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C’est sur la base de ce mode d’être vis-à-vis du monde qui ne laisse plus l’étant intramondain faire encontre que dans son pur a-spect (ειδος), c’est en tant que forme de ce mode d’être que devient possible un avisement exprès de l’étant ainsi rencontré.
Cet a-visement est toujours une orientation déterminée vers.
une visée du sous-la-main.
D’emblée, il prélève sur l’étant rencontré un " point de vue ".
Un tel avisement revêt lui-même la modalité d’un se-tenir spécifique auprès de l’étant intramondain.
Dans ce " séjour " — en tant que retrait de tout maniement ou utilisation — s’accomplit l’accueil du sous-la-main.
L’accueillir a le mode d’accomplissement de l’advocation et de la discussion de quelque chose comme quelque chose.
Sur la base de cet expliciter au sens le plus large, l’accueillir devient un déterminer.
L’accueilli et le déterminé peut être exprimé dans des propositions, et être conservé et préservé en tant qu’ainsi énoncé.
Cette conservation accueillante d’un énoncé sur.
est elle- même une guise de l’être-au-monde, et ne saurait être interprétée comme un " processus " par lequel un sujet se procure des représentations de quelque chose et les stocke à l’" intérieur " de lui-même, quitte à se demander éventuellement à leur propos comment elles " s’accordent " avec la réalité.
Tandis qu’il s’oriente vers l’étant et qu’il le saisit, le Dasein ne sort point de sa sphère intérieure où il serait d’abord enfermé, mais, conformément à son mode d’être originel, il est toujours déjà " dehors ", auprès d’un étant qui lui fait encontre dans le monde à chaque fois déjà découvert.
Quant au séjour déterminant auprès de l’étant à connaître, il n’est pas davantage un abandon de la sphère intérieure : même en cet " être-dehors " auprès de l’objet, le Dasein est " à l’intérieur ", mais en ce sens précis que c’est lui-même, en tant qu’être-au- monde, qui connaît.
Enfin, l’accueil du connu ne doit pas être compris comme un retour, après la sortie qui lui a permis de s’en saisir, du sujet, chargé de son butin, dans la " retraite " de la conscience ; au contraire, même en tant qu’il accueille, préserve et conserve, le Dasein connaissant demeure, en tant que Dasein, dehors.
Le " simple " savoir d’une relation d’être de l’étant, la " pure " représentation de cette relation, le fait d’y " penser, sans plus " ne me placent pas moins auprès de l’étant, dehors dans le monde, que ne le fait une saisie originaire.
Même l’oubli, où apparemment s’efface toute relation d’être à l’étant auparavant connu, doit être conçu comme une modification de l’être-à… originaire, et autant vaut de toute illusion et de toute erreur.
La connexion de dérivation qu’on vient de mettre en évidence entre les modes de l’être- au-monde constitutifs de la connaissance du monde le montre clairement : dans le connaître, le Dasein acquiert une nouvelle situation d’être à l’égard du monde à chaque fois déjà découvert dans le Dasein.
Cette nouvelle possibilité d’être peut se configurer de façon autonome, elle peut devenir une tâche et, sous forme de science, gouverner l’être-au-monde.
Cependant, pas plus que le connaître ne crée pour la première fois un " commercium " du sujet avec un monde, pas plus celui-ci ne résulte d’une action exercée par le monde sur un sujet.
Le connaître est un mode du Dasein fondé sur l’être-au-monde.
C’est pourquoi l’être- au-monde comme constitution fondamentale réclame une interprétation préalable C’est le moment structurel " monde " que, dans l’être-au-monde, il convient en premier lieu de manifester.
L’exécution de cette tâche paraît facile et si triviale que l’on croit encore et toujours en être dispensé.
Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire : décrire " le monde " comme phénomène ? Faire voir ce qui se montre, en fait d’" étant ", à l’intérieur du monde.
Le premier pas sera donc une énumération de ce qu’il y a " dans " le monde : des maisons, des arbres, des hommes, des montagnes, des astres.
Nous pouvons dépeindre l’" aspect " de cet étant et raconter ce qui survient en lui et avec lui.
Cependant, tout cela reste à l’évidence une " affaire " pré-phénoménologique, qui ne peut prétendre à aucune pertinence phénoménologique.
La description reste attachée à l’étant.
Elle est ontique.
Mais c’est l’être qui est cherché.
Le " phénomène " au sens phénoménologique a été déterminé formellement comme ce qui se montre en tant qu’être et structure d’être.
Décrire phénoménologiquement le " monde ", cela signifiera par conséquent : mettre en lumière et fixer conceptuellement et catégorialement l’être de l’étant sous-la-main à l’intérieur du monde.
L’étant à l’intérieur du monde, ce sont les choses, les choses naturelles et les choses " douées de valeur ".
Leur choséité devient problème ; et comme la choséité des dernières s’édifie sur la choséité des premières, c’est l’être des choses naturelles, la nature comme telle, qui formera le thème principal.
Le caractère d’être primordial des choses naturelles, des substances, est la substantialité.
Qu’est-ce qui en constitue le sens ontologique ? Avec cette question, la recherche est engagée sur une voie claire et univoque.
Et pourtant, est-ce là vraiment s’enquérir du " monde " de manière ontologique ? Ontologique, la problématique à l’instant caractérisée l’est sans aucun doute.
Néanmoins, quand bien même elle réussirait à fournir l’explication la plus pure de l’être de la nature, en parfaite conformité aux propositions fondamentales qu’énonce la science mathématique de la nature sur ce type d’étant, cette ontologie ne saurait atteindre le phénomène du " monde ".
Car la nature est elle-même un étant qui fait encontre à l’intérieur du monde et s’y laisse découvrir par différentes voies et à différents niveaux.
Devons-nous alors nous attacher en priorité à l’étant auprès duquel le Dasein se tient de prime abord et le plus souvent, à savoir les choses " douées de valeur " ? Ne sont-ce pas elles qui manifestent " proprement " le monde où nous vivons ? Il se peut en effet qu’elles manifestent de manière plus prégnante quelque chose comme " un monde ".
Et pourtant elles aussi sont encore de l’étant " à l’intérieur " du monde.
Ni la description ontique de l’étant intramondain, ni l’interprétation ontologique de l’être de cet étant ne touchent, comme telles, au phénomène " monde ".
Dans l’un et l’autre modes d’accès à l’" être objectif ", le " monde " est déjà — et diversement — " présupposé ".
N’est-il pas possible, enfin, de traiter le " monde " comme une détermination de l’étant cité ? Cet étant, nous le qualifions pourtant bien d’intramondain.
Le " monde " serait-il même un caractère d’être du Dasein ? Et tout Dasein aurait-il alors " de prime abord " son monde ? Mais le " monde " ne devient-il pas ainsi quelque chose de " subjectif " ? Ou comment dans ces conditions peut-il y avoir encore ce monde " commun " " dans " lequel nous sommes pourtant bel et bien ? Et lorsque la question du " monde " est posée, quel monde est-il donc visé ? Réponse : Ni celui-ci, ni celui-là, mais la mondanéité du monde en général.
Quel chemin suivre pour atteindre ce phénomène ? La " mondanéité " est un concept ontologique, qui désigne la structure d’un moment constitutif de l’être-au-monde.
Or nous connaissons l’être-au-monde comme une détermination existentiale du Dasein.
La mondanéité, par conséquent, est elle-même un existential.
En nous enquérant ontologiquement du " monde ", nous ne quittons donc en aucune manière le champ thématique de l’analytique du Dasein.
Le " monde ", au sens ontologique, n’est pas une détermination de l’étant que le Dasein n’est essentiellement pas, mais un caractère du Dasein lui-même.
Ce qui n’exclut pas que le chemin de la recherche du phénomène du " monde " doive passer par l’étant intramondain et l’être de cet étant.
La tâche d’une " description " phénoménologique du monde est si peu claire que sa seule détermination suffisante exige déjà des clarifications ontologiques essentielles.
Les considérations précédentes aussi bien que l’emploi courant du mot " monde " témoignent avec éclat de sa plurivocité.
Débrouiller cette multiplicité de sens peut être un bon moyen d’indiquer les divers phénomènes qui leur correspondent, ainsi que leurs connexions mutuelles : " Monde " est employé comme concept ontique et signifie alors le tout de l’étant qui peut-être sous-la-main à l’intérieur du monde.
" Monde " fonctionne comme terme ontologique et signifie l’être de l’étant nommé sous " Monde " peut alors très bien devenir le titre d’une région embrassant une multiplicité d’étants ; dans l’expression : le " monde " du mathématicien, par exemple, le monde signifie la région des objets possibles de la mathématique.
" Monde " peut être encore une fois compris dans un sens ontique.
Il ne désigne plus, à présent, l’étant que le Dasein n’est essentiellement pas et qui peut faire encontre de manière intramondaine, mais ce " où " un Dasein factice " vit " en tant que tel.
Le monde a ici une signification existentielle préontologique, qui comporte à nouveau diverses possibilités, selon que le monde désigne le monde " public " du " nous " ou le monde ambiant " propre " et prochain (domestique).
" Monde ", enfin, désigne le concept ontologico-existential de la mondanéité.
La mondanéité est elle-même modifiable selon le tout structurel à chaque fois propre à des " mondes " particuliers, mais elle implique l’a priori de la mondanéité en général.
Terminologiquement, nous prendrons ici le mot monde dans la troisième des significations citées.
S’il est parfois employé selon la première de ces significations, celle-ci sera signalée à l’aide de guillemets.
Par suite, l’adjectif " mondain " qualifiera terminologiquement un mode d’être du Dasein, jamais un mode d’être de l’étant sous-la-main " dans " le monde.
A celui-ci, nous réserverons les titres d’" appartenant au monde " ou " intramondain ".
Un regard sur l’ontologie traditionnelle nous apprend qu’en manquant l’être-au-monde comme constitution du Dasein, on passe du même coup à côté du phénomène de la mondanéité.
Au lieu de l’apercevoir, on tente d’interpréter le monde à partir de l’être de l’étant qui est sous-la-main de manière intramondaine, sans pour autant y être même d’abord découvert comme tel, c’est-à-dire à partir de la nature.
La nature, entendue de manière ontologico-catégoriale, est un cas-limite de l’étant intramondain possible.
Le Dasein ne peut découvrir l’étant comme nature qu’à l’intérieur d’un mode déterminé de son être-au-monde.
Ce connaître a le caractère d’une certaine démondanisation du monde.
La " nature " comme ensemble catégorial des structures d’être d’un certain étant faisant encontre à l’intérieur d’un monde ne saurait en aucun cas rendre la mondanéité intelligible.
De même le phénomène de la " nature " au sens du concept romantique de la nature, par exemple, n’est-il saisissable ontologiquement qu’à partir du concept de monde, c’est-à-dire à partir de l’analytique du Dasein.
Par rapport au problème d’une analyse ontologique de la mondanéité du monde, l’ontologie traditionnelle se meut — si tant est qu’elle aperçoive en général le problème — dans une impasse.
D’un autre côté, une interprétation de la mondanéité du Dasein et des possibilités et des modalités de sa mondanisation aura à montrer pourquoi le Dasein passe ontiquement et ontologiquement à côté du phénomène de la mondanéité en adoptant le mode d’être de la connaissance du monde.
Cependant, le phénomène de ce manquement de la mondanéité nous indique du même coup qu’il est besoin de précautions particulières pour assurer à l’accès au phénomène de la mondanéité le point de départ phénoménal correct, c’est- à-dire propre à empêcher le manquement cité.
Or la consigne méthodique en ce sens a déjà été donnée.
L’être-au-monde, donc aussi le monde lui-même, doivent être thématisés par l’analytique dans l’horizon de la quotidienneté médiocre considérée comme le mode d’être prochain du Dasein.
C’est à l’être-au-monde quotidien qu’il faut s’attacher, c’est en prenant phénoménalement appui sur lui que quelque chose comme le monde doit venir sous le regard.
Le monde prochain du Dasein quotidien est le monde ambiant.
La recherche emprunte la voie qui conduit de ce caractère existential de l’être-au-monde médiocre à l’idée de la mondanéité en général.
Nous cherchons la mondanéité du monde ambiant (la mondanéité ambiante) en passant par une interprétation ontologique de l’étant intérieur-au-monde- ambiant qui nous fait de prime abord encontre.
L’expression " monde ambiant " évoque, par son deuxième élément, la spatialité.
Et pourtant, ce caractère " environnant " constitutif du monde ambiant n’a point de sens primairement " spatial ".
Bien plutôt le caractère spatial qui appartient incontestablement à un monde ambiant ne peut-il être éclairci qu’à partir de la structure de la mondanéité.
C’est à sa lumière que la spatialité du Dasein, à laquelle on a déjà fait allusion au 12, deviendra visible.
Mais il se trouve que l’ontologie a déjà justement essayé d’interpréter à partir de la spatialité l’être du " monde " en tant que res extensa.
La tendance la plus extrême à une telle ontologie du " monde " — corrélative d’une orientation sur la res cogitans, qui ne coïncide ni ontiquement ni ontologiquement avec le Dasein — se manifeste chez Descartes.
L’analyse de la mondanéité ici tentée peut gagner en clarté en se démarquant de cette tendance.
Elle s’accomplit en trois étapes : A.
Analyse de la mondanéité ambiante et de la mondanéité en général.
B.
Illustration de l’analyse de la mondanéité par sa confrontation avec l’ontologie cartésienne du " monde ".
C.
L’ambiance du monde ambiant et la " spatialité " du Dasein.
La mise en lumière phénoménologique de l’être de l’étant qui fait de prime abord encontre s’opère au fil conducteur de l’être-au-monde quotidien.
Nous appelons celui-ci l’usage que, dans le monde, nous avons de l’étant intramondain.
Cet usage s’est déjà dispersé en une multiplicité de guises de la préoccupation.
Or, comme on l’a déjà montré, le mode prochain de l’usage n’est pas ce connaître qui ne fait plus qu’accueillir l’étant, mais la préoccupation qui manie, qui se sert de.
— et qui d’ailleurs possède sa " connaissance " propre.
La question phénoménologique doit donc tout d’abord porter sur l’être de l’étant qui fait encontre dans une telle préoccupation.
Mais nous avons besoin, pour assurer le regard ici requis, d’une remarque méthodique préparatoire.
Dans l’ouverture et l’explication de l’être, l’étant est toujours pré-et co-thématique, tandis que c’est l’être qui constitue le thème proprement dit.