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La liberté à l’égard des préjugés est la présupposition, et celle-ci, déjà, n’est pas facile à conquérir " (p.
250).
" Que Yorck ait formé cette entreprise de saisir catégorialement l’historique par opposition à l’ontique (à l’" oculaire ") et d’élever la " vie " à une compréhension scientifique adéquate, c’est ce qui ressort clairement de l’allusion qu’il fait au mode propre de la difficulté de ce genre de recherches : le mode de pensée esthético-mécanique " excelle davantage à trouver l’expression verbale - ce qui est explicable compte tenu de la fréquente provenance des mots à partir de l’ocularité - que l’analyse qui va au-delà de l’intuition.
En revanche, tout ce qui perce jusqu’au fond de la vitalité répugne à une présentation exotérique, et c’est bien pourquoi sa terminologie n’est point accessible à l’entendement, mais plutôt symbolique et inévitable.
De la modalité particulière de la pensée philosophique découle la particularité de son expression linguistique " (p.
70 sq.
).
" Mais vous connaissez ma prédilection pour les paradoxes, que je justifie en disant que le paradoxe est un index de la vérité, et que la communis opinio, à coup sûr, n’est jamais dans la vérité, n’étant qu’un précipité élémentaire d’une demi-compréhension généralisante; par rapport à la vérité, elle est comme la vapeur sulfureuse que perce l’éclair.
La vérité n’est jamais un élément.
Ce serait une tâche de politique pédagogique que de dissiper l’opinion publique élémentaire et de favoriser autant que possible, par l’éducation, l’individualité du voir et du considérer.
Car alors, au lieu d’une "conscience publique" - cette radicale superficialisation -, ce seraient à nouveau des consciences singulières, c’est-à-dire la conscience, qui l’emporteraient " (p.
249 sq.
).
L’" intérêt de comprendre l’historialité " se confronte donc à la tâche d’une élaboration de la " différence générique entre ontique et historique ".
Ainsi le but fondamental de la " philosophie de la vie " se trouve-t-il fixé.
Néanmoins, le questionnement a besoin d’une radicalisation fondamentale.
Car comment l’historialité pourrait-elle être philosophiquement saisie et " catégorialement " conçue dans sa différence avec l’ontique sinon en portant l’" ontique " aussi bien que l’" historique " à une unité plus originaire de comparabilité et de différenciabilité possible ? Or cela suppose d’apercevoir trois choses : la question de l’historialité est une question ontologique s’enquérant de la constitution d’être de l’étant qui est historialement; la question de l’ontique est la question ontologique de la constitution d’être de l’étant qui n’est pas à la mesure du Dasein, du sous-la-main au sens le plus large; l’ontique est seulement un domaine de l’étant.
L’idée de l’être embrasse l’" ontique " et l’" historique ".
C’est elle qui doit se laisser " génériquement différencier ".
Ce n’est pas un hasard si Yorck appelle " l’ontique ", purement et simplement, l’étant qui n’est pas historial-mais plutôt un effet indirect de la souveraineté intacte de l’ontologie traditionnelle, qui, provenant du questionnement antique sur l’être, maintient la problématique ontologique dans une restriction fondamentale.
Le problème de la différenciation entre l’ontique et l’historique ne peut être élaboré à titre de problème de recherche que s’il s’est préalablement assuré, grâce à la clarification fondamentalontologique de la question du sens de l’être en général, de son fil conducteur Et ainsi comprend-on aussi en quel sens l’analytique temporalo-existentiale préparatoire du Dasein est résolue à cultiver l’esprit du comte Yorck afin de mieux servir l’oeuvre de Dilthey.
" Afin de manifester que et comment la temporalité constitue l’être du Dasein, nous avons montré que l’historialité comme constitution d’être de l’existence est " en son fond " temporalité.
L’interprétation du caractère temporel de l’histoire s’est accomplie sans égard pour le " fait " que tout provenir se déroule " dans le temps ".
A la compréhension quotidienne du Dasein, qui ne connaît facticement toute histoire qu’en tant que devenir " intratemporel ", notre analyse temporalo-existentiale de l’historialité a refusé la parole.
Mais si l’analytique existentiale doit justement rendre le Dasein ontologiquement transparent en sa facticité, il faut aussi que son droit soit expressément restitué à l’explicitation " ontico- temporelle " factice de l’histoire.
Le temps " où " de l’étant fait encontre requiert d’autant plus nécessairement une analyse fondamentale, que, en dehors de l’histoire, les processus naturels sont eux aussi déterminés " par le temps ".
Néanmoins, plus élémentaire encore que cette circonstance : le " facteur temps " intervient dans les sciences de l’histoire et de la nature est le fait que le Dasein.
avant même toute recherche thématique, " compte avec le temps " et s’oriente sur lui.
Et ici, de nouveau, ce qui apparaît décisif, c’est ce " compte " du Dasein " avec son temps " qui est antérieur à tout usage d’un instrument spécialement destiné à la détermination du temps.
Celui-là précède celui-ci, et c’est donc lui qui rend pour la première fois possible quelque chose comme un usage d’horloges.
Existant facticement, le Dasein, à chaque fois, " a " ou n’" a " pas " le temps ".
Il prend le temps de.
" Or pourquoi le Dasein prend-il " du temps " et pourquoi peut-il le " perdre " ? Où prend-il le temps ? Comment ce temps se rapporte-t-il à la temporalité du Dasein ? Le Dasein factice tient compte du temps sans comprendre existentialement la temporalité.
Avant même le poser la question de savoir ce que cela signifie : de l’étant est " dans le temps ", le comportement élémentaire du " compter " avec le temps a donc besoin d’être éclairci.
Or tout comportement du Dasein doit être interprété à partir de son être, c’est- à-dire de la temporalité.
Il faut montrer comment le Dasein comme temporalité temporalise un comportement qui se rapporte de telle manière au temps qu’il tient compte de lui.
Par suite, la caractérisation de la temporalité que nous avons donnée jusqu’à maintenant n’est pas seulement en général incomplète, dans la mesure où nous n’avons pas pris garde à toutes les dimensions du phénomène, mais elle est fondamentalement lacunaire, puisqu’il appartient à la temporalité elle-même quelque chose comme un temps-du-monde au sens strict du concept temporalo-existential du monde.
Comment cela est-il possible, pourquoi est-ce nécessaire ? Voilà ce qui doit être rendu compréhensible.
Ainsi le " temps " vulgaire bien connu " où " survient l’étant, et, avec lui, l’intratemporalité de cet étant, recevront-ils un éclairage.
" Le Dasein qui, chaque jour, prend le temps, trouve tout d’abord le temps à même l’étant à-portée-de-la-main et sous-la-main qui lui fait encontre à l’intérieur du monde.
Le temps ainsi " expérimenté ", il le comprend dans l’horizon de la compréhension prochaine de l’être, c’est-à-dire lui-même comme quelque chose de sous-la-main en quelque manière.
Comment et pourquoi en arrive-t-on à l’élaboration du concept vulgaire du temps, c’est ce qui exige d’être éclairci à partir de la constitution d’être, temporellement fondée, du Dasein préoccupé du temps.
Le concept vulgaire de temps doit sa provenance à un nivellement du temps originaire.
La monstration de cette origine du concept vulgaire de temps servira donc de justification à l’interprétation, antérieurement accomplie, de la temporalité comme temps originaire.
Dans l’élaboration du concept vulgaire de temps se manifeste une hésitation remarquable sur la question de savoir s’il convient d’attribuer au temps un caractère " subjectif " ou " objectif ".
Même lorsqu’on le conçoit comme étant en soi, on ne laisse pas de l’assigner de manière privilégiée à l’" lime ", et, au contraire, lorsqu’il est doué d’un caractère " conscient ", il fonctionne pourtant " objectivement ".
Dans l’interprétation du temps par Hegel, l’une et l’autre possibilités sont portées à une certaine assomption.
Hegel s’efforce de déterminer la connexion entre " temps " et " esprit " afin de faire comprendre par là pourquoi l’esprit comme histoire " tombe dans le temps ".
Dans son résultat, l’interprétation précédente de la temporalité du Dasein et de l’appartenance à elle du temps-du-monde parait converger avec celle de Hegel.
Cependant, comme la présente analyse du temps se distingue fondamentalement de Hegel dès le point de départ, et comme elle est orientée par son but propre - à savoir son intention fondamental-ontologique - en sens contraire de la sienne, une brève exposition de la conception hegélienne de la relation entre temps et esprit pourra n’être pas inutile pour clarifier - et conclure provisoirement - l’interprétation ontologico-existentiale de la temporalité du Dasein, du temps-du-monde et de l’origine du concept vulgaire de temps.
La question de savoir si et comment un " être " échoit au temps, pourquoi et en quel sens nous l’appelons " étant ", ne peut recevoir réponse que s’il est montré en quelle mesure la temporalité elle-même, dans le tout de sa temporalisation, rend possible quelque chose comme une compréhension de l’être et une advocation de l’étant.
Par suite, le plan de ce chapitre sera celui-ci : la temporalité du Dasein et la préoccupation du temps ( 79); le temps de la préoccupation et l’intratemporalité ( 80) ; l’intratemporalité et la genèse du concept vulgaire de temps ( 81); dissociation de la connexion ontologico-existentiale de la temporalité, du Dasein et du temps-du-monde par rapport à la conception hegélienne de la relation entre temps et esprit ( 82); l’analytique temporalo-existentiale du Dasein et la question fondamental-ontologique du sens de l’être en général ( 83).
Le Dasein existe comme un étant pour lequel, en son être, il y va de cet être même.
Essentiellement en-avant-de soi" il s’est projeté, avant toute simple considération après coup de soi-même, vers son pouvoir-être.
Dans le projet, il est dévoilé comme jeté.
Remis par le jet au " monde ", il échoit contre lui dans la préoccupation.
En tant que souci, c’est-à-dire existant dans l’unité du projet échéant-jeté, cet étant est ouvert comme Là.
Étant-avec autrui, il se tient dans un être-explicité médiocre qui est articulé dans le parler et ex-primé dans la parole.
L’être-au-monde s’est toujours déjà ex-primé, et, en tant qu’être auprès de l’étant qui lui fait encontre à l’intérieur du monde, il s’ex-prime constamment dans l’advocation et la discussion de l’étant même dont il se préoccupe.
La préoccupation circon-spectivement compréhensive se fonde dans la temporalité, et cela sur le mode du présentifier qui s’attend et conserve.
En tant que, dans sa préoccupation, il calcule, planifie, pourvoit et prévient, il dit toujours déjà, que ce soit à haute voix ou non : " alors ", cela doit arriver; " d’abord ", ceci doit être réglé ; " maintenant ", il faut rattraper ce qui " alors " avait échoué et échappé.
La préoccupation s’ex-prime dans le " alors " (futur) comme s’attendant, dans le " alors " (passé) comme conservant, dans le " maintenant " comme présentifiant.
Dans le " alors " (futur) est contenu le plus souvent implicitement le " maintenant pas encore ", c’est-à-dire qu’il est parlé dans un présentifier s’attendant-préservant (ou oubliant).
Le " alors " (passé) abrite en soi le " maintenant ne plus ".
Avec lui s’ex-prime le conserver comme présentifier qui s’attend.
Le " alors " futur et le " alors " passé sont co-compris par rapport à un " maintenant ", c’est-à-dire que le présentifier a son poids spécifique.
Sans doute il se temporalise toujours en unité avec le s’attendre et le conserver, quand bien même ceux-ci peuvent être également modifiés en oubli sans attente, mode en lequel alors la temporalité s’empêtre dans le présent qui, purement présentifiant, ne dit plus que " maintenant-maintenant ".
Ce à quoi la préoccupation s’attend comme plus proche est advoqué dans le " dans un instant ", et ce qui est rendu de prime abord disponible - ou perdu - est advoqué dans un " à l’instant ".
L’horizon du préserver qui s’ex-prime dans le " alors " (passé) est le " plus tôt ", celui du " alors " (futur) est le " plus tard " (" à l’avenir "), celui du " maintenant " l’" aujourd’hui ".
Mais tout " alors " (futur) est comme tel un " alors que.
", tout " alors " (passé) un " alors que.
", tout " maintenant ", un " maintenant que.
" Cette structure relative apparemment " évidente " du " maintenant ", du " alors " (passé) et du " alors " (futur), nous l’appelons la databilité.
Cependant.
il doit alors être encore fait totalement abstraction de la question de savoir si la datation s’accomplit facticement par rapport à une " date " calendaire.
Même sans de telles " dates ", les " maintenant ", les " alors " (futurs) et les " alors " (passés) dont datés de manière plus ou moins déterminée.
Si la déterminité de la datation fait défaut, cela ne veut pas dire que la structure de databilité soit absente ou fortuite.
Qu’est-ce donc qui appartient essentiellement à une telle databilité, et où se fonde celle- ci ? Mais, dira-t-on, est-il possible de poser une question plus superflue que celle-là ? Car avec le " maintenant que ", nous visons bel et bien " notoirement " un " point temporel " ! Le " maintenant " est temps.
Incontestablement, nous comprenons non seulement le " maintenant que " et les " alors que ", mais encore nous comprenons qu’ils sont liés " au temps ".
Oui, mais qu’ils désignent le " temps " lui-même" comment cela est possible et ce que " temps " veut dire, tout cela, pour autant, n’est point déjà conçu avec la compréhension " naturelle " du " maintenant ", etc.
Et même, est-il donc si " évident " que nous " comprenions sans autre forme de procès " et ex-primions si " naturellement " quelque chose comme le " maintenant ", le " alors " (futur) et le " alors " (passé) ? D’où prenons-nous ces " maintenant, que.
" ? Les aurions-nous trouvés parmi l’étant intramondain, parmi le sous-la-main ? Manifestement non.
Et les avons-nous même en général trouvés ? Avons-nous formé le projet de les chercher et de les constater ? " En tous temps " nous en disposons, sans les avoir expressément faits nôtres, constamment nous en faisons usage, quoique non toujours à haute voix.
La plus triviale et quotidienne des expressions, par exemple : " il fait froid " vise conjointement un " maintenant que.
" Or pourquoi le Dasein, dans l’advocation de ce dont il se préoccupe, ex- prime-t-il conjointement, quoique le plus souvent en silence, un " maintenant que.
" ou un " alors que.
" ? Réponse : parce que l’advocation explicitante de.
s’ex-prime conjointement elle-même, c’est-à-dire l’être ciicon-spectivement compréhensif auprès de l’à-portée-de-la- main qui laisse faire encontre celui-ci en le découvrant, et parce que cet advoquer et ce discuter qui se co-explicite se fonde dans un présentifier et n’est possible que comme tel Le présentifier s’attendant-conservant s’explicite.
Ce qui derechef n’est possible que parce que - en lui-même ekstatiquement ouvert - il est à chaque fois déjà ouvert pour lui- même et articulable dans l’explicitation compréhensive-parlante.
C’est parce que la temporalité constitue ekstatico-horizontalement l’être-éclairci du Là, que, dès l’origine elle est toujours déjà explicitable - et ainsi reconnue - dans le Là.
Le présentifier s’explicitant, autrement dit l’explicité advoqué dans le " maintenant ", nous l’appelons le " temps ".
Tout ce qui s’annonce ici, c’est que la temporalité, connaissable en tant qu’ekstatiquement ouverte, n’est de prime abord et le plus souvent connue que dans cet être-explicité préoccupé.
Toutefois, la compréhensibilité et la connaissabilité " immédiates " du temps n’excluent pas qu’aussi bien la temporalité originaire comme telle que, aussi, l’origine se temporalisant en elle du temps ex-primé ne demeurent in-connues et non-conçues.
Que la structure de la databilité appartienne essentiellement à ce qui est explicité avec le " maintenant ", le " alors " (futur) et le " alors " (passé), cela devient une preuve élémentaire de la provenance de cet explicité à partir de la temporalité s’explicitant.
Disant- maintenant ", nous comprenons toujours déjà conjointement, même sans le dire, un " (lors)que ceci est cela ".
Pourquoi donc ? Parce que le " maintenant " explicite un présentifier d’étant.
Dans le " maintenant que.
" se trouve le caractère ekstatique du présent.
La databilité du " maintenant ", du " alors " (futur) et du " alors " (passé) n’est que le reflet de la constitution ekstatique de la temporalité, et c’est pourquoi elle est essentielle au temps ex-primé lui-même.
La structure de databilité du " maintenant ", du " alors " (futur) et du " alors " (passé) est l’attestation que ceux-ci ont la temporalité pour souche, qu’ils sont eux-mêmes du temps.