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Cette signification s’annonce dans l’expression : ceci ou cela appartient déjà â l’histoire.
" Passé ", cela veut dire ici ou bien : plus sous-la-main, ou bien aussi : certes encore sous-la-main, mais sans " effet " sur le " présent ".
Du reste, l’historique entendu au sens du passé présente également la signification opposée, lorsque nous disons : il est impossible d’échapper à l’histoire.
Ici, l’histoire désigne le passé, mais un passé qui ne continue pas moins d’exercer ses effets.
Quoi qu’il en soit, l’historique comme passé est compris du point de vue d’un rapport - positif ou privatif - d’influence sur le " présent " pris lui-même au sens de ce qui est effectif " maintenant " et " aujourd’hui ".
Mais ce n’est pas tout, car le " passé " manifeste alors encore un double sens remarquable le passé appartient irréversiblement au temps antérieur, il appartenait aux événements d’alors, et pourtant il peut encore être sous-la-main " maintenant ", ainsi par exemple des restes d’un temple grec.
Avec celui-ci, un " morceau de passé " est encore " présent ".
Ensuite, l’histoire ne désigne pas tant le " passé " au sens de ce qui a passé que la provenance à partir de lui.
Ce qui " une histoire " se tient dans l’enchaînement d’un devenir.
L’" évolution " est alors tantôt ascension, tantôt déclin.
Ce qui " a " ainsi une " histoire " peut en même temps la " faire ".
" Faisant époque ", il détermine " présente.
ment " un " avenir ".
L’histoire signifie ici un " enchaînement " d’événements et d’" effets ", qui s’étend à travers le " passé ", le " présent " et l’" avenir ".
Le passé a alors perdu toute primauté particulière.
En outre, l’histoire désigne le tout de l’étant qui se meut " dans le temps ", plus précisément, à la différence de la nature qui, elle aussi, se meut " dans le temps ", les vicissitudes et les destinées d’hommes, d’associations d’hommes et de leur " culture ".
L’histoire, dans ce cas, ne désigne pas tant le mode d’être, le provenir lui-même, que la région de l’étant que l’on distingue de la nature en considération de la détermination essentielle de l’existence de l’homme par l " esprit " et la " culture ", quand bien même la nature appartient elle aussi d’une certaine façon à l’histoire ainsi comprise.
Et enfin, est considéré comme " historique " le traditionnel comme tel, qu’il soit historiquement connu ou qu’il soit reçu comme allant de soi, en restant retiré dans sa provenance.
Si nous rassemblons unitairement les quatre significations distinguées, nous obtenons ce résultat : l’histoire est le provenir spécifique, se produisant dans le temps, du Dasein existant, et cela de telle manière que le provenir qui est " passé " dans l’être -l ‘un-avecl’autre et qui en même temps se " transmet " et continue de produire son effet vaut comme histoire dans un sens accentué.
Ce qui relie les quatre significations, c’est qu’elle se rapportent à l’homme comme " sujet " des événements.
Comment le caractère de provenir de ceux-ci doit-il être déterminé ? Le provenir est-il une séquence de processus, un apparaître et un disparaître changeant de faits ? Selon quelle guise ce provenir de l’histoire appartient-il au Dasein ? Le Dasein est-il déjà d’abord facticement " sous-la-main ", pour ne s’engager qu’ensuite et occasionnellement " dans une histoire " ? Le Dasein ne devient-il historial qu’à cause d’une intrication avec des circonstances et des événements ? Ou bien l’être du Dasein est-il au contraire tout d’abord constitué par le provenir, de telle manière que ce soit seulement parce que le Dasein est historial dans son être que devienne ontologiquement possible quelque chose comme des circonstances, des événements et des destinées ? Mais pourquoi, dans la caractérisation " temporelle " du Dasein tel qu’il provient " dans le temps ", est-ce alors précisément le passé qui possède une fonction accentuée ? Si l’histoire appartient à l’être du Dasein, et si cet être se fonde dans la temporalité, il s’impose naturellement de commencer l’analyse existentiale de l’historialité par les caractères de l’historial qui présentent manifestement un sens temporel.
Par suite, il faut qu’une caractérisation plus aiguë de la remarquable primauté du " passé " dans le concept d’histoire prépare l’exposition de la constitution fondamentale de l’historialité.
Des " antiquités " conservées au musée, des ustensiles domestiques par exemple, appartiennent à un " temps passé ", et pourtant ils n’en sont pas moins sous-la-main dans le " présent ".
Dans quelle mesure un tel ustensile est-il historial, alors qu’il n’est précisément pas encore passé ? Est-ce seulement, par exemple, parce qu’il est devenu un objet d’intérêt historique, de l’étude archéologique et géographique régionale ? Mais pareil outil ne peut être objet historique que parce qu’en lui-même il est en quelque manière historial.
La question se répète donc : de quel droit nommons-nous cet étant historial, alors qu’il n’est pourtant pas passé ? Ou bien ces " choses ", quoiqu’elles soient aujourd’hui encore sous-la-main, auraient- elles, en elles " - quelque chose de passé " ? Sont-elles encore, elles qui sont sous-la-main, ce qu’elles étaient ? Manifestement, les " choses " se sont transformées.
L’ustensile, " au cours du temps ", est devenu fragile, piqué.
Pourtant, ce n’est pas dans cette périssabilité, qui se poursuit même pendant que la chose est sous-la-main au musée, que réside le caractère spécifique de passé qui en fait quelque chose d’historial.
Mais alors, qu’est-ce donc, dans l’outil, qui est passé ? Qu’est-ce que les choses " étaient, qu’elles ne sont plus aujourd’hui ? Elles demeurent bel et bien cet outil précis d’usage - mais en tant qu’hors d’usage.
Oui, mais, supposé qu’elles fussent encore aujourd’hui en usage, comme le sont de nombreux objets hérités faisant partie du ménage, seraient-elles pour cela non encore historiales ? Non : en usage ou hors d’usage, elles ne sont plus cependant ce qu’elles étaient.
Qu’est-ce qui est " passé " ? Réponse : rien d’autre que le monde à l’intérieur duquel, appartenant à un complexe d’outils, elles faisaient encontre en tant qu’à-portée-de-la-main et étaient utilisées par un Dasein préoccupé, étant-au-monde.
Le monde n’est plus.
Mais l’intramondain qui appartenait à ce monde, lui, est encore sous-la-main.
C’est en tant qu’outil appartenant à un monde que l’étant maintenant encore sous-la-main peut néanmoins appartenir au " passé ".
Mais que signifie ce ne-plus-être du monde ? Le monde n’est que selon la guise du Dasein existant, qui est facticement comme être-au-monde.
Le caractère historial des antiquités encore conservées se fonde donc dans le " passé " du Dasein au monde duquel elles appartenaient.
Dès lors, ce serait seulement le Dasein passé " qui serait historial, non pas le Dasein " présent ".
Mais le Dasein peut-il en général être passé, si nous déterminons ce mot " passé " au sens de " maintenant plus sous-la-main ou à- portée-de-la-main " ? Manifestement, le Dasein ne peut jamais être passé, non point parce qu’il est impérissable, mais parce qu’il ne peut essentiellement jamais être sous-la-main, mais, s’il est, existe.
Or justement, un Dasein n’existant plus, au sens ontologique strict, n’est point passé, mais ayant été-Là.
Les antiquités encore sous-la-main ont un caractère de " passé " et d’histoire sur la base de leur appartenance outilitaire à, et de leur provenance depuis un monde ayant-été d’un Dasein ayant-été-Là.
C’est celui-ci qui est le primairement historial.
Mais est-ce à dire que le Dasein ne devienne historial que du fait qu’il n’est plus Là ? Ou bien n’est-il pas justement historial en tant que facticement existant ? Le Dasein est-il seulement ayant-été au sens de Payant-été-LÀ, ou bien n’est-il pas " été " en tant que présentifiant-à- venir, c’est-à-dire dans la temporalisation de sa temporalité ? Je traduis ici par historial (geschichtlich), bien qu’il ne s’agisse que d’un ustensile, puisque H.
a en vue son " historicité " propre, par-delà son inclusion dans le passé ou le présent.
(N.
d.
T.
) De cette analyse provisoire de l’outil qui est encore sous-la-main tout en appartenant, en tant qu’il est en quelque manière " passé ", à l’histoire, il ressort qu’un tel étant n’est historial que sur la base de son appartenance au monde.
Mais le monde a le mode d’être de l’historial parce qu’il constitue une déterminité ontologique du Dasein.
En outre, il apparaît que la déterminité temporelle " passé " est dépourvue de sens univoque, et qu’elle se distingue manifestement de l’étre-été que nous avons découvert en tant que constituant de l’unité ekstatique de la temporalité.
Or, par le fait même, l’énigme ne fait que s’aiguiser pourquoi est-ce précisément le " passé ", ou, plus adéquatement, l’être-été qui détermine l’historial de façon prépondérante, alors que l’être-été ne se temporalise pourtant que cooriginairement avec le présent et l’avenir ? Est primairement historial - avons-nous affirmé - le Dasein.
Mais est secondairement historial l’étant qui fait encontre de manière intramondaine : non pas seulement l’outil à- portée-de-la-main au sens le plus large, mais aussi la nature du monde ambiant en tant que n sol historial ".
L’étant qui, sans être à la mesure du Dasein, est historial sur la base de son appartenance au monde, nous le nommons mondo-historial.
Il est possible de montrer que le concept vulgaire de l’" histoire du monde " provient justement de l’orientation sur cet historial secondaire.
Le mondo-historial n’est pas seulement historia], par exemple, sur la base d’une objectivation historique, il l’est comme l’étant que, faisant encontre à l’intérieur du monde, il est en lui-même.
L’analyse du caractère historial d’un outil encore sous-la-main n’a pas seulement reconduit au Dasein comme à l’historial primaire, mais elle a contribué à éveiller le doute quant à la question de savoir si la caractérisation temporelle de l’historial en général peut être primairement orientée sur l’être-dans-le-temps d’un sous-la-main.
Ce n’est pas en reculant vers un passé de plus en plus éloigné que de l’étant devient " plus historial ", de telle sorte que le plus ancien serait le plus proprement historial.
Mais d’autre part, si l’écart temporel " par rapport au maintenant et à l’aujourd’hui n’a lui non plus aucune signification constitutive primaire pour l’historialité de l’étant proprement historial, ce n’est point parce que celui-ci n’est pas " dans le temps ", est intemporel, mais parce qu’il existe de manière plus originairement temporelle que ne le peut jamais en son essence ontologique, un étant sous-la- main (périssant ou advenant) " dans le temps ".
Remarques bien circonstanciées, dira-t-on.
Car que le Dasein humain soit au fond le " sujet " primaire de l’histoire, nul ne le nie, et même le concept vulgaire cité de l’histoire l’exprime assez nettement.
Certes, mais la thèse :.
le Dasein est historial " ne désigne pas seulement le fait ontique que l’homme représente un " atome " plus ou moins lourd dans le tourbillon de l’histoire du monde et demeure le jouet des circonstances et des événements, mais elle pose le problème suivant : dans quelle mesure, et sur la base de quelles conditions ontologiques l’historialité appartient-elle à titre de constitution d’essence à la subjectivité du sujet " historial " ? Facticement, le Dasein a à chaque fois son " histoire ", et, s’il peut l’avoir, c’est parce que l’être de cet étant est constitué par l’historialité.
Il nous faut maintenant justifier cette thèse, avec l’intention d’exposer le problème ontologique de l’histoire en tant que problème existential.
L’être du Dasein a été délimité comme souci.
Le souci se fonde dans la temporalité.
Par suite, c’est dans l’orbe de celle-ci que nous devons nous mettre en quête d’un provenir qui détermine l’existence en tant qu’historiale.
Dès lors, l’interprétation de l’historialité du Dasein se révèle n’être au fond qu’une élaboration plus concrète de la temporalité.
Nous n’avions d’abord dévoilé celle-ci que par rapport à la guise de l’exister authentique, que nous caractérisions comme résolution devançante.
Nous demandons maintenant : dans quelle mesure celle-ci implique-t-elle un provenir authentique du Dasein ? La résolution a été déterminée comme le se-projeter ré-ticent, prêt à l’angoisse, vers l’être-en-dette propre Elle conquiert son authenticité en tant que résolution devançante Dans celle-ci, le Dasein se comprend de telle sorte quant à son pouvoir-être qu’il comparait devant la mort.
afin d’assumer ainsi totalement l’étant qu’il est lui-même en son être-jeté.
L’assomption résolue du " Là " propre factice signifie en même temps la décision pour la situation.
Ce pour quoi le Dasein se décide à chaque fois facticement, l’analyse existentiale est fondamentalement incapable de l’élucider, aussi bien la présente recherche n’exclut-elle pas moins de son champ le projet existential de possibilités factices de l’existence.
Néanmoins, nous devons nous demander d’où en général peuvent être puisées les possibilités vers lesquelles le Dasein se projette facticement.
Le se-projeter devançant vers la possibilité indépassable de l’existence, la mort, garantit seulement la totalité et l’authenticité de la résolution.
Cependant, les possibilités facticement ouvertes de l’existence ne sauraient être empruntées à la mort, et cela d’autant moins que le devancement vers la possibilité ne signifie point une spéculation sur celle-ci, mais justement un retour vers le Là factice.
Serait-ce alors que l’assomption de l’être-jeté du Soi-même dans son monde ouvrirait un horizon auquel l’existence arrache ses possibilités factices ? Et n’avons-nous pas dit, de surcroît, que le Dasein ne pouvait revenir en deçà de son être-jeté ?1 Mais avant de décider précipitamment si le Dasein puise ou non ses possibilités authentiques d’existence dans l’être-jeté, nous devons nous assurer du concept plein de cette déterminité fondamentale du souci.
Jeté, le Dasein est certes remis à lui-même et à son pouvoir-être, mais cependant en tant qu’être-au-monde.
Jeté, il est assigné à un " monde " et il existe facticement avec d’autres.
De prime abord et le plus souvent, le Soi-même est perdu dans le On.
Il se comprend à partir des possibilités d’existence qui " ont cours " dans ce qui est à chaque fois aujourd’hui l’explicitation publique " moyenne " du Dasein.
Le plus souvent, elles sont rendues méconnaissables par l’équivoque, et cependant elles sont connues.
Le comprendre existentiel authentique se soustrait si peu à l’être-explicité traditionnel que c’est à chaque fois à partir de lui et contre lui, et pourtant à nouveau pour lui qu’il saisit dans la décision la possibilité choisie.
La résolution où le Dasein revient vers lui-même ouvre les possibilités à chaque fois factices d’exister authentique à partir de l’héritage qu’elle assume en tant que jetée.
Le retour résolu vers l’être-jeté abrite en soi un se-délivrer de possibilités traditionnelles, quoique non pas nécessairement en tant que traditionnelles.
Si tout " bien " est héritage et si le caractère de la " bonté " se trouve dans la possibilisation d’existence authentique, alors se constitue à chaque fois dans la résolution la délivrance d’un héritage.
Plus authentiquement le Dasein se résout, c’est-à-dire se comprend sans équivoque à partir de sa possibilité la plus propre, insigne dans le devancement vers la mort, et plus univoque et nécessaire est la trouvaille élective de la possibilité de son existence.
Seul le devancement dans la mort expulse toute possibilité arbitraire et " provisoire "; seul l’être-libre pour la mort donne au Dasein son but pur et simple et rejette l’existence dans sa finitude.
La finitude saisie de l’existence arrache à la multiplicité sans fin des possibilités immédiatement offertes de la complaisance, de la légèreté de la dérobade et transporte le Dasein dans la simplicité de son destin.
Par ce terme, nous désignons le provenir originaire du Dasein, inclus dans la résolution authentique, où, libre pour la mort, il se délivre à lui-même en une possibilité héritée et néanmoins choisie.
Si le Dasein peut être frappé par les coups du destin.
c’est uniquement parce qu’au fond de son être il est destin au sens qu’on vient de caractériser.
Existant destinalement dans la résolution auto-délivrante, le Dasein comme Être-au-monde est ouvert à la " survenue " des circonstances " heureuses " et à la cruauté des hasards.
Ce n’est nullement du concours des circonstances et des événements qui naît un destin.
Même l’irrésolu - et plus encore que celui qui a choisi - est concerné par eux, et pourtant il ne peut " avoir " de destin.
Lorsque le Dasein, en devançant, laisse la mort prendre pouvoir sur soi, il se comprend, libre pour elle, dans la sur-puissance propre de sa liberté finie, afin d’assumer en celle-ci, qui n’" est " jamais que dans l’avoir-choisi du choix.
l’im-puissance de son abandon à lui-même, et de devenir clairvoyant pour les contingences de la situation ouverte.
Mais si le Dasein destinai comme être-au-monde existe essentiellement dans l’être-avec avec autrui, son provenir est un co-provenir, il est déterminé comme co-destin, terme par lequel nous désignons le provenir de la communauté, du peuple.
Le co-destin ne se compose pas de destins individuels, pas plus que l’être-l’un-avec-l’autre, ne peut être conçu comme une co- survenance de plusieurs sujets Dans l’être-l’un-avec-l’autre dans le même monde et dans la résolution pour des possibilités déterminées, les destins sont d’entrée de jeu déjà guidés.
C’est dans la communication qui partage et dans le combat que se libère la puissance du co-destin.
Le co-destin destina) du Dasein dans et avec sa " génération "1 constitué le provenir plein, authentique du Dasein.
Le destin : la sur-puissance im-puissante, prête à l’obstacle, du se-projeter ré-ticent, prêt à l’angoisse, vers l’être-en-dette propre - requiert comme sa condition ontologique de possibilité la constitution d’être du souci, c’est-à-dire la temporalité.
C’est seulement si.