._ de complicité de cette infraction, dans la mesure où celui-ci savait que l’argent consommé à son profit était détourné de l’usage de placement à 10% fixé par la lésée (jugt, p. 80).
L’appelant nie toute complicité pour le motif qu’il n’aurait pas prêté assistance à la commission de l’infraction, n’ayant personnellement pas de rapport de confiance avec la plaignante, les fonds ayant été confiés à R._ et sa propre implication s’étant limitée à consommer le produit de l’abus de confiance une fois celui-ci réalisé.
S’il est vrai qu’A._ n’occupait pas une position de garant et qu’il n’était pas, à titre personnel, dans un rapport de confiance avec la lésée, cela ne suffit toutefois pas en soi à exclure sa participation en tant que complice, comme on l’a vu ci-avant. On relèvera à cet égard les éléments suivants. Le 18 juin 2010, C._ a viré 105'000 fr., montant provenant de sa LPP (PV aud. 7, lignes 65 ss), sur un compte I._ en faveur de G._. La réquisition d’inscription de cette société dans le Registre du commerce du canton de Nidwald a été enregistrée le [...]. R._ et A._, à l’initiative de celui-ci, avaient décidé de créer une société active dans le domaine de la finance. Plus précisément, cette société devait percevoir des commissions rémunérant des prestations d’intermédiaire financier de l’appelant et, en fonction de ces recettes, elle devait lui verser un salaire. Etant sans le sou et en proie à des difficultés financières, l’appelant souhaitait en effet passer par le truchement d’une société pour déployer son activité (PV aud. 1, R. 7). Ainsi, alors que c’est lui seul qui voulait « traiter » au travers de la société G._, l’appelant ne voulait pas apparaître comme administrateur (PV. aud. 2, R. 8). En réalité, cette société, dont l’appelant était considéré comme le dirigeant effectif (PV aud. 4, lignes 160 ss), n’a jamais eu d’activité (PV. aud. 3, ligne 382). Avant sa création, R._ avait expliqué à l’appelant qu’une cliente (C._) lui avait confié des fonds et qu’ils allaient pouvoir les utiliser pour créer G._ (PV aud. 4, lignes 49 ss). A cet égard, l’appelant a notamment déclaré ce qui suit :
« Avec R._, nous avons proposé à C._ un placement qui devait lui rapporter 10 % en une année. R._ a signé un contrat avec C._ lorsque cette dernière lui a transféré ses fonds. Il s’agissait de 105'000 francs. Avec R._, nous avons alors élaboré un projet d’investissement. Nous avons décidé d’acheter des actions avec l’argent confié par C._.(...)
A la réflexion, il me semble plutôt que l’argent investi par C._ a servi à libérer le capital-actions de G._ lors de la constitution de cette société.
(...) Par la suite, une fois cette société fondée, l’argent confié par C._ a été converti en actions. (...) Après déduction des frais, il est resté un montant de 104'500 francs. (...)
Il est exact qu’une partie de cet argent a été utilisée pour payer le loyer de l’appartement que j’occupais à [...]. (...) Je pense que l’argent de C._ a servi à financer la garantie de loyer qui se montait à 19'500 fr. ainsi qu’onze loyers de 6'500 fr. chacun sauf erreur » (PV aud. 6, lignes 217 ss; cf. ég. PV aud. 9, lignes 311 et 312).
Plus d’une année plus tard, soit l’après-midi du 21 septembre 2010, l’appelant a adressé un message électronique à C._ en référence à une séance ayant réuni le matin même celle-ci, lui-même et R._ (pièce 50/6). Dans cet écrit, il a notamment indiqué mensongèrement que l’investissement de l’intéressée de 105'000 fr. était à capital garanti et qu’il rapporterait un revenu net de 10'000 fr. pour un montant total en retour de 115'000 francs. Le 5 octobre 2010, l’appelant a adressé un autre courriel à C._ pour l’informer fallacieusement que son premier investissement avait atteint la cible initiale lui assurant un revenu de 10 % et que le capital plus ce revenu avaient été réinvestis (pièce 50/5).
Au vu de ces éléments, force est de constater que les actes d’appropriation ont été précédés d’une tromperie au préjudice de la lésée pour l’amener à confier ses fonds. En effet, alors qu’elle croyait investir ses fonds, l’objectif de ses cocontractants étaient de disposer de sa mise de fonds pour la consommer au lieu de l’affecter à un placement. Or, l’appelant a participé à cette tromperie en sachant, en voulant dès le départ et en acceptant, de concert avec R._, que l’investissement soit frauduleusement affecté aux frais de création de sa société, puis en obtenant qu’il soit entièrement consommé dans ses luxueux frais de logement. Il a ainsi participé non seulement à la planification de l’abus de confiance, mais également à son exécution puisque la consommation, à son profit, du capital confié trahissait irrémédiablement et manifestement l’affectation des valeurs patrimoniales fixée par la lésée. Enfin, sa participation concrète ressort aussi de ses messages électroniques visant à conforter la tromperie de la victime à la fois pour l’empêcher de réclamer la restitution de ses fonds ou de faire séquestrer un éventuel solde et pour éviter le déclenchement d’une action pénale ou pour favoriser l’accomplissement d’autres actes illicites visant à l’appauvrir davantage encore.
Sur le vu de ce qui précède, c’est à bon droit que les premiers juges ont reconnu A._ coupable de complicité d’abus de confiance, ce qui exclut l’infraction de recel, dont l’application avait été réservée par avis du Président de la cour de céans du 14 août 2014 s’agissant des faits relatés sous ch. 2.1 du jugement attaqué (pièce 251).
Mal fondé, le moyen doit donc être rejeté.
6.
L’appelant conteste en outre sa condamnation pour gestion déloyale en relation avec les faits décrits sous ch. 2.2 de l’acte d’accusation (ch. 2.4, pp. 16 et 17
supra
)
6.1
L'art. 158 ch. 1 CP punit celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés (al. 1). Le cas de la gestion déloyale aggravée est réalisé lorsque l'auteur a agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ch. 1 al. 3).
Sur le plan objectif, il faut donc que l'auteur ait un devoir de gestion ou de sauvegarde, qu'il ait violé une obligation qui lui revient en cette qualité et qu'il en soit résulté un dommage. Sur le plan subjectif, il faut qu'il ait agi intentionnellement; le dol éventuel suffit, mais il doit être caractérisé (ATF 123 IV 17 c. 3e; ATF 120 IV 190 et les références citées).
L'infraction réprimée par l'art. 158 ch. 1 CP ne peut donc être commise que par une personne qui revêt la qualité de gérant. Selon la jurisprudence, il s'agit d'une personne à qui incombe, de fait ou formellement, la responsabilité d'administrer un complexe patrimonial non négligeable dans l'intérêt d'autrui. La qualité de gérant suppose un degré d'indépendance suffisant et un pouvoir de disposition autonome sur les biens administrés. Ce pouvoir peut aussi bien se manifester par la passation d'actes juridiques que par la défense, au plan interne, d'intérêts patrimoniaux, ou encore par des actes matériels, l'essentiel étant que le gérant se trouve au bénéfice d'un pouvoir de disposition autonome sur tout ou partie des intérêts pécuniaires d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise (TF 6B_967/2013 du 21 février 2014 c. 3.1 et les arrêts cités).
Le gérant de fortunes constitue un exemple type de gérant au sens de l'art. 158 CP. La doctrine admet que l’
introducing broker
, à savoir l'intermédiaire entre le client investisseur et le gestionnaire (
broker
), revêt la qualité de gérant, même si les fonds à gérer ne passent pas par son intermédiaire, mais que celui-ci est habilité à donner des ordres d'achat ou de vente au broker pour le compte de l'investisseur (même arrêt,
ibidem
, et les références citées, not. Daniel Stoll, Le mandat de l'introducing broker: un contrat "pénalement répréhensible "?, Mélanges en l'honneur de François Dessemontet, 2009, pp. 351 ss, spéc. p. 361).
Pour qu'il y ait gestion déloyale, il faut que le gérant ait violé une obligation liée à la gestion confiée. Le comportement typique se rapporte à tout comportement par lequel le gérant transgresse – par action ou par omission – les obligations spécifiques qui lui incombent en vertu de son devoir de gérer et de protéger les intérêts pécuniaires d'une tierce personne. Savoir s’il y a violation de telles obligations implique de déterminer le contenu spécifique des devoirs incombant au gérant et s’examine au regard des rapports juridiques qui lient celui-ci aux titulaires des intérêts pécuniaires qu’il administre (Dupuis et al., op. cit., n. 18 ss ad art. 158 CP et les références citées).
6.2
6.2.1
En l’espèce, s’agissant du montant de 90'000 fr. que C._ a directement viré à Y._ le 15 décembre 2010 sur indications de R._ et de l’appelant, ce dernier soutient que faute de pouvoir de disposition sur cet argent, on ne saurait lui reprocher une gestion déloyale, son rôle s’étant limité à celui de conseiller en placement ou d’auxiliaire de gestion.
Or, la lésée voulait conserver son capital provenant de sa LPP tout en obtenant un meilleur rendement qu’une rente d’assurance. Elle s’en est remise entièrement, quant à la gestion des fonds, à l’appelant et son comparse (PV aud. 7, lignes 57 ss et 159). Dans le cadre de ce très large mandat de gestion oral, le prévenu et son comparse avaient la latitude d’ordonner, comme intermédiaires, toutes les transactions de produits financiers concernant les avoirs de la cliente, notamment de remettre les fonds à des tiers. Ainsi, même si les fonds ont été déposés auprès d'un tiers, il n'est pas douteux que l’appelant revêtait la qualité de gérant (cf. TF 6B_967/2013 c. 3.1 précité). En effet, comme on l’a relevé ci-avant (c. 6.1), la remise des fonds à un tiers sur instructions du gérant équivaut à la remise des fonds à un gérant, compte tenu du pouvoir de décision accordé à celui-ci.
C’est dans ce contexte que C._ – sur la base des indications d’A._ et de R._ selon lesquelles "son investissement initial (ndlr : de 105'000 fr.) était fructueux et allait lui rapporter 10 % d’intérêts" (PV aud. 9, lignes 381 et 382) et de l’information reçue par la suite selon laquelle ce premier investissement avait atteint la cible initiale lui assurant un revenu de 10'000 fr. (pièce 50/5) et le capital plus ce revenu avaient été réinvestis (pièce 50/5) – a viré la somme de 90'000 fr. à Y._ en se fiant aux promesses de rendement des deux prévenus.
Or, l’appelant n’a procédé à aucune vérification sérieuse sur le prétendu mirifique placement proposé oralement par J._, soit un investissement unique avec effet de levier de l’ordre de 30 à 40 % devant durer 2 ou 3 mois et nécessitant soit-disant de virer les fonds sur le compte d’un tiers à New York (PV aud. 9, lignes 252 ss et 281 à 285). Il s’est soi-disant limité à recueillir des informations sur J._ en faisant des recherches sur internet et s’est fié aux personnes qui le lui ont présenté (PV aud. 10, lignes 49 ss), se contentant de déclarations orales quant aux activités déployées par celui-ci (PV aud. 9, lignes 140 ss). Une pareille légèreté constitue assurément une violation caractérisée du devoir de prudence et de sauvegarde du gérant.
Par ailleurs, A._ et R._ ont caché à la lésée le fait que son nouvel investissement, qui n’a finalement donné aucun résultat, était une opération à hauts risques, ce qui constitue, selon les règles du mandat (art. 398 al. 2 CO) applicables par analogie à la gestion de fortune (TF 6B_967/2013 c. 3.1.1 et la référence citée), une violation du devoir de fidélité qui oblige le gérant, à l’instar du mandataire, à s’abstenir de toute démarche qui pourrait nuire aux intérêts de son client, soit en d’autres termes qui causerait un préjudice à ce dernier.
L’appelant et son comparse ont donc manqué à leur obligation de veiller aux intérêts de leur cliente, de sorte que leur comportement tombe sous le coup de la gestion déloyale.
Ce comportement a entraîné un dommage puisque C._ n’a pas pu récupérer l’argent investi.
Enfin, sur le plan subjectif, force est de constater que A._ savait qu’il agissait en tant que gérant de fortune, qu’il a accepté une prise de risque inconsidérée et s’est accommodé des conséquences que la gestion des fonds investis par la lésée pourrait avoir. Il a donc agi intentionnellement, au moins sous la forme du dol éventuel.
L’infraction de gestion déloyale est donc réalisée s’agissant de l’investissement de 90'000 francs.
6.2.2
Il en va de même concernant le montant de 40'000 fr. provenant de la vente de titres acquis avec l’argent de C._ et transféré ensuite par les prévenus à Y._.
L’appelant conteste toute violation du devoir de prudence du gérant en soutenant que la lésée avait elle-même viré au même destinataire les 90'000 fr. du cas précédent. Il omet toutefois de considérer que lui et son comparse ont trompé la lésée sur la sécurité de ses capitaux, sur le rendement promis, sur le succès des premières opérations, sur leurs propres compétences et sur le choix de leurs partenaires, comme on l’a vu ci-avant (c. 6.2.1). Or, le gérant qui trompe son mandant sur ces points est mal placé pour prétendre qu’il a fait preuve de la prudence attendue dans son activité. En tous les cas, sauf à gravement manquer à la bonne foi, le gérant ne peut, dans ces circonstances, s’exonérer de son devoir de prudence en soulignant que la cliente qu’il a trompée n’a elle-même pas été prudente et qu’il n’aurait que répliqué en amplifiant le virement fait par celle-ci.
Ce comportement, qui a causé un dommage puisque l’argent investi n’a pas pu être récupéré, tombe ainsi sous le coup de l’art. 158 ch. 1 CP, dont les conditions subjectives sont par ailleurs également remplies.
En définitive, la condamnation du prévenu pour gestion déloyale doit être confirmée.
6.2.3
Pour le reste, les premiers juges ont retenu que le solde des montants virés à R._ par C._, soit 38'000 fr., avait été utilisé par les prévenus pour subvenir à leurs besoins personnels (jugt, p. 66). Ils ont qualifié ces faits de complicité d’abus de confiance en ce qui concerne l’appelant.
En réalité, force est de constater que dans ce cas A._ est coauteur de l’abus de confiance puisque les fonds lui avaient aussi été confiés à fins de gestion et que cette affectation, soit des prétendues avances sur affaires (pièce 88), a été détournée par une consommation personnelle des valeurs patrimoniales, comme l’appelant l’a lui-même admis (PV aud. 6 lignes 302 à 304) en référence au récapitulatif concernant l’utilisation des fonds investis par la lésée (pièce 88). Toutefois, en vertu de l’interdiction de la
reformatio in pejus
(ATF 139 IV 282), il n’est pas envisageable de modifier le dispositif pour y introduire une coaction au lieu d’une complicité d’abus de confiance.
7.
7.1
L’appelant conteste sa condamnation pour escroquerie au préjudice de W._. Il soutient qu’on ne saurait lui reprocher une tromperie, élément constitutif de l’escroquerie, dès lors que le mécanisme financier proposé au lésé existait véritablement et que, s’il était certes risqué, il pouvait générer des revenus importants ou du moins que le contraire n’aurait pas été établi. De même, il soutient que le capital investi était réellement garanti par une assurance.
7.1.1
La tromperie que suppose l'escroquerie peut consister soit à induire la victime en erreur, par des affirmations fallacieuses ou la dissimulation de faits vrais, soit à conforter la victime dans son erreur (art. 146 al. 1 CP). Il y a donc tromperie au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur affirme un fait faux, lorsqu'il dissimule un fait vrai ou encore lorsqu'il raffermit la victime dans son erreur, c'est-à-dire lorsque, par des paroles ou par des actes, il lui montre qu'elle est dans le vrai alors qu'en réalité elle se trompe. Pour qu'il y ait tromperie par des affirmations fallacieuses, il faut que l'auteur ait affirmé un fait dont il connaissait la fausseté. Cette affirmation peut résulter de n'importe quel acte concluant. Il n'est donc pas nécessaire que l'auteur ait fait une déclaration. Il suffit qu'il ait adopté un comportement dont on déduit qu'il affirme un fait. S'agissant de la tromperie par dissimulation de faits vrais, la question est plus délicate de savoir s'il suffit que l'auteur – sous réserve des cas où il avait, en vertu de la loi, d'un contrat ou d'un rapport de confiance spécial l'obligation de le faire – se soit borné à ne pas révéler spontanément la vérité. La tromperie par dissimulation de faits vrais est réalisée lorsque l'auteur s'emploie, par ses propos ou par ses actes, à cacher la réalité. Quant au troisième comportement prévu par la loi, consistant à conforter la victime dans son erreur, il ne suffit pas que l'auteur, en restant purement passif, bénéficie de l'erreur d'autrui. Il faut que, par un comportement actif, c'est-à-dire par ses paroles ou par ses actes, il ait conforté la dupe dans son erreur. Cette hypothèse se distingue des deux précédentes en ce sens que l'erreur est préexistante (TF 6S.165/2005 du 5 juillet 2005 c. 1.1 et les références citées, not. Corboz, op. cit., n° 1 ss ad art. 146 CP).
7.1.2
En l’espèce, le tribunal a examiné la question de façon approfondie (jugt, pp. 85 et 86) et il n'y a, dans son raisonnement, rien d'erroné. On peut s'y référer par adoption de motifs pour retenir qu’A._ a trompé W._ en affirmant faussement que des opérations similaires couronnées de succès avaient déjà été réalisées avec H._ et son dirigeant J._, qu’il connaissait bien ce dernier, que ladite société était solide et qu’on pouvait s’y fier (dossier B, PV aud. 1, lignes 105 à 107 et 125 à 131), alors qu’en réalité il n’a fait la connaissance de J._ que vers la fin de l’année 2010 et que la première affaire qu’ils ont menée ensemble était celle concernant W._ (PV aud. 3, lignes 97, 98 et 231 ; PV aud. 9, lignes 96 et 97). D’ailleurs, comme on l’a relevé dans le cadre de l’examen du précédent moyen (c. 6.2.1
supra
), le prévenu s’est contenté de déclarations orales quant aux activités déployées par J._. Ensuite, afin d’amener W._ à investir son argent, A._, à qui il a suffi d’une seule rencontre avec J._ et le plaignant pour donner à ce dernier la fausse apparence que lui et J._ se connaissaient très bien (dossier B, PV aud. 1, lignes 163, 164, 170 et 171), a fait croire au lésé que le placement proposé ne comportait aucun risque, dans la mesure où le remboursement du capital de 2'600'000 euros était garanti par une assurance (dossier B, PV aud. 1, lignes 96, 97 et 114 ss). C’est dans ce but qu’il a présenté au plaignant une attestation « Confirmation Slip », non datée, émanant de l’assurance [...] et rédigée en anglais (dossier B, pièce 4.1/3) selon laquelle celle-ci confirmait au nom de l’assurance [...] la garantie d’un paiement de 2'600'000 euros par W._ en référence à la police [...]. Cet écrit ne fournit en réalité aucune sécurité, dès lors que la prétendue « Financial Guarantee Insurance Policy [...]», datée du 16 novembre 2010, liait H._ à [...] SA à Barcelone (pièce 204), sans implication du courtier [...] ni procuration en sa faveur. Ce document n’offre en outre aucune couverture à la personne exposée au risque de perte qu’est l’investisseur et, surtout, ne lui donne aucun droit direct contre l’assurance espagnole. Cette attestation est un leurre (jugt, p. 26). L’avis de sinistre du 3 mai 2012 (pièce 226) n’a d’ailleurs pas eu de suite et la prétendue assurance s’est dérobée à toute tentative du lésé d’entrer en contact avec elle jusqu’à fin 2013 (pièce 187). L’explication de l’appelant selon laquelle l’assurance n’avait pas réglé le sinistre car elle n’aurait pas été saisie de l’affaire dans le délai contractuel (PV aud. 9, lignes 449 et 450) n’est absolument pas fondée ; le prévenu tente, par là, de faire croire qu’il ignorait la fausseté du document en question, mais il n’est pas crédible, vu les circonstances décrites ci-dessus. Enfin, l’intéressé a promis fallacieusement à plusieurs reprises au lésé l’exécution du contrat après son échéance et l’arrivée imminente des fonds (dossier B, PV aud. 1, lignes 330 ss), qui n’a jamais eu lieu.
A la « bonne foi » du prévenu, qui prétend avoir été lui aussi dupé par J._ et avoir tenu l’opération financière pour parfaitement viable et réelle (c. 3
supra
), il faut objecter que l’appelant, qui se dit financier ou gérant de fortune, n’a pu qu’immédiatement comprendre, premièrement, qu’un placement au capital garanti générant 30% de revenus en 15 jours est irréel, deuxièmement, qu’il ne serait pas proposé à des tiers si l’opération en question était réalisable, troisièmement, que le mécanisme financier était lui-même particulièrement obscur et, enfin, que l’attestation d’assurance garantissant la sécurité du placement n’en était en réalité pas une. Les courriels que l’appelant aurait envoyés à J._ (pièce 172, annexe) à partir du mois d’août 2012 et auxquels il se réfère dans son appel (p. 7) pour tenter de prouver qu’il faisait entièrement confiance à ce dernier ne suffisent pas, compte tenu des circonstances rappelées ci-dessus, à écarter les soupçons de connivence entre lui et J._. D’ailleurs, le prévenu lui-même a décrit ce dernier comme un « partner » (PV aud. 10, lignes 487 ss). La tentative de l’appelant de faire ainsi croire qu’il aurait été lui-même dupé par J._ s’inscrit plutôt dans sa tendance à rejeter systématiquement la faute sur les autres (PV aud. 3, lignes 111, 353 et 354 ; PV aud. 9, lignes 134 et 135). La crédulité et l’honnêteté de l’appelant sont d’autant moins crédibles que celui-ci n’a cessé, en dix ans, de causer la ruine de ses clients et partenaires en affaires, accumulant lui-même plus de 10'000'000 fr. de dettes en poursuite.
7.2
Non sans incohérence dans son argumentation dès lors qu’il ose soutenir qu’il croit lui-même encore à la réalité du placement et donc à son succès, l’appelant fait valoir qu’il n’y a pas d’astuce parce que la dupe devait forcément se douter d’une fraude et entreprendre des vérifications.
7.2.1
Il y a astuce lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier. L'astuce ne saurait toutefois être admise si la dupe pouvait se protéger avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire que la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence et qu'elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles. La question n'est pas de savoir si elle a fait tout ce qu'elle pouvait pour éviter d'être trompée, mais si elle aurait pu éviter de l'être en faisant preuve du minimum d'attention, notamment en procédant aux vérifications élémentaires qu'on pouvait attendre d'elle. L'astuce n'est donc exclue que lorsque la dupe est coresponsable du dommage parce qu'elle n'a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s'imposaient. Il ne suffit pas de se demander comment une personne raisonnable et expérimentée aurait réagi à la tromperie. Il faut, au contraire, prendre en considération la situation particulière de la dupe, telle que l'auteur la connaît et l'exploite, par exemple une faiblesse d'esprit, l'inexpérience ou la sénilité, mais aussi un état de dépendance, d'infériorité ou de détresse faisant que la dupe n'est guère en mesure de se méfier de l'auteur. Le principe de coresponsabilité ne saurait être utilisé pour nier trop aisément le caractère astucieux de la tromperie (TF 6P.113/2006 et 6S.212/2006 du 27 septembre 2006 c. 6 ; ATF 128 IV 18 c. 3a).
7.2.2
En l’occurrence, les premiers juges ont retenu le caractère astucieux de la tromperie en raison de l’exploitation par A._ de l’amitié et de la confiance que lui vouait W._, de la fausse apparence de prospérité et de luxe qu’affichait le prévenu, du pouvoir de persuasion de ce dernier, ainsi que de son exploitation des soucis financiers de la victime et des failles de caractère qu’il avait identifiées chez elle (jugt, pp. 86 et 87). Cette appréciation est correcte et ne prête pas le flanc à la critique, de sorte qu’elle peut être reprise.
On relèvera en outre qu’en sus de l’exploitation de rapports d’amitié et de la détresse de la dupe cherchant un prompte issue pour faire face à ses importantes dettes fiscales, le prévenu a élaboré des manœuvres frauduleuses et une mise en scène. Ainsi, il a fait intervenir J._ pour le présenter au plaignant à l’occasion d’une réunion dans un hôtel zurichois de manière à donner du corps au projet d’investissement. Il s’est également employé à rassurer la dupe en recourant aux services d’un avocat-notaire suisse pour réceptionner et ventiler les fonds, ce qui donnait un vernis de sécurité à l’opération. Enfin, comme on l’a vu ci-avant (c. 7.1.2), il a eu recours à des documents, tels que contrat, police d’assurance et confirmation de couverture, afin d’endormir la méfiance de la dupe et lui faire croire que l’opération – à première vue improbable au vu de la promptitude et de l’importance du gain – ne mettait pas en danger son capital, l’investissement étant en définitive couvert par une assurance. Au vu de tous ces éléments, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la tromperie avait été astucieuse.
7.3
Outre une tromperie astucieuse, l'escroquerie suppose, sur le plan objectif, que la victime ait été induite en erreur, que cette erreur l'ait déterminée à des actes de disposition de son patrimoine ou de celui d'un tiers, une lésion dommageable de ce patrimoine, ainsi qu'un lien de causalité entre tous ces éléments. Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime (TF 6S.165/2005 précité c. 1.1).
En l’espèce, en raison de la tromperie astucieuse de l’appelant, la victime a été induite en erreur et amenée, par là, à un acte de disposition de son patrimoine, qui lui a été préjudiciable, puisque contrairement à ce qui lui avait été fallacieusement promis, le capital investi ne lui a pas été remboursé et aucun intérêt ne lui a été versé à l’échéance des délais prévus par le contrat de placement du 14 février 2011, ni jamais d’ailleurs. Il est au reste manifeste, au vu des faits retenus, que le prévenu a agi intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime, une partie de l’argent versé par la victime ayant à tout le moins servi au remboursement d’un montant de plus de 179'000 USD dont l’appelant était débiteur auprès de K._, comme il l’admet d’ailleurs lui-même (appel, p. 19
in initio
). Le prévenu ne saurait établir sa bonne foi en se référant aux déclarations de son coprévenu R._ (appel, p. 19). L’accomplissement de l’escroquerie nécessitait forcément une parfaite collaboration entre A._ et J._, qui ont continué à œuvrer de concert après la première phase de l’escroquerie lorsqu’il s’est agi de soutirer encore 50'000 euros à la dupe, même si on ignore tout de la répartition finale du butin entre les deux prévenus. Les autres conditions de l'escroquerie sont donc réalisées, de sorte que la condamnation de l’appelant pour escroquerie en raison des faits retenus sous chiffre 3.1 de l’acte d’accusation (c. 2.5 pp. 18 et 19
supra
) doit être confirmée.
7.4
Il en va de même s’agissant des faits retenus sous chiffre 3.2 de l’acte d’accusation (c. 2.6 pp. 19 et 20
supra
). En effet, A._ a fait croire mensongèrement à W._ que, moyennant le versement supplémentaire de 50'000 euros, il pourrait obtenir le remboursement partiel du capital garanti de 2'600'000 euros, selon le contrat conclu le 14 février 2011. Dans ce contexte, J._ a fait parvenir au plaignant un courrier confirmant les explications orales données par A._. Mis en confiance, W._ a alors accepté de remettre encore 50'000 euros au prévenu. Ce dernier s’est ensuite approprié cet argent et en a disposé à son profit et/ou à celui de tiers, de sorte que, contrairement aux engagement pris par A._ et J._, aucun remboursement n’est intervenu en faveur de W._, comme on l’a relevé ci-dessus.
Ainsi, force est de constater qu’outre l’amitié déjà évoquée et un document servant à valider des propos mensongers, A._ a exploité la détresse de sa victime, qui a été conduite à ne voir d’autre issue que de faire rapidement une nouvelle mise de fonds pour échapper au désastre (jugt, pp. 30 et 31). Le caractère astucieux de cette tromperie est manifeste, de même que l’élément subjectif et les autres conditions de l’escroquerie, de sorte que cette infraction doit également être retenue pour ce cas.
8.
L’appelant conteste la quotité de la peine.
8.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle, ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
8.2
En l’espèce,
la culpabilité d’A._, qui doit répondre de complicité d’abus de confiance, escroquerie, gestion déloyale et diminution effective de l’actif au préjudice des créanciers, est très lourde. A charge, il y a lieu de retenir, outre le concours d’infractions et, dans une moindre mesure, l’antécédent en matière de circulation routière, le fait que le prénommé, après avoir agi au détriment de ses créanciers et alors qu’il faisait l’objet d’une procédure d’expulsion de la villa de luxe qu’il occupait sans droit depuis près d’une année, s’en est pris au patrimoine d’autrui, en agissant d’abord comme complice, puis comme coauteur. Il n’a pas hésité à dépouiller ses victimes de montants importants constituant – pour l’une d’entre elles en tout cas – les économies d’une vie. Les infractions se sont répétées, le prévenu et ses comparses ayant, par des mensonges ou par la dissimulation de faits vrais, déterminé leurs victimes à investir des fonds supplémentaires dans des opérations à hauts risques. Ces facteurs de durée et fréquence alourdissent la gravité des faits. De plus, l’escroquerie au détriment de W._ revêt ici une gravité particulière, l’auteur ayant choisi de duper son ami de longue date en exploitant les soucis financiers et les failles de caractère de ce dernier.
L’appelant, qui est impliqué dans un projet mirifique de clinique dentaire à Moscou (PV aud. 3, lignes 211 ss; PV aud. 9, ligne 307), persiste aujourd’hui encore à soutenir qu’il croit à la réalité du placement des fonds investis par W._ et donc à son succès, alors que lui-même n’a jamais engagé ses propres deniers dans cette opération, ce qui dénote un certain cynisme. Il consacre toute son énergie et les ressources de son intelligence à conduire des affaires louches qui aboutissent à ruiner ou à dépouiller ceux qui se fient à lui ou dont il endort la méfiance. Le fil du dossier permet de comprendre qu’il recycle tout contact ou élément d’information pour tenter d’en tirer parti sans scrupules. En outre, s
on attitude consistant à toujours rejeter la faute sur les autres, notamment ses partenaires
(PV aud. 3, lignes 111, 353 et 354 ; PV aud. 9, lignes 134 et 135)
, est détestable et dénote une absence totale de prise de conscience, ce qui est confirmé par ses déclarations en appel selon lesquelles il n’aurait commis aucune faute (p. 3
supra
).
Quant à l’enrichissement personnel illicite d’A._, si on en ignore l’étendue exacte, force est toutefois de constater que l’intention délictuelle du prénommé portait sur la totalité des montants détournés.
A décharge, on retiendra, avec les premiers juges,
la situation financière difficile de l’appelant et
la convention passée en première instance avec C._, certes sans reconnaissance de responsabilité sur le plan pénal et uniquement "par gain de paix" (jugt, p. 13), ce qui a conduit au retrait de plainte de la prénommée. Ce dernier élément doit toutefois être relativisé, dans la mesure où l’appelant, qui parle de « dettes morales » à l’égard des lésés, n’a absolument rien entrepris pour dédommager concrètement ces derniers, le projet de clinique dentaire à Moscou qui, selon lui, devrait permettre de rembourser les victimes et dans lequel W._ aurait même investi de l’argent (PV aud. 3, lignes 211 ss et PV aud. 9, lignes 307 à 309), apparaît, au vu des circonstances, des plus douteux. On relèvera en outre, toujours à décharge, qu’à sa sortie de prison, le prévenu envisage d’exploiter un restaurant à Lausanne avec son amie (p. 3
supra
). Enfin, on accordera à
son « sens de la famille », retenu par le tribunal (jugt, p. 89
in fine
), une importance toute relative, dès lors que le fait d’avoir quatre enfants ne l’a pas empêché de commettre des infractions ; il est par ailleurs paradoxal de retenir cet élément alors que c’est par son comportement délictueux que le prévenu a, malgré ses difficultés financières, pu conserver, à tout le moins dans une certaine mesure, le niveau de vie antérieur (jugt, p. 29), "pour que sa famille ne souffre pas de cette situation" (jugt, p. 48).
Compte tenu de tous ces éléments, la Cour de céans est d’avis que la peine privative de liberté de 40 mois prononcée par les premiers juges se justifie, ce qui exclut l’octroi du sursis (art. 42 et 43 CP).
Au demeurant, il n’y a aucun élément en faveur de l’octroi du sursis ; au contraire, l’attitude du prévenu, qui conteste catégoriquement toute responsabilité pénale et poursuit malgré tout ses activités de financier véreux, parlent en défaveur de cette mesure.
9.
Enfin, comme l’a requis le Procureur, il y a lieu de déduire de la peine privative de liberté infligée au prévenu 7 jours au titre de réparation des conditions de détention illicites. Le dispositif du jugement de première instance sera donc modifié d’office dans ce sens.
10.
En conclusion, le jugement attaqué est modifié d'office au ch. II de son dispositif
dans le sens précité
. Il est confirmé pour le surplus. Cette rectification d'office n'a aucune incidence sur le sort de
l’appel, qui doit être rejeté.
10.1
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d'appel
seront
mis à la charge du prévenu. Ces frais comprennent
ceux de la décision du Président de la Cour de céans du 5 juin 2014 rejetant la requête de mise en liberté d’A._, par 540 fr., ainsi que l’indemnité allouée au défenseur d’office de l’appelant.
10.2
Sur ce dernier point, le défenseur du prévenu a indiqué avoir consacré environ 50 heures à l’exercice de son mandat en procédure d’appel.
Ce total est trop élevé. Plus particulièrement, il est injustifié de se prévaloir d’avoir consacré plus de 6 heures aux téléphones avec la compagne du prévenu et presque autant à la rédaction de lettres, ainsi que 7,5 heures aux conférences avec le client, et de facturer les opérations découlant du transfert de mandat ("étude du dossier" des 27 et 28 octobre 2014 ; cf. P. 257), soit 9 heures, puis encore 5 heures à la préparation de l’audience d’appel, alors que tous les arguments exposés aux débats l’ont été dans la déclaration d’appel motivée.
Tout bien considéré,
il convient d’allouer à Me Luc Del Rizzo une indemnité de
4’500
fr., correspondant à 25 heures, à laquelle il y a lieu d’ajouter un montant forfaitaire de 360 fr. à titre de vacations et 100 fr. à titre de débours, en sus de la TVA par 396 fr. 80, soit un montant total de 5’356 fr. 80.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l'Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 CPP).
10.3
Le plaignant W._, qui a procédé avec l'assistance d'un conseil professionnel, a droit à des dépens d'appel, conformément à l'art. 433 al. 1 let. a CPP. Vu l'ampleur et la complexité de la cause, les dépens, mis à la charge de l’appelant, doivent être arrêtés à 3'500 francs.
Quant au plaignant S._, il n’y a pas lieu de lui allouer d’indemnité, dans la mesure où il n’a pas chiffré ni justifié ses prétentions (art. 433 al. 2 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9604855a-3342-43a4-93ee-42e74ea99728 | En fait :
A.
Par jugement du 20 mai 2011, le Tribunal criminel de l’arrondissement de l'Est vaudois a condamné W._ pour meurtre et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants à une peine privative de liberté de 6 (six) ans, sous déduction de 522 (cinq cent vingt-deux) jours de détention provisoire et pour motifs de sûreté (I); a maintenu W._ en détention pour des motifs de sûretés (II); a dit que W._ est la débitrice de B.M._ des montants suivants: - 11'946 fr. 75, à titre de dommages-intérêts avec intérêts à 5% l'an dès le 22 décembre 2009, - 20'000 fr. à titre de tort moral, avec intérêts à 5% l'an dès le
16 décembre 2009 (III); a dit que W._ est la débitrice de B._ de la somme de 30'000 fr., avec intérêt à 5% l'an dès le 16 décembre 2009 à titre de tort moral (IV); a levé le séquestre sur l'arme saisie et ordonné son maintien au dossier à titre de pièce à conviction (V); a mis les frais de la cause, arrêtés à 59'257 fr. 10 à la charge d'W._, et laissé le solde à la charge de l'Etat (VI); et dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité de 23'932 fr. 80 due par W._ à son défenseur d'office sera subordonné à l'amélioration de la situation économique de la condamnée (VII).
B.
En temps utile, W._ a interjeté appel contre ce jugement. Elle a fait valoir qu'elle avait agi au bénéfice de la légitime défense, à tout le moins putative, et qu'il s'agissait d'un crime passionnel. Elle a également contesté la peine infligée, se référant plus particulièrement à la diminution de responsabilité telle que retenue par les premiers juges.
En audience d'appel, W._ a toutefois renoncé à invoquer la légitime défense et à contester les résultats de l'expertise de sorte que ces points ne sont plus remis en cause dans le cadre de l'appel. Elle a conclu à sa condamnation pour meurtre passionnel et à la fixation d'une peine privative de liberté n'excédant pas quatre ans.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
W._ est née en 1973 à Varsovie, Pologne, pays dont elle est originaire. Elle a deux enfants, nés respectivement en 1991 et en 1997. Après avoir travaillé comme vendeuse en Pologne, elle s'est rendue en Italie, laissant ses enfants en Pologne aux soins de leur père et de leur grand-mère maternelle. Elle a travaillé comme garde-malade et serveuse puis elle s'est rendue en Suisse pour y travailler comme serveuse. Après quelques mois de travail au noir, un employeur a régularisé sa situation et elle a obtenu un permis B. Son casier judiciaire est vierge.
W._ a connu la victime A.M._ en 2006 ou 2007 dans un bar où elle était employée. Leur relation est décrite comme houleuse, marquée par les alcoolisations et la violence de A.M._, lorsqu'il consommait de l'alcool. W._ a ainsi plusieurs fois quitté le domicile conjugal pour échapper aux coups, se réfugiant chez des amis. Malgré les conseils de ces derniers, W._ est à chaque fois revenue au domicile, espérant que A.M._ tienne ses promesses de ne plus consommer d'alcool. S'il faut retenir une violence réciproque, coutumière dans le couple, il n'en demeure pas moins que A.M._ était l'auteur principal des coups dont il gratifiait sa compagne, qui étaient sans commune mesure avec les voies de faits commises par cette dernière. Ainsi, avant d'être bourreau, W._ a surtout été une victime. Trois interventions de police relatent des violences domestiques, dont A.M._ était l'auteur (p. 49 – 52). Un examen clinique réalisé par le Centre universitaire romand de médecine légale atteste également très précisément de l'ampleur de la brutalité de A.M._.
Entre décembre 2008 et le 15 décembre 2009, alors qu'elle se trouvait dans son appartement à la Tour-de-Peilz, W._ a consommé de la cocaïne en la sniffant à raison d'une fois par mois. Cela n'est pas contesté par la prévenue.
Le samedi 12 décembre 2009, une altercation a opposé W._ et A.M._, vraisemblablement pour des questions d'argent. Des insultes ont été échangées et A.M._ a frappé sa compagne. Il s'est également saisi d'un couteau de cuisine et l'a appuyé sur le ventre d'W._, lui occasionnant des dermabrasions (cf. examen clinique, p. 36). La tension entre le couple est ensuite retombée jusqu'au soir du 14 décembre 2009. Le lundi 14 décembre 2009, le couple s'est parlé au téléphone, comme à son habitude. W._ a consommé des boissons alcooliques au cours de sa journée de travail. A l'occasion d'un appel, elle a constaté que son concubin était aussi alcoolisé. Alors qu'il rentrait en train en compagnie de V._, A.M._ a appelé W._ et s'est vu reprocher son retard. Entendu aux débats de première instance, le témoin V._ a fait état de tensions entre le couple déjà à ce moment. Lorsque les deux hommes sont arrivés au bar où travaillait W._, la tension s'est accrue dans le couple, cette dernière faisant des remarques sur l'existence d'une rivale et A.M._ reprochant à sa compagne d'avoir accepté le verre de whisky offert par un autre client du bar. Le couple est arrivé au domicile conjugal après la fermeture et le nettoyage du bar, entre 00h30 et 01h00 du matin. Ils ont alors discuté normalement, après que la prévenue ait pris une douche, en buvant encore de l'alcool. A.M._ était occupé à compter son argent, comme il le faisait régulièrement. Au cours de cette conversation, l'argent a, de nouveau, été un motif de tension. Entre 01h00 et 03h00 du matin, se sont ainsi succédés des moments d'accalmie et des moments d'insultes mutuelles et de coups. A.M._ a demandé à plusieurs reprises à sa compagne de quitter le logement, ce qu'elle n'a pas fait, expliquant à l'instruction et aux débats de première instance, qu'elle en avait été empêchée par son compagnon. A.M._ a frappé W._ au moyen de l'enveloppe contenant sa fortune, puis il l'a saisie à la gorge, sans toutefois serrer beaucoup puisque W._ a pu se dégager facilement. Lui attrapant les cheveux, il lui a cogné la tête contre le mur, lui occasionnant un érythème diffus essentiellement péri-capillaire (P. 36 p. 3). A.M._ a ensuite saisi un couteau, dans un tiroir de la cuisine, dont la lame dentelée mesure environ 18 cm, appliquant la lame sous la gorge de W._, geste qui a pu provoquer une dermabrasion filiforme de 2,5 cm, dans la région sous-mandibulaire droite décrite dans l'examen clinique (P. 36 p. 4). Il lui a piqué également les seins au moyen de l'arme, provoquant des plaies décrites dans l'examen clinique sur les seins (P. 36 p. 4). Il voulait ainsi blesser son amie au moyen du couteau par sadisme. Après que W._ soit parvenue à se dégager et à atteindre le couloir, A.M._ l'a rattrapée et à nouveau frappée, sans toutefois lui infliger des coups de pied et de poings avec force, comme allégué par W._. Cette dernière s'est ensuite emparée du couteau que A.M._ avait lâché. Il n'y avait alors plus de lutte physique entre les protagonistes et W._ n'était plus menacée par A.M._. Dès qu'elle a été en possession de l'arme, elle a frappé ce dernier d'un coup en plein cœur, sans que celui-ci n'ait le temps de réagir et de se défendre. Selon les déclarations de W._, elle l'a poignardé parce qu'elle était hors d'elle et très fâchée contre lui; elle voulait le blesser et non pas le tuer.
Mortellement atteint, A.M._ a appelé à l'aide et est sorti sur le palier. D._, une voisine alertée par le bruit, est sortie pour demander s'il y avait quelqu'un. W._ n'a pas saisi cette occasion d'appeler de l'aide puisqu'elle a reconduit A.M._ dans leur logement, où il s'est effondré dans le couloir avant de décéder quelques minutes plus tard, aux alentours de 03h00. Entre le geste fatal et l'appel à la police à 04h36, W._ a eu soin de prendre l'argent de son compagnon, resté à la cuisine, selon elle "par précaution" car elle ne savait pas "qui allait rentrer dans l'appartement par la suite" (PV aud. 2 p. 4). De même, elle a pris la peine de bouger le corps, pour le mettre en position dorsale, mains croisées sur l'abdomen. Dans une tentative de maquiller son geste en accident, W._ a enfin placé le couteau dans la main droite de son amant décédé. Elle a appelé son amie H._ à 03h42 et cette dernière est arrivée sur les lieux vers 04h15. Les deux femmes sont restées dans l'appartement pendant environs 20 minutes, prenant le temps de fumer une cigarette au salon avant d'appeler les urgences à 04h36.
Pour les besoins de l'enquête, W._ a été soumise à une expertise psychiatrique, confiée aux Drs [...] et [...]. Dans un rapport du
9 septembre 2010 (p. 42), les experts posent les diagnostics de troubles mixtes de la personnalité avec des traits émotionnellement labiles, dépendants et immatures, de troubles mentaux et troubles du comportement liés à l'utilisation d'alcool avec abus, de troubles mentaux et troubles du comportement liés à l'utilisation épisodique de cocaïne, de trouble dépressif, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques. Dans la discussion, ils expliquent que l'expertisée ne souffre d'aucune maladie psychiatrique grave et que le fonctionnement de sa personnalité se situe dans un registre "état limite", caractérisé par des angoisses d'abandon, une labilité émotionnelle et une immaturité affective. Ce fonctionnement psychique comporte une prédisposition au développement d'une dépendance effective ou dépendance à une substance. A dire d'experts, le rôle passif que W._ a joué dans sa relation amoureuse est un fonctionnement connu en addictologie comme une co-dépendance. Il s'agit d'un schéma comportemental par lequel un proche d'une personne alcoolique ou toxicomane semble subir passivement la dépendance de l'autre, régi par un désir de le guérir ou de le sauver de sa dépendance. La personne co-dépendante peut se sentir indispensable pour l'autre, ce qui peut la rassurer par rapport à ses angoisses d'abandon et procurer un certain sentiment de pouvoir. Chez W._, ce fonctionnement est concordant avec celui de sa personnalité. Aux questions posées, les experts ont répondu que l'expertisée souffre d'un trouble mental, sans que celui-ci puisse être qualifié de grave au moment des faits. Dans un complément du 21 octobre 2010, les experts ont confirmé que la capacité d'apprécier le caractère illicite de ses actes par W._ était conservée mais que sa capacité de se déterminer d'après cette appréciation était partiellement restreinte dans la mesure où au moment d'agir, elle était sous l'effet désinhibant de l'alcool (taux d'au moins 1.35 ‰). Par ailleurs, l'acte n'est pas explicable en référence à une pathologie psychiatrique (P. 53). | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les forme et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP), l'appel de W._, suffisamment motivé au sens de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, est recevable. Il convient donc d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
En l'occurrence, les parties ne contestent pas les faits retenus par le Tribunal criminel. L'appelante s'en prend uniquement à leur qualification juridique. A l'audience d'appel, elle a, par ailleurs, indiqué renoncer à invoquer la légitime défense et à contester les résultats de l’expertise. Ces points, tout comme l'état de faits, n'ont dès lors pas à être discutés dans le cadre de l’appel.
3.
W._ fait valoir que son acte constituerait un meurtre passionnel au sens de l'art. 113 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937, RS 311.0). A l'appui de cet argument, elle soutient avoir agi sous le coup d'un profond désarroi et d'une émotion violente. Elle considère que cet état était excusable compte tenu de la violence de son amant, dont elle a été la victime durant plus de deux années. Elle considère que les premiers juges ont écarté à tort le meurtre passionnel en retenant qu'elle aurait pu quitter son amant pour échapper à sa violence. Elle estime en effet que son état de dépendance psychologique l'a empêchée de sortir de cette relation, comme cela se voit souvent chez les femmes battues, ce qu'on ne saurait lui reprocher.
3.1
Le meurtre passionnel est une forme privilégiée d'homicide intentionnel, qui se distingue par l'état particulier dans lequel se trouvait l'auteur au moment d'agir. Celui-ci doit avoir tué alors qu'il était en proie à une émotion violente ou se trouvait dans un profond désarroi, état devant avoir été rendu excusable par les circonstances (ATF 119 IV 202 c. 2a).
L'émotion violente est un état psychologique d'origine émotionnelle, et non pas pathologique, qui se caractérise par le fait que l'auteur est submergé par un sentiment violent qui restreint dans une certaine mesure sa faculté d'analyser correctement la situation ou de se maîtriser. Elle suppose que l'auteur réagisse de façon plus ou moins immédiate à un sentiment soudain qui le submerge
(ATF 119 IV 202, précité; ATF 118 IV 233 c. 2a). Le profond désarroi vise en revanche un état d'émotion qui mûrit progressivement pendant une longue période, qui couve pendant longtemps jusqu'à ce que l'auteur soit complètement désespéré et ne voie d'autre issue que l'homicide (ATF 119 IV 202 c. 2a, précité ; ATF 118 IV 233 c. 2a, précité).
Ce n'est pas l'acte commis qui doit être excusable, mais l'état dans lequel se trouvait l'auteur. Le plus souvent, cet état est rendu excusable par le comportement blâmable de la victime à son égard. Il peut cependant aussi l'être par le comportement d'un tiers ou par des circonstances objectives. L'application de l'art. 113 CP est réservée à des circonstances dramatiques dues principalement à des causes échappant à la volonté de l'auteur et qui s'imposent à lui. Pour que son état soit excusable, l'auteur ne doit pas être responsable ou principalement responsable de la situation conflictuelle qui le provoque (TF 6B_719/2009 du 3 décembre 2009 c. 1.1 et les références citées).
Si l'auteur a provoqué par sa faute la réaction dont il souffre ou s'il a participé activement et fautivement à l'enchaînement des actions et réactions, l'émotion violente qui en résulte finalement n'est pas excusable (Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. I, 3
ème
éd., Berne 2010, n.12 ad art. 113 CP).
Pour savoir si le caractère excusable d'un profond désarroi ou d'une émotion violente peut être retenu, il faut procéder à une appréciation objective des causes de ces états et déterminer si un homme raisonnable, de la même condition que l'auteur et placé dans une situation identique, se trouverait facilement dans un tel état (ATF 107 IV 105, c. 2b/bb). Il convient à cet égard de tenir compte de la condition personnelle de l'auteur, notamment des moeurs et valeurs de sa communauté d'origine, de son éducation et de son mode de vie, en écartant les traits de caractère anormaux ou particuliers, tels qu'une irritabilité marquée ou une jalousie maladive, qui ne peuvent être pris en considération que dans l'appréciation de la culpabilité (TF 6B_158/2009 du 1
er
mai 2009 c. 2 et les références citées).
3.2
Les premiers juges ont admis qu'au moment d'agir, l'appelante était en proie à une vive émotion, soit la colère. Ils ont considéré que cette vive émotion, si elle était compréhensible au vu du contexte de violence que l'on a déjà décrit, n'était cependant pas excusable, compte tenu du fait que W._ était familiarisée avec la violence tant verbale que physique de son concubin et qu'il s'agissait du mode de fonctionnement habituel du couple. Les premiers juges ont relevé que même la présence d'un couteau n'était pas nouvelle, A.M._ ayant déjà utilisé un couteau pour blesser sa compagne de manière sadique quelques jours auparavant. Enfin, les premiers juges ont estimé que l'appelante savait pouvoir trouver refuge à tout instant auprès de ses amis pour fuir la violence de son amant ou qu'elle pouvait appeler ses voisins au secours.
3.3
Au vu des faits retenus (cf. supra consid. C), et plus particulièrement des déclarations de l'appelante, cette dernière a agi sous le coup d'une émotion violente, plus précisément d'un violent sentiment de colère. Lors de son audition par la police en date du 20 janvier 2010, elle a notamment indiqué qu'elle était à ce moment-là très fâchée contre la victime, qu'elle avait peur qu'il ne la blesse encore une fois comme il venait de le faire (pv aud. 7).
Par ailleurs, on peut également retenir que l'appelante a agi dans un état de profond désarroi. En effet, elle a été victime de violence durant plus de deux ans, son compagnon se comportant souvent de manière sadique envers elle. De plus, selon les experts, le profil psychologique de l'appelante la mettait dans une situation telle qu'elle n'était pas en mesure de mettre un terme à cette relation amoureuse. Ainsi, la durée de la violence dont elle a fait l'objet, ajouté au fait que le soir en question, le couple s'est discuté violemment durant deux heures, permettent de conclure que l'appelante a agi en état de profond désarroi, son geste étant – selon elle – le seul moyen de mettre un terme à cette relation. Le comportement qu'elle a adopté après le meurtre de son amant n'est pas déterminant pour qualifier son acte, mais doit être examiné au moment de la fixation de la peine, comme élément à charge ou à décharge.
Enfin, conformément à l'appréciation des experts, l'acte commis par l'appelante n'est pas explicable en référence à une pathologie psychiatrique.
3.4
La colère éprouvée par l'appelante a été suscitée par un comportement gravement répréhensible de la victime à son égard, soit des circonstances extérieures partiellement indépendantes de sa volonté que tout autre personne raisonnable eût pu considérer comme dramatiques. En effet, la victime l'a non seulement frappée et insultée à plusieurs reprises dans le courant de la soirée, mais il lui a ensuite saisi la gorge, cogné la tête en la tenant par les cheveux, avant de sortir un couteau qu'il a mis sous sa gorge et avec lequel il lui a piqué les seins. Certes, W._ était habituée aux scènes de violences et aurait pu, tout au long de la soirée, quitter l'appartement pour aller se réfugier chez une connaissance. Reste qu'au vu du déroulement des événements, on ne saurait lui reprocher de s'être retrouvée dans cette situation en raison de sa seule ou principale faute. En effet, il ne résulte pas des faits retenus, qu'elle aurait pris l'initiative de porter des coups à son compagnon, ni qu'elle aurait pris l'initiative de la bagarre. Au contraire, la responsabilité principale du conflit et des violences doit être attribuée à la victime.
3.5
Enfin, l'aspect subjectif de l'infraction est également réalisé. En effet, l'appelante a frappé la victime d'un coup de couteau en plein cœur. Elle ne pouvait à l'évidence ignorer le risque mortel de son geste.
3.6
En conclusion, il convient d'admettre que toutes les conditions objectives et subjectives de l'art. 113 CP sont réalisées. L'appel doit dès lors être admis sur ce point.
4.
L'appelante conclut à la fixation d'une peine privative de liberté n'excédant pas quatre ans.
4.1
Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier, ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La restriction de la responsabilité ne constitue qu'un critère parmi d'autres pour déterminer la faute liée à l'acte, qui peut toutefois avoir un grand poids selon le degré de la diminution de la responsabilité. Le Code pénal mentionne diverses circonstances qui peuvent réduire la faute, comme par exemple l'émotion violente excusable ou le profond désarroi (art. 48 let. c CP). Ces circonstances, qui relèvent de l'état de fait, diminuent la faute et impliquent une peine plus clémente. D'autres circonstances peuvent aussi augmenter la faute et compenser la diminution de la capacité cognitive ou volitive. On peut citer par exemple des motifs blâmables (TF 6B_238/2009 du 8 mars 2010 c. 5.6).
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge, qui n'est pas lié par les réquisitions du Ministère public et qui doit déterminer l'effet de la diminution de la responsabilité sur la faute (subjective) au vu de l'ensemble des circonstances. Dans un premier temps, il doit décider sur la base des constatations de faits de l'expertise dans quelle mesure la responsabilité pénale de l'auteur doit être restreinte sur le plan juridique et comment cette diminution de la responsabilité se répercute sur l'appréciation de la faute. La faute globale doit être qualifiée et désignée expressément dans le jugement (art. 50 CP). Dans un second temps, il convient de déterminer la peine hypothétique, qui correspond à cette faute. La peine ainsi fixée peut enfin être modifiée en raison de facteurs liés à l'auteur
(TF 6B_238/2009, cit. c. 5.7). Le juge doit exposer quels éléments il a pris en compte pour fixer la peine, de manière à ce que l'on puisse vérifier que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou aggravant. Il ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1 et les réf. citées).
4.2
Le meurtre passionnel est puni d'une peine privative de liberté d'un à dix ans. En l'espèce, l'appelante a porté atteinte au bien le plus important de notre ordre juridique, à savoir la vie, et sa culpabilité est importante. Aux débats de première instance, elle a laissé une impression mitigée entre l'image de la victime d'un tyran domestique et celle d'une femme manipulatrice, maquillant son geste pour en faire un accident et arrangeant ses versions au gré de l'instruction. Lors de l'audience d'appel, elle est apparue encore sous l'emprise des sentiments amoureux qu'elle entretenait avec sa victime.
A charge, il convient de retenir le comportement blâmable de l'appelante suite à l'acte. En effet, elle n'a pas appelé les secours, mais a reconduit sa victime dans le logement duquel il était sorti, alors qu'il était mortellement blessé. Entre le geste fatal et l'appel à la police à 04h36, elle a pris le soin de prendre l'argent de son compagnon resté à la cuisine. De même, elle a pris la peine de bouger le corps et, dans une tentative de maquiller son geste en accident, a encore placé le couteau dans la main droite de son amant.
A décharge, il faut retenir que l'appelante a agi dans le cadre d'une énième bagarre au sein du couple, dont c'était le mode de fonctionnement et au sein duquel la violence tendait à augmenter au fil du temps, dès lors que la victime avait sorti un couteau, le 12 décembre 2009, puis le soir du coup fatal. Il convient également de retenir une légère diminution de sa responsabilité, dans la mesure où au moment d'agir, l'appelante était sous l'effet désinhibant de l'alcool (taux d'au moins 1.35‰).
Sur le vu de l'ensemble des éléments à prendre en considération, la peine doit être fixée à cinq ans. Même si l'on retient le meurtre passionnel au sens de l'art. 113 CP, la peine n'a pas à être très inférieure aux six ans infligés par les premiers juges, dès lors que ceux-ci ont été assez cléments et ont également tenu compte, dans un sens atténuant, du contexte général de la relation entretenue entre l'appelante et sa victime.
5.
En définitive, W._ doit être condamnée pour meurtre passionnel et contravention à la LStup, à une peine privative de liberté de cinq ans, sous déduction de la détention provisoire et pour motifs de sûretés. Le jugement est confirmé pour le surplus.
6.
Vu l'issue de la cause, les frais de procédure d'appel, arrêtés en application de l'art. 21 TFJP et comprenant l’indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelante par
2'335 fr. (deux mille trois cent trente-cinq francs), TVA comprise
(cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP ; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP), sont laissés à la charge de l'Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9605aece-d1ad-4e1e-a675-8349b1df0896 | E n f a i t :
A.
Par jugement du 9 novembre 2011, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a constaté que N._ s'est rendu coupable de faux dans les titres (I), condamné N._ à une peine de 500 (cinq cents) heures de travail d'intérêt général (II), suspendu l'exécution de la peine et fixé à N._ un délai d'épreuve de trois ans (III), constaté que le sursis octroyé par le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne le 26 juillet 2006 ne peut pas être révoqué (IV), dit que N._ est le débiteur d'U._ de la somme de 2'225 fr. (deux mille deux cent vingt-cinq francs) à titre de participation aux honoraires de son conseil (V), renvoyé U._ à agir par la voie civile pour faire valoir ses conclusions civiles (VI), mis les frais de la cause, par 15'251 fr. 70, y compris l'indemnité servie à son conseil d'office, Me Florian Ducommun, par 5'865 fr. 50 (cinq mille huit cent soixante-cinq francs et cinquante centimes) à la charge de N._ (VII) et dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité d'office servie à Me Florian Ducommun sera exigible de N._ dès que sa situation financière le permettra (VIII).
B.
Par déclaration d'appel du 14 novembre 2011, puis par annonce d'appel du 15 décembre 2011, N._ a attaqué ce jugement en concluant à sa libération du chef d'accusation de faux dans les titres et de la peine infligée pour cette infraction. Il a encore demandé à être libéré de sa condamnation à payer à U._ la somme de 2'225 fr. au titre de participation aux honoraires de son conseil. A titre de mesure d'instruction, l'intéressé a sollicité l'audition du témoin C._ ainsi que la mise en oeuvre d'une seconde expertise graphologique.
Par courrier du 27 décembre 2011, le Ministère public a renoncé à déposer une demande de non-entrée en matière ou une déclaration d'appel joint.
Par lettre du 20 février 2012, les parties ont été citées à comparaître. Elles ont été informées de la composition de la cour, ainsi que de la citation d'C._ comme témoin. La requête de nouvelle expertise a été rejetée.
Le 23 février 2012, le Ministère public a renoncé à comparaître à l'audience appointée et à déposer des déterminations.
Une audience s'est tenue le 17 avril 2012, au cours de laquelle le prévenu et le témoin C._ ont été entendus. La conciliation a été tentée. Elle a abouti en ce sens que chaque partie s’est donné réciproquement quittance pour solde de tout compte et de toute prétention du chef de leurs rapports contractuels commerciaux ou relevant du droit du travail et de la responsabilité civile, U._ a retiré sa plainte contre N._, réduit sa prétention en participation aux honoraires de son conseil pour la procédure de première instance à 2'000 fr., montant que N._ a reconnu lui devoir, qu’U._ a renoncé à toute indemnité en lien avec la procédure d’appel, N._ s’engageant à prendre en outre à sa charge les frais de première et deuxième instance.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le 3 août 1944 en Macédoine dont il est ressortissant, marié et père de cinq enfants, N._ est venu en Suisse en 1979 et y a travaillé en qualité de traducteur d’ambassade, puis, dès 1990 et jusqu'à l'âge de la retraite, pour le compte des autorités judiciaires et de police.
2.
Le casier judiciaire suisse de N._ mentionne une condamnation à trois mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans, infligée le 26 juillet 2006 pour gestion déloyale par le juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne.
3.
Au début de l'année 2007, N._ a entrepris une activité accessoire de chauffeur de taxi pour le compte d'U._, dont C._ était le patron (associé gérant avec signature individuelle). Aucun contrat écrit n'a été passé entre les parties. Aucun salaire précis n'a été convenu. N._ conservait la moitié de la recette journalière, remettant le solde à C._ à raison d’une fois par semaine.
En octobre 2007, N._ a provoqué un accident de la route avec le véhicule mis à sa disposition par U._. Pour les suites de ce sinistre, C._ lui a réclamé la somme de 3'000 francs.
Par pli du 22 janvier 2008 (P. 5/4), le prévenu a contesté devoir ce montant et a exigé d'U._, respectivement d'C._, le paiement de 11'410 fr. 70 au titre d'arriérés de salaires. A ce courrier était annexée une attestation à l'entête d'U._ datée du 22 août 2007 (P. 5/3), selon laquelle il était l'employé de cette entreprise en tant que chauffeur de taxi pour un salaire brut de 4'700 fr. par mois.
Le 21 juillet 2008 U._, par C._, a déposé une plainte pénale contre N._ (P. 5/1). Elle lui reprochait d'avoir rédigé et signé lui-même l'attestation du 22 août 2007 dans le but d'obtenir des prestations indues.
4.
Pour les faits décrits dans cette plainte, N._ a été renvoyé devant le premier juge par ordonnance du 26 août 2010 du Juge d'instruction de l'arrondissement de La Côte. Devant cette autorité –comme ce fut déjà le cas en cours d'enquête-, le prévenu a reconnu avoir rédigé cette attestation, mais a nié l’avoir signée. Il prétend qu’C._ l'a signée sous ses yeux, en apposant une signature fantaisiste pour échapper à ses obligations.
Le tribunal a ordonné une expertise graphologique qu'il a confiée au Dr J._, chargé de recherche à l'Institut de police scientifique de l'Université de Lausanne. L’expert s'est déterminé dans un rapport initial du 13 avril 2011 (P. 32) et son complément du 12 mai 2011 (P. 41); il a encore a été entendu aux débats de première instance. Il ressort en bref de ses propos que la signature se trouvant sur l'écrit litigieux n'est pas une imitation, mais une signature de fantaisie. L'expert a encore indiqué avoir appliqué diverses méthodes, dont la comparaison des signatures de N._ et d'C._, qui, seule, a fourni des résultats exploitables. Sur cette base, l'expert a soutenu l'hypothèse selon laquelle la signature figurant sur l'attestation litigieuse était de la main du prévenu plutôt que de celle d'C._.
Le premier juge a écarté les dénégations de N._, qu'il a reconnu coupable de faux dans les titres et condamné (cf. A) sur la base des résultats de l'analyse graphologique précitée (jugement, p. 27). | E n d r o i t :
1.
Déposé en temps utile et contenant des conclusions conformes à
l’art. 399 al. 3 CPP, l’appel est recevable (art. 399 aI. 1 et 3 CP; Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0).
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète des faits et pour inopportunité.
2.
L’appelant reproche au premier juge d'avoir fait siennes les constatations de l'expert graphologue alors qu'elles ne permettaient pas de lever le doute créé par les propos confus et contradictoires d'C._ et par
"[...] les divergences entre ses signatures sur divers documents [...]".
Il prétend que cela constitue une appréciation incomplète des faits pertinents.
2.1
Selon l’art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu’elle n’est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l’intime conviction qu’il retire de l’ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n’ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d’administrer la preuve d’un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l’administration d’un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction, avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse,
Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
La présomption d’innocence, qui est garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU Il (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101)
et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d’innocence signifie que toute personne prévenue d’une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu’il appartient à l’accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 66_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a).
Comme règle d’appréciation des preuves, elle est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l’accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 la 31 c. 2c; TF_66 831/2009 précité c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a).
2.2
L'expertise ne lie pas le juge, car il l'apprécie, comme tout autre mode de preuve, librement conformément à l'art. 10 CPP. Selon la jurisprudence, le juge ne peut toutefois s'en écarter sans motifs valables et sérieux. Il est notamment admis qu'il le fasse, lorsque, dans son rapport, l'expert s'est contredit, lorsqu'il s'est écarté, dans un rapport complémentaire de l'avis exprimé dans un premier rapport, lorsqu'une nouvelle expertise ordonnée aboutit à des conclusions différentes ou encore lorsqu'une expertise est fondée sur des pièces ou sur des témoignages dont la valeur probante ou le contenu sont appréciés différemment par le juge. Il faut donc que des circonstances bien établies viennent ébranler sérieusement la crédibilité de l'expertise pour que le juge puisse s'en écarter et il doit alors motiver sa décision sur ce point (ATF 107 IV 7 c. 5 et les références citées).
3
. L'infraction de faux dans les titres se poursuit d'office. Ainsi, le fait qu'U._ ait retiré sa plainte devant la cour de céans est sans incidence sur le sort de l'action pénale.
3.1
Se rend coupable de faux dans les titres au sens de l'art. 251 ch. 1 CP celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre. Sont notamment des titres tous les écrits destinés et propres à prouver un fait juridique (art. 110 ch. 4 CP). L'art. 251 CP vise non seulement le faux matériel, qui consiste dans la fabrication d'un titre faux ou la falsification d'un titre, mais également le faux intellectuel, soit la constatation d'un fait inexact, en ce sens que la déclaration contenue dans le titre ne correspond pas à la réalité. Constitue un faux matériel un titre dont l'auteur réel ne coïncide pas avec l'auteur apparent. Le faux intellectuel vise quant à lui un titre qui émane de son auteur apparent mais qui est mensonger dans la mesure où son contenu ne correspond pas à la réalité. Un document dont le contenu est mensonger ne peut toutefois être qualifié de faux intellectuel que s'il a une capacité accrue de convaincre, parce qu'il présente des garanties objectives de la véridicité de son contenu. Il doit résulter des circonstances concrètes ou de la loi que le document est digne de confiance, de telle sorte qu'une vérification par le destinataire n'est pas nécessaire et ne saurait être exigée (arrêts 6B_ 382/2011 du 26 septembre 2011, 6B_367/2007 du 10 octobre 2007 c. 4.2, non publié in ATF 133 IV 303; 6S.156/2006 du 24 novembre 2006 c. 4.1 non publié in ATF 133 IV 36; ATF 132 IV 12 c. 8.1 p. 14 - 15; 129 IV 130 c. 2.1 p. 133 - 134). Selon la jurisprudence, un certificat de salaire, un décompte de salaire et un contrat de travail en la forme écrite simple ne constituent notamment pas des titres (cf. arrêts 6B_827/2010 du 24 janvier 2011 c. 4.5.2 et les réf. cit.; 6B_101/2009 du 14 mai 2009 c. 3.3; 6S.423/2003 du 3 janvier 2004 c. 4.3 ; ATF 123 IV 61 c. 5c/cc p. 68 - 69; 120 IV 25 c. 3f p. 29).
3.2
En l'espèce, l'appelant a rédigé l'attestation litigieuse à l'entête d'U._ et mentionné un salaire mensuel brut fixe de 4'700 fr. Or, pendant des mois, le prévenu a conservé la moitié de la recette brute du jour et remis, une fois par semaine, le solde à la plaignante. Aucun décompte mentionnant des déductions sociales n’a été dressé. Le prévenu n’a jamais réclamé le versement d’un salaire fixe alors même qu’il a gagné environ 3'000 fr. par mois, soit un montant très inférieur au salaire auquel il a prétendu ensuite avoir droit. Il a également travaillé selon une cadence et des horaires qu’il fixait lui-même. La participation à la recette est en outre un mode de rémunération usuel chez les chauffeurs de taxi. Les déclarations du prévenu ne sont ainsi pas crédibles et le contenu du document litigieux est ainsi faux. Toutefois, dans la mesure où cette attestation ne constitue pas un titre muni d’une force probante particulière au sens de la jurisprudence précitée, il ne s’agit pas d’un faux intellectuel.
3.3
Il reste à déterminer si l’attestation litigieuse constitue un faux matériel, soit si le prévenu l'a signée à la place d’C._.
En l'espèce, N._ soutient que c'est C._ qui a signé l'attestation du 22 août 2007, précisant que c'était au Buffet de la Gare de Morges le 23 août 2007 (procès-verbal, p. 3). Il a prétexté avoir besoin de ce document pour trouver un appartement ; il voulait avoir une preuve de leurs relations contractuelles. Il affirme qu’il a suivi les instructions d’C._ qui lui a dit quel montant de salaire indiquer. C._ conteste être l’auteur de cN._ lui aurait envoyé une copie de l'attestation litigieuse quelques jours après l'avoir établie, arguant en avoir besoin pour trouver un logement. A réception de ladite pièce déjà signée, C._ se serait aperçu que la signature n'était pas la sienne. Il n'aurait toutefois pas réagi et l'aurait classée en se disant qu'au cas où une gérance l'appellerait, il lui ferait savoir qu'il n'était pas le signataire de cet écrit. Pour le surplus, C._ reconnaît avoir signé de sa main la procuration du 14 juillet 2008 en faveur de Me Steffano Fabbro et Joelle Vuadens (P. 4/2), la plainte du 21 juillet 2008 (P. 5/1), sa carte d'identité et son permis de conduire (P 10/3). Interpellé au sujet des raisons pour lesquelles les signatures qu'il a apposées sur ces diverses pièces diffèrent, C._ n'est pas en mesure de fournir une explication; il se contente de préciser qu'il signe toujours en commençant par un "A". (procès-verbal, p. 4).
Aucune des versions des faits de protagonistes n’emporte à elle seule la conviction.
L'expert graphologue a établi son rapport sur la base d’une copie de l’attestation litigieuse. Il a néanmoins eu l’original en mains pour réaliser son complément et il a été entendu en audience. Il a affirmé qu’il n’y avait pas de traçage préalable, et ainsi pas de tentative de copie d’une signature. Se basant sur la méthode comparative, il a mis en évidence un plus grand nombre de similitudes entre la signature litigieuse et celle de N._, qu’entre celle-ci et la signature d’C._. Son expertise ne comporte pas de contradiction. Toutefois, les deux protagonistes n’ont pas apposé leurs signatures devant l’expert. Ce dernier n’a évidemment pas envisagé l’hypothèse que cette signature ait été apposée par un tiers, cette question ne lui ayant pas été posée. En outre, l’expertise ne tient pas compte du fait que la signature d’C._ est variable. Entendu en audience, C._ a été incapable d’émettre la moindre explication sur le fait que sa signature variait, se contentant d’affirmer qu’il commençait toujours par apposer un « A ». Compte tenu de tous ces éléments et du manque de crédibilité des deux protagonistes, la cour n’a pas réussi à se convaincre de la culpabilité de N._. Un doute irréductible subsiste ainsi sur l’auteur de la signature de fantaisie, doute que l’expertise n’a pas permis de lever, et qui doit profiter au prévenu.
Au bénéfice de ce doute, N._ doit être libéré du chef d'accusation de faux dans les titres.
En définitive, l'appel doit être admis et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants.
4.
Il reste à statuer sur les frais de première et seconde instance.
4.1
D'après l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
Seul un comportement fautif au regard du droit civil peut justifier la mise des frais à la charge du prévenu libéré. Le comportement fautif du prévenu doit être à l'origine de l'ouverture de l'enquête pénale pour que les frais y relatifs puissent être mis à la charge de celui-ci. Selon le principe de la causalité des frais, le comportement du prévenu doit également être à l'origine des frais pour que ceux-ci puissent lui être imputés. Enfin, il faut que le prévenu ait clairement violé une norme de comportement écrite ou non écrite, résultant de l'ordre juridique suisse dans son ensemble, pour permettre une application analogique de l'art. 41 CO (CAPE 7 octobre 2011/61 c. 6.1, ainsi que la doctrine et la jurisprudence citées).
4.2
Dans le cas présent, le prévenu a établi l'attestation litigieuse, dont il savait que le contenu était faux. Il a prétexté avoir besoin de cette attestation pour la recherche d'un logement, mais a finalement reconnu avoir procédé ainsi parce qu'il ne faisait pas confiance à C._ et voulait une preuve de l'existence de leurs rapports de travail (procès-verbal, p. 3). Au moyen de cette attestation au contenu mensonger, il a tenté d'obtenir d'C._ le paiement d'une somme d'argent.
Peu importe qu'il ait renoncé à cette prétention devant l'autorité de céans (procès-verbal p. 5). Cette attitude est fautive et illicite. Elle est à l'origine de la plainte pénale déposée par C._ (jugement, p. 26) et des frais de procédure de première instance, et également de seconde instance.
Partant, N._ assumera, conformément au demeurant à l'engagement pris devant la cour de céans (procès-verbal, p. 5), les frais de première instance, ainsi que les frais d'appel comprenant l'indemnité due à son défenseur d'office. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
965c3371-809e-4d7b-b151-7944d5fef378 | En fait :
A.
Par jugement du 25 janvier 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a, notamment, pris acte du retrait de la plainte par U._ à l’égard de A.B._ et J._ (I); ordonné la cessation des poursuites pénales à l’égard de A.B._ (III) et laissé les frais de la cause en tant qu’ils concernent A.B._ et U._, y compris les indemnités servies au défenseur d’office, Me José Coret, par 950 fr. 40, et au conseil d’office Me Gilles Hofstetter, par 4’860 fr., à la charge de l’Etat (IX).
B.
Les faits essentiels tels qu'ils résultent du dossier et des débats de première instance sont les suivants :
1.
A.B._ et J._ ont été renvoyés notamment pour lésions corporelles simples devant le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne, selon ordonnance de condamnation du 26 juin 2009, devenue ordonnance de renvoi suite à l'opposition du Ministère public du 31 juillet 2009. L'ordonnance précitée retenait notamment les éléments suivants :
"
A Lausanne, Place du Tunnel 10, le 11 mai 2008, une altercation a eu lieu entre les inculpés J._ et A.B._, et U._. Au cours de cette dernière, A.B._ a donné un coup de poing dans la nuque de U._, le faisant tomber à terre. Alors qu'il était toujours au sol, J._ et A.B._ lui ont asséné plusieurs coups de pied au visage. Suite aux multiples coups reçus, U._ a souffert d'une fracture du nez ainsi que d'une fracture de l'orbite ayant nécessité une opération ainsi que la pose d'une plaque en titane sous l'œil droit.
".
U._ a déposé plainte le 11 mai 2008 et pris des conclusions civiles en tort moral par 5'000 fr. avec 5 % d'intérêts dès cette date.
2.
En cours d'instruction, A.B._ a soutenu avoir uniquement poussé U._ en tentant d'intervenir pour séparer les protagonistes de l'altercation (dossier, procès-verbal d'audition n
os
2 et 5), ce que J._ a d'ailleurs toujours confirmé (dossier, procès-verbal d'audition n
os
3 et 5).
3.
Aux débats du 25 janvier 2011, les témoins C._, [...], B.B._ et K._ ont été entendus sans toutefois être en mesure de préciser les circonstances de l'altercation, aucun de ceux-ci n'y ayant assisté directement.
4.
A l'audience du 25 janvier 2011 devant le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne, le plaignant a retiré sa plainte à l'égard de J._ et A.B._, l'accord suivant étant intervenu entre les parties :
"
I. J._ se reconnaît débiteur de U._ de la somme de 5'000 fr., valeur échue, pour solde de tout compte et de toutes prétentions. (...)
".
Dans ces conditions, la cessation des poursuites pénales à l'égard de A.B._ a été ordonnée et aucun frais n'a été mis à sa charge.
C.
Dans sa déclaration d'appel du 21 mars 2011, le Ministère public a indiqué s’attaquer au jugement dans la mesure où le premier juge a laissé la part de frais de procédure concernant A.B._ à la charge de l’Etat. Il a conclu principalement à la réforme du chiffre IX du jugement en ce sens que la part des frais d’enquête concernant A.B._ est mise à sa charge (I) et que les frais de seconde instance le soient également (Il). Subsidiairement, il a conclu à l’annulation du jugement attaqué et à son renvoi au premier juge. Il a encore précisé ne requérir aucune mesure d'instruction particulière et ne pas s'opposer à ce que l’appel soit traité en procédure écrite.
Dans le délai imparti, A.B._ a déposé une "
déclaration d’appel joint
" motivée, concluant, avec suite de frais et dépens, au rejet de l’appel (I), à l’admission de l’appel joint (Il) et à la confirmation du jugement attaqué (III).
Interpellé par courrier du président de la Cour d’appel pénale du 14 avril 2011, qui observait que l’écriture du 12 avril 2011 se bornait à conclure au rejet des conclusions prises par le Ministère public dans son appel et qu’il fallait par conséquent la considérer comme une détermination écrite spontanée et non comme un appel joint, A.B._ a répondu par lettre du 18 avril 2011 qu’il adhérait à cette interprétation et qu’il n’avait pas eu l’intention de déposer un appel joint.
L’appelant et l’intimé ont renoncé à de plus amples échanges de mémoires et ont admis que la juridiction d’appel traite le présent appel en procédure écrite. | En droit :
1.
L’appel doit être annoncé dans les 10 jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, n° 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les forme et délai légaux par une partie disposant de la qualité pour recourir (art. 381 al. 1 CPP), l'appel du Ministère public, suffisamment motivé au sens de l’art. 399 al. 3 CPP, est recevable. Il convient donc d'entrer en matière sur le fond.
1.1
L’appel est en l’espèce traité en procédure écrite (art. 406 al. 1 let. d CPP).
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour (al. 3) : violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié (let. a); constatation incomplète ou erronée des faits (let. b); inopportunité (let. c).
2.
Le Ministère public ayant clairement mentionné qu’il s’attaquait à la question de la répartition des frais (art. 399 al. 4 let. f CPP), un éventuel effet réformatoire ne pourra porter que sur cet élément (Kistler Vianin, op. cit., n. 2 ad art. 408 CPP).
3.
L’appelant fait valoir que le premier juge a renoncé à mettre sa part des frais à la charge de A.B._ sans qu’il soit possible de déterminer pour quelle raison il n’a pas retenu que son comportement était à l’origine de l’ouverture de l’action pénale. Toujours selon l’appelant, en dépit de l’instruction qui s’est déroulée, y compris devant lui, le premier juge a manqué à son obligation de motivation en prenant uniquement acte du retrait de plainte intervenu en audience, sans décrire le déroulement des faits qu’il tenait pour constant ni détailler le comportement des accusés s’agissant des évènements du 11 mai 2008.
3.1
L’intimé considère que le raisonnement tenu par l’appelant est contradictoire dans la mesure où le Ministère public reproche d’une part au premier juge de n’avoir pas, ou pas suffisamment, décrit les faits qu’il tenait pour constant s’agissant des évènements du 11 mai 2008, alors qu’il prétend d’autre part que le comportement de A.B._ était à l’origine de l’ouverture de l’action pénale. L’intimé soutient que les éléments au dossier ne permettent pas de démontrer qu’il serait à l’origine de l’ouverture d’action, ni qu’il aurait compliqué la procédure. Selon lui, l’instruction a au contraire rapidement démontré qu’il n’avait rien fait, excepté éviter une altercation entre son coaccusé et le plaignant.
3.2
Aux termes de l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
En cas de classement ou d’acquittement, conformément au principe posé par l’art. 423 CPP, les frais de procédure sont supportés par la Confédération ou le canton qui a conduit la procédure. Toutefois, tant selon la jurisprudence de la CEDH que de celle du Tribunal fédéral (reprises d’ailleurs dans la plupart des codes de procédure cantonaux et par l'art. 173 al. 2 aPPF), les frais de procédure classés ou ayant donné lieu à un acquittement peuvent être supportés par le prévenu, s’il a, de manière illicite ou fautive, provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci. Il faut, pour cela, que le prévenu ait adopté un comportement fautif et reprochable, non sous l’angle pénal du terme, mais au regard du droit civil. Le comportement fautif du prévenu doit être à l’origine de l’ouverture de l’enquête pénale ou alors il doit s’agir d’une "
faute procédurale
", c’est-à-dire d’un comportement qui a compliqué ou prolongé la procédure, pour que les frais y relatifs puissent être mis à la charge de celui-ci. Selon le principe de la causalité des frais, le comportement du prévenu doit être à l’origine des frais pour que ceux-ci puissent lui être imputés s’il est acquitté ou mis au bénéfice d’une ordonnance de classement. Il faut que le prévenu ait clairement violé une norme de comportement écrite ou non écrite, résultant de l’ordre juridique suisse dans son ensemble, pour permettre une application analogique de l’art. 41 CO. La faute exigée doit s'apprécier selon des critères objectifs : il ne suffit pas que l'attitude du prévenu contrevienne à l'éthique. Jurisprudence et doctrine opèrent donc une distinction entre faute civile et faute pénale. En aucun cas, puisque ce serait incompatible avec la présomption d’innocence, un prévenu acquitté ou mis au bénéfice d’une ordonnance de classement ne peut être astreint à s’acquitter des frais de procédure ou d’une partie de ceux-ci, au motif qu’il a commis une infraction ou une faute pénale (Joëlle Chapuis,
in
Kuhn/Jeanneret [éd.], Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, Bâle 2011, n.2 ad art. 426 CPP, p. 1857 et les références citées).
3.3
En l’espèce, le retrait de plainte intervenu lors de l'audience du 25 janvier 2011 peut être assimilé à un acquittement dans la mesure où il a été mis fin à l'action pénale sans condamnation pénale.
Au demeurant, il est exact que le jugement attaqué, s’il mentionne les faits pour lesquels les accusés ont été renvoyés devant lui pour lésions corporelles simples (jgt, c. 2, p. 22), ne se prononce pas sur ces faits, ni sur les responsabilités respectives des accusés, en particulier quant à l’origine de l’ouverture de l’action pénale. Compte tenu du retrait de plainte intervenu, le premier juge s’est borné à en prendre acte (jgt, p. 23) et à laisser les frais concernant notamment l’intimé à la charge de l’Etat en se référant à l’art. 426 al. 2 CPP, mais sans procéder à l’examen préalable qu’implique en principe cette disposition.
3.4
Compte tenu du plein pouvoir d’examen dont jouit la juridiction d’appel tel que rappelé plus haut (cf. supra, c. 1.1 et 2), il sied de relever, qu’en dépit de l’absence de motivation, critiquée par l’appelant, sur l’objet du présent appel, les éléments au dossier de première instance permettent de pallier à cette lacune.
A.B._ a toujours contesté avoir frappé U._. Les témoignages de C._, B.B._, K._ et [...], qui n'ont pas assisté directement à l'altercation, ne mettent pas en cause l’intimé. Seules les déclarations du plaignant en cours d’instruction sont accusatrices pour A.B._, ce qui ne permettait pas au premier juge de statuer sur la culpabilité de ce dernier, ceci d’autant plus que le plaignant a expressément spécifié en audience que le retrait sa plainte valait également à l’égard d’A.B._, malgré l’absence d’accord civil intervenu entre eux. Au demeurant, J._ a reconnu avoir donné des coups de pieds à U._ tout en précisant que A.B._ n'avait rien fait (procès-verbal d'audition n° 5, p. 2
ab initio
).
Dès lors, force est de constater d'une part, que ces éléments ne suffisent pas à admettre que les faits sont établis et d'autre part, que les versions des deux parties sont irrémédiablement contradictoires.
En définitive, il n’est pas établi que I'intimé ait violé une norme de comportement, écrite ou non écrite, résultant de l’ordre juridique suisse dans son ensemble, de telle sorte que les conditions, dans lesquelles il est possible, au regard de l'art. 426 CPP, de condamner à tout ou partie des frais le prévenu libéré des fins de la poursuite pénale, ne sont pas réunies.
La plainte ayant été retirée, aucune mesure complémentaire d'instruction n'a à être effectuée.
Quant à la durée de la procédure et aux frais consécutifs, les moyens soulevés par l’intimé dans son mémoire sont pertinents. En effet, A.B._ n’a ni provoqué l’ouverture de la procédure, ni surtout rendu plus difficile sa conduite, celui-ci n'ayant d'ailleurs pas fait opposition à l'ordonnance de condamnation du 26 juin 2009.
4.
Au vu de ce qui précède, l’appel doit être rejeté et le jugement confirmé.
Vu l’issue de la cause, les frais d’arrêt selon l’art. 424 CPP doivent être laissés à la charge l’Etat. Outre l’émolument, ces frais comprennent l’indemnité d’office allouée à son conseil (cf. les art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). L’intervention du conseil s’est limitée à la rédaction de déterminations et d’un courrier, hormis le procédé par lequel la partie a déclaré renoncer à déposer un mémoire. Vu l’ampleur et la complexité de la causé l’indemnité doit être arrêtée à 360 fr., plus TVA, cette indemnité correspondant à deux heures d’activité du conseil (cf. l’art. 135 al. 1 CPP; TF 2P.325/2003 du 6 juin 2006). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
966c1dc4-44b2-4b6f-a0c9-7c3640c57b5d | En fait :
A.
Par jugement du 30 mai 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a notamment acquitté H._ des chefs d’accusation de fabrication et de mise sur le marché d’équipements servant à décoder frauduleusement les services cryptés, d’infraction à la loi sur la concurrence déloyale, de violation par métier du droit d’auteur et de violation par métier des droits voisins (I), acquitté G._ des chefs d’accusation de fabrication et de mise sur le marché d’équipements servant à décoder frauduleusement les services cryptés, d’infraction à la loi fédérale sur la concurrence déloyale, de violation par métier du droit d’auteur et de violation par métier des droits voisins (II), donné acte de leurs réserves civiles à Z._, N._, P._ et M._ (IV), dit qu'H._ et G._, solidairement entre eux, doivent verser à Z._, N._, P._ et M._, solidairement entre elles, la somme de 10'926 fr. à titre de dépens pénaux (V), ordonné la confiscation de divers objets (VI), levé le séquestre et ordonné la restitution à H._ de différents objets (VII), ordonné la confiscation et la destruction de plusieurs objets (VIII) et mis les frais de justice arrêtés à 1'389 fr. 85 à la charge de H._, arrêtés à 694 fr. 85 à la charge de G._ et arrêtés à 694 fr. 85 à la charge de L._ (IX).
B.
Statuant sur les appels déposés contre ce jugement par H._ et G._, d'une part, et par Z._, N._, P._ et M._, d'autre part, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a, par jugement du 9 décembre 2011, rejeté l'appel des premiers et partiellement admis celui des secondes (CAPE, 2012/147). Elle a condamné H._ et G._, pour infraction à la loi fédérale sur la concurrence déloyale à une peine de 120 jours-amende, respectivement, 60 jours-amende, à 30 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, dit que H._ était débiteur de Z._, N._, P._ et M._, solidairement entre elles, de la somme de 104'000 fr. au titre de remise de gain avec intérêts à 5% dès la date du jugement et mis les frais d'appel à la charge de H._ et G._ à raison d'un quart chacun, laissant le solde à la charge de l'Etat.
Par arrêt du 11 octobre 2012, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a admis le recours des prévenus, annulé l’arrêt attaqué et renvoyé la cause à l’autorité cantonale pour qu’elle statue à nouveau sur les prétentions civiles et sur les frais et dépens des instances cantonales. Elle a retenu, pour l’essentiel, que même si les prévenus avaient pu proposer à des tiers, grâce au système qu’ils avaient mis en place, de bénéficier des programmes des plaignantes en s’épargnant les coûts de production et de distribution, il n’y avait pas eu reprise par eux des programmes diffusés ou des systèmes de cryptage par un procédé technique de reproduction au sens de l’art. 5 let. c LCD, de sorte que l’infraction visée par l’art. 23 LCD n’était pas réalisée (TF 6B_156/2012, c. 1.9).
Par arrêt du même jour, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a rejeté le recours des plaignantes (TF 6B_167/2012 du 11 octobre 2012).
Par courrier du 20 novembre 2012, la Présidente de la Cour d'appel pénale a informé les parties que la procédure se déroulerait par écrit.
Invités à déposer des déterminations suite à l’arrêt du Tribunal fédéral, les prévenus ont conclu au rejet des prétentions civiles des plaignantes, à leur libération des frais de procédure de première et deuxième instances et à l’octroi d’une indemnité de 38'554 fr. à titre de dépens. Ils ont également sollicité divers montants en couverture de leurs préjudices économiques.
Dans leur écriture du 17 décembre 2012, les plaignantes ont conclu, principalement, à ce que H._ soit condamné à leur verser un montant de 104'000 fr., avec intérêts à 5 % l’an dès le 9 décembre 2011 et à ce que le dispositif du jugement de la Cour d'appel pénale soit maintenu dans la mesure où les prévenus sont condamnés à supporter leurs parts des frais judiciaires et à verser aux plaignantes des dépens pénaux de première instance par 10'926 fr. 25 et de seconde instance par 4'631 fr. 95.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
H._ est propriétaire de deux magasins S._ Sàrl à [...] et F._ à [...], spécialisés dans la vente et l’installation de paraboles et récepteurs satellites permettant de capter les chaînes de télévision mondiale, cryptées ou non.
A [...] et à [...], entre 2006 et décembre 2007, H._ a modifié les appareils décodeurs, notamment Dreambox 500 S, afin qu’ils puissent décoder les chaînes cryptées de Z._ sans qu’il soit nécessaire de payer l’abonnement officiel y relatif. Pour ce faire, il a acheté deux ou trois cartes de décodage officielles et en a ensuite fait bénéficier ses clients. En effet, grâce à un programme installé par le prévenu sur les décodeurs, ceux-ci pouvaient, via une connexion Internet, accéder aux codes de décodage des cartes authentiques mis à disposition sur un serveur. Afin de pouvoir accéder aux codes des cartes officielles, les clients devaient souscrire un abonnement de maintenance de 350 fr. par an auprès des magasins du prévenu. Ce dernier a vendu au moins entre 200 et 250 de ces appareils modifiés pour un chiffre d’affaires se situant au minimum entre 130'000 et 162'000 francs.
Entre 2006 et juin 2007, L._, en tant qu’intermédiaire de H._, a vendu 133 décodeurs modifiés comme décrit ci-dessus, permettant d’accéder aux programmes de TPS et Z._ sans payer l’abonnement y afférent. Les prix de vente étaient de 350 fr. pour les petits décodeurs et de 850 fr. pour les dreambox. En contrepartie, il recevait de la part de H._ une commission entre 30 et 50 fr. pour les petits décodeurs et entre 100
et 500 fr. pour les dreambox. Il a ainsi réalisé un bénéfice total de 16'168 francs.
A Renens et à Fribourg, entre 2006 et décembre 2007, G._, associé de H._ et lui donnant des coups de main dans ses magasins, a vendu des décodeurs modifiés comme décrits ci-dessus. Parfois, il a modifié lui-même des décodeurs permettant de voir des chaînes TPS sans l’abonnements y relatif. En outre, il a installé ces appareils modifiés chez certains clients. | En droit :
1.
Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Il peut également renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 107 al. 2 LTF [loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral,
RS 173.110]). L'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit contenus dans l'arrêt de renvoi. Elle ne peut en aucun cas s'écarter de l'argumentation juridique du Tribunal fédéral, aussi bien en ce qui concerne les points sur lesquels il a approuvé la motivation précédente que ceux sur lesquels il l'a désapprouvée. Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis – même implicitement – par le Tribunal fédéral (Corboz, in: Commentaire de la Loi sur le Tribunal fédéral, Berne 2009, ch. 27 ad art. 107 LTF).
On ne saurait retenir à l’encontre des prévenus une infraction à
l’art. 23 LCD, de sorte que ceux-ci doivent être acquittés de tous chefs d’accusation (TF 6B_156/2012 du 11 octobre 2012, c. 1.9). Il convient de statuer à nouveau sur les prétentions civiles des plaignantes et sur les frais et dépens des instances cantonales.
I. Conclusions civiles des plaignantes
2.
Les plaignantes ont conclu, principalement, à ce que H._ soit condamné à leur verser le montant de 104'000 fr., avec intérêts à
5 % l’an dès le 9 décembre 2011, à titre de remise du gain au sens de l’art. 423 CO. Elles ont requis, subsidiairement, que des dommages-intérêts par 58'500 fr. leur soient alloués sur la base des art. 41 ss CO et, alternativement, que les prévenus H._ et G._ leur restituent leur enrichissement illégitime par 87'500 fr. sur la base des art. 62 ss CO.
2.1
Aux termes de l’art. 126 al. 1 let. b CPP, le tribunal statue également sur les conclusions civiles présentées lorsqu’il acquitte le prévenu et que l’état de fait est suffisamment établi. Selon l’art. 126 al. 3 CPP, dans les cas où le jugement complet des prétentions civiles exigerait un travail disproportionné, le tribunal peut traiter celles-ci seulement dans leur principe et, pour le surplus, renvoyer la partie plaignante à agir par la voie civile. Les prétentions de faible valeur sont, dans la mesure du possible, jugées par le tribunal lui-même.
L’état de fait est suffisamment établi lorsque les preuves recueillies jusque là, dans le cadre de la procédure, sont suffisantes pour permettre de statuer sur les conclusions civiles. Un jugement d’acquittement n’empêche nullement une condamnation du prévenu sur le plan civil compte tenu du principe selon lequel le juge pénal ne lie pas le juge civil (art. 53 CO).
2.2
Dans le cadre de leurs dernières déterminations, les plaignantes ont formulé de nouvelles conclusions civiles en versement de dommages-intérêts au sens de l’art. 41 CO et en restitution de l’enrichissement illégitime au sens des
art. 61 ss CO.
De telles conclusions sont tardives, dès lors qu’elles sont déposées pour la première fois dans le cadre de la procédure d’appel, alors qu’elles auraient déjà dû l’être en première instance, conformément au prescrit de l'art. 123 al. 2 CPP. Par ailleurs, l’état de fait ne permet pas de statuer sur de telles conclusions et leur jugement exigerait un travail disproportionné. En effet, il est, en l’état, impossible de déterminer notamment le dommage subi par les plaignantes et les questions soulevées par ces prétentions nécessiteraient de longues investigations.
2.3
Les plaignantes requièrent le montant de 104'000 fr. à titre de remise de gain, comme cela leur avait été accordé dans le jugement de la Cour d’appel pénale du 9 décembre 2012.
2.3.1
Aux termes de l’art. 9 LCD, celui qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle, son crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général ou celui qui en est menacé, peut demander au juge: a. de l’interdire, si elle est imminente; b. de la faire cesser, si elle dure encore; c. d’en constater le caractère illicite, si le trouble qu’elle a créé subsiste (al. 1). Il peut en outre, conformément au code des obligations, intenter des actions en dommages-intérêts et en réparation du tort moral, ainsi qu’exiger la remise du gain selon les dispositions sur la gestion d’affaires (al. 4).
Le gain réside dans la différence entre le patrimoine effectif du gestionnaire sans mandat et la valeur qu'aurait ce patrimoine en l'absence du comportement répréhensible. C'est le revenu net qui est déterminant. Il convient donc de déduire de la recette obtenue grâce aux ventes effectuées en violation du droit d'auteur les coûts engagés pour arriver à cette recette (ATF 134 III 306
c. 4.1.1).
2.3.2
On doit admettre que les plaignantes pourraient demander la remise du gain en application de l’art. 9 LCD, les prévenus ayant violé l’art. 2 LCD (cf. infra consid. 3).
Toutefois, selon la doctrine, certaines conclusions civiles ne peuvent être dirigées contre le prévenu par le biais de « l’Adhäsionsklage » parce qu’elles sont soumises à la compétence exclusive et impérative étatique prévues par la loi (Jeandin/Matz, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 18 ad art. 122 CPP; Jeanneret, L’action civile au pénal dans la procédure
pénale unifiée, Neuchâtel 2009, n° 54). Tel est le cas en l’occurrence. En effet,
l’art. 5 al. 1 let. d CPC prévoit que le droit cantonal institue la juridiction compétente pour statuer en instance cantonale unique sur les litiges relevant de la LCD lorsque la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. ou que la Confédération exerce son droit d’action. L’art. 74 al. 3 LOJV prévoit que c’est la Cour civile du Tribunal cantonal qui statue dans les causes pour lesquelles le droit fédéral impose une instance cantonale unique.
Dans ces conditions, on doit admettre que la Cour d’appel pénale ne saurait examiner la question de la remise de gain fondée sur l’art. 9 LCD, cette compétence relevant de la compétence exclusive et impérative de la Cour civile.
2.4
Sur le vu de ce qui précède, les plaignantes doivent être renvoyées à agir par la voie civile en application de l’art. 126 al. 2 let. d CPP et le chiffre IV du dispositif du jugement de première instance doit être confirmé.
II. Frais et dépens de première instance
3.
S’agissant des frais et dépens, les plaignantes ont conclu au maintien du dispositif du jugement du 9 décembre 2011, à savoir que H._ et G._ sont condamnés à supporter leurs parts des frais judiciaires et à verser aux plaignantes, solidairement entre elles, des dépens pénaux de première instance par 10'926 fr. 25.
Les prévenus soutiennent au contraire qu’ils n’ont pas à supporter les frais de procédure. Ils réclament une indemnité totale de 38'554 fr. à titre de dépens pour leur défense en 1
ère
(25'000 fr.) et 2
ème
instance (13'554 fr.). H._ demande les sommes de 833 fr. 50 pour sa perte de gain due à la procédure et de 22'760 fr. en couverture du préjudice économique subi à raison du fait que les 155 dreambox litigieuses ont perdu toute leur valeur entre le jour de leur séquestre et celui de leur restitution. G._ requiert le montant de 1'024 fr. pour son incapacité de gain en relation avec la procédure pénale.
3.1
3.1.1
L'art. 423 CPP prévoit que les frais de procédure sont mis à la charge de la Confédération ou du canton qui a conduit la procédure, sauf disposition contraire. Selon l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. L'autorité pénale peut toutefois réduire ou refuser l'indemnité si le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci (art. 430 al. 1 let. a CPP).
L'art. 433 al. 1 CPP prévoit que la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure, soit lorsqu'elle obtient gain de cause, soit lorsque le prévenu est astreint au paiement de frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP.
3.1.2
La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. A cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (ATF 119 Ia 332 c. 1b; ATF 116 Ia 162 c. 2c). Ces considérations valent mutatis mutandis lorsque le tribunal refuse d'allouer une indemnité au prévenu en cas de procédure se soldant sans condamnation (ATF 115 Ia 309 c. 1a;
TF 6B_215/2007 du 2 mai 2008 c. 6).
Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais ou le refus d'une indemnité, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO (ATF 119 Ia 332 c. 1b; ATF 116 Ia 162 c. 2c). Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 119 Ia 332 c. 1b; ATF 116 Ia 162 c. 2d). L'acte répréhensible n'a pas à être commis intentionnellement. La négligence suffit, sans qu'il soit besoin qu'elle soit grossière (ATF 109 Ia 160 c. 4a). L'acte répréhensible doit en outre se trouver dans une relation de causalité adéquate avec l'ouverture de l'enquête ou les obstacles mis à celle-ci. Tel est notamment le cas lorsque le comportement du prévenu, violant clairement des prescriptions écrites cantonales, était propre à faire naître, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le soupçon d'un comportement punissable justifiant l'ouverture d'une enquête pénale (ATF 116 Ia 162 c. 2c). Enfin, une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation (ATF 116 Ia 162 c. 2c).
Sur la base des principes précités, la jurisprudence a régulièrement admis qu'un comportement contraire à une disposition légale peut, sans violation de la présomption d'innocence, être retenu pour justifier la mise à charge des frais, respectivement le refus d'indemnité, même si l'action pénale pour l'infraction correspondante n'a pas abouti à une condamnation (TF 6B_143/2010
du 22 juin 2010 c. 3.1; TF 1P.584/2006 du 22 décembre 2006 c. 9.3; TF 1P.543/2001 du 1er mars 2002 c. 1.2).
3.1.3
Selon l'art. 1 LCD, cette loi vise à garantir, dans l'intérêt de toutes les parties concernées, une concurrence loyale et qui ne soit pas faussée. La LCD ne concerne ainsi que le domaine de la concurrence. Cette notion vise une compétition, une rivalité sur le plan économique entre des personnes qui offrent leurs prestations. La concurrence suppose donc un marché, qui de plus doit être licite.
En vertu de l'art. 2 LCD, est déloyal et illicite tout comportement ou pratique commercial qui est trompeur ou qui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients. La clause générale de l'art. 2 LCD est concrétisée par la liste d'exemples figurant aux art. 3 à 8 LCD. Il ressort de cette clause que seul peut être qualifié de déloyal un comportement qui est objectivement apte à influencer le jeu de la concurrence ou le fonctionnement du marché (ATF 126 III 198 c. 2c/aa et les arrêts cités). Au demeurant, il n'est plus nécessaire de faire appel à la clause générale si le comportement reproché tombe sous le coup de l'une des dispositions spéciales précitées, raison pour laquelle il convient de commencer par examiner l'applicabilité de ces dernières (ATF 122 III 469 c. 8). Toutefois, il faut garder à l'esprit que celles-ci n'embrassent pas tous les comportements déloyaux possibles et imaginables, de sorte qu'un comportement donné peut mériter ce qualificatif même s'il n'entre pas dans leurs prévisions (ATF 122 III 469 c. 9a; ATF 116 II 365 c. 3b).
Pour qu'il y ait acte de concurrence déloyale, il ne suffit pas que le comportement apparaisse déloyal au regard de la liste d'exemples figurant aux
art. 3 à 8 LCD; il faut encore, comme le montre la définition générale de l'art. 2 LCD, qu'il influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients. Autrement dit, il doit influencer le jeu de la concurrence, le fonctionnement du marché. Certes, il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'acte soit lui-même un concurrent (ATF 120 II 76 c. 3a et les références). Il n'empêche que l'acte doit être objectivement propre à avantager ou désavantager une entreprise dans sa lutte
pour acquérir de la clientèle, ou à accroître ou diminuer ses parts de marché
(ATF 120 II 76, ibid.). L'acte doit être dirigé contre le jeu normal de la concurrence et propre à influencer le marché; il doit être objectivement apte à influencer la concurrence (ATF 124 III 297 c. 5d, ATF 124 IV 262 c. 2b, ATF 120 II 76 c. 3a). Il n'est en revanche pas nécessaire que l'auteur ait la volonté d'influencer l'activité économique (ATF 120 II 76 c. 3a). La LCD ne protège donc pas la bonne foi de manière générale, mais tend seulement à garantir une concurrence loyale
(ATF 124 III 297 c. 5d, ATF 124 IV 262 c. 2b).
L'art. 150bis CP réprime, sur plainte, le comportement de celui qui aura fabriqué, importé, exporté, transporté, mis sur le marché ou installé des appareils dont les composants ou les programmes de traitement des données servent à décoder frauduleusement des programmes de télévision ou des services de télécommunication cryptés ou sont utilisés à cet effet.
Cette disposition vise des actes préparatoires érigés en infraction distincte, alors que le comportement de celui qui utilise le dispositif pour obtenir le service crypté sans payer la somme due tombe sous le coup de l'art. 150 CP (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., 2010, n. 3 ad art. 150bis CP; Jörg Rehberg, Änderungen im Strafgesetzbuch durch das Fernmeldegesetz, PJA 1998, p. 562). L'infraction a pour objet un dispositif, soit un appareil, quel qu'il soit, qui permet le décryptage de programmes de télévision sans payer la somme due (Corboz, op. cit., n. 2 ad art. 150bis CP).
3.2
En l’espèce, les prévenus n’ont pas bénéficié de l'assistance judiciaire sur le plan cantonal, de sorte qu'une indemnité selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP réservée à un avocat de choix est susceptible d'entrer en considération
(ATF 137 IV 352).
On retient toutefois qu'entre 2006 et décembre 2007, H._ a, dans le cadre de son entreprise S._ Sàrl, modifié des appareils décodeurs, notamment de type Dreambox 500 S, afin qu'ils puissent décoder les chaînes cryptées de Z._ sans qu'il soit nécessaire de payer l'abonnement officiel y relatif. Pour ce faire, il installait sur les décodeurs un programme leur permettant d'accéder, via une connexion Internet, aux codes de décryptage des cartes officielles dont il était titulaire. Pour bénéficier de ce système, ses clients devaient souscrire un abonnement de maintenance au prix de 350 fr. par an. H._ a vendu entre 200 et 250 appareils modifiés pour un chiffre d'affaires se situant entre 130'000 et 162'000 francs. G._ est l'associé de H._. Il a vendu, entre 2006 et décembre 2007, des décodeurs qu'il avait parfois lui-même modifiés et a installé certains d'entre eux chez des clients. H._ et G._ savaient qu’ils ne devaient pas vendre les appareils.
En agissant de la sorte, les prévenus ont violé l’art. 150bis CP, cette infraction étant toutefois prescrite. Ils ont, en outre, adopté un comportement déloyal et illicite au sens de l’art. 2 LCD. En effet, il est évident que le comportement des appelants était déloyal et objectivement apte à influencer le jeu de la concurrence, dès lors qu’il a nécessairement diminué les parts de marché des plaignantes.
Ce faisant, les appelants ont, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure pénale au sens de l'art. 426 al. 2 CPP. C’est donc à juste titre que le Tribunal de police a mis les frais judiciaires de première instance à leur charge, de sorte que le chiffre IX du jugement du Tribunal de police doit être confirmé. Pour les mêmes motifs, il convient également de refuser aux prévenus une quelconque indemnité, ceux-ci ayant provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure (cf. art. 430 al. 1 let. a CPP). Il leur incombe également de supporter les dépens de première instance des plaignantes, de sorte que le chiffre VI du dispositif du jugement de première instance peut également être confirmé.
III.
Frais et dépens de la procédure d’appel
4.
Les prévenus et les plaignantes soutiennent qu’ils n’ont pas à supporter les frais de la procédure d’appel et requièrent des indemnités pour leurs dépenses, les premiers par 13'554 fr. et les secondes par 4'631 fr. 95.
4.1
Aux termes de l’art. 428 al. 1 CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. L'art. 432 CPP prévoit que le prévenu qui obtient gain de cause peut demander à la partie plaignante une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par les conclusions civiles (al. 1). Lorsque le prévenu obtient gain de cause sur la question de sa culpabilité et que l'infraction est poursuivie sur plainte, la partie plaignante ou le plaignant qui, ayant agi de manière téméraire ou par négligence grave, a entravé le bon déroulement de la procédure ou a rendu celle-ci plus difficile peut être tenu d'indemniser le prévenu pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (al. 2).
Ainsi, le législateur a conçu une réglementation prévoyant une possibilité d'indemniser le prévenu acquitté. Il se déduit de l'art. 429 al. 1 let. a CPP que les frais de défense relatifs à l'aspect pénal sont en principe mis à la charge de l'Etat (voir message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du
21 décembre 2005, FF 2006 p. 1313 ad art. 437 du projet et p. 1314 ad art. 440 du projet). Il s'agit d'une conséquence du principe selon lequel c'est à l'Etat qu'incombe la responsabilité de l'action pénale. Pour cette raison, le législateur a prévu des correctifs pour des situations dans lesquelles la procédure est menée davantage dans l'intérêt de la partie plaignante ou lorsque cette dernière en a sciemment compliqué la mise en oeuvre (art. 432 CPP).
S'agissant d'une indemnité allouée dans une procédure d'appel, les dispositions applicables en vertu du renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP doivent être interprétées à la lumière de cette situation spécifique. Ainsi, lorsque l'appel a été formé par la seule partie plaignante, on ne saurait perdre de vue le fait qu'il n'y a alors plus aucune intervention de l'Etat tendant à la poursuite de la procédure en instance de recours. On se trouve par conséquent dans une situation assimilable à celles prévues par l'art. 432 CPP dans la mesure où la poursuite de la procédure relève de la volonté exclusive de la partie plaignante. Il est donc conforme au système élaboré par le législateur que, dans un tel cas, ce soit cette dernière qui assume les frais de défense du prévenu devant l'instance d'appel. Cette approche rejoint celle en matière de frais de recours, lesquels sont à la charge de la partie qui succombe (art. 428 CPP) (TF 6B_802/2011 du 8 novembre 2012, destiné à la publication).
4.2
En l'espèce, les appels des plaignantes et des prévenus sont rejetés. Ainsi, chaque partie succombe s'agissant de ses prétentions mais obtient en revanche gain de cause dans le cadre de l'appel interjeté par sa partie adverse. Partant, chaque partie a droit à des dépens pénaux de l'autre.
Le conseil des prévenus a fourni une note d'honoraire et de débours couvrant la période du 31 mai au 9 décembre 2011 pour un montant de 13'554 fr., TVA et débours inclus (P. 102). Cette somme est surévaluée compte tenu notamment des activités figurant sur la note d'honoraire, du fait que les prévenus n'ont pas contesté les faits qui leur sont reprochés et que tous les arguments exposés en appel ont déjà été plaidés et examinés en première instance.
Vu l'ampleur et la complexité de la cause ainsi que la connaissance du dossier acquise en première instance, les opérations utiles à la procédure d'appel n'impliquaient nullement une activité supérieure à 20 heures. C'est donc une somme de 5'400 fr., correspondant à 20 heures de travail à 270 fr., qui doit être allouée pour la procédure d'appel.
Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées par le défenseur des plaignantes dans sa note d'honoraire et de la procédure d'appel, une indemnité de 4'631 fr. 95, peut être allouée aux plaignantes pour les dépens de deuxième instance.
L'indemnité allouée aux prévenus sera mise par deux tiers, soit par 3'600 fr., à la charge des plaignantes, le solde, par 1'800 fr., devant être assumé par les prévenus. L'indemnité des plaignantes, par 4'631 fr. 95, sera mise par un tiers, soit par 1'544 fr., à la charge des prévenus, le solde, par 3'087 fr. 95, étant mis à la charge des plaignantes. Après compensation de ces montants, les plaignantes doivent verser aux prévenus une indemnité de 2'056 fr. au titre de dépens de deuxième instance.
5.
Le Tribunal fédéral ayant annulé le jugement rendu le
9 décembre 2012, les frais de cette décision, par 3'230 fr. (cf. art. 20 al. 1 TFJP – Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1), sont laissés à la charge de l'Etat.
Les frais du jugement de ce jour, par 1'870 fr., sont répartis entre les parties de la manière suivante :
- par deux tiers, soit 1'246 fr. 65, à la charge de N._, Z._, P._ et M._ SA solidairement entre elles,
- par un tiers, soit 623 fr. 35, à la charge de H._ et G._, solidairement entre eux. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
96aff4ae-64b5-456c-846c-b22c170e2f51 | En fait :
A.
Par jugement du 9 mars 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a condamné A.H._ pour escroquerie, faux dans les titres et tentative d'atteinte astucieuse aux intérêts pécuniaires d'autrui, à une peine privative de liberté d'un an, dont 6 mois sous déduction de 4 jours de détention avant jugement, à titre ferme et 6 mois avec sursis pendant 5 ans (I), révoqué le sursis partiel octroyé à A.H._ le 16 janvier 2008 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal et ordonné l'exécution de la peine privative de liberté de 9 mois (II), ordonné la confiscation des objets séquestrés sous no 46340 (III), pris acte de la reconnaissance de dette passée au procès-verbal de l'audience du 9 mars 2012 et dit que l'intéressé est débiteur de P._ de 5'134 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 5 juillet 2009 (IV), mis les frais de la cause par 13'766 fr., comprenant l'indemnité servie à son conseil d'office, Me Aude Bischovsky, par 4'233 fr. 60 ttc, à la charge de A.H._ (V) et dit que le remboursement à l'Etat du montant alloué au conseil d'office de ce dernier ne sera dû que pour autant que sa situation financière le permette (VI).
B.
Le 19 mars 2012, A.H._ a formé appel contre le jugement précité.
Par déclaration d’appel motivée du 11 avril 2012, l’appelant a conclu, avec suite de frais et dépens, principalement à ce qu'il soit renoncé à la révocation du précédent sursis octroyé le 16 janvier 2008 par la Cour de cassation pénale, subsidiairement à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause au Tribunal de police de l'arrondissement qu'il plaira de désigner à la Cour d'appel pénale pour nouveau jugement.
Par courrier du 18 avril 2012, la Procureure de l'arrondissement de Lausanne a indiqué qu'elle n'entendait pas présenter une demande de non-entrée en matière, ni déposer d'appel joint.
Lors de l'audience de la Cour d'appel pénale du 1
er
juin 2012, l'appelant a confirmé les conclusions de sa déclaration d'appel. Quant au Ministère public, il a conclu au rejet de l'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.H._ est né le 1
er
octobre 1977. Il est marié depuis cinq ans à B.H._ avec qui il est désormais réconcilié, alors qu’on trouve dans le dossier des traces de plaintes et contre plaintes réciproques. Celle-ci a deux enfants d'une précédente union et travaille notamment comme nettoyeuse, au contraire du prévenu, dont le dernier travail rémunéré remonte à 2001, avec, depuis lors, des périodes de chômage et d’aide sociale. Ce dernier a une formation de base de réceptionniste d’hôtel. Il a fini, le 7 avril 2012, de purger le solde de peine de 9 mois qui lui avait été infligée le 16 janvier 2008 par la Cour de cassation pénale. Il a ensuite cherché du travail et a été engagé, selon un contrat du 30 mai 2012 produit par le prévenu à l'audience d'appel, par l'entreprise F._ Sàrl dès le 4 juin 2012. Pour le surplus, il a expliqué à l'audience d'appel que son projet professionnel était toujours de se former pour devenir conducteur de machines de chantier. Il a précisé que son engagement auprès de F._ Sàrl devrait durer le temps de sa formation de machiniste, dont la partie théorique dure trois jours et la partie pratique environ dix-huit mois. S'agissant de sa situation financière, il a déclaré que, selon un récent relevé de l'OPF, le total de ses dettes s'élevait à environ 135'000 francs.
Le casier judiciaire de A.H._ comporte les inscriptions suivantes:
- 25 octobre 2004, Cour de cassation pénale Lausanne, violation grave des règles de la circulation routière, opposition à une prise de sang, emprisonnement 20 jours, sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 4 ans; remplace le jugement du 8 avril 2004 Tribunal correctionnel de l’Est Vaudois;
- 16 janvier 2008, Cour de cassation pénale Lausanne, abus de confiance, vol, escroquerie, usure, faciliter un séjour illégal, délit contre la LF sur les armes, violation grave des règles de a circulation routière, délit contre la LF sur les stupéfiants, peine privative de liberté 18 mois, dont sursis à l’exécution de la peine 9 mois, délai d’épreuve 5 ans, détention préventive 75 jours; peine partiellement complémentaire au jugement du 25 octobre 2004 Cour de cassation pénale Lausanne; remplace le jugement du 17 octobre 2007 Tribunal correctionnel Lausanne; sursis du 25 octobre 2004 révoqué.
Dans le cadre de la présente cause, A.H._ a été détenu avant jugement du 4 au 7 janvier 2010, soit durant 4 jours.
2.
2.1.
A Lausanne, le 27 mars 2009, A.H._ a fait une demande de carte de crédit I._ au nom de sa grand-mère V._, souffrant de démence sénile et placée sous la tutelle du Tuteur général depuis le 5 mars 2009, à l'insu de cette dernière, en joignant une copie du passeport de son aïeule. Il a utilisé la carte de crédit à des fins personnelles pour un montant total de 9'448 fr. 60.
2.2.
Le 1
er
avril 2009, A.H._ a rempli et envoyé un formulaire de demande de carte de crédit Z._, au nom et à l'insu de V._, à l'attention de la société S._. Il y a joint un faux certificat de salaire au nom de sa grand-mère établi par lui-même, à l'entête de la société O._, ainsi qu'une copie d'attestation de l'Office des poursuites au nom de V._. Il a également produit une procuration établie le 10 février 2009 au nom de son aïeule, alors que celle-ci était hospitalisée depuis le 20 janvier 2009 au SUPAA, en raison de troubles cognitifs sérieux. Il a ainsi reçu une carte de crédit qu'il a utilisée à des fins personnelles pour un montant total de 4'046 fr. 10.
A la même date, le prévenu a également fait une demande de carte L._ au nom de sa grand-mère, carte qu'il a obtenue et utilisée à des fins personnelles pour respectivement 268 fr. 85 et 362 fr. 15.
2.3.
Le 16 avril 2009, le prévenu a commandé deux cartes de crédit auprès de la société P._ toujours au nom de V._ et à son insu. Pour ce faire, le prévenu a une nouvelle fois utilisé le faux certificat de salaire au nom de sa grand-mère, établi par lui-même, à l'entête de la société O._, a photocopié le passeport et la carte d'identité de sa grand-mère, et a envoyé ces documents à la société précitée. Il a ensuite utilisé à des fins personnelles les cartes de crédit ainsi obtenues pour un montant total de 5'134 fr. 80.
2.4.
Le 16 juillet 2009, le prévenu a rempli et envoyé un formulaire de demande de Mastercard auprès de [...], au nom de V._ et à son insu. Il a ensuite fait des achats à titre personnel pour un montant total de 1'196 fr. 65 au moyen de la carte de crédit ainsi obtenue.
A.H._ n'a remboursé aucun montant aux diverses sociétés créancières lésées.
2.5.
P._ a déposé plainte le 11 décembre 2009 et a pris des conclusions civiles à hauteur de 5'134 fr. 80 avec intérêts à 5% l'an à partir du 13 juillet 2009.
V._, par le Tuteur général, a déposé plainte les 10 décembre 2009, 23 décembre 2009 et 8 mars 2010 et a pris des conclusions civiles à hauteur de 20'920 fr. 20.
C.H._ et E._, héritiers de V._, décédée le 1
er
août 2010, se sont respectivement constitués parties civiles les 5 octobre 2010 et 14 novembre 2010.
3.
A Lausanne, le 26 juin 2009, à la suite d'une inondation survenue au domicile de sa sœur, le prévenu a faussement déclaré à la G._ avoir subi la perte de deux casques à moto. Afin de percevoir une indemnité, le prévenu a confectionné et envoyé à l'assurance une fausse quittance, à l'entête de O._, concernant l'achat de deux casques à moto d'une valeur totale de 1'198 fr. Il a été indemnisé.
4.
A Lausanne, le 25 novembre 2009, A.H._ a confectionné une fausse lettre de démission au nom de X._, soit l'ami de son épouse, et l'a envoyée par pli recommandé à l'employeur de ce dernier.
X._ a déposé plainte le 30 novembre 2009.
5.
En 2003, en relation avec l'affaire pénale jugée le 25 octobre 2004 en deuxième instance par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal, le prévenu avait été soumis à une expertise psychiatrique, avec un rapport du 28 avril 2003 et un complément du 24 septembre 2003 (P. 67). L'expert avait posé le diagnostic de personnalité schizotypique et de réaction aiguë à un facteur de stress, à mettre en relation avec un accident de voiture relatif à l'affaire pénale de l'époque. Il avait indiqué que, dans le contexte de l'accident, le prévenu présentait une diminution de responsabilité, mais qu'hors de ce contexte, sa responsabilité était pleine et entière. Toutefois, dans le complément d'expertise du 24 septembre 2003, l'expert avait estimé que l'intéressé présentait une diminution de sa responsabilité. Il avait également considéré qu'il existait un risque de récidive pour des infractions de même nature, mais qu'une sanction adaptée pourrait permettre à l'intéressé de mieux cerner les limites à ne pas dépasser. Il convient encore de relever, qu'à l'époque, le prévenu ne prenait pas de traitement. Il faut dès lors retenir une légère diminution de responsabilité dans le cadre de la présente procédure pénale. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les formes et délai légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de A.H._, suffisamment motivé au sens de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
En l’espèce, l’appelant a limité son appel à la question de la révocation du sursis partiel accordé le 16 janvier 2008 par la Cour de cassation pénale.
3.
L'appelant fait grief au premier juge d'avoir incorrectement appliqué l'art. 42 al. 1 et 2 CP. Il lui reproche d'avoir insuffisamment motivé sa décision s'agissant du pronostic lié à l'octroi ou non d'un sursis. Il déduit toutefois un pronostic favorable du fait que l'autorité de première instance a prononcé une peine privative de liberté d'un an assortie d'un sursis partiel. Il conclut en soutenant que ce pronostic favorable s'oppose clairement à la révocation du sursis telle que prononcée dans le jugement attaqué. En outre, l'appelant considère que le premier juge a omis de tenir compte ou a insuffisamment tenu compte de l'entier de ses circonstances personnelles, en particulier de sa réelle détermination à se réinsérer professionnellement. A l'appui de ses dires, il a produit plusieurs pièces, dont quatre avec son mémoire d'appel (Bordereau des pièces produites par l'appelant, P. 1 à 4) et deux documents en audience d'appel (Bordereau des pièces produites par l'appelant, P. 5 et 6), soit un bulletin d'inscription à un cours de l'école romande de la construction et un contrat de travail avec la société F._ Sàrl daté du 30 mai 2012.
3.1.
Le premier juge, faisant au passage référence à ce qu'avait plaidé le prévenu – à savoir le prononcé d'une peine privative de liberté d'un an, assortie d'un sursis partiel de six mois et la révocation du sursis partiel précédent portant sur l'exécution de neuf mois – a considéré qu'une telle solution, plutôt que les réquisitions plus sévères du Ministère public qui demandait une peine ferme de neuf mois et la révocation du sursis partiel, était adéquate. L'autorité de première instance a indiqué à ce sujet qu'un sursis partiel pouvait être accordé, en faisant preuve d'une certaine clémence, au vu de l'exécution d'une peine ferme de quinze mois qui devrait permettre au prévenu de comprendre le sens du sursis partiel (jgt, c. 4 in fine, p. 14).
3.2.
En vertu de l'
art. 46 CP
, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Il peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d'ensemble conformément à l'art. 49 CP. Il ne peut toutefois prononcer une peine privative de liberté ferme que si la peine d'ensemble atteint une durée de six mois au moins ou si les conditions prévues à l'art. 41 sont remplies (al. 1). S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation. Il peut adresser au condamné un avertissement et prolonger le délai d'épreuve de la moitié au plus de la durée fixée dans le jugement. Il peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour le délai d'épreuve ainsi prolongé. Si la prolongation intervient après l'expiration du délai d'épreuve, elle court dès le jour où elle est ordonnée (al. 2).
La commission d'un crime ou d'un délit durant le délai d'épreuve n'entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Seul un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné peut justifier la révocation. Cette condition correspond à l'une des conditions d'octroi du sursis, de sorte que, comme dans ce dernier cas, le pronostic à émettre doit reposer sur une appréciation d'ensemble de tous les éléments pertinents du cas d'espèce, parmi lesquels les circonstances de l'acte, les antécédents et la réputation de l'auteur ainsi que les autres éléments permettant de tirer des conclusions quant au caractère, à l'état d'esprit et aux perspectives d'amendement du condamné, de même que la situation personnelle de ce dernier jusqu'au moment du jugement (TF 6B_855/2010 du 7 avril 2011 c. 2.1; ATF 134 IV 140 c. 4.3; ATF 134 IV 60 c. 7.2). A défaut d'un pronostic défavorable, le juge doit renoncer à celle-ci. Autrement dit, la révocation ne peut être prononcée que si la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve (TF 6B_163/2011 du 24 novembre 2011 c. 3.2; ATF 134 IV 140 c. 4.2 et 4.3). Dans l'appréciation des perspectives d'amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d'un sursis antérieur, le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l'octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible: si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (TF 6B_458/2011 du 13 décembre 2011 c. 4.1; ATF 134 IV 140 c. 4.5). L'existence d'un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné, bien qu'elle soit une condition aussi bien du sursis à la nouvelle peine que de la révocation d'un sursis antérieur, ne peut faire l'objet d'un unique examen, dont le résultat suffirait à sceller tant le sort de la décision sur le sursis à la nouvelle peine que celui de la décision sur la révocation du sursis antérieur. Le fait que le condamné devra exécuter une peine - celle qui lui est nouvellement infligée ou celle qui l'avait été antérieurement avec sursis - peut apparaître suffisant à le détourner de la récidive et, partant, doit être pris en considération pour décider de la nécessité ou non d'exécuter l'autre peine. Il constitue donc une circonstance nouvelle, appelant un réexamen du pronostic au stade de la décision d'ordonner ou non l'exécution de l'autre peine (TF 6B_458/2011 du 13 décembre 2011 c. 4.1; TF 6B_855/2010 du 7 avril 2011 c. 2.2).
3.3.
3.3.1.
En l'espèce, les nouvelles infractions ont été commises pendant le délai d'épreuve fixé par jugement de la Cour de cassation pénale du 16 janvier 2008, de surcroît peu de temps après, pour des infractions de même nature que celles faisant notamment l’objet du précédent jugement, soit pour infractions contre le patrimoine. Force est dès lors de constater que les deux précédentes condamnations n’ont pas eu l’effet escompté. Le comportement de l’appelant lors de la procédure doit également être pris en considération. Ce dernier a démontré une faible prise de conscience de la gravité de ses actes. En effet, il a nié avoir commis les faits qui lui étaient reprochés jusqu'aux débats de première instance. Son acte est en outre particulièrement odieux, ce dernier ayant profité de la vulnérabilité et de la gentillesse de sa grand-mère âgée et malade, avec qui il avait, de son propre aveu, de bonnes relations. L'ensemble de ces éléments fonde un pronostic indubitablement défavorable. Dans ces conditions, l'autorité de première instance n'a pas violé l'art. 46 CP en révoquant le sursis accordé précédemment.
3.3.2.
Comme le sursis précédent est révoqué, il convient de se demander si l'exécution du solde de cette peine de neuf mois peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis.
Lorsque la peine privative de liberté est d'une durée telle qu'elle permette le choix entre le sursis complet (art. 42 CP) et le sursis partiel (art. 43 CP), soit entre un et deux ans au plus, l'octroi du sursis au sens de l'art. 42 CP est la règle et le sursis partiel l'exception (TF 6B_769/2009 du 19 avril 2010 c. 1.2). L'exception du sursis partiel ne se pose qu'en cas de pronostic très incertain. En effet, elle ne peut être admise que si l'octroi du sursis à l'exécution d'au moins une partie de la peine soit exécutée, à savoir lorsqu'il existe des doutes très importants au sujet du comportement futur de l'auteur, notamment au vu de ses antécédents (ATF 135 IV 152 c. 3.1.3 non publié).
Dans le cas d'espèce, l'appelant a déjà été condamné à purger une peine privative de liberté de neuf mois sans que celle-ci, ou la perspective certaine de celle-ci, n'ait eu d'incidence sur son comportement, au regard de la présente cause. Compte tenu de l'attitude et de la résistance de l'intéressé, on peut tout au plus admettre que la révocation du précédent sursis permet de poser un pronostic mitigé s'agissant du nouveau sursis. C'est ce qu'a retenu à juste titre le premier juge et c'est d'ailleurs ce qu'avait aussi fait plaider le prévenu pour sa défense en première instance. Au vu de l'ensemble des circonstances qui précèdent, il existe de sérieux doutes sur les perspectives d'amendement de l'appelant, qui rendent le pronostic très incertain. Dans ce cas, il est nécessaire que l'intéressé exécute une partie de la peine afin de lever cette incertitude. Le sursis partiel prononcé à l'encontre de l'appelant par le premier juge est dès lors justifié et doit être confirmé.
Le grief soulevé par l'appelant est donc infondé et doit être rejeté.
3.3.3.
Quant au moyen tiré d'une prise en compte inexistante ou insuffisante des circonstances personnelles de l'appelant, ce dernier a produit des pièces qui prouveraient, selon lui, sa réelle volonté de se réinsérer professionnellement. Il s'agit d'une attestation de réussite de formation de cariste du 23 mars 2012 (Bordereau des pièces produites par l'appelant, P. 2), un permis type A1-A2-A3 obtenu par l'appelant (Bordereau des pièces produites par l'appelant, P. 3), une lettre adressée par la société F._ Sàrl confirmant un entretien pour une place de travail le 14 mars 2012 (Bordereau des pièces produites par l'appelant, P. 4), un bulletin d'inscription à un cours de prévention des accidents pour les engins de terrassement M2 et M3 (Bordereau des pièces produites par l'appelant, P. 5) et un contrat de travail de la société F._ Sàrl du 30 mai 2012 indiquant que l'appelant est engagé pour une durée indéterminée dès le 4 juin 2012 (Bordereau des pièces produites par l'appelant, P. 6).
En l'espèce, l'appelant, dont le dernier travail rémunéré remonte à l'année 2001, n'a effectué aucune démarche pour se réinsérer professionnellement de 2008 au début de l'année 2012. Ce n'est qu'avant le début des débats de première instance qu'il s'est mis activement à la recherche d'un emploi et d'une formation de cariste, qu'il a effectuée du 19 au 23 mars 2012. Cette formation qui est simple et courte ne suffit aucunement à renverser le pronostic défavorable établi à l'encontre de l'intéressé.
Concernant le document intitulé par l'appelant "Attestation de formation en vue de l'obtention d'un permis M2 et M3", il s'agit en réalité d'un simple bulletin d'inscription à un cours de prévention des accidents pour les engins de terrassement M2 et M3 de l'école de la construction daté du 9 mars 2012. Il n'atteste donc aucunement du fait qu'il a suivi cette formation. En effet, on ne sait pas si ce bulletin d'inscription a été réellement envoyé à ladite école, si l'intéressé a payé les frais d'inscription à ce cours qui se montent à 300 fr. et si ce cours aura lieu dès lors que la direction de l'école se réserve le droit de ne pas ouvrir un cours qui réunirait un nombre insuffisant d'inscription. Il convient, en outre, de souligner que l'appelant a rempli ce document en date du 9 mars 2012, soit le jour de l'audience des débats de première instance. Il s'agit dès lors clairement d'une pièce confectionnée pour les besoins de la procédure, qui ne prouve pas la réelle intention du prévenu à se réinsérer et qui ne renverse pas le pronostic défavorable établi à son encontre.
Pour ce qui est finalement de son contrat d'engagement daté du 30 mai 2012, il convient de relativiser la portée de ce document. En effet, il s'agit d'un travail limité dans le temps et qui serait effectué en parallèle avec sa formation de machiniste puisque l'intéressé a précisé lui-même que son engagement auprès de F._ Sàrl devrait durer le temps de cette formation. En outre, le contrat de travail a été conclu la veille de l'audience d'appel. Dans ces conditions, la Cour de céans doute du sérieux de ce travail qui apparaît plutôt comme un poste d'opportunité. Ce document ne prouve dès lors pas la réelle volonté de l'appelant de se réinsérer professionnellement et n'est également pas suffisant pour renverser le pronostic défavorable.
Le grief de l'appelant, mal fondé, doit être rejeté.
4.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé dans son entier.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge A.H._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 2'020 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l'indemnité allouée au défenseur d’office de l’appelant (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP, art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). Cette dernière a indiqué qu'il avait consacré 7 heures 48 au dossier, audience non comprise, de sorte qu'il convient de lui allouer une indemnité de 1'944 fr., TVA incluse, correspondant à 10 heures de travail.
L'appelant ne sera tenu de rembourser à l'Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
96b080aa-5082-4ac3-9209-e69a0ffcb7fb | En fait :
A.
Par jugement du 21 avril 2011, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a constaté que N._ s'était rendu coupable de dénonciation calomnieuse (I), dit que la peine correspondante était entièrement absorbée par celle de douze mois de peine privative de liberté avec sursis pendant cinq ans, prononcée le 6 juillet 2009 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal contre N._ (II), mis les frais, par 4'075 fr. 70 à la charge de N._ (III) et dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité de 3'025 fr. 70 due au défenseur d'office de N._, l'avocat David Moinat, sera exigible pour autant que la situation économique de N._ se soit améliorée (IV).
B.
Le 21 avril 2011, N._ a déposé une annonce d'appel. Par déclaration d'appel du 24 mai suivant, il a conclu à sa libération du chef d'accusation de dénonciation calomnieuse.
Par déclaration d'appel joint du 30 mai 2011, le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois a conclu à ce que le prévenu soit condamné pour dénonciation calomnieuse à une peine privative de liberté de trois mois avec sursis pendant trois ans, peine complémentaire à celle prononcée le 6 juillet 2009 par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal.
Une audience s'est tenue le 19 août 2011.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1.
N._, né le 15 avril 1953 à Alger, divorcé, père de quatre enfants est venu en Suisse à la fin de sa formation de physiothérapeute. Il a exercé son activité auprès de différents employeurs, et en dernier lieu au Centre thermal d'Yverdon-les-bains, avant de s'installer, en 1999, comme physiothérapeute indépendant. Il a été interdit de pratique pendant six mois en 2003 à la suite d'une procédure administrative ouverte contre lui en raison d'actes à caractère sexuel commis sur trois patientes au Centre Thermal d'Yverdon-les-bains. La procédure pénale n'a pas abouti pour des raisons juridiques. Le prévenu est sous le coup d'une nouvelle interdiction de pratiquer, effective depuis le mois de mars 2011.
1.2.
Le 7 juin 2005, L._ a dénoncé N._ au médecin cantonal, affirmant que le prévenu lui avait fait subir des attouchements à caractère sexuel lors de deux séances de physiothérapie les 12 et 17 mai 2005. Les faits ont été dénoncés au juge d'instruction cantonal par la médecin cantonal. L._ a déposé plainte lorsqu'elle a été interrogée par la police le 24 juin 2005. Par jugement du 28 janvier 2009, le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois a condamné N._, pour actes d’ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance, à une peine privative de liberté de 12 mois, avec sursis pendant 5 ans. Ce jugement a été confirmé par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal le 6 juillet 2009, puis par le Tribunal fédéral le 18 février 2010.
2.
Le 21 septembre 2005, le prévenu a déposé plainte contre L._, alléguant que cette dernière avait porté à son encontre des accusations manifestement infondées. Le 29 septembre 2005, le Juge d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois a ouvert une enquête contre L._. Entendu le 7 septembre 2010 par le juge d'instruction du Nord Vaudois, le prévenu a confirmé sa plainte du 21 septembre 2005, en déclarant encore une fois que toutes les accusations portées contre lui par L._ étaient mensongères. Par lettre du 7 septembre 2010 rédigée à la suite de son audition, il a retiré sa plainte. Le 15 octobre 2010, le juge d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois a rendu un non-lieu en faveur de la prénommée.
3.1
Interrogé par l'autorité de première instance lors des débats du 21 avril 2011, N._ a confirmé avoir déposé plainte contre L._ le 21 septembre 2005 pour calomnie et dénonciation calomnieuse et l'avoir maintenue le 7 septembre 2010 devant le juge d'instruction du Nord vaudois. S'agissant des raisons de son retrait de plainte intervenu le même 7 septembre 2010 à la suite de son audition, le prévenu, se disant victime d'une erreur judiciaire, a indiqué qu'il persistait à penser qu'L._ l'avait dénoncé à tort, mais qu'il avait renoncé à aller plus loin après l'arrêt du Tribunal fédéral, car il était fatigué et avait épuisé toute voie de droit.
3.2
Se référant aux jugements précités, constatant la culpabilité du prévenu pour actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance, ainsi qu'au non-lieu prononcé en faveur d'L._, le premier juge a reconnu l'intéressé coupable de dénonciation calomnieuse. Considérant le retrait de plainte intervenu, il a relevé que la peine devait être atténuée en application des art. 48a et 318 al. 1 CP, et constaté que la peine -entièrement complémentaire- à infliger au prévenu pour cette nouvelle infraction était entièrement absorbée par celle, privative de liberté de 12 mois avec sursis pendant cinq ans, confirmée le 6 juillet 2009. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP, Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0), l’appel et l’appel joint sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
Le prévenu conteste sa condamnation pour dénonciation calomnieuse.
3.1
L’art. 303 ch. 1 al. 1 CP sanctionne d’une peine privative de liberté ou d’une peine pécuniaire celui qui aura dénoncé à l’autorité, comme auteur d’un crime ou d’un délit, une personne qu’il savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale.
Sur le plan objectif, cette norme suppose qu’une communication imputant faussement à une personne la commission d’un crime ou d’un délit ait été adressée à l’autorité (ATF 75 IV 78; 132 IV 20 c. 4.2, p. 25). Plus précisément, la communication attaquée doit imputer faussement à la personne dénoncée des faits qui, s’ils étaient avérés, seraient constitutifs d’un crime ou d’un délit.
Sur le plan subjectif, l’auteur doit savoir que la personne qu’il dénonce est innocente. Il s’agit d’une connaissance au sens strict. Le dol éventuel ne suffit pas (ATF 136 IV 170, c. 2; ATF 76 IV 244). Comme l'auteur sait que la personne dénoncée est innocente, les preuves libératoires de la vérité ou de la bonne foi n’ont aucun sens et sont dès lors exclues (cf. B. Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., 2010, n, 15 ad art. 174 CP, p. 613). Par ailleurs, l’auteur doit savoir que les faits allégués sont punissables, vouloir et accepter que son comportement provoque contre la personne visée une procédure pénale. Le dol éventuel suffit quant à cette intention de faire ouvrir une poursuite pénale (ATF 85 IV 83; 80 IV 120).
3.2.1
Le 7 juin 2005, L._ a dénoncé le prévenu auprès du médecin cantonal, affirmant que celui-là lui avait fait subir des attouchements à caractère sexuel lors de deux séances de physiothérapie. Cette dénonciation a été transmise au juge d'instruction par le médecin cantonal. L._ a déposé plainte lorsqu’elle a été entendue par la police le 24 juin 2005. L'appelant a été reconnu coupable pour actes d’ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance et condamné à 12 mois de prison avec cinq ans de sursis par jugement du Tribunal correctionnel du 28 janvier 2009, condamnation confirmée par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal le 6 juillet 2009, puis par le Tribunal fédéral le 18 février 2010.
Le 21 septembre 2005, le prévenu a déposé plainte contre L._, alléguant que cette dernière avait porté à son encontre des accusations manifestement infondées et qu’elle s’était ainsi rendue coupable de calomnie et de dénonciation calomnieuse au sens des art. 174 et 303 CP. Suite à cette plainte, le Juge d’instruction du Nord vaudois a ouvert une enquête contre L._, close finalement par un non-lieu du 15 octobre 2010.
Au vu de ce qui précède, le prévenu a dénoncé aux autorités pénales une personne qu’il savait innocente. Il s’est en effet adressé au juge pour faire ouvrir une poursuite pénale contre L._ comme auteur d’infractions pénales bien précises (calomnie et dénonciation calomnieuse). Or, L._ n’a commis aucune des infractions dénoncées, ce qui résulte non seulement du non-lieu dont elle a bénéficié le 15 octobre 2010 mais également de la condamnation du prévenu, dès lors que les faits qu’elle avait initialement révélés ont été sanctionnés par la justice et plus précisément par trois autorités successives. Le prévenu savait qu’L._ était innocente. Il a agi avec conscience et volonté. En déposant plainte, le prévenu savait qu’il faisait ouvrir une procédure pénale contre une personne innocente. Il connaissait les risques liés à la dénonciation qu’il a faite et a agi en toute connaissance de cause. Ainsi, tant les éléments objectifs que subjectifs de l’infraction de dénonciation calomnieuse sont réalisés, de sorte que la condamnation du prévenu ne viole pas le droit fédéral.
3.2.2
Devant la Cour de céans, N._ a invoqué l'ATF 136 IV 170 dont il a tiré l'argument que la fausseté d'une allégation devait être établie par une décision qui la constate. Or une telle décision faisait défaut au moment du dépôt de sa plainte, intervenu en 2005, soit avant que la justice ne tranche définitivement son cas, ce qu'elle a fait en février 2010 seulement. En 2005, il existait donc un doute sur l'innocence d'L._, qui aurait pu avoir menti sur les faits qu'elle avait dénoncés. Au vu de ce doute, l'appelant n'aurait agi que par dol éventuel, ce qui ne suffit pas pour constituer une infraction à l'art. 303 al. 1 CP.
Cet argument ne tient pas. En effet, au vu de la nature des infractions dénoncées par L._, l'appelant savait au moment même du dépôt de sa plainte, en 2005, que cette personne était innocente. Il ne pouvait avoir lui-même un doute à ce sujet et savait pertinemment qu'L._ ne mentait pas. Par ailleurs, l'appelant perd de vue qu'il a confirmé sa plainte devant l'autorité compétente le 7 septembre 2010, soit à une date postérieure au jugement du Tribunal fédéral (du 18 février 2010) le reconnaissant coupable des faits dénoncés par L._. Il a ainsi persisté à dénoncer une innocente au sens de l'art. 303 CP. Peu importe, à cet égard, qu'il ait retiré sa plainte le même jour à la suite de son audition, et qu'L._ n'ait fait l'objet d'un non-lieu que le 15 octobre 2010.
C'est ainsi à bon droit que le jugement entrepris a reconnu l'appelant coupable de dénonciation calomnieuse.
4.
Le ministère public soutient qu’une peine complémentaire aurait dû être prononcée à l’encontre du prévenu.
4.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Les critères, énumérés de manière non exhaustive par cette disposition, correspondent à ceux fixés par l’art. 63 aCP et la jurisprudence élaborée en application de cette disposition (ATF 134 IV 17 c. 2). Cette jurisprudence conserve toute sa valeur, de sorte que l’on peut continuer à s’y référer (voir ATF 129 IV 6 c. 6.1 p. 21; 127 IV 101 c. 2a p. 103; 117 IV 112 c. 1). L’art. 47 CP confère un large pouvoir d’appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s’il sort du cadre légal, s’il se fonde sur des critères étrangers à l’art. 47 CP, s’il omet de prendre en considération des éléments d’appréciation prévus par cette disposition ou, et si la peine qu’il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d’appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 IV 6 c. 6.1 et les références citées).
Selon l’art. 49 al. 2 CP, si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement. Ainsi, le juge appelé à prononcer la nouvelle peine, dite complémentaire, doit procéder en se demandant quelle peine il aurait fixée s’il avait eu à connaître des deux infractions en môme temps et déduire de cette peine hypothétique celle qui a déjà été infligée.
Aux termes de l’art. 308 al. 1 CP, si l’auteur d’un crime ou d’un délit prévu aux art. 303, 304, 306 et 307 a rectifié sa fausse dénonciation ou sa fausse déclaration de son propre mouvement et avant qu’il en soit résulté un préjudice pour les droits d’autrui, le juge pourra atténuer la peine (art. 48a CP); il pourra aussi exempter le délinquant de toute peine.
4.2.1
Le jugement attaqué précise que la peine entièrement complémentaire à prononcer pour la dénonciation calomnieuse jugée dans la présente procédure était entièrement englobée dans celle, privative de liberté de douze mois avec sursis pendant 5 ans pour actes d'ordres sexuels sur une personne incapable de discernement ou de résistance (cf. p. 10). Au regard de la faute commise, des éléments à charge (l'intéressé a agi pour donner crédit à ses protestations d'innocence; jugement p. 7) et à décharge (L._ n'a pas subi de préjudice particulier du fait du dépôt de plainte incriminé; jugement p.10), la peine ainsi fixée ne relève ni d'un abus, ni d'un excès du pouvoir d'appréciation de l'autorité de première instance, qui n'a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l'art. 47 CP.
4.2.2
Devant l'autorité de céans, le Ministère public a soutenu qu'il n'y avait pas lieu d'atténuer la peine sur la base des art. 48a et 308 al. 1 CP, dès lors qu'il n'y avait pas eu de rétractation et que le retrait de plainte intervenu le 7 septembre 2010 avait eu lieu après le 29 septembre 2005, date de l'ouverture de l'enquête pénale à l'encontre d'L._, qui a subi, à ce moment-là et de ce fait, un préjudice.
En l'espèce, on peut laisser ouverte la question de savoir si un simple retrait de plainte constitue un motif d'atténuation de la peine au sens des art 48a et 308 al. 1 CP. En effet, on peut admettre que, même sans cette atténuation et au regard des autres éléments à charge et à décharge tels qu'exposés dans les jugements des 28 janvier 2009 et 21 avril 2011, cela ne procèderait pas d'un abus du pouvoir d'appréciation que de considérer que la peine complémentaire est englobée dans les 12 mois de peine privative de liberté prononcée le 6 juillet 2009.
L'argument est vain et doit être écarté.
5.
En définitive, le jugement attaqué doit être confirmé, ce qui entraîne le rejet de l'appel interjeté par N._ et de l'appel joint du Ministère public, mal fondés.
6.
Vu le sort de la procédure,
les frais d'appel (art. 428 al.1 CPP; art. 20 et 21 TFJP, tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.01) sont mis par moitié à la charge de l'appelant, y compris l'indemnité due à son défenseur d'office (art. 135 al.1 et 3 CPP) calculée selon le tarif prévu par la jurisprudence (ATF 132 I 20; TF du 25 mai 2011 6B_81072010), plus débours et TVA, le solde étant laissé à la charge de l'état. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9721252d-0f9b-4c28-85e6-95bf09310734 | En fait :
A.
Par jugement du 8 février 2010, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré par défaut H._ des chefs d’accusation de violation de domicile, d’infraction à la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers au sens de l’art. 23 al. 1 § 4 aLSEE et de contravention à la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers (I), a constaté par défaut que H._ s’est rendu coupable de lésions corporelles graves, tentative de vol, opposition aux actes de l’autorité, violation grave des règles de la circulation, conduite en état d’ébriété qualifiée, tentative de dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire, circulation sans permis de conduire, contravention à l’ordonnance sur la circulation routière pour défaut du port de la ceinture de sécurité, infraction à la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers au sens de l’art. 23 al. 1 § 4 LSEE et infraction à la loi fédérale sur les étrangers (II), a condamné par défaut H._ à une peine privative de liberté de 3 (trois) ans, sous déduction de 10 (dix) jours de détention avant jugement, et à une amende de 1'000 fr. (mille francs) (III), a dit qu’à défaut du paiement de l’amende la peine privative de liberté de substitution sera de 33 (trente-trois) jours (IV), a donné acte à P._ de ses réserves civiles contre H._ (V), a mis les frais de justice, par 16'128 fr. 20, à la charge de H._, lesquels comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office Me Krystel Paschoud par 650 fr. (VI) et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité allouée au chiffre VI ci-dessus ne sera exigible que pour autant que la situation financière de H._ le permette (VII).
Le prévenu a demandé le relief de ce jugement.
Par jugement du 11 janvier 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a libéré H._ des chefs d’accusation de violation de domicile et vol d’usage (I), a constaté que H._ s’est rendu coupable de lésions corporelles graves, tentative de vol, opposition aux actes de l’autorité, violation simples et graves des règles de la circulation, conduite en état d’ébriété qualifiée, tentative de dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire, circulation sans permis de conduire, contravention à l’ordonnance sur la circulation routière, infraction et contravention à la loi sur le séjour et l’établissement des étrangers et infraction à la loi fédérale sur les étrangers (II), a condamné H._ à une peine privative de liberté de 34 (trente-quatre) mois, sous déduction de 241 jours de détention avant jugement, à 40 (quarante) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr. (dix francs) et à 1'000 fr. (mille francs) d’amende (III), a suspendu l’exécution d’une partie de la peine privative de liberté portant sur 17 (dix-sept) mois et d’une partie de la peine pécuniaire portant sur 20 (vingt) jours-amende et fixé au condamné un délai d’épreuve de 2 (deux) ans concernant le solde des peines privative de liberté et pécuniaire (IV), a dit qu’en cas de non paiement fautif de l’amende, la peine privative de liberté de substitution sera de 100 (cent) jours (V), a ordonné autant que de besoin le maintien en détention de H._ (VI), a renvoyé P._ à agir par la voie civile pour toutes les conclusions civiles prises à l’encontre de H._ (VII), a alloué à P._ la somme de 4'320 fr. (quatre mille trois-cent vingt francs) à titre de dépens pénaux et dit que H._ en est le débiteur, sous déduction de l’indemnité de conseil d’office versée à Mes Guyaz et Paschoud par l’Etat (VIII), a arrêté à 2'347 fr. 95 l’indemnité due aux conseils d’office de P._, soit Me Alexandre Guyaz et Me Laurence Paschoud, et à 3'887 fr. 55 l’indemnité due à Me Anissa Hallenbarter (IX), a mis les frais de la cause par 26'073 fr. 70 à la charge de H._ (X) et a dit que le montant des indemnités d’office arrêtées sous chiffre IX ci-dessus ne sera exigé au remboursement que pour autant que la situation financière du condamné le permette (XI).
B.
Le 18 janvier 2013, H._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d‘appel motivée du 19 mars 2013, il a conclu, avec suite de frais et dépens, à la réforme du chiffre II du dispositif en ce sens qu’il est constaté qu’il s’est rendu coupable de lésions corporelles simples et graves par négligence, opposition aux actes de l’autorité, violation simple et grave des règles de la circulation, conduite en état d’ébriété qualifiée, tentative de dérobade aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire, circulation sans permis de conduire, contravention à l’ordonnance sur la circulation routière, infraction et contravention à la loi sur le séjour et l’établissement des étrangers et infraction à la loi fédérale sur les étrangers (I), à la réforme du chiffre III du dispositif du jugement en ce sens qu’il est condamné à une peine privative de liberté de vingt-quatre mois, sous déduction de la détention avant jugement effectuée, à quarante jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr. et à 1'000 fr. d’amende (II) et à la réforme du chiffre IV du dispositif du jugement en ce sens que l’exécution de l’entier de la peine privative de liberté et de la peine pécuniaire est suspendue et que le délai d’épreuve est fixé à deux ans (III).
Par courrier du 28 mars 2013, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne s'en est remis à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et a renoncé à déposer un appel joint.
Par courrier du 9 avril 2013, P._ a renoncé à présenter une demande de non-entrée en matière ou à déclarer un appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
H._ est né le 6 mai 1978 à [...] au Kosovo, pays dont il est ressortissant. Aîné d’une famille de sept enfants, il dit avoir été élevé par ses parents et avoir travaillé dans l'agriculture au terme de sa scolarité à l’âge de quinze ans. Arrivé en Suisse dans le courant de l'année 2003, il n'a jamais demandé l'asile ni cherché à régulariser sa situation du point de vue de la police des étrangers. En revanche, il a constamment eu un emploi lui permettant de gagner sa vie et de subvenir en grande partie aux besoins de sa famille restée au Kosovo. Durant deux ans environ, H._ a été employé dans un ranch à [...]. Dès février 2006, il a été engagé au sein de l’entreprise [...], à [...], emploi qu’il a conservé jusqu’en janvier 2008. A la suite des faits qui seront examinés ci-dessous, H._ a perdu son emploi chez [...]. Par la suite, il a occupé divers emplois en Valais, dans la région de [...]. Il est reparti au Kosovo, dans des circonstances peu précises, au printemps 2009. Par l'intermédiaire d'une amie, il a appris que l'audience de jugement le concernant était appointée au 8 février 2010. H._ n'a pas pris contact avec son conseil d'office de l'époque et n'a, notamment, pas requis la délivrance d'un sauf-conduit pour entrer en Suisse. Il s'est présenté à la douane en provenance de Belgique, via la France, et les autorités douanières ne l'ont pas laissé entrer en Suisse. Il semble que le prévenu a été remis aux autorités françaises qui l’ont détenu, pour des raisons administratives, dans un camp près de [...], avant de le renvoyer dans son pays d'origine. Signalé à InterPol, H._ a été interpellé le 26 mai 2012 alors qu'il était en voyage en Croatie. Il a été extradé vers la Suisse le 28 novembre 2012. Avant son interpellation, il vivait dans son pays d'origine dans la maison propriété de sa mère. Il travaillait comme chauffeur-livreur, ayant passé son permis depuis son retour au Kosovo. Ses revenus (300 euros par mois) lui permettaient de subvenir aux besoins de sa famille, en particulier de sa mère et de son épouse. Cette dernière a donné naissance à une fille le 5 janvier 2013.
Le casier judiciaire suisse de H._ est vierge. Aucun extrait du fichier ADMAS ne figure au dossier.
Pour les besoins de l'enquête, H._ a été détenu préventivement du 19 au 28 octobre 2008, puis du 26 mai 2012 au 28 novembre 2012. Il est en exécution anticipée de peine depuis le 29 novembre 2012.
2.1
a)
Au soir du 5 janvier 2008, H._ s'est rendu au bar « [...]» à [...], avec des collègues de travail et son frère. Sur place, il a notamment échangé quelques mots avec W._, laquelle s'était rendue à cet endroit en compagnie de P._ et de l’amie de ce dernier G._. Les versions des faits divergent sur la question de savoir si H._ a fait des avances à W._ ou si c'est au contraire cette dernière qui a approché le prévenu. A un moment donné, peu avant 2h00 le 6 janvier 2008 alors que le bar allait bientôt fermer, W._ s'est plainte à ses amis des propos tenus à son égard par H._. P._ a pris sur lui d'aller parler à H._ pour lui demander de laisser W._ tranquille. Il a à peine eu le temps de s'approcher de H._ que ce dernier s'est immédiatement montré agressif et lui a asséné un violent coup de poing. P._ a perdu l'équilibre et heurté le bord du bar avec la tête avant de tomber violemment au sol, inconscient. Alors que P._ gisait au sol, inconscient et saignant abondamment de la tête, H._ a pris la fuite. Il a été interpellé le lendemain sur son lieu de travail. Au sujet de son départ précipité, le prévenu a expliqué durant les débats qu'il s'était senti mal à la vue du sang et de la victime au sol. Il est sorti du bar sans réfléchir, craignant l'arrivée de la police et des secours alors qu'il était en situation irrégulière. En revanche, H._ a répété qu'il était inquiet pour la victime et qu'il avait cherché à prendre de ses nouvelles à plusieurs reprises par la suite, notamment en se rendant au CHUV pour l'y rencontrer, ce qui n'avait toutefois pas été possible, P._ ayant été transféré dans un autre établissement hospitalier.
b)
P._ a souffert d'une contusion hémorragique temporo-pariétale, d'un hématome sous-dural minime temporo-polaire et d'une fracture transverse du rocher. Il a été hospitalisé d'abord au CHUV, dans le service de neurochirurgie, du 6 au 12 janvier 2008. Il a ensuite été transféré à la Clinique de réadaptation [...], du 12 janvier 2008 au 29 février 2008. Le 25 juillet 2008, le Dr R._ a établi un certificat médical dans lequel il déclare qu’au niveau cranio-cérébral, P._ a subi une contusion fronto-temporale polaire bilatérale hémorragique, associée à un hématome sous-dural aigu temporal droit et une fracture transverse du rocher à gauche. P._ a souffert d’une atteinte sévère de ses fonctions neuro-psychologiques incluant des troubles du langage, du calcul et de la mémoire antérograde et rétrograde, ainsi qu’un dysfonctionnement exécutif et du jugement. La lésion traumatique, en particulier l’hématome sous-dural aigu, aurait pu mettre la vie de P._ en danger, ce qui n’a pas été le cas car cette lésion est restée spontanément limitée. Le 30 juillet 2009, le Service médical régional AI a fait évaluer la victime par le Dr Q._. Il est précisé dans le rapport de ce dernier que les diagnostics ont été complétés par des cervicalgies hautes persistantes et des troubles dégénératifs cervicaux et dorsaux. A cette date-là, P._ souffrait encore d’un déficit neuro-psychologique, notamment de troubles de la mémoire.
Aux débats de première instance, P._ a expliqué que les séquelles de cet épisode étaient encore lourdes pour lui. En effet, s'agissant de l'ouïe, une atteinte à 60% a été diagnostiquée du côté droit et à 30% du côté gauche. Le port d'appareils spécifiques était indispensable. La victime souffre également de troubles de l'équilibre. Il ne peut notamment plus du tout courir car son cerveau ne supporte plus les secousses. Des troubles importants de la mémoire sont également présents. P._ a souffert d'une amnésie sur une période d'environ une année qui débute un mois avant les faits. Depuis ceux-ci, P._ a été en incapacité totale de travail durant deux ans et a perçu des prestations de la SUVA. Par la suite, il a assumé des missions temporaires et retrouvé un travail comme dessinateur en sanitaire courant 2012, mais il a reçu son congé pour fin février 2013, ses troubles de mémoire étant la principale cause de ce licenciement. P._ doit en effet constamment demander des indications à ses collègues, car il ne se souvient pas des instructions données, et cela est gênant pour la bonne marche du travail. Sur le plan privé, P._ a mis un terme à la relation qu'il entretenait avec G._, ne voulant pas imposer à celle-ci sa longue convalescence et l'incertitude qui y était liée. Il vit seul depuis lors.
Sa situation fait actuellement l’objet de procédures auprès de la SUVA et de l’AI.
c)
P._ a déposé plainte et s'est constitué partie civile le 22 février 2008. Aux débats de première instance, il a maintenu sa plainte et pris des conclusions civiles tendant au paiement de 8'875 fr., valeur échue (représentant les intérêts sur un montant perçu de la SUVA), de 11'000 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 6 janvier 2008 à titre de tort moral et de 3'880 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 10 janvier 2013 à titre d'indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure. Il a en outre demandé qu'il lui soit donné acte de ses réserves concernant d'autres conclusions civiles à faire valoir contre H._.
Le 6 janvier 2008, W._ a également déposé plainte contre H._ et l’a retirée par la suite.
d)
Interpellé par la Cour à l’audience d’appel, H._ a indiqué qu’il était droitier.
2.2
Le 26 juillet 2008, alors qu'il n'était titulaire d'aucun permis de conduire, H._ s'est rendu en scooter au restaurant « [...]», à [...]. Il n'est pas entré dans l'établissement public mais a pénétré dans la partie habitation située à l'arrière du bâtiment. Il s'est retrouvé nez à nez avec un des employés de l'établissement qui logeait à cet endroit. Il a pris la fuite sans n’avoir rien emporté. Durant l'enquête, le prévenu avait admis avoir eu l'intention de commettre un vol. Aux débats de première instance, il est revenu sur ses déclarations et a expliqué qu'il était allé travailler dans le jardin d'un particulier et qu'il était sur le chemin du retour au moment où un orage avait éclaté. Il se serait arrêté près du [...] pour se mettre à l'abri mais n'aurait pas osé entrer dans le restaurant car il était trempé et sali par la boue. Il aurait cherché refuge dans la partie logement, dont la porte d'entrée était ouverte.
Le Restaurant « [...]», par Z._, a déposé plainte le jour-même et s'est constitué partie civile. La plainte a été retirée le 11 novembre 2009.
Le 30 juillet 2008, K._ a déposé plainte pour le vol de son scooter. La plainte a été retirée le 19 février 2009.
2.3
Le 14 septembre 2008, vers 04h15, alors qu'il circulait au volant d'un véhicule automobile, H._ a fait demi-tour en voyant arriver une patrouille de police. Il a circulé à une vitesse avoisinant les 50 km/h dans une zone limitée à 30 km/heure. Il ne s’est pas arrêté malgré l’injonction des agents. Une fois arrêté, il a encore tenté en vain de se soustraire à tout contrôle en enclenchant la marche arrière. La police a constaté que H._ n'était titulaire d'aucun permis de conduire et qu’il conduisait le véhicule que V._ lui avait prêté. Le contrôle à l’éthylomètre a révélé une alcoolémie de 0.38 g ‰.
Ces faits ne sont pas contestés.
2.4
Dans la nuit du 18 au 19 octobre 2008, au bar « [...]» à [...],H._ a derechef emprunté la voiture de V._ à la fin de son travail pour se rendre en région lausannoise. H._ n'avait pas informé V._ de ce déplacement intercantonal.
V._ a déposé plainte contre H._. Il a retiré cette plainte aux débats de première instance et a renoncé à toute prétention civile à l'encontre du prévenu.
2.5
Le 19 octobre 2008 vers 04h20, H._ a été pris en chasse par une patrouille de police alors qu'il quittait, à vive allure, au volant du véhicule précité, la zone industrielle « [...]» au [...]. Le prévenu a roulé à une vitesse de 150 km/h dans une zone limitée à 80 km/heure. Faisant fi des avertissements des agents, le prévenu a poursuivi sa route à une vitesse de 150 km/h et a perdu la maîtrise de son véhicule. H._, blessé à la tête et inconscient, a dû être transporté au CHUV, souffrant d'une côte fracturée, d'une petite lésion au foie ainsi que de plaies au visage. Lors des faits précités, H._ ne faisait pas usage de la ceinture de sécurité et conduisait en étant sous l'influence de l'alcool (taux d'au moins 0,86 g ‰ au moment critique).
Ces faits ne sont pas contestés.
2.6
Du courant de l'année 2003 au 13 février 2009 (date de sa dernière audition), H._ a séjourné illégalement en Suisse. De janvier à juillet 2007, il a résidé en France. Par la suite, en février 2008, il est rentré au Kosovo environ un mois, avant de revenir en Suisse dès mars 2008. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (al. 1). La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (al. 3).
Interjeté dans les forme et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de H._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L’appelant considère que l’état de fait retenu par les premiers juges en lien avec le cas n°1 de l’ordonnance de renvoi est inexact tant s’agissant du nombre de coups portés à P._ que du motif ayant déclenché l’altercation et des conséquences des lésions subies par la victime. Il soutient que les premiers juges auraient dû retenir sa version du coup de poing unique.
3.1
Il y a constatation incomplète des faits au sens de l’art. 398 al. 3 let. b CPP lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n’ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
3.2
Les premiers juges ont retenu que l’appelant avait donné un violent coup de poing à P._ qui avait perdu l’équilibre, heurté de la tête le bord du bar avant de tomber violemment au sol, inconscient. Selon eux, il ne faisait aucun doute que ce violent coup de poing, dont H._ était l’auteur, ce qu’il admettait, avait provoqué la chute de la victime (jgt., p. 27). Cette causalité étant dûment établie, les premiers juges ont mentionné les dépositions de certains témoins parlant de deux, voire de trois, coups de poing, mais sans explorer plus avant cette question de fait.
Le Tribunal correctionnel ayant précisément retenu la version du coup de poing unique (cf. jgt., pp. 27, 30 et 35), le grief apparaît dès lors dépourvu de toute pertinence et ne peut qu’être rejeté.
3.3
L’appelant reproche ensuite aux premiers juges de n’avoir pas retenu que W._ avait faussement prétendu qu’il l’avait insultée et frappée et de n’avoir pas repris sa version des faits selon laquelle, P._ l’aurait injurié sans raison, se serait approché de lui de manière menaçante et l’aurait bousculé.
La scène telle que décrite dans le jugement de première instance (jgt., p. 27) repose sur les déclarations de plusieurs témoins fiables ou non impliqués dans l’affrontement et dont les versions se recoupent. Ainsi, W._ s’est plainte d’avoir été injuriée et frappée par l’appelant (PV aud. 2 et 8). Ce coup a ultérieurement fait l’objet d’un constat médical (P. 8). Sur place, elle en avait parlé à P._, ainsi qu’à l’amie de celui-ci, G._, qui a confirmé ces déclarations (PV aud. 4 pp. 2 et 9). P._ est alors intervenu auprès de l’appelant qui a immédiatement réagi en le frappant. Selon un autre témoin, P._ n’avait pas la réputation de chercher des histoires (PV aud. 3 p. 2).
On constate que le prétendu comportement provoquant de la victime ne repose sur aucune preuve et que l’appelant se borne à renvoyer à ses propres déclarations ou en partie à celles de son frère qui, l’ayant aidé à prendre la fuite et lui étant acquis par loyauté familiale, sont sans force probante.
Par conséquent, en l’absence de preuve accréditant la version de l’appelant, alors que les faits retenus sont établis, le grief s’avère inopérant.
3.4
L’appelant s’en prend aux constatations des premiers juges, reprenant les déclarations de la victime selon lesquelles elle souffrirait de perte de l’équilibre, qu’elle aurait été en incapacité de travail durant deux ans et qu’elle serait en proie à des pertes de mémoire ayant entraîné la perte de son dernier emploi.
Préliminairement, il sied de relever que le recourant admet expressément que les lésions subies par P._ sont graves (déclaration d’appel, p. 7).
Cela étant, le jugement présente d’abord le tableau lésionnel tel qu’il résulte des documents médicaux versés au dossier, puis reproduit les explications complémentaires fournies par la victime aux débats (jgt., pp. 28 s.). Or, rien ne permet de mettre en doute la sincérité de la victime qui n’a pas exagéré ses maux, mais qui, au contraire, s’efforce de lutter et de surmonter autant qu’elle le peut les handicaps neurologiques et les difficultés auxquels elle est confrontée. Ainsi, si un témoin l’a vu faire du roller sans pouvoir situer cette scène dans le temps (jgt., p. 13), il ressort notamment de l’examen neurologique pratiqué le 17 octobre 2011 (P. 42/1) que la victime a repris des activités sportives, notamment le roller, qui semble avoir considérablement amélioré son équilibre, qu’actuellement elle se déplace en toute sécurité, ne ressentant que très rarement une sensation d’instabilité et qu’elle n’a plus été prise de vertiges rotatoires. Ces indications momentanées dans une évolution médicale au long cours ne contredisent pas la déclaration faite par la victime, à l’audience du 10 janvier 2013, qu’elle a des séquelles touchant l’équilibre et qu’elle ne peut plus courir en raison des chocs au cerveau que la course implique.
De même, l’appelant semble confondre incapacité de travail avec mesures de réinsertion AI. En effet, il n’y a aucune contradiction à reproduire le propos de la victime déclarant avoir été en incapacité de travail durant deux ans en raison des lésions subies (jgt., pp. 19 et 29) et l’avis médical du 30 juillet 2009 (P. 15 produite par l’appelant) qui confirme une pleine incapacité de travail après un essai de mesures de réinsertion professionnelle. Au demeurant, ce n’est que depuis le 1
er
mars 2011, après une longue période de réinsertion professionnelle, que la victime a pu retrouver un emploi adapté dans une entreprise à [...] (P. 42/1).
Enfin, la victime est parfaitement crédible lorsqu’elle indique avoir perdu son emploi chez [...] en raison de ses problèmes de mémoire (jgt., pp. 19 et 29), ceux-ci étant établis médicalement et la victime s’étant longtemps efforcée d’y parer en notant l’intégralité des indications et instructions reçues (P. 42/1).
Partant, ce moyen doit également être rejeté.
3.5
L’appelant indique que les premiers juges ont omis de mentionner qu’il aurait bu quatre litres de bière durant la soirée. Cet élément aurait son importance pour apprécier sa motivation et son état au moment des faits.
L’état d’ébriété de H._ la nuit du 5 au 6 janvier 2008 doit être reconnu. Il ressort non seulement des déclarations de celui-ci (PV aud. 5 p. 2), mais aussi des dépositions de camarades de travail attablés en sa compagnie (PV aud. 3 p. 2 et PV aud. 10 p. 2).
Bien que le Tribunal correctionnel n’ait pas expressément mentionné la quantité d’alcool consommée par l’appelant, elle ne lui a pour autant pas échappé puisqu’il a évoqué une augmentation de la consommation d’alcool de H._ depuis cette soirée (jgt., p. 34).
Dans le cas d’espèce, H._ a consommé quatre litres de bière durant six heures (de 20 heures à deux heures du matin [cf. PV aud. 5 p. 2]), ce qui a entraîné une alcoolémie d’environ 1,2 g ‰, dans la mesure où 3 dl de bière équivaut à 0.15 g ‰ et qu’il y a une élimination de 0,2 gramme par heure après les deux premières heures.
Ce grief doit par conséquent être admis en ce sens que l’appelant présentait une alcoolémie de l’ordre de 1,2 g ‰.
4.
H._ conteste, s’agissant du cas n°1 de l’acte de renvoi du Ministère public, avoir voulu causer des lésions graves par dol éventuel et demande à être condamné, d’une part, pour lésions corporelles simples selon l’intention qui l’animait en frappant du poing et, d’autre part, pour lésions corporelles graves par négligence pour avoir négligé de prévoir que son coup provoquerait la chute de la victime et qu’il entraînerait des lésions neurologiques graves.
4.1
Selon l’art. 122 CP, se rend coupable de lésions corporelles graves, celui qui, intentionnellement, aura blessé une personne de façon à mettre sa vie en danger, aura mutilé le corps d’une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou causé à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou aura défiguré une personne d’une façon grave et permanente, ainsi que celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l’intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale.
Aux termes de l'art. 123 CP, se rend coupable de lésions corporelles simples, celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé (ch. 1).
4.2
Selon l’ATF 134 IV 26 (JdT 2009 IV 43 c. 4), lors d’un match de hockey celui qui, chargeant violemment le dos d’un autre joueur, le projette en avant de manière à ce qu’il heurte la glace de la tête et se blesse ainsi grièvement, veut causer une lésion corporelle simple ou qui l’accepte, mais qui inflige sans le vouloir une atteinte grave, réalise les infractions de lésions corporelles simples intentionnelles et de lésions corporelles graves par négligence en concours idéal parfait.
Pour établir l’intention, en l’absence d’aveux, le juge se basera sur des indices extérieurs et sur les règles de l’expérience qui lui permettront de tirer des conclusions sur le contenu de la pensée de l’auteur à partir des circonstances extérieures. Parmi les éléments extérieurs permettant de décider si l’auteur a agi en s’accommodant du résultat dommageable figurent également la probabilité de la réalisation du risque et la gravité de la violation du devoir de prudence. Plus elles seront élevées et plus sera fondée la conclusion selon laquelle l’auteur s’était accommodé du résultat dommageable (ATF 134 IV 26, JdT 2009 IV 43 c. 3.2.2).
La distinction entre la négligence consciente et le dol éventuel réside en ce que, dans le second cas, l’intention de l’auteur équivaut à prendre parti contre le bien juridiquement protégé en s’accommodant du résultat comme d’une conséquence accessoire inévitable (Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 18 ad art. 12 CP). En matière de réalisation de lésions corporelles graves par dol éventuel, il suffit que l’auteur ait consenti à ce que se produise n’importe quelle forme de lésion que l’acte était propre à causer (BJP 2006 n. 20).
4.3
Les premiers juges ont qualifié de lésions corporelles graves au sens de l’art. 122 al. 3 CP le coup porté par l’appelant à P._ et les atteintes à son intégrité corporelle qui en ont résulté. Quant à l’élément subjectif, ils ont retenu un dol éventuel (art. 12 al. 2 in fine CP), au vu de sa conscience des risques, acceptés, de lésions graves encourues en cas de chute provoquée par un heurt vigoureux sur le mobilier et les objets garnissant l’établissement public (jgt., p. 30).
4.4
En l’espèce, lors des événements de la nuit du 5 au 6 janvier 2008, H._ était âgé de 29 ans révolus, alors que P._, né le 7 décembre 1955, était âgé de 53 ans révolus, soit 24 ans de plus que son agresseur. L’appelant, qui travaillait alors comme ouvrier, a été décrit comme athlétique par certains témoins (PV aud. 2 p. 2 et PV aud. 4 p. 2). De plus, il a déclaré avoir travaillé dans la sécurité, avoir aussi reçu plusieurs coups de poing et n’avoir jamais eu de problème, aucune plainte n’ayant été déposée à son encontre auparavant (jgt., p. 9). De telles déclarations laissent à penser qu’il est arrivé à H._ d’assener des coups dans cette activité.
Au moment de frapper, H._ était désinhibé par sa consommation d’alcool, agressif – il avait frappé une femme peu avant –, et en proie à la colère ou à la rage au point de donner un coup de poing immédiatement à la première interpellation verbale, sans que le ton ne soit monté, sans autres préliminaires et donc sans réel motif.
Le coup de poing qu’il a donné a été décrit comme «vraiment très appuyé» (PV aud. 7 p. 2). Ce coup du poing droit a été porté à la tête. Les médecins du CHUV ont diagnostiqué une fracture à l’endroit du choc dans la région du rocher à gauche (P. 51). Le rocher se définit comme la partie massive du temporal, en forme de pyramide quadrangulaire, abritant l’oreille interne. Un autre témoin a évoqué un coup porté au niveau de l’arrière du crâne et la victime tombant lourdement de côté sous la violence de l’impact, avant de heurter le carrelage de la tête (PV aud. 1). La victime, vraisemblablement déjà privée de connaissance lors de sa chute, n’a en effet pas tenté d’amortir son contact au sol avec les mains ou d’éviter que sa tête ne cogne le sol.
Force est d’en conclure que l’appelant a pris parti contre l’intégrité physique d’un homme nettement plus âgé que lui, vulnérable, en le frappant par surprise à la tempe gauche avec une force et une violence telles que ce coup lui a fracturé un os du crâne et lui a causé de graves lésions neurologiques. Un homme qui a l’expérience d’un agent de sécurité comme l’appelant sait pertinemment que des coups puissants portés à certains endroits du corps, notamment comme les tempes, la gorge, la nuque, le cœur ou le plexus, sont susceptibles de blesser sérieusement et même de tuer. Il ne pouvait également ignorer que des projections ou chutes sur des surfaces dures ou saillantes sont assimilables à des coups portés avec des objets contondants pouvant eux aussi blesser gravement ou tuer, notamment en cas de chocs à la tête.
Le comportement de l’appelant qui a choisi de terrasser son interlocuteur d’un coup sur le côté de la tête, au lieu d’opter pour une violence moins extrême et moins dangereuse ou pour une simple discussion, démontre son indifférence et donc son acceptation d’un résultat lésionnel grave le cas échéant. Des lésions corporelles simples intentionnelles en concours idéal avec des lésions corporelles graves par négligence ne peuvent ainsi pas être retenues.
Compte tenu de ce qui précède, la condamnation de H._ pour lésions corporelles graves s'agissant des faits survenus la nuit du 5 au 6 janvier 2008 doit être confirmée.
5.
S’agissant du cas n°2 de l’acte de renvoi du Ministère public, l’appelant conteste avoir eu l’intention de commettre un vol lorsqu’il a été surpris le 26 juillet 2008 dans la partie habitation du restaurant « [...]» à [...]. Il affirme s’être d’abord abrité de la pluie à l’extérieur du bâtiment, puis être entré dans le couloir de la partie locative du restaurant afin de s’expliquer avec l’employé du restaurant qui l’avait surpris. Il n’était pas en possession d’un pied de biche, mais d’un piquet de jardin.
La version des faits de l’appelant n’est pas crédible. Comme l’a retenu à juste titre le Tribunal correctionnel, H._ connaissait les lieux. Ainsi, il n’est pas convaincant lorsqu’il indique avoir été gêné d’entrer dans le restaurant où il n’avait pas besoin d’être particulièrement bien habillé pour être accueilli comme client. De plus, il n’a pas tenté de s’expliquer lorsque l’employé l’a surpris dans la partie habitation du restaurant, mais a directement pris la fuite non sans l’avoir menacé avec un pied de biche et bousculé. Les explications relatives au pied de biche – décrit par l’appelant comme un piquet de jardin – qu’il aurait pris avec lui de peur de se le faire voler sont rocambolesques. Enfin, l’appelant a avoué son intention de commettre un vol au cours de l’enquête (cf. dossiers joints D, PV aud. 3 p. 3), avant de revenir sur ses déclarations lors de l’audience du 11 janvier 2013.
L’intention délictueuse de H._ est manifeste. La condamnation pour tentative de vol doit donc être confirmée.
6.
H._ conteste la quotité de la peine privative de liberté infligée par les premiers juges et requiert une peine privative de liberté de vingt-quatre mois.
6.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (TF 6B_85/2013 précité c. 3.1, ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1 et les références citées).
6.2
En l’espèce, la culpabilité de H._ est lourde. A charge, il convient de retenir la gravité des actes commis par l’appelant, notamment lors des faits survenus la nuit du 5 au 6 janvier 2008. La violence imbécile et gratuite de l’appelant lors de cet événement a eu des conséquences extrêmement lourdes et destructives, la victime en souffrira jusqu’au terme de son existence. H._ a en outre agi avec lâcheté en abandonnant sa victime après lui avoir asséné un coup de poing qui l’a projetée au sol et fait perdre connaissance. Il a ensuite récidivé au volant en refusant d’obtempérer aux injonctions de la police et en mettant potentiellement en danger les autres usagers. Il convient enfin de tenir compte du concours d’infractions.
A décharge, seront pris en considération les aveux de l’appelant, hormis sur la tentative de vol, ses regrets, dénotant une certaine prise de conscience de la gravité de ses actes, et l’absence d’antécédents.
6.3
Il convient encore d’examiner si la consommation d’alcool par l’appelant la nuit du 5 au 6 janvier 2008 peut conduire à une diminution de sa responsabilité pénale.
En matière d'absorption d'alcool, l'abrutissement passager ou la désinhibition provoquée par l'alcool ne suffit pas à admettre une diminution de responsabilité (Favre/Pellet/Stoudmann, Code pénal annoté, 3
e
éd., Lausanne 2007/2011, n. 2.4 ad art. 19 CP). La présomption réfragable d'une alcoolémie générant une diminution de responsabilité existe selon la jurisprudence à partir d'un taux de deux grammes pour mille (ATF 122 IV 49, JT 1998 IV 10; ATF 119 IV 120; Roth/Moreillon [éd.], Commentaire romand, Bâle 2009, n. 27 ad art. 19 CP), non atteint en l’espèce.
Même si la consommation d’alcool par l’appelant a pu favoriser le passage à l’acte, on se trouve en tout cas avec certitude en deçà du seuil jurisprudentiel et aucune diminution de responsabilité ne peut donc être retenue en sa faveur. H._ a au demeurant conservé une lucidité certaine en s’enfuyant, puis en communiquant avec la police dans les heures suivantes.
6.4
Au regard des infractions commises par H._, de sa culpabilité et de sa situation personnelle, la peine privative de liberté de 34 mois fixée par les premiers juges s’avère adéquate et doit être confirmée.
7.
L’appelant estime que la peine infligée doit être assortie d’un sursis complet en lieu et place du sursis partiel qui a été prononcé.
7.1
D'après l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Il découle de l’art. 42 al. 2 CP que le sursis total est exclu sauf circonstances particulièrement favorables si, durant les cinq ans qui ont précédé l’infraction, l’auteur a été condamné, notamment, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins. Aux termes de l'art. 43 al. 1 CP, le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable et hautement incertain (TF 6B_88/2011 du 18 avril 2011 c. 2.1 et les références citées). En d'autres termes, la loi présume l'existence d'un pronostic favorable et cette présomption doit être renversée par le juge pour exclure le sursis. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste (ATF 135 IV 180 c. 2.1; 135 IV 152 c. 3.2.1 non publié; Kuhn, Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, n. 17 ad art. 42). Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents.
7.2
En l’occurrence, au vu de la quotité de la peine retenue (cf. consid. 6.3), seul le sursis partiel est envisageable.
La Cour de céans constate, à l’instar du Tribunal correctionnel, que l’évolution de H._ est favorable. En effet, avant son interpellation en Croatie, l’appelant avait une vie stable au Kosovo. Il s’est marié et travaillait comme chauffeur-livreur, subvenant aux besoins de sa mère et de son épouse. Il est également devenu père le 4 janvier 2013. Il semble décidé à faire face à ses responsabilités et à retourner dès que possible au Kosovo pour prendre soin des siens. La Cour de céans estime que l'exécution d'une partie de la peine privative de liberté a constitué un choc pour l'appelant et aura pour effet de le détourner de la commission d'autres infractions.
Le sursis partiel prononcé par les premiers juges est dès lors justifié et doit être confirmé.
8.
En définitive, l'appel formé par H._ est rejeté et le jugement rendu le 11 janvier 2013 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne est confirmé. Par ailleurs, le chiffre XI du dispositif doit être rectifié d’office et indiquer que le remboursement des dépens pénaux alloués à P._, fixés sous chiffre VIII, ne sera exigé que pour autant que la situation financière du condamné le permette.
9.
Il convient encore de relever que la détention subie depuis le jugement de première instance sera déduite. Le maintien en détention de H._ à titre de sûreté sera ordonné au regard du risque de fuite avéré compte tenu de la situation personnelle de l’appelant.
10.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de H._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 3’120 fr.
(art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office ainsi que l'indemnité allouée au conseil d'office de P._.
Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, il convient d'allouer au défenseur d’office de H._ une indemnité arrêtée à 2’041 fr. 20, TVA et débours inclus.
L'indemnité pour la procédure d'appel allouée au conseil d'office de P._ sera fixée à 1'023 fr. 85, TVA et débours inclus.
H._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités en faveur de son défenseur d’office et du conseil d’office de l’intimé que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
974c9e9e-fb6f-40c7-bb47-b0aeba20f341 | En fait :
A.
Par jugement du 13 juin 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a notamment constaté que A.N._ s'est rendu coupable de violation grave des règles de la circulation (V), l'a condamné à une peine pécuniaire de huitante jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 40 fr., et à une amende de 640 fr. (VI), a suspendu l'exécution de la peine de jours-amende et fixé à A.N._ un délai d'épreuve de deux ans (VII), a dit qu'à défaut de paiement de l'amende de 640 fr., la peine privative de liberté de substitution sera de seize jours (VIII), a rejeté les prétentions en indemnité au sens de l'art. 429 CPP de A.N._ et Q._ (XVI) et a mis les frais par 1'462 fr. 50 à la charge d'T._, 1'462 fr. 50 à la charge de A.N._, 1'462 fr. 50 à la charge de Q._ et 1'462 fr. 50 à la charge d'U._ (XVII).
B.
Le 20 juin 2012, A.N._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 17 juillet 2012, il a conclu, sous suite de frais et dépens, à la modification des chiffres V, VI, VII, VIII, XVI et XVII de son dispositif. Il a requis l'audition de deux témoins et la production par la gendarmerie vaudoise de la Blécherette du procès-verbal des opérations du samedi 26 décembre 2009 vers 23h15 au dimanche matin 27 décembre 2009.
Par courrier du 20 août 2012, le Procureur de l'arrondissement du Nord vaudois a déclaré ne pas présenter de demande de non-entrée en matière, s'en remettre à justice sur cette question et ne pas déposer d'appel joint.
Le 4 octobre 2012, la présidente de la Cour d'appel pénale a informé l'appelant qu'elle rejetait ses réquisitions de preuves aux motifs qu'elles ne répondaient pas aux conditions de l'art. 389 CPP et qu'elles n'apparaissaient au surplus pas pertinentes.
Par courrier du 9 octobre 2012, le Procureur de l'arrondissement du Nord vaudois a annoncé qu'il ne sera pas représenté aux débats fixés au 8 novembre 2012 et qu'il concluait au rejet de l'appel ainsi qu'au maintien du dispositif du jugement querellé.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.N._ est né le 13 avril 1984 à Neuchâtel. Aîné d'une famille de deux enfants, il a été élevé par ses parents dans sa ville natale, où il a suivi sa scolarité obligatoire. A l'issue de celle-ci, il a acquis une formation d'électronicien au Centre professionnel du littoral neuchâtelois. Depuis septembre 2011, il travaille chez Y._ SA à Corcelles-Cormondrèche. Il gagne 4'100 fr. par mois, net, sans treizième salaire. Le 1
er
juillet 2012, il a emménagé avec son amie dans un appartement à Cornaux, dont le loyer s'élève à 1'550 fr. par mois. Il vit avec les trois enfants de sa compagne âgés respectivement de 12, 10 et 6 ans, ainsi qu'avec l'enfant qu'il a eu avec son amie le 21 juin 2012. Il n'a pas d'économies, mais des dettes, dont un leasing pour sa voiture VW Scirocco. Sa prime d'assurance-maladie s'élève à 280 fr. par mois, plus 40 fr. d'assurance complémentaire. Il paie 500 fr. par mois comme acomptes d'impôt.
Le casier judiciaire de A.N._ est vierge.
Au fichier fédéral des mesures administratives en matière de circulation routière figure un avertissement prononcé le 7 novembre 2006 pour ivresse au volant.
2.
2.1
Le samedi 26 décembre 2009, vers 23h30, T._, A.N._ et Q._ circulaient sur l'autoroute A1 Yverdon-Lausanne au volant de leurs voitures respectives. Ils venaient de Cornaux et se rendaient à Montreux. Ils avaient l'intention d'aller au casino avant de partir pour l'aéroport de Genève, où Q._, R._ et B.N._ devaient s'envoler le 27 décembre 2009 vers 7h00 pour le Portugal. Le groupe avait fait une pause de quelques minutes à l'aire de repos de Bavois pour fumer une cigarette, puis avait repris la route en direction de Lausanne.
T._ conduisait une voiture BMW 330 CL blanche. Il était accompagné de son amie F._. Selon la fiche de réception par type, la voiture peut atteindre la vitesse de 250 km/heure.
A.N._ était au volant d'une VW Scirocco 1.4 TSI bleue, dans laquelle avaient pris place son amie de l'époque, W._, et R._. Selon la fiche de réception par type, la voiture peut atteindre la vitesse de 218 km/heure.
Q._ conduisait la Citroën Saxo 1.6 VTS noire de K.L._, qui était passager. Dans la voiture, se trouvaient également A.L._ et B.N._, ainsi que des bagages. Selon la fiche de réception par type, la voiture peut atteindre la vitesse de 205 km/heure.
U._ circulait quant à lui au volant d'une VW Golf 1.8 T susceptible d'atteindre la vitesse de 216 km/h selon la fiche de réception par type de ce véhicule. Il venait du Brassus et se rendait à Lausanne. Il était accompagné de D.B._, détenteur de la Golf, de la sœur de ce dernier, B.B._, et d'un ami H._.
2.2
Entre l'aire de repos de Bavois et l'échangeur de Villars-Sainte-Croix à l'entrée de Lausanne, distant d'une douzaine de kilomètres, une course-poursuite s'est engagée entre T._, A.N._, Q._ et U._.
U._, au volant de sa VW Golf, est arrivé à grande vitesse à la hauteur du trio de voitures formé par T._, A.N._ et Q._. Il a provoqué ces trois automobilistes en les dépassant à vive allure, en ralentissant et en remettant les gaz. Circulant à des vitesses très élevées, atteignant 180 km/h, les quatre intéressés se sont suivis à des distances insuffisantes pour éviter une collision en cas de freinage inattendu. Certains d'entre eux se sont également dépassés, sans qu'il soit possible de dire lesquels. Lors de cette course, ils ont circulé à gauche sans nécessité.
Entre la sortie de la Sarraz et celle de Cossonay, T._, au volant de sa BMW blanche, a rattrapé la voiture d'I._, qui circulait à la vitesse de 100-110 km/h au volant de sa Mazda 6 en compagnie de sa femme et de son fils de deux ans. Surpris par la différence de vitesse, T._ a brusquement changé de voie, indiquant tardivement cette manœuvre et surprenant Q._, qui arrivait à vive allure, au volant de sa Citroën Saxo noire, sur la voie de gauche. Q._ a dû effectuer un freinage d'urgence et I._ a dû se déporter sur la bande d'arrêt d'urgence pour éviter de se faire percuter par l'arrière. Ce dernier a dû toutefois revenir précipitamment sur la voie de droite de l'autoroute, une voiture étant arrêtée sur la bande d'arrêt d'urgence, feux de panne enclenchés.
Après avoir dépassé I._, T._ a continué à rouler sur la voie de gauche. Il a rejoint U._, qui s'est brusquement déporté à gauche à courte distance devant lui, ce qui l'a obligé à effectuer un freinage d'urgence. Il a également fait des appels de phare.
U._ ayant fortement ralenti à l'approche de l'échangeur Villars-Sainte-Croix, l'automobiliste I._ l'a rejoint et a pu relever son numéro de plaques. Très choqué par la course-poursuite à laquelle il venait d'être confronté, il a aussitôt téléphoné à la police avec son portable et signalé les voitures des quatre intéressés. T._, A.N._ et Q._ ont été interpellés à la hauteur de Belmont-sur-Lausanne. Ils ont été escortés au Centre de la police à la Blécherette, où ils ont été entendus, avec leurs passagers, entre 00h15 et 3h50 du matin le 27 décembre 2009. Pour sa part, U._ qui a continué sa route en direction de Genève n'a pas pu être interpellé tout de suite et n'a été entendu par la police que le 6 janvier 2010. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la notification du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit.
La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel interjeté par A.N._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011,
n. 19 ad art. 398 CPP).
3.
L'appelant a requis diverses mesures d'instruction qui ont été rejetées, les conditions de l'art. 389 CPP n'étant pas remplies. En effet, les témoins R._ et W._ ont été entendus par la police et par le Tribunal de police de sorte qu'une nouvelle audition n'est pas nécessaire. Les procès-verbaux d'audition indiquent les noms des policiers qui ont procédé aux interrogatoires des prévenus et témoins, ainsi que la durée de ces auditions. L'appelant est à même d'indiquer à quelle heure il a quitté avec ses amis le centre de la Blécherette. En conséquence, il n'y a pas lieu d'ordonner la production des procès-verbaux des opérations.
4.
A.N._ reproche au premier juge d'avoir constaté de manière inexacte et incomplète les faits de la cause au sens de l'art. 398 al. 3 let. b CPP et d'avoir commis un excès et un abus du pouvoir d'appréciation au sens de l'art. 398 al. 3 CPP.
4.1
L'appelant soutient que les divers protagonistes entendus par la police ont été tellement mis sous pression qu'ils n'ont pas eu d'autres choix que de mentir.
4.1.2
D'après l'art. 140 CPP les moyens de contrainte, le recours à la force, les menaces, les promesses, la tromperie et les moyens susceptibles de restreindre les facultés intellectuelles ou le libre arbitre sont interdits dans l'administration des preuves (al. 1). Ces méthodes sont interdites même si la personne concernée a consenti à leur mise en œuvre (al. 2). Les preuves administrées en violation de l'art. 140 CP ne sont en aucun cas exploitables (art. 141 al. 1 1
ère
phrase CPP).
4.1.3
En l'espèce, le jugement de première instance reprend les déclarations de chacun des protagonistes, à la police, puis en audience et explique de manière convaincante et détaillée pourquoi il retient les premières déclarations des protagonistes corroborées par les dires de deux témoins, considérant que les intéressés n'avaient pas été mis sous pression excessivement et au-delà des limites fixées par la loi, en particulier l'art. 140 CPP (cf. jgt, pp. 35-48). Rien ne permet de s'écarter du jugement et l'appréciation des preuves de la cour de céans conduit au même résultat.
En ce qui concerne les auditions effectuées par la police, il convient de relever tout d'abord que les descriptions faites par le sergent-major X._ lors de l'audience de jugement (jgt, pp. 12 à 14) ne permettent pas de se convaincre que les policiers ont eu recours à des moyens de pression d'un degré prévu par l'art.
140 CPP.
Ensuite, la police a rappelé à tous les conducteurs le fait qu'ils étaient prévenus dans le cadre d'une enquête instruite à leur encontre pour infractions à la loi fédérale sur la circulation routière et qu'ils avaient le droit de garder le silence. Les auditions des trois prévenus ont durée de 00h15 à 1h30 pour T._ (PV audition 1), de 00h15à 01h00 pour A.N._ (PV audition 2) et 00h20 à 02h00 pour Q._ (PV audition 3). Ils ont ainsi été entendus simultanément par trois agents différents, accompagnés de trois greffiers. Ils ont été réentendus par la suite plus brièvement. Le dénonciateur, I._, a été entendu entre 00h40 et 02h50 la nuit en question, soit le 27 décembre 2009 (PV audition 4). Les témoins passagers des trois véhicules ont également été entendus une fois au cours de la nuit. Leur droit de refuser de témoigner et les conséquences du faux témoignage leur ont été rappelés. Les passagers du véhicule d'U._ ont été entendus le 2 janvier 2010 (PV audition 13 à 15). Rien dans le déroulement des interrogatoires ne permet d'affirmer que l'un d'entre eux a été entendu trop longuement, trop brièvement ou de manière irrégulière.
Le témoin K.L._ a dit que la pression était telle qu'il s'est mis à pleurer. Mais il se définit lui-même comme étant "de nature très sensible" et son ami Q._ l'a décrit comme une personne, à l'AI, fortement influençable et qui a une peur bleue de la police (P. 17/1). Ses larmes ne peuvent dans ces circonstances établir un quelconque traitement dégradant ou inhumain.
Le témoin W._ a expliqué qu'elle avait été entendue en anglais et que dans son procès-verbal figurait une phrase qu'elle n'avait pas dite. Elle l'a fait corriger. Pour elle, il n'y a eu aucun soucis et le policier a été gentil (jgt, p. 17).
R._ reproche à la police d'avoir seulement indiqué qu'ils roulaient à 180 km/h alors qu'il avait indiqué que c'était entre 140 et 180 km/h (jgt, p. 6). Il ne prétend toutefois pas ne pas avoir évoqué lui-même le chiffre de 180 km/h et il n'a pas demandé que son procès-verbal soit rectifié (PV audition 5).
Au surplus, même si, comme ils l'affirment, ils n'ont pas utilisé le mot rodéo, mais que c'est la police qui l'a employé, il reste que la réalité qu'ils ont décrite correspond à un rodéo. A cet égard, W._ a confirmé à l'audience de jugement que les intéressés qui roulaient vite avaient joué entre eux et s'étaient dépassés.
Enfin, il est clair que la police ne devrait pas menacer un témoin de le mettre en prison pour qu'il change sa version des faits. Il n'en demeure pas moins que le faux témoignage est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire et que la police doit rappeler cette disposition, comme cela a été fait en l'espèce, à tout témoin qu'elle interroge. S'agissant de la durée des auditions, celle-ci figure sur les procès-verbaux. En revanche, l'heure qui figure à la fin des procès-verbaux d'audition n'est pas forcément celle à laquelle la personne quitte les locaux de la police, des vérifications étant encore à faire. Il importe peu de savoir l'heure exacte à laquelle ils ont quitté la Blécherette dans la mesure où ils sont partis groupés à Genève et que l'on sait que ceux qui devaient partir en vacances ont pu prendre leur avion.
En conséquence, même si la police les a mis sous pression, aucun élément ne permet d'affirmer que leur libre arbitre a été entravé ou leurs facultés intellectuelles atteintes au sens de l'art. 140 CPP.
4.2
L'appelant reproche au premier juge de ne pas avoir établi les liens qui existaient entre les différents protagonistes.
En l'occurrence, il est vrai que le premier juge n'a pas précisément orienté les auditions sur cette question, mais ces liens ressortent du dossier. Retenir comme l'a fait le premier juge que les différents protagonistes étaient des copains, que certains étaient en couple, et qu'en conséquence leurs témoignages doivent être considérés avec circonspection ne relève pas d'une appréciation arbitraire des preuves.
4.3
L'appelant fait valoir enfin que rien n'établit qu'il y ait eu un appel téléphonique entre T._ et R._ lors duquel le premier aurait donné le signal de départ de la course.
4.3.1
Le jugement entrepris n'indique pas sous son chiffre cinq relatif aux faits retenus (pp. 33-34) que ce téléphone a eu lieu, mais il le mentionne plus loin lorsqu'il discute sa conviction (p. 48). L'existence de cet appel téléphonique est effectivement douteuse. A cet égard, le sergent-major X._ a indiqué qu'il n'avait pas d'élément lui permettant d'affirmer qu'il y avait eu une conversation entre T._ et Q._ et que le passage de son rapport qui le mentionne ne devait pas être pris en considération (jgt, p. 12); il s'agit d'une autre discussion que celle en cause ici. Les diverses déclarations des prévenus et témoins ne permettent pas d'établir avec un degré de certitude suffisant l'appel téléphonique litigieux. Il convient ainsi, au bénéfice du doute, de ne pas retenir qu'T._ a donné le signal de départ de la course, étant précisé que cela ne change strictement rien à la culpabilité de l'appelant. En effet, ce dernier perd de vue que les passagers de la voiture d'U._, D.B._ et B.B._ ont indiqué pour le premier qu'il avait le sentiment que les conducteurs avaient voulu faire la course et pour le second qu'U._ roulait vite et qu'il avait fait la course avec d'autres véhicules.
Ainsi, les premières déclarations des prévenus et des témoins qui sont soit des amis, soit des connaissances desdits prévenus sont corroborées par les témoins I._ – qui a fait état de quatre véhicules dont une Scirocco – et C._, ainsi que par les passagers du véhicule d'U._ – lesquels ont fait état d'une course. Enfin, ils ont presque tous reconnu qu'il y avait eu excès de vitesse, W._ indiquant aussi que les conducteurs avaient joué entre eux et s'étaient dépassés régulièrement. Ces faits décrivent bel et bien une course-poursuite dans laquelle le véhicule conduit par l'appelant est impliqué et il importe peu de savoir avec exactitude l'emplacement des dépassements ou ce qui s'est passé avant.
4.3.2
Au vu ce qui précède, il convient donc bien d'écarter les rétractations survenues plusieurs mois, voire années après les faits et qui émanent de personnes qui connaissent le prévenu, et de tenir compte de leurs premières déclarations concordantes corroborées par celles d'autres protagonistes. Mis à part le coup de téléphone susmentionné, la Cour de céans fait sienne l'appréciation du premier juge qui ne prête pas le flanc à la critique.
5.
La condamnation de l'appelant pour violation grave des règles de la circulation étant confirmée, il appartient encore à la Cour de céans d'examiner la peine infligée en première instance (art. 404 al. 2 CPP).
5.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
5.2
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
5.3
En l'espèce, A.N._ a sciemment participé à une course-poursuite aussi inutile que dangereuse comme l'a relevé de façon pertinente le premier juge. Les quatre comparses ont provoqué une mise en danger concrète de la vie d'I._ et de ses passagers. L'appelant n'a pas de casier judiciaire, mais il a déjà eu un avertissement le 7 novembre 2006 pour une ivresse au volant.
Au vu de l'ensemble de ce qui précède, la culpabilité de l'appelant est importante. La quotité et le type de peine retenus par le premier juge, qui n'est pas sorti du cadre de l'art. 47 CP, sont adéquats et doivent être confirmés. L'octroi du sursis doit également être confirmé dans la mesure où l'appelant en remplit les conditions.
6.
En définitive, l'appel formé par A.N._ doit être rejeté.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel sont mis à la charge de l'appelant qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
97c09252-cc81-4bbb-ae31-f5f6435c524d | En fait :
A.
Par jugement du 14 août 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a constaté que R._ s’est rendu coupable de dommages à la propriété, de séjour illégal, de contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants et de contravention à la Loi vaudoise sur les contraventions (I), l’a condamné à une peine privative de liberté de 120 jours et a dit que cette peine était partiellement complémentaire à celles prononcées par le Tribunal correctionnel de l’Est Vaudois et le Ministère public de Neuchâtel les 27 mars 2012 et 15 février 2012 (II), l’a également condamné à une amende de 500 fr. et a dit qu’à défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif sera de 5 jours (III) et a mis les frais de justice, par 900 fr., à sa charge (IV).
B.
Par annonce du 22 août 2014, puis par déclaration non motivée du 19 septembre 2014, R._ a formé appel contre ce jugement, concluant sous suite de frais et dépens à sa libération de l’infraction de dommages à la propriété, pour autant qu’un retrait de plainte intervienne avant l’audience (1), à ce qu’il soit déclaré coupable d’infraction à la Loi fédérale sur les étrangers et de contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (2 et 3), à ce qu’il soit condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 10 fr. et à une amende de 200 fr. (4 et 5).
Par courrier du 18 novembre 2014, le Ministère public a conclu au rejet de l’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
a) R._ est né le 13 juin 1989 à Luanda, en Angola, d’où il est originaire. Il est arrivé en Suisse avec sa famille en 1995 en tant que requérant d’asile. Il a effectué sa scolarité obligatoire en Suisse. Il vit actuellement à Neuchâtel et est bénéficiaire de l’aide d’urgence. Il a deux sœurs, domiciliées dans le canton de Vaud, et qui l’aident financièrement. Il ressort d’une décision rendue le 29 novembre 2013 par les Autorités administratives jurassiennes que la situation financière du prévenu est obérée et que son autorisation de séjour a expiré le 11 avril 2011 (pièce 20). Une procédure de recours contre le non-renouvellement de son autorisation de séjour est pendante et devrait être tranchée prochainement. Il déclare suivre des cours en sciences sociales et politiques dans une école privée à lausanne.
Le casier judiciaire suisse du prévenu mentionne les condamnations suivantes :
-
30.01.2008, Office régional du juge d’instruction du Valais central Sion : voies de fait, menace, contrainte, peine pécuniaire 20 jours-amende à 20 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, amende 200 fr. , sursis révoqué le 27 mars 2012 ;
-
21.05.2008, Office régional du Juge d’instruction du Valais central Sion : vol, peine pécuniaire 30 jours-amende 20 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, amende 200 fr., sursis révoqué le 27 mars 2012 ;
-
29.05.2008, Ministère public du canton de Neuchâtel : vol, peine pécuniaire 15 jours-amende à 20 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 3 ans, amende 300 fr., sursis révoqué le 27 mars 2012 ;
-
04.06.2008, Office régional du Juge d’instruction du Valais central Sion : dommages à la propriété, vol d’importance mineure, peine pécuniaire 45 jours-amende à 20 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, amende 200 fr., sursis révoqué le 27 mars 2012 ;
-
07.01.2010, Juge d’instruction de Lausanne : vol, dommages à la propriété, violation de domicile, contravention à la LF sur les stupéfiants, peine privative de liberté de 90 jours, amende 200 fr. ;
-
27.03.2012, Tribunal correctionnel de l’Est vaudois : vol, vol (délit manqué), vol en bande, vol en bande (délit manqué), brigandage (acte de contrainte), dommages à la propriété, violation de domicile, contravention selon LF sur les stupéfiants, peine privative de liberté 18 mois ;
-
15.02.2013, Ministère public / Parquet régional Neuchâtel : lésions corporelles simples, voies de fait, injure, menaces, contrainte, peine privative de liberté 5 mois.
b) R._ a séjourné illégalement en Suisse du 12 avril 2012 au 17 avril 2012, puis du 22 mai 2012 au 18 janvier 2013, et enfin du 17 juin 2013 au 4 novembre 2013, étant précisé qu’il a subi deux périodes de détention comprises entre le 17 avril 2011 et le 22 mai 2012 ainsi qu’entre le 18 janvier 2013 et le 17 juin 2013.
Entre le 27 mars 2012 (date de sa dernière condamnation pour contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants) et le 4 novembre 2013, R._ a consommé de la marijuana à raison d’une ou deux fois par semaine et occasionnellement de l’héroïne. Pour le surplus, le 4 novembre 2013, il a consommé de la cocaïne.
A Lausanne, le 4 novembre 2013, alors qu’il se trouvait au domicile de P._ sis à l’avenue [...], R._s’est énervé et, dans sa colère, a arraché la porte de la salle de bain, tordu la tringle à rideaux du salon et un étendoir à linge et endommagé une caisse à jouets. Plusieurs habitants de l’immeuble dérangés par le bruit ont alerté la police. P._ a déposé plainte pénale. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0]), l'appel de R._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon
l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
L’appelant conteste le genre de la peine infligée. Il estime que les conditions d’une peine pécuniaire (art. 34 CP) sont réunies, de sorte qu’il n’y a pas lieu de prononcer une courte peine privative de liberté. En revanche, le caractère ferme de la peine n’est pas remis en cause. En première instance, l’appelant n’avait d’ailleurs pas conclu au sursis (jugement attaqué, p. 6).
3.1
3.1.1
Aux termes de l'art. 41 al. 1 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire, ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés.
A titre de sanctions, le nouveau droit fait de la peine pécuniaire (art. 34 CP) et du travail d'intérêt général (art. 37 CP) la règle dans le domaine de la petite criminalité, respectivement de la peine pécuniaire et de la peine privative de liberté la règle pour la criminalité moyenne. Dans la conception de la nouvelle partie générale du Code pénal, la peine pécuniaire constitue la sanction principale. Les peines privatives de liberté ne doivent être prononcées que lorsque l'Etat ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Quant au travail d'intérêt général, il suppose l'accord de l'auteur. En vertu du principe de la proportionnalité, il y a en règle générale lieu, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute, de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement qui le touche le moins durement. La peine pécuniaire et le travail d'intérêt général représentent des atteintes moins importantes et constituent ainsi des peines plus clémentes. Cela résulte également de l'intention essentielle, qui était au coeur de la révision de la partie générale du Code pénal en matière de sanction, d'éviter les courtes peines de prison ou d'arrêt, qui font obstacle à la socialisation de l'auteur, et de leur substituer d'autres sanctions. Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (ATF 134 IV 97 c. 4 ; TF 6B_546/2013 du 23 août 2013 c. 1.1).
3.1.2
En application de l’art. 37 al. 1 CP, à la place d’une peine privative de liberté de moins de six mois ou d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus, le juge peut ordonner, avec l’accord de l’auteur, un travail d’intérêt général de 720 heures au plus. Ainsi, toute personne dont la culpabilité justifierait une condamnation à six mois de privation de liberté ou à 180 jours-amende au plus peut en principe être condamnée, si elle accepte ce genre de peine et s’il n’est pas nécessaire de prononcer une peine privative de liberté ferme, à fournir un travail d’intérêt général (ATF 134 IV 97 c. 6.3.3.2). Cette peine tend à favoriser, à des fins de prévention spéciale, le maintien de l’auteur dans son milieu social, en le faisant compenser l’infraction par une prestation personnelle en faveur de la communauté plutôt que par une privation de liberté ou une peine pécuniaire (ibidem, c. 6.3.2). Dès lors, le prononcé d’un travail d’intérêt général n’est justifié qu’autant que l’on puisse au moins prévoir que l’intéressé pourra, cas échéant après l’exécution, poursuivre son évolution en Suisse. En effet, la réparation en faveur de la collectivité locale ainsi que le maintien du réseau social de l’intéressé sont l’essence même de la peine de travail d’intérêt général. Quand il est d’avance exclu que l’étranger demeure en Suisse, ce but ne peut être atteint. Aussi, lorsqu’au moment du jugement déjà, le condamné ne dispose d’aucun droit de demeurer en Suisse ou lorsqu’il est établi qu’une décision définitive a été rendue sur son statut en droit des étrangers et qu’il doit quitter la Suisse, le travail d’intérêt général ne constitue pas une sanction adéquate et est donc exclu (ATF 134 IV 97 c. 6.3.3.4 ; TF 6B_709/2013 du
27 janvier 2014 c. 2 ; TF 6B_262/2012 du 4 octobre 2012 c. 1.3.2 ; TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011 c. 3.5.2).
3.1.3
S’agissant de la peine pécuniaire selon l’art. 34 CP, elle peut être exclue pour des motifs de prévention spéciale (TF 6B_196/2012 du 24 janvier 2013 c. 3.3 ; TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011 c. 3.4) ou si elle n'est pas exécutable parce qu'elle prive le prévenu du nécessaire, voire de l'indispensable (ATF 134 IV 97 c. 5.2.3). La seule absence de revenus de l’auteur ne permet toutefois pas d’exclure ce genre de sanction ; bien plutôt, l’impécuniosité de l’auteur ne doit avoir d’effet que sur le montant du jour-amende, dont la jurisprudence fixe le minimum à dix francs (ATF 135 IV 180 c. 1.4.2 ; ATF 134 IV 60 c. 6.5.2). Quant aux perspectives de recouvrement de la peine pécuniaire, en principe dans les douze mois, tel que prévu à l’art. 35 CP, le fait que le condamné soit sous le coup d’un renvoi de Suisse et que son établissement dans un autre pays, au demeurant non déterminé, soit incertain, la faible probabilité d’encaisser le montant de la sanction ne suffit pas non plus en soi à l’exclure (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 6 ad art. 35 CP), mais la situation sur le plan de la police des étrangers constitue un critère (ATF 134 IV 60 c. 8.3 ; Dupuis et al., op. cit., n. 5 ad art. 41 CP). Tout au plus, l’impossibilité vérifiée de recouvrer le montant dû aboutira à une conversion en peine privative de liberté (cf. art. 36 CP).
3.2
3.2.1
En l’espèce,
Le premier juge a infligé à l’appelant une courte peine privative de liberté. Il a écarté une peine pécuniaire pour les motifs que celles prononcées auparavant n’avaient pas eu d’effet dissuasif et que les condamnations pénales s’étaient enchaînées avec régularité, sans signe de remise en question. Il a également tenu compte de la situation précaire du prévenu. Il a aussi écarté une peine de travail d’intérêt général en raison du fait qu’elle ne présenterait pas le degré de répression nécessaire.
3.2.2
L’autorisation de séjour de l’appelant a expiré le 11 avril 2011 et son renouvellement a été refusé le 29 novembre 2013 par l’autorité compétente. Interpellé aux débats sur cette question, l’appelant a expliqué que la procédure de recours visant l’obtention d’une autorisation de séjour était sur le point d’aboutir à une décision. Il n’est toutefois pas établi, ni même prétendu, que le recours interjeté contre cette décision bénéficie de l’effet suspensif.
Eu égard à ces circonstances, le prononcé d’une sanction sous forme de travail d’intérêt général, genre de peine au demeurant non revendiqué, est exclu pour les motifs cités sous chiffre 3.1.2 ci-dessus.
3.3
L’appelant, à qui il est reproché trois séjours illégaux séparés par des périodes de détention (cf. supra C.b.) et des dommages à la propriété pour avoir notamment démoli des objets dans l’appartement d’un tiers à la suite d’une scène violente au sujet du partage d’une boulette de cocaïne déclenchée par l’appelant (PV aud. 1; P. 4; jugement attaqué, p. 10 in fine), n’a aucun revenu et dépend de l’aide d’urgence. En tant que telle, la précarité de l’appelant n’exclut pas la peine pécuniaire, de sorte que son dénuement ne saurait empêcher le prononcé d’une telle peine. (Dupuis et al. op. cit. n. 12 ad art. 34 CP). Pour des motifs de prévention spéciale, le prononcé d’une peine pécuniaire est cependant exclu dans le cas d’espèce. En effet, elle ne saurait être suffisamment dissuasive dès lors que l’appelant a enchaîné les condamnations à des peines de jours-amende et à des peines privatives de liberté. Son entêtement à vivre en délinquant montre une forme d’insensibilité à la sanction pénale. C’est par conséquent à bon droit que des motifs de prévention spéciale ont conduit le premier Juge à prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois (art. 41 CP), dont les conditions sont réalisées.
Mal fondés, les griefs quant au genre de peine doivent être rejetés.
4.
L’appelant critique la quotité de 120 jours de peine privative de liberté arrêtée par le premier juge, ainsi que le montant de l’amende infligée. Il revendique une peine de 30 jours au maximum ainsi qu’une amende de 200 francs.
4.1
L’art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité, est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 136 IV 55 ; ATF 134 IV 17 c. 2.1 ; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
En l’espèce, si les dommages à la propriété causés dans le logement de P._ ne sont pas de grande valeur sur le plan économique (arrachement par coups de pied du gâche de la porte de la salle de bains, torsion de la tringle à rideau du salon et de l’étendoir à linge et caisse à jouets abîmée (P. 5, p. 2), ils témoignent d’une totale indifférence aux intérêts d’autrui. De plus, il s’agit pour l’appelant d’une troisième condamnation pour dommages à la propriété. Les séjours illégaux montrent la même désinvolture à l’égard de l’ordre juridique et des autorités.
En définitive, compte tenu du poids des antécédents et de l’aggravante du concours, la peine doit être confirmée en raison du poids de la culpabilité de R._.
4.2
L’amende doit être fixée en tenant compte de la situation de l’auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (art. 106 al. 3 CP). Le juge doit notamment tenir compte du revenu, de la fortune et des charges de l’auteur (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 7 ad art. 106 CP).
En l’espèce, l’amende de 500 fr. infligée au recourant sanctionne une consommation hebdomadaire de marijuana, occasionnelle d’héroïne et unique de cocaïne, ainsi que la contravention consistant à avoir causé du bruit la nuit sans nécessité, soit les hurlements et le vacarme causé par l’appelant lors de la scène des dommages dans l’appartement. Ces consommations répétées de stupéfiants ne sont à l’évidence pas dépourvues de gravité en tant que contravention. Si l’appelant prétend n’avoir pour ressource que l’aide d’urgence, il fréquente néanmoins une école privée et il s’assure les services d’un conseil de choix, ce qui témoigne de certaines ressources. Il convient dès lors de confirmer l’amende de 500 fr. infligée. La peine de substitution de 5 jours est adéquate.
Mal fondé, le grief doit être rejeté.
5.
Le prévenu est reconnu coupable de contravention au règlement général de police de la Ville de Lausanne (jugement attaqué, p. 12). Le dispositif du jugement attaqué fait toutefois mention de contravention à la Loi vaudoise sur les contraventions. Il convient de rectifier d’office le chiffre I du dispositif, en ce sens que R._ est coupable de contravention au Règlement général de police de la commune de Lausanne.
6.
En définitive, l’appel de R._ est rejeté et le jugement rendu le 14 août 2014 par le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne est confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de R._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
97f3c7c5-f783-49fc-9678-d82e8a89dd14 | En fait :
A.
Par ordonnance pénale du 28 août 2012, le Procureur de l’arrondissement de Lausanne a constaté qu’Y._ s’était rendu coupable de faux témoignage (I), l’a condamné à une peine de vingt-cinq jours amende, le montant du jour-amende étant fixé à 40 fr., peine entièrement complémentaire à celles prononcées le 12 décembre 2008 par le Juge d’instruction de l’arrondissement de Lausanne et le 30 mai 2012 par la Cour d’appel pénal du canton de Vaud (II) et a mis les frais à la charge du prénommé (III).
Par courrier de son conseil du 30 août 2012, Y._ a fait opposition à sa condamnation (P. 6). Interpellé par le Tribunal d'arrondissement de Lausanne le 4 décembre 2012, il a confirmé son opposition (P. 18).
Y._ ne s’est pas présenté à l’audience du 12 avril 2013, « sans s’être excusé, ni avoir fourni d’explication » selon le procès-verbal d’audience (cf. jugement p. 3). Le conseil de l’opposant étant présent, le Tribunal de police d’arrondissement a néanmoins statué.
Par jugement du 12 avril 2013, le Tribunal de Police de l’arrondissement de Lausanne a libéré Y._ du chef d’accusation de faux témoignage (I), a rejeté la demande d’indemnité déposée par Y._ (Il) et a laissé les frais à la charge de l’Etat (lII).
B.
Le 15 avril 2013, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a formé une annonce d'appel contre ce jugement. Par déclaration d’appel motivée du 23 mai 2013 (P. 27), il a conclu, sous suite de frais, à la réforme des chiffres I et III du jugement attaqué en ce sens qu’Y._ est condamné, pour faux témoignage, à la peine de 25 jours-amende à 40 fr. le jour, peine entièrement complémentaire à celles prononcées le 12 décembre 2008 par le Juge d’instruction de l’arrondissement de Lausanne et le 30 mai 2012 par la Cour d’appel pénale du canton de Vaud (I) et à ce que les frais soient mis à la charge d’Y._ (III).
Dans le délai imparti, Y._ s’est déterminé sur l’appel du Procureur, en déposant une demande de non entrée en matière, au motif que les conditions à l’ouverture de l’action pénale ne seraient pas réunies (P. 30).
La demande de non-entrée en matière susmentionnée a été rejetée par décision du Président de la Cour d’appel pénale du 25 juin 2013 (P. 31). | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0), l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les forme et délais légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du Ministère public est recevable. Il y a donc lieu d’entrer en matière sur le fond.
2.
Le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne invoque une violation de l’art. 356 al. 4 CPP, au motif que l’opposant a fait défaut à l’audience du 12 avril 2013, sans excuse, ni explication et que, dès lors, son opposition aurait dû être considérée comme retirée.
2.1
Aux termes de l’art. 356 al. 4 CPP, si l’opposant fait défaut aux débats sans être excusé et sans se faire représenter, son opposition est réputée retirée.
Lorsque l'opposant est le prévenu, sa représentation n'est toutefois possible que si la direction de la procédure n'a pas exigé sa présence (cf. Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 pp. 1057 ss, p. 1275). Au surplus, conformément à la jurisprudence, les deux conditions de l’art. 356 al. 4 CPP sont cumulatives et le fait que l’avocat du prévenu soit présent à l'audience pour le représenter ne le dispense pas de fournir un juste motif à sa non-comparution si le tribunal de première instance a exigé sa comparution personnelle. Tel est notamment le cas lorsque le tribunal a mentionné expressément dans le mandat de comparution adressé au prévenu que sa présence était obligatoire et a spécifié les conséquences en cas d'absence par la reproduction du texte de l'art. 356 al. 4 CPP. L’opposant doit alors présenter de justes motifs à son absence (TF 6B_592/2012 du 11 février 2013).
2.2
Il n’est pas contesté qu’Y._ a fait défaut à l’audience de jugement du 12 avril 2013. Toutefois, à l’audience d’appel, l’intimé a fait plaider plusieurs motifs qu’il estime susceptibles de justifier, a posteriori, son absence aux débats.
2.2.1
En premier lieu, il a indiqué qu’il n’avait pas été atteint par le mandat de comparution du 17 janvier 2013, puisque celui-ci a été envoyé à son ancienne adresse, soit « Adresse 1 » alors qu’il avait déménagé depuis « plus de deux ans » à « Adresse 2 ». Il a ajouté que la signature qui figurait sur le récépissé postal du courrier recommandé qui contenait le mandat de comparution n’était pas la sienne.
2.2.2
a)
Concernant tout d’abord l’adresse de notification, il ressort d’une jurisprudence constante, que celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir notification d'actes du juge, est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins. A ce défaut, il est réputé avoir eu connaissance du contenu des plis recommandés que le juge lui adresse (ATF 138 III 225 c. 3.1; 130 III 396 c. 1.2.3). Une telle obligation signifie que le destinataire doit, le cas échéant, désigner un représentant, faire suivre son courrier, informer les autorités de son absence ou leur indiquer une adresse de notification (ATF 117 V 131 c. 4a; TF 8C_860/2011 du 19 décembre 2011; TF 2C_1015/2011 du 12 octobre 2012 c. 3.3.1). Il découle de cette jurisprudence que le destinataire d'actes judiciaires non seulement peut, mais également doit, lorsqu'il estime qu'une notification ne pourra aboutir au lieu connu des autorités, désigner une adresse où il pourra être atteint. Le devoir procédural d'avoir à s'attendre avec une certaine vraisemblance à recevoir la notification d'un acte officiel naît avec l'ouverture d'un procès et vaut pendant toute la durée de la procédure (TF 6B_314/2012 précité c. 1.3.1 et la référence citée).
b)
En l’espèce, il ressort du dossier qu’au moment de sa première audition par la police, Y._ a annoncé son domicile à l’adresse de la Adresse 1 (PV aud. 1). Depuis lors, toutes les correspondances lui ont été communiquées à cette adresse et l’ont manifestement atteint jusqu’en décembre 2012 à tout le moins. On en veut pour preuve que le courrier du Président du Tribunal d'arrondissement de Lausanne adressé à l’opposant le 4 décembre 2012 à la Adresse 1 (P. 17) a été reçu et a fait l’objet d’une réponse de l’avocat de l’intéressé en date du 17 décembre 2012 (P. 18) qui s’étonnait d’ailleurs expressément que ce courrier ait été directement adressé à Y._, sans toutefois en contester l’adresse de notification.
Au surplus, selon un post-it figurant au dossier (annexe à la P. 23), le greffe du Tribunal d'arrondissement de Lausanne n’a eu connaissance de la nouvelle adresse de l’opposant que le 25 avril 2013, lorsque cette autorité a reçu en retour le dispositif envoyé le 17 avril 2013 par courrier recommandé à l’opposant à la Adresse 1, avec la mention « A déménagé. Délai de réexpédition dépassé ». Le greffe a alors pris contact avec le contrôle des habitants qui l’a informé de ce qu’Y._ avait quitté son domicile à la Adresse 1 le 29 août 2012, pour s’établir à l’Adresse 2.
Enfin, le 10 octobre 2012 – soit à une date largement postérieure au changement d’adresse selon les indications du contrôle des habitants –Y._ a rempli un formulaire de renseignements généraux à l’intention du Ministère public de l'arrondissement de Lausanne (P. 12), dans lequel il n’a pas indiqué d’adresse. Dès lors, l’autorité pouvait légitimement partir du principe que l’adresse du prévenu demeurait inchangée et qu’il continuait à être atteignable à l’adresse qui figurait au dossier depuis plusieurs années, à savoir « Adresse 1 ».
Il appartenait donc à Y._ de prendre des dispositions pour que les courriers des autorités pénales lui parviennent malgré son changement d’adresse. Or, au vu des éléments qui précèdent, l’intéressé n’a manifestement pas entrepris les démarches nécessaires. A ce défaut, il est réputé avoir eu connaissance du contenu des plis recommandés que le juge lui a adressé à l’Adresse 1.
2.2.3 a)
Concernant ensuite la signature figurant sur le récépissé postal, il ressort d’une jurisprudence constante, que le fardeau de la preuve de la notification d'un acte, notamment de la date à laquelle celle-ci est intervenue, incombe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 122 I 97 c. 3b; ATF 114 III 51 c. 3c et 4; ATF 105 III 43; ATF 103 V 63 c. 2a; 101 Ia 7 c. 1; ATF 99 Ib 356 c. 2 et 3). L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 129 I 8 c. 2.2 p. 10; ATF 124 V 400 c. 2a; ATF 103 V 63 c. 2a). Toutefois, la jurisprudence établit une présomption de fait – qui peut donc être renversée – selon laquelle l'employé postal a correctement inséré l'avis de retrait dans la boîte à lettres ou la case postale du destinataire et la date de ce dépôt, telle qu'elle figure sur la liste des notifications, est exacte. Une telle présomption entraîne un renversement du fardeau de la preuve au détriment du destinataire: si ce dernier ne parvient pas à établir l'absence de dépôt dans sa boîte ou sa case postale au jour attesté par le facteur, la remise est censée avoir eu lieu en ces lieu et date (TF 2C_86/2010 du 4 octobre 2010 c. 2.3; TF 9C_753/2007 du 29 août 2008 c. 3, in RSPC 2009 p. 24). Du fait notamment que l'absence de remise constitue un fait négatif, le destinataire ne doit cependant pas en apporter la preuve stricte; il suffit d'établir qu'il existe une vraisemblance prépondérante que des erreurs se soient produites lors de la notification (TF 2C_86/2010 du 4 octobre 2010 c. 2.3; 2C_38/2009 du 5 juin 2009 c. 4.1). Le destinataire doit à tout le moins établir pourquoi, dans son cas particulier, le risque que de telles erreurs se produise était plus élevé que la normale (TF 2C_86/2010 du 4 octobre 2010 c. 2.4; cf. TF 2C_12/2009 du 27 août 2009 c. 4; 5A_728/2010 du 17 janvier 2011 c. 2.2.2). Cette preuve peut notamment être considérée comme rapportée lorsqu’il est établi qu'il y a eu, à l'office de poste en question et durant la période concernée, à plusieurs reprises des erreurs de distribution dans les cases postales des invitations à retirer un pli (TF 2C_38/2009 du 5 juin 2009 c. 5.3) ou qu’une autre personne du même nom habitait à la même adresse que l'intéressé, de sorte qu’il est très vraisemblable qu'une confusion se soit produite dans la distribution du courrier (TF 8C_621/2007 du 5 mai 2008).
b)
Cette présomption est applicable par analogie au fait qu’un recommandé est réputé avoir été remis contre signature par l’employé postal conformément à l’art. 85 al. 3 CPP, c'est-à-dire au destinataire, à l’un de ses employés ou à toute personne de plus de seize ans vivant dans le même ménage.
c)
En l’occurrence, le mandat de comparution dont Y._ conteste avoir eu connaissance a été envoyé par courrier recommandé à l’Adresse 1. Bien qu’il puisse être donné acte au prénommé que la signature qui figure sur le récépissé postal n’est probablement pas la sienne (cf. pièces de forme), l’intéressé n’a pas apporté d’éléments permettant d’établir qu’il existerait une quelconque vraisemblance que le facteur ait pu remettre ce pli à une personne non autorisée au regard de l'art. 85 al. 3 CPP. Il a d’ailleurs fait plaider cet argument pour la première fois en audience d’appel. L’intimé échouant dans l’établissement de la preuve, on doit admettre que la présomption selon laquelle l’employé postal a correctement effectué son travail est valable et que le mandat de comparution a valablement été notifiée à Y._ le 18 janvier 2013.
2.2.4
Y._ a également fait plaider qu’il n’avait pas pu se présenter à l’audience du 12 avril 2013 car il était en exécution de peine sous le régime des arrêts domiciliaires et que ses horaires de sortie étaient limités à ceux de son travail. Cette explication est dénuée de pertinence et elle ne permet pas non plus d’excuser l’absence de l’opposant aux débats, dès lors que l’autorité d’exécution de peines accorde évidemment des dérogations d’horaire pour permettre aux condamnés de répondre à leurs obligations judiciaires. L’intéressé le sait, puisqu’il a d’ailleurs bénéficié d’une telle permission pour se présenter à l’audience d’appel, alors qu’il est toujours sous le même régime d’exécution de peine.
2.2.5
Enfin, on ne peu croire à la version de l’intimé selon laquelle il n’aurait pas eu connaissance de la tenue de l’audience du 12 avril 2013 avant le lendemain de cette audience. En effet, l’intéressé était assisté par un avocat de choix – qui était présent à l’audience – avec lequel il avait manifestement préparé l’audience puisque celui-ci a déposé, en l’absence de son client, des conclusions écrites dans lesquelles l’indemnité requise en application de l’art. 429 CPP – qui est une prétention personnelle du prévenu – était chiffrée.
2.3
En définitive, Y._ a été valablement convoqué à l’audience du 12 avril 2012 par mandat de comparution du 17 janvier 2013, adressé par courrier recommandé à l’Adresse 1 et réceptionné le 18 janvier 2013. Selon ce mandat de comparution, le tribunal exigeait une comparution personnelle de l’opposant et cet acte mentionnait expressément que la présence de l’intéressé était obligatoire. Il spécifiait par ailleurs les conséquences en cas d'absence par la reproduction du texte de l'art. 356 al. 4 CPP. L’opposant avait donc connaissance des conséquences d’une absence injustifiée.
Or, Y._ ne s’est pas présenté à l’audience du Tribunal d'arrondissement de Lausanne du 12 avril 2013, « sans s’être excusé, ni avoir fourni d’explication ». Comme on l’a vu, les explications qu’il a fournies dans le cadre de la procédure d’appel ne sont pas susceptibles de justifier cette absence. Il n’est pas contesté que le conseil de l’opposant était présent à l’audience, mais, comme déjà dit, les deux conditions de l’art. 356 al. 4 CPP sont cumulatives.
De plus, même à admettre que l’autorisation du premier juge donnée au défenseur de représenter son client puisse s’apparenter – par acte concluant – à une dispense à comparaître pour Y._, il n’en demeure pas moins que
l’art. 356 al. 4 CPP a été violé, puisque cette disposition exige que l’intéressé fournisse de justes motifs à son absence – obligation d’autant plus incontournable pour l’opposant, dont on exige qu’il ne se désintéresse pas de la procédure qu’il a lui-même requise – et que, le jour de l’audience, le défenseur d’Y._ n’a pu donner aucune justification quant à l’absence de l’opposant.
Au vu de ce qui précède, le juge de première instance aurait ainsi dû constater que la non-comparution du recourant n'était pas justifiée et faire application des conséquences procédurales prévues par l’art. 356 al. 4 CPP, à savoir constater que l’opposition était considérée comme retirée.
3.
En définitive, l’appel formé par le Ministère public doit être admis, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus avant le moyen subsidiaire soulevé par celui-ci. Le jugement rendu le 12 avril 2013 par le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne sera annulé et il sera constaté que l’opposition interjetée le 30 août 2012 par Y._ contre l’ordonnance pénale du 28 août 2012 est considérée comme retirée, le dispositif de dite ordonnance étant confirmé.
4.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, par 1’580 francs (art. 21 al. 1 du Tarif des frais judiciaires pénaux, TFJP [312.03.1]), doivent être mis à la charge d’Y._ qui a conclu au rejet de l’appel et qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
97f86cfc-aad2-4944-9e25-9b8cedf4c2b2 | En fait :
A.
Par ordonnance pénale du 14 août 2014, le Préfet de la Riviera-Pays d’Enhaut a reconnu B._ coupable d’infraction à la Loi vaudoise du 5 septembre 2006 sur la gestion des déchets (LGD; RSV 814.11) pour avoir enfreint les art. 13 al. 1 LGD et 17 du Règlement d’application du 20 février 2008 de cette loi (RLGD; RSV 841.11.1) s’agissant des véhicules Mercedes ([...]), Peugeot ([...]), KIA ([...]) et Lancia ([...]), l’a condamné à une amende de 1'000 fr., la peine privative de liberté de substitution étant fixée à 10 jours et a mis les frais par 50 fr. à sa charge.
B._ a formé opposition à cette condamnation en temps utile. Le Préfet a décidé de maintenir son ordonnance pénale, laquelle a tenu lieu d’acte d’accusation devant le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois.
Par jugement du 6 mars 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a constaté que B._ s’est rendu coupable d’infraction à la Loi vaudoise du 5 septembre 2006 sur la gestion des déchets (I), l’a condamné à une amende de 600 fr. (II), a dit qu’à défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution serait de 6 jours (III) et a mis les frais de justice, par 450 fr. à sa charge (IV). Le premier juge a retenu que les infractions étaient réalisées s’agissant des véhicules Mercedes ([...]) et KIA ([...]).
B.
Par annonce du 19 mars 2015 puis par déclaration motivée du 13 avril 2015, B._ a fait appel contre ce jugement en concluant, avec suite de frais et de dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est condamné à une amende qui n’excèdera pas 100 fr. et à des frais de justice à hauteur de 50 fr. (II), à ce que les frais de seconde instance soient laissés à la charge de l’Etat (III) et à l’allocation d’une indemnité de 1'000 fr. en application de l’art. 429 CPP (IV). Il conteste principalement sa condamnation s’agissant du véhicule KIA ([...]).
Le 30 avril 2015, la présidente de la Cour a informé les parties que l’appel serait traité en procédure écrite par un juge unique et a imparti un délai à l’appelant au 15 mai 2015 pour déposer un mémoire motivé en application de l’art. 406 al. 3 CPP. A la demande de l’appelant, ce délai a été prolongé au 2 juin 2015 puis au 8 juin 2015.
Le 8 juin 2015, l’appelant a déposé un mémoire motivé et a confirmé les conclusions prises au pied de sa déclaration d’appel du 13 avril 2015.
Par courrier du 19 juin 2015, le Ministère public a renoncé à se déterminer.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
a) B._, ressortissant suisse, né le [...], est divorcé et n’a pas d’enfant. Il vit seul et travaille à son compte depuis 15 ans comme garagiste. Depuis l’automne 2012, il exploite un garage à [...]. Son activité lui procure un revenu mensuel de l’ordre de 3'000 fr. à 4'000 francs. Il n’a pas d’autre source de revenu. Selon ses dires, son loyer s’élève à environ 1'200 fr. par mois et sa prime d’assurance-maladie mensuelle est de 350 francs. Il a des dettes à hauteur d’environ 200'000 francs.
Son casier judiciaire suisse comporte l’inscription suivante :
- 14 janvier 2013, Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, violation des règles de la circulation routière, circulation sans permis de circulation ou plaques de contrôle, circulation sans assurance-responsabilité civile et usage abusif de permis et/ou de plaques de contrôle, peine pécuniaire de 90 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans et amende de 450 francs. Il fait actuellement l’objet de deux enquêtes pénales toutes deux pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice.
b) B._ a, le 18 juin 2014, entreposé les véhicules Mercedes ([...]) et KIA ([...]), hors d’usage car dépourvus de permis de circulation, sur des places de parc situées devant son garage alors que ces places ne comportaient pas un séparateur à hydrocarbure comme l’exige la LATC. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délai légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel est recevable.
S’agissant d’un appel dirigé contre un jugement ne portant que sur une contravention, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d’un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d’introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 ; RSV 31 2.01]).
2.
2.1
L’appelant fait grief au premier juge d’avoir violé le principe in dubio pro reo. Il soutient qu’il existe des doutes sur sa connaissance de la non-existence du permis de circulation.
2.2
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966; RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950; RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
2.3
Selon l’art. 13 al. 1 LGD, il est interdit de déposer des déchets en dehors des lieux prévus à cet effet. Aux termes de l’art. 17 RLGD, le dépôt ou l’abandon de véhicules automobiles hors d’usage est interdit sur tout le territoire cantonal, tant sur le domaine public que sur la propriété privée, hors d’un local ou d’une place de dépôt conforme à la LATC (al. 1). Sont considérés comme hors d’usage tous les véhicules à moteur ainsi que les remorques de tous genres et catégories, dépourvus de permis de circulation valables, les cycles, cyclomoteurs, machines et véhicules de chantier inaptes à circuler (al. 3). Enfin, l’art. 40 al. 1 RLATC dispose que les places de dépôt de véhicules doivent comporter un revêtement dur et imperméable à moins que le sol ne soit naturellement imperméable ; elles sont équipées d’une évacuation directe ou indirecte des eaux pluviales à l’émissaire public, après épuration de celles-ci par passage dans un séparateur d’huile ou d’essence.
2.4
En l’espèce, il ressort du dossier que le véhicule KIA n’avait pas de plaques lors du contrôle de la commune. Selon les explications du prévenu, non contredites par les éléments au dossier, le véhicule KIA a été déposé à son garage par des clients pendant leurs 2-3 semaines de vacances. A l’arrivée du véhicule, celui-ci était muni de plaques vaudoises. Manifestement, les clients sont repartis avec leurs plaques puisque le véhicule n’en comporte aucune sur les photos prises par le service communal. Le prévenu admet lui-même qu’il n’a pas demandé à voir le permis de circulation mais, et ce n’est pas non plus contredit par le dossier, le véhicule a été repris par les clients au terme de leurs vacances.
Le principe in dubio pro reo (cf. 2.1 supra), s’applique lorsque des doutes subsistent au terme de l’administration des preuves. Comme il est avéré que le véhicule KIA n’avait plus de permis de circulation et qu’il était stationné sans plaques sur la place dont l’appelant était locataire, les faits retenus à charge sont avérés et il n’y a pas de place pour l’application de ce principe.
2.5
Dans son appel, B._ se transporte sur le terrain de la négligence. Il explique qu’on ne peut raisonnablement exiger de lui qu’il contrôle à chaque reprise la validité du permis de circulation d’un véhicule lorsque celui-ci est muni de plaques de contrôle.
2.5.1
D’après l'art. 12 al. 3 CP, agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle. Ainsi, deux conditions doivent être remplies pour qu'il y ait négligence.
En premier lieu, il faut que l'auteur ait d'une part violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que, d'autre part, il n'ait pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir (ATF 134 IV 255 c. 4.2.3 p. 262; ATF 133 IV 158 c. 5.1 pp. 162 s.). Pour déterminer plus précisément quels étaient les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter des accidents; à défaut de dispositions légales ou réglementaires, on peut se référer à des règles analogues qui émanent d'associations privées ou semi-publiques lorsqu'elles sont généralement reconnues. La violation des devoirs de la prudence peut aussi être déduite des principes généraux, si aucune règle spéciale de sécurité n'a été violée (ATF 133 IV 158 c. 5.1 p. 162). Un comportement viole le devoir de prudence lorsque l'auteur, au moment des faits, aurait pu, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d'autrui et qu'il a simultanément dépassé les limites du risque admissible (ATF 136 IV 76 c. 2.3.1 p. 79; ATF 135 IV 56 c. 2.1 p. 64; ATF 134 IV 255 c. 4.2.3 p. 262). C'est en fonction de la situation personnelle de l'auteur que l'on doit apprécier son devoir de prudence (ATF 135 IV 56 c. 2.1 p. 64; ATF 133 IV 158 c. 5.1 p. 162; ATF 122 IV 145 c. 3b/aa p. 147).
En second lieu, pour qu'il y ait négligence, il faut que la violation du devoir de prudence soit fautive, c'est-à-dire que l'on puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, une inattention ou un manque d'effort blâmable (TF 6B_614/2014 et les références citées; ATF 135 IV 56 c. 2.1 p. 64; ATF 134 IV 255 c. 4.2.3 p. 262; ATF 129 IV 119 c. 2.1 p. 121).
2.5.2
En l’espèce, la négligence, s’il s’agissait de négligence, ne ferait aucun doute. En effet, d’une part, B._ a violé une règle de prudence en parquant des véhicules sans plaques sur une place non munie du dispositif nécessaire et, d’autre part, on peut lui reprocher un manque d’effort blâmable puisqu’il n’a pas demandé une copie du permis de circulation au client qui est reparti avec les plaques du véhicule. Contrairement à ce que soutient l’intéressé, on peut raisonnablement exiger de lui qu’il contrôle à chaque reprise la validité du permis de circulation d’un véhicule lorsque celui-ci est démuni de plaques de contrôle, cette démarche étant aisée et, au demeurant, courante pour un garagiste.
Partant, B._ a violé l’art. 17 RLGD puisqu’il a déposé des véhicules automobiles hors d’usage sur des places de stationnement non conformes à la LATC.
3.
En ce qui concerne la quotité de l’amende, celle-ci doit être fixée en tenant compte de la situation de l’auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (art. 106 al. 3 CP). Le juge doit notamment tenir compte du revenu, de la fortune et des charges de l’auteur (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 7 ad art. 106 CP).
En l’espèce, au vu de la situation financière de B._ et du risque conséquent du stationnement alors que le prénommé savait que son bailleur n’avait pas respecté les conditions posées par la commune et qu’il prenait un risque sérieux en entreposant les véhicules à l’extérieur, une amende de 600 fr. est adéquate. La peine privative de liberté de substitution sera arrêtée à six jours.
4.
L’appelant conteste la mise à sa charge de l’entier des frais de procédure par l’autorité de première instance.
4.1
Selon l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s’il est condamné.
4.2
En l’espèce, l’appelant a fait opposition à une ordonnance le condamnant pour le stationnement de quatre véhicules et il a obtenu gain de cause s’agissant de deux d’entre eux puisque le Tribunal de première instance a, à juste titre, considéré que le prénommé n’avait pas commis d’infraction s’agissant des véhicules Peugeot (
[...]
) et Lancia (
[...]
). Aucune déduction n’a toutefois été portée au montant des frais supportés par l’intéressé. Vu ce qui précède, il y a lieu de ne mettre que la moitié des frais de première instance à la charge de B._, soit 225 francs. L’appel sera ainsi partiellement admis sur ce point.
5.
Enfin, dans ses conclusions, le prévenu prétend à une indemnité de 1’000 fr. du chef de l’art. 429 CPP.
5.1
Aux termes de l’art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a notamment droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure. Cette indemnité concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix (Wahlverteidiger) (Wehrenberg/Bernhard, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 12 ad art. 429 CPP,
p. 2844 et n. 3
in fine
ad art. 436 CPP, p. 2876). L’autorité pénale examine d’office les prétentions du prévenu. Elle peut enjoindre à celui-ci de les chiffrer et de les justifier (al. 2).
5.2
En l’espèce, si la Cour d’appel a partiellement admis l’appel de B._ s’agissant de la répartition des frais, elle ne peut lui donner raison sur ses prétentions en relation avec l’art. 429 CPP. En effet, d’une part, il est douteux qu’une telle indemnité ne soit en l’espèce justifiée même en cas de libération partielle, toute indemnisation étant en principe refusée lorsqu’il s’agit d’une contravention dont le montant est modique (cf. CAPE 16 mai 2012/132; CAPE 18 avril 2012/135; Wehrenberg/Bernhard, in Niggli/Heer/Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2011, n. 14 ad art. 429 CPP; Mizel/Rétornaz, op. cit. n. 31 ad art. 429 CPP). De plus, dans les cas juridiquement simples, l’activité de l’avocat doit se limiter au minimum (ATF 138 IV 197 c. 2.3.5, JT 2013 184). Or in casu, la seule difficulté était une difficulté de fait consistant à déterminer si les véhicules concernés par la dénonciation communale étaient immatriculés ou non. D’autre part, peut importe en définitive le nombre de véhicules effectivement concernés puisque B._ est condamné pour n’avoir pas respecté la règle concernant l’entreposage de véhicules hors d’usage à l’extérieur, règle qu’il a admis connaître sur le principe.
Partant, aucune indemnité ne peut être allouée à l’appelant sur la base de l’art. 429 CPP.
6.
En définitive, l’appel de B._ est partiellement admis. Le jugement de première instance sera modifié à son chiffre IV. en ce sens que seule la moitié des frais de justice sera mise à la charge du prévenu. Il est confirmé pour le surplus.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, constitués de l'émolument de jugement, par 900 fr. (art. 21 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale, RSV 312.03.1]), doivent être mis par moitié, soit 450 fr., à la charge de B._, le solde, par 450 fr. étant laissé à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
982433d2-e4a3-4daa-b130-897c8a21f127 | En fait :
A.
Par jugement du 8 janvier 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois a libéré W._ des chefs d’accusation d’abus de confiance et de gestion déloyale (I), a donné acte aux parties plaignantes, notamment J._, de leurs réserves civiles à l’encontre de W._ (II), a alloué à W._ un montant de 34'816 fr. 15, à titre d’indemnité au sens de l’art. 429 CPP (III), et a laissé les frais de la cause à la charge de l’Etat (IV).
B.
Par annonce du 29 janvier 2014, puis déclaration motivée du 21 février 2014, J._ a formé appel contre ce jugement, en concluant à la condamnation de W._ pour abus de confiance et gestion déloyale.
Par avis du 5 mai 2014, le Président de la cour de céans a informé les parties que l’appel sera traité en procédure écrite en application de l’art. 406 al. 1 CPP.
L’appelante n’a pas déposé de mémoire complémentaire dans le délai imparti à cet effet.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1
. W._ est née le [...] 1951 à Fribourg. Aînée d’une famille de trois enfants, elle a été élevée par ses parents. Après sa scolarité obligatoire, elle a effectué une formation de commerce au terme de laquelle elle a obtenu son CFC. Elle est mariée et a un fils majeur. Avant d’être engagée en 1992 à la Régie Q._ dont il sera question ci-dessous, elle a travaillé pour différentes agences immobilières. Depuis 2010, elle n’a plus d’emploi et son mari subvient aux besoins de la famille.
Son casier judiciaire est vierge.
2.
2.1
La Régie Q._ a été fondée en avril 1992. Son but social était d’exercer toutes les activités immobilières, en particulier la gérance et le courtage. L’actionnaire principal de cette régie était K._ SA, société détenue par S._ SA.
A compter de novembre 1993, la prévenue a géré la Régie Q._ en qualité d’administratrice. Cette dernière n’avait en réalité que la direction opérationnelle des bureaux de Montreux. En effet, elle ne gérait pas les finances de la régie, qui disposait d’un compte auprès de la Banque [...] sur lequel elle n’avait aucun pouvoir de décision ni signature. Chaque mois, elle transmettait au bureau de Genève une liste des disponibles des propriétaires et des factures à régler, avant de recevoir l’argent lui permettant de s’acquitter de ces montants.
Le 20 juillet 1998, sur les conseils de sa fiduciaire C._ SA, W._ a crée [...] SA et en est devenue l’administratrice. Le 22 juillet 1998, une convention conclue entre [...] SA, [...] SA, Régie Q._ et [...] SA a vendu la Régie Q._ à [...] SA pour un franc symbolique.
Au moment de ce rachat, la prévenue connaissait la santé financière désastreuse de la régie. En effet, au 31 décembre 1997, les comptes de cette entité présentaient une perte totale de 3'000'000 fr., soit une perte reportée d’environ 1'600'000 fr. et deux postpositions de créance en faveur de K._ SA et S._ SA d’environ 1’500'000 fr., qui lui ont permis d’échapper au surendettement. Au moment de la reprise, les disponibles revenant aux différents propriétaires n’étaient pas à jour et des arriérés importants étaient dus à ces derniers.
Dans la mesure où les anciens propriétaires de la Régie Q._ collaboraient avec diverses gérances immobilières situées dans des cantons différents, il n’est pas exclu que le compte ouvert auprès de la banque [...] ait servi de « pot commun » pour toutes les entités qu’ils géraient. Au moment de la reprise de la société, la prévenue s’est vue verser un certain montant depuis cette banque devant correspondre aux liquidités de la régie, sans réel contrôle de son exactitude.
2.2
L’évolution des comptes de la Régie [...] entre 1998 et 2003, soit durant la période où la prévenue la dirigeait tant opérationnellement que financièrement, a montré un assainissement lent mais sûr. Hormis une perte d’environ 18'000 fr. en 1999, les comptes ont présenté des bénéfices. Cette amélioration a été principalement due à l’activité déployée par la prévenue qui a notamment pris les mesures suivantes :
- au moment de la reprise de la société en 1998, la prévenue, sur le conseil et avec l’aide de sa fiduciaire, a augmenté le capital-action de 300'000 fr. à 600'000 fr.;
- elle a en outre muni la régie d’un programme comptable efficace, destiné aux gérances immobilières, qui individualise sur le plan comptable chaque immeuble, de sorte que toutes les opérations sont enregistrées par bâtiment et que le disponible est connu en tout temps;
- au moment de sa reprise, tous les loyers encaissés par la Régie Q._ pour les propriétaires dont l’intimée gérait les biens immobiliers étaient versés sur un compte commun « propriétaires », et non sur des comptes individualisés. L’intéressée s’est alors attelée à ouvrir ce type de compte pour tous les nouveaux mandats, ainsi que, petit à petit, pour les immeubles déjà sous gestion. Elle n’a cependant pas pu mener totalement à bien cette tâche, les liquidités lui manquant pour une ventilation complète de tous les immeubles. Ce manque résultait toutefois exclusivement du retard dont la prévenue a hérité lors de la reprise de la régie. L’ouverture des comptes individualisés s’est ainsi faite au fur et à mesure de l’assainissement de la société. Les propriétaires lésés dans cette affaire ont été ceux dont les loyers continuaient à être versés sur le compte commun;
- la prévenue s’est adjoint les conseils d’un réviseur sérieux en la fiduciaire C._ SA;
- enfin, elle a réduit son salaire mensuel à 6'000 fr., sans jamais l’augmenter. Elle n’a également pas fait valoir, contrairement au contrat qui la liait avec la Régie Q._, sa part aux commissions de courtage, laissant ces montants à disposition de la société.
En 2004, la situation de la gérance s’est toutefois considérablement détériorée, en raison d’une soudaine et drastique diminution de ses liquidités résultant notamment de la perte des mandats suivants :
- la résiliation des mandats octroyés par [...] SA à [...] SA, filiale de la Régie, a engendré une perte de liquidités d’environ 250'000 fr. par mois;
- le départ d’un client important, ensuite de la vente du complexe des [...] à un nouveau propriétaire, a eu pour conséquence une perte mensuelle de liquidités d’environ 400'000 fr.;
- la résiliation de mandats par certains clients, notamment la [...], ayant appris les difficultés de trésorerie de la gérance, a débouché sur une perte de liquidités de 200'000 fr. à 250'000 fr. par mois.
La résiliation de ces contrats a fait réapparaître le déficit créé par les précédents propriétaires de la régie.
Finalement, la faillite de la Régie Q._ a été prononcée le 16 février 2005. A ce moment, les comptes de la société présentaient un déficit de quelques 5'000'000 francs.
2.3
À compter de l’année 2004, une trentaine de propriétaires, dont J._, ont déposé plainte contre W._ et se sont constitués partie civile. Par ordonnance du 3 avril 2008, la prévenue a été renvoyée devant le tribunal de première instance pour abus de confiance, subsidiairement gestion déloyale. Il lui était notamment reproché de ne pas avoir géré les comptes des propriétaires de manière individualisée et d’avoir prélevé indûment des montants sur le compte commun « propriétaires » pour assurer la subsistance de la Régie Q._, montants qui ne comprennent toutefois pas les honoraires de gérance et d’administrateurs de PPE ainsi que les commissions de courtage qui devaient contractuellement revenir à la gérance.
2.4
Dans son jugement du 8 janvier 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois a considéré que l’intimée n’avait pas opéré de prélèvements illicites, de sorte qu’elle devait être libérée du chef d’accusation d’abus de confiance. S’agissant de la gestion déloyale, les premiers juges ont retenu que ce délit était prescrit et, au demeurant, que les conditions objectives et subjectives de cette infraction n’étaient pas remplies, de sorte qu’aucune faute civile ne pouvait être imputée à W._. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les formes et délai légaux par une partie ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de J._ est recevable.
1.2
L’appel ne portant que sur des questions de droit, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. a CPP).
2.
L’appelante conteste l’acquittement de la prévenue.
Le délit de gestion déloyale étant prescrit avec l’audience de première instance (jgt., p. 28), seule l’infraction d’abus de confiance sera examinée ci-dessous.
2.1
Commet un abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 aCP, respectivement de l’art. 138 ch. 1 al. 2 CP, celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers, des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées.
Sur le plan objectif, cette infraction suppose que l'on soit en présence d'une valeur confiée, ce qui signifie que l'auteur en ait la possession en vertu d'un accord ou d'un autre rapport juridique qui implique qu'il n'en a pas la libre disposition et ne peut se l'approprier (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3ème éd., 2010, n. 4 ad art. 138 CP). L'abus de confiance implique que l'auteur ait utilisé, sans droit, à son profit ou au profit d'un tiers, les valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées. Il y a emploi illicite d'une valeur patrimoniale confiée lorsque l'auteur l'utilise contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée. L'alinéa 2 de l'art. 138 ch. 1 CP ne protège pas la propriété, mais le droit de celui qui a confié la valeur patrimoniale à ce que celle-ci soit utilisée dans le but qu'il a assigné et conformément aux instructions qu'il a données (ATF 129 IV 257 c. 2.2.1; ATF
121 IV 23 c. 1c; ATF 119 IV 127 c. 2).
Du point de vue subjectif, l'auteur doit avoir agi intentionnellement et, même si la loi ne le dit pas expressément, dans un dessein d'enrichissement illégitime. Le dessein d'enrichissement peut être réalisé par dol éventuel (ATF
118 IV 32 c. 2a).
2.2
En l’espèce, les premiers juges ont relevé qu’à l’exception d’une perte en 1999, les produits de la régie avaient permis de couvrir ses charges et qu’il était donc peu vraisemblable que la prévenue ait puisé dans le compte commun alors qu’elle avait restreint les dépenses de la gérance partout où cela avait été possible. Par ailleurs, le programme dont l’intéressée avait doté la régie demandait pour tout prélèvement sur le compte « propriétaires » une contrepartie dans un compte individualisé; or, aucune irrégularité n’avait été constatée sur ce point. De plus, selon le comptable de la régie, à l’exception des honoraires de gérance et d’administrateur ainsi que des commissions de courtage, aucun montant n’avait été prélevé sur le compte « propriétaires » pour payer des frais inhérents à la régie. Enfin, aucun propriétaire lésé de la comptabilité individualisée n’avait relevé l’inscription de factures inhérentes à la gestion de la gérance ou de fausses factures ne correspondant à aucun frais existant. Sur la base de ces éléments, les premiers juges ont acquis la conviction que la prévenue n’avait opéré aucun prélèvement illicite sur le compte « propriétaires » en faveur de la Régie Q._ (jgt., pp. 27-28).
La cour de céans reprend à son compte l’appréciation des premiers juges qui est adéquate. L’appelante, qui se borne à relever qu’elle a été frustrée d’un certain nombre de loyers encaissés par la régie, ne fait valoir aucun élément permettant d’établir un emploi illicite par la prévenue des montants versés sur le compte « propriétaires ». Au surplus, comme retenu ci-dessus (cf. lettre C, p. 5), la débâcle subie en 2004 par la Régie Q._, qui est à l’origine de sa faillite, est expliquée par la soudaine et drastique diminution des liquidités ensuite de la résiliation de plusieurs mandats importants qui généraient chaque mois des centaines de milliers de francs. De surcroît, sur le plan subjectif, on ne discerne aucune une intention dolosive de cette dernière.
Sur le vu de ce qui précède, c’est à bon droit que les premiers juges ont libéré W._ du chef d’accusation d’abus de confiance.
3
Pour le surplus, en l’absence d’un appel joint du Ministère public, la question de savoir si W._ a commis une faute civile justifiant que tout ou partie des frais de la cause soient mis à sa charge n’a pas à être tranchée par la cour de céans. De toute manière, l’appelante n’aurait eu aucun intérêt juridique à porter le débat sur cette question.
4.
En définitive, l’appel de J._, manifestement mal fondé, doit être rejeté, sans autres échanges d’écriture (art. 390 al. 2 CPP par renvoi de l’art. 406 al. 4 CPP), et le jugement entrepris entièrement confirmé.
5.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, constitués du seul émolument d’arrêt, par 880 fr., doivent être mis à la charge de l’appelante.
Dans la mesure où l’appel était manifestement dénué de chances de succès et que, par conséquent, l’intimée n’a pas été invitée à se déterminer, cette dernière ne peut prétendre à aucune indemnité au sens de l’art. 429 CPP (art. 390 al. 2 à 4 CPP par renvoi de l’art. 406 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9832afdc-270c-4512-9b95-c306578e3451 | En fait :
A.
Par jugement du 25 février 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré V._ des accusations de violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d’un appareil de prise de vues et de menaces (I), l’a reconnu coupable de voies de fait, d’escroquerie, de diminution effective de l’actif au préjudice des créanciers, d’injure, de pornographie, d’inobservation des prescriptions légales sur la comptabilité, d’infraction à la Loi fédérale sur les étrangers, de contravention à la Loi fédérale sur l’assurance vieillesse et survivants et de conduite en état d’ébriété qualifiée (II), l’a condamné à une peine privative de liberté de 9 (neuf) mois, peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 3 septembre 2012 par le Tribunal de police de Lausanne, et à une amende de 2'000 fr. (deux mille francs) (III), a dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement fautif de l’amende sera de 20 (vingt) jours (IV), a ordonné la confiscation en vue de la destruction des objets suivants : une clé USB, deux disques, cinq coffrets contenant au total 29 CD (séquestre [...]) ; un CD (séquestre [...]) ; deux feuilles avec photos sur CD (séquestre [...]) (V), a ordonné le maintien au dossier au titre de pièces à conviction d’une lettre écrite en roumain (séquestre [...]) et d’un récépissé postal (séquestre [...]) (VI), a mis les frais de la procédure, arrêtés à 8'795 fr. 10, à la charge de V._, frais comprenant à hauteur de 3'050 fr., TVA comprise, l’indemnité servie à Me Aba Neeman, conseil désigné d’office au prévenu (VII) et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité qui précède n’interviendrait que si la situation financière de V._ le permettait (VIII).
B.
Par jugement du 9 juillet 2014, la Cour d’appel pénale a rejeté l’appel formé par V._ et a modifié d’office le jugement précité en ce sens que le prévenu est condamné à une peine privative de liberté de huit mois et quinze jours, ainsi qu’à 15 jours-amende à 30 fr. le jour et à une amende de 2'000 fr., peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 3 septembre 2012.
Le 14 septembre 2014, V._ a formé un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre ce jugement.
Par arrêt du 28 août 2015, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a partiellement admis le recours de V._, a annulé le jugement attaqué et a renvoyé la cause à l’autorité cantonale pour nouvelle décision.
Par avis du 9 septembre 2015, les parties ont été informées de la composition de la Cour et invitées à formuler des observations ou des réquisitions dans un délai au 24 septembre 2015 avant la fixation de nouveaux débats.
Par courrier du 24 septembre 2015, V._ a constaté qu’il devait être acquitté du chef d’accusation d’escroquerie pour la période du 1
er
janvier 2009 au 14 juin 2010. En outre, il a relevé que les éléments au dossier ne permettaient pas d’établir dans quelle quotité les tromperies qui lui étaient reprochées auraient faussé les calculs de l’Office d’assurance invalidité (ci-après l’Office AI), de sorte qu’il devait également être acquitté de cette infraction pour la période du 15 juin au 28 octobre 2010.
Le même jour, le Ministère public a informé la Cour de céans qu’il n’avait pas d’observations à formuler.
L’Office AI a produit le 21 octobre 2015 un rapport résumant les montants gagnés par le prévenu pour la période du 15 juin au 28 octobre 2010, les montants versés à ce dernier par l’assurance-invalidité durant cette période et les montants qui lui auraient été versés s’il n’avait pas procédé à des déclarations erronées (P. 73).
A l’audience du 18 novembre 2015, V._ a, par son défenseur d’office, conclu à ce qu’il soit condamné pour les autres infractions, qui ne sont plus contestées, à une peine avec sursis.
C.
Dans la mesure où, comme on le verra plus loin, seule l’infraction d’escroquerie reste litigieuse, on se bornera à exposer la situation personnelle du prévenu ainsi que les faits relatifs à ce chef d’accusation et on se référera pour le surplus aux faits retenus dans le jugement de la Cour de céans du 9 juillet 2014.
1.
Né en Serbie-Monténégro, le [...]
1965, V._ vit en Suisse depuis 1987, d’abord au bénéfice d’un permis saisonnier puis, dès 1991, d’un permis d’établissement. Il a travaillé comme coffreur jusqu’à un accident en 1998. Après cela, il s’est consacré à l’acquisition de clientèle et à la gestion administrative de l’entreprise de coffrage qu’il exploitait avec son frère. Dès 2009, il a commencé à exploiter un établissement public. Par décision de l’Office AI du 17 juillet 2013, la demi-rente AI qu’il percevait, depuis le 17 juillet 2002, a été supprimée avec effet rétroactif au 1
er
janvier 2008, étant précisé que le versement avait été suspendu dès le 28 octobre 2010.
Depuis juin 2015, le prévenu occupe des emplois temporaires à 50%, mais on lui aurait promis un emploi à plein temps pour le début de l’année 2016 au plus tard. Il gagne environ 3'000 fr. net par mois, treizième salaire et vacances compris. Son épouse est employée dans un restaurant comme extra à hauteur de 70 ou 80 %. Avec leurs deux salaires, les époux disposent d’un revenu mensuel d’environ 5'500 francs.
Le casier judiciaire suisse de V._ comporte les inscriptions suivantes :
- 21 septembre 2004, Préfecture de Lausanne, délit contre la Loi fédérale sur les armes, amende de 300 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve d’un an ;
- 21 décembre 2006, Untersuchungsrichteramt III Bern-Mittelland, conducteurs se trouvant en état d’incapacité, violation simple et grave des règles de la circulation routière, amende de 1'500 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 2 ans ;
- 3 septembre 2012, Tribunal de police de Lausanne, emploi d’étrangers sans autorisation, délit contre la Loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, délit contre la Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, violation simple et grave des règles de la circulation routière, conducteurs se trouvant en état d’incapacité (véhicule automobile, taux alcoolémie qualifié), contravention à l’Ordonnance sur les règles de la circulation routière, peine pécuniaire de 100 jours-amende à 50 fr., amende de 500 francs.
2.
Les 14 juin et 26 octobre 2010, lors d’entretiens de situation avec l’Office Al, le prévenu n'a pas déclaré qu'il exploitait un établissement public à Lausanne, ce qui lui a rapporté un bénéfice de 34’994 fr. en 2010.
Se fondant sur un revenu sans invalidité de 65'000 fr., et sur le revenu d’invalide qui avait été annoncé par le prévenu, provenant de son activité dans sa société de coffrage, l’Office Al Iui versait une demi-rente d’un montant mensuel de 1'418 fr., soit 788 fr. pour lui-même et 315 fr. pour chacun de ses deux enfants. Pour Ia période du 15 juin au 28 octobre 2010, il a versé un total de 5'751 fr., étant précisé que la rente pour l’un des enfants n'était due que jusqu’à fin août 2010.
Si le prévenu avait annoncé Ie revenu de 34'994 fr. gagné en 2010 comme restaurateur, l'Office Al ne Iui aurait accordé qu'un quart de rente. Le total versé pour la période du 15 juin au 28 octobre 2010 n'aurait été que de 2‘875 fr. 50. L’Office AI a ainsi subi un préjudice de 2'875 fr. 50. | En droit :
1.
Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Il peut également renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 107 al. 2 LTF [loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral, RS 173.110]). L'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit contenus dans l'arrêt de renvoi. Elle ne peut en aucun cas s'écarter de l'argumentation juridique du Tribunal fédéral, aussi bien en ce qui concerne les points sur lesquels il a approuvé la motivation précédente que ceux sur lesquels il l'a désapprouvée. Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis – même implicitement – par le Tribunal fédéral (Corboz, in: Commentaire de la LTF, Berne 2009, ch. 27 ad art. 107 LTF).
2.
Dans son arrêt du 28 août 2015, le Tribunal fédéral a considéré que l’infraction d’escroquerie commise par V._ ne pouvait pas porter sur la période allant du 1
er
janvier 2009 au 28 octobre 2010, car il ne résultait pas de l’état de fait qu’un comportement actif de tromperie, respectivement qu’un comportement passif de tromperie malgré une position de garant, pouvait être retenu avant le 14 juin 2010, date à laquelle le prévenu avait affirmé n’avoir pas d’autres activités que celle de coffreur. Ainsi, l’appelant doit être acquitté pour la période du 1
er
janvier 2009 au 14 juin 2010.
3.
Par ailleurs, le Tribunal fédéral a considéré que pour la période du 15 juin au 28 octobre 2010, il n’était pas établi en quoi et dans quelle quotité la tromperie du prévenu aurait faussé le résultat des calculs de l’Office AI et qu’il incombait par conséquent à l’autorité de céans de compléter l’état de fait et rendre une nouvelle décision.
3.1
Aux termes de l’art. 146 al. 1 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Sur le plan objectif, l’escroquerie suppose d’abord une tromperie, qui peut consister soit à induire la victime en erreur, par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, soit à conforter la victime dans son erreur, en lui montrant, par des paroles ou par des actes, qu’elle est dans le vrai, alors qu’en réalité elle se trompe. Il faut en outre que la tromperie ait été astucieuse.
L’astuce est réalisée non seulement lorsque l’auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu’il se borne à donner de fausses informations dont la vérification n’est pas possible, ne l’est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l’auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu’elle renoncera à le faire, par exemple en raison d’un rapport de confiance particulier (ATF 133 IV 256 consid. 4.4.3 ; ATF 128 IV 18 consid. 3a). Tel est notamment le cas si l’auteur conclut un contrat en ayant d’emblée l’intention de ne pas fournir sa prestation alors que son intention n’était pas décelable (ATF 118 IV 359 consid. 2), s’il exploite un rapport de confiance préexistant qui dissuade la dupe de vérifier (ATF 122 IV 246 consid. 3a) ou encore si la dupe, en raison de sa situation personnelle (faiblesse d’esprit, inexpérience, grand âge ou maladie), n’est pas en mesure de procéder à une vérification et que l’auteur exploite cette situation (ATF 120 IV 186 consid. 1a). L’astuce n’est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence que l’on pouvait attendre d’elle. Il n’est pas nécessaire, pour qu’il y ait escroquerie, que la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence et qu’elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles. La question n’est donc pas de savoir si elle a fait tout ce qu’elle pouvait pour éviter d’être trompée. L’astuce n’est exclue que lorsque la dupe est coresponsable du dommage parce qu’elle n’a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s’imposaient (ATF 128 IV 18 consid. 3a).
Du point de vue subjectif, l’auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d’enrichissement illégitime. Cet enrichissement, de l’auteur lui-même ou d’un tiers, est en général le pendant de l’appauvrissement de la victime et peut donc aussi être déduit de l’intention de causer un préjudice à la victime (ATF 119 IV 210 consid. 4b).
3.2
En l’espèce, il résulte de l’instruction que le prévenu a dissimulé des revenus à l’Office AI. C’est en vain qu’il fait valoir qu’il a utilisé ces revenus pour les injecter dans sa société de coffrage : il n’en demeure pas moins qu’ils devaient être annoncés. Par cette tromperie, il a obtenu une demi-rente d’invalidité, alors qu’il n’aurait eu droit, sans elle, qu’à un quart de rente. Pour la période litigieuse, le préjudice de l’Office AI a atteint 2'875 fr. 50.
Les tromperies astucieuses de l’appelant ayant bien faussé le résultat des calculs de l’Office AI, les conditions de l’escroquerie sont donc réalisées.
4.
Il convient ensuite d’examiner la quotité de la peine, l’appelant étant libéré de l’accusation d’escroquerie pour la période du 1
er
janvier 2009 au 14 juin 2010.
4.1
4.1.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 ; ATF 129 IV 6 consid. 6.1).
4.1.2
Selon l'art. 42 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (al. 1). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de six mois au moins ou à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).
L’art. 43 al. 1 CP dispose que le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine pécuniaire, d’un travail d’intérêt général ou d’une peine pécuniaire d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur. De jurisprudence constante, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel prévu à l’art. 43 CP (ATF 134 IV 1 consid. 5.3.1 ; cf. aussi TF 6B_664/2007 du 18 janvier 2008 consid. 3.2.1 ; TF 6B_353/2008 du 30 mai 2008 consid. 2.3).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.1). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (TF 6B_492/2008 du 19 mai 2009 consid. 3.1.2 ; ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2).
Selon l’art. 44 al. 1 CP, si le juge suspend totalement ou partiellement l’exécution de la peine, il impartit au condamné un délai d’épreuve de deux à cinq ans.
4.2
En l’espèce, la culpabilité de V._ n’est pas anodine. Le prévenu s’est rendu coupable d’escroquerie, de diminution effective de l’actif au préjudice des créanciers, de voies de fait, d’injure, de pornographie, d’inobservation des prescriptions légales sur la comptabilité, d’infraction à la Loi fédérale sur les étrangers, de contravention à la Loi fédérale sur l’assurance vieillesse et survivants et de conduite en état d’ébriété qualifiée. A décharge, il faut tenir compte du fait que l’escroquerie reprochée porte désormais sur une période de quatre mois et demi seulement, que les infractions commises remontent à trois ans et que depuis cela l’appelant a adopté un bon comportement. Enfin, on notera que sa femme et lui travaillent et ont une vie stable. Au vu de tous ces éléments, c’est donc une peine privative de liberté de 6 mois et non de 8 mois et demi ainsi que 15 jours-amende à 30 fr. le jour et une amende de 2’000 fr. qui doit être prononcée à l’encontre du prévenu.
Concernant l’octroi d’un sursis, le pronostic quant au comportement futur du prévenu n’étant pas défavorable au vu des éléments précités, ce dernier peut ainsi être mis au bénéfice de cette mesure de clémence. Toutefois, la durée du délai d’épreuve sera fixée au maximum légal.
5.
En définitive, l’appel de V._ doit être partiellement admis et le jugement entrepris modifié en ce sens que le prévenu est condamné à une peine privative de liberté de 6 mois avec sursis pendant cinq ans, à 15 jours-amende à 30 fr. le jour et à 2'000 fr. d’amende.
5.1
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel antérieurs à l’arrêt du Tribunal fédéral du 28 août 2015, par 4'697 fr. 60, y compris l’indemnité allouée au défenseur d’office de V._, par 2'127 fr. 60, seront mis par neuf dixièmes à la charge de ce dernier, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
Les frais d’appel postérieurs à l’arrêt du Tribunal fédéral du 28 août 2015, par 2'517 fr. 20, y compris l’indemnité allouée au défenseur d’office de l’appelant, qui doit être arrêtée à 907 fr. 20, TVA incluse (soit 4 heures d’activité au tarif horaire de 180 fr. ainsi qu’une vacation à 120 fr.), seront laissés à la charge de l’Etat.
V._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat les neuf dixièmes du montant de l’indemnité
en faveur de son défenseur d’office, par 2'127 fr. 60, que lorsque sa situation financière le permettra
(art. 135 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
983795fc-454f-48da-8292-619ff95604d3 | En fait :
A.
Par jugement du 3 septembre 2012, rectifié le 10 septembre 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que M._ s'est rendu coupable de contrainte sexuelle et de viol (I), l'a condamné à une peine privative de liberté de 15 mois (II), a suspendu l'exécution de la peine privative de liberté et a fixé un délai d'épreuve de deux ans (III), a dit qu'il est le débiteur de X._ d'une indemnité pour tort moral de 3'000 fr., valeur échue (IV), a ordonné la confiscation et le maintien au dossier à titre de pièce à conviction d'une bouteille de FA verte vide séquestrée sous fiche n°2675 (V) et a statué sur les indemnités d'office et les frais de justice (VI à IX).
B.
Le 21 septembre 2012, X._ a formé appel contre ce jugement. Par déclaration d'appel du 18 octobre 2012, elle a conclu à sa modification en ce sens qu'une indemnité pour tort moral de 10'000 fr. lui est allouée à la charge de M._.
Le 25 octobre 2012, le Ministère public a annoncé qu'il renonçait à déposer une demande de non-entrée en matière ou à déclarer un appel joint.
Par acte du 12 novembre 2012, intitulé "appel joint", M._ a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement rendu par le Tribunal de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois.
Par courrier du 14 novembre 2012, le Président de la Cour d'appel pénale a informé les parties que la procédure d'appel serait écrite (art. 406 let. b CPP) et que sauf objection motivée dans les cinq jours, la cause serait en état d'être jugée, sans plus ample mémoire.
Par courriers du 20 novembre 2012, les conseils respectifs de l'appelante et de l'intimé ont déposé leur liste d'opérations.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
M._ est né en 1959 à Lausanne. Elevé par ses parents, il a passé son enfance et a suivi sa scolarité obligatoire dans la région de Morges. Il a effectué un apprentissage et a obtenu un Certificat fédéral de capacité (CFC) en construction métallique. Il a ensuite été engagé au service des Chemins de fer fédéraux suisses (CFF) comme constructeur métallique dans l'entretien ferroviaire et il travaille toujours auprès de ce même employeur. Il a complété sa formation en suivant des cours de maîtrise européenne en soudage. L'intimé gagne environ 5'600 fr. net par mois, versé treize fois l'an. Marié, puis divorcé en 2005, il est le père de deux enfants, nés en 1992 et 1996. Il verse une pension pour l'entretien de son fils mineur d'environ 800 fr. par mois. Il vit en concubinage avec son amie qui participe financièrement aux charges du ménage. Il est propriétaire de la maison qu'il occupe et il s'acquitte d'un montant mensuel de 750 fr. en paiement des intérêts hypothécaires ainsi qu'un montant annuel de 6'500 fr. comme amortissement indirect. Selon ses dires, il n'a ni dettes ni économies.
Le casier judiciaire suisse de l'intimé est vierge de toute inscription.
2.
M._ et X._ se sont rencontrés à la fin de l'année 2004. L'appelante a emménagé chez l'intimé en 2005, avec ses deux enfants. Des tensions sont peu à peu apparues entre les concubins. Ces difficultés étaient dues à des problèmes financiers et à des divergences sur l'éducation des enfants, notamment en matière d'alimentation. Au début de l'année 2008, les deux concubins ont fait chambre à part dans l'attente que l'appelante quitte le domicile avec ses deux enfants.
A une date indéterminée, vers 6h00 du matin, dans la salle de bain occupée par X._, M._ a contraint cette dernière à lui prodiguer une fellation, puis l'a pénétrée, avec ses doigts, dans le vagin et l'anus. L'appelante s'étant mise à crier, et se trouvant dans une position rendant l'acte sexuel impossible, l'intimé est parti.
Suite à cet événement, l'intimé a tenté à plusieurs reprises d'entretenir des relations sexuelles avec l'appelante, laquelle réussissait à chaque fois à se défendre et à le repousser.
Le 9 avril 2008, l'intimé a proposé un massage à l'appelante qui était installée sur le canapé et avait mal à la nuque. Malgré quelques réticences, elle a accepté, étant précisé que l'intimé lui a assuré ne pas vouloir aller plus loin. Après avoir commencé par la nuque, l'intimé est descendu dans le bas du dos et a dégrafé le soutien-gorge de l'appelante. Ayant obtenu de l'appelante, qui ne se doutait de rien, qu'elle s'allonge sur le canapé, l'intimé est alors allé chercher une bombonne de déodorant à la salle de bain. En revenant, dans un enchaînement rapide, il s'est mis sur l'appelante, l'a tenue de son avant-bras au niveau des épaules, lui a baissé sa culotte et a inséré la bombonne dans le vagin. L'appelante ayant commencé à se débattre, l'intimé a retiré la bombonne et l'a pénétrée avec son sexe, jusqu'à éjaculation.
X._ a déposé plainte contre M._ le 11 avril 2008. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'espèce, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP), l'appel formé par X._, suffisamment motivé au sens de l'art. 399 al. 3 CPP, est recevable.
S'agissant d'un appel dirigé exclusivement contre des conclusions civiles, la procédure écrite est applicable (art. 406 al. 1 let. b CPP).
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
X._ fait valoir que le montant alloué à titre d'indemnité pour tort moral est insuffisant. En outre, elle estime que la motivation des premiers juges concernant la gravité de l'atteinte est en partie erronée, lorsque ceux-ci retiennent qu'elle a non seulement souffert de violences sexuelles, mais également des relations très conflictuelles qui ont caractérisé les derniers mois de la vie de couple. Elle soutient enfin que le montant alloué s'écarte notablement de ce que les tribunaux allouent d'ordinaire en matière de réparations des graves atteintes sexuelles. De son côté, M._ fait valoir que le tribunal a pris en considération de manière adéquate les particularités de l'espèce.
3.1
L'art. 47 CO (Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse [Livre cinquième: Droit des obligations]; RS 220) étant un cas particulier de l'action générale en réparation du tort moral prévue par l'art. 49 CO, le lésé n'a droit à une réparation que pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie (Tercier, Le nouveau droit de la personnalité, Zürich 1984, nn. 2047 ss, pp. 270 ss). On définit le tort moral comme les souffrances physiques ou psychiques que ressent la personne lésée à la suite d'une atteinte à sa personnalité. L'art. 49 al. 1 CO exige une atteinte d'une certaine gravité, dépassant la mesure de ce qu'une personne doit normalement supporter sans recourir au juge, que ce soit sur le plan de la durée des souffrances ou de leur intensité (Deschenaux/Tercier, La responsabilité civile, 2
e
édition, Berne 1982, nn. 24 ss, p. 93; Tercier, op. cit., n. 2029, p. 267, nn.2047 ss, pp. 270 ss; Tercier, La réparation du tort moral: crise ou évolution?, in: Mélanges Deschenaux, Fribourg 1977, pp. 307 ss, spéc. p. 313, ch. 3).
Alors que le calcul du dommage se fonde autant que possible sur des données objectives, l'évaluation du tort moral échappe par sa nature à une appréciation rigoureuse, puisqu'elle concerne des valeurs par définition non mesurables. En effet, nul ne peut réellement évaluer la souffrance d'autrui (Werro, La responsabilité civile, 2
e
édition, Berne 2011, n. 1345, p. 378). Selon la jurisprudence, le juge peut dès lors se fonder sur un tarif préétabli mais doit bien davantage prendre en considération l'ensemble des circonstances. De façon générale, la fixation de la réparation morale devrait s'effectuer en deux phases, la phase objective principale permettant de rechercher le montant de base au moyen de critères objectifs et la phase d'évaluation faisant intervenir les facteurs d'augmentation ou de réduction du tort moral ainsi que les circonstances du cas particulier tels que la cause de la responsabilité, la gravité de la faute, une éventuelle faute concomitante et les conséquences dans la vie particulière du lésé (ATF 132 II 117 c. 2.2.3; TF 4C.263/2006 du 17 janvier 2007 c. 7.3).
3.2
En l'espèce, les actes illicites commis par M._ sont d'une gravité indéniable. Ils le sont d'abord par leur pluralité, puisqu'ils se sont produits à deux reprises. Les actes en eux-mêmes trahissent également une faute lourde. L'intimé n'a pas craint d'imposer de multiples pénétrations, dont certaines dans le but manifeste d'humilier la victime en usant d'objets. Lorsque l'intimé fait valoir dans ses déterminations qu'en réalité le Tribunal de La Côte (recte: de la Broye et du Nord vaudois) n'aurait pas été entièrement convaincu de sa culpabilité, il se trompe doublement. En effet, d'abord, la simple lecture du jugement démontre le contraire, les premiers juges ayant exposé de manière claire, complète et convaincante les motifs de leur conviction. Ensuite, parce que, contrairement à ce qu'affirme encore l'intimé, le tribunal a retenu que la victime s'était opposée aux actes, en criant et en se débattant (jgt, p. 43, qui renvoie aux faits décrit sous ch. 4). Lorsque les premiers juges retiennent que le prévenu a agi à tout le moins par dol éventuel, cela ne signifie donc pas que la faute de l'auteur soit plus légère, mais que ce dernier ne pouvait qu'avoir conscience du refus de sa victime.
En outre, la victime a subi les lésions physiques décrites dans les rapports médicaux de la Dresse [...] (jgt, pp. 36 et 37). Il n'y a rien dans les faits retenus en première instance qui puisse relativiser la gravité des actes et, sur le plan subjectif, la faute de l'auteur. Il n'y a pas de faute concomitante de la victime, qui a repoussé dans la mesure de ses moyens l'auteur et qui a été pénétrée par surprise et par contrainte physique.
Au vu de ce qui précède, le montant de l'indemnité tel qu'arrêté en première instance apparaît donc comme insuffisant. Le fait que la plaignante ait enduré d'autres souffrances dans le cadre des relations de couple ne permet pas de relativiser celles encourues en raison des agressions sexuelles. Pour le surplus, les premiers juges ont pris correctement en compte les conséquences pour la victime des atteintes illicites, en rappelant qu'il s'agit d'indemniser des souffrances morales et physiques.
Tout bien considéré, s'agissant d'indemniser les conséquences de deux agressions sexuelles distinctes, le montant réclamé par l'appelante, lequel apparaît encore mesuré, doit être alloué.
4.
En définitive, l'appel de X._ doit être admis.
Vu l'issue de la cause, les frais de la présente procédure, par 2'662 fr. doivent être mis à la charge de M._ qui a conclu au rejet de l'appel (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 880 fr. (art 422 CPP; art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l'indemnité allouée au conseil d'office de l'appelante et au défenseur d'office de l'intimé (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP, art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP).
Au vu des opérations effectuées en appel, il se justifie d'arrêter à
831 fr. 60, TVA et débours compris, l'indemnité allouée au conseil d'office de l'appelante et à 950 fr. 40, TVA et débours compris, l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'intimé. Ce dernier ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités en faveur du conseil d'office de l'appelante et de son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9840c624-da4f-4f9d-816e-cf1e6896956a | En fait :
A.
Par jugement du 18 mai 2015, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a notamment déclaré C._ coupable de violation grave des règles de la circulation routière (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 50 fr. le jour, avec sursis durant deux ans, ainsi qu’à une amende de 350 fr., la peine privative de liberté de substitution étant de 7 jours, (II) et a mis les frais judiciaires à sa charge (IV).
B.
Par annonce du 1
er
juin 2015, puis déclaration motivée du 23 juin suivant, C._ a formé appel contre ce jugement, en concluant principalement à son acquittement du chef de prévention de violation grave des règles de la circulation routière, subsidiairement à sa condamnation pour violation simple des règles de la circulation routière et, plus subsidiairement, à une réduction de peine.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Célibataire et sans enfant à charge, C._ travaille à Genève en qualité de comptable. Il réalise un revenu mensuel net d’un peu plus de 8'000 fr., versé treize fois l’an. Il est propriétaire pour une demie d’un appartement évalué à 90'000 fr. et dont l’usufruit appartient à son père et à sa belle-mère. Il a prêté la somme de 240'000 fr. à un tiers, en garantie de laquelle il a reçu une cédule hypothécaire qu’il a utilisée afin d’obtenir un prêt pour lui-même. Il est endetté à hauteur de 394'000 fr. environ et fait l’objet d’une saisie de salaire mensuelle de 4'400 francs. Son loyer mensuel s’élève à 1'288 fr. 60 et sa prime d’assurance-maladie à 469 fr. 20.
Le casier judiciaire du prévenu est vierge. Le fichier ADMAS ne comporte aucune inscription à son nom.
2.
Le 8 octobre 2014, à 22h54, sur la chaussée Lac de l’autoroute A9, entre les jonctions de Belmont et de Chexbres, peu après l’aire de ravitaillement de Lavaux (km 14.770), C._ a circulé au volant d’un véhicule automobile à une vitesse de 96 km/h, marge de sécurité déduite, au lieu des 60 km/h autorisés à l’endroit de la mesure. Le ciel était couvert et la route humide (P. 4).
Il ressort du plan des lieux (P. 12) ainsi que du DVD versé au dossier (P. 11) qu’un pont provisoire permettant de maintenir le trafic pendant la durée de travaux de réfection de la chaussée avait été mis en place 30 m après le radar à l’origine de la mesure (km 14.800). Plusieurs panneaux étaient posés des deux côtés de la route avant cet ouvrage. Une première limitation de vitesse à 80 km/h était placée 800 m en amont (km 14.000). Après un panneau annonçant la présence de travaux, la chaussée était réduite à deux voies à la hauteur du km 14.400, la troisième voie, celle réservée aux véhicules lents, étant interdite à la circulation et séparée des autres par des poteaux. Une limitation de vitesse à 60 km/h, surmontée d’un signal lumineux, était placée au km 14.450. Une centaine de mètres plus loin, un panneau indiquait que des contrôles de vitesse étaient effectués et enfin, au km 14.720, soit 50 m environ avant le radar, un dernier panneau rappelait que le trafic était limité à 60 km/h. | En droit :
1.
1.1
Interjeté dans les forme et délai légaux (art. 399 CPP) par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de C._ est recevable.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
2.
2.1
L’appelant ne remet pas en question l’excès de vitesse qui lui est reproché. Il conteste en revanche que celui-ci soit qualifié de grave.
2.2
Aux termes de l’art. 90 al. 2 LCR (Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 ; RS 741.01), celui qui, par une violation grave d'une règle de la circulation, crée un sérieux danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Selon l’art. 4a al. 1 OCR (Ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 ; RS 741.11), la vitesse maximale générale des véhicules peut atteindre, lorsque les conditions de la route, de la circulation et de visibilité sont favorables, 50 km/h dans les localités (let. a), 80 km/h hors de localités, à l’exception des semi-autoroutes et des autoroutes (let. b), 100 km/h sur les semi-autoroutes (let. c) et 120 km/h sur les autoroutes (let. d). L’art. 4a al. 5 OCR prescrit que lorsque des signaux indiquent d'autres vitesses maximales, celles-ci sont applicables en lieu et place des limitations générales de vitesse.
L'infraction réprimée par l'art. 90 al. 2 LCR est objectivement réalisée lorsque l'auteur viole grossièrement une règle fondamentale de la circulation et met ainsi sérieusement en danger la sécurité d'autrui; une mise en danger abstraite accrue est toutefois suffisante. Subjectivement, l'infraction suppose un comportement sans scrupule ou gravement contraire aux règles de la circulation. Cette condition est toujours réalisée si l'auteur est conscient du danger que représente sa manière de conduire. En cas d'acte commis par négligence, l'application de l'art. 90 al. 2 LCR implique à tout le moins une négligence grossière (ATF 131 IV 133 consid. 3.2, JdT 2005 I 466). Dans le domaine des excès de vitesse, la jurisprudence, afin d'assurer l'égalité de traitement, a été amenée à fixer des règles précises. Ainsi, le cas est objectivement grave, c'est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes, en cas de dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l'intérieur des localités, de 30 km/h ou plus hors des localités et sur les semi-autoroutes dont les chaussées, dans les deux directions, ne sont pas séparées et de 35 km/h ou plus sur les autoroutes. Le conducteur qui dépasse de manière aussi caractérisée la vitesse autorisée agit intentionnellement ou à tout le moins par négligence grossière. Il existe un lien étroit entre la violation objectivement grave et l'absence de scrupule sous l'angle subjectif, sous réserve d'indices contraires spécifiques.
Le Tribunal fédéral a régulièrement nié l'existence de telles circonstances à décharge (TF 6B_3/2014 du 28 avril 2014 consid. 1.1 et 1.3, ainsi que les arrêts cités ; TF 6B_1011/2013 du 13 mars 2014 consid. 2.1 ; Bussy et al., Code suisse de la circulation routière commenté, 4
e
éd., Bâle 2015, n. 8 ad art. 16 ss LCR et n. 3.10.3.1 ad art. 32 LCR).
2.3
En l’espèce, l’appelant circulait à 96 km/h sur un tronçon d’autoroute où la vitesse, en dérogation à la règle générale de 120 km/h, était limitée à 60 km/h. La limite du cas grave au sens de l’art. 90 al. 2 LCR est manifestement dépassée. Le premier juge a en outre pris en considération la réduction de vitesse imposée par les travaux par rapport à la vitesse ordinaire sur autoroute en tenant compte, à juste titre, de la limite du cas grave relative aux dépassements hors localités. Au regard de l’importance de la limitation de vitesse et de la dangerosité inhérente au pont provisoire, on ne saurait soutenir qu’il eut été nécessaire de tenir compte de la limite du cas grave applicable aux autoroutes. Au demeurant, le cas grave serait réalisé même dans cette hypothèse.
2.4
S’agissant de l'aspect subjectif de l'infraction, l’appelant affirme n’avoir pas agi intentionnellement et soutient que seule une inattention, tout au plus légère, pourrait lui être reprochée.
2.4.1
L’appelant fait valoir en particulier que les panneaux de limitation de vitesse n’auraient pas été suffisamment visibles.
En l’occurrence, l’appréciation du premier juge, à laquelle la cour de céans se réfère intégralement (jugement, p. 7) ne porte pas le flanc à la critique. Au vu notamment du nombre d’indications disposées des deux côtés de la route en amont du pont provisoire, du rétrécissement de la chaussée et du fait que le premier panneau indiquant une limitation de vitesse à 60 km/h était de surcroît mis en évidence par un signal lumineux, les déclarations de l’appelant ne sont guère crédibles. Force est de considérer qu’en dépassant de 36 km/h la vitesse autorisée, le prévenu a agi intentionnellement ou à tout le moins par négligence grossière.
2.4.2
L’appelant soutient en dernier lieu qu’il n’y aurait pas eu de mise en danger et fait valoir qu’il n’y aurait pas eu de travaux ce soir-là, la circulation étant par ailleurs fluide.
Peu importe dans le cas d’espèce, compte tenu du caractère contraignant des limites de vitesse évoqué précédemment. Nonobstant l’absence d’ouvriers à cette heure tardive, il n’est au surplus pas exact qu’un passage à cette vitesse sur un chantier et notamment un pont provisoire ne serait pas constitutif d’un danger pour la circulation, ne serait-ce qu’au regard de la pente que comporte un tel ouvrage. Dans de telles circonstances, aucun des arguments de l’appelant ne saurait être retenu.
2.5
Au vu des éléments qui précèdent, c’est à juste titre que l’appelant a été condamné pour violation grave des règles de la circulation routière au sens de l’art. 90 ch. 2 LCR, les conditions de cette infraction étant réunies objectivement et subjectivement.
3.
3.1
L’appelant soutient que la peine qui lui a été infligée serait trop sévère. Elle ne tiendrait pas compte du fait que son casier judiciaire est vierge et que le registre ADMAS ne comporte aucune inscription à son sujet.
3.2
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 c. 3.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
3.3
En l’espèce, le premier juge a pris en considération l’absence d’antécédent de l’appelant, élément pourtant neutre en soi (ATF 136 IV 1), et le fait qu’il avait admis l’excès de vitesse qui lui était reproché. Il a tenu compte, à sa charge, de l’importance de cet excès. A cet élément, il convient d’ajouter la configuration dangereuse des lieux. La peine pécuniaire ainsi que l’amende prononcées apparaissent ainsi adéquates et doivent être confirmées. La quotité du jour-amende est adaptée à la situation économique de l’appelant et tient compte en particulier de la saisie de salaire dont il fait l’objet (jugement, p. 10).
4.
En définitive, l'appel de C._ doit être rejeté et le jugement de première instance intégralement confirmé.
5.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 1’170 fr., constitués en l’espèce de l'émolument d’arrêt (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), seront mis à la charge de C._, qui succombe (art. 428 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9844feb6-6fc8-4a27-911e-40e090aaf656 | En fait :
A.
Par jugement du 23 janvier 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a libéré L._ des chefs de prévention de lésions corporelles simples, lésions corporelles simples qualifiées, tentative de remise de substances nocives à des enfants, vol commis au préjudice d'un proche, dommages à la propriété, injure, menaces, tentative de viol, tentative de contrainte sexuelle et infraction à l'art. 19bis LStup (I), constaté que L._ s'est rendu coupable de vol, tentative de vol, utilisation frauduleuse d'un ordinateur, infraction et contravention à la LStup (II), l'a condamné à une peine privative de liberté de 120 jours, sous déduction de 120 jours de détention préventive déjà subie (III), dit que cette peine est partiellement complémentaire à celles prononcées le 9 juin 2010 par le Tribunal des mineurs et le 24 septembre 2010 par le Juge d'instruction de Lausanne, et entièrement complémentaire à celle prononcée le 8 février 2011 par le Ministère public de Genève (IV), ordonné la confiscation et la destruction de 0.6 g d'héroïne, 2 sachets de 5 g d'héroïne,
4 pacsons d'héroïne de 0.6 g, un mouchoir, un sachet minigrip et
5 pacsons d'héroïne d'un poids brut de 1.4 g (V), ordonné la confiscation et la dévolution à l'Etat de la somme de 40 fr. (VI), ordonné le maintien au dossier d'un CDR et d'une vidéo à titre de pièce à conviction (VII), ordonné la levée de la saisie sur la somme de 700 fr. et sa restitution à L._ (VIII), alloué à Me Bertrand Demierre une indemnité de 16'908 fr. 40, débours et TVA compris (IX), arrêté les frais de justice à la charge de L._ à 17'261 fr. 30 (X), dit que le remboursement par L._ d'un cinquième de l'indemnité mentionnée sous chiffre VIII ci-dessus, soit 3'381 fr. 70, est subordonné à l'amélioration de sa situation économique (XI), arrêté les frais de justice à la charge de la plaignante ...][...] à 10'687 fr. 50 (XII), alloué à L._ à la charge de l'Etat, une indemnité pour tort moral de 72'000 fr., avec intérêt à 5% l'an dès le 16 janvier 2012 (XIII) et a laissé le solde des frais à la charge de l'Etat (XIV).
Par arrêt du 27 septembre 2012 (CAPE 200/2012), la Cour d’appel pénale a notamment partiellement admis l’appel du Ministère public (I), très partiellement admis l’appel de L._ (II), mis une partie des frais de justice, par 17'261 fr. 30, à la charge de L._ (X), alloué à ce dernier, à la charge de l'Etat, une indemnité de 40'740 fr. plus intérêt à 5% l'an dès le 16 janvier 2012 (XIII) et ordonné la compensation de ce montant avec les frais mis à la charge de L._, un solde de 23'478 fr. 70 plus intérêt à 5% l'an dès le 16 janvier 2012 étant dû par l'Etat de Vaud à L._ (XIIIbis).
La Cour d’appel a retenu qu’entre le 4 février 2011 et le
16 janvier 2012, l’appelant avait été mis en détention durant 408 jours et qu’il avait subi 196 jours de détention injustifiée non compensés. S’agissant du montant de l’indemnité, la Cour d’appel a considéré qu’il se justifiait de fixer l’indemnité au montant habituel de 200 fr. par jour. La Cour d’appel a également retenu que l’appelant devait être remboursé des frais de justice mis à sa charge par la Chambre des recours pénale à raison de 1'540 fr., s’agissant de deux demandes de libération ; elle a en revanche exclu le remboursement des frais de justice en lien avec trois demandes d'exécution de manière anticipée d'un traitement des addictions. Appliquant d’office l'art. 442 al. 4 CPP, la Cour d’appel a enfin ordonné la compensation entre l'indemnité pour tort moral de 39'200 fr, à laquelle s'ajoute l'indemnité de 1'540 fr., soit un montant total de 40'740 fr., d'une part, et les frais mis à la charge de L._ en première instance, de 17'261 fr. 30, d'autre part, un solde de 23'478 fr. 70 lui étant alloué.
L._ a formé un recours en matière pénale contre ce jugement auprès du Tribunal fédéral. Il a conclu, sous suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que les frais de justice mis à sa charge s’élèvent à 2'852 fr. 25 et que l’indemnité qui lui est due par l’Etat s’élève à un total de 52'770 fr., avec intérêt à 5% l’an dès le 16 janvier 2012, la compensation de ces montants n’étant pas prononcée. Il a par ailleurs requis l’assistance judiciaire.
Par arrêt du 8 juillet 2013, la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a notamment partiellement admis le recours et annulé le jugement attaqué, renvoyant la cause à l’autorité cantonale pour nouvelle décision (TF 6B_53/2013).
Par courrier du 17 juillet 2013, les parties ont été informées que la cause serait traitée en procédure écrite et elles ont été invitées à déposer des éventuelles observations ou réquisitions jusqu'au 2 août 2013.
L._ s’est déterminé le 31 juillet 2013.
Le Ministère public a renoncé à se déterminer.
Interpellée par la Présidente de la Cour d’appel pénale, la Police cantonale de sûreté a précisé que lors de son interpellation le 24 janvier 2011, L._ avait fait l’objet d’une audition formelle en qualité de personne appelée à donner des renseignements, indiquant que l’audition avait débuté à 14h45 et s’était terminée à 15h35 (P. 211).
B.
Il convient pour le surplus de se référer aux faits retenus par la Cour de céans dans son jugement du 27 septembre 2012, qui ne sont pas contestés. | En droit :
1.
Lorsque le Tribunal fédéral admet un recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Il peut également renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance (art. 107 al. 2 LTF [loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral, RS 173.110]). L'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit contenus dans l'arrêt de renvoi. Elle ne peut en aucun cas s'écarter de l'argumentation juridique du Tribunal fédéral, aussi bien en ce qui concerne les points sur lesquels il a approuvé la motivation précédente que ceux sur lesquels il l'a désapprouvée. Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis – même implicitement – par le Tribunal fédéral (Corboz, in: Commentaire de la LTF, Berne 2009, ch. 27 ad art. 107 LTF).
2. a)
Dans son arrêt du 8 juillet 2013, le Tribunal fédéral a considéré, s’agissant d’une éventuelle indemnisation de L._ pour son interpellation le 24 janvier 2011, que la Cour d’appel pénale devait établir si ce dernier avait été formellement entendu par des policiers au sujet d’une autre affaire. Cas échéant, elle devait établir la durée de son audition et la déduire de celle du séjour au poste (TF 6B_53/2013, consid. 2.3), étant précisé qu’une indemnisation était due si la présence au poste, hors audition, avait duré plus de trois heures.
b)
En l’occurrence, il résulte de l’état de fait retenu que le
24 janvier 2011, l’appelant a été interpellé après un appel d’un voisin passé à 11h54. Le Tribunal fédéral, reprenant cet état de fait, retient qu’il a été interpellé « quelques minutes après l’appel » (TF 6B_53/2013, consid. 2.3). Le prévenu a été relâché à 15h45.
Le délai entre l’appel et l’arrivée de la police permet de considérer que L._ a été interpellé au plus tôt à 11h55, la Haute cour retenant même « quelques minutes ». Cela signifie que la détention a duré 3h50 au plus. Or, durant cet intervalle, la police a interrogé l’appelant sur une autre affaire entre 14h45 et 15h35, soit durant 50 minutes (P. 211). La détention à considérer pour indemniser l’appelant n’a ainsi pas duré plus de trois heures, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’allouer à ce dernier un jour d’indemnisation supplémentaire pour le 24 janvier 2011.
3.
a)
Le Tribunal fédéral a considéré que la Cour d’appel pénale n’avait pas suffisamment motivé son refus d’allouer une indemnité pour les frais concernant les arrêts de la Chambre des recours pénale vaudoise relatifs aux demandes du prévenu d’exécution anticipée d’un traitement des addictions (TF 6B_53/2013, consid. 6).
b)
En l’occurrence, les trois arrêts en cause ont été rendus respectivement les 7 avril 2011 (CREP n° 93/2011), 12 août 2011 (CREP
n° 315/2011) et 20 septembre 2011 (CREP n° 380/2011). La Chambre des recours pénal a mis les frais de justice à la charge de l’appelant à raison de 550 fr. pour le premier arrêt, de 880 fr. pour le second arrêt et de 550 fr. pour le troisième arrêt. Ces arrêts concernent des demandes d'exécution de manière anticipée d'un traitement des addictions formulées durant la seconde période de détention, soit durant la détention préventive injustifiée. Par conséquent, il convient également de rembourser ces frais à l’appelant et de lui allouer la somme de 1’980 fr. (550 fr. + 880 fr. +
550 fr.) à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice de ses droits de procédure en vertu de l'art. 429 al. 1 let. a CPP.
4.
Compte tenu de ce qui précède, L._ a droit en définitive à une indemnité de 39’200 fr., pour 196 jours de détention injustifiée, ainsi qu’à un montant de 3'520 fr., à titre d’indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice de ses droits de procédure, le Tribunal fédéral n’ayant pas remis en cause les autres points de la décision du 27 septembre 2012.
5. a)
Le Tribunal fédéral a considéré que l’interdiction de compenser les frais de justice avec une indemnité pour tort moral s’appliquait également aux autorités pénales, la compensation n’étant possible qu’entre les frais mis à la charge de L._ et l’indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droit de procédure, plus particulièrement celle allouée en remboursement des frais de décisions relatives à sa détention avant jugement (TF 6B_53/2013, consid. 5.2).
b)
En l’espèce, il convient donc de limiter la compensation à l'indemnité pour frais de défense allouée à l’appelant par 3’520 fr., d'une part, et aux frais mis à la charge de ce dernier en première instance par 17'261 fr. 30, d'autre part.
6.
En définitive, l'appel du Ministère public est partiellement admis. L'appel de L._ est très partiellement admis.
Vu les circonstances, les frais de la procédure d’appel, comprenant ceux du jugement rendu le 27 septembre 2012, par 5'060 fr., et ceux du jugement de ce jour, par 770 fr. (art. 20 al. 1 TFJP – Tarif des frais judiciaires pénaux du
28 septembre 2010, RSV 312.03.1), sont laissés à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9847ec14-3d3d-4023-a0d9-d6fcd9aa48be | En fait :
A.
Par jugement du 26 juin 2015, le Tribunal de police l’arrondissement de La Côte a libéré G._ des chefs d’accusation d’escroquerie et d’atteinte astucieuse aux intérêts pécuniaires d’autrui (I), rejeté les conclusions civiles déposées par O._ (ci-après aussi : l'école) (II), et fixé à 5'554 fr. 85, débours et TVA compris, l’indemnité allouée à Me Marc Mullegg, défenseur d’office de G._ (III), les frais de procédure comprenant l’indemnité fixée au chiffre III étant laissés à la charge de l’Etat (IV).
B.
La plaignante a annoncé faire appel le 29 juin 2015. Le jugement motivé lui est parvenu le 7 juillet suivant et elle a déposé une déclaration d'appel motivée le 16 juillet 2015, concluant, avec suite de frais et dépens, à ce que G._ soit condamnée pour escroquerie à une peine fixée à dire de justice, ainsi qu'à lui verser 5'300 fr. en réparation de son dommage matériel.
Une audience d’appel a eu lieu le 21 octobre 2015, au cours de laquelle l'appelante a chiffré le montant réclamé pour ses frais d'avocat de deuxième instance et précisé qu'elle demandait également le paiement de ceux réclamés en première instance et déjà chiffrés dans cette phase de la procédure.
La prévenue a conclu au rejet de l’appel, ainsi qu'à l’octroi d’une indemnité d’office et d’une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits en procédure pour la période antérieure au 11 juillet 2014, date de la désignation de son défenseur d’office par le Ministère public de l'arrondissement de La Côte.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
G._ est née le 20 janvier 1966 aux Etats-Unis, pays dont elle est ressortissante. Elle est divorcée et mère d'une fille encore à sa charge. Enseignante, elle a travaillé [...], avant d'être engagéeO._par O._, où elle a travaillé jusqu'au 23 novembre 2012. Elle a émargé à l'assurance-chômage jusqu'en février 2015. Ayant épuisé son droit au chômage, elle ne perçoit pas d'aide sociale, mais réalise un revenu mensuel global de 3'000 fr., notamment en organisant des camps et en sous-louant deux chambres dans son habitation. Elle paie 2'900 fr. par mois de loyer. Elle assume des frais d'assurance-maladie pour elle et sa fille. Elle a des dettes à hauteur 35'000 fr. environ.
Son casier judiciaire suisse est vierge de toute inscription.
2.
A Gland, en août 2012, alors qu'elle était enseignante à O._, la prévenue a accueilli chez elle l'enfant X._, qui avait des problèmes relationnels avec ses camarades de classe aux Etats-Unis après y avoir tourné dans un film. Elle a demandé à la direction de l'école un rabais de 50% sur les frais scolaires de X._. Sachant qu'un tel rabais était habituellement consenti aux enfants des enseignants
("as a member of staff child")
, elle l'a présenté comme étant
"a relative"
, soit de quelqu'un de sa famille, ce qui était faux.
L'école a donné son consentement par l'intermédiaire de son responsable régional. Elle n'a pas vérifié le lien de famille allégué comme elle aurait pu le faire en exigeant notamment la présentation de pièces justificatives (PV aud. 4 du 21 mai 2014), parce que la prévenue s'était engagée à héberger l'enfant et à s'occuper des démarches administratives nécessaires, et parce qu'à l'époque des faits, l'école était en plein développement, elle n'était pas pleine et cherchait des élèves (cf. témoignage[...]
,
directrice pédagogique; jugement p. 5).
X._ est arrivé à l'école le 12 septembre 2012 en qualité d'invité. Il est parti le 12 octobre 2012 pour les vacances d'octobre avant de revenir pour la rentrée scolaire d'automne. Trois mois après son admission, il a expliqué à un ami qu'il avait dû raconter des mensonges sur sa relation avec G._ (cf. témoignage S._, Directrice pédagogique; jugement p. 4) et que sa mère était une connaissance de G._.
L'ayant appris, l'école a interpellé la mère de l'enfant par Skype. Cette dernière lui a répondu que X._ n’avait pas de lien de parenté avec G._.
Au vu de ces faits, l'école a licencié G._ avec effet au 23 novembre 2012.X._ a quitté l'école à la fin du mois de novembre 2012 (jugement p. 4).
O._ a déposé plainte le 8 juillet 2013 et s'est portée partie civile le 26 septembre 2014 (P. 4) pour un montant de 5'300 fr. représentant, selon elle, la réduction d'écolage accordée à tort à X._ pendant quatre mois, soit, d'après les accords conclus, jusqu'à la fin de l'année 2012 (P. 33). | En droit :
1.
Interjeté dans les forme et délais légaux contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (cf. art. 398 al. 1 CPP), l'appel de O._ est recevable.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
O._ demande que G._ soit condamnée pour escroquerie.
3.1
En vertu de l’art. 146 CP, se rend coupable d’escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers.
Sur le plan objectif, l’escroquerie suppose d’abord une tromperie, qui peut consister soit à induire la victime en erreur, par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, soit à conforter la victime dans son erreur, en lui montrant, par des paroles ou par des actes, qu’elle est dans le vrai, alors qu’en réalité elle se trompe. Il faut en outre que la tromperie ait été astucieuse.
L’astuce est réalisée non seulement lorsque l’auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu’il se borne à donner de fausses informations dont la vérification n’est pas possible, ne l’est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l’auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu’elle renoncera à le faire, par exemple en raison d’un rapport de confiance particulier (ATF 133 IV 256 consid. 4.4.3 ; ATF 128 IV 18 consid. 3a). Tel est notamment le cas si l’auteur conclut un contrat en ayant d’emblée l’intention de ne pas fournir sa prestation alors que son intention n’était pas décelable (ATF 118 IV 359 consid. 2), s’il exploite un rapport de confiance préexistant qui dissuade la dupe de vérifier (ATF 122 IV 246 consid. 3a) ou encore si la dupe, en raison de sa situation personnelle (faiblesse d’esprit, inexpérience, grand âge ou maladie), n’est pas en mesure de procéder à une vérification et que l’auteur exploite cette situation (ATF 120 IV 186 consid. 1a).
L’astuce n’est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence que l’on pouvait attendre d’elle. Il n’est pas nécessaire, pour qu’il y ait escroquerie, que la dupe ait fait preuve de la plus grande diligence et qu’elle ait recouru à toutes les mesures de prudence possibles. La question n’est donc pas de savoir si elle a fait tout ce qu’elle pouvait pour éviter d’être trompée. L’astuce n’est exclue que lorsque la dupe est coresponsable du dommage parce qu’elle n’a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s’imposaient (ATF 128 IV 18 consid. 3a ; CAPE 13 mai 2015/183).
Du point de vue subjectif, l’auteur doit avoir agi intentionnellement et dans un dessein d’enrichissement illégitime. Cet enrichissement, de l’auteur lui-même ou d’un tiers, est en général le pendant de l’appauvrissement de la victime et peut donc aussi être déduit de l’intention de causer un préjudice à la victime (ATF 119 IV 210 consid. 4b).
3.2.1
En l'espèce, G._ a présenté faussement X._ comme étant
"a relative"
, soit un parent, selon la traduction du dictionnaire (Dictionary of Commercial, Financial and Legal Terms, Volume I, 5
th
Edition fully revised and updated. Translegal Ltd. from Ott Verlag Thun, Switzerland), ce qui suppose un lien de sang ou de mariage, afin de le faire bénéficier indûment d'un rabais sur les frais d'écolage.
La prévenue, qui connaissait les règles applicables à un tel rabais, affirme avoir dit la vérité et que l'école aurait fait une exception pour X._. L'école prétend le contraire en précisant qu'elle n'aurait pas fait d'exception pour ne pas créer de précédent (mémoire p. 5).
La version de la prévenue ne convainc pas. Au vu des déclarations de la [...] S._, du directeur N._ et du superviseur [...], la prévenue a menti à plusieurs personnes et à plusieurs occasions. Elle a tour à tour présenté X._ comme étant son neveu, son cousin ou le fils de la sœur de son ex-mari (PV aud. 3 du 21 mai 2014 p. 2; PV aud. 4 du 21 mai 2014). Dans un courriel adressé le 14 août 2012 à la mère de X._, G._ indiquait avoir eu "la folle idée" de le faire passer pour son neveu, cela en étant à peu près sûre de pouvoir ainsi lui obtenir un rabais d'écolage :
"(...) I have a crazy idea. Why don't you send him here with me for a year. He would fit in perfectly in my school. I am pretty sure I could get him the tuition discount if I said he was my nephew (...)"
. Au cours d'un échange par Skype du 10 septembre 2012, G._, s'inquiétant des questions que pourrait poser l'école, suggérait à la mère de l'enfant de le présenter comme étant son cousin, en précisant qu'à Hawaii où elle a vécu plusieurs années, tout le monde se dit
"cousin"
et que ce n'était pas un mensonge en termes hawaiiens. Elle a ajouté que de toute façon on ne lui demanderait pas plus de détails. Elle a aussi incité X._ à mentir. Ainsi, dans un courrier adressé le 23 septembre 2012 au Service de la population (SPOP) censé exposer les raisons de son séjour en Suisse, l'enfant a indiqué, notamment, que c'était pour passer du temps avec des parents. (P. 4, annexe 5) :
"(...) My reasons for pursuing studies in Switzerland are to learn French, spend time with my relatives, and to simply immerse myself in a totally different culture in order to broaden my view of the world (...)"
(cf. même pièce). X._ a fini par révéler son absence de lien de famille avec G._ à un ami, ce dont l'école a pu avoir confirmation en contactant la mère de l'enfant.
En mentant sciemment afin d'obtenir de l'école un avantage indû, G._ a commis une tromperie au sens de l'art. 146 CP.
3.2.2
Pour qu'une infraction à l'art. 146 CP puisse être retenue à l'encontre de G._ il faut encore que sa tromperie ait été astucieuse. L'école prétend que tel serait le cas dès lors que les informations transmises par la prévenue auraient été très difficiles à vérifier s'agissant de l'état civil de personnes résidant aux Etats-Unis. O._ est une importante structure d'enseignement habituée à recevoir des enfants mineurs étrangers, hors Union européenne (UE). Elle est en mesure de se fournir des renseignements, quitte à demander aux représentants légaux de l'enfant des copies de documents établissant le lien de famille invoqué. En tout état de cause, un simple échange par Skype avec la mère de l'enfant a suffi, dans le cas présent, à révéler que X._ n'avait aucune parenté avec la prévenue.
L'appelante fait valoir que G._, qui était son employée depuis une année, aurait exploité leurs rapports de confiance. Le devoir légal de fidélité du travailleur comme fondement de la confiance vouée au travailleur par l'employeur ne constitue pas le bon critère. Ce n'est pas parce que la loi l'énonce que le travailleur va s'y conformer. A l'évidence les nombreuses tromperies à portée économique commises par des employés au détriment de leurs patrons ne sont pas d'emblée astucieuses en raison de la réglementation du contrat. Il faut donc rechercher si dans le contexte particulier des rapports humains, la prévenue pouvait compter être crue sur parole. Le niveau de confiance était celui qui règne dans une école où une entreprise d'éducation confie des enfants à une enseignante. On lui faisait certes une confiance générale, mais il ne s'agissait pas d'une confiance particulière. De tels rapports de travail ne génèrent pas une confiance si intense qu'elle exclurait toute vérification. Le rapport de travail ne suffit ainsi pas, comme tel, à réaliser l'astuce.
Au demeurant, [...] superviseur, avait demandé à la direction de l'école de vérifier le lien de parenté prétendu (PV aud. 5 p. 3), ce qui confirme l'insuffisance des rapports de confiance, du moins à son niveau.
Enfin, si, au niveau de la direction locale de l'école la présentation de documents n'a pas été exigée parce que la prévenue s'était engagée à héberger l'enfant et à effectuer les démarches administratives nécessaires (PV aud. 4 p. 5 in fine), on constate, comme l'a d'ailleurs admis l'école aux débats de première instance, qu'au moment des faits, elle était en pleine expansion, elle n'était pas pleine et cherchait des élèves. Plus que la confiance, c'est donc le besoin de faire des affaires qui explique sa crédulité.
3.2.3
Faute d'astuce, la prévenue doit être libérée de l'accusation d'escroquerie. Elle doit également être libérée de l'infraction d'atteinte astucieuse aux intérêts pécuniaires d'autrui (art. 151 CP), infraction qui ne se poursuit que sur plainte et qui a en l'occurrence été dénoncée tardivement (art. 31 CP).
3.2.4
C'est ainsi à bon droit que G._ a été libérée de toute infraction et de toute peine.
4.
O._
reproche au premier juge d'avoir rejeté ses conclusions civiles.
4.1
Au pénal, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l’infraction (art. 119 al. 2 let. b et 122 al. 1 CPP). Ceci signifie qu’au moment de la déclaration de partie civile, les prétentions civiles doivent se rattacher à une cause juridique résultant d’un ensemble de faits en eux-mêmes constitutifs d’une infraction pénale (CAPE du 28 mai 2013 consid. 6 et les références citées).
4.2
D'après l'art. 41 CO (Loi fédérale complétant le code civil [livre cinquième : droit des obligations] du 31 mars 1911; RS 220), celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer (al. 1). L'art. 42 al. 1 CO pose que la preuve du dommage incombe au demandeur.
La plaignante soutient que la tromperie a permis à X._ de bénéficier indûment de prestations d'enseignement à des conditions plus favorables. Elle aurait ainsi subi un manque à gagner qu'elle a chiffré à 5'300 fr. en capital (P. 33 ([2'650 x 50 %] x 4 = 5'300), correspondant au 50 % de l'écolage mensuel de cette période (P. 33). Il a toutefois été établi que l'école n'avait pas été reconnue par l'administration vaudoise au sens de l'art. 7 LVLEtr (Loi d'application dans le Canton de Vaud de la législation fédérale sur les étrangers du 18 décembre 2007 ; RSV 142.11) comme autorisée à accueillir des élèves étrangers dont les parents n'étaient pas déjà au bénéfice d'autorisations de séjour en Suisse. Il en résulte que l'on ignore si l'enseignement dont le paiement est litigieux était licite sur le plan administratif.
4.3
L'état de fait n'était pas suffisamment établi, il convient, en application de l'art. 126 al. 2 let. d CPP, de donner acte à O._ de ses réserves civiles à l’encontre de G._, et de modifier dans ce sens le chiffre II du dispositif du jugement entrepris.
5.
En définitive, l'appel de O._ doit être très partiellement admis dans le sens des considérants.
6.
Il reste à statuer sur les frais et les indemnités.
6.1
L'appelante a conclu, à l'audience d'appel, à l'octroi d'une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par les procédures de première et seconde instances. Elle demande 12'214 fr. 50 à ce titre, soit 2'265 fr. 65 pour la procédure d'appel en sus des 9'948 fr. 95 requis en première instance par acte du 17 juin 2015.
Le jugement attaqué ne traite pas de l'indemnité de l'art. 433 CPP. Il ne relève pas non plus le comportement civilement répréhensible de l'intéressée et laisse l'ensemble des frais de première instance à la charge de l'Etat alors qu'il aurait pu condamner la prévenue à les supporter en application de l'art. 426 al. 2 CPP. Toutefois la conclusion tendant à l'octroi d'une indemnité pour les frais d'avocats engagés en première instance est irrecevable, faute d'avoir été formulée dans la déclaration d'appel (art. 399 al. 4 let. f CPP).
6.2
En appel, en revanche, O._ pourrait prétendre à une indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par cette phase de la procédure (art. 433 al. 1 let. b CPP) dans la mesure où elle obtient très partiellement gain de cause (art. 433 al. 1 let. a CPP et supra consid. 5) et que sa conclusion prise et chiffrée à l'audience d'appel est recevable. G._ versera donc à O._ un dixième du montant qu'elle réclame à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure d'appel, soit un montant de 226 fr. 65.
7.
7.1
G._, représentée par Me Marc Mulleg, conseil d'office, avait requis devant l'autorité de première instance une indemnité d'office de 5'554 fr. 85 TVA et débours inclus. Ce montant lui a été alloué par le tribunal qui a considéré que sa liste finale d'opérations déposée apparaissait correcte et justifiée. Il n'a pas été remis en cause. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir (art. 404 al. 2 CPP).
7.2
Me Marc Mulleg
réclame une indemnité d'office pour la procédure d'appel.
D'après la jurisprudence fédérale, le tarif horaire de l'avocat d'office est de 180 fr. pour l'avocat breveté, plus les débours et la TVA à 8 % (TF 6B_810/2010 du 25 mai 2011 consid. 2.4 ; ATF 132 I 201 consid. 8.7).
Compte tenu de l'ampleur de la procédure et de la connaissance du dossier déjà acquise en première instance, il convient d'allouer à Me Marc Mulleg l'indemnité de conseil d'office de 2'116 fr. 90 qu'il demande pour la procédure d'appel. Cette somme comprend, audience incluse, 10 h 10 de travail à 180 fr., une vacation d'avocat breveté (120 fr. ), 10 fr. 10 de débours et 8 % de TVA.
7.3
Aux débats d'appel, Me Marc Mulleg a encore requis que soit versée à sa mandante, à la charge de l'Etat, une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits en procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP), cela pour la période antérieure au 11 juillet 2014 pendant laquelle il était son avocat de choix.
7.3.1
D’après l’art. 399 al. 3 CPP, la partie qui annonce l'appel adresse une déclaration d'appel écrite à la juridiction d'appel dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.
En l'espèce G._ a formulé la prétention ci-dessus pour la première fois lors de l'audience d'appel. Elle n'avait pris aucune conclusion de cette nature en première instance. Cette prétention est par conséquent irrecevable (CAPE du 28 août 2015/207 consid. 7.1).
7.3.2
Quand bien même cette requête serait recevable, elle devrait être rejetée pour les motifs ci-après.
Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a). L'indemnité de l'art. 429 al. 1 let. a CPP concerne les dépenses du prévenu pour un avocat de choix (TF 6B_753/2011 du 14 août 2011 consid. 1). A partir du moment où le prévenu remplit les conditions posées à l'art. 429 al. 1
er
CPP et qu'aucun motif de réduction ou de refus au sens de l'art. 430 CPP n'est réalisé, l'indemnité doit lui être accordée. D'après cette dernière disposition, l'autorité pénale peut réduire ou refuser l'indemnité ou la réparation du tort moral lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci. La réparation du dommage au sens de l'art. 429 CPP, avec les réserves de l'art. 430 CPP, est subordonnée à l'existence de quatre conditions cumulatives : l'existence d'un préjudice, une détention ou un autre acte de procédure injustifié, un rapport de causalité entre le préjudice et l'acte ou la détention injustifié et l'absence d'un comportement fautif du prévenu qui aurait provoqué ou compliqué l'instruction pénale (CAPE 6 mars 2013/59 c. 3.3.1 et les références citées). Les principes qui régissent la condamnation aux frais d'un prévenu libéré (art. 426 al. 2 CPP) valent également,
mutatis mutandis
, pour le refus d'une indemnité au sens de l'art. 430 al. 1 let. a CPP. Ainsi, le sort réservé aux frais est en règle générale le même que pour les indemnités (CAPE 21 mars 2014/94 consid. 4.1 et réf.).
En l'espèce, il ressort des considérants qui précèdent que le comportement illicite et fautif de G._ a provoqué l'ouverture de la présente procédure pénale, de sorte que le droit à une indemnité au sens de
l'art. 429 al. 1 let. a CP n'est pas ouvert.
8.
8.1
Aux termes de l'art. 428 al. 1
in initio
CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé.
8.2
Vu le sort de l'appel, les frais de seconde instance, par 4'246 fr. 90, comprenant, l'indemnité d'office due à Me Marc Mulleg prévue ci-dessus, seront donc mis par neuf dixièmes à la charge de O._ (soit un montant arrondi à 3'822 fr. 20) et par un dixième (soit un montant arrondi à
424 fr. 70) à la charge de G._.
G._ ne sera tenue de rembourser à l'Etat le dixième de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office (soit un montant arrondi à 211 fr. 70) que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
98e95bb4-d123-468a-bd00-55e356d1d006 | En fait :
A.
Par jugement du 24 octobre 2013, le Tribunal criminel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a libéré C._ des chefs de prévention de violation de domicile, de tentative d’incendie intentionnel qualifié et d’incendie intentionnel qualifié (I), a constaté que C._ s’était rendu coupable de tentative de meurtre, d’assassinat, de fraude dans la saisie, d’incendie intentionnel, de tentative d’incendie intentionnel et d’infraction à la loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions (II), a condamné C._ à une peine privative de liberté de 12 ans, sous déduction de 553 jours de détention avant jugement au 23 octobre 2013 (III), a ordonné à toutes fins utiles le maintien en détention pour des motifs de sûreté de C._, actuellement en exécution anticipée de peine (IV), a dit que C._ était le débiteur de D.L._ et lui devait immédiat paiement des montants de 80'000 fr. avec intérêts à 5 % l’an dès le 21 avril 2012 à titre de réparation du tort moral subi, ainsi que de 11'239 fr. à titre de dommages-intérêts, et lui a donné acte de ses réserves civiles pour le surplus (V), a dit que C._ était le débiteur de B.L._ et lui devait immédiat paiement du montant de 30'000 francs avec intérêts à 5 % l’an dès le 21 avril 2012, et lui a donné acte de ses réserves civiles pour le surplus (VI), a ordonné la confiscation et la dévolution à l’Etat à titre de couverture partielle des frais de justice des 800 fr. séquestrés en cours d’enquête sous fiche n° 13737/12 (VII), a ordonné la confiscation et la destruction du couteau papillon jaune, du fusil calibre 22 long rifle et de la boîte de cartouches séquestrés en cours d’enquête (VIII), a arrêté l’indemnité de Me Alexa Landert, conseil d’office des plaignants D.L._ et B.L._, à 8'496 fr. 05, débours et TVA compris (IX), a arrêté l’indemnité de Me Julien Gafner, défenseur d’office de C._ à 17'101 fr. 80, débours et TVA compris (X), a mis une partie des frais de justice, par 41'788 fr. 45, à la charge de C._, montant comprenant les indemnités allouées sous chiffres IX et X ci-dessus, et sous déduction des 800 fr. confisqués sous chiffre VII ci-dessus (XI) et a dit que le remboursement à l’Etat par C._ des indemnités allouées sous chiffre IX et X ci-dessus ne pourrait être exigé de lui que lorsque sa situation financière se serait améliorée et le permettrait (XII).
B.
Par annonce d’appel du 25 octobre 2013, suivie d’une déclaration motivée du 14 novembre 2013, le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois a contesté ce jugement, concluant à ce que les chiffres I, II et III du jugement entrepris soient modifiés en ce sens que C._ n’est pas libéré du chef de prévention de violation de domicile et qu’il est condamné pour tentative d’assassinat, assassinat, fraude dans la saisie, violation de domicile, incendie intentionnel, tentative d’incendie intentionnel et infraction à la loi fédérale sur les armes à une peine privative de liberté de 20 ans, sous déduction de la détention avant jugement, et à ce que les frais d’appel soient mis à la charge de C._.
Par acte du 9 décembre 2013, C._ a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet de l’appel interjeté par le Ministère public et a formé un appel joint, concluant à ce que le jugement du 24 octobre 2013 soit réformé en ce sens qu’il est libéré des accusations d’assassinat et de tentative de meurtre et à ce que la quotité de sa peine privative de liberté soit nettement inférieure à celle prononcée par l’autorité de première instance.
Par écriture du 30 décembre 2013, D.L._ et B.L._ ont indiqué qu’ils n’entendaient déposer ni une demande de non-entrée en matière ni un appel joint.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Le prévenu C._ est né le [...] 1972. Au terme de sa scolarité obligatoire, il a effectué un apprentissage de ferblantier à l’issue duquel il a obtenu un CFC. Il a ensuite travaillé dans son domaine de formation jusqu’en 2011. Il a alors cessé cette activité afin d’acquérir le statut d’indépendant et de pouvoir, en conséquence, retirer son deuxième pilier. C’est D.L._ qui, confronté à des difficultés financières, lui avait demandé de l’aider en retirant ce deuxième pilier. Le prévenu a accepté cette demande, étant précisé qu’il exploitait déjà depuis quelques mois un salon de massage avec D.L._ dans un immeuble propriété de ce dernier. Le prévenu était enregistré auprès de la police du commerce comme responsable dudit salon. Ce salon de massage n’a procuré aucun revenu au prévenu mais a au contraire engendré de nombreux frais. Jusqu’au décès de sa mère en 2005, le prévenu a vécu avec cette dernière. Il a ensuite conservé jusqu’à fin 2011 le logement qu’ils partageaient tous deux. Le bail a toutefois été résilié faute de paiement du loyer. Le prévenu est alors allé vivre sur son bateau. Il était confronté depuis quelques temps déjà à des difficultés financières puisqu’il ressort du registre des actes de défaut de biens de l’Office des poursuites du Jura-Nord vaudois du 22 octobre 2012 qu’il était sous le coup de tels actes pour 59'868 fr. 60, essentiellement pour des impôts impayés.
Le casier judiciaire du prévenu est vierge de toute inscription.
1.2
En cours d’enquête, le prévenu a été soumis à une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du 29 juin 2012, les experts ont posé le diagnostic de trouble de la personnalité schizoïde. Ce trouble se caractérise par les neuf caractéristiques suivantes :
1. Une incapacité à éprouver du plaisir.
2. Une froideur, un détachement ou un émoussement de l’affectivité.
3. Une incapacité à exprimer aussi bien des sentiments chaleureux et tendres envers les autres que de la colère.
4. Une indifférence aux éloges comme à la critique.
5. Un intérêt réduit pour les relations sexuelles.
6. Une préférence marquée pour les activités solitaires.
7. Une préoccupation excessive par l’imaginaire et l’introspection.
8. Un désintérêt pour les relations amicales et une absence d’amis proches ou de confidents (ou un seul).
9. Une indifférence nette aux normes et conventions sociales.
Les experts relèvent qu’il est frappant de constater que le prévenu répond quasi à tous les critères du trouble alors que seulement trois de ces critères sont nécessaires pour retenir le diagnostic. Il est encore précisé qu’il s’agit bien d’un trouble mental ayant un impact sur la vie de l’individu, jouant un rôle important dans différentes facettes de la vie quotidienne et étant présent sur le long cours. Il est mentionné que le prévenu se rend bien compte que, selon ses termes, « il n’est pas comme tout le monde ». Présentant un fonctionnement de type psychotique, le prévenu a de la peine à se mettre à la place de l’autre, présente de faibles capacités introspectives et élabore peu, ce dernier point étant autant en lien avec son fonctionnement psychotique qu’avec une intelligence limite. Les experts notent que bien que se reconnaissant dans la description précitée, le prévenu dit se sentir à l’aise de vivre comme il vit et ne souhaite ni changement ni traitement. S’agissant de la responsabilité pénale du prévenu, les experts retiennent une responsabilité pénale pleine et entière en mettant en avant le fait que le prévenu est toujours resté bien ancré dans la réalité et que, malgré ses difficultés, il a bien compris l’enjeu et les conséquences de ses actions. Les experts soulignent ensuite qu’ils ont été frappés par le fait que le prévenu leur est apparu comme quelqu’un de très influençable. Il se laisse vite convaincre, par exemple, de se réorienter professionnellement durant l’année 2011 et de libérer son deuxième pilier pour rendre service à un ami. Ainsi et à la lumière des faits qui seront évoqués sous chiffre 2 ci-dessous, l’impression des experts est que d’une part, le prévenu a été pris par ses traits influençables tels que décrits ci-dessus et que, d’autre part, son fonctionnement très psychorigide l’empêche de remettre en question une décision prise. Le trouble de la personnalité schizoïde du prévenu fait que les modulations affectives sont d’ampleur très faible, les émotions peu ressenties et le fonctionnement général un peu robotisé. Le seul moment où les experts ont pu voir le prévenu vibrer et ressentir une émotion est lorsqu’il leur a parlé de son bateau, véritable prolongement de lui-même. Ils ont ainsi eu l’impression d’être dans une situation similaire à celle d’une mère racontant qu’on lui a arraché son bébé des bras. Le prévenu a en effet précisé que l’on pouvait s’en prendre à tout ce qu’il possédait mais pas à son bateau. Dans le même sens, il a ressenti une émotion extrêmement forte lorsqu’il a pris la décision d’aller couler son bateau, investissant là encore l’objet comme son bien affectif le plus précieux. Comme le drame survenu le 17 avril 2012 a eu lieu dans un contexte très particulier, le risque de récidive a été jugé faible. S’agissant d’un éventuel traitement, il est précisé que le trouble de la personnalité schizoïde n’est pas une maladie qui justifie un traitement psychothérapeutique sous mandat.
Lors de l’expertise, le prévenu a été soumis à un examen de la personnalité qui a mis en évidence une grande pauvreté de la production, tant sur le plan qualitatif que quantitatif, avec une carence manifeste de la mentalisation, une certaine perplexité et une tendance à la stéréotypie du langage. Le test a encore mis en évidence un quotient intellectuel global de 75.
Entendu lors de l’audience de jugement du 9 avril 2013, le frère du prévenu a révélé qu’un autisme infantile avait été diagnostiqué à l’époque chez ce dernier et que cette pathologie n’avait pas été soignée comme cela aurait été le cas aujourd’hui. Comme cette information n’était pas mentionnée par le rapport d’expertise, l’autorité de première instance a décidé d’ordonner un complément d’instruction afin d’examiner si elle pouvait avoir une influence sur les conclusions du rapport d’expertise. En date du 15 avril 2013, les experts ont répondu que s’il était exact que cette information ne leur avait pas été formellement communiquée, il n’en demeurait pas moins que leurs investigations ainsi que l’examen psychologique avaient bien mis en évidence de multiples signes d’un fonctionnement psychotique et que ces signes psychotiques pouvaient très bien avoir été présents dans l’enfance du sujet, s’exprimant en l’occurrence sous la forme d’un autisme infantile. Les experts ont encore indiqué que l’évolution d’un autisme, pouvant par ailleurs prendre des formes extrêmement changeantes et diverses chez l’enfant, était très variable et pouvait parfois – mais pas toujours – invalider la vie adulte de la personne concernée. Pour les experts, la question de savoir si le prévenu souffrait véritablement d’un autisme infantile n’était pas une question importante dans leur expertise puisque ce n’était pas en soi un diagnostic qui déterminait la responsabilité ou le risque de récidive d’un individu. Ils ont donc confirmé les conclusions de leur rapport et ont répété ce point de vue à l’occasion d’un courrier complémentaire du 23 mai 2013.
Entendu à l’audience de jugement du 23 octobre 2013, le Dr [...], coauteur du rapport d’expertise et de ces compléments, a confirmé l’intégralité de ses conclusions. Il a également rappelé que le diagnostic d’autisme, inconnu lors de la rédaction du rapport d’expertise, ne constituait pas un élément nouveau, d’une part, parce que les experts avaient bien constaté des traits autistiques chez le prévenu et, d’autre part, parce que le diagnostic d’autisme infantile pouvait évoluer de façons diverses. Ainsi donc, pour cet expert, l’autisme infantile du prévenu n’a pas eu d’influence sur sa responsabilité pénale au moment des faits. Il a indiqué que les personnes souffrant de troubles schizoïdes pouvaient être victimes de crises et ce qui permettait de poser un tel diagnostic, c’était le manque d’intérêt pour les relations interpersonnelles et le manque de plaisir dans les relations sociales. L’expert a ajouté que les gens atteints de tels troubles ne souffraient pas de cet état et de leur isolement et qu’ils n’avaient pas ou peu de vie affective. S’agissant plus particulièrement du prévenu, il a déclaré qu’il était possible qu’il y ait eu un lien entre sa personnalité schizoïde et l’acceptation d’un certain nombre de choses avec lesquelles il n’était pas d’accord si bien qu’il ne s’y était pas opposé et n’avait pas pris conscience qu’il se trouvait dans une situation qui ne lui convenait plus. Il est donc possible d’expliquer les actes du prévenu par cette forme d’accumulation. L’expert psychiatre a toutefois insisté sur le fait que tout cela n’avait pas d’influence sur sa responsabilité pénale puisque le prévenu connaissait le caractère répréhensible de ses actes. Les faits tragiques du 18 avril 2012 peuvent toutefois être expliqués par le lien particulier du prévenu avec son bateau. L’expert a ainsi déclaré que «c’était un peu comme son bébé. Il ne fallait absolument pas y toucher ». Il a également expliqué qu’au moment des faits, le prévenu n’avait pas été pris dans une impulsivité et qu’il n’avait pas commis des actes irréfléchis. Il n’avait donc pas agi sous le coup d’un mouvement plus fort que lui et qui l’aurait empêché de garder tout discernement. L’expert a indiqué que le prévenu avait certes un handicap, mais que ses capacités cognitives et volitives n’étaient pas entravées. Enfin, l’expert a ajouté qu’il était vrai que les sujets souffrant du même trouble que le prévenu étaient assez monocordes, ressentaient peu l’émotion et l’exprimaient donc également peu.
1.3
Détenu depuis 19 avril 2012, le prévenu est passé en régime d’exécution anticipée de peine le 31 août 2012. Son comportement en prison est bon.
2.
Le prévenu et D.L._ se connaissaient depuis plusieurs années. Ils ont notamment exploité du 1
er
mars 2011 au 29 février 2012 un salon de massage dans un appartement situé au [...], au [...], dans l’immeuble où D.L._ et son épouse M.L._ avaient leur domicile. Le prévenu est aussi intervenu en faveur de D.L._ dans le cadre d’une procédure en règlement amiable des dettes que ce dernier avait ouverte en cédant une créance de 60'000 fr. provenant de son deuxième pilier. Au mois d’avril ou mai 2011, le prévenu a en outre demandé à D.L._ – qui a accepté –d’immatriculer à son nom un voilier lui appartenant, dans le but d’éviter que le voilier ne soit saisi dans le cadre de ses poursuites, étant précisé que des actes de défaut de biens ont été délivrés à son encontre.
Depuis le mois de février 2012, le prévenu était en litige avec D.L._, principalement au sujet du salon de massage, et pensait soit à lui tirer dessus, soit à mettre le feu à sa maison. Le prévenu a décidé de passer à l’acte le 17 avril 2012, après avoir appris la décision unilatérale de D.L._ d’annuler le permis de circulation de son voilier.
Le 17 avril 2012, le prévenu s’est d’abord arrêté à son garde-meuble de [...] pour y récupérer une carabine Winchester 22 long rifle et de la munition. Il a ensuite fait halte dans une station-service à [...] où il a acheté un estagnon d’essence d’une contenance de 5 litres, ainsi que trois bouteilles de vin. Sur le chemin en direction du domicile de D.L._, au [...], le prévenu s’est arrêté dans une forêt où il a vidé le contenu des bouteilles de vin avant de les remplir d’essence pour confectionner des bouteilles incendiaires. Il a également testé le bon fonctionnement de son fusil dans la forêt en tirant un coup de feu.
Le prévenu est arrivé en début d’après-midi au [...] au [...]. Il est entré dans le logis de D.L._ avec sa carabine et a attendu l’arrivée du propriétaire des lieux. Constatant qu’il n’arrivait pas, le prévenu est ressorti, a déposé son arme dans son véhicule et a patienté.
Un peu plus tard, le prévenu a entendu que D.L._ se trouvait dans la maison. Il y est retourné, sans sa carabine mais avec les bouteilles incendiaires, qu’il avait dissimulées dans un sac. Il a rencontré D.L._ et lui a fait part de son mécontentement au sujet du permis du bateau. Une brève discussion s’en est suivie avant que D.L._ ne quitte les lieux pour se rendre à un rendez-vous. Le prévenu est resté sur place. Il a tenté de mettre le feu à la maison, en allumant, puis en lançant les bouteilles incendiaires. Comme le feu n’a pas pris, il a quitté les lieux. Il y est retourné à deux reprises, d’abord vers 22h00, puis vers minuit, avec l’intention de bouter le feu à la maison. Dérangé par le fait qu’il y avait encore du monde sur la route et pour éviter d’être repéré, le prévenu a renoncé les deux fois à passer à l’acte et a patienté jusqu’au moment propice.
Finalement, vers 2h00 du matin, le 18 avril 2012, le prévenu s’est introduit dans la maison des époux D.L._ et M.L._, qu’il savait être chez eux, en fracturant un carreau de la porte du corridor au moyen d’une « clé en croix », son estagnon d’essence de 5 litres à la main. Il a ensuite brisé une fenêtre qui donnait sur une grange mitoyenne de la partie habitation, puis a versé l’essence provenant du jerrican sur du bois et des cartons qui s’y trouvaient. Il y a mis le feu. Le feu est parti du rural et s’est ensuite propagé à la façade en bois, à la toiture, ainsi qu’aux autres parties de l’habitation, dégageant au passage une importante fumée. Après avoir pris la fuite avec sa voiture, en laissant sur place son estagnon d’essence, le prévenu s’est rendu au port d’ [...] pour couler son bateau, en faisant un trou dans la coque avec une perceuse.
Réveillé par des crépitements et par l’odeur de la fumée, D.L._ est parvenu à s’extraire de l’habitation en flamme par une fenêtre du rez-de-chaussée. M.L._, vraisemblablement assoupie dans sa chambre sise au premier étage, n’a pas donné de signe de vie, malgré les appels et vaines tentatives de sauvetage de son époux. Elle a été découverte inanimée dans son lit et a été secourue par le personnel du service de secours et incendie de la Vallée de Joux. Gravement intoxiquée par la fumée, elle a été conduite en urgence au CHUV, avant d’être acheminée dans un état critique aux HUG, où elle est décédée le 20 avril 2012. D.L._ a pour sa part été légèrement incommodé par la fumée.
Selon les conclusions du rapport d’autopsie du CURML, le décès de M.L._ est la conséquence d’une encéphalopathie anoxique, consécutive à un arrêt cardio-respiratoire. La notion anamnestique d’exposition à un foyer d’incendie, ainsi que le résultat du dosage de la carboxyhémoglobine à 28 % (après réanimation), permettent de retenir comme cause la plus probable de l’arrêt cardio-respiratoire, une intoxication au monoxyde de carbone.
Le 19 avril 2012, D.L._ a déposé plainte pénale et s’est porté partie civile. Le 30 août 2012, B.L._, fille de M.L._, s’est constituée partie au pénal et au civil. | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux par des parties ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel du Ministère public et l’appel joint du prévenu sont recevables.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012). L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP).
3.
En ce qui concerne tout d’abord l’infraction de violation de domicile, le Ministère public soutient que les premiers juges n’auraient pas dû en acquitter le prévenu. Plus précisément, le Ministère public reproche à l’autorité de première instance de ne pas avoir tenu pour établi le caractère illicite de l’intrusion de C._ dans l’immeuble des époux D.L._ et M.L._.
3.1
Celui qui, d'une manière illicite et contre la volonté de l'ayant droit, aura pénétré dans une maison, dans une habitation, dans un local fermé faisant partie d'une maison, dans un espace, cour ou jardin clos et attenant à une maison, ou dans un chantier, ou y sera demeuré au mépris de l'injonction de sortir à lui adressée par un ayant droit sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 186 CP). Le droit au domicile ainsi protégé appartient à celui qui a le pouvoir de disposer des lieux, en vertu d’un droit réel ou personnel ou encore d’un rapport de droit public (ATF 118 IV 167 c. 1c). L’ayant droit n’est pas nécessairement le propriétaire. A l’inverse, l’extinction du rapport juridique lui conférant la maîtrise effective ne le prive pas de cette protection tant qu’il exerce son pouvoir (ATF 112 IV 31 c. 3a).
3.2
En l’espèce, est seule litigieuse la question de savoir si, lorsqu’il est entré dans l’immeuble des époux D.L._ et M.L._ la nuit du drame, à deux heures du matin, le prévenu pouvait ou non se prévaloir de l’existence du contrat de bail de l’appartement qui servait de salon de massage. La lecture de la pièce (P. 54) conduit à constater que le bail avait certes été initialement conclu pour la période du 1
er
mars 2011 au 1
er
mars 2012, mais que le contrat comportait une clause de renouvellement tacite de trois mois en trois mois, sauf avis de résiliation donné trois mois à l’avance. Aucune résiliation n’étant intervenue, le bail était dès lors toujours effectif à la date de l’incendie, le 18 avril 2012. Cogérant du salon de massage et titulaire d’un contrat de bail valable, le prévenu avait dès lors le droit d’entrer dans l’immeuble en utilisant les voies d’accès à l’appartement comme bénéficiaire de la liberté du domicile sur les lieux extérieurs aux locaux loués (cf. Dupuis et al., Code pénal, Petit commentaire, Bâle 2012. n. 22 ad art. 186 CP). Ce droit l’aurait même autorisé à lui-même déposer plainte pénale contre un tiers qui se serait introduit illicitement dans l’immeuble, respectivement dans l’appartement qu’il louait.
Contrairement à ce que soutient le Ministère public, on ne peut rien déduire du fait que le prévenu avait annoncé à la Police du commerce la fin d’exploitation du salon pour le 29 février 2012, dans la mesure où cette annonce n’a qu’une portée administrative. De même, le fait que le prévenu soit entré par effraction ne modifie pas l’appréciation de la situation, puisqu’un ayant droit peut recourir à ce procédé pour pénétrer dans des locaux pour lesquels il dispose d’un droit d’accès. A ce titre, D.L._ a du reste reconnu que le prévenu avait toujours un logement dans l’immeuble et qu’il disposait d’une clé, apparemment celle de la porte de l’immeuble (PV aud. 5, p. 2, lignes 40 et 53). On relève encore que lorsque D.L._ a trouvé le prévenu sur les lieux, l’après-midi du 17 avril 2012, il a certes été étonné, mais ne lui a pas dénié le droit d’être là et il est ensuite parti en le laissant sur place (PV aud. 1, p. 2).
3.3
Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que les premiers juges ont libéré le prévenu de l’infraction de violation de domicile. L’appel du Ministère public doit par conséquent être rejeté sur ce point.
4.
Le prévenu soutient qu’il n’avait l’intention de tuer aucun des époux, si bien qu’il y aurait lieu de le libérer de toute infraction d’homicide en ce qui concerne D.L._, qui a survécu à l’incendie, et de retenir uniquement l’homicide par négligence pour le décès de M.L._. En bref, le prévenu reproche aux premiers juges d’avoir retenu qu’il avait agi par dol éventuel.
4.1
Agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté (art. 12 al. 2 CP, 1
ère
phrase). L’auteur agit déjà intentionnellement lorsqu’il tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas où celle-ci se produirait (al. 2, 2
nde
phrase). Agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte (al. 3, 1
ère
phrase). L’imprévoyance est coupable quand l’auteur n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle (al. 3, 2
nde
phrase). Sauf disposition expresse et contraire de la loi, est seul punissable l’auteur d’un crime ou d’un délit qui agit intentionnellement (art. 12 al. 1 CP).
La doctrine et la jurisprudence distinguent le dessein (ou dol direct de premier degré), le dol simple (ou dol direct de deuxième degré) et le dol éventuel (cf. p. ex. Dupuis et al., op. cit., n. 10 ad art. 12 CP et les références citées). Ces trois formes correspondent à un comportement intentionnel au sens de l’art. 12 al. 2 CP (ibidem). Il y a dessein lorsque l’auteur prévoit les conséquences de son acte et cherche précisément à les produire (Dupuis et al., op. cit., n. 11 ad art. 12 CP). Le dol simple qualifie la situation où l’auteur ne s’est pas fixé pour but de commettre l’infraction et considère le résultat comme indifférent ou indésirable, mais s’en accommode car il s’agit du moyen de parvenir au but recherché (Dupuis et al., op. cit., n. 14 ad art 12 CP). Enfin, le dol éventuel, qui correspond à l’hypothèse visée à l’art 12 al. 2 CP, 2
nde
phrase, implique l’indifférence de l’auteur quant à la réalisation de l’infraction, de telle sorte qu’il doit dans son for intérieur approuver celle-ci ou y consentir (cf. Dupuis et al., op. cit., n. 15 ad art. 12 CP). L’auteur envisage le résultat dommageable et s’en accommode, voire l’accepte comme tel (ibidem). Un dol éventuel peut être réalisé même si l’auteur ne souhaite pas le résultat envisagé ou lorsque le résultat dommageable s’impose à l’auteur de manière si vraisemblable que son comportement ne peut raisonnablement être interprété que comme l’acceptation de ce résultat (Dupuis et al., op. cit., n. 16 ad art. 12 CP et les références citées).
S’agissant de la distinction entre dol éventuel et négligence consciente, alors que celui qui agit par dol éventuel s'accommode du résultat dommageable pour le cas où il se produirait, celui qui agit par négligence consciente escompte – ensuite d'une imprévoyance coupable – que ce résultat, qu'il envisage aussi comme possible, ne se produira pas (ATF 133 IV 9 c. 4.1; 130 IV 58 c. 8.3; 125 IV 242 c. 3c; 119 IV 1 c. 5a). La distinction entre ces deux notions peut parfois s'avérer délicate, notamment parce que, dans les deux cas, l'auteur est conscient du risque de survenance du résultat. En l'absence d'aveux de la part de l'auteur, la question doit être tranchée en se fondant sur les circonstances extérieures, parmi lesquelles figurent la probabilité, connue de l'auteur, de la réalisation du risque et l'importance de la violation du devoir de prudence. Plus celles-ci sont élevées, plus l'on sera fondé à conclure que l'auteur a accepté l'éventualité de la réalisation du résultat. Peuvent aussi constituer des éléments extérieurs révélateurs les mobiles de l'auteur et la manière dont il a agi (ATF 133 IV 9 c. 4.1; 130 IV 58 c. 8.4; 125 IV 242 c. 3c; cf. ég. Dupuis et al., op. cit., n. 19 à 21 ad art. 111 CP).
4.2
En l’espèce, la Cour de céans considère que l’appréciation globale de l’ensemble des circonstances conduit à retenir le dol éventuel.
En premier lieu, le prévenu songeait déjà depuis au moins un mois à tirer sur D.L._ ou à mettre le feu au logement de celui-ci (PV aud. 2, p. 7, réponse 5). Il faut en déduire qu’il a nécessairement eu le temps de réfléchir aux conséquences potentielles de l’incendie projeté.
Le déroulement des évènements des 17 et 18 avril 2012 est plus révélateur encore. Tout d’abord, le prévenu s’est équipé non seulement de l’estagnon d’essence avec lequel il a finalement bouté le feu, mais aussi d’une arme à feu. Il a aussi clairement admis avoir envisagé un recours à la violence physique (PV aud. 4, p. 3, lignes 82 à 84). Contrairement à ce que soutient le prévenu, le fait qu’il ait finalement renoncé à utiliser son arme pour employer le feu n’est en revanche nullement l’indice qu’il aurait choisi de s’en prendre aux biens de D.L._ plutôt qu’à sa personne. Le prévenu a du reste lui-même admis qu’en mettant le feu, il espérait que D.L._ serait blessé (PV aud. 2, p. 4; cf. ég. PV aud. 4, p. 3, lignes 71 et 72). Ensuite, au cours des heures qui ont précédé l’incendie à proprement parler, durant lesquelles il attendait le moment propice pour passer à l’acte, le prévenu a disposé de temps pour réfléchir à l’acte qu’il s’apprêtait à commettre et à ses conséquences, mais il a néanmoins persévéré dans son projet. Ainsi, après avoir une première fois vainement tenté de mettre le feu à l’immeuble en cours d’après-midi, il est ensuite revenu sur les lieux à plusieurs reprises, toujours avec l’intention d’incendier. Finalement, le prévenu a commis son crime au milieu de la nuit, alors qu’il savait que les époux D.L._ et M.L._ étaient à l’intérieur. Il ne pouvait ignorer que l’heure choisie aggraverait considérablement les risques encourus par les occupants de l’immeuble, puisque ceux-ci seraient probablement endormis, que l’alerte s’en trouverait certainement retardée et que l’effet destructeur de l’incendie en serait démultiplié.
En définitive, le temps dont le prévenu a disposé pour réfléchir à son acte et le fait qu’il ait attendu le milieu de la nuit pour agir conduisent à considérer qu’il était conscient du risque de mort que créait l’incendie, mais également qu’il avait accepté ce résultat pour le cas où il se produirait. A ce titre, le fait que l’intelligence du prévenu soit faible, ce qui, de façon générale, est de nature à limiter la capacité à mesurer un risque, n’est en l’espèce pas décisif s’agissant des risques que présente le recours au feu. Le prévenu a en effet mené à bien un apprentissage de ferblantier et a exercé durant plusieurs années cette profession, qui implique nécessairement la manipulation d’outils à flamme, comme un chalumeau ou tout autre appareil de soudure, ainsi que de produits inflammables ou explosifs, comme des bonbonnes de gaz sous pression. Le prévenu était dès lors capable d’évaluer au moins sommairement les risques létaux que comporte l’incendie nocturne d’un immeuble d’habitation occupé. De même, en dépit de ce que soutient le prévenu (cf. notamment PV aud. 4, p. 1), le fait que celui-ci ait finalement décidé de mettre le feu non pas là où devaient se trouver les époux, dans la partie habitation de l’immeuble, mais à l’opposé, dans la partie grange, ne conduit pas à reconsidérer cette appréciation. Ce choix peut en effet s’expliquer par le fait que la grange était de nature à s’enflammer plus facilement, ce qui a du reste été le cas en l’espèce (cf. P. 27), étant rappelé que le prévenu avait fait une première tentative infructueuse dans l’après-midi en lançant des bouteilles incendiaires dans un corridor de la partie habitation (cf. PV aud. 1, p. 3). Loin d’offrir un répit aux victimes, ce choix semble ainsi avoir au contraire confronté celles-ci à un incendie d’une amplitude et d’une violence redoublées.
4.3
En définitive, c’est à tort que le prévenu nie le caractère intentionnel des homicides qui lui sont reprochés. L’appel joint s’avère par conséquent mal fondé sur ce point.
5.
Au vu du caractère intentionnel de l’acte, les premiers juges l’ont qualifié d’assassinat en ce qui concerne M.L._, mais de tentative de meurtre en ce qui concerne D.L._. Le Ministère public soutient qu’une telle distinction ne se justifierait pas, si bien qu’il y aurait lieu de retenir l’assassinat et la tentative d’assassinat.
5.1
L'assassinat (art. 112 CP) est une forme qualifiée d'homicide intentionnel qui se distingue du meurtre ordinaire (art. 111 CP) par le fait que l'auteur a tué avec une absence particulière de scrupules. Cela suppose une faute spécialement lourde et déduite exclusivement de la commission de l'acte. Pour la caractériser, l'art. 112 CP évoque le cas où les mobiles, le but ou la façon d'agir de l'auteur sont particulièrement odieux, mais cet énoncé n'est pas exhaustif. Les mobiles de l'auteur sont particulièrement odieux lorsqu'il tue pour obtenir une rémunération, pour voler sa victime ou lorsque le mobile apparaît futile, soit lorsqu'il tue pour se venger, sans motif sérieux, ou encore pour une broutille (TF 6B_532/2012 du 8 avril 2013 c. 3.1 et les références citées). Son but est particulièrement odieux lorsqu'il agit pour éliminer un témoin gênant ou une personne qui l'entrave dans la commission d'une infraction. Quant à sa façon d'agir, elle est particulièrement odieuse s'il fait preuve de cruauté, prenant plaisir à faire souffrir ou à tuer sa victime. Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'un assassinat, il faut procéder à une appréciation d'ensemble des circonstances externes et internes de l'acte (mode d'exécution, mobile, but, etc.). Le comportement de l'auteur avant et après l'acte est également à prendre en considération s'il a une relation directe avec ce dernier et est révélateur de la personnalité de l'auteur. Il y a assassinat lorsqu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances que l'auteur a fait preuve du mépris le plus complet pour la vie d'autrui. Alors que le meurtrier agit pour des motifs plus ou moins compréhensibles, généralement dans une grave situation conflictuelle, l'assassin est une personne qui agit de sang-froid, sans scrupule, qui démontre un égoïsme primaire et odieux et qui, dans le but de poursuivre ses propres intérêts, ne tient aucun compte de la vie d'autrui. Chez l'assassin, l'égoïsme l'emporte en général sur toute autre considération. Il est souvent prêt, pour satisfaire des besoins égoïstes, à sacrifier un être humain dont il n'a pas eu à souffrir. La destruction de la vie d'autrui est toujours d'une gravité extrême. Pour retenir la qualification d'assassinat, il faut cependant que la faute de l'auteur, son caractère odieux, se distingue nettement de celle d'un meurtrier au sens de l'art. 111 CP (sur les considérations qui précèdent, cf. TF 6B_532/2012 c. 3.1 précité).
5.2
5.2.1
Le Ministère public voit tout d’abord une contradiction dans les qualifications juridiques distinctes du même agissement homicide, c’est-à-dire un acte unique, procédant du même mode opératoire et s’inscrivant dans les mêmes circonstances de temps et de lieu. Quant au principe, rien n’empêche cependant que par un seul acte, un auteur commette deux infractions distinctes (figure du concours idéal, cf. Dupuis et al., n. 5 ss ad art. 49 CP, et les références citées).
5.2.2
Le Ministère public soutient encore que la futilité objective des motifs de l’homicide devrait entraîner la double qualification d’assassinat.
Dès l’instant où l’on admet le caractère intentionnel de l’acte, étant rappelé que le dol éventuel suffit pour l’assassinat (Dupuis et al., op. cit., n. 7 ad art. 112 CP), cette qualification est manifestement justifiée en ce qui concerne M.L._, victime « collatérale » dont le sort a été totalement indifférent au prévenu lorsque celui-ci a commis son crime.
Il n’en va pas de même l’acte en tant qu’il visait D.L._, contre lequel le prévenu nourrissait de lourds griefs. On rappelle en premier lieu que le prévenu a à un moment donné placé une grande confiance en D.L._. On songe en particulier au fait que le prévenu a été prêt à retirer des dizaines de milliers de francs issus de sa prévoyance professionnelle afin d’aider celui qui était alors son ami. De même, c’est vers ce dernier qu’il s’est tourné afin de tenter de « sauver » son bateau, qui avait pour lui une valeur affective tout à fait essentielle, au point que les experts ont comparé ce lien à celui unissant un parent à son enfant. D.L._ a pu dans une certaine mesure profiter de l’investissement du prévenu dans ce lien d’amitié, étant rappelé que les experts présentent le prévenu comme très influençable. Dès lors, à la suite des premiers juges, la Cour de céans est convaincue que dans un contexte de brutale dégradation des rapports d’amitié et d’échec du partenariat dans l’exploitation du salon de massage, la décision de D.L._ de faire annuler le permis de circulation du bateau du prévenu, quand bien même il s’agissait d’un acte objectivement plutôt anodin, a été subjectivement perçue par le prévenu comme une véritable trahison et une menace contre ce qui lui était le plus cher. Ce contexte d’accumulations de rancoeurs, subjectivement exacerbées, ne permet pas de reconnaître les caractéristiques d’un assassin. Selon l’ATF 118 IV 122, la souffrance de l’auteur de l’homicide, qui résulte d'un comportement objectivement critiquable de la victime, conduit à expliquer l'acte d'une manière telle que l'on ne peut pas affirmer que l'auteur s'en soit pris à une personne dont il n'avait pas eu à souffrir ou pour un motif futile, faisant ainsi particulièrement peu de cas de la vie d'autrui (c. 3a).
Il est vrai qu’ainsi que le moyen employé peut jouer un rôle dans la qualification d’assassinat. En particulier, le recours au feu peut être symptomatique de cruauté ou de perfidie (Dupuis et al., op. cit., n. 21 ad art. 112 CP et les références citées). Toutefois, en l’espèce, l’instruction n’a pas mis en évidence une volonté du prévenu d’infliger une mort cruelle à D.L._. On rappelle ici que c’est le caractère gratuit de l’acte qui justifie sa qualification d’assassinat en tant qu’il concerne M.L._, non pas la cruauté du mode opératoire.
5.2.3
Le Ministère public critique encore la notion de perte de contrôle dont ont usé les premiers juges pour décrire l’état mental du prévenu lors de la mise à feu de l’immeuble, en opposant le sang-froid manifesté par le prévenu dans l’action homicide, ainsi que les constatations des experts.
L’autorité de première instance a évoqué cette question non pas au stade de la qualification des actes, mais dans l’appréciation de la culpabilité (jugement, p. 42 in fine). De même, les conclusions des experts ont trait à la responsabilité pénale, non pas à l’état émotionnel intérieur du prévenu.
5.2.4
En définitive, la Cour de céans considère que les premiers juges ont correctement qualifié les actes en cause, si bien que l’appel du Ministère public doit également être rejeté sur ce point.
6.
Le Ministère public soutient enfin que la peine prononcée par les premiers juges serait arbitrairement clémente et a requis qu’une peine privative de liberté de vingt ans soit prononcée. Se fondant uniquement sur les autres griefs qu’il soulevait dans son appel joint, qui ont été écartés plus haut, le prévenu a pour sa part conclu à être condamné à une peine privative de liberté nettement inférieure à celle prononcée par l’autorité de première instance.
6.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; 129 IV 6 c. 6.1).
Si les circonstances du cas d’espèce conduisent à élever ou à diminuer le cadre de la peine, elles ne peuvent pas être reprises comme éléments aggravants ou atténuants dans le cadre modifié de la peine (question de la double prise en considération; cf. Dupuis et al., op. cit., n. 24 ad art. 47 CP et les références citées).
6.2
Si en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (art. 49 al. 1 CP).
Le juge qui reconnaît un prévenu coupable d’assassinat peut le condamner soit à une peine privative de liberté de durée déterminée de 10 ans au moins mais de 20 ans au plus (art. 40 CP, première phrase) soit à la peine privative de liberté à vie (art. 112 CP). Quand il décide de franchir le seuil des 20 ans, le juge doit indiquer pour quel motif une peine de durée déterminée, même de 20 ans, ne lui paraît pas suffisante.
Lorsque l’assassinat est en concours ordinaire avec d’autres infractions (art. 49 al. 1 CP), les motifs doivent aussi expliquer comment la peine d’ensemble a été formée. Ils doivent donc permettre d’identifier la peine de base et la peine complémentaire, soit, en particulier, quelle infraction justifie, par elle-même, le prononcé de la peine privative de liberté à vie et pourquoi. La jurisprudence exclut en effet que le concours d’infractions fonde à lui seul le prononcé d’une peine privative de liberté à vie si l’infraction passible d’une telle sanction ne justifie pas par elle-même, au vu de la faute commise, le prononcé de cette peine (cf. ATF 132 IV 102 c. 9.1).
6.3
L’infraction la plus grave est celle de l’assassinat de M.L._. Appréciant la culpabilité du prévenu quant à cette infraction en particulier, la Cour de céans considère qu’il faut en premier lieu tenir compte du fait que l’infraction retenue est celle d’assassinat, qui est une forme de meurtre qualifiée entraînant une modification sensible du cadre de la peine. Or les éléments à charge principaux, que constituent en principe l’atteinte au bien juridique de la vie et le caractère gratuit de l’acte, sont précisément ceux qui ont conduit à retenir la qualification d’assassinat plutôt que celle de meurtre. Partant, on ne saurait accorder un poids déterminant à ceux-ci, à défaut de quoi il s’agirait d’une double prise en considération.
Les éléments à décharge sont nombreux. Tout d’abord, la Cour de céans a été frappée, comme les premiers juges, par la personnalité du prévenu. Pour reprendre l’expression employée par les premiers juges, celui-ci n’est manifestement « pas un homme ordinaire » (jugement, p. 43). S’il n’y a pas lieu de remettre en question les conclusions des experts, et ainsi retenir une responsabilité pénale entière, il faut néanmoins relever l’existence de troubles psychologiques importants et un quotient intellectuel global bas. Pour la Cour de céans, il s’agit d’un élément qui doit influer sur la peine prononcée. De même, ce n’est qu’à l’issue d’une appréciation approfondie des circonstances que le dol éventuel a été retenu. Force est dès lors de constater que sur deux questions décisives quant au cadre et à la fixation de la peine au sens large, la responsabilité pénale et le degré d’intention, les conclusions de la Cour de céans sont défavorables au prévenu, ce qui le place au final dans une situation juridique particulièrement sévère. A cela s’ajoutent les excuses formulées par le prévenu. L’incapacité de celui-ci à exprimer des sentiments envers autrui, trait de personnalité qui a été constaté par les experts, empêche en effet toute appréciation sûre de la sincérité de celles-ci, de sorte que le bénéfice du doute commande de considérer qu’il s’agit là d’un élément à décharge. Il y a enfin lieu de tenir compte de la bonne collaboration du prévenu en cours d’enquête.
S’agissant de l’aggravation résultant du concours d’infractions, il y a lieu de tenir compte du fait que les infractions les plus graves dont le prévenu est reconnu l’auteur, soit l’assassinat, la tentative de meurtre et l’incendie intentionnel, sont toutes réalisées par la commission d’un seul acte, l’incendie de l’immeuble des victimes. Quant à la tentative d’incendie intentionnel, qui concerne le comportement du prévenu au cours de l’après-midi du 17 avril 2012, elle s’inscrit dans le même processus. Enfin, s’il ne faut négliger ni la fraude dans la saisie ni l’infraction à la loi fédérale sur les armes, les accessoires d’armes et les munitions, force est de constater que la gravité de ces infractions doit être relativisée au regard de celle des principales infractions en concours. En bref, il s’agit en réalité surtout d’apprécier dans quelle mesure il y a matière à aggravation au regard du fait que l’acte criminel central était également dirigé contre D.L._. A ce titre, la Cour de céans est d’avis que la façon dont le prévenu percevait subjectivement la situation joue un rôle décisif. Les experts ont retenu que le prévenu considérait véritablement son bateau comme son enfant, sans qu’il s’agisse là d’une formule excessive ou caricaturale. Pour apprécier la gravité de l’acte, il faut ainsi confronter celui-ci au sentiment de trahison qui habitait le prévenu, lequel revêtait une certaine légitimité, comme on l’a vu, ainsi qu’à la menace que celui-ci avait perçue à l’encontre de « son bébé ». Il faut également retenir les éléments à décharge déjà relevés pour l’assassinat, qui valent aussi s’agissant de l’infraction de tentative de meurtre, et mentionner que l’acte n’a pas infligé de séquelle physique à la victime.
En définitive, en condamnant le prévenu à douze ans de peine de privative de liberté, les premiers juges ont certes prononcé une peine clémente, mais celle-ci est conforme au droit et la Cour de céans peut s’y rallier.
7.
Au vu de ce qui précède, aussi bien l’appel du Ministère public que l’appel joint du prévenu doivent être rejetés et le jugement entrepris intégralement confirmé.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appels, constitués de l'émolument du jugement, par 3'120 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ainsi que des indemnités allouées respectivement au défenseur d’office du prévenu, par 4'191 fr. 50, TVA et débours compris, et au conseil d’office des parties plaignantes, par 2'181 fr. 60, TVA et débours compris, doivent être mis par un tiers à la charge du prévenu, le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP).
Le prévenu
ne sera tenu de rembourser à l’Etat le tiers des indemnités en faveur de son défenseur d'office et du conseil d’office que lorsque sa situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
98fd627a-0f08-41da-b163-d3cd90330a9f | En fait :
A.
Par jugement du 4 décembre 2012, le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois a libéré A.H._ des infractions de tentative de contrainte et désagréments causés par la confrontation à un acte d’ordre sexuel (I), libéré B.H._ des infractions d’injure et tentative de contrainte (II), rappelé le jugement intervenu le 31 juillet 2012 concernant F._ (III), condamné A.H._ pour escroquerie à une peine privative de liberté de 4 mois (IV), condamné B.H._ pour menaces à une peine pécuniaire de
30 jours-amende, le jour-amende étant fixé à 30 fr. avec sursis durant 2 ans (V), dit que B.H._ est la débitrice de F._ de la somme de 2'000 fr. à titre de dépens pénaux (VI), mis une partie des frais de la cause arrêtés à 2’500 fr. à la charge de A.H._ et à 1’000 fr. à la charge de B.H._ et laissé le solde à la charge de l’Etat dont l’indemnité due à Me Nicod arrêtée à 3’439 fr. 35, TVA et débours compris (VII), et dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité servie au défenseur d’office ne sera exigé que si la situation financière des condamnés s’améliore (VIII).
B.
Par annonce du 12 décembre 2012 et par déclaration d'appel du 27 décembre 2012, A.H._ et B.H._ ont fait appel de ce jugement. Ils ont conclu à leur libération de toute infraction et de toute peine, les frais de la cause, y compris l'indemnité allouée à leur défenseur d'office, étant laissés à la charge de l'Etat. B.H._ a en outre conclu au rejet des conclusions en dépens pénaux de F._.
Le 25 février 2013, le Ministère public s'en est remis à justice.
F._ ne s'est pas déterminé.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1.1
A.H._ est né en 1963. Il est originaire de la commune de Saanen/ BE. Fils unique, il a suivi une scolarité sans particularité, interrompue pour entreprendre sans le terminer un apprentissage d’électricien. A.H._ sera ensuite actif dans d’innombrables sociétés déficitaires qu’il fonde lui-même ou par l’intermédiaire de prête-noms.
Le prévenu est marié et père de deux enfants. Sa situation financière est très largement obérée : il fait l'objet de nombreuses poursuites et actes de défaut de biens (pièces no 32, 33 et 41 dossier C). Le prévenu a été soumis à une expertise psychiatrique qui pose le diagnostic d’intelligence limite et de personnalité
pré-psychotique à traits narcissiques. La diminution de responsabilité est légère à moyenne. Le risque de récidive est avéré.
1.1.2
Le casier judiciaire de A.H._ mentionne que le 20 juillet 2004, le Tribunal correctionnel de l’Est vaudois a condamné l'intéressé a six mois d'emprisonnement pour vol, escroquerie, extorsion et chantage, et faux dans les titres.
Il ressort en outre du dossier que par jugement du 13 juillet 1995, A.H._ a été condamné par le Tribunal correctionnel de Vevey a deux ans d'emprisonnement, sous déduction de 404 jours de détention préventive, avec révocation des sursis accordés les 22 novembre 1990 et 27 juillet 1991, pour abus de confiance (escroquerie commise à réitérées reprises), faux dans les titres, induire la justice en erreur, délit contre la LF sur l'assurance-vieillesse et survivants (P. 67 dossier C).
1.2
B.H._ est née en 1964 au Portugal. Elle est titulaire d'un permis C. Elle a vécu dans son pays d’origine, puis au Brésil. Elle est venue en Suisse en 1986. Elle a perdu un enfant d’un premier lit dans des circonstances dramatiques. Depuis lors, elle bénéficie d’une rente Al. Elle est mariée et mère de deux enfants.
Le casier judiciaire suisse de B.H._ est vierge.
2.
2.1
A Veytaux, le 17 octobre 2005, le prévenu A.H._ a souscrit par Internet sur l’e-shop de [...] huit appareils et abonnements de téléphonie mobile (cinq au nom de [...] et trois au nom de [...] au nom de [...] Comme le veut l'usage, [...] a vérifié si la société [...] figurait au registre du commerce. Ensuite, elle s'est enquise de savoir si la commande avait été effectuée par une personne autorisée à engager la société. Les contrats de commande mentionnaient le nom de [...], seule personne inscrite au registre du commerce. [...] agissait comme prête-nom; le prévenu comme gérant de fait. Quelques jours plus tard, il a pris livraison des téléphones mobiles et les a utilisés jusqu’au mois de mai 2006, sans payer les factures correspondantes, accumulant ainsi un arriéré de 8’899 fr. 30 (frais de résiliation et intérêts non compris ; P. 18 dossier C). Faute de paiement, [...] a procédé au blocage des lignes le 5 mai 2006, blocage immédiatement levé, A.H._ certifiant par téléphone avoir procédé au paiement de 4’229 fr. 65, le 30 mars 2006, et promettant l’envoi d’une preuve du versement. Le 7 juin 2006, après de nombreuses tentatives dilatoires de la part de A.H._, [...] a définitivement résilié les accès du prévenu, celui-ci n’ayant jamais rien versé (P. 4 et P. 64 dossier C).
[...] a déposé plainte et s’est constituée partie civile, à hauteur d’un montant 9’741 fr. comprenant le montant total des arriérés, ses frais de résiliation (730 fr.) et les intérêts (111 fr. 70) (P. 18 dossier C).
Ces faits ne sont pas contestés par A.H._, ainsi que cela résulte de son procès-verbal d’audition du 3 octobre 2006, dans lequel il admet le contenu de la plainte déposée par [...] (PV aud. 1 du 3 octobre 2006 dossier A).
2.2
A Montreux, à une date indéterminée entre le 4 et le 6 juillet 2006, B.H._ a dit à F._ et [...], avec lesquels elle avait un conflit de travail
"[...] “On m’avait dit que vous étiez de la merde, mais pas à ce point-là”. [...]".
Elle a ensuite ajouté à l’attention de F._
"[...] Salopard, tu vas voir, on va te la mettre dans le cul, on va te casser les jambes et te discréditer sur toute la Riviera vaudoise. Tu n’auras plus de travail” [...]"
F._ lui a demandé de se calmer et a ajouté
"[...] et en plus, tu pues [...].
(cf. dossier B : PV aud. 1 du 16 août 2006; PV aud. 5 du 21 novembre 2006; PV aud. 3 du 3 octobre 2006 et PV 4 du 4 octobre 2006). Pour ces faits, F._ a déposé plainte. Il l'a maintenue aux débats d'appel (Procès-verbal p. 3). | En droit :
1.
Aux termes de l'art. 398 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0), l’appel est recevable contre les jugements des tribunaux de première instance qui ont clos tout ou partie de la procédure.
La déclaration d'appel de A.H._ et B.H._ a été déposée en temps utile (art. 399 al. 1 et 3 CPP) contre une décision rendue par une autorité de première instance qui a clos la procédure au sens de l'art. 398 al. 1 CPP. L'appel est donc recevable et il y a lieu d'entrer en matière.
2.
2.1
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.2
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in : Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel.
Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3. Appel de A.H._
3.1
A.H._ conteste s'être rendu coupable d'escroquerie.
Se rend coupable d’escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers (art. 146 al. 1 CP
in initio
).
Sur le plan objectif, l’escroquerie réprimée par l’art. 146 CP suppose en particulier une tromperie astucieuse. Selon la jurisprudence, il y a tromperie astucieuse au sens de l’art. 146 CP lorsque l’auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu’il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n’est pas possible, ne l’est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l’auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu’elle renoncera à le faire en raison d’un rapport de confiance particulier (ATF 133 IV 256 c. 4.4.3, p 264; 128 IV 18 c. 3a p. 20). L’astuce n’est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence que l’on pouvait attendre d’elle. Il n’est cependant pas nécessaire qu’elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu’elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d’être trompée. L’astuce n’est exclue que si elle n’a pas procédé aux vérifications élémentaires que l’on pouvait attendre d’elle au vu des circonstances. Une co-responsabilité de la dupe n’exclut toutefois l’astuce que dans des cas exceptionnels (TF du 27 octobre 2011 6B_314/2011 c. 3.2.1 et les références citées).
La jurisprudence admet l’astuce dans le cas où la dupe n’a pas la possibilité de vérifier les affirmations transmises ou si leur vérification se révélait très difficile. Ces hypothèses se rencontrent notamment lorsque la tromperie porte sur des faits internes, comme par exemple la volonté d’exécuter un contrat. Une telle volonté n’est cependant pas astucieuse dans tous les cas, mais seulement lorsque l’examen de la solvabilité n’est pas exigible ou est impossible et qu’il ne peut par conséquent être tiré aucune conclusion quant à la volonté de l’auteur de s’exécuter (ATF 125 IV 124 c. 3a p. 127). Finalement, la prise en considération de l’éventuelle responsabilité de la dupe connaît certaines limites. D’une part, elle ne doit pas avoir épuisé toutes les mesures de contrôles possibles et imaginables qui se trouvaient à sa portée (ATF 128 IV 18 c. 3a p. 20) et, d’autre part, n’importe quelle négligence de sa part ne suffit pas à exclure l’astuce. Il n’est donc pas nécessaire que la dupe soit exempte de la moindre faute (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., 2010, n. 17 ad art. 146 CP).
L’arrêt précité (ATF 125 IV 124 c. 3a p. 127) concerne un cas de séjour impayé dans un hôtel. S’agissant de l'infraction d'escroquerie, la Haute Cour rappelle que le client qui trompe l’hôtelier quant à sa volonté et sa capacité de payer se rend de ce seul fait coupable d’escroquerie; encore faut-il que le client ait entrepris des manoeuvres particulières pour faire croire à sa capacité et à sa volonté de payer et que l’hôtelier n’ait pas la possibilité de vérifier la solvabilité de l’hôte.
3.2.1
A.H._ soutient qu’il n’est pas prouvé qu’il a passé commande et réceptionné les appareils téléphoniques. Cet argument frise la témérité. Il ressort du jugement qui se réfère aux pièces du dossier (PV aud. 1 du 3 octobre 2006 dossier A), que l'appelant a admis le contenu de la plainte déposée par [...]; il reconnaît donc qu'il était la
"personne"
qui a passé commande le 17 octobre 2005, la plainte étant nominative. II ressort en outre de l’annexe au
PV aud. 2 (Audition [...] du 28 avril 2008; dossier A) une délégation de pouvoir de l’administrateur ( [...] en faveur de l’appelant. Enfin, A.H._ s’est toujours considéré comme étant le débiteur des factures en souffrance (P. 16 du dossier C) et il a redoublé d’énergie pour faire croire qu’une partie du montant réclamé avait été payé (jugement p. 15). Le jugement n’est pas lacunaire sur ce point.
3.2.2
A.H._ soutient encore [...] dans le but de tromper [...]. Les contrats litigieux ont été conclus entre [...] et [...].A.H._ n’apparaît pas au registre du commerce. C’est l’administrateur [...] né en janvier 1923, décédé depuis lors qui y figure comme prête-nom (PV 2 du 23 avril 2008, dossier A). La livraison des téléphones a eu lieu à l’avenue de Chillon 2, à Veytaux (P. 6 Dossier C) adresse qui correspond au domicile de l’époque de l’appelant (P. 9 Dossier C). On sait par ailleurs que A.H._ bénéficie de tous les pouvoirs pour représenter la société (notamment PV 3 du 3 octobre 2006 p. 2 dossier B). Enfin, la société [...] avait déjà rencontré des difficultés avec A.H._ en 2002 et elle n’aurait pas contracté avec lui. Il y a bien eu tromperie sur la personne du cocontractant, ce que retient à juste titre le premier jugement.
3.2.3
La tromperie est également astucieuse. A.H._ savait que la société de téléphonie n’aurait jamais contracté directement avec lui. Il lui fallait un paravent. Le paravent c’est la société [...] inscrite au registre du commerce, dont l’administrateur n’est qu’un prête-nom, mais dont le gérant est l’appelant. [...] ne pouvait guère faire autre chose que de s’assurer, s’agissant de contrats conclus via Internet, que la société était inscrite au registre du commerce et que son administrateur également. Elle a procédé à ces vérifications (P. 4 dossier C) qui ne permettaient évidemment pas de découvrir le réel commanditaire. Ensuite, il faut admettre, au vu des faits retenus, que l’appelant n’avait aucune intention d’honorer les contrats. Il n’en avait pas les moyens et le stratagème utilisé pour obtenir les appareils trahit également ce défaut d’intention. Au reste, l’appelant avait déjà agi ainsi par le passé au préjudice de sa cocontractante (P. 4 dossier C). Cette intention ne pouvait pas être décelable, s’agissant d’un élément interne à la volonté (ATF 125 IV 124 op. cit.). L’appelant n’a jamais prétendu qu’il comptait honorer les factures liées aux abonnements de téléphone. D'ailleurs, il n'a jamais versé le moindre centime; il a adopté une attitude belliqueuse en rejetant la faute sur sa cocontractante, lorsque celle-ci s'est aperçue du défaut de paiement, a voulu couper les lignes et résilier le contrat. Ladite résiliation qui a finalement eu lieu en juin 2006, a laissé [...] avec une facture impayée de 9'741 francs (P. 64 dossier C), ce qui fonde le dommage.
3.2.4
La condamnation de l'appelant pour escroquerie ne viole donc pas le droit fédéral et doit être confirmée.
3.3.
Il reste fixer la peine à infliger à A.H._ au regard de ce qui précède.
3.3.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale
(ATF 134 IV 17 c. 2.1 p. 19 s.; 129 IV 6 c. 6.1 p. 20; arrêt 6B_759/2011 du 19 avril 2012 c. 1.1).
Selon l'art. 41 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l'exécution de la peine (art. 42 CP) ne sont pas réunies et s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés. L'art. 41 al. 1 CP prévoit ainsi deux conditions cumulatives.
Il faut d'abord que les conditions du sursis à l'exécution de la peine ne soient pas réunies. Le droit au sursis s'examine selon les critères posés à l'art. 42 CP qui ont été rappelés dans l'arrêt publié aux ATF 135 IV 180 c. 2.1. Il y est renvoyé. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (ATF 134 IV 5 c. 4.2.2).
La seconde condition reflète la subsidiarité de la peine privative de liberté. Le juge ne peut prononcer une peine privative de liberté de moins de six mois que s'il y a lieu d'admettre que ni une peine pécuniaire ni un travail d'intérêt général ne peuvent être exécutés (art. 41 al. 1 CP). Dans un arrêt 6B_599/2011 du 16 mars 2012, le Tribunal fédéral pose que le juge doit motiver le choix de la courte peine privative de liberté ferme de manière circonstanciée. Il ne lui suffit pas d'expliquer pourquoi une peine privative de liberté ferme semble adéquate, mais il devra également mentionner clairement en quoi les conditions du sursis ne sont pas réunies, en quoi il y a lieu d'admettre que la peine pécuniaire ne paraît pas exécutable et en quoi un travail d'intérêt général ne semble pas non plus exécutable (c. 3.1
in fine
et les réf. citées). Une peine pécuniaire peut être exclue pour des motifs de prévention spéciale (TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011, c. 3.4)
ou parce qu'elle prive le prévenu du nécessaire, voire de l'indispensable
(ATF 134 IV 97 c. 5.2.3).
3.3.2
A la charge de A.H._ on retiendra que sa faute est lourde. Il a déjà été condamné sans sursis à la prison pour des infractions du même genre. Il n'hésite donc pas à faire fi de la loi pénale et à récidiver. Il use de toutes sortes de stratagèmes pour se soustraire à l'action de la justice; il n'hésite pas à renverser les rôles et à se faire passer pour une victime. Les éléments à décharge sont sa situation personnelle et une responsabilité diminuée de manière légère à moyenne (art. 19 al. 2 CP). Au vu de ce qui précède, une peine de quatre mois est adéquate pour sanctionner les agissements de A.H._. Pour des motifs de prévention, seule une peine privative de liberté entre en considération, à l'exclusion de peines moins sévères telles que la peine pécuniaire –qui ne pourrait être que symbolique au vu de la situation largement obérée de l'intéressé (P 32, 33 et 41 dossier C). – Une peine prononcée sous la forme de travail d'intérêt général n'est pas adéquate. L'une et l'autre ne sauraient, en effet, être suffisamment dissuasives si l'on sait que ce prévenu a récidivé malgré des peines de prison prononcées contre lui. Cette peine sera ferme, le pronostic étant défavorable, compte tenu en particulier du passé judiciaire de l'intéressé et de sa personnalité.
3.3.3
La peine infligée par le premier juge à A.H._ doit donc être confirmée. L’appelant ne la critique d’ailleurs qu'en relation avec sa demande d'acquittement qui a été écartée.
4.
L'art. 426 al. 1 CPP prévoit que le prévenu supporte les frais s'il est condamné. Vu le sort de l'affaire devant l'autorité précédente, c'est également à juste titre que le prévenu a été condamné à payer une partie des frais de première instance (art. 426 al. 1 CPP). Le montant de ceux-ci, au demeurant non remis en cause, a été fixé conformément aux pièces du dossier et ne prête pas le flanc à la critique.
5. Appel de B.H._
5.1
B.H._ conteste sa condamnation pour menaces.
En vertu de l’art. 180 CP, celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 1).
La punition de l'auteur dépend de la réalisation de deux conditions. Il faut, d'une part, que l'auteur ait émis une menace grave et, d'autre part, que la victime ait été alarmée ou effrayée. Une menace est qualifiée de grave si elle est objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime. Il faut donc se demander si une personne raisonnable, dotée d'une résistance psychologique plus ou moins normale, aurait ressenti la menace comme grave (TF 6B_234/2010 du 4 janvier 2011).
5.2.1
B.H._ soutient que le plaignant ne s’est pas senti menacé par ses propos. Elle en veut pour preuve que celui-ci n'aurait rien dit durant l'instruction et qu’il lui aurait rétorqué, lors des faits qu’il fallait qu’elle se calme et qu’en plus "elle puait". Entendu à l’audience de jugement, le plaignant a déclaré qu’il avait pris les menaces au sérieux et qu’il avait été effrayé par les propos tenus par l’appelante (jugement p. 11). Pour une personne placée par l’Office régional de placement, la menace d’un discrédit professionnel n’est pas anodine, tout comme celle de porter atteinte à son intégrité physique. Contrairement à ce que prétend l'appelante, on ne peut pas déduire des procès-verbaux que le plaignant ne s’est pas senti menacé. On ne lui a pas posé la question. En revanche, on constate qu’il a été suffisamment alarmé pour déposer une plainte pénale le 23 juillet 2006, soit quinze jours après les faits. Peu importe que le plaignant ait retrouvé du travail le lendemain des faits. Ce n’est pas le signe qu’il ne craignait pas pour son intégrité physique.
5.2.2
L’appelante semble encore vouloir contester avoir tenu les propos menaçants incriminés. Ces propos ressortent toutefois des déclarations concordantes du plaignant et de [...] qui ont assisté à la scène en présence de [...] (PV aud. 7 du 14 décembre 2006, p. 3, dossier B).
5.3
Au vu de ses agissement, c'est à juste titre que B.H._ a été condamnée pour menaces. Cette condamnation doit donc être confirmée.
6.
A la charge de B.H._, on retiendra que sa faute n'est pas négligeable. Abusant de sa position de patronne, elle n'a pas hésité à menacerF._ d'un discrédit professionnel, tout en sachant que celui-ci se trouvait dans une situation précaire, notamment parce qu'il était en recherche d'emploi et maîtrisait mal le français. A sa décharge, on retiendra sa situation personnelle.
6.1
Une peine pécuniaire d'un mois se justifie (34 CP) pour sanctionner le comportement de B.H._. Le montant du jour-amende, fixé à trente francs, tient compte de la situation financière de l'intéressée au moment du jugement (ATF 116 IV 4 c. 3a). Cette peine doit être assortie d'un sursis, le pronostic n'étant pas clairement défavorable. Un délai d'épreuve de deux ans s'avère suffisant pour prévenir tout risque de récidive (art. 44 CP).
6.2
La peine infligée par le premier juge est ainsi adéquate et doit être confirmée. L’appelante ne la critique d’ailleurs qu'en relation avec sa demande d'acquittement qui a été écartée.
7.
B.H._ conteste encore devoir payer à F._ la somme de 2'000 fr. à titre de dépens pénaux.
7.1
Aux termes de l'art. 433 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause (let. a). La partie plaignante adresse ses prétentions à l'autorité pénale et doit les chiffrer et les justifier (al. 2).
Dans un arrêt 6B_159/2012 du 22 juin 2012, le Tribunal fédéral précise que la partie plaignante a obtenu gain de cause au sens de cette norme lorsque le prévenu a été condamné et/ou si les prétentions civiles ont été admises. La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante, à l'exclusion de toutes démarches inutiles ou superflues (c. 2.2 et la doctrine citée).
7.2
F._ a obtenu gain de cause en première instance au sens de la jurisprudence citée. Il était en outre assisté par un conseil de choix. Ce conseil a requis des dépens, chiffrant ceux-ci à 3'017 fr. 80, débours et TVA inclus, en produisant une liste d'opérations (P. 98 dossier C). La prétention est justifiée dans son principe. L'indemnité allouée a toutefois été réduite à 2'000 fr. pour tenir compte du fait que le plaignant était également renvoyé devant le premier juge comme prévenu d'injure mais finalement libéré en raison de la prescription. Cette réduction n'est pas non plus critiquable.
8.
En définitive, les appels de A.H._ et B.H._ sont mal fondés et doivent être rejetés.
9.
Il reste à régler le sort des frais et indemnités de seconde instance.
9.1
A.H._ et B.H._ ont été représentés par une avocate d'office qui a produit une liste d'opérations faisant état de 8 heures de travail, ce qui paraît raisonnable au vu de l'ampleur de la procédure. Il convient dès lors d'accorder, à Me Annik Nicod la somme de 1'555 fr. 20 (soit 8 h x 180 fr. plus 8 % de TVA) à titre d'indemnité d'office.
A.H._ et B.H._ ne seront tenus de rembourser à l'Etat le montant de l'indemnité en faveur de leur défenseur d'office calculée comme ci-dessus que lorsque leur situation financière le permettra.
9.2
Les frais d'appel, par 3'495 fr. 20, y compris l'indemnité d'office allouée à Annick Nicod, soit mis à la charge des appelants, solidairement entre eux (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
99093131-f9dd-4c97-b6b4-a81a708740b4 | En fait :
A.
Par jugement du 4 avril 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a notamment constaté que N._ s’est rendu coupable de vol par métier (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de 330 jours-amende à 10 fr. le jour, sous déduction de 1 jour de détention avant jugement, peine partiellement complémentaire à celle infligée par le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois le 26 avril 2012 (II), a suspendu l’exécution de la peine pécuniaire mentionnée sous chiffre II et a fixé à N._ un délai d’épreuve de 2 ans (III), a dit que le sursis accordé à la peine pécuniaire de 18 jours-amende à 40 fr. le jour prononcé par le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois le 26 avril 2012 n’est pas révoqué (IV), a constaté que Q._ s’est rendu coupable de vol par métier (V), l’a condamné à une peine pécuniaire de 360 jours-amende à 10 fr. le jour, sous déduction de 1 jour de détention avant jugement (VI), a suspendu l’exécution de la peine pécuniaire mentionnée sous chiffre VI et a fixé à Q._ un délai d’épreuve de 2 ans (VII), a mis les frais, par 6'408 fr. 70, à la charge de N._, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office par 3'742 fr. 20, TVA et débours compris, et par 12'602 fr. 05 à la charge de Q._, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office par 4'815 fr. 55, TVA et débours compris (XIII), et a dit que le remboursement à l’Etat des indemnités allouées aux défenseurs d’office respectifs de N._ et de Q._ sera exigible pour autant que la situation économique de ces derniers se soit améliorée et le permettra (XIV et XV).
B.
N._ et Q._ ont chacun annoncé faire appel de ce jugement, respectivement les 7 et 8 avril 2014.
Chacun des appelants a, par déclaration d’appel motivée déposée en temps utile, conclu à la réforme du jugement précité en ce sens qu’il est constaté qu’il s’est rendu coupable de vol simple et qu’il est condamné à une peine pécuniaire inférieure à celle prononcée par le Tribunal correctionnel.
Par courrier du 6 mai 2014, N._
a déclaré qu’il renonçait à présenter une demande de non-entrée en matière.
Par lettres du 23 mai 2014, le Ministère public a annoncé qu’il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité des appels et qu'il n’entendait pas déposer un appel joint.
A l’audience d’appel, les prévenus ont chacun confirmé les conclusions de leurs déclarations d’appel. Le Ministère public a conclu au rejet des appels.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
Fils unique, N._ est né en 1970 en Ethiopie, pays dont il est ressortissant. Il y a grandi et effectué sa scolarité obligatoire jusqu’à l’âge de 18 ans. Il a quitté ce pays en raison de la guerre qui y sévissait et est venu en Suisse en passant par l’Italie. Il a fait une demande d’asile à Genève et a par la suite été placé en Valais. En 2004, il a épousé une compatriote, elle-même requérante d’asile. Entre 2004 et 2007, il a effectué différents petits travaux de nettoyage. En 2007, il a trouvé du travail comme chauffeur de nuit à l’hôtel [...] à Lausanne. Il a obtenu la nationalité suisse en 2008 ou 2009. En 2010, il a divorcé et s’est marié avec une femme qu’il avait connue entre-temps en Italie. De cette nouvelle union est née une fille.
Au début de l’année 2010, N._ a été engagé au centre de tri de K._ à [...]. Sa mission était double : il devait distribuer les colis de [...] aux clients et les récupérer dans les différents offices postaux afin de les ramener au centre de tri. Il y a travaillé à 60 % jusqu’en février 2012. Il a alors été licencié et s’est fait engager immédiatement par la société [...]. De février à avril 2012, il commençait ses journées au centre de [...], comme il en avait fait la demande, avant d’être transféré au siège de l’entreprise à [...]. Il réalisait alors un revenu d’environ 2'000 fr. par mois et bénéficiait d’une rente versée par l’aide sociale à hauteur de 1'500 francs. Il a perdu cet emploi en raison des faits de la présente affaire et bénéficie actuellement du revenu d’insertion, le chômage ayant refusé de lui accorder des prestations. Il réalise en conséquence un revenu de 3'310 fr. par mois, ce qui couvre ses besoins, ceux de son épouse et de sa fille. Il a environ 1'300 fr. de dettes envers des institutions de crédit. Il n’a pas d’économies.
Son casier judiciaire comporte l'inscription suivante :
- 26.04.2012, Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois, violation grave des règles de la circulation routière, peine pécuniaire 18 jours-amende à 40 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve 2 ans, amende 320 francs.
1.2
Né en 1964 en Ethiopie, pays dont il est ressortissant, Q._ a, au terme de sa scolarité obligatoire, travaillé comme chauffeur de taxi puis de poids lourds. Opposant politique, il a fui son pays pour éviter la prison et est arrivé en Suisse en 1994 comme requérant d’asile. En 2003, il a obtenu un permis B. Il a d’abord résidé en Valais, puis s’est installé temporairement dans le canton de Vaud, avant de retourner en Valais, où il vit toujours. Il a divorcé en 2008 et n’a pas d’enfants.
En Suisse, il a travaillé dans l’hôtellerie puis une dizaine d’années dans le nettoyage. Il a été licencié en 2008 et est venu à Lausanne, où il a trouvé, en 2009, du travail comme livreur pour le [...] à [...]. Il y était placé par [...]. Il réalisait alors un revenu d’environ 2'000 fr. par mois. Il a été licencié en raison des faits de la présente affaire et a perçu des prestations du chômage jusqu’à fin 2013, puis de l’aide sociale. Il loue actuellement une chambre à hauteur de 200 fr. par mois. Il s’est récemment lancé comme indépendant dans l’import-export de vieilles voitures, activité qui ne lui a encore rapporté aucun revenu.
Son casier judiciaire ne comporte aucune inscription.
1.3
Dans le cadre de la présente affaire, N._ et Q._ ont effectué un jour de détention préventive.
2.
2.1
A [...], au centre de tri de K._, entre le 30 mars et le 2 septembre 2011, Q._ a profité de son accès professionnel à ce site pour y dérober deux téléphones portables de marque Nokia N97 mini white, qui ont été retrouvés au domicile du prévenu lors de la perquisition effectuée le 5 juillet 2012 et ont été restitués à K._ le 24 décembre 2012.
A._, propriétaire de l’un des deux appareils, a déposé plainte le 28 avril 2011 et s’est constituée partie civile.
2.2
A [...], au centre de tri de K._, entre le mois d’octobre 2011 et le 5 juillet 2012, date de leur interpellation, Q._ et N._ ont profité de leurs accès professionnels à ce site pour y subtiliser, à chaque fois qu’ils le pouvaient, parfois avant de prendre leur service, le contenu d’envois postaux. Chacun agissait pour son propre compte. La marchandise a été emportée par les prévenus alors qu’elle était dans les glissières ou les RX (chariots métalliques) en attente d’être distribuée.
Le butin, dont le montant peut être estimé à plusieurs milliers de francs, se composait, pour chacun des intéressés, principalement de montres de luxe, de téléphones portables, et de divers autres appareils électroniques tels que des ordinateurs, des tablettes et des écouteurs.
L’ensemble du matériel volé par Q._ et par N._ a été saisi à leurs domiciles respectifs, et, s’agissant des objets dérobés par ce dernier, également dans sa cave et dans son véhicule, puis restitué à K._.
Sur le site de [...], N._ a en outre volé un iPhone, dont la boîte vide a été retrouvée à son domicile, un téléphone portable de marque Nokia et un de marque Samsung qu’il a envoyés dans son pays d’origine.
K._ a déposé plainte le 12 mars 2012. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjetés dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
I. Appel de N._
3.
N._ conteste avoir agi par métier.
3.1
D'après la jurisprudence, la circonstance aggravante du métier doit être retenue lorsqu'il résulte du temps et des moyens que consacre l'auteur à ses agissements délictueux, de la fréquence des actes pendant une période déterminée, ainsi que des revenus envisagés ou obtenus, que l'auteur exerce son activité coupable à la manière d'une profession, même accessoire. Il faut en ce sens que l'auteur aspire à obtenir des revenus relativement réguliers représentant un apport notable au financement de son genre de vie et qu'il se soit ainsi, d'une certaine façon, installé dans la délinquance. L'auteur doit avoir agi à plusieurs reprises, avoir eu l'intention d'obtenir un revenu et être prêt à réitérer ses agissements (TF 6B_299/2014 du 19 août 2014 c. 4.1 et les références citées, not. ATF 129 IV 253 c. 2.1).
3.2
En l’espèce, il ressort de l’état de fait – non contesté – du jugement de première instance que N._ a, à l’occasion de son travail au centre de tri des paquets postaux de [...], dérobé plus d’une quarantaine d’objets. Il a, à chaque fois qu’il le pouvait, parfois avant de prendre son service, répété les vols durant environ neuf mois jusqu’à son arrestation, soit à une fréquence élevée. La valeur des biens ainsi soustraits, notamment des montres de marque, des téléphones portables et divers autres appareils électroniques, représente un montant important au regard du revenu licite mensuel perçu à l’époque par le prévenu de quelque 2’000 fr., en sus de la rente versée par l’aide sociale à hauteur de 1'500 fr., et constituait ainsi un apport non négligeable à son train de vie, même en tenant compte du fait que tous ces objets n’étaient pas neufs.
L’appelant a certes gardé les objets chez lui et n’en a pas obtenu de l’argent, comme il le fait valoir. Toutefois, un apport en nature est suffisant. Comme l’a rappelé récemment le Tribunal fédéral dans un cas similaire (TF 6B_299/2014 du 19 août 2014 c. 4.3), il n'est en effet pas nécessaire que l'auteur agisse dans l'intention d'obtenir de l'argent directement ou par la vente des objets obtenus pour retenir qu'il en tire des
revenus
. Il apparaîtrait en outre inéquitable que celui qui vole régulièrement de l'argent pour s'acheter certains biens puisse être punissable pour vol
par métier
et pas celui qui déroberait, de manière régulière, directement ces biens (
ibidem
).
Enfin, on constatera qu’il a fallu une enquête de plusieurs mois, ensuite de la plainte déposée par K._, pour découvrir les agissements du prévenu et les objets volés. On peut donc en déduire que seule l’interpellation de N._ a mis fin à ses actes, ce qui suffit, au vu de la durée de l’activité délictueuse, à retenir qu’il était d’ores et déjà installé dans la délinquance, soit, en d’autres termes, qu’il était prêt à accomplir, à l’avenir, un nombre indéterminé d’infractions du même type et selon le même mode opératoire.
Au vu de ces éléments et de la jurisprudence précitée, la circonstance aggravante du métier est bel et bien réalisée, de sorte que la condamnation de N._ pour vol par métier doit être confirmée.
4.
L’appelant conteste la quotité de la peine qui lui a été infligée. Il fait dépendre son grief uniquement de l'admission de son précédent moyen. Or, dans la mesure où celui-ci a été rejeté, comme on vient de le voir, il n'y a pas lieu de revenir sur l'appréciation de la fixation de la peine par les premiers juges.
Pour le surplus, la Cour d'appel pénale est d'avis qu'une peine de 330 jours-amende se justifie en l'occurrence, compte tenu du fait que cette peine est complémentaire à celle prononcée par le Ministère public du Nord vaudois le 26 avril 2012 et au regard du cadre de la peine prévu par l’art. 139 ch. 3 CP. On tiendra compte, parmi les éléments à charge, du nombre important de vols commis sur une période de neuf mois, du fait, comme l’a relevé à juste titre le tribunal correctionnel, que l’appelant avait demandé, dans le cadre de son nouvel emploi, d’être affecté au centre de [...] afin de commettre des vols et qu’avant son départ effectif de son poste de travail, il avait accéléré son activité délictueuse et du fait que seule son arrestation ait mis fin à ses agissements. D’autre part, à l’instar des premiers juges, on retiendra à décharge les regrets exprimés par le prévenu, sa collaboration durant l’instruction et le fait qu’il ait su s’insérer socialement. Le montant du jour-amende fixé à 10 fr., que l’appelant ne conteste d’ailleurs pas, se justifie également, compte tenu de la situation financière précaire de ce dernier.
II. Appel de Q._
5.
Dans une argumentation similaire à celle de son co-prévenu, Q._ conteste également la circonstance aggravante du métier.
A cet égard, on peut en substance renvoyer à ce qui a été exposé ci‐dessus concernant N._ (cf. c. I/3.2). Les deux prévenus n’ont pas agi ensemble ni de concert, mais néanmoins dans des circonstances similaires, Q._ ayant, à l’instar de N._, dérobé une quarantaine d’objets, dont notamment des montres de marque, des téléphones portables, des tablettes et un ordinateur, sur le même lieu de travail que ce dernier et avec le même mode opératoire. La valeur totale de cette marchandise représente un montant important au regard du revenu licite mensuel perçu par Q._ de quelque 2’000 fr. et constituait donc, pour lui aussi, un apport non négligeable à son train de vie. Le fait qu’il n’ait pas osé vendre le matériel volé (appel, p. 4), même si telle était son intention au départ (jugt, p. 6), n’est pas déterminant, puisque comme on l’a vu ci-avant, il n'est pas nécessaire que l'auteur agisse dans l'intention d'obtenir de l'argent directement ou par la vente des objets obtenus, un apport en nature étant suffisant.
Le moyen est donc mal fondé et doit être rejeté, de sorte que la condamnation de Q._ pour vol par métier doit également être confirmée.
6.
L’appelant soutient ensuite que l’acte d’accusation ne permettrait pas de retenir le vol par métier.
6.1
L’art. 9 CPP consacre la maxime d’accusation. Selon cette disposition, une infraction ne peut faire l’objet d’un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d’accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits.
Aux termes de l’art. 325 al. 1 CPP, l’acte d’accusation désigne le lieu et la date de son établissement (let. a), le ministère public qui en est l’auteur (let. b), le tribunal auquel il s’adresse (let. c), les noms du prévenu et de son défenseur (let. d), le nom du lésé (let. e), le plus brièvement possible, mais avec précision, les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l’heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l’auteur (let. f) et les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l’avis du ministère public (let. g).
Ces dispositions consacrent la maxime d'accusation, selon laquelle le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (TF 6B_528/2012 et 6B_572/2012 du 28 février 2013 c. 3.1.2 et les références citées). C’est la désignation des faits reprochés à l’accusé qui constitue la partie essentielle de l’acte d’accusation. Tous les éléments constitutifs de l’infraction et tous les faits qui forment le fondement réel des éléments constitutifs de l’infraction doivent y être mentionnés (Schubarth, in : Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, nn. 7 et 8 ad art. 325 CPP; Heimgartner/Niggli, in : Basler Kommentar, op. cit., nn. 18 et 19 ad art. 325 CPP).
Il n’empêche pas l’autorité de jugement de s’écarter de l’état de fait ou de la qualification juridique retenus dans la décision de renvoi ou l’acte d’accusation, à condition toutefois que les droits de la défense soient respectés (ATF 126 I 19 c. 2a et c pp. 21 ss).
6.2
En l’espèce, on ne comprend pas l’argument de l’appelant. Outre qu’il mentionne le vol par métier, l’acte d’accusation procède à une énumération complète des objets volés et des dates de l’activité délictueuse, tout en précisant que les prévenus ont volé des objets "chaque fois qu’ils le pouvaient". Il ne résulte pas des principes rappelés plus haut que l’acte d’accusation aurait dû être plus précis que cela.
Mal fondé, le moyen doit donc être rejeté.
7.
L'appelant ne discute pas de la peine en soi; il se limite à conclure au prononcé d’une peine inférieure à celle prononcée par le tribunal correctionnel, en partant de la prémisse qu’il est libéré de la circonstance aggravante du métier, alors que tel n'est pas le cas.
Il suffit de constater, sur ce point, que l'appréciation de la quotité de la peine par les premiers juges n’est pas critiquable, de sorte que la peine pécuniaire de 360 jours-amende à 10 fr. le jour peut être confirmée. Le caractère complémentaire de la sanction infligée à N._ et le fait que Q._ ait agi sur une période plus longue conduisent au prononcé d’une peine légèrement plus sévère à l’encontre de ce dernier.
8.
En conclusion, les appels doivent être rejetés et le jugement attaqué intégralement confirmé.
8.1
Vu l’issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis par moitié à la charge de N._ et par moitié à la charge de Q._. Chacun des appelants supportera en outre l'indemnité allouée à son défenseur d'office pour la procédure d'appel, indemnité qui, au vu des opérations nécessaires, de la durée de l’audience et du fait que les appels ne portaient en définitive que sur la question de la qualification de vol par métier, doit être arrêtée à 1'296 fr., TVA et débours compris.
8.2
N._ et Q._ ne seront tenus de rembourser à l’Etat l'indemnité allouée à leur défenseur d'office que lorsque leur situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
992a2eb6-dd00-4f79-9bab-e6fca073a97c | En fait :
A.
Par jugement du 3 mai 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a notamment libéré X._ des chefs d’accusation de contrainte et d’actes d’ordre sexuel avec des personnes dépendantes (I), a constaté qu'il s'est rendu coupable d’actes d’ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle, viol et pornographie (II), l'a condamné à une peine privative de liberté de quatre ans et demi, sous déduction de 514 (cinq cent quatorze) jours de détention avant jugement (III), a ordonné qu'il soit soumis à un traitement institutionnel spécifique de l’art. 59 CP (IV), a ordonné son maintien en détention pour des motifs de sûreté (V), a pris acte, pour valoir jugement sur les prétentions civiles, de la reconnaissance de dette signée le 1
er
mai 2012 par X._ en faveur de V._ (VI), a ordonné la confiscation et la destruction de divers objets, notamment un ordinateur portable et d'autres supports de données (VII), a mis une partie des frais de la cause, par 40'739 fr. 70, à la charge de X._, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office, Me Julien Gafner, par 20'939 fr. 40, débours et TVA compris (VIII) et a dit que le remboursement à l’Etat de l’indemnité allouée à son défenseur d’office est subordonné à l’amélioration de sa situation économique (IX).
B.
Le 11 mai 2012, X._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel du 25 mai 2012, il a conclu à sa réforme, principalement en ce sens qu'il est libéré des chefs d'accusation de contrainte sexuelle et de viol à l'encontre de V._, d'une part, et du chef d'accusation d'actes d'ordre sexuel avec des enfants à l'encontre de S._, d'autre part, et qu'il est condamné à une peine privative de liberté assortie du sursis partiel, dont la quotité et les modalités seront fixées à dire de justice et, subsidiairement, en ce sens qu'il est condamné à une peine privative de liberté inférieure à celle prononcée par le tribunal de première instance. Il n'a pas requis l'administration de preuves.
Par courrier du 1
er
juin 2012, le Ministère public a annoncé qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et qu'il renonçait à déclarer un appel joint.
Me Christophe Borel, curateur ad hoc de V._, en a fait de même, par courrier du 4 juin 2012.
A l'audience du 12 septembre 2012, à laquelle V._ a été dispensée de comparaître, Me Gafner a modifié la conclusion II de sa déclaration d'appel en ce sens que X._ est libéré des chefs d'accusation de viol de V._, d'une part, et d'actes d'ordre sexuel avec des enfants à l'encontre de S._, d'autre part.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né le 23 février 1951, X._ a grandi dans le canton de Fribourg, puis dans le canton de Vaud, d'abord à Bercher et ensuite à Grandson. Il est le neuvième d'une fratrie de onze enfants. Au terme de sa scolarité obligatoire et après avoir encore effectué une année d'orientation professionnelle, il a entrepris un apprentissage de mécanicien automobile et obtenu un CFC. Il a travaillé durant six ans dans cette profession, avant d'exercer une activité dans le commerce de produits pharmaceutiques pour animaux. Après avoir purgé la peine privative de liberté de deux ans qui lui a été infligée en 1999, il a œuvré comme employé responsable de poulaillers, alternant des périodes de chômage et de travail temporaire. Dès le 1
er
janvier 2009, il a été engagé comme chauffeur-livreur par une entreprise d'Yvonand, activité qui lui procurait un salaire de 4'500 fr. par mois et qu'il a exercée jusqu'à son arrestation le 7 décembre 2010. Il a des dettes d'impôts qu'il a estimées à 10'000 francs. Célibataire, le prévenu a eu différentes relations suivies avec des femmes de son âge et vivait seul au moment de son arrestation.
Son casier judiciaire comporte une inscription :
- 24 juin 1999, Cour de cassation pénale Lausanne, actes d'ordre sexuel avec un(e) enfant, contrainte sexuelle, actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance et pornographie, emprisonnement 2 ans et 6 mois, détention préventive 23 jours, libération conditionnelle le 02.02.2002, délai d'épreuve 5 ans, assistance de probation.
X._ est en détention avant jugement depuis le 7 décembre 2010.
2.
2.1
Du 3 mai 2005 (les faits antérieurs étant prescrits) au 7 décembre 2010, X._ a téléchargé, via des logiciels de type "peer-to-peer" tels que eMule ou Limewire, des fichiers pornographiques mettant en scène des enfants âgés de moins de seize ans.
A plusieurs reprises entre le 28 mai et le 30 juin 2010, au moyen de son ordinateur, il a mis à libre disposition sur internet, via le réseau eDonkey-Kad, 108 fichiers dont les titres évoquaient un contenu à caractère pédophile.
La perquisition effectuée au domicile de l'appelant a permis de saisir un ordinateur portable ainsi que d'autres supports de données contenant plus d'un millier de photographies et des dizaines de vidéos de pornographie enfantine.
2.2
Vers la fin de l'année 2008, X._ a fait la connaissance de V._, née le 29 septembre 1998, qui, de retour d'un premier placement en foyer, n'avait pratiquement pas de contact avec son père et vivait avec son demi-frère ainsi qu'avec sa mère, toxicomane, sans travail et démunie financièrement. Le prévenu a entrepris d'aider cette famille en lui procurant une aide matérielle non négligeable. S'agissant plus particulièrement de V._, il s'est progressivement rendu indispensable auprès d'elle en lui offrant régulièrement de l'argent et en lui achetant de nombreux cadeaux, à tel point qu'au bout d'une année, l'enfant lui a demandé d'être son "parrain". Ils se voyaient alors une à trois fois par semaine et se contactaient régulièrement par téléphone.
Dans le courant de l'année 2009, connaissant le rêve de la fillette d'avoir un "book", il lui a dit qu'il était photographe et lui a proposé de venir dans son appartement pour la prendre en photo, ce que l'enfant, après quelques refus, a finalement accepté. Aux photographies sur lesquelles la victime apparaissait habillée ont succédé des prises de vue où elle était notamment représentée en train de se déshabiller, d'exhiber sa poitrine ou ses parties intimes, de toucher son intimité ou de prendre le sexe du prévenu dans sa bouche. Pour amadouer sa victime, ce dernier lui a fait croire qu'il agissait par amour, lui a donné de l'argent et a chargé la carte à prépaiement de son téléphone portable.
Depuis lors et jusqu'à la fin de l'automne 2010, X._ a fait subir à V._ des abus de plus en plus graves afin d'assouvir ses pulsions pédophiles, agissant tantôt à son domicile, où l'enfant a passé plusieurs nuits, tantôt sur la banquette arrière de sa voiture. Ainsi, à une occasion, X._ a entièrement déshabillé l'enfant et quand bien même celle-ci lui faisait part de son désaccord et tentait de le repousser, le prévenu l'a embrassée sur tout le corps, y compris le sexe. Par la suite, il a plusieurs fois frotté son pénis entre les jambes de la fillette, éjaculant sur elle à trois ou quatre reprises, puis s'est mis à la pénétrer d'abord avec les doigts, puis – à tout le moins partiellement – avec son pénis. L'enfant a également dû masturber le prévenu, lui prodiguer des fellations et tolérer qu'il frotte son pénis sur sa poitrine. Il est aussi arrivé que X._ attache sa victime aux barreaux de son lit au moyen de menottes et prenne des clichés d'elle dans cette position. Il lui a également demandé de le fouetter avec un godemiché en latex, surmonté de lanières, alors qu'il était en sous-vêtements.
Pour parvenir à ses fins et éviter que l'enfant n'ébruite ses agissements, l'intéressé a exercé sur elle divers moyens de pression, allant jusqu'à la menacer de mort au moyen d'un pistolet au cas où elle parlerait et ajoutant qu'il s'en prendrait aux personnes auxquelles elle pourrait se confier.
La mère de V._ a déposé plainte le 8 décembre 2010. L'enfant, représentée par un curateur désigné par la justice de paix, en a fait de même le 3 févier 2011.
2.3
Durant l'été 2009, à la piscine d'Orbe, S._, née le 4 novembre 1997, a fait la connaissance de X._ par l'intermédiaire de sa copine V._.
A cette même époque, tous les trois se sont rendus en voiture à Estavayer-le-Lac. Après avoir mangé dans un restaurant, ils ont assisté à une séance de cinéma open air. Durant la projection, le prévenu a posé une main sur la cuisse de S._ et l'a caressée. Importunée par ce comportement, la fillette a changé de place. Par la suite, le prévenu lui a envoyé un sms dans lequel il a dit regretter son geste, n'hésitant pas, dans d'autres messages, à lui faire savoir qu'elle pouvait s'adresser à lui si elle avait besoin de crédit pour son téléphone.
Aucune plainte n'a été déposée.
2.4
X._ ayant été libéré au bénéfice du doute pour les faits décrits sous chiffre 2.2 du jugement entrepris (pp. 50 à 52), qui concerne une autre jeune fille, il n'y a pas lieu de les retenir contre lui.
2.5
En cours d'instruction, X._ a été soumis à une expertise psychiatrique. Dans leur rapport du 10 juin 2011 (pièce 87), les experts ont posé les diagnostics de pédophilie et de trouble de la personnalité à traits dyssociaux, ces pathologies étant apparues au moment de l'adolescence et étant présentes lors des faits. Ils ont décrit le prénommé comme un prédateur sexuel.
Dans leurs "observations cliniques", les experts ont relevé que le discours de l'intéressé ne présentait pas de déficit cognitif ni de symptomatologie hallucinatoire et ont mis en évidence, sur le plan de la personnalité, une immaturité affective globale sévère qui se traduit par une faible reconnaissance de responsabilité face à ses actes délictueux et par une incapacité à se représenter la souffrance que ceux-ci engendrent, l'expertisé se représentant autrui plutôt comme un ustensile à l'usage de son plaisir exclusif. Ce dernier s'est d'ailleurs posé en victime des circonstances, dès lors qu'il aurait été, selon ses dires, conduit par le destin et séduit par les enfants.
S'agissant de sa responsabilité pénale, les experts ont retenu que X._ pouvait apprécier le caractère illicite de ses actes, mais n'était pas, du fait de son trouble de la personnalité, qu'ils ont considéré comme grave, et de son importante vulnérabilité psychologique, complètement capable de se déterminer d'après cette appréciation. Ils ont considéré la diminution de responsabilité comme légère.
Les experts ont estimé le risque de récidive important dans le même genre d'infractions et ont relevé qu'un traitement ambulatoire de l'art. 63 CP était susceptible de diminuer ce risque
Lors de l'audience du 14 décembre 2011, au cours de laquelle le Dr [...], coauteur du rapport d'expertise, a été entendu, il est apparu que les experts s'étaient fondé sur un dossier incomplet, considérant, à tort, que l'expertisé s'en était pris à une seule enfant et, de ce fait, que le précédent traitement ambulatoire suivi par l'intéressé après sa libération conditionnelle en 2002 avait permis à ce dernier de maîtriser ses pulsions pédophiles, alors qu'en réalité, il était question de trois victimes potentielles et que l'appelant avait récidivé en cours de psychothérapie. Un rapport complémentaire a ainsi été rendu le 20 mars 2012 (pièce 165), au terme duquel les experts ont préconisé la mise en place d'un traitement institutionnel de l'art. 59 CP plutôt qu'un traitement ambulatoire. A la reprise d'audience du 1
er
mai 2012, le Dr [...] a confirmé les conclusions du complément d'expertise et les diagnostics posés dans le rapport du 10 juin 2011.
2.6
Depuis le début de son incarcération, X._ est suivi par le Prof. [...] du Service de médecine et psychiatrie pénitentiaire, actuellement à raison de deux fois par mois, comme il l'a précisé à l'audience de ce jour (p. 3 ci-avant). | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
X._ ne conteste plus sa condamnation pour contrainte sexuelle, vu la modification de la conclusion II de sa déclaration d'appel survenue à l'audience du 12 septembre 2012 (p. 4 ci-avant). Il remet en revanche en cause sa condamnation pour viol de V._, d'une part, et pour actes d'ordre sexuel avec des enfants à l'encontre de S._, d'autre part, et conclut subsidiairement à la réduction de la peine qui lui a été infligée.
La cour de céans examinera uniquement ces moyens, l'appelant
ayant, au cours des débats, expressément limité son appel à ces points (cf. art. 399 al. 4 CPP).
4.
La cour de céans commencera par examiner le grief relatif à l'art. 190 CP. X._ conteste avoir violé V._, dès lors qu'il ne l'aurait "jamais pénétrée avec [son] sexe", selon ses propres déclarations (p. 4 ci-avant). Il soutient que les premiers juges se sont livrés à une appréciation arbitraire des preuves en retenant le récit de la victime et invoque une violation du principe
in dubio pro reo
.
4.1
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, RS 0.103.2), 6 par. 2 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, RS 0.101) et 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, RS 101), ainsi que son corollaire, le principe
in dubio pro reo
, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme règle d'appréciation des preuves, le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (cf. ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009, précité, c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (TF 6B_216/2010 du 11 mai 2010 c. 1.1.1 et 1.1.2 et la jurisprudence citée).
4.2
L'art. 190 al. 1 CP prévoit que celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de un à dix ans.
La notion d'acte sexuel est normalement englobée dans le terme général d'actes d'ordre sexuel (art. 189 CP). Dans le cas du viol, le législateur a voulu traiter l'acte sexuel (lorsqu'il est imposé par un homme à une femme) d'une manière distincte des autres actes d'ordre sexuel accomplis ou subis sous la contrainte, lesquels tombent sous le coup de la disposition générale de l'art. 189 CP. Pour qu'il y ait viol, il faut donc qu'il y ait acte sexuel; un autre acte d'ordre sexuel, même un acte analogue, ne suffit pas. Par acte sexuel, il faut entendre l'introduction, même partielle et momentanée, du pénis dans le vagin. L'éjaculation n'est pas requise (Corboz, Les infractions en droit suisse, Vol. I, Berne 2010, nn. 2 à 4 ad art. 190 CP et les références citées).
4.3
En l'espèce, X._ a fini par admettre avoir "exercé sur V._ une contrainte psychique" (p. 3 ci-avant), de sorte qu'il n'y a pas lieu de revenir sur cette question, les moyens de contrainte prévus par la loi à l'art. 190 CP étant les mêmes qu'en cas de contrainte sexuelle au sens de l'art. 189 al. 1 CP (Corboz, op. cit., n. 8 ad art. 190 CP).
La Cour d’appel, comme le tribunal de première instance, est convaincue que la version des faits de V._ correspond à la réalité et que X._ l'a pénétré non seulement digitalement, comme il tente de le faire croire (PV aud. 9, p. 3; jugt, p. 13), mais également – à tout le moins partiellement – avec son sexe.
Sur ce point, V._ a, lors de son audition vidéo du 7 janvier 2011 (dont le résumé figure au PV aud. 7 et sous pièce 73), déclaré ce qui suit : "des fois il me disait de mettre juste 2 cm, après 3 cm, 5 cm pis elle ([...]) m'a dit donc c'est une pénétration et moi je lui ai dit non, il a pas tout mis" (15:24:16). A la question "avec les doigts, avec le sexe?", la fillette a répondu "les deux", avant d'ajouter : "il (X._, ndlr) se frottait souvent entre mes jambes, mais sans entrer parce que ça me faisait mal pis je le repoussais assez rapidement. Une fois en se frottant, il a quand même eu des plus ou moins pertes" (15:25:34). Elle a également affirmé qu'il était arrivé qu'il frotte son sexe entre ses jambes, sans toutefois la pénétrer, car cela lui faisait mal et qu'elle le repoussait, précisant qu'il y a deux mois, il avait éjaculé près de son entrejambe, sans la pénétrer. Elle a ajouté qu'à chaque fois qu'il la pénétrait, elle le repoussait, puis se retournait et que le prévenu insistait parfois en disant : "si tu le fais pas, ben t'y arriveras jamais, pis si tu le fais pas d'abord avec un homme qui a déjà de l'expérience là dedans, tu risques d'être blessée" (15:27:31).
La cour de céans est d'avis qu'il n’y a pas de motifs de douter des affirmations de V._. Tout d'abord,
ses déclarations ont toujours été constantes, puisque la prénommée a tenu des propos semblables devant sa marraine, [...], quelque temps auparavant (jugt, p. 34) et devant la gynécologue, le 18 février 2011 (pièce 141/5). L'enfant a en outre paru crédible à tous les professionnels appelés à intervenir dans cette situation (jugt, pp. 5, 24 et 30). Ensuite, il ressort de l'enregistrement vidéo de son audition du 7 janvier 2011 que l'intimée, qui a attendu de savoir que son abuseur était incarcéré pour pouvoir raconter ce qui lui était arrivé, n'a montré aucune agressivité en parlant du prévenu, qu'elle a d'ailleurs décrit comme faisant "son petit Caliméro" dont elle avait "pitié" (PV aud. 7, p. 6; 15:29:34). A cela s'ajoute que l'enfant n'avait aucun intérêt à charger mensongèrement l'appelant en affirmant qu'il l'avait pénétrée partiellement avec son sexe; elle a du reste elle-même précisé que, selon elle, il n'y avait pas pénétration puisqu'"il n'a[vait] pas tout mis". Elle n'a pas non plus exagéré les faits, s'expliquant au contraire avec retenue et pudeur tout au long de son audition. Enfin, l'examen gynécologique, s'il n'a révélé aucune lésion, "n'infirme en aucun cas les dires" de la victime (pièce 141/5, p. 3).
On ne saurait par ailleurs suivre l'argumentation du conseil de l'appelant, qui, à l'audience d'appel, a prétendu que V._ avait probablement une perception des faits différente, s'agissant de la nature de la pénétration. En effet, l'enfant a, lors de son audition du 7 janvier 2011, très clairement distingué la pénétration "avec les doigts" de celle avec le sexe, rapportant à ce sujet les déclarations non équivoques de son abuseur qui a voulu l'initier au rapport sexuel (15:27:31). A cet égard, l'appelant se réfère aux affirmations d'E._, selon lesquelles V._ "a tendance à augmenter la réalité (...) [et qu']en général, en fait, elle parle et dit ce qui lui arrange" (PV aud. 8, p. 5). Or, outre le fait que ces propos sont démentis par S._ (PV aud. 10, p. 3), E._ a elle-même admis être incapable de "donner des exemples concrets à ce sujet" et ne l'avoir (V._) jamais "surprise en train de raconter des mensonges". On ne saurait dès lors rien tirer des déclarations d'E._, d'autant plus qu'elle ne s'est pas présentée aux débats de première instance (jugt, pp. 3 et 51) et a été entendue en cours d'enquête comme victime et non pas comme témoin; il n'est du reste pas étonnant que mise en cause par V._ pour "lui av[oir] conseillé de faire ce qu'il (X._) voulait" (déclarations qui lui ont d'ailleurs été lues [cf. PV aud. 8, p. 4
in fine
; PV aud. 7, p. 4
in fine
]), elle l'ait nié en traitant l'enfant de menteuse.
Enfin, le prévenu, s'il a, de manière générale, reconnu les faits qui lui sont reprochés dans leur principe, n'a cessé de les minimiser et ne les a admis que dans la mesure où ils sont établis par les déclarations des témoins et les photographies qu'il a lui-même faites (cf. sur ce point PV aud. 6, pp. 2 et 5; PV aud. 9, p. 4). Plus particulièrement, s'il a affirmé que "l'acte sexuel complet avec elle (V._) ne l'intéressait pas", il a déclaré, en réponse à une question de l'enquêteur : "je n'ai pas fait de photos quand j'ai tenté de la pénétrer", avant de préciser, confronté à une planche photographique : "je croyais que vous parliez de la pénétration avec le sexe" (PV aud. 9, p. 4). L'appelant a ainsi implicitement reconnu avoir "tenté" la pénétration avec son sexe. Or, la tentative dont il fait état n'empêche pas une pénétration partielle, comme c'était d'ailleurs son intention initiale (cf. PV aud. 9, pp. 3 et 7, réponses aux questions 2 et 9).
En définitive, les déclarations fiables et constantes de la victime, les témoignages de ses proches et des divers intervenants ainsi que les propos, non exempts de contradictions, tenus par le prévenu sont autant d'éléments accréditant l'existence d'une pénétration, fût-elle partielle, ce qui suffit, comme on l'a vu ci-avant, pour réaliser l'infraction de viol (Corboz, op. cit., n. 7 ad art. 190 CP), les autres éléments constitutifs, objectifs et subjectifs, de cette infraction, non contestés (cf. pp. 3 et 4 ci-avant), étant également réalisés.
Partant,
le moyen tiré d'une violation du principe
in dubio pro reo
est mal fondé et doit être rejeté. Il s'ensuit que la condamnation de l’appelant pour viol doit être confirmée.
5.
Le prévenu conclut ensuite à sa libération du chef d'accusation d'actes d'ordre sexuel avec des enfants à l'encontre de S._, au motif que ses agissements ne revêtiraient pas un caractère sexuel. Selon lui, les faits ont été interprétés de façon arbitraire en sa défaveur.
5.1
Par
acte d'ordre sexuel au sens de l'art. 187 CP
, il faut entendre une activité corporelle sur soi-même ou sur autrui qui tend à l'excitation ou à la jouissance sexuelle de l'un des participants au moins (Corboz, op. cit., n. 6 ad art. 187 CP; Rehberg/Schmid/Donatsch, Strafrecht III, Zurich 2003, p. 408). Selon la jurisprudence, il faut d'abord distinguer les actes n'ayant aucune apparence sexuelle – qui ne tombent pas sous le coup de la loi – des actes clairement connotés sexuellement du point de vue de l'observateur neutre, qui remplissent toujours la condition objective de l'infraction, indépendamment des mobiles de l'auteur. Dans les cas équivoques, qui n'apparaissent extérieurement ni neutres, ni clairement connotés sexuellement, il convient de tenir compte de l'ensemble des éléments d'espèce, notamment de l'âge de la victime ou de sa différence d'âge avec l'auteur, de la durée de l'acte et de son intensité, ainsi que du lieu choisi par l'auteur (TF 6S.3/2005 du 11 février 2005 c. 7.2.1 et la référence citée). Il résulte de cette jurisprudence que la notion d'
acte d'ordre sexuel
doit être interprétée plus largement lorsque la victime est un enfant. Dans ce cas, il faut se demander si l'acte, qui doit revêtir un caractère sexuel indiscutable, est de nature à perturber l'enfant (Corboz, op. cit., n. 7 ad art. 187 CP).
Selon la doctrine, un baiser sur la bouche ou une tape sur les fesses sont des actes insignifiants (Corboz, op. cit., n. 10 ad art. 187 CP; Trechsel, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Kurzkommentar, 2e éd., n. 6 ad art. 187 CP). En revanche, un baiser lingual (Corboz, op. cit., n. 11 ad art. 187 CP; Trechsel,
ibidem
) ou des baisers insistants sur la bouche (TF 6S.3/2005 précité c. 7.2.1) revêtent indiscutablement un caractère sexuel. Il en va de même d'une
caresse
insistante du sexe, des fesses ou des seins, même par-dessus les habits (Trechsel,
ibidem
). Lorsque la victime est un enfant, la pratique tend à admettre l'existence d'un
acte d'ordre sexuel
, même pour des attouchements furtifs par-dessus les habits, qui entraîneraient plutôt, entre adultes, l'application de l'art. 198 al. 2 CP (Corboz, op. cit., n. 7 ad art. 187 CP).
5.2
En l'espèce, il ne fait aucun doute que les faits décrits sous chiffre 2.3 ci-avant (pp. 13 et 14), admis par X._ (jugt, p. 37), sont constitutifs d'actes d'ordre sexuel avec des enfants au sens de l'art. 187 CP. En effet, la caresse sur la cuisse (et non sur le genou, comme le prénommé l'a soutenu dans un premier temps; PV aud. 6, p. 5) de S._ (geste que celle-ci a décrit, lors son audition vidéo du 21 février 2011, par "des mouvements de va et vient"; PV aud. 10, p. 3) va au-delà de contacts fugaces ou de dérapages insignifiants, comme voudrait le faire croire l'appelant en décrivant son geste comme "une sale habitude" (PV aud. 6, p. 5). La connotation sexuelle des agissements de l'appelant est encore renforcée par l'âge de l'enfant, qu'il connaissait à peine, et sa différence d'âge avec lui, par le fait que l'enfant a été "gênée" par cette caresse qu'elle a elle-même qualifiée de "bizarre" (PV aud. 10, p. 5) et par le fait que le prévenu a déclaré qu'il avait "autre chose en tête", que "le déclic ne s'est pas fait" (jugt, p. 37) et que "peut-être il se serait passé quelque chose à un autre moment" (p. 4 ci-avant).
5.3
Subjectivement, l'auteur doit agir intentionnellement, l'intention devant porter sur le fait que la victime est âgée de moins de seize ans, mais aussi sur le caractère sexuel de l'acte (Corboz, op. cit., n. 28 ad art. 187 CP).
En l'occurrence, l'appelant conteste que cet élément subjectif soit réalisé, soutenant qu'il aurait caressé la cuisse de l'enfant "non pas de façon douce, mais de façon amicale, pour lui demander comment elle allait" (jugt, p. 37; cf. ég. PV aud. 9, p. 5). Cet argument tombe à faux, puisqu'il a lui-même admis qu'il avait "déjà quelque chose en tête lors de cette séance de cinéma", ajoutant que c'est lui "qui doit pouvoir dire non" (jugt, p. 38), qu'il a fait le même geste à V._ et qu'il s'est excusé envers S._ lorsqu'il s'est rendu compte du malaise éprouvé par cette dernière (PV aud. 9, p. 5), lui envoyant par la suite un sms "en lui disant qu'il était désolé de lui avoir touché la cuisse" (PV aud. 10, p. 3).
Partant, fondée sur l'ensemble de ces éléments, l'appréciation du tribunal, qui a retenu l'infraction d'actes d'ordre sexuel avec des enfants à l'encontre de S._, ne relève pas d'un abus de pouvoir d'appréciation des preuves et ne viole pas le droit fédéral. Ce moyen, mal fondé, doit donc être rejeté.
6.
X._ conteste ensuite la quotité de la peine infligée.
Le prénommé fait dépendre son grief uniquement de l'admission de ses précédents moyens (appel, p. 3). Or, dans la mesure où ceux-ci ont étés rejeté, il n'y a pas lieu de revenir sur l'appréciation de la fixation de la peine par les premiers juges, si ce n'est pour souligner que si un accord a été trouvé à l'audience de jugement avec le curateur de V._ en ce qui concerne les prétentions civiles de cette dernière, élément retenu à décharge par le tribunal (jugt, p. 62), le prévenu n'a, à ce jour, entrepris aucune démarche pour indemniser l'intimée, quand bien même il affirme avoir une assurance-vie dont il entend verser le capital à la victime (p. 3 ci-avant).
De toute manière, la peine de quatre ans et demi n'apparaît pas exagérément sévère pour sanctionner les infraction à l'art. 187 ch. 1 CP en concours avec les art. 189 al. 1, 190 al. 1 et 197 ch. 3 CP. L'autorité de première instance n'a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l'art. 47 CP (jugt, p. 38). A cet égard, c'est en vain que l'appelant, se référant aux pièces 125 et 192, invoque son suivi psychiatrique en prison et sa volonté de se soigner. En effet, si sa décision de suivre sérieusement son traitement psychiatrique est louable, une prise de conscience particulière ou un repentir ne peuvent cependant pas encore en être déduits (TF 6B_335/2012 du 13 août 2012 c. 1.4.2 et les références citées), dès lors que le prévenu, qui a encore nié devant la cour de céans une partie des actes qui lui sont reprochés, n'a cessé de justifier et de minimiser ses actes, s'obstinant à affirmer n'avoir jamais usé de violence ou de menace à l'encontre de V._ (PV aud. 9, p. 5; jugt, p. 37; p. 3 ci-avant), allant jusqu'à attribuer à cette dernière l'initiative de certains comportements (cf. jugt, p. 27, où il dit que l'enfant s'est spontanément attachée au lit avec des menottes et qu'elle lui a administré par surprise des coups de fouet) et n'hésitant pas à se poser en victime, se disant séduit par les enfants. Il convient également de relativiser le bon comportement de l'intéressé en prison, compte tenu de l’encadrement carcéral; à cet égard, les propos qu'il a tenus lors de son audition du 21 décembre 2010 sont éloquents, puisqu'il a déclaré que depuis son incarcération, il avait "réussi à éviter toute situation qui [le] mette en contact avec une mineure" (PV aud. 6, p. 6).
En définitive, la sanction, incompatible avec l'octroi du sursis (art. 42 al. 1 et 43 CP), a été fixée de manière conforme à la loi et doit être confirmée.
7.
En conclusion, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de X._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, ces frais comprennent l’indemnité allouée à son défenseur d’office, par 2'775 fr. 60, TVA et débours compris.
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a et 426 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
99576b86-38f7-49c8-bb69-8ae5b15846f3 | En fait :
A.
Par jugement du 7 novembre 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Côte a constaté que I._ s’était rendu coupable d’injure, d’utilisation abusive d’une installation de télécommunication et de menaces (I), dit que la peine à infliger était englobée dans la condamnation rendue le 17 août 2013 par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois (II), et mis à la charge de I._ les frais de la cause arrêtés à 1'915 francs (III).
B.
Par annonce d’appel du 13 novembre 2013, suivie d’une déclaration d’appel motivée du 27 novembre 2013, I._ a, en substance, contesté les frais de procédure qui ont été mis à sa charge, et émis le souhait de récupérer ses effets personnels demeurés au domicile de la plaignante, T._.
Par courrier du 8 janvier 2014, le Président de la Cour d’appel pénale a informé I._ que l’appel serait traité d’office en procédure écrite conformément à l’art. 406 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0).
C.
Les faits retenus sont les suivants :
Les 4, 5 et 6 mars 2013 depuis la prison de la Croisée à Lonay où il était détenu, I._, ressortissant palestinien, né le 13 novembre 1988 à Gaza, a appelé à une vingtaine de reprises le téléphone de T._. Lors des six appels auquels cette dernière a répondu, le prévenu a menacé de la tuer et l’a traitée de « connasse », « pute » et « fille de pute ».
T._ a déposé plainte le 11 mars 2013. | En droit :
1.
En vertu de l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’espèce, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel interjeté par I._ est recevable.
2.
L’art. 406 al. 1 let. d CPP dispose que la juridiction d’appel peut traiter l’appel en procédure écrite si seuls des indemnités ou la réparation du tort moral sont attaqués.
Seuls les frais de procédure étant contestés par l’appelant,
l'appel peut être traité en procédure écrite.
3.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
4.
L’appelant fait grief au premier juge d’avoir mis les frais de procédure par 1'915 fr. à sa charge.
4.1
Conformément à l’art. 426 al. 1 le prévenu supporte les frais de la procédure s’il est condamné.
La mise à la charge des frais se juge à l’aune du principe selon lequel celui qui a causé les frais doit les supporter. Le devoir du prévenu de supporter les frais en cas de condamnation se fonde sur l’idée que ce dernier a occasionné, par son comportement, l’ouverture et la mise en œuvre de l’enquête pénale et qu’il doit par conséquent en supporter les frais (ATF 138 IV 248 c. 4.4.1; TF 6B_428/2012 du 19 novembre 2012 c. 3.1). Un lien de causalité adéquate est nécessaire entre le comportement menant à la condamnation pénale et les coûts relatifs à l’enquête permettant de l’établir (TF 6B_428/2012 op. cit. et les références citées; ATF 138 IV 57 c. 4.1.3).
4.2
En l’espèce, le tribunal de première instance a rejeté tous les moyens de fond soulevés par I._ tendant à son acquittement des chefs d’accusation qui lui étaient reprochés. L’appelant a ainsi été jugé coupable d’injure, d’utilisation abusive d’une installation de télécommunication et de menaces, ce qui n’est au demeurant pas contesté par l’intéressé.
Partant, ayant fait l’objet d’une condamnation, c’est à juste titre que l’autorité de première instance a mis les frais de la cause à la charge de I._.
5.
Au pied de sa déclaration d’appel du 27 novembre 2013, I._ a en outre conclu à pouvoir récupérer les affaires lui appartenant et restées au domicile de T._.
5.1
La conclusion de l’appelant porte sur un point étranger au dispositif du jugement de première instance, de sorte qu’elle doit être considérée comme irrecevable.
6.
En définitive, l’appel interjeté par I._ doit être rejeté et le jugement rendu le 7 novembre 2013 par le Tribunal de police de l’arrondissement de la Côte confirmé.
7.
Vu l’issue du litige, les frais de la cause par 330.- fr. (art. 21 TFJP, [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]) seront mis à la charge de l’appelant. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
995fd50b-5282-4de9-91bf-8c343e7da7e6 | En fait :
A.
Par jugement du 12 décembre 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que B._ s’est rendu coupable d’homicide par négligence (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à 300 fr. (II), avec sursis pendant deux ans (III), constaté que L._ s’est rendu coupable d’homicide par négligence (IV) l’a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 300 fr. (V) avec sursis pendant deux ans (VI), donné acte de leurs réserves civiles à A.P._, B.P._, C.P._ et D.P._ (VII), dit que B._ et L._ sont solidairement débiteurs de A.P._, B.P._, C.P._ et D.P._ de la somme de 23'560 fr., à titre de juste indemnité, étant précisé que la répartition interne sera de deux tiers pour B._ et d'un tiers pour L._ (VIII), ordonné la confiscation des dossiers et CD-ROM séquestrés sous fiches 42191, 42192, 42193 et 47149 et dit qu'ils seront maintenus au dossier à titre de pièces à conviction (IX) et mis les frais par 27'255 fr. 80 à la charge de B._ et par 14'582 fr. 25 à la charge de L._ (X).
B.
Le 21 décembre 2012, B._ et L._ ont formé appel contre le jugement précité.
Par déclaration d'appel motivée du 31 janvier 2012, l'appelant B._ a conclu, avec suite de frais, principalement à la réforme du jugement entrepris en ce sens qu'il est libéré de l'infraction d'homicide par négligence, que les prétentions civiles des parties plaignantes sont rejetées et subsidiairement que celles-ci sont renvoyées à faire valoir leurs prétentions par la voie civile et qu'il est libéré d'une juste indemnité en faveur des parties plaignantes ainsi que des frais de la procédure de première instance. Subsidiairement, il a requis l'annulation du jugement attaqué et le renvoi de la cause au Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne pour nouveau jugement dans le sens des considérants.
Par déclaration d'appel motivée du 31 janvier 2012, l'appelant L._ a conclu, avec suite de frais et dépens, principalement à la réforme des chiffres IV à VI, VIII et X du jugement entrepris, en ce sens qu'il est libéré de l'accusation d'homicide par négligence et qu'il n'est pas tenu de verser une juste indemnité aux parties plaignantes ni de prendre à sa charge tout ou partie des frais de l'enquête. Subsidiairement, il a conclu à l'annulation du jugement attaqué. Il a également requis l'audition des Dr T._ et X._ et du Professeur H._, moyens de preuve rejetés par la Présidente de la Cour d'appel pénale par courrier du 22 mars 2012.
Par courrier du 27 avril 2012, B._ a requis l'audition du Professeur M._, rédacteur d'un rapport médical du 13 avril 2012 produit par l'appelant. La Présidente de la Cour d'appel pénale a rejeté cette réquisition de preuve.
Par courrier du 9 mai 2012, L._ a renouvelé sa requête en audition des experts T._, X._ et H._. Cette requête a été rejetée le 15 mai 2012 par la Présidente de la Cour d'appel pénale.
Par courrier du 4 juin 2012, B._ a produit deux articles scientifiques.
Lors de l’audience d'appel du 11 juin 2012, les appelants B._ et L._ ont confirmé leurs conclusions respectives. Le Ministère public et les plaignants ont conclu au rejet des appels.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1.
Né le 5 avril 1948 à Bâle, B._ a étudié la médecine à Lausanne et obtenu son diplôme en 1974. Spécialisé en chirurgie depuis 1982, il exerce son art à D._ depuis 1984. S’il travaille également en collaboration avec d’autres cliniques, B._ travaille principalement à D._. Veuf, le prévenu partage sa vie avec J._, infirmière, entendue comme témoin au cours des débats. Lors des débats de première instance, le prévenu a expliqué qu’il effectuait de quinze à vingt opérations par semaine, lui rapportant en moyenne 800 fr. à 1'000 fr. tout compris, au tarif Tarmed. Selon les indications que lui a fournies sa fiduciaire, son revenu mensuel net moyen est de 14'700 francs. Sa compagne, en sa qualité d’infirmière cadre, gagne environ 6'000 fr. par mois. Sa fortune se compose d’un immeuble évalué à 950'000 francs. Il paie 1'300 fr. de charge hypothécaire, sur une hypothèque totale en capital de 390'000 fr. et 410 fr. par mois d’assurance-maladie. Il n’a pas de dettes.
Le casier judiciaire suisse de B._ est vierge.
1.2.
Né le 9 mai 1954 à Pully, L._ a également étudié la médecine à Lausanne où il a obtenu son diplôme en 1980. Spécialisé en anesthésiologie depuis 1990, il travaille en qualité d’anesthésiste à D._ depuis 1997. Marié, son épouse exerce en qualité de gynécologue en pratique privée. L._ gagne environ 650'000 fr. par an et son épouse environ 190'000 francs. Sa fortune se compose d’un appartement et d’un chalet. Il paie environ 4'000 fr. de charges hypothécaires, 340 fr. d’assurance-maladie, 1'290 fr. d’assurance-maladie pour le reste de sa famille et 6'500 fr. par mois de frais d’acquisition du revenu. Il n’a pas de dettes.
Le casier judiciaire suisse de L._ est également vierge.
2.
Le 8 février 2006, sur conseil de son médecin de famille, E.P._, né le 13 novembre 1936, a consulté B._, à la suite d’un diagnostic posé de tumeur du côlon ascendant, défini comme un adénocarcinome moyennement différencié. Un scanner du 9 février 2006 a confirmé le diagnostic et permis d'exclure des atteintes métastatiques d’autres organes. Une intervention chirurgicale curative a par conséquent été prévue, aucun motif médical ne s’y opposant aux premiers examens. Une chirurgie micro-invasive, par laparoscopie, a été élue.
E.P._ a effectué deux visites préopératoires les 15 et 16 février 2006.
Le mercredi 15 février 2006, à 15h00, E.P._ a été admis à D._ en vue de l’opération prévue pour le lendemain.
Le jeudi 16 février 2006, B._ a pratiqué sur E.P._ une hémicolectomie droite coelio-assistée, avec l’assistance du Dr W._. V._ a officié comme médecin-anesthésiste. Pour procéder à l’intervention, un pneumopéritoine a été créé. L’opération par laparoscopie a pu être filmée grâce à la caméra du laparoscope. Toutefois, l’anastomose, autrement dit, en termes profanes, la suture des deux moignons d’intestin, qui s’est faite en dehors du corps de la victime a été réalisée sans l’aide du laparoscope et n’a donc pas été filmée. L’exploration chirurgicale n’a pas révélé d'extensions de la tumeur dans les organes et tissus adjacents. L'opérateur a procédé à une résection de la partie atteinte du côlon, puis à une anastomose iléo-colique latéro-latérale fermée par des agrafes.
Le jeudi 16 février 2006, vers 16h30, E.P._ est arrivé en salle de réveil, avec une antalgie péridurale. A 17h50, il s'est plaint de douleurs au niveau de la nuque, sur le côté droit. Il a ensuite rejoint sa chambre à 19h00, où il a fait état de douleurs au niveau des épaules. Plus tard dans la soirée, B._ est venu le voir pour lui faire un compte-rendu du déroulement de l’intervention.
Le vendredi 17 février 2006, à 6h00, E.P._ présentait une température corporelle de 38,2 °C et exprimait des douleurs au niveau des épaules, toujours présentes aux alentours de 9h00. A ce moment, il a déclaré se sentir très fatigué. Sa pression artérielle affichait alors des valeurs de 80/45, avec une fréquence cardiaque de 88 pulsations par minute. Jusqu'à 14h00, sa tension a été mesurée deux fois à 90/50, avec des pulsations variant entre 76 et 80 occurrences par minute. Sa température corporelle était toujours de 38° C.
Le dossier médical indique qu’aux alentours de 12h00, il s'est plaint de douleurs, sans toutefois en préciser la localisation, que son ventre était "tout gonflé", que son faciès était "blanc" et qu’il avait envie de vomir. Ces symptômes ont eu pour conséquence qu’à 12h35, le Dr V._ lui a prescrit 30 mg de Toradol, substance antalgique, par voie intraveineuse. Le patient s'est senti mieux après une vingtaine de minutes. Entre 14h00 et 15h50, la victime a verbalisé à nouveau un ressenti de douleurs au niveau des épaules. C’est à peu près à la même heure, d’après le dossier médical, qu’il a eu des selles pour la première fois depuis son opération.
B._ est venu voir son patient au cours de la journée du vendredi.
A 21h00, E.P._ s'est plaint de douleurs abdominales. Il présentait une hypotension, sa pression artérielle affichant des valeurs de 70/50, avec 80 battements du cœur par minute. Le personnel infirmier en a informé la Doctoresse Q._, anesthésiste de garde, qui a ordonné que l’on administre au patient plus de volume de liquide afin de faire remonter sa pression. Elle a ensuite contacté par téléphone B._, aux alentours de 21h20. Ce dernier lui a dit qu'il ne fallait pas s'inquiéter pour l’instant. Ces symptômes se sont estompés vers 22h00, l’abdomen de E.P._ demeurant toutefois encore très ballonné et sa douleur jugée à 4 sur une échelle de 10.
Le samedi 18 février 2006, à 6h00, le patient déclarait toujours avoir des douleurs aux épaules, son abdomen étant quant à lui décrit comme un peu plus souple, sans gaz et sans nausées. A 8h00, il a cependant exprimé avoir des douleurs abdominales. Du Toradol lui a alors été administré et le débit de la chirocaïne, un antalgique diffusé par la péridurale, a été augmenté. A 10h15, le Dr V._ est passé voir son patient, lequel était de nouveau algique. Cet anesthésiste a alors effectué "un test à la chirocaïne". Selon les explications données par ce médecin au cours des débats de première instance, ce test consiste à administrer au patient une dose de chirocaïne à 0.25%, autrement dit une dose plus concentrée que la chirocaïne déjà diffusée dans la péridurale, afin de voir si la douleur redescend à 0, celle-ci étant mesurée sur une échelle de 10, le VAS. Si tel est le cas, ce médecin a expliqué qu’il jugeait que la situation n’était pas encore cliniquement inquiétante, notamment sachant que le patient avait eu un transit la veille. Lors de cette visite le Dr V._ a, en outre, ausculté le cœur et palpé le pouls de E.P._. Le médecin prénommé a, en outre, eu connaissance de l’intervention de la Doctoresse Q._ la veille au soir.
A 8h00, ce samedi 18 février 2006, L._ a pris son service de garde du week-end, succédant à sa consoeur Q._. Au moment de la transmission, celle-ci lui a notamment indiqué que la victime s’était plainte de douleurs la veille et qu’il était hypotendu.
A 11h45, B._ a rendu visite à son patient. Il l’a examiné, évaluant son état général, notamment en palpant son ventre. A ce stade, il convient de préciser qu’à 7h30 du matin, des examens sanguins de routine avaient été commandés, dont les résultats étaient connus de B._ au moment de sa visite. Ceux-ci mettaient en évidence, notamment, une CRP (protéine C-réactive) à 270 et une déviation gauche de 35%, dont il a été expliqué au Tribunal de première instance qu’il s’agissait de l’état d’activation des globules blancs, présente en cas de signes inflammatoires. Après discussion avec le Dr V._ dans la loge des infirmières, B._ a décidé de ralentir le rythme de l'alimentation orale et de maintenir une antalgie efficace. Selon lui, le patient présentait un ballonnement abdominal modéré sans signe d'irritation du péritoine ainsi que l'apparition de bruits abdominaux absents la veille. La fréquence cardiaque, la pression artérielle, la température, le taux d'hémoglobine et le nombre de leucocytes étaient dans la norme. Au cours des débats de première instance, V._ a expliqué que de son point de vue d’anesthésiste, E.P._ n’était pas inquiétant cliniquement au moment de sa visite et ce malgré les analyses sanguines, dont il avait eu connaissance peu après celle-ci. Il a considéré que c’était un patient à suivre. Toujours selon ce praticien, il fallait refaire un « test à la chirocaïne » vers 14h00, si les douleurs revenaient et, cas échéant, retourner en salle. Il a ajouté que pour lui, soit le transit reprenait dans l’après-midi, soit il fallait investiguer. B._ et V._ ont ainsi établi une feuille d’ordre destinée aux infirmières sur laquelle ils ont inscrit une liste d’antalgiques à administrer au patient dans un ordre déterminé. On peut y lire, outre le fameux « test à la chirocaïne », du Dafalgan trois fois par jour, de la Novalgin, quatre fois par jour, du Toradol deux fois par jour et de la morphine à raison de 10 mg. Ces médicaments sont tous prévus en réserve.
Comme dit précédemment, L._ a pris son service de garde à 8h00. Les différents témoins entendus au cours des débats de première instance (S._, J._, N._, Z._ et V._) ont expliqué que le rôle de l’anesthésiste de garde, seul médecin de garde sur place à D._, était d’assurer les réanimations en cas d’urgence. Malgré des directives aux termes desquelles, il devait être fait appel au médecin traitant du patient en cas de nécessité, tous les témoins ont indiqué que, pour des raisons de commodité, il n’était pas rare que le personnel infirmier fasse d’abord appel à l’anesthésiste de garde, en particulier en dehors des heures. Le Dr V._ a d’ailleurs déploré ce fait, expliquant que la tendance au moment des faits, était de considérer l’anesthésiste de garde comme le médecin de garde tout court. Toujours est-il qu’après avoir vu E.P._, V._ a parlé à son confrère L._, lui disant de ne pas aller voir le patient et que la famille était compliquée, ce qui dans la bouche du Dr V._ voulait dire qu’il souhaitait continuer à assurer le suivi de ce patient, dont certains membres de la famille étaient médecins. L’instruction aux débats de première instance a montré que L._ n’avait pas compris de cette manière les propos du Dr V._, les interprétant comme n’étant pas nécessaire de faire une visite de courtoisie à un patient qui allait bien.
Aux débats de première instance, le Dr V._ a expliqué qu’il s’attendait à être appelé pour administrer éventuellement la deuxième dose test de chirocaïne, ou à tout le moins, qu’elle le serait par le personnel infirmier. Le dossier médical du patient fait d’ailleurs état d’un VAS à 14h00 de 8/10. Cette deuxième dose test de chirocaïne n’a en définitive pas été administrée au patient, sans que personne ne s’en soucie.
A 16h30, E.P._ se plaignait toujours de douleurs abdominales, contre lesquelles il a reçu 1 g de Novalgin en intraveineuse.
A 17h00, le personnel infirmier a constaté quelques difficultés respiratoires. La saturation en oxygène a été mesurée à 89%, ce qui a occasionné alors l’administration de deux litres d’oxygène, sans que l’instruction n’ait pu montrer si un médecin a été informé sur le moment de cette désaturation. Il semblerait que tel n’ait pas été le cas.
L’infirmière [...] a téléphoné à B._ vers 18h15-18h30 et l'a informé du fait que E.P._ avait des douleurs abdominales et présentait un abdomen hypertendu. Elle lui a également dit que la victime souffrait d’une paralysie intestinale. Le dossier infirmier, intitulé "observations – évolutions" montre que E.P._ a été levé et amené aux toilettes vers 18h00, sans succès, qu’il n’avait pas de gaz et ne voulait rien manger. Il est également indiqué que l’appel fait à B._ avait pour but de lui "expliquer la situation". Aux débats de première instance, B._ a dit que l’infirmière ne lui avait parlé que des douleurs, évaluées à 3/10, et de la paralysie intestinale. Il a alors confirmé oralement, toujours par téléphone, à l’infirmière, qu’elle pouvait continuer à administrer des antalgiques, notamment le Toradol par voie veineuse qui figurait sur la feuille d’ordre et qui n’avait été administré qu’une seule fois durant la journée.
A 19h40, les douleurs persistaient toujours avec un VAS à 7/10. L’infirmière a alors contacté l’anesthésiste de garde, L._, en lui précisant que la famille de E.P._ souhaitait que ce dernier soit vu par un médecin. L._, sans aller voir le patient ou son dossier, a ordonné l'administration de 1 g de Novalgin. Peu après, alors qu’il passait à l’étage, L._ dit s’être rendu vers la chambre de E.P._ mais n’y être pas entré, car il entendait la famille qui parlait.
A 20h25, la victime étant toujours algique, l’infirmière a rappelé L._, qui a confirmé à cette dernière qu’elle pouvait administrer au patient les 10 mg de morphine sous cutanée prévus en réserve sur la feuille d’ordre, ainsi qu’une tablette de 1 mg de Temesta Expidet, médicament du groupe des benzodiazépines. L._ a expliqué, au cours des débats de première instance, qu’il était alors allé consulter le dossier de E.P._ et que rien ne l’avait alerté dans cette lecture. Il a précisé qu’il avait constaté que le patient avait des valeurs un peu inhabituelles mais avoir pensé que c’étaient les caractéristiques de ce dernier, vu la confiance des médecins traitants. Il a pensé que les docteurs V._ et B._ avaient adopté une stratégie de confort du traitement de la douleur.
E.P._ n’était malgré tout pas soulagé et est resté agité jusqu'aux alentours de 22h30. Après s’être endormi brièvement, ce dernier s’est montré de plus en plus agité, tentant, vers minuit d’arracher ses perfusions.
Ainsi vers minuit, l'infirmier de garde, [...], a contacté une fois encore L._. Toujours sans voir le patient, ce dernier a alors ordonné l’administration d’une capsule de Temesta Expidet 2,5 mg ainsi qu’une nouvelle injection sous cutanée de 10 mg de morphine. L._ a expliqué qu’il avait vu que V._ avait prévu l’administration toutes les trois heures de chirocaïne à 0.25%. Il n'a manifestement pas compris que cette administration de chirocaïne était destinée à faire un test. Ainsi, jugeant que l’administration de ce médicament était lourde, il a estimé adéquat de substituer à la chirocaïne, une nouvelle dose de morphine, pensant par là donner un médicament moins fort que ce qui était prévu dans la liste d’ordre. L._ a en outre expliqué qu’il était toujours dans l’idée de la stratégie de confort choisie par les médecins de la victime. Il a admis s’être quand même dit qu’il serait opportun d’ordonner un scanner le lendemain matin.
Le dimanche 19 février 2006 vers 2h30, E.P._ n'avait toujours pas trouvé le sommeil et se montrait très perturbé et confus, voulant constamment se lever. L._ a été une fois encore avisé téléphoniquement par l’infirmier de garde de la péjoration de l’état de confusion du patient. Sans se déplacer, il a prescrit 5 mg de Haldol par voie veineuse, tranquillisant neuroleptique. Dès 3h00, une aide soignante a été affectée à la surveillance de E.P._, qui semblait s’être calmé peu à peu puis endormi. Les constantes ont été contrôlées à 4h00, la victime n’étant pas sous monitoring permanent.
A 5h50, un arrêt cardiaque s'est produit. Une réanimation cardiorespiratoire avec injection d'adrénaline a immédiatement été débutée mais sans succès. Le décès a été constaté à 6h00 par L._, alerté par l'alarme lancée par le personnel infirmier de garde.
D.P._, B.P._ et C.P._, enfants du défunt, et A.P._, son épouse ont déposé plainte.
3.
3.1.
Une autopsie a été réalisée par l’Institut universitaire de pathologie du CHUV le 20 février 2006 (P. 4/3). En effet, c’est à la suite d’une discussion entre la famille et les Docteurs B._, V._ et L._ que cette autopsie a été confiée à l’institut de pathologie plutôt qu’à l’institut de médecine légale. La demande d’autopsie émanant de B._ mentionne notamment : "(...) Au réveil, douleurs latéro-cervicales droites et de l’épaule droite, mais évolution favorable. Le 18.02.2006, persistance des douleurs de la nuque à droite, douleurs abdominales accompagnées de ballonnements, sans défense et sans détente, pas de température, pas de tachycardie. Diurèse satisfaisante. (...) Le décès est intervenu brusquement le 19.02.2006 à 06 heures malgré la réanimation cardio-respiratoire". L’autopsie n'a pas été étendue à l'examen du système nerveux central, cela ayant été refusé par les proches du défunt. Il ressort du rapport du 3 mars 2006 ce qui suit :
"Déchirure de 0,8 cm au niveau du moignon de l'iléon (à côté de l'anastomose iléo-colique latéro-latérale) avec 2100 ml d'ascite fécaloïde et une péritonite.
Stase aiguë des poumons (poids des poumons 1450 g, poids attendu 900 g) avec épanchement à droite de 360 ml et à gauche de 240 ml, d'aspect rosé.
Athérosclérose modérée des artères de grand et moyen calibres sans sténose significative.
Athérosclérose coronarienne avec sténose à 90% de l'artère interventriculaire gauche, 1/3 distal. Pas de signe d'infarctus récent ni de cardiopathie ischémique chronique à l'examen macroscopique et microscopique.
Emphysème sous-cutané important post-réanimation.
Bronchoaspiration périmortem, sans réaction inflammatoire associée.
Autolyse très avancée de tous les organes avec bulles gazeuses intra-viscérales (foie, rate, reins et coeur) compatibles avec des lésions d'emphysème."
Le commentaire du rapport d’autopsie est notamment le suivant : "(...) Sous réserve de l’autolyse de tous les organes, de l’examen du système nerveux central qui n’a pas été autorisé, et en l’absence d’une autre cause évidente pouvant expliquer le décès brusque (absence d’embolie pulmonaire, absence d’infarctus myocardiaque, pas d’embolie gazeuse), le décès pourrait être dû à un trouble du rythme (en relation soit avec ischémie aiguë sur athérosclérose coronarienne et/ou un déséquilibre électrolytique)".
Un rapport correctif, daté du 3 mars 2006, a précisé ce qui suit :
"Les bulles observées dans les viscères, qui avaient été interprétées comme étant compatibles avec des bulles d’emphysème, correspondent plutôt, très vraisemblablement, à des bulles post-mortem, artéfactuelles, probablement en relation avec la population bactérienne présente. Les autres diagnostics anatomo-pathologiques restent inchangés."
Le rappel anamnestique du rapport d’autopsie reprend l’anamnèse citée plus haut par B._ dans la demande d’autopsie.
3.2.
En cours d’enquête, divers médecins ont été entendus et deux expertises ont été ordonnées.
3.2.1.
3.2.1.1.
La première a été confiée à l’Institut Universitaire de Médecine Légale. Le rapport du 18 décembre 2007 est signé par les professeurs G._, F._ et le Dr C._ (P. 12/1). La question posée aux experts était : "La prise en charge de E.P._ par D._, entre le 16 et le 19 février 2006, a-t-elle été conforme aux règles de l’art?". Le dossier médical complet a été remis aux experts, y compris les résultats d’analyses toxicologiques post-mortem et quatre photos prises au niveau du moignon de l’iléon. D’autre part, trois CD-Rom comprenant un enregistrement de bonne qualité de la partie laparoscopique de l’intervention chirurgicale figurait au dossier. L’examen des photos a permis aux experts de conclure que E.P._ a été en vie pendant une certaine durée, après l’apparition de la déchirure de 0.8 cm au niveau du moignon de l’iléon. Cette constatation excluait d’ores et déjà l’hypothèse d’une déchirure post-mortem. De l’enregistrement vidéo de l’opération, les experts sont arrivés à la conclusion que l’opération, à tout le moins la partie laparoscopique, s’était déroulée dans les règles de l’art. Les experts ont relevé que, dans le dossier, l’état général post-opératoire de E.P._ faisait l’objet de divergences d’appréciations. En effet, selon le dossier infirmier les douleurs abdominales sont apparues au premier jour post-opératoire à 12h00, soit environ vingt-quatre heures après l’intervention. Les experts ont relevé que le même jour, à 21h00, la victime présentait une tension artérielle de 70/50 en sus de ses douleurs. Selon eux, l’apparition de douleurs et de ballonnements est anormale et demande toujours une évaluation chirurgicale. Ils ont constaté que cette évaluation avait été effectuée à 11h45 le lendemain, soit le 18 février 2006. Le rapport d’expertise fait encore la constatation qu’à partir de 11h45, le 18 février 2006, le patient n’a plus été vu par un chirurgien et qu’aucun examen complémentaire n’a été demandé pour investiguer l’origine des douleurs. Selon les experts, un patient, présentant de fortes douleurs abdominales au deuxième jour post-laparoscopie doit être évalué par un chirurgien, une reprise chirurgicale devant même, le cas échéant, être envisagée en cas de doute.
Les experts ont également relevé que les examens de routine du 18 février 2006 à 7h30 montraient une CRP à 270 mg/l et ont expliqué que si la CRP présente un pic post-opératoire maximum à 24/48 heures, celle-ci doit par la suite diminuer d’au moins 50% de sa valeur le jour suivant. Cette valeur de 270 mg/l est à considérer comme la limite supérieure de la norme post-opératoire, et est, selon l’un des experts, un peu trop élevée pour un résultat 48h après une chirurgie colique par laparoscopie élective. En d’autres termes, les experts ont considéré que le contexte post-opératoire associé à des douleurs abdominales et à cette CRP un peu trop élevée aurait dû attirer l’attention du chirurgien sur une possible complication. Les experts ont finalement estimé que les conclusions du rapport d’autopsie étaient discutables et que le décès de E.P._ était vraisemblablement consécutif à une péritonite stercorale due à une ouverture au niveau du moignon de l’iléon. L’origine la plus probable tient à la déchirure constatée dans l’autopsie sur la partie latérale de l’anastomose, côté iléal, due à une ischémie avec nécrose locale et une fuite de liquide intestinal à l’intérieur de l’abdomen. En tout état de cause, ce genre de complication à type de fuite anastomotique est bien décrit dans la littérature, sa fréquence serait comprise entre 0.5% et 3%. Les conclusions des experts sont en définitive que si l’opération était justifiée et effectuée dans les règles de l’art, le suivi post-opératoire en revanche ne l’a pas été.
Au cours des débats de première instance, le Prof. G._ a confirmé que s’il avait dû signer le rapport d’autopsie, il aurait conclu à une défaillance multi organique consécutive à un choc septique.
3.2.1.2.
Les experts ont complété leur rapport une première fois en date du 4 novembre 2008 (P. 23).
A la question de savoir quel médecin avait violé les règles de l'art parmi les médecins responsables du suivi post-opératoire de E.P._, les experts ont répondu que, s'agissant de B._, au deuxième jour post-opératoire alors que le patient présentait des douleurs persistantes et des difficultés respiratoires, il a prescrit par téléphone un antalgique sans avoir revu le patient. Les experts ont relevé que des douleurs importantes au deuxième jour d’une colectomie par laparoscopie sont un signe d’alarme important, nécessitant au mieux des investigations radiologiques complémentaires, au pire une révision chirurgicale. Il est décrit comme dangereux que le médecin opérateur, soit B._, prescrive des antalgiques par téléphone.
S’agissant de L._, s’il est jugé acceptable dans le cas de ce médecin qu’il prescrive une dose unique d’analgésique par téléphone, le fait de donner des ordres répétés d’administration de benzodiazépines et d’opiacés par téléphone, sans revoir le patient doit être considéré comme dangereux et contre indiqué.
Les experts ont conclu que B._ et L._ avaient chacun contrevenu aux règles de l’art.
A la question de savoir quelles mesures précises auraient dû être prises lors du suivi post-opératoire de E.P._, les experts ont répondu que B._ aurait dû être informé et voir le patient personnellement et se livrer à un examen de son abdomen. Cas échéant un scanner abdominal aurait dû être prescrit et, en cas de situation peu claire ou de doute, une reprise en salle d’opération avec une laparoscopie exploratrice devait être envisagée. En effet, des lésions iatrogènes, comme une perforation intestinale punctiforme, peuvent être traitées de manière simple par laparoscopie.
A la question de savoir si les médecins responsables pouvaient prévoir que la complication post-opératoire conduirait au décès de E.P._, les experts ont répondu que du liquide intestinal à l’intérieur de l’abdomen entraîne classiquement des complications de types péritonites et que les conséquences deviennent d’autant plus graves que la présence de liquide se prolonge. Selon eux, dans les premières vingt-quatre heures, la probabilité du décès est inférieure à 10%, alors qu’elle augmente rapidement après.
Enfin, les experts ont conclu que le décès de E.P._ aurait pu être évité si la complication chirurgicale avait été reconnue à temps et traitée en conséquence, tout en précisant qu’il s’agissait d’une hypothèse et non d’une certitude.
3.2.1.3.
Un deuxième complément d’expertise a été rendu par les mêmes experts en date du 15 juin 2009 (P. 38). Les seuls éléments réellement nouveaux apportés par ce complément sont qu’il est typique de constater des douleurs liées à la reprise du transit au deuxième ou troisième jour post-opératoire. Par ailleurs, les experts ont expliqué la différence entre un lâchage d’anastomose, autrement dit une rupture de la suture, qui se manifeste classiquement entre 3 à 6 jours après l’opération et une lésion intestinale iatrogène, c’est-à-dire suite à un problème technique intra opératoire où les premiers symptômes peuvent déjà être observés dans les premières heures qui suivent l’opération. La persistance des douleurs abdominales associées à une péjoration progressive de l’état du patient en dépit du traitement antalgique utilisé devrait être en soi suffisante pour alerter les soignants et leur faire évoquer une potentielle complication post-opératoire devant conduire à une réévaluation du diagnostic et du traitement qui en découle. A la question de savoir si un abdomen gonflé peut s’expliquer par une réaction inflammatoire en conséquence de l’opération, les experts ont expliqué qu’un abdomen gonflé consécutif à l’opération s’observe dans les suites immédiates et qu’un abdomen gonflé au-delà de vingt-quatre heures doit être considéré comme suspect. Si les nausées peuvent être en relation avec l’analgésie morphinique, les faciès blancs ne s’expliquent pas par ce traitement.
S’agissant des analgésiques prescrits par L._, les experts ont répondu que ce dernier aurait dû procéder à une évaluation de l’état clinique du patient au vu de la persistance des douleurs, en dépit des antalgiques prescrits ou attirer l’attention de son opérateur ou de son remplaçant désigné. Selon les experts toujours, E.P._ a reçu d’importantes doses d’antalgiques. Ils précisent que l’administration de morphine à minuit par L._, sans avoir vu le patient, ne peut être considéré comme indiquée même s’il s’agit d’un médicament d’antalgie en réserve.
3.2.2.
Une seconde expertise a été confiée au Dr T._, spécialiste FMH en chirurgie viscérale, générale et d’urgence et au Dr X._, spécialiste FMH en anesthésiologie (P. 45).
3.2.2.1.
Les experts ont disposé des mêmes documents que les précédents. Ils ont rendu leur rapport le 26 novembre 2009. Ils ont admis que l’opération avait été réalisée dans les règles de l’art, même si elle a été greffée d’une complication grave qui fait malheureusement partie intégrante des risques liés à cette intervention. Ils ont estimé que le suivi post-opératoire d’un patient, suite à une intervention viscérale lourde relevait de la plus haute importance. Le diagnostic clinique d’une telle complication peut être difficile, notamment chez les patients qui ont une antalgie péridurale en place. Il était donc d’autant plus important que l’évolution clinique soit contrôlée à courte échéance. Selon eux, le fait que B._ ne se soit pas rendu au chevet de son patient, présentant une évolution défavorable, ne leur a paru que difficilement justifiable. Les douleurs abdominales, considérées comme typiques de la reprise du transit, sont en contradiction avec une paralysie intestinale et avec un abdomen gonflé. Les experts ont également relevé que les suites post-opératoires, avec persistance d’une saturation en oxygène basse, ainsi que la présence d’un bilan positif (des liquides ndr) deux jours de suite, aurait dû alerter le Dr B._, ce d’autant plus qu’il n’y avait pas de réponse au diurétiques administrés. En effet, un bilan positif associé à des faibles tensions et à une saturation basse est un signe clinique compatible avec une septicémie débutante, nécessitant une recherche de son étiologie. De plus, les examens sanguins du 18 février 2006, au matin, montrent des neutrophiles non-segmentés à plus de 35% (déviation gauche ndr), signes préliminaires d’une infection, ce d’autant plus combinés à une protéine C-réactive de 270. Si chacun de ces éléments n’est pas alarmant en soi, dans un contexte post-opératoire immédiat, l’ensemble l’est certainement.
Les experts ont conclu que B._ aurait dû se déplacer pour rejuger l’état de son patient. Quant à L._, il aurait également dû aller voir le patient à minuit trente le 19 février 2006 et pas seulement donner un ordre médical par téléphone. S’il l’avait fait, il aurait constaté que non seulement le patient nécessitait une réévaluation clinique mais également des soins et une surveillance continue. Considérant que le décès de E.P._ est survenu environ dix heures après l’appel à B._ et tenant compte du temps nécessaire pour effectuer les investigations, il a semblé aux experts qu’il y avait encore une certaine réserve de temps pour réopérer E.P._, pourvu que le diagnostic d’une péritonite sur lâchage de suture intestinale ait été posé. Pour ces experts, B._ porte la responsabilité principale, dans la mesure où il aurait dû se rendre auprès de lui le soir du 18 février 2006 et L._ aurait dû aller voir le patient lui-même ou au moins avertir personnellement B._ de la dégradation générale de E.P._.
Les experts ont encore expliqué que si B._ avait examiné son patient, avec son expérience, il aurait vraisemblablement eu la suspicion de la fuite intestinale et aurait demandé un scanner abdominal. Cet examen aurait probablement permis de visualiser la fuite. Dès lors, B._ aurait certainement décidé de réopérer au plus vite E.P._. Au cas où le scanner n’aurait pas mis en évidence la fuite, B._ aurait pu décider une réopération laparoscopique à visée diagnostique. A la question de savoir s’il était hautement vraisemblable que le décès de E.P._ aurait pu être évité, si le suivi post-opératoire s’était déroulé conformément aux règles de l’art, les experts ont répondu que B._, ayant examiné son patient le matin du 18 février 2006, aurait pu constater l’évolution défavorable en l’examinant dans la soirée et en tirer les conséquences qui se seraient imposées. Si la réopération indispensable pour faire face à la fuite intestinale avait pu être effectuée le plus tôt possible au cours de la nuit du 18 au 19 février 2006, le patient ne serait certainement pas décédé vers 6h00 du matin. En revanche, il n’est pas possible de dire s’il n’aurait pas succombé pour d’autres causes, notamment liées à son athérosclérose coronarienne qui n’était pas encore connue au stade préopératoire. Les experts ont néanmoins estimé à 80% les chances de survie du patient. Enfin, ces seconds experts, comme les premiers, se sont étonnés des conclusions du rapport d’autopsie, en expliquant que les auteurs de ce rapport s'étaient sans doute uniquement basés sur le rappel anamnestique qui mentionne également un décès intervenu brusquement pour en arriver à une telle conclusion. Pour conclure, les experts ont relevé que les électrolytes du 18 février 2006 au matin, étaient presque dans la norme et partant, ne pouvaient être mis en cause comme ayant provoqué un trouble du rythme. Comme les premiers experts, leur conclusion est que E.P._ est décédé d’une septicémie avec défaillance des organes vitaux.
3.2.2.2.
Ces experts ont également établi un complément à leur rapport en date du 15 mars 2010 (P. 52). Ils ont, en réponse à la question de savoir s’il existait vers 11h00 du matin le 18 février 2006 des indices suffisants de mauvaise évolution devant amener B._ à revoir spontanément E.P._, expliqué que le bilan sanguin et les autres éléments déjà cités auraient dû être interprétés dans le sens d’un début de complication et que selon eux, les médecins auraient dû demander des examens complémentaires et ordonner le transfert du patient dans une unité disposant d’une surveillance continue après avoir été informés de la péjoration de l’état du patient à 19h00. Les experts ont encore précisé que l’absence de fièvre chez E.P._ ne suffisait pas à exclure un état septique. Les experts ont enfin précisé qu’en cas de fuite intestinale, un choc septique pouvait se développer très rapidement et la cascade physiologique classique du MOF (multiple organ failure) peut ne pas être respectée à la lettre. Une brèche de 0.8 cm sur l’iléon ne laisse pas fuir deux litres de liquide fécaloïde en quelques minutes, mais plutôt en plusieurs heures. La question de savoir à quelle heure précise la fuite est intervenue, ne semble pas aux experts déterminante, car la péjoration de l’état général de E.P._ a eu lieu environ douze heures avant son décès, ce qui laissait encore du temps pour réagir.
3.2.3.
L._ a produit au dossier deux avis, demandés l’un au Dr S._, spécialiste FMH en anesthésie, également employé en partie par D._ et l’autre au Prof.
H._
, du service des soins intensifs du Département d’anesthésiologie de l’Hôpital Universitaire de Genève.
Selon le rapport du Dr S._ du 8 février 2011 (P. 84/1), les analyses de E.P._ du samedi 18 février 2006 à 7h30 présentaient tous les éléments pour comprendre la situation de fuite anastomotique avec au minimum un sepsis sévère. Il a estimé que la probabilité diagnostique était encore plus évidente à 19h00 et il était incompréhensible, selon lui, que B._ ne passe pas voir son patient ou, à tout le moins n’appelle L._, médecin anesthésiste de garde sur place, pour lui demander d’aller le voir.
Il ressort du rapport du Prof. H._ du 13 octobre 2011 (P. 84/3), qu'il a considéré que l’évolution post-opératoire compliquée a de toute évidence été minimisée. La reconnaissance d’un état septique grave aurait dû entraîner déjà au jour un, mais encore plus certainement au jour deux, notamment la prise en charge en urgence de ce malade avec un déchoquage dans un milieu de soins continus, voire intensifs, une antibiothérapie intraveineuse, un scanner abdominal et une reprise chirurgicale par laparotomie pour lavage péritonéal. Il a indiqué que l'évolution sans traitement spécifique est catastrophique et que le pronostic vital diminuait de 7% par heure dans cette situation. Selon lui, en partant de l’hypothèse que la fuite s’est produite très peu de temps après l’opération, il était quasiment impossible se sauver E.P._ au moment de l’intervention de L._.
3.2.4.
Lors des débats de première instance, le Prof. H._ a été entendu en même temps que les Docteurs T._ et X._, le Dr S._ ayant été entendu, quant à lui en présence des Professeurs G._ et F._.
Le Dr T._ (jgt, pp. 8-10) a précisé que, même si l’infirmière n’avait parlé à B._ que de la douleur de E.P._ lors de l’appel téléphonique de 18h15-18h30, ce dernier aurait dû le considérer comme un signal d’alarme, car la douleur n’a jamais été résolue chez ce patient. Selon lui, la situation n’était déjà pas bonne à 11h00–12h00 et méritait une surveillance. Son appréciation personnelle était que les chances de survie de E.P._ étaient d’environ 50% à 19h00 et qu'à minuit, elles n'étaient plus que de 15%. Il a également relevé que si le diagnostic avait été posé correctement vers midi, les chances de survie du patient auraient été de 60% environ, que selon les résultats de laboratoire de samedi à 7h00 du matin, la péritonite était déjà présente, mais qu’il avait déjà opéré des patients dans cette situation qui avait été survécu. Il a en outre précisé qu’un tableau d’un abdomen ballonné et tendu ne correspond pas à une reprise du transit. Il a estimé comme hautement probable qu’un scanner abdominal aurait permis de révéler la fuite. Contrairement au Prof. H._et au Dr S._, il a estimé que la déchirure n’avait pas eu lieu après l’opération mais dans les vingt-quatre heures qui ont suivi, car tout chirurgien vérifie l’étanchéité de l’anastomose qu’il a faite. Il a expliqué que même si l’anastomose ne figurait pas sur les images de l’opération, il était inconcevable que B._ ne l’ait pas vérifiée, ce d’autant que l’opération a été faite dans les règles de l’art. Entendu aux débats, le Dr W._, chirurgien qui a assisté B._ lors de l’opération, a confirmé qu’ils avaient procédé à une inspection de l’anastomose pour s’assurer qu’il n’y avait pas de fuite. Il a exclu la possibilité d’avoir loupé une déchirure de 0.8 cm. Le Dr T._ considère ainsi que B._ s’est trompé, entre 11h00 et 12h00, lors de son examen clinique et qu’il n’aurait pas dû être rassuré par ce dernier. Il a ajouté que, conformément à ce que le Dr S._ avait indiqué dans son rapport, à 7h30 le 18 février 2006, tous les éléments étaient réunis et qu'il y avait déjà un signe de sepsis sévère. Il a relevé que l'on pouvait dès lors faire partir le score du risque de mortalité à partir de ce moment-là en tout cas.
Pour le Dr X._ (jgt, p. 11), d’importantes douleurs après deux jours d’une chirurgie mini invasive ne sont pas habituelles. Selon lui, à deux jours, on devrait pouvoir diminuer l’antalgie péridurale, tout en voyant les douleurs diminuer. Quant à L._, le Dr X._ a estimé qu’il avait reçu beaucoup d’appels en peu de temps. Il aurait été normal qu’il aille voir le patient après l’administration de la première dose de Novalgin.
Les experts et témoins présents ont ensuite largement débattu des scores de mortalité selon lesquels un patient présentant un sepsis sévère perdrait 7% de chance de survie par heure. La définition du sepsis sévère a elle aussi été discutée.
Selon le Prof. H._ (jgt, pp. 12-13), ces scores sont basés sur des désordres physiques, biologiques et physiologiques. Il a expliqué que, dans un cas d'infection post opératoire dans le cadre d'une opération de l'abdomen et partant de l'hypothèse que le processus a commencé immédiatement après l'opération, le patient perdait 7% de chance de survie par heure et qu'il fallait donc faire le calcul après 48 heures. Le Dr T._ a toutefois relevé qu’il lui était déjà arrivé, comme chirurgien, de reprendre ce genre d’opération, avec succès, dans des zones statistiques présentant de faibles chances. Le Prof. H._ s’est rallié aux conclusions des expertises et aux propos des Docteurs T._ et X._, tout en précisant, sans certitude, qu’à son avis, le samedi à 19h40, au moment de l’appel à L._, il était déjà trop tard, car un patient pris en charge peut notamment décéder des effets accessoires de l’infection, notamment cérébraux et rénaux qui peuvent entraîner la mort plusieurs jours plus tard. L’agitation et la confusion du patient pourraient avoir été des signes d’infection mais peuvent aussi avoir été un effet secondaire de la douleur ou des médicaments. Pour lui, cela aurait dû être un feu orange de plus. Il a ajouté que, conformément à ce que le Dr S._ avait indiqué dans son rapport, à 7h30 le 18 février 2006, tous les éléments étaient réunis et qu'il y avait déjà un signe de sepsis sévère. Il a relevé que l'on pouvait dès lors faire partir le score du risque de mortalité à partir de ce moment-là en tout cas.
Selon le Prof. F._ (jgt, pp. 16-17), les examens et la condition de E.P._ à 11h00 – 12h00, auraient dû conduire B._ à être vigilant. Selon lui, dans tous les cas, à 19h00, il devait de déplacer. En effet, des douleurs chez un patient deux jours après l’opération doivent alerter. Pour cet expert, le tableau clinique de 11h00 – 12h00 aurait dû inciter B._ à être plus proactif, et ce, même s’il n’avait pas encore connaissance de la désaturation en oxygène. A 19h00, il était indiscutable qu’il fallait envisager un scanner ou même une laparoscopie exploratrice. Le prof. F._, comme tous les médecins entendus lors des débats, à titre d’experts ou de témoins, ont précisé que si la fuite anastomotique est une complication qui survient dans 5% des cas au maximum, c’est une complication si classique de ce type d’opération qu’il est impensable qu’un chirurgien abdominal ne l’ait pas eue en tête. Comme le Dr T._, il est d’accord pour dire qu’il est plus probable que la fuite a eu lieu vingt-quatre heures après l’opération. Enfin, si un patient a reçu une grosse dose d’analgésique le premier jour postopératoire - et qu’il a encore besoin d’une grosse dose d’analgésique le second - il faut s’inquiéter.
Tous les médecins entendus ont enfin estimé que la dose d’analgésique reçue par E.P._ était importante. | En droit :
1.
1.1
Interjetés dans les formes et délais légaux (cf. art. 399 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), les appels sont recevables.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
2.
Invoquant une violation de l’art. 117 CP et une constatation incomplète et/ou erronée des faits, les appelants contestent leur condamnation pour homicide par négligence.
2.1
L'art. 117 CP réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura causé la mort d'une personne. Il en résulte que la réalisation de cette infraction suppose la réunion de trois conditions: le décès d'une personne, une négligence et un lien de causalité entre la négligence et la mort (TF 6B_512/2010 du 26 octobre 2010 c. 2.1; ATF 122 IV 145 c. 3).
2.1.1
Conformément à l'art. 12 al. 3 CP, agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur de l'acte n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle.
Pour qu'il y ait homicide par négligence, il faut tout d'abord que l'auteur ait, d'une part, violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que, d'autre part, il n'ait pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir. Pour déterminer plus précisément quels étaient les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter des accidents; à défaut de dispositions légales ou réglementaires, on peut se référer à des règles analogues qui émanent d'associations privées ou semi-publiques lorsqu'elles sont généralement reconnues. La violation des devoirs de la prudence peut aussi être déduite des principes généraux, si aucune règle spéciale de sécurité n'a été violée (ATF 135 IV 56 c. 2.1). L'auteur viole les règles de la prudence s'il agit en dépassant les limites du risque admissible alors qu'il devrait, de par ses connaissances et aptitudes personnelles, se rendre compte du danger qu'il fait courir à autrui (ATF 134 IV 255 c. 4.2.3) ou s'il omet, alors qu'il occupe une position de garant (art. 11 al. 2 et 3 CP) et que le risque dont il doit empêcher la réalisation vient à dépasser la limite de l'admissible, d'accomplir une action dont il devrait se rendre compte, de par ses connaissances et aptitude personnelles, qu'elle est nécessaire pour éviter un dommage (ATF 136 IV 76 c. 2.3.1; ATF 135 IV IV 56 c. 2.1). C'est donc en fonction de la situation personnelle de l'auteur que l'on doit apprécier son devoir de diligence. Peu importe toutefois que l'auteur ait pu ou dû prévoir que les choses se passeraient exactement comme elles ont eu lieu. S'il y a eu violation des règles de la prudence, encore faut-il que celle-ci puisse être imputée à faute, c'est-à-dire que l'on puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, d'avoir fait preuve d'un manque d'effort blâmable (ATF 134 IV 255 c. 4.2.3; ATF 122 IV 145 c. 3b et les références citées).
Lorsque l'homicide par négligence résulte d'une omission (délit d'omission improprement dit), la réalisation de l'infraction suppose, en outre, que la personne à laquelle l'infraction est imputée se trouvait, au moment de son omission, dans une situation de garant. Il faut, autrement dit, que l'auteur fût à ce point juridiquement tenu d'accomplir un acte qui, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, aurait évité la survenance du dommage, que son omission apparaît comparable au fait de provoquer le résultat par un comportement actif (TF 6B_15/2007 du 9 mai 2007 c. 5.2; ATF 117 IV 130 c. 2a). En vertu de l'art. 11 al. 2 let. b CP, un contrat peut être la source d'un obligation de garant. Le cocontractant chargé de protéger autrui ou de surveiller un danger assume une position de garant lorsque le contrat conclu porte essentiellement sur cette mission. Il s'agit par exemple du devoir de protection du médecin et du personnel soignant (Dupuis et alii, Petit commentaire, Code pénal, Bâle 2012, n. 11 ad art. 11 CP).
La distinction entre l'omission et la commission n'est cependant pas toujours aisée et on peut souvent se demander s'il faut reprocher à l'auteur d'avoir agi comme il ne devait pas le faire ou d'avoir omis d'agir comme il devait le faire (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3
e
éd., Berne 2010, n. 5 ad art. 117 CP; ATF 129 IV 119 c. 2.2). Pour apprécier dans les cas limites si un comportement constitue un acte ou le défaut d'accomplissement d'un acte, il faut s'inspirer du principe de la subsidiarité et retenir un délit de commission chaque fois que l'on peut imputer à l'auteur un comportement actif (ATF 129 IV 119 c. 2.2 et les références citées).
2.1.2
La causalité ne se présente pas sous le même aspect selon que l'auteur a violé son devoir de prudence par action ou par omission.
Une action est l'une des causes naturelles d'un résultat dommageable si, dans l'enchaînement des événements tels qu'ils se sont produits, elle a été, au regard de règles d'expérience ou de lois scientifiques, une condition sine qua non de la survenance de ce résultat - soit si, en la retranchant intellectuellement des événements qui se sont produits en réalité, et sans rien ajouter à ceux-ci, on arrive à la conclusion, sur la base des règles d'expérience et des lois scientifiques reconnues, que le résultat dommageable ne se serait très vraisemblablement pas produit (TF 6B_301/2010 du 30 novembre 2010 c. 2.3.1;
cf. ATF 115 IV 199 c. 5b et les références). La série des événements à prendre en considération pour cette opération intellectuelle commence par l'action reprochée à l'auteur, finit par le dommage et ne comprend rien d'autre que les événements qui ont relié ces deux extrémités de la chaîne d'après les règles d'expérience et les lois scientifiques. La causalité naturelle ne cesse dès lors pas lorsque le dommage résulte effectivement de l'action reprochée à l'auteur, mais serait survenu quand même sans cette cause, à raison d'autres événements qui l'auraient entraîné si l'auteur ne l'avait pas lui-même causé (ATF 133 IV 158 c. 6.1 et les références).
Par ailleurs, une action qui est l'une des causes naturelles d'un résultat dommageable en est aussi une cause adéquate si, d'une part, elle était propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 133 IV 158 c. 6.1 et les références) et si, d'autre part, elle a effectivement causé le résultat dommageable pour des raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée, et non pour des raisons fortuites (connexité du dommage et du risque; cf. ATF 133 IV 158 c. 6.1 et les références). Il s'agit là de questions de droit.
Il y a rupture du lien de causalité adéquate, l'enchaînement des faits perdant sa portée juridique, si une autre cause concomitante - par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou celui d'un tiers - propre au cas d'espèce constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre. Cependant, cette imprévisibilité de l'acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à celui-ci, notamment le comportement de l'auteur (TF 6B_301/2010 du 30 novembre 2010 c. 2.3.1; ATF 133 IV 158 c. 6.1 et les références).
En revanche, en cas de violation du devoir de prudence par omission, il faut procéder par hypothèses et se demander si l'accomplissement de l'acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, évité la survenance du résultat qui s'est produit, pour des raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée; pour l'analyse des conséquences de l'acte supposé, il faut appliquer les concepts généraux de la causalité naturelle et de la causalité adéquate (Corboz, op. cit., n. 51 ad art. 117 CP; ATF 134 IV 255 c. 4.4.1; ATF 133 IV 158 c. 6.1 et les références).
L’appréciation de la causalité hypothétique porte en elle une marge d’incertitude indéniable. Pour réduire cette marge, le Tribunal fédéral applique la théorie de la probabilité. Le lien de causalité naturelle est ainsi admis lorsque l’acte que devait accomplir l’auteur aurait, avec un haut degré de probabilité, empêché le résultat. L'existence de cette causalité dite hypothétique suppose donc une très grande vraisemblance; autrement dit, elle n'est réalisée que lorsque l'acte attendu ne peut pas être inséré intellectuellement dans le raisonnement sans en exclure, très vraisemblablement, le résultat (TF 6S.570/2006 du 6 mars 2007 c. 4.2; ATF 116 IV 182 c. 4a). La causalité adéquate est donc exclue lorsque l'acte attendu n'aurait vraisemblablement pas empêché la survenance du résultat ou lorsqu'il serait simplement possible qu'il l'eût empêché (ibidem). La doctrine dominante adhère à la théorie de la probabilité, estimant, à juste titre, que celle-ci présente l’avantage de sauvegarder le principe in dubio pro reo (cf. Cassani, in Roth / Moreillon, Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, nn. 58 et 59 ad art. 11 CP; Corboz, in Roth / Moreillon, Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, nn. 157 ss ad art. 12 CP; CCASS, 14 octobre 2002, n. 277, pp. 17 ss).
2.2.
2.2.1.
Concernant plus particulièrement l'appréciation du résultat d'une expertise, le juge n'est en principe pas lié par ce dernier. Mais s'il entend s'en écarter, il doit motiver sa décision et ne saurait, sans motifs déterminants, substituer son appréciation à celle de l'expert, sous peine de verser dans l'arbitraire. En d'autres termes, le juge qui ne suit pas les conclusions de l'expert n'enfreint pas l'art. 9 Cst. lorsque des circonstances bien établies viennent en ébranler sérieusement la crédibilité (TF 6B_275/2011 du 7 juin 2011 c. 3.3.2
;
ATF 129 I 49 c. 4; ATF 128 I 81 c. 2). Tel est notamment le cas lorsque l'expertise contient des contradictions et qu'une détermination ultérieure de son auteur vient la contredire sur des points importants, ou lorsqu'elle se fonde sur des pièces et des témoignages dont le juge apprécie autrement la valeur probante ou la portée (ATF 101 IV 129 c. 3a in fine). Si, en revanche, les conclusions d'une expertise judiciaire apparaissent douteuses sur des points essentiels, celui-ci doit recueillir des preuves complémentaires pour tenter de dissiper ses doutes. A défaut, en se fondant sur une expertise non concluante, il pourrait commettre une appréciation arbitraire des preuves et violer l'art. 9 Cst. (ATF 118 Ia 144 consid. 1c p. 146). La nécessité d'une nouvelle expertise dépend ainsi d'une appréciation de celle versée au dossier et des autres éléments de preuves (TF 6B_275/2011 du 7 juin 2011 c. 3.3.2).
2.2.2.
En l’espèce, il n’existe aucun motif qui justifierait de s’écarter des expertises judiciaires concordantes et convaincantes. D’autres avis médicaux ont été produits par les appelants et d’autres médecins que les experts judiciaires entendus par le Tribunal correctionnel. Ces éléments doivent être considérés avec circonspection au regard de leur provenance. Ils seront toutefois retenus dans la mesure où ils concordent avec d’autres pièces du dossier et plus particulièrement les expertises judiciaires.
Le rapport du Dr M._ produit par B._ (P. 146/1) au cours de la procédure d'appel est irrecevable. En effet, la production de cette pièce est tardive et contraire aux règles de la bonne foi, dès lors que l'appelant aurait pu s'en prévaloir durant l'instruction ou aux débats de première instance. Par ailleurs, quand bien même ce document aurait été recevable, il est totalement inexploitable. En effet, la Cour de céans ne sait pas de quels documents et de quelles informations ce médecin disposait pour rendre son avis médical. En outre, ses liens avec l'appelant B._ ne sont pas connus. Finalement, ainsi qu'il sera exposé plus bas, la cause de la mort de E.P._ est claire et ce rapport n'est pas de nature à modifier cette appréciation.
I. Appel de B._
3.
L’appelant nie toute violation fautive de son devoir de diligence. En substance, il nie qu’on puisse lui reprocher de ne pas avoir ordonné, dans la matinée du 18 février 2006, d’examen de contrôle. Il conteste ensuite toute négligence fautive dans la soirée du 18 février 2006. A ce sujet, il explique que, lors de l’appel de l’infirmière le soir en question, il n’a pas été informé des difficultés respiratoires du patient, cette communication n’ayant eu pour but que la confirmation d’un ordre médicamenteux qu’il avait prescrit. Il se prévaut enfin de la vitesse d’évolution de l’état de E.P._.
3.1. Cause de la mort
Selon le rapport d’autopsie réalisé par l’Institut universitaire de pathologie du CHUV (P. 4/3), le décès pourrait être dû à un trouble du rythme, sous réserve de l’autolyse de tous les organes, de l’examen du système nerveux central qui n’a pas été autorisé, et en l’absence d’une autre cause évidente pouvant expliquer le décès brusque (absence d’embolie pulmonaire, absence d’infarctus myocardiaque, pas d’embolie gazeuse).
S’agissant des causes de la mort, les premiers experts judiciaires ont estimé que les conclusions du rapport d’autopsie étaient discutables et que le décès de E.P._ était vraisemblablement consécutif à une péritonite stercorale due à une ouverture au niveau du moignon de l’iléon. L’origine la plus probable tenait à la déchirure constatée dans l’autopsie sur la partie latérale de l’anastomose, côté iléal, due à une ischémie avec nécrose locale et une fuite de liquide intestinal à l’intérieur de l’abdomen. En tout état de cause, ce genre de complication à type de fuite anastomotique était bien décrit dans la littérature, sa fréquence serait comprise entre 0.5 % et 3 %. Au cours des débats, le Prof G._ a confirmé que le décès était dû à une défaillance multi organique consécutive à un choc septique.
Les seconds experts judiciaires, comme les premiers, se sont également étonnés des conclusions du rapport d’autopsie, en expliquant que les auteurs de ce rapport s’étaient sans doute uniquement basés sur le rappel anamnestique qui mentionnait également un décès intervenu brusquement pour en arriver à une telle conclusion. Pour conclure, ils ont relevé que les électrolytes du 18 février 2006 au matin étaient presque dans la norme et partant, ne pouvaient être mis en cause comme ayant provoqué un trouble du rythme. Ils ont conclu que E.P._ était décédé d’une septicémie avec défaillance des organes vitaux.
Au regard de la convergence des expertises judiciaires, il convient de retenir que le décès est intervenu suite une fuite de liquide intestinal à l’intérieur de l’abdomen ayant entraîné un choc septique et de s’écarter à ce sujet du rapport d’autopsie. Cette appréciation est au demeurant confirmée par le Dr S._ et le Prof. H._ lors des débats de première instance (cf. jgt, pp. 10, 12, 15, 16 et 18).
3.2. Rôle de garant
Les actes reprochés à l’appelant le sont par omission. Il lui est en effet reproché de ne pas avoir agi. Il convient par conséquent d’examiner s’il avait une position de garant à l’encontre du patient.
En l’espèce, il est incontestable que l’appelant assumait une position de garant vis-à-vis de E.P._. En effet, ce dernier avait consulté B._ à la suite d’un diagnostic posé de tumeur du côlon ascendant et celui-ci l’avait opéré. Il était donc bel et bien le médecin traitant du patient dont il devait par conséquent assumer le suivi opératoire.
3.3. Violation des devoirs de prudence
3.3.1.
A 11h45, le samedi 18 février 2006, l’appelant a rendu visite à son patient. Il l’a examiné, évaluant son état général, notamment en palpant son ventre. A 7h30 du matin, des examens sanguins de routine avaient été commandés, dont les résultats étaient connus de B._ au moment de sa visite. Ceux-ci mettaient en évidence, notamment, une CRP (protéine C-réactive) à 270 et une déviation gauche de 35 %. Le soir, vers 18h15-18h30, l’infirmière a appelé l’appelant. Selon le dossier infirmier, elle l’a informé du fait que E.P._ avait des douleurs abdominales et présentait un abdomen hypertendu. Elle lui a également dit qu’il souffrait d’une paralysie intestinale. Aux débats de première instance, le médecin a dit que l’infirmière ne lui avait parlé que des douleurs, évaluées à 3/10 et de la paralysie intestinale.
3.3.2.
Les médecins et experts sont unanimes à admettre que l’appelant a violé les règles de l’art, en ne prenant pas les mesures de surveillance et de suivi que l’état de E.P._ commandait et ce, dès sa visite du samedi 18 février 2006 de 11h45.
a)
En effet, les spécialistes de l’Institut de Médecine Légale ont relevé que les examens de todtïne du 18 février 2006 à 7h30 montraient une CRP à 270 mg/l et ont expliqué que si la CRP présentait un pic post-opératoire maximum à 24/48 heures, celle-ci devait par la suite diminuer d’au moins 50% de sa valeur le jour suivant. Cette valeur de 270 mg/l était à considérer comme la limite supérieure post-opératoire, et était, selon l’un des experts, un peu trop élevée pour un résultat 48h après une chirurgie colique par laparoscopie élective. En d’autres termes, ils ont considéré que le contexte post-opératoire associé à des douleurs abdominales et à cette CRP un peu trop élevée aurait dû attirer l’attention du chirurgien sur une possible complication. Un patient présentant de fortes douleurs abdominales au deuxième jour post-laparoscopie devait être évalué par un chirurgien, une reprise chirurgicale devant même, le cas échéant, être envisagée en cas de doute. Les experts ont relevé que des douleurs importantes au deuxième jour d’une colectomie par laparoscopie étaient un signe d’alarme important, nécessitant au mieux des investigations radiologiques complémentaires, au pire une révision chirurgicale. Il était de plus décrit comme dangereux que l’opérateur prescrivît des antalgiques par téléphone.
b)
De même, les seconds experts judiciaires ont estimé que le suivi post-opératoire d’un patient, suite à une intervention viscérale lourde relevait de la plus haute importance. Le diagnostic clinique d’une telle complication pouvait être difficile, notamment chez les patients qui avaient une antalgie péridurale en place. Il était donc d’autant plus important que l’évolution clinique fût contrôlée à courte échéance. Selon ces spécialistes, le fait que B._ ne se soit pas rendu au chevet de son patient, présentant une évolution défavorable, ne leur a paru que difficilement justiciable. Les douleurs abdominales, considérées comme typiques de la reprise du transit, étaient en contradiction avec une paralysie intestinale et avec un abdomen gonflé. Les suites post-opératoires, avec persistance d’une saturation en oxygène basse, ainsi que la présence d’un bilan positif (des liquides ndr) deux jours de suite, aurait dû alerter l’appelant, ce d’autant plus qu’il n’y avait pas de réponse au diurétiques administrés. En effet, un bilan positif associé à des faibles tensions et à une saturation basse était un signe clinique compatible avec une septicémie débutante, nécessitant une recherche de son étiologie. De plus, les examens sanguins du 18 févriers 2006, au matin, montraient des neutrophiles non à plus de 35% (déviation gauche ndr), signes préliminaires d’une infection, ce d’autant plus combinés à une protéine C-réactive de 270. Si chacun de ces éléments n’était pas alarmant en soi, dans un contexte post-opératoire immédiat, l’ensemble l’était certainement.
Ces experts ont également admis qu’il existait, vers 11h00 du matin, des indices suffisants de mauvaise évolution devant amener B._ à revoir spontanément E.P._. Ils ont expliqué que le bilan sanguin et les autres éléments déjà cités auraient dû être interprétés dans le sens d’un début de complication et que, selon eux, les médecins auraient dû demander des examens complémentaires et ordonner le transfert du patient dans une unité disposant d’une surveillance continue après avoir été informés de la péjoration de l’état du patient à 19h. Les experts ont encore précisé que l’absence de fièvre chez E.P._ ne suffisait pas à exclure un état septique.
c)
En outre, les expertises précitées sont confortées par les déclarations du Dr V._ et les inquiétudes de la Dresse Q._ de la veille au soir. En effet, le Dr V._ a expliqué, lors des débats de première instance, que, pour lui, l'absence de reprise du transit dans l'après-midi du samedi 18 février 2006 devait conduire à une investigation. Selon lui, dès le début, E.P._ était un patient à suivre. B._ ne pouvait l'ignorer, ce d'autant que ces deux médecins ont eu une discussion au sujet de E.P._ peu après leur visite respective. L'appelant aurait également dû également prêter attention aux inquiétudes de la Dresse Q._, qui avait, quant à elle, constaté l'hypotension de E.P._.
3.3.3.
Sur le vu de ce qui précède, on doit admettre que l’appelant aurait dû, dès la matinée du 18 février 2006, à 11h45 lors de sa visite à la victime, interpréter les éléments en sa possession et le bilan sanguin dans le sens d’un début de complication et être par conséquent beaucoup plus vigilant et proactif et à tout le moins surveiller étroitement le patient. Dès cet examen, la situation méritait une surveillance et une investigation quant à l’origine des douleurs. Or, le médecin concerné n’a rien fait. Il s’est contenté d’organiser un suivi antalgique, sans ordonner d’examens de contrôle dans l’après-midi, en particulier au regard des résultats d’examen sanguin de 7h30. Ce faisant, il a violé son devoir de prudence.
Vers 18h15-18h30, l’appelant aurait dû, suite à l'appel de l'infirmière, dans tous les cas, se déplacer et ordonner le transfert du patient dans une unité disposant d’une surveillance continue. Il aurait dû ordonner des examens complémentaires et envisager un scanner ou même une laparoscopie exploratrice. Encore une fois, le médecin n’a pas agi, violant ainsi son devoir de prudence. A ce sujet, on ne saurait suivre l’intéressé lorsqu’il invoque le défaut d’informations transmises le soir par l’infirmière. En effet, conformément à l’appréciation du Dr T._, quand bien même l’infirmière ne lui aurait parlé que de la douleur de E.P._, le médecin aurait dû la considérer comme un signal d’alarme, dès lors que la douleur n’a jamais été résolue chez ce patient. En outre, l’appelant a reconnu que l’infirmière lui a également signalé une paralysie intestinale, ce qui constitue un signe d’alerte supplémentaire. De plus, la situation du patient n’était déjà pas bonne dans la matinée, ce qui justifiait déjà une surveillance et un suivi plus serré que la simple administration de médicaments et l’organisation d’un examen de contrôle dans l’après-midi. Enfin, au regard des circonstances et des données objectives d’analyse déjà en sa possession, l'appelant devait s’enquérir spontanément de l’évolution de son patient.
En conclusion, on doit admettre que ce dernier a bel et violé ses devoirs de diligence.
3.4. Faute
L’appelant est un médecin expérimenté et décrit comme rigoureux, soigneux et attentif envers ses patients. L’état de ses connaissances devait lui permettre d’appréhender le risque d’une fuite anastomotique potentielle. C’était une complication qu’il connaissait. Au regard de sa formation, de ses connaissances et des informations à sa disposition, il n'a pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui et ainsi violé, de manière fautive, ses devoirs des prudence.
4. Lien de causalité entre les omissions et le résultat survenu
L’appelant nie tout lien de causalité entre la négligence qui pourrait lui être reprochée et le décès de E.P._. Il soutient tout d’abord que la vraisemblance doit confiner à la certitude s’agissant du lien de causalité. Il relève ensuite que l’incertitude demeure s’agissant des causes du décès, en l’absence d’autopsie du système nerveux central, et qu’il n’est nullement établi qu’une intervention chirurgicale visant à purger le liquide intestinal et à réparer la déchirure de l’intestin grêle aurait évité la survenance du décès. Il affirme ensuite que les fautes commises par le Dr L._ ont interrompu le lien de causalité entre les manquements qui pourraient lui être reprochés et le décès intervenu.
4.1.
Selon les premiers experts judiciaires, la complication postopératoire était connue et décrite dans la littérature avec une incidence de 0.5 à 3 % et était à l’origine du décès dans un délai particulièrement bref. A la question de savoir si les médecins responsables pouvaient prévoir que la complication post-opératoire conduirait au décès de E.P._, ils ont répondu que du liquide intestinal à l’intérieur de l’abdomen entraînait classiquement des complications de type péritonite et que les conséquences devenaient d’autant plus graves que la présence de liquide se prolongeait. Selon eux, dans les premières vingt-quatre heures, la probabilité du décès était inférieure à 10%, alors qu’elle augmentait rapidement après. Ils ont conclu que le décès de E.P._ aurait pu être évité si la complication chirurgicale avait été reconnue à temps et traitée en conséquence, tout en précisant qu’il s’agissait d’une hypothèse et non d’une certitude.
Dans la seconde expertise judiciaire, considérant que le décès de E.P._ était survenu environ dix heures après l’appel à B._ et tenant compte du temps nécessaire pour effectuer les investigations, les spécialistes ont estimé qu’il y avait encore une certaine réserve de temps pour réopérer le patient, pourvu que le diagnostic d’une péritonite sur lâchage de suture intestinale eut été posé. Les experts ont encore expliqué que si B._ avait examiné son patient, avec son expérience, il aurait vraisemblablement eu la suspicion de la fuite intestinale et aurait demandé un scanner abdominal. Cet examen aurait probablement permis de visualiser la fuite. Dès lors, B._ aurait certainement décidé de réopérer au plus vite E.P._. Au cas où le scanner n’aurait pas mis en évidence la fuite, B._ aurait pu décider une réopération laparoscopique à visée diagnostique. A la question de savoir s’il était hautement vraisemblable que le décès de E.P._ aurait pu être évité, si le suivi post-opératoire s’était déroulé conformément aux règles de l’art, les experts ont répondu que B._, ayant examiné son patient le matin du 18 février 2006, aurait pu constater l’évolution défavorable en l’examinant dans la soirée et en tirer les conséquences qui se seraient imposées. Si la réopération indispensable, pour faire face à la fuite intestinale, avait pu être effectuée le plus tôt possible au cours de la nuit du 18 au 19 février 2006, le patient ne serait certainement pas décédé vers 6h00 du matin. En revanche, il n’était pas possible de dire s’il n’aurait pas succombé pour d’autres causes, notamment liées à son athérosclérose coronarienne qui n’était pas encore connue au stade préopératoire. Les experts ont néanmoins estimé à 80% les chances de survie du patient. Lors des débats de première instance, T._ a précisé que, conformément à ce que le Dr S._ avait indiqué dans son rapport, à 7h30 le 18 février 2006, tous les éléments étaient réunis et qu'il y avait déjà un signe de sepsis sévère. Il a relevé que l'on pouvait dès lors faire partir le score du risque de mortalité à partir de ce moment-là en tout cas.
Dans son rapport du 13 octobre 2011 et lors des débats de première instance, le Prof. H._ a expliqué que dans la situation de E.P._ le pronostic vital diminuait de 7% par heure. Il a également relevé que l'on pouvait faire partir le score du risque de mortalité à partir du 18 février 2006 à 7h30 en tout cas, moment auquel les éléments du diagnostic étaient réunis.
4.2
En l’espèce, on doit admettre, au regard notamment des expertises précitées, que si l’appelant n’avait pas violé ses devoirs de diligence et s’il avait donc accompli les actes en question tels que décrits ci-dessus (cf. supra c. 3.3.3), le résultat intervenu, à savoir le décès du patient, aurait été évité selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie.
En effet, d’une part, la complication dont a été victime E.P._ n’était ni inédite, ni mal documentée dans la littérature médicale. Elle faisait partie des complications classiques et connues de l’anastomose pratiquée.
D'autre part, selon les experts T._ et F._, il était hautement vraisemblable qu’un suivi approprié de E.P._ par B._ aurait permis de réaliser une reprise chirurgicale avec succès. A 11h45, l'appelant avait tous les éléments pour poser le diagnostic de sepsis sévère et aurait dû agir en conséquence. Il est évident qu'à ce moment-là, si l'appelant avait posé un diagnostic correct et accompli les actes omis, il aurait, de manière hautement vraisemblable, évité la mort de son patient. Il en allait de même d’une intervention de B._ vers 18h15-18h30. En effet, ce dernier, s’il s’était déplacé au chevet de son patient, aurait pu constater l’état de celui-ci et immédiatement l’emmener en salle d’opération dans un délai suffisamment bref et sans passer par des analyses ou des scanners, si l’urgence était extrême. Les médecins interrogés, notamment les Drs W._ et V._, ont d’ailleurs confirmé que, dans un tel cas d’urgence, une opération à visée exploratoire était envisageable pour sauver le patient. Enfin, l’appréciation de ces médecins est confirmée par celle des premiers experts.
En conclusion, on doit retenir que le lien de causalité tant naturelle qu’adéquate est réalisée entre les manquements reprochés à l’appelant et le résultat intervenu.
Pour le reste, la cause de la mort ayant suffisamment été établie (cf. supra c. 3.1), l’appelant ne saurait à ce sujet se prévaloir d’une incertitude qui demeurerait s’agissant des causes du décès, en l’absence d’autopsie du système nerveux central.
Enfin, on ne discerne aucune interruption du lien de causalité en raison d'éventuels manquements qui peuvent être reprochés à L._ ou aux infirmières en charge du patient. En effet, les omissions de ces derniers ne sont ni extraordinaires, ni inattendus.
5.
En conclusion, on doit admettre que B._ s'est rendu coupable d'homicide par négligence, toutes les conditions visées par l'art. 117 CP étant réalisées. Partant, l'appel de ce dernier, mal fondé, doit être rejeté et le jugement confirmé à son égard.
II. Appel de L._
6.
L’appelant conteste avoir assumé un devoir de garant envers le patient décédé. En substance, il relève qu’il ne s’estimait pas tenu d’assurer le suivi médical général de E.P._ étant donné qu’il avait reçu une instruction contraire de la part du Dr V._. Il explique qu’il n’était ni le chirurgien opérateur, ni l’anesthésiste ayant été chargé de suivre le patient depuis l’opération et qu’en définitive, il n’a fait que renvoyer le personnel infirmer aux substances ordonnées par d’autres médecins.
6.1.
A 8h00, le 18 février 2006, L._ a pris son service de garde du week-end, succédant à sa consoeur Q._. Au moment de la transmission, celle-ci lui a notamment indiqué que E.P._ s’était plaint de douleurs la vieille et qu’il était hypotendu.
Selon différents témoignages, le rôle de l’anesthésiste de garde, seul médecin de garde sur place à D._, était d’assurer les réanimations en cas d’urgence. Malgré des directives aux termes desquelles il devait être fait appel au médecin traitant en cas de nécessité, tous les témoins ont toutefois indiqué que, pour des raisons de commodité, il n’était pas rare que le personnel infirmer fasse d’abord appel à l’anesthésiste de garde, en particulier en dehors des heures. La tendance au moment des faits était ainsi de considérer l’anesthésiste de garde comme le médecin de garde tout court.
6.2.
On doit admettre que la position de garant de l’appelant envers la victime ne résultait pas des directives, mais des usages et pratiques de l’hôpital, au demeurant clairement étayées par plusieurs témoignages ainsi que par le comportement des deux médecins anesthésistes de garde qui se sont succédés les 17 et 18 février 2006.
Ainsi, L._ savait que la pratique des infirmières était de faire appel à lui, même s’il n’était pas le médecin traitant du patient. A ce sujet, on peut d’ailleurs constater que, selon son comportement, il a clairement joué un rôle de médecin remplaçant durant sa garde. En effet, il a demandé au Dr V._ s’il devait aller faire une visite à E.P._. De plus, lorsque l’infirmière l’a appelé à 19h40, il ne l’a pas renvoyée au Dr B._.
De même, on doit relever que sa consœur, la Dresse Q._, avait agi de même la vieille, lors de sa garde.
7.
L’appelant nie la réalisation du lien de causalité entre l’omission qui lui est reprochée et le décès de E.P._. En bref, il reproche à l’autorité de première instance de ne pas avoir examiné quelles étaient les chances réelles de survie du patient au moment où, durant la soirée du 18 février 2006, il aurait prétendument omis d’agir selon les règles de l’art médical. Se fondant sur les rapports d’expertises et avis médicaux, il relève que les risques de mortalité ont commencé à croître rapidement le 18 février 2006 dès 7h00 ou 7h30.
7.1. Violation des devoirs de prudence
7.1.1.
A 8h00, le 18 février 2006, l’appelant a pris son service, succédant à sa consœur Q._. Au moment de la transmission, celle-ci lui a notamment indiqué que E.P._ s’était plaint de douleurs la veille et qu’il était hypotendu.
A 19h40, les douleurs persistaient toujours avec un VAS à 7/10. L’infirmière a alors contacté l’anesthésiste de garde, à savoir l’appelant, en lui précisant que la famille de E.P._ souhaitait que ce dernier soit vu par un médecin. L._, sans aller voir le patient ou son dossier, a ordonné l’administration de 1 g de Novalgin. Peu après, alors qu’il passait à l’étage, L._ dit s’être rendu vers la chambre de E.P._ mais n’y être pas entré, car il entendait la famille qui parlait.
A 20h25, E.P._ étant toujours algique, l’infirmière a rappelé L._, qui a confirmé à cette dernière qu’elle pouvait administrer au patient les 10 mg de morphine sous cutanée prévus en réserve sur la feuille d’ordre, ainsi qu’une tablette de 1 mg de Temesta Expidet, médicament du groupe des benzodizépines. L’appelant est allé consulter le dossier du patient, mais rien ne l’a alerté dans cette lecture.
Vers minuit, l’infirmier a contacté une fois encore L._. Toujours sans voir le patient, ce dernier a alors ordonné l’administration d’une capsule de Temesta Expidet 2.5 mg ainsi qu’une nouvelle injection sous cutanée de 10 mg de morphine.
Vers 2h30, le 19 février 2006, l’infirmier a une fois encore avisé téléphoniquement L._ de la péjoration de l’état de confusion du patient. Sans se déplacer, il a prescrit 5 mg de Haldol par voie véneuse, tranquillisant neuroleptique.
7.1.2.
Les experts judiciaires ont conclu que L._ avait également contrevenu aux règles de l’art. Ils ont jugé que s’il était acceptable qu’il prescrivît une dose unique d’analgésique par téléphone, le fait de donner des ordres répétés d’administration de benzodiazépines et d’opiacés par téléphone, sans revoir le patient, devait être considéré comme dangereux et contre indiqué. Ils ont considéré que ce médecin aurait dû procéder à une évaluation de l’état clinique du patient au vu de la persistance des douleurs, en dépit des antalgiques prescrits ou attirer l’attention de son opérateur ou de son remplaçant désigné. Ils ont précisé que l’administration de morphine à minuit par L._, sans avoir vu le patient, ne pouvait être considéré comme indiquée même s’il s’agissait d’un médicament d’antalgie en réserve.
7.1.3.
Sur la base de l'expertise, on doit admettre que l’appelant aurait en tout cas dû se déplacer auprès du patient à 20h25, soit au moment du second appel de l’infirmière. En effet, il ne pouvait poursuivre la prescription d’antalgiques de plus en plus lourds sans prendre la peine d’aller voir l’intéressé. De plus à 20h25, la lecture du dossier aurait d’emblée dû attirer l’attention de l’appelant, notamment les résultats d’analyses de E.P._. En outre, au regard de la fluctuation des douleurs avec des pics élevés malgré deux jours d’une antalgie et le fait que moins d’une heure auparavant, un antalgique avait été administré sans succès, l’intéressé aurait dû se rendre sans délai auprès du patient.
En conclusion, l’appelant a bel et bien violé ses devoirs de prudence.
En outre, L._ est un médecin expérimenté. Même s'il n'est pas un spécialiste en chirurgie comme B._, mais en anesthésiologie, il aurait pu se rendre compte, en se rendant à son chevet, que la victime était dans un état grave qui nécessitait des soins autres que la prescription de forts anti-douleurs. Au regard de sa formation, de ses connaissances et des informations à sa disposition, il n'a pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui et ainsi violé, de manière fautive, ses devoirs des prudence.
7.2. Lien de causalité entre les omissions et le résultat intervenu
Il convient d’examiner quelles étaient les chances de survie du patient au moment où l’appelant aurait dû agir, soit à 20h25, de manière à pourvoir définir si les actes que devait accomplir ce dernier auraient, avec un haut degré de probabilité, empêché la mort de E.P._.
7.2.1.
Lors des débats de première instance, les experts et témoins ont largement débattu des scores de mortalité selon lesquels un patient présentant un sepsis sévère perdrait 7% de chance de survie par heure. La définition du sepsis sévère a elle aussi été discutée. Selon le Prof. H._, ces scores sont basés sur des désordres physiques, biologiques et physiologiques. Le Dr T._ a toutefois relevé qu’il lui était déjà arrivé, comme chirurgien, de reprendre ce genre d’opération, avec succès, dans des zones statistiques présentant de faibles chances. Le Prof. H._ s’est rallié aux conclusions des expertises et aux propos des Drs T._ et X._, tout en précisant, sans certitude, qu’à son avis, le samedi à 19h40, au moment de l’appel à B._, il était déjà trop tard, car un patient pris en charge peut notamment décéder des effets accessoires de l’infection, notamment cérébraux et rénaux qui peuvent entraîner la mort plusieurs jours plus tard.
Selon les seconds experts judiciaires, les examens sanguins du 18 février 2006, au matin, montraient des neutrophiles non-segmentés à plus de 35% (déviation gauche ndr), signes préliminaires d’une infection, ce d’autant plus combinés à une protéine C-réactive de 270. Lors des débats de première instance, l’expert judiciaire T._ a précisé que, selon son appréciation personnelle, les chances de survie de T._ étaient d’environ 50% à 19h00 et de 15% à minuit. Il a également relevé que selon les résultats de laboratoire de samedi à 7h00 du matin, la péritonite était déjà présente, mais qu’il avait déjà opéré des patients dans cette situation qui avaient survécu. Il a ajouté qu'à 7h30, le 18 février 2006, tous les éléments du diagnostic étaient réunis et que l'on pouvait dès lors faire partir le score du risque de mortalité à partir de ce moment-là en tout cas.
Dans son rapport du 13 octobre 2011 et lors des débats de première instance, le Prof. H._ a expliqué que dans la situation de E.P._ le pronostic vital diminuait de 7% par heure. Il a également relevé que l'on pouvait faire partir le score du risque de mortalité à partir du 18 février 2006 à 7h30 en tout cas, moment auquel les éléments du diagnostic étaient réunis.
7.2.2.
En l’espèce, l’appelant, conformément à ses devoirs de diligence, aurait dû intervenir dans la soirée du 18 février 2006 vers 20h25. Reste qu’à ce moment-là de l’avis de l’expert judiciaire et du Prof. H._, les chances de survie du patient étaient déjà inférieures à 50% (seuil atteint vers 19h00). De plus, dès cet instant, des examens auraient dû être ordonnés ou alors, à tout le moins, une opération organisée, puis effectuées, démarchent qui auraient pris un certain laps de temps, ce qui réduisait encore les chances de survie du patient passant en-dessous des 40%.
Au regard des chiffres avancés par l'expert T._ et par le Prof. H._, on doit admettre qu'il existe un doute sur la question de savoir si les actes que devait accomplir l'appelant auraient pu, avec un haut degré de probabilité, empêché la mort de E.P._. En effet, dès lors que dès 19h00, les risques de décès devenaient plus grands que les chances de survie, on doit nier tout lien de causalité entre les omissions de l’appelant et la survenance du résultat.
En conclusion, L._ doit être acquitté de l’infraction d’homicide par négligence, faute de lien de causalité entre les omissions qui lui sont reprochés et le décès de la victime.
En outre, l'appelant L._ ne sera pas tenu de verser une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure aux parties plaignantes. La somme de 23'560 fr., dont L._ et B._ étaient solidairement débiteurs, sera dès lors mise entièrement à la charge de B._ qui a vu sa condamnation pour homicide par négligence confirmée.
8.
L._ étant acquitté, il convient encore d'examiner la question des frais et dépens de première instance.
8.1.
8.1.1.
En vertu de l'art. 426 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s’il est condamné. Font exception les frais afférents à la défense d’office; l’art. 135 al. 4 CPP est réservé (al. 1). Lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s’il a, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci (al. 2).
Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure.
La base légale fondant un droit à des dommages et intérêts et à une réparation du tort moral a été créée dans le sens d’une responsabilité causale. L’Etat doit réparer la totalité du dommage qui présente un lien de causalité avec la procédure pénale au sens du droit de la responsabilité civile (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1313). Les dépenses à rembourser au sens de l’art. 429 al. 1 let. a CPP sont essentiellement les frais de défense. Selon le Message, cette disposition transpose la jurisprudence selon laquelle l’Etat ne prend en charge ces frais que si l’assistance était nécessaire compte tenu de la complexité de l’affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires de l’avocat étaient ainsi justifiés (ibidem). Le Tribunal fédéral a toutefois souligner qu'il ne fallait pas se montrer trop strict dans l'indemnisation du prévenu pour les honoraires de son mandataire (Mizel/Rétornaz, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 31 ad art. 429 CPP et les références citées).
En vertu de l'art. 430 al. 1 let. a CPP, l’autorité pénale peut réduire ou refuser l’indemnité ou la réparation du tort moral lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l’ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
La réduction de l'indemnité pour faute concomitante du prévenu est le pendant de la possibilité de mettre à sa charge les frais de la procédure (Mizel/Rétornaz, op. cit., n. 2 ad art. 430 CPP).
8.1.2.
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la condamnation aux frais d'un prévenu acquitté ou mis au bénéfice d'un non-lieu et le refus de lui allouer une indemnité à titre de dépens ne sont admissibles que si l'intéressé a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. A cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, peut être déterminant (TF 6B_986/2010 du 8 août 2011 c. 2.1; ATF 120 Ia 147 c. 3b; ATF 119 Ia 332 c. 1b). Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais ou le refus d'une indemnité, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO (TF 6B_99/2011 du 13 septembre 2011 c. 5.1.2; ATF 119 Ia 332 c. 1b; Chapuis, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 2 ad art. 426 CPP). La relation de causalité est réalisée lorsque, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement de la personne concernée était de nature à provoquer l'ouverture de la procédure pénale et le dommage ou les frais que celle-ci a entraînés (TF 6B_99/2011 du 13 septembre 2011 c. 5.1.2). Enfin, la réduction ou le refus de l'indemnisation ne doit pas laisser entendre que le prévenu acquitté est tout de même coupable des infractions qui lui ont été reprochées (Mizel/Rétornaz, op. cit., n. 4 ad art. 430 CPP).
8.2.
En l'espèce, le lien de causalité entre les omissions de L._ et le résultat intervenu n'est certes pas donné. Toutefois, il a été démontré que ce dernier a violé de manière fautive ses devoirs de prudence, soit les règles de l'art médical.
Les actes de l'appelant peuvent être qualifiés de civilement répréhensibles. Il ne fait pas de doute que, par son comportement, L._ a provoqué la procédure pénale ouverte à son encontre. En outre, la faute civile de l'appelant est en relation de causalité avec l'ouverture de l'enquête pénale ainsi qu'avec les frais qu'elle a entraînés.
Dans ces circonstances, il convient de laisser les frais de première instance, fixé à 14'582 fr. 25, à sa charge en application de l'art. 426 al. 2 CPP. Comme mentionné plus haut, le refus de l'indemnité pour faute concomitante du prévenu est le pendant de la possibilité de mettre à sa charge les frais de la procédure. Partant, pour les mêmes motifs, il ne sera pas alloué d'indemnité à L._ pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.
III. Appels de B._ et L._
9.
En définitive, l'appel de B._ doit être rejeté. L'appel de L._ est, quant à lui, admis en ce sens qu'il est libéré du chef d'accusation d'homicide par négligence et qu'il n'est plus solidairement débiteur avec B._ de la somme de 23'560 fr. due aux plaignants à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure. Le jugement est confirmé pour le surplus.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de B._ par moitié, le solde étant laissé à la charge de l’Etat. Il n'y a en effet pas de motif pour mettre une partie des frais de la procédure d'appel à la charge de L._ dès lors qu'il a obtenu gain de cause en instance d'appel (art. 428 al. 1 CPP). Ce frais comprennent l'émolument qui se monte à 5'430 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]),
Quant aux dépens d'appel de l’appelant L._ (cf. art. 433 CPP), au vu de la complexité de la cause et de la procédure d'appel, il convient d'admettre que le conseil de choix de l'appelant a dû consacrer 12 heures à l'exécution de son mandat. Il convient dès lors de lui allouer le montant de 3'240 fr., correspondant à 12 heures au tarif horaire de 250 francs, TVA comprise. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9996df49-5ac4-4d71-ab35-f478c2f09bd5 | En fait :
A.
Par jugement du 19 juin 2015, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a notamment constaté qu’O._ s'est rendu coupable de complicité d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur (XIII), l'a condamné à une peine privative de liberté de 8 mois, sous déduction de 38 jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de 900 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l'amende étant de 9 jours (XIV), a suspendu l'exécution de la peine qui lui a été infligée et fixé un délai d'épreuve de deux ans (XV), a constaté qu’E._ s'est rendu coupable de complicité d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur et d'induction de la justice en erreur (XVI), l'a condamné à une peine privative de liberté de 9 mois, sous déduction de 28 jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de 600 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l'amende étant de 6 jours (XVII), a suspendu l'exécution de la peine privative de liberté qui lui a été infligée et fixé un délai d'épreuve de 2 ans (XVIII), a dit qu’O._ est le débiteur et doit immédiat paiement des montants de 16'800 fr., 8'100 fr., 24'400 fr., 8'300 fr. et 8'400 fr., aux différentes banques Z._ lésées (XIX), a dit qu’E._ est le débiteur et doit immédiat paiement des montants de 7'860 fr., 2'940 fr. et 980 fr. aux différentes banques Z._ lésées (XX), a dit qu’O._ et E._ doivent, solidairement entre eux, aux banques Z._ lésées solidairement entre elles, le montant de 10'000 fr. à titre de dépens (XXI), a statué sur les objets séquestrés (XXII à XXVI) et a fixé les frais et les dépens (XXVII à XXX).
B. a)
Par annonce du 30 juin 2015, puis déclaration motivée du 16 juillet 2015, O._ a formé appel contre le jugement précité, concluant, sous suite de frais et dépens, à sa réforme en sens qu'il est condamné à une peine pécuniaire assortie d'un sursis total d'une durée de deux ans, la quotité et le montant des jours-amende devant être fixés à dire de justice, que les prétentions civiles sont réduites et limitées à un montant total de 2'800 fr., réparti proportionnellement aux prélèvements effectués au moyen de sa carte bancaire, que les dépens alloués aux parties plaignantes et mis à sa charge sont conséquemment réduits et ce dans une mesure fixée à dire de justice et que les frais de la cause mis à sa charge sont conséquemment réduits, et ce également dans une mesure fixée à dire de justice.
b)
Par annonce du 19 juin 2015, puis déclaration motivée du 30 juillet 2015, E._ a formé appel contre le jugement précité, concluant, sous suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est condamné à une peine pécuniaire assortie d’un sursis total d’une durée de deux ans, la quotité et le montant des jours-amende devant être fixés à dire de justice, que les prétentions civiles des parties plaignantes sont réduites et limitées au montant de 2'000 fr., réparti proportionnellement aux prélèvements effectués au moyen de sa carte bancaire et que les dépens et frais de justice sont réduits dans une mesure fixée à dire de justice.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
1.1
O._ est né le [...] 1976 à [...] au Maroc, pays dont il est ressortissant. Il est au bénéfice du permis C. Il est divorcé et n’a pas d’enfant. Il travaille comme aide-cuisinier auprès de la société [...] SA, emploi pour lequel il est rémunéré à l’heure. Il réalise un salaire mensuel net moyen de 3'200 fr. par mois. Le Revenu d’Insertion complète son revenu en participant au paiement de son loyer qui s’élève à 1'735 fr. par mois. Sa prime d’assurance maladie est de 239 fr. 50 par mois. Le prévenu a en outre accumulé un arriéré d’impôts sur les deux dernières années de 7'000 fr. et doit trouver un arrangement avec le fisc afin de régler cette dette. Il a des poursuites se montant à 11'300 fr. qu’il n’est actuellement pas en mesure de payer.
Le casier judiciaire suisse d’O._ est vierge.
Dans le cadre de la présente cause, il a été détenu provisoirement du 4 février au 13 mars 2009, soit pendant trente-huit jours.
1.2
E._ est né le [...] 1978 à [...] au Maroc, pays dont il est ressortissant. Il est également au bénéfice du permis C. Il est marié et a une fille née le [...] 2009. Le prévenu a interrompu la formation qu’il avait entreprise à la Haute Ecole ARC Ingénierie à Neuchâtel après avoir échoué à ses examens. Il a trouvé un emploi au début du mois de novembre 2015 comme promoteur de produits auprès de l’agence [...]. Il effectue des missions ponctuelles pour le compte de cette agence qui sont rémunérées au tarif horaire de 25 fr., ce qui lui permet de réaliser un revenu mensuel de l’ordre de 800 fr. par mois. Son épouse touche un salaire d’environ 3'133 fr., allocations comprises, perçu treize fois l’an. Afin de compléter leurs revenus, la famille reçoit des prestations de l’aide sociale. Le loyer se monte à 1'243 fr. et les impôts du couple s’élèvent à 350 fr. par année. Les primes d’assurance maladie de la famille, partiellement subsidiées, se montent, après déductions, à un total de 412 fr. 60. Le prévenu a des poursuites pour environ 2'000 fr. et un arriéré fiscal de 1'000 fr. Il paie 50 fr. par mois pour solder cette dernière dette.
Le casier judiciaire suisse d’E._ est vierge.
Dans le cadre de la présente cause, il a été détenu provisoirement du 4 février au 3 mars 2009, soit pendant vingt-huit jours.
2
2.1
Préambule
Entre le 27 décembre 2008 et le 4 janvier 2009, T._, faisant l’objet d’une enquête séparée et signalé sous mandat d’arrêt international, a procédé, en compagnie d’un tiers non identifié, à septante-quatre retraits frauduleux aux bancomats de huit agences de la banque Z._, selon le mode opératoire suivant :
En premier lieu, le prénommé se faisait remettre par un tiers une carte bancaire et le code d’identification personnel, correspondant à un compte bancaire peu ou pas approvisionné. Par la suite, durant le week-end, l’un des comparses se rendait à un bancomat et demandait le retrait d’un montant variant entre 500 et 5'000 francs. Juste avant la sortie des billets, il forçait la machine à se mettre momentanément en mode panne, par une manipulation indéterminée du tiroir d’éjection des billets, ensuite de quoi il se saisissait des coupures déjà atteignables qui étaient restées bloquées. Le distributeur à billets, conformément à sa programmation en mode panne, enregistrait alors une ristourne du montant sur le compte concerné, qui n’était ainsi pas débité. Dans la semaine qui suivait les retraits frauduleux, le propriétaire de la carte annonçait mensongèrement le vol de sa carte.
En agissant de cette manière, T._ a obtenu au total les sommes de 180'580 fr. et de 11'800 euros au préjudice de huit agences Z._. En définitive, sept personnes ayant participés à titre secondaire à l’activité criminelle de T._ en Suisse ont été identifiées, dont O._ et E._.
2.2 Faits reprochés
2.2.1
A Lausanne, le 2 janvier 2009, vers 19h45, O._ a remis à T._, qu’il connaissait depuis deux ans sous le pseudonyme [...], en échange de la somme de 4'800 fr., sa carte bancaire Z._, ainsi que la carte bancaire [...] de son ami E._, avec l’accord de ce dernier.
Le soir même, vers 22h30, au distributeur à billets [...] de la Place Centrale, O._, se conformant à une mise en scène planifiée peu avant par T._, a participé à la simulation du vol de sa carte bancaire par l’individu non identifié susmentionné, devant les caméras de surveillance de la banque.
Toujours le même soir, vers 23h30, E._ a participé à la même mise en scène. Il a introduit sa carte puis le code dans le bancomat de la rue du Petit-Chêne. Lorsque la carte est ressortie, l’individu précité l’a prise, le prévenu faisant alors mine de ne pas s’en rendre compte. E._ a ensuite quitté les lieux et rejoint son ami O._, lequel lui a donné sa part, soit le montant de 2'000 francs.
Le 3 janvier 2009, T._ et/ou son comparse non identifié a/ont procédé, au moyen de la carte bancaire d’E._, à douze retraits aux bancomats des agences Z._ du Mont-sur-Lausanne, d’Epalinges, de Renens et de Crissier, obtenant frauduleusement la somme totale de 11'780 francs.
Entre le 3 et le 4 janvier 2009, T._ et/ou son comparse non identifié a/ont procédé, au moyen de la carte bancaire au nom d’O._, à vingt-sept retraits aux bancomats des agences Z._ de [...], du [...], de [...], d’ [...], de [...], de [...], d’ [...], de [...], de [...] et de [...], obtenant frauduleusement la somme totale de 67'000 francs.
2.2.2
Par courrier du 23 janvier 2009 adressé au Juge d’instruction de l’arrondissement de Vevey, E._ a déposé plainte contre inconnu pour le prétendu vol de sa carte bancaire le 2 janvier 2009, à Lausanne.
2.2.3
Huit plaintes pénales, avec constitution de partie civile (P. 208), ont été déposées par les agences Z._, à savoir :
-
la plainte déposée le 7 janvier 2009 par l’agence de [...], pour un retrait de 2'800 fr. au moyen de la carte d’O._ (P. 9) ;
-
la plainte déposée le 8 janvier 2009 par l’agence de [...], portant sur tous les retraits frauduleux effectués aux bancomats de Lausanne et d’Epalinges les 27 et 28 décembre 2008 et les 3 et 4 janvier 2009, pour un montant total de 55'225 fr. (P. 12/1) ;
-
la plainte datée du 10 janvier 2007, déposée par l’agence de [...], portant sur trois retraits frauduleux effectués à Etoy le 4 janvier 2009 au moyen de la carte d’O._, pour un montant total de 8'300 fr. (P. 13/1) ;
-
la plainte déposée le 9 janvier 2009 par l’agence du [...], portant sur tous les retraits frauduleux aux bancomats du Mont-sur-Lausanne, les 27 et 28 décembre 2008 et les 3 et 4 janvier 2009, pour un montant total de 44'640 fr. (P. 14/1) ;
-
la plainte déposée le 12 janvier 2009 par l’agence de [...], portant sur les retraits frauduleux effectués le 4 janvier 2009 à Gimel et Gland, au moyen de la carte d’O._, pour un montant total de 16'800 fr. (P. 15/1) ;
-
la plainte déposée le 12 janvier 2009 par l’agence d’ [...], portant sur les retraits frauduleux effectués à Crissier le 3 janvier 2009, au moyen de la carte d’E._, pour un montant total de 3'920 fr. (P. 16) ;
-
la plainte déposée le 20 janvier 2009 par Z._ Suisse, portant sur les retraits frauduleux effectués à la gare de Morges les 29 décembre 2008 et 3 janvier 2009, pour un montant total de 10'700 fr. (P. 20/1) ;
-
la plainte déposée le 23 janvier 2009 par l’agence du [...], portant sur les retraits frauduleux effectués au bancomat de Pully, pour un montant total de 17'900 fr. et 5'000 euros (PV aud. 1 ; P. 21/1 et 21/6). | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux par des parties ayant qualité pour recourir contre le jugement du tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0]), les appels formés par O._ et E._ sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves (TF 6B_78/2012 du 27 août 2012). L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Eugster, in : Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2
e
éd., Bâle 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP).
3.
Les appelants ne remettent pas en cause les faits retenus à leur charge, ni leur qualification juridique. Au vu des faits retenus sous lettre C.2 ci-dessus, O._ doit être reconnu coupable de complicité d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur et E._ de complicité d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur et d’induction de la justice en erreur.
Les appelants contestent en revanche les peines qui leur ont été infligées.
3.1
3.1.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1, p. 19 s.).
3.1.2
Conformément au principe de la proportionnalité, lorsque plusieurs peines entrent en considération et apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu de choisir celle qui restreint le moins sévèrement la liberté personnelle de l’intéressé, respectivement qui le touche le moins durement (ATF 134 IV 97 consid. 4.2.2, p. 101 ; ATF 134 IV 82 consid. 4.1, p. 85). A cet égard, une peine pécuniaire, qui atteint l’intéressé dans son patrimoine, constitue une sanction plus clémente qu’une peine privative de liberté qui l’atteint dans sa liberté personnelle. La priorité à donner à une peine pécuniaire correspond au demeurant à la volonté du législateur, dont l’un des principaux buts dans le domaine des sanctions a été d’éviter les courtes peines privatives de liberté, qui entravent la resocialisation de l’auteur (ATF 134 IV 97 consid. 4.2.2, p. 101/102 ; ATF 134 IV 60 consid. 4.3, p. 65). Le principe de proportionnalité n'oblige toutefois à donner la préférence à la peine pécuniaire que si cette dernière permet de sanctionner la culpabilité de l'auteur de manière équivalente. Dans le cas contraire, le juge peut renoncer à une peine privative de liberté (ATF 134 IV 82 consid. 4.1, p. 85).
Le choix du type de sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l’adéquation d’une sanction déterminée, de ses effets sur l’auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention (ATF 134 IV 97 consid. 4.2, p. 100 ; ATF 134 IV 82 consid 4.1, p. 84/85). La situation économique de l’auteur ou le fait que son insolvabilité apparaît prévisible ne constituent en revanche pas des critères pertinents pour choisir la nature de la sanction (ATF 134 IV 97 consid. 5.2.3, p. 104).
En vertu de l'art. 50 CP, le choix de la sanction, comme la quotité et la durée de celle qui est prononcée, doit être motivé de manière suffisante. La motivation adoptée doit permettre de vérifier si les éléments pertinents ont été pris en compte et comment ils ont été appréciés (cf. ATF 134 IV 1 consid. 4.2.1, p. 5 et les arrêts cités).
3.1.3
Selon l'art. 48 let. a ch. 2 CP, le juge atténue la peine si l'auteur a agi dans une détresse profonde. Selon la jurisprudence, il y a détresse profonde lorsque l'auteur est poussé à transgresser la loi pénale par une situation proche de l'état de nécessité, c'est-à-dire que, sous la pression d'une détresse particulièrement grave, il croit ne pouvoir trouver d'autre issue que la commission de l'infraction (ATF 107 IV 94 consid. 4a, p. 95). En outre, le bénéfice de cette circonstance atténuante ne peut être accordé que si l'auteur a respecté une certaine proportionnalité entre les motifs qui le poussent à agir et l'importance du bien qu'il lèse. Autrement dit, l'auteur doit s'être comporté d'une façon que la morale ne réprouve pas totalement. En revanche, l'absence de faute antérieure n'est pas requise (ATF 110 IV 9 consid. 2, p. 10).
Selon l’art. 48 let. e CP, le juge atténue la peine si l'intérêt à punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que l'auteur s'est bien comporté dans l'intervalle. L'atténuation de la peine en raison du temps écoulé depuis l'infraction procède de la même idée que la prescription. L'effet guérisseur du temps écoulé, qui rend moindre la nécessité de punir, doit aussi pouvoir être pris en considération lorsque la prescription n'est pas encore acquise, si l'infraction est ancienne et si le délinquant s'est bien comporté dans l'intervalle. Cela suppose qu'un temps relativement long se soit écoulé depuis l'infraction. Cette condition est en tout cas réalisée lorsque les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale sont écoulés. Le juge peut toutefois réduire ce délai pour tenir compte de la nature et de la gravité de l'infraction (ATF 140 IV 145 consid. 3.1 et les références citées).
3.1.4
L’art. 29 al. 1 Cst (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101) garantit à toute personne, dans une procédure judiciaire ou administrative, le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. A l’instar de l’art. 6 par. 1 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; RS 0.101), qui n’offre à cet égard pas une protection plus étendue, cette disposition consacre le principe de la célérité, en ce sens qu’elle prohibe le retard injustifié à statuer. Aux termes de l’art. 5 al. 1 CPP, les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié.
L’autorité viole cette garantie lorsqu’elle ne rend pas une décision qu’il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans le délai que la nature de l’affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable (cf. ATF 130 I 312 consid. 5.1, p. 331). Le caractère raisonnable du délai s’apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l’affaire, à l’enjeu du litige pour l’intéressé, à son comportement ainsi qu’à celui des autorités compétentes (ATF 135 I 265 consid. 4.4, p. 277 ; ATF 130 I 312 consid. 5.1, p. 331). A cet égard, il appartient au justiciable d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, que ce soit en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié (ATF 130 I 312 consid. 5.2, p. 332). Enfin, on ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut. Des périodes d'activité intense peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3, p. 56 s. ; 130 I 312 consid. 5.2, p. 332).
Le principe de la célérité impose aux autorités, dès le moment où l'accusé est informé des soupçons qui pèsent sur lui, de mener la procédure pénale sans désemparer, afin de ne pas maintenir inutilement l'accusé dans les angoisses qu'elle suscite. II s'agit d'une exigence posée à l'égard des autorités pénales, qui se distingue de la circonstance atténuante du temps relativement long, liée à l’approche de la prescription et qui suppose que l'accusé se soit bien comporté dans l'intervalle. Comme les retards dans la procédure pénale ne peuvent être guéris, le Tribunal fédéral a fait découler de la violation du principe de la célérité des conséquences sur le plan de la peine. Le plus souvent, la violation de ce principe conduira ainsi à une réduction de la peine, parfois même à la renonciation à toute peine ou encore à une ordonnance de non-lieu (en tant qu'ultima ratio dans des cas extrêmes ; ATF 117 IV 124 consid. 4d, p. 129 ; ATF 124 I 139 consid. 2a, p. 140/141). La jurisprudence a ainsi créé praeter Iegem des sanctions autonomes de nature matérielle (ATF 130 IV 54).
3.2 O._
O._ admet avoir cédé à la tentation, mais nie en revanche avoir imaginé l’ampleur de l’activité délictueuse des acteurs principaux. Il relève en particulier les regrets exprimés, la réparation partielle du préjudice causé et le temps écoulé depuis l’infraction. Il se plaint également de la nature de la sanction, le premier juge ayant dérogé au principe de la priorité de la peine pécuniaire, sans expliquer son choix.
La culpabilité du prénommé n’est pas anodine. En effet, il a, par pur appât du gain, remis, contre la promesse de 5'000 fr., sa carte bancaire Z._ avec son NIP à T._, qui était l’une de ses connaissances. Il a fermement négocié avec ce dernier pour recevoir une avance avant remise des pièces. Avec sa carte, les auteurs principaux ont effectués vingt-sept retraits pour un total de 67'000 fr. au préjudice de plusieurs agences [...]. Lors de l’enquête, l’appelant a admis qu’il savait que de l’argent serait frauduleusement retiré au moyen de sa carte. Même s’il ne pouvait chiffrer le montant du dommage à l’avance, il savait pertinemment que les auteurs allaient faire un usage illicite de cet objet et ainsi causer un dommage à la banque. Au demeurant, il ne pouvait qu’imaginer que le préjudice serait important vu la rémunération promise de 5'000 fr. pour la cession d’une carte bancaire. De plus, il a collaboré à tout le stratagème qui avait pour effet, d’une part, de lui permettre de détourner les soupçons qui auraient été portés sur lui, et, d’autre part, de cacher le plus longtemps possible le modus operandi des auteurs principaux. S’agissant de son comportement au cours de l’enquête, l’appelant n’a avoué les faits qu’à sa huitième audition, après sa mise en détention préventive et une confrontation avec son co-prévenu, qui l’avait mis en cause. Les regrets formulés par l’intéressé à l’audience de première instance sont plus que tardifs. Par ailleurs, s’il avait, devant le premier juge, reconnu devoir le montant de 2'800 fr. aux lésées, correspondant à son butin, il s’était opposé à ce que les séquestres opérés sur les montants de 2'390 fr. saisis sur sa personne lors de son interpellation et de 2'609 fr. 70 saisis sur son compte bancaire soient levés en faveur des banques concernées. A cet égard, il y a tout de même lieu de relever que, lors de la présente procédure d’appel, O._ a finalement renoncé à s’opposer à la levée des séquestres concernés.
A décharge, le premier juge a tenu compte de l’écoulement du temps, l’enquête étant ouverte depuis plus de six ans et le prévenu, qui n’avait pas d’antécédents, ayant continué à bien se comporter depuis lors. En l’occurrence, on doit relever que les deux tiers du délai de prescription, qui est de 15 ans (cf. art. 146 CP et art. 97 CP), sont loin d’être atteints. Il résulte toutefois du dossier que l’enquête a été extrêmement longue, ce qui peut pour l’essentiel se justifier en raison des nombreux prévenus et parties plaignantes de la cause. Reste que certains temps morts ne se justifient pas. Ainsi, à titre d’exemple, on peut relever qu’un premier avis de prochaine clôture avait été adressé aux parties en septembre 2010 et que l’acte d’accusation est daté du 9 janvier 2014. En outre, le jugement au fond n’a ensuite été rendu que le 1
er
juillet 2015. Pour ces motifs, il convient effectivement de tenir compte, et ce dans une mesure plus importante que ce qui a été considéré par le tribunal de première instance, du temps écoulé, comme un élément à décharge, dans le cadre de la fixation de la peine.
Au vu de ces éléments, la quotité de la peine prononcée par le premier juge est trop sévère et doit être réduite. En outre, le genre de la sanction retenu ne se justifie pas. En effet, l’appelant a un casier judiciaire vierge. De plus, comme on l’a vu, les faits sont anciens et l’intéressé n’a commis aucune infraction depuis lors. Il ne se justifie ainsi pas, pour des raisons de prévention spéciale, de prononcer une peine privative de liberté. Au vu des éléments qui précèdent, O._ doit être condamné à une peine pécuniaire de 210 jours-amende. En outre, l’amende prononcée à titre de sanction immédiate sera supprimée et la détention provisoire subie sera déduite.
L’intéressé réalise un revenu mensuel moyen net d’environ 3'200 fr. par mois. Il vit seul et n’a pas d’enfant à charge, de sorte que sa base mensuelle est de 1'200 francs. Sa prime d’assurance maladie est de 239 fr. 50. Il a un arriéré d’impôts qui s’élève à 7'000 fr. mais ne paie rien au fisc actuellement. Il a aussi des poursuites à hauteur de 11'300 fr., qu’il n’est à l’heure actuelle pas non plus en mesure de régler. Au regard de ces éléments, le montant du jour-amende doit être fixé à 30 francs.
3.3
E._
E._ relève qu’il ne pouvait imaginer les conséquences de son acte, surtout qu’il n’avait aucune idée du procédé utilisé par l’auteur principal. Il invoque également l’écoulement du temps, la violation du principe de la célérité, la détresse profonde, s’agissant du dépôt de plainte pour vol, ainsi qu’une incohérence dans le prononcé des sanctions, comparativement à la peine prononcée à l’encontre de J._.
Tout comme son co-appelant, E._ a, par appât du gain, vendu sa carte bancaire à T._, par l’intermédiaire d’O._, transaction à laquelle il a reçu une rémunération de 2'000 fr. sur l’avance de 4'800 fr. perçue par son comparse. Au moyen de sa carte, les auteurs principaux ont procédés à douze retraits frauduleux auprès de différentes banques Z._ pour un montant total de 11'780 francs. Au regard du montant perçu en échange de sa carte, il devait savoir que les auteurs allaient faire un usage illicite de cet objet et ainsi causer un dommage important aux banques. Afin d’assurer ses arrières, il a aussi participé à la mise en scène visant à simuler le vol de la carte. Par ailleurs, alors que l’enquête venait de s’ouvrir, et après avoir consulté pour la première fois un avocat, il n’a pas hésité à déposer une plainte pénale contre inconnu, pour le prétendu vol de sa carte, de sorte qu’il y a concours d’infraction. A propos de l’induction de la justice en erreur, on ne saurait retenir la détresse profonde au motif qu’il a lésé les intérêts de son épouse, car c’est cette dernière, et non pas lui, qui a pâti des infractions commises, dès lors qu’elle a été licenciée en raison des faits de la cause. S’agissant de la comparaison avec la peine prononcée à l’encontre de J._, condamnée à 120 jours-amende pour les mêmes infractions, il faut préciser que cette dernière, contrairement à l’intéressé, n’a pas effectué la mise en scène du vol de sa carte de bancaire. Par ailleurs, aucun retrait n’a abouti avec sa carte, de sorte qu’elle n’a été condamnée qu’à une tentative. En outre, J._ a mieux collaboré en cours d’enquête. Enfin, la Cour de céans est d’avis qu’elle a été condamnée à une peine trop clémente. Le comportement d’E._ n’a quant à lui pas été particulièrement exemplaire en cours d’enquête. Ainsi, il n’a admis les faits que lors de sa troisième audition, après sa mise en détention préventive. Les regrets exprimés lors de l’audience de première instance sont tardifs. Enfin, s’il a admis être le débiteur d’un montant de 2'000 fr., correspondant au profit tiré de son activité délictueuse, il a en revanche refusé que le séquestre opéré sur son compte bancaire soit levé en faveur des lésées.
A décharge, on doit, comme cela a été le cas pour son co-prévenu, tenir compte de la durée de la procédure et du fait que plus de six ans se sont écoulés depuis la commission des infractions. Il sera également tenu compte des excuses exprimées à l’attention du conseil des parties plaignantes lors de l’audience d’appel.
En comparaison d’O._, on doit relever qu’E._ a agi sur proposition de ce dernier, qu’il a mieux collaboré à l’enquête, qu’il a perçu un montant moindre de son activité délictueuse et qu’il a causé un préjudice moins important aux lésées. Il doit toutefois répondre d’une infraction supplémentaire. Au regard de l’ensemble des éléments qui précèdent, la même sanction que son co-prévenu doit lui être infligée. L’amende prononcée à titre de sanction immédiate sera également supprimée et la détention provisoire subie sera déduite.
A l’instar de son co-appelant, le genre de peine choisi ne se justifie pas, de sorte qu’E._ doit être condamné à une peine pécuniaire de 210 jours-amende. Le montant du jour-amende sera fixé à 10 francs. En effet, l’emploi qu’il vient de débuter ne lui procure qu’un revenu modique et sa famille perçoit une aide financière, notamment pour les primes d’assurance maladie.
4.
O._ soutient qu’il ignorait l’ampleur de l’activité délictueuse planifiée par les auteurs principaux, que son implication en tant que complice doit être fortement nuancée et que, sur le plan civil, l’entier du dommage subi par les parties plaignantes au moyen de sa carte de crédit ne saurait être mis à sa charge, sa participation à la réparation du dommage devant ainsi être limité au produit de l’infraction à laquelle il a pris part, soit 2'800 francs.
Quant à E._, il relève qu’il ignorait l’ampleur de l’activité délictueuse des auteurs principaux et qu’il n’a rien retiré de plus que le montant pour lequel il a vendu sa carte de débit, de sorte qu’il ne se justifie pas de mettre la totalité des montants retirés à sa charge.
4.1
A la teneur de l’art. 50 CO (Code des obligations du 30 mars 1911 ; RS 220), lorsque plusieurs ont causé ensemble un dommage, ils sont tenus solidairement de le réparer, sans qu’il y ait lieu de distinguer entre l’instigateur, l’auteur principal et le complice. Il s’agit d’un cas de solidarité passive découlant de la loi au sens de l’art. 143 al. 2 CO.
L'art. 50 al. 1 CO suppose que le dommage a été provoqué par une cause commune. Il faut donc que chaque auteur ait connu, ou pu connaître, en usant de l'attention nécessaire, la participation des autres à l'acte dommageable. Autrement dit, les auteurs doivent avoir coopéré consciemment pour parvenir à ce résultat. L'intensité de la participation des acteurs est sans pertinence sur le plan externe, c'est-à-dire à l'égard du lésé (ATF 115 II 42 consid. 1b ; Schnyder, Basler Kommentar, Obligationrecht I, 6
e
éd., 2015, nn. 5 ss ad art. 50 CO ; Werro, Commentaire romand, Code des obligations I, 2
e
éd., 2012, n. 5 ad art. 50 CO).
L’art. 50 al. 1 CO requiert également une faute commune. Soit tous les auteurs veulent la survenance du dommage (intention), soit ils ont au moins pris en compte que le préjudice pouvait arriver (dol éventuel), soit ils auraient pu l’écarter s’ils avaient prêté aux circonstances l’attention requise (négligence) (cf. art. ATF 127 III 257 consid. 6a ; Brehm, Berner Kommentar, 2013, nn. 7 ss ad. art. 50 CO).
4.2
A juste titre, les appelants ne contestent pas leur participation à l’infraction d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur en tant que complices. Il y a donc bien eu entre ceux-ci et les auteurs principaux une association dans l’activité dommageable. En effet, le 2 janvier 2009, O._ a remis sa carte bancaire Z._, ainsi que la carte bancaire [...] de son ami, E._, avec l’accord de ce dernier, à T._, en échange de la somme de 4'800 francs. Le même jour, les deux appelants se sont conformés à une mise en scène planifiée par les auteurs principaux afin de simuler le vol des cartes en question devant les caméras de surveillance des banques.
Les appelants, en vendant leur carte et en se prêtant à toute une mise en scène pour simuler le vol, savaient pertinemment que de l’argent serait retiré frauduleusement au moyen de leurs cartes et qu’un dommage serait ainsi causé aux banques concernées. Ils ne pouvaient que savoir que le butin des auteurs principaux serait important au regard de la rémunération promise de 5'000 fr. pour la cession de la carte.
Dans ces conditions, les deux appelants sont tenus de réparer solidairement le dommage causé avec les auteurs principaux en application de l’art. 50 CO. Pour les mêmes motifs, il n’y a pas lieu à réduction des dépens octroyés aux intimées. Pour le reste, la répartition des frais telle que prévue dans le jugement de première instance ne prête pas le flanc à la critique.
5.
En définitive, les appels sont partiellement admis et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants qui précèdent.
Vu l’issue de la cause, l’émolument d’arrêt, par 2’600 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), sera mis à la charge d’O._ et E._ chacun pour un tiers, soit 866 fr. 65, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
Sur la base de la liste d’opérations produite, une indemnité pour la procédure d’appel d’un montant de 1'920 fr. 25, TVA et débours inclus, sera allouée au défenseur d’office d’O._. Au vu du sort de l’appel, elle sera mise pour moitié, soit par 960 fr. 15, à sa charge (art. 428 al. 1 CPP), le solde étant laissé à la charge de l’Etat (art. 423 al. 1 CPP).
Selon la liste d’opérations produite, une indemnité pour la procédure d’appel d’un montant de 1'424 fr. 50, TVA et débours inclus, sera allouée au défenseur d’office d’E._. Au vu du sort de l’appel, elle sera mise pour moitié, soit par 712 fr. 25, à sa charge (art. 428 al. 1 CPP), le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
O._ et E._ ne seront tenus de rembourser à l’Etat la part mise à leur charge du montant des indemnités en faveur de leur défenseur d’office que lorsque leur situation financière le permettra.
Les parties plaignantes n’ayant pas conclu à une indemnité pour leurs frais de défense lors de la procédure d’appel, il n’y a pas lieu de leur en allouer une. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
99a1c0f5-0c11-43cd-8e82-159eb6d99aad | En fait :
A.
Par jugement du 16 mars 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a constaté que K._ s'était rendu coupable d'infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (I), a révoqué le sursis accordé à K._ le 19 novembre 2010 par le Préfet de Lausanne (II), condamné K._ à une peine privative de liberté de 100 (cent) jours, peine d'ensemble comprenant les faits réprimés le 19 novembre 2010 et ceux jugés en l'espèce (III), et mis les frais, arrêtés à 700 fr. (sept cents francs), à la charge de K._ (IV).
B.
En temps utile, K._ a déclaré faire appel contre le jugement précité.
Interpellé, le Ministère public de l'arrondissement de La Côte a indiqué, le 18 avril 2011, qu'il n'entendait ni présenter une demande de non-entrée en matière, ni déclarer un appel joint.
Une audience a eu lieu le 30 mai 2011, au cours de laquelle l'appelant a été entendu.
C.
Les faits tels qu'ils ressortent de la procédure d'instruction ainsi que des débats de première et de deuxième instance sont les suivants :
1.
Né le 8 juillet 1970 en Algérie, dont il est ressortissant, K._ est arrivé en Suisse il y a 13 ans. Divorcé de G._ et faisant l'objet d'une interdiction d'entrer en Suisse, l'appelant est sans emploi et a vécu au Centre [...] à Lausanne. Au jour de l'audience d'appel, il était incarcéré.
2.
Le casier judiciaire suisse de K._ mentionne les condamnations suivantes:
- le 14 janvier 2003, Kantonsgericht Graubünden, pour brigandage, rixe, vol (commis à réitérées reprises), vol (tentative) et dommages à la propriété, 16 mois d’emprisonnement;
- le 9 mars 2004, Kreispräsident Chur, pour infractions d’importance mineure (vol) (commis à réitérées reprises), 20 jours d’arrêts;
- le 25 avril 2005, Kreispräsident Rhäzüns, pour violation de domicile, 3 jours d’emprisonnement;
- le 30 mai 2005, Juge d'instruction de Lausanne, pour vol (tentative), vol, dommages à la propriété, rupture de ban, délit contre la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, concours d’infractions, cinq mois d’emprisonnement;
- le 15 novembre 2006, Juge d'instruction de Lausanne, pour rupture de ban, 3 mois d’emprisonnement;
- le 25 mai 2010, Cour de cassation pénale, Lausanne, pour injure, menaces (conjoint durant le mariage ou dans l’année qui a suivi le divorce), séjour illégal, délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants, contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants, concours (plusieurs infractions du même genre), peine privative de liberté d'un an;
- le 19 novembre 2010, Préfecture de Lausanne, pour séjour illégal, condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 10 fr., sursis à l’exécution de la peine, délai d’épreuve de 2 ans, ainsi qu’à une amende de 200 francs.
3.
Demandeur d'asile débouté, K._ a séjourné illégalement en Suisse dès le mois d'avril 2004. Dénoncé à la Préfecture de Lausanne, le prévenu faisait l'objet d'un rapport de dénonciation établi par la police judiciaire de la ville de Lausanne (rapport du 20 novembre 2009) pour un séjour illégal du 16 avril 2004 au 19 novembre 2009. Pour ce séjour, il a été condamné par prononcés préfectoraux des 28 septembre et 19 novembre 2010 (le second annulant et remplaçant le premier) à 90 jours-amende à 10 fr. le jour avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu'à une amende. Le prévenu est resté en Suisse nonobstant ses condamnations antérieures et le sursis accordé par le Préfet de Lausanne. Par ordonnance de condamnation du 24 novembre 2010, le Juge d'instruction de l'arrondissement de La Côte a sanctionné un (nouveau) séjour illégal du 28 septembre 2010 (date premier prononcé préfectoral mentionné plus haut) au 20 novembre 2010 (date de son interpellation). Le jugement attaqué fait suite à l'opposition formée par le prévenu à l'encontre de ladite ordonnance de condamnation.
4.
Au cours de la procédure, l'intéressé a allégué devoir rester dans notre pays pour des raisons médicales (procès-verbal d'audition du 19 novembre 2009). En première instance, il a contesté le caractère illégal de sa situation en Suisse, ainsi que le bien-fondé de certaines de ses précédentes condamnations. Il a en outre sollicité la clémence du juge en faisant valoir son indigence. Devant l'autorité de céans, l'intéressé a confirmé ses déclarations antérieures (procès-verbal d'audience du 30 mai 2011, p. 3). Il a indiqué être à ce jour détenu aux Etablissement de la plaine de l'Orbe où il travaille et reçoit 36 fr, par jour dont une partie est utilisée pour payer ses repas. Enfin, il a précisé qu'avant d'être incarcéré, il ne percevait que l'aide d'urgence, sous la forme d'une carte remise tous les 15 jours. | En droit :
1.1.
L'appel a été formé à temps. Il est formellement recevable.
1.2
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3, let. a à c).
2.
K._ remet en cause sa condamnation pour séjour illégal dans notre pays.
L'art. 115 al. 1 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (RS 142.20; LEtr) prévoit qu'est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus, ou d’une peine pécuniaire, quiconque (...) séjourne illégalement en Suisse, notamment après l’expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé (let. b).
En l'espèce, K._, dont la demande d'asile a été frappée d'une décision de non entrée en matière, a fait l'objet d'une procédure de renvoi, mesure suspendue le 16 avril 2004. Depuis cette date et malgré des recours non aboutis, le prénommé séjourne illégalement dans notre pays (rapport de dénonciation de la police judiciaire de la ville de Lausanne, p. 2). Interpellé par la police, l'intéressé a indiqué qu'il savait devoir rentrer en Algérie, mais qu'il devait rester en Suisse pour se soigner, après quoi, il s'en irait (procès-verbal d'audition du 19 novembre 2009, p. 3). Or, aucun élément au dossier ne permet d'établir les problèmes de santé allégués par l'intéressé. Ce motif ne peut donc pas être pris en considération pour rendre légitime la présence du prévenu en Suisse.
En séjournant sans autorisation sur notre territoire du 28 septembre au 20 novembre 2010, K._ s'est rendu coupable d'infraction à la LEtr, comme le constate à juste titre le premier juge.
3.
L'appelant invoque son indigence et conteste la peine.
Avant tout examen, il convient de préciser les faits à réprimer. A cet égard le jugement entrepris indique qu'il fixe une peine d'ensemble comprenant les faits réprimés le 19 novembre 2010 et ceux jugés en l'espèce [...]" (jugement p. 6).
Par "faits réprimés le 19 novembre 2010" il faut entendre ceux définis d'une manière qui lie l'autorité (art. 25 al. 3 et 26 de la loi sur les contraventions du 18 novembre 1969 en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010; aLContr, RSV 312.11) par le rapport de dénonciation établi par la Police judiciaire de Lausanne, lequel mentionne un séjour illégal en Suisse du 16 avril 2004 au 19 novembre 2009.
Au demeurant, les faits jugés en l'espèce ressortent de l'ordonnance de condamnation rendue le 24 novembre 2010 par le Juge d'instruction de l'arrondissement de La Côte qui sanctionne un séjour illégal du 28 septembre au 20 novembre 2010, et qui est examinée dans le jugement entrepris.
Il s'agit donc d'examiner la conformité au droit de la peine d'ensemble infligée après révocation du sursis par le premier juge pour sanctionner deux séjours illégaux qui se sont déroulés du 16 avril 2004 au 19 novembre 2009, puis du 28 septembre au 20 novembre 2010.
4.
4.1.
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Les critères, énumérés de manière non exhaustive par cette disposition, correspondent à ceux fixés par l'art. 63 aCP et la jurisprudence élaborée en application de cette disposition (ATF 134 IV 17 c. 2.1). Cette jurisprudence conserve toute sa valeur, de sorte que l'on peut continuer à s'y référer (ATF 129 IV 6 c. 6.1, p. 21). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole pas le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1 et 129 IV 6, op. cit.).
D'après l'art. 46 al. 1 CP si, durant le délai d’épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu’il y a dès lors lieu de prévoir qu’il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Il peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d’ensemble conformément à l’art. 49 CP. Il ne peut toutefois prononcer une peine privative de liberté ferme que si la peine d’ensemble atteint une durée de six mois au moins ou si les conditions prévues à l'art. 41 CP sont remplies.
Désormais, seul un pronostic défavorable peut justifier la révocation; à défaut d'un tel pronostic, le juge doit renoncer à la révocation (cf. art. 46 al. 2 CP). Autrement dit, la révocation ne peut être prononcée que si la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve (cf. Message relatif à la modification des dispositions générales du code pénal, FF 1787 ss, 1862, cité in TF du 30 août 2007 6B_296/2007, c.1.2).
L'art. 41 CP pose que le juge peut prononcer une peine privative de liberté ferme de moins de six mois uniquement si les conditions du sursis à l’exécution de la peine (art. 42) ne sont pas réunies et s’il y a lieu d’admettre que ni une peine pécuniaire ni un travail d’intérêt général ne peuvent être exécutés (al. 1).
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. Le juge doit par ailleurs motiver sa décision de manière suffisante (art. 50 CP). Sa motivation doit permettre de vérifier s'il a été tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (cf. ATF 134 IV 5 c. 4.2.1; ATF 128 IV 193 c. 3a; 118 IV 97 c. 2b). Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (cf. ATF 134 IV 5 c. 4.2.2).
4.2
En l'espèce, il appert que la perspective sérieuse de devoir exécuter la peine infligée par le Préfet de Lausanne n'a eu aucun effet dissuasif sur l'appelant qui a poursuivi son séjour illégal durant le délai d'épreuve. Au demeurant, l'intéressé, qui n'a pas pris conscience du caractère illégal de son comportement, montre clairement qu'il n'a pas l'intention de quitter notre pays. Une nouvelle mise à l'épreuve n'aurait donc pas davantage de succès. Ainsi, le pronostic quant au comportement futur de l'appelant apparaît clairement défavorable. Les conditions de la révocation du sursis étaient donc réunies, ce que constate à juste titre le jugement entrepris.
On relèvera en outre que l'appelant, requérant d'asile débouté, séjourne sans droit en Suisse depuis 2004. Il a fait l'objet de plusieurs condamnations, dont la dernière le 19 novembre 2010. Outre les récidives spéciales, le prévenu a fait montre -par ses déclarations en cours de procédure- de la méconnaissance du caractère répréhensible de son comportement, ainsi que de son incompréhension face à ses condamnations. Jusqu'à ce jour, aucune sanction (ou menace de sanction) n'a pu le détourner de son comportement délictueux.
Enfin, l'appelant a persisté dans sa délinquance nonobstant plusieurs condamnations antérieures, la dernière étant une peine de jour-amende avec sursis. Dans ces conditions, une peine pécuniaire peut être exclue pour des motifs de prévention spéciale s'agissant d'un condamné qui présente une insensibilité à toutes les formes de sanction et doit savoir que ses récidives sont sanctionnées par des peines privatives de liberté. Au demeurant, K._ était détenu aux Etablissement de la plaine de l'Orbe au jour de l'audience; il y travaillait et recevait 36 fr. par jour dont une partie était utilisée pour payer ses repas. Avant d'être incarcéré, il ne percevait que l'aide d'urgence, sous la forme d'une carte remise tous les 15 jours. Ainsi, même au montant minimal, une peine pécuniaire contraindrait l'appelant à se priver du nécessaire, voire de l'indispensable. Elle n'est pas adéquate.
Au surplus, K._ été signalé au système de recherche informatisée de police (RIPOL) sous la rubrique "interdiction d'entrée en Suisse" (procès-verbal d'audition du 19 novembre 2009, p.3). Cette situation peut se traduire à tout moment par un départ forcé. Cette seule circonstance s'oppose déjà au prononcé d'un travail d'intérêt général. Au demeurant, cette sanction également est également inadéquate compte tenu de la récente incarcération de l'intéressé.
Vu ce qui précède, c'est à juste titre que le premier juge a prononcé une courte peine privative de liberté ferme, les conditions des art. 46 al.1 et 41 al.1 CP étant réalisées.
4.3
Enfin, la quotité de la peine infligée à K._ tient compte de ses nombreux antécédents (le casier judiciaire suisse du prénommé fait état de sept condamnations), de l'absence d'éléments à décharge, et des éléments à charge (absence de remise en question, absence de volonté de s'amender). En tout état de cause, elle n'apparaît pas exagérément sévère si l'on considère que l'intéressé réside sur notre territoire de manière illégale depuis quelque sept ans, cela en dépit de plusieurs condamnations. Compte tenu de ces circonstances, le tribunal aurait, en effet, pu prononcer une peine proche du maximum prévu par l'art. 115 LEtr (un an de prison). La quotité de la peine infligée à l'intéressé (100 jours de prison) ne représente même pas le tiers de ce maximum, ce qui respecte le droit fédéral (art. 47 CP).
5.
En définitive, l'appel apparaît mal fondé et doit être rejeté, ce qui entraîne la confirmation du jugement entrepris.
6.
Vu le rejet de l'appel, K._ supportera également les frais de la procédure d'appel (art. 428 al. 1 CPP), fixés en application de l'art. 21 du tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010 (TFJP; RSV 312.03.1). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
99f63cd1-6177-453f-bca5-b0e66daba066 | En fait :
A.
Par jugement du 12 décembre 2013, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a constaté que S._ s’était rendu coupable de violation simple des règles de la circulation routière (I) ; l’a condamné à une amende de 600 fr. et dit que la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l’amende serait de six jours (II) ; a mis les frais de justice, par 700 fr., à sa charge (III).
B.
Par annonce d’appel du 16 décembre 2013 puis par déclaration d’appel motivée du 7 janvier 2014, S._ a formé appel contre le jugement précité, concluant principalement à son annulation, la cause étant renvoyée à l’autorité de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants, subsidiairement à sa réforme en ce sens qu’il est libéré de l’accusation de violation simple des règles de la circulation routière.
Par courrier du 14 janvier 2014, le Ministère public a déclaré s’en remettre à justice s’agissant de la recevabilité de l’appel et a renoncé à déclarer un appel joint.
Par avis du 17 janvier 2014, la Présidente a informé l’appelant que son appel serait traité d’office en procédure écrite et par un juge unique.
Dans le délai qui lui avait été imparti, l’appelant a déposé un mémoire motivé complémentaire, lequel reprend ses conclusions initiales.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissant de Serbie-Montenegro né en 1976, S._ est père de deux enfants mineurs. Il vit actuellement séparé de son épouse et contribue à l’entretien des siens par le versement d’une contribution d’entretien de 3'000 fr. par mois.
Travaillant pour le compte de l’entreprise M._ SA, il réalise un salaire mensuel net d’environ 6'000 fr., treizième inclus. Propriétaire d’un bien immobilier mis en location, il perçoit des revenus locatifs à hauteur de 100'000 fr. par an.
Son casier judiciaire fait état des condamnations suivantes :
- 7 février 2007, Préfecture de Moudon, amende de 680 fr. pour violation grave des règles de la circulation routière ;
- 26 février 2010, Préfecture de Lausanne, peine pécuniaire de 25 jours-amende à 50 fr. le jour-amende avec sursis pendant deux ans, et amende de 1'000 fr., pour emploi d’étrangers sans autorisation ;
- 21 janvier 2011, Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois, peine pécuniaire de 150 jours-amende à 40 fr. le jour-amende avec sursis pendant quatre ans, et amende de 2'400 fr., pour emploi d’étrangers sans autorisation et violation grave des règles de la circulation routière.
Au fichier ADMAS du Service des automobiles et de la navigation figurent trois mentions de retraits de permis pour vitesse excessive, la dernière mesure, datée du 9 septembre 2010, faisant état d’un retrait de permis pour treize mois.
2.
Le 11 avril 2013 à 10 h 10, sur l’autoroute Lausanne-Simplon, chaussée Lac, dans le district de la Riviera-Pays d’Enhaut, sur une distance de près d’un kilomètre, dès le km 36.000 (Montreux-Villeneuve), S._ a circulé au volant de sa voiture, à 80 km/h, à une distance de cinq à six mètres du véhicule qui le précédait. Il a été interpellé à la jonction de Villeneuve par une patrouille de police.
Par ordonnance pénale du 23 mai 2013, le Préfet l’a condamné, pour violation simple des règles de la circulation, à une amende de 300 fr., la peine privative de liberté de substitution étant fixée à trois jours et les frais, par 50 fr., mis à sa charge.
Contestant les faits qui lui étaient reprochés, le prévenu a formé opposition à cette ordonnance. La Préfète a maintenu sa décision et transmis le dossier de la cause au Ministère public central, qui l’a fait suivre à l’autorité de première instance en vue des débats.
Devant le Tribunal de police, S._ a une nouvelle fois contesté la version des faits retenue. Il soutenait avoir un régulateur de vitesse permettant de contrôler la distance le séparant du véhicule le précédant. En l’espèce il aurait circulé à plus de vingt mètres de la voiture devant lui. Le premier juge a toutefois estimé qu’il n’y avait aucune raison de mettre en doute les constatations faites par les agents de la police cantonale habitués à constater ce type d’infraction. Il était peu probable qu’ils confondent 5 et 20 mètres. Leurs explications étaient précises et fiables. La fiabilité des déclarations du prévenu était au contraire sujette au doute, notamment quant au fait qu’il aurait enclenché le régulateur de vitesse, dès lors qu’il avait déjà été condamné et que son permis était en jeu. | En droit :
1. a)
Selon l'art. 399 al. 1 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0), l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les formes et délais légaux contre le jugement du tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l’appel de S._ est recevable.
b)
S'agissant d'un appel dirigé contre une contravention, la procédure est écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause relève de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 , RSV 312.01]).
Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l’état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d’importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22-23 ad art. 398 CPP).
c)
En l’espèce, seule une contravention à la législation sur la circulation routière a fait l’objet de l’accusation et du jugement de première instance, de sorte que l’appel est restreint.
2.
L’appelant conteste les faits et invoque la présomption d’innocence. Il reproche au premier juge d’avoir considéré que les explications des policiers étaient précises et fiables.
a)
La présomption d'innocence, qui est garantie par l'art. 32 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (ATF 127 I 38 c. 2a; TF 6B_562/2010 du 28 octobre 2010 c. 2.1.1; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1).
Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_562/2010 du 28 octobre 2010 c. 2.1.1; TF 6B_831/2009 précité c. 2.2.2). Des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a). Dans cette mesure, l'appréciation des preuves se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence.
b)
S._ soutient tout d’abord que le rapport de police n’indique pas clairement où les faits litigieux se seraient produits.
Cela n’est pas exact dès lors que le rapport de police mentionne en page 2, sous la rubrique « Endroit », que les gendarmes circulaient sur l’A9 Lausanne-Simplon, chaussée lac, et qu’ils ont constaté l’infraction dès le km 36 (Montreux-Villeneuve), sis dans le district de la Riviera-Pays d’Enhaut.
c)
L’appelant soutient que les policiers ne pouvaient pas constater l’infraction, en raison de la configuration des lieux, des conditions du moment, de la densité du trafic et de leur angle de vision notamment.
En l’occurrence, les faits se sont déroulés en pleine journée. Il y avait des travaux et la circulation se faisait en file. Il ressort du rapport de police que les policiers circulaient sur la voie de droite, alors que le prévenu se tenait sur la voie de gauche. De plus, le dénonciateur, entendu lors des débats, a expliqué que la patrouille avait été dépassée par le prévenu, ce qui lui avait permis de constater la distance insuffisante. Les gendarmes ont ensuite suivi l’intéressé sur environ un kilomètre et n’ont pas constaté de changements à la distance qui séparait la voiture du prévenu et celle qui le précédait. Ces explications sont cohérentes et convaincantes, les dénonciateurs ayant au demeurant l’habitude d’estimer les distances et étant assermentés. On relèvera enfin qu’il ressort du rapport de police que, lors de son interpellation, le prévenu a fini par admettre les faits et reconnaître qu’il circulait effectivement à une distance de cinq à six mètres du véhicule qui le précédait.
d)
L’appelant se plaint aussi du fait que le rapport de police n’indique pas à quelle vitesse lui-même ou les policiers circulaient, qu’aucun élément ne permet de la définir, le dénonciateur n’étant à cet égard pas crédible en ne s’en souvenant que lors de l’audience.
Ces allégations de l’appelant sont inexactes. Il ressort en effet du rapport de police que le prévenu roulait à une vitesse d’environ 80 km/heure. Aux débats, le dénonciateur a expliqué qu’il avait fait cette estimation parce que la patrouille roulait elle-même à 75 km/h et qu’elle avait été dépassée. Cette explication est claire.
e)
L’appelant fait valoir en dernier lieu que son véhicule est pourvu d’un régulateur de vitesse, qui l’oblige à freiner s’il est trop proche de la voiture précédente ; ce dispositif est selon lui « configuré d’usine et ne nécessite pas de manipulation particulière ». Il aurait été enclenché le jour en question.
En l’occurrence, rien, à part les déclarations du prévenu, ne prouve que le dispositif était enclenché au moment des faits. L’intéressé, qui a de mauvais antécédents en matière de circulation routière et est directement intéressé au sort de la cause, n’est à cet égard pas crédible dans la mesure où ses allégations se heurtent aux constatations des policiers. Du reste, il est conseillé par le fabricant du véhicule – cela ressort aussi de la notice technique produite – de n’utiliser le régulateur de vitesse adaptatif que « quand les conditions sont favorables, c'est-à-dire sur routes droites, sèches et dégagées avec peu de circulation » (cf. notice technique, p. 154). Il est dès lors fort peu probable qu’il ait été mis en marche dans des conditions de circulation telles que celles rencontrées au moment des faits litigieux.
Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, il ne subsiste pas de doute raisonnable quant à la culpabilité de S._. C’est dès lors à bon droit que le tribunal a considéré qu’il s’était rendu coupable de violation simple des règles de la circulation. L’appelant ne conteste pas la qualification juridique des faits ni la sanction prononcée.
3.
En définitive, l’appel doit être rejeté et le jugement du 12 décembre 2013 intégralement confirmé.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel doivent être mis à la charge de S._, qui succombe (art. 426 al. 1 et 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9a0c7bca-d92d-4925-8b76-2d837ee01271 | En fait :
A.
Par jugement du 18 août 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a constaté que C._ s'était rendue coupable de violation simple des règles de la circulation et d'opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire (I), l'a condamnée à soixante jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 30 fr., avec sursis pendant deux ans, ainsi qu'à une amende de 300 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non paiement de l'amende étant de dix jours (II), et a mis les frais de la cause, par 1'500 fr., à la charge de C._ (III).
B.
Le 23 août 2011, C._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 20 septembre 2011, elle à conclu à la réforme du jugement en ce sens qu'elle est libérée des infractions de violation simple des règles de la circulation et d'opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, aucune peine ne lui étant par conséquent infligée et les frais de première instance étant laissés à la charge de l'Etat. EIle n’a pas requis l’administration de preuves.
Le Ministère public n'a présenté aucune demande de non-entrée en matière, ni aucun appel joint, ni déposé de conclusions motivées dans le délai imparti.
Aux débats de ce jour, l'appelante a confirmé ses conclusions.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Née le 20 juin 1956, C._ travaille en qualité de secrétaire à 70%. Elle perçoit un revenu d'environ 3'200 fr. par mois, versé treize fois l'an. Divorcée, elle vit avec sa fille de 17 ans, qui est en apprentissage et pour laquelle elle reçoit une contribution d'entretien de 1'000 fr. par mois. La prévenue est propriétaire de la maison qu'elle habite, dont la dette hypothécaire s'élève à 150'000 fr., ce qui représente environ 1'000 fr. de charges par mois. Elle paie mensuellement 200 fr. pour son assurance-maladie de base. Elle n'a ni dette, ni fortune particulière. Son casier judiciaire est vierge de toute inscription.
2.
Le 3 février 2010, à 00h05, à la rue [...], à Gingins, C._, qui effectuait une marche arrière sur un parking au volant de son véhicule, a heurté avec l'arrière de sa voiture le véhicule de J._, garé à proximité. A la suite de l'accrochage, elle s'est entretenue un instant avec cette dernière, avant de rentrer à son domicile distant de quelques mètres. Comme elle estimait que la prévenue ne l'avait pas suffisamment renseignée à son sujet, J._ a fait appel à la police. Une fois chez elle, la prévenue a reçu un premier coup de fil de la police la priant de se rendre sur les lieux de l'accident, ce qu'elle a refusé de faire. Arrivés dans la cour de sa maison, les gendarmes ont appelé l'intéressée une seconde fois en lui demandant de les rejoindre, ce qu'elle a à nouveau refusé. La prévenue ayant toutefois accepté de leur parler devant son domicile, les policiers s'y sont aussitôt rendus; ils ont alors constaté qu'elle présentait les signes d'une alcoolisation (odeur d'alcool, yeux injectés, visage rouge). Arguant qu'elle avait consommé de l'alcool postérieurement à l'accident, l'intéressée a refusé de suivre les policiers et de se soumettre à un contrôle de son état physique. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L'appelante conteste tout d'abord sa condamnation pour violation simple des règles de la circulation.
3.1
Aux termes de l'art. 31 al. 1 LCR (Loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958, RS 741.01), le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence. La maîtrise du véhicule signifie que le conducteur doit être à tout moment en mesure d'actionner rapidement les commandes de son véhicule en mouvement, de façon à manœuvrer immédiatement d'une manière appropriée aux circonstances en présence d'un danger quelconque (JT 1990 I 690).
Selon l'art. 90 ch. 1 LCR, celui qui aura violé les règles de la circulation fixées par la présente loi ou par les prescriptions d’exécution émanant du Conseil fédéral sera puni de l’amende. L'art. 100 al. 1 LCR prévoit que, sauf disposition expresse et contraire de la loi, la négligence est aussi punissable et que dans les cas de très peu de gravité, le prévenu sera exempté de toute peine.
3.2
En l'espèce, C._ a heurté, lors d'une marche arrière, le véhicule de J._ qui était stationné à proximité et en dehors d'une place de parc en raison de la neige.
Ainsi, l'appelante n'a tout simplement pas vu le véhicule parqué et a, à l'évidence, fait preuve d'inattention lors de sa manœuvre. Le fait que cette voiture n'était pas correctement parquée ne change rien à la faute de la prévenue, qui a d'ailleurs admis à la police n'avoir pas remarqué le véhicule en raison de ses vitres teintées (PV aud. 1, p. 2
in initio
); l'intéressée devait d'autant plus prêter attention aux autres véhicules stationnés sur le parking qu'il y avait de la neige et qu'il faisait nuit.
Un tel comportement est bien constitutif d'une violation simple des règles de la circulation au sens de l'art. 90 ch. 1 LCR.
4.
L'appelante conteste ensuite sa condamnation pour opposition aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire.
4.1
Selon l'art. 91a LCR, quiconque, en qualité de conducteur de véhicule automobile, se sera opposé ou dérobé intentionnellement à un prélèvement de sang, à un alcootest ou à un autre examen préliminaire réglementé par le Conseil fédéral, qui avait été ordonné ou dont il devait supposer qu'il le serait, ou quiconque se sera opposé ou dérobé intentionnellement à un examen médical complémentaire ou aura fait en sorte que des mesures de ce genre ne puissent atteindre leur but, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
Cette disposition prévoit trois hypothèses alternatives, à savoir l'opposition, la dérobade et l'entrave à la constatation de l'alcoolémie.
4.1.1
L’opposition suppose que la mesure a été ordonnée. Si on se trouve au stade d’une mesure probatoire dans une procédure pénale, l’autorité compétente est désignée par l’art. 198 CPP, sinon, elle l’est par le droit cantonal. Il est nécessaire que les circonstances autorisaient à donner l’ordre et que la décision ait été prise par l’autorité compétente. L’acte délictueux consiste à refuser la mesure. Le refus peut être exprès ou résulter d’actes concluants. Par exemple, il y a refus si l’auteur, sans exprimer verbalement son opposition, résiste, n’ouvre pas sa porte ou s’enfuit (cf. Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3
ème
éd., Berne 2010, n. 15 ad art. 91a LCR).
4.1.2
La dérobade est liée à la violation des devoirs en cas d'accident et constitue un autre cas de figure que l’opposition.
4.2
En l’espèce, il n’est pas contesté que C._ a rempli ses devoirs de conductrice suite à un accident n’impliquant que des dommages matériels.
Reste que l’appelante s’est expressément opposée à une mesure ordonnée par les policiers qui sont intervenus sur place peu après les faits. En effet, une fois chez elle, elle a reçu deux appels de la police la priant de se rendre sur les lieux de l’accident, ce qu’elle a à chaque fois refusé de faire. Les gendarmes se sont alors présentés quelques minutes après devant son domicile et lui ont demandé de les suivre, ce qu’elle a, encore une fois, refusé. Elle a également refusé de se soumettre à un contrôle de son état physique. Ainsi, alors qu’elle venait d’être impliquée dans un accident de la circulation comme conductrice et informée que la lésée avait sollicité la police, l’appelante a, en toute connaissance de cause et bien que dûment avisée des conséquences, refusé de se soumettre au test à l'éthylomètre requis et ordonné par la police.
Par ailleurs, on doit admettre que les circonstances autorisaient à donner l’ordre en question. En effet, même si aucune allusion n’avait été faite auparavant à un appel à la police, la lésée J._ était parfaitement libre de recourir aux forces de l’ordre, dès lors qu’elle n’avait pas obtenu tous les renseignements souhaités suite à l’accident et qu'elle avait constaté que l’appelante était sous l’influence de l’alcool. Au surplus, compte tenu de la nature et du déroulement de l’accident, des informations données par la lésée aux gendarmes et des constatations opérées directement par ces derniers, qui ont évoqué des indices manifestes d’ébriété et une consommation supérieure à celle de deux bières évoquées après l’accident, les policiers pouvaient valablement et légitimement ordonner un contrôle à l’éthylomètre. Certes, la prévenue a peut-être bu une ou deux bières entre l’accident et l’intervention policière; il n'en demeure pas moins qu’au regard de l’ensemble des témoignages, plus particulièrement des déclarations de J._, du compagnon de cette dernière ainsi que des policiers, et compte tenu du comportement de l'appelante lors de l’accident, qui n’a ni vu le véhicule derrière elle, ni la lésée s’accrocher à sa porte (PV aud. 4, p. 1), une consommation antérieure aux faits litigieux ne fait aucun doute. Cette consommation n’est au demeurant pas totalement niée par l'intéressée, qui reconnaît avoir bu deux verres de vin rouge avant l'accident (PV aud. 1, p. 1; PV aud. 2, p. 1; jugt, p. 3).
Enfin, la police était bel et bien compétente pour ordonner la mesure. En effet, en application des art. 15 al. 2 CPP et 1 LPJu (Loi vaudoise sur la police judiciaire du 3 décembre 1940, RSV 133.15), la police enquête notamment sur dénonciation de particuliers, comme cela a été le cas en l’occurrence.
Pour le reste, C._ ne saurait valablement se prévaloir de la jurisprudence relative à la dérobade, dès lors qu’en l’espèce, c’est une opposition qui lui est reprochée.
Dans ces conditions, la condamnation de la prévenue pour opposition aux mesures visant à déterminer l’incapacité de conduire ne viole pas le droit fédéral et peut donc être confirmée.
5.
Finalement, l'appelante demande à ce qu'aucune peine ne lui soit infligée et que les frais de première instance soient laissés à la charge de l'Etat.
Il sied de relever que l'intéressée fait dépendre ses griefs uniquement de sa libération complète des chefs d'accusations retenus contre elle. Or, dans la mesure où ceux-ci doivent être confirmés, comme on l'a vu ci-avant, il n'y a pas lieu de revenir sur l'appréciation de la fixation de la peine par le premier juge, si ce n'est pour constater que ce dernier a tenu compte, à décharge, de l’absence d'antécédents alors que, selon la jurisprudence, il s’agit d’un élément neutre (cf. ATF 136 IV 1 c. 2.6.4). Pour le surplus, l’appréciation n’est pas critiquable et la peine prononcée en première instance peut être confirmée.
Le tribunal était dès lors parfaitement fondé à mettre les frais de la cause à la charge de la prévenue.
6.
En conclusion, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de C._ (art. 428 al. 1, 1
ère
phrase, CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9a149944-b42a-48ee-8a09-96ad78bb8a1b | En fait :
A.
Par jugement du 14 juillet 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a rejeté l'appel interjeté contre le prononcé préfectoral du 4 août 2010 de la Préfecture de Lausanne (I), a condamné S._ pour violation simple des règles de la circulation routière à une amende de 300 fr.
(trois cents francs) (II), a dit qu'en cas de non paiement fautif, la peine privative de liberté de substitution sera de 3 (trois) jours (III) et a mis les frais de la cause, par
400 fr. (quatre cents francs) à la charge de S._ (IV).
B.
Le 26 juillet 2011, S._ a annoncé faire appel contre le jugement précité. Par déclaration d'appel motivée du 10 août 2011, il a conclu à l'annulation du jugement et à une indemnité de 400'000 francs.
Le 18 août 2010, le Ministère public a annoncé qu'il n'entendait pas présenter une demande de non-entrée en matière, ni déclarer un appel joint.
Par courrier du 15 septembre 2011, l'appelant a été informé que l'appel sera d'office traité en procédure écrite et un délai au 30 septembre 2011 lui a été imparti pour déposer un mémoire motivé.
Le 30 septembre 2011, S._ a complété son appel.
Le 9 novembre 2011, les parties ont été informées qu'il sera statué sans plus ample échange d'écritures.
C.
Les faits retenus sont les suivants:
1.
S._, de nationalité suisse, est né le 14 février 1955 à Le Chenit/Vaud. Il est enseignant privé et est domicilié à Lausanne.
2.
Le 13 avril 2010 à 7h55, S._ circulait au guidon de son cycle et descendait le chemin de Rovéréaz à Lausanne. Comme chaque matin, le trafic était dense et une file de voitures s'était formée dans la descente du chemin de Rovéréaz jusqu'au giratoire du Pont de Chailly. Comme il ne pouvait pas longer la file de voitures par la droite dès lors que certains véhicules ne laissaient pas un passage à droite, il décida d'emprunter la voie inverse de circulation et contourna l'îlot séparateur de trafic situé à l'intersection du chemin de Rovéréaz et du chemin du Devin. Juste après l'îlot, il heurta l'avant gauche du véhicule de U._ qui obliquait à gauche, en direction du chemin du Devin, quittant la file de voitures du chemin de Rovéréaz. S._ a chuté sur la chaussée et a subi des égratignures et des contusions à la hanche, à l'épaule, au coude gauche et son genou droit a été éraflé. Le véhicule de U._ a été endommagé, mais son conducteur n'a pas été blessé.
Entendu par la police sur les lieux de l'accident, U._ a déclaré qu'il avait enclenché ses clignotants et avait constaté qu'aucun véhicule ne montait le chemin de Rovéréaz lorsqu'il s'est engagé pour se rendre à la boulangerie située au chemin du Devin. S._ a, quant à lui, toujours soutenu que les clignotants n'étaient pas enclenchés et que U._ avait brusquement tourné à gauche pour emprunter le chemin du Devin alors qu'il descendait le chemin de Rovéréaz, sans présélection à gauche.
Aux débats de première instance, l'appelant a admis qu'il avait passé à gauche de l'îlot directionnel. Il a indiqué qu'il ne pouvait pas procéder différemment s'il ne voulait pas être exposé aux gaz d'échappement des voitures en file, ce qui aurait été très nuisible à sa santé. En outre, il a déclaré que son choix de circulation avait été rendu inéluctable par le comportement des automobilistes qui ne respectaient pas les prescriptions de la législation sur la circulation routière, lesquelles imposaient aux voitures de rouler sur la gauche des voies et aux cyclistes de circuler sur la droite des mêmes voies. Durant l'instruction, S._ a reconnu que le croquis établi par la police le 13 avril 2010, annexé au rapport du 21 avril 2010, plaçait correctement le point d'impact entre son cycle et le véhicule accidenté.
3.
Par prononcé préfectoral avec citation du 4 août 2010, le Préfet a constaté que S._ s'était rendu coupable d'infraction simple à la LCR (I), l'a condamné à une amende de 300 fr. (II), a dit qu'à défaut de paiement la peine privative de substitution sera de trois jours (III) et a mis les frais par 240 fr. à sa charge (IV).
Le prononcé précité contient les constations suivantes: v
u la dénonciation de S._ par la Police communale de Lausanne du 21.04.2010 pour avoir le 13.01.2010, à 7h55, Lausanne, intersection Rovéréaz – Devin, été impliqué dans un accident au guidon d'un cycle; contourner par la gauche un îlot directionnel, circuler sans tenir correctement sa droite, comportement routier inadapté et dangereux à l'endroit d'un usager utilisant la route conformément aux règles établies, en violation des art. 26/1 34/1 LCR 7/1+3 OCR.
Le 14 août 2010, S._ a contesté ce prononcé. Son appel a été transmis au Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne.
4.
Le 13 décembre 2010, l'appelant a demandé la récusation de la Présidente Marie-Pierre Bernel et de tous les juges du Tribunal de l'arrondissement de Lausanne.
Par arrêt du 17 janvier 2011, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal a rejeté la demande de récusation (CREP, 17 janvier 2011, n° 3). Ce rejet a été confirmé par l'arrêt du 22 mars 2011 rendu par la première Cour de droit public du Tribunal fédéral (TF 1B_80/2011 du 22 mars 2011), rappelant qu'elle avait déjà eu à de maintes reprises l'occasion de qualifier de procédurières ou d'abusives les demandes de récusation d'un magistrat fondées sur le refus de se distancier par une déclaration écrite des agissements qu'ils estimaient criminels d'autres juges ou magistrats, et qu'elle ne voyait pas en quoi le fait, supposé établi, que la Présidente du Tribunal de police se rende sur son lieu de travail en voiture entraînerait son inaptitude à statuer en connaissance de cause sur le litige.
Par courriers des 19 et 25 janvier 2011, S._ a réitéré sa demande de récusation de la Présidente du Tribunal d'arrondissement de Lausanne, Marie-Pierre Bernel.
5.
Le 27 janvier 2011, l'appelant s'est présenté à l'audience du Tribunal de police indiquant d'entrée de cause qu'il n'était venu que pour réitérer sa demande de récusation. La Présidente du Tribunal de police l'a informé qu'il n'y avait pas lieu de statuer une deuxième fois sur le même objet et que la requête de récusation était écartée conformément à la décision de la Chambre des recours en matière pénale. S._ a alors précisé qu'il n'entendait pas participer à la procédure si sa requête était écartée. La Présidente lui indiqua qu'il serait considéré comme défaillant et il quitta la salle.
Par jugement du même jour, le Tribunal de police a, en bref, constaté le défaut de l'appelant et déclaré exécutoire le prononcé rendu le 4 août 2010 par la Préfecture de Lausanne.
S._ a formé appel contre ce jugement.
Par jugement du 29 mars 2011 (CAPE, 29 mars 2011, n° 12), le Président de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal a admis l'appel et annulé le jugement précité au motif que le refus de participer à l'audience n'impliquait pas qu'une procédure par défaut soit engagée, mais que le prévenu soit jugé en contradictoire hors sa présence.
Ce jugement retient, en substance, qu'
aux termes de l'art.
79b al. 1 aLContr applicable en procédure d'appel devant le Tribunal de police (art. 453 al. 1 CPP), l'instance est périmée si l'appelant, régulièrement cité, ne se présente pas à l'audience. Le Président constate alors le défaut conformément à l'art. 401 CPP-VD, déclare le prononcé préfectoral exécutoire et met les frais à la charge du défaillant. L'art. 401
CPP-VD prévoit que le défaut ne peut être prononcé qu'une heure après celle qui a été fixée pour la comparution du condamné. L'inobservation du délai d'une heure est constitutive d'une violation d'une règle essentielle de procédure au sens de l'art. 411 g CPP-VD (Bovay, Dupuis, Moreillon et Piguet, Procédure pénale vaudoise, Code annoté, 3
ème
édition, Lausanne 2008, ad art. 401 CPP-VD, p. 437 et la jurisprudence cantonale citée).
6.
Par citation à comparaître du 4 mai 2011, une nouvelle audience devant le Tribunal de police a été appointée au 14 juillet 2011.
Par courrier du 15 juin 2011, S._ a requis la récusation de la Présidente du Tribunal de police aux motifs que, d'une part, le jugement du Président de la Cour d'appel pénale démontrait qu'elle avait de l'inimitié à son égard, et que, d'autre part, la Présidente faisait les trajets de chez elle à son lieu de travail en voiture. | En droit :
1.1
Un appel formé contre un prononcé préfectoral rendu avant l'entrée en vigueur, le 1
er
janvier 2011, du Code de procédure pénale suisse relève de l'ancien droit (art. 453 al. 1 et 455 CPP). Les dispositions du Code de procédure pénale vaudois (CPP-VD), abrogé au 31 décembre 2010, étaient donc applicables devant le tribunal de police, quand bien même l'audience a eu lieu en 2011.
L'appel à la Cour de céans est néanmoins ouvert nonobstant que l'ancienne loi vaudoise du 18 novembre 1969 sur les contraventions (aLContr, RSV 312.11), en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010, excluait tout recours cantonal contre les jugements statuant sur des contraventions de droit fédéral, d'autant que les voies de l'appel ont été indiquées au justiciable (CAPE, 29 mars 2011, n° 12).
1.2
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable, il a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
1.3
S'agissant d'un appel dirigé contre une contravention, la procédure applicable est écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause ressort de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise du 19 mai 2009 d'introduction du Code de procédure pénale suisse, RSV 312.01]).
2.
En premier lieu, S._ reproche au premier juge de ne pas avoir examiné sa requête de récusation déposée le 15 juin 2011. A cet égard, il y a lieu de tenir compte des circonstances suivantes:
Le procès-verbal relatif aux débats du 14 juillet 2011 (jgt., p. 3) indique qu'il n'y a pas eu de questions préjudicielles d'entrée de cause; ainsi l'appelant n'a pas réitéré sa demande de récusation à l'audience, alors même qu'il avait procédé ainsi en se présentant à l'audience du 27 janvier 2011 uniquement dans le but de renouveler sa requête, qui avait fait l'objet d'un arrêt de la Chambre des recours pénale, puis du Tribunal fédéral. S._ s'est exprimé à l'audience du 14 juillet 2011 sur le fond de l'affaire. Sa requête de récusation visant la même magistrate venait d'être rejetée par le Tribunal cantonal et par le Tribunal fédéral, de sorte qu'il avait reçu des réponses à ses griefs par les autorités compétentes. En outre, le motif tiré de la prétendue inimitié de la Présidente à son égard est manifestement mal fondé, le jugement du 29 mars 2011 de la Cour d'appel pénale, fondé sur un motif de procédure, ne sachant justifier un tel grief. Compte tenu du cumul de ces circonstances, le comportement de l'appelant tombe sous le coup de l'abus de droit et on ne saurait reprocher au premier juge d'être entré en matière au fond et de n'avoir pas formellement traité sa requête de récusation. Enfin, l'appelant a maintes fois déposé des requêtes de récusation devant les autorités cantonales et fédérales qui ont été soit rejetées, soit considérées comme abusives (cf. notamment TF 5D_199/2011 et TF 5D_200/2011 du 4 novembre 2011, TF 1B_80/2011 du 22 mars 2011, TF 1B_104/2010 du 22 avril 2010 c. 3; TF 1B_234/2009 du 10 septembre 2009 c. 2; TF 1B_102/2007 du 4 juin 2007; TACC, 15 juin 2005, n° 337, TACC, 20 décembre 2005, n° 892, TACC, 2 août 2006, n° 488, TACC, 19 octobre 2009, n° 658, CREP, 17 janvier 2011, n°3 et CAPE, 29 mars 2011, n° 12), établissant ainsi qu'il connaît parfaitement les règles juridiques relatives à la récusation.
Par surabondance, la requête en ce qu'elle vise à récuser la présidente au motif qu'elle se rend en voiture à son travail est manifestement abusive. Selon la jurisprudence, est notamment abusif le comportement de la partie qui entreprend de récuser systématiquement et sans discernement ses juges, en cherchant à paralyser le fonctionnement de l'appareil judiciaire (cf. TF 1B_246/2008 du 13 novembre 2008 c. 2.2). Dans son arrêt du 22 mars 2011, le Tribunal fédéral a en effet déjà statué sur ce motif indiquant "on ne voit pas d'avantage en quoi le fait, supposé établi, que l'intimé se rende sur son lieu de travail en voiture ou en scooter plutôt qu'à bicyclette ou au moyen de transports publics la rendait inapte à statuer en connaissance de cause sur le litige et à justifier qu'elle se dessaisisse du dossier". Reformuler la même demande trois mois plus tard, qui plus est envers la même magistrate relève à l'évidence de l'abus de droit.
Par surabondance toujours, la requête de récusation basée sur la prétendue inimitié de la présidente qui serait établie par le jugement du Président de la Cour d'appel pénale est manifestement mal fondée. La jurisprudence a en effet précisé, qu'en principe, même si elles sont établies, des erreurs de procédure ou d'appréciation commises par un juge ne suffisent pas à fonder objectivement un soupçon de prévention. Seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constituant des violations graves de ses devoirs, peuvent justifier le soupçon de parti pris (ATF 125 I 119 c. 3e, ATF 116 Ia 135 c. 3a, ATF 114 Ia 153 c. 3b/bb,
ATF 111 Ia 259 c. 3b/aa et les références citées, TF 5A_570/2007 du 26 février 2008 c. 2.2). Or, le premier juge a appliqué le 27 janvier 2011, les dispositions du code de procédure pénale suisse entré en vigueur le 1
er
janvier 2011 au lieu de l'ancien droit cantonal; cette erreur d'ordre formel commise quelques semaines après l'entrée en vigueur de la loi fédérale qui a modifié en profondeur le déroulement des procédures pénales dans le canton doit être qualifiée de légère et ne démontre aucune prévention de la présidente à l'égard de l'appelant.
3.
Selon l'art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l'objet de la procédure de première instance, l'appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné et que l'état de fait est établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Cet appel restreint a été prévu pour les cas de peu d'importance, soit concernant des infractions mineures, le droit conventionnel international admettant en pareil cas des exceptions au droit à un double degré de juridiction (Kistler Vianin, in: Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 22-23 ad art. 398 CPP).
En l'espèce, seule une contravention à la législation sur la circulation routière a fait l'objet de l'accusation et du jugement de première instance, de sorte que l'appel est retreint.
5.1
Il n'est pas contesté que le prévenu, qui descendait le chemin de Rovéréaz à vélo, est passé à gauche de l'îlot central de stationnement, qu'il a emprunté la voie inverse et qu'il a heurté l'avant gauche de la voiture de U._ qui obliquait à gauche pour se rendre au chemin du Devin.
L'art. 7 al. 3 1
ère
phrase OCR (Ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière, RS. 714.11) dispose que les îlots et les obstacles situés au milieu de la chaussée doivent être contournés par la droite. En ne respectant pas cette règle, l'appelant a violé les art. 26 al. 1 et 34 al. 1 LCR (loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière, RS 741.01).
5.2
L'appelant remet en cause l'état de fait; il soutient que U._ a commis une faute parce qu'il aurait dû s'attendre, en raison des gaz mortels provenant des pots d'échappement, qu'un cycliste se trouverait à l'endroit en question.
Force est de constater que cet argument est purement fantaisiste et doit être rejeté. En effet, un automobiliste ne doit pas s'attendre à ce qu'un cycliste ou tout autre utilisateur de la route prenne par la gauche un îlot directionnel puisque, au contraire, les règles de la circulation posent comme principe la règle inverse (art. 7 al. 3 1
ère
phrase OCR).
5.3
S._ fait valoir qu'il n'avait pas le choix d'agir comme il l'a fait, au motif que les automobilistes violaient l'art. 8 al. 4 OCR, cette disposition leur imposant de circuler sur la partie gauche de la voie de circulation pour permettre aux cycles de circuler sur la partie droite. De plus, il soutient qu'il a été contraint de quitter la voie de circulation et de contourner l'îlot par la gauche pour éviter d'exposer sa santé pulmonaire aux gaz toxiques émanant des pots d'échappement.
L'art. 8 al. 4 OCR prévoit que lorsque des véhicules automobiles à voies multiples et des cycles utilisent la même voie, les véhicules automobiles circuleront sur la partie gauche de celle-ci et les cycles sur la partie droite. Sur les voies permettant d’obliquer à gauche, les cyclistes peuvent déroger à l’obligation de circuler à droite. L'art. 17 CP dispose que quiconque commet un acte punissable pour préserver d'un danger imminent et impossible à détourner autrement un bien juridique lui appartenant ou appartenant à un tiers agit de manière licite s'il sauvegarde ainsi des intérêts prépondérants.
La jurisprudence n'admet que restrictivement un état de nécessité justifiant une violation de la LCR (cf. Jeanneret, Les dispositions pénales de la loi sur la circulation routière, Berne 2007, n. 78 et 79 ad. art. 90 LCR). L'état de nécessité a par exemple été refusé à un conducteur qui a commis un excès de vitesse pour aller prendre un médicament dont il avait un besoin régulier ou à la fiancée qui, alertée par téléphone, se rend au chevet de son compagnon souffrant d'une crise d'asthme (Jeanneret, op. cit., n. 80 ad. art. 90 LCR et références citées). L'état de nécessité a aussi été dénié à un policier qui a commis un grave excès de vitesse pour se rendre de Fribourg à Genève pour une opération policière (TF 6B_176/2010 du 31 mai 2010).
En l'espèce, l'atteinte à sa santé alléguée par S._ ne justifie pas une violation de la LCR dans la mesure déjà où il dispose d'autres possibilités licites d'y faire face; en outre, cette atteinte n'est pas établie.
6.
Au vu de ce qui précède, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé.
7.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de l'appelant (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9a36d425-6900-4c70-b53c-d37f9b8fa4c4 | En fait :
A.
Par jugement du 21 octobre 2011, complété par prononcé du
1
er
novembre 2011, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré A.B._ des chefs d'accusation d'injure, utilisation abusive d'une installation de télécommunication, menaces et délit manqué de contrainte (I), a constaté qu'elle s'est rendue coupable de dommages à la propriété, diffamation, calomnie et violation de domicile (II), l'a condamnée à une peine pécuniaire de 45 (quarante-cinq) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 60 (soixante) francs, peine partiellement complémentaire à celle infligée le 26 janvier 2010 et peine entièrement compensée par la détention subie avant jugement (III), a révoqué le sursis accordé à A.B._ le 26 janvier 2010 et a ordonné l'exécution de la peine pécuniaire de 90 (nonante) jours-amende à 60 (soixante) francs (IV), a ordonné que A.B._ se soumette à un traitement ambulatoire de l'art. 63 CP (V), a pris acte pour valoir jugement sur les prétentions civiles, des reconnaissances de dettes signées le 18 octobre 2011 par A.B._ en faveur des K._ et du P._ (VI), a donné acte de leurs réserves civiles à
l'encontre de A.B._ à N._ et C.B._ (VII), a dit que A.B._ est la débitrice de l'Association E._ et lui doit immédiat paiement du montant de 2'570 fr. 30 (deux mille cinq cent septante francs et trente centimes), avec intérêts à 5% l'an dès le 8 novembre 2009 à titre de réparation de son dommage et du montant de 6'372 fr. 65 (six mille trois cent septante-deux francs et soixante-cinq centimes), à titre d'indemnité de l'article 433 CPP (VIII), a dit que A.B._ est la débitrice de la Fondation Z._ et lui doit immédiat paiement de la somme de 8'155 fr. 95 (huit mille cent cinquante-cinq francs et nonante-cinq centimes), avec intérêts à 5% l'an dès le 8 novembre 2009 (IX), a mis une partie des frais de la cause par 36'415 fr. 55 (tente-six mille quatre cent quinze francs et cinquante-cinq centimes) à la charge de A.B._, y compris l'indemnité allouée à son conseil d'office Me Ryter Godel par 11'625 fr. 50 (onze mille six cent vingt-cinq francs et cinquante centimes), le solde étant laissé à la charge de l'Etat (X) et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité allouée sous chiffre X ci-dessus ne pourra être exigé d'elle que dans la mesure où sa situation financière se sera améliorée et le permettra (XI).
B.
Les 26 octobre 2011 et 14 novembre 2011, A.B._ a formé appel contre le jugement du 21 octobre 2011, respectivement contre le prononcé rectificatif du 1
er
novembre 2011.
Par déclaration d'appel du 18 novembre 2011, A.B._ a conclu, avec suite de frais et dépens, à l'admission de l'appel (I) et, principalement, à la réforme du jugement attaqué en ce sens qu'elle est condamnée à une peine pécuniaire sensiblement inférieure à celle prononcée par le Tribunal correctionnel, le montant du jour-amende étant fixé au minimum retenu par la jurisprudence, sanction assortie du sursis (II), à ce qu'il soit dit que la peine est complémentaire à celle infligée le 26 janvier 2010 par le Juge d'instruction de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois (
recte
: Procureur du Canton de Soleure) et qu'en conséquence il n'y a pas lieu à révocation du sursis (III), à ce qu'il soit dit qu'il n'y a pas lieu à révocation du sursis à la peine prononcée le 26 janvier 2010 par le Juge d'instruction de la Broye et du Nord vaudois (
recte
: Procureur du Canton de Soleure) (IV) et à ce qu'il soit dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de la disposition de l'art. 63 CP (V). Subsidiairement, elle a conclu à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause au Tribunal correctionnel qu'il plaira à l'autorité d'appel de désigner pour nouvelle instruction et nouvelle décision (VI).
Par courrier du 24 novembre 2011, A.B._ a retiré l'appel qu'elle avait formé contre le prononcé rectificatif du 1
er
novembre 2011.
Par courrier du 19 décembre 2011, le Ministère public a annoncé qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel, qu'il n'entendait pas déposer d'appel joint et a demandé à participer à la procédure d'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A.B._ est née le 7 mai 1957 en France où elle a vécu jusqu’à 18 ans. Elle y a suivi sa scolarité obligatoire, puis entrepris une formation universitaire qui a débouché sur une maîtrise de lettres modernes. En parallèle à ses études universitaires, elle a aussi vécu en Allemagne, où elle a suivi des études de sport. Dès l’obtention d’un diplôme intermédiaire dans le cadre de cette dernière formation, elle a travaillé avec son premier mari dans un centre anthroposophique. Elle a toutefois cessé cette activité après environ six mois puisque, d’après elle, le directeur de cette institution était un ancien dignitaire nazi. Elle est alors retournée en France où elle a enseigné dans le nord de ce pays. Elle a quitté cet emploi à ses dires parce que le directeur de l’établissement détournait des fonds. C’est à ce moment qu’elle est venue en Suisse pour travailler durant deux ans pour l’E._. A la même période, elle a acquis, avec son premier mari, une maison en Haute Savoie, l’idée étant d’en faire un centre d’accueil et de ressourcement. Elle a ainsi expliqué qu’elle y avait accueilli, sous mandat de l’Etat français, des prévenus, puis qu’elle y avait travaillé avec son premier mari comme assistants maternels. Elle y a aussi fondé une petite école O._ pour l’accueil de jeunes en difficulté. Peu après son second mariage, elle a travaillé dans un tea-room de [...] lié à l’école O._ d'Yverdon. En parallèle, elle a donné des cours de français à une famille allemande. De 1995 à 1998, elle a œuvré pour l’école O._ dans le canton de Neuchâtel, suivant en même temps des études d’eurythmie dans le canton de Soleure. Elle a achevé cette formation en Angleterre, où elle a séjourné pendant deux ans. Revenue en Suisse en 2000, elle a à nouveau travaillé pour l'Association E._ jusqu’en 2001, période de son licenciement. Elle a alors été contactée par le Dr N._, par l’intermédiaire duquel elle a été engagée au S.F._, où elle a travaillé jusqu’au printemps 2006 en qualité d’art thérapeute et d’eurythmiste. Elle a ensuite bénéficié des indemnités chômage jusqu’en 2009 et est sans revenu professionnel en Suisse depuis lors, le droit au revenu d’insertion lui ayant été dénié. On signalera à ce propos qu’elle a expliqué qu’un recours était actuellement pendant au Tribunal administratif fédéral. L'appelante vit donc notamment de la générosité de ses proches, notamment de son père et d’une amie qui lui a prêté 46'000 euros. Elle a encore expliqué qu’elle était interdite bancaire en France, selon ses explications en raison d’une escroquerie dont elle a été victime et qui est actuellement en main de la justice. Elle a estimé ses dettes à 13'000 euros environ en France, dettes liées à l’immeuble dont elle est propriétaire et à des factures impayées pour des travaux faits sur ledit immeuble. Elle a encore expliqué qu’elle devait 2'500 francs à sa fille et la même somme à un garagiste mettant une voiture à sa disposition. Les primes d’assurance maladie à sa charge, après prise en considération du subside, sont de l’ordre de 140 fr. par mois. Elles ne sont toutefois pas payées puisque la prévenue a fait valoir qu’elle n’en avait pas les moyens. Enfin, elle a fait état d’une dette d’impôts en Suisse de l’ordre de 10'000 francs.
A.B._ est aujourd’hui unique propriétaire de l’immeuble qu’elle avait acquis avec son premier mari en Haute Savoie. Ce bien a été estimé récemment à 1'200'000 euros. Elle a expliqué qu’elle en tirait un revenu locatif brut d'environ 2'400 euros par mois et qu'après paiement des frais immobiliers et de certains frais personnels, il ne lui restait plus que 200 à 300 euros.
Au surplus, elle a expliqué qu’elle suivait depuis septembre 2010 une formation de conseiller social au siège de l’Association anthroposophique et qu’elle envisageait ensuite une carrière politique.
L'appelante s’est mariée en 1988 ou 1989 avec l’homme qui était son compagnon depuis seize ans. De cette union sont issues deux filles, âgées respectivement de 24 et 26 ans. Le divorce a été prononcé à son souvenir en 1991. En 1994, elle s’est mariée avec B.B._ dont elle vit aujourd’hui séparée.
Elle est actuellement suivie à raison d’un rendez-vous par mois par une infirmière en psychiatrie à Thonon-les-Bains.
En cours d’enquête, A.B._ a été soumise à une expertise psychiatrique qui a débouché sur un rapport du Secteur Psychiatrique Nord du 7 avril 2010. Les experts y ont posé le diagnostic de trouble délirant. Dans leur discussion, ils rappellent que le trouble délirant est une maladie psychotique caractérisée par la survenue d’une idée délirante unique ou d’un ensemble d’idées délirantes apparentées, habituellement persistantes, durant parfois toute la vie. Les idées délirantes sont habituellement des idées de persécution, hypocondriaques ou de grandeur, ou des idées délirantes de revendication ou de jalousie. Typiquement, le trouble délirant ne comporte pas d’autres manifestations psychopathologiques, mais peut toutefois être accompagné de symptômes dépressifs, comme c’est le cas chez l'appelante. Il est encore indiqué que le contenu des idées délirantes et le moment de leur survenue sont souvent en rapport avec la situation du sujet, ce que l’on peut observer chez l'appelante, chez qui le délire de persécution a un point de départ en lien avec la réalité de la dénonciation par le Dr N._. Les tests psychologiques réalisés dans le cadre d’une expertise font état d’une structure psychotique désorganisée, marquée par des craintes de persécution et de morcellement sous une fragile couverture mégalomaniaque avec des aspects paranoïaques, résultats rendant bien compte de la fragilité psychique de A.B._ qui peine à se situer par rapport à autrui autrement que comme allié ou ennemi. Les experts précisent que lorsque l’autre devient un persécuteur, elle va se battre contre lui, lutter pour obtenir raison et focaliser toute son énergie à cette fin, sous peine de devoir faire face à d’importantes angoisses d’anéantissement. Dans ce sens, il est à craindre pour les experts que si l'appelante sent qu’elle n’aura pas gain de cause, notamment pour prouver qu’elle est saine d’esprit, elle puisse sombrer dans une dépression sévère avec risque suicidaire.
Le rapport d’expertise indique que le diagnostic de trouble délirant s’étaie chez A.B._ essentiellement sur les proportions démesurées et inadéquates que prend son conflit professionnel, l’amenant à une perte de son ancrage avec la réalité. Elle vit son licenciement du S.F._ sur un mode d’injustice et d’humiliation tel que tout ce qui est, de près ou de loin, en lien avec ce conflit, devient pour elle persécuteur, au point qu’elle le ressent comme un crime à son égard où tout est mis en œuvre pour la détruire. Ses actes illicites, tout comme les multiples plaintes qu’elle a déposées, sont pour elle une façon de se débattre et se défendre pour sa survie et sont donc des signes de sa pathologie. Elle réagit par des actes qui sont cohérents dans sa logique délirante mais hors réalité par rapport à la norme. Les experts rappellent ainsi que la composante délirante est donc avant tout une composante persécutoire en lien avec son licenciement. Ils ont aussi émis l’hypothèse que la prévenue vivait un autre délire, soit un délire érotomaniaque sur la personne de son ancien directeur, avec lequel elle est persuadée d’entretenir une relation d’amour réciproque et passionnée. Même s’ils relèvent que cette composante délirante est moins délétère pour la société, les experts précisent que A.B._ pourrait se montrer envahissante et harcelante pour la personne en question.
En ce qui concerne la responsabilité pénale de l'appelante, le rapport d’expertise relève que son trouble délirant ne l’empêche pas de savoir différencier les actes licites ou non, mais par contre que sa capacité de se déterminer d’après son appréciation est restreinte de façon importante. Les experts font à ce propos état d’un déterminisme pathologique. En effet, bien que A.B._ sache que ses tags constituaient un acte illégal, elle était, en raison de sa psychose manifeste, tellement convaincue que le Dr N._ et les gens qu’elle associe au complot ont détruit sa vie, que ses actes étaient pour elle une façon de survivre à ce « meurtre » en le dévoilant au monde. Les experts mettent encore en lumière que, même si la logique de A.B._ est fondamentalement perturbée par sa pathologie et que son trouble a une forte incidence sur ses capacités volitives, ces dernières ne sont pas complètement abolies. L'appelante n’a pas agi en réponse à une volonté complètement extérieure puisqu’elle voulait commettre ces actes de dénonciation. Elle n’a pas non plus agi de façon impulsive en réponse directe à ses symptômes psychotiques mais a prémédité ses actes en les préparant. Pour illustrer encore cette connexion à la réalité, le rapport d’expertise expose que l'appelante a une perception de ce qu’elle doit dire ou non pour servir ses intérêts. A titre d’exemple, il est précisé qu’elle a autorisé partiellement les experts à contacter des tiers pour les besoins de l’expertise, en éliminant ceux qui, selon elle, la trouvent psychiquement malade.
Pour les experts, au vu de la pathologie délirante de A.B._ et de sa conviction délirante que le Dr N._ est responsable de tous ses problèmes et qu’il doit être en prison pour qu’elle soit réhabilitée, le risque que, pour poursuivre son combat, elle continue à commettre des actes illicites de même nature que ceux à juger, est élevé.
A propos des mesures à prendre pour tenter de diminuer le risque de récidive, le rapport d’expertise indique que A.B._ est psychiquement malade et a besoin de soins psychiatriques pour traiter sa maladie, tout en précisant que le trouble délirant est une pathologie psychotique très difficile à traiter. Ainsi donc, et après avoir indiqué qu’un traitement institutionnel de l’article 59 CP serait formellement le soin le plus adéquat pour protéger la société et pour soigner la psychose de la prévenue, les experts préconisent un traitement ambulatoire de l’article 63 CP, même s’ils sont relativement pessimistes quant à la possibilité d’une réelle évolution favorable du trouble. Ils sont en effet d’avis que cette mesure pourrait avoir un peu plus de chances d’amener un changement de comportement chez l'appelante. Il est à ce propos expliqué que, pour pouvoir pallier à sa souffrance et infléchir ses comportements débordants, A.B._ doit pouvoir tisser un lien de confiance avec un thérapeute soutenant et cadrant qui pourra l’étayer, la guider, canaliser ses débordements délirants, élaborer avec elle des stratégies en accord avec la loi en respectant la liberté d’autrui, pour donner réponse à ses combats et l’amener si possible à un traitement neuroleptique, bien qu’il soit reconnu que le neuroleptique a peu d’impact sur le trouble délirant. Ce traitement devrait être réalisé par une équipe pluridisciplinaire pour offrir à la prévenue un cadre soutenant aussi sur le plan social. En outre, cette mesure doit être imposée car toute confrontation peut amener un sentiment de persécution et donc une rupture du suivi en cas de confrontation entre la prévenue et le thérapeute. Il est encore indiqué dans le rapport d’expertise que A.B._ refuse formellement de suivre une thérapie axée sur sa pathologie psychiatrique puisqu’elle ne reconnaît nullement cette pathologie. Dès lors, et même si ce refus péjore le succès de la démarche, les experts estiment qu’il est néanmoins nécessaire de l’imposer puisque le but de cette mesure n’est pas uniquement centré sur une réponse thérapeutique, mais aussi sur un recadrage régulier de ses délires et de la forme que prennent ses combats. Dans ce sens, le regard croisé entre la psychiatrie et la loi peut avoir un effet favorable pour maintenir un risque de récidive le plus bas possible. Enfin, le rapport d’expertise précise que le traitement ambulatoire préconisé ne serait pas entravé dans son application ni de ses chances de succès notablement amoindries par l’exécution d’une peine privative de liberté.
A l’occasion d’un complément d’expertise du 9 juin 2010, le Secteur Psychiatrique Nord a confirmé les conclusions du rapport qui précède en insistant sur le fait que ce n’était pas un traitement institutionnel de l’article 59 CP, mesure disproportionnée par rapport à la gravité des actes illicites commis, qui était préconisé, mais une mesure ambulatoire de l’article 63 CP. Il était encore indiqué que si cette mesure ambulatoire ne devait pas suffire à apaiser les symptômes, une mesure civile devrait être imposée, le cas échéant dans le cadre d’un placement à fin d’assistance.
Entendue lors des débats de première instance, la Dresse Pascale Hegi, co-auteure du rapport d’expertise du 7 avril 2010 et de son complément du 9 juin de la même année, en a confirmé l’entier des conclusions. Elle a également précisé que le trouble dont souffre A.B._ répondait mal à un traitement en général et au traitement neuroleptique en particulier. Elle a expliqué que A.B._ n’était pas consciente de sa pathologie si bien que l’idée était qu’elle soit guidée par un thérapeute en qui elle aurait confiance et qui pourrait l’amener à un autre traitement. Elle a ainsi confirmé que c’était bien un traitement ambulatoire de l‘article 63 CP qui était préconisé puisqu’un tel cadre était nécessaire pour diminuer le risque de récidive et pour prévenir un éventuel effondrement dépressif. Confrontée aux déclarations de l'appelante selon lesquelles le Dr [...] lui aurait expliqué, après l’avoir vue durant dix minutes, qu’elle ne relevait pas de la psychiatrie, la Dresse Hegi a expliqué que ce médecin ne lui avait pas tenu les mêmes propos, mais qu’il lui avait indiqué qu’il s’était vite rendu compte de la paranoïa sensitive de cette patiente, du délire érotomaniaque probable, de son violent besoin d’amour et de ses craintes d’être assujetti s’il abondait dans son sens. Ce médecin a également indiqué à l’experte que A.B._ lui avait expliqué qu’elle déposerait plainte contre lui s’il remettait en question ses dires ou se confrontait trop à elle. Ainsi donc et pour l’experte, si le Dr [...] n’avait pas ordonné l’hospitalisation de A.B._ en milieu psychiatrique, c’est parce qu’elle ne présentait pas à ce moment là un risque de danger pour elle-même ou pour autrui. La Dresse Hegi a encore relevé qu’un traitement par une infirmière à raison d’un rendez-vous mensuel ne lui paraissait pas suffisant. Enfin et pour répondre à une question du conseil de la prévenue, elle a déclaré que les propos du Dr N._ tels qu’ils ressortent du dossier pénal, n’avaient en rien influencé son diagnostic et que ce n’était pas parce que ce plaignant était médecin qu’elle avait pris parti pour sa version.
Le casier judiciaire suisse de l'appelante comporte une inscription, à savoir une condamnation à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 60 fr. le jour avec sursis durant deux ans pour dommages à la propriété considérables, sanction infligée par le Procureur du canton de Soleure.
Au surplus, une nouvelle enquête est actuellement instruite par le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois contre A.B._ sous référence PE10.027908 pour calomnie, subsidiairement diffamation, utilisation abusive d’une installation de télécommunication, injure, menaces et violation de domicile.
Pour les besoins de la cause A.B._ a été détenue avant jugement du 13 novembre 2009 au 13 mai 2010, soit durant 182 jours.
2.
A.B._ a été engagée en 2003 au S.F._ en qualité d’eurythmiste. Elle a travaillé sous la responsabilité du Dr N._. Entre 2004 et 2005, ce dernier a attiré l'attention de la direction sur un dysfonctionnement dans le travail de l'appelante, ce qui a engendré le passage de cette dernière au poste de co-actrice du domaine culturel de ladite institution. Par la suite, en mars 2006, A.B._ a été licenciée de cette institution. Elle n'a pas accepté cette éviction et a tenu N._ pour responsable de cette situation en qualifiant son comportement de "meurtre de sa réputation". L’appelante considère que le Dr N._ a anéanti sa vie en la faisant passer pour folle et en obtenant son licenciement du S.F._. Ne parvenant pas à se faire entendre par la voie judiciaire, elle s'est lancée dans une véritable croisade pour tenter d'obtenir réhabilitation. Dans ce cadre, elle a envoyé une multitude de courriers électroniques à un très grand nombre de destinataires et notamment aux personnes qu'elle considérait comme étant de mèche avec le Dr N._. Elle a aussi émis des écrits contre l'Association E._.
2.1
Le 19 juin 2009, à Lausanne, au cabinet médical du Dr B.S._ et du Dr G.S._, A.B._ a pénétré dans la salle de consultation de ce dernier, qui avait refusé de la recevoir. Elle a aussi collé une affiche sur la boîte aux lettres dudit cabinet où elle prétendait que G.S._ cachait les réelles causes de son licenciement à la Fondation S.F._ survenu en 2006. G.S._ a déposé plainte et s’est constitué partie civile.
2.2
Le 4 septembre 2009, à Grandvaux, A.B._ est entrée chez G.S._ et B.S._ alors que cette dernière le lui avait interdit. Puis, alors qu’elle était sortie de l’habitation sur ordre de B.S._, A.B._, qui a aperçu G.S._ en train de fermer une fenêtre de l’habitation, est allée vers lui depuis l’extérieur pour l’empêcher de verrouiller ladite fenêtre en appuyant ces deux mains sur la vitre de cette fenêtre qui s’est ainsi brisée. G.S._ a déposé plainte et s’est constitué partie civile.
2.3
Dans la nuit du 28 au 29 octobre 2009, à Yverdon-les-Bains, A.B._ a inscrit au moyen d’une bonbonne de peinture le terme « Assassin » sur la voiture de N._ ainsi que sur le garage, les murs de la maison et l’enceinte de la propriété de ce dernier, lequel a déposé plainte et s'est constitué partie civile.
2.4
Entre le 7 et le 8 novembre 2009, à Yverdon-les-Bains, l'appelante a écrit au moyen d'une bonbonne de peinture « assassin Dr N._ » sur le muret bordant la propriété de N._, puis « assassin Dr N._ » sur le garage de ce dernier, lequel a déposé plainte.
2.5
Entre le 7 et le 8 novembre 2009, A.B._ a effectué des tags sur le bâtiment de l’Ecole U._ à Lausanne et sur le bâtiment de cette école à Epalinges. J.Z._, pour l'école susmentionnée, a déposé plainte et s'est constitué partie civile.
2.6
Entre le 7 et le 8 novembre 2009, à Renens, l'appelante a effectué, au moyen d'une bonbonne de peinture, plusieurs tags portant les inscriptions "assassin, honte" sur les murs et les marches de l'entrée de la propriété de C.B._. Le 9 novembre 2009, A.B._ a téléphoné à C.B._; elle l’a alors menacé d’adopter à nouveau un comportement du même genre et de rendre ce comportement plus grave. C.B._ a déposé plainte et s'est constitué partie civile.
2.7
Entre le 7 et le 8 novembre 2009, à Pully, A.B._ a inscrit « Honte à l’assistante sociale D._ ! » sur le mur de l’entrée du bâtiment du Centre social régional. D._ a déposé plainte. Le P._ en a fait de même, s'est constitué partie civile et a finalement retiré sa plainte.
2.8
Entre le 7 et le 8 novembre 2009, à Lausanne, A.B._ a inscrit « HONTE A MR [...] », « complice criminel Dr N._ » et « SCANDALE » avec de la peinture rouge sur des murs du bâtiment de la Fondation X._. La plainte déposée par la Fondation X._ a été retirée.
2.9
Entre le 7 et le 8 novembre 2009, à Confignon/GE, A.B._ a inscrit, au moyen d'une bonbonne de peinture, sur les murs de l'Ecole O._ « J._, R._, I._, H._ occultent le crime de la réputation du Dr N._ vis-à-vis de A.B._ et enlisent celle-ci dans une grande détresse », « SCANDALE », « HONTE ! » et à deux endroits « HONTE ». T._, pour l’école O._, a déposé plainte. J._ en a fait de même.
2.10
Entre le 7 et le 8 novembre 2009, à Confignon, A.B._ a inscrit au moyen d'une bonbonne de peinture « J._ complice d’un meurtre » sur un mur de la propriété de cette dernière. J._ a déposé plainte.
2.11
Entre le 7 et le 8 novembre 2009, à St-Prex, A.B._ a endommagé les façades des immeubles de la Fondation Z._ en effectuant 31 tags. Elle a notamment inscrit "Q._ L._ V._ C._ occultent le crime de la réputation du Dr N._ envers A.B._", "honte" et "scandale". La Fondation Z._ a déposé plainte et s’est constituée partie civile.
2.12
Entre le 7 et le 8 novembre 2009, à Mollie-Margot, A.B._ a pénétré sans droit sur le site de l'Association E._ et a effectué de nombreux tags sur trois panneaux indicateurs et sur huit bâtiments de l’institution. A l'occasion d'une audition devant le juge d'instruction en date du 20 mai 2009, dans le cadre d'une précédente enquête, l'appelante s'était pourtant engagée à ne plus pénétrer dans les locaux professionnels de l'Association E._ sans autorisation de la direction, ainsi qu'à ne plus faire d'affichage sauvage dans les locaux de dite association, ainsi que sur des voitures stationnées dans son périmètre et à respecter le bon ordre de l'institution. Les tags en question se référaient notamment à M._, directrice de l’association précitée; ils indiquaient en substance que cette dernière devait avoir honte car elle avait été complice de deux crimes et que son comportement relevait du scandale. L'Association E._ a déposé plainte et s’est constituée partie civile.
2.13
Le 8 novembre 2009, à Grandvaux, A.B._ a fait des tags sur trois des façades de la maison de B.S._ et sur la voiture de cette dernière au moyen de peinture jaune. Il s’agissait notamment des inscriptions suivantes « COMPLICES DU CRIME DU Dr N._ », « COMPLICE D'UN CRIME » et « HONTE ». Le jour même, l’appelante a téléphoné à B.S._ pour lui dire que les tags qu’elle venait de faire n’étaient qu’un avertissement. B.S._ a déposé plainte et s’est constituée partie civile.
2.14
a) Le 13 juin 2010, depuis Pully, A.B._ a adressé un courrier électronique à Pierre-Yves Maillard, chef du Département de la Santé et de l’action sociale, en relation avec l’inauguration des nouveaux bâtiments de l'Association E._ qui devait avoir lieu le 19 juin 2010. Ce courrier électronique, que l'appelante a envoyé également à de multiples autres personnes, contient notamment les passages suivants :
« Il est impératif que je vous communique de vive voix les raisons qui me font dire que dans cet acte de votre part qui aura lieu tout prochainement peut se passer, à travers vous, une très grave compromission de l’Etat Vaudois avec une société de nature sectaire, à mon sens, tout aussi pernicieuse et dangereuse que ne fut l’Ordre du Temple Solaire.
L'Association E._ que je connais sur le terrain, depuis 1978, est devenue spirituellement parlant, une filière éminemment représentative de l’esprit sectaire et socialement nuisible de la société anthroposophique que je remets en cause. Ceci a pu se faire, avant tout, à travers l’infiltration d’une approche perverse de l’anthroposophie, dont son représentant néfaste a été, pendant des années, Mr B.F._ et dont le siège est à la maison S.L._.
Je sais que votre intervention a permis que « le maître de [...] », à savoir Mr [...] libère les lieux de son emprise malsaine, ce dont je vous suis gré. Mais, le noyau de la tumeur à E._ est toujours bien actif et ceci, à travers Mme M._, actuelle directrice de cette association, personne qui fut formée, pendant des années, à l’esprit sectaire de la maison S.L._. C’est un point que je peux amplement développer. Je connais bien l’histoire de la maison S.L._, depuis sa construction. Je fus témoin de très graves atteintes à la vie des résidents et des collaborateurs de ce lieu, à travers l’influence maléfique de Mr B.F._.
J’ai observé en silence, pendant des années, le processus d’infiltration pernicieux dans cette association de cet esprit sectaire, lieu vaudois qui, au départ, était porteur d’une noble et puissante flamme anthroposophique, de nature, à mon sens, salvatrice, animée par ses fondatrices.
Le suicide, à la mi-avril de cette année d'F._, responsable de la ferme de E._, homme d’une grande douceur, débordant de forces d’empathie, que j’ai vu grandir est l’expression la plus significative des effets malsains de cet esprit sectaire au sein de ce lieu. Cet homme jeune enthousiaste et engagé soignait avec amour la ferme de E._, aidé de sa merveilleuse femme, [...], pour le bonheur des résidents. Je suis amie avec son frère [...] et la famille [...] est, à mon sens, un modèle remarquable helvète d’engagement pour la santé naturelle et sociale. F._ ne supportait pas cet esprit sectaire et s’en est plaint auprès de collaborateurs de E._, encore avant de se suicider. [...]
Pour en revenir au vif du sujet et sur la raison de ma demande de rencontre avec vous, je considère qu’il y a deux personnes, ayant des postes de pouvoir, particulièrement responsables de l’esprit de perversion de l’anthroposophie en Vaud nuisant gravement à ce que les fruits de l’anthroposophie se répandent sainement dans ce canton...
Il s’agit de Mme M._ et de Mr J.Z._. C’est une aberration, une calamité, à mon sens, que ces deux personnes occupent des postes de direction, une aussi grande aberration que celle de ne pas enquêter sur les agissements du Dr N._ ».
b) Le 21 juin 2010, depuis Pully, A.B._ a adressé un autre courrier électronique à Pierre-Yves Maillard. Ce courrier électronique, que l’appelante a envoyé également à de multiples autres personnes, contient notamment le passage suivant :
« Je suis très reconnaissante à celui qui a contribué, de façon décisive, à me façonner une compréhension très positive de votre individualité. Il s’agit d'[...], sous la direction duquel j’ai travaillé, à différentes reprises, à la maison [...] de l'Association E._, entre 1978 et 1999. Je connais tout son parcours de vie, son éjection de façon inhumaine, abominable, par la direction actuelle de E._ ».
c) Le 27 juin 2010, depuis Pully, A.B._ a adressé un courrier électronique à Anne-Catherine Lyon, chef du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture. Cet e-mail, que l’appelante a envoyé également à de multiples autres personnes, contient notamment les passages suivants :
« Autant j’accueille positivement l’anthroposophie, comme un précieux outil pour l’humanité en chemin et j’apprécie ses fruits de renouveau culturel, écologique, artistique, pédagogique, socio-thérapeutique, médical, scientifique et social qui enrichissent ainsi qu’animent mon travail, autant je trouve le comportement de nombreux anthroposophes, dont d’éminents membres porteurs de la société anthroposophique universelle, abominable et hautement néfaste à la société humaine en général et à la société helvétique, en l’occurrence.
Je peux aujourd’hui dénombrer et nommer quelles sont les personnes qui, en Suisse et en France, nuisent gravement à l’épanouissement de l’anthroposophie, par des perversions absolues de l’œuvre de O._, par de conséquents abus de pouvoir, par une notoire corruption ou par une attitude sectaire ou dogmatique. [...]
En 2001, je fus licenciée de l'association E._ dans le canton de Vaud, d’une façon perverse et délictueuse, pour avoir dénoncé de monumentaux abus de pouvoir de Mr J.Z._ et de sa compagne G._ qui dirigeaient la maison Montségur de cette institution et qui commettaient impunément, depuis des années, de graves atteintes à l’intégrité physique, psychique et morale des résidents et de collaborateurs de ce lieu que je connais depuis 1978.
La raison de mon licenciement est délibérément occultée par la directrice actuelle de ce lieu, Mme M._ qui développe une habile et brillante politique de séduction auprès du département de la prévoyance et de l’action sociale, dont Mr Pierre-Yves Maillard, conseiller d’état, ne veut cependant pas, à mon avis, être dupe.
Le passé de Mme M._ au sein de l'association E._ est étroitement lié à la maison S.L._ qui, pendant des années, a, selon les observations vigilantes, empoissonné ce lieu socio-thérapeutique, à l’origine de grande envergure humanitaire, d’un esprit extrêmement sectaire, dogmatique et d’une grave intolérance similaire à celle que l’Inquisition a pratiqué en Europe, esprit néfaste, dont Mr B.F._ et Mr [...] ont été, à mon sens, le moteur principal pendant deux décennies.
Je fus témoin, au cours des ans, d’atteintes à l’intégrité psychique et morale de résidents de cette maison par des collaborateurs et je connais de nombreux jeunes gens de haute moralité qui ont fui ce lieu, en criant au scandale et en le qualifiant de secte. [...]
Le 19 juin 09, à l’inauguration de nouveaux bâtiments à E._ par le SPAS, Mme M._ a mandaté la police de m’expulser. [...]
Il existe de nombreux postes correspondant à mes qualifications que je serais prête, dès maintenant, à honorer, comme travailler à l’es-L de Lausanne mais les anthroposophes d’orientation sectaire, dogmatique, comme cette directrice, font blocage, de façon très subtile et puissante, à ma réhabilitation morale et professionnelle, en essayant de faire valoir le jugement de folie que le Dr N._ a répandu sur mon dos [...]. [...]
Je demande une rencontre avec vous, Mme Anne-Catherine Lyon, car la deuxième personne, à côté de Mme M._, qui empêche ma réhabilitation morale et professionnelle est Mr J.Z._, directeur de l’Es-L, école sociale lausannoise, dans laquelle ma fille cadette fait ses études et ma fille aînée veut s’inscrire. Je connais Mr J.Z._, frère de B.Z._, à l’origine de mon licenciement de l'association E._, depuis trente ans. En 2008, il a empêché une médiation entre le Dr N._ et moi, admirablement menée, pendant deux ans, par l’éthicien clinique et médiateur de renommée internationale, Mr [...], soutenue par Mr [...] et par Mr [...].
Je peux témoigner en quoi Mr J.Z._, comme Mme M._, mènent une désastreuse politique de fausse ouverture anthroposophique aux besoins de l’époque, par perversion complète de l’essence de la démarche de O._ et par de subtiles manipulations. Les effets de leur corruption, de leur hypocrisie, de leur trompeuse apparente attitude de service désintéressé sont, à mon sens, meurtriers. J’ai de très nombreuses exemples de vie humaines massacrées par leur fondamental mensonge.
Je considère que ces deux personnes ont abusivement des postes de direction et que c’est une nuisance extrême à la santé de la jeunesse et de la culture vaudoise de laisser cette imposture, sans mesure corrective ».
L'Association E._ a déposé plainte. M._ en a fait de même avant de retirer purement et simplement sa plainte.
2.15
a) Le 30 juillet 2010, à 02h42, depuis Pully, A.B._ a adressé un courrier électronique à [...], journalise auprès du journal 24Heures. Ce courrier électronique, que l’appelante a envoyé également à de multiples autres personnes, contient des passages faisant état du comportement qu’elle reproche à N._. Il s’agit des passages suivants :
« [...] vous oubliez de dire que c’est moi qui suis venue vous voir, quelque temps après ma sortie de prison, avec la requête d’une parution d’un article dans le 24h rendant compte de ma situation de détresse consécutive à un crime de la réputation du Dr N._ à mon encontre. [...]
Jamais je n’aurais écrit sur des murs et ne me serais ainsi retrouvée en prison, si le voile avait été levé, par le biais d’un appel médiatique à la conscience publique, sur le crime de la réputation du Dr N._ à mon encontre de mars 2006 qui a eu lieu au S.F._, à l’origine de mon licenciement et de nombreuses autres événements désastreux, comme vous le savez. [...]
[...] près de la maison du Cerf Boréal, dont je suis propriétaire, siège d’une vie associative en France complètement bloquée par ce délit criminel suisse [...]
Qui, dans l’état suisse, sera enfin prêt à ordonner une enquête sur le Dr N._. [...]
Quand serais je dédommagée financièrement pour pouvoir reconstruire ce que le crime de ce médecin anthroposophe soutenu par de multiples complices, a massacré ? [...]
[...] du délit du Dr N._ contre A.B._ [...]
Il y a tant d’occultation, de manipulation dans cette histoire, par la tête orgueilleuse du Dr N._... [...]
Je désire les contacter pour lever les perversions et l’effet des puissantes manipulations diaboliques, (au sens réel du terme : diabolos en tant que nature double) du Dr N._, que je peux aujourd’hui percevoir clairement, empêchant la révélation des événements dans leur réalité ».
b) Le 30 juillet 2010, à 11h30, depuis Pully, A.B._ a adressé au même journaliste du 24Heures un autre courrier électronique dans lequel, en substance, elle reproche à nouveau à N._ d’être à l’origine de la situation financière et existentielle désastreuse dans laquelle elle dit se trouver. L’appelante a envoyé ce courrier électronique également à de multiples autres personnes.
N._ a déposé plainte. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la notification du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit.
La déclaration d’appel doit être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel interjeté par A.B._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
A.B._ conteste que l'infraction de diffamation soit réalisée dans les cas 2.1, 2.7, 2.9 et 2.14 de la partie "En fait" du présent jugement.
3.1
S'agissant des infractions contre l'honneur, A.B._ a été renvoyée dans chaque cas pour calomnie, subsidiairement diffamation et injure.
Pour qu’il y ait diffamation au sens de l’article 173 CP, il faut que l’on soit tout d’abord en présence d’une atteinte à l’honneur. On trouve dans la jurisprudence trois définitions de l’honneur protégé par la loi pénale. L’honneur est ainsi tout d’abord un droit au respect qui est lésé par toute allégation de fait propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d’être humain. L’honneur protégé par le droit pénal est également le droit de chacun à ne pas être considéré comme une personne méprisable. Enfin, l’honneur protégé est la réputation et le sentiment d’être un homme honorable, c’est-à-dire de se comporter comme un homme digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement perçues (Corboz, Les infractions en droit suisse, 3
ème
édition, Berne 2010, n° 2 et les arrêts cités). L'atteinte doit être dirigée contre une personne reconnaissable sans qu'il soit toutefois exigé qu'elle puisse être identifiée par un tout un chacun; il suffit que l'un des destinataires puisse le reconnaître (Corboz, op. cit., n° 39, p. 589 et les arrêts cités). L’atteinte à l’honneur doit de plus être communiquée à un tiers et l’infraction est intentionnelle.
Concernant le concours entre l’injure et la diffamation, la première des deux infractions est subsidiaire de sorte qu’elle s’efface lorsque les conditions de la seconde sont réunies (Corboz, op. cit. n° 123, p.608).
3.2
S'agissant du cas 2.1, A.B._ considère qu'en l'absence dans le jugement entrepris, de termes précis, il n'est pas possible de considérer que les termes utilisés soient forcément attentatoire à l'honneur.
En l'occurrence, il est reproché à l'appelante d'avoir collé une affiche sur la boîte aux lettres de G.S._ sur laquelle elle accusait ce dernier de cacher les réelles causes de son licenciement du S.F._ survenu en 2006. Par son allégation de fait, A.B._ laisse entendre qu'en cachant les vrais motifs de son licenciement, ce médecin aurait caché la vérité, soit que le licenciement était injustifié. Il s'agit d'un fait manifestement attentatoire à l'honneur, dirigé contre une personne reconnaissable. L'appelante n'a au surplus pas apporté la preuve de sa bonne foi et aucun élément au dossier ne permet de retenir que le Dr G.S._ aurait effectivement eu le comportement qui lui est reproché. Les premiers juges ont donc à raison considéré que les éléments constitutifs de la diffamation étaient réalisés dans ce cas.
En conséquence, il n'importe pas que les termes exacts utilisés ne soient pas connus, dès lors que le sens de l'allégation diffamatoire est suffisamment établi.
3.3
Dans le cas 2.7, il est reproché à A.B._ d'avoir inscrit "Honte à l'assistante sociale D._!" sur le mur d'entrée du bâtiment du [...]. L'appelante soutient que, hors explications des relations entretenues entre elle, la plaignante et le Dr N._, il n'est pas possible de comprendre les raisons de cette inscription et de définir les motifs pour lesquels cette assertion serait attentatoire à l'honneur. Toutefois, assimiler D._ au terme "honte" laisse penser qu'elle s'est comportée de façon déshonorante ce qui est manifestement attentatoire à son honneur. Au surplus, l'appelante n’a pas fait la preuve de la vérité ou de la bonne foi de ses allégations et rien ne permet de déduire que le refus d’accorder le revenu d’insertion à A.B._ serait en relation avec un éventuel lien, au demeurant non établi, entre D._ et N._. Au contraire, le revenu d'insertion a été refusé à l'appelante au motif qu'elle n'en remplit pas les conditions parce qu'elle est propriétaire d'un bien immobilier.
3.4
En ce qui concerne le cas 2.9, A.B._ soutient que rien ne permet d'affirmer que l'école O._ ait d'abord la personnalité juridique et puisse ensuite agir en ce nom. En outre, selon elle, on ignore si cet établissement est propriétaire de l'immeuble qui a subi les déprédations. Enfin, s'agissant de la plainte de J._, l'appelante soutient qu'il n'y aurait pas de diffamation du fait que les propos retenus n'apparaissent pas immédiatement attentatoire à son honneur.
Il résulte du dossier que T._, enseignante à l'école O._, a déposé plainte au nom de cette institution (dossier C, P. 4). Contrairement à ce que déclare A.B._ dans son appel (cf. déclaration d'appel, ch. 9, p. 7), la plainte déposée ne la concernait pas personnellement. Au surplus, les arguments de l'appelante tombent à faux. En effet, il résulte du Registre du commerce que l'Association en faveur de l'école O._ est inscrite, qu'elle a la personnalité juridique et qu'elle a son siège à [...]. L'appelante n'a jamais contesté avant son appel la légitimation de l'école O._ pour déposer plainte. Ses arguments déposés en appel relèvent d'un formalisme excessif et doivent être écartés. Il ressort au contraire suffisamment du dossier que la personne qui a déposé plainte était habilitée à le faire et qu'elle l'a valablement fait au nom de l'école O._, soit de l'association y relative qui a la personnalité juridique. Au surplus, l'argument selon lequel l'Ecole O._ ne serait pas propriétaire du bâtiment qui a été tagué par l'appelante n'est pas pertinent. En effet, le droit de déposer plainte n'appartient pas seulement au propriétaire, mais également à tout ayant droit privé de l'usage de la chose (ATF 117 IV 437 c. 1b; JT 1994 IV 51).
S'agissant de la plainte de J._, c'est à raison que les premiers juges ont considéré que le fait d'écrire que cette personne, parmi d'autres, "occulte le crime de la réputation du Dr. N._ vis-à-vis de A.B._ et enlisent celle-ci dans une grande détresse", "scandale" et "honte" constitue une atteinte à l'honneur. En effet, par de telles allégations, l'appelante a jeté sur cette personne le soupçon d'avoir un comportement illicite et méprisable.
3.5
A.B._ soutient que, s'agissant du cas 2.14, le retrait de plainte de M._, intervenu lors des débats de première instance, vaudrait aussi pour l'Association E._, de sorte qu'il doit être mis fin à la poursuite pénale pour diffamation.
Toutefois, il résulte clairement des déclarations de M._ que son retrait de plainte est personnel (cf. jgt., p. 6). La plainte qui était aussi déposée au nom et par l'Association (cf. dossier principal, P. 164 et 166) est maintenue. L'avocat de l'Association était par ailleurs présent aux débats et n'a jamais retiré sa plainte.
3.6
Au vu de ce qui précède, les griefs invoqués par A.B._, mal fondés, doivent être rejetés.
4.
A.B._ conteste que l'infraction de calomnie soit réalisée dans les cas 2.3, 2.6, 2.10 et 2.13 de la partie "En fait" du présent jugement.
4.1
La calomnie de l’article 174 CP est en réalité une forme qualifiée de la diffamation (cf. ch. 3.1 ci-dessus) qui se caractérise par un élément subjectif supplémentaire, à savoir que l’auteur sait que le fait qu’il allègue est faux. Comme l’auteur de la calomnie sait que le fait qu’il allègue est faux, les preuves libératoires prévues pour la diffamation sont exclues (Corboz, op. cit., n° 2 p. 611). En ce qui concerne la connaissance de la fausseté du fait allégué, il s’agit d’une connaissance au sens strict et le dol éventuel ne suffit pas (Corboz, op. cit., n° 12, p. 613 et l'arrêt cité). S'agissant du sens donné à l'allégation, il ne faut pas se fonder sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon le sens que le destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (Corboz, op. cit., n° 42, p. 590 et les arrêts cités).
4.2
En l'espèce, d'une part, l'appelante soutient que le raisonnement fait par les premiers juges, qui les ont amené à retenir la diffamation dans la majorité des autres cas, selon lequel elle est convaincue de la réalité de ses assertions et que sa perception des circonstances de faits l'engage à les tenir pour exactes, peut être rapporté également pour tous les cas de calomnie retenus. D'autre part, l'appelante estime que les destinataires des écrits, dont la plupart étaient parfaitement au courant des antagonismes et n'ignoraient rien du conflit, devaient interpréter les termes utilisés dans un sens purement figuré, comme elle le fait. Enfin, elle estime que, s'agissant du cas 2.3 et de l'inscription du terme "assassin" sur le véhicule du Dr N._, la personne visée ne serait pas désignée, dès lors qu'un véhicule de série, pas suffisamment individualisé, ne permettrait pas d'identifier immédiatement et sans aucun doute possible la personne mise en cause.
En l'occurrence, A.B._ a écrit sur des murs d'immeuble ou sur des voitures les mots "assassin" (cas 2.3, 2.4 et 2.6), "complice d'un meurtre" (cas 2.10) ou "complice d'un crime" (cas 2.13). Le fait de traiter quelqu'un d'assassin, de complice de crime ou de complice de meurtre laisse clairement entendre que cette personne s'est rendue coupable d'un crime et est donc manifestement attentatoire à l'honneur de cette personne. L'atteinte a en outre été dirigée dans tous les cas précités contre une personne suffisamment reconnaissable, soit les propriétaires des biens sur lesquels ont été apposés les écrits. Il ne fait en outre aucun doute sur le sens donné aux allégations. En effet, tout tiers, non impliqué dans le conflit en question, amené à voir les inscriptions en cause les comprendrait selon leur sens propre et non pas dans un sens figuré comme tente de le soutenir en vain l'appelante. Enfin, malgré sa pathologie, l'appelante connaissait parfaitement le sens des mots qu'elle utilisait et la fausseté de son assertion, son trouble délirant ne l'empêchant pas de savoir ce que les termes en question veulent dire.
4.3
Au vu de ce qui précède,
les moyens soulevés par A.B._, mal fondés, doivent être rejetés.
5.
A.B._ conteste s'être rendue coupable de violation de domicile s'agissant du cas 2.12, dont les faits figurent sous la même numérotation dans le présent jugement. Elle admet n'avoir pas tenu son engagement, mais explique qu'une nouvelle interdiction ne lui avait pas été manifestée depuis lors par la direction et que les locaux étaient ouverts. De plus, elle soutient que le simple fait de n'avoir pas respecté l'engagement ne rend pas pour autant l'entrée contraire à la volonté de l'ayant droit qui ne s'est plus manifesté.
L'argument de l'appelante est manifestement mal fondé. En effet, l'interdiction qui avait été donnée à A.B._ en juin 2009 était suffisante et cette dernière savait pertinemment que l'Association ne voulait pas qu'elle pénètre dans ses locaux. C'est donc à juste titre que les premiers juges l'ont condamnée pour violation de domicile. Le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.
6.
A.B._ critique ensuite la peine infligée par les premiers juges. Elle estime que la quotité de la peine doit être diminuée sensiblement au vu de la modification des qualifications juridiques des infractions de calomnie qui doivent être assimilées à des actes de diffamation, pour autant qu'on puisse les tenir comme tels. Elle soutient également que les premiers juges n'ont pas suffisamment tenu compte de sa situation personnelle et auraient dû retenir la détresse profonde de l'art. 48 CP. Enfin, s'agissant de sa responsabilité pénale, l'appelante soutient que l'art. 19 CP a été mal appliqué et que l'atténuation de peine s'imposait de manière beaucoup plus importante. Elle relève également des contradictions dans le jugement attaqué.
6.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
6.2
Partant de la gravité objective de l'acte (objektive Tatschwere), le juge doit apprécier la faute (subjective; subjektives Tatverschulden). Il doit mentionner, dans le jugement, les éléments qui augmentent ou diminuent la faute dans le cas concret et qui permettent d'apprécier la faute en relation avec l'acte. Le législateur mentionne plusieurs critères, qui jouent un rôle important pour apprécier la faute et peuvent même conduire à diminuer celle-ci de telle manière qu'il convient de prononcer une peine inférieure au cadre légal ordinaire de la peine. Parmi ceux-ci, figure notamment la diminution de la responsabilité au sens de l'art. 19 CP. Dans ce cas, contrairement à la lettre de la disposition et en modification de la jurisprudence en vigueur (ATF 134 IV 132 c. 6.1), il s'agit de diminuer la faute et non la peine; la réduction de la peine n'est que la conséquence de la faute plus légère (TF 6B_238/2009 du 8 mars 2010 c. 5.5, rés. in ATF 136 IV 55, JT 2010 IV 127).
La restriction de la responsabilité ne constitue qu'un critère parmi d'autres pour déterminer la faute liée à l'acte, qui peut toutefois avoir un grand poids selon le degré de la diminution de la responsabilité. Le Code pénal mentionne diverses circonstances qui peuvent réduire la faute: par exemple le mobile honorable, la détresse profonde, la menace grave, l'ascendant d'une personne à laquelle l'auteur devait obéissance ou de laquelle il dépendait (art. 48 let. c CP); la tentation grave (art. 48 let. b CP); l'émotion violente excusable ou le profond désarroi (art. 48 let. c CP). La faute peut aussi être restreinte en cas de délit par omission
(art. 11 al. 4 CP), d'excès de la légitime défense (art. 16 al. 1 CP), d'état de nécessité excusable (art. 18 al. 1 CP), d'erreur évitable sur l'illicéité (art. 21 CP), de désistement (art. 23 al. 1 CP) et de complicité (art. 25 CP). Dans tous ces cas, ces éléments de l'état de fait diminuent la faute, ce qui entraîne une peine plus clémente. D'autres circonstances peuvent aussi augmenter la faute et compenser la diminution de capacité cognitive ou volitive. On peut citer par exemple des motifs blâmables. Le juge jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour apprécier ces éléments (TF 6B_238/2009 c. 5.6, rés. in ATF 136 IV 55, JT 2010 IV 127).
Le juge n'est pas tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentage l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite. Pour cette raison déjà, il ne peut opérer une réduction linéaire de la peine selon un tarif particulier. Du reste, il n'existe pas de méthode scientifique exacte permettant de définir objectivement le taux de réduction de responsabilité, de sorte que la pratique distingue simplement selon que la diminution est légère, moyenne ou grave. Lorsque l'expert évalue le degré de la diminution de la responsabilité, il dispose d'une grande liberté d'appréciation. Cela peut certes constituer un point de départ lors de la fixation de la peine, mais celui-ci doit être affiné en fonction des particularités du cas. En d'autres termes, le juge doit apprécier juridiquement une expertise psychiatrique. Il est libre et n'est pas lié par les conclusions de l'expertise. Il doit aussi tenir compte de la cause de la diminution de responsabilité (TF 6B_238/2009 c. 5.6, rés. in ATF 136 IV 55, JT 2010 IV 127).
Le juge dispose également d'un large pouvoir d'appréciation lorsqu'il détermine l'effet de la diminution de la responsabilité sur la faute (subjective) au vu de l'ensemble des circonstances. Il peut appliquer l'échelle habituelle: une faute (objective) très grave peut être réduite à une faute grave jusqu'à très grave en raison d'une diminution légère de la responsabilité, à une faute moyenne à grave en cas d'une diminution moyenne et à une faute légère à moyenne en cas de diminution grave. Sur la base de cette appréciation, le juge doit prononcer la peine en tenant compte des autres critères de la fixation de la peine. Un tel procédé permet de tenir compte de la diminution de responsabilité, sans lui attribuer une trop grande importance (TF 6B_238/2009 c. 5.6, rés. in ATF 136 IV 55, JT 2010 IV 127).
En résumé, le juge doit procéder comme suit en cas de diminution de la responsabilité pénale: dans un premier temps, il doit décider sur la base des constations de fait de l'expertise dans quelle mesure la responsabilité pénale de l'auteur doit être restreinte sur le plan juridique et comment cette diminution de la responsabilité se répercute sur l'appréciation de la faute. La faute globale doit être qualifiée et désignée expressément dans le jugement (art. 50 CP). Dans un second temps, il convient de déterminer la peine hypothétique, qui correspond à cette faute. La peine ainsi fixée peut enfin être modifiée en raison de facteurs liés à l'auteur (Täterkomponente) ainsi qu'en raison d'une éventuelle tentative selon l'art. 22 al. 1 CP (TF 6B_238/2009 c. 5.7, rés. in ATF 136 IV 55, JT 2010 IV 127).
6.3
L'art. 48 let. a ch. 2 CP permet au juge d'atténuer la peine si l'auteur a agi dans une détresse profonde. Il y a détresse profonde lorsque l'auteur, sous la pression d'une détresse particulièrement grave, croit ne pas pouvoir trouver une issue que dans la commission d'une infraction (ATF 107 IV 94). L'admission de la circonstance atténuante de la détresse profonde implique que l'auteur ait respecté une certaine proportionnalité entre les motifs qui le poussent à agir et l'importance des biens qu'il lèse (Favre, Pellet et Stoudmann, Code pénal annoté, 3
ème
édition, Lausanne 2011, ch. 1.5 ad art. 48 CP).
6.4
En l'espèce, A.B._ a mené une véritable croisade contre le Dr. N._ qu'elle considère comme le responsable de tous ses maux. Elle ne s'est toutefois pas contentée de s'en prendre à celui qu'elle tient pour responsable, mais elle a agi contre des membres de sa belle-famille, des proches et des tiers dont le seul tort, d'après l'appelante, était de prendre le parti du Dr. N._. Il y a également lieu de tenir compte à charge de l'appelante du concours d'infractions et du fait qu'elle s'en est prise à plusieurs reprises aux mêmes victimes. En outre, la longue détention provisoire n'a pas eu d'effet sur A.B._ qui a recommencé à attenter à l'honneur de tiers après sa libération et ceci alors même qu'elle était au bénéfice d'un sursis pour des dommages à la propriété pour lesquels elle avait été condamnée en janvier 2010.
S'agissant des éléments à retenir à décharge de l'appelante, il convient de tenir compte de l'importante diminution de responsabilité constatée par les experts laquelle n'influence que la culpabilité globale et non pas la peine et ne constitue par ailleurs qu'un critère parmi d'autres dans le cadre de la fixation de la peine. A cet égard, l'appelante se trompe lorsqu'elle soutient qu'il existerait une contradiction dans le fait que les premiers juges retiennent une importante diminution de responsabilité et une culpabilité légère à moyenne. En effet, la première a un effet sur la culpabilité et la deuxième sert à fixer la peine. Au surplus, il sera tenu compte du fait que l'appelante a agi dans une période de profond désespoir.
Compte tenu des éléments retenus à charge et à décharge, les premiers juges ont à juste titre qualifié la culpabilité de l'appelante de légère à moyenne.
6.5
S'agissant de la quotité de la peine, l'art. 48 CP ne s'applique pas dans le cas particulier. En effet, il existe une disproportion évidente entre le but suivi par l'appelante et la commission des infractions qui lui sont reprochées.
En conséquence, au regard des infractions commises, de la culpabilité légère à moyenne de l'appelante, de sa situation personnelle et de la diminution légère de responsabilité, la quotité de la peine retenue par les premiers juges paraît adéquate et doit être confirmée.
6.6
Au vu de ce qui précède, les moyens soulevés par l'appelante, mal fondés, doivent être rejetés.
7.
A.B._ conteste également le montant du jour-amende et estime qu'il doit être revu à la baisse.
7.1
D'après l'art. 34 al. 2 CP, le jour-amende est de 3'000 fr. au plus. Le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital.
Dans la fixation du montant du jour-amende, les revenus de toute provenance doivent être pris en considération, que ce soit par exemple le salaire, le revenu d'une activité indépendante, les rentes, l'aide sociale, le rendement de la fortune mobilière ou immobilière ou des prestations en nature. D'après la doctrine, si l'auteur se met délibérément en situation de ne pas réaliser de gain, il faut lui imputer le revenu hypothétique qu'il serait en mesure de réaliser s'il faisait preuve de bonne volonté. Le même raisonnement peut être appliqué à celui qui ne tire pas de sa fortune les rendements qu'il pourrait raisonnablement réaliser, par exemple en ne louant pas un bien immobilier délibérément laissé vacant (Jeanneret, in: Commentaire romand, Code pénal I, Bâle 2009, nos 15 et 16 ad art. 34 CP).
7.2
En l'espèce, A.B._ dispose d'un bien immobilier en France lequel est évalué à 1'200'000 euros, quasiment franc d'hypothèque. L'appelante estime ses rendements immobiliers à 2'400 euros par mois avec lesquels elle dit s'acquitter de frais liés à l'immeuble, mais également d'un certain nombre de dépenses personnelles. Elle dispose ainsi bien d'un revenu net dont elle dispose à sa guise.
Dès lors, le montant du jour-amende fixé à 60 fr. par les premiers juges est adéquat au vu de la situation personnelle et économique de l'appelante et doit être confirmé.
7.3
Le grief avancé par l'appelante, mal fondé, doit être rejeté.
8.
A.B._ fait le reproche aux premiers juges de ne pas lui avoir octroyé de sursis et d'avoir révoqué celui qui lui avait été octroyé en janvier 2010. Elle estime qu'elle n'a pas techniquement commis de récidive au motif qu'il y aurait dû y avoir une jonction de cause entre les faits ayant abouti à la condamnation du 26 janvier 2010 et ceux de la présente affaire aboutissant ainsi à fixer une peine d'ensemble assortie du sursis.
8.1
D'après l'art. 49 al. 2 CP, si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement. Lorsque le juge est appelé à sanctionner à la fois des infractions plus anciennes qu'une précédente condamnation et des infractions nouvelles, la jurisprudence prévoit la fixation d'une peine d'ensemble.
8.2
Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit accorder le sursis. Celui-ci est ainsi la règle, dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 134 IV 1 c. 4.2.2). En d'autres termes, la loi présume l'existence d'un pronostic favorable et cette présomption doit être renversée par le juge pour exclure le sursis. Lorsque la peine se situe entre un et deux ans, le sursis total est la règle et le sursis partiel l'exception. Le juge accordera le sursis partiel au lieu du sursis total lorsqu'il existe – notamment en raison de condamnations antérieures – de sérieux doutes sur les perspectives d'amendement de l'auteur, qui ne justifient cependant pas encore, à l'issue de l'appréciation de l'ensemble des circonstances, un pronostic concrètement défavorable.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents. Le juge doit motiver sa décision de manière suffisante (art. 50 CP). Sa motivation doit permettre de vérifier s'il a tenu compte de tous les éléments pertinents et comment ils ont été appréciés (ATF 134 IV 5 c. 4.2.1; ATF 118 IV 97 c. 2b).
8.3
Aux termes de l'art. 46 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. La révocation du sursis dépend des infractions commises dans le délai d'épreuve, lesquelles permettront d'établir un pronostic favorable ou défavorable (ATF 134 IV 140 c. 4.2). Seul un pronostic défavorable peut justifier la révocation; à défaut, le juge doit renoncer à celle-ci.
8.4
Dans le cas particulier, une partie des faits ayant été commis après la première condamnation (cf. cas 2.14 et 2.15 de la partie "En fait" du présent jugement), les premiers juges ont à juste titre fixé une peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 26 janvier 2010 par le Procureur du canton de Soleure.
S'agissant du sursis, A.B._ a été détenue préventivement du 13 novembre 2009 au 13 mai 2010. Elle a été condamnée le 26 janvier 2010 par le Procureur du canton de Soleure à une peine pécuniaire avec sursis pendant deux ans. Malgré la détention préventive de 182 jours et une première condamnation, l'appelante a à nouveau tenu des propos diffamatoires à partir du mois de juin 2010 (cf. ch. 2.14 et 2.15 de la partie "En fait" du présent jugement). En outre, si l'appelante a déclaré aux débats de première instance vouloir changer de méthode à l'avenir et utiliser des moyens licites et légaux pour faire valoir ses droits, il n'en demeure pas moins qu'aux débats d'appel elle a traité à deux reprises le Dr N._ d'assassin.
Compte tenu de la quantité des infractions commises, de leur régularité, de la rapidité de la récidive après la première condamnation et après une détention préventive de six mois, le pronostic quant au comportement futur de l'appelante ne peut clairement être que défavorable et c'est à raison que les premiers juges ont refusé de lui octroyer le sursis. La jonction des causes n'aurait par ailleurs en rien changé ce résultat.
En ce qui concerne la révocation du sursis, le pronostic étant manifestement défavorable au vu des éléments précités et notamment au vu de la récidive du mois de juin 2010, les premiers juges ont à juste titre révoqué le sursis octroyé le 26 janvier 2010 par le Procureur du canton de Soleure.
8.5
Au vu de ce qui précède, les moyens soulevés par l'appelante concernant l'octroi et la révocation du sursis sont mal fondés et doivent être rejetés. Il sera toutefois tenu compte de l'art. 51 CP et la peine à exécuter découlant de la révocation du sursis sera imputée sur la détention avant jugement subie par l'appelante.
9.
Enfin, A.B._ conteste le traitement ambulatoire de l'art. 63 CP aux motifs qu'elle serait régulièrement suivie sur le plan psychiatrique et que les conditions de cette dernière disposition ne seraient pas réalisées, le jugement n'expliquant pas en quoi le traitement la détournerait de commettre de nouvelles infractions.
En l'espèce, l'appelante voit une fois par mois une infirmière en psychiatrie, ce qui ne saurait être assimilé à un suivi adéquat de sa pathologie. L'experte entendue comme témoin aux débats de première instance a déclaré à ce sujet que cela ne lui paraissait pas suffisant. Il résulte de l'expertise psychiatrique que le traitement ambulatoire de l'art. 63 CP s'impose. Les conclusions des experts ont été confirmées dans un rapport complémentaire et par l'audition de l'une des expertes aux débats de première instance. Cette dernière a notamment déclaré que si le trouble dont souffre l'appelante répondait mal à un traitement en général et au traitement neuroleptique en particulier, un traitement ambulatoire de l'art. 63 CP est néanmoins nécessaire pour diminuer le risque de récidive. Il n'existe aucune raison de s'écarter des conclusions des experts, de sorte que le traitement ambulatoire de l'art. 63 CP sera confirmé.
Mal fondé, le moyen soulevé par l'appelante doit être rejeté.
10.
En définitive, au vu de ce qui précède, l'appel de A.B._ s'avère mal fondé et doit être entièrement rejeté.
11.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel sont mis à la charge de A.B._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9a491bad-f9b7-4967-9e01-f398577c3c7c | En fait :
A.
Par jugement du 6 décembre 2013, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de La Côte a libéré L._ du chef d'accusation d'homicide par négligence (I), libéré I._ du chef d'accusation d'homicide par négligence (II), donné acte à C._ et B.G._ de leurs réserves civiles à l'encontre de L._ et I._ (III), alloué à L._ une indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP d'un montant de 51'925 fr. 55, valeur échue, à la charge de l'Etat (IV), alloué à I._ une indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP d'un montant de 51'678 fr., valeur échue, à la charge de l'Etat (V) et dit que les frais de la procédure, arrêtés à 21'300 fr. 30, sont laissés à la charge de l'Etat (VI).
B. a)
Par annonce du 11 décembre 2013 puis par déclaration motivée du 31 mars 2014, le Ministère public central, Division affaires spéciales contrôle et mineurs, a formé appel contre ce jugement, concluant à sa réforme en ce sens qu'I._ et L._ sont condamnées pour homicide par négligence, à 30 jours-amende, avec sursis pendant deux ans, les frais de la cause étant mis à leur charge et toute indemnité leur étant refusée.
b)
Par annonce du 16 décembre 2013 puis par déclaration motivée du 27 mars 2014, C._ et B.G._ ont formé appel contre le jugement précité, concluant, avec dépens, à sa réforme en ce sens que L._ et I._ sont reconnues coupables d'homicide par négligence et condamnées à une peine fixée à dire de justice, qu'elles sont les débitrices, solidairement entre elles, de C._ de la somme de 50'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 14 mai 2009, et de B.G._ de la somme de 50'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 14 mai 2009, à titre de réparation du tort moral. Les appelants ont également conclu à l'allocation d'une indemnité de 47'487 fr. 20 pour les dépenses occasionnées par la procédure, à la charge de L._ et d'I._, solidairement entre elles, les frais de la procédure de première et deuxième instances étant également supportés par ces dernières.
c)
Dans ses déterminations écrites du 7 mai 2014, L._ a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet des appels formés par le Ministère public et par B.G._ et C._, à la confirmation du jugement attaqué et à l'octroi d'une indemnité fixée à dire de justice pour ses frais de défense de deuxième instance.
d)
Dans ses déterminations écrites du 9 mai 2014, I._ a conclu au rejet des appels du Ministère public et des plaignants, à la confirmation du jugement attaqué et à l'octroi d'une indemnité fixée à dire de justice pour ses frais de défense de deuxième instance.
e)
L'ensemble des parties ont confirmé leurs conclusions lors de l'audience d'appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. a)
Née en 1974 à Lausanne, L._ est mariée à X._, avec qui elle a deux enfants nés en 2006 et 2008. Elle est pédiatre. Elle a obtenu son diplôme de médecine en décembre 2001 puis a commencé à travailler en pédiatrie en janvier 2002, discipline qu'elle n'a jamais quittée jusqu’à ce jour, hormis deux pauses de six mois et une année en chirurgie pédiatrique. Elle a travaillé au Centre Hospitalier B._ de janvier 2002 à avril 2008 et à l’Hôpital T._ d’avril à octobre 2008, puis dès avril 2009. Elle a obtenu son titre FMH de pédiatrie en avril 2010. Depuis août 2011, elle exerce en cabinet. En 2013, elle a réalisé un résultat d’exploitation d'environ 90'000 francs. Son conjoint est indépendant et son revenu, qui fluctue, est estimé à environ 5'000 fr. par mois. Les charges mensuelles essentielles du couple se composent de 2'000 fr. de loyer charges non comprises et de 1'060 fr. pour l'ensemble des primes d’assurance maladie de la famille; la charge fiscale annuelle de la famille est estimée à 22'000 francs. En octobre 2012, la prévenue disposait de 207'000 fr. de fortune non immobilière. Aucune inscription ne figure à son casier judiciaire.
b)
Originaire de Fischenthal, I._ est née en 1971 à Lausanne. Elle est mariée à U._ dont elle a trois enfants nés en 2004 et 2006. Elle est pédiatre. Elle a obtenu son diplôme de médecine en 1997. Elle a débuté dans la profession par une année de médecine interne à [...] puis a fait une année en pédiatrie à [...]. En 1999, elle a commencé comme médecin assistante en pédiatrie au Centre Hospitalier B._. Elle a obtenu son diplôme FMH en pédiatrie en 2002, année où elle a été nommée cheffe de clinique au Centre Hospitalier B._ jusqu’en 2005. Cette année-là, elle est devenue cheffe de clinique à l’Hôpital T._, toujours en pédiatrie. En 2008, elle était médecin adjointe dans cet hôpital. Elle a quitté le milieu hospitalier en décembre 2012 et travaille désormais exclusivement à son cabinet, qu’elle avait ouvert en 2007. En 2012, elle a réalisé un revenu annuel net de 144'283 fr. pour son activité salariée et le résultat de l’exercice pour son activité au cabinet faisait apparaître un montant de 65'484 fr. 04; son revenu a légèrement augmenté en 2014 mais son conjoint a cessé son activité professionnelle. Les charges mensuelles essentielles de la famille se composent de 3'000 fr. de charges hypothécaires et d’entretien pour la maison et de 800 fr. à 1'000 fr. de primes d’assurance maladie. La charge fiscale annuelle de la famille est d’environ 50'000 francs. Le couple est propriétaire d’une maison estimée à 660'000 fr., la dette hypothécaire étant de 560'000 francs. Par ailleurs, la prévenue a bénéficié d’un prêt privé de sa mère d’un montant de 116'000 francs. L’extrait du casier judiciaire suisse d'I._ est vierge de toute inscription.
2. a)
A [...], le dimanche 10 mai 2009, au domicile familial, A.G._, née le [...] 2008, a commencé à avoir de la fièvre dans le courant de la journée. Son état fébrile a perduré. Le lendemain, lundi 11 mai 2009 vers 09h00, elle a été conduite par sa mère, B.G._, au cabinet de son pédiatre, le Dr V._, à [...]. Ce médecin a diagnostiqué une infection des voies respiratoires supérieures avec début de laryngite et prescrit un humidificateur pour la gorge et, en cas de fièvre, la prise de "Méfenacid" et de "Dafalgan".
Durant la journée du mardi 12 mai 2009, l'enfant a à nouveau eu de la fièvre. Elle en avait encore le mercredi 13 mai 2009 en début de matinée (40° C). Vers 09h15, elle a eu des convulsions et a vomi. Vers 09h40, B.G._ et C._, père de A.G._, l'ont amenée en urgence au cabinet du Dr V._. Le pédiatre a été informé de l’évolution de l’état de l’enfant et le contrôle de sa température a révélé un état hautement fébrile (40°C). A.G._ présentait un état général diminué, des mouvements spastiques de l'hémiface gauche, avec des clignements des paupières à l'œil gauche, des mouvements tonico-cloniques des membres inférieur et supérieur gauches. Le Dr V._ a fait administrer à l'enfant du "Paracétamol" et des compresses fraîches sur le front et les jambes. Peu après, A.G._ a eu de nouvelles convulsions. Le Dr V._ lui a alors fait administrer du "Diazépam intrarectal" et a fait appeler le SMUR. Dans son dossier, le Dr V._ a indiqué les diagnostics d'otite moyenne aiguë gauche et de convulsions focales atypiques secondaires à une infection bactérienne (P. 41). Il a également porté en marge de ces diagnostics les mentions "Méningite?" "Abcès?", sans néanmoins en faire part ni aux parents, ni au SMUR.
Le SMUR est arrivé au cabinet du Dr V._ à 10h02, pour en repartir avec l'enfant à 10h23 et arriver à l'Hôpital T._ à 10h32. Le Dr V._ a communiqué aux médecins du SMUR, soit la Dresse [...] et le Dr Z._, superviseur, que A.G._ lui avait été amenée dans un état hautement fébrile, qu’elle avait convulsé au cabinet, qu’elle présentait un signe de surinfection avec une otite moyenne aiguë gauche, et que l’administration de "Diazépam" n’avait pas permis de stopper la crise (PV aud n° 2, l. 101 ss). Le SMUR a alors pris en charge l'enfant. A.G._ a eu un apport d'oxygène et du "Rivotril", un anticonvulsif, lui a été administré, ce qui a permis de stopper la crise. Le dossier des ambulanciers ne porte pas la mention d'une éventuelle méningite (cf. P. 37).
b)
Admise mercredi 13 mai 2009 à 10h32 au Service des urgences de l'Hôpital T._, A.G._ y est restée jusqu'à 11h40 sous la garde de la Dresse D._, médecin assistante, qui a vu et entendu les parents de l'enfant et pris connaissance de ce que le pédiatre et les médecins du SMUR avaient constaté, soit que A.G._ avait présenté une convulsion fébrile avec déviation de la bouche. Elle a également constaté l’otite. Elle a déclaré qu'elle n'avait pas pensé à une méningite. Aucun autre examen particulier complémentaire n'a été ordonné. Lors de son admission aux urgences, A.G._ était endormie. Sa fièvre était tombée à 38.5°C. Quand elle s'est réveillée, environ 15 minutes plus tard, une paralysie de la commissure labiale gauche subsistait mais l'enfant bougeait le front et clignait des yeux. Le test de Glasgow était à 14.
c)
Le mercredi 13 mai 2009 à 11h40, A.G._ a été admise au Service de pédiatrie de l'Hôpital T._, où elle est restée jusqu'au jeudi 14 mai 2009 à 07h00 sous la responsabilité des Dresses I._, médecin cadre et superviseur, responsable des urgences pédiatriques, de la pédiatrie, de la salle d'accouchement et de la maternité du 13 mai à 08h00 au 14 mai à 08h00, et de L._, médecin cheffe de clinique adjointe durant la journée du 13 mai jusqu’à 17h00, ainsi que des médecins assistantes E._, D._ et R._
A.G._ a été accueillie en pédiatrie par la Dresse E._, avec le diagnostic de "convulsion focale dans un contexte fébrile", sans récupération complète. Lors de son entrée dans le service, la prise en charge de l'enfant a été discutée par les Dresses I._, L._, E._ et D._. A ce moment-là, la méningite a été évoquée (PV aud. n° 6, l. 68 ss, PV débats, p. 5). A la fin de la discussion concernant sa prise en charge, l'enfant a encore été vue par les Dresses L._ et E._. Son hospitalisation a été décidée avec, comme diagnostic, "convulsions fébriles complexes avec récupération neurologique prolongée mais totale" et, comme soins, une surveillance de type "soins continus" (monitoring cardiaque et de saturation de l'oxygène dans le sang) et un contrôle des paramètres vitaux "aux heures" (PV aud. n°9, l. 117 ss). Le graphique de surveillance figurant au dossier (P. 137) atteste de cette surveillance (contrôle de la fréquence cardiaque, de la saturation d'oxygène dans le sang, de la fréquence respiratoire, de la température, de la tension artérielle, de l'état général de l'enfant; PV aud. n°9, 124 ss). En parallèle, une surveillance neurologique régulière a également été mise en place (PV débats, pp. 3 et 5). Selon la Dresse I._, le diagnostic différentiel était "tout diagnostic qu'on évoque au moment des convulsions fébriles de l'enfant, qu'elles soient simples ou complexes" (PV aud n° 9, l. 81 ss). Une prise de sang a été ordonnée. Les résultats des analyses, connus à tout le moins avant 14 heures, indiquaient dans le sang des taux de leucocytes (globules blancs) et de CRP (protéine C Réactive) élevés, respectivement 25.3 G/L de leucocytes et 54 mg/L de CRP. L’enfant présentait également une tachypnée (accélération du rythme respiratoire) persistante et une tachycardie (accélération du rythme cardiaque) intermittente.
Il a également été décidé de demander un avis au Service de neuro-pédiatrie du Centre Hospitalier B._. Entre 13h15 et 14h30, la Dresse E._ a ainsi eu deux contacts téléphoniques avec le Dr F._, alors Chef de clinique au Service de neuro-pédiatrie du Centre Hospitalier B._. Le cas lui a été présenté et les résultats de la prise de sang, avec une CAP de 50, communiqués. Le Dr F._ a envisagé le diagnostic différentiel suivant: méningite, hémorragie intracrânienne, convulsions fébriles complexes sur infection extra neurologique et convulsion sur une malformation cérébrale décompensée par une infection extra neurologique. Il a recommandé, sur la base des éléments qui lui avaient été communiqués oralement, une surveillance de l'enfant et, en cas de crise ou de modification de son état, une alerte au Service de neuro-pédiatrie du Centre Hospitalier B._, ainsi qu’une consultation au Centre Hospitalier B._ dans un délai de 24 à 48 heures. Entendu par le procureur, le Dr F._ a déclaré qu'au vu de la lecture qui lui était faite du "dossier patient ambulatoire" entre 14h30 et 16h30, la récupération n'était pas totale mais montrait en plus une aggravation nette par rapport à l'état qui lui avait été décrit précédemment. Si on avait pris la peine de le rappeler, deux heures plus tard, la situation aurait selon lui été différente et il aurait fallu reconsidérer le diagnostic du matin. L'enfant aurait dû pouvoir bénéficier d'un transfert en soins intensifs de pédiatrie et d'une antibiothérapie (PV aud. n° 11, l. 211 ss).
Après ces téléphones, la prise en charge de l'enfant par le Service de pédiatrie n'a pas été modifiée.
A 15h30, A.G._ a vomi un biberon de lait et restait d'humeur "grincheuse". La Dresse L._ a procédé à ce moment-là à un examen clinique neurologique complet de l’enfant, qu'elle a jugé rassurant. L'enfant ne présentait pas de signes focaux, pas d'asymétrie. Elle réagissait, ne se laissait pas examiner, se saisissait par exemple du marteau réflexe. L'état de conscience était maximal (Glasgow 15). Il n'y avait pas de signes méningés. Si elle était assise, elle cherchait à se coucher et à prendre sa lolette et son doudou. Au cours de l'examen, A.G._ a à nouveau vomi. De plus, sa fréquence respiratoire était un peu élevée. Au terme de l'examen, la Dresse L._ a ordonné un remplissage, étant donné que l'enfant venait de vomir et qu'elle avait déjà vomi le matin. La poursuite de la surveillance telle que précédemment a été prévue (cf. P. 9; PV aud. n° 8, l. 129 ss).
A 16h30, A.G._ a encore vomi. Durant la fin de l'après-midi, elle a alterné entre les moments d'éveil et ceux où elle était endormie. La tachypnée et la tachycardie ont persisté malgré une thérapie de volume. La température corporelle de l'enfant était de 36°C à 18h30.
Vers 21h00, A.G._ a été remise à la Dresse R._, médecin de garde pour la nuit, avec comme diagnostic "convulsions fébriles dans un contexte de virose, avec récupération complète et état stable". Elle était endormie mais toujours tachypnéique. La Dresse R._ n'a vu qu'un enfant endormi jusqu'à la convulsion de 2 heures du matin. Vers 24h00, un encombrement nasal a été constaté et l'administration de sérum physiologique ordonnée.
Au niveau infirmier, A.G._ a été prise en charge par les infirmières H._ le 13 mai de 11h40 jusqu'à 20 heures et J._ durant la nuit. Entendue par le Procureur, H._ a confirmé qu'elle était chargée des contrôles vitaux aux heures (PV aud. n°4, l. 65 s.). L'infirmière a décrit une enfant assez fatiguée, qui dormait de longs moments et qui, lorsqu'elle était réveillée, avait un bon contact visuel mais était grincheuse (PV aud. n° 4, l. 68 et 77 ss). H._ a constaté que la respiration de l'enfant était trop rapide (PV aud. n° 4, l. 85 et 88), ce dont elle a avisé la Dresse L._. Elle a aussi constaté une très légère parésie faciale lorsque A.G._ a été admise dans le service de pédiatrie (PV aud. n° 4, l. 135). Vers 19h30, H._ a remis l'enfant à sa collègue J._, en lui disant qu'il fallait surveiller A.G._, qu'elle présentait des convulsions atypiques et qu'elle avait une probable virose comme elle avait eu des diarrhées et des vomissements (PV aud. n°3, l. 53 ss; PV aud. n°4, l. 97). La feuille d'évolution tenue par les infirmières ne comporte aucune indication sur l'état de l'enfant entre 11h40 - moment de son entrée dans le service où il est constaté qu'elle est bien réveillée et afébrile - et 20 heures.
Le jeudi 14 mai 2009 vers 02h00, A.G._ a une nouvelle fois présenté des convulsions avec une asymétrie des mouvements et un hémicorps gauche inerte. L'administration de "Stesolid intrarectal" a été ordonnée, ce qui est resté sans effet. La Dr R._ a appelé la Dresse I._ à son domicile, qui, vers 02h30-03h00, a ordonné l’administration de "Diazépam" pour stopper la crise épileptique et le contrôle de l’évolution de l’état de l’enfant. L’administration du médicament ayant eu un effet sur la crise, mais sans récupération, elle a ensuite demandé à la Dresse R._ de prendre contact avec le CHUV ou les HUG en vue d’un transfert de l’enfant dans un de ces deux hôpitaux universitaires. Cette dernière décision impliquant l’obligation pour le médecin-cadre de se rendre à l’hôpital pour une évaluation avant transfert, la Dresse I._ s’est rendue de son domicile privé à l’Hôpital T._ où elle est arrivée une quinzaine de minutes plus tard, vers 03h45. Un examen neurologique a révélé des signes d'asymétrie pupillaire, des mouvements saccadés du membre supérieur droit, l'absence de mouvements à gauche et un trouble de l'état de conscience (Glasgow à 9/10). Un scanner cérébral, qui a pu être effectué vers 04h45, a mis en évidence des lésions cérébrales. Entre 05h30 et 06h00, la Dresse A.G._ a ordonné une nouvelle prise de sang et l'administration d'antibiotiques (Rocephin) à dose méningée.
Le jeudi 14 mai 2009 vers 07h00, A.G._ a été transportée au Centre Hospitalier B._ par la Rega. Dans la matinée une craniectomie de décompression a été pratiquée, qui a permis de constater la présence d'une méningite importante avec la présence d'abcès. A.G._ est décédée au Centre Hospitalier B._ dans la soirée du vendredi 15 mai 2009 d'une méningo-encéphalite à pneumocoques.
d)
Au dossier de l'Hôpital T._ figure la mention "Attention : même si DD le plus probable convulsion dans contexte infection virale, si moindre doute ou péjoration penser à DD encéphalite/néoplasie/méningite, etc. et avertir I._". C'est la Dresse E._ qui a porté cette mention au dossier pour l'équipe de nuit, sur les instructions de la Dresse L._ (cf. P. 9; PV débats, p. 3 i.f.).
3.
a)
Le 30 septembre 2009, le Dr Karim Boubaker, Médecin cantonal, au nom du Service de la santé publique de l’Etat de Vaud, a mandaté le Dr M._ pour mener une expertise ayant pour objectif premier de mettre en évidence les problèmes survenus dans la prise en charge de A.G._ depuis la première consultation chez le pédiatre jusqu’à son décès au Centre Hospitalier B._ (cf. P 11/23); lors de son audition comme témoin aux débats de première instance, le Dr M._ a précisé que le but de l’expertise qui lui avait été confiée était de répondre aux questions que le Médecin cantonal se posait dans ce cas et de proposer des améliorations, dans la prise en charge des enfants, de manière globale; ainsi, le but de son rapport était de mettre en lumière certains faits mais surtout d’améliorer la prise en charge des enfants au niveau pédiatrique (cf. jgt, p. 48). Le Dr M._ a déposé son rapport le 7 janvier 2010 (cf. P. 5); il a indiqué que son expertise se basait sur l’étude du dossier médical de la patiente, sur certains éléments issus des divers entretiens et sur certains éléments de la littérature dans son état actuel (cf. P. 5, p. 2); à l’audience de première instance, il a précisé qu’il avait en particulier rencontré les parents de A.G._, le Dr V._, les Dresses L._, I._, le Dr Q._ - chef du service de pédiatrie de l’Hôpital T._ -, et la Dresse W._ du Centre Hospitalier B._ (cf. jgt, p. 48 s.).
b)
En sa qualité de membre du Conseil de santé du canton de Vaud, le Procureur général a pris connaissance du rapport du Dr M._ et, le 10 août 2010, il a dénoncé les médecins responsables de la prise en charge de l’enfant pour homicide par négligence (cf. P. 4).
c)
En cours d’instruction, une expertise judiciaire a été confiée au Professeur A._, docteur en médecine, directeur et médecin-chef de la Clinique universitaire pédiatrique [...], qui a déposé son rapport le 29 février 2012 (cf. P 74/2 et 74/3 pour la traduction, à laquelle il sera fait référence dans le présent jugement). S’agissant du processus suivi pour effectuer son expertise, le Professeur A._ a expliqué qu’il avait étudié tous les documents reçus; il s’était fait aider par des personnes de langue française en cas d’incompréhension; il avait consulté la littérature médicale lorsqu’il avait des hésitations; ensuite il avait répondu aux questions; il n’avait eu aucun contact avec le Centre Hospitalier B._; le rapport du Dr M._ figurait dans le dossier qui lui avait été remis; il n’avait pas eu connaissance du procès-verbal de l’audition du Professeur W._ mais avait eu connaissance du procès-verbal d’audition du Dr F._; il y avait trois dossiers médicaux, à savoir celui du Conseil de santé, celui de l’Hôpital T._ et celui du Centre Hospitalier B._; il avait tout lu une, deux fois; il avait inscrit sur une feuille tout le déroulement; le dossier du Centre Hospitalier B._ était le moins important parce que cela concernait des faits "ultérieurs"; il avait essayé de trouver des données originales et non pas des interprétations contenues dans les rapports, les originaux des analyses du laboratoire, le rapport du SMUR, les rapports des soignants (cf. PV aud. n° 13 l. 333 ss); à l’audience, il a ajouté qu’il n’avait pas eu connaissance de la lettre du Dr N._ (cf. PV jgt, p. 43); il a confirmé qu’il avait établi son expertise sur la seule base du dossier écrit qui lui avait été remis sans avoir entendu les Dresses L._ et I._, ni les parents de A.G._ (cf. PV jgt, p. 44).
d)
De son côté, I._ s'est adressée au Dr N._, médecin-chef à l’Hôpital H._ depuis une vingtaine d’années, également responsable des urgences pédiatriques dans cette structure et chargé de formation et d’enseignement dans le domaine de la pédiatrie générale et aux urgences, à qui elle a formulé plusieurs questions écrites, par l'intermédiaire de son défenseur. En réponse à cette demande, le Dr N._ a émis un avis écrit le 27 novembre 2012 (cf. P. 105/2); il y était notamment indiqué qu’il avait reçu le dossier médical de l’Hôpital T._, le rapport du SMUR et les deux expertises médicales du Dr M._ et du Professeur A._. Entendu lors des débats de première instance, le Dr N._ a précisé qu’il connaissait les deux prévenues depuis très longtemps, dans la mesure où elles faisaient partie des multiples collègues qui avaient été formées dans son département de pédiatrie (cf. PV jgt, p. 29). S’agissant du contexte dans lequel son courrier du 27 novembre 2012 avait été rédigé, il a exposé qu’il l’avait fait sur demande de la Dresse I._; il n’avait pas eu avec elle une longue discussion par rapport à la situation; elle était venue lui en parler et lui avait expliqué le contexte de l’affaire - qu’il ne connaissait que par les médias - et la situation dans laquelle elle se trouvait avec sa collègue; elle lui avait demandé une forme d’aide, aussi sur suggestion de son avocat, dont il avait reçu un questionnaire quelques jours après; il a encore déclaré qu’il était au centre de la formation des médecins du canton et qu'il connaissait les prévenues depuis très longtemps mais que, cela étant, il n’avait pas de relation d’amitié particulière avec elles; quand il avait été contacté par la Dresse I._, il avait suggéré de faire une expertise externe selon un canevas plus conséquent (cf. PV jgt, p. 36); il avait conscience du fait que le travail qu’il avait fourni avait un caractère partiel et il ne prétendait pas avoir procédé à une expertise; il n’avait pas lu le procès-verbal d’audition du Professeur A._ devant le procureur (cf. PV jgt, p. 37); si son rapport était certes partiel, il n’était en revanche pas partial et il ne s’agissait nullement d’un rapport de complaisance (cf. PV jgt, p. 38).
4.
a)
Invité à se prononcer sur la prise en charge de A.G._ lors de son admission à l'Hôpital T._, le Professeur A._ a estimé que les médecins responsables n’avaient pas mis en œuvre tout ce qui était possible de faire lors d’un soupçon de méningite bactérienne, mais qu’il était plus difficile de répondre à la question de savoir si lesdits médecins avaient omis des mesures qui auraient dû être nécessairement prises lors de l’admission. Il a relevé que le fait que l’état de A.G._ s’était amélioré spontanément et considérablement (disparition de la paralysie de l’hémiface gauche, réveil, comportement joueur) en quelques heures seulement, pourrait parler contre l’hypothèse d’une omission des médecins mais qu’en revanche, celle-ci pouvait être défendue, compte tenu des valeurs sanguines (leucocytose, CRP) qui étaient compatibles (mais pas probantes) avec une infection bactérienne et compte tenu du fait que malgré la diminution de la fièvre, l'enfant présentait toujours une tachycardie et une tachypnée indiquant un pré-choc et qui étaient également compatibles avec une infection bactérienne, mais non avec une banale infection virale; dès lors, un comportement prudent, visant la sécurité et cherchant à éviter le pire (worst case scenario) aurait donc exigé la prise des mesures d’urgence susmentionnées (formule sanguine, CRP, hémoculture, antibiotique empirique, CT/MR, éventuellement ponction lombaire) (cf. P 74/3 R. ad Q. 4); l'expert a également souligné que l'administration de benzodiazépines (Diazépam, Clonazepam) avant l'admission à l'hôpital ainsi que l'état ictal/post-ictal de A.G._ avaient rendu l'évaluation des signes cliniques d'une méningite probablement plus difficile. Ainsi, en cas de doute, un médecin expérimenté prenait en considération le diagnostic le moins favorable, à savoir, in casu, la possibilité d’une méningite bactérienne (cf. P 74/3 R. ad Q. 5 in fine). Le Professeur A._ a également exposé qu’à partir du moment où le diagnostic d’une méningite bactérienne avait été pris en considération, il aurait dû être exclu idéalement au moyen de la procédure suivante : prise de sang en urgence, puis Rocephin i.v., puis imagerie médicale (CT/MR), puis (au vu du résultat des CT/MR) une ponction lombaire ou un transfert d’extrême urgence dans un hôpital important pourvu d’un secteur de médecine interne pédiatrique et de chirurgie neurologique; l’expert a noté qu’il s’agissait d’un tableau idéal et qu’il était toujours plus difficile d’appliquer cette séquence rapidement dans un petit hôpital; il a relevé qu’en outre, l’amélioration apparente de l’état neurologique de A.G._ après le premier épisode était très inhabituelle pour une méningite bactérienne (spécialement la récupération d’un état normal de conscience) et que cette évolution avait probablement amené l’équipe des médecins à attendre, "ce que l’on peut comprendre", au vu de l’absence d’un algorithme (sic) imposant aux médecins une procédure à suivre (cf. P 74/3 R. ad Q. 16; cf. également PV aud. 13, l. 287 s.). Quoi qu'il en soit, selon l'expert, l'amélioration de l'état de santé durant la période du 13 mai de 12h à 24h n'était pas satisfaisante: la tachypnée inexpliquée et la tachycardie changeante avaient persisté malgré une thérapie de volume. L'état instable avait donc globalement persisté, bien que l'état neurologique de l'enfant se fût apparemment amélioré (P. 74/13, R. ad Q. 9). De l'avis de l'expert, même si l'état de A.G._ paraissait stable, trois autres problèmes persistaient: la tachypnée ainsi que le status fébrile depuis 4 jours (malgré plusieurs administrations de fébrifuges [PV aud. 13, l. 267 ss], accompagné de paramètres d'infection élevés dans le sang qui n'avaient pas été identifiés et protocolés. Ces résultats auraient nécessité une réévaluation avec une recherche centrée sur la découverte d'un foyer d'infection bactérienne (répétition des analyses de laboratoire, examen d'urine, radiographie du thorax, administration empirique d'antibiotique). Le diagnostic retenu était donc au moins incomplet et une exploration de la tachypnée et des valeurs de pouls élevées, ou correspondant au moins aux valeurs élevées sur l'échelle des valeurs normales, n'a pas été effectuée (P. 73/4, R. ad. Q. 11) A la question de savoir s’il fallait conclure qu’un devoir de diligence/des règles de l’art médical avait été violé, l’expert a indiqué qu’il n’existait pas de guidelines qui imposeraient la procédure à suivre lors d’épisodes de convulsions fébriles complexes (cf. PV aud. 13, l. 108 pour la correction de la traduction) mais que, selon la littérature, le médecin traitant devait exclure une méningite bactérienne lors de convulsions fébriles complexes (idem), même si cette dernière ne se présentait que dans moins que 1% des cas accompagnée de convulsions fébriles complexes (idem); à charge, il convenait de dire qu’une antibiothérapie i.v. avec par exemple Rocephin se serait imposée dans le cas de A.G._ compte tenu du fait que l’examen sanguin avait révélé des signes d’une infection et d’un état de pré-choc, et ceci même si elle n’avait pas eu de convulsions fébriles complexes (idem); d’autre part, il fallait prendre en considération l’existence d’explications alternatives, notamment le fait qu’au cours de l’après-midi du 13 mai 2009, l’évolution neurologique était temporairement extraordinairement bonne et que l’Hôpital T._ ne disposait apparemment pas de guidelines internes recommandant pour ce cas de figure une procédure à suivre, précisant que ce style de guidelines était spécialement important pour le médecin inexpérimenté et visaient, en règle générale, à éviter le "worst case scenario"; il a expliqué qu’il identifiait ici une faute du système dans le déroulement des processus à l’Hôpital T._ et que, par conséquent, il estimait qu’il n’y avait pas de violation des règles de l’art médical que les experts pourraient invoquer; en revanche, il y avait eu violation d’un devoir de diligence individuelle, compte tenu du fait que le diagnostic correct avait été évoqué a priori, mais n’avait finalement pas été investigué de manière conséquente, respectivement n’avait finalement pas été exclu, précisant que l’exclusion d’une méningite bactérienne dans le cadre de la médecine d’urgence pédiatrique relevait de la plus grande priorité, qu’elle était enseignée dans les universités ainsi que dans le cadre de la formation du médecin visant à devenir spécialiste en pédiatrie et en médecine de l’adolescent FMH et était généralement reconnue nécessaire, comme mentionné ci-dessus, par la littérature (cf. P 74/3 R. ad Q. 18); ainsi, selon le Professeur A._, on pouvait reprocher aux deux médecins responsables les Dresses I._ et L._ une violation du devoir de diligence compte tenu du fait qu’elles n’avaient pas immédiatement investigué, respectivement exclu, la "méningite bactérienne" dont faisait état le diagnostic différentiel; l’expert a ajouté qu’il supposait que les deux médecins avaient procédé à leurs évaluations respectives de bonne foi dès lors qu’elles avaient investigué dans chaque cas un diagnostic également possible; pour cette raison et compte tenu de l’absence de guidelines nationales ou internationales prévoyant une procédure à suivre en cas d’épisodes fébriles complexes, on ne pouvait pas parler d’une violation des règles de l’art médical à son avis (cf. P 74/3 R ad Q. 19).
Certaines précisions doivent être mentionnées spécifiquement au sujet des prémisses sur lesquelles le Professeur A._ s’est fondé. L’expert a estimé que les valeurs sanguines (leucocytose et CRP) étaient compatibles avec une infection bactérienne (cf. P. 74/3 R. ad Q 4); lors de son audition en cours d’enquête, à la question de savoir s’il était vrai qu’après une convulsion prolongée, il était fréquent de trouver une leucocytose, il a répondu que oui, cela pouvait arriver, qu’un état fébrile était fréquemment associé à une convulsion prolongée et que l’enfant avait aussi bien une convulsion qu’une infection qui provoquaient de la fièvre; il était donc impossible au médecin de dire de cas en cas que la leucocytose découlait de la convulsion prolongée ou de l’infection; par ailleurs les infections aux pneumocoques bénignes, par exemple une otite, montraient une CRP normale qui allait jusqu’à 100; les infections graves et invasives à pneumocoques donnaient des valeurs beaucoup plus élevées de 150 à 300, pour autant que l’enfant survive à cet état; il arrivait que chez l’enfant, l’infection à pneumocoque invasive soit tellement fulgurante qu’elle ne laisse pas à la CRP le temps de monter; il était exact qu’au troisième jour d’un état fébrile, une CRP à 54 n’était pas spécifique d’une surinfection bactérienne (cf. PV aud. n° 13, l.168 ss). Aux débats, l'expert a précisé que c'était l'analyse de l'ensemble des symptômes qui donnait une indication à une thérapie empirique par antibiotiques, à quoi s'ajoutait encore l'âge du patient, ceux âgés de moins de 24 mois ayant un risque beaucoup plus élevé pour des infections bactériennes invasives. Pour cette raison, un traitement empirique était très important avant de poser un diagnostic précis et définitif (cf. PV jgt, p. 44).
Enfin, à la question de savoir si la méningite aurait pu ou dû être diagnostiquée avant le décès et, partant, si le décès aurait pu être évité, l'expert a répondu qu'il était plus que probable qu'en cas de diagnostic rapide de méningite bactérienne, le décès aurait pu être évité. A cet égard, il a indiqué que, selon les études sur le sujet, le seuil de létalité d'une méningite à pneumocoques était de 5 à 30% et, en Suisse, selon sa propre évaluation, ce taux était inférieur à 10%. Des conséquences neurologiques tardives survenaient auprès de 25 à 50% des survivants (P. 74/3 ad Q 17).
b)
Dans son rapport du 7 janvier 2010, le Dr M._ a fait une description de la situation clinique de l'enfant, du dimanche 10 mai jusqu'à son décès le 15 mai 2009 (cf. P. 5, p. 3 ss). Il a en particulier rappelé que selon la feuille de surveillance infirmière, la température était alors de 37.2°C, la fréquence cardiaque de 170/min, la fréquence respiratoire de 52/min et la tension artérielle de 106/54, que l’enfant était donc tachycarde et tachypnéique avec une température et une tension normales, d’autre part que les examens de sang pratiqués le 13 mai 2009 à 12h00 montraient une leucocytose à 25.3 G/L avec 13,5% de neutrophiles non segmentés et une élévation de la CRP à 54 mg/L, et que les autres éléments de la FSC et la gazométrie étaient dans les limites de la norme; cela étant, il a considéré que, globalement, il y avait des éléments paracliniques parlant en faveur d’un processus infectieux possiblement d’origine bactérienne associés à des paramètres perturbés et que l’ensemble était compatible avec un tableau de pré-choc (cf. P. 5, p. 4 s.). Plus avant dans son rapport, sous le titre "Discussion et commentaires", le Dr M._ s'est exprimé en ces termes:
"L'évolution décrite ci-dessus est celle d’une méningo-encéphalite à Pneumocoque chez un enfant âgée de 11 mois, ayant reçu une vaccination complémentaire antipneumococcique par PREVENAR selon le plan Suisse de vaccinations (vaccinations complémentaires). Ce vaccin ne couvre pas tous les sérotypes de pneumocoques et ceci explique l’existence de cette infection invasive à pneumocoque en dépit de la vaccination.
Même si l’évolution initiale entre le 10 et le 13.5.2009 semble relativement banale, certains éléments auraient pu faire suspecter une infection plus grave qu’évoquée au début.
La fièvre très élevée peut, chez le petit enfant, être le reflet de maladies banales d’origine virale ne nécessitant pas d’autre traitement que symptomatique. Mais elle peut également être le signe d’appel d’une infection bactérienne invasive comme c’était le cas ici. Les critères usuels (conservation de l’état général, réponse au traitement fébrifuge, entrain de l’enfant) ne sont que très relatifs et; s’ils peuvent donner une certaine indication, ne permettent pas de différencier de manière certaine une infection virale banale d’une infection bactérienne invasive. Dans les premières heures d'évolution, en l’absence de signe évident à l’examen clinique et face à une fièvre isolée, faire la différence entre ces deux processus pathologiques peut s’avérer extrêmement difficile. Si l’on se réfère aux articles des années 90 sur la bactériémie occulte du jeune enfant, il semble que la probabilité d’une infection bactérienne augmente lorsque la température est élevée ou très élevée (>39°C).
Ici, la température anamnestiquement reportée par les parents de 39,7 °C le 11.5.09 au matin ayant la première consultation est certainement à prendre au sérieux.
Ces mêmes articles médicaux montraient que l’usage d’examens complémentaires simples (leucocyte principalement) permettait, en conjonction avec la température élevée, d’améliorer la fiabilité du diagnostic d’infection bactérienne (“occult bacteremia”) et de détecter (peut-être) plus efficacement les nourrissons nécessitant une antibiothérapie. D’un autre côté, effectuer une FSC à chaque enfant avec de la fièvre n’est pas envisageable et la procédure à appliquer ne peut que dépendre du sens clinique du médecin appelé à voir l’enfant initialement. Toutefois, il aurait été utile de mesurer la température lors de la première consultation. Par la suite, il s’écoule environ 45 heures entre cette première consultation et la suivante, au cours desquelles les parents décrivent que l’état de l’enfant s’aggrave et devient inquiétant. Cette description est faite plus de six mois après les faits. Sur le moment, les parents n’ont pas été très inquiétés par l’état de leur fille le 12.5.09, ce qui explique qu’ils n’aient pas consulté un médecin ce jour-là.
Le 13.5.09, l’évolution est celui d’un tableau clinique évoquant des convulsions fébriles compliquées ou atypiques, en opposition à celui de convulsions fébriles simples. Le diagnostic retenu dans l’entrée rédigée par les médecins de l’Hôpital T._ est celui de “convulsion focale dans un contexte fébrile”, locution représentant la même entité que celle mentionnée ci-dessus. A mon avis, ce diagnostic à ce stade correspond au tableau clinique de A.G._.
Dans les livres médicaux de référence (Nelson Textbook of Pediatrics, 18th edition, Saunders Elsevier 2007, pp 2457 et 2458) ; il est fait mention de la différence entre “simple febrile convulsion” et “complex or complicated febrile seizures” qui doit être évoqué s’il y a plusieurs convulsions dans les 24 heures suivant le 1er épisode ou s’il y a initialement des phénomènes neurologiques focaux ou des signes focaux dans la phase post-ictale. Les convulsions fébriles simples surviennent le plus habituellement lorsque la température s’élève rapidement au delà de 39 °C, au début de la maladie, et généralement pas après 48h d’évolution.
Dans le cas de A.G._, le moment d’apparition des convulsions, le caractère focal des convulsions et la persistance d’une paralysie faciale dans la phase post-ictale parlent tous en faveur de convulsions fébriles complexes.
Face à un premier épisode de convulsions fébrile (simples ou complexes), il faut maintenir un haut niveau de vigilance face à la possibilité d’une infection bactérienne du SNC. Nelson’s Textbook 18 ed., p. 2458 “During the acute evaluation, a physician‘s most important responsibility is to determine the cause of the fever and to rule out meningitis or encephalitis. If any doubt exists about the possibility of meningitis, a lumbar puncture with examination of the cerebrospinal fluid is indicated”. Les auteurs ajoutent encore que la PL doit être encore plus facilement exécutée si l’enfant a moins de 12 mois ou si les convulsions sont complexes.
Au vu de ce qui précède, et vu l'existence chez A.G._ de convulsions fébriles complexes, d’un âge inférieur à 12 mois, d’examens complémentaires pathologiques (leucocytose et déviation gauche avec CRP élevée), l’indication à des examens complémentaires (PL et/ou imagerie cérébrale) était clairement posée.
L’entretien avec les différents intervenants, y compris l’équipe médicale de Hôpital T._, a mis en évidence un consensus clair sur ce point lors d’une analyse a retro des faits.
Les notes de suite de
T._
démontrent d’ailleurs un diagnostic différentiel faisant mention de la possibilité d’une méningite ou d’une encéphalite. A ce stade, l'équipe médicale de Hôpital T._ a jugé utile de prendre l'avis d’un spécialiste en Neuropédiatrie au CHUV, mais cette consultation téléphonique n’a pas débouché sur la réalisation d’examens complémentaires immédiats mais sur une proposition d’EEG à distance. Ceci a fallacieusement conforté les pédiatres de Hôpital T._ dans l’idée qu’une PL ou une imagerie cérébrale n’était pas indiquée dès l’arrivée à l’Hôpital T._. A ce titre, il faut rappeler que l’avis d’un spécialiste (surtout s’il n’a pas vu l’enfant) n’est qu’indicatif et que la décision finale quant à un traitement ou à des examens reste de la responsabilité du médecin ayant directement la charge de l’enfant. A ce stade, l’avis du neuropédiatre, quel qu’en soit le fondement, ne peut être qu’un des éléments de la décision thérapeutique et non pas valoir de décision en lui-même ni même servir de justificatif. Au moment de l’appel, le problème n’était pas de savoir si l’enfant était a risque de développer par la suite une épilepsie ou si ces premières convulsions en étaient la première manifestation, mais bien plutôt de savoir si une méningo encéphalite devait être formellement exclue. Malheureusement ce concilium spécialisé n’a pas permis de répondre à cette question. Il s’en est ensuivi un délai de 19 heures environ avant l’établissement du diagnostic exact et l’instauration d’un traitement antibiotique efficace. Vu la rapidité d’évolution des méningites bactériennes à cet âge, on ne peut pas exclure qu’une antibiothérapie plus précoce aurait permis une issue différente.
Un deuxième point doit être abordé dans cette discussion. Il s’agit de l’interprétation initiale des paramètres vitaux et des examens sanguins. D’après les relevés infirmiers, l’enfant est tachycarde, tachypnéique dès son arrivée aux urgences. La TA n’est pas mesurée avant le transfert dans le service de Pédiatrie. Le personnel des urgences doit avoir le matériel et les compétences pour mesurer convenablement la tension artérielle chez tous les patients, y compris les enfants et petits-enfants. La même remarque s’applique à propos de la réalisation d’examens sanguins. Quand bien même ceci ne représente qu’un point marginal, il aurait été souhaitable que la mesure de tous les signes vitaux et la réalisation des examens sanguins puissent être fait aux urgences déjà plutôt qu’attendre le transfert dans le service de pédiatrie.
La tachycardie isolée s’explique souvent, à cet âge, par le stress engendré chez l’enfant par l’immersion dans un milieu perçu comme hostile et par la confrontation avec des personnes étrangères. Toutefois, ici, cette tachycardie persistante était associée à d’autres éléments, tachypnée, fièvre élevée et perturbations des examens sanguins. L’association de ces différents éléments chez un enfant de moins d’un an évoque la possibilité d’une infection bactérienne invasive. Vu la progression souvent fulgurante de ce type d’infection chez le petit enfant, l’administration précoce d’antibiotiques à large spectre dans l’attente des résultats des examens bactériologiques doit être envisagée, sinon de manière systématique, du moins en présence d’un doute élevé. Cette condition était réalisée dans ce cas, et un traitement antibiotique aurait dû être prescrit plus précocement même sur la seule base des paramètres vitaux et les examens sanguins.
De plus, la présence d’une otite moyenne aiguë chez un enfant de moins d’un an fait partie des critères usuels de la mise en route d’une antibiothérapie systémique. Au-delà d’un an de vie, une attitude plus restrictive quant à la prescription d’antibiotiques est recommandée. (Recommandation de la Société Suisse de Pédiatrie).
Quelques heures après l’admission, la situation se péjore, I’enfant vomit dans l’après-midi puis présente des troubles respiratoires en début de soirée. A ce stade, une réévaluation complète de la situation, y compris de l’indication à des examens complémentaires ou la répétition de certains d’entre eux aurait été utile. La prescription d’une perfusion hypotonique (glucosalin 2:1) a pu favoriser l’apparition de I’hyponatrémie constatée le 14. 5. 09 à 0500 du matin. La prescription d’une perfusion strictement isotonique, dans le contexte d’une symptomatologie neurologique aurait été préférable. L’hyponatrémie peut en effet dans cette situation favoriser l’apparition ou péjorer l’évolution d’un oedème cérébral. La perfusion a été modifiée dès que le diagnostic d’oedème cérébral a été connu (après le premier CT scan). [...]
Dès l’arrivée au CHUV, des mesures à visées de neuroprotection sont entreprises (sédation, intubation, curarisation, position avec surélévation de la tête) et une craniectomie de décompression est décidée. En dépit de ces traitements héroïques, la situation s’avère rapidement être au-delà de toute possibilité thérapeutique."
Le Dr M._ a conclu que si, dans le cas particulier, le diagnostic initial et le diagnostic différentiel étaient corrects, il y avait une certaine mésestimation de la gravité de la situation, ce qui avait entraîné un retard dans la mise en route d'un traitement curatif. Selon lui, dans la situation de A.G._, on ne peut pas exclure qu'un traitement antibiotique plus précoce aurait permis une issue différente. Toutefois, il est connu que les infections à pneumocoques chez l'enfant de moins de 5 ans sont associées à une mortalité pouvant être estimée à 5,7 % (cf. P. 5, p. 14).
c)
Pour sa part, le Dr N._ a répondu aux questions qui lui étaient posées en ce sens que les normes de fréquence cardiaque pour un enfant âgé de plus de trois mois et de moins de deux ans étaient de 100 à 190/minute pour un enfant "éveillé" et de 75 à 160/minute pour un enfant "endormi", normes qui pouvaient selon lui être appliquées aussi bien à l’enfant aux urgences qu’à l’enfant hospitalisé; il a indiqué que, selon ces normes, les chiffres de fréquence cardiaque présentés par A.G._ durant l’après-midi étaient dans la norme pour l’âge; selon lui, les paramètres relevés (fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, tension artérielle et temps de recoloration cutané) ne permettaient pas d’affirmer que A.G._ était en pré-choc (cf. P. 105/2, p. 1); aux débats de première instance, il a encore précisé que du point de vue de la formule sanguine, le seul paramètre qui était anormal était celui de la quantité de globules blancs et de leur répartition, qui était élevée, au-dessus de la norme, mais qui devait être interprétée dans le contexte d’un enfant qui avait de la fièvre depuis plusieurs jours, qui avait convulsé et qui avait malheureusement un pneumocoque mais également un adénovirus qui sont connus pour faire monter les paramètres (cf. PV jgt, p. 32). A la question de savoir si, dans la situation de A.G._, fébrile depuis deux jours et avec une otite moyenne aiguë débutante le matin même, la CRP seule permettait d'indiquer une surinfection bactérienne, il a répondu que non dès lors qu’une seule valeur de CRP, prise isolément, ne signifiait rien, ni en terme de facteur inquiétant, ni en terme de facteur rassurant; ainsi, des infections virales pouvaient démontrer des CRP très élevées et des infections bactériennes graves démontrer des CRP basses et faussement rassurantes, surtout en début d’évolution; tout dépendait donc du contexte clinique qui était prioritaire; il a en outre souligné que chaque situation était en soi unique et devait prendre en compte les circonstances qui entouraient le problème de santé du patient (cf. P. 105/2, p. 2). En rapport avec des questions liées au Vademecum de pédiatrie du Centre Hospitalier B._, il a mentionné qu’une convulsion fébrile, si elle était atypique, mais s’accompagnait d’une résolution des anomalies neurologiques, d’une absence de signes méningés et d’un état de conscience normal (A.G._ était décrite comme attentive, joueuse même durant l’après-midi), justifiait une observation clinique attentive, mais pas d’imagerie cérébrale ou de ponction lombaire systématique (cf. P. 105/2, p. 2 s.); aux débats, il a souligné que le Vademecum ne remplaçait à aucun moment la mise en situation individuelle (cf. PV jgt, p. 29). Selon lui, l’évaluation clinique de l’enfant ainsi que les éléments anamnestiques qui l’accompagnaient étaient les fondements de toute démarche clinique, les examens paracliniques venant compléter plus ou moins utilement le diagnostic différentiel évoqué après une anamnèse et un examen clinique minutieux; dans la situation présente, la décision de faire ou de ne pas pratiquer d’examens supplémentaires ou de mettre ou ne pas mettre A.G._ sous antibiotique durant l’après-midi d’observation à l’hôpital ou même d’emblée lors de son arrivée dépendait justement de l’évaluation de son état clinique; selon lui, les éléments objectifs du dossier ne permettaient pas de dire que l’état clinique de l’enfant nécessitait d’aller plus rapidement avec les examens ou la mise sous antibiotique; le dossier manquait cependant de quelques informations capitales à ce sujet, de même qu’il n’était nulle part fait mention de l’avis des parents, ce qui était plutôt rare; néanmoins et selon les notes présentées, l’évaluation clinique faite par tout au moins un médecin (Dresse L._, clinicienne expérimentée qui détaillait la consultation de 15h30) ne semblait pas être suffisamment alarmante pour aller de l’avant avec un traitement ou les investigations, tout au moins de 11h30 à 20h00 environ (cf. P. 105/2, p. 3). Le Dr N._ a encore mentionné que vu la récupération neurologique complète, l’absence de fièvre et l’état général clairement amélioré (A.G._ boit, son état de conscience est décrit comme normal, il n’y a aucun signe méningé à l’examen médical répété), la surveillance était de mise (cf. P. 105/2, p. 4; cf. également PV jgt, p. 32). Interpellé aux débats sur la question de savoir si cela justifiait de faire une ponction lombaire ou un scanner, le Dr N._ a notamment relevé que le fait de faire une ponction lombaire n’avait pas de sens sans examen clinique; dans la situation présente, l’enfant avait fait une convulsion prolongée et atypique dans un contexte de fièvre depuis plusieurs jours qui avait augmenté ce jour-là et dans ce contexte, les recommandations actuelles allaient dans le sens de ne pas faire systématiquement des examens dans la mesure où pour cette situation là, avec résolution de l’état général, on ne faisait pas toujours une ponction lombaire ou un scanner; il a précisé que c’étaient la méningite à pneumocoque et la méningite à herpès qui étaient très dangereuses et que la probabilité d’être en présence de ce type de microbe était tellement faible que le fait de faire systématiquement une ponction lombaire ne se justifiait pas; il a enfin ajouté que dans le cas présent, du moment que l’enfant avait résolu sa symptomatologie neurologique, il se justifiait de procéder à une surveillance attentive sans faire nécessairement ces examens (cf. PV jgt, p. 32 s.).
d)
A la question de savoir ce qu’elle faisait devant une situation d’état de mal complexe, le Professeur W._, neuro-pédiatre, médecin-chef de l'unité de neurologie et de neuroréabilitation pédiatrique au Centre Hospitalier B._, a, lors de son audition par le procureur, indiqué que la réponse était assez claire; dans la situation d’un petit enfant de moins de deux ans qui se présentait dans un état de mal fébrile ou une convulsion prolongée de quinze ou trente minutes, la question était toujours de déterminer s’il s’agissait d’une convulsion dite "sans cause précise" c’est-à-dire liée à l’excitabilité du cerveau de l’enfant, l’élévation de la température étant susceptible de causer une crise épileptique, ou alors s’il y avait une infection ou une inflammation des méninges ou du tissu cérébral dû à un virus (herpès par exemple) ou à une bactérie; en fonction de la situation, c’est-à-dire de l’état de l’enfant à l’admission, on devait décider ou non d’entreprendre des examens complémentaires, soit une ponction lombaire, soit une imagerie cérébrale d’emblée si l’enfant n’était pas dans un état de conscience normal ou présentait des signes focaux, cas dans lequel une ponction lombaire était contre-indiquée. En cas de doute, si on décidait de ne pas décider, on observait l’enfant aux urgences ou aux soins continus, avec un monitoring des signes vitaux, et un examen neurologique et de l’état de conscience de l’enfant, et on réévaluait la situation régulièrement pour procéder à des investigations si nécessaire (cf. PV aud. n° 12, l. 93 ss). Dans le cas d’un enfant comme A.G._ qui arrivait par le biais des urgences, avec une convulsion fébrile complexe et une fièvre depuis plusieurs jours, la première chose était d’évaluer les signes vitaux et la deuxième de faire ou non une ponction lombaire sur le champ; la question qui était très importante était de savoir quel était l’état de l’enfant au moment où on le recevait; si l’enfant était endormi, sédaté par une médication antiépileptique, on devait réévaluer la situation si l’on pensait que dans ces conditions on ne devait pas faire la ponction lombaire tout de suite; c’était le cas s’il n’y avait pas d’autres signes de gravité; si ces signes existaient, on devait le faire. Une ponction lombaire était vraiment nécessaire après la convulsion avec un état de conscience perturbé (l’état de conscience n’étant pas perturbé lorsque l’enfant est assis dans son lit, conscient, capable d’agir) et on pouvait également en faire une si la convulsion était typique, avec des signes de gravité, ou s’il y avait récidive dans la demi heure ou les heures qui suivaient, étant précisé que par définition, on ne serait plus dans une situation simple; le plus important était l’état de conscience de l’enfant (cf. PV aud. n° 12, l.133 ss). Aux débats de première instance, le Professeur W._ a encore exposé que quand les convulsions fébriles étaient atypiques, il y avait un problème qui se posait de savoir s’il y avait une infection du système nerveux central (c'est-à-dire du cerveau), que ce soit viral ou bactérien, ou une première crise d’épilepsie favorisée par la fièvre ou alors vraiment la convulsion fébrile atypique qui était une atypie de la première convulsion, auquel cas on en restait là; dans ce cas, la question se posait toujours de savoir s’il y avait une indication à faire une ponction lombaire, qui était une mesure invasive, ou si on restait à une observation et faisait le point en fonction de l’évolution; le critère était le fait que l’enfant ait récupéré complètement, c'est-à-dire que l’enfant soit redevenu tout à fait normal après l’épisode; c’était la récupération mais également l’âge de l’enfant qui était déterminant pour savoir s’il fallait faire une ponction lombaire, mais également le contexte général; il s’agissait de voir si l’on se trouvait en présence d’un épisode initial de fièvre (p. ex. un état viral), ou dans un cas moins clair et précis, auquel cas il fallait aller de l’avant le plus rapidement possible; pour les enfants de moins de six mois on faisait systématiquement une ponction lombaire car l’état neurologique est difficile à interpréter; pour les enfants entre six et dix-huit mois, il fallait apprécier selon le contexte; cela laissait donc la place à l’appréciation dans un cas particulier, sauf si l’institution donnait des directives précises, dans un cas donné (cf. PV jgt, p. 23 s.); elle a encore exposé que la littérature donnait des indications et des données statistiques qui disaient que pour une convulsion fébrile typique, il n’y avait en principe pas besoin de faire de ponction lombaire, pour autant qu’il y ait récupération au regard des critères susmentionnés; en revanche pour une convulsion fébrile atypique, il fallait être beaucoup plus large car il y avait des risques d’infection du système nerveux central, à savoir du cerveau. En l’espèce, le fait que A.G._ ait été hautement fébrile depuis deux ou trois jours, était un élément à prendre en considération, une sorte de drapeau rouge à considérer; l’on n'était donc pas au début d’une maladie fébrile qui se déclarait brutalement et qui était à l’origine de convulsions fébriles (cf. PV jgt, p. 24). En présence de convulsions fébriles complexes et s’agissant de la récupération, on devait évaluer si l’on pouvait se permettre d’attendre ou pas; la distinction entre l’endormissement dû à la médication ou à une infection du système nerveux central était délicate et c’étaient les signes neurologiques et les autres paramètres vitaux qui permettaient de le dire; on se donnait une demi-heure à une heure pour voir venir, si c’était possible, à savoir si la situation ne se dégradait pas entre temps; si le temps de récupération était court, il était sûr que ce n’était pas quelque chose de grave mais en revanche, s’il était un peu plus prolongé, il fallait être très méfiant et aller de l’avant au profit de l’hypothèse la plus grave (cf. PV jgt, p. 25). Pour résumer, si un enfant arrive aux urgences avec une convulsion et fièvre et qu’on ne sait pas si c’est une méningite ou une convulsion fébrile simple ou complexe, on va lui faire une ponction lombaire s’il y a une suspicion sérieuse de méningite; si l’enfant arrive et présente tous les symptômes d’une méningite mais n’est pas dans un état où on peut lui faire une ponction lombaire, on lui donne des antibiotiques et des antiviraux et on avise ensuite (cf. PV jgt, p. 25 s.); il était exact que dans une autre hypothèse où l’enfant était éveillé, où l’on pouvait vérifier son status neurologique et s’il avait récupéré, on mettait en place une surveillance ou alors, si quelque chose titillait, on discutait quand même de la possibilité de faire une ponction lombaire; c’était là où l’appréciation médicale devenait délicate, la réponse n’étant pas oui ou non mais l’appréciation entrant en jeu; aux urgences, on avait plutôt tendance à pratiquer la ponction lombaire que d’y surseoir lorsque l’on était débutant. Plus on était expérimenté, moins on en faisait (cf. PV jgt, p. 26). | En droit :
1.
Interjetés dans les formes et délais légaux par des parties ayant la qualité pour recourir contre un jugement du tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0), les appels du Ministère public et de B.G._ et C._ sont recevables.
2.
Aux termes de l’art. 398 al. 2 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement. L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
3.
3.1
Les experts mandatés par les autorités pénales sont appelés experts judiciaires par opposition aux experts privés qui ont eux été mandatés par l'une des parties à la procédure. Dans le cadre de l'art. 182 CPP, le législateur n'a pas envisagé l'expertise privée mais le code ne l'exclut pas (Moreillon/Parein-Reymond, Code de procédure pénale, Petit commentaire, Bâle 2013, n. 3 ad Généralités sur l'expertise art. 182 CPP).
Comme tous les autres moyens de preuve, les expertises sont soumises à l'appréciation du juge. Il ne peut toutefois s'en écarter sans motifs valables et sérieux. Il est notamment admis qu'il le fasse, lorsque, dans son rapport, l'expert s'est contredit, lorsqu'il s'est écarté dans un rapport complémentaire de l'avis exprimé dans un premier rapport, lorsqu'une nouvelle expertise ordonnée aboutit à des conclusions différentes ou encore lorsqu'une expertise est fondée sur des pièces ou sur des témoignages dont la valeur probante ou le contenu sont appréciés différemment par le juge. Il faut donc que des circonstances bien établies viennent ébranler sérieusement la crédibilité de l'expertise pour que le juge puisse s'en écarter et il doit alors motiver sa décision sur ce point (ATF 133 II 384 c. 4.2.3; ATF 129 I 49 c. 4; ATF 128 I 81 c. 2; ATF 118 Ia 144 c. 1c ; ATF 107 IV 7 c. 5 p. 8 et les arrêts cités). Si, en revanche, les conclusions d’une expertise judiciaire apparaissent douteuses sur des points essentiels, celui-ci doit recueillir des preuves complémentaires pour tenter de dissiper les doutes. A défaut, en se fondant sur une expertise non concluante, il pourrait commettre une appréciation arbitraire des preuves et violer l’art. 9 Cst (ATF 118 Ia 144 c.1c p.146).
Selon le Tribunal fédéral, l'expertise privée n'a, en tant que telle, pas la même valeur probante que l'expertise ordonnée par le juge et elle constitue les simples allégations d'une partie. L'expert privé n'est pas considéré comme étant aussi indépendant et impartial que ne l'est un expert officiel puisqu'il se trouve dans une relation contractuelle avec la partie qui l'a mandaté et qu'il exprime une opinion personnelle sans que l'autorité lui ait rappelé les obligations incombant à l'expert officiel. L'on ne peut par conséquent attribuer la même valeur à cette opinion personnelle que celle qui est accordée à une expertise officielle, quand bien même l'expert est reconnu et expérimenté (ATF 132 III 83, c. 3.4; TF 6B_49/2011 du 4 avril 2011, c. 1.4). Tout au plus l'expertise privée peut être utilisée pour mettre en évidence les défauts de l'expertise judiciaire (ATF 137 II 266, c. 3.2); elle ne saurait même en cas de divergence grave prévaloir sur une expertise judiciaire (TF 6B_884/2014 du 8 avril 2015 c. 3.4.4 et les références citées).
3.2
En l'espèce, plusieurs médecins se sont exprimés durant l'enquête quant à la prise en charge concrète de A.G._ à l'Hôpital T._.
3.2.1
Trois d'entre eux ont établi des rapports écrits. Seul le Dr A._ a été mis en œuvre par le Procureur, le 25 novembre 2011 (P. 70). Le Dr A._ a eu accès à quasi l'entier du dossier mais n'a pas eu connaissance des déclarations faites par la Prof W._. Il n'a travaillé que sur dossier et ne s'est entretenu ni avec les parents de l'enfant, ni avec les prévenues. Son rapport du 29 février 2012 (P. 74) a, seul, valeur d'expertise judiciaire. Il doit être complété par ses déclarations faites au Procureur, le 20 septembre 2012 (PV aud. n° 13), ainsi que celles faites devant les premiers juges, le 4 décembre 2013 (cf. PV jgt, p.43 ss). Le Dr A._ a en effet donné à ces occasions des précisions et rectifié certaines erreurs de traduction. Ainsi, les points peu clairs, voire contradictoires qui auraient pu donner lieu à discussion ont été éclaircis dans le cadre de ces auditions auxquelles les parties ont assisté. Il convient de souligner en outre que le fait que le Dr A._ ait cru, par erreur, que le SMUR avait déjà envisagé le diagnostic de méningite (alors que cette indication ne résulte que d'un rapport de la REGA postérieur au décès), n'a aucune incidence sur la pertinence de ses appréciations, dès lors que le diagnostic différentiel de méningite a aussi été émis dans le Service de pédiatrie de l'Hôpital T._.
En cours de procédure, les parties n'ont pas contesté ce rapport en requérant par exemple un complément d'expertise ou une deuxième expertise.
Le Dr M._ a pour sa part été mis en œuvre dans un cadre administratif, par le médecin cantonal, et il est intervenu avant que la procédure pénale ne débute. Dans le cadre de l'exécution de son mandat, il s'est entretenu avec les parties. Son objectivité ne fait pas de doute, même s'il n'a pas été chargé d'une expertise judiciaire proprement dite.
Le troisième avis médical écrit a été formulé par le Dr N._, qui a eu accès aux pièces médicales mais pas à l'ensemble du dossier pénal, en particulier pas aux procès-verbaux d'audition. Le Dr N._ a répondu à des questions qui lui ont été adressées par le défenseur d'I._. Il a un lien professionnel avec les prévenues, qu'il apprécie et qu'il a formées dans leur spécialité, étant très impliqué dans la formation des pédiatres dans le canton de Vaud. Il est également concerné par l'organisation des urgences pédiatriques dans le canton. Compte tenu de ces liens, le Dr N._ n'aurait pas pu fonctionner comme expert judiciaire dans le cadre de la présente affaire. Son avis ne saurait avoir valeur d'expertise.
3.2.2
D'autres médecins ont été entendus lors de l'enquête et aux débats de première instance et ont été impliqués dans la prise en charge de l'enfant, en particulier les Dresses D._, E._ et R._, médecins assistantes auprès de l'Hôpital T._, le Dr F._, neuro-pédiatre au Centre Hospitalier B._, auquel le cas de A.G._ a été soumis par téléphone le 13 mai 2009 en début d'après-midi, et le professeur W._ au Centre Hospitalier B._, qui s'est notamment occupée de A.G._ après son transfert dans cet établissement hospitalier.
3.2.3
Dans l'appréciation des faits, il conviendra de tenir compte de tous ces éléments, qui donnent chacun un éclairage sur la prise en charge de l'enfant, tout en gardant à l'esprit que leur valeur probante diffère selon le type d'information fournie (renseignement médical général, avis sur la prise en charge de A.G._), la connaissance du dossier et le rôle que chacun a joué dans la procédure. Quoi qu'il en soit, et contrairement à ce que prétend l'intimée L._, on ne saurait mettre les avis de tous les médecins entendus sur le même niveau que le rapport de l'expert A._, qui demeure le seul expert judiciaire du dossier. Il convient de souligner enfin que c'est l'état général de l'enfant et sa prise en charge globale qui est déterminante et pas une donnée médicale ou un examen pris isolément, ceci depuis l'apparition des premiers symptômes jusqu'au décès.
4.
Les appelants C._ et B.G._ font tout d'abord valoir que divers points de fait n'ont pas été établis à satisfaction dans le cas particulier.
4.1
Ils relèvent tout d'abord que leur fille A.G._ est restée plus d'une heure aux urgences où elle n'a bénéficié d'aucun examen spécifique, en particulier qu'il n'a pas été procédé à un examen neurologique complet avant 15h30.
On ne saurait affirmer, comme le font les parents de l'enfant, que A.G._ n'a pas été prise en charge mais négligée. L'enfant a en effet été examinée dès son arrivée aux urgences par la Dresse D._, qui a constaté l'otite, vu et entendu les parents de l'enfant. Par la suite, A.G._ a été admise en service de pédiatrie, où elle a été accueillie par la Dresse E._ et sa prise en charge discutée en présence des Dresses I._, L._, E._ et D._. A la fin de cette discussion, l'enfant a encore été vue par les Dresses E._ et L._. Son hospitalisation a été décidée et une prise de sang ordonnée. Le premier examen neurologique complet, dont les résultats ont été consignés dans le dossier de la patiente, a effectivement été effectué à 15h30 par la Dresse L._. Cela ne veut toutefois pas dire que l'enfant n'a pas été examinée par les médecins jusque-là et le dossier atteste du contraire.
4.2
Les parents se plaignent de ne pas avoir été écouté dans leurs inquiétudes.
Le dossier est muet sur ce point, ce qui n'a pas manqué de surprendre notamment le Dr N._, qui a exposé qu'un certain nombre de notes descriptives des infirmières et les mots des parents y étaient peu, voire pas du tout retranscrits, et manquaient au dossier médical (cf. jgt, p. 34). Les infirmières et les médecins ont toutefois fait état d'un dialogue avec les parents. On retiendra dès lors que ce dialogue a existé, même si la maman a eu l'impression qu'on cherchait surtout à la rassurer, sans prendre en compte ses inquiétudes.
4.3
Les parents font valoir enfin que l'état de leur fille n'était pas stable vers 15h30, ni ultérieurement.
Lorsque A.G._ a été examinée par la Dresse L._, l'état de conscience était normal, avec un Glasgow à 15, et l'enfant ne présentait pas de signes méningés. Elle était légèrement tachypnéique.
Toutefois, plus tard, l'enfant a alterné les moments d'éveil et de sommeil. Elle a vomi. La tachypnée et la tachycardie ont persisté malgré une thérapie de volume. Il faut donc retenir avec l'expert que l'état instable de l'enfant a globalement persisté, même si son état neurologique s'était apparemment amélioré.
5.
Tant le Ministère public que les parties plaignantes font valoir que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu l'infraction d'homicide par négligence à la charge d'I._ et de L._. Ils invoquent un abus de pouvoir d'appréciation quant à l'établissement des faits et, partant, une violation du droit (art. 398 al. 3 let. a CPP).
5.1.
L'art. 117 CP réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura causé la mort d'une personne. La réalisation de cette infraction suppose la réunion de trois conditions: le décès d'une personne, une négligence et un lien de causalité entre la négligence et la mort (ATF 122 IV 145 c. 3; TF 6B_512/2010 du 26 octobre 2010 c. 2.1).
5.1.1
En l'occurrence, il n'est ni contestable, ni contesté que A.G._ est décédée au Centre Hospitalier B._ le 15 mai 2009. Seules les questions de l'existence de la négligence et du lien de causalité doivent être examinées.
5.1.2
L'art. 12 al. 3 CP prévoit qu'agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle. Ainsi, deux conditions doivent être remplies pour qu'il y ait négligence. En premier lieu, il faut que l'auteur ait violé les règles de la prudence, c'est-à-dire le devoir général de diligence institué par la loi pénale, qui interdit de mettre en danger les biens d'autrui pénalement protégés contre les atteintes involontaires. Un comportement dépassant les limites du risque admissible viole le devoir de prudence s'il apparaît qu'au moment des faits, son auteur aurait dû, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d'autrui (ATF 136 IV 76 c. 2.3.1). Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut se demander si une personne raisonnable dans la même situation et avec les mêmes aptitudes que l'auteur aurait pu prévoir, dans les grandes lignes, le déroulement des événements et, le cas échéant, quelles mesures elle pouvait prendre pour éviter la survenance du résultat dommageable. Dans les domaines d'activités régis par des dispositions légales, administratives ou associatives reconnues, destinées à assurer la sécurité et à éviter des accidents, le devoir de prudence comprend en particulier le respect de ces dispositions (ATF 122 IV 133 c. 2a p. 135, TF 6B_369/2011 du 5 décembre 2011 c. 2.1 ; TF 6B_748/2010 et 6B_753/2010 du 23 décembre 2010 c. 4.1). En second lieu, pour qu'il y ait négligence, il faut que la violation du devoir de prudence soit fautive, c'est-à-dire que l'on puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 134 IV 255 c. 4.2.3 et les références citées).
L'infraction de lésions corporelles par négligence suppose en règle générale un comportement actif. Elle peut toutefois aussi être commise par un comportement passif contraire à une obligation d'agir (cf. art. 11 al. 1 CP). N'importe quelle obligation juridique ne suffit pas. Lorsque l'homicide par négligence résulte d'une omission (délit d'omission improprement dit), la réalisation de l'infraction suppose, en outre, que la personne à laquelle l'infraction est imputée se trouvait, au moment de son omission, dans une situation de garant, c'est-à-dire que l'auteur se soit trouvé dans une situation qui l'obligeait à ce point à protéger un bien déterminé contre des dangers indéterminés (devoir de protection), ou à empêcher la réalisation de risques connus auxquels des biens indéterminés étaient exposés (devoir de surveillance), que son omission peut être assimilée au fait de provoquer le résultat par un comportement actif (art. 11 al. 2 et 3 CP; ATF 136 IV 188 c. 6.2; ATF 134 IV 255 c. 4.2.1 ; TF 6B_369/2011 du 5 décembre 2011 c. 2.1 ; TF 6B_1/2011 du 31 août 2011 c. 2.1). La loi énumère plusieurs situations pouvant fonder une position de garant, savoir la loi, un contrat, une communauté de risques librement consentie ou la création d'un risque (art. 11 al. 2 CP). Il est ainsi généralement admis que le médecin et du personnel soignant vis-à-vis de leurs patients (Dupuis et alii, Petit commentaire, Code pénal, Bâle 2012, n. 11 ad art. 11 CP). Pour délimiter les responsabilités en cas de travail médical en équipe, la doctrine pénale recourt au principe de la confiance (Trechsel/Jean-Richard dit-Bressel, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 2
e
éd., 2013, n° 11 ad art. 11 CP; José Hurtado Pozo, Droit pénal, Partie générale, 2008, n° 1376 ss), développé en matière de circulation routière, selon lequel tout conducteur peut compter, en l'absence d'indice contraire, avec une certaine prudence des autres personnes (ATF 118 IV 277 c. 4). De la même manière, en cas de division horizontale du travail, chaque travailleur doit pouvoir légitimement s'attendre que son collègue respectera ses devoirs, tant qu'aucune circonstance ne laisse présumer le contraire. En cas de répartition verticale, la doctrine subordonne le principe de la confiance à l'obligation, pour le supérieur, de choisir un auxiliaire qualifié, de lui donner les instructions nécessaires et de le surveiller correctement (cura in eligendo, custodiendo et instruendo; Kurt Seelmann, in Basler Kommentar, Strafrecht I, vol. I, 2013, n° 41 ad art. 11 CP p. 22; Robert Roth, Le droit pénal face au risque et à l'accident individuels, Lausanne 1987, p. 88 ss; ATF 120 IV 300 c. 3d/bb).
Selon la jurisprudence, la particularité de l'art médical réside dans le fait que le médecin doit, avec ses connaissances et ses capacités, tendre vers le résultat désiré, mais n'a pas l'obligation de l'atteindre ou même de le garantir. Les exigences que le devoir de prudence impose au médecin sont fonction des circonstances du cas d'espèce notamment du genre d'intervention ou de traitement, des risques qui y sont liés, du pouvoir de jugement et d'appréciation laissé au médecin, des moyens à disposition et de l'urgence de l'acte médical. La responsabilité civile du médecin n'est pas limitée à la violation grave des règles de l'art médical. Il doit au contraire toujours soigner ses malades de façon appropriée et, en particulier, observer la prudence imposée par les circonstances pour protéger leur vie ou leur santé. Par conséquent, le médecin répond en principe de tout manquement à ses devoirs. Cette notion ne doit toutefois pas être comprise de telle manière que chaque acte ou omission qui, par un jugement a posteriori aurait provoqué le dommage ou l'aurait évité, entrerait dans cette définition. Le médecin ne doit en principe pas répondre des dangers et des risques qui sont inhérents à tout acte médical ainsi qu'à toute maladie. Par ailleurs, l'état de la science médicale confère souvent une latitude de jugement au médecin, tant en ce qui concerne le diagnostic que les mesures thérapeutiques ou autres, ce qui permet de faire un choix parmi les différentes possibilités qui entrent en considération. Le médecin ne viole ses devoirs que lorsqu'il pose un diagnostic ou choisit une thérapie ou une autre méthode qui, selon l'état général des connaissances professionnelles, n'apparaît plus défendable et ne satisfait pas aux exigences objectives de l'art médical (ATF 130 IV 7, JT 2004 I 497, c. 3.3 et les réf. cit.).
5.1.2.1
En l'occurrence, les premiers juges, après avoir souligné que l'hypothèse de la méningite n'avait pas été méconnue par les médecins de l'Hôpital T._, ont retenu que le fait que A.G._ faisait l'objet d'une récupération neurologique complète et d'un état de conscience préservé constituait une circonstance particulière, qui justifiait, lors de son admission dans le service de pédiatrie, le fait d'attendre et de se borner à surveiller son évolution. Ils se sont fondés en cela sur l'avis du Dr N._, qui a déclaré que, dès lors que l'enfant avait résolu sa symptomatologie neurologique, il se justifiait de procéder à une surveillance attentive mais non de faire des examens complémentaires, soit une ponction lombaire ou un scanner (cf. jgt, p. 33 et 81). Dans ces circonstances, le tribunal n'a pas retenu la violation du devoir de prudence à la charge des prévenues pour la période entourant l'admission à l'hôpital. Le même raisonnement a été appliqué quant à la prise en charge de l'enfant dans l'après-midi ou dans la soirée: dans l'après-midi, dans la mesure où il n'y avait ni signes méningés, ni signes neurologiques anormaux, ni autres éléments nouveaux, soit un état stable, la décision de maintenir le statu quo n'était pas constitutive d'une violation du devoir de diligence. Pour le reste, I._ avait, au milieu de la nuit, mis en place l'ensemble des mesures au plus vite, dans un laps de temps de l'ordre d'une heure et quart suivant son arrivée à l'hôpital, de sorte que l'existence d'une violation de son devoir de diligence ne pouvait non plus être retenue, étant précisé qu'il n'apparaissait pour le surplus pas possible de déterminer si l'administration d'un antibiotique une, deux, voire trois heures plus tôt aurait permis d'éviter la survenance du décès.
5.1.2.2
Tant le Ministère public que B.G._ et C._ estiment que le tribunal a abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant, au vu des faits retenus, que les prévenues n'avaient pas contrevenu aux règles élémentaires de prudence. Les plaignants reprochent aussi aux premiers juges de s'être en cela écartés de l'avis de l'expert, sans motivation particulière.
En l'occurrence, il est constant – et les prévenues ne le contestent d'ailleurs pas – que l'une des causes possibles des symptômes que présentaient A.G._ était la méningite bactérienne. Cette hypothèse a été évoquée dans le diagnostic différentiel qu'elles ont posé lors de l'arrivée de l'enfant dans le service de pédiatrie de l'Hôpital T._. Elle n'a pas été évoquée précédemment: le pédiatre de l'enfant a certes mentionné cette affection dans son dossier mais n'a pas communiqué ce diagnostic au SMUR. Aux urgences, la méningite n'a pas été envisagée.
A la question de savoir si les médecins responsables avaient omis de prendre des mesures qui auraient nécessairement dû être prises lors de l'admission de l'enfant, l'expert judiciaire A._ a indiqué que le fait que l'état de A.G._ se soit amélioré spontanément et considérablement (disparition de la paralysie de l'hémiface gauche, réveil, comportement joueur) en quelques heures seulement, pourrait conduire à une réponse négative. En revanche, au vu des valeurs sanguines (leucocytose, CRP) qui étaient compatibles (mais pas probantes) avec une infection bactérienne et en raison du fait que l'enfant présentait toujours, malgré la diminution de la fièvre, une tachycardie et une tachypnée – éléments aussi compatibles avec une infection bactérienne et non avec une banale infection virale – parlaient en faveur d'une omission de la part des médecins. Ainsi, un comportement prudent, visant la sécurité et cherchant à éviter le pire (worst case scenario) aurait exigé, de l'avis de l'expert, la prise de mesures d'urgence telles une formule sanguine, CRP, hémoculture, antibiotiques empiriques, scanner, imagerie, voire ponction lombaire (cf. P. 74/3, réponse ad Q. 4). Devant le procureur, l'expert a précisé que, chez les enfants en bas âge, l'évolution pouvait être si foudroyante qu'il faudrait d'abord commencer par un traitement empirique avant d'observer l'évolution (cf. PV aud. n°13 du 20 septembre 2012, l. 151 s.). A ses yeux, même s'il n'existait pas de "guidelines" internes à l'Hôpital T._ recommandant la procédure à suivre lors d'épisodes de fièvres complexes – ce qui peut relever d'une erreur dans le déroulement des processus de l'hôpital – l'exclusion d'une méningite bactérienne dans le cadre de la médecine d'urgence relève de la plus grande priorité : il ressort du devoir de diligence individuelle du médecin traitant d'exclure la possibilité d'une méningite bactérienne lors d'accès de fièvre complexe, même si cette maladie ne se présente que dans moins d'un pour cent des cas accompagnés d'accès de fièvre complexe (cf. P. 74/3, ad Q. 18).
Selon le Dr M._, il faut, face à un premier épisode de convulsions fébriles, maintenir un haut niveau de vigilance face à la possibilité d'une infection bactérienne du système nerveux central. Il rappelle à cet égard que la littérature médicale indique que la ponction lombaire doit être encore plus facilement exécutée lorsque l'enfant a moins de 12 mois ou si les convulsions sont complexes. Cela étant, vu l'existence chez A.G._ de convulsions fébriles complexes, d'un âge inférieur à 12 mois, d'examens complémentaires pathologiques (leucocytose et déviation gauche, avec CRP élevée, l'indication des examens complémentaires (ponction lombaire ou imagerie cérébrale) était clairement posée (Cf. P. 5, p. 9). Pour le Dr M._, si le diagnostic initial et le diagnostic différentiel sont corrects, il y a eu en l'espèce une certaine mésestimation de la gravité de la situation, ce qui a entraîné un retard dans la mise en route d'un traitement curatif (cf. P. 5, p. 14).
Le Dr N._ enfin a souligné que la décision de faire ou de ne pas pratiquer d'examens supplémentaires ou de mettre ou ne pas mettre A.G._ sous antibiotique durant l'après-midi d'observation à l'hôpital ou même d'emblée lors de son arrivée dépendait de l'évaluation de son état clinique; à cet égard, les éléments objectifs du dossier ne permettaient pas selon lui de dire que l'état clinique de l'enfant nécessitait d'aller plus rapidement avec les examens ou la mise sous antibiotique. Selon lui, les paramètres relevés (fréquence cardiaque, fréquence respiratoire, tension artérielle et temps de recoloration cutané) durant le début du séjour de l'enfant à l'Hôpital T._ (soit de 11h40 à 20h) ne permettaient pas d'affirmer que A.G._ était en état de pré-choc. Une surveillance attentive était suffisante à ses yeux (cf. jgt, pp 81-82).
Les avis des médecins brièvement rappelés ci-dessus divergent mais, contrairement à ce qu'affirment les intimées, les Drs A._ et M._ n'ont pas ignoré le fait que l'enfant avait presque complètement récupéré en arrivant à l'hôpital. C'est l'importance à apporter à cette récupération qui donne lieu à la divergence des points de vue. Même si l'état de A.G._ semblait s'être amélioré lors de son entrée dans le service de pédiatrie – seule une très légère parésie faciale étant encore visible à ce moment-là – cette récupération, de l'avis de tous, a été lente (env. 3h). De plus, A.G._ est arrivée à l'hôpital alors qu'elle avait connu des épisodes de fièvre depuis trois jours, qu'une otite débutante avait été diagnostiquée par son pédiatre et qu'elle avait déjà fait deux épisodes de convulsions fébriles, en particulier celui qui l'avait conduite à l'Hôpital T._, épisode qui avait duré quelque 45 minutes. Lors de sa prise en charge par le SMUR, A.G._ avait reçu une médication lourde, qui pouvait rendre l'évaluation des signes cliniques plus difficile. La prise de sang, effectuée peu après midi, a révélé une leucocytose et une CRP élevée. Malgré la diminution de la fièvre, l'enfant présentait toujours une tachypnée et une tachycardie, éléments qui étaient compatibles avec une infection bactérienne. Dans ces circonstances, le risque vital lié à la méningite devait être exclu à tout prix, au vu du caractère foudroyant de cette maladie, en particulier chez un enfant en bas âge. Rien ne permet de s'écarter ici des conclusions claires de l'expertise judiciaire sur ce point. Il faut donc retenir qu'en attendant sans investiguer plus avant ou en ne donnant pas des antibiotiques, d'emblée, les médecins responsables de A.G._ dès son entrée à l'hôpital aux urgences, puis au service de pédiatrie, ont violé leur devoir de prudence, en prenant un risque inexcusable. En effet, L._ et I._ avaient envisagé, parmi plusieurs maladies nettement moins graves, la possibilité d'une méningite, maladie mortelle. Même si elles considéraient cette possibilité comme peu probable, voire très peu probable dès lors que A.G._ avait récupéré sur le plan neurologique (PV. aud. n° 9, l. 421 et 485), elles n'ont néanmoins pas exclu formellement ce doute et, partant, elles ont commis une faute. L'existence de ces doutes dans l'esprit des prévenues est démontrée par plusieurs éléments: le diagnostic différentiel, les téléphones au CHUV, l'examen neurologique de 15 h 30. Le choix de l'inaction est en effet indéfendable dès lors que l'on sait que la méningite peut évoluer de manière foudroyante et que des gestes salvateurs seraient faciles et sûrs (traitement empirique par antibiotiques et/ou examens complémentaires). On doit voir là une violation du devoir de diligence des deux prévenues, qui ont choisi d'oublier leurs doutes, plutôt que d'exclure formellement, une fois pour toutes, la possibilité d'une méningite, dès les premières heures de la prise en charge.
5.1.2.3
A supposer que l'on considère qu'au vu de la récupération neurologique constatée, l'attente était possible, il n'en demeure pas moins que la prise de risque qui consistait à ne pas donner immédiatement des antibiotiques ou investiguer devait donner lieu à une vigilance particulière. Or, la possibilité que l'enfant ait une méningite a été oubliée après l'examen neurologique de 15h30-16 heures, comme cela ressort notamment clairement des déclarations des prévenues. Celle que A.G._ puisse développer cette maladie n'a pas du tout été envisagée par le personnel soignant au cours de l'après-midi et de la soirée. L'infirmière H._, qui a quitté le service de pédiatrie à 20h, a ainsi dit à sa collègue J._ que l'enfant était hospitalisée pour une gastro-entérite avec convulsions. Malgré une leucocytose et une CRP déjà élevée en début d'après-midi, cette analyse n'a pas été répétée en fin d'après-midi ou en cours de soirée. De même, aucun examen neurologique complet, tel que celui réalisé par la Dresse L._ vers 15h30, n'a été reconduit. La surveillance aux heures des paramètres vitaux n'incluait pas un tel examen et aucune investigation complémentaire n'a été ordonnée. De plus, depuis 19 heures, A.G._ dormait. Son état de conscience n'a pas été évalué. Il était pourtant difficile de faire la distinction entre l'endormissement dû à la médication et celui lié à une infection du système nerveux central. Les problèmes respiratoires n'ont par ailleurs pas été investigués, seul le rhume et le risque de déshydratation étant traités. Tous les signes de détérioration de l'état de A.G._ (tachycardie, tachypnée, vomissements), même s'ils n'étaient pas en eux-mêmes des signes de méningite, étaient des signaux d'alerte. Or, ils n'ont entraîné aucune réaction, le diagnostic de méningite n'étant plus évoqué. Lorsque la tachypnée est devenue "franchement pathologique" vers 18h-20h, selon les dires du Dr N._ lui-même (cf. jgt, p. 33), rien n'a été entrepris non plus. Les gestes simples, tels qu'une analyse sanguine, la vérification de l'état de conscience de l'enfant ou un examen neurologique complet, n'ont pas été faits. En tenant compte du diagnostic différentiel et de l'état de l'enfant au cours de l'après-midi, il aurait fallu procéder à des vérifications complémentaires avant 2 heures du matin. Cette surveillance insuffisante mise sur pied par les deux prévenues constitue aussi une violation du devoir de prudence.
Pour le surplus, il ne fait pas de doute que les Dresses I._, médecin cadre, et L._, médecin cheffe de clinique adjointe, occupaient une position de garantes envers A.G._, jeune patiente dans l'hôpital où elles étaient de garde. Certes, L._ n'a travaillé le 13 mai 2009 que de 8h à 18h et on ne saurait lui imputer des manquements aux heures où elle ne travaillait pas. Toutefois, avant de quitter son service, elle n'a pas mis sur pied, avec la Dresse I._, une surveillance qui permettait d'exclure un risque mortel, risque qui avait été évoqué. Quant à cette dernière, elle n'a, au cours de l'après-midi ou de la soirée, donné aucune instruction pour vérifier l'état de l'enfant qui tienne compte d'une possible méningite. Même lorsque les convulsions ont repris au cours de la nuit, elle a continué à privilégier le diagnostic de virose, sans prévoir l'administration d'antibiotiques d'emblée, malgré l'état neurologique perturbé, avec signes d'asymétrie et trouble de l'état de conscience. Ceux-ci ont été donnés peu après 5 heures du matin, après la mise en œuvre du scanner et de la prise de sang. Contrairement à qu'a retenu le tribunal de première instance, il faut admettre avec l'expert que les mesures nécessaires ont été prises avec retard ou, à tout le moins, qu'elles n'ont pas été exécutées dans le bon ordre, la priorité, une fois l'aggravation de l'état neurologique constatée, étant l'administration d'un antibiotique par intraveineuse.
5.1.3
Enfin, il doit exister un rapport de causalité naturelle et adéquate entre le comportement que l’on reproche à l’auteur et le décès de la victime.
Un comportement est la cause naturelle d’un résultat s’il en constitue l’une des conditions sine qua non. Selon la jurisprudence, il y a causalité adéquate lorsque l’acte incriminé est propre, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s’est produit (ATF 131 IV145 c. 5.1; ATF 127 IV 62 c. 2d; ATF 126 IV 13 c. 7a/bb et les arrêts cités). Face à une infraction de commission par omission où l’on reproche à l’auteur son inaction fautive, la problématique du lien de causalité entre l’omission et le résultat dommageable se pose sous un angle quelque peu différent. Dans ce contexte, il faut être à même de mettre en exergue un lien de causalité hypothétique entre le comportement que l’auteur aurait dû adopter et le résultat typique. Il s’agit d’établir avec un degré de vraisemblance confinant à la certitude, que l’accomplissement de ce que l’auteur a omis d’exécuter contrairement aux devoirs qui lui incombaient aurait permis d’éviter la survenance du résultat, conformément à la théorie de la vraisemblance (Dupuis et al. [éd.], op.cit., n. 12 ad art. 117 CP ainsi que les références citées).
En l'occurrence, le lien de causalité est établi à satisfaction de droit, selon un haut degré de vraisemblance. En effet, selon l'expert, il est plus que probable qu'en cas de diagnostic rapide de méningite bactérienne, le décès aurait pu être évité; il relève que selon les études à ce sujet, le seuil de létalité d'une méningite à pneumocoques est entre 5-30% et, en Suisse, en dessous de 10%. Des conséquences neurologiques subséquentes tardives surviennent auprès de 25-50% des survivants (cf. P. 74/3, R. ad Q.17). Il peut aussi être fait référence sur ce point à l'avis du Dr P._, médecin responsable des soins intensifs de pédiatrie au Centre Hospitalier B._ qui indique, à la question de savoir si un pneumocoque peut être facilement éradiqué, que si le traitement antibiotique est commencé à temps, il n'a pas de souvenir d'une résistance au traitement au cours de ces 20 dernières années (Cf. PV. aud. n° 10, l. 110 ss). On doit en l'espèce admettre que, si les prévenues ne s'étaient pas contentées, après avoir envisagé la possibilité d'une méningite, de considérer celle-ci comme peu probable, mais avaient pris la peine d'exclure tout risque en donnant des antibiotiques à l'enfant ou en faisant des examens complémentaires, A.G._ n'aurait selon toute vraisemblance pas succombé à la méningite. Il en va de même en fin d'après-midi et au cours de la soirée, si une surveillance suffisante avait été mise sur pied, qui aurait permis de faire des vérifications et d'administrer des antibiotiques.
5.2
Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu l'infraction d'homicide par négligence à la charge d'I._ et de L._. Les appels du Ministère public ainsi que de B.G._ et C._ doivent être admis sur ce point.
6.
Les prévenues étant reconnues coupables, il appartient à la Cour de céans de fixer la peine à infliger à I._ et à L._.
6.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de la situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale. Pour fixer la peine, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, se fonde sur des critères étrangers à la loi, omet de prendre en considération des éléments d’appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu’il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d’appréciation (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 lV 6 c 6.1).
6.2
En l'espèce, au vu de l'ensemble des circonstances, la peine symbolique de 30 jours-amende, avec sursis pendant deux ans, proposée par le Ministère public dans son mémoire d'appel, pour chaque prévenue, est adéquate. Compte tenu de leurs moyens financiers respectifs, le montant du jour-amende sera fixé à 100 fr. pour I._ et à 70 fr. pour L._.
7.
7.1
Aux termes de l’art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles ou, en cas de mort d’homme, à la famille une indemnité équitable à titre de réparation morale.
L’ampleur de la réparation morale prévue par cette disposition légale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l’atteinte subie par l’ayant droit et de la possibilité d’adoucir sensiblement, par le versement d’une somme d’argent, la douleur morale qui en résulte. Sa détermination relève du pouvoir d’appréciation du juge. En raison de sa nature, l’indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d’argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L’indemnité allouée doit toutefois être équitable. Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l’atteinte subie et évitera que la somme accordée n’apparaisse dérisoire à la victime; s’il s’inspire de certains précédents, il veillera à les adapter aux circonstances actuelles pour tenir compte de la dépréciation de la monnaie.
Pour fixer le montant de l’indemnité prévue à l’art. 47 CO, la comparaison avec d’autres affaires doit se faire avec prudence, dès lors que le tort moral touche aux sentiments d’une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment au malheur qui le frappe. Cela étant, une comparaison n’est pas dépourvue d’intérêt et peut être, suivant les circonstances, un élément utile d’orientation (cf. ATF 125 III 269 c. 2a).
Pour la perte d’un enfant mineur, les tribunaux allouent généralement à chacun des deux parents une indemnité de 30’000 fr. (cf. Hütte/Ducksch/Guerrero, Die Genugtuung, Eine tabellarische Übersicht über Gerichtsentscheide, 3
e
éd., état août 2005, affaires jugées en 2001 ou 2002, III/3 à III/4; affaires jugées de 2003 à 2005, III/4 à III/6; TF 6B_369/2012 du 28 septembre 2012). Des montants supérieurs ont parfois été accordés à des mères de jeunes enfants qui avaient assisté à l’accident, notamment à celle d’un enfant de deux ans et demi, qui s’était, en plus, intensivement occupé de celui-ci durant les neuf mois qui s’étaient écoulés entre l’accident et le décès (cf. Hütte/Ducksch/Guerrero, op. cit., affaires jugées en 2001 et 2002, III/6).
7.2
En l'espèce, B.G._ et C._ réclament chacun l'octroi d'un montant de 50'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral.
Les appelants ont vécu la perte de leur enfant, âgée de seulement onze mois, et portent en eux le terrible sentiment de ne pas avoir su la protéger. Leur souffrance est indicible. Aussi douloureux et marquant que soit le décès d'un enfant, il convient, au vu de l'ensemble des circonstances, et conformément à la jurisprudence, de fixer à 30'000 fr. le montant de l'indemnité allouée à chacun des parents de A.G._, à titre de réparation du tort moral.
8.
8.1
En définitive, l’appel du Ministère public et celui des parties plaignantes doivent être admis. Le jugement entrepris sera réformé dans le sens des considérants. Vu leur condamnation, les prévenues n'ont plus droit à une indemnité pour la défense de leur intérêts au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP et devront également supporter les frais de justice de première instance, de 21'300 fr. 30, chacune par moitié.
8.2
Vu l'issue de la cause, les frais de la présente procédure, constitués du seul émolument d’arrêt, par 5'690 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; RSV 312.03.1]), doivent être supportés par I._ et par L._, par moitié chacune.
S'agissant des frais, le dispositif envoyé aux parties à l'issue de l'audience comporte deux inadvertances manifestes au sens de l'art. 83 CPP qu'il y a lieu de rectifier d'office. En effet, les prévenues n'ont pas à supporter les frais de première instance et d'appel solidairement entre elles, mais chacune pour moitié (cf. ch. VII du jugement de première instance et IV du jugement d'appel).
8.3
Les plaignants ont requis l'octroi d'une indemnité de 42'487 fr. 20 pour les dépenses occasionnées par la procédure en première instance. Ils ont également requis l'octroi d'une indemnité de dépens pour la procédure d'appel, qu'ils n'ont cependant pas chiffrée.
Aux termes de l'art. 433 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu'elle obtient gain de cause (al. 1 let. a) ou si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’art. 426, al. 2 (al. 1 let. b). La partie plaignante adresse ses prétentions à l’autorité pénale; elle doit les chiffrer et les justifier. Si elle ne s’acquitte pas de cette obligation, l’autorité pénale n’entre pas en matière sur la demande (al. 2).
En l'occurrence, compte tenu de l'importance de la cause, l'indemnité requise telle qu'elle résulte de la note d'honoraires établie par Me Cereghetti Zwahlen, conseil de B.G._ et de C._ en première instance, par 42'487 fr. 20, est justifiée et doit être allouée au titre des frais de défense engagés en première instance. Elle doit être mise à la charge solidaire des prévenues. Les plaignants, s'ils ont requis l'octroi d'une indemnité en deuxième instance, ne l'ont cependant pas chiffrée, de sorte qu'aucun montant ne doit leur être alloué à ce titre (art. 433 al. 2 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9aadf536-ade4-4de6-b54a-d0b70ec37067 | En fait :
A.
Par jugement du 25 juillet 2011, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a libéré M._ des accusations d'escroquerie et de filouterie d'auberge (I), condamné ce dernier pour abus de confiance, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, conduite en état d'ébriété qualifiée, conduite en état d'incapacité, circulation malgré un retrait de permis, opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, conduite d'un véhicule non couvert par une assurance RC et contravention à l'art. 147 al. 1 OAC à une peine privative de liberté de 6 mois, à une peine pécuniaire de 10 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr., ainsi qu'à une amende de 100 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l'amende étant de 2 jours (II), dit que ces peines sont partiellement complémentaires à celles prononcées par le Juge de police de la Sarine le 21.06.2006 et par la Cour de cassation pénale vaudoise le 29.04.2008 (III), dit qu'il n'y a pas lieu de révoquer la libération conditionnelle accordée à M._ le 17.03.2006 (IV), ordonné la levée du séquestre sur la Mercedes 112 CDI bleu, châssis n° VSA63819413392134 séquestrée en main de la société D._ représentée par G._ et la remise de ce véhicule à E._ à l'issue d'un délai de 20 jours dès jugement définitif et exécutoire (V), ordonné la levée du séquestre sur la Renault B 90 Turbospeeder, châssis n° VF6FN40A000035173 séquestrée en mains de X._ et la remise de ce véhicule à A.S._ à l'issue d'un délai de 20 jours dès jugement définitif et exécutoire (VI), donné acte de leurs réserves civiles contre M._ à A.S._ et F._ (VII), dit que M._ est débiteur d'E._ d'une somme de 2'000 fr., valeur échue, à titre de dépens pénaux (VIII), ordonné la confiscation des documents séquestrés sous numéros 39128 et 39160 et leur maintien au dossier comme pièces à conviction (IX), mis à la charge de M._ les frais de la cause par CHF 30'679.75 (X), arrêté le montant des indemnités d'office à 1'022 fr. 20 (Me Burdet), 4'000 fr. (Me Rubli), 1'500 fr. (Me Schmidlin), 1'400 fr. (Me Yilmaz) et 4'270 fr. (Me Iselin) (XI), dit que le remboursement à l'Etat des indemnités des défenseurs d'offices de 1'022 fr. 20 (Me Burdet), 4'000 fr. (Me Rubli), 1'500 fr. (Me Schmidlin), 1'400 fr. (Me Yilmaz) et 4'270 fr. (Me Iselin) comprises dans le montant des frais mentionnés sous chiffre IX, ne sera exigible que lorsque M._ sera revenu à meilleure fortune (XII) et laissé le solde des frais de justice à la charge de l'Etat (XIII).
B.
Le 2 août 2011, M._ a formé appel contre le jugement précité.
Par déclaration d'appel motivée du 20 septembre 2011, l'appelant a conclu à la modification du jugement en ce sens qu'il est libéré des infractions d'abus de confiance dans le cas n° 2 du jugement attaqué et de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires pour le cas n° 12 et qu'il est dès lors condamné à une peine privative de liberté ne dépassant pas 5 mois, à une peine pécuniaire de 10 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr., ainsi qu'à une amende de 100 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l'amende étant de 2 jours.
Par courrier du 29 septembre 2011, le Ministère public a indiqué qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et qu'il n'entendait pas déposer d'appel joint. Par courrier du 31 octobre 2011, il a conclu à la confirmation du jugement de première instance, soit implicitement au rejet de l'appel.
Par courrier du 1
er
novembre 2011, le conseil d'E._ a demandé la dispense de comparution personnelle de sa mandante à l'audience du 1
er
décembre 2011. Le Président de la Cour d'appel pénal a fait droit à cette requête en date du 2 novembre 2011.
Lors de l’audience de la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal qui s’est tenue le 1
er
décembre 2011, le conseil de l’appelant a confirmé les conclusions de sa déclaration d’appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
M._ est né le [...] au Kosovo dans une famille d'agriculteurs où il a vécu une vingtaine d'années. Il a obtenu un diplôme de chimiste dans son pays. Il est arrivé en Suisse le 3 mars 1981. Pendant 10 ans, il a travaillé dans l'hôtellerie puis comme chauffeur-livreur avant de se lancer dans l'import-export. Retourné dans son pays en 1986, il y a fait son service militaire durant un an. Il a été marié pendant quelques années avec une Suissesse dont il n’a pas eu d’enfants et dont il a divorcé en 1991. Depuis l'an 2000, l'accusé déclare être à la recherche d’un emploi. Il est marié à [...] dont il a 4 enfants âgés de 15, 14, 13 et 5 ans. Le prévenu a expliqué, lors de l'audience devant la Cour d'appel, qu'il vit actuellement avec sa femme et ses quatre enfants à Saint-Sulpice. Il n'a aucune activité lucrative et est inscrit au chômage, mais ne perçoit pas d'indemnités. Il a indiqué que sa famille et lui-même bénéficiaient de l'aide sociale, mais qu'il ignorait combien ils recevaient. Le prévenu a des dettes se montant à plus de 150'000 francs.
Une expertise psychiatrique a été effectuée le 12 mai 2009 par le département de psychiatrie du Centre hospitalier universitaire vaudois (ci-après: CHUV). Les experts ont indiqué que leur examen n'avait pas mis en évidence de trouble mental chez le prévenu, mais des particularités psychologiques et n'ont retenu qu'une éthylisation aiguë pour les faits qui se sont produits le 19 janvier 2008. En outre, ils ont considéré que la responsabilité du prévenu avait toujours été pleine et entière, sauf pour les faits du 19 janvier 2008 pour lesquels sa responsabilité était légèrement diminuée en raison du taux d'alcool mesuré. Ils ont encore relevé que le risque de récidive était important, risque d'autant plus présent que, d’une part, le prévenu avait déjà récidivé après une précédente condamnation pour des délits de même type et, d'autre part, qu’il ne reconnaissait pas la légitimité des poursuites pénales, s’agissant des escroqueries et des abus de confiance dont il niait le caractère délictueux.
Au casier judiciaire suisse de M._ figurent six condamnations, soit :
-
le 12.03.2001, par le Tribunal de police de Genève, pour abus de confiance, à une peine d'emprisonnement de 10 jours, avec sursis pendant 3 ans; révoqué le 02.09.2004 par le Juge de police de la Gruyère;
-
le 11.06.2001, par le Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois, pour vol, à une peine d'emprisonnement de 2 mois, avec sursis pendant 5 ans; révoqué le 02.09.2004 par le Juge de police de la Gruyère;
- le 26.06.2001, par le Tribunal de police Genève, pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, à une peine d'emprisonnement de 5 jours, avec sursis pendant 3 ans; révoqué le 02.09.2004 par le Juge de police de la Gruyère;
- le 02.09.2004, par le Juge de police de la Gruyère, pour abus de confiance, conducteur pris de boisson, circuler sans permis de conduire, concours d’infractions, à une peine d'emprisonnement 2 mois;
- le 21.06.2006, par le Juge de police de la Sarine, pour abus de confiance, concours d’infractions, à une peine d'emprisonnement 2 mois;
- le 29.04.2008, par la Cour de cassation pénale du canton de Vaud, pour vol, à une peine privative de liberté 6 mois.
2.
Les faits suivants et leurs qualifications juridiques ne sont pas contestés par le prévenu:
2.1.
Dans la région lausannoise, dans le courant automne 2004, M._ a profité de l'incarcération de A.S._ pour demander à son épouse B.S._ de lui prêter la dépanneuse Renault B 90 Turbospeeder de son mari. A Fribourg, le 7 février 2005, M._ a cédé cette dépanneuse à X._ en remboursement de ses dettes à hauteur de CHF 30'000.-, à l'insu des époux A.S._.
A Lausanne, le 7 avril 2005, M._ a réussi à obtenir de la part de Z._, chef de marque VW Utilitaires de la succursale d'E._, quatre véhicules utilitaires en prêt pour une durée d'un mois afin qu'il puisse les présenter à des clients potentiels. A l'échéance du prêt, M._ n'a pas restitué ces véhicules ni payé leur contre-valeur à hauteur de CHF 53'800.- à E._. Il en a disposé comme s'il en était le propriétaire en les ayant vendus ou échangés contre un autre véhicule.
En raison de ces faits, le Tribunal de première instance a considéré que le prévenu s'était rendu coupable d'abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 CP.
2.2.
En date des 17 mars, 27 mars, 7 juillet 2007, 19 janvier 2008 et 7 juin 2010, dans plusieurs cantons, le prévenu s'est rendu coupable de diverses infractions à la LCR (Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière, RS 741.01). Il a notamment conduit en état d'ébriété simple et qualifié, s'est dérobé aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, a conduit un véhicule qui n'était plus couvert par une assurance responsabilité civile et a conduit malgré un retrait du permis de conduire.
3.
Les faits suivants sont contestés par le prévenu, qui nie les avoir commis:
3.1.
En date du 16 mars 2005, à Tafers dans le canton de Fribourg, M._ a fait croire à F._ qu'il était intéressé à lui acheter un camion VW MAN 9.136 FAE d'une valeur de 13'500 fr. avec sa remorque AEBI TL d'une valeur de 4'500 francs. Il a requis de pouvoir les utiliser quelques jours avant de les acheter alors qu'il avait déjà trouvé un tiers acquéreur en la personne d'L._, responsable du H._ SA à Saint-Sulpice. En date du 9 avril 2005, à Saint-Sulpice, M._ a vendu pour la somme de 15'000 fr. le camion et la remorque d'F._ à L._. Le prévenu a ainsi touché 5'000 fr. en argent comptant, le solde servant à amortir une dette qu'il avait envers L._ à hauteur de 10'000 francs. Le prévenu n'a jamais rien versé à F._, lequel a déposé plainte le 13 avril 2005.
Les premiers juges ont considéré que ces faits étaient constitutifs d'un abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 CP.
3.2.
En date du 17 décembre 2007, à Givisiez, à 06h30, M._ a été interpellé par la police dans l'établissement public
"
[...]" en raison de son comportement. Le prévenu a d'abord refusé de présenter une pièce d'identité. Prétendant ensuite que ses papiers se trouvaient dans sa voiture, devant le restaurant, il en est sorti en compagnie des policiers qui ont constaté l'absence du véhicule du prévenu. M._ s'est ensuite énervé, a jeté son porte-monnaie au sol et a voulu partir à pied. Lorsque les forces de l'ordre ont voulu le retenir, il s'est débattu et a tenté de saisir l'agent Y._ avant d’être emmené au sol et maîtrisé au moyen de menottes. Conduit au poste, il a pu être identifié au moyen de son permis de conduire.
Le Tribunal de première instance a qualifié ces faits de violence ou menaces contre les autorités et les fonctionnaires au sens de l'art. 285 ch. 1 CP. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 399 CPP). La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
Interjeté dans les formes et délai légaux par une partie ayant la qualité pour recourir contre le jugement d’un tribunal de première instance qui a clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel de M._, suffisamment motivé au sens de l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, op. cit., n. 19 ad art. 398 CPP).
3.
L'appelant conteste l'établissement des faits dans le cadre du cas n° 2 du jugement de première instance (cas n° 3.1. du présent jugement) et du cas n° 12 du jugement attaqué (cas n° 3.2. du présent jugement). Il demande à être libéré de ces infractions, soutenant ne pas les avoir commis. Il fait valoir que la libération pour ces deux cas doit être pris en compte dans la quotité de la peine privative de liberté qui a été prononcée à son encontre et que celle-ci doit être ramenée à 5 mois. Pour le surplus, le jugement de première instance n'est pas contesté.
3.1.
Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3). La présomption d'innocence, également garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU, 6 par. 2 CEDH et 32 al. 1 Cst., ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de celle-là (TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.1; ATF 127 I 38 c. 2a). Le prévenu n'est certes pas tenu de collaborer à la recherche de la vérité, notamment pour parvenir à un jugement de culpabilité. La CEDH n'interdit cependant pas d'exiger de la personne poursuivie de collaborer avec l'autorité de poursuite, dans la mesure où cette obligation ne tend pas à l'auto-incrimination. Cette exigence de collaboration est admise en particulier pour donner des renseignements au sujet des faits dont l'accusé se prévaut, par exemple pour justifier un alibi (Piquerez/Macaluso, Procédure pénale suisse, 3
ème
éd., 2011, n. 563).
Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes (TF 6B_91/2011 du 26 avril 2011 c. 3.2). Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent pas à exclure une condamnation. Il doit s'agir au contraire de doutes sérieux et irrépressibles (ATF 127 I 38 c. 2a).
3.2.
S'agissant du cas n° 2 du jugement attaqué (jgt, p. 8 ss), qui correspond au cas n° 3.1. du présent jugement, l'appelant relève qu'il a produit une pièce 1 lors de l'audience de première instance et considère que les premiers juges n'ont pas tenu compte de cette pièce. Il soutient que ce document, soit une facture émise par lui à l'adresse d'F._ le 3 avril 2008, démontrerait que ce dernier était son débiteur de divers montants et que le camion VW MAN lui aurait été remis par le plaignant en remboursement partiel de ces dettes. Il considère ainsi que sa version des faits devait être retenue au détriment de la version du plaignant et, qu'à la lecture de la pièce 1, les premiers juges auraient dû le libérer de l'infraction d'abus de confiance et rejeter les conclusions civiles du plaignant.
Lors des débats d'appel du 1
er
décembre 2011, l'appelant a toutefois donné une autre version des faits que celle mentionnée dans sa déclaration d'appel. Il a déclaré en substance qu'il avait prêté la somme de 13'000 fr. à F._ et que ce dernier ne lui avait dès lors rien demandé sur la vente du véhicule. Il a affirmé qu'il n'avait jamais fait signer de quittance à F._ pour l’argent qu'il lui avait prêté. Il a également soutenu qu'L._ lui avait remis 5'000 fr., mais qu'il n'avait ensuite rien touché de plus sur la vente du camion étant donné qu'il avait des dettes envers L._.
3.2.1.
Les premiers juges ont relevé que le prévenu avait expliqué que le camion et la remorque avaient été entreposés chez le tiers acquéreur, L._, en attendant un acheteur, mais que ce dernier s'était remboursé en gardant les véhicules alors qu'ils étaient consignés. Les premiers juges ont indiqué qu'ils ignoraient ce qui s'était réellement passé, mais qu'ils tenaient pour certain que le prévenu avait reçu 5'000 fr. du tiers en paiement de véhicules qui appartenaient encore au plaignant F._ et qu'il s'était rendu ainsi coupable d'abus de confiance.
3.2.2.
Il est exact que les premiers juges n'ont pas fait référence à la pièce 1 produite en audience (cf. P. 114, pièce 1). Néanmoins, les faits retenus dans le jugement attaqué sont établis et fondés sur les éléments résultant de l'enquête. En effet, L._ a déclaré que le prévenu lui avait proposé un camion VW MAN en avril 2005. Il a expliqué qu'ils étaient convenus d'un prix de 15'000 fr. et qu'il avait remis 5'000 fr. au prévenu afin qu'il puisse libérer le véhicule auprès du propriétaire, le solde de 10'000 fr. servant à amortir la dette de 24'000 fr. que le prévenu avait envers lui. Il a affirmé qu'ils avaient établi une facture (PV aud. 8, p. 2). Lors de son audition le 14 juin 2005 par la Police de sûreté du canton de Fribourg, le prévenu a déclaré qu'il avait négocié le prix de 12'000 fr. avec F._ pour le camion et la remorque. Toutefois, comme il n'avait pas d'argent, il lui aurait indiqué qu'L._ était intéressé par le véhicule en question pour le vendre à un de ses clients. Le prévenu a expliqué qu'L._ était alors allé chercher le camion auprès du plaignant afin de l'emprunter pour le montrer à son client. Le prévenu a affirmé qu'L._ lui avait donné 5'000 fr. comme acompte à remettre au plaignant mais que ce dernier avait refusé cette somme, voulant la totalité du montant (Dossier joint D, PV aud. 2, p. 2). Le prévenu a ensuite déclaré le 19 juin 2006 au Juge instructeur qu'il avait réglé l'affaire avec F._ en s'acquittant huit mois plus tôt d'une somme de 12'500 fr. en mains de ce dernier (PV aud. 11, p. 2). Par ailleurs, la pièce 27/3 figurant au dossier démontre l'abus de confiance commis au préjudice du plaignant. Cette pièce est un contrat qui prouve que le prévenu a vendu au H._ SA, dont le responsable est L._, le véhicule appartenant au plaignant le 25 avril 2005. Il est indiqué dans ce contrat que le prévenu certifie que ce véhicule était sa propriété personnelle. Lors de l'audience du 1
er
décembre 2011, le prévenu a reconnu que c'est sa signature qui figure au bas de ce document.
Au vu de ce qui précède, les premiers juges étaient fondés à retenir la version des faits figurant dans le jugement et à écarter, sans obligation de motiver leur décision, la version nouvelle, jamais évoquée avant l'audience, résultant de la pièce produite à cette occasion. Cette nouvelle version des faits est en contradiction au moins partielle avec les déclarations précédentes du prévenu ainsi qu'avec celle qu'il a donné lors de l'audience devant la Cour de céans. Il convient d'ailleurs de relever que cette pièce n'a aucune force probante particulière, dès lors qu'il s'agit d'une simple facture, émise par le prévenu lui-même, sans aucun justificatif, sur lequel ne figure pas la signature du plaignant et établie le 3 avril 2008, soit trois ans après les faits qui lui sont reprochés.
La nouvelle version des faits présentées par le prévenu lors de l'audience devant la Cour de céans est également en contradiction avec ses précédentes déclarations et les preuves figurant au dossier, notamment avec la pièce 27/3 évoquée ci-dessus, et ne saurait dès lors être retenue. En outre, le prévenu n'a pas apporté la preuve du fait dont il se prévaut, soit du prêt qu'il aurait octroyé au plaignant pour la somme de 13'000 francs.
A défaut de constatation incomplète ou erronée des faits, ce moyen de l'appelant doit être rejeté. Pour les faits retenus, l'infraction d'abus de confiance est réalisée et le jugement de première instance doit être confirmé sur ce point.
3.3.
Concernant le cas n° 12 du jugement attaqué (jgt, p. 15 ss), qui correspond au cas n° 3.2. du présent jugement, l'appelant soutient qu'il n'a pas eu l'occasion d'être entendu sur les accusations de violence ou menace à l'encontre des agents. Il se réfère à son procès-verbal d'audition du 17 décembre 2007 par la gendarmerie fribourgeoise (dossier PE08.003497), dans lequel, selon lui, il lui a été demandé pourquoi il n'avait pas obtempéré aux requêtes des policiers et pourquoi il avait jeté son porte-monnaie, mais où à aucun moment il ne lui était reproché de s'être débattu ou d'avoir saisi un agent. Il souligne que l'agent Y._ a participé à cette audition sans faire état d'un geste de violence. L'appelant relève encore que, lors de son audition par le Juge d'instruction le 22 janvier 2008 (même dossier), ce magistrat ne l'a pas interrogé sur cet aspect des faits. Il déduit de ce qui précède que l'agent lui-même n'aurait pas ressenti de violence ou de menace à son encontre et que les faits ne sont dès lors pas clairement établis, ce qui justifierait sa libération de l'infraction de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires.
3.3.1.
Les premiers juges ont retenu que "les explications confuses du prévenu ne sont absolument pas convaincantes" (jgt, p. 16).
3.3.2.
Les faits tels que retenus par les premiers juges correspondent en tous points à ceux relatés dans le rapport de dénonciation établi le 21 décembre 2007 les agents Y._ et N._ de la gendarmerie fribourgeoise (cf. dossier PE08.003497, P. 5/2). La force probante de ce rapport est indiscutable et c'est à juste titre qu'elle a été retenue dans le jugement attaqué. Quant à son audition du 17 décembre 2007 et au procès-verbal qui en résulte, on peut tout au plus relever que l'accusé y démontre une mauvaise volonté évidente à répondre aux questions. Ainsi, à la question de savoir pourquoi il n'a pas obtempéré aux requêtes de la police et a commencé à partir, il répond : "Je ne veux pas vous dire" (cf. dossier PE08.003497, P. 5/2). Dans ces conditions, on peut admettre que les enquêteurs n'ont pas souhaité poursuivre davantage l'interrogatoire. Quant à son audition devant le Juge d'instruction, le prévenu s'exprime brièvement à ce sujet, déclarant notamment : "(...) j'étais calme ce soir-là. Le contrôle de police s'est bien passé. Je me suis par contre énervé au CIG à Granges-Paccot et j'ai pris le parti de ne pas répondre aux questions posées par la Police. J'ai agi ainsi parce qu'ils me mettaient sous pression" (cf. dossier PE08.003497, P. 5/3).
Au vu de ce qui précède, les premiers juges étaient fondés à retenir que les explications du prévenu étaient "confuses" et "absolument pas convaincantes". Les faits retenus correspondent à ceux figurant dans le rapport de dénonciation et ne sont ni incomplets, ni erronés. Cette version des faits, adoptée par les premiers juges, fonde l'infraction retenue, soit la violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires.
Ce moyen, mal fondé, doit être rejeté.
4.
Au vu de ce qui précède, les preuves administrées établissent que l'appelant a bien commis les deux infractions qu'il contestait et pour lesquelles il a été condamnés par le Tribunal de première instance. La quotité de la peine infligée à l'appelant, soit 6 mois de privation de liberté ainsi qu'une peine pécuniaire de 10 jours et une amende de 100 fr., est par ailleurs tout à fait adéquate au regard des infractions commises, de la culpabilité de l’appelant et de sa situation personnelle. Elle ne relève ni d’un abus ni d’un excès du pouvoir d’appréciation dont jouit l’autorité de première instance, laquelle n’a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l’art. 47 CP. Elle doit donc être confirmée.
5.
En définitive, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué confirmé dans son entier.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être mis à la charge de M._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, qui se monte à 2'240 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant (cf. art. 135 al. 2 et 422 al. 2 let. a CPP, art. 2 al. 2 ch. 1 TFJP). Ce dernier a indiqué qu'il avait consacré 8 heures 35 au dossier, temps en audience non compris. Au vu de la complexité de la cause, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de la procédure d'appel, il convient d'admettre que le conseil d'office de l'appelante a dû consacrer 9 heures à l'exécution de son mandat et l'indemnité sera dès lors arrêtée à 1'803 fr. 60, TVA et débours inclus (cf. art. 135 al. 1 CPP).
L'appelant ne sera tenu de rembourser à l'Etat le montant de l'indemnité en faveur de son conseil d'office prévue ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9abd138f-8349-4609-bd49-4f987a4fcde6 | En fait :
A.
Par jugement du 16 mai 2014, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré Q._ du chef d’accusation d’instigation à recel (I), a constaté que Q._ s’était rendu coupable de vol en bande et par métier, de dommages à la propriété et de violation de domicile (II), l'a condamné à une peine privative de liberté de 10 mois sous déduction de 187 jours de détention avant jugement (III), a ordonné le maintien en détention de Q._ (IV), a dit que Q._ était le débiteur et devait immédiat paiement à [...] de la somme de 3’200 fr. (V), a dit que Q._ était le débiteur et devait immédiat paiement à P._ de la somme de 9’800 fr. (VI), a ordonné la restitution à [...] des objets séquestrés sous fiche n° 49088 (VII), a ordonné la confiscation et la dévolution à l’Etat des 25 euros séquestrés sous fiche n° 48506 (VIII), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièces à conviction de trois CD inventoriés sous fiche n° 48488 (IX), a mis les frais de la cause, par 14’912 fr. 75, à la charge de Q._ (X), a dit que le montant des frais mis à la charge de Q._ comprenait le montant de l’indemnité servie à son conseil d’office, Me Kathrin Gruber, par 5’920 fr. 55 (XI), a dit que le remboursement à l’Etat du montant correspondant à l’indemnité servie au conseil d’office ne serait exigible de Q._ que lorsque sa situation financière se serait améliorée (XII).
B.
Par annonce du 23 mai 2014, puis déclaration motivée du 2 juin 2014, Q._ a formé appel, avec suite de frais et dépens, contre le jugement précité et conclu à sa réforme en ce sens que les conclusions civiles de P._ sont déclarées irrecevables, subsidiairement rejetées, et que l’Etat de Vaud est condamné à lui verser une indemnité pour tort moral de 2’000 fr. en raison des conditions de détention illégales subies durant 20 jours dans les locaux de la police municipale de Lausanne.
A la demande du défenseur d’office de Q._, la présidente de la Cour d’appel pénale a, par courrier du 5 juin 2014, attesté que les chiffres I à IV du jugement du 16 mai 2014 étaient définitifs et exécutoires, faute d’appel sur ces points.
Par courrier du 23 juin 2014, P._ a conclu au rejet du recours, à tout le moins en ce qui concerne ses conclusions civiles.
Par avis du 15 juillet 2014, la Présidente de la Cour d’appel pénale a informé les parties que l’appel serait traité en procédure écrite (art. 406 al. 1 let. a et d CPP) et que sans objection de leur part, leurs écritures seraient considérées comme des mémoires motivés au sens de l’art. 406 al. 3 et 4 CPP.
Dans ses déterminations du 29 juillet 2014, le procureur s’en est remis à justice s’agissant des conclusions civiles qui avaient été allouées à P._. Pour le surplus, il a conclu à l’allocation d’une indemnité de 50 fr. par jour de détention subi en zone carcérale par Q._ au-delà des 48 premières heures, soit du 13 novembre au 2 décembre 2013.
Par courrier du 11 août 2014, Me Gruber a produit sa liste des opérations.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
A titre préliminaire, et par souci de simplification, la cour de céans se bornera à faire état ici des seuls éléments utiles au traitement de l’appel. Elle renvoie pour le surplus au jugement attaqué, qu'elle fait sien, les faits, les qualifications juridiques et la peine prononcée n’étant pas contestés par l'appelant.
2.
Q._ a commis plusieurs vols à l’astuce, notamment à Nyon, le 3 août 2010 au parking souterrain du Centre commercial [...]. Accompagné de deux comparses, le prévenu a dérobé le sac à main de P._ alors qu’elle rangeait des courses dans le coffre de sa voiture: il a distrait la conductrice en lui indiquant qu’elle avait fait tomber de l’argent sur le sol et, pendant ce temps, ses comparses lui ont subtilisé son sac qui se trouvait sur le siège passager avant et qui contenait notamment la somme de 10’000 fr. qu’elle avait retirée peu avant au guichet de la banque du centre commercial.
P._ a déposé plainte pénale immédiatement, sans se constituer expressément partie civile (cf. dossier E, P. 6).
Dans un formulaire de dispense de comparution personnelle adressé le 29 avril 2014 au greffe pénal du Tribunal d’arrondissement de Lausanne (P. 56), P._ a déclaré que sa plainte pourrait être considérée comme retirée si le prévenu lui versait au plus tard à l’audience le montant de ses conclusions civiles, par 10’000 fr., ou à défaut d’un versement immédiat, s’il se reconnaissait débiteur, au plus tard à l’audience, de ce montant. Selon les indications de la plaignante, ses conclusions civiles correspondaient à la somme qui lui avait été dérobée et dont attestait le retrait effectué en espèces le même jour au guichet de sa banque.
3.
Durant l’enquête pénale, Q._ a notamment été détenu du 11 novembre au 2 décembre 2013 dans la zone carcérale de l’Hôtel de police, soit durant 22 jours. Aux débats, il a produit une attestation du CHUV du 22 janvier 2014, selon laquelle il souffrait d’un déficit en vitamine D, laquelle est fréquente selon les médecins en cas de faible exposition au soleil. Il a également produit une attestation médicale du 14 mars 2014, faisant état d’un bilan veineux, et un autre rapport médical du 19 mars 2014, qui relève une parésie et hypoesthèsie non systématisée du membre supérieur droit, un nodule inflammatoire adhérentiel sur la face dorsale de la main ainsi qu’une tendinite de la coiffe des rotateurs (cf. P. 57). Les rapports médicaux ne mettent pas ces dernières affections en lien de causalité avec les conditions de détention. | En droit :
1.
Interjeté en temps utile (art. 399 al. 1 et 3 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0]), l’appel satisfait en outre aux exigences de motivation prévues à l’art. 399 al. 3 et 4 CPP, de sorte qu’il est recevable.
L’appel relève de la procédure écrite, dès lors qu’il porte uniquement sur des points de droit ainsi que sur la question de l’octroi d’une indemnité pour conditions illicites de détention (art. 406 al. 1 let. a et d CPP).
2.
L’appelant soutient que la plaignante P._ ne pouvait prendre de conclusions civiles, dès lors qu’elle ne s’était pas valablement constituée partie civile en temps utile.
2.1
Selon l’art. 448 CPP, les procédures pendantes au moment de l’entrée en vigueur du CPP fédéral se poursuivent normalement selon le nouveau droit (al. 1). Toutefois, les actes de procédure ordonnés ou accomplis avant l’entrée en vigueur du CPP conservent leur validité (al. 2). Il doit en aller de même de la constitution de partie à la procédure, qui peut être assimilée à un acte de procédure dont les effets sont destinés à durer.
Aux termes de l’art. 93 aCPP-VD (Code vaudois de procédure pénale du 12 septembre 1967, abrogé par l'entrée en vigueur du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007), celui qui avait un intérêt civil au procès pouvait y intervenir en tout état de cause, et jusqu’à la clôture des débats, en se constituant partie civile. L’art. 94 aCPP-VD prévoyait en outre que le plaignant était de plein droit partie civile.
Le nouvel art. 118 CPP précise qu’on entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil (al. 1). Une plainte pénale équivaut à une telle déclaration (al. 2). La déclaration doit être faite devant une autorité de poursuite pénale avant la clôture de la procédure préliminaire (al. 3). Si le lésé n’a pas fait spontanément de déclaration, le ministère public attire son attention dès l’ouverture de la procédure préliminaire sur son droit d’en faire une (al. 4). Conformément à la volonté du législateur et aux avis doctrinaux, on doit admettre que la personne qui dépose plainte pénale se constitue demanderesse à la fois au pénal et au civil (FF 2006 p. 1150; Schmid, StPO, Praxis Kommentar, 2
e
éd. Zurich 2011, n° 5 ad art. 119 CPP et n° 4 ad 120 CPP; Jeandin/Matz, in Commentaire romand, Bâle 2011, n° 11 ad art. 118 CPP). L’art. 123 CPP prévoit que dans la mesure du possible, la partie plaignante chiffre ses conclusions civiles dans sa déclaration et les motive par écrit; elle cite les moyens de preuves qu’elle entend invoquer (al. 1). Le calcul et la motivation des conclusions civiles doivent être présentés au plus tard durant les plaidoiries (al. 2).
2.2
En l'occurrence, l’intimée a déposé plainte pénale le 3 août 2010, se constituant ainsi valablement demanderesse tant sur le plan pénal que civil, que ce soit en application de l'ancien code de procédure cantonal ou de la nouvelle procédure fédérale. Par ailleurs, elle a chiffré ses prétentions avant l’audience de première instance, soit en temps utile au regard du prescrit de l’art. 123 al. 2 CPP. Partant, l’appelant était en mesure de se prononcer sur ces prétentions lors des débats devant le Tribunal de police. En outre, quand bien même il n’aurait pas été rendu attentif au dépôt des conclusions civiles par la partie plaignante, il a pu valablement exercer ses droits et faire valoir tous ses arguments dans le cadre de la présente procédure, de sorte que tout éventuel vice aura été valablement réparé.
Cela étant, c'est à juste titre que le premier juge a alloué à P._ ses conclusions civiles, celles-ci étant au demeurant valablement étayées par pièces (cf. annexe ad P. 56).
3.
Invoquant une violation de l'art. 431 CPP, l'appelant requiert l'octroi d'une indemnisation à hauteur de 2'000 fr., pour les vingt jours de détention subis dans des conditions contraires à l'art. 3 CEDH.
3.1
Dans son ATF 139 IV 41, le Tribunal fédéral a considéré que le motif déduit de la prolongation de la détention dans la zone carcérale d’un bâtiment de police, même si celle-ci n’était pas conforme à la loi, ne justifiait pas la remise en liberté du prévenu, mais seulement une décision constatatoire. Il a par ailleurs relevé que c’est à l’issue de la procédure, sous l’angle d’une éventuelle indemnisation au sens des articles 429 ss CPP, que les conséquences de ces constatations devaient être tirées.
Dans un arrêt du 1
er
juillet 2014 (cf. TF 6B_17/2014), le Tribunal fédéral a posé le principe d’une indemnisation à raison d’un tel séjour, au-delà des 48 premières heures. Il a considéré que le montant réclamé par jour, de 50 fr., n’était pas exagéré et a alloué, pour les 11 jours suivant les 48 premières heures, une indemnité pour tort moral de 550 francs. Il a précisé que cette indemnité n’était pas compensable avec les frais de justice mis à la charge du prévenu. Il a ajouté enfin que la réclamation pécuniaire admise dans ce cas ne signifiait pas d’une manière générale qu’une autorité cantonale saisie d’une problématique similaire ne puisse envisager une autre forme de réparation, à l’instar de ce qui prévalait pour une violation du principe de la célérité. Le Tribunal fédéral a laissé indécise la question de savoir si la réparation pouvait prendre la forme d’une réduction de peine.
3.2
En l'occurrence, Q._ a passé 20 jours dans une cellule de la Police municipale de Lausanne, en sus des 48 heures prévues par l'art. 27 LVCPP (Loi vaudoise d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009, RSV 312.01). Au regard des conditions de détention qu'il a subies et de l’attestation du CHUV, l'allocation d'un montant de 50 fr. par jour à titre de tort moral se justifie, soit 1'000 fr. au total, la somme de 100 fr. par jour réclamée n'étant aucunement fondée au regard de l'intensité du tort moral subi.
4.
En définitive, l'appel doit être partiellement admis en ce sens que l'Etat de Vaud est condamné à verser à Q._ un montant de 1'000 fr. à titre de réparation du tort moral. Il sera rejeté pour le surplus.
Les frais d'appel, constitués de l'émolument d'arrêt (cf. art. 21 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), par 880 fr., des frais liés au prononcé rendu le 30 mai 2014 dans le cadre de la demande de mise en liberté formée par Q._, par 450 fr., et de l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant, par 993 fr. 60, TVA et débours inclus, doivent être mis pour moitié à la charge de Q._, qui succombe partiellement (art. 428 al. 1 CPP).
Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à l'intimée, celle-ci n'ayant pas chiffré ni justifié ses prétentions (art. 433 al. 2 CPP).
Le prévenu ne sera tenu de rembourser à l'Etat la moitié du montant de l'indemnité en faveur de son défenseur d'office que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9acc7bbb-8088-4cca-9a15-c00612f3777b | En fait :
A.
Par jugement du 13 avril 2011, le Tribunal de police de l’arrondissement de l'Est vaudois a reconnu H._ non coupable d'homicide par négligence et de violation grave des règles de la circulation routière (I), reconnu ce dernier coupable de violation simple des règles de la circulation et l'a condamné, pour cette contravention, à une amende de 300 fr. (II), fixé la peine de substitution en cas de non paiement fautif à dix jours de privation de liberté (III), donné acte de leurs réserves civiles contre H._ à [...] et rejeté leurs conclusions en dépens pénaux (IV), mis une partie des frais de justice, arrêtée à 1'075 fr., à la charge de l'intéressé, le solde par 5'706 fr. 10 étant laissé à la charge de l'Etat (V), réservé le jugement sur l'indemnisation du prévenu, au titre de l'art. 429 CPP et impartit à H._ un délai de nonante jours dès jugement définitif et exécutoire sur l'action pénale et sur le sort des conclusions civiles prises dans le procès pénal pour justifier de son dommage (VI).
B.
Par pli posté le 20 avril 2011, H._ a formé appel contre le jugement précité.
Par déclaration d'appel motivée du 19 mai 2011, l'appelant a conclu à la modification du chiffre II du dispositif du jugement en ce sens qu'il est libéré de la prévention de violation simple des règles de la circulation, le chiffre III du jugement étant dès lors supprimé. Il a également requis la modification du chiffre V du dispositif du jugement attaqué en ce sens que la totalité des frais de justice est laissée à la charge de l'Etat. Subsidiairement, il a conclu à l'annulation des chiffres II, III et V et au renvoi de la cause au Tribunal de police pour nouveau jugement. Il n'a pas requis l'administration de preuves.
Par courrier du 31 mai 2011, le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois a renoncé à déposer des déterminations.
Par courriers des 8 et 21 juin 2011, H._ et le Ministère public ont été informés que la cause relevait d'un juge unique et il leur a été demandé s'ils consentaient à une procédure écrite en application de l'art. 406 al. 2 CPP.
Par courrier du 21 juin 2011, adressé à l'appelant, le Président de la Cour d'appel pénale a invité ce dernier à chiffrer et motiver ses conclusions pour une indemnité fondée sur l'art. 429 CPP pour l'ensemble de la procédure afin de ne pas compliquer inutilement la procédure.
Le 22 juin 2011, le Ministère public a déclaré consentir à ce que la cause soit traitée en procédure écrite et a rappelé qu'il renonçait à se déterminer sur l'appel du prévenu.
Par acte du 24 juin 2011, H._ a indiqué qu'il consentait également à la procédure écrite et s'est référé à sa déclaration d'appel motivée du 19 mai 2011. Il a ajouté qu'il entendait réclamer une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure conformément à l'art. 429 al. 1 let. a CPP.
Par courrier du 5 juillet 2011, suite à une interpellation du Président de la Cour d'appel pénale du 1
er
juillet 2011, le conseil de l'appelant a produit trois notes d'honoraires. Il a expliqué avoir consacré un total de 34 heures et 33 minutes à la présente cause pour une somme totale de 13'374 fr. 80, TVA comprise, à titre d'honoraires. Il a souligné que les débours forfaitaires pour chaque note d'honoraires s'élevaient à 100 francs.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Le 18 mai 2009, H._ circulait, au volant de son camion Volvo FM-300, sur la route cantonale en direction de Vevey pour se rendre sur un chantier situé à la route de Lavaux 349, peu après la sortie de Lutry, afin de décharger des marchandises. Il transportait un gros appareil en ferraille, vraisemblablement un chauffe-eau. L'intéressé est arrivé à proximité du chantier peu avant 16 heures. Il ne pouvait pas accéder directement au chantier, en raison du fait que des ouvriers obstruaient l'entrée et du désordre, et il ne pouvait y entrer qu'en marche arrière. Par ailleurs, il devait demander où la livraison devait être effectuée. Dès lors, le prévenu a arrêté son camion devant le chantier, à cheval sur la bande cyclable et sur le trottoir, sans empiéter sur la voie de circulation, et est sorti de son véhicule. Par mesure de sécurité, il a enclenché les feux de panne, mais n'a pas disposé de triangle de panne. Il comptait déplacer le camion à l'endroit où il devait décharger aussitôt après avoir reçu les renseignements à ce sujet.
Quelques minutes après l'arrivée de H._, le cycliste G._, muni d'un casque, circulait, tête baissée, sur la bande cyclable de la route de Lavaux, en direction de Vevey, à une vitesse d'environ 20 km/h. Arrivé à proximité du chantier, il ne remarqua pas le camion du prévenu, arrêté sur le bord droit de la chaussée. G._ ne freina pas, ni n'effectua de manœuvre d'évitement et heurta violemment avec sa tête l'angle arrière gauche du poids lourd avant d'être projeté au sol, suite au choc, face contre terre. Grièvement blessé, il a été transféré au CHUV où il est décédé des suites de ses blessures.
A l'endroit de l'accident, la chaussée est large d'environ 9 mètres et décrit une longue courbe à droite en direction de Vevey, laquelle précède un tronçon rectiligne. Elle comprend deux voies de circulation, une dans chaque sens, séparées par une ligne de sécurité, ainsi que deux bandes cyclables. Dans le sens de circulation du cycliste, soit en direction de Vevey, le chantier était annoncé par deux panneaux indiquant la présence de travaux et de camions, l'un situé à 140 mètres du chantier et l'autre à 90 mètres du chantier. Deux panneaux identiques, situés aux distances précitées, se trouvaient dans l'autre sens de circulation.
Le camion du prévenu était visible sur une distance de 106 mètres pour le cycliste G._ qui arrivait sur la bande cyclable depuis Lutry. Il faisait beau, le ciel était découvert, la chaussée était sèche et dépourvue de gravillon.
2.
Le Tribunal de police a considéré que le comportement de H._ n'était pas en relation de causalité adéquate avec l'accident. Il a retenu que le comportement imprévisible de G._, qui circulait tête baissée en ne regardant pas devant lui pendant plus de 19 secondes – temps qui lui a été nécessaire pour parcourir la distance de visibilité à 20 km/h – alors que la distance de visibilité était de 106 mètres, était la cause prépondérante de l'accident. Le premier juge a dès lors libéré le prévenu de l'infraction d'homicide par négligence.
Le Tribunal de première instance a également libéré le prévenu de la prévention de violation grave des règles de la circulation au sens de l'art. 90 ch. 2 LCR (Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière, RS 741.01). Il a indiqué que le fait d'empêcher la circulation sur la bande cyclable à l'endroit de l'accident ne constituait pas la création d'un sérieux danger. En outre, le premier juge a considéré que l'intéressé n'avait pas violé les art. 43 al. 2 LCR et 23 al. 2 et 3 let. a OCR (Ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière, RS 741.11).
Le premier juge a néanmoins reconnu H._ coupable de violation simple des règles de la circulation au sens de l'art. 90 ch. 1 LCR, pour avoir enfreint les interdictions et obligations résultant des art. 4 al. 1 et 36 al. 1 LCR telles que concrétisées à l'art. 19 al. 2 let. d OCR, par le fait d'avoir parqué son véhicule sur la bande cyclable. | En droit :
1.
Interjeté en temps utile (art. 399 al. 1 et 3 CPP), l'appel satisfait en outre aux exigences de motivation prévues à l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, de sorte qu'il est recevable en la forme.
2.
S'agissant d'un appel dirigé contre une contravention, la cause ressortit de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [Loi d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009, RSV 312.01]). En revanche, les restrictions prévues à l'art. 398 al. 4 CPP ne trouvent pas application dès lors que les débats de première instance ont également porté sur les délits d'homicide par négligence et de violation grave des règles de la circulation routière. Partant, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (art. 398 al. 2 CPP) et l’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (art. 398 al. 3 CPP).
En l'espèce, l'appel a été formé pour violation du droit, plus précisément sur la question de la culpabilité s'agissant de la contravention de violation simple des règles de la circulation (art. 399 al. 4 let. a). L'appelant demande à être libéré de cette prévention. Il ne conteste pas sa libération des infractions d'homicide par négligence et de violation grave des règles de la circulation. Il attaque également le jugement de première instance sur les frais, concluant à ce que la totalité des frais de justice soit laissée à la charge de l'Etat. Finalement, par acte du 24 juin 2011, l'appelant a indiqué qu'il entendait réclamer une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure conformément à l'art. 429 al. 1 let. a CPP.
3.
Selon l'art. 406 al. 2 CPP, la direction de la procédure peut ordonner la procédure écrite, avec l'accord des parties, lorsque la présence du prévenu aux débats d'appel n'est pas indispensable (let. a) et/ou lorsque l'appel est dirigé contre des jugements rendus par un juge unique (let. b).
En l'espèce, la présence du prévenu aux débats d'appel n'est pas indispensable, celui-ci ne devant pas être interrogé et aucune preuve ne devant être administrée (cf. Kistler Vianin, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 14 ad art. 406 CPP). L'appel est, en outre, dirigé contre un jugement rendu par le Tribunal de police qui est formé du président du tribunal d'arrondissement siégeant comme juge unique (art. 7 LVCPP). De surcroît, les parties ont consenti à ce que la procédure soit écrite. Les conditions de l'art. 406 al. 2 CPP sont dès lors réunies.
4.
H._ soutient que son comportement n'est pas constitutif d'une violation simple des règles de la circulation routière, puisqu'il n'a pas violé les art. 4 al. 1 LCR, 36 al. 1 LCR et 19 al. 2 let. d OCR.
4.1.
En vertu de l'art. 90 ch. 1 LCR, celui qui aura violé les règles de la circulation fixées par la présente loi ou par les prescriptions d’exécution émanant du Conseil fédéral sera puni de l’amende.
Cette disposition réprime la violation des règles de la circulation, c'est-à-dire de l'ensemble des dispositions figurant au Titre 3 de la LCR (art. 26 à 57c LCR) ainsi que celles prescrites dans les ordonnances du Conseil fédéral (Jeanneret, Les dispositions pénales de la Loi sur la circulation routière (LCR), Berne 2007, nn. 9 ss ad art. 90 LCR; Bussy et Rusconi, Commentaire du Code suisse de la circulation routière, 3
e
éd., Lausanne 1996, n.1.1 ad art. 90 LCR). Il en va ainsi des violations des règles de l'OCR et de celles de l'OSR (Ordonnance du 5 septembre 1979 sur la signalisation routière, RS 741.21). A contrario, les obligations prescrites en dehors du Titre 3 de la LCR, comme l'interdiction de créer un obstacle sur la chaussée, imposée par l'art. 4 LCR, ne peuvent pas tomber sous le coup de l'art. 90 LCR, mais de l'art. 237 CP, si les conditions en sont remplies (Jeanneret, op. cit., n. 9 ad art. 90 LCR). L'art. 90 ch. 1 LCR suppose simplement que l'auteur ait violé l'une ou l'autre des règles de circulation telles que précédemment définies. Cette infraction est ainsi conçue comme un délit formel de mise en danger abstrait, de sorte qu'il suffit de violer une règle de comportement imposée par la loi pour que l'infraction soit pleinement consommée, indépendamment de la survenance d'un danger concret quel qu'il soit ou, à plus forte raison, d'une lésion (Jeanneret, op. cit., n. 17 ad art. 90 LCR; Bussy et Rusconi, op. cit., n. 3.4 ad art. 90 LCR).
4.2.
L'art. 36 al. 1 LCR dispose que le conducteur qui veut obliquer à droite serrera le bord droit de la chaussée, celui qui veut obliquer à gauche se tiendra près de l’axe de la chaussée.
Avec l'appelant, il faut admettre que l'art. 36 al. 1 LCR ne peut pas trouver application dans le cas d'espèce. En effet, il règle la manœuvre de présélection.
4.3.
L'art. 4 al. 1 LCR énonce qu'il est interdit de créer, sans motifs impérieux, des obstacles à la circulation; ils doivent être signalés de façon suffisante et seront supprimés aussi tôt que possible.
Ainsi qu'expliqué plus haut (cf. c. 4.1), l'art. 4 LCR, qui n'exprime pas une "règle de circulation" au sens de l'art. 90 LCR, ne peut pas servir de base à une sanction dans le cadre de cette disposition (cf. également Bussy et Rusconi, op. cit., n. 4 ad art. 4 LCR). Partant, même si le comportement de l'appelant avait violé l'art. 4 LCR, il ne saurait être sanctionné pénalement sur la base de l'art. 90 LCR. Son acte pourrait toutefois tomber sous le coup de l'art. 237 CP. Cependant, l'art. 391 al. 2 CPP consacre l'interdiction de la reformatio in peius, adage qui interdit à l'autorité de recours de modifier une décision au détriment du prévenu ou du condamné si le recours a été interjeté uniquement en leur faveur, ce qui est le cas en l'espèce (Calame, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, nn. 3 ss ad art. 391 CPP; Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1295). Par conséquent, même si l'infraction prévue à l'art. 237 CPP était réalisée, elle ne saurait être retenue à l'encontre de l'appelant. Les conditions de cette infraction ne sont de toute manière pas remplies dans le cas présent.
En effet, ni l'art. 4 al. 1 LCR, ni l'art. 237 CP n'ont été enfreint par le comportement de H._ compte tenu des circonstances du cas d'espèce. Tout d'abord, le camion du prévenu était visible sur une distance de 106 mètres pour le cycliste G._. Il était d'autant plus visible qu'il faisait beau et que le ciel était dégagé. Dans le sens de circulation du cycliste, le chantier était annoncé par deux panneaux indiquant la présence de travaux (1.14 Annexe 2 OSR) et de camions (5.22 Annexe 2 OSR), l'un situé à 140 mètres du chantier et l'autre à 90 mètres du chantier. Partant, il ne pouvait être exigé du prévenu qu'il mette un signal de panne (cf. art. 21 al. 3 et 23 OCR), le chantier et la présence de camions étant signalés de façon suffisante au sens de l'art. 4 al. 1 LCR. Finalement, H._ ne s'est arrêté qu'un court instant pour demander où il devait décharger la marchandise, ne pouvant pas entrer directement dans le chantier en raison des ouvriers qui obstruaient le passage et du désordre.
4.4.
En vertu de l'art. 19 al. 2 let. d OCR, il est interdit de parquer sur les bandes cyclables et sur la chaussée contiguë à de telles bandes.
L'art. 19 al. 1 OCR définit le parcage du véhicule comme étant un stationnement qui ne sert pas uniquement à laisser monter ou descendre des passagers ou à charger ou décharger des marchandises. Il résulte de cette disposition que dès que l'immobilisation volontaire du véhicule n'est pas justifiée par la montée ou la descente de passagers ou le chargement où le déchargement de marchandises, les règles en matière de parcage sont applicables (Bussy et Rusconi, op. cit., n. 1.1 ad art. 19 OCR).
L'arrêt au sens de l'art. 18 OCR s'oppose au parcage de l'art. 19 OCR. L'arrêt est une immobilisation du véhicule qui sert uniquement à laisser monter ou descendre des passagers, à charger ou à décharger des marchandises (art. 19 al. 1 OCR a contrario). Pour qu'il y ait arrêt et non parcage en cas de chargement et de déchargement de marchandises, il faut que le conducteur soit en mesure de permettre le départ d'autres véhicules dès qu'il en est requis. Il faut que la personne qui opère le déchargement puisse être atteinte en tout temps, ce qui est, en soi, plus important que la durée de l'arrêt lui-même. Il faut également qu'il s'agisse de marchandises dont la grandeur, le poids ou la quantité nécessitent l'utilisation d'un véhicule (Bussy et Rusconi, n. 1.1 ad art. 18 OCR et n. 1.1 ad art. 19 OCR et les références citées; JT 1992 I 724).
En l'espèce, il résulte des faits retenus dans le présent jugement que l'appelant s'était arrêté devant le chantier sis à la route de Lavaux 349 afin de demander où il devait décharger la marchandise contenue dans son camion. Lors de l'audience devant le tribunal de première instance, il a déclaré qu'il ne pouvait pas entrer directement dans le chantier dès lors que l'entrée était obstruée par du désordre ainsi que par des ouvriers et qu'il ne pouvait au surplus pas y entrer en marche avant (jgt, p. 12). Il a également précisé qu'il transportait un gros appareil en ferraille, probablement un chauffe-eau (ibidem). Il ressort du dossier que l'accident a eu lieu très peu de temps après l'arrêt du camion et rien ne permet de retenir que l'appelant se soit éloigné plus que nécessaire ou qu'il ait tardé à reprendre le volant de son véhicule. Au vu de ces éléments, il faut admettre qu'il s'agissait bien d'un déchargement de marchandises et, partant, qu'il y a eu arrêt conformément à l'art. 18 OCR et non parcage au sens de l'art. 19 OCR.
4.5.
Au vu de ce qui précède, il convient de constater que l'infraction de violation simple des règles de la circulation routière au sens de l'art. 90 ch. 1 LCR n'est pas réalisée. L'appelant doit dès lors être acquitté et les frais de première instance laissés à la charge de l'Etat en vertu de l'art. 426 CPP.
5.
Par acte du 24 juin 2011, H._ a indiqué qu'il entendait réclamer une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure conformément à l'art. 429 al. 1 let. a CPP. Par courrier du 5 juillet 2011, le conseil de l'appelant a produit trois notes d'honoraires. Il a expliqué avoir consacré un total de 34 heures et 33 minutes à la présente cause pour une somme totale de 13'374 fr. 80, TVA comprise, à titre d'honoraires. Le conseil de l'appelant a souligné que les débours forfaitaires pour chaque note d'honoraires s'élevaient à 100 francs. Il a, par ailleurs, précisé que les représentants de l'assureur RC du détenteur du véhicule, soit le patron de l'appelant, souhaitaient être tenus au courant de l'évolution de l'affaire et que l'assurance RC ne payaient pas les honoraires.
5.1.
L'art. 429 al. 1 let. a CPP prévoit que si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.
La base légale fondant un droit à des dommages et intérêts et à une réparation du tort moral a été créée dans le sens d’une responsabilité causale. L’Etat doit réparer la totalité du dommage qui présente un lien de causalité avec la procédure pénale au sens du droit de la responsabilité civile (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1313). Les dépenses à rembourser au sens de la let. a sont essentiellement les frais de défense. Cette disposition transpose la jurisprudence selon laquelle l’Etat ne prend en charge ces frais que si l’assistance était nécessaire compte tenu de la complexité de l’affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires de l’avocat étaient ainsi justifiés (ibidem). L'indemnisation des frais d'avocat ne se limite pas aux cas de défense obligatoire, ni à ceux où le bénéfice de la défense d'office volontaire eût été envisageable si le prévenu était indigent (Mizel/Rétornaz in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 31 ad art. 429 CPP). Les frais de défense couvrent également les débours, tels que les photocopies et les frais de port (Mizel/Rétornaz, op. cit., n. 36 ad art. 429 CPP).
5.2.
En l'espèce, l'appelant a été acquitté par la Cour de céans. En outre, compte tenu de la gravité des accusations portées à son encontre et de la complexité de l'affaire en fait et en droit, il était fondé à recourir aux services d'un mandataire professionnel et a, partant, droit à une indemnisation au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP. Il paraît expédient de statuer en tenant compte de l'ensemble de la procédure, un renvoi au premier juge pour décision en application du chiffre VI du dispositif du jugement de première instance s'avérant inadéquat.
La somme de 13'374 fr. 80 demandée par H._ pour ses frais de défense correspond, ainsi qu'expliqué par le conseil de l'appelant, à 34 heures et 33 minutes et ainsi à un tarif horaire d'un peu plus de 350 francs. On ne saurait toutefois tenir compte des opérations découlant du souhait de l'assureur RC d'être tenu au courant des développements du dossier. Au vu de la complexité de la cause, de la longueur de la procédure, des opérations mentionnées dans la note d'honoraires et de l'appel à la Cour d'appel pénale, il convient ainsi d'admettre que le défenseur a dû consacrer 30 heures à l'exécution de son mandat. Il convient d'appliquer le tarif horaire de 350 fr. de l'heure demandé par le conseil de l'appelant, ce qui donne un montant de 10'500 fr., auquel on ajoute 100 fr. forfaitaires pour les débours et la TVA, par 848 francs. Ainsi, la somme totale de 11'448 fr. doit être allouée à l'appelant à titre d'indemnité pour ses frais de défense conformément à l'art. 429 al. 1 let. a CPP, à la charge de l'Etat.
Il n'y a pas matière à l'allocation d'une indemnité pour le dommage économique subi au titre de la participation obligatoire du prévenu à la procédure pénale au sens de l'art. 429 al. 1 let. b CPP. L'appelant ne l'allègue d'ailleurs pas.
Au vu de ce qui précède, le chiffre VI du jugement de première instance, qui n'a plus d'objet, sera supprimé.
6.
En définitive, l'appel de H._ doit être admis et le jugement attaqué réformé en ce sens que ce dernier est libéré de l'accusation de violation simple des règles de la circulation et que les frais de la procédure de première instance sont laissés à la charge de l'Etat.
Une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure d'un montant de 11'448 fr., TVA comprise, est allouée à l'appelant, à la charge de l'Etat, conformément à l'art. 429 al. 1 let. a CPP.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel, par 1'080 fr. (art. 21 al. 1 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), doivent être laissés à la charge de l'Etat (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,011 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9af969c8-3f86-4697-b785-61a949b1daf7 | En fait :
A.
Par jugement du 6 mars 2012, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l'Est vaudois a libéré W._ des griefs de voies de fait et d'injures (I), l'a condamné pour contrainte sexuelle et ébriété qualifiée au volant à la peine privative de liberté de 7 mois avec sursis pendant 3 ans (II), a renoncé à révoquer le sursis accordé le 22 février 2008 au prévenu par le Juge d'instruction de Lausanne (III) et a mis les frais, par 5'037 fr. 50, à la charge de W._.
B.
Le 6 mars 2012, W._ a formé appel contre ce jugement.
Par déclaration d'appel motivée du 2 avril 2012, il a conclu à la réforme du jugement précité en ce sens qu'il est libéré des accusations de voies de fait, injures et contrainte sexuelle et condamné pour ébriété qualifiée au volant à une peine pécuniaire inférieure à 210 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 10 fr., avec sursis pendant trois ans.
Le 25 avril 2012, le Ministère public a annoncé qu'il s'en remettait à justice s'agissant de la recevabilité de l'appel et qu’il renonçait à déclarer un appel joint.
A l'audience du 14 juin 2012, W._, qui a été entendu, s'est référé à ses précédentes déclarations et a confirmé les conclusions de son appel.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Né en 1953, W._ est le benjamin d'une fratrie de deux enfants. Citoyen français, il a grandi au sein du milieu familial dans son pays. Il a obtenu un diplôme de l'Université Dauphine à Paris, un autre à l'Ecole hôtelière de Lausanne et un troisième de l'Université américaine de Cornell. Il a vécu plusieurs années au Moyen-Orient, avant d'être appelé à la direction générale du groupe qui l'employait à Zurich. A la fin des années 80, il a constitué sa propre société de consulting, tout en exploitant une entreprise d'importation de vins. Après avoir réalisé ses actifs, il a acquis l'hôtel [...] à Lausanne qu'il a abandonné par sursis concordataire en 2000. Il a connu le chômage et est actuellement au bénéfice d'un revenu d'insertion qui se monte à 2'265 fr. par mois. Il a des dettes et fait l'objet d'actes de défaut de biens. Selon ses déclarations de ce jour, il a décidé de créer sa propre société active dans le domaine de l'hôtellerie et a entrepris des démarches dans ce sens. Divorcé, il est père de deux enfants majeurs.
Son casier judiciaire comporte l'inscription suivante :
- 22.02.2008, Juge d'instruction de Lausanne, abus de confiance, peine pécuniaire 60 jours-amende à 50 fr., sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 2 ans.
2.
2.1
Le 7 novembre 2009, W._ a fait irruption dans l'appartement de T._ à St-Légier, avec laquelle il avait eu une liaison intime en 2008 et entretenait désormais des relations amicales, afin d'y entreprendre des travaux de nettoyage. Malgré que T._ l'ait sommé à plusieurs reprises de s'en aller, le prévenu est resté chez elle toute la matinée.
Face à l'insistance de son amie à lui faire quitter les lieux, l'intéressé, fâché, l'a bousculée, giflée et projetée sur un canapé. Il s'est alors jeté sur elle, l'a maintenue d'une main et introduit l'autre sous son t-shirt, lui prodiguant des attouchements sur ses seins par-dessus son soutien-gorge et la traitant de "gouine". Il a commencé à déboutonner le pantalon de T._ en tentant de l'embrasser, avant de la relâcher. Alors que celle-ci tentait de s'enfuir, il l'a rattrapée, l'a refoulée par la force dans l'appartement en la traitant de "salope". Après un échange de coups et d'insultes, il l'a plaquée dos au mur d'une main, a achevé de déboutonner son pantalon de l'autre main, lui a alors caressé son sexe à même la peau et y a introduit le doigt. Face à la passivité de la victime, le prévenu a finalement cessé ses agissements. Celle-ci en a profité pour s'enfuir et a déposé plainte le même jour.
T._ a retiré sa plainte en exécution de la convention intervenue entre les parties à l'audience de première instance du 4 juillet 2011, ce qui a conduit à la libération de W._ des chefs d'accusation de voies de fait et injure.
2.2
Le 1
er
décembre 2009 (et non 2010 comme retenu à tort par le tribunal; cf. dossier joint), en début d'après-midi, toujours à St-Légier, le prévenu a circulé au volant de sa voiture alors qu'il était en état d'ébriété. Il a fait l'objet à 15h17 d'une prise de sang dont le résultat a révélé un taux minimal d'alcool au moment critique de 1,14 g
‰.
Le permis de conduire de l'intéressé a été saisi sur-le-champ.
Le fichier des mesures administratives en matière de circulation routière (ADMAS) du prévenu fait encore état d'un avertissement en 1994 et de sept autres retraits de permis entre 1995 et 2006, dont un pour ébriété. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L'appelant, qui ne conteste pas les faits exposés sous chiffre 2.2 ci-avant (p. 9), soutient, s'agissant des événements du 7 novembre 2009 (ch. 2.1
supra
), que les premiers juges se sont livrés à une appréciation arbitraire des preuves en retenant le récit de la victime. Il fait valoir que c'est la version qu'il a donnée à l'audience du 4 juillet 2011 qui doit être retenue.
3.1
Selon l'art. 10 al. 2 CPP, le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure.
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 19 ad art. 398 CPP).
En matière d’appréciation des preuves et d’établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l’autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu’elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (Kistler Vianin, op. cit., n. 28 ad art. 398 CPP). L’appréciation des preuves est en particulier arbitraire lorsque le juge de répression n’a manifestement pas compris le sens et la portée d’un moyen de preuve, s’il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d’un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 136 III 552 c. 4.2; TF 1C_517/2010 du 7 mars 2011 c. 2.1).
3.2
En l'espèce, avec les premiers juges, on constatera que le récit de T._ au sujet de l'agression du 7 novembre 2009 a été constant et cohérent tout au long de l'instruction. Tant lors de sa visite médicale, le lendemain des faits (pièce 7), que devant le Juge d'instruction (PV aud. 3, p. 2), elle a confirmé le contenu de sa plainte, soit le fait que son agresseur l'avait caressée par-dessous ses sous-vêtements, à même la peau, contre son gré. Le fait que devant le tribunal de première instance elle se soit limitée à confirmer ses précédentes déclarations – vraisemblablement après avoir été interrogée sur ce point par le Président et sans aucune objection de la part de l'appelant à ce que les déclarations des parties soient verbalisées sous forme de résumé (jugt, p. 3) – n'affaiblit pas sa crédibilité, contrairement à ce que soutient le prévenu, étant précisé qu'il est toujours difficile pour une personne de revivre les souvenirs d'une agression sexuelle (en l'occurrence plus d'une année et demi après les faits), et rien ne porte à croire que la victime aurait agi ainsi par simple souci de cohérence avec ses affirmations antérieures, comme le prétend l'appelant. Pour le surplus, à l'audience du 6 mars 2012, T._ a expressément confirmé les "caresses sur les seins, sur le sexe et dans le sexe" (jugt, p. 15). A cela s'ajoute que la prénommée n'avait aucun intérêt à charger mensongèrement le prévenu, qu'elle a du reste décrit comme "un interlocuteur de qualité, cultivé et généreux" (jugt, p. 4); elle a d'ailleurs admis spontanément qu'elle avait entretenu avec lui des relations sexuelles par le passé (PV aud. 1, p. 1), qu'elle avait tenté, naïvement, de garder un rapport de pure amitié avec lui et que celui-ci était toujours très amoureux d'elle (PV aud. 3, p. 1), alors que ces déclarations risquaient de desservir sa cause. La victime, qui a été disposée à retirer sa plainte, n'a pas non plus exagéré les faits. On remarquera sur ce point qu'à la question du Procureur qui lui a demandé quelle dimension elle donnait aux faits dont elle avait été victime, elle a affirmé que, selon elle, W._ n'était pas venu "pour la violer" (PV aud. 3, p. 2
in fine
), et qu'à l'audience du 6 mars 2012, elle a encore précisé que le prévenu ne l'avait plus importunée et que l'incident du 7 novembre 2009 appartenait désormais au passé.
On soulignera encore que la victime s'est ouverte à son amie [...], qui l'a décrite comme étant sous le choc (jugt, p. 8).
Si les déclarations de T._ ont toujours été constantes sur des points de fait essentiels, la version de W._, qui a admis avoir pu agir sous l'influence de l'alcool (PV aud. 4, p. 2, lignes 52 et 53), a, quant à elle, été fluctuante sur des éléments décisifs (ce que celui-ci se garde bien de rappeler dans son mémoire). En effet, après avoir tout nié (PV aud. 2), il a confessé avoir caressé T._ au niveau des seins et du sexe par-dessous les habits (PV aud. 4, p. 1), avant de revenir sur ces propos en contestant avoir porté la main sur le sexe de la victime tout en admettant des attouchements sur "le bas ventre et les seins" (jugt, p. 5), déclarations qu'il a confirmées aux débats d'appel (p. 3
supra
).
A cela s'ajoute que les lésions documentées (pièce 7) s'accordent avec la version des faits exposés par la victime. Celle-ci ne s'est pas seulement fait gifler, comme le soutient le prévenu (appel, p. 4, par. 1
in fine
), mais elle a également été bousculée et projetée sur le canapé, avant d'être ramenée de force dans l'appartement et plaquée au mur.
Pour le surplus, les imprécisions qu'a pu donner T._ sur les détails de sa vie avec le prévenu sont sans incidence, dans la mesure où ces divergences n'ont rien à voir avec les faits répréhensibles et ne suffisent pas à mettre en doute la véracité globale de ses déclarations.
En définitive, fondée sur l'ensemble de ces éléments, l'appréciation du tribunal, qui a retenu la version de T._, n'est ni incomplète, ni erronée. Elle ne relève pas davantage, d'une façon plus générale, d'un abus de pouvoir d'appréciation des preuves. Ce moyen, mal fondé, doit donc être rejeté.
4.
W._ soutient que les conditions de l'art. 53 let. b CP sont remplies. Selon lui, l'intérêt à la poursuite pénale fait défaut, dans la mesure où il a réparé le dommage causé à T._.
On ne saurait suivre cette argumentation. L'appelant ne peut pas sérieusement soutenir qu'une contrainte sexuelle supposant, dans le cas d'espèce, une pénétration digitale précédée de violence physique n'intéresse que de manière insignifiante l'intérêt public (FF 1999 pp. 1787 et 1872). Il est aussi indéniable que la victime a, en l'occurrence, un intérêt juridiquement protégé à la poursuite pénale (ATF 135 IV 12 c. 3), car la lésion de son bien est de rang élevé (Dupuis et alii, Petit commentaire, Code pénal, Bâle 2012, n. 13 ad art. 53 CP), ce d'autant plus que son agresseur, s'il lui a présenté des excuses et a réparé le dommage fixé conventionnellement, n'a cessé de minimiser ses agissements en contestant l'avoir agressée sexuellement, démontrant ainsi qu'il n'a pas pris conscience de la gravité de ses actes.
Le moyen tiré de l'art. 53 let. b CP est donc mal fondé et doit être rejeté.
5.
L'appelant conclut à une sanction sous forme de jours-amende.
5.1
Lorsque la quotité de la peine est de six mois à une année, la loi prévoit une peine privative de liberté ou une peine pécuniaire (art. 34 al. 1 et 40 CP). En règle générale, le juge doit donner la préférence à la peine pécuniaire. En effet, le principe de proportionnalité commande, en cas de sanctions alternatives, de choisir celle qui porte le moins atteinte à la liberté personnelle de l'intéressé, respectivement celle qui le frappe le moins durement. Pour choisir la nature de la peine, le juge doit prendre en considération l'opportunité de la sanction déterminée, ses effets sur l'auteur et son milieu social, ainsi que son efficacité préventive (TF 6B_28/2008 du 10 avril 200, c. 4.1 et la jurisprudence citée; ATF 134 IV 109 c. 4, JT 2009 I 554). Une peine pécuniaire peut être exclue pour des motifs de prévention spéciale (TF 6B_128/2011 du 14 juin 2011 c. 3.4).
5.2
En l'occurrence, W._ a déjà été condamné, en février 2008, à une peine pécuniaire (avec sursis pendant deux ans) pour abus de confiance. Cette sanction pénale n'a pas eu l'effet dissuasif escompté, puisque le prénommé a commis, en l'espace d'un mois, les deux infractions qui lui sont reprochées en l'espèce, l'une constitutive du crime de contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP), l'autre du délit d'ébriété qualifiée au volant (art. 91 al. 1 2
ème
phr. LCR). A cela s'ajoute que ces deux infractions ont été commises dans le délai d'épreuve assortissant sa précédente condamnation, la seconde l'ayant d'ailleurs été en cours d'enquête. Il y a en outre récidive spéciale en matière d'ivresse au volant, selon le fichier ADMAS produit au dossier, qui est à cet égard éloquent. Certes, le prévenu a dédommagé la victime et s'est excusé, mais sa prise de conscience n'est pas entière, vu ses minimisations et sa persistance à contester l'agression sexuelle qui lui est reprochée, l'intéressé cherchant même à se poser en victime (PV aud. 4, p. 1, lignes 30 et 31).
Dans ces conditions et pour des motifs de prévention spéciale, seule une peine privative de liberté se justifie (TF du 14 juin 2011 6B_128/2011 c. 3.4), ce d'autant plus que cette sanction est assortie du sursis et que le précédent sursis n'a pas été révoqué. D'ailleurs, une peine pécuniaire ne saurait être efficace dans le cas présent où une précédente peine pécuniaire a échoué à amender l'appelant.
Le moyen est mal fondé et doit donc être rejeté.
6.
Enfin, W._ conteste la peine de sept mois qui lui a été infligée; elle serait, selon lui, trop sévère.
6.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Cette disposition confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (TF 6B_327/2011 du 7 juillet 2011 c. 2.1; ATF 134 IV 17 c. 2.1).
6.2
En l'espèce, les premiers juges n'ont omis aucun des éléments relevés par W._. En effet, la sanction tient précisément compte de la réparation du dommage et du comportement adopté par le prévenu après l'agression (jugt, p. 21). Ce dernier élément doit d'ailleurs être relativisé, puisqu'il ressort du dossier que malgré l'injonction de la police de ne pas prendre contact de quelque manière que ce soit avec T._ et de ne pas approcher d'elle à moins de 500 mètres (PV aud. 2, p. 3 in fine), le prévenu a essayé de joindre sa victime par téléphone à de nombreuses reprises, cette dernière ayant en outre affirmé avoir aperçu un jour son agresseur devant son immeuble (PV aud. 3, p. 2). L'appelant reproche au tribunal de n'avoir pas pris en considération l'"attitude très correcte" qu'il a eue "tout au long de l'intervention de la police"; or, cet élément ne concerne que les faits du 1
er
décembre 2009 (dossier joint, pièce 4, p. 3
in fine
) et ne pèse donc pas d'un poids déterminant dans l'appréciation de la peine. Le tribunal n'a pas non plus perdu de vue que l'agression s'inscrivait dans le cadre d'une rupture douloureuse, ce qui, ces éléments pris ensemble, permettent de relativiser la gravité de l'atteinte sexuelle et la réitération en cours d'enquête. De surcroît, s'il a finalement présenté des excuses (jugt, p. 6), le prévenu a toutefois continué, comme on l'a déjà dit, à minimiser les faits et à contester l'infraction de contrainte sexuelle, allant jusqu'à prétendre, dans son appel (p. 5), que l'intérêt à la poursuite pénale faisait défaut en l'occurrence, démontrant ainsi une prise de conscience relativement faible. Il n'a d'ailleurs pas hésité à attribuer sa réaction au comportement, selon lui, ambigu, de sa victime, tentant ainsi de reporter la faute sur elle (PV aud. 4, lignes 29 à 46).
Au vu de ce qui précède, la peine de sept mois de privation de liberté infligée à W._ n'est pas exagérément sévère, au vu de la sanction maximale pouvant être encourue par celui qui se rend coupable du crime de contrainte sexuelle en concours réel avec une ébriété qualifiée. Elle ne relève ni d'un abus ni d'un excès du pouvoir d'appréciation dont jouit l'autorité de première instance, laquelle n'a ignoré aucun des critères déterminants consacrés à l'art. 47 CP. Ainsi, l'amplitude de la sanction a été fixée de manière conforme à la loi et doit être confirmée.
Mal fondé, le moyen tiré d'une violation de l'art. 47 CP doit donc être rejeté.
7.
En conclusion, l'appel doit être rejeté et le jugement attaqué intégralement confirmé.
7.1
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de W._ (art. 428 al. 1 CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,012 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9b1b070f-a7f7-4f64-8eeb-91fca295893b | En fait :
A.
Par jugement du 5 novembre 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne a libéré A.D._ des infractions de lésions corporelles simples, subsidiairement voies de fait (I), constaté que F._ s'est rendu coupable d'injures, menaces qualifiées et lésions corporelles simples (II), condamné F._ à une peine privative de liberté de six mois et à une peine pécuniaire de dix jours-amende, le jour-amende étant fixé à vingt francs, peine entièrement complémentaire et additionnelle à celle prononcée par le Ministère public du canton de Fribourg le 16 mars 2012 (III), révoqué le sursis octroyé par le Juge d'instruction de Lausanne le 9 avril 2010 et ordonné l'exécution de la peine pécuniaire de soixante jours-amende à soixante francs (IV), pris acte de la transaction passée par F._ avec A.D._ pour valoir jugement (V), alloué à C.D._ la somme de 1'500 fr., pour toutes choses et dit que F._ en est son débiteur (VI), mis les frais par 7'735 fr. 40 à la charge de F._ dont l'indemnité de son conseil d'office Me Jérôme Campart arrêtée à 2'925 fr. 70 et l'indemnité d'office de Me Jeton Kryeziu, conseil de C.D._, arrêtée à 2'944 fr. 70 (VII), dit que les indemnités d'office arrêtées sous chiffre VII ci-dessus ne seront exigibles de F._ que pour autant que sa situation financière le permette (VIII) et laissé les frais de A.D._ dont l'indemnité de son conseil d'office Me Raphaël Brochellaz arrêtée à 2'459 fr. 80 à la charge de l'Etat (IX).
B.
Par annonce d'appel du 7 novembre 2012, puis déclaration d'appel du 20 décembre suivant, F._ s'est opposé à ce jugement. Il a conclu à sa réforme en ce sens qu'il est libéré du chef d'accusation de menaces et de lésions corporelles simples, qu'aucune sanction n'est prononcée à son encontre et que le sursis octroyé par le Juge d'instruction de Lausanne le 9 avril 2010 n'est pas révoqué. Il a, au surplus, conclu à la condamnation de A.D._ pour lésions corporelles simples.
Par courrier du 16 janvier 2013, A.D._ a renoncé à présenter une demande de non-entrée en matière ou à déposer un appel joint. Elle a conclu au rejet de l'appel de F._.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1
F._ est né le 20 août 1985 en Serbie, pays dont il est ressortissant. Après avoir terminé sa scolarité obligatoire dans son pays, il a émigré avec sa famille en Allemagne, où il a effectué une formation de mécanicien deux roues. En 2006, il a fait la connaissance de C.D._, qui vivait en Suisse et l'a épousée en février 2007. Le couple a eu un enfant né le 4 octobre 2008. Depuis le 27 avril 2009, F._ est séparé de C.D._. La séparation étant particulièrement conflictuelle, F._ a exercé son droit de visite au "Point Rencontre". Entre 2007 et fin 2010, F._ a travaillé dans la construction. Après avoir perdu son emploi, il a bénéficié pendant près d'une année des indemnités de l'assurance-chômage, puis du revenu d'insertion pendant quelques mois. Depuis avril 2012, F._ travaille en qualité de monteur en échafaudages auprès de la société [...]. Il a d'abord été employé comme temporaire placé par l'agence [...], puis, depuis le mois d'octobre 2012, comme salarié de [...]. Il perçoit un salaire mensuel net de 3'500 francs. F._ est débiteur d'une contribution d'entretien de 600 fr. par mois pour son enfant, qu'il n'a toutefois commencé à verser qu'au début de l'année 2013, l'intéressé déclarant que sa situation en 2012 ne lui permettait pas de s'en acquitter. Il occupe un appartement à la Tour-de-Peilz dont le loyer s'élève à 1'200 fr. et il a accumulé une dette auprès de l'Etat pour un montant de 22'000 fr. en relation avec l’entretien de son fils.
Le casier judiciaire suisse de F._ fait état des inscriptions suivantes :
- 9 avril 2010, Juge d'instruction de Lausanne; lésions corporelles simples, vol, dommages à la propriété, injure, menaces, contravention à la LF sur les stupéfiants; peine pécuniaire 60 jours-amende à 60 fr., sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 2 ans, amende 600 fr.;
- 16 mars 2012, Ministère public du canton de Fribourg; violation de domicile, dommages à la propriété, tentative de vol, contravention à la Loi sur les stupéfiants, délit à la loi sur les stupéfiants; peine pécuniaire 20 jours-amende à 100 fr., sursis à l'exécution de la peine, délai d'épreuve 3 ans, amende 1'000 francs.
- 1
er
mai 2012, Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne; vol, violation de domicile, contrainte sexuelle, vol d'usage, circulation sans permis de conduire, usage abusif de permis ou de plaques, contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants; peine privative de liberté de 18 mois, amende de 1'000 fr., la peine privative de liberté de substitution étant de 10 jours.
F._ a été en traitement au Centre de psychothérapie de la Byronne du 14 novembre 2011 au 23 juillet 2012 à raison d'un rendez-vous hebdomadaire ou bimensuel. A la suite du départ de sa thérapeute, il a toutefois décidé d'interrompre ce suivi, refusant la proposition faite par le Centre de le poursuivre avec un autre thérapeute (P. 42 annexe 1).
Mandaté par le Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne pour évaluer les capacités parentales de C.D._ et de F._, le Service de la protection de la jeunesse (ci-après: le SPJ) a établi un rapport le 28 septembre 2012. Il en ressort notamment que F._ a admis avoir menacé C.D._, qu'il était conscient du fait que cette dernière avait peur de lui et qu'elle pensait qu'il voulait la tuer, précisant que s'il le souhaitait, il avait "des amis allemands à problème" qu'il pouvait contacter. Le SPJ a précisé ce qui suit : "au vu des menaces de mort implicites et explicites de M. F._ envers Mme C.D._, nous préconisons le maintien de la transmission de [...] par un tiers, actuellement l'une des sœurs de Mme.", recommandant en outre l'octroi de l'autorité parentale à la mère (P. 42, annexe 2, pp. 3 et 5).
1.2
A.D._ est née le 20 février 1960 au Kosovo et vit en Suisse depuis 1990. Mère au foyer, elle n'a jamais exercé d'activité lucrative et est financièrement dépendante de son époux. Elle est la mère de C.D._ et l'ex belle-mère de F._.
2.
Les faits de la présente cause se sont déroulés dans le cadre de la procédure de divorce dont l'audience de jugement s'est tenue le 14 décembre 2012.
a)
Entre le 19 septembre 2010 et le 16 février 2011, F._ a téléphoné à C.D._, et l'a, à plusieurs reprises, injuriée, la traitant notamment de "conne" et de "sale race de merde". F._ a admis les faits durant l'enquête et devant le Tribunal d'arrondissement de Lausanne (PV aud. n° 4; jgt., p. 5).
b)
Le 28 décembre 2010, lors d'une conversation téléphonique qu'il avait avec C.D._ à propos du droit de visite de leur enfant, F._ a menacé son ex-épouse en lui déclarant qu'elle allait voir ce qui se passerait s'il la croisait dans la rue. C.D._ a pris ces menaces au sérieux et n'a plus osé sortir seule par crainte que son ex-époux de s'en prenne à elle, compte tenu du fait qu'il s'était déjà montré violent par le passé. F._ a admis les faits, minimisant toutefois la portée des termes employés (jgt., p. 5). Il soutient que C.D._ ne s'est pas réellement sentie menacée, ajoutant qu'à chaque fois qu'il l'avait frappée durant leur vie de couple, c'était elle qui l'avait agressé la première (jgt., p. 16).
c)
Le 3 juillet 2011, lors d'une altercation au sujet de la prise en charge de l'enfant, F._ a injurié sa belle-sœur B.D._, en la traitant de "sale race de pute" ou de "sale pute". B.D._ a déposé plainte.
d)
Le 8 octobre 2011, à l'arrêt de bus [...] à Renens, alors que son ex belle-mère, A.D._, lui amenait son fils pour un droit de visite, une violente altercation a éclaté entre les deux protagonistes. F._ s'est en effet mis en colère après que A.D._ lui a fait quelques recommandations au sujet de la prise en charge de l'enfant qui sortait d'une grippe. Il a alors asséné plusieurs gifles à son ex belle-mère avant de la projeter contre un lampadaire. Cette dernière a riposté en le griffant au visage. A.D._ a souffert d'un hématome fronto-temporal gauche, d'un hématome à la lèvre supérieure droite et de douleurs du rachis cervical (P. 5 du dossier joint). F._ a souffert de dermabrasions sur les deux joues, sur la lèvre supérieure, la main droite et le pouce gauche (P. 6 du dossier joint). A.D._ et F._ ont déposé plainte.
En première instance, F._ s'est engagé à dédommager A.D._ pour un montant de 600 fr., pour toutes choses. Le Tribunal d'arrondissement a pris acte de cet accord pour valoir jugement.
D.
Aux débats d'appel, F._ a admis ne pas avoir à ce jour honoré l'engagement financier pris à l'égard de A.D._, déclarant être cependant disposé à verser à son ex belle-mère le montant dû sans tarder. Il a conclu à sa libération des chefs d'accusation de menaces pour les faits survenus le 28 décembre 2010 et de lésions corporelles simples s'agissant de l'altercation du
8 octobre 2011, la peine prononcée à son encontre étant réduite en conséquence et le sursis octroyé par le Juge d'instruction de Lausanne le 9 avril 2010 n'étant pas révoqué.
A.D._ et C.D._ ont toutes deux conclu au rejet de l'appel. | En droit :
1.
Selon l'art. 399 al. 1 CPP, l'appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d'appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l'occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour le faire (art. 381 al. 1 et 382 al. 1 CPP) et contre un jugement d'un tribunal ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel formé par F._ est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du
27 août 2012 c. 3.1).
La constatation des faits est incomplète lorsque toutes les circonstances de fait et tous les moyens de preuve déterminants pour le jugement n'ont pas été pris en compte par le tribunal de première instance. Elle est erronée lorsque le tribunal a omis d'administrer la preuve d'un fait pertinent, a apprécié de manière erronée le résultat de l'administration d'un moyen de preuve ou a fondé sa décision sur des faits erronés, en contradiction avec les pièces, par exemple (Kistler Vianin, in : Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011,
n. 19 ad art. 398 CPP).
3.
F._ reproche au Tribunal d'arrondissement d'avoir appliqué l'art. 16 al. 2 CP en faveur de A.D._ sur la base d'une constatation des faits erronée. Il soutient que son ex belle-mère est à l'origine de la bagarre survenue le
8 octobre 2011 et conclut à la condamnation de cette dernière, pour lésions corporelles simples.
3.1
Aux termes de l’art. 16 al. 2 CP, si l’excès de légitime défense provient d’un état excusable d’excitation ou de saisissement causé par l’attaque, l’auteur n’agit pas de manière coupable.
Selon la jurisprudence, ce n'est que si l'attaque est la seule cause ou la cause prépondérante de l'excitation ou du saisissement que celui qui se défend n'encourt aucune peine et pour autant que la nature et les circonstances de l'attaque rendent excusable cette excitation ou ce saisissement. La loi ne précise pas plus avant le degré d'émotion nécessaire, lequel doit toutefois revêtir une certaine importance. Il appartient au juge d'apprécier de cas en cas si ce degré d'émotion était suffisamment marquant et de déterminer si la nature et les circonstances de l'attaque le rendaient excusable. Plus la réaction de celui qui se défend aura atteint ou menacé l'agresseur, plus le juge se montrera exigeant quant au degré d'excitation ou de saisissement nécessaire (ATF 102 IV 1 c. 3b).
3.2
En se fondant sur les témoignages de Q._ (jgt., p. 8) et B._ (jgt., p. 9), et tenant compte du contexte particulièrement litigieux opposant les protagonistes, le Tribunal d'arrondissement a, à juste titre, retenu que les griffures que A.D._ a occasionnées à F._ sont survenues en fin d'altercation, ce qui contredit la version de l'appelant, selon laquelle c'est elle qui aurait provoqué la bagarre (jgt., p. 17). Le Tribunal a, en outre, considéré que dans la mesure où A.D._ venait elle-même d'être violemment agressée en public, son comportement entrait dans le cadre d'un excès provenant d'un état excusable d'excitation au sens de l'art. 16 al. 2 CP. Cette analyse ne prête pas le flanc à la critique et doit être suivie. Le grief de l'appelant, mal fondé, est rejeté.
4.
F._ conteste sa condamnation pour lésions corporelles simples s'agissant de l'altercation survenue le 8 octobre 2011. Il soutient n'avoir ni frappé ni poussé A.D._. Il relève que les deux témoins entendus n'ont jamais indiqué avoir vu A.D._ à terre et considère que le certificat médical qu'elle a produit n'est pas crédible.
4.1
Aux termes de l'art. 123 CP, celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte, punie d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (ch. 1).
Cette disposition réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. Elle protège l'intégrité corporelle et la santé tant physique que psychique et implique une atteinte importante aux biens juridiques ainsi protégés (ATF 119 IV 25 c. 2a; ATF 107 IV 40 c. 5c; ATF 103 IV 65 c. 2c). Un hématome, c'est-à-dire la rupture de vaisseaux sanguins avec épanchement sous-cutané, qui laisse normalement des traces pendant plusieurs jours, doit être qualifié de lésion corporelle simple au sens de l'art. 123 CP, même si une telle lésion du corps humain est superficielle et de peu d'importance (ATF 119 IV 25 c. 2a).
4.2
En l'occurrence, les témoins entendus par le Tribunal d'arrondissement ne sont arrivés sur place qu'une fois l'altercation touchant à sa fin. Le fait qu'ils n'ont pas vu A.D._ à terre n'est dès lors pas déterminant. Par ailleurs, le certificat médical établi le 8 octobre 2011 par le Centre médico-chirurgical à Renens indique que A.D._ a souffert d'un hématome fronto-temporal gauche, d'un hématome à la lèvre supérieure droite et de douleurs du rachis cervicale sans troubles neurologiques périphériques (P. 5 dossier joint). Rien au dossier ne permet de mettre en doute la validité de ce document. Conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus, ces atteintes relèvent de lésions corporelles simples au sens de l'art. 123 CP.
Compte tenu de ce qui précède, la condamnation de F._ pour lésions corporelles simples s'agissant des faits survenus le 8 octobre 2011 doit être confirmée.
5.
F._ conteste sa condamnation pour menaces s'agissant des propos qu'il a tenus le 28 décembre 2012 à l'encontre de son ex-épouse, C.D._. Il soutient que cette dernière n'est pas crédible lorsqu'elle dit avoir peur de lui, indiquant qu'elle a refait sa vie et qu'elle a eu un autre enfant depuis les faits.
5.1
L'art. 180 CP dispose notamment que celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 1). La poursuite aura lieu d’office, notamment si l’auteur est le conjoint de la victime et que la menace a été commise durant le mariage ou dans l’année qui a suivi le divorce (al. 2 let. a).
Deux conditions doivent être remplies. Il faut, d'une part, que l'auteur ait émis une menace grave et, d'autre part, que la victime ait été alarmée ou effrayée. Une menace est qualifiée de grave si elle est objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime. Il faut donc se demander si une personne raisonnable, dotée d'une résistance psychologique plus ou moins normale, aurait ressenti la menace comme grave (Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 11 ad art. 180 CP et les références citées; TF 6B_234/2010 du 4 janvier 2011 consid. 3.1).
5.2
En l'occurrence, l'appelant a admis avoir dit, le 28 décembre 2010, à C.D._ qu'elle allait voir ce qui se passerait s'il la croisait dans la rue, minimisant toutefois la portée de cette menace (jgt., p. 16). Or, C.D._ a déjà subi des actes de violence de la part de l'appelant durant le mariage. L'intéressé a d'ailleurs concédé avoir frappé son ex-épouse à plusieurs reprises alors qu'ils vivaient encore ensemble, soutenant toutefois que c'était elle qui l'avait à chaque fois agressé la première (jgt. p. 16). Enfin, l'appelant savait que les menaces proférées étaient propres à alarmer et effrayer la plaignante, comme cela ressort de ses déclarations au SPJ en 2012. Il n'a d'ailleurs pas hésité à réitérer de manière implicite ses menaces, indiquant que s'il le voulait "il avait des amis allemands à problème" qu'il pouvait contacter (P. 42 annexe 2, pp. 3 et 5). Partant, on doit admettre que C.D._ a été effrayée par les menaces proférées par l'appelant.
Il ressort de ce qui précède que les éléments constitutifs, tant objectifs que subjectifs, de l'infraction visée à l'art. 180 CP sont réunis. F._ doit dès lors être reconnu coupable de menaces qualifiées au sens de l'art. 180 CP.
6.
F._ conteste la quotité de la peine.
6.1
a)
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1; TF 6B_408/2012 du 1
er
novembre 2012 consid. 1.1). S'agissant du comportement de l'auteur postérieurement à l'acte, cet élément doit être pris en considération lors de la fixation de la peine, pour autant qu'il permette des déductions sur l'intéressé et son attitude par rapport à ses actes (TF 6B_335/2012 du 13 août 2012 consid. 1.4.2 et les arrêts cités).
b)
Aux termes de l'art. 49 al. 2 CP, si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement.
Ainsi, le juge appelé à prononcer la nouvelle peine, dite complémentaire, doit procéder en se demandant quelle peine il aurait fixée s'il avait eu à connaître des deux infractions en même temps et déduire de cette peine hypothétique celle qui a déjà été infligée. La peine complémentaire compense la différence entre la première peine prononcée, dite peine de base, et la peine d'ensemble qui aurait été prononcée si le juge avait eu connaissance de l'infraction commise antérieurement (Dupuis et al., op. cit., n. 24 ad art. 49 CP et la jurisprudence citée). Le prononcé d'une peine complémentaire suppose que les conditions d'une peine d'ensemble au sens de l'art. 49 al. 1 CP sont réunies
(ATF 102 IV 242 c. 4b et les références citées). Une peine additionnelle ne peut ainsi être infligée que lorsque la nouvelle peine et celle qui a déjà été prononcée sont du même genre. Des peines d'un genre différent doivent en revanche être infligées cumulativement car le principe d'absorption n'est alors pas applicable (TF 6B_26/2011 du 20 juin 2011 consid. 3.9.4; TF 6B_2/2011 du 29 avril 2011 consid. 4.2.4; TF 6B_460/2010 du 4 février 2011, destiné à la publication, consid. 4.3.1).
6.2
En l'occurrence, le Tribunal d'arrondissement, retenant que la culpabilité de l'appelant était importante, l'a condamné à une peine privative de liberté de six mois et à une peine pécuniaire de dix jours-amende à vingt francs. Il a relevé que cette peine était entièrement complémentaire et additionnelle à celle prononcée par le Ministère public du canton de Fribourg le 16 mars 2012.
A charge, le Tribunal a retenu que F._ comparaissait pour la quatrième fois devant la justice depuis 2010, deux condamnations ayant été déjà prononcées alors qu'une procédure était encore pendante, qu'il était impulsif et colérique et qu'il avait du mal à maîtriser ses pulsions et sa violence, qu'en 2012 encore, il n'avait pas hésité à tenir des propos d'une violence rare au SPJ, prouvant par là qu'il n'avait pris aucune distance et que la thérapie, qu'il disait suivre mais qu'il avait de son propre chef interrompue après un mois, ne semblait pas avoir eu d'effets. Il a également été retenu à charge que l'appelant, rejetant systématiquement sur ses victimes la responsabilité de ses actes de violence, ne semblait pas à même d'assumer la responsabilité de ses actes (jgt., p. 19).
A décharge, le Tribunal a tenu compte de la convention passée entre les parties ainsi que du fait que F._ s'est retrouvé face à un clan et que, privé de son fils, il a du concevoir un grand ressentiment (jgt., p. 19).
Outre les éléments pertinents mentionnés ci-dessus, la Cours de céans retiendra également à décharge le fait que la situation de l'appelant semble s'améliorer, puisqu'il a un travail fixe et un salaire régulier, qu'il s'acquitte depuis quelques mois de son obligation d'entretien envers son fils en remboursant le BRAPA et qu'il exerce régulièrement son droit de visite au Point rencontre.
S'agissant de la nature de la peine, que l'appelant ne conteste d'ailleurs pas, le Tribunal d'arrondissement a retenu que pour des motifs de prévention spéciale, seule une peine privative de liberté ferme est à même de dissuader l'appelant de réitérer ses actes de violence vis-à-vis de son ex-épouse et de sa belle-famille. Cette analyse ne prête pas le flanc à la critique et doit être suivie. En effet, tant en première instance qu'en procédure d'appel, l'appelant a persisté à se justifier en rejetant systématiquement la faute sur son ex-épouse ou sur la famille de celle-ci. Le fait qu'il a renoncé, après quelques mois seulement, à poursuivre la thérapie débutée en novembre 2010 témoigne également d'un manque de prise de conscience de sa responsabilité et de l'inadéquation de son comportement. Partant, seul un pronostic défavorable peut être posé, excluant le sursis. En outre, tant une peine pécuniaire qu'un travail d'intérêt général n'auraient aucun effet sur le prévenu.
Quant à la quotité de la peine, il convient de tenir compte du jugement rendu par la Cour d'appel pénale, confirmant la condamnation prononcée le
1
er
mai 2012 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne (arrêt CAPE 186/2012 du 5 décembre 2012). Par ce jugement, aujourd'hui entré en force, F._ a été condamné pour des faits survenus le 19 avril 2009 et le 14 juillet 2010, à une peine privative de liberté ferme de 18 mois et à une amende de 1'000 fr., la peine privative de liberté de substitution étant fixée à 10 jours.
En application de l'art. 49 al. 2 CP et de la jurisprudence qui s'y réfère (consid. 6 b ci-dessus), il convient de prononcer une peine complémentaire, tenant compte des faits jugés en mai 2012 ainsi que de ceux qui font l'objet de la présente procédure. Partant, la Cour d'appel pénale condamne F._ à une peine privative de liberté de 4 mois, peine entièrement complémentaire à celle confirmée le
5 décembre 2012 par la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois et à une peine pécuniaire de 10 jours-amende, le jour-amende étant fixé à 20 francs, peine entièrement complémentaire à celle prononcée par le Ministère public du canton de Fribourg le 16 mars 2012.
7.
F._ conteste la révocation du sursis qui lui a été accordé le
9 avril 2010 par le Juge d'instruction de Lausanne.
7.1
Aux termes de l'art. 46 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Il peut modifier le genre de la peine révoquée pour fixer, avec la nouvelle peine, une peine d'ensemble conformément à l'art. 49 CP. S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation. Il peut adresser au condamné un avertissement et prolonger le délai d'épreuve de la moitié au plus de la durée fixée dans le jugement.
La révocation du sursis dépend des infractions commises dans le délai d'épreuve, lesquelles permettront d'établir un pronostic favorable ou défavorable (ATF 134 IV 140 c. 4.2). Seul un pronostic défavorable peut justifier la révocation; à défaut, le juge doit renoncer à celle-ci (ATF 134 IV 140 c. 4.3). Lorsqu'il s'agit de fixer le pronostic, le juge doit également tenir compte de l'effet dissuasif que peut exercer la nouvelle peine, si elle doit être exécutée; il en va de même s'agissant de l'effet de l'exécution d'une peine, à la suite de la révocation d'un sursis accordé précédemment. L'inverse est également admissible: si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (ATF 134 IV 140 c. 4.5). L'existence d'un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné, bien qu'elle soit une condition aussi bien du sursis à la nouvelle peine que de la révocation d'un sursis antérieur, ne peut faire l'objet d'un unique examen, dont le résultat suffirait à sceller tant le sort de la décision sur le sursis à la nouvelle peine que celui de la décision sur la révocation du sursis antérieur. Le fait que le condamné devra exécuter une peine – celle qui lui est nouvellement infligée ou celle qui l'avait été antérieurement avec sursis – peut apparaître suffisant à le détourner de la récidive et, partant, doit être pris en considération pour décider de la nécessité ou non d'exécuter l'autre peine. Il constitue donc une circonstance nouvelle, appelant un réexamen du pronostic au stade de la décision d'ordonner ou non l'exécution de l'autre peine. Il va par ailleurs de soi que le juge doit motiver sa décision sur ce point, de manière à ce que l'intéressé puisse au besoin la contester utilement et l'autorité de recours exercer son contrôle (TF 6B_855/2010 du 7 avril 2011 consid. 2.2).
7.2
Nonobstant ses antécédents pénaux, F._ n'a pas renoncé à la violence durant le délai d'épreuve qui assortissait sa condamnation d'avril 2010. Le pronostic est ainsi très défavorable. Seule la révocation du sursis accordé le 9 avril 2010 est à même de lui faire comprendre qu'aucun nouvel acte de violence ne sera toléré à l'avenir.
8.
En définitive, l'appel de F._ est partiellement admis en ce sens qu'il est condamné à une peine privative de liberté de quatre mois, peine entièrement complémentaire à celle prononcée le 5 décembre 2012 par la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois, et à une peine pécuniaire de 10 (dix) jours-amende, le jour-amende étant fixé à 20 (vingt) francs, peine entièrement complémentaire à celle prononcée par le Ministère public du canton de Fribourg le 16 mars 2012.
Compte tenu des opérations effectuées en appel, il se justifie d'allouer à Me Campart une indemnité de 1’198 fr. 80, TVA et débours inclus.
Une indemnité de conseil d'office pour la procédure d'appel est allouée par 1’115 fr. 50 à Me Brochellaz et par 1’118 fr. 35 à Me Kryeziu.
Vu l'issue de la cause, les frais de la procédure d'appel doivent être
mis par deux tiers à la charge de F._, soit par 3'928 fr. 45, le solde,
par 1'964 fr. 20, étant laissé à la charge de l'Etat. Outre l'émolument, qui se monte à 2'460 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), les frais comprennent d'une part, l'indemnité allouée au défenseur d'office de l'appelant et d'autre part, celles allouées aux conseils de A.D._ et de C.D._.
. F._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat le montant des indemnités en faveur de son défenseur d'office et des conseils des intimées mis à sa charge que lorsque sa situation financière le permettra. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,013 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9b224019-6eae-4514-8abf-4824d19f16e5 | En fait :
A.
Par jugement du 2 mars 2015, rectifié le 16 mars suivant, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a libéré N._ de l’accusation de séjour illégal (I), a constaté que N._ s'est rendu coupable de vol en bande et par métier, dommages à la propriété, utilisation frauduleuse d’un ordinateur, violation de domicile, activité lucrative sans autorisation et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (II), a condamné N._ à quatorze mois de peine privative de liberté et à 300 fr. d'amende, sous déduction de nonante-sept jours de détention avant jugement, peine complémentaire à celle prononcée le 29 mai 2013 par le Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers, et complémentaire à celle prononcée le 11 avril 2014 par le Ministère public du canton de Fribourg (III), a constaté que N._ a subi un jour de détention dans des conditions de détention provisoire illicites et ordonné qu'un jour de détention soit déduit de la peine fixée au chiffre III ci-dessus, à titre de réparation du tort moral (IV), a dit qu'à défaut de paiement de l'amende de 300 fr., la peine privative de liberté de substitution sera de trois jours (V), a dit que N._ est le débiteur de P._ de la somme de 5'000 fr. (VI), a renvoyé X._ et J._ à agir devant le juge civil pour leurs prétentions contre N._ (VII), a ordonné la confiscation et la dévolution à l'Etat du téléphone portable SAMSUNG noir avec carte SIM [...], séquestré sous fiche n° [...] (P. 79) (VIII), a ordonné la confiscation et le maintien au dossier comme pièces à conviction des objets suivants : 1 CD du CTR [...] (N._) ; 1 CD de l’extraction du téléphone portable de N._ (IX), a fixé l'indemnité du défenseur d'office de N._, l'avocate Carole Wahlen, à 12'920 fr., TVA et débours compris, pour la période du 16 avril 2012 au 24 février 2015 (X), a mis les frais par 17'606 fr. 55 à la charge de N._, montant qui comprend l'indemnité de 12'920 fr. allouée à son défenseur d'office (XI) et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité de 12'920 fr. allouée au défenseur d'office de N._, l'avocate Carole Wahlen, sera exigible pour autant que la situation économique de N._ se soit améliorée (XII).
B.
Par annonce du 12 mars 2015, puis déclaration motivée du 2 avril suivant, N._ a formé appel contre ce jugement. Il a conclu, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu’il est libéré des infractions de séjour illégal, vol en bande et par métier, dommages à la propriété, utilisation frauduleuse d’un ordinateur et violation de domicile, la peine prononcée à son encontre étant réduite en conséquence et les chiffres VI et VII du dispositif du jugement entrepris supprimés, le téléphone portable de marque Samsung noir avec carte SIM [...] séquestré sous fiche n° [...] est restitué à N._, seule une partie des frais de la procédure de première instance étant mise à sa charge, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1. a)
N._ est né le [...] 1989 à [...] en [...], pays dont il est ressortissant. A l’issue de sa scolarité, il a fait un apprentissage de pâtissier, qu'il a terminé par l’obtention d’un diplôme. Il a alors rejoint de la famille à Lyon, en France, et y a travaillé comme pâtissier. Arrivé en Suisse en 2008, il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée. Il est toutefois resté en Suisse. Il a le projet de retourner en France, de se marier et de travailler comme pâtissier. Il dit n'avoir ni revenus, ni dettes, ni économies.
Pour les faits de la présente cause, N._ a été détenu provisoirement du 14 avril au 19 juillet 2012, soit pendant nonante-sept jours, dont trois jours dans la zone carcérale du Centre de la Blécherette. Détenu provisoirement depuis le 5 septembre 2014 dans le cadre d'une autre enquête pénale (PE14.017703-BEB), il bénéficie du régime d’exécution anticipée de la peine depuis le 19 mai 2015.
b)
Le casier judiciaire suisse de N._ fait état des dix condamnations suivantes :
- 5 janvier 2009, Juge d'instruction de l'Oberland bernois, vingt jours-amende à 20 fr. avec sursis pendant deux ans et 200 fr. d'amende, pour séjour illégal. Le sursis a été révoqué le 28 août 2009;
- 7 janvier 2009, Ministère public du canton de Genève, dix jours-amende à 30 fr. avec sursis pendant trois ans, pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants. Le sursis a été révoqué le 26 septembre 2011;
- 27 février 2009, Juge d'instruction de Lausanne, cinquante jours-amende à 20 fr. avec sursis pendant trois ans, pour vol et séjour illégal. Le sursis a été révoqué le
28 août 2009;
- 28 août 2009, Ministère public de Genève, trois mois de peine privative de liberté, pour violation de domicile et séjour illégal;
- 15 septembre 2009, Juge d'instruction de Genève, quatre mois et dix jours de peine privative de liberté, pour vol, crime manqué de vol, dommages à la propriété et séjour illégal;
- 2 février 2011, Tribunal de police de Genève, huit mois de peine privative de liberté, pour vol, dommages à la propriété, violation de domicile et séjour illégal;
- 23 mai 2011, Ministère public de Genève, quarante jours de peine privative de liberté pour violation de domicile;
- 26 septembre 2011, Ministère public de Lausanne, deux mois de peine privative de liberté, pour violation de domicile, contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et séjour illégal. N._ a subi cette peine de fin novembre 2011 à fin janvier 2012;
- 29 mai 2013, Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers, dix mois de peine privative de liberté, pour vol par métier, dommages à la propriété, violation de domicile et séjour illégal;
- 11 avril 2014, Ministère public du canton de Fribourg, cent huitante jours de peine privative de liberté, pour vol, tentative de vol, dommages à la propriété, tentative de violation de domicile et entrée illégale.
2.
2.1
Les infractions à la LStup et à la LEtr n’étant pas contestées par N._, il y a lieu de se référer au jugement de première instance sur ces points (jgt., ch. 2 et 3, pp. 9 et 10).
2.2
Entre le 20 mars et le 12 avril 2012, N._ et [...], qui se connaissent depuis 2009 ou 2010 par le biais de la communauté arabe de Genève, ont cambriolé ou tenté de cambrioler six villas situées à [...], [...] et [...].
a)
À [...], dans la villa habitée par X._, le 20 mars 2012, entre 20 heures et 21 h 30, après avoir brisé la porte-fenêtre de la cuisine au moyen d’un caillou, ils se sont introduits dans la villa qu’ils ont fouillée. Ils ont dérobé un coffre-fort vissé dans le fond d’une armoire, contenant cinq montres et quelques bijoux de valeur indéterminée, 1'000 fr. en numéraire et différents papiers.
X._ a déposé plainte et chiffré ses conclusions civiles.
b)
À [...] au chemin [...], le 22 mars 2012, entre
12 heures et 20 h 30, après avoir tenté sans succès de forcer la porte-fenêtre du salon de la villa de U._ au moyen d’un outil plat, ils ont brisé la vitre d’une fenêtre, ont fouillé partiellement la villa et l’ont quittée par une seconde porte du salon. Ils ont emporté avec eux une boîte à bijoux contenant des bijoux d’une valeur estimée à 7'000 fr., un sac à main Louis Vuitton d’une valeur de
1'000 fr., un téléphone portable Samsung d’une valeur de 268 fr. 90, des dollars américains et des euros d’une valeur de 500 fr., un ordinateur portable Dell d’une valeur de 1'820 fr. 90, ainsi qu'une mallette avec différents documents et matériel relatif au sport automobile d’une valeur de 200 fr. environ.
U._ a maintenu sa plainte le 15 janvier 2015 et a renoncé à prendre des conclusions civiles contre N._.
c)
Toujours à [...], le 11 avril 2012 vers 21 h 35, ils se sont introduits dans la villa de P._, sise au chemin [...]. Forçant les volets métalliques, puis brisant la vitre du salon au moyen d’une pierre, ils se sont introduits dans la villa, l’ont partiellement fouillée et ont quitté les lieux en emportant une montre et différents bijoux d’une valeur indéterminée, 280 fr. en numéraire et 5'000 fr. retirés au Postomat de [...] le 11 avril 2012 entre 21 h 52 et 22 h 06, au moyen d’une carte BCV dérobée avec son code. La carte a été bloquée à 22 h 20.
P._ a maintenu sa plainte et conclu au versement d'un montant de 5'000 francs.
d)
Le 11 avril 2012 entre 7 heures et 21 h 45, à [...] dans la villa de J._ sise [...], ils ont tenté de forcer la fenêtre du bureau au moyen d’un outil plat et ont brisé les vitres de la porte-fenêtre du salon, sans toutefois parvenir à entrer.
J._ a retiré sa plainte le 28 octobre 2014
e)
Dans la nuit du 12 au 13 avril 2012, au chemin [...] à [...], ils ont forcé la poignée de la baie vitrée de la villa de [...], sans toutefois parvenir à entrer dans la maison.
Aucune plainte n’a été déposée.
f)
Entre le 12 et le 13 avril 2012, toujours à [...], au chemin [...], ils ont cassé un volet et la vitre d’une fenêtre de la villa de D._. Ils ont ensuite fouillé la villa et sont repartis en emportant différents bijoux d’une valeur indéterminée, 300 euros et 100 fr. en numéraire, ainsi qu’un ordinateur portable HP d’une valeur indéterminée.
D._ a retiré sa plainte le 28 octobre 2014.
g)
À [...], au chemin [...], dans la nuit du 10 au 11 avril 2012, N._ a forcé la poignée de la porte-fenêtre du salon de la villa de O._, s’est introduit dans la maison et a dérobé une montre de fitness Polar Edge NV, deux caissettes à monnaie, trois iPod et une paire de lunettes Ray-Ban d’une valeur indéterminée.
O._ a déposé plainte le 12 avril 2012. Il a maintenu sa plainte le 24 octobre 2014 et renoncé à prendre des conclusions civiles. | En droit :
1.
Selon l’art. 399 al. 1 CPP, l’appel doit être annoncé dans les dix jours qui suivent la communication du jugement, soit la remise ou la notification du dispositif écrit. La déclaration d’appel doit, quant à elle, être déposée dans les vingt jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
En l’occurrence, interjeté dans les formes et délais légaux contre un jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel est recevable. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, pour constatation incomplète ou erronée des faits et pour inopportunité (al. 3).
3.
L’appelant conteste sa condamnation pour vol, affirmant que celle-ci ne reposerait sur aucune preuve suffisante.
3.1
L’art. 10 CPP dispose que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le Tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Le tribunal se fonde sur l’état de fait le plus favorable au prévenu lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation (al. 3).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il s’agit de l’acte par lequel le juge du fond évalue librement la valeur de persuasion des moyens de preuve à disposition et pondère ces différents moyens de preuve afin de parvenir à une conclusion sur la réalisation ou non des éléments de fait pertinents pour l’application du droit pénal matériel. Le juge peut fonder une condamnation sur un faisceau d’indices; en cas de versions contradictoires, il doit déterminer laquelle est la plus crédible. En d’autres termes, ce n’est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (Verniory,
in
: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 34 ad art. 10 CPP; Kistler Vianin, op. cit., nn. 19 ss ad art. 398 CPP, et les références jurisprudentielles citées).
Lorsque l'autorité a forgé sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents, il ne suffit pas que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit à lui seul insuffisant. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble. Le principe
in dubio pro reo
est violé si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables au prévenu sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes; on parle alors de doutes raisonnables (ATF 120 Ia 31 c. 2c; TF 6B_831/2009 du 25 mars 2010 c. 2.2.2). Sur ce point, des doutes simplement abstraits et théoriques ne suffisent pas, car de tels doutes sont toujours possibles et une certitude absolue ne peut être exigée. Bien plutôt, il doit s’agir de doutes importants et irréductibles, qui s’imposent au vu de la situation objective (ATF 127 I 38 c. 2a; cf. aussi, quant à la notion d’arbitraire,
ATF 136 III 552 c. 4.2).
3.2
En l’espèce, les premiers juges ont reconnu l’appelant coupable de vol en bande par métier nonobstant les dénégations de ce dernier. Pour ce faire, ils ont retenu que le téléphone portable de l’appelant avait activé des antennes relais situées dans chacun des lieux proches des cambriolages pour lesquels il est incriminé, respectivement le 20 mars 2012 à 21h14 à [...], le 22 mars 2012
à 20h11 à [...] et à [...] à 20h53 (P. 75), le 10 avril 2012 à 20h09
à [...] et à 20h40 à [...] (P. 75; PV aud. 8 p. 4), le 11 avril 2012 à [...] à 20h05 (P. 75, PV aud. 8 p. 5) ainsi qu’à [...] entre 22 heures et 22h02 – soit au moment où de l’argent a été retiré au postomat de cette localité au moyen de la carte volée à P._ (P. 75) et enfin le 12 avril 2012 à Cossonay à 22h26 (P. 75; PV aud. 8 pp. 5 et 6). Ils ont écarté les affirmations de l’appelant selon lesquelles il aurait prêté son téléphone à des tiers, ses explications étant considérées comme fluctuantes et floues et les investigations policières n’ayant pas permis de retrouver les tiers à qui il prétend avoir prêté son appareil (jgt., p. 11). Les premiers juges ont également retenu que l’appelant avait été condamné à dix reprises entre le 5 janvier 2009 et le 11 avril 2014 et que la moitié des condamnations concernaient des vols. Ils ont constaté que l’appelant faisait l’objet d’une nouvelle enquête, pour vol, dommages à la propriété et violation de domicile et qu’il était détenu depuis le 5 septembre 2014 dans le cadre de cette affaire. Les premiers juges ont en outre relevé que l’appelant avait agi à réitérées reprises, chaque fois que l'occasion se présentait, à l'encontre d'un nombre indéterminé de victimes, en récoltant un butin considérable qui a représenté un apport décisif à la satisfaction de ses besoins, pendant une période relativement courte, en agissant à la manière d'un professionnel, concentrant ses efforts sur des villas, intervenant de nuit selon un mode opératoire bien rodé et prenant soin de ne pas laisser de traces ADN, alors que la police avait retrouvé dans sa voiture une paire de gants et une paire de chaussettes. Compte tenu de ces éléments, ils ont considéré que les circonstances aggravantes de la bande et du métier étaient réalisées (jgt., p. 13). Les premiers juges ont enfin conclu que le train de vie de l’appelant constituait un indice important de sa culpabilité, les revenus qu’il avait déclaré percevoir, soit 500 fr. à 800 fr. par mois, n’étant manifestement pas suffisants pour subvenir aux besoins du couple qu’il formait avec de son amie au chômage (jgt., p. 12).
L’appréciation des faits à laquelle les premiers juges ont procédé, complète et convaincante, ne prête pas le flanc à la critique et doit être confirmée. Tout d’abord, il y a lieu de relever que son comparse C._ a admis – son ADN ayant été trouvé sur les lieux – avoir commis deux cambriolages selon le même mode opératoire que celui adopté pour les vols objets de la présente cause, dans la nuit du 25 au 26 février 2012 à [...]. La police a procédé à un minutieux recoupage entre les cambriolages survenus dans la région et les antennes de téléphonie qui ont été activées par les téléphones portables de l’appelant et de C._. Les relevés de leurs téléphones portables ont permis de démontrer qu’ils étaient dans la même aire géographique et le même espace temps entre le 20 mars et le 13 avril 2012, à tout le moins. S’agissant des sept vols qui ont été retenus, il est ainsi établi que les téléphones portables de l’appelant et de son comparse ont été actifs proche de ces endroits dans six cas, seul l’appareil de N._ ayant été actif pour le
7
e
cas. L’appelant n’a donné aucune explication crédible sur ce qui aurait pu être une coïncidence, se contentant de propos vagues au sujet des lieux où il se trouvait entre le 20 mars et le 13 avril 2012. Il a d’ailleurs finalement admis qu’il était peut-être allé dans certains de ces endroits, après l’avoir nié dans un premier temps. L’appelant a également prétendu qu’il avait prêté son téléphone portable à deux connaissances. Ses déclarations ont été fluctuantes comme les premiers juges l’ont décrit (cf. jgt., p. 11). En outre, elles sont si floues que les recherches menées par la police pour identifier [...] et [...], n’ont pas abouti. Dans ces circonstances, il y a lieu de retenir que l’appelant était le seul à utiliser son téléphone. Lors de son interpellation, le soir du 14 avril 2012 à [...], l’appelant était en compagnie de C._ et les deux comparses ont donné une version des faits divergente sur leur présence dans la région (PV aud. 3, R. 8), de sorte que tout indique – compte tenu des circonstances – qu’ils étaient en repérage. En outre, les gants et les chaussettes retrouvés dans la voiture de l’appelant lors de son interpellation – fréquemment utilisés par les cambrioleurs pour leur éviter de laisser des empreintes sur les lieux de leurs forfaits – constituent également un indice de culpabilité à prendre en considération.
Compte tenu de ce qui précède, aucun doute raisonnable ne subsiste quant au fait que l’appelant a participé aux vols décrits ci-dessus (chiffre 2.2). Il convient ainsi de reconnaître l’appelant coupable de vol en bande et par métier, dommages à la propriété, utilisation frauduleuse d’un ordinateur et violation de domicile. Les griefs de l’appelant, mal fondés, doivent être rejetés.
4.
L’appelant conteste la quotité de la peine prononcée, qu’il juge trop sévère, même dans l’hypothèse où sa culpabilité serait reconnue s’agissant des infractions qu’il conteste.
4.1
L’art. 47 CP dispose que le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 IV 6 c. 6.1).
4.2
En l’espèce, les premiers juges ont retenu que la culpabilité de N._ était lourde. A charge, ils ont relevé qu’il avait commis sept cambriolages, qui lui ont rapporté un butin de plusieurs milliers de francs en l'espace de trois semaines seulement, que c’était sa sixième condamnation pour vol depuis son arrivée en Suisse en 2008. Ils ont également retenu que malgré des indices de culpabilité accablants, l’appelant avait persisté à nier les faits, n’exprimant aucun regret, et n’avait pas offert de rembourser les lésés. Ils ont constaté que les infractions étaient en concours et ont tenu compte des antécédents pénaux de l’appelant, qui n’est pourtant qu’âgé de 26 ans et en Suisse depuis 2008. Les premiers juges ont considéré qu’aucun élément ne pouvait être pris en compte à décharge. Ils ont prononcé une peine privative de liberté de 14 mois, complémentaire à celles prononcées le 29 mai 2013 par le Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers, et le 11 avril 2014 par le Ministère public du canton de Fribourg.
Il apparaît qu’en définitive les premiers juges n’ont ignoré aucun des critères pertinents pour fixer la peine. Ils ont ainsi prononcé une sanction adéquate, dont la durée correspond à la gravité des infractions commises ainsi qu’à la situation personnelle de l’appelant. Cette peine doit dès lors être confirmée. Au vu des antécédents de l’appelant notamment, le sursis est exclu et la peine doit être ferme.
5.
L’appelant conteste l’allocation de conclusions civiles en faveur de la plaignante P._ et le renvoie de X._ et J._ à agir devant le juge civil pour leurs prétentions contre lui.
Fondé sur la prémisse d’une admission de son appel, et dans la mesure où sa culpabilité pour les vols commis au préjudice des plaignants est retenue, ce grief doit être rejeté.
Il en va de même de la conclusion tendant à la restitution du téléphone portable Samsung et de celle concernant une réduction des frais de procédure mis à sa charge.
6.
En définitive, l’appel de N._ doit être rejeté et le jugement rendu le 2 mars 2015 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne confirmé.
7.
Vu l'issue de la cause, les frais d'appel doivent être mis à la charge de N._ (art. 428 al. 1 CPP). Outre l'émolument, par 1’830 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du
28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ces frais comprennent l’indemnité allouée au défenseur d’office de l’appelant, par 2’563 fr. 90
,
TVA et débours inclus.
8.
Le dispositif communiqué après l’audience d’appel est entaché d’une erreur manifeste à son chiffre III. En effet, l’actuelle détention de l’appelant est en relation avec une procédure distincte de celle objet du présent appel, de sorte qu’elle n’a pas à être déduite de la peine prononcée pour les faits de la présente cause. En application de l’art. 83 CPP, le dispositif doit être rectifié d’office et le chiffre III du dispositif notifié le 26 juin 2015 supprimé. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9b9d4724-9b69-4f22-87c6-2f7d1e10479f | En fait :
A.
Par jugement du 12 décembre 2013, le Tribunal criminel de l’arrondissement de La Côte a constaté qu'T._ s'était rendu coupable de viol qualifié, de tentative de viol, de contraintes sexuelles qualifiées, de contraintes sexuelles, d'actes d'ordre sexuel avec des enfants, de tentatives d'actes d'ordre sexuel avec des enfants, de séquestration, et de pornographie (I), a condamné T._ à 9 ans de peine privative de liberté, sous déduction de 490 jours de détention avant jugement (II), a ordonné le maintien de la détention d'T._ pour des motifs de sûreté (III), a ordonné l'internement d'T._ au sens de l'art. 64 al. 1 let. b CP (IV), a dit qu'T._ devait verser à S._ un montant de 3'000 fr. à titre de réparation du tort moral et donné acte à S._ de ses réserves civiles pour le surplus (V), a dit qu'T._ devait verser à A.E._ un montant de 50’000 fr. avec intérêt à 5% l'an à compter du 14 avril 2011, à titre de réparation du tort moral (VI), a dit qu'T._ devait verser à C.E._ un montant de 15’000 fr. avec intérêt à 5% l'an à compter du 14 avril 2011, à titre de réparation du tort moral (VII), a dit qu'T._ devait verser à D.E._ un montant de 15’000 fr. avec intérêt à 5% l'an à compter du 14 avril 2011, à titre de réparation du tort moral (VIII), a dit qu'T._ devait verser à A.A._ un montant de 40’000 fr. avec intérêt à 5% l'an à compter dès le 1
er
décembre 2007, à titre de réparation du tort moral (IX), a dit qu'T._ devait verser à B.A._ un montant de 10'000 fr. avec intérêt à 5% l'an à compter dès le 1
er
décembre 2007, à titre de réparation du tort moral (X), a dit que les objets inventoriés sous fiches n°3848 (P. 215), n°3849 (P. 216), n°3908 (P. 236), n°3937 (P. 247), n°3441 (P. 60), n°3541 (P. 82), n°3673 (P. 93), n°3861 (P. 220), n° 3925 (P. 241), n°3938 (P. 248), n°4056 (P. 297), seraient maintenus au dossier au titre de pièces à conviction (XI), a alloué à Me Julien Rouvinez, défenseur d'office d'T._, une indemnité de 57'900 fr., débours et TVA compris, sous déduction des avances d'ores et déjà versées (XII), a alloué à Me Coralie Devaud, conseil d'office de A.E._, C.E._ et D.E._, une indemnité de 54’759 fr. 45, débours et TVA compris, sous déduction des avances d'ores et déjà versées (XIII), a alloué à Me Mathias Burnand, conseil d'office de A.A._ et B.A._, une indemnité de 17'230 fr., débours et TVA compris (XIV), a alloué à Me Xavier Diserens, précédent conseil de A.A._ et B.A._, une indemnité de 6’382.80 fr., débours et TVA compris, montant qui a déjà été versé (XV), a mis les frais de la cause, par 335'039 fr. 10, à la charge d'T._, y compris les indemnités des défenseurs et conseils d'office arrêtées sous chiffres XII à XV ci-dessus (XVI) et a dit que le remboursement à l'Etat de l'indemnité allouée au chiffre XII ci-dessus serait exigible pour autant que la situation économique d'T._ se soit améliorée (XVII).
B.
a)
Par annonce du 20 décembre 2013, puis déclaration du 27 janvier 2014, T._ a formé appel contre le jugement précité, concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu'il n'est pas reconnu coupable de viol qualifié et de tentative de viol et qu'il est condamné à une peine privative de liberté de cinq ans, sous déduction de 490 jours de détention avant jugement, ou à toute autre peine de durée inférieure que justice dira. L'appelant a en outre conclu à ce qu'il ne soit pas condamné à l'internement au sens de l'art. 64 CP mais soumis à des mesures thérapeutiques institutionnelles au sens de l'art. 59 CP. A titre de mesures d'instruction, T._ a requis la mise en œuvre d'une expertise psychiatrique ainsi que celle d'une expertise médicale.
Aux débats de ce jour, l'appelant a confirmé ses conclusions, sauf en ce qui concerne la durée de la peine dont il a requis la fixation à une durée de trois ans au maximum.
b)
Le 18 février 2014, le Ministère public a déposé un appel joint à l'encontre du jugement rendu le 12 décembre 2013 par le Tribunal criminel de La Côte et conclu à sa réforme en ce sens qu'T._ est condamné à une peine privative de liberté de 11 ans, sous déduction de la détention provisoire subie avant jugement, celui-ci étant confirmé pour le surplus et les frais mis à la charge du condamné.
c)
Le Ministère public a conclu au rejet de l'appel d'T._.
A.A._ et B.A._ ont conclu au rejet de l'appel d'T._.
A.E._, C.E._ et D.E._ ont conclu au rejet de l'appel d'T._ et à l'admission de l'appel joint du Ministère public.
d)
Le 4 avril 2014, le Président de la Cour d’appel pénale a rejeté les réquisitions de preuve formulées par T._, celles-ci ne répondant pas aux conditions de l'art. 389 CPP.
A l'audience de ce jour, T._ a renouvelé ses réquisitions de preuve. Elles ont été rejetées lors des débats, par prononcé motivé figurant au procès-verbal.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.
Ressortissant suisse né en 1949 à Frauenfeld (TG), T._ a effectué sa scolarité obligatoire dans cette ville avant d’entreprendre un apprentissage d’employé de commerce et d’obtenir un CFC. A 19 ans, T._ a quitté son canton d’origine pour Genève et débuté sa carrière professionnelle pour la société américaine X._ en qualité d’assistant courtier. Deux ans plus tard, il a obtenu un diplôme de courtage auprès de l’ambassade américaine à Berne. Il a continué de travailler à Genève pour X._ durant 7 ans.
Après son arrivée à Genève, le prévenu s’est marié avec D._. De cette union sont nés G._, le 3 février 1972, décédée en 1994, et [...], le 15 février 1975. Il a divorcé de D._ en 1989.
De 1978 à 1989, le prévenu a œuvré pour l’entreprise [...] à Genève en qualité de courtier. De 1989 à 1998, T._ a mené différents projets comme indépendant dans les domaines immobiliers, pétroliers, ainsi que dans le conseil d’entreprise et de gestion.
De 1997 à 1999, T._ a été employé par deux sociétés avant de connaître une période de chômage.
A la suite de son divorce, le prévenu a vécu plusieurs relations stables avec des amies. En 1998, il a rencontré P._, haïtienne en situation irrégulière en Suisse, avec laquelle il a eu deux enfants, Z._, en 1999, et F._, en 2006. Le prévenu décrit alors une situation financière difficile pendant laquelle le couple était aidé en particulier par les services sociaux. T._ et P._ se sont séparés en 2007.
En 2000, T._ a également travaillé pour une ONG et durant 6 ou 7 mois pour le CICR tout en étant basé à Genève. Entre 2000 et 2002, le prévenu aurait travaillé pour un distributeur de tabac. En novembre 2002, il a démissionné et a connu une période de chômage d’environ une année et demi.
T._ indique avoir ensuite vécu une période de grande solitude, vivant de gauche et de droite, sur Genève, et estimant être tombé alors dans la déchéance. Entre 2006-2008, il a œuvré pour la banque [...]. Il a donné sa démission en août ou septembre 2008, puis a perçu le chômage environ pendant deux ans. Il a ensuite été pris en charge par les services sociaux de Genève qui lui versaient le loyer d'un appartement modeste et le minimum vital, soit environ 2'500 fr. par mois.
Une demande AI déposée en 2011 a été récemment acceptée avec effet rétroactif à septembre 2012. Compte tenu de son incarcération, le prévenu ne perçoit toutefois aucune rente. Il n'a pas de fortune, mais environ 60'000 fr. de dettes sous forme d'actes de défaut de biens.
Au moment de son arrestation, le prévenu logeait en colocation avec O._ qu’il qualifie d’"ami d’affaires". Les deux hommes partageaient un appartement de 4 pièces [...] à Genève, chacun disposant de sa chambre et une chambre étant dévolue aux enfants du prévenu quand ils venaient le voir. Auparavant, T._ vivait dans un appartement à la rue [...], à Genève, dont il a gardé le bail et qui a ensuite été sous-loué.
Le prévenu est gravement atteint dans sa santé. T._ présente un lymphome folliculaire diagnostiqué en 2006. Il a débuté, au vu de la progression importante de la maladie, une chimiothérapie en 2009, suivie d’un traitement de maintenance jusqu’en 2010, avec trois cures de radiothérapies. Dans ce contexte évolutif de la pathologie oncologique, son insuffisance rénale préexistante s’est péjorée pour évoluer finalement dans une phase terminale qui nécessite l’hémodialyse trois fois par semaine. Depuis son incarcération, les examens médicaux ont mis en évidence une progression de multiples adénopathies, ainsi qu’un hypermétabolisme ostéomédulaire diffus. De nouvelles cures de chimiothérapie ont débuté.
T._ décrit des problèmes d’érection depuis l’année 1995. En 1998, le Dr L._ a pratiqué un bilan pour des troubles érectiles sans leur trouver une cause organique. D’un courrier du Dr L._ au Dr R._ du 20 avril 2004, il ressort que le prévenu a connu des troubles érectiles probablement d’origine psychologique pour lesquels il a bénéficié, en 2004, d’un traitement à faible dose de Caverjet et de Lévitra. En mars 2010, T._ s’est adressé au Dr K._, spécialiste en urologie, qui a écrit en ces termes au Dr B._ (qui lui avait adressé ce patient), sexologue, à propos de la consultation du 16 mars 2010: "Le patient présente une baisse de la libido depuis environ 15 ans avec plusieurs essais médicamenteux sans beaucoup d’efficacité. Il est connu pour un lymphome non hodgkinien, suivi par le Dr [...], avec un traitement de chimiothérapie en 2009. Sur le plan urologique, je ne retiens aucune anomalie spécifique inflammatoire ou infectieuse. Il s’agit d’une baisse de la libido connue depuis de longues années, exacerbée ainsi que la dysfonction érectile, après la chimiothérapie (...). Le bilan ne montre pas d'hypogonadisme. Le PSA est dans la norme (...). Il a émis le désir de discuter de l’implantation d’une prothèse pénienne" (P. 277/2). Le Dr K._ conseillait une prise en charge multidisciplinaire. Entendu lors des débats, K._ a indiqué que le patient avait évoqué des difficultés d'érection et non une absence totale d'érection; il a précisé aussi que le vrai organe d'érection était le cerveau; ainsi, beaucoup de patients avaient des troubles de l'érection avec les épouses, mais n'en avaient pas avec une tierce personne.
[...]
En 2010 et en 2012, le prévenu s'est rendu à la consultation uro-sexologique des HUG auprès du Dr Q._. De l'audition de ce médecin en cours d'enquête, il ressort qu'T._ présentait des troubles de l'érection sévères, dont les causes n'avaient pas été déterminées de manière formelle et pour lesquels la pose d'une prothèse avait été évoquée. Lors de la consultation de 2012, T._ a évoqué une augmentation de sa libido et un phénomène de tumescence au niveau de sa verge, soit une augmentation du volume de sa verge sans pour autant que celle-ci ne soit rigide. Selon le Dr Q._, les troubles de l'érection diagnostiqués chez T._ avaient pour conséquence une incapacité à pénétrer ses partenaires (PV. aud. n° 48).
Le casier judiciaire d'T._ ne comporte aucune inscription.
Le prévenu a été arrêté et placé en détention provisoire le 10 août 2012. Il est détenu depuis lors.
2.
En cours d’enquête, T._ a fait l'objet d'une expertise psychiatrique. Les Dresses CC._, médecin adjointe, et [...], médecin assistante, du Département de psychiatrie du CHUV ont déposé leur rapport le 30 avril 2013 (P. 278). Un complément d'expertise a également été ordonné et rendu le 25 juin 2013 (P. 293).
Les experts ont rappelé tout d’abord les circonstances de vie du prévenu, au niveau personnel, familial (p. 3), puis professionnel (p. 5). Elles ont ensuite établi une anamnèse affective (p. 6), sexuelle (p. 9) et médico-psychiatrique (p. 10) de l'expertisé.
Après un rappel des faits et des déclarations du prévenu, les experts ont dressé le status psychiatrique du prévenu (p. 21). Elles n'ont relevé aucun trouble particulier de l’attention ou de la mémoire. Elles n'ont pas observé de trouble du cours, ni du contenu de la pensée, le discours étant spontané, cohérent et structuré, même si, par moment, le discours devenait précipité et avec une certaine logorrhée. Des digressions et des contradictions fréquentes ont aussi été soulignées. Les experts ont décrit ensuite un important détachement affectif et une tendance à l’intellectualisation, ainsi qu’une claire banalisation et une tendance à minimiser la gravité des actes commis. Selon les experts, T._ présentait aussi un déni important au niveau de la sphère pulsionnelle et sexuelle, niant par exemple toute attirance ou excitation procurée par des images de pédopornographie ou des actes commis et intellectualisant "un intérêt médical, anatomique". De l'avis des experts, les aspects pervers de la personnalité sont, au premier plan, caractérisés par une constante recherche d’emprise sur l’autre dans la relation, par un recours fréquent à l’inversion des rôles et par une tendance à manipuler et à arranger la réalité. T._ fait preuve d’un important narcissisme, mettant en valeur entre autre ses attributs, son intelligence, sa réussite d’études avant l’âge prévisible, son caractère sportif, sa générosité et son caractère serviable. L’expertise a relevé un manque total d’empathie avec la victime qu’il avait tendance à percevoir comme une victime consentante, collaborante et une tendance à occulter des informations et les avouer uniquement quand il était confronté aux multiples contradictions de son discours ou aux évidences des preuves et des déclarations des victimes et témoignages.
Les conclusions de l’examen psychologique (p. 22) ont révélé un fonctionnement de personnalité du registre état-limite inférieur comprenant une problématique narcissique, au sein de laquelle l’attention aux détails partiels avait pour fonction de lutter contre le vécu d’incomplétude et les aspects de distorsion relationnelle, ainsi que la relation d’objet utilitaire, transgressive et sado-masochique avaient pour fonction de lutter contre la dépendance, et ce chez un expertisé pouvant présenter, lorsque les mécanismes psychiques étaient débordés, de légers dérapages du cours de la pensée sur un mode paranoïaque.
Les experts ont ainsi posé les diagnostics de pédophilie (F65.4) et de trouble de la personnalité, sans précision (traits narcissiques et pervers) (F60.9). Dans leur discussion, elles ont rappelé que le discours de l’intéressé était régulièrement contradictoire dans ses affirmations, au sein d’un même entretien et relativement à une même question. Elles ont retenu que la perception de ses actes par le prévenu étant toujours la même. Après une phase de déni, il finissait par reconnaître les faits quand il était confronté à ses propres contradictions comme décrit précédemment. Les experts ont également souligné une tendance récurrente à la banalisation et à la minimisation des faits, l'expertisé ne parvenant que rarement à s’attribuer une responsabilité dans ses actes, responsabilité qui était largement projetée sur l’entourage (par ex. les épouses), le hasard (c’est par hasard qu’il tombe sur des photos pédopornographiques sur Internet, par hasard qu’il agresse A.E._. Une phrase récurrente du discours est "l’occasion fait le larron"), une sorte de fatalité (le faux dossier médical lui "tombe dans les mains"), et, surtout, les victimes elles-mêmes. Celles-ci étaient avant tout responsables de ne pas lui avoir posé de limite alors que selon lui elles avaient les connaissances requises pour le faire. De l'avis des experts, l'empathie est particulièrement déficiente. Déniant toute violence à ses actes, l’intéressé n’identifie pas la peur de l’enfant et voit celle-ci comme participant à l’abus dont elle est victime. On assiste à une inversion perceptive, quand il perçoit que l’enfant prend plaisir à ce qui lui est fait, tout comme il inverse, cette fois sur un plan cognitif, les responsabilités. La reconnaissance des faits est donc partielle. La reconnaissance du caractère délictueux des actes est minimisée par leur banalisation et la déresponsabilisation qu’il s’en octroie. Elle l’est également par son interprétation plus globale de l’interdit. Les accusations lui paraissent disproportionnées et il fait souvent référence à un jugement qui est dû à l’époque actuelle de "néopuritanisme".
Au moment de conclure, les experts retiennent que le prévenu présente une pédophilie dont les passages à l’acte se sont aggravés au fil des années, jusqu’à aboutir à une agression d’une grande violence à tonalité mortifère, dans laquelle la victime était réduite à l’état d’objet déshumanisé. La reconnaissance des faits est partielle. La reconnaissance du caractère délictueux des actes est minimisée. La déresponsabilisation de l’intéressé reste massive, s’appuyant sur des mécanismes de déni, de projection, inversion, banalisation classiques dans les traits pervers de personnalité. La frontière du bien et du mal n’est pas définie, la violence niée. L’aspect narcissique renforce cette problématique, le prévenu se présentant comme au dessus de la loi des hommes, et préoccupé avant tout de l’impact de la sanction sur lui-même. L’empathie envers les victimes est partielle et se limite à un souhait qu’elles aillent bien dans l’avenir. T._ se perçoit comme une victime au même titre qu’elles. L’engagement dans le traitement reste passif et déresponsabilisé. Les visions d’avenir du prévenu montrent une absence totale d’intégration des éléments précités.
Les troubles retenus par les experts sont considérés comme graves, et étaient déjà présents au moment des faits reprochés. Les experts estiment, en tenant compte des troubles mentaux constatés, que la faculté du prévenu d’apprécier le caractère illicite de ses actes et de se déterminer d’après cette appréciation était conservée au moment des faits (pleine responsabilité). Le risque de récidive est présent et est qualifié d’élevé, les infractions à craindre étant probablement de même nature que les faits reprochés. Au niveau du traitement des troubles, les experts indiquent qu’un traitement psychothérapeutique peut toujours être tenté. Toutefois, vu l’ancienneté et la sévérité du trouble, le pronostic est réservé. Les experts évoquent une éventuelle dépendance à la cyberpornographie tout en mentionnant que le traitement de l’addiction n‘équivaudrait pas à traiter la pédophilie préexistante. Au moment de discuter d’une éventuelle mesure d’internement (art. 64 CP), les experts ont retenu que tous les éléments relevés dans l'expertise parlaient en faveur d’un risque très élevé de récidive: au vu de la dangerosité, du mauvais diagnostic, de l'absence d'intégration de la notion de victime et des limites imposées par la loi alors qu'T._ récusait la pertinence de la loi elle-même, la tentative d’un traitement hors du cadre carcéral représenterait un risque réel.
Les experts ont été amenés à rendre un complément d’expertise sur trois points soulevés par la défense (P. 293). Elles se sont en particulier prononcées sur le repentir dont aurait fait preuve le prévenu, illustré notamment par les excuses qu’il a pu formuler par écrit aux victimes. Pour les experts, le repentir du prévenu s’inscrit dans sa perception très particulière des faits qui lui sont reprochés. Il peut d’un côté dire regretter ce qui s’est passé, mais il ne reconnaît pas tout (et pas tout le temps). En ce qui concerne la collaboration dont le prévenu avait fait preuve au cours de l’enquête, les experts ont retenu que les propos d’T._ étaient malgré tout fréquemment contradictoires, ce également en termes de collaboration, car il pouvait refuser de reconnaître certains actes, puis les reconnaître tout en donnant différentes versions de ce qui s’était passé, ce d’un entretien sur l’autre ou au cours du même entretien. Les experts se sont finalement prononcés sur les prises de conscience du prévenu liées à la religion, à ses remords et à sa volonté de réparer ses actes. Pour eux, la reconnaissance des faits, la violence, l’empathie envers les victimes étaient soit partielles, soit absentes. La minimisation, la banalisation et la déresponsabilisation étaient à leurs yeux permanentes. Le remords émis par l’intéressé était donc partiel et déniait toute une partie des faits. Les experts ont souligné aussi la non prise de conscience de l’expertisé de sa propre dangerosité.
La Dresse CC._ a été entendue aux débats de première instance (cf. PV débats, pp. 56 ss). A cette occasion, elle a confirmé l’intégralité des rapports déposés. Elle a évoqué le système de défense mis en place par le prévenu consistant notamment à contester les faits qui lui apparaissaient les plus graves. Elle a confirmé la banalisation des faits. L'expert a souligné aussi l'absence d’investissement du prévenu dans le traitement mis en place pendant sa détention, concluant à l'absence de travail de prise de conscience et à un risque de récidive élevé. L'expert a relevé que le mode de collaboration du prévenu s'inscrivait dans un aspect défensif, soulignant qu'il fallait parfois des années de traitement avant d'arriver à ce qu’une personne puisse reconnaître déjà assez spontanément ce qui s'était passé et puisse se l'attribuer. Il s'agissait d'une première étape du traitement, soit sortir du déni et de la protection. Interpellée sur les déclarations du prévenu sur son évolution, sur sa guérison et sur le fait qu'il se présentait ce jour comme un homme nouveau, l'expert a sans hésitation répondu que cela n'était clairement pas possible. Pour elle, il s'agissait plutôt d'un signe d'une perception qui n'était pas correcte, ni des faits, ni de la responsabilité et ni, surtout, de la dangerosité. L'expert a également souligné qu'au cours des entretiens, elle n'avait pas perçu de culpabilité, mais en revanche, une façon de garder un certain pouvoir sur les regards extérieurs comme celui des experts ou des autorités judiciaires. L'expert a ensuite évoqué le risque de récidive et abordé la mesure d'internement dont elle préconisait la mise en œuvre, seule une incarcération définissant à ses yeux un cadre suffisant pour cela soit intégré. L'expert a souligné qu'en l'occurrence, T._ n'intégrait pas du tout, parlant par exemple de la prison comme d'un camp de vacances. Selon l'expert, le temps nécessaire pour qu'une telle intégration soit possible impliquait une longue durée, qu'on ne pouvait prédire, mais cinq ans ne paraissaient pas pour elle une très longue durée dans ce genre de thérapie. L'expert a estimé que l'addiction à la pornographie était secondaire à la pédophilie et elle n’avait pas, selon elle, été une cause du passage à l'acte, mais avait certainement joué un rôle intermédiaire entre le premier passage à l'acte sur G._ et celui sur A.A._. La consommation de pédopornographie avait fait un pont entre les premiers actes sur sa fille et ceux qui avaient suivi. Il s'agissait d'un "Ersatz" de passage à l'acte. Interpellée sur les perspectives de guérison d'T._, la Dresse CC._ a indiqué qu'on ne pouvait jamais dire qu'un pédophile était guéri. Tout ce que l'on pouvait dire était qu'il avait fait suffisamment de progrès pour que la dangerosité soit sous contrôle. L'échec ne s'évoquait pas en termes de guérison ou de non-guérison.
3.
A Genève, à ses différents domiciles depuis 2006, T._ a téléchargé, via Internet, et stocké dans la mémoire de plusieurs ordinateurs ainsi que dans celle de plusieurs disques durs externes des images montrant des enfants mineurs mêlés à des actes sexuels. Les analyses du matériel numérique et informatique saisi ont permis de découvrir en particulier sur les ordinateurs et les disques durs du prévenu des images pornographiques d’une fillette identifiée comme étant A.A._, plusieurs images pédo-pornographiques visiblement tirées de l’internet, un grand nombre de photos pornographiques, dont quelques-unes à caractère pédo-pornographique ainsi que des photos de sexe en gros plan de A.A._ du 14 juin 2008.
A l’aide d’un logiciel forensique, les policiers ont ainsi comptabilisé, sur les divers supports informatiques et numériques saisis :
• 291 fichiers montrant des enfants mêlés à des actes d’ordre sexuel;
• 93 montrant des enfants nus, sans acte sexuel;
• 577 montrant des enfants habillés, sans acte sexuel.
De la même manière, sur les divers supports informatiques et numériques saisis chez H._ – ami auquel le prévenu avait vendu deux de ses anciens ordinateurs – ont été comptabilisés :
• 23 fichiers montrant des enfants mêlés à des actes d’ordre sexuel;
• 12 montrant des enfants nus, sans acte sexuel;
• 13 montrant des enfants habillés, sans acte sexuel.
Ces fichiers n'étaient pas visibles pour H._.
Lors des débats de première instance, T._ a souligné qu’il estimait souffrir d’une addiction à internet, qu’il avait commencé à consommer de la pornographie suite à ses difficultés familiales, professionnelles et de santé. Selon lui, cela avait été le début du processus qui l’a conduit aux actes plus graves qui avaient suivi et sa pédophilie sous-jacente avait ainsi été révélée par internet et les difficultés qu’il rencontrait à l’époque des faits.
4.
A Genève, à tout le moins à cinq reprises entre 2007 et 2010, à la rue de [...], à la rue [...], ainsi qu’à la rue [...],T._ a profité du fait que son fils Z._ et C.A._, voisin et ami de ce dernier, étaient occupés à jouer ou à regarder la télévision pour attirer A.A._, née en 2000, dans une autre pièce afin de commettre des actes d’ordre sexuel à son endroit. Pour accomplir ses méfaits, T._ s’est faussement présenté à A.A._ comme étant un médecin travaillant pour le compte d’une organisation suisse s’occupant de la santé des enfants. Il lui a ensuite proposé de l’argent en échange de photos pour les besoins d’une prétendue recherche qu’il menait. Pour mettre en confiance la fillette, T._ lui a montré à plusieurs reprises de faux "dossiers médicaux" qu’il avait minutieusement et spécialement créés sur ordinateur afin d’appâter sa victime, lesquels contenaient des images de pornographie enfantine et des textes médicaux qu’il avait lui-même annotés. Il lui a encore expliqué qu’il avait besoin de photos de jeunes filles venant du [...], et ce en prétextant toujours un but médical. Lors de ces attouchements, il a demandé à A.A._ de se déshabiller et, si cette dernière refusait, il la déshabillait lui-même. Il a ensuite pris des photos de la fillette nue,
[...]
T._ a immortalisé la scène au moyen de son appareil photo. Il a également tenté, lors de sa dernière "auscultation", après avoir enlevé son pantalon et son slip, de pénétrer vaginalement A.A._, sans protection, alors même que son fils cadet, âgé de quatre ans à l’époque, était dans la même chambre et à proximité immédiate de son père. T._ n’a cependant pas réussi à commettre son méfait, A.A._ l’ayant vigoureusement repoussé.
5.
A Gland, [...], le 14 avril 2011 vers 17h30, après avoir longuement et soigneusement repéré les lieux, au moins depuis l’année 2010, et attendu l'instant propice, T._ a contraint A.E._, née le 8 décembre 1999, à subir des actes d’ordre sexuel. Pour ce faire, le prévenu a abordé une première fois la fillette vers 16h30 à l’extérieur de l’immeuble où elle habitait et lui a demandé de lui montrer où se trouvait la buanderie en prétextant devoir y faire des travaux. A.E._ s’est alors exécutée avant de ressortir pour jouer avec une de ses amies. A ce moment-là, T._ a minutieusement préparé les lieux.
[...]
Elle s’est ensuite rendue chez elle, dans un premier temps, puis chez des voisins, au troisième étage, car son appartement était fermé.
[...]
6.
A Genève, en novembre 2011 à son domicile, au retour d'une sortie avec ses deux enfants et N._, née le 12 janvier 2000, qui est fille d'un de ses amis de longue date, T._, alors que ses fils étaient occupés à l'ordinateur, a isolé N._ dans la chambre de son colocataire. Il lui a alors demandé si elle était intéressée à travailler pour "aider l'Afrique" en lui montrant un dossier plastifié rempli de photographies, lequel était vraisemblablement le même que celui utilisé pour appâter A.A._. Il lui a expliqué qu'il lui donnerait de l'argent si elle se laissait photographier à son tour. N._ a refusé et, profitant du retour du colocataire d'T._, a quitté les lieux.
7.
A Genève, à tout le moins aux piscines de Genève-Plage et du Grand-Lancy, entre le 26 et le 29 juillet 2012, T._ – muni d'une feuille A4 qui comportait un photo montage avec le logo officiel de la ville, une photo du dos de trois agents de la police municipale, une mention "inspecteur service de l'hygiène, service des eaux et piscines" et en gros celle de "Contrôle Hygiène" – a abordé cinq fillettes en se présentant comme un contrôleur de l'hygiène de la Ville. Il a expliqué à ses victimes devoir faire des prélèvements sur leur corps dans sa cabine à titre de contrôles d'hygiène. L'objectif d'T._ était d'attirer ces fillettes dans la cabine afin de commettre sur elles des attouchements à caractère sexuel, ainsi que prendre des photos de leur intimité. T._ n'est pas parvenu à ce que les enfants le suivent, les fillettes s'étant méfiées de lui. L'enquête a permis d'établir que le prévenu avait agi de la sorte le 26 juillet 2012 au préjudice de W._, née en 2005, d'A.U._, née en 2001 et de [...], née en 2001 ainsi que le 29 juillet 2012 au préjudice de A.C._, née en 2005, et de S._, née en 2002. La fouille de la cabine qu'T._ louait à Genève-Plage a permis la découverte d'un sac contenant un vibromasseur, un thermomètre, des préservatifs et un appareil photo. | En droit :
1.
1.1
Interjetés dans les formes et délais légaux par des parties ayant la qualité pour recourir contre un jugement du tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0), l’appel d'T._ et l'appel joint du Ministère public sont recevables.
1.2.
Aux termes de l’art. 398 al. 2 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement. L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement (Luzius Eugster, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2014, n. 1 ad art. 398 CPP). L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l'appel (art. 389 al. 3 CPP; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012 c. 3.1).
2.
Sans remettre en cause les faits retenus à sa charge, l'appelant conteste sa condamnation pour tentative de viol et pour viol qualifié en raison de son impuissance et, partant, de son incapacité, selon lui totale, à avoir une érection et à entretenir dès lors un rapport sexuel comprenant une pénétration.
2.1
Aux termes de l'art. 190 al. 1 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937, RS 311.0), celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel, sera puni d'une peine privative de liberté de un à dix ans. Si l'auteur agit avec cruauté, notamment s'il a fait usage d'une arme dangereuse ou d'un autre objet dangereux, la peine sera la peine privative de liberté pour trois ans au moins (art. 190 al. 3 CP).
Le viol est une forme spéciale et aggravée de contrainte sexuelle (art. 189 CP), en ce sens qu'il se caractérise par le fait que la victime est une femme, d'une part, et que l'acte répréhensible est l'acte sexuel proprement dit, d'autre part (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2010, n. 1 ad art. 190 CP; Dupuis et al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 1 ad art. 190 CP).
L'acte sexuel désigne le comportement typique par lequel l'auteur commet un viol. L'acte sexuel, ou coït, est l'union naturelle des parties génitales de l'homme (pénis) avec celle de la femme (vagin). L'introduction même partielle et momentanée du pénis dans le vagin de la femme est constitutive de l'acte sexuel. L'écoulement du sperme dans le vagin n'est donc pas nécessaire (ATF 99 IV 51 c. 1; ATF 123 IV 52; Dupuis et al., op. cit., n. 14 ad art. 190 CP et les réf. cit.).
2.1.1
T._ conteste tout d'abord s'être rendu coupable de tentative de viol sur l'enfant A.A._.
Selon la jurisprudence, la tentative suppose, à la différence des actes préparatoires, un début d'exécution; il faut que les actes accomplis représentent, dans l'esprit de l'auteur, la démarche ultime et décisive vers l'accomplissement de l'infraction et après laquelle on ne revient normalement plus en arrière, sauf survenance de circonstances extérieures qui rendent l'exécution de l'intention plus difficile sinon impossible (ATF 119 IV 227, c. 2). Ainsi, celui qui enferme sa victime dans le but d'abuser d'elle, devient très agressif et profère des menaces directes, franchit le pas ultime et décisif vers l'accomplissement de l'acte et se rend donc coupable d'une tentative de viol (art. 22 al. 1 CP; Dupuis et al., op. cit., n. 10 ad art. 22 CP).
Si, en première instance, T._ a contesté avoir enlevé son pantalon et son slip et avoir tenté de violer A.A._, les déclarations de cette dernière, qui ont été enregistrées et retranscrites (cf. P. 189), sont claires et précises. Elle a expliqué sans ambiguïté que le prévenu avait voulu la violer mais qu'elle avait refusé (P. 189, l. 290 s.). [...]. Aucune contradiction ne vient entacher les propos de l'enfant. Face aux déclarations de la victime, les explications d'T._ ne convainquent pas. Ses dénégations s'inscrivent logiquement dans le système de défense mis en place par le prévenu compte tenu de sa personnalité telle que décrite par les experts psychiatres. Même s'il s'est lui-même dénoncé s'agissant de A.A._, T._ n'a eu de cesse de faire évoluer son récit au cours de la procédure, n'admettant pas d'emblée spontanément les faits et ne les livrant qu'au fur et à mesure des éléments portés à sa connaissance. On ne saurait considérer, dans ces circonstances, que dans la mesure où il a admis un certain nombre de faits, T._ ne nierait pas ceux qu'il conteste s'il était réellement impliqué dans ceux-ci.
Certes, le dossier démontre qu'T._ souffre de problèmes érectiles et d'une baisse de libido depuis de nombreuses années. Il n'en demeure pas moins que rien, en l'espèce, ne permet de retenir, comme le plaide l'appelant, qu'il était totalement incapable de parvenir à une érection et, partant, de tenter une pénétration de l'enfant A.A._ au moment des faits. A cet égard, les avis médicaux sur lesquels se sont fondés les premiers juges – soit l'avis de quatre médecins spécialistes qui ont reçu le prévenu à leur consultation à diverses périodes entre 1998 et 2012 – sont complets et suffisants pour apprécier la pathologie dont fait état T._ et ses éventuelles conséquences. Les dysfonctionnements érectiles constatés sont probablement d'origine psychologique et non organique, les examens pratiqués sur le patient n'ayant révélé aucune anomalie physique en ce qui le concerne (PV débats, pp. 47 et 52). Pour le surplus, lors de ses consultations chez les Drs B._, sexologue, et K._, urologue, T._ a évoqué des difficultés d'érection et non une absence totale d'érection (PV débats, p. 52), voire des érections encore possibles lors de masturbation (PV débats, p. 47). Le Dr Q._, urologue consulté en 2010 et 2012, a indiqué quant à lui que le patient lui avait fait part, en 2012, d'une augmentation de sa libido, ayant expliqué qu'il avait remarqué un phénomène de tumescence au niveau de sa verge (PV aud. n° 48, l. 51). On ne saurait ainsi retenir, comme le voudrait l'appelant, qu'aucune érection n'était possible pour lui au moment des faits. A cet égard, il est utile de souligner les propos du Dr B._ aux débats de première instance: "il est tout à fait possible pour un homme adulte de ne pas pouvoir obtenir d'érection face à une femme et en revanche d'être excité et d'obtenir une érection face à une fillette si cette personne souffre de pédophilie et s'est construite avec ce genre de source d'excitation. En l'espèce et en ce qui concerne M. T._, par rapport au diagnostic que j'ai posé, rien n'exclut une telle hypothèse" (PV débats, p. 48) ou celles du Dr K._ qui a rappelé que le vrai organe d'érection était le cerveau, beaucoup de patients ayant des troubles de l'érection par exemple avec les épouses mais pas pour une personne tierce (PV débats, p. 54). On relèvera aussi que, pour les experts psychiatres, le prévenu présente un déni important au niveau de la sphère pulsionnelle et sexuelle, niant par exemple toute attirance ou excitation procurée par des images pédopornographie ou des actes commis et intellectualisant "un intérêt médical, anatomique". Ainsi, ces pulsions, même si elles sont contestées, existent et sont bien à l'origine de son comportement (cf. P. 278, p. 22).
Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu d'admettre, avec les premiers juges, qu'T._ s'est bien rendu coupable, envers l'enfant A.A._, d'une tentative de viol, dès lors qu'après avoir enlevé son pantalon et son slip, il avait clairement l'intention de pénétrer la fillette, son projet ne pouvant pas être mené à bien du seul fait que A.A._ l'a clairement repoussé à ce moment-là et s'est enfui. A cet égard, l'existence ou non d'une érection n'a finalement au demeurant que peu de portée: même sans érection, cela n'empêchait pas le prévenu d'avoir l'intention de violer sa jeune victime ou de tenter de le faire.
2.1.2
T._ conteste également s'être rendu coupable de viol envers A.E._, faisant valoir que, sans érection, aucune pénétration de la fillette n'était possible.
[...]
Dans ces circonstances, le viol est réalisé.
3.
T._ conteste la quotité de la peine prononcée à son encontre. Il fait valoir que la peine privative de liberté de neuf ans qui lui a été infligée par le Tribunal criminel de La Côte est excessive, au regard des infractions de tentative de viol et de viol qualifié qui ne devraient pas être retenues, d'une part, au regard de diverses circonstances qui n'auraient pas été prises en compte par les premiers juges, d'autre part. Quant au Ministère public, il considère que la peine prononcée à l'encontre d'T._ n'est pas suffisante et qu'elle doit être fixée à onze ans.
3.1
Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts dé l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de la situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l’auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l’acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et son mode d’exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l’intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l’auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l’auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l’acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 c. 2.1; ATF 129 lV 6 c 6.1).
3.2
En l'espèce, T._ s'est rendu coupable de viol qualifié, de tentative de viol, de contraintes sexuelles qualifiées, de contraintes sexuelles, d'actes d'ordre sexuel avec des enfants, de tentatives d'acte d'ordre sexuel avec des enfants, de séquestration et de pornographie.
Comme l'ont relevé les premiers juges, la culpabilité d'T._ est écrasante. D'abord par les actes commis, qui sont abjects en soi, et par lesquels le prévenu a réduit ses victimes, des fillettes mineures, à l'état d'objets déshumanisés, dans le seul but de satisfaire ses pulsions. Le prévenu a ainsi abusé de son rôle d'adulte et de l'emprise qu'il pouvait avoir sur ses jeunes victimes. A charge, il convient aussi de souligner la réitération des actes, le prévenu s'en étant pris à plusieurs enfants et à plusieurs reprises en ce qui concerne A.A._. Il a fait preuve d'une cruauté particulière, n'hésitant pas à interdire à sa victime de prier, lui affirmant qu'elle n'aurait jamais d'enfant ou qu'il reviendrait pour la tuer si elle parlait. Malgré les regrets exprimés et le changement de personnalité allégué – dont le prévenu a fait grand cas aux débats - T._ ne parvient en réalité pas à reconnaître la gravité des faits retenus à sa charge. Sa déresponsabilisation, comme l'ont souligné les experts, est massive en ce sens qu'il s'estime guéri et nie toute dangerosité. A charge également doit être retenu le fait que l'ensemble des agressions commises ont été méticuleusement préméditées, T._ ne laissant rien au hasard, y compris en ce qui concerne A.E._, même si l'on n'ira pas jusqu'à retenir sur ce point – comme le voudrait Ministère public – le scénario de vengeance mis en place envers la famille de cette dernière. A cela s'ajoutent encore une responsabilité pleine et entière et une mentalité perverse du prévenu, qui sait parfaitement que ses actes sont répréhensibles mais tente aujourd'hui encore d'échapper à leurs conséquences en réinventant la réalité ou en inversant les responsabilités. A charge enfin doit être retenu encore le concours d'infractions.
A décharge, il convient de retenir les difficultés personnelles auxquelles T._ a été confronté dans son parcours de vie, même si, en soi, les éventuelles souffrances subies ne sauraient en aucune manière excuser celles infligées à autrui. Il faut néanmoins y ajouter le fait que le prévenu souffre aujourd'hui d'un cancer en phase terminale et subit des dialyses deux fois par semaine, ce qui le rend certainement plus vulnérable dans le cadre de l'exécution de sa peine qu'un autre détenu (cf. TF 6B_40/2007 du 9 juillet 2007). A cela s'ajoute le fait que, dans une certaine mesure et à sa façon, le prévenu a collaboré avec les enquêteurs. Toutes ces circonstances ont été prises en compte par les premiers juges et c'est à tort que le prévenu prétend le contraire.
Tout bien considéré, c'est une peine légèrement supérieure à celle infligée par les premiers juges qui doit être prononcée, une peine privative de liberté de 10 ans apparaissant adéquate pour réprimer les actes de perversité commis. Il convient encore de préciser que, si le prévenu a toujours contesté – et il l'a fait encore aux débats d'appel – les infractions de tentative de viol ou de viol qualifié, pensant que l'abandon de ces infractions devrait conduire à une réduction de peine, cette manière de voir est erronée: en effet, les actes commis sont à ce point monstrueux que, dans l'appréciation d'ensemble à faire de la culpabilité du prévenu, il importe finalement assez peu de qualifier de tentative de viol ou de viol les infractions commises, et non de contrainte sexuelle, dès lors que l'impact qu'elles ont eus sur la vie des fillettes est globalement le même. C'est à tort également que le prévenu se plaint que l'attitude de la presse à son encontre – en particulier "L'Illustré" dans son article intitulé "La double vie du pédophile de Gland"– car il ne démontre pas que cet article, qui est certes empreint de mots durs et d'émotion, aurait violé la présomption d'innocence ni qu'il aurait conduit qu'il soit préjugé dans le cas particulier (ATF 128 IV 97, JT 2004 IV 123, spéc. 131). Les conditions pour une atténuation de la peine en raison d'une publication dans la presse préjugeant de sa culpabilité ne sont ainsi pas réunies.
4.
T._ conteste l'internement prononcé à son encontre. Selon lui, rien ne s'oppose à la mise en place d'un traitement institutionnel au sens de l'art. 59 CP, les premiers juges ayant à ses yeux fait une mauvaise lecture de l'expertise en lui refusant cette possibilité.
4.1
Selon l'art. 56 al. 1 CP, une mesure doit être ordonnée si une peine seule ne peut écarter le danger que l'auteur commette d'autres infractions (let. a), si l'auteur a besoin d'un traitement ou que la sécurité publique l'exige (let. b) et si les conditions prévues aux art. 59 à 61, 63 ou 64 sont remplies (let. c). La mesure prononcée doit respecter le principe de la proportionnalité, c'est-à-dire que l'atteinte aux droits de la personnalité qui en résulte pour l'auteur ne doit pas être disproportionnée au regard de la vraisemblance qu'il commette de nouvelles infractions et de leur gravité (art. 56 al. 2 CP).
L'internement fondé sur l'art. 64 CP suppose que l'auteur ait commis l'une des infractions énumérées à l'al. 1 de cette disposition, à savoir un assassinat, un meurtre, une lésion corporelle grave, un viol, un brigandage, une prise d'otage, un incendie, une mise en danger de la vie d'autrui, ou une autre infraction passible d'une peine privative de liberté de cinq ans au moins et qu'il ait par là porté ou voulu porter gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui. Cette condition d'atteinte grave portée ou voulue à l'encontre de la victime vaut autant pour les infractions citées dans le catalogue que celles visées par la clause générale de l'art. 64 al. 1 CP (cf. TF 6B_313/2010 du 1
er
octobre 2010 c. 3.2.1).
Il faut en outre que l'une des conditions alternatives posées à l'art. 64 al. 1 CP soit réalisée, à savoir que, en raison des caractéristiques de la personnalité de l'auteur, des circonstances dans lesquelles il a commis l'infraction et de son vécu, il soit sérieusement à craindre qu'il ne commette d'autres infractions du même genre (let. a) ou que, en raison d'un grave trouble mental chronique ou récurrent en relation avec l'infraction, il soit sérieusement à craindre que l'auteur ne commette d'autres infractions du même genre et que la mesure prévue à l'art. 59 CP – à savoir une mesure thérapeutique institutionnelle – apparaisse vouée à l'échec (let. b).
Par rapport aux autres mesures, l'internement n'intervient qu'en cas de danger "qualifié". Il suppose un risque de récidive hautement vraisemblable. Pratiquement, le juge devra admettre un tel risque s'il ne peut guère s'imaginer que l'auteur ne commette pas de nouvelles infractions du même genre. Une supposition, une vague probabilité, une possibilité de récidive ou un danger latent ne suffisent pas (ATF 137 IV 59 c. 6.3). Le risque de récidive doit concerner des infractions du même genre que celles qui exposent le condamné à l'internement. En d'autres termes, le juge devra tenir compte dans l'émission de son pronostic uniquement du risque de commission d'infractions graves contre l'intégrité psychique, physique ou sexuelle (ATF 137 IV 59 c. 6.3; ATF 135 IV 49 c. 1.1.2). Il faut être conscient qu'il est aléatoire et difficile d'évaluer le degré de dangerosité d'un délinquant et, partant, que tout pronostic de dangerosité est incertain (ATF 127 IV 1 c. 2a). Le taux de fiabilité est encore plus faible s'agissant de délinquants primaires qui ne souffrent d'aucun trouble mental, dans la mesure où les précédentes infractions constituent l'indice le plus fiable pour évaluer la dangerosité (Heer, Basler Kommentar, Strafrecht I, n. 51 ad art. 64 CP). Selon la doctrine, l'internement ne devrait donc être ordonné que dans des cas extrêmes à l'égard de délinquants primaires dangereux qui ne présentent pas de trouble au sens de la psychiatrie (Heer, op. cit., loc. cit.; TF 6B_354/2012 du 2 novembre 2012). Mais, s'agissant de la décision sur le pronostic, le principe in dubio pro reo n'est pas applicable (ATF 127 IV 1 c. 2a).
En présence d'un trouble psychiatrique, l'internement fondé sur l'art. 64 al. 1 let. b CP constitue, conformément au principe de proportionnalité, une mesure subsidiaire par rapport à une mesure institutionnelle au sens de l'art. 59 CP. En tant qu'ultima ratio, en raison de la gravité de l'atteinte à la liberté personnelle qu'il représente (ATF 134 IV 121 c. 3.4.4), l'internement n'entre pas en considération tant que la mesure institutionnelle apparaît utile. Il s'ensuit que, pour les auteurs dangereux souffrant d'un grave trouble mental, il y a lieu d'examiner au préalable si une mesure institutionnelle au sens de l'art. 59 CP, exécutée au besoin dans le cadre offrant une sécurité accrue prévu par l'art. 59 al. 3 CP, apparaît susceptible de les détourner de commettre de nouvelles infractions en rapport avec le trouble. Ce n'est ainsi que lorsqu'une mesure institutionnelle apparaît dénuée de chances de succès que l'internement peut être prononcé, s'il est nécessaire. Cette démarche doit permettre d'éviter qu'un auteur soit déclaré a priori "incurable" et interné dans un établissement d'exécution des peines (ATF 134 IV 315 c. 3.2 et 3.3; ATF 134 IV 121, précité, c. 3.4.2).
Le prononcé d'une mesure thérapeutique institutionnelle selon l'art. 59 CP suppose un grave trouble mental au moment de l'infraction, lequel doit encore exister lors du jugement. Outre l'exigence d'un grave trouble mental, le prononcé d'un traitement institutionnel selon l'art. 59 al. 1 CP suppose que l'auteur ait commis un crime ou un délit en relation avec ce trouble (let. a) et qu'il soit à prévoir que cette mesure le détournera de nouvelles infractions en relation avec ce dernier (let. b). Il doit être suffisamment vraisemblable que le traitement entraînera, dans les cinq ans de sa durée normale, une réduction nette du risque que l'intéressé commette de nouvelles infractions. La seule possibilité vague d'une diminution du danger ne suffit pas (ATF 134 IV 315 c. 3.4.1; TF, 6B_77/2012 du 18 juin 2012; TF, 6B_784/2010 du 2 décembre 2010 c. 2.1).
Pour ordonner une des mesures prévues aux art. 59 à 61, 63 et 64 CP, le juge doit se fonder sur une expertise. Celle-ci doit se déterminer sur la nécessité et les chances de succès d'un traitement, la vraisemblance que l'auteur commette d'autres infractions et la nature de celles-ci, et sur les possibilités de faire exécuter la mesure (art. 56 al. 3 CP). Selon la jurisprudence, le juge apprécie en principe librement une expertise et n'est pas lié par les conclusions de l'expert. Toutefois, il ne peut s'en écarter que lorsque des circonstances ou des indices importants et bien établis en ébranlent sérieusement la crédibilité; il est alors tenu de motiver sa décision de ne pas suivre le rapport d'expertise (ATF 133 II 384 c. 4.2.3; ATF 129 I 49 c. 4; ATF 128 I 81 c. 2).
4.2
En l'espèce, T._ s'est notamment rendu coupable de contrainte sexuelle et de viol qualifiés. Il a ainsi commis des infractions envisagées dans la clause générale de l'art. 64 al. 1 CP. En abusant avec contrainte et de manière sordide de plusieurs enfants, il a porté gravement et délibérément atteinte à l'intégrité sexuelle d'autrui. Le critère de la gravité requis par la jurisprudence est ici réalisé.
4.3
Dans leur rapport du 30 avril 2013, les experts ont posé les diagnostics de pédophilie (F. 65.4) et de trouble de personnalité, sans précision (traits narcissiques et pervers) (F 60.9).
Selon les experts, la perception de ses actes par T._ est toujours la même: après une phase de déni, il finit par reconnaître les faits quand il est confronté à ses propres contradictions. Les médecins relèvent également une tendance récurrente à la banalisation et à la minimisation des faits. L'expertisé parvient rarement à s'attribuer une responsabilité dans ses actes, responsabilité qui est largement projetée sur l'entourage (par ex. les épouses), le hasard (c'est le hasard qu'il tombe sur des photos pédopornographiques sur Internet, par hasard qu'il agresse A.E._), une sorte de fatalité, et surtout les victimes elles-mêmes, qui seraient avant tout responsables de ne pas lui avoir posé de limites alors que selon lui, elles avaient les connaissances requises pour le faire. Elles étaient pour lui consentantes et non pas effrayées. Les experts ont encore souligné que, dans la perception d'T._, il n'y avait pas de violence dans ses actes, quand bien même il était confronté à la menace, à la contrainte et la séquestration exercées sur A.E._. Au demeurant, du fait de son impuissance, il s'exempte de l'accusation de viol. Il nie également toute excitation de type urophilique, tout rituel de nettoyage, malgré leur aspect récurrent. A plusieurs reprises, il a sous-entendu que l'enfant avait pu prendre du plaisir, et nie complètement le sien propre, nie toute pulsion sexuelle au moment des actes, avant ou après. Selon les experts, l'empathie est particulièrement déficiente. Déniant toute violence à ses actes, l'expertisé n'identifie pas la peur de l'enfant et la voit comme participant à l'abus dont elle est victime. Il s'agit d'une inversion perceptive, quand il perçoit que l'enfant prend du plaisir à ce qui lui est fait, tout comme il inverse, sur un plan cognitif, les responsabilités. Les experts ont ajouté que, dans sa perception actuelle de son traitement, T._ se disait aidé mais se positionnait de façon passive: ce n'était pas lui qui allait comprendre ou intégrer quelque chose, ce sont les médecins qui devaient lui dire ce qui n'allait pas, et même là, c'était son cerveau qu'il n'allait pas, comme s'il s'agissait d'une instance externe qui le dirigeait. A nouveau, la responsabilité n'est ainsi pas sienne, ni dans l'étiologie éventuelle des troubles, ni dans la participation au traitement. Pour les experts, T._ présente au demeurant un risque de récidive élevé, dans des infractions probablement de même nature que les faits qui lui sont aujourd'hui reprochés.
Au vu de ce qui précède, il faut admettre, avec les premiers juges qu'T._ souffre d'un grave trouble mental récurrent et que les infractions commises sont directement liées à son état mental. Il présente également un risque de récidive et sa dangerosité est majeure. C'est à juste titre dans ces circonstances que le tribunal a considéré que la peine infligée à T._ devait, sur le principe, être assortie d'une mesure. Reste à déterminer laquelle, de l'internement ou de la mesure institutionnelle, doit être prononcée dans le cas particulier.
4.4
En présence d'un trouble psychiatrique, l'internement fondé sur l'art. 64 al. 1 let. b CP constitue, conformément au principe de la proportionnalité, une mesure subsidiaire par rapport à une mesure institutionnelle au sens de l'art. 59 CP. Il y a donc lieu d'examiner si une telle mesure, exécutée au besoin dans le cadre prévu par l'art. 59 al. 3 CP, serait susceptible – comme le prétend l'appelant – de le détourner de commettre de nouvelles infractions en rapport avec ce trouble.
Dans le cadre de leur expertise, les experts ont indiqué qu'un traitement psychothérapeutique pouvait toujours être tenté mais, au vu de l'ancienneté et de la sévérité du trouble, le pronostic était réservé. De plus, tenter un traitement hors du cadre carcéral présentait à leurs yeux un risque réel au vu de la dangerosité du prévenu, du mauvais pronostic, de l'absence d'intégration de la notion de victimes et des limites imposées par la loi alors que l'intéressé récusait la pertinence de la loi elle-même (P. 278/2, ch. 4 et 8). S'agissant plus précisément de la question d'une dépendance à la cyberpornographie, les experts ont retenu que la question pouvait être débattue tout en soulignant que le traitement de l'addiction n'équivalait pas à traiter la pédophilie préexistante (P. 278/2, ch. 5). Entendue lors des débats de première instance, la Dresse CC._ a maintenu les conclusions de son rapport, y compris celles préconisant un internement (PV débats, pp. 56 ss). A cet égard, interpellée sur les déclarations du prévenu quant à son évolution, sa guérison ainsi qu'au fait qu'il disait être aujourd'hui un homme nouveau, l'expert a réagi en disant que cela n'était clairement pas possible et qu'il s'agissait au contraire d'un signe d'une perception qui n'était pas correcte, ni des faits, ni de la responsabilité, ni, surtout, de la dangerosité. L'expert a souligné qu'il fallait parfois des années de traitement pour que la personne puisse reconnaître déjà ce qui s'était passé et puisse se l'attribuer. Il s'agissait d'une première étape du traitement, qui consistait à sortir du déni et de la protection. Interpellée expressément sur le point de savoir si un traitement psychothérapeutique serait voué à l'échec, l'expert a répondu que personne ne pouvait l'affirmer. De même, elle a indiqué que, pour elle, aucun psychothérapeute ne pouvait prétendre qu'une personne pédophile puisse être guérie. A ses yeux, ce que l'on pouvait dire éventuellement, c'était que les progrès étaient suffisants pour que la dangerosité puisse être contrôlée ce qui, dans le cas d'espèce, correspondait à "des années de traitement". Interrogée sur le fait qu'elle préconisait un internement, et non un traitement en institution, l'expert s'est exprimée en ces termes:
"Pour moi, il est une caractéristique de la perversion et la transgression et la jouissance considérable qui l’accompagne. En outre s’ajoute le déni qui a été constant. De mon point de vue, seule une incarcération définit un cadre suffisant pour que cela soit intégré. Il n'est pas possible et envisageable de prendre en psychothérapie l’intéressé pour lui faire comprendre que quelque chose est mal si on le fait hors du contexte carcéral. Cette intégration est possible parce que le contexte d’enfermement est présent et pour qu’il intègre que ce qu’il a fait est mal. En l’espèce M. T._ n’intègre pas du tout. Il parle par exemple de la prison comme d'un camp de vacances. L’intégration et la dimension de sanction risquent de prendre beaucoup de temps et il est difficile à imaginer hors du contexte carcéral. Vous m’indiquez qu’une mesure institutionnelle peut être menée en milieu carcéral. Pour moi, il convient à nouveau que ce suivi s’opère en milieu carcéral et non pas en milieu hospitalier. Le temps nécessaire pour qu’une telle intégration soit possible implique une longue durée. Vous m’évoquez cinq ans. On ne peut prédire la durée d’un tel processus, mais cinq ans ne me paraissent pas une très longue durée dans une thérapie de ce genre. (...) Pour répondre à Me Devaud qui m’évoque les actes finalement qui s’étendent sur près de 30 ans et qui m’interpelle sur la perspective de guérison. Comme je l’ai dit tout à l’heure, on ne peut jamais dire qu'un pédophile est guéri. Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’il ait fait suffisamment de progrès pour que la dangerosité soit sous contrôle. Pour répondre à Me Rouvinez, du point de vue médical, le critère qui fait l’échec ou non à un traitement s’agissant d’un pédophile ne peut pas être défini en terme de guérison. Ce sont des traitements sur le long court et qui ne sont efficaces que quand la personne a suffisamment fait de progrès pour que sa dangerosité soit sous contrôle. L’échec ne s’évoque pas en termes de guérison ou de non guérison." (PV débats, p. 59 s.)
Au vu de ce qui précède, l'analyse à laquelle le tribunal a procédé en première instance quant à la nécessité d'opter pour un internement doit être confirmée. En effet, le prononcé d'un traitement institutionnel suppose que la mesure détournera l'auteur de nouvelles infractions en relation avec son trouble, dans une durée maximale de cinq ans. Or, en l'espèce, l'expert a évoqué la difficulté de soigner un pédophile du type du prévenu, à tel point qu'elle a estimé qu'un pédophile n'était jamais vraiment guéri. Quoi qu'il en soit, l'expert a constamment évoqué un traitement de longue durée et sur le long terme, précisant à cet égard qu'une durée de cinq ans ne pouvait être considérée comme une période significative ou suffisante. A lire l'expertise, le travail est manifestement de bien plus longue haleine, afin qu'T._ – qui nie encore toute problématique et s'estime aujourd'hui guéri – puisse franchir la première étape d'un processus d'amélioration de ses troubles en sortant du déni de sa maladie et de sa dangerosité. A cet égard, le prévenu n'a pas fait une impression différente depuis qu'il est sous l'autorité de la Cour de céans, que ce soit dans le cadre des divers écrits produits ou lors de sa comparution aux débats d'appel, où il a persévéré dans son attitude de déni.
Mal fondé, le moyen ne peut qu'être rejeté et l'internement confirmé.
5.
En définitive, l'appel d'T._ doit être rejeté, l'appel du Ministère public partiellement admis et le jugement réformé dans le sens des considérants. Il sera confirmé pour le surplus.
La détention subie par T._ depuis le jugement de première instance sera déduite. Le maintien en détention du prévenu pour des motifs de sûreté sera ordonné.
Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d'appel seront mis à la charge du prévenu, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). Ces frais comprennent l'émolument de jugement (art. 21 al. 1 et 2 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]) ainsi l'indemnité allouée à son défenseur d'office, d'une part, et aux conseils d'office des plaignants D.E._ et B.A._, d'autre part (art. 135 al. 2 CPP; art. 422 al. 2 let. a CPP; art. 2 al. 2 ch. 1 TFIP).
Me Fontana indique avoir consacré quelque 125 heures 30 à la défense des intérêts d'T._, hors temps d'audience, auquel elle ajoute un montant de 1'183 fr. à titre de dépens et la TVA. Le nombre des heures invoquées par le défenseur d'office est exagéré. Certes, l'avocate, qui n'est intervenue qu'au stade de la procédure d'appel, a dû prendre possession d'un dossier volumineux et faire connaissance avec son client. 15 heures peuvent ainsi être retenues pour la prise en main du dossier et 10 heures pour 4 conférences avec le client en prison et les opérations liées à ces visites, notamment la rédaction d'une déclaration d'appel qui, on le relève, n'a été que très sommairement motivée. A cela doivent s'ajouter encore 7 heures pour la préparation des débats, 3 heures d'audience et 3 heures pour les divers courriers figurant au dossier. Tout bien considéré, c'est une indemnité de 6'840 fr., correspondant à 38 heures de travail, à laquelle il y a lieu d'ajouter un montant forfaitaire de 600 fr. à titre de vacations et de 300 fr. pour les débours, en sus de la TVA par 619 fr. 20, soit un montant total de 8'359 fr. 20, qui sera allouée à Me Fontana.
Le temps invoqué par le conseil d'office de A.E._, C.E._ et D.E._ est également trop élevé, dès lors que l'appel n'était pas motivé et que l'avocate connaissait parfaitement le dossier. 15 heures de travail peuvent être retenues en ce qui la concerne, temps d'audience compris, auxquelles s'ajouteront les débours, par 180 fr., et la TVA, par 230 fr. 40, soit un total de 3'110 fr. 40.
Le montant réclamé par Me Burnand pour la défense des intérêts de A.A._ et B.A._ est adéquat. Ainsi, son indemnité d'office sera fixée à 2'280 fr., montant auquel s'ajoutera une vacation, par 120 fr., et la TVA, par 192 fr., ce qui représente un total de 2'592 francs.
T._ ne sera tenu de rembourser à l'Etat le montant des indemnités allouées à son défenseur d'office et aux conseils d'office des plaignants que lorsque sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 let. a CPP). | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9ba5bfc9-bc25-4f17-bde4-4db6ed0fe280 | En fait :
A.
Par ordonnance pénale du 25 juin 2014, le Préfet du Gros-de-Vaud a constaté que D._ s’était rendu coupable d’infraction simple à la loi sur la circulation routière (I), l’a condamné à une amende de 400 fr. (II), a dit qu’à défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution serait de 4 jours (III) et a mis les frais, par 50 fr., à la charge de D._ (IV).
Par ordonnance pénale du 24 septembre 2014, le Préfet du Gros-de-Vaud a constaté que D._ s’était rendu coupable de violation simple de la loi sur la circulation routière (I), l’a condamné à une amende de 250 fr. (II), a dit qu’à défaut de paiement de l’amende, la peine privative de liberté de substitution serait de 3 jours (III) et a mis les frais, par 50 fr., à la charge de D._ (IV).
B.
Par courrier du
27 juillet 2015 intitulé « recours » adressé au Préfet, D._ a contesté être l’auteur des infractions retenues dans les deux ordonnances pénales précitées. Il a produit plusieurs pièces.
Considérant cet acte comme une demande de révision, le Préfet l’a transmis à la Cour de céans comme objet de sa compétence.
Il n’a pas été ordonné d’échange d’écritures.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
Alors qu’il était employé de la société [...],D._ a commis deux excès de vitesse établis et photographiés par radar, la première fois le 21 mars 2014 à [...] et la deuxième fois le 31 mars 2014 à [...]. Il a été licencié par son employeur le 31 mars 2014 avec effet immédiat.
A la suite de ces excès de vitesse, le Préfet du Gros-de-Vaud a rendu les ordonnances pénales des 25 juin et 24 septembre 2014, condamnant D._ à des amendes de 400 fr. et de 250 francs. Le condamné ne s’est jamais manifesté durant ces deux procédures.
Par ordonnance pénale de conversion du 27 avril 2015, le Préfet a ordonné la conversion de l’amende de 400 fr. en 4 jours de peine privative de liberté de substitution, conformément à l’ordonnance du 25 juin 2014, et mis les frais, par 97 francs, à la charge de D._.
Le 1
er
mai 2015, D._ a contacté la Préfecture du Gros-de-Vaud par téléphone et demandé à pouvoir prendre connaissance des photographies prises par les radars, lesquelles lui ont été envoyées par courrier le jour même.
Par ordonnance de conversion du 20 juillet 2015, le Préfet a ordonné la conversion de l’amende de 250 fr. en 3 jours de peine privative de liberté de substitution, conformément à l’ordonnance du 24 septembre 2014, et mis les frais, par 80 fr., à la charge de D._ | En droit :
1.
Dans son courrier du 27 juillet 2015, D._ indique qu’il s’agit d’un recours et se réfère à l’ordonnance pénale de conversion rendue par le Préfet le 20 juillet 2015, tout en contestant être l’auteur des infractions simples à la loi sur la circulation routière ayant donné lieu aux ordonnances pénales rendues les 25 juin et 24 septembre 2014 par le Préfet du Gros-de-Vaud et devoir payer les amendes auxquelles il a été condamné. La cour de céans se bornera donc à examiner si ce courrier peut être considéré comme une demande de révision recevable.
2.
2.1
L'art. 410 al. 1 let. a CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0) permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné.
Cette disposition reprend la double exigence posée à l'art. 385 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937, RS 311.0) selon laquelle les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être nouveaux et sérieux (Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification de la procédure pénale, FF 2006 II 1057 ss, spéc. 1303; TF 6B_310/2011 c. 1.2 et les références citées). Les faits ou moyens de preuve sont nouveaux lorsque le juge n’en a pas eu connaissance au moment où il s’est prononcé, c’est-à-dire lorsqu’ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Ils sont sérieux lorsqu’ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l’état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 137 IV 59 c. 5.1.2; ATF 130 IV 72 c. 1; TF 6B_310/2011 c. 1.2).
2.2
Pour être valides en la forme, les demandes de révision doivent être motivées et adressées par écrit à la juridiction d’appel, les motifs de révision devant être exposés et justifiés dans la demande (art. 411 al. 1 CPP; Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, 3
e
éd., Genève/Zurich/Bâle 2011, n. 2092, p. 679; Heer, in : Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jungenstrafprozessordnung, 2
e
éd., Bâle 2014, n. 6 ad art. 411 CPP). L’art. 412 al. 2 CPP prescrit que la juridiction d'appel n'entre pas en matière sur la demande de révision si celle-ci est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé. La procédure de non-entrée en matière selon cette disposition est en principe réservée à des vices de nature formelle; il est toutefois également possible de prononcer une décision de non-entrée en matière lorsque les motifs de révision invoqués apparaissent d'emblée non vraisemblables ou mal fondés (TF 6B_293/2013 du 19 juillet 2013 c. 3.3; TF 6B_415/2012 du 14 décembre 2012 c. 1.1 et les références citées).
2.3
Une demande de révision dirigée contre une ordonnance de condamnation doit être qualifiée d’abusive si elle repose sur des faits que le condamné connaissait initialement, qu’il n’avait aucune raison légitime de taire et qu’il aurait pu révéler dans une procédure ordinaire mise en oeuvre par une simple opposition (ATF 130 IV 72 c. 2.3). En revanche, une révision peut entrer en considération à l’égard d’une ordonnance de condamnation pour des faits et des moyens de preuve importants que le condamné ne connaissait pas au moment du prononcé de l’ordonnance ou dont il ne pouvait pas se prévaloir ou n’avait pas de raison de se prévaloir à celle époque (ibidem). Cette jurisprudence, rendue avant l’entrée en vigueur du CPP, a été confirmée depuis lors (TF 6B_310/2011 du 20 juin 2011 c. 1.3 ; CAPE 18 juin 2013/157; CAPE 3 mai 2013/131).
3.
En l’espèce, le requérant n’a pas contesté les ordonnances pénales dont la révision est demandée par la voie de l’opposition, de sorte que celles-ci sont devenues définitives et exécutoires. A l’appui de sa requête, il produit les photographies prises par les radars, une copie en couleur de son permis de conduire, ainsi que la lettre du 31 mars 2014 par laquelle la société [...] l’a licencié avec effet immédiat. Il fait valoir qu’il n’est pas le conducteur photographié, qu’il a eu un mois de retrait de permis de conduire sans raison, qu’il a été licencié avec effet immédiat par son employeur à cause de son retrait de permis et qu’il n’a pas à payer les amendes qui ne le concernent pas.
La présente demande de révision est manifestement abusive dès lors qu’elle repose sur des faits que le requérant aurait pu révéler dans le cadre d’une procédure ordinaire mise en œuvre par la voie de l’opposition et qu’il n’avait aucune raison de taire. Connaissant les lieux et heures des excès de vitesse dont il était accusé, D._ aurait pu et dû d’emblée signaler au Préfet qu’il ne s’agissait pas de lui sur les photographies figurant au dossier et, au besoin, faire opposition aux ordonnances de condamnation rendues les 25 juin et 24 septembre 2014 par le Préfet dans les délais indiqués au pied de ces ordonnances, voire de comparaître ensuite devant le tribunal de police et de prouver ainsi qu’il ne s’agissait pas de son visage sur les photographies. De plus, si le requérant connaissait, comme il le prétend, le nom du véritable conducteur du véhicule ayant commis les excès de vitesse incriminés, il pouvait sans difficulté solliciter son audition comme témoin pour faciliter son identification. Enfin, compte tenu des enjeux pénaux (amendes et frais), administratif (retrait du permis de conduire) et professionnel (licenciement avec effet immédiat), il n’est pas vraisemblable que le requérant soit demeuré passif sans réagir et sans contester toute faute de sa part jusqu’à réception de l’ordonnance de pénale de conversion du 20 juillet 2015.
Au surplus, dans la mesure où D._ conteste les ordonnances rendues les 25 juin et 24 septembre 2014, et le 27 avril 2015, il appartenait au Préfet d’indiquer au condamné que ces ordonnances étaient définitives et exécutoires, ou à défaut, de statuer, exclusivement sur la recevabilité de l’opposition. Il n’appartient pas à l’autorité préfectorale d’interpréter un acte de procédure comme une demande de révision et de le transmettre d’office à une autre juridiction, dès lors que la voie de la révision n’est pas ouverte lorsque le prévenu n’a pas préalablement agi par la voie de l’opposition.
3.
En définitive, la demande de révision présentée par D._ est irrecevable (art. 412 al. 2 CPP).
Les frais de la procédure de révision doivent être laissés à la charge de l’Etat. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,015 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |
9bb0535a-5df4-4dea-8e43-ccba64ca6c12 | En fait :
A.
Par jugement du 5 décembre 2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne a constaté que C._ s’était rendu coupable de vol, dommages à la propriété et violation de domicile (I), a condamné C._ à une peine privative de liberté de deux ans, sous déduction de 301 jours de détention avant jugement (II), a suspendu l’exécution d’une partie de la peine portant sur un an et a fixé à C._ un délai d’épreuve de deux ans (III), a ordonné le maintien en détention à titre de sûreté de C._ (IV), a constaté que T._ s’était rendu coupable de vol, dommages à la propriété et violation de domicile (V), a condamné T._ à une peine privative de liberté de trois ans, sous déduction de 301 jours de détention avant jugement (VI), a ordonné le maintien en détention à titre de sûreté de T._ (VII), a renvoyé [...] SA à agir devant le juge civil (VIII), a ordonné la confiscation et la destruction d’un natel Nokia et d’une carte SIM séquestrés sous fiche n° 55341 (IX), a ordonné le maintien au dossier à titre de pièce à conviction du DVD séquestré sous fiche de pièce à conviction n° 55093 (X), a rejeté la demande d’indemnité fondée sur l’article 431 CPP présentée par C._ (XI), a mis une partie des frais de la cause, par 27'493 fr. 80, y compris l’indemnité totale allouée à son défenseur d’office, arrêtée à 15'691 fr., TVA comprise, à la charge de C._ (XII), a mis une partie des frais de la cause, par 15'442 fr. 30, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office, arrêtée à 7'884 fr., TVA comprise, à la charge de T._ (XIII), et a dit que le remboursement à l’Etat des indemnités allouées aux chiffres XII et XIII ci-dessus ne serait exigible que pour autant que la situation économique respective de C._ et T._ se soit améliorée (XIV).
B.
Par annonce d’appel du 16 décembre 2013, suivie d’une déclaration motivée du 3 février 2014, T._ a conclu, avec suite de frais et dépens, au préalable, à ce que l’assistance judiciaire sous la forme de l’assistance d’un avocat d’office en la personne de Me Jean-Pierre Moser lui soit accordée, sur le fond, à ce que les chiffres V et VI du dispositif du jugement entrepris soient réformés en ce sens qu’il soit libéré des chefs d’accusation de dommages à la propriété et de vol et qu’il soit condamné uniquement pour violation de domicile et tentative de vol, la peine étant fixée à deux ans de privation de liberté.
Par courrier du 5 février 2014, le Président de la Cour de céans a informé Me Moser que la défense d’office ne prenait fin qu’à l’épuisement des instances cantonales, de sorte qu’il n’y avait pas matière à une nouvelle désignation.
C.
Les faits retenus sont les suivants :
1.1
T._, ressortissant italien, est né le [...] 1982 à Naples. Il est titulaire d’un diplôme d’ingénieur en commerce obtenu à l’âge de dix-huit ans. Selon ses dires, il aurait ensuite travaillé dans un chantier naval respectivement six à sept mois à Venise, puis quatre à cinq mois à Gênes et enfin six mois en France. Il aurait été licencié en raison de la crise. Il aurait ensuite œuvré comme volontaire pour l’armée avant d’exercer divers petits travaux, notamment en qualité de vendeur ambulant. D’après ses explications, T._ vivrait avec son amie et leurs trois enfants âgés de cinq ans, trois ans et quinze mois.
Le casier judiciaire suisse de T._ est vierge. Son casier judiciaire italien fait en revanche état de deux condamnations prononcées par la Cour d’appel de Naples, respectivement les 14 mai 2007 et 23 janvier 2009. T._ a été une première fois condamné à quatre mois d’arrêt et à une amende de 200 euros pour détention de matériel explosif et défaut de déclaration de matériel explosif. En 2009, il a été condamné à huit ans de réclusion et à une amende de 8'000 euros pour vol à main armée et séquestration de personne. T._ a bénéficié d’une réduction de sa peine à trois ans de réclusion ainsi que d’un régime de semi-liberté. Il a ainsi été incarcéré de janvier 2007 à octobre 2010, puis mis au bénéfice du régime de semi-liberté jusqu’au 21 mars 2011.
Dans le cadre de la présente affaire, T._ est détenu depuis le 8 février 2013. Il exécute sa peine de façon anticipée depuis le 14 août 2013. Un rapport de détention a été versé au dossier émanant de la Prison de la Tuilière, à Lonay (P. 123). Il ressort de ce rapport que T._ a fait preuve d’un comportement exemplaire, entretenant une relation franche et non conflictuelle avec le personnel d’encadrement et ses co-détenus. Il a respecté les règles d’hygiène et le cadre imposés, faisant en outre preuve d’une grande politesse et d’une certaine joie de vivre. Il est reconnu comme étant un élément stabilisateur, tant dans le cadre cellulaire que celui des ateliers.
1.2
T._ et C._, accompagnés des dénommés Q._ et Z._ sont arrivés en train à Lausanne, le 5 février 2013, en provenance d’Italie. Le 6 février 2013, les quatre comparses ont remarqué que la bijouterie « [...] » située place [...], à Lausanne, ne protégeait pas sa vitrine et sa porte d’entrée au moyen d’une grille à sa fermeture. Après avoir passé la nuit sur place afin de s’assurer qu’il n’y avait ni grille ni surveillance, ils ont alors décidé ensemble de cambrioler cette boutique.
Le 8 février 2013, à 2h50, les quatre acolytes, munis d’un pied de biche et d’un sac, se sont rendus à la bijouterie et ont longuement scruté la vitrine pour repérer les lieux et les objets qu’ils projetaient de dérober. Ils se sont ensuite positionnés à proximité de la bijouterie avec leur matériel et ont attendu le moment propice pour commettre leur forfait. A 3h37, ils sont passés à l’action. C._, Q._ et Z._ ont forcé l’entrée de la bijouterie au moyen du pied de biche, alors que T._ est resté sur la place [...] pour faire le guet. Une fois à l’intérieur de l’établissement, les trois comparses ont été rejoints par T._. Ils ont alors dérobé ensemble trente-six montres de luxe pour un montant total de 842'220 francs. A 3h40, les quatre hommes ont pris la fuite à l’arrivée de la police. C._ et T._ ont été interpellés alors que Q._ et Z._ sont parvenus à échapper aux forces de police et à regagner l’Italie. La police a retrouvé un sac abandonné contenant trente-quatre des montres dérobées à proximité du lieu du cambriolage. Quelques jours plus tard, les deux montres manquantes ont également été retrouvées par la police. La totalité des montres ont été restituées à la bijouterie « [...] ».
La bijouterie « [...] », par [...], a déposé plainte le 8 février 2013. Elle n’a pas pris de conclusions civiles. | En droit :
1.
Interjeté dans les formes et délais légaux par une partie ayant qualité pour agir (art. 382 al. 1 CPP) et dirigé contre un jugement d'un tribunal ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP), l'appel formé par T._ est recevable.
2.
Aux termes de l’art. 398 CPP, la juridiction d’appel jouit d’un plein pouvoir d’examen sur tous les points attaqués du jugement (al. 2). L’appel peut être formé (a) pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié, (b) pour constatation incomplète ou erronée des faits et (c) pour inopportunité (al. 3).
L'appel doit permettre un nouvel examen au fond par la juridiction d'appel. Celle-ci ne doit pas se borner à rechercher les erreurs du juge précédent et à critiquer le jugement de ce dernier ; elle doit tenir ses propres débats et prendre sa décision sous sa responsabilité et selon sa libre conviction, qui doit reposer sur le dossier et sa propre administration des preuves. L'appel tend à la répétition de l'examen des faits et au prononcé d'un nouveau jugement. L'immédiateté des preuves ne s'impose toutefois pas en instance d'appel. Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure d'appel se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. L’administration des preuves n’est répétée qu’à des conditions strictes, définies à l’art. 389 al. 2 CPP, à savoir si les dispositions en matière de preuves ont été enfreintes (let. a), si l’administration des preuves était incomplète (let. b), ou si les pièces relatives à l’administration des preuves ne semblent pas fiables (let. c). La juridiction d'appel administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement de l’appel (art. 389 al. 3 CPP ; TF 6B_78/2012 du 27 août 2012).
3.
En premier lieu, l’appelant conteste sa condamnation pour violation de domicile. Il soutient ne pas avoir participé à l’effraction de la porte de la bijouterie au moyen du pied de biche.
3.1.1
Aux termes de l’art. 186 CP, celui qui, d’une manière illicite et contre la volonté de l’ayant droit, aura pénétré dans une maison, dans une habitation, dans un local fermé faisant partie d’une maison, dans un espace, cour ou jardin clos et attenant à une maison, ou dans un chantier, ou y sera demeuré au mépris de l’injonction de sortir à lui adressée par un ayant droit sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
3.1.2
D'après la jurisprudence, est un coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux ; il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas; il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet ; il peut y adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité ; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Ce qui est déterminant c'est que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.1 p. 155 ; 130 IV 58 consid. 9.2.1 p. 66 ; 125 IV 134 consid. 3a p. 136 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_477/2011 du 24 novembre 2011 consid. 1.1). Le concept de coactivité montre qu'une personne peut être considérée comme auteur d'une infraction, même si elle n'en est pas l'auteur direct, c'est-à-dire si elle n'a pas accompli elle-même tous les actes décrits dans la disposition pénale ; cela résulte naturellement du fait qu'une infraction, comme toute entreprise humaine, n'est pas nécessairement réalisée par une personne isolée, mais peut procéder d'une action commune avec une répartition des tâches (ATF 120 IV 17 consid. 2d ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_ 741/2009 du 3 novembre 2009, consid. 2.3.1).
3.2
En l’occurrence, T._ s’est introduit dans la bijouterie après que ses comparses aient forcé la porte à l’aide d’un pied de biche. En pénétrant de manière illicite dans un établissement fermé, contre la volonté du propriétaire, l’appelant s’est déjà rendu coupable de l’infraction de violation de domicile. En tout état, le fait qu’il ne soit pas l’auteur direct de l’effraction de la porte n’est pas relevant. En effet, T._ s’est associé d’une manière décisive aux autres participants dans leur projet délictuel. Il a d’ailleurs admis lui-même que les rôles de chacun étaient répartis à l’avance. Dans ces conditions, l’appelant s’est indéniablement rendu coupable de violation de domicile au sens de l’art. 186 CP.
4.
L’appelant fait grief au tribunal correctionnel de l’avoir condamné pour vol. Selon lui, cette infraction ne serait pas consommée faute d’une soustraction complète, à savoir la perte définitive de la possession du lésé et l’appropriation de l’auteur, de sorte que les faits devraient être qualifiés de tentative de vol. Il en veut pour preuve l’intervention de la police qui aurait contraint les protagonistes à fuir, alors que leur activité n’avait pas encore pris fin telle qu’elle était conçue dans leur intention. En outre, le sac contenant les montres ayant été abandonné, le résultat, soit la détention contrôlée, ferait également défaut.
4.1
Aux termes de l’art. 139 al. 1 CP, celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l’approprier sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
Pour que la soustraction d'une chose mobilière appartenant à autrui constitue un vol, il faut que l'auteur ait agi intentionnellement, dans le dessein de s'approprier cette chose et dans celui de se procurer ainsi, ou de procurer à autrui, un enrichissement illégitime. L'auteur agit intentionnellement s'il veut soustraire une chose mobilière qu'il sait appartenir à autrui. Il agit dans un dessein d'appropriation s'il a pour but d'incorporer la chose à son patrimoine, que ce soit en vue de la conserver ou de l'aliéner (ATF 85 IV 17 consid.1). Il agit dans un dessein d'enrichissement illégitime s'il a pour but de tirer lui-même de la chose, ou de permettre à un tiers d'en tirer un profit qui devrait normalement revenir au propriétaire ou au possesseur légitime (ATF 111 IV 74 consid. 1).
L'infraction suppose l'existence d'une chose mobilière appartenant à autrui. Une autre personne que l'auteur doit avoir un droit de propriété sur la chose volée (ATF 124 IV 102 consid. 2). En outre, pour qu'il y ait vol, il faut que l'auteur soustraie la chose à autrui, c'est-à-dire qu'il brise la possession d'autrui pour constituer une nouvelle possession sur la chose (ATF 132 IV 108 consid. 2.1 ; Corboz, Les infractions en droit suisse, 3
e
édition, Vol. I, Berne 2010, nn 2 à 7 ad art. 139 CP). La notion comprend donc trois éléments (Dupuis & al., Petit commentaire du Code pénal, Bâle 2012, n. 8 ad. art. 139 CP ; ATF 132 IV 109 consid. 2.1 ; ATF 115 IV 104 consid. 1c/aa ; ATF 112 IV 9 consid. 2a ; ATF 110 IV 80 consid. 2b ; BSK Strafrecht II, Niggli/Riedo, n. 11 ad art. 139 ; Donatsch, op. cit., p. 135 ; Stratenwerth/Jenny/Bommer, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil I, Straftaten gegen Individualinteressen, 7
e
éd., Berne 2010, § 13 n. 69).
En premier lieu, il faut qu’un tiers soit en possession de l’objet de l’infraction, ce qui suppose que le tiers en question exerce une maîtrise effective sur la chose mobilière considérée et ait la volonté de l’exercer. Une telle maîtrise doit être reconnue lorsque le tiers peut exercer une maîtrise physique sur la chose mobilière, fût-ce à distance, mais également aussi longtemps qu’il sait où la chose se trouve et demeure en mesure d’y accéder. Un simple empêchement passager d’exercer la maîtrise sur la chose n’en fait pas perdre la possession. S’agissant de la volonté d’exercer la maîtrise, elle doit en principe être reconnue par rapport à l’ensemble des objets dont la personne concernée a conscience qu’ils se trouvent dans sa sphère d’influence (Dupuis & al., op. cit., n. 9 ad art. 139 CP et les références citées).
La soustraction implique, deuxièmement, la rupture de la possession. Il s‘agit de l’aspect central de la soustraction. Cette rupture de possession suppose un acte contraire à la volonté du lésé, faute de quoi il ne saurait être question de vol. Il peut également s’agir d’un acte qui transgresse les conditions posées par le lésé pour le transfert de la possession ; la rupture de la possession est réalisée avec la mise à néant de la maîtrise qu’exerce l’ayant droit sur la chose mobilière concernée, qui implique en règle générale que l’auteur s’empare de la chose mobilière en question et la déplace hors de la sphère d’influence de l’ayant droit. Il y a ainsi rupture de la possession lorsque l’auteur empêche de toute autre façon l’ayant droit d’exercer sa maîtrise tout en cherchant à s’accaparer la chose mobilière, peu importe les moyens utilisés par l’auteur (la force, la ruse, l’adresse, la simple exploitation d’une occasion favorable) pour parvenir à ses fins (Dupuis & al., op. cit., n. 10 ad art. 139 CP et les références citées).
Le troisième élément de la soustraction se rapporte à la création d’une nouvelle possession. En règle générale, c’est l’auteur lui-même qui devient le nouveau possesseur de la chose soustraite, mais il peut aussi éventuellement s’agir d’un tiers. En principe, la rupture de la possession et la création d’une nouvelle possession sont réalisées lorsque l’auteur aura volontairement acquis seul la maîtrise effective de la chose après s’en être saisie, ou, inversement, lorsque l’ayant droit aura perdu la maîtrise de la chose, après s’en être vu dessaisi. En matière de cambriolage, la soustraction est réalisée lorsque le cambrioleur quitte, en emportant divers objets, le local en question (Dupuis & al., op. cit., nn 11 et 12 ad art. 19 CP et les références citées).
4.2
En l’espèce, les premiers juges ont retenu, à juste titre, que T._ et C._ s’étaient rendus coupables de vol, dommages à la propriété et violation de domicile. En effet, conformément à la jurisprudence précitée, le vol est consommé dès que la soustraction est parfaite, soit dès qu’une nouvelle possession est créée. En particulier, en matière de cambriolage, l’infraction est commise dès le moment où le cambrioleur quitte les lieux en emportant les objets dérobés, peu importe que ce dernier en ait perdu la maîtrise effective ultérieurement. Il y a lieu de relever qu’une partie de la doctrine considère même qu’il y a soustraction dès le moment où l’auteur se saisit de l’objet (Donatsch, Strafrecht III, Delikte gegen den Einzelnen, 9
e
éd., Zurich 2008, p. 141). Il est établi qu’après avoir forcé la porte de la boutique « [...] », les quatre protagonistes ont quitté les lieux en emportant avec eux les montres dérobées dont ils se sont débarrassés plus loin. Ce faisant, ils ont ainsi soustrait les montres de la possession du propriétaire dans le but de se les approprier. Le dessein d’enrichissement illégitime ne fait en outre aucun doute, les prévenus ayant prémédité leur acte et préparé leur mode opératoire attentivement, après avoir préalablement repéré et surveillé la bijouterie. Partant, toutes les conditions de l’infraction de vol au sens de l’art. 139 CP sont réalisées.
5.
L’appelant conteste la quotité de la peine qui lui a été infligée. En particulier, il fait valoir que la différence de sanction entre son coprévenu, C._, et lui-même ne serait pas justifiée, les deux comparses ayant été condamnés pour les mêmes faits.
5.1
Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (TF 6B_85/2013 du 4 mars 2013 consid. 3.1; ATF 134 IV 17 consid. 2.1; ATF 129 IV 6 consid. 6.1).
5.2
Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, le juge doit respecter, en particulier, le principe de l'égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst ; cf. ATF 120 IV 136 consid. 3a et les arrêts cités). S'il est appelé à juger les coauteurs d'une même infraction ou deux coprévenus ayant participé ensemble au complexe de faits délictueux, il est tenu de veiller à ce que la différence des peines infligées aux deux intéressés soit justifiée par une différence dans les circonstances personnelles en fonction desquelles, conformément à l'art. 47 CP, la peine doit être individualisée (cf. ATF 121 IV 202 consid. 2b ; TF 6S.199/2006 du 11 juillet 2006 consid. 4 ; TF 6B_207/2007 du 6 septembre 2007 consid. 4.2.2). A défaut de motifs pertinents, il ne faut pas créer un écart trop important entre deux coprévenus qui ont participé ensemble au même complexe de faits délictueux (cf. TF 6B_233/2011 du 7 juillet 2011 consid. 2.2.1).
5.3
En l’espèce, les premiers juges ont condamné C._ à une peine privative de liberté de deux ans, alors que T._ s’est pour sa part vu infliger une peine du même genre de trois ans. Le jugement entrepris retient que T._ a de lourds antécédents pénaux pour des faits similaires, ce qui justifierait une disparité de sanctions entre les coprévenus. Or, s’il est vrai que l’appelant a un casier judiciaire, cet élément à charge ne saurait à lui seul justifier une différence d’une année dans la peine. La distinction concernant la culpabilité des intéressés doit être relativisée. En effet, T._ a fait preuve d’une meilleure collaboration que C._ durant l’enquête ; il est passé presque immédiatement aux aveux, alors que son comparse a consenti à admettre les faits que lorsqu’il a été acculé de preuves irréfutables. L’appelant s’est en outre comporté de manière exemplaire durant son incarcération et a réitéré ses excuses durant les débats d’appel. Ces éléments à décharge doivent être mis à son bénéfice, en plus de l’extrême brièveté de l’enrichissement. Pour le surplus, à l’instar des premiers juges, la Cour de céans retiendra à charge, outre les antécédents judiciaires, le concours d’infractions, une intense volonté délictuelle et l’importance du butin convoité.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, une peine privative de liberté de deux ans et demi doit être prononcée.
6.
En définitive, l’appel de T._ doit être partiellement admis en ce sens qu’il est reconnu coupable de vol, dommages à la propriété et violation de domicile et condamné à une peine privative de liberté de deux ans et demi, sous déduction de la détention subie depuis le jugement de première instance. Le jugement rendu le 5 décembre 2013 par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne est confirmé pour le surplus.
Vu l’issue de la cause, les frais d’appel, par 1'430 fr. (art. 21 al. 1 et 2 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), doivent être mis par moitié à la charge de T._, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.
Il convient d’allouer une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1'609 fr. 20, TVA et débours inclus, à Me Jean-Pierre Moser.
T._ ne sera tenu de rembourser
à l’Etat la moitié de l’indemnité en faveur de son défenseur d’office que lorsque sa situation financière le permettra
(art. 135 al. 4 let. a CPP).
Délibérant immédiatement et à huis clos,
la Cour d’appel pénale
appliquant les articles 30, 40, 7, 49 ch. 1, 50, 51, 139 ch. 1, 144 al. 1, 186 CP
et 398 ss CPP,
prononce :
I.
L’appel est partiellement admis.
II.
Le jugement rendu le 5 décembre 2013 par le Tribunal correctionnel de Lausanne est modifié comme il suit au chiffre VI de son dispositif, le dispositif du jugement étant désormais le suivant :
"
I. à IV. Inchangés;
V. constate que T._ s’est rendu coupable de vol, dommages à la propriété et violation de domicile;
VI. condamne T._ à une peine privative de liberté de 2 (deux) ans et demi, sous déduction de 301 (trois cent un) jours de détention avant jugement;
VII.
ordonne le maintien en détention à titre de sûreté de T._;
VIII.
renvoie [...] SA à agir devant le juge civil;
IX.
ordonne la confiscation et la destruction d’un natel Nokia et d’une carte SIM séquestrés sous fiche n° 55341;
X.
ordonne le maintien au dossier à titre de pièce à conviction du DVD séquestré sous fiche de pièce à conviction n° 55093;
XI. à XII. Inchangés;
XIII.
met une partie des frais de la cause, par CHF15’442.30, y compris l’indemnité allouée à son défenseur d’office, arrêtée à CHF 7'884.-, TVA comprise, à la charge deT._;
XIV.
dit que le remboursement à l’Etat des indemnités allouées aux chiffres XII et XIII ci-dessus ne sera exigible que pour autant que la situation économique respective de C._ et de T._ se soit améliorée."
III.
La détention subie depuis le jugement de première instance est déduite.
IV.
La détention de T._ pour des motifs de sûreté est ordonnée.
V.
Une indemnité de défenseur d'office pour la procédure d'appel d'un montant de 1'609 fr. 20 (mille six cent neuf francs et vingt centimes
),
TVA et débours inclus,
est allouée à Me Jean-Pierre Moser.
VI.
Les frais d'appel, par 1'430 fr. (mille quatre cent trente francs), y compris l'indemnité allouée au défenseur d'office, sont mis à la charge de T._ à raison d’une moitié, l’autre moitié restant à la charge de l’Etat.
VII.
T._ ne sera tenu de rembourser à l’Etat la moitié du montant de l’indemnité en faveur de son conseil d’office prévue au ch. V ci-dessus que lorsque sa situation financière le permettra
. | Criminal | Substantive Criminal | fr | 2,014 | VD_TC | VD_TC_003 | VD | Région lémanique |